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Le bonapartisme est une famille de pensée politique française, qui s'inspire des actions des

empereurs Napoléon Ier et Napoléon III. Le terme a deux acceptions :

 au sens strict, le bonapartisme vise à établir un régime impérial en France à la tête duquel
serait placé un membre de la famille de Napoléon Bonaparte ;
 au sens large, le bonapartisme vise à établir un État national à exécutif fort et centralisé mais
d'essence républicaine et assis sur la consultation régulière du peuple par le biais
de plébiscites.
Le bonapartisme n'implique donc pas forcément l'adhésion à un système d'organisation
politique héréditaire mais peut au contraire s'accommoder d'une forme républicaine de
gouvernement1. Il repose sur la fusion des élites et l'adhésion populaire. Ces deux facettes
peuvent être distinctes ou confondues, selon les personnes et périodes.

Histoire du bonapartisme[modifier | modifier le code]


Le bonapartisme a des racines anciennes, et ses théoriciens vont grandement s'inspirer
du césarisme antique, comme le montrent les nombreuses références napoléoniennes à l'Empire
romain2.
Son histoire proprement dites commence en 1790, où des penseurs comme
l'abbé Sieyès veulent terminer la Révolution française. Pour cela, ils cherchent un général, qui
devra prendre le pouvoir et rétablir l'ordre, en gardant les acquis révolutionnaires3.
Tout d'abord, le général Hoche est pressenti mais meurt en 1797 d'une tuberculose. Puis Sieyès
et ses amis pensent aussi à Moreau, à Jourdan ou à Bernadotte, mais ceux-ci étant réputés
trop jacobins, ils optent pour le général Joubert, qui est tué à la bataille de Novi. Ce fut
finalement Bonaparte, en raison de ses succès italiens, de sa popularité et de son charisme3. Ce
dernier prend le pouvoir lors du coup d'État du 18 Brumaire, en 1799, et insiste auprès de Sieyès
pour faire rédiger la nouvelle constitution par une commission, avant de la faire approuver par
référendum4.

Les réformes bonapartistes sous le Consulat et


l'Empire[modifier | modifier le code]
Articles connexes : Consulat (histoire de France), Premier Empire et Napoléon Ier.
Napoléon crée un certain nombre d'institutions qui garantiront la stabilité de l'État français
napoléonien : les fameuses « masses de granit » : lycées, Code civil français, écoles militaires,
etc. Aujourd'hui encore, certaines d'entre elles existent toujours en France, et plusieurs vont
même inspirer d'autre pays. Ainsi, le code civil va fortement influencer le droit d'autres pays
européens, au point d'être à l'origine de l'une des sous-familles des systèmes juridiques romano-
civilistes.
Sous le Consulat, le pouvoir législatif va petit à petit perdre en importance, au profit du pouvoir
exécutif5. Le pouvoir personnel de Napoléon ne va faire que croître, et l'administration de l'État va
se centraliser, contre la démocratie locale et les initiatives régionales apparues dans les
premières années de la Révolution6. Dans la constitution du consulat, le peuple est tenu éloigné
des prises de décision7. Le pouvoir disposait de puissants moyens pour orienter ou manipuler les
votants, et le processus peut même être qualifié de "comédie électorale"8.
L'administration va devenir un pouvoir autonome et hiérarchique, et va se complexifier. La justice
va être centralisée et hiérarchisée pour être mise au service de l'Empereur. Les juges, qui étaient
jusque là élus, sont désormais nommés par le pouvoir9. Ces évolutions ne sont par contre pas
nouvelles, et les bonapartistes s'inscrivent ici dans la continuité du Directoire.
La France bonapartiste du consulat est fortement hiérarchique. Napoléon va essayer de
remplacer la noblesse de l'ancien régime par les notables10. Le nouvel ordre social est fixé par
le Code civil, qui n'est pas une innovation bonapartiste sortie de nulle part, mais une synthèse
entre l'idéologie des personnes au pouvoir et de nombreux textes révolutionnaires11,12. La notion
de propriété, sanctifiée dans le code civil, fut par exemple inspirée par la déclaration des droits de
l'homme et du citoyen et par le droit romain. La hiérarchie fixée par le code Napoléon est par
contre à contre-courant du principe républicain et révolutionnaire de non-domination : une
inégalité est inscrite dans la loi entre le patron et ses employés, le mari et sa femme ou le père et
ses enfants. Les privilèges de la noblesse sont eux abolis12, bien que l'établissement d'une
noblesse d'empire laissait présager la réinstauration d'un système nobiliaire13.
Le régime bonapartiste voulu mettre fin aux divisions et aux factions de la France en dépolitisant
la nation14. Les partis devaient disparaître15, et la politique devait être laissée aux experts et
aux notables, et se réduire à une gestion rationnelle des affaires courantes16. Cela se traduisit
également par un muselage des oppositions, une censure des journaux et une épuration du
personnel politique. Le consulat fut caractérisé par la mise en place du régime de surveillance
policière centralisé et généralisé le plus efficace de son époque17. Celui-ci fut particulièrement
utilisé contre les opposants royalistes et surtout républicains et jacobins18.
Cet objectif de réconciliation nationale fut à la base du Concordat, qui mis fin au schisme
religieux provoqué par le refus de l'Église d'accepter la constitution civile du clergé. Celui-ci
subordonne l'église au gouvernement, et permis à l'exécutif d'encadrer l'ordre religieux19. Il admet
que la religion catholique est celle de la grande majorité des Français, en contrepartie de quoi le
premier consul obtient le pouvoir de nommer les évêques20.
L'armée fut renforcée par les bonapartistes tout au long du régime21. Des décorations militaires
furent mises en place, et l'armée devient l'une des principales sources d'ascension sociale.
Cependant, Napoléon et les bonapartistes furent dans un premier temps les artisans
d'une paix et d'une réconciliation avec les autres États européens qui mis fin aux guerres de la
révolution française22 (jusqu'à ce qu'elles reprennent en 1803 avec les guerres napoléoniennes).
Les bonapartistes en profitèrent pour réaffirmer l'emprise de la France sur les colonies et les
territoires conquis pendant la révolution avec une politique impérialiste et, à bien des
égards, réactionnaire23. L'idée était notamment de faire concurrence à l'Angleterre sur le terrain
colonial. Le rétablissement de l'esclavage, et les sanglantes répressions qui en suivirent
s'inscrivirent dans cette logique24. Ce n'est qu'après l'échec de la stratégie coloniale et la vente de
la Louisiane que les bonapartistes se désintéressèrent des colonies pour se concentrer sur leurs
conquêtes européennes.
Enfin, le culte du chef, dont la légitimité reposait sur les plébiscites régulièrement organisés par le
régime25, fut particulièrement mis en avant par les bonapartistes. L'hérédité d'un pouvoir
autocratique fut rétablie, tandis que les symboles républicains étaient conservés. Un mythe
d'homme providentiel, sauveur de la république, se mis en place. La propagande officielle n'en fut
cependant pas la seule responsable : les artistes et les journalistes n'étant pas apparentés au
régime participèrent grandement à cette héroïsation, qui alimente encore aujourd'hui le
bonapartisme26.

