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HISTOIRE – LA FRANCE DEPUIS LES ANNEES 1930 – COURS 1

Yann JEANTET

HISTOIRE POLITIQUE DE LA FRANCE DEPUIS LES


ANNÉES 1930
COURS 1 – 1929 À 1940

TABLE DES MATIERES


1. Histoire politique de la France (1929-1940) 2
1.1. Un système politique en crise 2
1.1.1. Instabilité et immobilisme politique au début des années 1930 2
1.1.2. Un renouveau de la tradition antirépublicaine et de l’antiparlementarisme 3
1.1.3. L’électrochoc du 6 février 1934 3
1.2. Le Front populaire 4
1.2.1. Du réveil des gauches au rassemblement populaire 4
1.2.2. La victoire électorale du Front populaire et les espoirs suscités 5
1.2.3. L’œuvre du Front populaire 5
1.2.4. L’échec du Front populaire 6
1.3. De la marche à la guerre à la fin de la IIIe République 6
1.3.1. La marche à la guerre 6
1.3.2. L’armistice l’emporte 7
2. Histoire politique de la France (1940-1946) 8
2.1 La fin de la République et la mise en place de l’État français 8
2.1.1 Les ruptures de Vichy 8
2.1.2 Établir un ordre nouveau 9
2.1.3 L’application de la Révolution nationale 9
2.2 Un régime de Vichy à la peine et qui se durcit 10
2.2.1 La collaboration, une fuite en avant 10
2.2.2 Une collaboration qui se durcit au service de l’Allemagne 10
2.3 La France libre et la Résistance intérieure 11
2.3.1 Les débuts difficiles de la Résistance 11
2.3.2 Vers l’unification de la Résistance 12
2.4 Refonder la République 12
2.4.1 Le programme du CNR : la rénovation de la République 12
2.4.2 Restaurer l’État républicain 13
2.4.3 La Libération : le retour de la République démocratique 14
2.4.4 La reconstruction du paysage politique français 14

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1. H ISTOIRE POLITIQUE DE LA F RANCE (1929-1940)


1.1. Un système politique en crise
1.1.1. Instabilité et immobilisme politique au début des années 1930

La volonté de maintenir l’unité nationale au-delà de la guerre ne parvient pas à se


prolonger dans les années 1920 au point qu’au début des années 1930, les Français ont
perdu toute confiance dans le régime politique de la IIIe République, la démocratie
libérale et dans sa capacité à répondre aux crises multiples que traverse la France.
Le 22 octobre 1929, deux jours avant le jeudi noir de Wall Street, le dernier
gouvernement du radical Aristide Briant chute sur sa politique étrangère en raison d’une
opposition d’une bonne partie de la droite. Dès lors, la IIIe République rentre dans une
période d’instabilités politiques et de contestations du modèle parlementaire.
● Une nouvelle génération d’hommes politiques arrive aux plus hautes fonctions
politiques à l’image de Pierre Laval. Elle s’accompagne d’une évolution des
comportements politiques : violences des débats à l’Assemblée et attaques
personnelles se multiplient. Cette violence des discours s’intensifie aux extrêmes
notamment à l’extrême-droite à travers les discours de Charles Maurras qui n’hésite
pas à appeler au meurtre des parlementaires opposés à la guerre d’Éthiopie (1935) ou
à dénoncer le « Juif Blum » ».
● L’instabilité ministérielle devient chronique, 26 ministères se succèdent entre 1929 et
1940. Celle-ci favorise l’antiparlementarisme. Même en dépit de larges victoires
électorales, l’instabilité politique est de mise. Cela traduit l’impossibilité de trouver une
majorité stable et cohérente.
● Les scandales se multiplient et sont largement instrumentalisés par la presse et par les
extrêmes pour dénoncer les parlementaires voire le système politique de la
démocratie parlementaire : Les émeutes du 6 février 1934 trouvent leurs origines dans
l’affaire Stavisky, Roger Salengro est poussé au suicide en 1936 à la suite d’une vaste
campagne de diffamation et de haine qui l’accuse d’avoir déserté pendant la guerre,
alors qu’il était au front.
● Les projets de réforme en vue de renforcer le pouvoir exécutif ou de favoriser le
bipartisme portés parfois par ceux qui se retrouvent à la tête même du gouvernement
discréditent le régime parlementaire lui-même et heurtent les habitudes politiques à
droite comme à gauche. Les accusations de remise en cause de la tradition républicaine
se multiplient et l’immobilisme politique l’emporte à partir de 1932. La désaffection
des Français à l’égard de la démocratie parlementaire s’amplifie.
● La politique étrangère paraît marquée par des reculs et ne convainc guère les
Français : Dès 1932, le gouvernement Herriot accepte la fin des réparations et l’idée
d’un réarmement de l’Allemagne. Avec l’arrivée au pouvoir d’Hitler, la politique
d’équilibre menée par Laval (conférence de Stresa, politique de la main tendue en
direction de l’URSS) pour maintenir la paix à tout prix ne parvient pas à convaincre.

