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FACULTE DE DROIT,

D’ECONOMIE ET DE GESTION
CAMPUS DE CHOLET

Licence Droit 1 – Année 2020-2021


TRAVAUX DIRIGES DE DROIT CONSTITUTIONNEL
Cours de Madame Eva RABILLON - Travaux dirigés de Monsieur Sylvain MAUDET

SEANCE 6
LE REGIME PARLEMENTAIRE

DOCUMENTS
1. R. CAPITANT, « Ecrits politiques », in Institutions, Paris, Flammarion, 1971, 432 p., (extraits sur « Les
régimes parlementaires »).
2. Ch. EISENMANN, « Relecture du Livre XI de l’Esprit des Lois : la notion initiale de séparation des
pouvoirs », in Mélanges Carré de Malberg, 1936.
3. A. LE DIVELLEC, « Le gouvernement, portion dirigeante du Parlement. Quelques aspects de la
réception juridique hésitante du modèle de Westminster dans les Etats européens », dans Jus
Politicum, n°1, Le droit politique, juillet 2008.
4. MONTESQUIEU, De l’esprit des Lois, Livre XI, « Des lois qui forment la liberté politique dans son
rapport avec la constitution » (extrait).
5. S. RIALS, Exercices pratiques de droit constitutionnel, Paris, Montchrestien, 3ème éd., 1981, 470 p.,
p. 244.
6. E. SIEYES, Qu’est-ce que le Tiers-État ?, Paris, Flammation, 1988, 188 p., pp. 114-117.
7. « Les députés britanniques votent pour l’élection des membres de la Chambre des Lords », Le
Monde, 9 mars 2007.
8. A. LACOUDRE, « L’ultime bataille de la Chambre des Lords », Les Petites affiches, 19 avril 1999,
n° 77, p. 5
9. J-P. DEROSIER, « Chronique d’une révolution silencieuse, ou lorsque la Chambre des communes ne
peut plus être dissoute. Commentaire de la Loi du Parlement britannique du 15 septembre 2011,
Fixed-term Parliament Act », Constitutions 2012, p. 262 (extraits).

BIBLIOGRAPHIE
M. CHARLOT, Le pouvoir politique en Grande-Bretagne, coll. « Thémis. Science politique », PUF, Paris,
2e éd., 1998.
J.-C. COLLIARD, Les régimes parlementaires contemporains, Presses de la FNSP, 1978.
J.-PH. FELDMAN, « La séparation des pouvoirs et le constitutionnalisme. Mythes et réalités d’une
doctrine et de ses critiques », RFDC, 2010/3, n°83, pp. 483-496.
P. GAUDEMET, « La séparation des pouvoirs. Mythe et réalité », Dalloz, 1961, chron. pp. 121-124.
M. GOVROFF, « Le débat sur la réforme électorale en Grande-Bretagne depuis 1974 », RDP, 1986, p.
1043 et s.
J. LERUEZ, Les institutions du Royaume-Uni, coll. Documents d’études, n° 1.03, La Documentation
française, Paris, 1999.
A. MATHIOT, Le régime politique britannique, Les Cahiers de la FNSP, n° 1968, 1955.
Y. MENY et Y. SUREL, Politique comparée, les démocraties : Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, RFA et
Italie, coll. Domat Politique, Montchrestien, 7e éd., 2004.
M. TROPER, La séparation des pouvoirs et l’histoire constitutionnelle française, LGDJ, Paris, 1980.
D. TURPIN, Le régime parlementaire, coll. « Connaissance du droit », Dalloz, Paris, 1997.
« La Grande-Bretagne, Pouvoirs n° 37, 1986.
« Le Royaume-Uni de Tony Blair », Pouvoirs n° 93, 2000.

* * * * * * * * * EXERCICES * * * * * * * * *

Exposé oral :
Le régime parlementaire britannique n’est-il pas mort avec Boris JOHNSON ?
(Naissance, évolution et actualité du régime parlementaire britannique)

Dissertation :
Le parlement britannique est-il tout puissant ?

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Document n° 1 : R. CAPITANT, « Ecrits politiques », in Institutions, Paris, Flammarion,
1971, 432 p., (extraits sur « Les régimes parlementaires »).

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Document n° 2 : Ch. EISENMANN, « Relecture du Livre XI de l’Esprit des Lois : la notion
initiale de séparation des pouvoirs », in Mélanges Carré de Malberg, 1936.

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Document n° 3 : A. LE DIVELLEC, « Le gouvernement, portion dirigeante du Parlement.
Quelques aspects de la réception juridique hésitante du modèle de Westminster dans les
Etats européens », dans Jus Politicum, n°1, Le droit politique, juillet 2008.
Bagehot a principalement livré (ou popularisé) trois grandes idées concernant ce qu’il appelait le
« gouvernement de cabinet », trois points sur lesquels les systèmes parlementaires se distinguent du
modèle américain, non-parlementaire : « L’efficacité secrète de la Constitution anglaise réside, on
peut le dire, dans l’étroite union, dans la fusion presque complète du pouvoir exécutif et du pouvoir
législatif. (...) Le lien qui les unit se somme le Cabinet. Par ce terme nouveau nous entendons un
comité du corps législatif choisi pour être le corps exécutif. (...) En règle générale, c’est la législature
qui choisit le premier ministre nominal, mais il en est toujours et sans exception ainsi pour le premier
ministre réel — le leader de la Chambre des Communes. (...) La législature, choisie en principe pour
faire des lois a, dans la réalité, pour fonction principale de créer et conserver le pouvoir exécutif. (...)
Un Cabinet est un comité combiné de telle sorte qu’il sert, comme un trait d’union ou une boucle, à
rattacher la partie législative de l’Etat à la partie exécutive. Par son origine, il appartient à l’une, et
par ses fonctions à l’autre » (1).