Le bonapartisme des Cent-Jours[modifier | modifier le code]


Article connexe : Cent-Jours.

Le bonapartisme jacobin[modifier | modifier le code]


L'empereur Napoléon Ier, 1815, peint par Émile-Jean-Horace Vernet

Après la chute du Premier Empire, le bonapartisme perds en force et subsiste seulement chez
une poignée de pamphlétaires et de fidèles15, jusqu'au retour de l'Empereur.
Sous les Cent-Jours apparaît un bonapartisme jacobin, plus proche de l'esprit révolutionnaire et
républicain. Ses partisans peuvent accepter l'idée d'une dictature ne représentant plus la nation,
mais celle-ci doit rester temporaire, jusqu'à la paix27. Les bonapartistes jacobins ont des
aspirations démocratiques, souvent plus égalitaires que libertaires et
toujours anticléricales et antibourbonniennes28.
Parmi les thèmes caractéristiques de ce bonapartisme29 :

 La mise en avant dans la propagande du risque d'un retour des bourbons, qui signerait la
réapparition des dîmes, du droit féodal et la remise en question de la vente des domaines
nationaux28.
 Une haine soupçonneuse à l’égard des nobles et des prêtres ;
 La défense de la liberté (la liberté de la presse fut totale sous les Cent-Jours) ;
 Le thème de la patrie en danger, se traduisant par de violentes invectives contre l’Europe des
rois.
Le bonapartisme jacobin s’organise au sein de fédérations30 qui canalisent l’esprit révolutionnaire
et l’opinion bonapartiste. L'un des thèmes principaux de ces fédérations était l’honneur national
bafoué en 1814. Pour les fédérés des différentes provinces, Napoléon Ier symbolise la patrie et
la Révolution française qu’il réhabilite28.
Cependant les fédérés n’ont pas pu jouer en 1815 le rôle des sociétés populaires ou des comités
de surveillance de l'An II, pour la double raison du manque d’effectif et d’une méfiance
réciproque. Les chefs jacobins se méfiaient d’une renaissance du despotisme impérial (à
distinguer de la dictature temporaire jugée nécessaire), tandis que Napoléon n'avait aucune
sympathie pour ce nouveau jacobinisme28. Celui-ci ne favorisa pas les fédérations, il ne voulait
pas être le « roi d’une jacquerie » et il se laissa persuader que seuls une constitution et un
régime libéraux pouvaient sauver la situation30.
Le bonapartisme libéral[modifier | modifier le code]
C'est la version mise en pratique sous les Cent-Jours30 avec la suppression de la censure, celle
de l'acte additionnel aux constitutions de l’Empire, fruit de la collaboration entre Benjamin
Constant et Napoléon Ier. Cet acte additionnel, entre autres dispositions libérales, reconnaît aux
députés la qualité de représentants du peuple. Ce régime libéral n’est cependant pas un régime
parlementaire31.
Les Bonapartistes jacobins, tenants de la manière forte ou d’un nouveau 1793, considérèrent
avec inquiétude ce qu’ils percevaient comme une caricature d’Empire créée par des intellectuels
parisiens32.
Le bonapartisme de 1815, celui du vol de l'Aigle, est un courant patriotique. Il fait basculer à
gauche le bonapartisme ce dont témoigne sous la Restauration l’alliance objective entre libéraux
et bonapartistes31.
Après les Cent-Jours[modifier | modifier le code]
La période entre 1815 et 1848 est marquée par un déclin politique rapide du bonapartisme.
La légende napoléonienne ne fera par contre que croître28.

Le bonapartisme d’opposition sous la Restauration[modifier | modifier


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Les complots bonapartistes[modifier | modifier le code]
Sous la Restauration, les bonapartistes n’ont pas de représentants à la chambre des députés et
pas de réflexion doctrinale, ni d’associations ou de clubs pour se regrouper. Les partisans de
Napoléon et de son fils durent se contenter de brochures, almanachs, poèmes séditieux circulant
sous le manteau33. Néanmoins, ainsi véhiculées, les références bonapartistes inspirent les
auteurs de différents complots.
Ainsi, les complots libéraux de 1820 regroupèrent des militaires bonapartistes et diverses
associations crypto-républicaines sous la direction du comité directeur du parti libéral (La
Fayette, Corcelle, Dupont de l’Eure, d'Argenson). La conspiration du Bazar français voulait
soulever certains régiments stationnés à Paris, arborer les trois couleurs, proclamer Napoléon
II avec l’Acte additionnel de 1815. Les chefs libéraux obtinrent in extremis l’abandon du thème
impérial, au profit de la mise en avant du choix par la nation de son gouvernement34. On peut
également citer la conspiration de Randon et les troubles de Lyon (1817), où l’on distribua des
cocardes tricolores et acclama Napoléon II35.
Ces complots prouvaient qu’il existait encore des bonapartistes, paysans, ouvriers, demi-solde ou
anciens soldats démobilisés, croyant au retour possible de l’Empire et acceptant de risquer leur
tête à cette fin.
Cependant, après 1822, la duplicité des chefs du parti libéral, soucieux de réintégrer après
chaque tentative avortée une honorable légalité parlementaire, marqua une fracture avec la base
bonapartiste, lasse de risquer l’échafaud pour ne pas dénoncer les responsables36.
Le Mémorial de Sainte-Hélène[modifier | modifier le code]

Napoléon Ier dictant ses mémoires au comte Emmanuel de Las Cases.