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1.1.2. Un renouveau de la tradition antirépublicaine et de


l’antiparlementarisme
Ces courants contestataires se retrouvent à la droite de la droite et dans des mouvements
peu représentés au parlement, les ligues d’extrême-droite.
Ainsi l’Action française s’attaque au gouvernement Herriot au sujet de la fin des
réparations dues par l’Allemagne. Elle multiplie les manifestations antirépublicaine,
antiparlementaires et xénophobes jusqu’à sa dissolution en 1936. Certains membres
décident de faire sécession et forment une organisation plus radicale, « la Cagoule »,
organisation terroriste visant à combattre la République par la violence.
Cet antiparlementarisme est aussi porté par des organisations d’anciens combattants qui
appellent à une réforme de l’État pour lutter contre la mollesse de la République et les
parlementaires. Parmi ces organisations se détachent les Croix de Feu du colonel de la
Rocque. Le mouvement multiplie les parades militaires et s’organise en escouades à
l’image des fascistes italiens. Il entretient une rhétorique antiparlementaire et xénophobe
sans aller jusqu’au renversement de la République. Ce mouvement devient un mouvement
de masse dans les années 1930 alors que naissent d’autres ligues qui se réclament
beaucoup plus clairement du fascisme à l’image de la refondation des Jeunesses
Patriotes par Taittinger en 1932 ou la Solidarité française du parfumeur François Coty
mais ces groupes restent restreints.
Les militants de ces ligues contribuent à entretenir un climat d’agitation politique dans
l’espace public. Les idées entretenues par ces ligues favorisent une forme de
radicalisation politique à droite, y compris chez les modérés.
L’extrême-droite trouve alors sa place politique à l’image du Parti Populaire français
de Jacques Doriot créé en 1936 ou du Parti Social Français du colonel de la Roque.
L’antiparlementarisme, la fascination pour l’autorité, l’anticommunisme, une conception
exclusive de la nation marquée par des degrés divers par la xénophobie gagnent
l’ensemble de la droite française ; certains historiens (Robert Paxton par exemple) ont
évoqué, pour ces années 1930 en France, la présence d’« un fascisme diffus ». En
outre, la mise en scène politique à travers des grands rassemblements, des défilés en
rangs serrés, les insignes, le salut, parfois les uniformes, le recours à la violence à travers
les affrontements dans la rue donnent à voir des pratiques qui s’imprègnent de ces
pratiques fascistes. Cette banalisation du fascisme et du nazisme se traduit aussi par les
choix politiques de maintenir un apaisement à tout prix et d’éviter la guerre de la part
des gouvernements de la IIIe République.

1.1.3. L’électrochoc du 6 février 1934


L’Affaire Stavisky constitue alors l’occasion pour les ligues et l’extrême-droite française
de se déchaîner. Le régime parlementaire est rendu responsable de celle-ci et favorise
une diffusion de l’antiparlementarisme dans l’opinion publique.
Stavisky a réussi à monter des escroqueries en se rapprochant de certaines personnalités
politiques du parti radical, l’affaire éclate en décembre 1933 et est largement exploitée
par la presse de droite d’extrême-droite afin de discréditer le régime et la majorité de
gauche rendus responsables de l’Affaire.

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Deux autres faits font rebondir cette dernière, en premier lieu, la fuite de Stavisky et son
suicide (sa liquidation pour certains) dans une villa de Chamonix. L’Action française
s’empare de l’Affaire pour mettre en cause le président du conseil Camille Chautemps
et dénonce « À Bas les voleurs », « À bas les Assassins ». Les manifestations
antiparlementaires se multiplient. Les ligues d’extrême-droite attisent le feu à coup
d’arguments antisémites, xénophobes, antimaçonniques et antiparlementaires. Cette
violence politique entraîne la démission du gouvernement en janvier 1934.
En second lieu, le renvoi du préfet Chiappe (connu pour sa proximité avec l’extrême-
droite) par le nouveau président du Conseil Daladier entraîne de nouveaux appels à
manifester devant la chambre parlementaire le 6 février de la part des ligues
d’extrême-droite, appels soutenus par une partie de la droite parlementaire et des
associations d’anciens combattants. Dans le même temps, les communistes décident
d’organiser une manifestation pour dénoncer les scandales politiques et financiers, pour
demander des sanctions contre le préfet Chiappe et appeler à la mise en place de
Soviets.
La manifestation rassemble une foule nombreuse et hétéroclite aux motivations
contradictoires. Plusieurs manifestations ont lieu ce 6 février, après la dispersion des
cortèges, des affrontements violents ont lieu place de la Concorde. La police débordée
charge à cheval et tire dans la foule faisant 15 morts et plus de 2000 blessés dans les
forces de l’ordre et les manifestants. Le nouveau président du Conseil, Daladier, annonce
sa démission. Les attentes concernant une transformation profonde de l’État et de ses
institutions sont fortes. Cependant, la déception l’emporte vite en raison d’une opposition
parlementaire à gauche (en particulier les radicaux) qui refuse une réforme des
institutions.

1.2. Le Front populaire


1.2.1. Du réveil des gauches au rassemblement populaire
Le 6 février 1934 a provoqué des manifestations populaires et unitaires à gauche au
nom d’un « danger fasciste » à l’intérieur comme à l’extérieur dès le 9 février.
Cependant, les partis de gauche (parti radical, parti socialiste et parti communiste)
restent hésitants à s’unir dans un premier temps. Pourtant à partir de l’été 1934, une
unité des partis de gauche semble se dessiner. L’évolution de la stratégie du parti
communiste (PC) joue ici un rôle important.
Le PC reste dans un premier temps fidèle à sa ligne « classe contre classe » et renvoie
dos à dos les manifestants « fascistes » du 6 février et la classe politique bourgeoise de
la IIIe République en particulier les radicaux. Mais devant l’insistance de Moscou, cette
ligne politique est abandonnée par l’Internationale Communiste (l’arrivée au pouvoir
d’Hitler en 1933 a joué ici un rôle clé) et le dirigeant communiste français Maurice Thorez
appelle alors à l’unité d’action avec les socialistes en vue de former une alliance
défensive et propose aux radicaux la formation d’un « Front populaire pour le pain et
la liberté et contre le fascisme et la guerre » dès octobre 1934. Cette dynamique
unitaire est facilitée par le rapprochement entre la France et l’URSS en 1935 mais aussi
en raison de la baisse du niveau de vie et du maintien du chômage à un niveau élevé.
Cette unité des gauches est alors mise en scène de manière très spectaculaire le 14
juillet 1935. Les manifestations unitaires rassemblent près de 500 000 personnes dans

