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Photo : Flavien Carlod, non contractuelle. Spol Architects.
 Confidentiel

Izivia (EDF) a été retenu pour équiper en bornes de recharge

électriques les parkings des restaurants français de McDonald’s.

Le RSA menace de faire exploser

L’ESCP crée un
bachelor en partenariat les statistiques du chômage Le BCG (conseil) a
obtenu du ministère
avec University of des Armées la qualité
Hong Kong : deux ans Le gouvernement et Pôle emploi tentent de déminer l’envolée du nombre de chô- de « partenaire de la
d’études en Europe défense nationale ».
et deux ans en Chine.
meurs, liée à l’inscription automatique des 1,9 million d’allocataires du RSA à partir
du 1er janvier 2025. Une conséquence de la loi créant France Travail, qui sera votée Skema BS cherche un
Bercy a fixé à 98 définitivement le 9 novembre. La création d’une sixième catégorie de demandeurs nouveau campus lillois
le nombre de places d’emploi est à l’étude pour rassembler ces nouveaux profils de chômeurs, qui auront pour une installation
proposées aux une obligation d’activité de 15 heures par semaine. Au troisième trimestre, 5 mil- d’ici deux ans. L’école
concours pour le lions de personnes étaient inscrites à Pôle emploi, dont 2,8 en activité réduite. • est actuellement
recrutement située dans le quartier
d’inspecteurs des de la gare Lille Europe.
douanes et droits
indirects au titre Les déstockeurs Un individu accusé
de 2024. Contre se rapprochent de Paris Geoffroy d’avoir empoisonné
182 en 2023. Stokomani (famille Zouari) inaugurera Roux de un loup sera jugé
son premier magasin relié au métro Bézieux au tribunal judiciaire
Stephane Lagoutte/Challenges

Aziza Bouster en mission d’Annecy. Il aurait

(AzB Communication)
parisien en 2024. Son concurrent La commis le délit en
reprend en main la Foir’Fouille (Ivan Rapoport) prépare de Emmanuel Ma- s’infiltrant dans une
communication de son côté un format centre-ville et une cron a chargé mission Loup-Lynx
Picard. L’ex-dircom de ouverture à Suresnes (Hauts-de-Seine). l’ex-président pilotée par l’Office
Casino et des Galeries du Medef d’un français de la
Lafayette travaille déjà audit confiden- biodiversité.
pour la famille Zouari,
qui devrait prendre
tiel sur la sécurité économique. Le Emilie Viargues Metge
le contrôle de document, attendu dans les six mois, (Christofle) et Franck
l’enseigne en 2024. doit notamment cibler les puissances Jeantet (Potel et
Chabot) rejoignent
Laurent Cerino/Rea

se livrant à du pillage technologique.

Présent en juin dernier Même si aucune d’entre elles n’est le conseil
à Vivatech, le premier désignée dans la lettre de mission. d’administration
constructeur de la Réunion des
automobile turc musées nationaux et
Togg présente un du Grand Palais.
nouveau modèle Gasly et Flessel investissent L’Autorité de la concurrence
au prochain CES dans le fonds Slam enquête sur les télécoms Christophe Jamin,
de Las Vegas. Le pilote de F1 Pierre Gasly et l’ex-escri- Saisie par Valocîme concernant TDF, professeur à
meuse et ex-ministre des Sports Laura l’Autorité de la concurrence devrait Sciences‑Po, devient
Xavier Niel (Free) administrateur de
accompagne à la
Flessel participent au lancement de étendre son enquête à Cellnex, autre l’Ecole nationale
mi-novembre le Slam, un fonds dédié au sport et au luxe équipementier d’infrastructures télé- de la magistrature.
ministre du Commerce agencé par Trail, la société d’investisse- coms (towercos). Lors de son audition,
extérieur, Olivier Becht, ment de Xavier Marin (ex-Eurazeo). le sénateur Patrick Chaize, qui préside Après les feux verts
en Irlande. Objectif : l’Association des villes et collectivités des régulateurs, l’AMF
observer l’écosystème Mustier démine pour les communications électro- et l’ACPR, Benjamin
d’innovation local et l’actionnariat d’Atos Chemla (ex-Stuart)
bâtir des liens entre
niques et l’audiovisuel, n’hésite pas à lance le 23 novembre
les deux « start-up Le président d’Atos, évoquer une « entente » entre Orange, la version française
nations ». Jean-Pierre Mustier, a SFR, Bouygues et Free concernant la de sa plateforme
proposé une rencontre location de pylônes. boursière Shares.
Dassault Systèmes aux actionnaires indivi-
Ropi/Rea

quitte en avril La duels d’Atos, regroupés
Madeleine (Paris VIIIe)
pour l’avenue de la
dans l’Udaac, et aux di-
Grande Armée (Paris rigeantes du fonds activiste Ciam, qui a
XVIe), un immeuble porté plainte et dénoncé des « informa-
capable d’accueillir tions fausses ou trompeuses ». Certains
600 salariés. minoritaires envisagent de mettre en
cause la responsabilité civile des admi-
nistrateurs du groupe.
Les salariés de Carrefour sont Selon Renault, ses
très intéressés trois meilleures usines
mondiales en qualité
L’intéressement et la participation au sont Santa Isabel
sein de Carrefour France, selon la direc- (Argentine), Curitiba
tion, ont représenté 1,04 milliard d’eu- (Brésil) et Bursa
ros entre 2019 et 2022, cinq fois plus que (Turquie).
les années précédentes. Sur la période
le résultat du distributeur a triplé.

Sommaire en pages 20 et 21
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  11
 Confidentiel

Selon une enquête OpinionWay-Bastille Magazine, 53 % des Françaises

et 46 % des Français estiment qu’ils ne vivent pas en démocratie.

En toute indiscrétion
Conseillère en charge Frédéric Aguilera,
de la macroéconomie Le vote utile va laminer LR maire et président de
auprès de Bruno Un proche d’Emmanuel Macron en est l’agglomération de
Le Maire (Bercy), persuadé, la principale victime des Vichy (Allier), propose
Clémence Lenoir depuis 2020 un
rejoint Matignon
élections européennes prévues en juin coup de pouce de
comme conseillère 2024 sera la liste des Républicains, 5 000 euros pour aider
technique « laminée par l’étau du vote utile : les primo-accédants
« macroéconomie et Renaissance contre RN, européens à acheter un logement.

Eric Tschaen/Réa
politiques publiques » contre antieuropéens ». Une seule personne
d’Elisabeth Borne. en a bénéficié.

Valérie Pécresse
La nouvelle gauche Les Jeunes socialistes,
souhaite que les allemande fait peur à Rabault mouvement présidé
230 agents de « Il faut suivre ce qui se passe Outre- Tanguy est fan de Le Maire par Emma Rafowicz,
l’Institut Paris Région Rhin, avec la création d’un nouveau Bruno Le Maire a trouvé un partisan lancent leur revue,
quittent leur bâtiment parti populiste. » Quand on l’interroge inattendu en la personne de Jean- L’Epineuse. Pour
du XVe arrondissement sur l’avenir de LFI et de la Nupes, la Philippe Tanguy, vice-président du l’instant en version
de Paris (6 000 m2) numérique.
pour déménager dans
députée socialiste Valérie Rabault in- groupe RN à l’Assemblée : « C’est l’un
1 000 m2 à Saint-Ouen vite à regarder du côté de l’Allemagne, des seuls qui tient la route, il faut bien L’ex-ministre et maire
(Seine-Saint-Denis). où Sahra Wagenknecht a rompu avec reconnaître qu’il rassure les gens avec de Meaux (Seine-et-
Die Linke pour créer un mouvement sa tête de notaire. » Et le député d’avan­ Marne) Jean-François
Les LR Guillaume anti-immigrés et pro-Russe. Cela afin cer un autre argument, littéraire cette Copé se verra
Larrivé et Céline Bähr de contrer l’essor du parti d’extrême fois : « Tout le monde se moque de lui remettre fin novembre
lancent les les insignes de
Conversations de
droite AfD qui tourne dans les son- pour ses livres, mais ils ne sont pas si chevalier de la Légion
l’Abbaye, à Auxerre dages autour de 23 %. Les socialistes mal. Je pense que beaucoup de ceux d’honneur par
(Yonne). Un rendez- français pourraient-ils se laisser sé- qui le critiquent seraient bien inca- Jean-Pierre Raffarin.
vous politico-littéraire duire par ce genre de stratégie ? « Au pables d’en faire autant. »
avec au programme PS, nous ne renoncerons pas à nos Philippe Vigier,
Nicolas Baverez, valeurs universalistes. » Darmanin et Dussopt ministre délégué aux
Gaspard Koenig, se désaccordent Outre-mer, boucle ses
Camille Pascal, David déplacements. Avec
Martinon ou encore Maurel regrette déjà Danjean Un poids lourd de la majorité rappelle des visites à Saint-
Marc Lambron. qu’en octobre 2022, Gérald Darmanin Pierre-et-Miquelon et
(Intérieur) s’était fendu d’une décla­ à Wallis-et-Futuna.
Thomas Andrieu ration commune avec Olivier Dussopt
prend le 8 novembre (Travail) pour annoncer la création Pour Jean-Noël Barrot
la présidence de (Numérique),
la 8e Chambre de la
d’un « titre de séjour de métiers en ten- l’introduction en
section du contentieux sion, à destination des immigrés sans Bourse du français
du Conseil d’Etat. papiers ». Depuis, on ne les a plus en- Planisware avait
Mathieu Cugnot/Réa

tendus en chœur. « valeur de test ».

La Fédération Le report de l’opération
progressiste (François Cazeneuve veut en finir avec est une « très
Rebsamen) tient ses les amateurs mauvaise nouvelle ».
Rencontres à la
Maison de l’Amérique L’eurodéputé de gauche Emmanuel Bernard Cazeneuve a réuni une quaran- Edouard Philippe
latine (Paris VIIe) le Maurel, qui pourrait bien quitter le taine de parlementaires à la questure du (Horizons) lance les
8 novembre. Thème : Parlement européen aux prochaines Sénat, issus du PS, de Liot ou même de grandes manœuvres
le défi des populismes. élections, regrette que son collègue LR l’aile gauche de Renaissance. L’occa- en vue des
Arnaud Danjean fasse de même : sion pour l’ex-Premier ministre d’en municipales de 2026
La CFDT (Marylise en débutant son
Léon), qui milite pour
« C’est l’un des meilleurs députés fran- appeler une nouvelle fois au « rassem- « casting ». Les
la semaine de quatre çais à Bruxelles et il n’était même pas blement des forces sociales-démocrates commissions
jours, concède que assuré d’être réinvesti en position éli- pour ne pas laisser la gauche entre les d’investiture seront
le dispositif ne peut gible. Cela démontre le peu d’intérêt mains des amateurs ». L’identité des- décentralisées. Sauf
être « généralisé ». des partis français pour le Parlement dits amateurs ne laisse que peu de place pour les grandes villes.
européen. Ce n’est pas le cas dans les au doute : « L’attitude d’Olivier Faure
autres pays.»   nous mène tout droit dans l’impasse. »

12  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

TISSOT prx 35 mm automatiQUE

TISSOTWATCHES.COM
 Médias
Par Thuy-Diep Nguyen

La Croix a levé 300 000 euros via son cercle des grands donateurs
présidé par Pierre-André de Chalendar (ex-PDG de Saint-Gobain).

Le nouveau Prisma Media

En vue des JO 2024,
le gouvernement
recherche un chargé
s’appuie sur trois piliers 20 Minutes va rendre
ses locaux à Marseille,
où travaillent trois
de communication Le closing définitif du rachat par Pris- ma », engagée cette année. Elle com­ journalistes.
de crise. La préfecture
de police de Paris, elle,
ma Media du groupe Côté Maison doit prend également le rachat des six por­ C’est le groupe de
recrute un chargé de intervenir dans les prochains jours. tails thématiques du Groupe M6, dont l’animateur Arthur qui
relations presse ainsi Annoncée en août dernier, l’acquisition PasseportSanté, Cuisine AZ ou Croq’Ki­ produira Camille &
qu’un responsable renforce le pôle luxe de la filiale de los. Avec cette présence, la filiale de Images, lancé le 9
de l’instruction des Vivendi, après le lancement de l’édition Vivendi espère grandir sur la cible très novembre sur TF1 :
manifestations sur française de Harper’s Bazaar, en début recherchée des 25-34 ans. Associés aux une émission
la voie publique. hebdomadaire, en
d’année, puis la verticaux Ohmymag et Gentside du deuxième partie de
Franck Papazian, prise de partici­ Groupe Cerise, racheté en 2016, les soirée le jeudi, animée
Brigitte Baudesson/Prisma media

propriétaire du Who’s pation majori­ sites donnent au pôle digital de Prisma par Camille Combal.
Who, va fêter les taire de Milk, en Media une audience de 22 millions de
70 ans du gros livre juin. Côté Mai­ visiteurs uniques par mois, sur un total Le rôle de Fabienne
rouge le 14 novembre son, rentable, de 35 millions pour l’ensemble des Pascaud, ex-directrice
au soir au Pavillon de la rédaction de
Cambon. Les
réalise 7 millions titres du groupe. Télérama, inquiète
annonceurs – SNCF, d’euros de chif­ Le troisième pilier du « nouveau Pris­ les journalistes
Accor, BNP, EY – ont fre d’affaires ma » consiste en la refonte des marques de l’hebdomadaire,
chacun leur table. avec quatre magazines de décoration et historiques du groupe. Le magazine qui s’en sont émus
un événement annuel à Aix-en-Pro­ Geo, dont le site affiche une fréquenta­ en CSE. Aujourd’hui
Depuis le lancement vence, qui accueille 800 000 visiteurs. tion de 6 millions de visiteurs uniques pigiste pour le
des podcasts sur magazine, elle aurait
Spotify en 2017, les
Grâce à cet apport, le pôle luxe de Pris­ par mois, présentera, dans quelques pourtant participé
trois les plus écoutés ma Media réalisera 20 millions d’euros semaines, une nouvelle formule met­ à la relecture et à la
en cumulé en France de chiffre d’affaires en 2024 avec tant l’accent sur la transition écologi­ validation d’articles
(par l’AFP, Brut. et Le 70 journalistes. « Les grandes marques que. Quant au mensuel économique lors du dernier festival
Monde) sont consacrés réclament une offre plus diversifiée, Capital, il devrait lui aussi faire peau d’Avignon cet été.
à l’actualité. Une observe Philipp Schmidt, directeur neuve au premier trimestre 2024, avec
spécificité tricolore : Le magazine
ailleurs, ce sont ceux
général de Prisma Media. A contre- une rédaction renouvelée d’une cin­ scientifique Epsiloon
de divertissement qui courant de ce qui se passe dans la quantaine de journalistes. Mais selon compte 30 000
sont en tête. presse, le luxe a un avenir dans le Philipp Schmidt, la question de la pé­ abonnés, pour 10 000
print. » L’offensive dans la presse luxe riodicité, mensuelle ou hebdomadaire, à 15 000 ventes en
L’agence Brunswick soutient la stratégie du « nouveau Pris­ n’a pas encore été tranchée. G. F. kiosque. Son chiffre
a activement participé d’affaires sera de
à l’élaboration du 3 millions d’euros
programme du sixième
Forum pour la Paix, qui L’Etat fait un effort budgétaire cette année. Il doit
atteindre 50 000
se tient à Paris les abonnés afin d’assurer
10 et 11 novembre en
présence d’Emmanuel
pour l’audiovisuel public sa viabilité
économique.
Macron. Les députés viennent de débuter l’exa- vance audiovisuelle actée l’an dernier.
Le gouvernement
Contrairement à ce
men du projet de loi de finances pour « Ils essaient de faire passer la pilule », s’attend à ce que le
qui a été écrit dans 2024. Il inclut un volet sur l’audiovisuel glisse un sénateur. nouveau dispositif de
l’édition de Challenges public, chiffré par le ministère de la Le gouvernement avait supprimé en contrôle de l’âge sur
du 26 octobre, la SDJ Culture à plus de 4,6 milliards d’euros. décembre 2022 cette contribution de les sites
des Echos n’a pas Soit une hausse de 6 % par rapport à 138 euros payée par tous les foyers. pornographiques (loi
de « préférence » l’an passé. Ainsi, France Télévisions Elle sera compensée cette fois-ci par Barrot), qui donne des
concernant le futur pouvoirs à l’Arcom,
directeur de la
devrait recevoir 137 millions d’euros de une avance de plus de 116 millions soit attaqué en justice
rédaction du journal. dotations supplémentaires l’année pro­ d’euros prélevée sur une fraction de la par les principaux
Elle n’a jamais donné chaine, tout comme Radio France TVA. Mais aucune solution n’a été trou­ acteurs du secteur.
et ne donnera jamais (+ 44,5 millions), France Médias Monde vée à plus long terme. « Nous allons Celui-ci devrait être
de consigne de vote. (+ 19 millions) et Arte (+ 9 millions). voter des moyens sans objectifs », ré­ effectif d’ici un an.
Un effort budgétaire qui en ferait pres­ sume Cédric Vial (LR), le rapporteur de
que oublier la disparition de la rede­ ces crédits au Sénat. D. Pa.

