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Angleterre - Glorieuse Révolution (1688 – 1689), a vu la fin d’un projet absolutiste mené par le roi
Jacques II. Le 17ème siècle fut marqué par une lutte entre les partisans du roi (tories) et ceux
du parlement (whigs). Cette révolution a mis au pouvoir Guillaume d’Orange et Marie
d’Angleterre qui ont prêté serment de respecter la Constitution. C’est le début de la monarc
constitutionnelle anglaise. Cette révolution, moins connue, a donc eu elle aussi des
conséquences majeures sur le système anglais. On en garde la souveraineté du Parlement
comme ensemble des deux chambres et du Roi (King in Parlement).
-Glorieuse Révolution est de nature assez aristocratique, c’est une querelle interne au
système politique, au sein du Parlement. On change simplement de paradigme sans pour
autant changer de classe politique. Ce changement est important, il sert de fondement à
l’étude de Montesquieu et en particulier au Chapitre 6 du livre XI de L’esprit des lois qui trai
de la Constitution d’Angleterre, notant qu’elle prend pour fondement la liberté politique.
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États - Unis - commence en 1776, est importante et aboutie à la Constitution de 1787.
-Déclaration d’indépendance ce qui explique une base commune, d’un point de vue de droi
liberté, avec le Royaume d’Angleterre. Le fond de la culture juridique américaine est donc
dans la continuité de ce mouvement révolutionnaire de la Glorieuse Révolution.
- Étant une déclaration d’indépendance on passe logiquement de 13 colonies qui s’étaient
développées de manières assez indépendantes à 13 États qui se fédèrent sans se confond
- Cette idée d’unité de la Nation comme en France n’existait pas aux États-Unis car on se
fonde dès l’origine sur une dualité entre les États qui sont l’unité politique fondamentale et l
Fédération qui apparaît. Ce fédéralisme marque la nature du régime américain avec un
Président Fédéral élu État par État et non pas par l’ensemble de la population comme c’est
cas en France. Une autre grande différence entre ces deux régimes est qu’en France l’État
la Nation existait avant la démocratie alors que les États-Unis ont connu la démocratie avan
l’État.
France Porte à l’inverse en elle une réelle transformation sociale. C’est une révolution tant politiqu
que sociale. Il s’agissait à la fois de mettre à bas le système de classe et même temps
d’instaurer de nouvelles institutions politiques. Le problème est donc de développer des
institutions politiques nouvelles dans un pays déconstruit socialement. Les
révolutionnaires français ont donc une ambition qui est plus importante. Cela a donc créé d
tensions et mène au relatif échec de la Révolution avec l’avènement de l’Empire puis de la
Révolution
-Si la Révolution française commence en 1789 par la déclaration de l’Assemblée nationale
elle se termine presque à ce moment, dès lors tout est dit, on a un réveil de la Nation
comprise comme une entité unique et non divisée en classe. On a créé la Nation en juin 17
dans un phénomène qui n’est pas mis en cause car il a été construit par la monarchie
française depuis Louis XIV. On avait déjà l’idée d’un État pour une Nation mais on organise
représentation d’une manière nouvelle
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I/ La crise du Stamp Act.
Au départ de cette révolution on a une simple révolte fiscale. À cette époque
l’Empire britannique s’est étendu et a pris le pas sur l’Empire français en Amérique. Les
colons britanniques étaient des éléments de cet Empire. La colonisation anglaise était celle
qui dominait. En même temps les colons britanniques installés en Amérique estimaient être
dans une situation désavantageuse car ils n’étaient pas représentés au Parlement de
Westminster et n’estimait donc pas avoir de voix politique.
On a la crise du Stamp Act de 1765. Le Stamp Act de 1765 impose le timbre fiscal à
de nombreux documents. S'il est abrogé dès 1766, il participe à un ras le bol fiscal
américain. Cette loi adoptée par le Parlement anglais visait à lever des impôts sur les colons
en Amérique car il considérait qu’ils avaient un certain nombre de privilège en raison de leur
appartenance à l’Empire. Cette levée d’impôt sera contestée par les colons, en vertu du
principe d’aucun impôt sans représentation (no taxation without representation) issu de la
Glorieuse révolution. La contestation politique s’est progressivement développée. Le
Parlement a reculé en raison de ces tensions et on a un débat qui se déroule en Amérique
(cf. thèse de Thibault Guilluy, montre que les colons critiquent le pouvoir du Parlement de
lever un impôt tandis que du côté du Parlement on répondait que le Parlement était
souverain en utilisant ce faisant une notion d’un usage complexe avec l’idée pour le
Parlement de dire que les colonies sont soumises à cette souveraineté, on utilise une notion
de souveraineté inspirée de Thomas Hobbes). C’est le moment de la première affirmation
brutale et claire de cette souveraineté de domination du Parlement sur l’Empire. L’influence
des idées hobbesiennes se fait ici sentir pour la première fois en pratique. Ce débat pose
deux questions fondamentales : la représentation et la limite du pouvoir législatif.
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Elle mêle des éléments traditionnels (l’idée d’une constitution anglaise non-écrite)
et des éléments plus radicaux (tous les corps politiques sont tiraillés entre le peuple et les
gouvernants, entre la liberté et le pouvoir. Or, il faut que le peuple participe au pouvoir.)
Le but est d’obtenir le droit d’envoyer des députés au Parlement anglais pour
les représenter pour voter les impôts. C’est en accord avec un principe traditionnel
anglais selon lequel l’impôt n’est légitime que s’il est voté par l’assemblée
représentative. Ça leur a été refusé par le Parlement qui considère qu’il représente
tous les sujets même ceux qui n’ont pas directement contribué à son élection. Du
pont de vue anglais donc la revendication des colons américain est un contre-sens.
Il faut comprendre qu’à l’époque le suffrage est assez restreint même pour la
Chambre des communes de telle sorte que même si tous ne votent pas tous sont
représentés. C’est le développement de la théorie du mandat représentatif. Le
premier grand théoricien est Edmund BURKE (qui est très critique de la révolution
française qui dit qu’elle pêche par rationalisme là où la Glorieuse révolution avait
voulu déclarer et défendre les droits des citoyens anglais et non le droit du citoyen)
qui dans un discours prononcé en 1774 (Discours aux électeurs de Bristol) dans
lequel il explique que s’il est élu il ne s’estimera pas tenu par la volonté de ses
électeurs mais estimera avoir un devoir général d’être un bon parlementaire
recherchant la justice et le bien du pays. Il dit que le député n’est pas un
ambassadeur, il délibère pour la totalité du pays. Dès lors il n’est pas lié par les
souhaits ou volonté de ses électeurs mais doit décider par lui-même pour le pays
dans son ensemble.
Malgré cette conception, les Américains considèrent qu’ils ne sont pas
représentés, qu’il s’agit là d’une fiction. Ils pensent que les parlementaires n’ont
aucune connaissance directe des colonies et ne sont donc pas en mesure de
prendre une décision éclairée sur la question. De cette conception découle
directement l’acceptation large de la présence des groupes d’intérêts au Congrès.
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Les Américains luttent aussi sur la question de la limitation du pouvoir du
parlement. C’est complexe car on obtenu lors de la Glorieuse révolution la
reconnaissance de la souveraineté du corps législatif. Les colons américains
voulaient se battre pour leur liberté politique mais contre ce parlement qui était
censé la garantir. Cette méfiance a pu poser les bases du constitutionnalisme
avec une méfiance vis-à-vis de la toute-puissance législative. Tout ce
mouvement d’opposition est permis aussi par la nature coutumière de la
constitution anglaise car au fond la Constitution c’est celle que l’on perçoit de sorte
que tout peut être défendu au nom et pour la Constitution. Il n’y a pas de points
fixes, pas de vérité unique sur ce qu’est la Constitution. Cette division sur la
constitution anglaise provoquera la séparation au nom d’une différence de droits
entre les Américains et les Anglais. En effet on distinguait à l’époque les sujets
britanniques et les Anglais. Les Américains voulaient un élargissement du statut des
Anglais à tous les sujets de la couronne britannique. Face à un refus ferme on a une
déclaration d’indépendance écrite par Thomas Jefferson. Cette idée d’indépendance
née en 1775 avec une prise de conscience des Pères fondateurs de l’échec de toute
négociation. Cette Déclaration se présente comme dirigée contre le roi George III
qu’on accuse de tous les maux de la terre, de comploter contre la liberté des colons,
contre le commerce et les esclaves, derrière on a une réclamation d’égalité entre les
Anglais et le reste des sujets de la Couronne. Après une série de crises entre la
métropole et les colonies, les treize colonies britanniques d'Amérique du Nord font
sécession de la Grande Bretagne, le 4 juillet 1776.
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Gouvernement ne respecte pas les droits du peuple. On a une véritable philosophie
du gouvernement dans la Déclaration d’indépendance. Cette philosophie est
lockéenne avec l’idée de l’existence de droits propres à l’individu et antérieur à la
société (en particulier le droit de propriété). Ainsi lorsque les américains disent au
début de la Déclaration que l’existence des droits (vie, liberté, recherche du
bonheur) est « évidente par elle-même ». Les américains disent « recherche du
bonheur » là où Locke parlait plutôt de propriété. On voit derrière l’idée que cette
recherche inclut d’autres droits, on devine la liberté religieuse.
Ainsi cette Déclaration porte en elle une déclaration des droits de l’homme,
universels, naturels. Mais cette déclaration n’est pas un appel à une sorte de
révolution universelle mais seulement un argument en faveur de l’indépendance
(contrairement à la DDHC 1789). Elle s’appuie sur des principes radicaux et affirme
des principes qui ne s’appliquent que de manière exceptionnelle et justifient
l’indépendance américaine. D’où l’énumération des exactions de George III dont le
but est de montrer qu’il s’agissait d’un tyran.
Cela entraîne un mouvement qui aboutira à la Bill of Rights (1st to 10
amendement) en 1791. C’est un jaillissement de la tradition de déclaration des droits
anglaise avec une transformation fondamentale car on considère que ces principes
généraux sont opposables au gouvernement comme ce sera le cas en particulier
avec la mise en place du contrôle de constitutionalité.
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est un non-sens en ce qu'il se justifie par une chambre haute quasi-aristocratique en
rupture avec le système républicain et égalitaire désiré par les Pères fondateurs. Les
checks and balances ne se justifient que dans un contexte monarchique et pas dans
une République. Toutefois, Turgot ne plaide pas pour une Révolution qui
renverserait le système français auquel il appartient. Le progrès économique passait
pour lui par la rationalisation du droit, l'égalité entre les citoyens et l'économie de
marché. Les héritiers de la pensée de Turgot mort en 1781 formèrent une partie des
rangs des Girondins de la Révolution.
Thomas Paine, dans Les droits de l'homme, écrivit lui que la Révolution
française est une continuité des révolutions anglaises et américaine.
Dans les années 1790, l'opposition entre les républicains Jeffersioniens et les
fédéralistes de John Adams et d'Alexander Hamilton polarise la réflexion sur les
révolutions européennes. Les républicains pensent que les fédéralistes veulent
continuer à faire vivre la monarchie britannique et sont donc plus favorables à la
Révolution française.
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procès de Louis XVI), auteur du Sens Commun de 1776 (il affirme que la révolution
américaine n’est pas qu’une révolte fiscale, mais aussi une révolution fondée sur
des principes politiques nouveaux) il souhaite qu’on s’éloigne du système
anglais (abandonner le principe de la balance des pouvoirs, détruire les éléments
monarchiques). Il plaide pour l’instauration d’un régime monocamérisme (une
seule chambre) de la loi faite par les seuls représentants du peuple (et non
l’aristocratie) où le gouvernement n’a qu’une compétence stricte d’exécution.
I/ La Convention de Philadelphie.
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La Convention de Philadelphie débuta le 28 mai 1787 avec des représentants
des 13 Etats. Le 28 mai, 7 Etats étaient représentés (les autres étant retardés). Elle
s’est terminée le 17 septembre 1787. Ensuite le texte fut soumis aux différents Etats
et on a une procédure d’adoption qui prendra du temps. Durant cette période,
Hamilton, Madison et Jay rédigent les Federalist Papers. Ils avaient pour idée non
pas d’établir une nouvelle Constitution mais surtout pour proposer des
aménagements aux articles de la Confédération. Le but était de trouver le moyen de
surmonter les problèmes apparus sans modifier fondamentalement le régime. Mais
par une décision unilatérale ils ont changé leur mandat pour créer et rédiger une
Constitution nouvelle qui a à la fois des points communs mais s’éloigne aussi
largement des Articles. La Constitution américaine naît donc d'un coup de force,
d'une décision unilatérale de l'assemblée réunit à Philadelphie. Ce n'est pas un coup
d'Etat, à défaut de recours à la force armée.
La Convention va se dérouler sans que tous les délégués soient présents.
Rhode Island n’aura jamais de représentant, le New Hampshire n’a eu de délégués
qu’à partir de fin juillet et les représentant de New York n’ont pas eu d’influence. Les
classes sociales les plus modestes et les minorités, femmes et noirs, ne sont pas
représentées. Plusieurs grandes figures ne sont pas non plus à la convention :
Thomas Jefferson étant à Paris comme ambassadeur et John Adams à Londres. De
même, les anti-fédéralistes ont largement fuit la convention comme Patrick Henry.
Les délégués appartenaient aux élites de leurs Etats. Ils avaient joué un rôle
politique dans leur Etat ou pendant la Révolution. Certains Pères fondateurs ne sont
par ailleurs pas présents. Ils avaient une connaissance politique et juridique. On voit
dans les Federalist des grands noms comme Montesquieu, Locke, Blackstone,
Hume, Adam Smith. C’est avec cette culture politique et juridique à dominante
anglaise qu’ils vont approcher leur travail.
Certaines personnalités ont été très importantes pendant cette Convention. On a
notamment Madison (qui a eu certains regret), Hamilton. D’autres qui sont peu
intervenus ont exercé une forte influence : Washington (important par son prestige
militaire notamment) et Benjamin Franklin. Ces hommes ont légitimé cette
convention par leur autorité personnelle. En cela on a une vraie différence entre la
Convention et les Etats Généraux. On est ici face à un comité d’expert et non pas
face une vraie instance de représentation de la Nation.
Le travail de cette Convention est marqué par le consensus. Cela se voit dès
le départ avec l’absence de prière inaugurale à la Convention (sur objection
d’Hamilton). Cela montre que la Révolution n’est pas marquée par la religion dans
son fondement politique.
Les débats se feront à huis clos afin d’éviter toute forme de pression
extérieure et de permettre aux délégués de siéger de manière pacifique.
Quel principe de procédure ? un vote par Etat ou par délégué présent ? La
décision est de voter par Etat : chaque Etat a une voix, sans tenir compte de la
population de l’Etat. On a aussi convenu que si la délégation d’un État n’ets aps
d’accord, leur voix est écartée. À titre de comparaison, l'Assemblée nationale de la
Révolution française votait par tête.
Ainsi l’unité fondatrice c’est l’Etat. Cette décision implique une représentation
du système fédéral américain. On voit bien ici qu’il n’y a pas d’idée de Nation (une
autre différence centrale avec le cas de la Révolution française, qui était centrale en
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France, elle est présupposée de sorte que les états généraux deviennent sans mal
une Assemblée Nationale ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis avec une idée
nationale qui est très faible).
Quel régime souhaité ? On veut bien mettre en place un gouvernement
représentatif mais pas une démocratie au sens strict du terme (cf. Montesquieu,
Burke sur la représentativité). Il y a une inspiration jusnaturaliste.
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pouvoir fédéral le moyen de lutter contre les excès des Etats. C’est une réponse
possible à la conjoncture de la Convention qui est marquée par des perturbations
liées à la trop grande liberté des Etats et la trop grande faiblesse du congrès.
Madison applique ici les théories de Locke sur la question de souveraineté dans la
Constitution : la Constitution doit définir un pouvoir supérieur, plus fort qui puisse
faire imposer sa volonté. Dès lors il prévoit en plus du droit de véto un pouvoir de
recours à la force contre tout État qui ne respecterait pas la Constitution. Par ailleurs
il propose un Congrès en 2 chambres avec une chambre basse avec une base sur
la population et une chambre haute dans laquelle on tienne compte de la
participation de l’État au budget fédéral. Cela a suscité de l’hostilité des plus petits et
pauvres Etats.