Pour l'historien Jean Tulard, Le Mémorial de Sainte-Hélène devint le bréviaire du


bonapartisme37 et de fait sa publication en 1823 empêcha la dilution de la mouvance bonapartiste
au sein de la nébuleuse libérale33. Cette contribution à l'élaboration du bonapartisme a été rendue
possible par le fait que Napoléon présente dans ce texte son œuvre historique à la lumière d'une
réflexion politique associant plusieurs thèmes fondamentaux38.
Avec le Mémorial, Napoléon reprit post mortem le contrôle de la doctrine bonapartiste qui lui avait
échappé depuis 1815.
Sociologie et positionnement politique du bonapartisme[modifier | modifier le code]
Sous la Restauration monarchique, la sociologie du courant bonapartiste est essentiellement
militaire ou paysanne, non pas tant les officiers en demi-soldes, mais les sous-officiers et
hommes de troupe (au nombre d’un million et demi) rentrés dans leur foyer, retournés à la terre
où ils influencent l’opinion rurale.
Néanmoins, le spectre social couvert par le mouvement bonapartiste est large, les prises de
position politiques priment sur les réflexes d’appartenance sociale32.
L’expérience impériale a progressivement évolué d’un couple « souveraineté populaire –
jacobinisme » pour tendre vers un couple « droit divin – absolutisme »39.
Les bonapartistes ont pu se référer à l’une ou l’autre de ces orientations, la référence patriotique
permettant de souder les différents courants.
Sous la Restauration, le bonapartisme acquiert ses caractéristiques fondamentales : il s'agit
d'une formule de pouvoir alliant la démocratie (passive) et l’autorité (agissante), formule centriste
située entre droite contre-révolutionnaire et gauche jacobine, s’appuyant sur un gouvernement
autoritaire et une administration centralisatrice40.
La position du bonapartisme sur l'échiquier politique n'est pas consensuelle. Selon Frédéric
Bluche, la position centrale ou centriste du système napoléonien est manifeste à condition de
préciser qu’il s’agit d’une formule instable et en perpétuelle évolution : le bonapartisme a pu
évoluer du centre gauche au centre droit, sans toutefois parvenir à élargir ce cadre à la gauche
ou à la droite39. Selon Thierry Lentz, les différentes branches du bonapartisme du premier empire
se sont cependant plutôt étalées du centre gauche à la droite autoritaire41.

Le bonapartisme et Napoléon III[modifier | modifier le code]


Reconstitution d'une force bonapartiste[modifier | modifier le code]

L'empereur Napoléon III.

Au début de la monarchie de Juillet, et en dépit des quelques cris « Vive Napoléon II » lancés
pendant les Trois Glorieuses, le bonapartisme politique semble entrer dans une phase de
sommeil, accentuée par la mort en 1832 du fils de Napoléon Ier. Toutefois, la légende
impériale est très présente avec l'épisode de Sainte-Hélène qui la fonde42.
Les « Napoléonides » n'avaient plus de visées politiques, sauf Louis-Napoléon Bonaparte, le
neveu de l'Empereur. Il organisa deux coups d'État en 1836 à Strasbourg et en 1840
à Boulogne qui lui valurent d'être enfermé à la forteresse de Ham (qu'il appela son « université de
Ham »). Pendant cette période, il écrit plusieurs ouvrages, dont l’Extinction du paupérisme. Il
correspond aussi avec le journal Le Loiret43, auquel il adresse nombre de lettres ouvertes, dont
une réponse à Alphonse de Lamartine qui avait accusé son oncle d'avoir été le fossoyeur de la
Révolution44.
Il n'avait qu'une poignée de partisans mais avec eux, après la chute de la monarchie de Juillet, il
reconstitua un mouvement bonapartiste. Pour les élections à l'assemblée constituante, les fidèles
du Prince Louis-Napoléon créent un Comité napoléonien secret présidé par le général Piat. Peu
de bonapartistes sont élus, en dehors de grands noms élus sur des listes républicaines modérés
(le prince Murat) ou avancés (le prince Napoléon et Pierre Bonaparte). Aux élections
complémentaires de juin, la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte réalise une percée qui
stupéfie la classe politique, étant donné les faibles moyens dont elle disposait45.
Jusqu'au rétablissement de l'Empire, le Comité napoléonien servit de modèle à de nombreux
comités de province soutenant la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte. Les bonapartistes
n'y sont pas forcément majoritaires du fait d'un manque de cadres mais ils donnent l'impulsion et
ont la maîtrise des initiatives.
Le parti bonapartiste s'appuie sur une propagande centrée à Paris46. Argent, slogans, brochures
viennent de Paris, avec les agents chargés de leur diffusion en province. Dans cette tâche de
propagande, il ne faut pas négliger l'apport des sociétés philanthropiques comme
l'importante Société du Dix-Décembre issue des comités parisiens de 1848, un mouvement
constitué en 1848 sous la forme d'une société de secours mutuels, car les clubs politiques étaient
illégaux. Le nom choisi évoque le jour de l'élection à la Présidence. C'est un rassemblement
d'anciens militaires de l'armée impériale, de petits commerçants et d'ouvriers ou de chomeurs
mais on y trouve aussi des généraux ou colonels en retraite, des fils de personnalité
du 1er Empire. Son président est le général Jean-Pierre Piat. Il appuie l'action électorale des
candidats bonapartistes. Ces militants de l'ordre appliquent des méthodes musclées et
pourchassent les républicains qui manifestent, ils acclament le Prince-Président lors de ses
déplacements.
De plus, le bonapartisme bénéficie du soutien de journaux provinciaux. Dans plus de la moitié
des départements, un ou plusieurs journaux ont soutenu la candidature napoléonienne de
décembre 1848. Parallèlement, les partisans de Louis-Napoléon ont fondé de nombreux journaux
purement bonapartistes comme Le Président à Lyon ou Le Napoléon de la Moselle à Metz46.
Une fois élu président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte s'appuie sur le dévouement
et l'efficacité des préfets pour compenser les faiblesses de son parti.
L'électorat bonapartiste[modifier | modifier le code]
Buste de Napoléon III, conservé au château de Compiègne.

Un triple électorat bonapartiste apparaît lors de ces élections47 : un vote conservateur de notables
royalistes percevant le prince comme un rempart contre les républicains et le socialisme ; un vote
populaire paysan en général, parfois ouvrier, attiré par les propositions sociales du prince ; un
vote purement bonapartiste se caractérisant par des cris significatifs de « Vive l'Empereur ! »
souvent entendus en province. Ce dernier est répandu dans les départements de tradition
bonapartiste ou sensibles à la légende impériale, comme les Charentes, les Hautes-Pyrénées,
l'Yonne, l'Aube, la Haute-Marne, une partie de la Moselle… Lorsque ces trois votes se cumulent,
on obtient des pourcentages unanimistes comme dans la Charente (95 % des voix) ou la Creuse
(94 %).
Le ralliement des notables est un fait nouveau, la masse paysanne domine le vote bonapartiste
de façon écrasante.
Le jeu de bascule habile entre droite et gauche pratiqué par Louis-Napoléon Bonaparte lui
permet d'accéder à la présidence de la République française, puis à la suite du coup d'État du 2
décembre 1851 légitimé par le vote populaire des 20 et 21 décembre 1851, de devenir Empereur
des Français. Le plébiscite qui rétablit l'Empire modifie la géographie électorale du bonapartisme.
Celle-ci est désormais concentrée au Nord-Est de la France, dans des régions riches,
développées, industrialisées et modérées. Le vote balaie les réticences légitimistes dans l'Ouest
et le Midi et l'opposition démocrate-socialiste à Paris et dans le Sud-Est.
Le coup d'État de 1851[modifier | modifier le code]
« Les quatre Napoléon », imagerie exaltant la dynastie napoléonienne sous le Second
Empire. Napoléon Ier et Napoléon II surplombent Napoléon III et le prince Louis Napoléon.