14  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023


Le vice-amiral Nicolas Cailliez, en poste à la DRM ces derniers mois,
est le nouveau numéro deux de la DGSE.
L’Irsem, think tank
du ministère des
Armées, accroît
son influence et
ouvre des antennes
à Bruxelles
et Singapour.
La prochaine réunion
de la Communauté
politique européenne
aura lieu au Royaume-
Uni en mars 2024.
Alors que Liz Truss
et Rishi Sunak
ont milité pour
accueillir l’événement,
ce sommet donnera
le ton des futures
relations entre
Londres et Bruxelles.
Catherine Corm-
Kammoun devient
ambassadrice
au Yémen, où
l’ambassade de
France est fermée
depuis 2015.
Les sociétés de
conseil Artem-IS
(Patrick Cansell)
et Spad (Marc
Chassillan) ont été
choisies par le
ministère des Armées
pour réaliser une
étude sur le marché
mondial des chars
lourds de combat.
L’Allemagne se montre plus généreuse
que la France. Après la décision de Paris
de suspendre son aide publique au
Part des dépenses
d’aide publique
au développement
dans le RNB (en %)
Allemagne
0,83
France
0,56
Royaume-Uni
0,51
OCDE
0,36
SOURCE : OCDE. 0,83 % allemand.
16  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
Radars
Par Antoine Izambard
Le Rafale en Arabie saoudite,
un pari proche du mirage Carlos Ghosn a perdu
le procès au civil pour
l’usage de sa belle
maison de Beyrouth
Après l’Egypte, les contre Nissan, son
Emirats arabes unis et propriétaire, devant
le Qatar, le Rafale va- la justice libanaise.
t-il accrocher un qua- Il devra aller vivre
trième client du Moyen- ailleurs.
Orient à son tableau de Le Conseil européen
chasse ? Comme révélé doit adopter son
par La Tribune, Riyad « instrument
a bien demandé à Das- anticoercition »
Qatar Emiri Diwan/AFP
sault Aviation une offre le 22 novembre.
chiffrée pour 54 Rafale, à Il vise à répondre
aux pressions
remettre avant le 10 no- économiques
vembre. Une commande exercées par Pékin
saoudienne serait un Le Rafale de Dassault, à Doha, en août 2022. Riyad sur certains pays de
coup énorme pour le a demandé une offre chiffrée pour 54 appareils. l’est du continent.
constructeur : l’Arabie
saoudite a, jusqu’à présent, toujours la première fois. Dans les années 1980, Juge à la Cour
internationale
acheté des chasseurs américains (F-15) Riyad avait fait miroiter à Paris un inté- de justice, Ronny
ou des avions développés en coopéra- rêt pour le Mirage 2000, puis pour le Abraham rejoint
tion européenne (Tornado, Eurofighter biréacteur Mirage 4000, finalement la Cour permanente
Typhoon). Mais il y a encore loin de la resté au stade du prototype. d’arbitrage de
coupe aux lèvres. L’Arabie saoudite avait finalement La Haye pour un
L’intérêt saoudien est avant tout lié aux choisi le Tornado, développé par la mandat de six ans.
difficultés de Ryad d’obtenir une nou- Grande-Bretagne, l’Italie et l’Alle- Dans un rapport du
velle tranche de 48 Eurofighter. Leur magne. Mêmes faux espoirs à la fin des think tank ECFR,
livraison est bloquée par l’Allemagne, années 2000, quand Riyad avait opté des chercheurs jugent
qui a gelé ses exportations d’armement pour l’Eurofighter, malgré un intérêt que compte tenu
vers le royaume wahhabite ces der- supposé pour le Rafale. Dassault Avia- de sa « myriade
nières années, en réaction à la guerre au tion, qui ne commente pas officielle- d’interdépendances
avec d’autres
Yémen et à l’assassinat du journaliste ment les négociations, compte jouer la puissances », l’Europe
saoudien Jamal Khashoggi. La crainte carte à fond. Mais l’avionneur apparaît ne sera jamais
du camp français est claire : le Rafale clairement comme un challenger face autosuffisante.
serait un simple lièvre pour convaincre à l’Eurofighter et au F-15 de l’américain
Berlin de lâcher du lest. Ce ne serait pas Boeing, aussi dans la course.  V. L.
Le chômage de masse enfonce Gaza. Le déficit de l’offre de cuivre se profile.
Depuis 2002, le taux de chômage dans Les principaux producteurs de cuivre de la
l’enclave palestinienne est passé de 39 % planète ne cessent de le rappeler : alors
développement (APD) Taux de chômage à Gaza à 46 %. Les trois Déficit mondial de cuivre que la demande
du Burkina Faso et en Cisjordanie (en %) guerres entre le (en millions de tonnes) de ce métal explose,
et du Niger, pays 50 Hamas et Israël 1 le nombre de mines
dirigés par des juntes Gaza (en 2008, 2014 et 0 en développement
hostiles à la France, 40 2021) ont coûté est très insuffisant
-2
des ONG se sont 30
à Gaza au moins -4 pour suivre le rythme
indignées. En 2022, un an de PIB. Selon -6 de la transition
l’APD a atteint 20 Haver Analytics, ses Estimations énergétique. A ce
-8
0,56 % du revenu Cisjordanie habitants se sont jour, il faut 80 kg de
10 -10
national brut appauvris entre cuivre pour fabriquer
(15 milliards 2007 et 2022, avec -12 une voiture électrique
0 -14
d’euros), loin du 2002 2012 2022 un PIB en déclin (contre 23 pour un
2018 2020 2025 2030 2035 2040
SOURCE : HAVER ANALYTICS. de 2,5 % par an. SOURCES : BERNSTEIN, FT. véhicule thermique).
 Regards

En un an, les taux d’impayés des cartes de crédit aux Etats-Unis

ont augmenté de près de 60 %.
La Chine extrait 20 % du lithium dans le monde, et contrôle 60 % de son raffinage.
45 % des retraités français font la sieste. En 1985, c’était 54 %.
Il y a 5 ans, pour 1 dollar investi dans les combustibles fossiles,
la même somme allait aux énergies propres. Aujourd’hui, le rapport est de 1 pour 1,80.
Salaire annuel moyen d’un développeur aux Etats-Unis : 96 000 dollars,
2 fois plus qu’en France.
Pour la 10e et dernière saison de Friends, chacun des 6 acteurs principaux gagnait
1 million de dollars par épisode, soit la moitié du budget alloué à la série.
Les prix de l’uranium ont progressé de 125 % depuis 2020.
En 2021, Google a payé 26 milliards de dollars à Apple, Samsung et Mozilla pour être
le moteur de recherche par défaut sur leurs appareils et navigateurs Web.
Quantité de nourriture gaspillée par habitant chaque année :
90 kg en Espagne, 129 en France, 250 au Benelux.

En direct de mon Open Space, par James

© James - Dargaud/2023

18  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 Tous les champagnes
ont leurs caractères.

Marjorie, vigneronne
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Découvrez
En référence à certains arômes typiques du champagne. nos caractères

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.

 N° 804 - 2 novembre 2023

Delphine Goldsztejn/Le Parisien/MaxPPP

Evénement
Branle-bas de combat dans le commerce
Textile, bricolage, culture… L’inflation a douché l’euphorie post-Covid,
avec des consommateurs qui priorisent les prix bas. Pour survivre,
les enseignes tentent la sobriété et de nouveaux services.  p. 22

Avant-premières 34 Le Thénardier de Grigny, un

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Joe Biden au Proche-Orient.
27 L’édito de Ghislaine Ottenheimer.
48 Les économistes du Bien
28 Pascal Cagni, patron de Business
Commun. Philippe Aghion.
France, plaide pour le libre-
échange. Rencontre.
30 Carole Delga s’accroche à l’A69.
Entreprise
L’édito de Nicolas Domenach. 52 Les héritiers de Swatch
32 L’édito d’André Comte-Sponville. verrouillent leur position.
DIRECTION Alain-Gabriel VERDEVOYE (grand reporter).
Directeur Claude PERDRIEL. High-tech - Médias Thuy-Diep NGUYEN (rédactrice en chef
Directeur de la publication Vincent BEAUFILS. adjointe), Adrien SCHWYTER (rédacteur en chef adjoint),
Alix COUTURES, Véronique GROUSSARD (cheffe de rubrique),
RÉDACTION Paul LOUBIÈRE (grand reporter), David PARGAMIN.
Directeur de la rédaction Pierre-Henri de MENTHON. Finances privées Pascale BESSES-BOUMARD (rédactrice en chef
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Origine du papier : Finlande
Thiébault DROMARD, Thierry FABRE, Gilles FONTAINE (directeur Luxes et cultures Bertrand FRAYSSE (rédacteur en chef adjoint),
Taux de fibres recyclées : 0% de l’innovation), Maxime HANSSEN (Challenges.fr), Stéphanie
Eutrophisation : PTot = 0,000 kg/tonne Xavière LAFFONT.
IONNIKOFF (édition), Kira MITROFANOFF, Ghislaine OTTENHEIMER. Correspondants Philippe BOULET-GERCOURT (New York),
de papier
Assistantes Isabelle JOUANNY (03-01), Marina RÉGENT (03-06). Régis ARNAUD (Tokyo).
Ce magazine est imprimé chez
Directeur artistique Thierry VERRET.
Rotofrance (France), certifié PEFC
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Challenges est édité par Les Editions Couverture Dominique PASQUET. adjointe), Justine BENOIT (éditrice senior), Nolwenn MOUSSET
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France Laurent FARGUES (rédacteur en chef adjoint), Charles-Edouard AMA KOFFI (SEO).
RCS Paris : 325 033 298.
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international), Gilles BERTON (traduction). Photo Isabelle PACOREL, Laurent VERDIER.
Commission paritaire : Entreprises Pauline DAMOUR (rédactrice en chef adjointe),
0627 C 81826. Jean-François ARNAUD (grand reporter), Esther ATTIAS, NUMÉRIQUE Jessica RIOS (responsable des projets digitaux),
ISSN : 0751-4417. Claire BOULEAU (cheffe de rubrique), Laure CROISET, Diane PERROT-CORNU (responsable marketing digital), Flora ISSINGU
Dépôt légal : novembre 2023. Guillaume ECHELARD, Isabelle de FOUCAUD (grand reporter), (cheffe de projet marketing digital), Charles-Elie LABYOD (chef
Fondateurs : Patrick FAUCONNIER Vincent LAMIGEON (grand reporter), Marion PERROUD de communication digitale), Yann BOURDAIS (product owner junior),
et Cécile AYRAL. (cheffe de rubrique), Nicolas STIEL (grand reporter), Léo OULD (community manager).

20  CHALLENGES N°804 - 2 novembre 2023

 Portrait Avant-propos
Olivier Dellenbach, par Vincent Beaufils
le logiciel patriote
Comment le fondateur
de ChapsVision, vétéran
Transition énergétique

Bruno Levy/Challenges
de l’informatique, est guidé
par son intuition et son
attachement à la souveraineté
de la France. p. 62
La loi des chiffres
EST-CE L’AUTOMNE DES RÉSULTATS ? Bien sûr,
les incertitudes géopolitiques rendent la Bourse fébrile.
Et les arbres ne montant pas jusqu’au ciel, les cours
du trio des belles valeurs françaises du luxe ont fini par
s’en ressentir au-delà du recul du CAC 40 (- 7 % sur les six
En couverture derniers mois) : - 10 % pour les insubmersibles Hermès et
L’Oréal, et même - 23 % pour la star LVMH (actionnaire de
Immobilier, la Challenges), qui reconnaît une phase de « normalisation ».
grande désillusion Pendant ce temps-là, les entreprises qui devraient
Avec la flambée des taux, souffrir des sombres perspectives de la transition
le marché est déserté écologique, dans les secteurs de l’énergie ou du transport
par les acheteurs. A Paris, aérien, connaissent leur « été indien » : TotalEnergies
en banlieue, en régions, a fait une des plus belles progressions de la place
la baisse se généralise, parisienne (+ 15 % sur la période), et Air France a conclu
mais reste insuffisante. sa meilleure saison de l’histoire, au point de rêver de
(photomontage Challenges)

Reflux général
P. 72
L’interview de Patrice Vergriete,

Nos conseils et nos prix. p. 71 ministre chargé du Logement

La bataille pour le crédit
Acheter les murs, pas le foncier
P. 73
P. 76 L’ÉTAT DU MARCHÉ croquer ses concurrentes, SAS au Nord, et TAP au Sud.
Ludwig Wallendorff/Réa

P. 80 Les prix à Paris

Vendre discrètement en off P. 88

Cette frénésie de croissance externe a surtout agité ces

market P. 82
Les clés de la location sans Les prix en banlieue parisienne
heurt P. 84 P. 100
Les prix en régions
P. 108

804C_071.indd 71
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES
N°804  71


dernières semaines les « majors » pétrolières américaines.

27/10/2023 18:00

Coup sur coup, ExxonMobil et Chevron ont réalisé

Luxes les plus grosses acquisitions du siècle, en avalant Pioneer
54 Ça chauffe pour le steak tartare !
56 Paris brigue les JO de l’e-sport. 122 Création. Les horizons d’Olivier Natural Resources et Hess pour 60 et 53 milliards
57 Le Copilot de Microsoft débarque Masmonteil, peintre-voyageur. de dollars. Une provocation, alors que la planète vise
en pionnier. 125 Griffe. Balzac Paris. la neutralité carbone en 2050 ? Circonstance aggravante,
58 Lynk & Co avance cahin-caha. 126 Mode. Mocassins féminins.
les cibles sont des spécialistes du gaz de schiste,
60 Amazon prend la voie de 127 Tech. Smartphones.
l’intelligence artificielle. 128 Horlogerie. Longines. obtenu par cette fracturation interdite dans nombre
62 Portrait d’Olivier Dellenbach, 129 Destination. COMO Le Montrachet. d’Etats européens, et notamment en France.
le fondateur de ChapsVision. 130 Automobile. Toyota Prius. « Nous vivons dans le monde réel, et nous devons
66 Le Club entrepreneurs. Damien allouer le capital aux demandes du monde réel »,
Morin (Mobile.club). Dossier justifie sans ciller le patron de Chevron dans
67 Arkema rend sa formule plus 132 Whiskies & spiritueux. De l’orge le Financial Times. Et c’est vrai : la consommation
durable. avant tout. Notre sélection. de pétrole sur la planète a encore augmenté d’1 million
68 Santé & sciences.
de baril/jour en 2023 ! Une loi des chiffres qui a conduit
Cultures
En couverture 140 Ecrans et scènes. Le Garçon et
son homologue d’ExxonMobil à traduire ainsi sa
responsabilité de CEO dans le McKinsey Quarterly :
71 Immobilier, le reflux général. le Héron, de Hayao Miyazaki. « You need to do the math and then explain the math. »
La réponse de Patrice Vergriete, 142 Arts. Mark Rothko.
ministre du Logement. Crédit,
En France, on appellerait cela faire de la pédagogie.
143 Livres.
location, achat, nos conseils. Nos 146 Double Je, par Nicolas Domenach TotalEnergies s’y emploie avec plus ou moins de bonheur,
prix à Paris, banlieue et régions. et Pierre-Henri de Menthon. et en tout cas moins de cynisme. La major européenne
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a « pivoté » : elle s’est engagée à être « carbone-neutre »
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Imprimerie Roto France, Lognes. de ce que fait EDF aujourd’hui. Cela convainc si peu
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les activistes que Greenpeace a sorti le 26 octobre
Directrice de marque Céline CLAMAGIRAND.
Immobilier Yves LE GRIX. un rapport recensant 33 projets illustrant « la logique
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ADMINISTRATION abonnés » jetées sur couverture sur une partie de la diffusion réponse. Conclu pour vingt-sept ans, il prend fin en 2053.
Directeur général Philippe MENAT. abonnés ; un message « L’Homme Moderne» jeté sur
Secrétaire général Jean-Claude ROSSIGNOL. couverture sur la totalité de la diffusion abonnés; ainsi qu’un Il aurait été malin, comme symbole de ses engagements,
que TotalEnergies se cale sur la date butoir de 2050…•
Directeur commercial et numérique encart « SCP Immobilier » broché au centre du magazine sur
Valéry SOURIEAU. une partie de la diffusion abonnées.

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  21

Evénement
Les Français font
la révolution dans
la distribution
Textile, culture, bricolage… Les réseaux spécialisés
souffrent des arbitrages des consommateurs face
à une inflation alimentaire de 21 % en deux ans.
Distributeurs et industriels sont poussés vers un modèle
économique et écologique voué à durer.
C
e jeudi 26 octobre, alors
que la présentation des
résultats trimestriels de
Fnac-Darty aux ana-
lystes financiers se ter-
mine, soudain, Enrique Martinez, le
PDG du groupe, se fend d’une petite
page d’autopromotion : « Nos maga-
sins sont à votre disposition pour
faire vos courses de Black Friday et
de Noël, donc je compte sur vous ! »
Certes, la phrase est dite sur le ton
de la boutade. Il n’empêche, en ce
moment, chaque client compte pour
Fnac-Darty. Depuis deux ans, le
chiffre d’affaires de l’entreprise
cale. Et cet automne, les signes de
déconsommation se multiplient
dans le commerce non alimentaire.
Habillement, bricolage ou jardi-
nage : tous ces secteurs affichent
des ventes en retrait.
« Cette baisse est clairement consé-
cutive aux hausses des prix dans
l’alimentaire, analyse Emmanuel
Le Roch, délégué général de Procos,
la fédération professionnelle du
commerce spécialisé. Une partie du
budget des consommateurs est
prise par les dépenses du quotidien.
L’arbitrage a été sans appel, au dé-
triment du non-alimentaire. » En
22  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
septembre, sa fédération a dressé un
bilan alarmant : le chiffre d’affaires
du commerce spécialisé accuse un
recul de 4,2 % sur un an, malgré des
prix gonflés par l’inflation. Vingt
mois après le début de la crise du
pouvoir d’achat, et avec des prix ali-
mentaires toujours en hausse de
plus de 20 % sur deux ans, l’heure
n’est plus à l’inquiétude pour les dis-
tributeurs, mais aux conséquences
concrètes. D’autant plus qu’il y a
« un effet ciseau, dit Emmanuel
Le Roch. L’énergie et les salaires
continuent à augmenter alors que
les ventes patinent, ce qui pèse très
fortement sur les marges ». Et l’ex-
directeur immobilier de Darty d’aler-
ter sur « une équation impossible ».
Intentions d’achat gelées
Effectivement, ça tangue de toute
part depuis la rentrée. Le chaîne de
prêt-à-porter Naf Naf va devoir fer-
mer 17 magasins, s’inscrivant dans la
triste série de Kookaï, Don’t Call Me
Jennyfer et Camaïeu. Les magasins
Maisons du Monde voient leur
chiffre d’affaires fondre de près de
10 % sur un an ; Teract (InVivo), qui
détient Gamm vert et Jardiland, a
renoncé à ses objectifs financiers à
CADEAUX,
CULTURE, JOUETS
-3%SUR UN AN
Les
spécialistes
passent
en mode l’horizon 2024-2025; le numéro deux
survie, de l’e-commerce français, Cdiscount
y compris – fragilisé par les difficultés de sa
maison mère Casino –, a vu ses re-
les grands cettes s’effondrer de 25 %.
noms Rien ne laisse espérer une améliora-
comme tion dans l’immédiat. Ce mois d’oc-
Leroy tobre, l’Observatoire société et
consommation (ObSoCo) a dévoilé
Merlin.
Sarah Bastin/SP - Kermalo/Rea - Pascal Sittler/Rea
une nouvelle édition de son baro-
mètre du pouvoir et intentions
d’achat. « Les Français sont 40 % à
limiter au maximum leurs dé-
penses, souligne sa directrice géné-
rale, Guénaëlle Gault. Ils étaient
26 % il y a deux ans. » Ce gros coup
de froid se lit aussi dans leur taux
d’épargne : autour de 15 % habituel-
lement, il a frôlé en septembre les
19 %. « Quand ça va mal, on se dit