Ces propositions sont apparues comme trop radicales ce qui a suscité une contre-
proposition qui propose de maintenir l’autonomie des Etats. C’est le Plan du New
Jersey. Le 15 juin 1787, mené par William Tatterson avec une amélioration des
articles de la confédération en maintenant les Etats comme cellules fondamentales
d'une confédération. Il proposait l'égalité entre Etat dans une même chambre. La
représentation du Sénat est issue de ce New-Jersey Plan. Il proposait de repartir
des Articles de la Confédération qu’il s’agissait d’améliorer en renforçant le pouvoir
central. On rejette la dimension réformatrice du plan de Virginie. On veut une
représentation par Etat au Sénat. S’en suivent de nombreux débats puis un vote le
19 juin 1787. Le bilan du vote c’est que 7 voix vont au Plan de Virginie et 3 pour le
Plan du New Jersey. Cette victoire n’est que relative, le plan du New Jersey a tout
de même eu trois voix ce qui est un problème. À partir de ce moment on constate
qu’on ne tombera pas d’accord sur le Plan de Virginie de telle sorte qu’on va
reprendre les discussions au départ.
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auront été déterminés en dernier : « we the people ». Cette phrase a été
controversée, d’aucun auraient voulu un « nous les Etats » mais on veut mentionner
le peuple, l’unité du peuple américain qui vient contrebalancer les concessions faites
depuis le Plan de Virginie.
On a une grande différence avec le cas français. En effet les dispositions
constitutionnelles sont des grands compromis qui dépassent le moment
constituant. Les Etats se mettent d’accord entre eux. Il n’y a pas d’idée de Nation
qui se donne une Constitution mais plutôt une négociation entre Etats sur
l’articulation de leur association. On n’a pas d’idée de Nation autosuffisante de
sorte que le fait d’ajouter ces premiers mots, a un effet performatif : ces mots créent
le peuple des États-Unis à l’aboutissement d’une Convention qui n’a pas chercher à
créer une Nation.
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Le texte de la Constitution comprend des lacunes et des ambiguïtés. On ne
trouve pas la notion de « souvereignty », « federal » ou encore de « judicial review ».
Le texte est donc assez incomplet, c’est un texte de compromis et ce beaucoup plus
que les autres textes constitutionnels (en France on a une idée de moment
d’autoconstitution de la Nation). Cette ambiguïté fut pointée du doigt au moment de
la campagne de ratification de la Constitution par le Parti Anti-Fédéraliste. Si ce
mouvement a échoué et que la Constitution a été ratifiée cela a permis une lucidité
sur la fragilité du texte. On a conscience de ces vides et on décide de les ignorer
pour favoriser l’existence d’un accord entre les États plutôt que d’avoir un texte
complet. On a un accord sur cette ambiguïté, un accord sur ces lacunes.
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Ils se mettent seulement d’accord sur la nécessité de l’adoption de la Constitution
fédérale. La division entre Madison et Hamilton est due au fait que Hamilton devient
la tête pensante du gouvernement fédéral et du parti fédéraliste avec un projet de
renforcement du pouvoir fédéral (il a dans l’idée un rapprochement du système
politique américain de celui du pouvoir britannique, la monarchie en moins). Ce
projet été présent chez lui dès la Convention de Philadelphie.
À l’inverse Madison fut le grand penseur du parti républicain de Jefferson qui
s’est développé à partir de 1791.
Au moment de l’adoption de la Bill of Rights on a deux partis qui se
distinguent : le parti de Jefferson qui se construit contre la centralisation avec une
idée d’anti-monarchisme républicain et une compréhension de la constitution à partir
des Etats et le parti fédéraliste dirigé par Washington et avec Hamilton comme
penseur principal.
Il faut faire attention à ne pas surestimé l’unité du projet derrière les Federalist
Papers. Cette division doit être prise en compte à la lecture de ces textes.
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notamment grecques mais pas pour les États monarchiques. Madison considère que
la démocratie appartient au passé mais que la république est le régime
nécessaire aux États-Unis.
La différence essentielle tient à la représentation.
Démocratie -participation directe des citoyens aux décisions de la cité sans le truchement d'un
représentant
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n’est plus l’idée ancienne d’une République fondée sur la vertu collective de la Cité
mais une république qui permet le développement économique à l’internationale. Il
faut une République qui a un fondement dans le commerce et le développement de
l’industrie.
La Constitution est mi-fédérale car basée sur un pacte entre des Etats
qui ne sont pas appelés à disparaître. Le corps politique n'est pas unifié mais repose
sur un principe associatif. Ce ne sont pas des divisions administratives, ils sont la
base de la République américaine. Cette nature complexe est un équilibre qui doit
permettre aux Etats-Unis d’exister tout en préservant, en son sein, l’existence des
Etats. Selon Jean Bodin, dans Les Six Livres de la République (1576), l’unité du
corps politique repose sur l’unité de la souveraineté. L'unité de la monarchie est
l'unité du souverain pour souverain. Hobbes reprend cette conception dans Le
Léviathan (1651). Le système fédéral américain s'écarte de cette idée pour s'axer
sur un modèle associatif. Johannes Althusius est un penseur contemporain de Bodin
fut l'un des premiers penseurs des formes politiques dans un contexte associatif et
donc de la fédération. La tradition française d'unité est donc bien exotique car rare.
La Constitution fédérale repose sur les Etats qui sont la base des Etats-Unis.
Les Etats conservent une grande part d'autonomie. La base de la citoyenneté est la
citoyenneté de l'Etat. Chaque Etat a son gouvernement, ses assemblées et sa
protection des droits des citoyens.
Après les fédéralistes Madison rejoint Jefferson dans le parti des states rights.
Dans la Convention de Philadelphie il défend le renforcement du Gouvernement
fédéral mais il va ensuite être plus rétif sur le développement du gouvernement
fédéral. En 1800 il va écrire des textes critiques de la définition du Gouvernement
fédéral (les résolutions de virginie). Il n’a pas toujours été unilatéralement pour l’un
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ou l’autre, il a varié entre les deux et ce notamment car il trouve que le parti de
gouvernance est un parti qui en donne trop au Gouvernement fédéral. Cette
thématique de la répartition des compétences entre ces deux corps est encore très
présente aujourd’hui dans les débats politiques.
Platon considérait que la République devait être gouvernée par des sages et
philosophes porteurs de vérité. La vérité étant une, le gouvernement est attribué à
quelques-uns voire à un seul. Les parties politiques brisent la vérité en la relativisant,
la soumettant à la compétition. Un second courant, courant unitaire de la théorie de
la souveraineté suggère que l'unité est la première qualité d'un corps politique. La
pluralité des parties ou factions est un mal.
Dans le texte 10 il parle du rôle des factions dans la République. C’est un
texte novateur qui est à l’origine de la conception américaine du pluralisme. Dans la
tradition dominante de la pensée politique, ce qui est bien par définition c’est l’unité.
Dès lors la pluralité apparaît comme un défaut, comme une insuffisance, une
réduction, une diminution du bien que représente l’unité.
À l’inverse Madison va insister sur le rôle des factions et plus précisément le
rôle qu’elles peuvent jouer dans la préservation de la liberté dans les
républiques. Il explique que dans la république qu’il soutient la multiplication des
factions va faire en sorte que les représentants ne seront plus dans l’impossibilité de
tourner leur esprit vers d’autres opinions. Il estime que les factions sont
l’expression du pluralisme de la société ce qui va obliger les représentant à élargir
leur vue au-delà de leurs opinions et de tenir compte de la diversité des opinions qui
existent dans la société. L’existence des factions permet donc d’avoir des
représentants qui ne peuvent se sentir lier à une seule opinion. Il y a donc un apport
des factions qui impose un élargissement des points de vue des représentants.
Le texte 10 fait l’apologie de la multiplicité des factions. On doit chercher à se
rendre acceptable par l’ensemble. On va ici à l’encontre de l’idée platonicienne que
le gouvernement bon se fonde sur la vérité qui est unique de sorte que le bien est
marqué par l’unité de la vérité. On a aussi la théorie de l’unicité du corps politique
qui est mise en danger par les factions.
Or supprimer les factions qui sont des groupements permanents d’intérêts ou
d’opinions différents c’est aller vers la tyrannie. On interdit aux factions de se
développer et donc on empêche l’expression de la liberté et on limite les libertés
publiques. La pluralité d’opinion nécessitera une vue plus large car quand il y a un
grand nombre de faction aucune n’a de force suffisante par elle-même de sorte que
toutes doivent faire des compromis.
L'analyse Madison est une déformation d'une prémisse de Montesquieu et de
David Hume qui veut que la dilution des groupes d'intérêts équilibre les pouvoirs. La
multiplication des factions implique que le citoyen se partagera entre plusieurs
factions, empêchant toute faction de dominer. La tradition anglaise se partageait
entre les Whigs, parti du Parlement, et les Tories, parti de la Couronne. Madison
veut dépasser ce schisme pour multiplier et diversifier les intérêts dans un nouveau
cadre américain. Le schisme contemporain de Madison séparait la société agricole
et la société industrielle.
On entend ici par faction des groupes de citoyens qu’ils soient majoritaires ou
minoritaires mis en mouvement par des intérêts propres contraires à l’intérêt des
autres. Madison estime ainsi que pour gérer les factions il y a deux possibilités : soit
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en supprimer les causes (supprimer la liberté : il dit que c’est impossible et ridicule
car si la liberté permet aux factions d’exister, elle est aussi le fondement du corps
social ; ou faire s’aligner toutes les opinions ce qui est impossible) soit en contrôler
les effets.
Il estime que par la multiplication des factions on empêche les unes de
prendre le pas sur l’autre de sorte qu’aucune ne parvient à la majorité et ne devient
en mesure de dominer la société. Cette idée s’inspire de la tradition libérale anglaise
mais il va plus loin. Il ne se limite pas au bipartisme anglais qui avait fait preuve de
bienfaits. Il va voir une multiplicité des parties, mais aussi des associations, des
lobbys et des factions. Ces factions sont un danger pour Madison mais la manière
de les neutraliser c’est la multiplicité qui empêche l’une de prendre le pouvoir. Le
pluralisme des opinions est le moyen d’éviter la tyrannie. Pour lui il faut donc
bien passer du bipartisme au pluralisme. Il part de la tradition anglaise pour créer un
cadre adapté au régime américain. On retrouve l’apologie de la multiplicité des
appartenances, des idées car si les factions sont une source de craintes, leur
multiplicité rend nécessaire la liberté politique pour arbitrer entre elles. Par
ailleurs cette multiplicité permet de ne pas suivre de manière unique un parti.
Madison était un homme qui avait des conceptions sur l’économie qui vont
l’opposer à Hamilton. Madison et Jefferson pensait que le cœur de l’économie c’est
l’agriculture alors qu’Hamilton défend l’industrie comme cœur de l’économie.
Madison est influencé sur ce point par les physiocrates. Ainsi dans le républicanisme
américain de ses débuts il y a l’idée que le citoyen américain est républicain car
attaché au sol qui le nourrit. Ainsi on retrouve aussi dans ce pluralisme l’opposition
entre l’économie agricole et l’économie centrée sur les finances et l’industrie.
En défendant sa position Madison veut défendre les minorités politiques tout
en assurant la domination du phénomène majoritaire. On a une question qui se pose
des rapports entre le principe majoritaire et les minorités. Ce sera plus tard le
problème de l’esclavage qui sera résolu par la Guerre civile américaine. Les États du
Sud ont en effet joué avant ça sur leur statut de minorité (comme pour le compromis
des 3/5ème) pour bloquer toute évolution législative sur cette question.
Madison a donc pensé une machine qui n’est pas parfaite qui est soumise à
des tensions permanente dont la principale est celle qui oppose les États et l’État
fédéral et dont une autre est celle qui oppose les factions et qui se traduit par une
opposition entre le principe majoritaire et la multiplicité des minorités.
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contrairement aux républicains qui se plaçaient du côté des États. Par ailleurs les
fédéralistes sont moins soucieux des libertés publiques que les républicains. La
Révolution française a eu des échos aux États-Unis et sera un objet de dissension
entre ces deux parties. Les Fédéralistes sont hostiles à la Révolution française
tandis que les Républicains ont le sentiment que c’est la tentative d’instauration
d’une république. Ils s’étaient confortés dans cette position par leur haine de la
monarchie anglaise. Le parti fédéraliste veut au contraire s’allier avec l’Angleterre.
Sur l’économie on a une vision plutôt centrale, industrielle et financière plutôt que
territoriale et agricole.
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Au sein de cette interprétation générale il situe l’exécutif, c’est cette recherche
de puissance et de l’organisation du pouvoir. Il inscrit les considérations d’Hamilton
comme une tentative américaine de républicaniser un pouvoir exécutif dont l’origine
serait la partie machiavélienne du pouvoir politique moderne. L’exécutif c’est le
pouvoir. C’est ce qu’il dit dans Le prince apprivoisé.
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républicains et monarchiques ce qui explique aussi selon lui les divisions partisanes
de la monarchie anglaise. Il y a un parti plus monarchiste (tories) et un autre plutôt
républicain (whigs). Pour lui cet affrontement de deux principes est au cœur de la
pensée politique anglaise. Il montre que la première révolution anglaise qui se
termine par l’exécution de Charles Ier marque une période républicaine, suivie d’une
période monarchiste puis un retour républicain avec la Glorieuse Révolution. Cette
problématique est bien retranscrite dans le Second traité du Gouvernement civil de
Locke. Il y parle du pouvoir législatif (chapitre 11) et du pouvoir exécutif (ou
prérogative royale en réalité dans le texte). Cet ouvrage, paru au lendemain de la
Glorieuse Révolution (en 1690) mais écrit avant, en est une apologie. Locke établit
dans le chapitre 11 l’étendue du pouvoir législatif, présenté comme le pouvoir
suprême de sorte que tous les autres pouvoirs (exécutif et fédératif) lui sont
subordonnés mais en contrepartie lui-même ne peut gouverner autrement que par
la loi. Ainsi Locke distingue deux autres pouvoirs dont il nous dit qu’ils sont distincts
en substance mais le plus souvent confondus dans les mêmes mains. On a le
pouvoir exécutif qui est chargé d’exécuter les lois ce qui suppose une certaine
permanence. Il ne doit pas être constamment harcelé par le pouvoir législatif. Il doit
avoir une certaine marge de manœuvre ce qui explique que même si le pouvoir
législatif est suprême, le pouvoir exécutif a l’avantage d’une part d’être permanent et
d’autre part d’avoir la possibilité de dissoudre la Chambre des communes et donc de
nouvelles élections. Il y a donc une certaine asymétrie. Le roi peut provoquer de
nouvelles élections alors que le Parlement ne peut pas se défaire du roi. Ce pouvoir
du roi était classique dans la tradition anglaise mais n’a pas été repris aux États-
Unis. Ce besoin d’autonomie se justifie car l’exécutif est confronté à des cas
particuliers, variables qui nécessitent une marge d’appréciation.
À côté on a le pouvoir fédératif qui appartient aussi au roi. Son objet est de
s’occuper des relations extérieures, de représenter le corps politique dans un
système international qui comprend plusieurs États qui se trouvent entre eux dans
un état de nature. Le but est la représentation du corps politique dans un espace où
les lois nationales ne s’appliquent pas.
On a donc ici une représentation des deux polarités de l’exécutif qui ne
s’accordent pas avec l’idée qu’on serait dans une suprématie absolue du législatif.
On voit bien que l’exécutif ne peut pas se limiter à l’exécution, il a une marge
d’appréciation d’un pouvoir permanent, qui dispose d’un droit de dissolution et qui
exerce aussi un pouvoir fédératif.
Dans le chapitre 14, Locke se consacre à la prérogative royale. Il est présenté
par le penseur par excellence de la pensée des whigs, de la suprématie
parlementaire. On pourrait donc s’attendre à ce qu’il ne parle pas de prérogative qui
est une notion ancienne mais liée à la pensée des tories ; à la pensée royale. C’est
le droit qu’a le pouvoir royal dans certaines conditions dont il est le juge de ne pas
appliquer la loi voir de la contredire explicitement dans certains cas. La prérogative
anglaise c’est ce qui dans la tradition anglaise ressemble le plus à la raison d’État.