A vrai dire, il y avait une certaine malice dans cette façon de caractériser le gouvernement de
cabinet, et notamment l’idée de « comité du Parlement » — scandale pour les monarchistes, folie
pour les légistes ! L’essayiste — non juriste — victorien n’en était d’ailleurs pas lui-même l’inventeur.
Bien avant Bagehot, le Français Guizot, même s’il avait une autre idée de l’équilibre interne de la
Constitution anglaise (il écrivait à une époque antérieure), avait déjà employé l’expression de
« fusion des pouvoirs » (2).
(…) Depuis le dernier tiers du XIXe siècle, cette célèbre formule, reste, en dépit des évolutions
ultérieures, adéquate, à condition de ne pas se méprendre sur son sens exact. Certes, elle a été (et
demeure) controversée, évidemment surtout chez les juristes. La thèse du gouvernement « comité »
de la Chambre est souvent dénigrée, en raison d’une sorte de contresens se référant, au moins
implicitement, au modèle de la Convention nationale française de 1792-95. On a voulu comprendre
la thèse de Bagehot avec des lunettes « jacobines », et transformé sa formule en celle d’un
gouvernement « comité d’exécution » des volontés de la chambre, formule aussi simpliste que celle
qui, à l’époque des Lumières, voulait voir dans le juge la simple « bouche de la loi », un « automate »
de la subsomption. Pourtant, l’idée de subordination n’était pas dans la pensée de Bagehot, qui a, au
contraire, expliqué que le cabinet n’était pas une simple « créature », un instrument servile dans les
mains de l’assemblée dont il émanait. René Capitant fut, en 1933, un des rares constitutionnalistes
français à le comprendre (3).
Le propos du rédacteur en chef de The Economist visait à montrer le nouvel équilibre trouvé par le
parlementarisme anglais de son temps, et à insister sur la liaison structurelle entre « exécutif » et
« législatif », tant au plan organique qu’au plan fonctionnel. Cette thèse provocatrice montrait
l’erreur de prétendre déchiffrer la Constitution anglaise avec les lunettes de la doctrine dominante,
sur le continent, à savoir la « séparation des pouvoirs » telle qu’on la définissait alors. Elle permettait
en particulier, de reconsidérer les vues théoriques habituelles pour analyser les fonctions respectives
du cabinet et de la Chambre basse, ainsi que leur articulation organique.
L’idée de « fusion », en particulier, suggérait l’inadéquation des raisonnements courants consistant à
se focaliser sur l’antagonisme, souvent perçu implicitement comme structurellement ou
naturellement irréductible, entre les ministres et la Chambre. En l’occurrence, elle débouchait sur ce
principe fondamental auquel menait la dynamique du gouvernement parlementaire, à savoir
qu’initialement considérées principalement comme un corps d’opposition et de limitation de
l’exécutif monarchique, les chambres parlementaires devenaient, à mesure qu’elles avaient
« conquis » le gouvernement, de plus en plus une institution de soutien à ce gouvernement. Sans
doute, ces deux dimensions ont toujours été présentes simultanément en Angleterre, mais à
l’époque moderne, la seconde tend à primer la première. En Europe continentale, en raison d’une
histoire discontinue, et des conditions d’instauration du constitutionnalisme libéral, la logique
d’antagonisme entre exécutif et assemblées a, le plus souvent, dominé les représentations de
l’organisation des pouvoirs.

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Ce fut tout particulièrement le cas au moment de la Révolution française, qui a exercé une si forte
influence sur les esprits dans tout le continent européen. Mably affirmait déjà que « tout législateur
doit partir de ce principe que la puissance exécutoire a été et sera éternellement l’ennemie de la
puissance législative ».

(…)

(1) The English Constitution, Londres, 1867, reprint Fontana Press, 1963, pp. 65-68 ; en français : La Constitution anglaise,
Paris, Germer Baillière, 1869, pp. 14-16 et 19. Nous avons remanié la traduction de M. Gaulhiac.
(2) En Angleterre, « le gouvernement, éclairé par l’expérience sur le danger de demeurer placé en dehors des chambres et
d’avoir ainsi à diriger ou à combattre des pouvoirs étrangers (...), s’est fort sagement décidé à prendre son siège dans les
chambres mêmes, à établir là le centre de son action, à gouverner enfin au milieu d’elles et par elles. Ainsi s’est opérée
cette fusion des pouvoirs, seul point de repos des gouvernements mixtes (...) » (GUIZOT, Du gouvernement représentatif et
de l’état actuel de la France, Paris, Maradan, 1816, rééd. in Mélanges politiques et historiques, Paris, M. Lévy, 1869, pp. 1-83
[33]). Guizot utilise à plusieurs reprises cette formule dans cet article.
(3) « Il est bon de reprendre ici les formules par lesquelles Bagehot définissait le cabinet après le déclin du chef de l’Etat
(...). On peut encore dire, sans fausser la réalité, que le cabinet, dont les membres sont choisis au sein du Parlement, est un
comité de celui-ci. Mais il ne faut attacher à cette expression aucune signification de subordination. Il est un comité chargé
de diriger l’assemblée, et qui peut même aller jusqu’à la dominer » (« Régimes parlementaires », Mélanges Carré de
Malberg, Sirey, 1933, pp 33-57 ; reprint in CAPITANT, Ecrits d’entre-deux-guerres, op. cit., pp. 305-323 [322-323]).

Document n° 4 : MONTESQUIEU, De l’esprit des Lois, Livre XI, « Des lois qui forment la
liberté politique dans son rapport avec la constitution » (extrait).

Chapitre III Ce que c'est que la liberté


Il est vrai que, dans les démocraties, le peuple parait faire ce qu'il veut; mais la liberté
politique ne consiste point à faire ce que l'on veut. Dans un État, c'est-à-dire dans une société où il y
a des lois, la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point
contraint de faire ce que l'on ne doit pas vouloir.
Il faut se mettre dans l'esprit ce que c'est que l'indépendance, et ce que c'est que la
liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent; et si un citoyen pouvait faire ce
qu'elles défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir.