MAISON
-6,2% SUR UN AN
que ça peut aller encore plus mal »,
décrypte l’experte. Les consomma-
teurs se sont massivement équipés
pendant l’épidémie de Covid-19
(voir graphique page 25) et n’ont
plus le cœur à réaliser des achats
superflus lorsqu’ils comptent chaque
euro pour remplir leur frigo.
Alors les spécialistes des biens
d’équipement et de la personne
passent en mode survie. Y compris
les grands noms, comme Leroy Mer-
lin, enseigne majeure de la famille
Mulliez, avec ses 37 % de part de
marché dans le bricolage. Sa maison
mère, Adeo, pénalisée par la hausse
des coûts des matériaux, a annoncé
en interne un plan de compétitivité
pour améliorer la rentabilité. Nom
de code : Pact One Team. Ce dernier
PLAISIRS a été adressé par courriel à tous les
CONTRARIÉS collaborateurs le 8 septembre.
Evolution en % « Nous accélérons l’application de
de l’activité notre stratégie prix pour optimiser
des magasins notre marge en améliorant l’acces-
du commerce
spécialisé en sibilité prix des familles straté-
septembre 2023 giques », peut-on lire dans cette note
par rapport à que Challenges s’est procurée. Leroy
septembre 2022. Merlin veut serrer la vis sur les dé-
SOURCE : PROCOS. penses, annonçant qu’aucun recru-
tement externe n’aura lieu d’ici à la
fin de l’année et une baisse des frais
généraux avec un objectif de 20 %.
Modèle Ikea
La casse sociale se profile. Valorisé
à 2,6 milliards de dollars en 2021,
ManoMano, e-commerçant spécia-
liste du bricolage, a présenté le
12 septembre un projet de réorgani-
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804 
HABILLEMENT
-14% SUR UN AN
sation aux représentants du person-
nel, qui pourrait donner lieu à la
suppression de 150 postes en
France et 80 en Espagne, sur un ef-
fectif de 900 salariés. Les 2 000 sala-
riés liés à l’enseigne d’ameublement
Habitat s’inquiètent également pour
leur futur. « Nous sommes dans
une situation dramatique, alerte la
déléguée syndicale centrale de la
CGT, Ratiba Hamache. Les fournis-
seurs ne sont pas payés depuis un
an. Les prestataires non plus.
Beaucoup de magasins ne règlent
pas leur loyer. » Actuellement sous
le coup d’une procédure de sauve-
garde, le groupe pourrait basculer
en redressement judiciaire. Son
propriétaire, Thierry Le Guénic,
chercherait un repreneur. 
23
Evénement
La descente en gamme sera-t-elle
l’issue de secours du non-alimen-
taire en période d’inflation ? Philippe
Moati, cofondateur de l’ObSoCo,
met en garde : « Rentrer dans une
logique de cassage des prix pour-
rait sacrifier l’image des enseignes
sur le plus long terme. » Certains
acteurs tentent alors de réorganiser
leurs magasins pour coller au plus
près du portefeuille des clients. Le
discounter Maxi Bazar, détenu par la
famille Zouari, a décidé par exemple
de développer son rayon hygiène et
beauté. « C’est clairement la ré-
Olivier Corsan/Le Parisien/MaxPPP

ponse à la problématique de pou-

voir d’achat », explique le PDG,
Jean-Marie Pomarès. Dans certains
magasins, ces produits vont ainsi
remplacer le rayon textile, en souf-
france. De même, dans les chaînes
de mode, où les faillites se multi-
Magasin Action à La Ferté-Gaucher (Seine-et-Marne). L’enseigne préférée des Français est plient, c’est l’offre seconde main qui
portée par un marché du bazar en croissance de 12 % en 2022. cristallise tous les espoirs, alors
qu’en moins de dix ans, le bulldozer
Le joyeux bazar des discounters Vinted est devenu le troisième site
d’e-commerce le plus visité en

D
amien Defforey,
président de l’enseigne
de déstockage
Stokomani, aime recevoir
tous les types de clients
dans ses magasins. Mais il
ne s’attendait pas à trouver
dans les allées de son
magasin de Plaisir Anthony
Giron, président de B&M
(ex‑Babou), son principal
concurrent – les deux
enseignes mêlent bazar et
textile à prix cassés. « Tu t’es
perdu ? », lui a-t-il lancé. En ce
moment, dans le petit monde
du bazar, chacun se toise.
Car le secteur tire son
épingle du jeu dans un
uuu Petit coin de ciel bleu au mi-
lieu des nuages du commerce non
alimentaire, Ikea pourrait inspirer
ses concurrents. A l’image d’un Le-
clerc dans l’alimentaire, le géant
suédois de l’ameublement a récolté
cette année les fruits de la constance
d’une stratégie : être le moins cher.
« Le fait d’être abordable, c’est
l’ADN d’Ikea », souligne Johan Lau-
rell, président de l’enseigne en
France depuis un an. Résultat ? Une
hausse du chiffre d’affaires de 16 %
sur un an, portée par l’embléma-
tique étagère Kallax, dès 40 euros,
ou le rangement modulable Eket, à
20 euros tout rond. Cette perfor-
marché non-alimentaire peu préférée des Français selon France. Le 7 septembre, Zara a ainsi
dynamique. Selon le cabinet EY-Parthenon, les petits lancé son site pour les vêtements de
Pixis Conseil, le bazar a nouveaux affluent :
représenté 10 milliards l’allemand Tedi, l’espagnol seconde main.
d’euros de chiffre d’affaires Primaprix ou le danois
en France en 2022, soit une Normal. « Il va y avoir un Réparation illimitée
croissance de 12 % pour ses enjeu de positionnement, Il n’y a pas que l’offre des magasins
4 000 points de vente. avertit Charlotte Puisais, qui s’adapte à l’inflation ; les indus-
« Quand le pouvoir d’achat est consultante pour Pixis triels aussi prennent leur part. Pour
en berne, la déco ou les loisirs Conseil. Les produits sont en
sont faits dans un second partie similaires. » Le secteur rendre ses jouets plus accessibles,
temps, juge Didier Pitelet, va-t-il se concentrer ? Geoffrey le groupe Vulli, fabricant de Sophie
porte-parole de Gifi. Mais on Lavielle, directeur général La Girafe et de L’arbre magique des
aide notre clientèle à se faire de La Foir’Fouille, rassure : Klorofil, a modifié la conception de
plaisir malgré tout », avec « A Sainte-Geneviève-des-Bois certains d’entre eux, en leur retirant
85 % de références à moins (Essonne), on a le plus grand une ou deux fonctions, sans pour
de 10 euros. Les enseignes Action de France juste à côté
prolifèrent. Outre le bulldozer de nous, et ça ne pose pas de autant les dénaturer. Objectif : ne
néerlandais Action, enseigne problème. » G. E pas dépasser 30 euros pour un jouet
comme la Famille Croco, qui change
de couleur au contact de l’eau. De
mance n’a pas échappé à Maisons même, le spécialiste des produits
du Monde, qui « se concentre sur un d’entretien et d’hygiène L’Arbre vert
triptyque : la marque, le service au augmente la taille de certains de ses
client et les prix », résume son ac- articles pour le même prix. « Nos
tionnaire de référence, Gabriel tablettes pour lave-vaisselle sont
Naouri. L’enseigne veut notamment passées de 30 à 32 pastilles par
repenser sa grille tarifaire. « En paquet », explique la directrice mar-
cette période, il est probablement keting Géraldine Séjourné. Les for-
plus difficile de rendre accessible mats familiaux se développent éga-
l’ensemble de la gamme, c’est pour- lement, limitant les emballages.
quoi nous avons un réel intérêt à Mais quand les ventes se tassent, la
faire des réductions de prix ciblées solution peut aussi conduire à revoir
et tactiques qui rencontrent un son business model. Sur ce terrain,
intérêt significatif de la part des Fnac-Darty est sans doute l’arché-
clients », souligne son nouveau di- type, avec son abonnement Darty
recteur général, ­François-Melchior Max, qui offre une réparation illimi-
de Polignac. tée des appareils ménagers dès

24  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 12 euros par mois. Avec plus d’1 mil-
lion de contrats souscrits, la formule
Les hypers perdent le non-alimentaire est un succès. « En ce moment, les
contraintes environnementales
sont rejointes par les contraintes
Evolution des ventes en hypers et supermarchés financières, analyse Guénaëlle
et sur leurs sites d’e-commerce sur un an (en %) Gault. La notion de réparabilité a le
35 vent en poupe. » Selon Fnac-Darty,
Septembre 2023 l’amélioration du taux de marge
30 L’écart entre la croissance
des achats alimentaires
brute du groupe au troisième tri-
mestre 2023, de 70 points de base,
Novembre 2021 et non alimentaires est principalement imputable à cette
25 Sortie du Covid, dépasse les 10 points.
offre. A cela s’ajoutera la création
Black Friday et achats Juillet 2022
de Noël anticipés: d’une nouvelle branche, via sa joint-
Dopées
le rebond des ventes venture avec CMA CGM dans la lo-
20 est spectaculaire.
par l’inflation,
les ventes gistique pour l’e-commerce, annon-
alimentaires cée début octobre, elle aussi
sont en hausse PRODUITS
15 de 7%. DE GRANDE
CONSOMMATION
génératrice de marge.
FRAIS LIBRE
SERVICE Lame de fonds
10 Leroy Merlin creuse également
cette tendance des services. Agathe
5
Monpays, sa nouvelle directrice gé-
nérale, lancera ce jeudi 9 novembre
le dispositif conçu par l’enseigne de
0 bricolage, Mon parcours rénova-
tion : il s’agit de mettre en lien
chaque particulier avec les bons in-
-5 tervenants dans son projet de tra-
vaux énergétiques. « Leroy Merlin
- 10 PRODUITS
est bien placé pour jouer ce rôle de
NON ALIMENTAIRES coordinateur dans la nécessité de
rénover les bâtiments, c’est écono-
-15 Novembre
miquement intéressant et nous
2020 sommes légitimes », souligne une
- 20 Pendant les confinements, porte-parole.
les rayons dits Toutes ces adaptations sont indis-
«non essentiels» Mai 2023 pensables, car la crise de l’inflation
sont fermés presque
- 25 tout le mois. Face à la flambée
des prix alimentaires,
risque de durer de longs mois. « On
pourrait avoir une embellie dans la
les achats de biens
consommation discrétionnaire (les
- 30
d’équipement plongent.
produits et services non essentiels)
S O N D J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S O N D J F M A M J J A S au deuxième trimestre 2024, mais
2020 2021 2022 2023 pas avant », juge Clément Genelot,
SOURCE : INSTITUT CIRCANA.
analyste distribution et e-commerce
chez Bryan, Garnier & Co. Et rien

F
ace à l’inflation,
les arbitrages
des Français sont
visibles au sein même des
hypermarchés. Depuis
juin 2022, date à laquelle
l’inflation alimentaire
a passé la barre des 5 %
sur un an, les biens
d’équipement se vendent
mal. Les consommateurs,
à la sortie des
confinements imposés
par le Covid, avaient fait
le plein de téléviseurs et
de robots ménagers. En
novembre 2021, les ventes
de textile et de
maroquinerie avaient
même explosé de 118 %
sur un an, après la
réouverture des rayons non
essentiels. Maintenant que
les armoires sont pleines,
l’heure est aux arbitrages.
Une tendance qui vient
renforcer un mouvement de
fond commencé il y a une
décennie. « Les rayons non
alimentaires dans la plupart
des gros hypermarchés sont
voués à disparaître, estime
Clément Genelot, analyste
chez Bryan, Garnier & Co.
Boulanger ou Amazon font
mieux le job sur le prix, le
service et la gamme. » Ainsi,
au troisième trimestre, les
ventes non alimentaires
de Carrefour ont baissé de
près de 7 % en France. Son
PDG, Alexandre Bompard,
a déjà présenté sa parade :
réduire de 40 % d’ici
à 2026 cette offre dans
ses hypers. Comme si
l’inflation avait donné le
coup de grâce à l’utopie du
« tout sous le même toit »
de l’hypermarché, 60 ans
après sa naissance. G. E.
n’indique qu’un nouvel épisode in-
flationniste ne se produira pas à
nouveau. « Nous sommes entrés
dans un régime de consommation
sous contrainte, estime Philippe
Moati. La crise sanitaire a été le
premier épisode, maintenant on a
l’inflation. Avec le dérèglement cli-
matique, d’autres épisodes pour-
raient avoir lieu. » Pour l’expert,
les nouveaux modes de consomma-
tion, de la seconde main à la répara-
tion, sont une lame de fond. Plutôt
que de les subir, les distributeurs
ont tout intérêt à les accompagner.
Laure Croiset et Guillaume Echelard

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  25

 France
Le démarchage à
l’américaine bat son plein
S’appuyant sur les aides publiques massives de l’Inflation Reduction Act,
les dirigeants des Etats américains, Texas en tête, multiplient
les appels du pied pour attirer les usines françaises outre-Atlantique.
Brian Snyder/Reuters
R
ien de tel pour mettre en
sourdine les dissensions
économiques au sein du
couple franco-allemand
que de se trouver un adversaire
commun. « Notre sujet à tous, c’est
la puissance déployée par les Etats-
Unis, avec les plans d’aides pu-
bliques aux infrastructures et l’In-
flation Reduction Act (IRA), lançait
ainsi le vice-président du Medef en
charge de l’Europe, Fabrice Le
Saché, à Berlin, le 29 septembre.
Avec ces arguments, des représen-
tants américains circulent dans
toute l’Europe pour inciter les en-
26  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
treprises à s’implanter outre-Atlan-
tique. » La France, effectivement,
est la cible de multiples opérations
de séduction venues d’une Amé-
rique en pleine forme, avec près de
5 % de croissance en rythme annuel
enregistré au dernier trimestre.
« Les agences de développement
américaines sont très actives chez
nous », confirme un responsable
des Hauts-de-France.
Le Texas semble particulièrement
apprécier l’air de l’Hexagone. Eric
Johnson, maire de Dallas, y est en
visite du 12 au 18 novembre. A Paris,
mais aussi Dijon, qui est jumelé avec
la ville texane. Déjà, le 14 juillet, la
secrétaire d’Etat du Texas, Jane
Nelson, et l’épouse du gouverneur,
Cecilia Abbott, étaient à Paris. Elles
ont assisté à un dîner organisé par le
Medef international, en présence
d’une centaine de dirigeants d’entre-
prises. L’an passé, c’est le maire de
Houston, Sylvester Turner, qui visi-
tait la capitale. « Tout cela est plutôt
bon signe et ces démarches ne sont
pas agressives, assure Constance
Bost, directrice de la chambre de
commerce franco-américaine au
Texas, qui participe à l’organisation
de ces visites. Le Texas bénéficie
d’une économie florissante et nous
nous efforçons de faire en sorte que
la France apparaisse sur sa carte
du monde. » Ces deux dernières
années, la chambre de commerce a
d’ailleurs doublé son activité de
conseil pour les implantations d’en-
treprises.
Kevin Stitt, Phrases chocs
gouverneur En tournée à Paris au début du mois,
d’Oklahoma. Arun Venkataraman, sous-secrétaire
« Si vous voulez
un centre de
au Commerce de l’administration
production Biden, affichait cette même volonté
manufacturier consensuelle : « Notre objectif est
aux Etats-Unis, bien d’approfondir nos relations
il n’y a pas de commerciales, pas d’entrer dans
meilleur choix une concurrence frontale, expli-
que l’Oklahoma.
On est pile au
quait-il à Challenges. De ce point de
centre du pays. » vue, l’IRA est un signal historique
que nous partageons le même objec-
tif de réduction des émissions de
CO2 que la France et l’Europe. » Ces
paroles apaisantes n’empêchent pas
les responsables américains de se
 transformer en publicitaires avec
des phrases chocs lorsqu’il s’agit de
« vendre » leur Etat. Alors que la L’éditorial de
France et l’Allemagne se débattaient
dans la crise énergétique, l’hiver der-
GHISLAINE OTTENHEIMER
nier, le ministre de l’Economie de
Géorgie, Pat Wilson, pointait dans le
quotidien allemand Handelsblatt,
avec un brin de provocation : « Nos
Une ambition retrouvée

P
coûts de l’énergie sont limités et nos « our la première fois depuis bérézina dans de nombreux secteurs,
réseaux de fourniture sont
plusieurs décennies, on ses gouvernements ont continué
stables. » Quant au gouverneur d’un
ouvre plus d’usines qu’on à privilégier le traitement social
autre Etat du sud,
PLUIE DE Kevin Stitt, il expli-
en ferme », annonçait du chômage, avec des préretraites,
DOLLARS récemment le ministre de l’Economie des congés de conversion… Tout en
quait en mai : « Si
 Subventions et Bruno Le Maire. Effectivement, les réduisant le temps de travail. Semaine
crédits d’impôts vous voulez un
courbes s’inversent alors que de 39 heures, cinquième semaine
à la production et centre de production
à l’environnement longtemps les gouvernements ont de vacances, retraite à 60 ans. Autant
manufacturier aux
(en milliards de dollars) baissé les bras, considérant que le recul de mesures qui vont peser sur la
Etats-Unis, il n’y a
800 de l’industrie était un phénomène compétitivité. Rares sont les voix qui
700 pas de meilleur
normal. La sidérurgie, le textile, comme celle d’Edith Cresson plaidaient
600 choix que l’Oklaho-
la métallurgie n’avaient pas d’avenir. alors en faveur d’une réindustrialisation.
500 ma. On est pile au
400 La France était vouée à développer les Ensuite, durant des décennies, les
centre du pays. »
300 services, les loisirs… Adieu les usines ! gouvernements n’eurent de cesse de
Selon lui, au terme
200 Vive Disneyland ! colmater, de rafistoler, de bricoler,
de rencontres avec
100 Le patron d’Alcatel, Serge Tchuruk, tentant de sauver quelques fleurons,
0 des patrons asia-
chantre du fabless, affirmait que les multipliant les aides, les exonérations,
Etats-Unis Europe tiques et européens,
SOURCE : CAE. entreprises devaient se concentrer sur des dispositifs bureaucratiques coûteux
dont la France, son
la conception des produits et déléguer et peu efficaces, car, comme le disait
territoire s’apprête à engranger plus
leur fabrication à des pays moins le mathématicien Laurent Carraro,
d’1 milliard de dollars d’investisse-
coûteux… S’en sont suivis la fermeture « les difficultés relèvent surtout d’un
ment étranger.
de milliers d’usines, et problème culturel ». Les quelques voix
l’appauvrissement du pays. Si, dans qui ont tiré la sonnette d’alarme n’ont
Le Duff et Schneider séduits
les années 1960, le général De Gaulle pas été entendues : Jean-Louis Beffa,
Car l’aimant américain fonctionne.
puis Georges Pompidou avaient Louis Gallois, la Fondation Concorde…
Après avoir renoncé à une implanta-
compris la nécessité d’une industrie Résultat, en 1973, la part de l’industrie
tion dans le Finistère, le groupe de
forte, leurs successeurs eurent d’autres dans la richesse nationale était de 22 %
boulangerie industrielle Le Duff est
préoccupations, d’autres ambitions. La en Allemagne, de 22 % en France et de
en train de faire monter en cadence
16 % en Italie. Cinquante ans
sa nouvelle usine du Connecticut.
Schneider Electric a annoncé quant Le vent tourne, mais un obstacle plus tard, elle était toujours de
22 % en Allemagne et de 16 %
à lui, le 14 septembre, l’ouverture à freine la réindustrialisation : en Italie mais, en France, de
El Paso (Texas) de son plus impor-
tant centre de production améri-
le manque de main-d’œuvre. seulement 11 %, moitié moins.
Le vent commence à tourner.
cain. Quelque 400 emplois à la clé et
démission a commencé dès les années L’esprit start-up, les opportunités
la « fierté de se positionner à
1970 lors du premier choc pétrolier. offertes par la révolution verte,
l’avant-garde de la renaissance
Valéry Giscard d’Estaing avait pour la volonté de reconquérir une
manufacturière de l’Amérique », a
priorité la lutte contre l’inflation. souveraineté mise à mal, l’engagement
lancé la responsable locale du
Et pour objectif une modernisation du chef de l’Etat, les baisses d’impôt,
groupe. Le groupe aéronautique
de la société. Alors que les Allemands le besoin de créer de la valeur ajoutée
Safran est, lui, en pleine hésitation.
investissaient dans l’outil industriel, et de distribuer des bons salaires…
A l’automne 2022, il avait préféré
modernisaient leurs usines, faisaient Tout cela combiné redessine une
faire tourner davantage son implan-
le choix du haut de gamme, en France ambition. Mais sur le long chemin de
tation au Kentucky pour produire
on a commencé à délocaliser, en la réindustrialisation, la France se
des freins carbone, mettant sur
s’efforçant de rendre le chômage heurte à un obstacle majeur : le manque
Christophe Lebedinsky/Challenges

pause le projet d’un nouveau centre

indolore. Ainsi VGE décida-t-il de main-d’œuvre. L’enseignement
de production à Feyzin dans le
d’indemniser les chômeurs à 90 % professionnel n’attire pas suffisamment
Rhône, en raison de la hausse du
du dernier salaire brut. François et les étudiants qui sortent des écoles
prix de l’énergie. Un an plus tard, le
Mitterrand, lui, avait comme projet de d’ingénieurs préfèrent la banque ou
projet à Feyzin est enterré et l’entre-
permettre aux salariés de travailler l’immobilier. La révolution des esprits
prise se tourne vers « l’option en
moins, pour vivre enfin. Face à la n’est pas tout à fait achevée.•
Amérique du Nord » pour sa nou-
velle usine.  Grégoire Pinson

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  27

France

Cagni « relax » sur le libre-échange

Le patron de Business France, ancien dirigeant d’Apple,
prône une large ouverture commerciale, à contre-courant du discours
sur la souveraineté, même avec la Chine. Rencontre.