Pourtant ça ne l’est pas. En effet elle est exercée par un roi qui n’est pas souverain
seul. Ce n’est ni la raison d’État ni le rule of law. Pour les whigs c’est l’antichambre
de la tyrannie. Pour autant Locke considère que c’est une notion fondée car on n’est
jamais sûr que les circonstances soient telles que l’autorité légitime puisse s’en tenir
aux procédures existantes. On a donc une exception qui existe de sorte qu’on a
besoin de cette prérogative royale. On ne peut pas dire que le roi n’y aura jamais
recours mais il doit savoir que s’il le fait, comme il se place en dehors de la légalité
ordinaire, il se place sur un terrain où les révolutions sont possibles. C’est à partir de
21
cette situation, de cette tradition anglaise qui s’oppose à la tradition française que
Hamilton va construire sa pensée.
Enfin, il faut mentionner le pouvoir judiciaire. Ce pouvoir n’est pas rentré en
conflit avec la monarchie contrairement au cas français (opposition forte entre le Roi
et le Parlement et en particulier le Parlement de Paris qui se cristallisait sur le
contrôle de la législation par la procédure d’enregistrement). En Angleterre il y a un
équilibre entre le pouvoir législatif et le pouvoir du juge. Les juges n’ont pas de droit
d’enregistrement, ils ne font pas la loi mais ils interprètent les lois, ils donnent leur
sens aux lois. Il y a deux principes fondamentaux : l’habeas corpus (le droit à une
voie d’action et à la défense) et le jugement par jury.
A/ Le pouvoir exécutif.
Au moment où éclate la Révolution américaine le régime anglais avait évolué.
Les partis classiques whig et tory avaient déclinés et s’étaient développés le
gouvernement de cabinet qui est en fait un gouvernement de type parlementaire
dans lequel le Gouvernement dispose d’une majorité à la Chambre des communes
et à la Chambre des Lords. Ce régime affaibli la distinction entre les deux partis. On
est dans un contexte marqué par la corruption car le Gouvernement ne faisait passer
des lois qu’en payant les parlementaires résistants. Cette corruption fut très critiquée
par les révolutionnaires américains.
Il y a une division aux États-Unis des intellectuels. John Adams était un
fédéraliste anglophile mais Thomas Payne, philosophe, dans un ouvrage intitulé Le
sens commun explique sa pensée (il est né en Angleterre et meurt aux États-Unis en
1809). C’est un whig radical qui déteste ce qu’est devenu l’Angleterre et il remet en
cause la Constitution anglaise considérant que le seul pouvoir légitime c’est la
chambre des communes. Il estime que la monarchie anglaise pose problème car elle
est héréditaire et qu’elle musèle trop le législatif au profit de l’exécutif. Cela le
conduit à un régime idéal qui est un gouvernement intégral par la loi mais qui est
impraticable. Dans son idéal le Gouvernement est un gouvernement réellement
exécutif, chargé d’appliquer les lois à la lettre sans interprétation, sans marge de
manœuvre. Il est donc en opposition avec tout ce qui tendrait à renforcer les
pouvoirs de l’exécutif. Par ailleurs James Bryce, dans The American Commonwealth
en 1888, traite pendant un chapitre de la question de savoir pourquoi les Américains
ont un exécutif faible (il l’était à l’époque). Il identifie un fond de culture anti
monarchiste qui vient du républicanisme radicalisé dont Payne est un exemple. Mais
cette position radicale ne pense pas l’exécutif. C’est là l’intérêt d’Hamilton : il va
penser l’exécutif.
Ce sont les articles 66 et 67. Il cherche à y répondre à deux objections : la
première c’est que l’exécutif est à tendance monarchique et la seconde c’est qu’il
usurpe le pouvoir législatif. Ce sont des arguments des anti-fédéralistes qui disent
que si on promeut trop l’exécutif on va aboutir à un nouveau George III et on va
écraser les États fédérés ce qui ferait sortir les États-Unis du cadre républicain. Il
décrit à ce titre très bien le fonctionnement des institutions américaines. Il dit que si
le Président a un pouvoir large, il n’a pas tous les pouvoirs. Ainsi sur la question
des traités le président peut négocier les traités mais ils ne deviennent effectifs
qu’après validation du Sénat (cas du Traité de Versailles qui sera refusé par le
Sénat). Il y a aussi le pouvoir de nomination qui est, pour les emplois les plus
22
important comme la nomination à la Cour suprême doit être validée par le Sénat. Il
défend ainsi un contrôle du Sénat.
Par ailleurs il se penche sur la question de l’élection du Président. En effet
cela se fait par un collège électoral composé de représentant des Etats, chacun
ayant autant de membre que le nombre de leur représentant au Sénat et à la
Chambre des représentants. On a ici une prise en compte du fédéralisme dans le
mode d’élection du Président. Le mandat est court, avec seulement 4 ans de sorte
qu’il est régulièrement soumis au vote. Cela montre que la responsabilité politique
ne s’exerce pas devant le Congrès (régime présidentiel) mais devant les Etats qui,
par leurs représentants au collège électoral, choisissent régulièrement le Président.
Les États-Unis étant une fédération, le Président est l’organe qui représente la
fédération et qui est élu, indirectement, par le peuple américain. On a donc dans le
Président la représentation de l’unité du peuple de sorte qu’il ne peut pas être
censuré par un vote du Congrès. Il y a cependant la possibilité de l’impeachment qui
n’est pas une responsabilité politique générale mais au contraire une responsabilité
limitée de nature juridico-politique. C’est une mise en accusation en réalité. Il y a
donc deux votes : un vote sur l’impeachment voté par la Chambre des représentant
(choisi les chefs d’accusation) et le vote du Sénat à la majorité qualifiée sur la
destitution. Ainsi Trump a été impeached mais pas removed.
Hamilton montre par là qu’on a bien un exécutif républicain avec un mandat
court, un contrôle du Sénat sur les actes importants et la procédure d’impeachment.
Il expose aussi la légitimité du président par le vote des peuples des Etats
américains. C’est une réponse claire, factuelle, à la méfiance qui existe dans la
culture américaine à l’égard de l’exécutif (ici inscrit dans le contexte de la peur d’un
retour à la monarchie). Cette méfiance restera pendant toute l’histoire des États-
Unis. On remarque que la présidence est longtemps restée faible de sorte qu’on ne
retient que certains présidents des États-Unis en raison de certains actes, de grands
coups d’éclats (Lincoln, Roosevelt, …). Jefferson ne voulait pas d’un exécutif fort car
il ne voulait pas d’un fédéral fort. Le Président est le représentant du fédéral, de la
fédération. C’est inscrit dans les institutions, il ne doit pas être trop fort en raison du
républicanisme mais aussi en raison du fédéralisme. On notera à ce titre qu’en tant
que Président, Madison sera assez faible.
La faiblesse du pouvoir exécutif vient aussi de l’absence de pouvoir d’initiative
législative. Le Président fait campagne mais ne peut pas, officiellement, proposer de
textes de loi au Congrès. Dès lors le prédisent est nécessairement faible car s’il veut
faire passer des lois il doit nécessairement s’entendre avec le Congrès pour que
le Congrès passe de lui-même un texte. C’est une des raisons de la faiblesse de la
présidence Trump qui a dû composer avec les Républicains du Congrès qui
n’étaient pas nécessairement de son point de vue. Il y a eu peu de réformes
importantes (une réforme fiscale, …). La majorité républicaine a longtemps bloqué
son initiative. En cela on retrouve aujourd’hui le blocage qu’Hamilton met en avant. Il
y a une séparation stricte avec trois verrous : le Congrès (bicaméral égalitaire), le
Président (dispose d’un véto qui pourra être surmonté par un vote à la majorité
qualifiée du Congrès) et le système judiciaire (avec le judicial review). On a donc
une Constitution qui est modérée. On préfère un blocage à une action mauvaise ou
peu pertinente. Cette logique libérale de contre-pouvoir est l’essence de la
Constitution et permet d’assurer le maintien du républicanisme.
Ainsi Hamilton répond au problème vu par Locke dans le Second traité du
Gouvernement civil au sujet du pouvoir exécutif qui respecte la liberté mais soit
suffisamment fort pour pouvoir gouverner. La Constitution elle-même fixe les limites
23
de la Présidence tout en lui donnant dans les faits un pouvoir important voire aussi
important que les pouvoirs du monarque anglais. On a donc des pouvoirs immenses
mais soumis à un contrôle.
B/ Le pouvoir judiciaire
24
par rapport à la Constitution. On le fait dans Marburry v. Madison puis une nouvelle
fois dans Dred Scott qui donne une sorte de statut constitutionnel à l’esclavage.
La Cour suprême a été un élément de construction de la puissance fédérale
dans lequel il n’y avait pas d’État. La puissance étatique au 19ème n’existe pas en
Amérique et à ce titre la Cour suprême a été plus qu’un juge de protection des
libertés. Il construit la puissance fédérale avec par exemple la décision 1819,
McCulloch v. Maryland. Ce qui existe d’Etat aux États-Unis est venu par les cours et
non par la Constitution.
Il est intéressant de comparer la Cour suprême de l’époque et celle de la
CJUE. En effet la Cour suprême est une Cour dans un système sans puissance
étatique et qui doit en créer une pour créer cette unité à force de jurisprudence en
définissant la répartition des pouvoirs entre le fédéral et le fédéré alors que la CJUE
est dans un système de conflit entre puissances étatiques sans chercher à en créer
une autre qui les dépasse.
Hamilton est pour toutes ces raisons le père du fédéralisme américain et
d’une certaine manière de l’État américain. Les thèses anti-fédéralistes, qui ont
gagnés politiquement, n’ont pas tenu dans le long terme et qui ont aujourd’hui perdu
beaucoup de leur portée.
25
Royaume-Uni, la Révolution française offrant une alternative moderne au régime
anglais.
L’un des acquis des pères fondateurs est d’avoir posé la nature de la
Constitution comme expression de la volonté du peuple et confirmer sa valeur
supérieure à celle des lois. On doit dès lors se poser la question de la garanti de
l’effectivité de la Constitution. On peut penser que celui qui est à même c’est le
peuple américain. Mais le peuple américain, à cette époque est une notion peu
claire, qui n’a rien à voir avec la Nation française. Dire que la Constitution vient du
peuple c’est rester dans le flou. En effet le système constitutionnel étant fédéral il est
impossible d’imputer la souveraineté soit aux Etats soit au peuple unifié de
l’ensemble des États-Unis. On ne peut pas dire ni exclure que le peuple américain
soit le peuple des Etats ni le peuple américain indépendamment des Etats fédérés.
L’article 5 prévoit une procédure d’amendement qui est extrêmement
exigeante de sorte qu’il y a peu de révisions constitutionnelles. Il y a donc un
paradoxe car la Constitution se veut fonder sur la souveraineté du peuple mais les
conditions la rendent complexe. Ainsi quand on voit le monde américain on
comprend sa singularité. En effet on n’est pas ici sur la question de la souveraineté
de la Nation qui est le grand thème, le fond de la réflexion politique française depuis
l’Ancien Régime. On a toujours eu une réflexion sur la souveraineté (Loiseau, Bodin)
et la nouveauté de la Révolution c’est l’émergence de la Nation comme nouveau
dépositaire de la Souveraineté. On ne retrouve pas cela aux États-Unis. Gordon
Wood, historien de la révolution américaine, écrit dans un de ses livres que les
Pères fondateurs et les Révolutionnaires ne se préoccupaient pas vraiment de la
souveraineté du peuple. Ils assimilent la souveraineté au principe de souveraineté
du Parlement et donc à la crise du stamp Act et de toutes les crises qui vont suivre
et mener à la Révolution. On a une révolution qui se fait en quelque sorte contre la
Souveraineté de sorte que la Constitution met en place un système dans lequel il n’y
a pas de souverain. Leur question n’est pas de dire quel est le souverain mais plutôt
de mettre en place un système de gouvernement qui soit efficient, qui en même
temps soit une garantie de droits.
De ce point de vue, quand on lit Hamilton et en particulier ses interventions à
la Convention de Philadelphie, on voit qu’il insiste sur un thème soulevé notamment
par Blackstone à savoir la Souveraineté du Parlement. Cette notion le pousse à
écrire que dans tout gouvernement il faut un souverain, qu’il faut dans toute
constitution une autorité suprême à laquelle tous les membres de la société sont
sujets. Il faut dire dans la Constitution qu’il y a un organe qui représente le peuple
par excellence. Pour lui c’est la cour suprême qui joue ce rôle de garantie de la
volonté souveraine du peuple exprimée dans la Constitution. Il restera
minoritaire sur cette question.
Madison fera une autre proposition en proposant un droit de véto sur les lois
des Etats pour le Congrès qui doit pouvoir s’opposer aux lois des Etats. On voit bien
ici, en arrière-plan, l’idée de la nécessité d’une autorité supérieure qui assure le
respect de la Constitution. Il le donne au Congrès. Cela sera abandonné par suite
d’un vote. Il va par conséquent dans les Federalist Papers développé une nouvelle
conception de l’effectivité de la Constitution qui s’oppose en partie à Hamilton. Ce
sont les articles 47 à 51 des Federalist Papers. Il dit qu’il faut que la Constitution
26
puisse opposer des forces, au-delà d’une simple description de contre-pouvoir. Il
évoque des points critiques de Jefferson qui disait qu’il faudrait en cas de doute sur
l’interprétation des conventions populaires. Au Federalist 51 il écrit qu’il faut avoir
recours, « pour maintenir en pratique la partition nécessaire des pouvoirs
comme l’établit la Constitution », à un aménagement de la structure intérieure du
Gouvernement de sorte que chaque pouvoir soit limité. Il refuse qu’on pense un
tiers, il faut pour lui penser une dynamique interne à la Constitution. La Constitution
doit être une machine qui marche d’elle-même. Il dit que « la véritable sécurité
contre une concentration des pouvoirs dans le même département consiste à donner
à ceux qui administrent chaque département les moyens constitutionnels
nécessaires et les motifs personnels de résister aux empiètements des autres ». Il
faut donner des moyens aux organes constitutionnels à chaque branche pour
qu’elles assument elles-mêmes la constance de leur pouvoir. On fait un lien entre
l’indépendance des branches et les moyens de contrôle conférés par la Constitution.
Pour lui la séparation des pouvoirs et donc l’effectivité de la Constitution vient du fait
que chaque branche soit un interprète de la Constitution qui soit en mesure de
défendre son pouvoir. Ces moyens ce sont les checks and balances (véto
présidentiel, impeachment, judicial review). L’effectivité de la Constitution ne découle
pas d’elle-même, elle doit être assurée par les institutions constituées en utilisant les
pouvoirs conférés par la Constitution elle-même. C’est par ce contrôle des branches
les unes contre les autres que la liberté politique est garantie. Il faut bien que les
États-Unis soient le pays de la constitutionnalité des lois mais aussi de la critique
démocratique du contrôle de la constitutionnalité des lois, avec cette idée que ce
contrôle s’il est un moyen d’assurer l’efficience de la Constitution elle ne peut pas et
ne doit pas être le seul. Pour qu’il y ait un équilibre il faut que tous disposent de ce
pouvoir qui permet le contrôle.
Il y a donc une place dans le système américain pour des
constitutionnalismes minoritaires. Chacun peut interpréter la Constitution et tous les
pouvoirs constitutionnels sont des gardiens de l’équilibre contre les autres. Madison
donne ce contrôle, cet exercice de la souveraineté aux trois branches car, inspiré de
la notion anglaise de souveraineté, il n’estime qu’aucune ne doit être pleinement
souveraine. On a une souveraineté anglaise sans principe monarchique qui
implique, qu’aucun pouvoir ne doit avoir de domination sur les autres. Il y a :
- Une garantie juridictionnelle de la Constitution qui appartient à la cour suprême (sens
qui est celui employé dans le Fédéraliste 78) mais cette garantie n’est pas la seule.
- Une garantie exécutive par le véto du Président
- Une garantie institutionnelle par les procédures d’impeachment.