Chapitre IV Continuation du même sujet


La démocratie et l'aristocratie ne sont point des États libres par leur nature. La liberté
politique ne se trouve que dans les gouvernements modérés. Mais elle n'est pas toujours dans les
États modérés; elle n'y est que lorsqu'on n'abuse pas du pouvoir; mais c'est une expérience éternelle
que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. Qui
le dirait! la vertu même a besoin de limites.
Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le
pouvoir arrête le pouvoir. Une constitution peut être telle que personne ne sera contraint de faire
les choses auxquelles la loi ne l'oblige pas, et à ne point faire celles que la loi lui permet.
[…]
Chapitre VI De la constitution d'Angleterre
Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs: la puissance législative, la puissance
exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui
dépendent du droit civil.
Par la première, le prince ou le magistrat fait des lois pour un temps ou pour toujours, et
corrige ou abroge celles qui sont faites. Par la seconde, il fait la paix ou la guerre, envoie ou reçoit
des ambassades, établit la sûreté, prévient les invasions. Par la troisième, il punit les crimes, ou juge
les différends des particuliers. On appellera cette dernière la puissance de juger, et l'autre
simplement la puissance exécutrice de l'État.

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La liberté politique dans un citoyen est cette tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion
que chacun a de sa sûreté; et pour qu'on ait cette liberté, il faut que le gouvernement soit tel qu'un
citoyen ne puisse pas craindre un autre citoyen.
Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance
législative est réunie à la puissance exécutrice, il n'y a point de liberté; parce qu'on peut craindre que
le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques pour les exécuter
tyranniquement.
Il n'y a point encore de liberté si la puissance de juger n'est pas séparée de la puissance
législative et de l'exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la
liberté des citoyens serait arbitraire: car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance
exécutrice, le juge pour-rait avoir la force d'un oppresseur.
Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou
du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs: celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions
publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.
Dans la plupart des royaumes de l'Europe, le gouvernement est modéré, parce que le
prince, qui a les deux premiers pouvoirs, laisse à ses sujets l'exercice du troisième. Chez les Turcs, où
ces trois pouvoirs sont réunis sur la tête du sultan, il règne un affreux despotisme.
Dans les républiques d'Italie, où ces trois pouvoirs sont réunis, la liberté se trouve moins
que dans nos monarchies. Aussi le gouvernement a-t-il besoin, pour se maintenir, de moyens aussi
violents que le gouvernement des Turcs; témoins les inquisiteurs d'État 1, et le tronc où tout délateur
peut, à tous les moments, jeter avec un billet son accusation.
Voyez quelle peut être la situation d'un citoyen dans ces républiques. Le même corps de
magistrature a, comme exécuteur des lois, toute la puissance qu'il s'est donnée comme législateur. Il
peut ravager l'État par ses volontés générales, et, comme il a encore la puissance de juger, il peut
détruire chaque citoyen par ses volontés particulières.
Toute la puissance y est une; et, quoiqu'il n'y ait point de pompe extérieure qui découvre
un prince despotique, on le sent à chaque instant.
Aussi les princes qui ont voulu se rendre despotiques ont-ils toujours commencé par réunir
en leur personne toutes les magistratures; et plusieurs rois d'Europe, toutes les grandes charges de
leur État.
[…] J'appelle faculté de statuer, le droit d'ordonner par soi-même, ou de corriger ce qui a
été ordonné par un autre. J'appelle faculté d'empêcher, le droit de rendre nulle une résolution prise
par quelque autre; ce qui était la puissance des tribuns de Rome. Et, quoique celui qui a la faculté
d'empêcher puisse avoir aussi le droit d'approuver, pour lors cette approbation n'est autre chose
qu'une déclaration qu'il ne fait point d'usage de sa faculté d'empêcher, et dérive de cette faculté.
La puissance exécutrice doit être entre les mains d'un monarque, parce que cette partie du
gouvernement, qui a presque toujours besoin d'une action momentanée, est mieux administrée par
un que par plusieurs; au lieu que ce qui dépend de la puissance législative est souvent mieux
ordonné par plusieurs que par un seul.
Que s'il n'y avait point de monarque, et que la puissance exécutrice fût confiée à un certain
nombre de personnes tirées du corps législatif, il n'y aurait plus de liberté, parce que les deux
puissances seraient unies; les mêmes personnes ayant quelquefois, et pouvant toujours avoir part à
l'une et à l'autre.
Si le corps législatif était un temps considérable sans être assemblé, il n'y aurait plus de
liberté. Car il arriverait de deux choses l'une: ou qu'il n'y aurait plus de résolution législative, et l'État
tomberait dans l'anarchie; ou que ces résolutions seraient prises par la puissance exécutrice, et elle
deviendrait absolue.
Il serait inutile que le corps législatif fût toujours assemblé. Cela serait incommode pour les
représentants, et d'ailleurs occuperait trop la puissance exécutrice, qui ne penserait point à
exécuter, mais à défendre ses prérogatives, et le droit qu'elle a d'exécuter.

1
À Venise.
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[…] La puissance exécutrice, comme nous avons dit, doit prendre part à la législation par sa
faculté d'empêcher; sans quoi elle sera bientôt dépouillée de ses prérogatives. Mais si la puissance
législative prend part à l'exécution, la puissance exécutrice sera également perdue.
Si le monarque prenait part à là législation par la faculté de statuer, il n'y aurait plus de
liberté. Mais, comme il faut pourtant qu'il ait part à la législation pour se défendre, il faut qu'il y
prenne part par la faculté d'empêcher.
Ce qui fut cause que le gouvernement changea à Rome, c'est que le Sénat, qui avait une
partie de la puissance exécutrice, et les magistrats, qui avaient l'autre, n'avaient pas, comme le
peuple, la faculté d'empêcher.
Voici donc la constitution fondamentale du gouvernement dont nous parlons. Le corps
législatif y étant composé de deux parties, l'une enchaînera l'autre par sa faculté mutuelle
d'empêcher. Toutes les deux seront liées par la puissance exécutrice, qui le sera elle-même par la
législative.
Ces trois puissances devraient former un repos ou une inaction. Mais comme, par le
mouvement nécessaire des choses, elles sont contraintes d'aller, elles seront forcées d'aller de
concert.
La puissance exécutrice ne faisant partie de la législative que par sa faculté d'empêcher,
elle ne saurait entrer dans le débat des affaires. Il n'est pas même nécessaire qu'elle propose, parce
que, pouvant toujours désapprouver les résolutions, elle peut rejeter les décisions des propositions
qu'elle aurait voulu qu'on n'eût pas faites. […]

Document n° 5 : S. RIALS, Exercices pratiques de droit constitutionnel, Paris,


Montchrestien, 3ème éd., 1981, 470 p., p. 244.

