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au sens strict, le bonapartisme vise à établir un régime impérial en France à la tête duquel
serait placé un membre de la famille de Napoléon Bonaparte ;
au sens large, le bonapartisme vise à établir un État national à exécutif fort et centralisé mais
d'essence républicaine et assis sur la consultation régulière du peuple par le biais
de plébiscites.
Le bonapartisme n'implique donc pas forcément l'adhésion à un système d'organisation
politique héréditaire mais peut au contraire s'accommoder d'une forme républicaine de
gouvernement1. Il repose sur la fusion des élites et l'adhésion populaire. Ces deux facettes
peuvent être distinctes ou confondues, selon les personnes et périodes.
Après la chute du Premier Empire, le bonapartisme perds en force et subsiste seulement chez
une poignée de pamphlétaires et de fidèles15, jusqu'au retour de l'Empereur.
Sous les Cent-Jours apparaît un bonapartisme jacobin, plus proche de l'esprit révolutionnaire et
républicain. Ses partisans peuvent accepter l'idée d'une dictature ne représentant plus la nation,
mais celle-ci doit rester temporaire, jusqu'à la paix27. Les bonapartistes jacobins ont des
aspirations démocratiques, souvent plus égalitaires que libertaires et
toujours anticléricales et antibourbonniennes28.
Parmi les thèmes caractéristiques de ce bonapartisme29 :
La mise en avant dans la propagande du risque d'un retour des bourbons, qui signerait la
réapparition des dîmes, du droit féodal et la remise en question de la vente des domaines
nationaux28.
Une haine soupçonneuse à l’égard des nobles et des prêtres ;
La défense de la liberté (la liberté de la presse fut totale sous les Cent-Jours) ;
Le thème de la patrie en danger, se traduisant par de violentes invectives contre l’Europe des
rois.
Le bonapartisme jacobin s’organise au sein de fédérations30 qui canalisent l’esprit révolutionnaire
et l’opinion bonapartiste. L'un des thèmes principaux de ces fédérations était l’honneur national
bafoué en 1814. Pour les fédérés des différentes provinces, Napoléon Ier symbolise la patrie et
la Révolution française qu’il réhabilite28.
Cependant les fédérés n’ont pas pu jouer en 1815 le rôle des sociétés populaires ou des comités
de surveillance de l'An II, pour la double raison du manque d’effectif et d’une méfiance
réciproque. Les chefs jacobins se méfiaient d’une renaissance du despotisme impérial (à
distinguer de la dictature temporaire jugée nécessaire), tandis que Napoléon n'avait aucune
sympathie pour ce nouveau jacobinisme28. Celui-ci ne favorisa pas les fédérations, il ne voulait
pas être le « roi d’une jacquerie » et il se laissa persuader que seuls une constitution et un
régime libéraux pouvaient sauver la situation30.
Le bonapartisme libéral[modifier | modifier le code]
C'est la version mise en pratique sous les Cent-Jours30 avec la suppression de la censure, celle
de l'acte additionnel aux constitutions de l’Empire, fruit de la collaboration entre Benjamin
Constant et Napoléon Ier. Cet acte additionnel, entre autres dispositions libérales, reconnaît aux
députés la qualité de représentants du peuple. Ce régime libéral n’est cependant pas un régime
parlementaire31.
Les Bonapartistes jacobins, tenants de la manière forte ou d’un nouveau 1793, considérèrent
avec inquiétude ce qu’ils percevaient comme une caricature d’Empire créée par des intellectuels
parisiens32.
Le bonapartisme de 1815, celui du vol de l'Aigle, est un courant patriotique. Il fait basculer à
gauche le bonapartisme ce dont témoigne sous la Restauration l’alliance objective entre libéraux
et bonapartistes31.
Après les Cent-Jours[modifier | modifier le code]
La période entre 1815 et 1848 est marquée par un déclin politique rapide du bonapartisme.
La légende napoléonienne ne fera par contre que croître28.
Au début de la monarchie de Juillet, et en dépit des quelques cris « Vive Napoléon II » lancés
pendant les Trois Glorieuses, le bonapartisme politique semble entrer dans une phase de
sommeil, accentuée par la mort en 1832 du fils de Napoléon Ier. Toutefois, la légende
impériale est très présente avec l'épisode de Sainte-Hélène qui la fonde42.