Dès le coup d'État de 1851, le neveu de Napoléon Ier affirme poursuivre l'œuvre de son oncle48.
Celui-ci rétablit le suffrage universel, restreint par la droite en 185049, dissout l'Assemblée et
annonce la préparation d'une nouvelle constitution inspirée de celle proposée par son oncle48.
Les émeutes parisiennes qui suivirent le coup d'État, principalement le fait de républicains, durent
être réprimées par l'armée au canon lors de la "fusillade des boulevards"50. On voit également
apparaître une forte résistance provinciale et populaire, notamment dans les régions ayant voté
le plus à gauche, là aussi écrasée par l'armée50. Les répressions firent un total de
26 000 arrestations. En préparation du plébiscite, de nombreux cadres républicains furent
arrêtés, les journaux d'oppositions interdits, et 32 départements furent mis en état de siège51.
Le 20 et 21 décembre 1851, un plébiscite est organisé afin de légitimer le coup d'État, où le oui
l'emporte largement. Cet épisode marque le début du Second Empire et de sa nouvelle
constitution.
Les principaux courants bonapartistes du Second Empire[modifier | modifier le code]
On peut identifier quatre courants principaux chez les soutiens de Napoléon III52 :

 les bonapartistes "officiels", proches de l'empereur


 les bonapartistes "bleus", proches du prince Napoléon-Jérome, populaires et anticléricaux
 les légitimistes influencés par le bonapartisme, proches du Comte de Chambord, qui mènent
une politique agressive pour l'ordre
 les orléanistes qui se sont rallié à l'empire, en faveur d'un régime plus libéral et parlementaire
Si durant les premières années, ce sont les deux premières familles qui dominent le mouvement,
la montée en puissances des orléanistes va mener à l'empire libéral vers la fin des années
1860s52.
Les réformes des bonapartistes[modifier | modifier le code]
Article connexe : Second Empire.
La constitution du Second Empire concentre à nouveau le pouvoir entre les mains du chef de
l'État : il contrôle presque seul la justice, l'armée, les traités, l'initiative des lois, et peut nommer à
tous les emplois publics53,54. Les pouvoirs des parlements sont réduits, l'empereur peut dissoudre
le Corps législatif et nomme les sénateurs53. Il n'existe dans la constitution aucune
vraie séparation des pouvoirs55. Lors des élections législatives, un candidat sélectionné par le
pouvoir est dit officiel. Un candidat officiel voit ses frais de campagne payés par l'État, il dispose
de plus de visibilité médiatique et l'administration doit le soutenir56. Le régime n'hésite pas non
plus à employer la propagande en masse55.
Napoléon III propose des initiatives sociales dès 1849, par exemple la création de la première
cité ouvrière57. Celui-ci va aussi renforcer les sociétés de secours mutuel, tout en les réorganisant
pour les placer sous le contrôle des notables58. Il organise également de nombreuses soupes
populaires. Néanmoins, selon l'historien Alain Plessis, si on regarde la période dans son
ensemble, le Second Empire est une période de renforcement du pouvoir des notables lorsque
ceux-ci soutiennent le pouvoir plutôt qu'une période d'émancipation du peuple rural59.
En dépit d'une légère baisse de la croissance par rapport au début du XIXe siècle60,
l'agriculture61 et le commerce62 connaissent un grand essor. La qualité et la quantité de la
consommation alimentaire s'améliore grandement, et on observe une quasi disparition des
maladies de carences63. La modernisation des moyens de transport permet, elle, de multiplier le
nombre de commerçants62. Les succès de l'industrie ne sont eux pas homogènes, et varient
d'une nette croissance à une stagnation selon les années et les secteurs, ce qui témoigne d'une
décélération comparé à la période de la monarchie de Juillet64.
L'Empereur et les bonapartistes utilisent les avancées techniques concernant les moyens de
transport pour transformer le cadre de vie urbain63. La période est marquée par une forte lutte
contre l'insalubrité, l'aménagements d'égouts, la création de parc et l'organisation de transports
publiques, particulièrement à Paris65. Le niveau de vie des ruraux s'améliore également66.
L'accès à l'instruction est facilité par les bonapartistes. L'éducation gratuite est élargie, et
l'analphabétisme recule. L'empire est cependant tiraillé entre des prétentions religieuses, qui
voudraient une éducation plus catholique, et des prétentions républicaines, qui voudrait qu'elle
soit plus universaliste et accessible67. Les établissements littéraires et scientifiques rayonnent
particulièrement, y compris à l'étranger68.
Les bonapartistes luttent contre les partis et interdisent les réunions politiques. Ils veulent
dépolitiser la nation, afin qu'elle ne soit plus gérée que par des experts69. Napoléon III met en
place une importante censure, et le pouvoir examine les journaux, pièces de théâtres et livres
avant leur publication dans un objectif de contrôle70. Les objectifs sont politiques, la censure
touchant les œuvres critiquant le pouvoir en place, le capitalisme ou les classes supérieures71,
mais aussi moraux72 et religieux73. La censure s'attaquait à la liberté d'expression55, et affectait
ainsi les œuvres jugées trop "libertines", "grivoises", qui portaient atteinte à la famille
traditionnelle ou qui avaient pour objectif d'émanciper la femme72. La répression politique va aussi
particulièrement concerner les républicains74, dont les groupes vont être démantelés, et qui vont
parfois être emprisonnés ou exilés tout au long du régime, à l'image de Victor Hugo75. À partir de
1858, une loi permet au pouvoir d'emprisonner ou déporter tout ennemi politique76.
Au fil des années, l'opposition républicaine et libérale va gagner en puissance face aux
bonapartistes, ce qui va conduire l'empire à plusieurs vagues de libéralisation76. L'empereur va
alors être forcé de faire des concessions lors des années 1860s, et il va accorder plus de pouvoir
aux parlements76. Il va aussi devoir conduire une politique d'ouverture, en incluant des
républicains, libéraux et orléanistes dans son gouvernement, tel que le républicain Émile
Ollivier77. Les répressions vont se faire moins dures, et le régime va accorder un peu plus de
liberté aux journaux. En 1870, l'empire s'est rapproché d'une monarchie
parlementaire bicamérale77, en gardant la particularité du recours au plébiscite. La vie politique
citoyenne, réprimée depuis le début de l'empire, réapparaît78.
Pour faire face à ces oppositions, les bonapartistes vont entre autres mener une politique
étrangère active. L'empereur s'emploie à de nombreuses conquêtes, tout en respectant le
principe des nationalités. Ses succès vont lui conférer un certain prestige, et une popularité
accrue79.
Le plébiscite de mai 1870, largement remporté avec plus de 80% des voix, paraît garantir le
prolongement du Second Empire au-delà de la mort de Napoléon III80. Celui-ci reste très
populaire à la veille de la guerre de 1870.
La défaite de Sedan[modifier | modifier le code]
En septembre 1870, la défaite de Sedan permet à la foule d'envahir le corps législatif et de
proclamer la République81. Dès lors, le bonapartisme se reconstitue en tant que force politique
importante dans le jeu politique français. Il restait après tout encore un attachement à l'empereur
chez une partie de la population82.
En 1871, un décret interdit les candidatures aux élections pour les anciens préfets et tout le
personnel bonapartiste (députés, sénateurs, etc.)82. Malgré cela, une vingtaine de députés
bonapartistes arrive à l'Assemblée nationale, dont cinq seulement refusent de voter la
déchéance.
À partir de 1872, dans le cadre des élections législatives partielles, on observe une remontée du
mouvement bonapartiste, alors dirigé par Eugène Rouher, surnommé « Le Vice-Empereur ». Le
parti bonapartiste, de l'« Appel au peuple », a un groupe parlementaire redouté83. Le but affiché
de toutes les forces bonapartiste est d'organiser un plébiscite qui permettrait de refonder le
deuxième empire, objectif qu'ils échoueront à accomplir de part leur trop faible nombre84.
Après l'échec de la Commune, quelques dignitaires de l'Empire rentrent en France afin de
reformer une force politique nationale. Peu à peu se reconstitue un réseau bonapartiste soutenu
par une presse active et offensive. Napoléon III et ses partisans envisagent un retour en France
semblable dans la forme au retour de l'île d'Elbe, mais la mort de l'empereur exilé met un terme à
ces projets et désorganise le mouvement85.