« Il y a régime parlementaire dès lors qu’il y a collaboration des pouvoirs sanctionnée par
des moyens d’action réciproques variés, au premier rang desquels toujours la responsabilité
solidaire du Cabinet et en principe le droit de dissolution du Parlement (ou au moins de sa
chambre basse), par l’exécutif, et dès lors que soit le jeu des techniques institutionnelles et
de légitimités distinctes (système dualiste), soit le jeu du système partisan (et/ou) de
procédures très diverses de rationalisation de l’activité du Parlement (sur tous les plans :
législatif, du contrôle, financier), permet à l’exécutif d’échapper à la subordination étroite
qui caractérise le régime d’assemblée ».

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Document n° 6 : E. SIEYES, Qu’est-ce que le Tiers-État ?, Paris, Flammation, 1988, 188 p.,
pp. 114-117.

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Document n° 7 : « Les députés britanniques votent pour l’élection des membres de la
Chambre des Lords », Le Monde, 9 mars 2007.

Document n° 8 : A. LACOUDRE, « L’ultime bataille de la Chambre des Lords », dans Les


Petites affiches, 19 avril 1999, n° 77, p. 5

Lorsque le parti travailliste « nouvelle version » a remporté haut la main les élections législatives du
mois de mai 1997, après plus de 18 années d'opposition, Tony Blair s'est engagé à entreprendre au
cours de la législature à venir un ambitieux programme de modernisation de la Constitution
britannique, jugée archaïque à bien des égards. Comme nous l'écrivions au lendemain de cette
victoire, il s'agit d'un programme de réformes constitutionnelles sans équivalent en Europe.
Près de deux années après son entrée en fonction, il est indéniable que le gouvernement travailliste
n'aura pas fait traîner les dossiers constitutionnels. Ainsi, les années 1997 et 1998 auront été
marquées par l'instauration de la décentralisation au bénéfice de l'Ecosse, de l'Irlande du Nord et du
Pays de Galles, ce qui représente la réforme constitutionnelle la plus importante entreprise en
Grande-Bretagne depuis près de trois siècles.
Parallèlement, le gouvernement s'est attelé à d'autres réformes des institutions, tant le chantier de
la modernisation de la Constitution britannique semble inépuisable. A ce titre, les travaillistes se sont
notamment engagés à :
- préparer un projet de loi instaurant la transparence administrative (Freedom of Information Act) ;

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- rétablir une assemblée municipale à Londres et l'élection directe du maire de Londres ;
- organiser un référendum sur l'adhésion du Royaume-Uni à la Monnaie unique ;
- organiser un référendum sur la réforme du mode de scrutin de la Chambre des communes ;
- compléter la décentralisation en dotant l'Angleterre d'une assemblée régionale ;
- adopter une nouvelle « Déclaration des droits de l'homme » (Bill of Rights) en intégrant dans le
droit interne britannique la Convention européenne des droits de l'homme du Conseil de l'Europe ;
- abolir la Chambre des lords pour la remplacer par une haute assemblée élue.
Si chacun de ces projets a son importance, il n'en reste pas moins que la proposition d'abolir la
Chambre des lords focalise à l'heure actuelle tout spécialement l'attention des politiciens
britanniques.
Les pouvoirs des lords
La Chambre des lords est principalement composée de deux catégories de pairs : d'une part, les 670
pairs héréditaires (Hereditary peers), dont le titre se transmet de génération en génération (parfois
depuis le XIIIe siècle) et, d'autre part, les 520 pairs viagers (Life peers), dont le titre ne se transmet
pas à leur descendance. Ces derniers, depuis leur création en 1958, ont été anoblis à vie par la Reine
sur proposition des différents Premiers ministres en fonction depuis cette date, en guise de
reconnaissance de services rendus à la nation. La Chambre compte également 26 spiritual lords
représentant l'église anglicane et 12 lords of appeal in ordinary exerçant les fonctions judiciaires de
la Chambre.
Jusqu'à l'adoption en 1911 du premier Parliament Act, les lois devaient être adoptées dans les
mêmes termes par les deux assemblées ; autrement dit, les lords disposaient d'un droit absolu de
veto des projets de lois adoptés aux communes.
Toutefois, le refus des lords d'adopter en 1910 une réforme fiscale (les touchant directement)
entraîna leur propre perte. En effet, le gouvernement, en réponse au blocage des lords, prépara un
projet de loi visant à supprimer purement et simplement ce droit de veto pour les lois de nature
financière et à le limiter à deux sessions parlementaires pour les autres textes. Comme il avait besoin
de l'accord des lords eux-mêmes pour que ce texte devienne loi, le gouvernement les menaça de
recourir à une nomination massive sans précédent de pairs libéraux afin de former une majorité
prête à adopter le texte en question. Les lords préférèrent alors s'incliner afin de conserver leur
prestige et ainsi fut adopté par les deux chambres en 1911 le premier Parliament Act, qui porta un
coup fatal à la Chambre des lords. Ce droit de veto de deux années fut ensuite réduit à une année par
le second Parliament Act de 1949, adopté après que les lords l'aient retardé de deux années .
Ainsi, depuis 1949, lorsque le gouvernement n'a pas réussi à faire voter un projet de loi par les lords,
il doit attendre la session parlementaire suivante pour le réintroduire ; une fois le texte voté à
nouveau par les Communes, le gouvernement peut alors le présenter directement à la Reine, sans
passer par les lords, le texte devenant loi en recevant l'aval du monarque.
Il n'en reste pas moins que ce veto suspensif d'une année dont est titulaire aujourd'hui la Chambre
des lords correspond à un blocage définitif lorsqu'elle rejette un projet de loi qui lui a été présenté au
cours de la dernière année d'une législature, ce qui est susceptible de constituer une réelle gêne
pour le pouvoir. En effet, traditionnellement, la dernière année est souvent l'occasion de l'adoption
d'un grand nombre de textes (plus ou moins bâclés), tout spécialement lorsque les sondages
annoncent un probable changement de majorité.
En fait, le pouvoir exécutif n'a eu recours au « passage en force » de projets de lois _ en interdisant
aux lords de voter le texte _ qu'à quatre reprises depuis 1911, ce qui est somme toute relativement
peu. Toutefois, on remarquera que la Chambre des lords a bien failli empêcher l'adoption d'un projet
de loi visant à insérer une dose de proportionnelle pour les prochaines élections européennes de juin
1999. De plus, il est très probable que les lords refuseront d'adopter en 1999 le Sexual Offenses
(Amendment) Bill, si bien que le gouvernement, s'il entend persister, sera contraint de le « passer en
force » en l'an 2000.