A
près sa vie avec Steve
Jobs, pendant plus de dix
ans, comme vice-président
et directeur général
d’Apple pour l’Europe, puis son exis-
tence comme capital-investisseur,
avec sa société C4 Ventures, Pascal
Cagni s’est transformé, à la demande
d’Emmanuel Macron, en ambassa-
deur délégué aux investissements
internationaux en France, en 2017.
Mais en réalité, davantage que celle
de diplomate, c’est la carrière d’avo-
cat qu’il semble avoir embrassée, à

Stephane Lagoutte / Myop pour Challenges

l’écouter défendre sans relâche la
capacité des entreprises françaises à
se projeter à l’international. « Les
Français sont en bonne position
pour se développer au-delà de leurs
frontières, assure-t-il lors de l’entre-
tien HEC-Challenges- BFM Busi-
ness. Les entreprises sont bien sou-
tenues par un Etat stratège, par des
institutions financières fortes et le
pays dispose en outre d’entrepre-
neurs doués. »
« Du savoir-faire à prendre »
Celui qui est également président de
Business France, l’agence d’aide à
l’export et au soutien à l’attractivité
du pays, détaille aussi la boîte à ou-
tils à disposition des exportateurs
potentiels : soutiens publics au vo-
lontariat international en entreprise
(VIE) et à son nouveau pendant en
région, le volontariat territorial en
entreprise (VTE) ; appui des
1 000 conseillers Business France,
dans l’Hexagone et sur toute la pla-
nète ; puissance du réseau diploma-
tique tricolore, etc.
« N’ayez pas peur du vaste monde »,
explique en substance Pascal Cagni.
Un appel lancé à destination des
chefs d’entreprise comme des res-
ponsables politiques. « Il faut être
relax, assure-t-il. A partir du mo-
ment où l’on a décidé ensemble de
la libre circulation des hommes,
des capitaux et des idées, en parti-
culier en Europe, il faut jouer le
Making of jeu. Il ne faut jamais être naïfs, et
Les vies multiples nous avons collectivement décidé
de Pascal Cagni de ne plus l’être dans l’Union euro-
obligent à mener
l’entretien tambour
péenne, mais il faut aussi demeu-
battant, ce rer toujours ouverts au monde. »
20 septembre. Cette position clairement exprimée
Développement en faveur du libre-échange pourrait
de son fonds sembler passée de mode, tant le
C4Ventures,
attractivité de la concept en vogue est celui de la sou-
France, soutien aux veraineté économique, vanté
jeunes jusqu’au sommet de l’Etat. Mais Pas-
pousses, etc. : cal Cagni assume. Jusqu’à expli-
l’heure d’échange
est vite passée. quer, toujours à contre-courant : « Il
ne faut absolument pas couper les
ponts avec la Chine. Il faut garder
un lien de communication, sans
naïveté. » Selon lui, après la période
où l’empire du Milieu s’est copieuse-
ment inspiré des technologies occi-
dentales, l’heure est venue de se
demander « si, à son tour, la Chine
ne va pas nous transférer son sa-
voir-faire. Car il y a du savoir-
faire à prendre », continue-t-il. En
soulignant par exemple que le
constructeur d’automobiles élec-
triques chinois BYD, qui cherche un
point d’attache en Europe, est ca-
pable de produire des véhicules à
moins de 10 000 euros.
La France bénéficie pleinement des
fruits de cette ouverture, argumente-
t-il : « Depuis quatre ans, nous
sommes le pays le plus attractif
d’Europe, pointe celui qui a contri-
bué à la naissance des sommets
Choose France, réunissant des pa-
trons étrangers à Versailles. Et, au-
jourd’hui, ce sont plus de 28 000 en-
treprises du territoire qui sont le
fruit d’investissements étrangers.
Soit 10 % de la population employée,
20 % de la recherche et développe-
ment et 30 % des exportations. » La
vallée de la batterie des Hauts-de-
France trouve en partie sa source
dans ces investissements étrangers,
avec le taïwanais Prologium et le
chinois Envision. Et l’aventure du
Nord n’est pas finie, puisque Pascal
Cagni annonce que le chemin d’Elon
Musk pourrait passer par Dun-
kerque pour le recyclage des batte-
ries de ses Tesla. La mondialisation,
selon Pascal Cagni, est plus heu-
reuse qu’on ne croit. Grégoire Pinson

28  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 France

Carole Delga
s’accroche
L’éditorial de
NICOLAS DOMENACH

à l’A69
L’élue socialiste défend
Glissade antisémite

J
un projet censé ean-Luc Mélenchon est-il devenu
redynamiser un territoire antisémite ? Pour ceux qui ont
parmi les plus pauvres connu, et nous en sommes,
le farouche républicain,
d’Occitanie. le combattant laïc, l’ancien ministre
du gouvernement de Lionel Jospin et
l’ex-sénateur franc-maçon aux
convictions universalistes de feu, poser
une telle question pourrait paraître
Idriss Bigou-Gilles/Hans Lucas/AFP
du leader Insoumis. Il est des
hommages que l’ancien Mélenchon
n’aurait jamais mérités ni acceptés.
Alors, ses camarades de jeunesse
trotskiste – même s’ils n’étaient pas de
la même chapelle –, tels Julien Dray ou
Jean-Christophe Cambadélis, s’alarment
de cette folle dérive. Ils décèlent une
démarche « campiste », qui revient

déplacé. Pas lui ! Pas ça ! La haine du à privilégier un ennemi et un seul,

juif, une abomination pour l’homme de
gauche qu’il a été. Une exécration de
l’autre, de l’humanité qu’il a toujours eu
à cœur de défendre. Et pourtant.
Pourtant l’accusation frise désormais
l’inculpation. Ses sorties de route se
Carole Delga. La présidente de la région sont tant multipliées qu’on ne trouve
Occitanie veut désenclaver le sud du Tarn. guère surprenant que la Ligue
internationale contre le racisme et
en l’occurrence les Etats-Unis. Face à
ce grand satan, toutes les alliances,
fussent-elles avec le diable, sont
possibles. Le caractère démocratique de
l’Etat hébreu lui est étranger et il
n’hésite pas à essentialiser en extrême
droite tout ce qui s’en rapproche.
Toujours sa stratégie du chaos, stratégie
pyromane dangereuse pour la France,

E
l’antisémitisme l’accuse désormais mais qui pourrait le brûler lui-même.
lle tient bon. Malgré la pression
« d’antisémitisme électoral ». Comme Cette glissade fatale l’emmène-t-elle
des associations écologistes et la
si un clientélisme musulman sordide vers l’antisémitisme ? Ce poison sévit
recrudescence de l’attention mé-
l’avait conduit aux antipodes de ce qu’il partout. La gauche a connu ses
diatique, Carole Delga s’accroche au pro-
était. Le Mélenchon d’hier n’aurait antisémites : Pierre-Joseph Proudhon,
jet d’autoroute A69 reliant Toulouse à
jamais marché contre une prétendue Joseph Staline, Marcel Déat, Jacques
Castres. La présidente de région s’est
islamophobie aux côtés des islamistes Doriot… Et même, un temps, Jean
toujours montrée favorable à la construc-
en novembre 2019. Le virage était là Jaurès. Oui, le grand homme, dans un
tion d’une nouvelle infrastructure rou-
qui, dans une dynamique infernale, discours de 1898 dénonçait « la race
tière pour desservir le sud du Tarn et
juive, concentrée, passionnée,
désenclaver l’un des territoires les plus
pauvres de sa région – 960 000 personnes Mélenchon mène sa stratégie subtile, toujours dévorée par
une sorte de fièvre du gain ; qui
vivent sous le seuil de pauvreté en Occi- du chaos, en procédant par manie avec une particulière
tanie. Mais le projet est décrié par les
associations environnementales, qui dé-
insinuations, comme Rivarol. habileté le mécanisme
capitaliste, mécanisme de
noncent son coût écologique et son im-
l’entraîna à dénoncer « les oukases rapine, de mensonge ». Pour certains
pact sur la biodiversité.
arrogants des communautaristes du défenseurs de la cause sociale, le juif
L’élue a vu peu à peu les critiques se
Crif », puis à soutenir Jeremy Corbyn, était assimilé à l’argent, au grand
concentrer sur elle, notamment dans les
leader travailliste britannique écarté capital. Ce raccourci poisseux est de
vidéos publiées sur les réseaux sociaux
pour avoir fait de son parti un refuge retour. La lutte contre l’antisémitisme
par les militants écologistes. Fin octobre,
pour antisémites. Enfin, le refus de est devenue secondaire puisqu’il s’agit
elle a été lâchée par son chef de parti Oli-
qualifier le Hamas de mouvement désormais pour la gauche radicale de
vier Faure, qui a appelé le gouvernement
terroriste, puis les attaques sordides défendre prioritairement les nouveaux
à renoncer à un projet « anachronique »
contre la présidente de l’Assemblée « damnés de la terre », les Arabes
et « écologiquement absurde ». Pourtant,
nationale Yaël Braun-Pivet, « opposée à des banlieues, essentialisés à leur tour
en plus des argumentaires économiques,
la France » – celle des 15 000 comme musulmans. Faire reculer
le débat se double d’une considération
manifestants pour la Palestine – alors l’antisémitisme n’est pas la seule affaire
Bruno DELESSARD/Challenges

politique : dans le Tarn, les villes qui

qu’elle « campe à Tel-Aviv pour des juifs. Chacun de nous est
bordent la nationale RN126, reliant Tou-
encourager le massacre ! » Il ne précise dépositaire de ce combat.
louse à Castres, ont majoritairement
pas que celle-ci est juive. Il procède par C’est une mission première dans
porté Marine Le Pen en tête du premier
insinuations, tel le journal antisémite le pays de l’affaire Dreyfus et de la rafle
tour de la présidentielle. Et Carole Delga,
Rivarol qui salue le « courage » du Vél’d’Hiv.•
présidente de région la mieux réélue de
France (57,7 %), ne l’ignore pas.  R. C.

30  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 Si l’IA était
le Far West,
qui en serait
le shérif ?
C’est une impression ou les entreprises de la tech se sont toutes lancées dans
une ruée aussi aveugle qu’effrénée vers les territoires inexplorés de l’IA ? Tout
ceci commence à ressembler au Far West. Difficile de savoir à qui ou à quoi se
fier. C’est pourquoi nous nous posons les questions fondamentales : comment
fonctionne l’IA ? Les données de votre entreprise restent-elles protégées ?
Qui gère la gouvernance ? En réponse, notre plateforme d’IA se conforme
à notre valeur première : la confiance. Alors, si vous voulez chevaucher les
vertes prairies de l’intelligence artificielle, vous pouvez compter sur nous
pour vous accompagner. Nous sommes à l’écoute de toutes vos questions.
Yee-haw !

Pour une IA de confiance

 France
Bonne semaine
L’éditorial de
Stéphane Lagoutte/Myop/Challenges
ANDRÉ COMTE-SPONVILLE
Trop judiciariser la vie politique
est un danger pour nous tous
E
Grégory Doucet mobilisé ric Dupond-Moretti
Face à la prolifération des tags, comparaîtra devant la Cour
le maire de Lyon, interpellé par une de justice de la République
pétition, a fini par engager une action du 6 au 17 novembre. Triste
de grande ampleur. Sa municipalité événement pour notre pays. Qu’un
a annoncé que, depuis le début de ministre en exercice soit ainsi jugé
l’année, ses services ont procédé à pour des actes accomplis dans le cadre
7 000 interventions, soit 26 opérations
par jour en moyenne. Cela de sa fonction, c’est un fait sans
représenterait 185 000 m2 détagués. précédent, qu’on ne peut que regretter.
Une mission qui pèse lourd dans le A qui la faute ? Le procès nous le dira
budget de la ville : 1,4 million d’euros. peut-être, s’agissant du garde des
Sceaux, selon qu’il sera déclaré
Dominique de Villepin coupable ou innocent. Mais ne nous
écouté éclairera guère, je le crains, sur les
L’intervention rapports entre le droit et la politique, qui
de l’ex-Premier sont pourtant au cœur de la question, ni
ministre sur la sur la Cour de justice de la République,
situation à Gaza a
institution hybride et discutée, qui ne
Sophie Palmier/Rea
été saluée sur les
réseaux sociaux. saurait se juger elle-même.
S’il a reconnu le Monsieur Dupond-Moretti est mis en
droit de « légitime examen pour prise illégale d’intérêts :
défense » d’Israël, il est suspecté d’avoir profité de sa
il a aussi averti des risques d’une position de ministre pour régler
« vengeance indiscriminée ». Et s’en
est pris au « deux poids deux mesures »
quelques comptes personnels avec des
des Occidentaux : « Vous dénoncez ce magistrats dont il pensait avoir eu à se
qui s’est passé en Ukraine et vous êtes plaindre en tant qu’avocat (il avait
bien timides face au drame à Gaza. »
Mieux vaudrait que nos élus et
Mauvaise semaine ministres soient irréprochables ?
Certes. Mais qui l’est ?
dénoncé leurs « méthodes de
barbouzes »). Il va de soi que je ne
prétends aucunement me substituer
aux quinze juges (trois magistrats
Eric Tschaen/Rea
professionnels, six députés, six
sénateurs) qui constituent ce tribunal
d’exception, seul à même de condamner
ou d’innocenter un ministre en exercice.
Sylvie Retailleau brocardée Mais je m’interroge sur leur propre
La ministre de l’Enseignement
impartialité. Comment des élus
supérieur a fait bondir des syndicats peuvent-ils juger un ministre sans qu’il
étudiants en annonçant que les jeunes y ait interférence avec leurs propres
qui se verront réquisitionner leur engagements ? Et les magistrats eux-
S. Lagoutte/Challenges
logement Crous durant les JO de Paris mêmes : pourront-ils laisser de côté leur
recevront une indemnité de 100 euros éventuelle rancœur ou animosité vis-à-
et deux places pour assister à des vis de leur ministre et d’un ancien
épreuves. « Des mesurettes », ont-ils avocat particulièrement incommode ?
dénoncé. La ministre a assuré que tous
seraient relogés sans surcoût.
32  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
Surtout je m’inquiète de la
multiplication de ces affaires, où la vie
politique se trouve soudain exposée
aux aléas de la vie judiciaire, quand ce
n’est pas aux dénonciations
moralisatrices de tel ou tel. Souvenons-
nous de François de Rugy, ministre de
la Transition écologique, poussé à la
démission – sans qu’il ait jamais été
condamné par quelque tribunal que ce
soit – pour avoir servi du homard à ses
invités. Ou de François Bayrou et
Marielle de Sarnez, laquelle en est peut-
être morte, obligés de renoncer à leur
poste de ministre (respectivement de la
Justice et des Affaires européennes)
parce qu’ils étaient suspectés d’avoir
mis des assistants parlementaires du
MoDem, au Parlement européen, au
service de ce même parti mais dans un
autre cadre, le tout sans aucun
enrichissement personnel. La politique
y a perdu, me semble-t-il, plus que la
justice n’y a gagné. Et voilà que c’est
bientôt Olivier Dussopt, ministre du
Travail, qui va comparaître pour
« favoritisme » dans
l’attribution du marché de
l’eau de la ville d’Annonay,
dont il était le maire…
Bien fait pour eux ? Peut-être,
s’ils sont coupables. Mais tant
pis pour la politique, qui en est
déconsidérée, donc pour la démocratie
et pour nous tous. Mieux vaudrait que
nos élus et ministres soient
irréprochables ? Certes. Mais qui l’est ?
Et qui ne voit que cette judiciarisation
croissante de la vie politique constitue
une pente dangereuse ? C’est d’abord
aux électeurs de juger les politiques,
et pour leur efficacité plus que pour
leur vertu. Cela ne dispense pas
les ministres de respecter la loi, ni
les juges de l’appliquer, mais doit
nous pousser tous à préserver la
séparation des pouvoirs. Ne comptons
pas sur les tribunaux pour faire notre
métier de citoyens.•
 Entre le Parc de Sceaux et la Coulée Verte
à Châtenay-Malabry
contractuelle - Les informations sur les risques auxquels ce bien est exposé sont disponibles sur le site Géo-
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France

Grigny 2 (Essonne). 17 000 habitants vivent dans ce quartier de l’une des villes les plus pauvres de France, royaume de la « colocation forcée ».

M archand de sommeil

Le Thénardier de Grigny
touché mais pas coulé
Après dix ans de procédures, le délinquant en col blanc a été condamné.
Mais il pourra encore faire fructifier ses « investissements locatifs ».

