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QUE SAIS-JE ?

Le parlementarisme
PHILIPPE LAUVAUX
Chargé de recherche au CNRS
Professeur à l'Université de Bruxelles

Deuxième édition mise à jour


11e mille
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DU MÊME AUTEUR

La dissolution des assemblées parlementaires, Economica, 1983.


Les grandes démocraties contemporaines, PUF, 1990.

ISBN 2 13 048288 0

Dépôt légal — 1 édition : 1987


2° édition mise à j o u r : 1997, mars
0 Presses Universitaires de France, 1987

108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris


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DÉFINITION

« Qu'est-ce que c'est que ça, la tribune ?, s'écrie M. Bona-


parte Louis ; c'est du parlementarisme ! » « Que dites-vous de
parlementarisme?... Parlementarisme est une perle. Voilà le
dictionnaire enrichi », écrit Victor Hugo dans Napoléon le
Petit.
C'est la première apparition notable du terme dans la litté-
rature. Elle en révèle d'emblée l'ambivalence, son usage oscil-
lant longtemps entre un sens péjoratif et un autre, éventuelle-
ment emphatique.
« Donc, poursuit Hugo, le "parlementarisme", c'est-à-dire
la garantie des citoyens, la liberté de la discussion, la liberté de
la presse, la liberté individuelle, le contrôle de l'impôt..., le
droit de savoir ce qu'on fait de votre argent, la solidité du cré-
dit, la liberté de conscience, la liberté des cultes..., la sécurité de
chacun, le contrepoids de l'arbitraire, la dignité de la nation,
l'éclat de la France..., l'initiative publique, le mouvement, la
vie, tout cela n'est plus... Aujourd'hui, plus de tapage, plus de
vacarme, plus de partage, de parlementarisme. Le corps légis-
latif, le sénat, le conseil d'État sont des bouches cousues. »
Mais en dehors des jugements de valeur, s'impose une signi-
fication qui n'a d'autre sens qu'institutionnel : le parlementa-
risme, c'est le gouvernement parlementaire, quelles que soient
ses modalités particulières de fonctionnement et les apprécia-
tions d'ordre politique que l'on peut porter à son sujet.
Sans doute, le parlementarisme a-t-il pu être assimilé au
régime représentatif et démocratique. C'est notamment le cas
chez Kelsen, qui le définit comme «la formation de la
volonté étatique directrice par un organe collégial élu par le
peuple » Cependant, dans la doctrine dominante, le parle-

1. La démocratie, sa nature, sa valeur, Paris, rééd. Economica, 1988,


p. 38.
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mentarisme représente une catégorie plus étroite que celle à


laquelle faisaient allusion, dans leur ordre d'idées respectif,
N a p o l é o n III et Victor Hugo. Il ne saurait être c o n f o n d u
avec l'État libéral, c'est-à-dire, dans un premier temps, le
régime représentatif et, plus tard, le régime démocratique.
A u sein de ce type de régime, en effet, la doctrine constitu-
tionnelle classique opère une distinction fondamentale, basée
sur le principe de la séparation des pouvoirs. O n oppose ainsi
principalement les régimes de séparation dite rigide - tels que
la monarchie constitutionnelle française de 1791 o u le régime
présidentiel des États-Unis - à ceux qui pratiquent une sépa-
ration souple, les régimes parlementaires, où se trouvent
consacrés le principe de la responsabilité politique de l'exécu-
tif devant les assemblées et, en contrepartie, le droit d o n t il
dispose généralement de prononcer leur dissolution.
Ce gouvernement parlementaire, c'est a u j o u r d ' h u i celui de
la très grande majorité des pays démocratiques. C'est dire
qu'il recouvre une notable diversité de réalités politiques. L a
Grande-Bretagne et la France, l'Italie, l'Inde, Israël et le
J a p o n pratiquent le parlementarisme. Ces pages ont p o u r
objet d'expliquer quels sont les fondements historiques et
constitutionnels de ce type de régime, qui lui ont permis de
s'adapter à une telle diversité (première partie). Il s'agira
ensuite de tracer le cadre institutionnel en décrivant les
organes et en analysant les mécanismes du régime parlemen-
taire (deuxième partie). Enfin, on examinera les modalités d u
fonctionnement des institutions parlementaires, en souli-
gnant l'interaction des facteurs politiques et institutionnels,
en particulier p o u r ce qui concerne la question essentielle de
la stabilité gouvernementale (troisième partie).
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PREMIÈRE PARTIE

LES FONDEMENTS
HISTORIQUES
ET CONSTITUTIONNELS

Chapitre 1

LES ORIGINES
ET L'ÉVOLUTION HISTORIQUE

1. — Le développement
du régime représentatif

1. La question des origines. — Le problème des origines de


l'institution parlementaire reste l'un des moins éclaircis de
l'histoire constitutionnelle. Une perspective réductrice s'est
imposée dans ce domaine, qui tend à renvoyer l'ensemble de
la question à l'Angleterre. Or si l'on ne peut contester l'im-
portance particulière, voire déterminante, de l'évolution
constitutionnelle de la Grande-Bretagne, surtout à compter
du XVII siècle, sur le développement du régime représentatif
en tant que catégorie générale, il s'impose aussi de constater
qu'elle n'a pas été la matrice unique des institutions parle-
mentaires modernes. Certes, la continuité de l'histoire et du
développement constitutionnels au Royaume-Uni fondent
l'exception anglaise en tant qu'origine privilégiée de l'institu-
tion parlementaire, exception que manifeste le plus éloquem-
ment l'absence, devenue unique, de constitution écrite. A
l'opposé, l'exception française, qui trouve sa source dans une
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tradition longue et ininterrompue de monarchie pure, puis


