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S1 : Napoléon est-il continuateur de la Révolution française ?

Introduction

La Révolution française de 1789 demeure l'une des périodes les plus marquantes de
l'histoire de France. Elle a donné naissance à des idéaux républicains et à des
transformations sociales et politiques sans précédent. Cependant, le tumulte de cette
période a également créé un climat d'instabilité politique et sociale, ouvrant la voie à
l'ascension de Napoléon Bonaparte.

Napoléon fût tout d’abord un leader militaire talentueux ayant joué un rôle crucial dans les
succès militaires de la République française et ayant grimpé rapidement dans les rangs de
l'armée, notamment après le siège de Toulon en 1793 (lorsqu’il commandait les troupes
républicaines contre les royalistes) ou encore après la campagne d’Italie de 1796-1797 (où il
remporta, en tant que général, une série de victoires éclatantes contre les forces
autrichiennes et italiennes). Il joua ensuite un grand rôle dans le coup d'État du 18 Brumaire
(9 novembre 1799 au conseil des Cinq-Cents à Saint-Cloud) qui mit fin au régime du
Directoire en France. Ce coup d'État aboutit à la mise en place du Consulat, avec Napoléon
devenant le Premier Consul, consolidant ainsi son pouvoir. Il se sacre enfin lui-même
Empereur en 1804 à la Cathédrale Notre-Dame de Paris.

L’ambition de Napoléon Ier est de restaurer une forme de monarchie en affirmant son
pouvoir, cela soulève des interrogations sur son rapport avec les idéaux révolutionnaires
qu’il semble également porter. En effet, les réformes napoléoniennes, bien que
pragmatiques et empreintes d'une volonté de stabilité, semblent simultanément le reflet
d'une tension entre la préservation des idéaux révolutionnaires et la nécessité de consolider
un pouvoir central fort, voire monarchique. Dans la période instable qui a suivi la Révolution
française, marquée par une dualité entre l'héritage révolutionnaire et le besoin de stabilité,
Napoléon s'est positionné comme le garant de l'ordre, cherchant à tirer profit des avancées
révolutionnaires, tout en limitant les excès qui pouvaient menacer sa propre autorité.

La nécessité de stabiliser la nation post-révolutionnaire ne pouvait-elle qu’aboutir à la


tentation d'un pouvoir autoritaire ? De ce point de vue, Napoléon est-il le continuateur de la
Révolution française et des idéaux révolutionnaires, préservant ses principes fondateurs ?
Ou bien est-il un homme d'ordre et de restauration, rompant avec l'esprit républicain pour
établir un pouvoir central fort ? Quel est le rôle de Napoléon dans l'héritage de la Révolution
française ? Nous analyserons son engagement envers les idéaux révolutionnaires à travers
les réformes entreprises, tout en analysant les limites de cette continuité à travers les
atteintes aux principes fondamentaux.

I. Napoléon et la continuité avec la Révolution Française

La fin du XVIIIe siècle en France était marquée par des inégalités économiques, une fiscalité
oppressive et un système social rigide basé sur la naissance. L'influence des idées des
Lumières, la diffusion de la philosophie politique, et les crises économiques ont alimenté un
mécontentement populaire qui a finalement explosé en 1789. La Révolution française a
incarné une rupture radicale avec le passé, mettant fin à des siècles de monarchie absolue
et jetant les bases d'une société nouvelle fondée sur les principes républicains. Le climat de
la Révolution était caractérisé par une agitation politique constante, des soulèvements
populaires, des débats intellectuels, et la mise en œuvre de réformes audacieuses. Les
révolutionnaires aspiraient à créer une société plus équitable, éliminant les privilèges de la
noblesse, garantissant l'accès à l'éducation pour tous, et instaurant une justice basée sur
des lois égales pour tous les citoyens. De ce point de vue, Napoléon a introduit pendant son
règne des réformes majeures afin de maintenir certains idéaux révolutionnaires.

L'une des contributions les plus significatives de Napoléon à la continuité de la Révolution


est la création du Code Napoléon, également connu sous le nom de Code civil, promulgué
en 1804. Ce code juridique unifié a codifié les lois civiles en France et a établi des principes
fondamentaux tels que l'égalité devant la loi, la protection de la propriété privée, et la liberté
individuelle. Le Code Napoléon a eu un impact durable et a influencé de nombreux
systèmes juridiques dans le monde, reflétant ainsi l'aspiration révolutionnaire à une justice
égale pour tous.