G
rigny 2, ses tours, ses décharges
sauvages de détritus, ses ascen-
seurs en panne et ses cages d’esca-
lier qui empestent l’urine. Dans les
rues aux consonances bourgeoises,
Sablons, Tuileries… les vitres des
rez-de-chaussée sont toutes obstruées. On ne saura
pas ce qui se trame derrière. La misère se terre dans
ce quartier de l’Essonne. Ici, le revenu moyen par
adulte plafonne à 730 euros par mois : un RSA,
quelques allocations ou un travail à temps très par-
Par Alice tiel subi. Des situations ultraprécaires. 17 000 habi-
Mérieux. tants vivent dans 5 000 logements. Grigny 2, c’est une
boîte noire, un aspirateur à pauvreté. C’est aussi le
Photos : royaume des marchands de sommeil.
Martin
Barzilai/ Il faut monter dans les étages, avec l’équipe du ser-
Haytham vice d’hygiène de la mairie, pour rencontrer ceux qui
pour logent dans ces appartements loués en « colocation
C hallenges . forcée », pour mieux les rentabiliser. Ici, deux frères
vivent dans 9,54 mètres carrés. « Ça coûte 350 euros,

34  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023


Appartement de 5 pièces loué à la chambre. Ici, deux frères sous-louent au
locataire en titre une chambre de 9,54 m2 pour 400 euros par mois, en liquide.
le propriétaire veut augmenter à
400 euros, mais c’est trop cher ! » s’in-
quiète l’un d’eux. A côté, une famille
paye 600 euros pour 20 m2. L’homme
n’est pas content d’être interrogé. Il ne
veut pas d’ennuis. Il a un toit, quatre
murs pour sa femme et sa fille de
10 mois. « C’est ça ou la rue, vous com-
prenez ? » dit-il dans un français mala-
droit. Dans cet appartement de 100 m2,
trois autres chambres font office de lo-
gement, pour des hommes souvent,
seuls parfois, vulnérables toujours. Per-
sonne ne se connaît, mais tous partagent
cuisine, salle de bains, toilettes… Une
promiscuité hors de prix, qui tombe
sous le coup de la « division illégale
d’appartement », interdite par la loi. « Voilà un bon
exemple du genre de pratiques locatives auxquelles
s’adonne Monsieur Foussier », raconte Mathieu
Morosini, le responsable du service municipal de
l’habitat depuis 2015.
M
onsieur Foussier ? Alias « le Thénardier
de Grigny 2 » pour les habitants du
quartier. « Le plus grand marchand de
sommeil de la ville », selon Philippe
Rio, maire communiste de Grigny depuis 2012, qui a
fait de la lutte contre l’habitat indigne une priorité. Le
25 octobre, après près de dix ans de procédures et
cinq renvois, Dominique Foussier vient enfin d’être
condamné par la cour d’appel de Paris. Pour avoir
organisé le mal-logement à son profit, il écope d’un
an de prison avec sursis, d’une amende de 100 000 eu-
ros et devra s’acquitter de 25 000 euros de dommages
et intérêts auprès de ses victimes. En revanche,
Cuisine commune. A l’instar de la salle de bains et des
toilettes, elle est partagée par la dizaine d’occupants de
cet appartement découpé en 5 « logements ».
contrairement à la décision de première
instance, ses appartements ne lui sont
pas confisqués, et il peut continuer
d’être bailleur. Foussier a annoncé se
pourvoir en cassation. Philippe Rio
peste : « Certes, il est condamné, c’est
une victoire. Mais il peut continuer à
sévir. Quand vous faites n’importe
quoi au volant d’une voiture, on vous
Service Hygiène - Mairie de Grigny - 2023
retire immédiatement le permis, pour-
quoi pas là ? »
Difficile de coincer ce marchand de
sommeil pas comme les autres. Loin du
malfrat habitué des prétoires, c’est le
profil du type bien sous tous rapports
qui interpelle. Dominique Foussier, in-
génieur informaticien de 63 ans, long-
Salle d’eau temps habilité secret-défense au groupe Thales, est
et traces de aujourd’hui en préretraite. Marié à une endocrino-
moisissures.
La demande faite logue, père de trois enfants, il vit dans un pavillon à
au propriétaire Antony, dans les Hauts-de-Seine. Au début des an-
par l’inspecteur nées 2000, le couple décide de se lancer dans l’inves-
municipal
tissement locatif. Rien de plus classique pour un
d’identifier
les causes ménage de cadres aisés, alors quadragénaires, qui
de l’excès touche quelque 10 000 euros de salaires mensuels et
d’humidité n’a cherche à se constituer un patrimoine. Mais, moins
pas été suivie
d’effets.
classique, c’est à Grigny 2, vaste copropriété sinis-
trée dans l’une des villes les plus pauvres de France,
qu’ils décident de placer leurs deniers. Et ils y
achètent… 40 appartements !
« Attention, prévient Guillaume du Puy-Montbrun,
substitut du procureur au tribunal d’Evry, ce que l’on
reproche aux marchands de sommeil profession-
nels comme Monsieur Foussier, ce n’est pas de lo-
ger des gens dans des trous à rat. » Car l’ingénieur
est un profiteur précautionneux, qui a étudié uuu
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  35
France

uuu les textes et adapte ses que l’affaire n’est pas lucrative.
pratiques au gré des signale- Il perdrait même de l’argent !
ments, pour flirter avec les li- Pour preuve, sa déclaration de
mites. « Il n’entasse pas des revenus annuelle indiquerait
sans-papiers, précise Mathieu moins de 38 000 euros de reve-
Morosini. Et, depuis quelques nus, pour un foyer qui gagne
années, il a compris que les pourtant 120 000 euros par an…
enfants, c’était très sensible, Là encore, le bailleur a trouvé
alors il ne loue plus à des fa- l’astuce : il loue exclusivement
milles. » Il veille à ménager les en meublé. Cette subtilité lui
apparences, fait signer des pa- permet de profiter des avantages
piers, réclame des documents fiscaux du régime, abattement
d’identité, de séjour, des fiches de 50 % sur les loyers perçus,
de paye… Tout pour paraître déduction des charges, y com-
dans les clous. Le bailleur a aus- pris les intérêts d’emprunt… Et
si repéré l’aubaine que consti- justement, pour acheter ses ap-
tuait la loi Elan, votée en 2018 partements, le couple Foussier a
pour répondre à la crise du loge- réalisé des tas d’emprunts ban-
ment, et qui a notamment assou- caires, pour pas moins de 3 mil-
pli les règles du contrat de colo- Monsieur Foussier venait lions d’euros.
cation. Elle a ainsi ramené la deux fois par semaine sur place pour « Face à une délinquance finan-
taille minimale d’une chambre récolter ses loyers en cash. cière si sophistiquée, il a fallu
autorisée en « coloc » de 14 à FOULEMATOU DIAOUNÉ, EX-LOCATAIRE s’organiser », raconte le maire
AVEC SES DEUX FILLES PENDANT QUATRE ANS À GRIGNY
9 m 2. Une bénédiction pour D’UN APPARTEMENT DE DOMINIQUE FOUSSIER. de Grigny. Dans l’affaire Fous-
Foussier, dont la plupart des sier, 30 auditions, 10 plaintes,
chambres mesurent 9,60 m2. « C’est un détourne- 48 heures de garde à vue, des perquisitions, des en-
ment de l’usage de la colocation ! s’insurge le subs- quêtes de Tracfin, du groupe interministériel de re-
titut. Toutes les chambres ont des serrures. » cherche de l’Essonne ont été nécessaires pour saisir

E
« n hébergeant ces personnes, mon
client remplit un besoin que les
bailleurs sociaux HLM ne
comblent pas », défend l’avocat du
prévenu. Triste réalité d’un marché
privé où l’abus de faiblesse est loi.
« Ils disent tous rendre service mais, heureuse-
ment, les juges ne sont pas dupes, assure Guillaume
du Puy-Montbrun. Cette pratique est génératrice de
précarité et d’insalubrité. » Les rapports des ser-
vices d’hygiène de la ville, de l’Agence régionale de
santé et des enquêteurs en témoignent : humidité
excessive, punaises de lit, cafards, branchements
électriques sauvages, suroccupation manifeste, ac-
cès à l’eau et aux toilettes insuffisant… Dominique
Foussier assure n’avoir rien vu, n’être responsable
de rien. « Il venait pourtant deux fois par semaine
sur place récolter ses loyers en cash », se souvient
Foulematou Diaouné, une des rares locataires vic-
times à avoir osé porter plainte contre lui.
Le cash, le nerf de la guerre. L’enquête de Tracfin, le
service de traque des flux d’argent suspect de Bercy,
réalisée en 2016, compte 437 000 euros de loyers
encaissés par Foussier cette année-là. Car ceux-ci
sont exorbitants : 480 euros par mois pour 9,60 m2 à
Grigny 2. C’est près de deux fois plus cher qu’à Paris.
Le marchand de sommeil industriel jure pourtant
36  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
les juges. La ville s’est dotée d’un service dédié avec
trois agents à plein-temps assermentés, chargés des
visites et des signalements. Le commissariat de Juvi-
sy-sur-Orge dispose d’une enquêtrice experte. Au
parquet d’Evry, un magistrat a été désigné référent
pour l’habitat indigne. « Pour aller en justice, il faut
que les dossiers soient béton », souligne ledit réfé-
rent, Guillaume du Puy-Montbrun. C’est le branle-bas
dans toute la chaîne du service public pour lutter
contre ce fléau. « Les margoulins se perfectionnent.
Nous aussi », résume Alain Castanier, préfet pour
l’égalité des chances de l’Essonne. Et ça paye : sur les
30 condamnations obtenues à Grigny depuis 2012,
25 ont été prononcées ces trois dernières années.
Dans cet interminable jeu du chat et de la souris,
Dominique Foussier n’a pas fini d’être poursuivi. La
ville de Grigny a trouvé une nouvelle victime prête à
témoigner contre lui. Et cette fois, « il y a un enre-
gistrement accablant ». Dans le procès-verbal d’au-
dition, le locataire, sans papiers, relate les propos du
bailleur : « Y’a pas de reçu », « C’est au black ». Et
précise que s’il crée des problèmes, il le traitera « de
squatteur ». Le « Thénardier » aurait-il enfin manqué
de vigilance ? Pour son nouveau procès, prévu le
11 juin 2024, son avocat pourra difficilement plaider
comme il l’a fait jusqu’alors : « On peut considérer
que ce que fait Monsieur Foussier est moralement
condamnable, mais il a respecté la loi. »  •
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Monde
Gdansk-Tusk,
duo gagnant
en Pologne
Ancien Premier ministre polonais, Donald
Tusk pourrait diriger un gouvernement
de coalition proeuropéen. Reportage
à Gdansk, sa ville natale, qui elle aussi
est en passe de réussir son come-back.
V
ille natale de Donald
Tusk, Gdansk a fêté le
15 octobre la victoire aux
législatives de l’enfant du
pays, probable futur Premier mi-
nistre. Depuis, des pourparlers sont
en cours pour la formation d’un gou-
vernement libéral et proeuropéen,
qui devrait détrôner le pouvoir auto-
ritaire en place depuis huit ans. « Il
s’est battu avec un tel acharnement,
observe la réalisatrice polonaise
Agnieszka Holland (lire encadré
page ci-contre). Sa victoire force
l’admiration. » Le politique a ce
caractère bien trempé, si typique
des habitants de Gdansk, où il a étu-
dié l’histoire et fait ses armes dans
l’ombre tutélaire de l’opposant au
communisme Lech Walesa, à la tête
du syndicat des chantiers navals,
Solidarnosc.
Mi-décembre, Tusk, âgé de 66 ans,
devrait être aux commandes de la
Pologne. Un sacré come-back pour
celui qui a dirigé le pays de 2007 à
2014, avant de devenir président du
Conseil européen à Bruxelles. Ren-
tré chez lui il y a un an et demi à
peine, il a pris la direction de l’oppo-
sition et triomphé, en promettant
une Pologne moderne et ouverte au
monde. A l’instar du port de sa jeu-
nesse, qui connaît lui aussi une re-
40  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
marquable renaissance : si en arri-
vant, les immenses grues vertes et
les hangars de briques rouges
donnent un sentiment d’éternité, les
navires soviétiques ont fait depuis
belle lurette place aux luxueux
yachts. Gigantesque, la cité por-
tuaire est en train de se construire
une nouvelle vie, tournée vers les
loisirs, l’art et la culture.
Cap sur le tertiaire
Le renouveau du port a vraiment
Kenzo Tribouillard/AFP
démarré en 2012, quand la ville a
terminé la construction du Centre
européen de solidarité, pour y com-
mémorer l’histoire de Solidarnosc.
Cet été, Lech Walesa y a célébré ses
80 ans et les 40 ans de son prix No-
bel, reçu en 1983. Aujourd’hui, le
site se divise en trois zones. Au
centre, le cœur historique de 70 hec-
tares, autrefois appelé « chantier
Lénine » puis privatisé en 2007, est
resté longtemps peu attrayant pour
les investisseurs, en dépit de splen-
dides bâtiments classés. Ils ont fini
par trouver preneurs et être réhabi-
lités. Au sud, des tours de logements
et de bureaux ultramodernes
poussent comme des champignons.
Au nord et à l’est, la construction et
la maintenance de navires se pour-
suivent, dans la tradition.
Sont présents Remontowa, poids
lourd de la réparation et conversion
de bateaux, mais aussi de petits ac-
teurs privés, spécialisés dans le haut
de gamme, tels Amber Yachts ou
Sunreef Yachts qui réalise 180 mil-
lions d’euros de chiffre d’affaires et
emploie 2 400 salariés. Créé par
deux Français il y a vingt ans, ce
constructeur de catamarans de luxe
s’est installé dans l’ancien Imperial
Shipyard, aujourd’hui classé. « A
l’époque, le chantier ne demandait
qu’à revivre », se rappelle Artur
Poloczanski, porte-parole de Su-
Donald Tusk.
Leader de
nreef Yachts. Une résurrection si
l’opposition réussie que les hangars des débuts
et ex-président sont devenus trop petits. L’entre-
du Conseil prise a transféré la majorité de son
européen, il activité sur un nouveau site, à
devrait détrôner quelques kilomètres, et quittera
Droit et Justice,
parti autoritaire
bientôt définitivement ses locaux,
et souverainiste qui changeront d’affectation.
au pouvoir Car l’avenir de l’ancien chantier Lé-
depuis huit ans. nine, rebaptisé Young City (ville
jeune), n’est plus à l’industrie
lourde. A l’instar de Liverpool ou
Bilbao, Gdansk mise désormais sur
le tertiaire. Young City est ainsi en
train de se transformer en un nou-
veau quartier mixte, mêlant patri-
 AGNIESZKA HOLLAND, RÉALISATRICE POLONAISE

« Donald Tusk est ambitieux

et indéfectiblement libéral »
Challenges. A quand remonte
votre première rencontre avec
Donald Tusk ?
Agnieszka Holland. C’était dans
les années 1980. J’ai le souve-
nir d’un jeune opposant au
communisme souriant, pas-

Marilla Sicilia/Mondadori Portfolio/Sipa USA/Sipa

sionné, avec un regard très
expressif et une chevelure
rousse flamboyante.
L’avez-vous revu régulièrement
ensuite ?
Çà et là, lors d’événements
publics. Plus souvent lorsqu’il
était Premier ministre (2007-
2014). A l’époque, j’ai tenté de
lui expliquer combien il était
crucial de doter les médias
publics de moyens suffisants, nationalistes se sont engouf-
Maciek Wroblewski

pour qu’ils soient indépen- frés dans la brèche.

moine industriel rénové et construc-
tions neuves. Le projet est porté par
deux investisseurs belges, qui ont
racheté l’Imperial Shipyard à un
fonds d’investissement danois en
2017 et se sont associés à des Polo-
nais. A l’entrée, l’ex-bâtiment de di-
rection, érigé en 1878 et installé sur
4 000 m2, a déjà fait peau neuve et
propose des espaces de coworking.
En face, une ancienne caserne de
pompiers, à l’abandon pendant des
décennies, accueille depuis l’an der-
nier une cave et un restaurant chic,
en général bondés.
Vivre à l’occidentale
Ainsi, les Dantzickois se réappro-
prient leur histoire. Durablement
traumatisés par l’assassinat au cou-
teau de leur maire, en 2018, très pré-
occupés par la polarisation de la
politique au cours des huit dernières
années, ils rêvent d’une vie plus lé-
gère, à l’occidentale, incarnée par
les grands travaux de leur cité por-
tuaire et sans doute confirmée par le
gouvernement Tusk, l’enfant du
pays, tourné vers la modernité.
 Agathe Beaujon (en Pologne),
 avec Sabine Syfuss-Arnaud
dants et capables de créer des
contenus ambitieux. J’ai égale-
ment tenté de le convaincre de
Le chantier naval la nécessité de créer des garde-
de Gdansk, fous pour éviter leur appro-
en février 2021. priation par le pouvoir. Il a
Les poids lourds écouté poliment, mais a pour-
de la réparation
suivi son agenda néolibéral.
et conversion de
Votre dialogue avec Tusk a-t-il
bateaux, comme
Remontowa, donné quelques résultats ?
sont présents Oui, nous, un groupe d’artistes
mais aussi et d’intellectuels, avons fini
de petits par le convaincre d’introduire
acteurs privés,
la parité dans son parti. Nous
spécialisés
avons aussi obtenu un Pacte
dans le haut
de gamme, tels sur la culture, doté de 1 % du
Amber Yachts ou Budget de l’Etat, ce qui n’était
Sunreef Yachts, pas énorme, mais mieux
qui a été créé qu’avant. Nous avons tenté
par deux d’ouvrir son parti néolibéral,
Français.
trop pragmatique et obsédé
par l’argent, à l’importance des
valeurs qui forgent la société
polonaise, la liberté, la solida-
rité. J’ai mis en garde Tusk en
lui disant qu’il était en train de
créer un vide de valeurs et que
c’était très dangereux. Il m’a
écoutée, comme toujours at-
tentivement, mais je ne suis
pas certaine d’avoir eu beau-
coup d’influence. De fait,
quelques années plus tard, les
L’avez-vous vu quand il présidait
le Conseil européen
(2014-2019) ?
Oui, de loin en loin. Nous
avons continué nos conversa-
tions. Il est très intelligent,
comprend vite, il est aussi am-
bitieux, mais pas avec ce tra-
vers narcissique qu’ont beau-
coup d’hommes politiques.
Lorsqu’il est rentré en Pologne
pour mener la campagne des
législatives, avait-il changé ?
Pas réellement, il est resté le
même : libéral, mais jamais
homophobe, ni xénophobe ou
nationaliste. Simplement indé-
fectiblement libéral. Il a néan-
moins perçu que la société
polonaise avait changé bien
avant d’autres politiciens, qui
sont pour beaucoup restés
prudents, passifs et angoissés.
Comme Tusk s’appuie sur des
sondages et des études d’opi-
nion, il a fini par suivre le mou-
vement, peut-être aussi par
opportunisme ou cynisme.
Contrairement à beaucoup
d’autres, lui a eu le courage
d’être à l’avant-garde. En cela,
c’est un vrai leader.
 Propos recueillis par S. S.-A.