une fondation nouvelle dans la Révolution, initiant à son
tour une tradition de discontinuité et d'instabilité constitu-
tionnelles, vient renforcer le paradigme anglais en l'érigeant
quasiment au rang de mythe fondateur. Mais l'opposition si
notoire entre ces deux modèles européens fait bon marché de
la catégorie des régimes mixtes, qui fut d'ailleurs longtemps
celle de l'Angleterre elle-même, et réunit, sur le continent,
toutes les monarchies limitées sur base de classes ou d'états.
Et de même qu'en Angleterre, dans les temps anciens, c'est-à-
dire avant qu'ils deviennent cet organe de l'État appelé Par-
lement, les états « formés de sujets de droit indépendants, et
ne servant d'organes à personne, représentant leur droit
propre et leurs intérêts propres, contractent avec le prince
comme avec tout autre sujet de droit indépendant, ou luttant
contre lui, forcent le prince à leur rendre des comptes. A
l'époque de leur plus grande puissance, ils ont leur propre
organisation administrative, militaire et même plus tard, leur
propre organisation financière »'. Dans leurs relations avec le
prince, les états invoquent le rapport contractuel unissant le
Roi et le royaume, et c'est en vertu de ce rapport que les
magnats hongrois ont revendiqué le droit d'insurrection
armée, les états d'Aragon celui de refuser l'obéissance au cas
où le Roi violerait leurs droits, que les « statistes » de Bra-
bant ont suscité contre Joseph II la révolution brabançonne.
Le type de constitution prémoderne fondé sur les assem-
blées d'ordres détermine, tout comme en Angleterre, mais
sur d'autres bases, le développement du Parlement et l'avè-
nement du parlementarisme dans plusieurs pays d'Europe,
aboutissant dans certains cas à la conquête de la souverai-
neté par les diètes ou les états. L'analyse de l'évolution his-
torique et du fonctionnement de ces institutions parlemen-
taires ou préparlementaires permet de préciser et de mieux
comprendre certaines tendances récurrentes qui ont conti-
nué de les marquer à l'époque contemporaine et de déter-
miner leurs liens avec le fonctionnement de la démocratie
moderne.

1. G. Jellinek, L'État moderne et son droit, trad. franç, Paris, 1903,


2 partie, p. 440.
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L ' u n des traits les plus caractéristiques des institutions


préparlementaires d u continent européen est la volonté des
assemblées, non pas tellement de contrôler l'exécutif - les
termes ne recouvrant pas exactement leur acception
moderne - mais plutôt de s'immiscer dans son fonctionne-
ment ainsi que dans son rôle même. La tendance est ancienne
et s'est du reste d ' a b o r d manifestée en Angleterre. Il s'agit au
d é p a r t d ' u n système de participation médiate des assemblées
d'états aux conseils restreints des rois, consistant à imposer à
ceux-ci des conseillers élus p a r les états en leur sein même.
On peut en observer la filiation continue depuis les Provi-
sions d ' O x f o r d (1258) j u s q u ' a u x États français de 1356. Il fut
toujours rejeté p a r la m o n a r c h i e française, au point que,
significativement, c'est u n arbitrage de saint Louis (la Mise
d'Amiens) qui annule en 1264 les Provisions d ' O x f o r d , ren-
dant au roi d'Angleterre la liberté de choisir ses ministres,
son conseil et ses shérifs sans interférence d u Parlement.
Cette alternance entre participation parlementaire a u gou-
vernement et réaction royale va caractériser l'essentiel de
l'histoire constitutionnelle de n o m b r e d ' É t a t s européens jus-
q u ' à la fin d u XVIII siècle. D a n s certains cas, le pouvoir royal
l'emporte définitivement et sans partage et les états sont
réprimés o u frappés d'extinction (Bohême, Aragon). D a n s
d'autres, la réaction royale l'emporte mais les parlements
résistent (Hongrie). D a n s d'autres encore, ce sont les diètes
qui prévalent durablement, o u v r a n t ainsi la voie d ' u n parle-
mentarisme précontemporain qui restera différent d u modèle
anglais. La Pologne et, surtout, la Suède sont les prototypes
de cette évolution.