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tout le pays et plus de 100 000 personnes à Paris, place de la Bastille. Intellectuels de
gauche, responsable de la Ligue des droits de l’homme, des partis de gauche (Daladier
pour le parti radical, Maurice Thorez pour le PC et Léon Blum pour la SFIO) et syndicats
de gauche prêtent serment de défendre la démocratie et la République face à la
menace fasciste et à la misère. La foule joue alors la Marseillaise et l’Internationale
marquant la réconciliation entre les communistes et la République. Une plateforme
politique commune est alors décidée, c’est le « rassemblement populaire ».
Le programme politique s’appuie sur une défense des libertés, des droits syndicaux et
prévoit la suppression des ligues. Cependant, cette ligne antifasciste à l’intérieur ne
trouve que peu d’écho en matière de politique étrangère, la ligne reste la défense de
la paix y compris face aux provocations des régimes totalitaires.
Sur le plan économique et sociale, une relance est prévue avec la nationalisation de
certaines entreprises, des grands travaux (sur le modèle du New Deal américain), la
réduction du temps de travail, la réforme de la Banque de France et un vaste programme
social en faveur des plus défavorisés mais les oppositions demeurent entre socialistes et
radicaux.

1.2.2. La victoire électorale du Front populaire et les espoirs


suscités
En dépit des divisions qui persistent, le Front populaire est porté par une vague de
grèves, l’union syndicale à gauche, par l’arrivée de Daladier à la présidence du parti
radical et par la tentative de lynchage de Léon Blum par des membres de l’Action
française qui pousse les partis de gauche à resserrer les rangs.
Le rassemblement des gauches remporte les élections en mai 1936. Le grand vainqueur
des élections est le PC qui devient une force politique majeure même s’il refuse de
participer au gouvernement ; les radicaux restent les arbitres de cette majorité à gauche.
Pour la première fois, un dirigeant de la SFIO, Léon Blum, arrive au pouvoir. C’est
aussi la première fois qu’un gouvernement compte des femmes dans ses rangs avec trois
sous-secrétaires d’État, Cécile Brunscwick, Irène Jolio-Curie et Suzanne Lacore.
La victoire du Front populaire provoque alors en France un vaste mouvement social
marqué par des vagues de grèves au mois de mai et juin 1936. Celles-ci sont
spontanées et s’étendent à tous les secteurs de l’industrie, la CGT parvient à récupérer
une partie du mouvement et voit ses effectifs s’accroître. Elles sont alors marquées par
l’occupation des usines dans une ambiance joyeuse et festive au grand désespoir des
patrons. Afin de ramener l’ordre et de lancer sa politique de reprise économique, le
Front populaire envisage rapidement des négociations et annonce la mise en place
d’un vaste programme social.

1.2.3. L’œuvre du Front populaire


Dès juin 1936, les principales réformes sociales sont annoncées : réduction du temps
de travail à 40 heures par semaine pour lutter contre le chômage, l’instauration de
conventions collectives, élection des délégués du personnel, droit syndical, hausse des
salaires de 7 à 15 %. Ces accords sont signés par le patronat et la CGT à Matignon le

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7 juin. Ils sont complétés à l’été 1936 par la loi sur les congés payés qui donne 15
jours de vacances aux salariés et celle sur les 40 heures de travail hebdomadaire.
Des réformes structurelles sont mises en place impliquant un plus grand rôle de l’État dans
l’économie :
● La Banque de France passe sous la direction de l’État
● Création de groupes industriels nationalisés dans les transports comme la SNCF (1938),
dans l’aéronautique ou dans l’armement
● Création d’un office du blé pour garantir des prix décents

1.2.4. L’échec du Front populaire


Les oppositions se multiplient face à cette politique du Front populaire.
● Elles viennent d’abord des milieux patronaux et financiers entraînant une fuite des
capitaux à l’étranger.
● Elles viennent aussi de la presse d’opposition : ainsi les journaux d’extrême-droite
comme l’Action française portent des accusations mensongères contre le ministre de
l’Intérieur Roger Salengro chargé notamment de dissoudre les ligues. Ce dernier est
accusé d’avoir déserté pendant la Grande Guerre, poussé au désespoir il se suicide en
novembre 1938.
● L’antisémitisme gagne du terrain et devient l’un des ressorts d’opposition au
gouvernement du Front populaire et se conjugue à un profond anticommunisme
● Un fascisme diffus prend place et fragilise le Front populaire avec par exemple
l’émergence du PPF (parti populaire français) de Jacques Doriot ou avec les premiers
attentats organisés par un groupe d’extrême-droite en lien avec l’Italie fasciste « la
Cagoule ».
Les difficultés économiques s’accumulent et nécessitent le report de nombreuses réformes,
les tensions avec les communistes s’accumulent en raison de la guerre d’Espagne ou de la
répression policière contre des manifestations ouvrières en 1937. Léon Blum
démissionne en juin 1937. L’union des partis de gauche ne tient plus, les divisions
apparaissent au grand jour à l’intérieur du parti radical ou de la SFIO. Les socialistes
repassent dans l’opposition à partir d’avril 1938. Le nouveau gouvernement Daladier
revient dès août sur la loi des 40 heures hebdomadaires considérés comme un obstacle
au réarmement et au rétablissement de la puissance française et met en place une
politique de fermeté face aux mouvements sociaux.