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  41

 L’heure
des
partages 15h00
22 et 23 novembre 2023
Collège des Bernardins, Paris

Partage du savoir
Estelle Brachlianoff, Veolia
P R O J E T D E P R O G R A M M E
Laurence Devillers, Paris Sorbonne
Vincent Lecerf, Orange
Christophe Périllat, Valeo
Martin Wolf,
Financial Times 09h00 16h00

Partage de la valeur Partage des territoires

Lucie Basch, C’est qui le patron & Too Good To Go Nathalie Collin, La Poste
Martine Nicolas, L’Oréal Carole Delga, Région Occitanie
Stéphanie Pauzat, CPME Christian Estrosi, maire de Nice*

10h00 17h00

Partage du patrimoine Partage du pouvoir

Estelle
Brachlianoff, Axelle Davezac, Fondation de France Eric Lombard, Caisse des dépôts
Veolia Environnement Olivier Pelat, Euroequipements Patricia Barbizet, Afep
Aurélie Trouvé, LFI Jean Peyrelevade, Réformer la France
Gabriel Zucman, PSE / Berkeley
17h45
11h00
Partage de la parole
Partage des ressources Yannick Jadot, EELV
Isabelle Patrier, TotalEnergies France
Eric Piolle, Maire de Grenoble
Audrey Derveloy, Sanofi France
Augustin de Romanet, ADP
Angélique Gérard, Une planète à rembourser 18h30
Xavier Ursat, EDF
Partage des compétences
Eric Piolle,
Maire de Grenoble
12h00

Partage des risques /

Robert Dambo, Grant Thornton
Phot

+ le lauréat du classement Challenges

des rêves
os: A

des patrons performants

FP
/ Ch

Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports et des JO

allen

Un événement
ges

14h15

Amélie Oudéa-Castéra, Partage du travail

ministre des Sports
et des JO
Alexandre Viros, Adecco Inf os e t ins c riptions :

* P R É S E N C E À C O N F I R M E R
Laurent de la Clergerie, LDLC
Benoît Hamon, Singa
sommetdeleconomie.challenges.fr
 Monde

Le syndicalisme allemand Indiscrétions

se féminise Trump reste ignare

En campagne pour
les primaires
américaines,
Donald Trump

Nicholas Kamm/AFP
a fait l’éloge
de Viktor Orban,
« président de la
Turquie ». Ce n’est
pas sa première
bourde géopolitique. En 2017, il
confondait Syrie et Irak ; en 2019,
Khomeini et Khamenei ; en 2020,
« la grippe espagnole avait [pour lui]
mis fin à la Seconde Guerre mondiale ».
Sans oublier, en 2018, son coup de
gueule contre les présidents baltes, qu’il
accusait d’avoir déclenché la guerre en
Yougoslavie, les croyant des Balkans.

Les pandas diplomates

rentrent chez eux
Kirill Kudryavtsev/AFP

Stringer/AFP
Christiane Benner, au congrès d’IG Metall, à Francfort, le 24 octobre. La nouvelle présidente veut
pousser plus loin le dialogue social et prône « un comanagement dans les entreprises ». Pensionnaires des zoos de Washington
et Atlanta, Mei Xiang, Tian Tian, Xiao

D
Qi Ji et Bei Bei vont rentrer chez eux
epuis quelques jours, la presse alle- incertains, davantage de démocratie dans dans les mois qui viennent, tout
mande se l’arrache. Patronne de- les entreprises et un comanagement », comme leurs camarades du Royaume-
puis le 23 octobre d’IG Metall (en- pour éviter, dit-elle, les erreurs de stratégie Uni et d’Australie. Echaudée par ses
tendez « métallurgie »), un des plus grands du patronat qui parfois causent beaucoup relations avec l’Occident, la Chine n’a
syndicats au monde, fort de 2,2 millions de de casse sociale. « Notre objectif est de renouvelé aucun de ses contrats de
membres outre-Rhin, dont 80 % maintenir une création de valeur prêts et tire ainsi un trait sur soixante-
dix ans de diplomatie du panda.
d’hommes, Christiane Benner ré- industrielle dans notre pays »,
Repères
pond modestement : « Au départ,
Née en 1968
aime-t-elle marteler. Waldman prône la paix
je n’étais qu’un plan B. » En réa- à Aix-la- Féministe de la première heure,
lité, si elle est la première femme Chapelle, elle se bat aussi depuis longtemps
Imago/Alamy Stock Photo/Hemis.fr

à prendre les rênes de la véné- Christiane contre la précarité et les discrimi-

Benner est
rable maison, fondée il y a sociologue de
nations, qui touchent en priorité
132 ans, elle en était la numéro formation. Elle les femmes. Autre cheval de ba-
deux depuis plus d’une décennie, a fait l’essentiel taille, la régulation sociale dans les
responsable du dossier ultrasen- de sa carrière plateformes numériques, aux-
chez IG Metall,
sible de la cogestion et des ac- jusqu’à en quelles beaucoup d’entreprises de
cords tarifaires. Au 15e étage du prendre la tête son secteur soustraitent des pans
siège de la centrale, à Francfort, avec 96,4 % des entiers d’activité, privant ainsi
voix. Elle est en Fondateur de Mellanox, une licorne très
elle avait depuis longtemps inter- poste pour leurs employés des généreux ac-
prospère, Eyal Waldman a perdu sa
loqué ses camarades masculins quatre ans cords tarifaires de branche. Entrée
renouvelables. fille Danielle lors des attaques du
en faisant peindre les murs de son chez IG Metall en 1988, Christiane 7 octobre dans la bande de Gaza. S’il
bureau en couleurs. « Il faut tou- Benner est passée par toutes les est convaincu qu’« il faut éliminer le
jours une première fois », déclarait-elle. étapes d’une carrière classique de syndica- Hamas », il reste persuadé qu’il « faut
Désormais porte-voix des salariés des in- liste, de simple déléguée en entreprise instaurer une coexistence pacifique
dustries – hautement stratégiques en Alle- jusqu’au sommet de la centrale. Elle est avec les Palestiniens ». Il les a d’ailleurs
« toujours fait travailler aux mêmes
magne – de l’automobile, de l’acier ou en- ainsi devenue une des femmes les plus conditions que les Israéliens », allant
core de la machine-outil, la quinquagénaire puissantes du business allemand, un parte- jusqu’à ouvrir un bureau à Gaza. Malgré
veut pousser plus loin le dialogue social. naire incontournable pour la classe poli- le chagrin, il ne cesse de marteler son
Elle prône « en ces temps tourmentés et tique et les grands patrons.  S. S.-A. credo sur les télés américaines.

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  43

Monde

Orano creuse le filon de

l’uranium du Kazakhstan
Sous pression au Niger, où sa production est à l’arrêt, le français
investit dans ses très rentables gisements d’Asie centrale. Une présence
stratégique pour répondre à la croissance mondiale du nucléaire.

E
mmanuel Macron était en
visite au Kazakhstan ce
1er novembre. L’objectif,
dixit l’Elysée : « Soutenir
l’effort de souveraineté du pré-
sident Kassym-Jomart Tokaïev
face à la Russie et à la Chine ».
Coincée entre ces deux puissants
voisins, la république d’Asie cen-
trale, grande comme cinq fois la
France, est très courtisée. Notam-
ment pour ses sous-sols gorgés de
pétrole, gaz, chrome, terres rares
et… uranium. Le Kazakhstan en est
de loin le leader, fournissant près
de 43 % de la production mondiale
de ce minerai. Parmi la délégation
de chefs d’entreprise accompa-
gnant le chef de l’Etat à Astana, fi-
gure donc au premier rang Claude
Imauven, président du conseil d’ad-
ministration d’Orano (ex-Areva).
Extraction économe
Le spécialiste du combustible nu-
cléaire est une des plus importantes
entreprises françaises implantées
dans le pays, depuis qu’elle a noué
en 1996 une coentreprise avec le
groupe minier national Kazatom-
prom, Katco, qu’elle détient à 51 %. deux fois moins élevés que ceux de
Les deux mines d’uranium que Kat- la mine d’Orano au Niger, indique
co exploite à Tortkuduk et Muyun- Pascal Bastien, directeur général de
COURANT
kum, dans les steppes des contre- PORTEUR Katco. L’activité ici a toujours été
forts de la montagne Karataou, à Cours de la livre profitable, même en 2017 quand les
plus de 1 000 km au sud d’Astana, d’uranium U308 prix spot de l’uranium étaient au
sont les joyaux d’Orano. Sur place, (en dollars) plus bas, à 17 dollars la livre. »
d’énormes foreuses s’activent dans 70
un bruit sourd à creuser dans le sol 63 Forte demande
sablonneux. Ici, pas de mine à ciel 56 Aujourd’hui, portés par le dérègle-
ouvert ni de dédale souterrain, l’ura- 49 ment climatique et les tensions géo-
nium est extrait du sol selon la tech- 42 politiques qui ont ranimé l’intérêt
nologie de la récupération in 35
pour l’électricité nucléaire, les cours
situ (ISR). Ce procédé consiste à sont remonté en flèche, jusqu’à près
28
injecter dans les puits une solution de 70 dollars. Le niveau le plus élevé
acide afin de dissoudre l’uranium. La 21 depuis la catastrophe de Fukushima
mixture est pompée jusqu’à la sur- 14 en 2011. A l’heure où le Japon re-
face puis acheminée dans un pipe- 2018 2023 branche des réacteurs, où la Chine
SOURCE : BOURSORAMA.
line vers une usine. Mélangé à une en construit 25, où la France a le pro-
Portés par le
résine et à de l’ammoniaque, le dérèglement jet d’en bâtir 6, la demande pourrait
« jus » uranifère devient alors solide, climatique et presque doubler d’ici à 2040, à
prêt à être commercialisé. les tensions 130 000 tonnes par an contre
L’avantage : en évitant plusieurs géopolitiques, 65 650 tonnes actuellement. Les pro-
étapes du processus minier clas- les cours ducteurs d’uranium sont donc sous
culminent à près
sique – le concassage de la roche, le tension, et particulièrement Orano,
de 70 dollars.
transport par camions, le creuse- Un niveau jamais qui, après le coup d’Etat au Niger en
ment de galeries –, la méthode d’ex- atteint depuis juillet, a dû mettre son usine de So-
traction ISR consomme moins Fukushima. maïr (environ 1 000 tonnes par an) à
d’énergie et a donc des coûts de l’arrêt faute de pouvoir se fournir en
production plus faibles, « environ produits chimiques.

La compagnie nationale Kazatomprom monte en puissance

C
oté à la Bourse de
Londres et d’Astana,
Kazatomprom détient
40 mines dans quatorze
co-entreprises avec des
partenaires russe, chinois,
canadien, japonais… et
français, avec Orano, qui est la
seule où l’investisseur étranger
est majoritaire. En 2016,
la production du Kazakhstan
avait atteint un point haut
(24 700 tonnes), avant
qu’Astana ne la réduise à
cause de la chute des cours
du combustible radioactif.
Aujourd’hui, son prix remonte et
le business repart. « Pour 2024,
nous visons 25 500 tonnes,
un record », indique Yerzhan
Mukanov, son ex-directeur
général. Malgré son statut de
numéro un mondial, le pays a
peu de pouvoir pour peser sur
le marché, contrairement à
l’Arabie saoudite sur le pétrole.
« Même si la demande croît,
il n’y aura pas de pénurie sur
l’uranium, car les pays
nucléaires ont constitué des
réserves, indique Lionel
Taccoen, éditeur de la lettre
Géopolitique de l’électricité.
Rien qu’avec son uranium
appauvri, 300 000 tonnes, la
France dispose d’un matelas
de dix ans. » Pour autant, le
Kazakhstan a des ambitions.
Depuis deux ans, il rachète
à Moscou du minerai traité
et produit lui-même du
combustible nucléaire, à
Oskemen. La première étape
pour maîtriser l’intégralité du
cycle ? « Pourquoi pas », répond
Mukanov. Le pays, dont
l’électricité repose en majorité
sur le charbon, pourrait se
doter dans quelques années
d’une centrale nucléaire. Le
président Tokaïev envisage un
référendum sur la question. •