On met en avant le fait que les branches du Gouvernement peuvent ne pas
être d’accord entre elles et que cela ne détruira pas le système américain mais au
contraire, les pouvoirs se neutralisent entre eux dans le cadre de la Constitution. On
a un devoir d’interpréter la Constitution. Madison soutient donc cette conception une
constitution qui réparti son effectivité entre les trois branches du Gouvernement.
Mais dès lors qu’elle est la place laissée aux États ? Ces États sont parties à la
Constitution fédérale, ils sont ceux qui ont signé cette constitution et lui ont donné
son pouvoir de sorte que les Etats devraient, en théorie, un droit et un devoir
d’interprétation et de contrôle de la mise en œuvre de la Constitution. À cette
question, Madison ne répond pas dans les Federalist Papers. Mais elle va
réapparaître dans le contexte de la crise de 1800.
27
SECTION 2 : DE LA CRISE DES ALIEN AND SEDITION ACTS A LA
REVOLUTION DE 1800.
28
réplique qui a pris la forme de deux textes, importants dans la tradition
constitutionnelle américaine. Ces textes expriment ce que l’on appelle les principes
de 1798, ce sont les Résolutions de Virginie (Parlement de Virginie) et du Kentucky
(Parlement du Kentucky). On a à la fin de 1798, une réaction de deux États fédérés
contre ces deux lois. La Résolution de Virginie a été écrit par Madison et ensuite
adopté par le Parlement et la Résolution du Kentucky a été rédigé par Jefferson.
Ainsi ce sont de deux Pères fondateurs qui sont adoptés dans un contexte de
conflit politique et politico-constitutionnel qui se cristallise autour de différentes
considérations de la Constitution.
Ces textes appellent à la résistance contre les deux lois et ils expriment des
principes sur le fédéralisme, sur la Constitution fédérale. C’est une tradition
constitutionnelle différente de celle du Fédéraliste 78 de Madison.
Elles se fondent sur une analyse de la Constitution fédérale comme un
« compact » (« convention ») entre les États fédérés de sorte que les lois sur la
sédition et les étrangers sont contraires à la Constitution. On pose ici un choix clair
sur ce qu’est la Constitution, on définit les termes, ce qui avait été dit à demi-mots
depuis la Convention de Philadelphie. En effet les États parties au « compact »
fédéral sont décrit dans ces textes comme ayant le droit et étant « lié par le devoir »
de « s’interposer pour arrêter les progrès du mal et maintenir en leur limite les
autorités, droits et libertés qui leurs appartiennent » (Virginie). On voit ici une
analyse de la nature de la Constitution fédérale comme étant un contrat et dès lors
les Etats ont eux aussi un devoir de juger de la conformité à la Constitution d’une loi
fédérale. Dans le texte de Jefferson (Kentucky) on trouve aussi que dès lors qu’il n’y
a pas de juge commun, chaque partie a le droit égal de juger par et pour lui-même.
On a ici une défense forte de l’autonomie des États comme interprètes et garants du
contrat qu’ils ont passé entre eux, c’est-à-dire de la Constitution. Les États peuvent
juger chacun pour eux de la Constitution fédérale et défendre cette constitution
même contre le Congrès. On a un prolongement du raisonnement de Madison dans
le fédéraliste 51 dans lequel il dit que la Constitution est self enforced de sorte que
tous les organes qui sont mentionnés dans la Constitution peuvent et doivent
garantir la Constitution contre les exactions des autres. On dit ici que les États
fédérés participent de cette défense globale, divisée entre tous, de la Constitution.
Les États ont donc, au même titre que le Congrès, le Président et la Cour suprême,
le droit et le devoir de vérifier le respect de la Constitution.
Ce sont des textes qui vont être utilisé lors de la guerre civile dans la défense
des Etats du Sud. John Calhoun, juriste américain antérieur à la guerre de
Sécession, disait que ces résolutions sont un modèle, il revendique les paroles des
Pères fondateurs en disant que puisque la Constitution est un contrat les Etats sont
libres de sortir de l’Union. Mais le propos de Jefferson et Madison n’était pas de
prendre parti sur cette question ainsi malgré la filiation entre ces deux idées mais les
juristes s’opposent avec entre autres la question de la constitutionnalisation de
l’esclavage.
On notera que Madison a changé d’avis, il commence par défendre le
renforcement du Fédéral en 1787, et proposait le droit de véto du Congrès américain
sur les lois des Etats, et il passe en 1798 à l’opposition au pouvoir étatique. On a
donc beaucoup de questionnements sur la continuité de sa pensée en la matière. Le
rejet de sa proposition à la Convention de Philadelphie l’a beaucoup déçu même si
cela est suivi par l’adoption de la Suprematie Clause (art. 6 Section 2) sans pour
autant qu’on précise qui est chargé de la garantie de la Constitution. En effet la
section qui suit (art. 6 section 3) est celle qui porte sur le Serment qui dit que les
29
membres du Congrès, le Président, les législatures des Etats, les juges de la Cour
suprême doivent prêter serment de mettre en œuvre la Constitution. On se fonde ici
sur une culture du serment. On voit ici une opposition à la centralisation du
contrôle de constitutionnalité.
Ainsi Madison sort de la Convention de Philadelphie avec une idée de la
faiblesse de la Constitution fédérale. Il va marquer un certain scepticisme. Mais à
partir de 1790-1791 il entre en conflit avec les fédéralistes qui va le retourner en
apparence. En effet, autant il s’était inquiété du pouvoir des Etats pendant la
Convention, autant il fait plus tard le constat inverse à savoir que le Gouvernement
fédéral est source d’un danger, pour la liberté politique. Lorsqu’il écrit la
Résolution on voit que la vraie question c’est la garantie des libertés publiques aux
États-Unis. Ils disent que cette garantie de la liberté politique repose notamment sur
les Etats, qui peuvent mieux garantir les libertés politiques. Jefferson en 1811 écrit à
Destu de Tracy que « les véritables barrières à notre liberté ce sont nos
gouvernements d’État ».
John Taylor, jeffersonien, invoquait en 1798 dans une lettre à Jefferson « le
droit des gouvernements des États à exposer le sens de la Constitution », il faut
considérer que le peuple de chaque État doit être considéré, en cas d’opposition
insuffisante des Etats fédérés, comme étant incontestablement la « partie
contractante ».
À la fin des résolutions, ils appellent les autres États à se joindre à eux dans
l’opposition. On va parler à ce titre, dans les années 1830, d’un pouvoir de
nullification qui conduit à dire que les États ont le pouvoir de s’opposer à la loi
votée par le Congrès (Dans l'histoire constitutionnelle des États-Unis,
la nullification est une théorie juridique selon laquelle un État a le droit de nullifier,
c'est-à-dire invalider, toute loi fédérale qu'il considère comme inconstitutionnelle). Ce
n’est pas un contrôle juridictionnel qui est ici mit en avant mais un contrôle politique
des États sur la loi fédérale. On n’est pas totalement dans le droit, mais ça a une
signification qui est assez indéterminée. Ce sont des résolutions qui n’appartiennent
pas au droit. On ne fait pas ici une grande théorie de l’État, de la Constitution. Ce
n’est pas une théorie juridique en soi, mais plutôt la présentation d’une conception
sur un point de l’organisation de la Constitution.
Au fond on peut expliquer sa position par le fait que, après la Convention, il
part dans son État. Dans le Fédéraliste 10 il dit que le territoire étant vaste, il y aura
une diversité des intérêts divergents de sorte qu’aucun intérêt ne sera susceptible de
s’imposer de lui-même. Ainsi c’est l’étendue géographique qui rend impossible
les combinaisons factieuses. Il dit aussi dans le Fédéraliste 44, alors qu’il
s’interroge sur un potentiel abus du Congrès fédéral dans l’exécution de l’art. 1er
Section 8 C° (détermine les pouvoirs du Congrès), que le Congrès rencontrerait
l’obstacle des branches judiciaires et exécutives et, au-delà, c’est du peuple lui-
même qu’on pourrait obtenir, par l’élection de représentants plus fidèles, l’abrogation
de la loi excessive. Ainsi il oppose à des abus du Congrès fédéral non seulement les
contre-pouvoirs internes mais aussi le fédéralisme américain, les Etats et le Peuple
américain lui-même présent dans les différents Etats. Les Résolutions sont une
illustration de cette conception.
La Constitution est la Constitution de chaque citoyen, qui est protégée et mise
en œuvre par ceux qui prêtent serment. On a une idée lockéenne du citoyen qui
rentre dans le Gouvernement civil dont le rôle est de garantir la paix entre les
citoyens dans le respect de la Constitution.
30
Sanford Levinson, constitutionnaliste au Texas, écrit, Constitutional Faith où il
montre que le constitutionnalisme a quelque chose de protestant. Chacun interprète
pour soi la Constitution comme chaque chrétien protestant interprète la bible.
31
fédéralisme est incompatible avec l’idée qu’il n’y ait qu’un seul interprète. Il estime
en effet que le système est divisé. Il est divisé entre le Fédéral et les Etats et au sein
du Gouvernement fédéral, entre les trois branches. Il dit que dans le fédéralisme il
est évident qu’il n’y a pas qu’un centre, que les Etats sont autonomes mêmes s’ils
sont subordonnés et liés entre eux. Dès lors il ne peut y avoir un monopole dans les
mains d’une Cour suprême.
Il explique aussi que pas plus qu’on ne saurait décerner dans la Constitution
fédérale un centre depuis lequel le pouvoir serait diffusé (car on n’est pas dans un
pays unitaire), l’interprétation authentique de la Constitution ne saurait émaner d’une
seule tête. Il dit bien que le pouvoir judiciaire aussi important soit-il est un pouvoir
constitué de sorte qu’en dehors de son domaine de compétence, son autorité pour
interpréter la Constitution est égale à celle des autres branches. Par ailleurs si ces
trois branches on le droit et le devoir d’être des interprètes authentiques de la
Constitution, il y en a un 4ème dans la personne des Etats.
Madison dit bien dans le texte du Report of 1800 qu’il faut s’interroger sur la
place de garant en dernier ressort de la Constitution du pouvoir judiciaire. Il dit qu’il
« devrait être observé qu’il y a de cas d’usurpation du pouvoir … si l’autorité
judiciaire doit être élevé des parties souveraines à la Constitution, les décisions des
autres branches qui ne sont pas prises sous les mêmes formes doivent avoir la
même autorité et le même caractère final ». Il dit que les pouvoirs non délégués
peuvent être exercés par tous les départements de sorte que le droit ultime des
partis à la Constitution de savoir si le « compact » a été violé dangereusement
La Constitution est plus importante, supérieure à toutes les branches et doit
donc être garantie par toutes les branches. Il projette la question du fédéralisme
dans le Gouvernement fédéral. Il estime que ce dernier doit être compris à partir du
fédéralisme ce qui implique un pouvoir d’interprétation des Etats fédérés et comme
on n’a pas de sources dans les institutions fédérales, on doit comprendre que les
départements ont chacun une autorité qui leur est propre et l’interprétation de la
Constitution par ces trois branches passe par un pouvoir égal de chaque branche
selon une forme particulière. L’interprétation de la constitution résulte d’une
dynamique propre des trois institutions. C’est toujours vrai, il n’y a pas d’équivalent
du Conseil d’Etat dans la Cour suprême.
Jefferson, président, disait qu’il n’y a pas un mot dans la Constitution qui
donne au juge un pouvoir exclusif de déterminer la constitutionnalité des lois. Il dit
que leur autorité d’interprétation de la Constitution dans le sens qui leur est soumis
de sorte que l’interprétation exacte de la Constitution doit résulter d’un dialogue
entre les branches du Gouvernement entre elles et avec les Etats fédérés. Ce
processus d’interprétation n’est donc pas conçu comme juridique mais comme
politique. Dans cette lignée il va critiquer Marburry v. Madison et McCullough v.
Maryland, 1819, décision qui reconnaît les pouvoirs implicites du Congrès américain.
L’art. 1er C° donne une liste claire des pouvoirs du Congrès et le 10ème Amendement
dit que les pouvoirs non conférés au Gouvernement fédéral appartiennent aux États
de sorte qu’il ne doit pas pouvoir y avoir de pouvoirs implicites. Or la Cour suprême
interprète l’art. 1 en disant qu’il y a des pouvoirs non mentionnés explicitement dans
le texte mais suggérés qui sont ces pouvoirs implicites.
Il y a aussi la décision Plessy v. Ferguson de 1896 dans laquelle la Cour
suprême interprète le 14ème amendement et considère que la ségrégation est
conforme à la Constitution. Il faut dire que le 14ème amendement vise à protéger les
droits des anciens esclaves en leur garantissant la citoyenneté et imposant une
32
garantie de leurs droits par les Etats. C’est un texte de 1868. Mais en 1896 ont dit
que la ségrégation ne s’oppose pas à ce texte.
Quand en 1800 on dit que les trois branches ont un pouvoir de même ordre
on se pose la question de la nature. En effet soit c’est juridique exclusivement soit
c’est un processus plus complexe, plus long qui est d’une nature politico-juridique.
Dans la correspondance de Jefferson on a une trace de sa réaction à la décision
McCullough notamment dans une lettre de 1820. Il décrit les branches du
Gouvernement fédéral comme étant « co-souveraines » et que le juge n’est pas
« l’arbitre ultime des décisions constitutionnelles », il dit que les juges sont aussi
impartiaux que les autres et pas plus. Il dit que leur pouvoir est dangereux car ils
sont là à vie et ne sont pas soumis à la responsabilité élective. Mais la Constitution a
créé pour contrer ce pouvoir tous les départements « égaux et co-souverains en
eux-mêmes ». C’est une notion qui vient de l’analyse du fédéralisme et qui était à
l’origine appliquée par Jefferson dans le cadre de la co-souveraineté des Etats
fédérés.
Cette doctrine de Jefferson fut nommée au 20ème « doctrine du
départementalisme », c’est une doctrine de l’interprétation égale (« coordinate
construction ») qui pose l’idée qu’il doit y avoir un dialogue, une concertation, une
collaboration sur l’interprétation de la Constitution. Le problème du sens de la
Constitution s’était posé dans une situation de crise générale qui avait dégénéré de
l’opposition entre les Fédéralistes et les Républicains.
À partir de 1858 il va avoir des débats avec Douglas (autre homme politique,
démocrate). Il y reprend le topos jeffersonien de la Constitution comme devant être
interprété dans un processus politico-juridique de sorte qu’il accepte Dred Scott dans
le cas mais n’en accepte pas le sens général qu’il critique. Son élection en 1860 et
l’époque de la guerre civile va finir par lui donner raison. Cette interprétation se
soutien avec l’idée que la Constitution est un texte politique issu du souverain et que
le souverain doit être celui qui le modifie, par son expression dans toutes les
branches du Gouvernement qui sont « co-souveraines ».
Il y a une autre opposition entre le président et la Cour suprême au moment
du New Deal du Président Roosevelt. En effet la Cour suprême s’opposait à ces
réformes économiques et le Président a menacé de faire voter une loi qui modifie la
composition de la Cour suprême.
On voit ici la tension entre le constitutionnalisme et la tradition démocratique
qui marque les Etats-Unis.
33
CHAPITRE 5 : Le 24 février 1803, la décision Marbury v. Madison
Cette décision est liée à son contexte. En réalité elle a eu un destin historique
à la fin du 19ème siècle. C’est à cette époque qu’on la présente comme la mère du
contrôle de constitutionnalité des lois.
Contexte :
Cette décision, rendue en 1803, intervient dans le contexte de l’alternance
politique. En 1801 on a l’élection de Jefferson qui renverse les Fédéraliste de
Hamilton et Adams. Son mandat devait commencer le 4 mars 1801 or les
Fédéralistes et Adams craignaient la conséquence sur les États-Unis de cette
alternance et font voter juste avant l’alternance une loi (début mars 1801) qui créé
des offices de juges dans le District de Columbia. Le but est de remplir le pouvoir
judiciaire avec des juges fédéralistes.