Napoléon a également poursuivi les réformes entreprises pendant la Révolution, visant à


moderniser et rationaliser l'administration française. Il a en effet créé une administration
centrale efficace, établissant une préfecture dans chaque département pour assurer une
gestion plus directe. La création de la Banque de France en 1800 a quant à elle établi un
système financier stable, contribuant à l'ancrage de la Révolution dans la réalité économique
du pays.

Il a aussi rationalisé le système éducatif en rendant l'éducation plus accessible à tous les
citoyens, indépendamment de leur statut social, consolidant ainsi l'idéal républicain d'égalité
des chances. Napoléon a également favorisé la méritocratie en encourageant la promotion
sociale basée sur le mérite plutôt que sur la naissance. Il a ouvert des opportunités pour les
individus talentueux et ambitieux de gravir les échelons de la société, réaffirmant ainsi l'idéal
révolutionnaire d'égalité des chances.

Il a maintenu la laïcité établie pendant la Révolution en séparant l'Église de l'État tout en


établissant le Concordat avec le Vatican en 1801. Cette entente a normalisé les relations
entre l'État et l'Église catholique, préservant ainsi la laïcité et la liberté religieuse acquises
pendant la Révolution.

Bien que Napoléon soit devenu empereur, il a soigneusement façonné sa légitimité en


s'appuyant sur la symbolique républicaine. La présence du drapeau tricolore lors de son
couronnement à Notre-Dame de Paris, et l'utilisation du bonnet phrygien lors de cérémonies
officielles, étaient des gestes destinés à maintenir une continuité symbolique avec la
Révolution.

En résumé, Napoléon Bonaparte a préservé et consolidé certains principes révolutionnaires,


tels que l'égalité devant la loi, la laïcité, la méritocratie, et la symbolique républicaine. Ces
éléments montrent comment il a agi en tant que continuateur de la Révolution, tout en
introduisant des éléments de stabilité et d'ordre qui ont contribué à consolider le pouvoir en
France après les années tumultueuses de la Révolution.
II. Les limites de la continuité napoléonienne avec la Révolution

Lorsque Napoléon accéda au pouvoir en 1799, mettant fin à la période du Directoire


instable, il mit en place le Consulat, signifiant ainsi un retour à une certaine stabilité
politique. Cependant, ce n'était pas simplement un rétablissement de l'ordre, mais aussi le
début d'une ère où Napoléon émergea en tant qu'homme fort. Malgré la création du
Consulat qui comprenait trois consuls, le pouvoir de Napoléon était prédominant. Il s'est
rapidement imposé comme le Premier Consul, concentrant le pouvoir entre ses mains. Cette
concentration a immédiatement marqué une rupture avec les principes de partage du
pouvoir et de contrôle collectif promus pendant la Révolution.

En 1804, il se fit proclamer empereur, instaurant ainsi le Premier Empire. Là aussi on y voit
une rupture significative avec l'idéal républicain de la Révolution car cette forme de
monarchie impériale allait sans conteste à l'encontre des principes de la Révolution de 1789
qui avait rejeté la monarchie absolue.

Napoléon a utilisé des méthodes autoritaires pour maintenir l'ordre, notamment en réprimant
l'opposition politique. En effet, la censure de la presse, les arrestations d'opposants et la
surveillance policière étaient des pratiques qui limitent les libertés individuelles. Même si ces
pratiques étaient également de mise entre 1789 et 1793, elles restent cependant éloignées
des grands principes de la Déclaration des Droits de l’Homme et de la Constitution de 1791.

Alors que la Révolution avait proclamé l'idéal de paix et de non-intervention, Napoléon a


mené des guerres d'agression à travers l'Europe dans le but d'étendre l'influence française.
Il se place ainsi en contradiction avec cette citation de Robespierre : “La plus extravagante
idée qui puisse naître dans la tête d'un politique est de croire qu'il suffise à un peuple
d'entrer à main armée chez un peuple étranger, pour lui faire adopter ses lois et sa
constitution. Personne n'aime les missionnaires armés ; et le premier conseil que donnent la
nature et la prudence, c'est de les repousser comme des ennemis”. L'idéal révolutionnaire
de fraternité et de paix est rompu par ces guerres napoléoniennes ayant généré des pertes
humaines considérables et une résistance internationale.