2. L a question de la responsabilité. — Le modèle suédois


peut être analysé c o m m e un contrepoint d u modèle anglais.
Contrairement à celui-ci en effet, il a réalisé, à l'époque d u
Frihetstiden (l'Ère de la liberté), sous la Constitution
de 1720, la figure d u parlement gouvernant. Ce système
maintient l'ancienne division des états en q u a t r e ordres mais
s'évade de la représentation d'ordres o u particulière p o u r
fonder, en s'émancipant d u m a n d a t impératif, un parlemen-
tarisme d'essence moderne. L ' u n des traits les plus sympto-
matiques de la Constitution de 1720 réside dans le fait que
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les états entrent, c o m m e instance exclusive de proposition,


dans la désignation d u Sénat, qui est le gouvernement, com-
posé de seize membres, et qui dispose, à l'endroit d u Roi, de
beaucoup plus que d ' u n p o u v o i r de codécision. Aux termes
de l'article 13 de la Constitution, « le R o i gouvernera avec et
non sans, bien moins encore contre l'avis d u Sénat ». Le Roi
ne dispose dans le Sénat que d ' u n double suffrage avec voix
prépondérante. L a responsabilité intervient a u cœur d u sys-
tème et elle est définie en termes formels (art. 15). L ' a r m e
absolue d u Riksdag dans cet ordre est le licentiering, l'équi-
valent de l'impeachment britannique. Cette responsabilité est
individuelle d a n s le principe, mais sa mise en jeu revêt un
t o u r plus r é p a n d u (dix sénateurs conduits à la démission
en 1769) que d a n s l'Angleterre de la m ê m e époque. Aussi
bien, le Riksdag du Frihetstiden manifeste que l'ancien dua-
lisme médiéval est définitivement relégué au profit d ' u n prin-
cipe d'unité de pouvoir, le redrofordrante, qui soumet tous les
organes de l'État à l'autorité, conçue c o m m e hiérarchique,
du P a r l e m e n t
A l'opposé, l'Angleterre se signale par un précoce a b a n d o n
d u système de représentation par ordres et par un rejet de la
figure d u parlement gouvernant. La participation de repré-
sentants des bourgs et des villes à l'ancienne curia major, à
l'origine uniquement composée des détenteurs de fiefs, était
devenue définitive à la fin d u XIII siècle (Model Parliament
de 1295). Dès 1332 a p p a r a î t la mention d ' u n e réunion sépa-
rée des b a r o n s et prélats d ' u n e part, des chevaliers, représen-
tants des comtés, et des bourgeois des villes d ' a u t r e part.
C'est le prélude à la séparation d u Parlement en deux C h a m -
bres, celle des Lords et celle des C o m m u n e s , qui représente la
c o m m u n a u t é d u royaume. P a r ailleurs, dès 1215 (la M a g n a
Carta), le principe féodal du consentement à l'impôt avait été
reconnu et très rapidement ensuite celui, plus général, d u
consentement à la loi. Ainsi donc est-il confirmé que toute
modification apportée à la C o m m o n Law, par voie de Sta-
tuts, Assises et autres, réclame le pouvoir concurrent d u Par-
lement et d u Roi. A partir de là s'ouvre une ère de contesta-

1. V. C. Nordmann, Grandeur et liberté de la Suède, 1660-1792, Paris,


1971.
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tions : il s'agit de savoir si le gouvernement du royaume,


cette fois, demeure de la compétence exclusive du Roi ou si le
Parlement est fondé dorénavant (depuis qu'il concourt sans
conteste de principe à la législation) d'en disputer le partage.
La lutte qui s'ouvre alors ne trouvera sa conclusion
qu'en 1688. Dans ce contexte, la Révolution d'Angleterre -
la première, qui vit l'exécution en 1649 de Charles I - s'ana-
lyse comme une réaction à l'influence grandissante des théo-
ries absolutistes continentales, tandis que la seconde (la
Glorieuse Révolution de 1688) pouvait se présenter comme la
volonté d'un retour au schéma ancien de la constitution
mixte. Cependant, tant avant qu'après 1688, quels que soient
les compromis tactiques et quoique la question ait accusé un
perpétuel déplacement dans ses termes, la royauté anglaise
est toujours parvenue en définitive à maintenir l'exclusivité
de la Prérogative s'agissant du « gouvernement ». Le système
de monarchie représentative qu'encadrent les dispositions du
Bill o f Rights (1689) et de l ' of Settlement (1701) peut être
décrit comme un régime d'indépendance des pouvoirs. C'est
ce régime que Montesquieu prit pour modèle, auquel il
donne pour fondement la nécessité de la protection de l'indi-
vidu contre l'arbitraire, et qui devint le régime présidentiel tel
que le conçut la Constitution américaine. La Couronne n'a
pas seulement perdu son pouvoir législatif concurrent, par
voie d'ordonnances, mais aussi celui de suspendre l'exécution
des lois. Elle n'exerce plus directement l'initiative législative.
Elle conserve cependant, dans ses rapports avec les cham-
bres, le droit de veto et celui de dissolution. Par ailleurs, si
l ' of Settlement institue une incompatibilité entre fonction
ministérielle et mandat parlementaire, cette prohibition est
très rapidement rapportée. Mais les ministres restent subor-
donnés au Roi, et l'indépendance des pouvoirs exclut encore
la sanction de leur responsabilité politique. Cependant l'exis-
tence d'une responsabilité ministérielle a été consacrée
dès 1711 : au terme d'un débat à la Chambre des Lords, il fut
pour la première fois affirmé nettement qu'en conséquence de
l'antique principe selon lequel « le Roi ne peut mal faire »,
« ce sont les ministres qui sont responsables de tout » et qu'il
n'était en outre aucune prérogative de la Couronne qui fût
exempte du contrôle du Parlement. Dans le même temps,
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l'usage du contreseing reçoit un sens nouveau. L'exigence


générale de cette procédure - au départ un simple acte de
chancellerie - posée par l ' of Settlement offre sa vraie
signification lorsqu'on l'envisage comme la condition instru-
mentale tacite mais sans équivoque de la responsabilité
ministérielle. Dès la Restauration (1660), le traumatisme de
l'exécution de Charles 1er avait entraîné la prise de cons-
cience de la nécessité accrue d'immuniser la Prérogative, ce
qui s'était traduit par une tendance, implicite mais très nette,
à une pratique sans faille du contreseing.
Ainsi, dès le début du XVIII siècle, la responsabilité minis-
térielle est reconnue tant en Grande-Bretagne qu'en Suède.
C'est lorsque cette responsabilité recevra une sanction de
nature essentiellement politique que sera effectué le passage
au parlementarisme.