1.3. De la marche à la guerre à la fin de la IIIe République


1.3.1. La marche à la guerre
Le 29 septembre 1938, une conférence internationale, à l’initiative du premier
britannique Neville Chamberlain, est organisée à Munich pour régler la question des
Sudètes et sauver la paix. La menace est prise au sérieux par les démocraties
occidentales qui dépêchent au côté de Neville Chamberlain, le président du Conseil
français, Édouard Daladier pour rencontrer Adolf Hitler et Benito Mussolini.

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Pensant sauver la paix mondiale, Français et Britanniques cèdent sur tout ou presque. De
retour à Paris, Daladier reste persuadé qu’il a sauvé la paix mais il n’est pas dupe et
accélère le réarmement de la France.
Le 15 mars 1939, bafouant les accords de Munich, la Wehrmacht rentre dans Prague.
Mussolini émet des prétentions sur la Savoie, la Corse la Tunisie et envahit l’Albanie en
avril. La politique d’apaisement est un échec total, les pacifistes deviennent minoritaires.
La France et le Royaume-Uni apportent leur garantie à la Pologne en cas d’attaque. Les
deux pays se tournent vers l’URSS mais Staline en août signe un pacte de non-agression
avec le ministre des Affaires Étrangères allemand, Ribbentrop, à propos du partage de
la Pologne
L’attaque de la Pologne le 1er septembre 1939 provoque cette fois une réaction
française et britannique, qui déclarent la guerre à l’Allemagne. La mobilisation générale
est décrétée dans le cadre d’une guerre attendue.
1.3.2. L’armistice l’emporte
L’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne en septembre 1939 à la suite de
l’invasion de la Pologne, la « drôle de guerre », puis la défaite militaire de l’armée
française et l’invasion du territoire par l’armée nazie, ont provoqué un désarroi profond
dans la classe politique de la IIIe République.
Face à la débâcle militaire, le choix de l’armistice plutôt que la capitulation l’emporte.
Ce choix est défendu par le chef des armées françaises le général Weygand et par le
vice-président du conseil le maréchal Pétain. L’armistice est d’abord un acte politique
et non une défaite militaire ce qui permet une sortie du conflit et de mettre fin à la
guerre. La capitulation pouvait signifier une reprise de la guerre, position défendue
par le nouveau sous-secrétaire d’Etat à la guerre, le général de Gaulle, qui souhaite
une continuité de la guerre notamment à partir de l’Afrique du Nord et des colonies et
qui l’exprime depuis Londres le 18 juin 1940 au micro de la BBC.
La solution de l’armistice l’emporte au sein du gouvernement Reynaud ce qui favorise la
démission de ce dernier. À 84 ans, le maréchal Pétain devient le nouveau président
du Conseil. Les partisans de l’armistice souhaitent profiter de celui-ci pour refonder la
France et la sortir du déclin que celle-ci a connu sous la République. L’armistice est signé
symboliquement à Rethondes le 22 juin 1940 avec des conditions difficiles qui
s’imposent à la France :
● Le sort des prisonniers de guerre n’est pas réglé (1,6 à 2 millions)
● La France se retrouve coupée en deux par une ligne de démarcation
● Financement de l’occupation allemande
● Collaboration avec l’occupant
Si pour le maréchal Pétain la souveraineté française est préservée, ce n’est qu’en
apparence. En outre, sans que cela ne soit prévu dans les conditions de l’armistice, le
territoire national est démembré :
● Le Nord-Pas-de-Calais est rattaché au gouvernement de Bruxelles
● L’Alsace et la Moselle sont annexés au Reich et germanisées
Dès le 24 octobre 1940, lors de la rencontre de Montoire, le maréchal Pétain rencontre
Adolf Hitler et entend mener une politique de collaboration avec l’Allemagne nazie,

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même si cette rencontre ne débouche sur rien d’officiel, elle devient le symbole de la
soumission de la France à l’occupant et du projet politique porté par le Maréchal
Pétain.
Les partisans de l’armistice entendent aussi refonder la France et mettre fin à la
République accusée d’avoir accéléré le déclin de la France.

