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Yann JEANTET
Deux autres faits font rebondir cette dernière, en premier lieu, la fuite de Stavisky et son
suicide (sa liquidation pour certains) dans une villa de Chamonix. L’Action française
s’empare de l’Affaire pour mettre en cause le président du conseil Camille Chautemps
et dénonce « À Bas les voleurs », « À bas les Assassins ». Les manifestations
antiparlementaires se multiplient. Les ligues d’extrême-droite attisent le feu à coup
d’arguments antisémites, xénophobes, antimaçonniques et antiparlementaires. Cette
violence politique entraîne la démission du gouvernement en janvier 1934.
En second lieu, le renvoi du préfet Chiappe (connu pour sa proximité avec l’extrême-
droite) par le nouveau président du Conseil Daladier entraîne de nouveaux appels à
manifester devant la chambre parlementaire le 6 février de la part des ligues
d’extrême-droite, appels soutenus par une partie de la droite parlementaire et des
associations d’anciens combattants. Dans le même temps, les communistes décident
d’organiser une manifestation pour dénoncer les scandales politiques et financiers, pour
demander des sanctions contre le préfet Chiappe et appeler à la mise en place de
Soviets.
La manifestation rassemble une foule nombreuse et hétéroclite aux motivations
contradictoires. Plusieurs manifestations ont lieu ce 6 février, après la dispersion des
cortèges, des affrontements violents ont lieu place de la Concorde. La police débordée
charge à cheval et tire dans la foule faisant 15 morts et plus de 2000 blessés dans les
forces de l’ordre et les manifestants. Le nouveau président du Conseil, Daladier, annonce
sa démission. Les attentes concernant une transformation profonde de l’État et de ses
institutions sont fortes. Cependant, la déception l’emporte vite en raison d’une opposition
parlementaire à gauche (en particulier les radicaux) qui refuse une réforme des
institutions.
tout le pays et plus de 100 000 personnes à Paris, place de la Bastille. Intellectuels de
gauche, responsable de la Ligue des droits de l’homme, des partis de gauche (Daladier
pour le parti radical, Maurice Thorez pour le PC et Léon Blum pour la SFIO) et syndicats
de gauche prêtent serment de défendre la démocratie et la République face à la
menace fasciste et à la misère. La foule joue alors la Marseillaise et l’Internationale
marquant la réconciliation entre les communistes et la République. Une plateforme
politique commune est alors décidée, c’est le « rassemblement populaire ».
Le programme politique s’appuie sur une défense des libertés, des droits syndicaux et
prévoit la suppression des ligues. Cependant, cette ligne antifasciste à l’intérieur ne
trouve que peu d’écho en matière de politique étrangère, la ligne reste la défense de
la paix y compris face aux provocations des régimes totalitaires.
Sur le plan économique et sociale, une relance est prévue avec la nationalisation de
certaines entreprises, des grands travaux (sur le modèle du New Deal américain), la
réduction du temps de travail, la réforme de la Banque de France et un vaste programme
social en faveur des plus défavorisés mais les oppositions demeurent entre socialistes et
radicaux.
7 juin. Ils sont complétés à l’été 1936 par la loi sur les congés payés qui donne 15
jours de vacances aux salariés et celle sur les 40 heures de travail hebdomadaire.
Des réformes structurelles sont mises en place impliquant un plus grand rôle de l’État dans
l’économie :
● La Banque de France passe sous la direction de l’État
● Création de groupes industriels nationalisés dans les transports comme la SNCF (1938),
dans l’aéronautique ou dans l’armement
● Création d’un office du blé pour garantir des prix décents
Pensant sauver la paix mondiale, Français et Britanniques cèdent sur tout ou presque. De
retour à Paris, Daladier reste persuadé qu’il a sauvé la paix mais il n’est pas dupe et
accélère le réarmement de la France.
Le 15 mars 1939, bafouant les accords de Munich, la Wehrmacht rentre dans Prague.
Mussolini émet des prétentions sur la Savoie, la Corse la Tunisie et envahit l’Albanie en
avril. La politique d’apaisement est un échec total, les pacifistes deviennent minoritaires.
La France et le Royaume-Uni apportent leur garantie à la Pologne en cas d’attaque. Les
deux pays se tournent vers l’URSS mais Staline en août signe un pacte de non-agression
avec le ministre des Affaires Étrangères allemand, Ribbentrop, à propos du partage de
la Pologne
L’attaque de la Pologne le 1er septembre 1939 provoque cette fois une réaction
française et britannique, qui déclarent la guerre à l’Allemagne. La mobilisation générale
est décrétée dans le cadre d’une guerre attendue.
1.3.2. L’armistice l’emporte
L’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne en septembre 1939 à la suite de
l’invasion de la Pologne, la « drôle de guerre », puis la défaite militaire de l’armée
française et l’invasion du territoire par l’armée nazie, ont provoqué un désarroi profond
dans la classe politique de la IIIe République.
Face à la débâcle militaire, le choix de l’armistice plutôt que la capitulation l’emporte.
Ce choix est défendu par le chef des armées françaises le général Weygand et par le
vice-président du conseil le maréchal Pétain. L’armistice est d’abord un acte politique
et non une défaite militaire ce qui permet une sortie du conflit et de mettre fin à la
guerre. La capitulation pouvait signifier une reprise de la guerre, position défendue
par le nouveau sous-secrétaire d’Etat à la guerre, le général de Gaulle, qui souhaite
une continuité de la guerre notamment à partir de l’Afrique du Nord et des colonies et
qui l’exprime depuis Londres le 18 juin 1940 au micro de la BBC.