3. La question de la sanction. — La thèse classique en la


matière veut que la responsabilité politique des ministres soit
dérivée de la responsabilité pénale. De ce que la responsabi-
lité politique, à un moment crucial, a emprunté le chemin de
l'autre responsabilité (dont elle s'est fait un instrument), de
ce que, d'autre part, la responsabilité pénale des ministres,
envisagée comme notion autonome, est inséparable par défi-
nition d'une dose de responsabilité politique, le constat d'une
articulation est fondé, de toute évidence. Mais ceci n'autorise
pas nécessairement à en faire un système, en inférant une
relation de type organique. En Suède, la Constitution
de 1720 (art. 14) introduit en termes exprès un principe si
général de responsabilité que celle-ci ne peut pas ne pas avoir
compris aussi ce que nous appelons la responsabilité poli-
tique. Cette responsabilité, articulée sur le parlementarisme
total illustré par le Frihetstiden, s'avère par là même suscep-
tible de recouvrir une imputation exclusivement politique,
jusqu'au manquement aux « véritables intérêts du
royaume». Une recension des principaux licentierings per-
met de vérifier qu'ils n'offrent plus d'implication spécifique-
ment pénale. L'arme du licentiering a le plus souvent joué en
tant que menace et lorsque - c'est l'exception - la procédure
a été poussée à son terme, la peine était dépourvue de carac-
tère infamant comme de toute sanction directe autre que
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politique. Dans le contexte de parlementarisme quasi absolu


du Frihetstiden, cette sanction s'analyse comme le licencie-
ment par un supérieur hiérarchique d'un subordonné récalci-
trant.
La situation prévalant en Grande-Bretagne était très diffé-
rente et son influence, en tant que paradigme, est sans com-
mune mesure avec celle d'un « modèle suédois » qui n'a pas
consciemment, même dans la Suède du XX siècle, connu
d'épigone véritable. L'impeachment britannique passe géné-
ralement pour être le préliminaire exclusif de la responsabilité
politique et il est incontestable que celle-ci s'en est fait cir-
constanciellement une arme. Procédure de droit criminel,
apparue à la fin du Moyen Age, tombée en désuétude sous
les Tudors, réapparue sous Charles I puis à la Restauration,
elle atteint au début du XVIII siècle à un point technique de
perfection, avec des garanties accrues pour l'accusé, qui lui
vaut de connaître bientôt une définitive obsolescence. A la
suite de l' impeachment de 1716 qui avait frappé les ministres
jacobites de la reine Anne, la procédure s'était avérée à la fois
trop lourde et brutale, et s'est imposé le constat que le
recours à cette arme offrait désormais plus d'inconvénients
que d'avantages.
En 1715, la reine Anne meurt et la Maison de Hanovre
succède à la Couronne du Royaume-Uni. Cet avènement
d'un prince allemand moins attaché aux affaires britanni-
ques et ne parlant pas la langue de ses sujets permet à la
fiction de devenir réalité. George 1er n'assistant pas tou-
jours au Conseil, les ministres apparaissent plus clairement
responsables, en tant qu'auteurs, des actes du gouverne-
ment. Mais cette responsabilité demeure individuelle ; il
n'existe pas de solidarité au sein du ministère. L'existence
de celle-ci suppose celle d'un gouvernement dont le fonde-
ment ne serait plus seulement monarchique mais parlemen-
taire. Or, à ce moment, les whigs deviennent les alliés privi-
légiés du Roi, parce que certains tories sont suspectés de
légitimisme. La présence parmi eux de quelques hommes de
grande envergure politique et le détachement relatif des
deux premiers Hanivriens des affaires anglaises favorisent la
naissance de l'institution du premier ministre et de la cohé-
sion du cabinet.
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crises ministérielles. Les pactes de coalition résultent de la


seule volonté des partis, qui ne sont pas engagés à l'égard du
corps électoral. La pratique du gouvernement de législature
constitue une exception. L'instabilité ministérielle peut même
se manifester par des renversements de majorité en cours de
législature, auxquels le corps électoral reste totalement étran-
ger. Les crises ne sont pas seulement fréquentes, elles peuvent
être très longues (supra, p. 107). Le corps électoral étant
privé d'action sur la composition du gouvernement et son
programme, l'usage de la dissolution présente peu d'intérêt.
En effet, les régimes qui connaissent un système de partis
fractionné sont réputés inaptes à produire un « rendement »
efficace de la dissolution. Et cependant, c'est généralement
dans le cadre de ces régimes qu'elle est le plus fréquemment
utilisée. Au Danemark, en Italie, en Belgique, loin de contri-
buer à la stabilité ainsi que l'envisageait la doctrine classique,
cet usage est le signe de l'instabilité et d'un fonctionnement
défectueux du parlementarisme.
La structure politique telle qu'elle est déterminée par l'in-
teraction du mode de scrutin et du système des partis pèse
donc d'un poids décisif dans le fonctionnement du parlemen-
tarisme du type traditionnel. Les mécanismes institutionnels
n'ont pas, par eux-mêmes, d'influence réelle sur la stabilité.