Bien que la méritocratie ait été promue, la hiérarchie sociale sous Napoléon comportait
toujours des privilèges et des distinctions basées sur le statut. L'égalité des chances pour
tous, un principe clé de la Révolution, était souvent conditionnelle et dépendait de la loyauté
envers l’Empereur. Par exemple, la Noblesse d'Empire créée par Napoléon a ouvert la porte
à la transmission héréditaire de titres et de privilèges. Cela marquait une rupture avec l'idéal
révolutionnaire d'une société égalitaire, où la naissance ne déterminerait pas le statut social.
Il a créé diverses distinctions honorifiques, telles que la Légion d'honneur, pour récompenser
le mérite et la loyauté envers l'Empire. Bien que ces distinctions aient été présentées
comme accessibles à tous en théorie, elles créaient néanmoins une hiérarchie sociale
fondée sur la reconnaissance officielle et la faveur de l’Empereur. L'accès à une éducation
de qualité était souvent réservé aux élites et aux classes privilégiées. Les institutions
éducatives supérieures étaient souvent fréquentées par des individus issus de familles
aisées, renforçant ainsi une certaine hiérarchie sociale basée sur l'accès à l'éducation. Ces
exemples montrent comment, malgré certaines réformes et la promotion de la méritocratie,
Napoléon a introduit des éléments qui ont contribué à la réversion vers une certaine
hiérarchie sociale, mettant en lumière la tension entre ses ambitions impériales et les idéaux
révolutionnaires d'égalité.

Les droits acquis par les citoyens pendant la Révolution, tels que la liberté de culte, furent
souvent réversibles sous le règne de Napoléon. Napoléon réintroduisit des éléments de
préférence pour le catholicisme, revenant sur le principe de laïcité. Cette réversibilité des
droits témoignait d'une tendance de Napoléon à adapter les principes révolutionnaires en
fonction de ses besoins politiques.

Napoléon Bonaparte s'est donc éloigné de certains idéaux révolutionnaires en rétablissant


une forme de monarchie, en centralisant le pouvoir, en réprimant l'opposition politique, en
menant des guerres d'expansion, et en maintenant des hiérarchies sociales. Ces éléments
montrent comment Napoléon a représenté une rupture avec les principes de la Révolution
française.

Conclusion

La relation entre Napoléon Bonaparte et la Révolution française a façonné une ère charnière
dans l'histoire de la France, oscillant entre la continuité des idéaux révolutionnaires et la
nécessité d'une stabilité politique incarnée par un pouvoir fort.

Napoléon a émergé comme une figure complexe, à la fois héritier et réformateur, en


naviguant entre la préservation des avancées de la Révolution et la consolidation d'un
autoritarisme nécessaire à la stabilité nationale.

Si les réformes napoléoniennes telles que le Code Napoléon, le système éducatif centralisé,
et la Banque de France témoignent d'une volonté de pérenniser certains principes
révolutionnaires, les limites de cette continuité se révèlent à travers le rétablissement de
l'autorité centrale et la réversion à une forme de monarchie impériale.

La dualité entre la recherche, voire le besoin, de stabilité politique par Napoléon et les
atteintes aux idéaux révolutionnaires est manifeste dans la suppression des libertés
individuelles, la réversibilité des droits acquis par les citoyens, et la prédominance d'une
autorité centralisée. Bien que Napoléon ait hérité et préservé certains éléments de la
Révolution française, ses actions ont également montré des limites significatives à cette
continuité, mettant ainsi en lumière la complexité de l'héritage napoléonien par rapport à la
Révolution française.

En fin de compte, le règne de Napoléon Bonaparte a laissé une empreinte indélébile sur
l'histoire de la France, et son impact ambivalent soulève des questions profondes sur la
nature de la gouvernance et de l'évolution politique. La période napoléonienne, avec ses
contradictions inhérentes, est un témoignage de la difficulté de concilier la stabilité politique
avec les idéaux révolutionnaires, laissant un héritage complexe qui continue de susciter des
débats et des analyses historiques approfondis.

Naya ETTIGHOFFER KACED


1ère D

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