La solution de l’armistice l’emporte au sein du gouvernement Reynaud ce qui favorise la
démission de ce dernier. À 84 ans, le maréchal Pétain devient le nouveau président
du Conseil. Les partisans de l’armistice souhaitent profiter de celui-ci pour refonder la
France et la sortir du déclin que celle-ci a connu sous la République. L’armistice est signé
symboliquement à Rethondes le 22 juin 1940 avec des conditions difficiles qui
s’imposent à la France :
● Le sort des prisonniers de guerre n’est pas réglé (1,6 à 2 millions)
● La France se retrouve coupée en deux par une ligne de démarcation
● Financement de l’occupation allemande
● Collaboration avec l’occupant
Si pour le maréchal Pétain la souveraineté française est préservée, ce n’est qu’en
apparence. En outre, sans que cela ne soit prévu dans les conditions de l’armistice, le
territoire national est démembré :
● Le Nord-Pas-de-Calais est rattaché au gouvernement de Bruxelles
● L’Alsace et la Moselle sont annexés au Reich et germanisées
Dès le 24 octobre 1940, lors de la rencontre de Montoire, le maréchal Pétain rencontre
Adolf Hitler et entend mener une politique de collaboration avec l’Allemagne nazie,
même si cette rencontre ne débouche sur rien d’officiel, elle devient le symbole de la
soumission de la France à l’occupant et du projet politique porté par le Maréchal
Pétain.
Les partisans de l’armistice entendent aussi refonder la France et mettre fin à la
République accusée d’avoir accéléré le déclin de la France.
Ces ruptures sont précipitées par le nouveau gouvernement du maréchal Pétain dans
lequel Pierre Laval et son entourage jouent un rôle clé. Le choix est fait de remplacer la
République par un nouveau régime et d’une révolution conservatrice tout en
collaborant avec l’Allemagne nazie. Le nouveau régime se place dans l’héritage de la
droite anti-républicaine des années 1930.
Le maréchal Pétain appelle à la création d’un ordre nouveau (discours du 25 juin) afin
de régénérer la France ; la liquidation de la République est entamée rapidement. Début
juillet, le gouvernement et les parlementaires s’installent dans la station thermale de
Vichy, c’est dans ce contexte que la IIIe République disparaît :
● Le 9 juillet et le 10 juillet, députés et sénateurs votent une loi de révision afin de
donner les pleins pouvoirs au maréchal Pétain pour élaborer et mettre en
application une nouvelle constitution. 85% des parlementaires votent celle-ci.
● Le 11 juillet, création de l’État français par une série d’actes constitutionnels qui
concentrent les pouvoirs dans les mains du chef de l’État français, synonyme de
dictature personnelle.
Cette dictature est soutenue par une importante propagande (secrétariat général à
l’information contrôlé par Laval) en vue de construire un culte de la personnalité. Cette
propagande était relayée par la légion française des combattants, organisation unique
fondée par Vichy, afin de réunir les anciens combattants avant de s’ouvrir aux non
combattants en novembre 1941. La radio devient un média de choix afin de relayer
les discours du Maréchal, les supports de propagande se multiplient à l’infini : affiches,
chansons, pièce de monnaie, timbre-poste, presse enfantine…Les fêtes en l’honneur du
Maréchal remplacent fêtes nationales et républicaines. Si la cérémonie du 11 novembre
est conservée, elle est d’abord une cérémonie en souvenir des morts dans laquelle la
figure du maréchal est exaltée et non une cérémonie patriotique. La fête de Jeanne
D’Arc devient une date essentielle du calendrier, le 1er mai devient le jour de la fête du
Travail et de la concorde nationale, …
La liquidation de la République se porte ensuite sur les élus républicains à toutes les
échelles qui se trouvent révoqués voire condamnés.
Les opposants politiques ou autres jugés comme tels sont arrêtés : arrestation de
communistes, interdiction de la franc-maçonnerie, privation de citoyenneté pour les
étrangers naturalisés. Dès septembre 1940, des camps d’internement sont ouverts pour
accueillir les « minorités jugées dangereuses ». Le 3 octobre 1940, une loi sur le statut
des juifs français est promulguée afin de les mettre à l’écart de la société française.
Les deux piliers, que sont les partis politiques et les élections, qui permettaient le
fonctionnement de la vie politique sous la République disparaissent. Le terme de
République est remplacé par celui de « l’État français ».
transfèrent vers la zone occupée en vue de leur déportation, la distinction entre Juifs
étrangers et français s’estompe peu à peu lors de ces rafles.
À la suite de l’opération Torch en Afrique du Nord, la zone Sud est envahie par les
Allemands le 11 novembre 1942 laissant une fiction de souveraineté française aux
mains du régime de Vichy.
Les déportations s’intensifient à partir de 1943 contre ceux soupçonnés d’être proches
des résistants ou d‘avoir des sympathies pour l’ennemi. La création par le
gouvernement de Vichy de la Milice marque aussi un tournant, cette force paramilitaire
collaborationniste et force de police parallèle dont Joseph Darnand, ancien militant du
mouvement d’extrême-droite l’Action française et ancien membre de la Cagoule, prend
la tête. La milice prend des aspects fascisants et pratique torture et assassinat. Elle
participe auprès des Allemands à la lutte contre les Résistants et devient l’un des acteurs
de la Shoah en France.
La réalité du pouvoir glisse alors de Pétain à Laval et à un gouvernement composé de
collaborationnistes et de miliciens.