II. — Le parlementarisme rationalisé


En est-il autrement dans les systèmes de parlementarisme
rationalisé, c'est-à-dire est-il possible de créer, ou de
reproduire artificiellement les conditions de la stabilité gou-
vernementale par des mécanismes institutionnels, à la fois
plus efficaces et plus raffinés que ceux, empiriques, du parle-
mentarisme traditionnel ?
En France, depuis la fin de la III République, une partie
de la doctrine s'est attachée à promouvoir la notion de gou-
vernement de législature : celui-ci, selon cette doctrine, pos-
tule un lien organique entre crise ministérielle et dissolution
du Parlement. La menace de dissolution automatique est
censée devoir garantir la stabilité. Ce système n'avait été
adopté dans aucun régime parlementaire jusqu'à la réforme
intervenue en Israël en 1992, où ce mécanisme s'inscrit dans
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le cadre d'une élection directe par le peuple du premier


ministre qui se trouve responsable devant la Knesset dès la
formation de son gouvernement. Les mécanismes de rationa-
lisation les plus célèbres, ceux des constitutions de la I V et
de la V République et de la Loi Fondamentale allemande
s'en écartent. Ainsi, l'adoption d'un mécanisme tel que la
motion de censure constructive (art. 67 LF), qui permet la
constitution d'une majorité nouvelle en cours de législature,
est en soi incompatible avec la définition du gouvernement
de législature, qui consiste à exclure les majorités de rechange
en l'absence d'élections.
S'agissant du système de la Constitution de la I V Répu-
blique, on sait qu'il aboutit à un échec. A cet égard, sans
revenir à celui de la procédure d'investiture du président du
Conseil, on peut rappeler les aspects dysfonctionnels du
mécanisme de la question de confiance posée à propos d'un
texte (art. 49), par lequel le gouvernement, qui n'a pas été
renversé à la majorité qualifiée requise, est néanmoins
contraint de se retirer en raison du rejet du texte par l'Assem-
blée à la majorité ordinaire. Un tel système de rationalisa-
tion, mal conçu et mal appliqué, n'a évidemment pu entraver
les tendances à l'instabilité. A la lumière de cette expérience,
le projet tardif de révision de l'article 49, dit projet Gaillard,
a inspiré le Constituant de 1958 pour la rédaction de l'ar-
ticle 49 de la nouvelle Constitution.
Aujourd'hui, il est admis que les institutions parlemen-
taires contemporaines de la France et de la RFA sont parmi
celles, sur le continent européen, qui connaissent la plus
grande stabilité. Ce constat a déterminé les constituants
portugais, espagnol et belge ainsi que ceux de la plupart
des pays d'Europe centrale et orientale à s'inspirer des
exemples allemand et/ou français, en ce qui concerne la
réglementation des rapports entre Parlement et gouverne-
ment. Ce processus témoigne de ce que le parlementarisme
britannique et ses techniques pragmatiques ont cessé d'être
le modèle fondamental d'adaptation des institutions parle-
mentaires.

1. Les procédures de rationalisation instituées par la Cons-


titution de 1958 ont manifesté une remarquable efficacité.
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Dans ce système, le principe de la présomption de


confiance en faveur du gouvernement a trouvé son aménage-
ment le plus complet. D'une part, la présidentialisation du
régime, qui a donné toute sa valeur au principe constitution-
nel non écrit, énoncé par le général de Gaulle en 1946, selon
lequel le gouvernement procède du chef de l'État, a imposé
l'usage qui permet au premier ministre de s'abstenir de
demander un vote de confiance sur le programme gouverne-
mental. D'autre part, et surtout, l'article 49-3 de la Constitu-
tion aménage les conditions efficaces par lesquelles la pré-
somption de confiance continue de bénéficier au
gouvernement tout au long de son existence. Ce n'est pas
dire que cette procédure soit contraire aux principes du
régime parlementaire et qu'elle permette de gouverner sans
majorité. Au contraire, elle assure le maintien et, le cas
échéant, recrée même le fait majoritaire engendré par la bipo-
larisation du système politique. La bipolarisation, favorisée
techniquement par le scrutin majoritaire à deux tours (sauf le
cas de 1986), mais plus fondamentalement par le reclasse-
ment politique opéré lors de l'élection présidentielle, crée les
conditions optimales de l'efficacité de la procédure rationali-
sée de l'article 49-3. Combinée avec la menace de dissolution,
elle rend possible la survie du fait majoritaire au-delà des dis-
sensions ponctuelles, ou même structurelles, de la majorité
parlementaire telle qu'elle s'est constituée lors de l'élection
présidentielle. En effet, la menace de dissolution suffit à pré-
venir l'alliance d'une composante de la majorité avec l'oppo-
sition en vue de renverser le gouvernement, car un tel com-
portement serait fatal sur le plan électoral, en raison de la
bipolarisation du corps des électeurs lui-même. Ainsi l'ar-
ticle 49-3, conçu à l'origine comme une procédure exception-
nelle, est-il devenu à certaines périodes - comme entre 1978
et 1981 - une véritable méthode de gouvernement, garantis-
sant la survie d'une majorité dont la cohésion se trouvait
profondément ébranlée. On a pu dénoncer le caractère artifi-
ciel de cette prolongation ; il n'en demeure pas moins qu'en
cette hypothèse les dispositions de parlementarisme rationa-
lisé ont démontré leur pleine efficacité.
Il en va de même a fortiori dans celle où le gouvernement
ne dispose pas d'une majorité absolue à l'Assemblée natio-
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nale : ainsi durant la courte législature 1967-1968 (gouverne-