John Adams avait nommé un peu avant à la Cour suprême le juge John
Marshall (un de ses assistants) et Marshall est resté travaillé à la Présidence et on a
montré que c’était lui qui avait envoyé les actes de nomination des juges de
Columbia. Un des juges nommés, William Marbury, ne reçoit pas son acte de
nomination et donc il demande qu’on le lui délivre. Mais Jefferson dit qu’on doit le
refuser de sorte que Madison, secrétaire d’Etat, refuse de le donner. Il disait qu’en
l’absence de nomination effective ils n’étaient pas tenus de respecter cette
nomination. Face à ce refus Marbury demande à la Cour suprême de faire injonction
au nouveau secrétaire d’Etat de délivrer des actes de nomination et d’affectation. On
sait que Marshall, proche d’Adams, était un cousin éloigné de Jefferson.
Problème de
Solution de la Cour Suprême
droit
La Cour commence, par rechercher s’il a été valablement nommé. Marshall fait alors
distinction entre : Proposition VS Nomination VS Affectation
2/la nomination est prouvée par l’acte d’affectation et elle résulte d’une décision du Pr
après acceptation du Sénat. Cette première partie est donc très juridique. On vérifie le
de la procédure. Une fois dit que la nomination est prouvée par l’acte d’affectation.
3/La preuve est irréfutable dès lors que l’acte est signé par le Président. Cette signatu
condition de validité de l’acte d’affectation. Dès lors que cela est fait l’acte échappe au
Est-ce que le
requérant Marbury président, sa portée étant déterminée par la loi et non par le Président. Ainsi Marshall
a un droit à que Madison est, sous l’autorité de la loi et non pas sous celle du Président.
recevoir l’acte
Sur la question de savoir si l’acte est valable seulement s’il est remis en main propre,
d’affectation qu’il
exige ? considère que ce n’est pas le cas, qu’il suffit du sceau et de la signature. Il estime que
possession de l’original n’est pas nécessaire, que le registre fait foi et que l’acceptatio
pas non plus nécessaire de sorte que l’agent peut refuser ou démissionner sans inval
de nomination.
Marshall en conclut que Marbury a été nommé valablement.
34
Marshall dit que tout individu qui subit un préjudice doit pouvoir réclamer la protection
de son pays. Cette protection est « l’un des premiers devoirs du Gouvernement ». Il c
titre Blackstone et dit que le Gouvernement des États-Unis ne serait pas un gouverne
loi (par opposition au gouvernement d’homme) s’il n’y avait pas de voie de recours po
protéger des droits acquis.
Ensuite la question de savoir si l’acte d’un département ministériel peut faire l’objet d’u
examen par le juge dépend de la nature de cet acte. Il développe alors des considé
intéressantes en disant que certains actes sont de nature politique et qui ne peuven
être examinés par un tribunal car le président n’y répond que devant ses électeurs. M
S’il a ce droit et note que quand le président nomme des agents, ils agissent sous ses ordres de sorte
qu’il n’a pas été sont des actes du président lui-même qui, s’ils sont de nature politique, ne peuvent fa
respecté, les lois de recours. En cela Marbury est la décision fondatrice de la jurisprudence sur les pol
des États-Unis lui questions (équivalent approximatif des actes de gouvernement).
offrent-elles une
voie de recours ? Marshall poursuit en distinguant entre les situations dans lesquelles un agent agit
d’un pouvoir discrétionnaire VS en vertu d’une obligation spécifique qui met en
droits individuels. Si l’acte de nomination est un pouvoir discrétionnaire, une fois qu
acquis on a un droit individuel de sorte qu’on sort du droit acquis qui est protégé par la
conclut en disant que la question de savoir si un droit est acquis réellement est une qu
qui relève du judiciaire et doit être résolue par le juge judiciaire. Il dit bien que judiciair
détermine l’existence d’un droit acquis et donc sa compétence pour statuer sur le cas
35
Le problème ici est celui des rapports entre le Président des États-Unis et les c
départements. Si on admet l’injonction on pourrait dire que la Cour s’immisce dans de
questions de nature politique.
Au début de cette troisième partie Marshall écrit que la Cour ne peut pas exerce
pouvoirs de nature politique mais que son rôle est seulement de se prononcer sur les
individus et non de savoir comment le Président et ses agents s’occupent de leur com
discrétionnaire. Il dit que les questions par nature politique ou confiées par la loi à l’ex
peuvent pas être discutées par la Cour. Mais si ce n’est pas une question politique le
un recours de sorte qu’on ne voit pas pourquoi les cours n’aurait pas le droit de faire r
La voie de le droit des citoyens dès lors qu’on est dans le contexte de la défense d’un droit acqui
Le pouvoir d’injonction reconnu à la Cour par la loi fédérale est reconnu à la Co
recours offerte
en première instance mais il n’a pas été reconnu à la Cour par la Constitution. Il s’inte
au requérant donc sur la compatibilité entre la loi et la Constitution. Il présente ce problème comme
peut-elle opposition entre la loi et la constitution et il en fait un conflit de loi. Cela présuppose q
conduire la Cour Constitution est une loi, que c’est du droit et du droit comme n’importe quel droit de so
à délivrer une comparaison est possible. Il dit que dès lors qu’on a un conflit de loi le juge doit le tran
injonction au C’est un devoir du juge de trancher les conflits de lois, il doit interpréter la Constitution
secrétaire d’Etat d’assurer la défense des droits acquis. Il y a une moralité constitutionnelle dans la
Madison ? de la Constitution. Cela révèle une conception de l’office du juge qui vient de la tradi
Common Law. Le droit est perçu comme ce qui est décidé par le juge, il doit détermin
applicable dans un conflit entre plusieurs lois.
Il va enfin mentionner le serment, qui donne l’obligation aux juges de mettre en
Constitution. Il dit que le serment montre que les juges doivent défendre la Constitutio
pas participer à la violation.
Cette décision, rédigée par Marshall, est un chef d’œuvre d’écriture. Cela fait
penser à l’ouvrage de Cornelius Castoriadis qui écrit dans L’institution imaginaire de
la société dans lequel il critique l’idée d’une fondation morale, axiologique mais que
les sociétés reposent sur des idées imaginaires. On voit ici un lien avec une décision
dont le raisonnement repose sur des imaginaires.
Face à cette décision on peut voir qu’il n’y a pas de mention du fédéralisme
alors même que c’était au cœur du débat dans les Résolutions. Il est mentionné
seulement de manière incidente, dans un développement qui aurait pu ne pas
exister. Il dit que le peuple a le droit originaire d’établir leur futur gouvernement sur
les principes qui, d’après lui, lui permettront d’aboutir à son bonheur, que c’est un
fondement de la société américaine. On voit ici mentionné un pouvoir constituant.
36
On a une opposition avec la notion de compact. La Constitution ne vient pas d’un
pacte entre Etats mais du peuple. En vérité par cette phrase on s’oppose à la
conception de Jefferson. Il voit la Constitution comme l’expression originaire du
peuple américain. Marshall dit bien que la Constitution n’est pas un contrat, c’est un
droit originaire du peuple de sorte que l’unité de la Constitution découle de l’unité du
peuple américain. On vise le peuple dans son ensemble et non le peuple comme
peuple de chacun des Etats. On a donc de manière incidente une réflexion sur la
nature du fédéralisme américain. Ainsi la question de la garantie des droits se
transforme en une question de fédéralisme. On se pose la question de la nature de
la Constitution. On a une consécration du point de vue hamiltonien qui prévaut ici.
Conclusion.
Actualisation du débat.
37
est qu’on commence à avoir une conception cohérente du judicial review, qui é
absente à la période précédente. Cette conception est exposée par HAMILTON dans
n°78 mais il s’était fondé sur les écrits de deux grands juristes américains : J. WILSON
IREDELL. HAMILTON fait une synthèse des deux sur le rôle des cours dans la garan
suprématie de la Constitution.
SNOWISS montre que c’est une conception qui annonce la conception de Mar
Madison mais différentes : le pouvoir des cours à écarter une loi inconstitutionnelle n’e
vu comme une conséquence de la nature écrite de la Constitution, mais comme étant
attachée à l’existence d’un contrat social mais dont le caractère écrit est secondaire. D
Des FP jusqu’à la FP n°78 HAMILTON ne mentionne pas le caractère écrit de la Constitution. Période o
décision Marbury pour les cours d’écarter une loi contraire à la Constitution est vu comme un acte
v. Madison extraordinaire, mais cette conception est plus cohérente et dans ce deuxième momen
l’idée fondamentale selon laquelle l’égalité des branches du gouvernement fédéral es
égalité y compris dans la mise en œuvre de la Constitution : la responsabilité des bran
gouvernement fédéral pour mettre en œuvre la Constitution est partagée entre les 3 b
pas uniquement une responsabilité unique du pouvoir judiciaire à l’égard d’une Const
écrite. On n’en est pas à l’idée que seule les Cours ou la CS auraient une responsabi
la mise en œuvre de la Constitution.
Marshall est nommé à la CS en 1801 et y restera jusqu’en 1835. Pendant cette trenta
d’années, SNOWISS explique qu’à ce moment-là la Constitution et la notion de Const
évoluent : elle n’est plus tant le véhicule d’un droit fondamental qu’un texte de droit su
au droit ordinaire mais qui dans sa nature ne lui est pas non plus différent. Elle montre
grande idée de MARHSALL est de dire que la Constitution est un droit de même natu
droit ordinaire, mais supérieur. À partir du moment que MARSHALL considère cela, c
dire que le contrôle de constitutionnalité a perdu son caractère exceptionnel et révolut
et est devenu une application juridictionnelle et une interprétation de la loi suprême. C
Période 3 : La ouvre la porte à la possibilité pour la CS de revendiquer un monopole dans l’interpréta
décision Marbury la Constitution fédérale.
v. Madison et qui SNOWISS montre bien qu’il y a eu une sorte de décision de MARHSALL : ren
dure pendant les rôle car il pense que c’est comme cela qu’il faut interpréter la Constitution. Il passe en
premières années disant que la Constitution c’est du droit, un droit ordinaire. On quitte le monde du
du 19ème où CS constitutionnalisme britannique car dans ce dernier on voyait la loi fondamentale com
sera dominée par par nature différente du droit et ne pouvait être sanctionnée que par le droit du peuple
J. MARSHALL une révolution. Donc, l’apport de MARSHALL dit SNOWISS est la juridictionnalisation
Constitution. Dès cette époque, l’ambiguité du constitutionnalisme américain consiste
mélanger des considérations qui sont d’ordre politique avec des techniques de mise e
juridiques. À partir de là la Constitution est restée dans une position intermédiaire : pa
texte politique mais pas un texte ordinaire.
38
l’absolutisme et pas du républicanisme. Il y a une sorte de continuité dans l’histoire
des idées : on part du 16ème avec la réforme protestante (LUTHER, CALVIN), la
partie la plus offensive qui est le calviniste va traverser les frontières et mener à des
thèses d’une forme de d’aristocratie des magistrats. La Constitution est plus un
contre-pouvoir au pouvoir du souverain plutôt qu’un socle de libertés
fondamentales.
On doit comprendre les débats nombreux aux USA sur le rôle et la place de la
CS. Le sens général de la Constitution dépend d’un processus politique qui est plus
large que le processus juridictionnel. L’auteur M. FRIEDMANN fit une étude sur la
place de la CS dans l’histoire américaine : la CS joue un rôle essentiellement qui
suit l’opinion publique. Cela est vrai car le sens de la Constitution est un
processus politique qui ne fait pas échapper la Constitution aux débats politiques.
Cette thèse a permis de répondre à un ouvrage qui a marqué durant la moitié du
XXème : BICKEL qui disait que la CS est contre majoritaire, les décisions de la CS
sur la constitutionnalité sont des décisions contre majoritaires car on attribue à la CS
un rôle d’interprétation de la Constitution. La CS va contre la majorité.
L’interprétation de la Constitution est-elle une interprétation uniquement
juridictionnelle ? Est-elle partagée entre les branches du gouvernement et les États
? L’interprétation de la Constitution doit être partagée entre les branches du
gouvernement et les Etats (MADISON et JEFFERSON). Quand on prend la décision
Marbury v. Madison, le dernier paragraphe dit que les tribunaux aussi bien que les
autres départements (branches du gouvernement fédéral) sont nés de cet
instrument. Tirons-en ensemble des considérations :
- 1° On sous-estime la question du fédéralisme quand on s’intéresse aux USA en
France. C’est un aspect majeur que la décision Marbury v. Madison efface
considérablement mais pas totalement.
- 2° Dans l’histoire américaine, les thèses jeffersoniennes et madisoniennes sont
encore présentes. La thèse revendiquée de la Constitution par les branches
fédérales, notamment par A. JACKSON (ancien PR des USA) en 1832, confronté à
deux grandes crises : l’une liée au fédéralisme car des Etats revendiquaient un
pouvoir d’exercer une interprétation de la constitutionnalité des lois. JACKSON s’est
opposé à cette thèse dite de la nullification : elle a été portée par un juriste J.
CHALOUN. Ce dernier a fait une sorte de théorie constitutionnelle de la théorie de la
nullification : possibilité pour les Etats de s’opposer à une loi fédérale. JACKSON
s’est opposé à cette théorie + il a développé des thèses qui étaient typiquement
départementalistes. La présidence de JACKSON a été un moment de revendication
d’une interprétation constitutionnelle présidentielle.
Le 10 juillet 1832 il annonce qu’en tant que PR, il s’oppose à une loi fédérale :
elle visait à renouveler la banque fédérale américaine qui reposait sur une loi. Dans
son texte, JACKSON dit que la CS n’est pas la seule à être une interprète de la
Constitution : la banque fédérale avait été validée par CS, McCulloch v. Mariland : la
loi qui habilitait la banque fédérale américaine était conforme à la Constitution. Or, le
10 juillet 1832 JACKSON déclare « le Congrès, l’exécutif et la CS doivent chacun
pour soi être guidés par leur propre opinion de la Constitution. Tout agent du
gouvernement qui prête serment de soutenir la Constitution, jure qu’il la soutiendra
telle qu’il la comprend et non telle qu’elle est comprise par d’autres. L’opinion des
juges n’a pas plus d’autorité sur celle des juges et vice-versa ». On a ici une
réapparition des thèses de MADISON et JEFFERSON dans un contexte où
JACKSON s’oppose à la thèse de la nullification. Mais d’un autre coté, en tant que
39
Président il s’oppose à une loi fédérale qui avait été validée par la CS en disant qu’il
l’estime contraire à la Constitution. De ce point de vue, JACKSON renoue avec un
topos jeffersonien, les thèses départementalistes. Moment de démocratisation où le
prisme anti anglais aux USA est important : libéralisation de l’accès aux professions
de justice, être juge n’implique pas une formation particulière et tout le monde peut
l’être car nous sommes dans une démocratie.
Autre grand moment ensuite : le grand moment lincolnien (élu en 1860). Il s’est
fait connaitre dans les débats Douglas qui portaient sur la question de savoir si la
question de l’esclavage peut être résolue au niveau des Etats avec la CS, Dred
Scott v. Sanford : elle donne un statut constitutionnel à l’esclavage. Dred Scott n’a
pas une citoyenneté fédérale, c’est un esclave et elle annule pour inconstitutionnalité
une loi qui limitait le développement de l’esclavage : la question de l’esclavage
n’appartient qu’aux Etats. LINCOLN a beaucoup critiqué cette décision : c’est une
interprétation de la Constitution qu’il ne retient pas. Il a repris le topos jeffersonien et
madisonien pour critique la décision de la CS. En 1865 le 13ème amendement abolit
l’esclavage.
Crise économique en 1929 : moment terrible aux USA avec des réformes sociales et
économiques qui apparaissent nécessaires avec le parti démocrate de F.
ROOSVELT (élu en 1933). Les réformes de ROOSVELT butaient contre la CS qui a
écarté plusieurs dispositifs législatifs car les lois étaient inconstitutionnelles. Il
considère alors aussi que l’interprétation constitutionnelle par les juridictions n’est
pas la vérité de la Constitution, il fait pression sur la CS en menaçant notamment de
faire adopter par le Congrès une loi qui augmenterait le nombre de juges à la CS (9
+ 3 pour faire basculer la majorité) = épisode de court planning time ??? A partir de
1937 la CS a abandonné cette jurisprudence sous la pression. C’est un moment de
crise politique où on voit réapparaitre les thèmes jeffersoniens : ils traversent les
périodes car ils sont mobilisés à chacun des moments. CS, 1905, Lautner v. New
York : elle écarte pour inconstitutionnalité une loi qui portait le temps de travail ; cette
décision bloquait toutes les réformes sociales. Cette jurisprudence n’a sauté qu’en
1937 sous la pression. On voit qu’il y a un sens de la Constitution tel qu’il résulte des
cours et une interprétation telle qu’elle résulte des politiques. Le moment où on a
commencé à écrire sur la Constitution comme forme politique et la Constitution
comme forme de droit (legal Constitution et political Constitution) est durant la crise
politique des années 1930. Ces thèmes-là sont liés à des crises politiques.