2. H ISTOIRE POLITIQUE DE LA F RANCE (1940-1946)


2.1 La fin de la République et la mise en place de l’État français
2.1.1 Les ruptures de Vichy

Ces ruptures sont précipitées par le nouveau gouvernement du maréchal Pétain dans
lequel Pierre Laval et son entourage jouent un rôle clé. Le choix est fait de remplacer la
République par un nouveau régime et d’une révolution conservatrice tout en
collaborant avec l’Allemagne nazie. Le nouveau régime se place dans l’héritage de la
droite anti-républicaine des années 1930.
Le maréchal Pétain appelle à la création d’un ordre nouveau (discours du 25 juin) afin
de régénérer la France ; la liquidation de la République est entamée rapidement. Début
juillet, le gouvernement et les parlementaires s’installent dans la station thermale de
Vichy, c’est dans ce contexte que la IIIe République disparaît :
● Le 9 juillet et le 10 juillet, députés et sénateurs votent une loi de révision afin de
donner les pleins pouvoirs au maréchal Pétain pour élaborer et mettre en
application une nouvelle constitution. 85% des parlementaires votent celle-ci.
● Le 11 juillet, création de l’État français par une série d’actes constitutionnels qui
concentrent les pouvoirs dans les mains du chef de l’État français, synonyme de
dictature personnelle.
Cette dictature est soutenue par une importante propagande (secrétariat général à
l’information contrôlé par Laval) en vue de construire un culte de la personnalité. Cette
propagande était relayée par la légion française des combattants, organisation unique
fondée par Vichy, afin de réunir les anciens combattants avant de s’ouvrir aux non
combattants en novembre 1941. La radio devient un média de choix afin de relayer
les discours du Maréchal, les supports de propagande se multiplient à l’infini : affiches,
chansons, pièce de monnaie, timbre-poste, presse enfantine…Les fêtes en l’honneur du
Maréchal remplacent fêtes nationales et républicaines. Si la cérémonie du 11 novembre
est conservée, elle est d’abord une cérémonie en souvenir des morts dans laquelle la
figure du maréchal est exaltée et non une cérémonie patriotique. La fête de Jeanne
D’Arc devient une date essentielle du calendrier, le 1er mai devient le jour de la fête du
Travail et de la concorde nationale, …
La liquidation de la République se porte ensuite sur les élus républicains à toutes les
échelles qui se trouvent révoqués voire condamnés.
Les opposants politiques ou autres jugés comme tels sont arrêtés : arrestation de
communistes, interdiction de la franc-maçonnerie, privation de citoyenneté pour les
étrangers naturalisés. Dès septembre 1940, des camps d’internement sont ouverts pour

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accueillir les « minorités jugées dangereuses ». Le 3 octobre 1940, une loi sur le statut
des juifs français est promulguée afin de les mettre à l’écart de la société française.
Les deux piliers, que sont les partis politiques et les élections, qui permettaient le
fonctionnement de la vie politique sous la République disparaissent. Le terme de
République est remplacé par celui de « l’État français ».

2.1.2 Établir un ordre nouveau


Le régime de Vichy entend reconstruire la France sur des bases traditionnelles et
conservatrices, la révolution nationale. Il s’agit d’une vision organique de la France
composée de communautés, « travail, famille patrie », auxquelles l’individu appartient
et sans lesquelles il n’est rien. Cette vision naturaliste conduit à écarter toute autre vision
: lutte des classes, pluralisme politique, étrangers, …
Mais cette vision conservatrice n’empêche pas les tendances fascistes du régime de
Vichy et l’adoption de pratiques modernes notamment dans l’encadrement des masses.
Ainsi le sport et son exaltation participent de cet effort de régénération de la France
voulue par le régime de Vichy.
Mais cet ordre nouveau voulu par l’État français a gardé certains héritages républicains
: « la Marseillaise » reste l’hymne officielle même si elle est suivie par la chanson
officielle, « Maréchal nous voilà ! ». Le drapeau tricolore est aussi conservé.

2.1.3 L’application de la Révolution nationale


Dès octobre 1940, une charte du travail est élaborée afin de régir les relations entre
employeurs et salariés qui assimile la profession à une famille, de créer des syndicats
uniques pour faire valoir les droits des salariés et d’affirmer le rôle des pouvoirs publics.
Cependant, les salaires restent bloqués sur demande de l’occupant.
Le régime de Vichy entend aussi intervenir dans la sphère privée des familles :
exaltation de la maternité, de la fête des mères, hausse des allocations pour les familles
nombreuses, interdiction du divorce pendant les trois premières années du mariage,
l’homosexualité et l’avortement sont criminalisés.
La prise en charge de la jeunesse : l’objectif est d’abord de mettre au pas le personnel
de l’éducation jugé trop républicain, d’autoriser le retour des emblèmes religieux et de
subventionner l’enseignement catholique mais les principes de l’école républicaine ne sont
pas remis en question. Pour le régime de Vichy, l’encadrement de la jeunesse passe en
dehors de l’école avec la création des Chantiers de jeunesse et de l’organisation « les
Compagnons de France » afin de former une jeunesse aux principes de la Révolution
nationale tout en fournissant des occupations à une jeunesse privée de service national
mais la jeunesse se méfie et adhère peu à ceux-ci.
Le régime de Vichy établit un serment de fidélité au maréchal Pétain que devaient
prêter les membres du gouvernement, les hauts fonctionnaires, l’armée et les nouveaux
membres de la police nationale nouvellement créée.
La Révolution nationale repose aussi sur une logique d’exclusion. Dès le 3 octobre 1940,
une loi sur le statut des Juifs français est promulguée qui se retrouvent exclus de la

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fonction publique, de la magistrature et de l’armée mais aussi de l’ensemble des métiers


liés aux médias. L’antisémitisme intègre le droit français.

2.2 Un régime de Vichy à la peine et qui se durcit


2.2.1 La collaboration, une fuite en avant
En dépit de la volonté du Maréchal Pétain de présenter la politique de collaboration
comme une volonté commune de la France et de l’Allemagne, il faut bien avouer que du
côté allemand, cette collaboration est surtout synonyme de la domination du
vainqueur sur le vaincu.
Le gouvernement de Vichy renforce alors sa politique de collaboration afin,
théoriquement, de jouer un rôle dans la nouvelle Europe que dirigerait l’Allemagne nazie.
Cela passe par une collaboration militaire et une radicalisation de la répression
intérieure. Ainsi, le régime de Vichy autorise les Allemands à utiliser les bases militaires
française en Syrie et en Tunisie à l’été 1941.
Avec l’opération Barbarossa, la situation de la France n’est désormais plus une priorité
pour l’Allemagne, Hitler entend que celle-ci fasse profils bas et se mette au service des
exigences allemandes notamment économiques et financières afin de financer et
alimenter la guerre à l’Est.
L’entrée en guerre des États-Unis le 7 décembre 1941 ne laisse plus de marge de
manœuvre au gouvernement de Vichy qui doit entièrement se soumettre aux exigences
allemandes. La France ne représente plus aucun intérêt géostratégique alors que
l’Allemagne doit désormais faire face au Royaume Uni, à l’URSS et aux États-Unis.
Cette collaboration est de plus en plus mal ressentie par l’opinion publique française en
raison des conditions de vie dégradées des Français occupés. En outre, certains souhaitent
intensifier la collaboration qui se concrétise par la formation de groupes politiques
comme le Rassemblement national populaire ou par la création de la légion des
volontaires français en vue de soutenir l’effort de guerre allemand mais aussi par la
création d’une presse collaborationniste.