ment Pompidou IV) et surtout durant celle de 1988-1993
(gouvernements Rocard, Cresson, Bérégovoy).
Par ailleurs, si la bipolarisation crée les conditions les
plus favorables de cette efficacité, il n'est pas établi qu'une
situation politique différente soit de nature à paralyser les
effets utiles de l'article 49-3, lequel avait du reste été conçu
en 1958 dans la perspective de la pérennité du fractionne-
ment politique, ainsi que du centrisme. Aussi bien c'est
dans cette hypothèse que les règles du décompte de la
majorité, lesquelles bénéficient au gouvernement, trouvent
leur utilité, la menace de dissolution pouvant conserver son
impact à l'égard de certains députés, comme dans le cas de
l'article 49-2 (motion de censure pure et simple).
Cependant, on peut être plus réservé quant à l'efficacité
virtuelle de ce mécanisme dans un contexte de gouvernement
de coalition classique, où les crises résultent généralement
plus des dissensions au sein du cabinet lui-même que des rap-
ports entre celui-ci et le Parlement. Néanmoins, le système
organisé par l'article 49 de la Constitution française, particu-
lièrement en son alinéa 3, présente le plus haut degré d'effica-
cité et d'adaptabilité parmi l'arsenal des procédures du parle-
mentarisme rationalisé. Ce système a prouvé sa capacité à
contribuer, par sa vertu spécifique, à assurer la stabilité gou-
vernementale dans les différentes situations politiques que la
France a connues depuis 1958.

2. Peut-on en dire autant du système complexe et sophis-


tiqué de la Loi Fondamentale allemande ? En fait, la rareté
de l'usage des procédures aménagées par le Constituant, en
référence à la période weimarienne, ne permet nullement
d'attester leur efficacité préventive. Du reste, le plus célèbre
de ces mécanismes, la motion de censure constructive, ne
peut prévenir qu'un risque d'instabilité des plus limités
puisque aussi bien, sous le régime de Weimar lui-même,
deux gouvernements seulement sont tombés sur une motion
de censure, adoptée par la conjonction des partis extré-
mistes. Ainsi l'article 67 LF apparaît-il plus comme un
témoin de cette période que comme un moyen effectif de
prévenir l'instabilité.
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Certes, les règles de majorité sont favorables au chancelier


en fonction, ainsi que le montre le cas de 1972.
Cela s'est aussi vérifié en octobre 1995 en Espagne, où la
motion de censure constructive a été inscrite dans la Consti-
tution de 1978 : l'impossibilité où se trouvait l'opposition de
droite de la voter en réunissant une majorité absolue au pro-
fit de son leader M. Aznar a permis au gouvernement de
M. Gonzalez de se maintenir quelques mois au pouvoir - et
de limiter ainsi les effets d'une sanction électorale prévisible -
alors qu'il venait d'être battu aux Cortès sur son projet de loi
de finances, équivalant à une motion de défiance dans le par-
lementarisme traditionnel.
Mais le climat de crise suscité par le recours même à la
motion de censure postule une solution politique que les
mécanismes constitutionnels sont loin de favoriser en RFA.
D'où les détournements de procédure opérés en 1972, puis
en 1982, afin de permettre une résolution durable de la crise
par l'appel au corps électoral. Les crises politiques, en vue
desquelles ont été aménagées les procédures de la Loi Fonda-
mentale ont elles-mêmes démontré les limites, voire l'inadé-
quation du parlementarisme rationalisé, l'économie des
mécanismes imaginés par le Constituant se trouvant mis en
question par l'usage, détourné de ses finalités, qui en a été
fait.
Ainsi la stabilité gouvernementale en Allemagne, notable
depuis les débuts de la République fédérale, paraît essentielle-
ment déterminée par le facteur politique que constitue le
fonctionnement du système des partis. Elle reste donc tribu-
taire de la fragilité de la structure politique, et particulière-
ment des aléas résultant du recours nécessaire au gouverne-
ment de coalition, dont les mécanismes de la Loi
Fondamentale ne sauraient garantir la solidité.
Dès lors, le peu de succès réservé à ces mécanismes, en
dépit d'un contexte politique relativement simple (du moins
jusqu'aux élections de mars 1983) et partant, plutôt favo-
rable, conduit au scepticisme quant au caractère déterminant
de ces procédures dans le bon fonctionnement des institu-
tions parlementaires de la RFA.
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III. — La stabilité ministérielle,