À la fin on se demande qui a le dernier mot en matière d’interprétation
constitutionnelle ? C’est au moment de la crise du New Deal qu’on voit se
développer ce thème : est-ce que la CS est une forme de pouvoir contre majoritaire
? Est-elle légitime pour imposer des solutions juridiques au nom du droit ? À ce
moment, les thèses de critique vont se développer notamment avec E. CORWIN en
1938 : il explique que le contrôle de constitutionnalité des lois n’est pas un pouvoir
propre des cours mais leur appartient simplement en tant qu’elles sont l’une des trois
branches du gouvernement. HOLMES, grand juge de la CS dans CS, 1905, Lautner
v. NY : la décision n’est pas satisfaisante car vous prenez pour le sens de la
Constitution ce qui n’est qu’une vision du libéralisme social. Il dit que sont confondus
la Constitution telle qu’elle est et le sens de la Constitution.
Selon E. CORWIN au moment du New deal, il faut distinguer les deux, c’était
un proche de ROOSVELT. Puis à ce moment-là, plusieurs juristes américains qui
ont connu cette époque de la crise du New deal, vont ensuite réfléchir au rôle et à la
place de la CS aux USA à partir de cette expérience. C’est notamment le cas d’A.
BICKEL et J. HART ELY : ce dernier avait connu les premières étapes de la
40
réflexion sur la CS. On peut dire que la question posée déjà au début de la
république américaine va traverser l’histoire. Au fond, quand on prend cet épisode
du rapport de 1800 et des résolutions du Kentucky et de Virginie : le sécessionnisme
américain, idée selon laquelle des positions politiques minoritaires se légitiment par
des théories constitutionnelles. Cela n’existe pas en France. Avec CS, 1819,
McCulloch v. Mariland : on entend parler du point de vue fédéraliste, soit du point de
vue qui dit que le gouvernement fédéral était parfaitement légitime, une loi fédérale
pouvait être votée pour créer une banque fédérale aux USA. Mais on oublie le point
de vue du Mariland : le gouvernement fédéral n’a pas à légiférer sur l’existence
d’une banque fédérale, en tant qu’Etat j’estime que la Constitution n’a pas donné ce
pouvoir au législateur. C’est un point de vue du constitutionnalisme qui est
minoritaire mais qui se lit comme une interprétation alternative possible à la fin ; un
peu comme quand JEFFERSON s’oppose à MADISON sur les résolutions du
Kentucky et de Virginie. Même si le Mariland perd à la fin, il y a l’idée qu’il est une
faction parmi d’autres : l’espace public est formé par plusieurs factions qui ont une
interprétation de la Constitution chacun et ce n’est pas grave, ça reste comme ça.
En France cela n’existe pas : tradition centralisatrice, pas de théorie constitutionnelle
corse par exemple.
Dans 1958, Cooper v. Aaron : pour donner suite à celle de 1954, Brown v.
Board of Education : cette dernière fut très mal reçue dans les Etats du sud. La
police fédérale a empêché des étudiants noirs à entrer dans des universités,
moment de tension politique. En 1958 et pour la première fois, la CS dit qu’elle est
suprême dans l’interprétation de la Constitution. Cette décision énonce le
principe de la suprématie de la CS. Néanmoins, quand la Cour dit cela, elle s’appuie
sur l’art. 6 Clause 2 (clause de suprématie de la Constitution) qui est prolongé par
l’art 6 clause 3 (serment des organes constitutionnels américains). Le sens de la
suprématie de la CS est dans le sens de la suprématie de la clause 2 : un juriste
américain ne pourrait pas parler de souveraineté de la CS, ce serait mal venu. On
peut parler de la suprématie de la CS qui est celle de la clause de la suprématie : la
suprématie dans un système fédéral. Même à l’époque de la suprématie de la CS
officialisée par la décision de 1958 il y a encore des juges qui la composent qui ont
une interprétation constitutionnelle qui leur sont propres. Il y a la théorie originaliste
par exemple qui est très minoritaire avec le juge C. THOMAS par exemple. Ce
dernier est connu car il ne parle quasiment pas : il est à la CS mais tout en étant
dans l’opposition à la CS. L’interprétation de la Constitution n’a pas à être uniforme.
Ce qui est recherché n’est pas à être cohérent mais à défendre une certaine vision
de la Constitution.
Introduction.
Cette partie traitera de la pensée de trois auteurs : les deux français Raymond
Carré de Malberg et Maurice Hauriou et l’américain Oliver W. Holmes. Le droit
comparé est alors une discipline en pleine essor.
41
Pellegrino Rossi (1787 – 1848, juriste et homme politique italien naturalisé français
professeur de droit constitutionnel à Paris sous la monarchie de Juillet). Il est une
exception. Pour que le droit constitutionnel s’implante durablement, il faut attendre l
19è siècle et la IIIè République du 4 septembre 1870. Les gouvernements républica
imposé cette discipline. En 1889, une réforme des études de droit est menée : en lic
est imposé le droit constitutionnel pour accompagner la perpétuité de la République
l’hostilité des facultés qui préfèrent le droit civil. Le concours d’agrégation est créé e
De grands auteurs ont émergé dans cette discipline à cette époque :
42
Paul Laband professeur de droit public prussien et Georg Jelinek avec L’État moder
Allemagne
son droit, publié en France en 1911.
Albert Dicey (Introduction à l’étude du droit constitutionnel) et Walter Bagehot sont
également traduits, lus et influence l’échange des idées. Les écrits de James Bryce
Angleterre
(La République américaine, 1900) sur la Constitution des États-Unis.
Réalisme juridique, thèses qui vont marquer sur la compréhension d’une cour, d’une
décision de justice, moment de sociologie du droit avec Nathan Roscoe Pound (187
1964, juriste et botaniste américain
Les facultés de droit sont alors un lieu d’intense réflexion. C’est aussi un contexte de
renouveau politique. Il est important car c’est la première fois dans l’histoire politique
française qu’un régime républicain perdure, régime qui est dominé par une
suprématie parlementaire.
43
par Durkheim et Tarde. Pourquoi la sociologie a-t-elle été importante ? Elle a donné
une profondeur aux règles juridiques qu’elles rattachent à ce que Durkheim appelé
des faits sociaux. Le premier grand livre de Durkheim, Les règles de la méthode
sociologique dans lequel il écrit qu’il s’acquitte de sa tâche quand il exécute les
engagements qu’il a contracté et que toutes les choses qu’il utilise, tous les
systèmes fonctionnent indépendamment de l’usage que l’on fait. Non seulement ils
sont extérieurs à l’individu mais ils sont dotés d’une puissance impérative et
coercitive qui s’impose aux individus qu’ils le veuillent ou non. Dès lors ce ne sont
pas des phénomènes organiques ni psychiques mais constituent des faits sociaux
car ils ne viennent pas de l’individu et viennent donc de la société soit dans son
ensemble soit d’une partie de la société. Il dira que « la première règle et la plus
fondamentale est de considérer les faits sociaux comme des choses ». La sociologie
c’est objectiver les faits sociaux, tous les éléments qui s’imposent à l’individu
indépendamment de sa volonté. L’holisme (conception selon laquelle les
comportements des individus doivent être compris par rapport à la société dans son
ensemble) de la sociologie française s’oppose donc à l’individualisme en se
reposant sur le fait que les comportements des individus doivent être compris
comme dans le contexte de la société. La société est considérée comme étant un
tout qui donne son sens à la partie.
Wittgenstein faisait remarquer, comment fait-on pour se comprendre ? quand
je parle, ce que je dis est une représentation de ce que j’ai dans la tête mais il n’y a
aucune manière de savoir ce que tu auras dans la tête en m’écoutant = si nous ne
comprenons, nous ne comprenons à un langage qui n’est pas réductible à ce que
nous pensons. Le langage est donc un phénomène objectif : mots communs de
l’ordre d’un fait social => c’est ce qu’il y a d’intéressant dans l’holisme. Le langage
que nous employons on y participe, on ne l’a pas créé, on le subit en partie de sorte
qu’il est une règle, un fait social intériorisé par les individus sans trouver en eux leur
origine. La dimension sociale dépasse le seul point de vue individuel. Ainsi les
faits sociaux ne peuvent être expliqués que par d’autres faits sociaux (seule la
société peut expliquer la société, l’individu ne permet pas de comprendre la société).
On ne peut comprendre l’existence d’un langage qu’en raison d’une convention qui
nous unit, comme une totalité qui nous permet de nous comprendre mais qui ne
nous appartient pas en ceci qu’il n’est pas seulement l’expression de notre volonté. Il
faut partir du tout pour comprendre la partie. Il faut partir de la société dans son
ensemble pour comprendre un fait social, il faut partir du langage pour comprendre
ce qui est dit. On ne peut comprendre la société si on considère qu’elle n’est qu’une
addition des individus qui la compose, en effet la société est un ensemble
d’usage, de manière de faire, des conceptions, des règles, des manières d’être
qui dépassent les individus. Ainsi la société a une existence qui est distincte et
extérieure aux individus. C’est l’idée défendue par Durkheim. Il défendra ainsi que
tout n’est pas contractuel dans le contrat, c’est à dire que le contrat n’est pas
réductible à l’échange des consentements car il y a quelque chose en lui qui
appartient à la société elle-même, c’est ce qui explique le fait que tout objet ne peut
pas être un objet contractuel. En ceci on s’oppose à Herbert Spencer (philosophe
1820-1903) qui disait que tout est contractuel et que l’accord de volonté est l’alpha et
l’oméga du contrat.
Il a une réflexion sur l’histoire des sociétés humaines et dit qu’elles sont passées de
la solidarité mécanique (caractéristique des sociétés archaïques avec des sociétés
d’un bloc où tous ont le même rôle, la même croyance, …) à la solidarité organique
caractérisée par la coopération d’individus différenciés et au rôle spécialisé.
44
Durkheim montre que cette solidarité organique a une primauté dans les sociétés
modernes et ce même si la solidarité mécanique n’a pas disparu entièrement. Il a
considéré que certaines branches du droit sont mécaniques (droit pénal, dans la
société primitive le droit est conçu sous l’angle de la sanction pénale, c’est le droit
originaire des sociétés humaines avec l’idée que la violation de la règle est une
offense à une divinité et l’auteur de cette violation est un criminel) et d’autres
organiques (on substitue au répressif les sanctions restitutives et réparatrices, on
singularise l’acte en lui-même et on vise à rétablir une situation par la réparation
plutôt qu’à punir l’agent lui-même). On a selon Durkheim un retrait du droit pénal et
une augmentation des sanctions à fonction réparatrice avec le droit civil, le droit
administratif, le droit des procédures et le droit constitutionnel. La société moderne
c’est donc la division du travail entre les individus et les liens domestiques se
sont relâchés. Les relations de concurrences entre groupe se sont développées
avec donc un droit restitutif.
Ces idées sont un point de référence et de distinction entre sociologie et droit chez
Hauriou et Duguit. On a ici deux manières de croiser et de se distinguer des
réflexions sociologiques.
- Chez Hauriou on a une réaction à Durkheim, par sa théorie dite de l’institution. C’est
une théorie sociologique du droit.
- Chez Duguit on a la conception de la règle de droit qui est marquée par la pensée de
Durkheim.
Hauriou défend ici une théorie qui est sociologique, qui vise à distinguer une
permanence au-delà des existences individuelles et est donc holiste en ce sens,
dans les Principes de droit public, 1910. Il formule aussi cette théorie de l’institution
à la fin de sa vie dans un recueil d’articles qui s’appelle Aux sources du droit. C’est
un recueil posthume. Dans les Principes de droit public, il écrit p.116 que
l’individualité sociale des institutions est distincte de l’individualité de leurs membres.
En somme il dit que le tout est plus que la somme des parties. Cela tient pour lui
à ce que l’institution subsiste malgré les mutations du personnel ce qui lui donne une
existence synthétique. Etat comme institution (idée de Kantorowicz deux corps du
roi). L’institution est quelque chose qui est central chez Hauriou : insistance sur
l’importance de la coutume, de la pratique du droit, « microphysique sociale ». Il
faut aussi dire que le thème de l’institution se trouvait déjà chez Durkheim qui écrit
dans la préface à la seconde édition de ses Règles que les manières collectives
d’agir ou de penser ont une réalité distincte des individus qui à chaque moment s’y
conformes. L’individu ne peut pas faire autre chose que s’y soumettre. Il dit qu’un
mot exprime bien cette idée ; « l’institution ». Chez Hauriou, l’institution est un
élément fondamental de l’ordre juridique. C’est un concept central de sa conception
du droit et de l’État. Il insiste ainsi fortement sur l’importance de la coutume, de la
pratique du droit. Hauriou va donc réfléchir aux formes de genèse du droit et aura
une analyse sociale et sociologique sur le règne de la loi Pour lui le droit est d’abord
coutume, une pratique. Le droit est pratique parce qu’il est constitué de répétition,
qu’il appartient à des processus sociaux qui sont des répétitions d’usages au sein
d’institutions sociales.
Partant de là il va développer sa pensée juridique. Il va ainsi dire que la
formation de la loi relève de la coutume. Hauriou renverse le rapport des sources du
droit en disant que la loi est coutume. Il dit qu’il faut concevoir la loi juridique non pas
comme une norme suprême infaillible mais plutôt comme un consentement
permanent qui lui donne son sens social, son inscription sociale. Pour lui la loi
45
c’est la loi appliquée. Il ajoute que l’unité de la loi passe par le discernement de
règles communes dans la société qui précède la loi qui n’en est jamais que
l’expression. Dans les Principes il dit que la loi a pour matière la substance des
idées communes appliquées aux règlements des situations et des relations
sociales. On a donc pas de théorie formelle de la loi mais une théorie sociologique.
Pour lui la loi n’est pas une disposition impérative mais l’envisager dans son fond car
elle doit être l’expression des idées communes. C’est la substance des idées
communes, il y a un prisme sociologique ici qui est particulièrement marqué.
Selon Hauriou il y a une stratification de l’ordre juridique. Il dit que toutes
les lois ne sont pas lois. Elles peuvent avoir un degré de solidité, d’enracinement
dans l’ordre juridique qui peut être plus ou moins grande. Il voit le droit comme une
superposition de strates. Pour lui il y a une pluralité de strates, de plusieurs couches.
Il distingue ainsi le droit provisoire du droit établi. Il veut dire que les règles du
droit sont plus ou moins structurelles, plus ou moins profondes. Ainsi les règles qui
séparent le droit de l’économie, entre le militaire et civil sont des grandes règles du
droit contrairement à des règles plus cosmétiques. Les règles de propriété, de la
famille, de l’héritage sont des règles stables, qui évoluent mais peu et rarement de
manière radicale. Il dit bien que le droit étant un tout social, il y a des règles qui
structurent le droit et donc bougent peu en tant qu’elles sont des règles d’institutions.
Elles sont des institutions de la société qui dès lors sont du droit établi. Il critique le
droit positif car il y voit une réduction de l’ordre juridique à un seul type de
règle de sorte qu’on passe à côté de la société humaine or chaque société est
unique en ceci qu’elles se sont instituées dans la durée de manière propre à
chacune. L’OJ se comprends de manière transversale et dans ces structures
fondamentales qui fait que toutes les règles ne sont pas nécessairement à égalité :
pour Hauriou, le positivisme juridique aurait pour défaut d’écraser toutes ces
nuances. Il y a ici un croisement entre le présent et le passé. Il écrivait que
« l’institution juridique objective est le moule coutumier dans lequel les droits
subjectifs s’enferment eux-mêmes par leur exercice répété dans le milieu social ». Il
dit bien que le droit fondamental est une garantie de droit avec l’idée que ces droits
est différent du droit gouvernemental qui est le droit tel qu’exprimé par le
Gouvernement et qui était superficiel et non pas le droit des institutions, non pas les
institutions du droit qui sont des faits sociaux. Il faut voir le droit dans son
développement historique et, partant, on a une réflexion sur l’État.