2.2.2 Une collaboration qui se durcit au service de l’Allemagne


En 1942, un temps écarté du pouvoir, Laval est rappelé par Pétain afin d’intensifier la
collaboration et reçoit de nombreux pouvoirs. Pour lui, le sort de la France de Vichy est
lié à celui de l’Allemagne, il abandonne ainsi la neutralité française.
● Mise en place du système de « la Relève » : un prisonnier libéré pour trois travailleurs
français envoyés en Allemagne
● Mise en place du service du travail obligatoire en 1943 (à partir de 1944, il est élargi
aux femmes sans enfants et à l’ensemble des hommes de 16 à 60 ans)
● Dans le domaine policier et dans la traque des Juifs : Les autorités françaises se mettent
au service de l’Allemagne que ce soit dans la rafle des Juifs (rafle du Vel d’hiv le 16-17
juillet 1942), dans la répression contre les réseaux de résistance et contre toute forme
d’opposition de dissidence notamment communiste. À partir de l’été 1942, les forces
de l’ordre française prennent part à la rafle de milliers de Juifs dans la zone Sud et les

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transfèrent vers la zone occupée en vue de leur déportation, la distinction entre Juifs
étrangers et français s’estompe peu à peu lors de ces rafles.
À la suite de l’opération Torch en Afrique du Nord, la zone Sud est envahie par les
Allemands le 11 novembre 1942 laissant une fiction de souveraineté française aux
mains du régime de Vichy.
Les déportations s’intensifient à partir de 1943 contre ceux soupçonnés d’être proches
des résistants ou d‘avoir des sympathies pour l’ennemi. La création par le
gouvernement de Vichy de la Milice marque aussi un tournant, cette force paramilitaire
collaborationniste et force de police parallèle dont Joseph Darnand, ancien militant du
mouvement d’extrême-droite l’Action française et ancien membre de la Cagoule, prend
la tête. La milice prend des aspects fascisants et pratique torture et assassinat. Elle
participe auprès des Allemands à la lutte contre les Résistants et devient l’un des acteurs
de la Shoah en France.
La réalité du pouvoir glisse alors de Pétain à Laval et à un gouvernement composé de
collaborationnistes et de miliciens.

2.3 La France libre et la Résistance intérieure


2.3.1 Les débuts difficiles de la Résistance
La Résistance française est aujourd’hui encore un objet de débats entre historiens et
même plus généralement au sein de la société. Il est difficile de prendre du recul à
l’égard d’une partie encore très passionnelle de l’histoire de France. Elle a en effet
construit en grande partie les valeurs politiques et les bases d’un accord politique et
social sur lequel la France d’après-guerre est reconstruite. Pour réunifier une France très
divisée par le conflit, la Résistance a été mythifiée, notamment par l’héritage
gaulliste, inventant la légende d’une France entièrement résistante.
La France libre : Refusant l’armistice, l’occupation et la collaboration, une minorité de
Français dès 1940 souhaite continuer le combat. C’est autour de la figure du général de
Gaulle que certaines Françaises et Français envisagent de se regrouper. Dès août 1940,
Churchill considère l’organisation la « France libre » comme représentante des Français
en guerre. Il s’agit alors pour ces résistants de la première heure de donner une légitimité
politique à cette France libre et de considérer le gouvernement de Vichy comme
illégitime. Cependant, les débuts sont difficiles : l’appel du 18 juin est peu entendu, les
ralliements sont minoritaires, la majorité de l’empire colonial reste fidèle à Vichy même
si certains territoires apportent leur soutien au général de Gaulle à l’image de l’AEF, les
États-Unis refusent de reconnaître l’autorité de ce général rebelle et maintiennent leurs
relations diplomatiques avec le régime de Vichy, l’influence de la France libre sur la
résistance intérieure reste très limitée.
En France, jusqu’en 1942, la Résistance est très diverse et très désorganisée ; elle
rassemble plusieurs courants politiques hétérogènes : d’abord, bien sûr, une gauche
antifasciste et non-communiste, mais aussi une droite nationaliste hostile à l’occupant. Il
faut, en outre, distinguer une zone Sud non occupée, où les actes armés ont été moins
courants, et une zone Nord où ces derniers ont été plus intenses, même si globalement les
deux zones ont suivi une même évolution politique : jusqu’au début de l’année 1942,
l’action politique et la propagande y ont été privilégiées par rapport à la lutte armée.

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Si la première Résistance accomplit surtout des actes de sabotage ralentissant ou


contraignant l’occupation du territoire, elle se militarise peu à peu. Ce virage militaire
est d’autant plus difficile à mettre en place que certains s’y montrent réticents comme le
général de Gaulle, considérant qu’une telle action relèverait plutôt du rôle de l’armée.
Les répressions sanglantes de l’occupant qui, pour chaque soldat allemand tué, prend de
50 à 100 otages dans la population civile, contribuent également à terroriser la
population. Mais peu à peu ces mouvements armés se multiplient et des francs-tireurs
sont organisés à partir de 1942. La même année, les « maquis » se forment en grand
nombre dans les zones montagneuses ou forestières comme le massif du Vercors, la
Lozère, les Cévennes, le Limousin et le Morvan.