Le bonapartisme sous le Prince impérial (1873-


1878)[modifier | modifier le code]

Eugène Rouher.

Entre 1876 et 1879, l'implication du prince impérial, chef naturel du parti bonapartiste depuis la
mort de Napoléon III, s'accrut. Le Prince impérial rédigea un projet de constitution et donna ses
directives pour les élections et les fit parvenir à Rouher. Ainsi, il décida seul des candidatures en
Corse. À cette époque, le parti de l'Appel au peuple connut un regain de faveur ; à partir de 1876,
on assista à un retour en force des bonapartistes, avec une centaine de députés et un million de
voix. La victoire ne fut pas plus marquée, faute de candidats, car beaucoup avaient peur ou
n'osaient pas se présenter, alors que 60 % des candidats bonapartistes furent élus. En 1877,
cent sept députés bonapartistes siégeaient à la Chambre des députés.
Le Prince impérial.

Le prince impérial chercha à unifier les différentes tendances du parti :

 les conservateurs cléricaux menés par les Cassagnac père et fils qui prônent l'alliance avec
les légitimistes ;
 les populistes menés par Jules Amigues en rapport avec d'anciens communards ;
 les libéraux menés par l'ancien garde des Sceaux, Émile Ollivier, proche des orléanistes ;
 les fidèles d'Eugène Rouher, partisans de l'Empire autoritaire ;
 les bonapartistes proches de la gauche républicaine, anticléricaux et sympathisants du
prince Jérôme Napoléon.
À cette fin, Louis-Napoléon a le projet de refondre la presse bonapartiste. Il souhaitait faire appel
aux « meilleures plumes »86. En 1876, il affirme : « Je tiens par-dessus tout à posséder un journal
de doctrine qui pourra traduire et expliquer ma pensée et donner la note juste sur toutes les
questions ». Des changements interviennent dans la presse du parti qu'il souhaitait refondre, en
particulier dans des journaux comme L'ordre ou Le Petit Caporal qui voit rentrer au sein de sa
direction le député de la Sarthe Haentjens en 1877, peut-être pour mieux contrôler l'un de ses
principaux rédacteurs, Jules Amigues, dont l'agitation inquiétait le prince86.
Il pensait que la République s'effondrerait d'elle-même. Face à son nouveau président Jules
Grévy, il préconise une « sympathique abstention » au motif que ce dernier était l'un des seuls
républicains ayant répondu en septembre 1870 à l'appel de l'Impératrice pour l'union nationale.
En 1879, le prince impérial meurt au Zoulouland en Afrique, ce qui émeut l'opinion et consterne le
mouvement bonapartiste.

Le bonapartisme divisé entre plébiscitaires et impérialistes (1878-


1891)[modifier | modifier le code]
Néanmoins, le testament du prince impérial favorise l'apparition de deux courants au sein du parti
bonapartiste : le fils de Napoléon III demandait au prince Victor de continuer l'œuvre des deux
Empereurs et non à son père le prince Napoléon. La majorité des bonapartistes suivent les
dispositions du testament87 du prince impérial, d'autres préfèrent se rallier aux jérômistes, c'est-à-
dire les partisans du prince Napoléon.
Dès juillet 1879, des campagnes de presse sont organisées en faveur du prince Victor, surtout
par Paul de Cassagnac et Jules Amigues, les directeurs des deux journaux bonapartistes les plus
importants : Le Pays et Le Petit Caporal. Paul de Cassagnac, dans Le Pays du 4 juillet 1879,
apporte déjà clairement son soutien au prince Victor.
Le refus du prince Napoléon d'accepter le codicille du prince impérial sème le trouble et la
division au sein du parti bonapartiste. Il provoque de multiples polémiques, qui profitèrent aux
ennemis de la cause napoléonienne et brisèrent les liens entre Victor et son père.
Les impérialistes favorables à l'exécution des dispositions testamentaires du prince impérial
relatives à sa succession font alors de multiples démarches auprès du prince Victor. Paul de
Cassagnac et Jules Amigues contactent Victor lors de son voyage d'études d'un an
en Allemagne. Ils veulent l'inciter à accepter l'héritage du prince impérial.
Toutes les démarches faites auprès de Victor étaient cachées à son père. C'est pourquoi, en
septembre et octobre 1882, Victor s’inquiète lors de la parution d'articles dans les journaux
mentionnant des engagements de sa part avec Cassagnac. Il s'empresse de démentir ces bruits,
il affirme ne pas connaître Cassagnac et garantit son soutien à son père.
Le bonapartisme se scinde en deux groupes principaux :

 le bonapartisme « rouge » des jérômistes ou plébiscitaires, à vocation radicale, plus proche