Les « Napoléonides » n'avaient plus de visées politiques, sauf Louis-Napoléon Bonaparte, le
neveu de l'Empereur. Il organisa deux coups d'État en 1836 à Strasbourg et en 1840
à Boulogne qui lui valurent d'être enfermé à la forteresse de Ham (qu'il appela son « université de
Ham »). Pendant cette période, il écrit plusieurs ouvrages, dont l’Extinction du paupérisme. Il
correspond aussi avec le journal Le Loiret43, auquel il adresse nombre de lettres ouvertes, dont
une réponse à Alphonse de Lamartine qui avait accusé son oncle d'avoir été le fossoyeur de la
Révolution44.
Il n'avait qu'une poignée de partisans mais avec eux, après la chute de la monarchie de Juillet, il
reconstitua un mouvement bonapartiste. Pour les élections à l'assemblée constituante, les fidèles
du Prince Louis-Napoléon créent un Comité napoléonien secret présidé par le général Piat. Peu
de bonapartistes sont élus, en dehors de grands noms élus sur des listes républicaines modérés
(le prince Murat) ou avancés (le prince Napoléon et Pierre Bonaparte). Aux élections
complémentaires de juin, la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte réalise une percée qui
stupéfie la classe politique, étant donné les faibles moyens dont elle disposait45.
Jusqu'au rétablissement de l'Empire, le Comité napoléonien servit de modèle à de nombreux
comités de province soutenant la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte. Les bonapartistes
n'y sont pas forcément majoritaires du fait d'un manque de cadres mais ils donnent l'impulsion et
ont la maîtrise des initiatives.
Le parti bonapartiste s'appuie sur une propagande centrée à Paris46. Argent, slogans, brochures
viennent de Paris, avec les agents chargés de leur diffusion en province. Dans cette tâche de
propagande, il ne faut pas négliger l'apport des sociétés philanthropiques comme
l'importante Société du Dix-Décembre issue des comités parisiens de 1848, un mouvement
constitué en 1848 sous la forme d'une société de secours mutuels, car les clubs politiques étaient
illégaux. Le nom choisi évoque le jour de l'élection à la Présidence. C'est un rassemblement
d'anciens militaires de l'armée impériale, de petits commerçants et d'ouvriers ou de chomeurs
mais on y trouve aussi des généraux ou colonels en retraite, des fils de personnalité
du 1er Empire. Son président est le général Jean-Pierre Piat. Il appuie l'action électorale des
candidats bonapartistes. Ces militants de l'ordre appliquent des méthodes musclées et
pourchassent les républicains qui manifestent, ils acclament le Prince-Président lors de ses
déplacements.
De plus, le bonapartisme bénéficie du soutien de journaux provinciaux. Dans plus de la moitié
des départements, un ou plusieurs journaux ont soutenu la candidature napoléonienne de
décembre 1848. Parallèlement, les partisans de Louis-Napoléon ont fondé de nombreux journaux
purement bonapartistes comme Le Président à Lyon ou Le Napoléon de la Moselle à Metz46.
Une fois élu président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte s'appuie sur le dévouement
et l'efficacité des préfets pour compenser les faiblesses de son parti.
L'électorat bonapartiste[modifier | modifier le code]
Buste de Napoléon III, conservé au château de Compiègne.
Un triple électorat bonapartiste apparaît lors de ces élections47 : un vote conservateur de notables
royalistes percevant le prince comme un rempart contre les républicains et le socialisme ; un vote
populaire paysan en général, parfois ouvrier, attiré par les propositions sociales du prince ; un
vote purement bonapartiste se caractérisant par des cris significatifs de « Vive l'Empereur ! »
souvent entendus en province. Ce dernier est répandu dans les départements de tradition
bonapartiste ou sensibles à la légende impériale, comme les Charentes, les Hautes-Pyrénées,
l'Yonne, l'Aube, la Haute-Marne, une partie de la Moselle… Lorsque ces trois votes se cumulent,
on obtient des pourcentages unanimistes comme dans la Charente (95 % des voix) ou la Creuse
(94 %).
Le ralliement des notables est un fait nouveau, la masse paysanne domine le vote bonapartiste
de façon écrasante.
Le jeu de bascule habile entre droite et gauche pratiqué par Louis-Napoléon Bonaparte lui
permet d'accéder à la présidence de la République française, puis à la suite du coup d'État du 2
décembre 1851 légitimé par le vote populaire des 20 et 21 décembre 1851, de devenir Empereur
des Français. Le plébiscite qui rétablit l'Empire modifie la géographie électorale du bonapartisme.