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En tout état de cause, Tony Blair n'a pas manqué de souligner que ces incidents, qu'il qualifia «
d'affronts à la démocratie », constituaient la preuve même de la nécessité de réformer la Chambre
des lords.
Il résulte à l'évidence de ces illustrations que la Chambre des lords constitue une curiosité
anachronique aujourd'hui unique au monde, une chambre médiévale que l'on peut sans doute
qualifier d'anomalie constitutionnelle. A l'aube du XXIe siècle, il apparaît donc légitime que l'électorat
britannique s'interroge sur le bien-fondé du droit législatif « féodal » dont sont titulaires les porteurs
de titres nobiliaires, Tony Blair y voyant pour sa part un « scandale ».
La réforme annoncée
Le gouvernement a, en premier lieu, invité les Lords, les 14 et 15 octobre 1998, à débattre pendant
deux jours de leur propre avenir avec les responsables du gouvernement. A cette occasion, le
gouvernement a annoncé, devant une Chambre des lords comble, qu'il introduirait à la Chambre des
communes au cours de l'année 1999 un projet de loi visant à abolir purement et simplement le droit
de siéger et de voter des pairs héréditaires à la Chambre des lords, mettant fin, si adopté en l'état, à
près de 800 ans d'histoire.
Le gouvernement a par ailleurs précisé que la réforme en profondeur de la Chambre des lords _
c'est-à-dire son remplacement par une toute nouvelle chambre (The Senate) _ ne pourra être mise
en place dans l'immédiat, Tony Blair justifiant sa stratégie en deux étapes par la nécessité d'attendre
la mise en place des autres réformes de la Constitution déjà engagées, à savoir la décentralisation et
la réforme électorale.
En conséquence, durant une période « intermédiaire » risquant d'être relativement longue, la
Chambre des lords _ jusqu'à son abolition et son remplacement par une nouvelle assemblée _ ne
sera composée que de pairs viagers, c'est-à-dire de personnes nommées de manière discrétionnaire
par le pouvoir exécutif.
La « révolte des lords »
Plus de 100 pairs ont pu s'exprimer au cours des débats précités. Comme l'on pouvait s'y attendre,
de nombreuses voix se sont élevées contre les propositions du gouvernement, et pas seulement dans
les rangs conservateurs. Certains sont en premier lieu opposés au principe même d'abolir le droit de
vote des pairs héréditaires, rappelant que le travail effectué par les pairs héréditaires est de grande
qualité et que la Chambre des lords constitue un contre-pouvoir prestigieux, intègre et constructif. Et
s'il en est ainsi, c'est précisément parce que l'influence des partis politiques est diluée grâce à la
présence des pairs héréditaires. Ainsi, la Chambre des lords apporte un regard pertinent,
désintéressé et libre de toute emprise politique sur les projets intellectuels des fonctionnaires
londoniens : « La Chambre des lords est capable d'aborder les questions qui lui sont soumises sans
passion, et de manière parfaitement indépendante. Il s'agit là d'une qualité incomparable et tout
devrait être fait pour la préserver ». En d'autres termes, aux yeux des lords, la question qui devrait
être posée n'est pas tant celle de savoir si la Chambre des lords constitue un anachronisme unique au
monde démocratique, mais plutôt celle de savoir si celle-ci remplit ses fonctions de manière efficace.
C'est naturellement parmi les aristocrates conservateurs que l'on trouve les opposants les plus
virulents à la suppression de leur droit de vote, certains se comparant avec humour à Marie-
Antoinette devant la guillotine ou, plus sérieusement, voyant dans la lutte qu'ils s'apprêtent à mener
leur final duty. D'autres se déclarent même prêts à adopter une attitude de hooligan. Certains,
malicieusement, n'ont pas manqué de faire remarquer que ce qui est vrai pour les pairs héréditaires
devrait l'être également pour la monarchie, qui a pourtant été une force garante de stabilité au sein
de la démocratie britannique ; il est vrai que qualifier de « scandaleux » le fait que certaines
personnes détiennent un rôle institutionnel de manière héréditaire peut conduire à s'interroger sur
celui de la reine : « L'extension logique de la réforme de la Chambre des lords devrait être
l'instauration d'une République dès lors que le principe héréditaire constitue la base même de la
monarchie ».
Plusieurs pairs viagers travaillistes ont également défendu la cause de leurs collègues aristocrates,
déclarant par exemple que « les pairs héréditaires ont massivement contribué au Parlement et que
les écarter du jour au lendemain est simplement inacceptable et entraînerait une dégradation des