de l'extrême-gauche bourgeoise et anticléricale ;
 le bonapartisme des victoriens ou impérialistes, soutenu par les notables et les députés du
parti, plus proche des idées sociales et modérées de Napoléon III.
Peu d'hommes suivent le prince Napoléon. Cette absence de soutien se manifeste y compris
parmi les bonapartistes les plus à gauche, comme Jules Amigues, qui souhaitait une politique
plus sociale que celle du prince Napoléon, qui pour être républicain et anticlérical (mais pas
irréligieux), n'était pas plus socialiste que Léon Gambetta88. En 1880, le prince Napoléon renonce
à toute prétention dynastique.
Néanmoins, ses partisans, les plébiscitaires, voient dans l'aventure boulangiste l'occasion de
faire triompher leurs idées. L'un d'eux, le journaliste Georges Thiébaud, organise une rencontre
entre le prince Napoléon et le général Boulanger, le 2 janvier 1888. Ils s'accordent pour maintenir
la république tout en recourant au suffrage universel pour désigner le chef de l'État89, les deux
hommes envisageant de se présenter à la magistrature suprême. Le slogan boulangiste
« Dissolution, Révision, Constituante » enthousiasme les plébiscitaires, étonnés d'être rejoints
dans l'aventure boulangiste par les impérialistes, pourtant hostiles à toute solution républicaine.
Pour détacher le général Boulanger des royalistes, le prince Napoléon demande l'aide financière
de l'impératrice Eugénie, mais celle-ci refuse et n'apporte son aide qu'aux journaux victoriens.
L'échec du boulangisme entraîne un affaiblissement du bonapartisme.

Le bonapartisme sous le prince Victor (1891-1926)[modifier | modifier


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Durant la fin du XIXe siècle, l'affaiblissement du mouvement s'accentua, malgré un certain regain
d'enthousiasme lors de l'épisode boulangiste des années 1880 qui avait rallié plusieurs
bonapartistes. De plus, de nombreux bonapartistes gardèrent leurs opinions politiques mais se
rallièrent à la Troisième République.
Progressivement, les fiefs électoraux des notables bonapartistes déclinèrent. Les plus durables
furent les Charentes, le Gers, la Corse. Ainsi, le baron Eschassériaux, qui fut surnommé le « roi
des Charentes », ne se représenta pas en 1893. Le radicalisme rongea progressivement la
clientèle bonapartiste dans le Sud-Ouest. Le Gers, dont 4 députés sur 5 étaient bonapartistes en
1876, vit son conseil général passer aux républicains en 1889 et Paul de Cassagnac fut battu en
1902.
Vers 1900, le bonapartisme dynastique qui vise à rendre le trône aux Bonaparte est presque
mort. En 1902, seuls cinq bonapartistes furent élus députés. Le prince Victor, après avoir
défendu l'idée d'un Troisième Empire, se rallia progressivement à l'idée d'une république
présidentielle dont le chef de l'État devait être élu au suffrage universel, idée qu'avait incarnée
Napoléon III entre 1848 et 1852, à l'instar de la République consulaire (1799-1804). Il rédigea
dans cette perspective un programme politique détaillé qu'il ne communiqua qu'à quelques
proches.
Ralliés à l'Union sacrée de Clemenceau pendant la Grande guerre, les comités plébiscitaires
remportèrent certains succès dans la suite immédiate de la Première Guerre mondiale. L'année
1919 fut ainsi particulièrement faste pour les bonapartistes avec l'entrée de près de vingt députés
à la chambre « bleu horizon », parmi lesquels Paul de Cassagnac et le prince Murat. Le
mouvement dont les cadres étaient issus de l'Association bonapartiste des anciens
combattants changea plusieurs fois de noms (Comité, puis Parti de l'Appel au peuple), son
organe restant La Volonté nationale fondée en 1907. Cependant, la victoire du cartel des
gauches en 1924 fut fatale à la plupart des députés plébiscitaires.

Le bonapartisme sous le prince Louis (1926-1997) et


après[modifier | modifier le code]
Après la mort du prince Victor en 1926, une feuille bonapartiste est lancée au début des années
trente : Brumaire, qui remplace progressivement La Volonté nationale.
Durant les années 1930, le mouvement est très actif, surtout à Paris ; il est constitué de
beaucoup de jeunes[Combien ?]. Avec la défaite militaire, le mouvement est dissous par le prince
Louis, qui s'illustre dans la Résistance, comme son cousin, le prince Murat, tué au combat. La
dissolution de toutes les structures bonapartistes évite leur récupération par l'occupant. Certains
doctrinaires bonapartistes, comme Pierre Costantini, s'engagent toutefois activement dans
la collaboration et adhèrent à la politique du Régime de Vichy.
Le bonapartisme est resté vivace en Corse, et plus particulièrement à Ajaccio, dont la principale
force municipale a très longtemps été le Comité central bonapartiste, qui eut des élus au
Parlement français jusque dans les années 1990. En 1977, le maire d'Ajaccio, Charles Ornano,
fut élu sous l'étiquette bonapartiste.
Depuis la mort du prince Louis en 1997, le mouvement bonapartiste est ressuscité brièvement
dans les années 1990 avec le Rassemblement bonapartiste. L'an 2000 voit la naissance de
France bonapartiste90 sous l'impulsion de Thierry Choffat.

Analyse du bonapartisme[modifier | modifier le code]

Couple photographié sous le Second Empire, 1865.

Les thèmes du bonapartisme[modifier | modifier le code]


Les thèmes fondamentaux du bonapartisme furent exposés dès le Mémorial de Saint-Hélène37.
Ceux-ci furent ensuite repris par Napoléon III et d'autres bonapartistes.
Selon l'historien Thierry Lentz, les quatre principaux thèmes du bonapartisme de Napoléon
Ier sont les suivants41 :
 la souveraineté populaire, se manifestant généralement par la voie du plébiscite
 la concentration de l'autorité et du pouvoir entre les mains de l'exécutif
 le maintient de l'ordre et la stabilité du pays via la réconciliation nationale autour du chef
 le contrôle des libertés publiques
D'autres thèmes furent important, bien qu'ils puissent être plus variables selon les courants, la
période ou les personnes :

 la conception hiérarchique de la société impliquant la constitution d'une élite fondée sur le


mérite
 le bien-fondé d'une administration centralisée6
 la lutte contre les partis divisant la nation14
 la grandeur de la Patrie
 le pragmatisme41
 l'autoritarisme17
 le respect du principe des nationalités
 le conservatisme des mœurs91,92
 la préservation de certains acquis positifs de la Révolution française12
 l'abolition des privilèges de la noblesse
En plus de la reprise de ces thèmes, le futur Napoléon III entrepris d'articuler la défense des
pauvres avec la théorie bonapartiste93, dans des textes comme Rêveries politiques en
1832, Considération politiques et militaires sur la Suisse en 1833, Des idées napoléoniennes en
1839 ou Extinction du paupérisme en 1844. Ce soucis social sera cependant dans la pratique
toujours secondaire par rapport à l'ordre, l'unité nationale et le conservatisme94.
Les différentes tendances du bonapartisme ont insisté davantage sur tel ou tel aspect mais
toutes dérivaient d'une base commune issue du Mémorial, qui peut être résumé par la formule
«l'Autorité dans la Démocratie», une tentative de synthèse des différents courants qui se sont
opposés lors de la Révolution française.
La plupart des bonapartistes ne se limitent plus à l'attachement au gouvernement impérial fondé
par Napoléon et à sa dynastie. Pour eux, les seuls critères valables pour que quelqu'un puisse
prétendre au titre d'autocrate sont sa compétence et l'approbation populaire95.
Le bonapartisme ne saurait être, selon Frédéric Bluche, classé à droite car il se situe au centre
de l'échiquier politique et des intérêts sociaux.