Chez Duguit enfin on a un rattachement à l’école de Durkheim avec l’idée
dans ses écrits que le fondement du droit est la société. Il y a une réflexion sur la
règle de droit qui est transposée de Durkheim. Il insiste sur la nature sociale de la
règle de droit avec l’idée qu’il ne sert à rien de chercher un fondement à la règle de
droit qui lui soit supérieur car elle est un fait social, profondément collectif. Pour lui
ce qui singularise la règle de droit c’est sa finalité qui est la solidarité sociale. La
règle de droit exprime la solidarité qui existe dans la société. Il y a d’une part la
conscience individuelle et d’autre part la solidarité sociale. Dès lors le but du droit est
de vérifier si les agissements des individus sont ou ne sont pas conformes à la
solidarité sociale. = la solidarité sociale justifie la règle de droit mais la limite
également parce qu’ici ce qui justifie la règle juridique. Ce thème de la solidarité
sociale vient de Durkheim, dont Duguit a fait la prémices fondamentale de ces écrits
= réflexion sur le droit objectif, l’Etat et ses agents = déclinaison de cette solidarité
sociale. Le degré
Dans L’Etat, le droit objectif (1901) dit qu’une règle de droit est une règle de
conduite car elle détermine la valeur relative des actes conscients de l’homme et
46
mesure sa compatibilité avec la solidarité sociale qui est la règle d’interaction au sein
de la société. C’est un thème de justification et de limitation de la règle de droit.
Mais ces trois auteurs comme Saleilles portent sur la prémices de ces
auteurs : réaction, croisement et distanciation avec la pensée sociologue qui s’est
développé jusqu’en 1940.
Introduction.
C’est un mouvement qui va être d’une très grande fécondité ou du moins
d’une grande portée. La figure centrale à ce niveau c’est Raymond Carré de
Malberg. Il a écrit la première grande tentative d’instauration, de traduction du
positivisme juridique en France. C’est une œuvre marquée par la pensée juridique
allemande du 19ème siècle avec Savigny d’abord et Laband et Jelinek ensuite.
I / Une œuvre française
C’est aussi une œuvre très française. Carré de Malberg est intéressant car il
tente de construire le positivisme juridique (tentative plus ou moins échouée) mais il
maintient en filigrane une manière de concevoir le droit, avec une reconstruction de
l’histoire constitutionnelle française qui au fond complète sa grande intuition qui se
fonde sur la Nation et souveraineté. Il va tout réduire à la question de l’État, de
l’unité de l’État, de la Souveraineté nationale. C’est en cela un discours très français.
La fascination française pour l’État est quelque chose qui singularise la France, qui
la distingue d’un certains nombres d’États dont les États-Unis et l’Angleterre. L’État
est central en droit français alors qu’elle est moins présente dans les droits anglais
et américains.
Selon Carré de Malberg, la Constitution présuppose un État, l’État étant
l’incarnation de la Nation. Cet États précède donc la constitution dans la pensée
française et en particulier dans celle de Carré de Malberg. À l’inverse dans le monde
anglo-saxon, la Constitution est indépendante de la notion d’Etat qui est très peu
développée. On s’intéresse beaucoup plus, dans ces pays, au rule of law et au
government, à la garantie des droits dans le gouvernement du pays. La constitution
devient donc un moyen de protection du citoyen alors qu’en France on conçoit l’Etat
comme précédent la Constitution et on la voit comme l’expression de la souveraineté
et de l’exercice du pouvoir. La notion d’Etat chez Carré de Malberg ne se mêle pas à
ce que Dicey appelait la Couronne. La Couronne n’est pas l’Etat. Chez les juristes
français (Hauriou, Michoud) on pense la personnalité de l’Etat. Cette conception
personnaliste est très caractéristique de la pensée juridique continentale (France,
Allemagne).
II / Une œuvre sur la souveraineté.
Dans son ouvrage principal, Contribution à la théorie générale de l’Etat, il va
s’intéresser successivement à tous les éléments du droit constitutionnel. Quand on
se penche sur ses développements on peut voir un fil directeur, une orientation
intellectuelle qui est la question de la Souveraineté nationale. La Contribution à la
théorie générale de l’Etat, est centrée sur cette question. Partant de l’idée de la
souveraineté, il va traiter chacune des questions comme des annexes à cette ligne
principale. Ce thème de la Nation nous vient de l’histoire, de l’absolutisme
monarchique. Elle a été républicanisée mais est toujours présente chez Carré de
Malberg (à ce titre lire A. Jouanna, Le pouvoir absolu : naissance de l’imaginaire
monarchique et Le prince absolu : la fin de l’imaginaire monarchique). On a ainsi
47
dans cette notion un lien qui est fait entre les auteurs français. On a une culture
propre à la France qui créé une forme de filiation. On peut ainsi voir une parenté
entre Bodin et Carré de Malberg avec ce problème, cette question de la
souveraineté.
48
caractère sociale et historique qui contextualise le propos de Montesquieu. La
théorie de Montesquieu est liée chez lui à ce qu’il appelle les « principes des
Gouvernements », il estime que la Constitution n’est pas seulement une répartition
des fonctions de l’Etat entre des organes distincts mais que les Gouvernements ont
des principes différents (démocratie = vertu, aristocratie = modération, monarchie =
honneur et tyrannie = crainte). Ainsi c’est dans le contexte de la constitution mixte
que tout s’inscrit chez Montesquieu. Mais pour Carré de Malberg c’est inopérant
dans la mesure où il ne veut tenir qu’un propos juridique avec un fondement de
pensé qui est positiviste, qui est de l’ordre d’une pensée du droit autonome.
Dès lors il va construire sa propre théorie dans la Contribution à la théorie
générale de l’Etat. Sa théorie consiste à dire qu’il ne s’agit pas en réalité d’une
séparation des pouvoirs mais d’une gradation des pouvoirs. Pour lui les trois
fonctions ne sont que des manifestations d’une seule puissance qui est la puissance
souveraine de l’État. C’est dit aux §278 et 279. Il y écrit « qu’il n’y a pas dans l’État
trois pouvoirs mais bien une puissance unique qui est cette puissance de
domination, qui se manifeste de façon multiple […] mais au fond […] concourent à
une fin unique : assurer dans l’État la suprématie d’une volonté dominante, laquelle
ne peut être qu’une volonté unique et indivisible ». Il estime donc que la séparation
des Montesquieu n’existe pas et ne peut exister car c’est une contradiction à la
nature de l’État. Pour lui il y a un souverain de sorte que la distinction entre la loi, le
règlement et la décision de justice vient dans un deuxième temps, vient après l’État.
Il explique que l’unité de l’État implique l’existence de l’unité du souverain mais il dit
aussi que dans les constitutions modernes il doit y avoir un organe prédominant sur
les autres. Au §293 il dit « qu’il y a dans toute constitution un organe prépondérant »,
au §292 il dit que cette nécessité « répond aux tendances unitaires sur lesquelles
reposent l’organisation des Etats modernes ». On écrit à une époque avec une
domination du Parlement. Il écrit pour son système politique avec une domination du
Parlement qui est de fait et qu’il justifie en disant qu’il y a une tendance moderne à
l’unité qui empêche toute séparation : tous les organes exercent le même pouvoir à
des degrés différents. Il y a donc une gradation des pouvoirs. Il dit que seule la loi
est suprême et que sous la loi on trouve les autorités administratives et les autorités
judiciaires qui ont une puissance moindre. Il a au §279 une formule : au-delà des
organes constitutionnels « domine un principe capital qui forme le point culminant du
système étatique moderne, le principe de l’unité de l’État ». Ainsi derrière cette
question c’est la souveraineté qui compte et comme seul le législateur est souverain
la loi est suprême et tout le reste lui est subordonné.
C’est un thème ancien. Depuis toujours on distingue des fonctions dans l’État.
John Locke a été l’un des premiers à formuler clairement cette question dans le
Second traité du Gouvernement civil. On le retrouve chez Montesquieu et dans les
constitutions américaines et révolutionnaires françaises. On a toujours cette division
avec l’idée qu’aucun organe ne monopolise à lui seul deux ou trois de ces fonctions.
Quand il se pose cette question, Carré de Malberg, cherche à établir une
théorie positiviste et donc veut faire une distinction formelle. Il ne se penche pas sur
les finalités de l’action de l’Etat mais seulement à la question de comment l’Etat agit,
au moyen de quels actes il remplit les missions qu’il a pu s’assigner. C’est une
théorie formelle de l’Etat. On ne se pose pas la question de la justice et d’un droit
juste. On se limite aux modes de production du droit. On doit considérer le droit en
49
fonction de son auteur et non de son objet. Si on veut construire une théorie formelle
on doit se tenir à cette approche. Il passe en revue les trois grandes fonctions :
La fonction législative : il y a ici deux grandes propositions
- La loi ne peut être définie que par sa forme (il aboutit à ce résultat après avoir
écarté des débats qui existaient en Allemagne à l’époque) : est une loi toute décision
émanant des assemblées législatives et adoptées par elles en forme législative (« le
concept constitutionnel de loi apparaît aujourd’hui comme étant essentiellement et
uniformément un concept formel », §109)
- La loi possède une supériorité qui la distingue et qui est propre à la volonté de
l’organe législatif qui statue en tant que législateur. La loi est définie par sa
puissance intrinsèque qui la distingue des autres actes de l’Etat. La loi « a une
portée statuaire que ne possède point le règlement et sous l’empire duquel s’exerce
le reste de l’activité étatique » (§113). La loi est définie par la puissance de son
auteur, de la puissance d’initiative du Parlement. Elle a un caractère initial qui tient à
la place singulière du Parlement dans la Constitution qui est d’être souverain ce qui
confère à ses actes une puissance spéciale. C’est une théorie de la suprématie
législative.
La fonction administrative :
- Elle ne doit pas être comprise uniquement comme une fonction d’exécution des lois
(§155, « il faut que l’administrateur dispose […] de la faculté de vouloir et d’agir sous
son estimation personnelle »). Ce n’est pas une fonction d’exécution mais exécutive,
elle tient ses pouvoirs de la loi mais conserve une liberté. On a ici une conséquence
de la Constitution de 1875 qui est en réalité une succession de trois lois
constitutionnelles.
- Au §164 il distingue entre l’état légal et l’état de droit. Pour lui l’Etat légal (loi est
l’expression de la souveraineté de la Nation) se distingue de l’Etat de droit (limitation
de l’exercice de la puissance étatique au nom de la liberté et des droits des
citoyens). Dans l’Etat légal ce qui compte c’est la suprématie de la loi (c’est le cas
français) alors que dans l’Etat de droit c’est une prise en compte supérieure de la
liberté et des droits (cas allemand). L’Etat légal implique la soumission de l’action
administrative à la loi, l’Etat de droit implique une limitation tant de l’exécutif que du
corps législatif.
La fonction juridictionnelle : il va s’interroger sur le point de savoir qu’elle est la
nature de l’action du juge, de son pouvoir créateur :
- Le juge a un pouvoir qui n’est pas simplement d’être la « bouche de la loi », qu’il ne
fait pas qu’exécuter la loi comme si la loi était par elle-même complète. C’est un
pouvoir qui est aussi créateur dans le silence de la loi. Il reconnaît le pouvoir
créateur de la jurisprudence ce qui lui fait se poser la question de sa place par
rapport aux deux autres fonctions étatiques. Sur la question de la différence entre le
juge et l’administrateur il dit qu’il est impossible de démontrer que le pouvoir de
l’Administration est d’une nature différente du pouvoir juridictionnel. C’est cohérent
avec son idée de gradation des pouvoirs. Il n’y a pas de différences absolues entre
ce que fait l’Administration et ce que font les juridictions. La différence n’est pas de
nature (toutes deux sont des manières d’appliquer la loi). Au §255 de la Contribution
il dit qu’en face de l’acte initial qu’est la loi toutes autres activités étatiques ne
forment plus qu’une catégorie principale unique en tant qu’elles ne consistent plus
qu’à appliquer la loi. Toutes ces activités subalternes quels que soient les caractères
spéciaux de l’acte accompli, rentrent dans la fonction générale de l’Administration, il
en est ainsi de la juridiction ». On retrouve donc l’idée d’une diffusion de l’Etat entre
plusieurs autorités avec la loi d’une part et son application d’autre part.
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- La différence est donc seulement organique, formelle. Elle découle d’une juridiction
qui se distingue d’une administration par le fait que, dans une juridiction, on retrouve
trois éléments :
! Elle a une autorité différente : l’acte administratif peut faire l’objet d’un
recours contrairement à une décision de justice.
SECTION 3 : LA SOUVERAINETE
C’est une distinction qu’il fait parce qu’il bute sur un problème, le statut des
États dans les fédérations. Il se penche sur la nature des États fédérés : il dit qu’ils
n’en sont pas souverains mais ont une puissance étatique.
C’est une distinction qui apparaît sous la monarchie de Juillet et donc Carré
de Malberg fait une systématisation. La distinction repose sur l’histoire
constitutionnelle française. Il pense en effet que le système de la souveraineté
nationale est caractéristique de la constitution de 1791. Partant il estime que la
troisième République s’inscrit dans la même conception c’une souveraineté
nationale. C’est pour lui la tradition française qui ne connaît que deux exceptions : la
Constitution de 1793 (pas entrée en vigueur mais qui selon lui exprimait la thèse de
la souveraineté populaire) et les moments de Restauration monarchique avec une
Constitution monarchique (Charte de 1814 et Charte de 1830). Il met en place une
typologie entre ces deux notions :
51
-La Nation est une entité abstraite incapable -Le Peuple c’est l’ensemble des citoyens présent
de s’exprimer par elle-même et ne s’exprime de sorte qu’il n’y a pas besoin représentation pou
donc que par représentation, c’est ce que exprimer sa volonté
défendait Sieyès dans un discours du 7
septembre 1789. On a l’idée que « le -Le vote est un droit du citoyen. Le Corps électora
Parlement peut vouloir pour la Nation ». est le peuple lui-même de sorte que l’on a aucun
contrôle sur son étendue.
-Le Corps électoral est uniquement un organe
de la souveraineté nationale. L’électorat n’est -Les élus ne font que représenter leurs électeurs
donc qu’une fonction et cette fonction est dont ils doivent transmettre les opinions
exercée par le vote, d’où la possibilité de particulières.
limiter le droit de vote.
52
le gouvernement est politiquement responsable devant le parlement ce qui implique
qu’entre deux élections on puisse avoir un changement de gouvernement (si les
députés n’ont plus confiance dans leur gouvernement alors il peut être censuré). Il y
a donc un lien entre les députés et le gouvernement : mais il n’est pas réductible au
moment de l’élection, c’est le régime parlementaire. Il est critique à l’idée de l’opinion
publique. Pour lui c’était le républicanisme qui n’était pas libéral mais avec une
dimension de l’aristocratie qui est aussi importante. Et l’idée que quand on est
parlementaire sous la IIIème, on est représentant de la Nation (chose que l’on a
perdu avec la majorité parlementaire).
53
développement du gouvernement d’opinion est un thème chez Carré de Malberg
qu’il critiquait au nom de la pureté du gouvernement représentatif.
Ce qui joue dans son évolution c’est l’adoption de la Constitution de Weimar
en Allemagne en 1919 : elle avait des caractéristiques qui ont nourri la réflexion de
Carré de Malberg, on y trouve des procédés de démocratie semi-directe comme le
référendum ou l’initiative législative populaire. On y trouve aussi un équilibre entre le
Parlement et le Chef d’Etat. Cette Constitution avait réussi à mêler ce que Carré de
Malberg appelait la souveraineté nationale et la souveraineté populaire (par le
référendum etc.). Le dernier Carré de Malberg opère un virage important en direction
de la souveraineté populaire. Dans un article paru en 1923, il dit qu’il y a seulement
trois formes de gouvernements : la monarchie, la démocratie et le régime
représentatif. Dans ces trois formes, la monarchie est le gouvernement d’un seul, la
démocratie celui de tous et le représentatif de quelqu’un. Mais dans ces
gouvernements il y a une volonté maitresse : le roi dans la monarchie, le peuple
dans la démocratie, et le parlement dans le régime représentatif. Il reste tout de
même fidèle à l’idée qu’il y a un organe dominant. Cela est nécessaire pour assurer
le maintien de l’unité au sein de l’Etat. Il tient à ce que cette volonté ne soit plus
placée dans le Parlement mais dans le peuple : il ne faut pas abandonner le régime
représentatif mais l’organiser autour de la souveraineté populaire. Le dernier Carré
de Malberg est un grand précurseur de la Vème République française : dans la
réflexion du Général de Gaulle et de Debré. Il réfléchit à la réorganisation du régime
parlementaire et on peut sur ce point distinguer plusieurs thèmes qu’il aborde.