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travaux parlementaires ». D'autres ont proposé des compromis en proposant par exemple de «
n'expulser » les pairs héréditaires que progressivement ou encore de les transformer en pairs
viagers. Mais le plaidoyer le plus vibrant fut celui d'un pair âgé de 91 ans, Lord Longford, qui
demanda simplement si quelqu'un pouvait lui montrer un quelconque préjudice causé par la
Chambre des lords depuis qu'il y siège (c'est-à-dire au cours des 50 dernières années !).
Une approche en deux étapes rejetée par le parti conservateur
En tout état de cause, c'est résolument le mécanisme de réforme en deux temps qui cristallise la
méfiance. En fait, si de nombreuses personnalités, même dans le camp conservateur, ne sont pas
opposées sur le fond à l'abolition du droit de vote des pairs héréditaires, nombreuses sont les voix, y
compris dans le camp travailliste, pour s'opposer à cette réforme en deux-temps, la situation
intermédiaire étant jugée inacceptable. Le gouvernement a eu beau essayer de convaincre que la
première étape permettra en elle-même d'obtenir une « meilleure seconde Chambre », il n'en reste
pas moins que maintenir une haute assemblée composée exclusivement de personnes nommées par
le Premier ministre représente assurément « la victoire de l'exécutif sur le Parlement ». Du reste,
c'est paradoxalement au moment où une seconde chambre indépendante est le plus nécessaire (les
travaillistes détenant 419 sièges aux Communes alors que les conservateurs n'en possèdent que 165)
que le pouvoir entreprend de détruire la seule institution encore capable de lui résister.
Qui plus est, ce projet ouvre indéniablement la porte aux nominations partisanes et à la corruption
implicite : « Il n'y a sans doute pas de défense au fait d'hériter du droit de légiférer. Il n'y en a pas
plus pour une gérontocratie sélectionnée sur la base de faveurs ou de pots de vin ». En d'autres
termes, l'abandon des pairs héréditaires, pourquoi pas, « mais à la condition de les remplacer par
quelque chose d'encore mieux », et surtout pas par une chambre composée des « Tony's friends ».
De plus, l'opposition est persuadée que la Chambre des communes n'acceptera jamais de légitimer
une seconde chambre législative, et par conséquent de lui attribuer un rôle plus important, de peur
de perdre de ses prérogatives au bénéfice de sa rivale. En effet, dans l'hypothèse où la Chambre des
lords serait remplacée par une nouvelle assemblée élue, il devrait nécessairement en résulter un
renforcement de ses attributions, au détriment de la Chambre des communes : « La réalité politique,
c'est que les députés travaillistes à la Chambre des communes veulent détruire les pairs héréditaires.
Pour la majorité d'entre eux, c'est ça, la réforme ; alors, pourquoi iraient-ils plus loin ? La Chambre
des communes ayant mis 200 ans à affirmer sa suprématie sur la Chambre des lords, pourquoi
chercherait-elle à accorder une plus grande légitimité à une seconde Chambre n'entraînant pour elle
que des restrictions de ses propres pouvoirs ? ».
Une réforme engagée : le projet de loi est introduit au Parlement
En dépit de ces critiques et conformément à ce qui avait été annoncé peu de temps auparavant lors
du dis-cours du trône historique du 24 novembre 1998, le gouvernement a introduit le 20 janvier
1999 à la Chambre des communes son projet de loi portant abolition du droit de vote des pairs
héréditaires (The House of Lords Bill), avec l'objectif d'expulser les aristocrates avant le début de la
prochaine session parlementaire, qui commencera en novembre 1999.
Tony Blair a toutefois indiqué qu'il était prêt à accepter qu'une centaine de pairs héréditaires «
survivent » au cours de la période intermédiaire. Mais le gouvernement a précisé qu'il n'accueillera
favorablement un tel amendement qu'à la condition que le parti conservateur n'ait pas recours à
l'obstruction pour retarder l'adoption du projet de loi.
De plus, le jour même de l'introduction du projet de loi précité, le gouvernement a officiellement
annoncé la constitution d'une commission royale, chargée de publier un rapport sur la composition
et les attributions de la future assemblée. Tony Blair, à titre de compromis, a d'ailleurs offert la
présidence de cette commission à un ancien membre du gouvernement de Margaret Thatcher, Lord
Wakeham.
Afin d'accélérer les travaux de la commission, le gouvernement a également publié le même jour un
livre blanc, contenant diverses recommandations faites à la commission royale. Les travaillistes ont
d'abord insisté sur le fait que la Commission devra publier les fruits de sa réflexion avant la fin de
l'année 1999, ce qui représente résolument un délai très court, notamment eu égard au degré de