Le bonapartisme comme tradition politique[modifier | modifier le code]


Article connexe : Les Droites en France.
René Rémond fait du bonapartisme l'un des trois courants de la droite, avec l'orléanisme et
la contre-révolution. Celui-ci montre qu'il y a une filiation directe entre le bonapartisme et des
courants de droite plus récents, ce qui permet au bonapartisme de garder une certaine continuité
jusqu'à nos jours. Ainsi, après la fin du second empire, la tradition trouvera son expression dans
le nationalisme et dans le boulangisme. Des courants bonapartistes se retrouveront à l'Action
française, et les ligues d'extrême droite de l'entre-deux guerre s'inscriraient également dans cette
tradition. Le gaullisme et ses descendants seraient les avatars de cette tradition lors de la IVème
et le début de la Vème république96. Enfin, la droite d'aujourd'hui serait toujours divisée entre des
courants libéraux hérités de l'orléanisme, et des courants autoritaires hérités du bonapartisme97.
Le bonapartisme s'individualise dans le refus de la division entre les partis, au profit de
l'affirmation de la grandeur et de l'unité nationale, s'opposant ainsi au front de classe des
socialismes, aux luttes partisanes du parlementarisme, à la césure censitaire de l'élitisme
libéral orléaniste ou à l'antimodernisme réactionnaire du légitimisme. Cette idéologie politique
valorise un chef plébiscitaire (en uniforme) auquel les circonstances permettent, pour sauver la
patrie de la désunion, d'instaurer un exécutif concentré dans ses mains qui fusionne les élites
dans une autorité hiérarchique96.
René Rémond admet que certains courants du bonapartisme (comme le gaullisme social) se
situent à gauche, mais considère que la vaste majorité de la tradition reste de droite. En effet, les
bonapartistes se seraient plus souvent alliés aux partis de droite qu'aux partis de gauche, et
s'asseyaient généralement dans la droite de l'assemblée. Rémond fait valoir que la peur des
rouges fut l'un des arguments de l'élection de Napoléon III. Enfin, les répressions ouvrières sous
le second empire achevèrent d'ancrer la tradition à droite96.
L'analyse de René Rémond fut remise en cause à de nombreuses reprises. Il lui fut reproché
par Michel Winock de ne pas avoir fait suffisamment de place à une droite national-populiste,
contestataire ou fasciste, et d'avoir faussement attribué à certains mouvements fascistes, comme
les ligues d'extrême droite de l'entre-deux guerres, l'étiquette de bonapartiste98. Zeev
Sternhell considère même que la tradition bonapartiste s'arrête à la fin du XIXe siècle.
Le boulangisme ne serait alors pas l'un des avatars du bonapartisme, mais l'une des premières
tentatives de synthèses entre nationalisme et socialisme, et l'une des origines du fascisme99.

Le bonapartisme et le plébiscite[modifier | modifier le code]


Article connexe : Plébiscites sous Napoléon III.
Le plébiscite, c'est-à-dire le référendum, est un procédé semi démocratique qui a pris son essor
lors de la Révolution française, avant d'être repris par Napoléon. Celui-ci a un lien de filiation ténu
avec l'antique plébiscite romain100,101.
Sous le Consulat, le plébiscite fut vu comme un moyen de réconcilier la monarchie et la
république, une vois médiane entre la souveraineté de droit divin et la souveraineté du peuple. La
démocratisation du plébiscite ancra dans les esprits le concept de légitimité populaire et
l'habitude du vote102.
Les référendums de Napoléon Ier furent pensés, d'abord implicitement puis explicitement,
comme un moyen de refonder une véritable souveraineté monarchique, par le truchement de
la volonté populaire. Il s'agit d'une sorte de dessaisissement de la souveraineté103. Ainsi, le
référendum sera utilisé trois fois sous le consulat, mais disparaîtra après que Napoléon ait
instauré l'Empire et restauré l'hérédité de son titre. Celui-ci réapparaîtra lors des Cent-Jours,
lorsque les ultimes défaites napoléoniennes feront vaciller le pouvoir, et que Napoléon aura
besoin de réaffirmer sa légitimité103.
A la suite de Napoléon III, l'appel au peuple devint un point central du programme bonapartiste.
L'effort de réflexion des doctrinaires du parti au est centré sur le principe de la souveraineté
populaire ; appuyé sur de nombreuses citations du Mémorial de Sainte-Hélène et des œuvres de
Napoléon III, ce principe de l'appel au peuple fait du plébiscite un instrument de légitimité du
pouvoir15.
Le plébiscite napoléonien fut critiqué à de nombreuses reprises par les républicains. Celui-ci était
considéré comme une technique de confiscation de la parole populaire au profit du pouvoir
central101. Plus qu'une véritable forme de démocratie et d'autodétermination de la nation, le
plébiscite était, selon eux, une manière de légitimer le pouvoir de l'empereur103.
Avant l'émergence du gaullisme, le bonapartisme, dans sa forme présidentielle ou impériale, est
le seul courant politique d'envergure à avoir prôné l'élection du chef de l'État au suffrage
universel101.