Celle-ci est désormais concentrée au Nord-Est de la France, dans des régions riches,
développées, industrialisées et modérées. Le vote balaie les réticences légitimistes dans l'Ouest
et le Midi et l'opposition démocrate-socialiste à Paris et dans le Sud-Est.
Le coup d'État de 1851[modifier | modifier le code]
« Les quatre Napoléon », imagerie exaltant la dynastie napoléonienne sous le Second
Empire. Napoléon Ier et Napoléon II surplombent Napoléon III et le prince Louis Napoléon.
Dès le coup d'État de 1851, le neveu de Napoléon Ier affirme poursuivre l'œuvre de son oncle48.
Celui-ci rétablit le suffrage universel, restreint par la droite en 185049, dissout l'Assemblée et
annonce la préparation d'une nouvelle constitution inspirée de celle proposée par son oncle48.
Les émeutes parisiennes qui suivirent le coup d'État, principalement le fait de républicains, durent
être réprimées par l'armée au canon lors de la "fusillade des boulevards"50. On voit également
apparaître une forte résistance provinciale et populaire, notamment dans les régions ayant voté
le plus à gauche, là aussi écrasée par l'armée50. Les répressions firent un total de
26 000 arrestations. En préparation du plébiscite, de nombreux cadres républicains furent
arrêtés, les journaux d'oppositions interdits, et 32 départements furent mis en état de siège51.
Le 20 et 21 décembre 1851, un plébiscite est organisé afin de légitimer le coup d'État, où le oui
l'emporte largement. Cet épisode marque le début du Second Empire et de sa nouvelle
constitution.
Les principaux courants bonapartistes du Second Empire[modifier | modifier le code]
On peut identifier quatre courants principaux chez les soutiens de Napoléon III52 :
Eugène Rouher.
Entre 1876 et 1879, l'implication du prince impérial, chef naturel du parti bonapartiste depuis la
mort de Napoléon III, s'accrut. Le Prince impérial rédigea un projet de constitution et donna ses
directives pour les élections et les fit parvenir à Rouher. Ainsi, il décida seul des candidatures en
Corse. À cette époque, le parti de l'Appel au peuple connut un regain de faveur ; à partir de 1876,
on assista à un retour en force des bonapartistes, avec une centaine de députés et un million de
voix. La victoire ne fut pas plus marquée, faute de candidats, car beaucoup avaient peur ou
n'osaient pas se présenter, alors que 60 % des candidats bonapartistes furent élus. En 1877,
cent sept députés bonapartistes siégeaient à la Chambre des députés.
Le Prince impérial.
les conservateurs cléricaux menés par les Cassagnac père et fils qui prônent l'alliance avec
les légitimistes ;
les populistes menés par Jules Amigues en rapport avec d'anciens communards ;
les libéraux menés par l'ancien garde des Sceaux, Émile Ollivier, proche des orléanistes ;
les fidèles d'Eugène Rouher, partisans de l'Empire autoritaire ;
les bonapartistes proches de la gauche républicaine, anticléricaux et sympathisants du
prince Jérôme Napoléon.
À cette fin, Louis-Napoléon a le projet de refondre la presse bonapartiste. Il souhaitait faire appel
aux « meilleures plumes »86. En 1876, il affirme : « Je tiens par-dessus tout à posséder un journal
de doctrine qui pourra traduire et expliquer ma pensée et donner la note juste sur toutes les
questions ». Des changements interviennent dans la presse du parti qu'il souhaitait refondre, en
particulier dans des journaux comme L'ordre ou Le Petit Caporal qui voit rentrer au sein de sa
direction le député de la Sarthe Haentjens en 1877, peut-être pour mieux contrôler l'un de ses
principaux rédacteurs, Jules Amigues, dont l'agitation inquiétait le prince86.
Il pensait que la République s'effondrerait d'elle-même. Face à son nouveau président Jules
Grévy, il préconise une « sympathique abstention » au motif que ce dernier était l'un des seuls
républicains ayant répondu en septembre 1870 à l'appel de l'Impératrice pour l'union nationale.
En 1879, le prince impérial meurt au Zoulouland en Afrique, ce qui émeut l'opinion et consterne le
mouvement bonapartiste.