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difficulté des questions soulevées. L'objectif de Tony Blair est que le projet de loi portant création
d'un « Sénat » puisse être adopté en l'an 2000, c'est-à-dire avant les prochaines élections législatives.
Sur le fond, le gouvernement a laissé la plus grande liberté à la Commission, se contentant de lui
indiquer sa nette préférence pour une haute assemblée composée à la fois de membres directement
élus par le peuple et de membres nommés par le pouvoir exécutif. Il a également manifesté sa
volonté de voir représentées les assemblées régionales. Les travaillistes ne souhaitent donc
manifestement pas que la future Chambre haute soit composée exclusivement de membres élus de
peur d'instaurer une concurrence avec la chambre des communes, le livre blanc indiquant à la
commission que la future assemblée devra rester « subordonnée » à la Chambre des communes et
devra « la compléter plutôt que la dupliquer ».
Sur la période intermédiaire
Le livre blanc prévoit également les modalités de fonctionnement de la Chambre des lords une fois
les aristocrates « expulsés », au cours de la « période intermédiaire », c'est-à-dire jusqu'à ce que la
réforme complète entre en vigueur. S'il est précisé que la Chambre des lords conservera ses
attributions actuelles, on remarquera que le Premierministre accepte d'abandonner son droit
exclusif et discrétionnaire de désigner de nouveaux pairs viagers au bénéfice d'un organisme
indépendant (Appointments Commission). Toutefois, Tony Blair conserve prudemment le droit _ de
loin le plus important en pratique _ de déterminer le nombre de pairs attribué à son propre parti
ainsi qu'aux partis de l'opposition.
Une opposition peu convaincue
Le gouvernement a manifestement cherché à « attendrir » les lords en faisant un certain nombre de
concessions, dans la mesure notamment où la commission royale sera présidée par un conservateur,
le Premier ministre renonce en partie à son droit de nomination des pairs viagers, et le
gouvernement a laissé entendre qu'il accepterait qu'une centaine d'aristocrates puissent être
maintenus au cours de la période intermédiaire.
Toutefois, les conservateurs n'ont pas été convaincus car, en définitive, ils ne comprennent toujours
pas pourquoi les pairs héréditaires devraient être « expulsés » avant l'entrée en vigueur de la
réforme complète de la Chambre des lords et ce, d'autant plus que cette seconde réforme est censée
intervenir rapidement.
De plus, l'opposition constate qu'en dépit de l'abandon (limité) par le Premier ministre de son droit
exclusif de nommer les pairs viagers, la composition de la Chambre des lords privée des pairs
héréditaires dépendra en fait entièrement du bon vouloir de Tony Blair. Du reste, l'opposition
soupçonne le pouvoir de chercher in fine à instaurer une seconde chambre législative dotée d'un
pourcentage réduit de membres élus, créant de facto une chambre de « Yes men » prête à avaliser
l'intégralité des projets du gouvernement.
Vers un blocage législatif ?
Pour toutes ces raisons, Lord Strathclyde, le leader des conservateurs à la Chambre des lords, qualifia
ce projet de loi de « constitutional vandalism », et confirma que l'opposition s'opposerait avec
vigueur dans les deux Chambres à l'adoption de ce texte.
En conséquence, la bataille juridique promet d'être rude à la Chambre des communes, où les
conservateurs ne manqueront pas de déposer des centaines d'amendements, faisant perdre par là
même de précieux mois au gouvernement. De même, il est fort probable que les lords utiliseront leur
droit de veto, forçant ainsi le gouvernement à attendre la session parlementaire suivante.
Modifier en profondeur la Constitution n'est finalement peut-être pas chose aussi aisée que ne le
croyaient les travaillistes de prime abord. Bousculer les relations complexes existant entre l'exécutif,
la Chambre des communes et la Chambre des lords, c'est en effet risquer de remettre en cause un
subtil équilibre des pouvoirs résultant d'une longue histoire.
Quoi qu'il en soit, le gouvernement se doit maintenant de réussir à combiner habilement la
décentralisation, la réforme électorale et la réforme de la Chambre des lords, ce qui ne sera pas une
mince affaire : « Beaucoup de choses ont été changées, et ce, sans aucune coordination ; aujourd'hui
la Grande-Bretagne fait face à une véritable crise constitutionnelle ».
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L'avenir dira si Tony Blair fut bien inspiré de s'engager dans cette voie ou s'il a mis le doigt dans un
engrenage redoutable... Un moyen habile pour le Premier ministre de remettre de l'ordre dans ce
chantier serait sans doute d'instaurer une Constitution écrite en Grande-Bretagne, ce qui serait... une
révolution.