2.3.2 Vers l’unification de la Résistance


À partir de 1942, le nombre de résistants augmente de manière importante pour trois
raisons :
● L’offensive Barbarossa de l’Allemagne contre l’URSS qui amène les communistes
français à entrer en résistance (certains l’étaient déjà).
● L’occupation de l’intégralité du territoire par l’armée allemande
● La création en 1942 de la « Relève » qui donne lieu ensuite à la création du STO en
février 1943
Cette Résistance s’organise et s’unifie autour du général de Gaulle. Son principal
concurrent, le général Giraud, d’abord soutenu par les Américains, s’efface en novembre
1943. De Gaulle, établi à Londres et soutenu par les Britanniques, devient ainsi
l’incarnation de la Résistance française.
Le 27 mai 1943, la Résistance s’unifie grâce à un organe chargé de la coordonner : le
Conseil national de la Résistance dirigé à ses débuts par Jean Moulin. Cet ancien
préfet engagé dans le Front populaire avait refusé de prêter serment au maréchal
Pétain en 1940. Il rejoint Londres où il rencontre de Gaulle. Le choix de Jean Moulin, qui
bénéficie de son statut de haut fonctionnaire au service de l’État, apparaît moins périlleux
que celui du général de Gaulle, peu apprécié des Américains et dont certains résistants
craignent qu’il ne soit pas un démocrate sincère. Jean Moulin arrive à unifier la
Résistance, d’abord en œuvrant à un compromis entre les différentes tendances
politiques représentées chez les résistants, puis en unifiant ceux-ci dans le cadre des deux
zones, zone Sud et zone Nord, ce qui aboutit à la création du Conseil national de la
Résistance (CNR). L’arrestation puis la mort de Jean Moulin n’arrêtent pas cependant ce
mouvement d’unification de la Résistance dans le cadre du CNR.

2.4 Refonder la République


2.4.1 Le programme du CNR : la rénovation de la République
Pour les résistants, il est indispensable de penser une nouvelle société bâtie sur une
paix durable et une justice sociale qui passent nécessairement par la restauration de
la République et de son idéal.
Le général De Gaulle se rallie à ce projet de république renouvelée. Pourtant le
positionnement politique de celui-ci dans les premières années de la guerre ne montre

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pas une adhésion enthousiaste à la République. Son hostilité au parlementarisme et à la


IIIe République n’en fait pas un partisan affiché de la restauration républicaine. Pour
autant, à partir de 1942, il s’engage à rendre la parole au peuple et à restaurer la
République sur de nouvelles bases. Ces promesses de réformes dans un cadre
républicain facilitent les ralliements autour de sa personne.
La création du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) à Alger,
le 3 juin 1944, trois jours seulement avant le débarquement en Normandie, symbolise ce
projet de renouvellement républicain partagé à la fois par la France libre et par la
résistance intérieure qui est parvenu à établir un programme commun le 15 mars 1944.
Le programme du CNR renouvelle l’idéal républicain. Celui-ci est diffusé dans la
clandestinité par les journaux des mouvements de résistance sous l’intitulé « Les Jours
heureux, par le CNR ». Le texte du programme comprend différentes parties, d’abord
un appel au développement de l’action armée et ensuite un programme politique, dans
l’héritage de la Révolution française, qui appelle au rétablissement de la démocratie,
du suffrage universel et de la liberté de la presse. En outre, le programme fait la part
belle aux réformes économiques et sociales. Elles vont dans le sens d’un État plus social
et plus protecteur des salariés.
Ce projet de rénovation républicaine présente des limites :
● Ne disant rien de l’organisation de la future Constitution, il cautionne l’éventuel
rétablissement de la IIIe République.
● L’absence de l’inscription du vote des femmes dans le programme du CNR.
● Le droit à l’indépendance des peuples colonisés n’est pas évoqué alors que lors de la
conférence de Brazzaville, le 30 janvier 1944, le général de Gaulle avait émis l’idée
qu’un jour prochain, les Africains seront « capables de participer chez eux à la gestion
de leurs propres affaires. ».

2.4.2 Restaurer l’État républicain


La France libre se pose en instance afin de restaurer l’État républicain capable
d’imposer son autorité et empêcher l’occupation de la France comme l’envisageaient
les Américains.
À partir de juin 1943, il s’incarne à Alger dans le CFLN (Comité français de libération
nationale) puis dans le GPRF dirigé par le général de Gaulle. Il s’accompagne de la
formation d’une Assemblée consultative provisoire (ACP), embryon de Parlement où
siègent des représentants des partis politiques et des principales composantes de la
Résistance. Depuis Alger, sont créés des « commissaires régionaux de la République »
appelés à diriger les 18 régions instaurées sous Vichy et dans chaque département est
prévu un comité départemental de libération (CDL).
Le rétablissement du suffrage universel est affirmé et désormais étendu aux femmes.
Dès le 9 août 1944 la légalité républicaine est rétablie par le GPRF, par ordonnance :
l’article 1er stipule que « la forme du gouvernement de la France est et demeure la
République. En droit, celle-ci n’a pas cessé d’exister ». Toutes les lois et règlements du
régime de Vichy sont supprimés. Les membres du gouvernement de Vichy doivent être
tous traduits devant la haute Cour de Justice. Le GPRF s’installe dans la capitale et
permet le rétablissement de la légalité républicaine.