Carré de Malberg annonce 1958, cette révolution qui marque la fin d’une
forme de parlementarisme français. On trouve chez le dernier Carré de Malberg les
orientations qui vont faire la Constitution de 1958 avec le référendum et la
dissolution de l’Assemblée dans les mains du Président de la République. C’est le
fruit de cette réflexion sur la souveraineté populaire. On y voit une forme de
scepticisme du régime de la IIIème République.
Carré de Malberg avait rejeté la notion de séparation des pouvoirs au profit de
la gradation des pouvoirs. On retrouve cette idée chez le dernier Carré de Malberg. Il
va dire à ce moment de sa vie que l’hégémonie parlementaire n’a pas de solution au
niveau d’une simple analyse de la séparation des pouvoirs. Pour lui il faut donner au
régime parlementaire français un organe prépondérant, organe qui est en dehors de
la séparation des pouvoirs. Cet organe c’est le peuple. Dès lors tant qu’on ne fait
pas du peuple le souverain dans la Constitution on aura soit des crises
constitutionnelles soit une hégémonie parlementaire. Ainsi il va distinguer les
constitutions qui ménagent une séparation des pouvoirs de celles qui font du peuple
l’organe prédominant de la Constitution, l’arbitre constitutionnel et le souverain. Il
explique que la Constitution américaine a subordonné les trois branches du
Gouvernement fédéral au peuple américain lui-même. Il estime que la force des
États-Unis d’Amérique vient du fait qu’au fondement de la souveraineté il y a le
peuple qui se trouve au-delà de tous les organes constitutionnels. Il prend aussi pour
exemple la Constitution de Weimar en disant qu’on a voulu placer le Corps des
citoyens comme « arbitre suprême » des pouvoirs constitutionnels.
Partant de là il se demande comment sortir la France de l’hégémonie
parlementaire, comment faire naître la souveraineté populaire. Dès lors il sort du
droit tel qu’il est pour regarder le droit tel qu’il pourrait être. Si dans la Contribution à
54
la théorie générale de l’État il avait théorisé le système de la IIIème République autour
de la souveraineté nationale, il n’y ajoute pas son approbation, il dit qu’il a constaté
et que « constater n’est pas faire sien ». Il présente donc la Contribution à la théorie
générale de l’État comme un immense constat qu’il ne présente pas pourtant dans
les derniers temps de sa vie comme une bonne chose. Il dira que le juriste doit
s’occuper seulement de la lex lata et non de la lex lata, mais s’intéresser au droit tel
qu’il est ce n’est pas dire qu’il est parfait. Il ne se prive pourtant pas de critiquer la lex
lata.
En l’honneur de François Gény, Carré de Malberg écrit : « Le juriste n’a point
pour sa part à pourvoir à la lex ferenda, il opère seulement au service de la lex lata
». La lex ferenda renvoie au droit qu’il doit être, la lex lata à la loi tel qu’elle est.
55
souveraineté parlementaire sur la volonté du peuple et en même temps le priver du
droit de contester cette loi. Il pense bien que l’avenir de la représentation est dans la
démocratie semi-directe. Il l’exprime dans cet article en disant que « le
parlementarisme est un régime de transition dont la destinée normale est d’aboutir
sinon nécessairement à la démocratie intégrale du moins à un mélange d’institutions
démocratiques et représentatives ».
Conclusion.
56
régime représentatif : le dernier opte pour la démocratie en condamnant l’oligarchie
représentative. Or cette thèse déjà mentionnée sans être critiquée (§395,
Contribution) en disant qu’on avait un régime aristocratique avec une assemblée qui
représente la fiction qu’est la Nation et sors des mains du peuple pour décider seule,
il dira que la Constituante s’est mise à la place du Roi, qu’elle s’est approprié la
volonté nationale, libre et souveraine. Le Collège résume en lui l’intégralité du
peuple. Ainsi on présente dès la Contribution à la théorie générale de l’État le
caractère oligarchique bien qu’il ne soit pas présenté comme une anomalie mais
seulement un élément de la souveraineté nationale mise en place par la Constitution
de 1791. De même sur la confusion entre constituant et constitué soit on considère
qu’il le décrit comme un fait ou qu’il l’approuve et le théorise comme un élément
nécessaire.
Si on s’interroge sur la continuité de Carré de Malberg on peut s’arrêter à la
souveraineté. Même si on considère qu’il y a deux Carré de Malberg, les deux ont
été des penseurs de la souveraineté, ils ont simplement présenté deux
souverainetés différentes, une nationale et l’autre populaire. Les deux sont d’accord
sur l’idée de l’unité de l’État avec non pas une séparation des pouvoirs mais une
gradation des pouvoirs car les pouvoirs découlent de la souveraineté sans quoi ils
ne participent pas d’une unité de l’État et on pousse à l’anarchie. Parmi les pouvoirs
certains sont prédominants et d’autres sont inférieurs. Le premier dira que le
Parlement prédomine et le second mettra en avant le Président de la République
comme clé de voute des institutions de la souveraineté populaire. Il faut rajouter que
partout chez Carré de Malberg on voit un fort patriotisme qui s’ajoute à sa pensée
positiviste. Ce patriotisme tient au fait qu’il était un alsacien dont les parents avaient
fait parties des optant qui avaient quitté l’Alsace-Moselle pour revenir en territoire
français et il avait été marqué par cette histoire. Il est né de gens qui avaient voulus
ne pas être allemands et avaient choisi, en se déplaçant de conserver leur
nationalité française. Quand on explique que la souveraineté nationale correspond à
la France, quand il explique que la Souveraineté caractérise la France contrairement
à l’Allemagne qui est caractérisée par la puissance étatique, on voit une trace de ce
patriotisme. Il a ainsi écrit dans l’avant-propos à la Contribution à la théorie générale
de l’État que de 1871 à 1914 le monde a dû vivre avec la peur de l’hégémonie
allemande mais que la victoire des idées de libertés a fait briller au plus haut ces
idéaux.
Dans un article intitulé « Réflexion très simple sur l’objet de la science
juridique » de 1935 il dit que le droit se définit par la sanction étatique qui lui est
adjointe. Le droit est ce qui est exprimé par la puissance d’État et, reprenant le §81
de la Contribution qui disait qu’une règle quelconque ne devient une règle de droit
qu’autant qu’elle possède une sanction matérielle, il met en avant son positivisme. Il
y a ici quelque chose d’Hobbes, un idéal de justice qui est trop éloigné de sorte qu’il
n’est pas effectif et qu’on doit s’en remettre à ce qui est décidé.
Il explique que le droit naturel ne peut exister qu’en tant que droit positif sinon
il n’est pas du droit car il doit être exprimé, déterminé clairement par l’autorité. Carré
de Malberg pensait que la délibération politique appartenait ultimement au
Parlement, le droit devait être déterminé par lui car il est chargé de vouloir pour la
Nation et le primat de représentation dans la Contribution est lié à cette idée : s’il
existe un droit naturel il faut que le juge le détermine ce qui en ferait un souverain ce
qui irait à l’encontre du régime moderne.
Carré de Malberg est donc un homme qui a comme idée que seul le
Parlement est souverain et que le droit est celui qui est exprimé par le Parlement
57
mais qui l’accompagne d’une exigence haute de la fonction de représentant. Le
positivisme malbergien est lié à une idée de morale avec une moralité du
représentant, du député et du sénateur qui doit ressentir la tension inévitable entre
les intérêts qui s’affrontent. On doit vouloir pour la Nation mais on doit le faire dans
un sens élevé. À plusieurs endroits la théorie de Carré de Malberg trouve sa limite
dans une morale. Dès la Contribution il disait que la morale était la seule limite de
l’État. Au §81 il disait ainsi que c’est de la valeur morale des gouvernant et du
peuple lui-même qu’il faut attendre la garantie de modération de l’État que le droit à
lui tout seul demeurerait impuissant à assurer car la justice dépend de l’État, car le
droit naturel ne peut pas s’imposer par lui-même. Ainsi la modération du droit repose
sur la morale de la démocratie.
En 1935 dans les études Gény il écrit que la vraie garanti de la conformité du
droit à la morale et à la justice dépend de la valeur morale des populations. Il dit que
les peuples ont les gouvernants et les droits qu’il mérite. On doit rapprocher ce texte
à un extrait du §484 de la Contribution dans lequel il met en garde toute personne
qui attend du droit autre chose et plus que ce qu’il ne peut leur apporter. Il faut
compter moins sur le droit lui-même que sur la valeur morale et intellectuelle des
hommes qui composent chaque nation.
Cours annexes :
Explique pourquoi la seule matière de définir la règle de droit passe par la sanction
— car la règle morale, contrairement à la règle juridique, n’est pas sanctionné par
l’État. Toute règle juridique est fondamentalement liée à la puissance de l’État et
donc à sa souveraineté. Il n’y a pas de droit sans sanction, hors de la souveraineté
de l’État : « dans l’ordre des réalités effectives, une règle quelconque, règle de
conduite des gouvernants ou règle déterminant les facultés individuelles des
particuliers, ne devient une règle de droit proprement dit qu’autant qu’elle possède
une sanction matérielle, résultant de ce que son exécution peut être procurée ou son
inexécution réprimée par des moyens humains de coercition immédiate, qui aient en
outre le caractère de moyens réguliers, c’est-à-dire qui soient eux-mêmes fondés sur
58
une autre règle de droit. La règle de droit prend par là même un caractère formel, qui
la distingue aussitôt de toute autre règle, morale ou utilitaire, et qui exclut
notamment la possibilité de concevoir, à côté du droit au sens positif du terme,
l’existence d’un véritable droit naturel ». Il continue « dans son sens positif et formel,
la règle de droit se caractérise donc, non pont par la nature idéale de ses
dispositions, mais par la nature matérielle de sa sanction et par la force spéciale
qu’elle tire de cette sanction en ce qui concerne son exécution. Or, dans les temps
modernes, il faut bien encore constater cet autre fait que l’État seul possède la
puissance de conférer aux règles destinées à régir la conduite et les relations
humaines cette force exécutoire spéciale. De la le lien forcé qui s’établir entre le droit
et la puissance étatique. C’est dans ce sens aussi que l’on a pu dire de l’État qu’il
est le créateur du droit. Enfin, c’est pour ce même motif que le juriste — lorsqu’il se
place purement sur le terrain de la science juridique — ne saurait chercher la source
du droit « positif » au-delà de la puissance et de la volonté de l’État » (§81).
Thomas Hobbes écrivait déjà dans le Léviathan « auctoritas non veritas facit legem
» : ce n’est pas la vérité qui fait la loi mais le pouvoir.
Selon Carré de Malberg, Montesquieu a définit les fonctions de l’État par leur objet.
Or, chacune de ces fonctions a été attribué à des organes indépendants et égaux. Il
a donc rendu impossible tout partage d’une fonction entre des organes différents.
Montesquieu n’aurait pas apprécié les points de contact. Montesquieu aurait fait une
erreur d’appréciation et ne serait pas un penseur de la souveraineté.
Loi défini par sa seule forme + définie par sa puissance
Il en vient à une définition purement formelle, non une définition par un objet. « La loi
c’est d’abord toute décision émanant des Assemblées législatives et adoptée par
elles en forme législative. C’est là assurément une définition purement formelle.
Quand au fond, la loi (au sens de la Constitution) ne se caractérise, ni par sa
matière, ni par la nature intrinsèque de ses prescriptions.
Le domaine de la loi est en effet illimité. [...] Le concept constitutionnel de loi
apparaît aujourd’hui comme étant essentiellement et uniformément un concept
formel » (§109).
Ce concept de loi formelle est fondée de deux manières. D’une part, la loi est
un statut contrairement au règlement qui n’a pas cette dimension statutaire : « le
contraste entre la loi et le règlement se caractérise avant tout par cette idée que la
loi a une portée statutaire que ne possède point le règlement. [...] Le trait distinction
du droit législatif, c’est d’être un droit statutaire » (§113). D’autre part, la loi est votée
par le Parlement, l’organe le plus éminent de l’État.
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La différence tient à la conception de la loi. Dans l’État légal, la loi est
l’expression de la souveraineté de la nation. Dans l’État de droit, la loi est une
limitation de la puissance de l’État. L’État respecte un régime juridique stable et fixe
dans les relations avec ses sujets pour leur assurer leur droit.
La conception d’État légal se rattache à une conception politique qui a trait à
l’organisation des pouvoirs. La conception d’État de droit vise la protection des droits
des citoyens.
L’État de droit serait caractéristique des pays de tradition monarchique. Au
contraire, l’État légal est propre au régime représentatif.
Dans l’État légal, le corps législatif est suprême. Dans l’État de droit, ce corps
législatif est soumis à un cadre.
Fonction juridictionnelle :
La puissance législative a elle seule le pouvoir de créer des règles générales.
La jurisprudence n’est pas une source du droit car le droit énoncé par le juge ne vaut
que pour un cas donné. La jurisprudence n’est pas une source du droit car seule la
puissance législative a le pouvoir de créer des règles générales.
SOUVERAINETÉ
Hauriou a pour projet intellectuel d’abandonner la conception unitaire de la
souveraineté. Une de ses thèses est qu’il n’y a pas une mais des souverainetés. Il y
a plusieurs formes de souveraineté. Elle se décline de diverses manières.
Il en distingue trois :
— la souveraineté du statut ou souveraineté corporative ou du droit établi ;
— la souveraineté de domination ou souveraineté politique qui est la souveraineté
du gouvernement ; et enfin
— la souveraineté de sujétion qui correspond aux libertés individuelles des citoyens.
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La clé de l’avenir de la IIIè République est l’introduction de moyens d’expression de
la souveraineté populaire d’où la promotion de moyens de démocratie semi-directe :
référendum et initiative législative populaire.
Le juge n’est pas supposé faire le droit mais le découvrir. C’est la conception
centrale de la doctrine du common law. Holmes est l’un des premiers à prétendre
que cette conception est en partie une fiction et dissimule l’essentiel du droit. Le droit
n’est pas simplement découvert par le juge mais c’est il est constitué par le juge
lorsque celui ci fait une interprétation des normes qu’il est chargé d’appliquer.
Le droit n’est pas un syllogisme, le droit est les décisions effectives des juges,
ce qu’on peut attendre de ces juges. Le juge est plus qu’un découvreur.
Holmes est un grand nom : relecture du common law avec une forme de
darwinisme, conséquentialisme qui pousse à traiter les actes juridiques selon leurs
effets, grandes lignes de la liberté d’expression. Son oeuvre est admiré quoiqu’il est
plus controversé aujourd’hui qu’hier, naguère à cause de la Bible et de la
Constitution, aujourd’hui à cause de son scepticisme notamment vis-à-vis de
l’eugénisme.
Pour Holmes, le droit n’est pas fondé sur la justice, mais sur l’enregistrement
de rapport de force. Cette idée a dominé dans des courants tant de la gauche que
de la droite américaine. Par exemple, l’interventionniste étatique, au nom de l’intérêt
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général, sert plus le droit de l’administration que les administrés. Le relativisme
holmesien a donc été important. Une critique sociale du droit commun venant de la
gauche américaine a également des fondements communs à Holmes.
Holmes a aussi un lien avec le développement économique du droit. Dans le
réalisme de Holmes, il y a également l’idée que le droit n’est pas l’expression d’une
vérité éternelle de la loi. Elle est en réalité l’expression de rapport économique et
sociaux. Richard Posner est un économiste de droite qui se place dans l’héritage de
Holmes.
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