Document n° 9 : Jean-Philippe DEROSIER, « Chronique d’une révolution silencieuse, ou


lorsque la Chambre des communes ne peut plus être dissoute. Commentaire de la Loi du
Parlement britannique du 15 septembre 2011, Fixed-term Parliament Act », Constitutions
2012, p. 262 (extraits).

On savait déjà, depuis de Lolme, que « le du parti d'opposition et du (des) parti(s)


Parlement anglais peut tout faire, sauf minoritaire(s). C'est d'ailleurs Nick Clegg, le
changer un homme en femme » ; on saura chef des libéraux, qui est à l'origine de cette
désormais qu'il peut même se suicider... C'est loi.
la conséquence de la loi du 15 septembre
Toutefois, l'encadrement du droit de
2011 relative au terme fixe de la législature,
dissolution n'est-il pas excessif ? Sous couvert
passée quasiment inaperçue de ce côté-ci du
de vouloir mettre un terme à une vocation
Channel […], qui interdit la dissolution de la
détournée de la dissolution, la version
Chambre des Communes, sauf dans deux
utilitariste, il est également mis un terme à sa
hypothèses : soit si elle le décide elle-même, à
vocation essentielle, la discipline
une majorité des deux tiers (art. 2, 1), soit si
parlementaire. Cela semble d'autant plus
elle renverse le gouvernement et n'accorde
inquiétant que, s'il paraît possible de
pas sa confiance à un autre pendant 14 jours
contourner la première impossibilité, il en va
(art. 2, 3). En dehors de ces cas, « le Parlement
différemment de la seconde et la crainte d'un
ne peut être dissout » (art. 3, 2). Finie, donc, la
détournement de cette nouvelle procédure
dissolution tactique, particularité britannique,
est réelle, risquant d'aboutir à une hégémonie
qui permettait au Premier ministre et au parti
du parlement, menant au régime d'assemblée.
majoritaire de choisir discrétionnairement et
Il convient de s'y arrêter en étudiant
opportunément la date des élections.
l'encadrement du droit de dissolution
Welcome à une stricte alternative entre
résultant de la loi du 15 septembre 2011 (1)
l'auto-dissolution ou la dissolution sanction.
mais aussi son contournement (2) puis son
Cela conforte également la nécessité de
détournement (3).
compléter la distinction traditionnelle de
Prévost-Paradol, entre la dissolution royale ou
1. L'encadrement (excessif)
présidentielle et la dissolution
gouvernementale […], par la dissolution
Jusqu'en 2011, le droit de dissolution n'était
parlementaire selon laquelle le Parlement doit
nullement encadré au Royaume-Uni, ce qui
être, directement ou indirectement, à l'origine
faisait d'ailleurs figure d'exception mais
de la dissolution.
s'inscrivait pleinement dans l'aspect
Une telle révolution dans le système coutumier de la Constitution britannique.
britannique, berceau du régime parlementaire D'abord prérogative royale, ce droit est
où l'articulation et l'équilibre des pouvoirs devenu une prérogative primo-ministérielle
sont davantage régulés par la pratique que par (bien que formellement prononcée par la
des règles strictes, n'est pas sans surprendre. Reine), le premier ministre pouvant même
De prime abord, seulement. En effet, elle dissoudre deux fois la Chambre à quelques
s'explique simplement par le contexte mois d'intervalle (ce fut, par exemple, le cas
politique issu des élections du 6 mai 2010 qui d'Attlee en 1950 et en 1951). La loi du 15
ont imposé un gouvernement de coalition septembre 2011 en fait une prérogative
entre les conservateurs et les libéraux parlementaire.
démocrates, situation inédite depuis 1945
En effet, toute dissolution de la Chambre des
dans ce pays où règne habituellement le
Communes devra désormais requérir un acte
bipartisme […]. Il s'agit ainsi de mettre fin à
formel de sa part. Cela pourra d'abord être
une véritable prérogative du parti majoritaire,
une volonté expresse d'être dissoute, qu'elle
qui était généralement utilisée au détriment
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formulera par le vote d'une motion à la dissoute. À moins qu'on ne contourne
majorité des deux tiers de ses sièges, et non habilement la procédure.
de ses membres, les sièges vacants étant pris
en compte (V. art. 2, 1, b), c'est-à-dire 431 2. Le contournement (malin)
voix au minimum. Cela suppose donc une
majorité très large, dépassant a priori la Cet encadrement excessif pourra facilement
volonté d'un seul parti et renforce la être contourné : il suffira que le
souveraineté parlementaire puisque la gouvernement demande à sa propre majorité
Chambre peut décider elle-même de la date de voter une motion de défiance et de ne pas
de sa propre élection, sans que cette décision accorder sa confiance à un autre
soit subordonnée à la volonté de l'exécutif. gouvernement pendant 14 jours. […]
[…]
Un tel contournement sera d'autant plus facile
Cela pourra également être une motion de à réaliser qu'aucune règle de majorité n'est
défiance, formellement votée à la majorité imposée à l'adoption de la motion de
simple. Dans cette hypothèse, la Chambre défiance, ce qui signifie qu'elle peut être votée
devra être dissoute si aucun autre à la simple majorité des suffrages exprimés,
gouvernement n'obtient la confiance dans un contrairement à la motion d'auto-dissolution.
délai de 14 jours : il s'agit du cas classique de Aussi, dans l'hypothèse actuelle, si le parti
la résolution d'une crise institutionnelle. Cette majoritaire venait à décider de renverser le
hypothèse rappelle l'art. 68 de la Loi gouvernement afin de provoquer une
fondamentale allemande, quoiqu'aucun délai dissolution et des élections anticipées à un
n'y soit imposé. Elle fait également songer à moment défavorable, par exemple, aux
cette même Loi fondamentale qui prévoit, en libéraux-démocrates, ces derniers devraient
son art. 67, la motion de censure constructive, s'unir avec les travaillistes pour refuser la
selon laquelle un gouvernement ne peut être motion de défiance, autrement dit pour
renversé que par l'investiture d'un autre, en soutenir le gouvernement (ou, ensuite, pour
ses lieu et place. En effet, à un renversement accorder leur confiance à un autre, dans un
de gouvernement fait traditionnellement délai de 14 jours qui paraît, en l'espèce, assez
suite, dans un régime parlementaire, une bref)... L'hypothèse semble aussi incongrue
dissolution. Le mécanisme de l'art. 67 LF, mais qu'improbable et démontre que
aussi de la loi du 15 septembre 2011 permet l'encadrement strict du droit de dissolution
d'éviter la dissolution et d'assurer, dans une n'est qu'une apparence.
certaine mesure, la stabilité du gouvernement
Il ne demeure toutefois pas sans risque car
puisque, afin de l'éviter, il est à la fois
son détournement n'est pas impossible.
nécessaire de s'accorder pour déconstruire (ce
qui est généralement facile) et pour
3. Le détournement (risqué)
reconstruire (ce qui l'est déjà beaucoup
moins).
La dissolution, dont l'une des premières
Par conséquent, si la dissolution sera toujours vocations est de discipliner le parlement, est
formellement prononcée par la Reine, bien plus utile par sa menace que par son
l'initiative n'en reviendra plus au Premier utilisation : c'est la crainte qu'en ont les
ministre mais à la Chambre elle-même : le parlementaires, peu désireux de devoir
premier n'a plus aucune emprise sur la affronter les électeurs lorsqu'ils peuvent
dissolution de la seconde tandis que la l'éviter, qui fait qu'elle leur impose de soutenir
seconde conserve une nette emprise sur le gouvernement, à moins d'un véritable
l'existence du premier, puisqu'elle peut désaccord car ils savent qu'un renversement
toujours le renverser. Cela d'autant plus que le se soldera par un retour aux urnes. Mais cela
Premier ministre n'a aucune marge ne vaut que si l'initiative de la dissolution leur
d'appréciation : si l'une ou l'autre des deux échappe.
hypothèses se vérifie, la Chambre « doit » être

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Or tel n'est plus le cas en l'espèce. de dissolution et un nouveau gouvernement
L'encadrement du droit de dissolution par la devra être nommé sans que le peuple ait à
loi du 15 septembre 2011 peut ainsi être trancher. Le gouvernement serait alors
détourné, afin de subordonner totalement le contraint de se plier aux désirs de la Chambre
gouvernement au parlement. Certes qui, heureuse de ce précédent, ne rechignera
difficilement envisageable dans un pays de pas à le renouveler. C'est exactement
pure tradition parlementariste, de discipline l'exemple de notre IVe République qui vit se
parlementaire et du bi- ou tripartisme, cette succéder vingt-quatre gouvernements en
hypothèse n'est pas à exclure. Supposons que moins de douze ans d'existence...
le gouvernement soit continuellement mis en
Le spectre du régime d'assemblée n'est pas
minorité, sans pour autant être formellement
loin et le terme fixe des législatures porte
renversé : il ne sera plus en mesure de
peut-être en lui la survie incertaine des
gouverner et devra se résigner à la démission.
gouvernements.
Pour autant, sans renversement formel, point

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