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2.4.3 La Libération : le retour de la République démocratique


En septembre 1944, de Gaulle forme un nouveau gouvernement « d’unanimité nationale
» qui réunit des résistants et les dirigeants des principales forces politiques. Au sein de
ce gouvernement, deux logiques se rejoignent : celle du général de Gaulle, d’une
part, qui souhaite rétablir l’autorité de l’État au plus vite, et celle des résistants,
d’autre part, qui appellent de leurs vœux une expérience politique nouvelle. Ce
gouvernement fait sien le programme du CNR afin d’établir une véritable démocratie
économique et sociale.
Les comités de libération présents dans les communes et territoires dont la majorité sont
communistes décident de se rallier au général de Gaulle. La Libération s’accompagne
aussi d’une vague d’épuration. L’épuration « sauvage » a ainsi pris la forme de
plusieurs milliers d’exécutions sommaires. Cependant, le GPRF cherche rapidement à
prendre en main le processus pour éviter les dérapages, en instaurant une procédure
d’exception destinée à juger les personnes soupçonnées à des degrés divers d’avoir
collaboré. Les grands procès de l’automne 1945 aboutissent à la condamnation à mort
de Pétain (peine commuée en détention à perpétuité), de Pierre Laval, ou encore de
Joseph Darnand.
Dans le même temps, le retour à une vie démocratique s’amorce et connaît un
élargissement.
● Le droit de vote est accordé aux femmes dès le 5 octobre 1944 qui votent pour la
première fois le 29 avril 1945 lors des élections municipales alors que la guerre est à
peine officiellement terminée.
● Les ordonnances d’octobre 1945 mettent en place la Sécurité sociale. L’État
planificateur nationalise en outre certaines entreprises : houillères du Nord et du Pas-
de-Calais, Renault, des banques…
● La liberté de la presse et des médias est restaurée.

2.4.4 La reconstruction du paysage politique français


La vie politique en France reprend en vue de préparer le référendum du 21 octobre
1945, promis par le général de Gaulle, sur les futures institutions françaises. C’est au
sein des partis et sous leur impulsion que se reconstruit cette vie politique. Trois grands
partis politiques dominent :
● Le MRP (Mouvement républicain populaire), créé en 1945 et issu de la Résistance,
regroupe essentiellement des démocrates-chrétiens du centre-droit et du centre-
gauche.
● La SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière), officiellement marxiste mais
rejetant le modèle soviétique, elle défend un socialisme réformiste.
● Le PCF (Parti communiste français) s’inscrit dans une fidélité presque absolue envers
l’URSS.
Les forces traditionnelles de droite sont pour leur part encore désorganisées et en partie
décrédibilisées après l’épisode du régime de Vichy, tandis que le parti radical, qui a
dominé la fin de la IIIe République, ne forme plus qu’une force politiquement marginale.

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Avec le référendum du 21 octobre 1945, le général de Gaulle, président du GPRF,


propose directement au peuple français de trancher sur le sens que doit prendre cette
nouvelle république à travers deux questions.
96% des Français et des Françaises se prononcent pour une nouvelle Constitution et
rejettent ainsi la Troisième République. Le 13 novembre 1945, la nouvelle Assemblée
constituante, à majorité communiste (26% des sièges au PCF) et socialiste (23% des
sièges à la SFIO), élit à l’unanimité le général de Gaulle comme chef du gouvernement.
Si le retour au modèle républicain est acquis pour le général de Gaulle, président du
GPRF, celui-ci rejette le retour au modèle de la IIIe République parlementaire. La
question centrale des institutions devient vite un sujet de débats entre le général de
Gaulle et la nouvelle assemblée constituante qui entend bien faire de l’assemblée le
cœur des nouvelles institutions.
Refusant le retour d’un régime d’assemblée, le général de Gaulle démissionne le 20
janvier 1946 sans provoquer de réactions dans l’opinion publique française. Les
raisons officielles en sont sa volonté de mettre en place un exécutif fort, contredite par
les forces de gauche, et son rejet du poids excessif que prennent les partis dans le
fonctionnement du GPRF. Alors qu’il espérait probablement, grâce à sa démission, créer
un électrochoc et être rappelé au pouvoir, le général de Gaulle se marginalise ainsi.
Le 23 janvier 1946 est signée la charte du tripartisme, par laquelle les trois partis
majoritaires (PCF, SFIO et MRP) s’engagent à gouverner ensemble. Néanmoins, ces partis
ont du mal à trouver un accord autour de la forme de la future Constitution.
En désaccord avec le MRP, la SFIO et le PCF s’entendent sur un projet de Constitution.
À la surprise générale, cependant, (ces deux partis étant majoritaires), leur texte est
rejeté par référendum en mai 1946.
En outre, le projet rencontre l’hostilité du général De Gaulle qui s’oppose au retour d’un
modèle républicain parlementaire qui pour lui signifie une répétition de la IIIe
République. Ainsi le 18 juin 1946 le général prononce un discours à Bayeux dans
lequel il met en avant son projet constitutionnel. Celui-ci est fondé sur une séparation
stricte des pouvoirs avec un Parlement constitué de deux Chambres afin de limiter le
poids de l’Assemblée nationale et dont les pouvoirs seraient réduits au vote du budget
et de la loi, un pouvoir exécutif dont la clé de voûte serait un président de la République
désigné par un collège d’élus. Cette conception d’un pouvoir exécutif renforcé
s’oppose au modèle de la république parlementaire défendu par les trois grands
partis. Cette opposition n’empêche pas l’adoption du nouveau projet constitutionnel par
référendum le 13 octobre 1946 par 53% de « oui » alors que l’abstention atteint un
tiers des électeurs inscrits, signe d’une adhésion sans véritable enthousiasme.

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