critère de classification
des régimes parlementaires

Sur le plan de la doctrine constitutionnelle, nous avons


précédemment opéré des distinctions entre parlementarismes
dualiste et moniste, et au sein du parlementarisme dualiste,
entre les régimes qui n'ont retenu que la forme dualiste et
ceux où le chef de l'État exerce effectivement certains des
pouvoirs de l'exécutif. Dans l'examen qui vient d'être fait des
conditions de la stabilité gouvernementale, nous avons aussi
fait la distinction entre les parlementarismes traditionnels,
qui recouvrent essentiellement les régimes de forme dualiste,
et les régimes parlementaires rationalisés, qui peuvent être
aussi bien purement monistes, comme la RFA, que réellement
dualistes, comme la V République. Mais au-delà de ces dis-
tinctions d'ordre théorique, qui sont utiles à la compréhen-
sion de la diversité d'aspects du parlementarisme, la stabilité
gouvernementale constitue le critère d'une classification
essentiellement fonctionnelle des régimes parlementaires.
Celle-ci oppose les régimes stabilisés et les régimes non
stabilisés, ainsi que les a définis J.-C. Colliard (op. cit.,
p. 269 et s.). Dans la première catégorie se trouvent les
régimes qui connaissent un gouvernement de parti homogène
majoritaire ou quasi majoritaire ainsi que, dans la plupart
des cas, ceux qui sont dotés d'un gouvernement de coalition
déterminée par la structure politique ou par son caractère
électoral. Cette dernière hypothèse est toutefois susceptible
de conduire à des situations qui entrent dans la seconde caté-
gorie, celle des régimes non stabilisés, lorsque la coalition, en
dépit de son caractère déterminé, est rompue pour faire place,
en cours de législature, à une autre, orientée différemment
(cas de la RFA en 1982). Par ailleurs, dans cette deuxième
catégorie, se trouvent les régimes qui connaissent des coali-
tions ouvertes qui sont conclues au niveau parlementaire ou,
plus généralement, à celui des états-majors de partis, et qui
sont toujours révocables en cours de législature. Mais on
peut aussi y ranger les pays dans lesquels le fractionnement
de la structure politique est tel que le recours au gouverne-
ment minoritaire est devenu la règle. Certains pays scandi-
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naves, naguère placés dans la catégorie des régimes stabilisés


(voir les analyses de M. Duverger et de J.-C. Colliard), sont
entrés depuis le début des années 1970 dans l'autre catégorie
et se caractérisent aujourd'hui par une instabilité quasi chro-
nique (cas de la Norvège et, surtout, du Danemark).
Sans revenir sur la question de l'efficacité des procédures
de rationalisation, il faut encore souligner que le caractère
effectivement dualiste de certains régimes, c'est-à-dire le
« correctif présidentiel » (J.-C. Colliard) ne semble pas inter-
férer de manière importante dans la classification fonction-
nelle qui vient d'être esquissée. Le régime finlandais appar-
tient à la catégorie des parlementarismes non stabilisés et
cette situation est tout entière déterminée par la structure
politique et n'est pas affectée par l'aménagement particulier
du pouvoir exécutif dans ce pays. On pouvait faire la même
observation du régime portugais en ses débuts (1976-1982) et
l'on observe en outre que le correctif présidentiel n'y a joué
aucune influence dans la rapide transition du parlementa-
risme vers la forme stabilisée. En France, certes, le système
constitutionnel issu de la pratique gaullienne et de la réforme
de 1962 a permis l'émergence du présidentialisme majori-
taire, variante unique de régime parlementaire stabilisé. Mais
la situation telle qu'elle s'est présentée lors des deux périodes
dites de cohabitation (1986-1988, 1993-1995) a permis de
constater la possibilité d'un système concurrent qui ne
continue pas moins de bénéficier - et à cet égard les procé-
dures de rationalisation peuvent encore démontrer leur
pleine utilité - des principales conditions de la stabilité.
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CONCLUSION

« Restons donc fidèles au parlementarisme. Quoi qu'on


dise, quoi qu'on prédise, l'État parlementaire peut être l'État
du XX siècle » : c'est en ces termes que R. Capitant concluait,
en 1934, son appel à la réforme du parlementarisme. L'im-
médiat après-guerre d'abord, les années 1970 et 1990 ensuite
n'ont pas vraiment démenti cette profession, mais bien des
nuances s'imposent.
Tout d'abord, il est incontestable que l'échec du parlemen-
tarisme dans de nombreux pays, avant la guerre, n'a pas eu
un caractère définitif. L'exemple de la RFA est, à cet égard,
des plus probants, ainsi que celui de l'Autriche. Quant à
l'Italie, si elle connaît, à la suite d'une instabilité assez impor-
tante, une sérieuse crise de régime, on ne saurait nier qu'elle
pratique un système dans lequel le Parlement a conservé une
grande place. Il semble ainsi que les expériences contestables
du passé récent aient déterminé ensuite un véritable renou-
veau du parlementarisme. En témoignent aussi les pays qui
l'ont récemment instauré, ou restauré, en accédant à la
démocratie, comme d'abord la Grèce, l'Espagne et le Portu-
gal, et ensuite les pays de l'Europe de l'est, qui avaient expé-
rimenté le régime parlementaire avant la guerre, dans des
conditions qui n'ont pas été pires que celles de la République
de Weimar, et l'ont tout naturellement restauré dès qu'ils
eurent retrouvé la liberté de choisir la forme de leur gouver-
nement.
Ceci conduit cependant à poser la question de savoir si le
parlementarisme est conditionné par un déterminisme socio-
logique, par les réalités et les structures, tant matérielles que
mentales, de l'Europe ou de l'Occident.
Il est incontestable que l'adoption du régime parle-
mentaire par les États d'Asie et d'Afrique qui ont accédé à
l'indépendance après la seconde guerre mondiale a conduit à
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un échec, qui s'est ensuite traduit par l'avènement de régimes