44  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023


Après le Canada (5 000 tonnes par
an), les mines kazakhes de Katco
sont les plus importantes pour l’en-
treprise d’Etat française, pesant
pour 25 % de sa production d’envi-
ron 8 000 tonnes chaque année. Une
part vendue à 100 % à la Chine, limi-
trophe. En effet, si Orano est le prin-
cipal fournisseur d’EDF, dont il
comble 40 % des besoins du parc
nucléaire, il n’est pas le seul. Pour
limiter les risques, l’électricien a di-
versifié ses sources d’approvision-
nement depuis une quinzaine d’an-
nées, achetant auprès d’autres
groupes miniers, tels le canadien
Cameco et Kazatomprom. De son
côté, Orano vend son uranium à
d’autres énergéticiens de l’atome,
comme le chinois CNNC.
Actives depuis 2006, les straté-
giques Tortkuduk et Muyunkum ont
cependant vu leur rendement chu-
ter de moitié en une décennie, à
2 100 tonnes. « On a commencé par
prendre la crème du gâteau, dit un
responsable français de Katco. Les
miettes qui restent sont moins su-
crées, mais ça vaut le coup d’aller
les chercher. » Mais cette baisse
n’est pas du goût de son partenaire
Nouvelle mine de local. « Les mines de Katco sont les
South Tortkuduk, plus profitables d’Orano, mais pas
au Kazakhstan. les plus profitables de Kazatom-
Exploité par
Katco,
prom, taclait en septembre Yerzhan
coentreprise Mukanov, son ex-directeur général,
entre Orano et remplacé le 2 octobre par le direc-
son partenaire teur financier, Meirzan Yussupov.
kazakh, ce Pour gagner plus d’argent, l’entre-
gisement prise doit réduire ses coûts de pro-
compte
45 000 tonnes
duction, notamment dans ses
d’uranium et achats d’acides, de nitrates et de
sera opérationnel pipelines. » Directeur client et stra-
à partir de 2024. tégie d’Orano, Jacques Peythieu
confirme que les mines de Katco
produisent en dessous de leur capa-
cité. « Il y a eu une crise de la pro-
duction d’acide sulfurique, liée à
la fois à une demande en augmen-
tation et à la perturbation logis-
tique du fait de la guerre en
Ukraine », justifie-t-il.
Gains de compétitivité
Pour accélérer la cadence, Katco a
acquis deux foreuses allemandes
Prakla, bien plus puissantes que les
traditionnelles Zif d’origine sovié-
tique. Payés environ 400 euros par
mois, le double du salaire moyen
kazakh, les 500 foreurs de Tortku-
duk s’activent pour faire remonter
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804 
Nicolas Stiel
la production : ils tournent deux se-
maines de suite sept jours sur sept
en deux équipes de douze heures.
Un travail exigeant, surtout l’hiver
quand le thermomètre descend à
- 30 degrés. Tortkuduk et Muyun-
kum devraient arriver à épuisement
en 2027 et 2030. En août 2022, Katco
a signé avec l’Etat pour l’exploita-
tion d’une nouvelle mine sur la par-
celle, South Tortkuduk, qui devrait
entrer en service l’an prochain.
Katco y a investi 190 millions de dol-
lars. « Les réserves du nouveau site
s’élèvent à 45 000 tonnes, indique
Pascal Bastien. A partir de 2026, on
espère produire 4 000 tonnes d’ura-
nium par an. »
Au moment où le marché du nu-
cléaire repart, Orano doit impérati-
vement disposer de nouveaux
moyens de production. Il vient de
signer, le mois dernier, un accord
pour exploiter une future mine en
Mongolie, potentiellement l’un des
plus grands gisements au monde. En
attendant, Claude Imauven entend
bien profiter du voyage présidentiel
au Kazakhstan pour élargir la suc-
cess story de Katco.  Nicolas Stiel
 (envoyé spécial au Kazakhstan)
45
 Monde
Wang Teng/Xinhua/AFP
Pékin reprend en main
les « ateliers Luban »
Quelque 27 centres de formation professionnelle ont
ouvert dans des pays en développement. Un programme
directement lié à la politique étrangère de Xi Jinping.
ASIE © The Economist
L
es officiels chinois se gar-
garisent souvent des suc-
cès de leur programme
d’infrastructure à l’échelle
mondiale, celui des Nouvelles Routes
de la soie. Les 17 et 18 octobre, le
président Xi Jinping a organisé à
Pékin un sommet pour célébrer les
10 ans de ce qu’il qualifie de « projet
du siècle ». Depuis quelque temps
pourtant, les Nouvelles Routes pa-
tinent et, depuis 2020, Pékin a revu
ses ambitions à la baisse car les pays
accueillant ces projets ont de plus en
plus de mal à rembourser les prêts
chinois qui les financent.
Reste qu’un des volets du pro-
gramme connaît un indéniable suc-
cès. Depuis 2016, la Chine a ouvert
27 centres de formation profession-
nelle dans une vingtaine de pays,
pauvres pour la plupart. Ces « ate-
46  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
liers Luban » (nommés d’après un
célèbre charpentier du ve siècle
av. J.-C.) ont formé des milliers
d’étudiants dans des domaines tels
que l’intelligence artificielle, les vé-
hicules électriques, le ferroviaire…
L’objectif L’un des plus récents a ouvert ses
n’est pas portes le 4 septembre à l’université
philan- de Meru, au Kenya.
tropique :
Présence en Inde
les ateliers L’objectif n’est pas philanthropique :
promeuvent les ateliers Luban promeuvent les
les normes normes et technologies que la Chine
que la souhaite exporter dans les pays en
Chine développement. Le matériel utilisé
pour le nouvel atelier au Kenya sera
souhaite fourni par le géant des télécommu-
exporter. nications Huawei. Ils servent égale-
ment à apaiser les craintes liées aux
Nouvelles Routes de la soie. Les
pays participants trouvent souvent
que les chantiers ne profitent qu’aux
entreprises chinoises. Aussi, plu-
Devant l’atelier Luban d’Ayutthaya,
en Thaïlande, en septembre. Former
des milliers d’étudiants est un
des volets du programme chinois
des Nouvelles Routes de la soie.
sieurs ateliers prodiguent-ils désor-
mais aux étudiants locaux des for-
mations directement liées aux
projets des Nouvelles Routes.
A ses débuts, le programme Luban
était dirigé par le gouvernement lo-
cal de Tianjin, une grande agglomé-
ration proche de Pékin connue pour
ses formations techniques. Le pre-
mier atelier a ouvert en Thaïlande
en 2016, puis d’autres ont vu le jour
aussi bien dans les pays riches que
pauvres. De 2018 à 2020, l’atelier de
Crawley College, près de Londres, a
enseigné la cuisine chinoise. Et le
programme n’était pas limité aux
pays participant aux Nouvelles
Routes de la soie : l’Inde, sceptique
à leur égard, accueille un atelier à
Chennai. Et pour éviter les contro-
verses ayant entouré les instituts
Confucius – accusés de propagande
sous couvert d’enseignement du
mandarin –, la Chine a pris le soin de
consulter les gouvernements hôtes
avant de lancer ces ateliers.
Utilité douteuse
Mais, depuis quelque temps, le pro-
gramme semble avoir été pris en
main par le gouvernement central. Il
intègre des formateurs et des entre-
prises extérieurs à Tianjin, et est lié
à la politique étrangère de Xi Jinping.
En 2018, celui-ci s’était engagé à ou-
vrir dix ateliers en Afrique ; une dou-
zaine y ont été inaugurés. En mai, il
a promis aux dirigeants de pays
d’Asie centrale l’augmentation du
nombre d’ateliers dans leur région
(le premier a ouvert au Tadjikistan
en décembre dernier). Combien de
temps Pékin va-t-il financer les ate-
liers Luban ? Dans quelle mesure
ceux-ci honoreront-ils leurs pro-
messes ? Certains paraissent d’une
utilité douteuse, comme celui ins-
tallé dans un Mali déchiré par la
guerre, où l’on enseigne… la méde-
cine traditionnelle chinoise. Pour
l’instant, les ateliers Luban consti-
tuent toutefois un exemple bienvenu
montrant que le gouvernement
chinois est réceptif aux critiques – et
qu’il tire les leçons de ses erreurs. •
© The Economist - London 2023
 Bonne semaine
Tom Brenner/AFP
Le trumpiste Mike Johnson
nouveau speaker
La Chambre des représentants
américaine a enfin trouvé son speaker :
le conservateur Mike Johnson a été élu,
le 25 octobre, à la présidence après
des semaines de chaos et de querelles
fratricides. Ce farouche allié de Donald
Trump, opposé à l’avortement,
au mariage gay, et également
climatosceptique, avait aussi refusé
de reconnaître le résultat de l’élection
présidentielle en 2020.
Le Slovaque Robert Fico
nommé Premier ministre
La présidente
a nommé,
le 25 octobre,
un nouveau
Vladimir Simicek/AFP
gouvernement
de coalition dirigé
par Robert Fico,
qui a déjà occupé
ce poste deux fois,
et qui s’est allié au parti d’extrême
droite SNS. Dans la foulée, ce dirigeant
prorusse a annoncé l’arrêt de l’aide
militaire à l’Ukraine. Bratislava s’était
mobilisé pour Kiev à hauteur
de 670 millions d’euros en 2022.
Mauvaise semaine
Roslan Rahman/AFP
Le ministre chinois
Li Shangfu écarté
Il n’avait plus été vu en public depuis
la fin août. Sept mois après sa
nomination comme ministre de la
Défense, Li Shangfu a été exclu du
gouvernement et de la commission
militaire centrale du Parti communiste
chinois le 24 octobre. Selon la presse
américaine, le général serait visé par
des accusations de corruption.
L E A D E R S
©The Economist
Le compte à rebours
de Joe Biden au Proche-Orient
Le président américain doit former une coalition. Plus
Israël se préoccupera des civils et du devenir de Gaza, plus
les dirigeants arabes seront disposés à y jouer leur rôle.
Q
uinze heures après l’explosion
qui a frappé l’hôpital Ahli Arab
à Gaza, Joe Biden atterrissait
en Israël. Le déplacement
du président américain souligne à quel
point la crise actuelle est importante
pour le Proche-Orient et pour
l’Amérique. Depuis un demi-siècle, et
malgré des échecs, les Etats-Unis ont été
le seul pays capable d’imposer un
semblant d’ordre dans la région.
Aujourd’hui, la crise ouverte par les
raids sanguinaires du Hamas sur le sol
israélien risque de mettre le feu à toute
la région. Le danger le plus pressant est
l’éventualité de l’ouverture d’un second
front à la frontière libanaise. Après
la frappe sur l’hôpital, le Hezbollah sait
que, s’il attaque, il aura le soutien
du monde arabe. Et Washington, qui
a dépêché deux porte-avions sur place,
serait contraint de montrer ses muscles.
L’autre danger est que les relations
arabo-israéliennes ne fassent un bond
en arrière de plusieurs décennies.
Face à ces risques, Joe Biden et son
secrétaire d’Etat Antony Blinken savent
que leur temps est compté. Que peuvent-
ils faire ? Leur analyse doit partir du
principe que la paix entre Palestiniens
et Israéliens est nécessaire, mais qu’elle
est impossible tant que le Hamas
gouverne Gaza – le mouvement islamiste
a démontré qu’il plaçait sa haine
des juifs avant tout autre objectif. Or
détruire la capacité du Hamas à mener
une guerre implique une offensive
terrestre de Tsahal. Et tout dépendra
de la façon dont elle se déroulera.
La tragédie de l’hôpital Ahli Arab
a validé le calcul cynique selon lequel
les pertes civiles palestiniennes aident
le Hamas en sapant le soutien à Israël.
L’armée israélienne doit montrer qu’elle
épargne les civils. Et si l’Egypte persiste
à empêcher les Gazaouis de se réfugier
sur son sol, Israël devrait créer sur son
territoire des refuges dans le Néguev,
supervisés par les Nations unies.
Il est aussi vital d’esquisser ce qui se
passera après l’invasion. Israël doit
montrer qu’il se bat contre le Hamas, pas
contre les Gazaouis. Il devrait s’engager
à un nouveau départ après la guerre,
avec un programme de reconstruction
et la promesse qu’il ne cherchera plus
à étrangler l’économie gazaouie. Et
même si Joe Biden parvient à convaincre
les Israéliens de suivre cette voie, restera
la question la plus épineuse de toutes.
Comment assurer la sécurité dans un
Gaza post-Hamas ?
L’Etat hébreu Israël ne peut
doit montrer occuper
indéfiniment
qu’il se bat l’enclave. Cette idée
contre a été abandonnée
le Hamas, à juste titre en 2005.
avec lequel Un engagement
international est
la paix est nécessaire. Le
impossible, président américain
pas contre doit commencer
les Gazaouis. à former dès
maintenant une
coalition. Plus Israël montrera au monde
arabe qu’il se préoccupe de la protection
des civils et du devenir de l’enclave après
la guerre, plus les dirigeants arabes
seront disposés à jouer leur rôle.
Beaucoup de choses pourraient
déraper – et déraperont. L’antisionisme
virulent de la rue arabe sapera la volonté
d’apaisement des dirigeants. Mais
l’alternative serait un pourrissement qui
ferait le bonheur des Etats comme l’Iran
et la Russie. Joe Biden est le seul qui
peut raccommoder les choses. S’il
échoue, ce sera aussi une catastrophe
pour l’Amérique.•
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  47
 LES ÉCONOMISTES DU BIEN COMMUN
PHILIPPE AGHION,
COLLÈGE DE FRANCE
Neutraliser le Hamas est nécessaire, mais
ne suffit pas à penser l’après en Israël
I
l n’est pas un seul jour depuis le
7 octobre sans que de nouveaux
témoignages nous parviennent sur
l’horreur des massacres perpétrés
en Israël par le Hamas ce jour-là.
Un seul de ces innombrables
témoignages devrait suffire à convaincre
toute personne sensée de la nécessité
absolue de dénoncer le Hamas comme
organisation terroriste, et de soutenir
Israël dans les efforts qu’il déploie
pour démanteler cette organisation
– condition nécessaire pour garantir
à ses citoyens que de tels massacres
ne se reproduiront plus.
Mais comment penser l’avenir d’Israël à
plus long terme ? Deux lignes de pensée
très distinctes semblent se dégager
parmi ceux qui, à juste titre, se rangent
au côté d’Israël dans sa guerre contre
Le coût total (conscription, budget
militaire…) du conflit persistant avec les
Palestiniens, c’est 30 % du PIB israélien.
le Hamas. Une première approche
envisage le conflit actuel comme étant
purement civilisationnel, entre Israël,
porteur des valeurs démocratiques,
et la barbarie islamiste incarnée par
le Hamas. Pour les défenseurs de cette
approche, le problème palestinien
est totalement secondaire et ne
nécessite aucune inflexion majeure
de la politique israélienne, qu’il s’agisse
du soutien appuyé à la colonisation
en Cisjordanie ou du refus obstiné
d’une solution à deux Etats.
Une seconde approche perçoit au
contraire la neutralisation du Hamas
Marc Bertrand/Challenges
comme une condition nécessaire mais
non suffisante à l’établissement d’une
paix durable dans la région : une fois
le Hamas militairement vaincu, il faut
renouer un dialogue sérieux avec les
48  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
Palestiniens représentés par l’Autorité
palestinienne. C’est la position qui a été
défendue avec force par Emmanuel
Macron lors de son récent voyage au
Proche-Orient, c’est également le point
de vue de nombreux citoyens israéliens,
parmi lesquels des anciens dirigeants
des services de renseignement et la
grande majorité des universitaires
et intellectuels en Israël. Tous ont
en commun ce sentiment profond que
la guerre n’a de sens que si elle prépare
le terrain pour la paix, et qu’à son tour
la paix nécessite des concessions
mutuelles faites par les modérés des
deux camps, israéliens et palestiniens.
Pour employer le jargon des
économistes, entre Israéliens et
Palestiniens, ce n’est pas un jeu à somme
nulle : les deux parties ont à gagner à se
reconnaître et
se respecter
mutuellement.
Qu’une paix
reconnaissant
leur droit à un
Etat, et
mettant un terme à la colonisation,
profite aux Palestiniens, est
difficilement contestable. Mais en quoi
cela profiterait-il également à Israël ?
Un livre lumineux, écrit récemment par
l’économiste Joseph Zeira, et intitulé
L’Economie israélienne, retrace toute
l’histoire économique de l’Etat d’Israël
depuis avant sa création en 1948 jusqu’à
nos jours. En particulier, ce livre
consacre plusieurs chapitres à la guerre
israélo-arabe et au conflit israélo-
palestinien, dont il évalue les coûts
économiques : il en ressort que si les
coûts militaires et les déficits
budgétaires subis par Israël ont été
fortement réduits grâce aux accords de
paix avec l’Egypte en 1978, les coûts
indirects liés au conflit persistant avec
les Palestiniens des territoires
demeurent très élevés jusqu’à ce jour.
En premier lieu, chaque grand
mouvement de protestation du côté
palestinien accroît le risque d’une
récession en Israël. Mais, plus
fondamentalement, la persistance
du conflit impose à Israël un coût
économique considérable lié à la
conscription : l’écrasante majorité des
jeunes Israéliens doivent faire leur
service militaire pendant trois ans.
Cela signifie une entrée retardée sur le
marché de l’emploi, et par conséquent
une réduction de la durée de vie au
travail, laquelle se traduit à son tour par
un coût évalué à 5 % du PIB. A cela
s’ajoute le fait que près de la moitié du
territoire israélien est réquisitionnée
pour usage militaire, plus les coûts liés
à la défense civile, au financement des
forces de sécurité, et à la compensation
des dommages humains, pour arriver au
chiffre total de 30 % du PIB comme coût
total du conflit persistant avec les
Palestiniens. Et cette évaluation ne
prend pas en compte les coûts induits
par la colonisation. Les colons
contribuent pour moins de 4 % au PIB
israélien, mais pour plus de 11 % des
dépenses publiques : exonérations
fiscales et subventions immobilières
pour encourager les citoyens israéliens
à venir s’installer dans les colonies,
bonus aux enseignants et médecins
qui viennent exercer dans les territoires,
construction de nouvelles routes
qui relient directement Israël aux
colonies… Au bout du compte,
ces fonds publics pourraient plus
intelligemment être utilisés pour
favoriser une croissance plus verte
et inclusive en Israël.
Il faut éliminer le Hamas pour aller de
l’avant, mais pour préparer, et non
éviter, un nécessaire retour
à un dialogue constructif entre
Israéliens et Palestiniens.•
Challenges.fr L’économie de demain est l’affaire de tous ÉCONOMIE POLITIQUE

PRÊTS À EN
DEBATTRE ?
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Les éditorialistes
NOS ÉDITORIALISTES Sur Challenges.fr

ET PARTAGEZ ❝ Nombre de débats qui

essentialisent les sociogroupes et
VOS OPINIONS sous-groupes sexuels, culturels,
ethniques ou sociaux virent dans

O
n a suffisamment accusé
Internet, les réseaux
sociaux, voire les médias,
de tous les maux.
A Challenges, dans la ligne de notre
charte éditoriale, nous sommes
persuadés que les outils de diffusion
numérique sont de formidables
leviers pour faire progresser
la connaissance, la réflexion et,
bien sûr, le débat d’idées. Pour ce
faire, nous avons réuni une équipe
d’une quinzaine d’éditorialistes
qui commentent l’actualité des scénarios moliéresques qui
en lui donnant de la profondeur. ne font plus rire personne. ❞
Toujours en accès libre, une Guillaume Malaurie
plateforme de débats est disponible
pour tous les internautes qui
souhaitent s’exprimer et échanger.
Loin des invectives et des excès
qui font le lit du populisme, nous
restons persuadés que l’humanisme,
le progrès et l’économie sociale
de marché doivent être défendus.•
Pierre-Henri de Menthon,

G. Bras
directeur de la rédaction de Challenges

❝ Hubert Reeves nous aura fait

comprendre que nous sommes
tous « poussières d’étoiles ».
Réagissez aux
Encore faut-il avoir quelque idée
réflexions quotidiennes
de leurs cheminements. ❞
de nos éditorialistes Dominique Leglu
T. Smith

❝ Non, la croissance
économique ne réduit
pas automatiquement les
disparités entre les hommes
ez/SetA

et les femmes. ❞
B.Mar tin

Stefanie Stantcheva

50  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

MONDE IDÉES MÉDIAS TECH D É B AT S AUTO ENTREPRISE

Les débats
Sur Challenges.fr

nges
te/Challe
S. Lagout
❝ Nous nous trouvons devant
un conflit de générations où
s’opposent des citoyens âgés
ayant acquis une conscience
historique et une jeunesse qui vit
avant tout dans le présent. ❞
Michel Winock
nges
Immobilier : faut-il alléger les
normes environnementales ?
OUI. Qui paye (une fois encore) ? Les
locataires un peu, les propriétaires
énormément ! Suffren
On va entrer dans une véritable
crise du logement si les normes
environnementales du marché
immobilier ne cessent de croître,
ce qui engendrera inévitablement
d’autres crises derrière.
Christian Guillot
NON. Les passoires énergétiques
sont une catastrophe pour tous.
Dom Peter
Nous sommes en pleine mutation.
Je n’y suis jamais allé… et c’est
pas avec ça qu’ils me verront.
Alain Morin
La montée en puissance de
la Chine est-elle un danger ?
OUI. C’est surtout une menace
pour nous parce que l’Europe est
inexistante sur le plan de la défense
et très naïve en matière de
stratégies économiques et
technologiques. Sergent Jacques
Je ne comprends pas que nous
fassions fabriquer tant de choses
dans ce pays loin des 35 heures et
loin de la retraite à 62 ans. Nous

vendons notre âme au diable.

Répondre oui c’est accepter un
vy/Challe

Jacques Paray
potentiel abandon des efforts à faire
NON. Nous sommes notre propre
dans ce domaine. Francis Lebissonnais
Bruno Lé

danger, pas tant la Chine. A avoir

❝ Jamais une issue politique du
conflit israélo-palestinien fondée
sur la coexistence de deux Etats
n’a été aussi nécessaire. Jamais
elle n’a semblé aussi difficile. C’est
pourtant la seule voie possible. ❞
Marc Semo
NYT/Réa
Les vacances scolaires sont-
elles trop longues ?
OUI. Bien sûr, mais il est irréaliste
de les raccourcir. Et le tourisme ? De
toute façon on marche sur la tête !
Marie-Claire E
NON. Ce n’est pas une question de
temps ou de quantité de vacances.
Encore faut-il mettre à profit le
temps libre et se donner les moyens
d’en profiter sainement : avoir de
bonnes vacances, de bons loisirs et
un bien vivre. Woko Koko
Etes-vous prêt à payer
pour continuer à utiliser X
(ex-Twitter) ?
OUI. Au vu des âneries débitées sur
ce réseau, je ne crois pas que la
majorité d’auteurs de messages
désossé notre industrie, ouvert nos
frontières au-delà du raisonnable
nous nous sommes mis dans
leurs mains. Yves Mary
La Chine est en passe de rivaliser,
avec les Etats-Unis, voire de les
dominer dans tous les domaines.
C’est la fin d’une forme de dictature
néolibérale. L’affrontement militaire
n’est de toute façon pas à redouter.
Jean Fetis
La Chine et une bonne partie de
l’Asie vont dans les prochaines
années devenir le centre
économique et géostratégique du
monde. Le basculement est en
marche. A nous de nous y adapter
de manière constructive et
intelligente. Nico Sam

haineux continuerait à tweeter. Le Débattez de l’actualité

❝ Il faudra attendre quelque
temps avant que les banques
centrales osent le dire
ouvertement, mais il semble
bien que l’inflation soit
un problème résolu. ❞
Paul Krugman
paiement devrait se faire au volume
au jour le jour
de données, et non au forfait.
François-Marie Robin
NON. Je ne serais pas prêt à payer
pour du libre-échange. Je pense que
les réseaux sociaux sont censés
être facile d’accès à tous. Doc T
Ces réseaux sont utiles uniquement
s’ils sont gratuits. Sinon, quel
intérêt ? Sylvain Reboux

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  51

Entreprise

Marc Alexander Hayek, patron

du luxe, Nick Hayek, PDG du groupe,
et Nayla Hayek, PDG de Harry
Winston, à Grenchen, en Suisse,
le 23 mai 2019. Ce trio familial
détient les clés du géant horloger
suisse, qui réalise près de 8 milliards
d’euros de chiffre d’affaires.

Les héritiers de Swatch

verrouillent leur position
Le décès de Marianne Hayek, en avril, veuve du fondateur, a réveillé
les appétits pour le géant de l’horlogerie. Mais la famille a mis en ordre
ses affaires pour protéger l’indépendance de ce joyau national suisse.