Le bonapartisme et le fascisme[modifier | modifier le code]


Articles connexes : Fascisme et Fascisme en France sous la Troisième République.
De nombreux théoriciens marxistes ont fait des parallèles entre bonapartisme et fascisme104.
Cette thèse fut notamment défendue par Léon Trotski, qui vit dans le bonapartisme une forme de
gouvernement autoritaire, se plaçant au-dessus des conflits des partis afin de maintenir l'ordre
bourgeois menacé. Le fascisme serait similaire, mais s'appuierait sur un mouvement de masse,
détruirait les organisations ouvrières par la force, et pourrait menacer la classe bourgeoise l'ayant
mise au pouvoir à l'origine105.
Le gaulliste Raymond Aron considère même que le bonapartisme fut l'anticipation et la version
française du fascisme, de par son autoritarisme, sa personnalisation du pouvoir, son régime
policier et son nationalisme106.
Cependant, selon des historiens comme Michel Winock, si bonapartisme et fascisme possèdent
quelques points communs, on ne saurait résumer l'un à l'autre. Fascisme et bonapartisme
apparaissent tous deux en situation de crise, méprisent les parlements, centralisent
l'administration et la police, adhèrent à une forte hiérarchie et ont entrepris de grands travaux
dans le pays. Cependant, le bonapartisme n'a ni le caractère révolutionnaire du fascisme, ni son
envie de créer une société nouvelle réenracinée sur des valeurs traditionnelles, ni son caractère
raciste104,107. Ce n'est également pas un totalitarisme.

Analyses marxistes du bonapartisme[modifier | modifier le code]


Selon Karl Marx, le bonapartisme donne une prépondérance à l'armée108 et à un État centralisé et
bureaucrate dominant la société civile109. En s'octroyant le monopole du pouvoir exécutif,
Napoléon III aurait ainsi fait passer la France du despotat de la classe bourgeoise au despotat
d'un individu110. Le Second Empire serait donc une dictature militaire, brutale et répressive, au
service de la dynastie Bonaparte111.
La volonté de Napoléon III d'être le bienfaiteur de toutes les classes sociales serait vouée à
l'échec, étant donné que pour donner à l'une d'entre elle, il doit prendre aux autres112. Son régime
ne saurait alors profiter qu'au statu quo et à la classe dominante, la bourgeoisie.
Marx considère que le bonapartisme et le coup d'État de Napoléon III ne sont pas le résultat du
génie de ce dernier, mais le résultats de causes socio-historiques liées à la lutte des classes113.
Bonaparte se serait ainsi basé sur la paysannerie conservatrice108 pour arriver au pouvoir, sur les
divisions des royalistes à l'assemblée114, ainsi que sur une bourgeoisie préférant le despotisme au
désordre115.

Influence du bonapartisme[modifier | modifier le code]


Influence en France et dans le monde politique
français[modifier | modifier le code]
À la suite de la disparition du bonapartisme au sens strict, son électorat s'est reconverti selon les
régions et les tempéraments dans le conservatisme, le nationalisme plébiscitaire ou le
radicalisme. De ce fait, au XIXe siècle, il a pu exercer une influence sur ces différents mouvements
politiques, en particulier le mouvement boulangiste, qui rassembla en son sein républicains
radicaux, conservateurs monarchistes et nationalistes plébiscitaires116.
Au XXe siècle, même si l'influence se mêle à des aspects très différents, on trouve aussi une
certaine filiation dans le bloc national constitué autour de Clemenceau entre 1917 et 1920, peut-
être chez les Croix-de-feu et le Parti social français de François de La Rocque, chez le
faisceau de Georges Valois ou encore chez les Jeunesses patriotes de Jacques Doriot117.
Le gaullisme, avec sa volonté de rassemblement au-dessus des partis, son souci de travailler à
la grandeur de la France, sa méfiance à l'égard de la toute-puissance du parlementarisme, la
primauté accordée au chef de l'État élu par le peuple est à bien des égards un continuateur du
bonapartisme dans sa version présidentielle ou consulaire (1848-1852 et 1799-1804)2,118.
Les bonapartistes soutiennent la Constitution de la Cinquième République. La primauté que
celle-ci accorde au chef de l'État, directement élu par le peuple et l'importance accordée au
référendum, notamment dans l'article 3 qui dispose que « la souveraineté nationale appartient au
peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » témoignent de cette
affinité entre gaullisme et bonapartisme2,118.
Mais cette adhésion ne fait pas rejeter par les bonapartistes la possibilité d'une restauration
impériale, sous réserve de l'assentiment du peuple. Les bonapartistes monarchistes dits
« dynastiques » restent cependant marginaux, l'immense majorité acceptant la possibilité d'un
régime présidentiel. L'Empire napoléonien ayant été fondé, par le sénatus-consulte du 28 floréal
an XII, sous la forme d'un prolongement de la République, beaucoup de bonapartistes
considèrent que la restauration de l'Empire suppose l'affermissement d'un régime républicain. La
question du « clivage » entre dynastes et « républicains » est donc largement réglée de nos
jours119.
Aujourd'hui, le bonapartisme est représenté par divers mouvements et organisations : France
bonapartiste120 dont le président David Saforcada121 a été le candidat bonapartiste pour l'élection
présidentielle de 2017, le Mouvement bonapartiste122, allié du parti gaulliste et républicain
indépendant l'Union du peuple français, ou encore Renouveau bonapartiste123, courant
dynastique.
Le 4 mai 2021, Thierry Choffat et David Saforcada s'appuient sur France bonapartiste pour
lancer un parti politique d'essence bonapartiste : l'Appel au Peuple124. La naissance de ce parti
survient la veille des grandes célébrations du bicentenaire de la mort de Napoléon. L'Appel au
Peuple se veut comme un parti de rassemblement de toutes celles et ceux qui se retrouvent dans
les valeurs et les idées de souveraineté populaire, d'indépendance nationale, de progrès social,
de responsabilité, de la cohésion nationale, de l'autorité, en refusant les idées sectaires des
extrêmes mais en adhérant complètement à la Constitution de la Cinquième République.
Notons aussi l'existence du comité central bonapartiste (CCB), parti (proche des Républicains)
ayant gouverné Ajaccio entre le XIXe siècle jusqu'en 2001 et à nouveau depuis 2014. Ce parti,
avec plusieurs centaines d'adhérents, a un maire (Laurent Marcangeli), des adjoints du maire
ainsi qu'un président de conseil départemental (Pierre-Jean Luciani, 2A). Son rôle est de faire en
sorte qu'un maire bonapartiste et ses adjoints servent l'intérêt d'Ajaccio et de ses
enfants[réf. nécessaire].

Influence sur la politique d'autres pays[modifier | modifier le code]


Le bonapartisme a inspiré plusieurs mouvements à l'étranger, notamment en Belgique,
en Pologne, en Russie, aux Pays-Bas (le Bonapartistische Partij Nederland).
Certains intellectuels comme Pierre Rosanvallon rapprochent la démocratie illibérale du Premier
ministre hongrois Viktor Orbán au bonapartisme et estiment même qu'il en est la
quintessence : « C’est en effet dans le bonapartisme qu’ont prétendu fusionner le culte de
l’État rationalisateur et la mise en scène d’un peuple-Un. Le bonapartisme est aussi pour cela la
clef de compréhension de l’illibéralisme français. Il le radicalise, en effet, d’une certaine manière,
en mettant brutalement à nu ses ressorts les plus profonds »

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