dictatoriaux ou, au moins, de type présidentialiste. Les désil-
lusions du parlementarisme sont, selon R. G. Schwartzenberg,
de trois ordres : « En premier lieu, le régime parlementaire
semble subtil (distinction du chef de l'État et du chef du gou-
vernement) et fragile (vulnérabilité aux crises ministérielles).
(...) En second lieu, le régime parlementaire valorise l'opposi-
tion. Il suppose une opposition cohérente, prête à prendre la
relève de la majorité au pouvoir. Il tend à mettre sur le même
plan le gouvernement et l'opposition. (...) Enfin, un régime
parlementaire s'adapte mal à un encadrement autoritaire du
développement économique» (Sociologie politique, 1974,
p. 294). Mais ces désillusions du parlementarisme ne
procèdent-elles pas tout ensemble de l'actuelle impossibilité
où se trouvent ces pays d'assumer la démocratie et l'État de
droit ?
Par ailleurs, l'adoption durable du régime parlementaire
par le Japon, pays certes très occidentalisé, mais que sa
culture politique et son histoire récente ne prédisposaient pas
à une réception facile de ce type de régime, et surtout en
Inde, témoignent de la vocation du parlementarisme à
s'adapter à d'autres contextes sociologiques que celui de
l'Occident.
En réalité, parce qu'il va au bout de la logique majori-
taire, en exigeant le maintien permanent de l'accord entre
majorité et gouvernement, le régime parlementaire constitue
un modèle institutionnel relativement simple. En dépit de
l'apparence complexité de sa structure organique, son fonc-
tionnement est moins subtil que celui des régimes présiden-
tiel et directorial, car il postule clairement l'alternative entre
la concentration des pouvoirs dans les mains du gouverne-
ment responsable et la mise en jeu de sa responsabilité, et
non pas un comportement général de self restraint par
lequel le Parlement renonce à cette sanction, qui seul assure
le bon fonctionnement des autres types de démocraties
représentatives.
C'est pourquoi le régime parlementaire est sans doute plus
aisément transposable et applicable dans un contexte institu-
tionnel vierge. Certes, la qualité du fonctionnement du parle-
mentarisme varie beaucoup selon les pays. Celle du modèle
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britannique, si fréquemment imité, n'a jamais été véritable-


ment atteinte. Mais cette vocation à l'expansion du régime
parlementaire est, d'ores et déjà, attestée par la diversité de
ses aspects dans le monde contemporain. Comme expression
la plus fonctionnelle de la démocratie représentative, le parle-
mentarisme est le régime le plus apte à garantir l'État de
droit.
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BIBLIOGRAPHIE

En dehors des ouvrages généraux et des manuels de droit constitu-


tionnel et d'institutions politiques, on pourra consulter les ouvrages
suivants :

Avril (Pierre) et Gicquel (Jean), Droit parlementaire, Montchrestien,


2 éd., 1996.
Belorgey (J.-M.), Le Parlement à refaire, Gallimard, 1991.
Beyme (Klaus von), Die parlamentarischen Regierung-systeme in Europa,
Munich, R. Piper & Cie, 1970.
Birnbaum (P.), Hamon (F.) et Troper (M.), Réinventer le Parlement,
Flammarion, 1977.
Burdeau (Georges), Le régime parlementaire dans les Constitutions euro-
péennes d'après-guerre, Paris, Les Éditions internationales, 1932.
Butt (Ronald), The power of Parliament, Londres, Constable, 1967.
Capitant (René), Régimes parlementaires, p. 33-57, in Mélanges Raymond
Carré de Malberg, Paris, Sirey, 1933.
— La réforme du parlementarisme, Paris, Sirey, 1934.
Colliard (Jean-Claude), Les régimes parlementaires contemporains, Pres-
ses de la FNSP, 1978.
Grewe (G.) et Ruiz-Fabri (H.), Droits constitutionnels européens, PUF,
1995.
Lauvaux (Ph.), Parlementarisme rationalisé et stabilité de l'exécutif, Bruy-
lant, 1988.
— Les grandes démocraties contemporaines, PUF, 1990.
Mathiot (André), Le pouvoir législatif dans les démocraties du type occi-
dental, Paris, Les cours de droit, 1974.
Maus (Didier), Le Parlement sous la Ve République, PUF, « Que sais-je ? »,
n° 2217.
Meny (Y.), Politique comparée. Les démocraties, Montchrestien, 4 éd.,
1994.
Quermonne (Jean-Louis), Les régimes politiques occidentaux, Seuil,
« Points », 3 éd., 1994.

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