E
lle était particulièrement
discrète. Rares sont les
cadres dirigeants du
groupe Swatch à pouvoir
cun rôle opérationnel », souligne
un ancien cadre dirigeant. Mais elle
n’en jouait pas moins un rôle fonda-
mental. Figure tutélaire de la fa-
Alexander Hayek (52 ans), fils de
Nayla et patron de la branche luxe
(Breguet, Blancpain). Aujourd’hui,
c’est ce trio qui détient les clés du
Peter Klaunzer/Epa/MaxPPP

prétendre l’avoir bien connue.
­Marianne Hayek, veuve de Nicolas
Hayek, fondateur du groupe, s’est
éteinte en avril dernier à l’âge de
93 ans. « Ses apparitions en public
étaient très rares, elle n’avait au-
mille, elle était un trait d’union
entre les trois héritiers aux profils si
différents : Nick Hayek, son fils et
PDG du groupe (69 ans), Nayla
Hayek, sa fille (71 ans) et présidente
du conseil d’administration et Marc
géant horloger et industriel aux
17 marques et près de 8 milliards
d’euros de chiffre d’affaires. La suc-
cession a été en grande partie anti-
cipée par la famille, qui en a déjà
réglé les droits. Nick Hayek, rési-

52  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

dant dans le canton de Zoug, et sa
sœur Nayla, à Dubai, n’étaient en
réalité que faiblement imposables, à
Tissot repart de l’avant
la différence de Marc Hayek, habi- sur le moyen de gamme

L
tant le canton de Vaud. Les actions
de Marianne Hayek ont été « divi-
sées en trois parts égales et un
pacte d’actionnaires très contrai-
gnant lie les ayants droit », révèle
Oliver R. Müller, fondateur du cabi-
net de conseil LuxeConsult et fin
connaisseur de ce groupe. « Nous
ne commentons pas le processus de
succession », s’est contenté de ré-
pondre la direction de Swatch.
a marque flirte avec
le milliard d’euros de
chiffre d’affaires.
Tissot fait partie, avec
Longines et Omega, des
filiales de Swatch qui
enregistrent une croissance
à deux chiffres. Après avoir
accusé le coup pendant les
crises sanitaires, la marque
redresse la tête depuis
plusieurs mois grâce aux
succès de la montre PRX et
segment moyen de gamme,
autour de 80 euros, même
si elle en a perdu sur l’entrée
de gamme. Tissot est aussi
la référence du groupe
Swatch pour les montres
connectées. Si le suisse
a raté ce tournant
technologique et s’est laissé
doubler par Apple, il tente
un retour en force avec la
T-Touch Connect, lancée
il y a trois ans, et qui dispose

Des alliés influents
Depuis des mois, les maisons de
luxe concurrentes regardent avec
un nouvel appétit cette entreprise
familiale, conscientes qu’une suc-
cession est toujours une période
d’instabilité. Mais la partie s’an-
nonce complexe. « Avec 11 % de
marge nette, le groupe Swatch est
très loin des ratios des Richard
Mille qui dépassent les 50 % ou les
Patek Philip (40 %) », constate la
dernière note sectorielle de Morgan
Stanley. Mais certaines marques
comme Longines, Omega ou Tissot,
parmi les plus rentables, pourraient
intéresser nombre d’investisseurs.
« C’est aussi un groupe industriel
qui a internalisé l’ensemble de la
production », souligne David
Da Maia, de CIC Market. Les occa-
sions d’acquisition sont rares dans
le marché de l’horlogerie. Dernière
opération en date, la montée de
Partners Group au capital de Breit-
ling a permis de valoriser cette
marque horlogère autour de 17 fois
l’Ebitda. La rareté des transactions
se paye aussi.
La famille Hayek a néanmoins tout
fait pour construire une forteresse
autour de son empire. Si elle ne dé-
tient que 25 % du capital à travers
une hoirie, qui, dans le droit des af-
faires suisse, permet de créer une
communauté d’héritiers, autrement
dit un pool d’actionnaires, elle dis-
pose, grâce à un système d’alliances
complexes, 40 % des droits de vote.
Très tôt, les Hayek ont su s’entou-
rer de familles « alliées » particuliè-
rement influentes, comme les
Schneider Ammann (qui est le nom
de l’ancien président de la Confédé-
ration suisse), de sorte qu’il serait
compliqué pour un autre groupe
de la gamme connectée. d’une grande autonomie
« Avec PRX, nous avons joué grâce à son cadran solaire.
à fond la carte du vintage Une nouvelle version sera
des années 1970, un design dévoilée le 9 novembre.
qui a particulièrement plu Fragilisé par la baisse de
aux jeunes de 18 à 35 ans », la consommation en Chine,
se félicite Sylvain Dolla, le son premier pays à l’export
PDG de Tissot. En France, avant les Etats-Unis
l’engouement pour ce et l’Europe, Tissot
modèle ne se dément pas : poursuit néanmoins
PRX pèse pour près de 30 % ses investissements,
des ventes et 25 % dans le notamment en développant
monde. Ce modèle a permis son réseau de boutiques.
à la marque de regagner des « Nous sommes distribués
parts de marché sur le par 11 000 détaillants,
d’engager une OPA hostile, et ce
même si la valorisation à 12,5 mil-
liards de francs suisses reste relati-
CITADELLE vement faible.
HELVÈTE
Répartition Désamour pour le marché
simplifiée du
capital du groupe « Le groupe n’est pas endetté, dis-
Swatch pose d’une trésorerie d’environ
Famille Hayek 2 milliards de francs suisses qui
et amis
l’aiderait en cas de raid extérieur et
n’aurait aucun mal à engager le
25,3 % capitalisme suisse au secours d’un
60 % groupe aussi emblématique », sou-
Bourse 14,7% tient Oliver R. Müller. Historique-
ment, la grande majorité des petits
porteurs votent comme un seul
Divers homme les résolutions portées par
institutionnels,
banques et fonds* le conseil… et Swatch prend soin de
*actionnaires individuels ses actionnaires en les rémunérant
sans bloc de contrôle.
SOURCE : SOCIÉTÉ. correctement. Surtout, l’actionnariat
Au-delà de ses est très éclaté : les plus gros déten-
25 % dans le teurs d’actions, comme BlackRock
groupe, la famille ou UBS, ne dépassent pas 5 %, et
dispose, grâce pour cette dernière agissent de fa-
à un système çon quasi patriotique.
d’alliances, de La famille Hayek n’a d’ailleurs ja-
40 % des droits mais caché son désamour pour le
de vote. marché. Les héritiers agissent
comme si le groupe n’était pas coté :
pas de présentation aux investis-
seurs et une seule réunion d’ana-
SP
Gamme PRX de Tissot.
Ce modèle récent, au look
seventies, a relancé les
ventes dans le monde.
mais détenons 130 points
de vente en propre », précise
Sylvain Dolla. La marque
vient ainsi de racheter pour
20 millions d’euros les murs
de sa boutique des Champs-
Elysées. Une preuve de sa
confiance dans le marché
•
français.
lystes par an. Au point « qu’une sor-
tie de la cote de la Bourse de Zurich
est une idée qui tient à cœur à Nick
Hayek », écrit Business montres, le
quotidien de référence de l’horloge-
rie. Aujourd’hui, le leadership du
PDG de Swatch paraît incontesté.
Sa sœur, qui dirige la marque de
joaillerie Harry Winston, n’a pas
l’intention de prendre les com-
mandes, pas plus que Marc Hayek
en charge de la branche luxe. Un
patron qui se passionne aussi pour
les questions environnementales et
la plongée sous-marine.
Pour l’heure, le statut quo est la piste
la plus probable, et Nick Hayek ne
semble pas pressé d’engager une
partition du groupe, et de devoir
ainsi verser une indemnisation subs-
tantielle pour les parts de sa sœur et
de son neveu. Une opération qui
l’obligerait à céder des marques et
alimenterait la concurrence. Pour
l’heure, il prépare l’avenir. Son fils, la
vingtaine, vient seulement de termi-
ner un stage dans la maison Tissot
(lire encadré ci-dessus), une des
plus profitables du groupe. Chez les
Hayek, prendre son temps c’est pré-
cieux. Thiébault Dromard

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  53

 Entreprise
Bonne semaine
Ça chauffe pour
le steak tartare !
Les restaurateurs vont être obligés de signaler les plats
Cristiano Minichiello/Sipa

qui ne sont pas réalisés dans leur cuisine. Un coup dur

pour cette spécialité, rarement hachée sur place.

Axel Dumas se démarque
Alors que Kering et LVMH ont
récemment déçu les analystes
financiers, le gérant d’Hermès a créé
la surprise en présentant
des trimestriels meilleurs qu’attendus,
avec un chiffre d’affaires en hausse
de 7,3 % sur un an, à 3,37 milliards
d’euros. Cerise sur le gâteau, il vient
d’inaugurer son second point de vente
à Chengdu, en Chine, et son magasin
rénové à Sapporo, au Japon.
Un allié pour Carlos Tavares
Le directeur
U
n incontournable des bistrots
mais aussi des brasseries plus
chics. Très apprécié pour son
image saine, gastronomique et
gourmande, le steak tartare de bœuf offre
de belles marges aux restaurateurs. Mais ce
plat, proposé de 15 à 30 euros, est souvent
déjà haché bien avant d’être servi, condi-
tionné sous-vide en usine, voire surgelé.
Alors que le client imagine qu’il vient d’être
élaboré quelques minutes plus tôt.
« Lorsque j’étais dans une brasserie du
centre de Paris il y a quatre ans, le gérant

Tripelon-Jarry/Only France/AFP
général de a décidé de se fournir auprès d’un indus­
Stellantis a enfin triel, explique un cuisinier. Il a pu écono­
Sameer Al-Doumy/AFP

trouvé un miser sur la main-d’œuvre, alors que nous

partenaire qui
va lui permettre à
la fois
d’augmenter sa
présence
dans l’empire du Milieu, et d’accélérer
dans l’électrique. Il va mettre
près d’1,5 milliard d’euros sur la table
pour acquérir 21 % de Leapmotor, une
start-up chinoise spécialisée dans
la fabrication de voitures électriques.
Une coentreprise sera aussi créée,
détenue à 51 % par Stellantis.
Mauvaise semaine
Eric Piermont/AFP
peinions à recruter des commis, et écarter
les risques sanitaires car c’est un produit
très sensible. » La pratique pourra-t-elle
continuer si, comme l’a annoncé Olivia
Grégoire, la ministre du Commerce, des
PME et du Tourisme, le 23 octobre, les res-
taurants sont contraints de signaler tous les
plats qui ne sont pas réalisés sur place ?
Pour l’heure, le tartare cache bien son jeu.
Un cuisinier affirme que « 80 % des restau­
rants achètent leur viande déjà hachée ou
prédécoupée ». L’offre est abondante chez
des fournisseurs tels que Metro ou Sysco.
Pour le cuisinier, le geste se limite à sortir la
viande hachée de son emballage, ajouter
l’assaisonnement (câpres ou cornichon, oi-
gnon et persil haché, ketchup, moutarde,
sauce worcestershire, huile, tabasco et un
jaune d’œuf) et l’accompagner de frites,
elles aussi bien souvent achetées déjà éplu-
Steak tartare servi dans un bistrot parisien.
Un cuisinier affirme que « 80 % des
restaurants achètent leur viande déjà hachée
ou prédécoupée ».
quelques mois des Jeux olympiques, alors
que le monde entier viendra en France, on
doit mieux informer nos consommateurs
sur ce qu’ils mangent au restaurant. »
Officiellement, la profession approuve.
Thierry Marx, président de l’Umih, le
principal syndicat de l’hôtellerie-restaura-
tion, estime que « 54 % des restaurants
français font encore du fait maison. Ils
souffrent car ils sont comparés à ceux qui
utilisent de l’ultratransformé sans préve­
nir leurs clients ».

Paul Hudson fait le ménage
Révolution chez Sanofi. Son directeur
général a annoncé vouloir se séparer
de la division Santé Grand Public
(Doliprane) pour se concentrer sur
les médicaments et vaccins innovants,
et lancer des économies pouvant
aller jusqu’à 2 milliards d’euros, entre
2024 et fin 2025. Mais les marchés
ont retenu les trimestriels décevants,
et le titre a plongé de 15,5 %.
chées et découpées en usine. Sur un tartare
« industriel », proposé 22 euros à la carte, le
coût des matières se limite à 4,50 euros. En
outre, aucune brasserie n’informe ses
clients qu’elle ne transforme pas sa viande.
Bien au contraire, « en utilisant les termes
rassurants de “au couteau”, ou “tartare de
salers, d’aubrac”, on trompe les gens »,
s’indigne le restaurateur Xavier Denamur,
qui écoule chaque jour plusieurs dizaines de
« tartares hachés maison à la commande ».
Pour la ministre, l’obligation de signaler les
plats non réalisés sur place va permettre de
valoriser la restauration française : « A
Le tartare, best-seller des restaurants fran-
çais, va-t-il survivre à la mention « produit
industriel » ou « ce plat n’a pas été confec­
tionné sur place » ? Le gouvernement va
hésiter à brusquer une profession qui a
beaucoup souffert ces dernières années.
Déjà, Olivia Grégoire a expliqué que l’utili-
sation de produits surgelés ne s’oppose pas
au fait maison. De nombreux cuisiniers es-
pèrent aussi qu’on ne les obligera pas à si-
gnaler l’utilisation de fonds de sauce en
poudre, d’œufs en bidons, de crèmes brû-
lées et de fondants prêts à cuire. Ce serait
la mort du café gourmand.  J.-F. A.

54  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 Entreprise

Le carnet
En partenariat avec

Then Chih Wey/Xinhua/MaxPPP

Alexis Leven-Mentzelopoulos,
30 ans, licence de communication
à l’université Américaine de Paris
(AUP), master de management viticole
à l’Ecole nationale supérieure des
sciences agronomiques de Bordeaux,
prend la tête de Château Margaux.
Depuis 2021, il y était directeur Olympic ESports Week, à Singapour, fin juin 2023. Pour la première édition, les jeux devaient
général adjoint en charge de se rapprocher de l’univers du sport : Gran Turismo, Virtual Regatta ou Virtual Taekwondo.
la stratégie et du développement.
Marie Schott, 50 ans, HEC, devient
directrice générale de la marque Etam. Paris voit s’éteindre son espoir
d’organiser les JO de l’e-sport
Depuis 2021, elle était à la tête
de The Kooples.
Anne Borfiga,
52 ans, diplômée
de l’université Paris-
La France a déposé un dossier de candidature pour
Dauphine, est la prochaine Olympic Esports Week, mais le CIO reste
nommée secrétaire
générale de Lectra.
réticent sur la programmation d’une 2e édition.
A ce titre, elle entre

L
au comité exécutif.
SP

Fabien Geerolf, 37 ans, HEC,
est promu directeur financier d’Aramis
Group. Dernièrement, il était CFO
de la filiale française du groupe
Aramisauto. Ivan Velasco, 38 ans,
master en Computer Science de
l’université de Cordoba (Espagne),
prend la direction technologique
du groupe.
Michaël Hameau, 36 ans, diplôme
d’ingénieur civil de l’ESTP, master
en gestion immobilière de Paris-
Dauphine, master en administration
des affaires, est le nouveau directeur
France de Sienna Real Estate.
Federico Goyret, 43 ans, diplômé
en ingénierie de l’université de Buenos
Aires, HEC Montréal, Insead, Berlin
School of Creative Leadership, devient
directeur marketing et communication
de la marque Citroën. Depuis 2021,
il était directeur marketing et
communication de Jive Investments.
Frédéric Musselin, 56 ans, formation
d’ingénieur à l’Ecole supérieure
du bois, mastère spécialisé marketing
management à l’Essec, rejoint K-Line
au poste de directeur marketing
et communication.
Olivier Sauerbach, 59 ans, master
de management de Paris Business
School, est promu DRH de Spie ICS.
A ce titre, il intègre le comité
de direction.
e dossier n’était connu jusqu’à pré-
sent que des initiés. Il y a quelques
mois, la France a envoyé au Comi-
té international olympique (CIO)
une candidature afin d’organiser la Olympic
Esports Week. Il s’agit de la première initia-
tive au sein des instances olympiques actant
le développement des compétitions de
sports électroniques. L’enjeu est de taille : ce
type d’événements embarque la population
des moins de 30 ans, une cible à choyer pour
les prochaines décennies.
Le dossier de financement, entre 10 et
15 millions d’euros, a été effectué par le
ministère des Sports, en collaboration avec
la Ville de Paris et le Sell, l’organisme profes-
sionnel du secteur. L’annonce de l’organisa-
tion de la compétition dans un an aurait dû
être faite au cours de la Paris Games Week,
principal Salon du jeu vidéo en France, qui
se déroule du 1er au 5 novembre. Des com-
pétitions auraient du avoir lieu lors de la
prochaine édition à l’automne 2024. Mais le
CIO semble avoir changé son fusil d’épaule.
« Leur première édition test à Singapour
en juin dernier ne s’est pas bien passée,
croit savoir un proche du dossier. Les com-
munautés de gamers ne se sont pas recon-
nues dans l’événement. »
Si le CIO tente de prendre cette vague de-
puis plusieurs années, l’instance ne veut pas
être accusée de renier les valeurs de l’olym-
pisme. Pour l’instant, elle s’interdit donc
d’organiser des compétitions incluant des
jeux de tirs, considérés comme trop vio-
lents. Pas de Counter Strike ou de Fortnite,
les locomotives du secteur. Pour la 1re édi-
tion de l’Olympic Esports Week, les jeux
devaient se rapprocher de l’univers du
sport : courses automobiles de Gran Turis-
mo, voile avec Virtual Regatta ou sports de
combat comme Virtual Taekwondo.
Le 16 octobre dernier, le président du CIO
Thomas Bach a néanmoins fait évoluer sa
position, annonçant sa volonté de créer de
véritables jeux Olympiques de l’e-sport. Un
interlocuteur à la Ville de Paris considère
cette sortie comme un aveu d’échec pour
l’organisation de la compétition en France
l’année prochaine. Une pierre dans le jardin
d’Emmanuel Macron qui, depuis ses décla-
rations de juin 2022, entendait faire de la
France une place forte de l’e-sport mondial.
Si la Chine et les Etats-Unis concentrent les
principaux événements, c’est l’Arabie saou-
dite qui s’est le mieux positionné en annon-
çant la tenue, à l’été 2024, de la Coupe du
monde de la spécialité, l’Esport World Cup.
Le budget de la compétition est de 400 mil-
lions de dollars par édition. « C’est monu-
mental, confie un acteur. Ils ont déjà signé
la dizaine de jeux les plus importants du
secteur. » Face à cette concurrence, pour
l’instant, autant le CIO que l’organisation
mondiale de football, la Fifa, tâtonnent face
à ce secteur en forte croissance. L’e-sport
devrait générer 1,8 milliard de dollars de
chiffre d’affaires en 2023, selon le cabinet
EMR, et croître de 16 % en moyenne sur la
prochaine décennie.  A. S.

56  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 AVEC LA PARTICIPATION

Le Copilot de Microsoft
EXCEPTIONNELLE DE
LAURENT BERGER,
OLIVIA GRÉGOIRE ET
débarque en pionnier JEAN-DOMINIQUE SENARD.

L’assistant personnel dopé à l’IA sera intégré dans

la suite bureautique de Microsoft 365 en Europe à partir LES ENTRETIENS
DE VALPRÉ 2023
du 1er novembre. Prenant de court, encore, Google. AVEC

21 ÈME
ÉDITION
• 17 ET 18 NOVEMBRE 2023 •
se laisser envahir au quotidien. « Vous arri- CENTRE DES CONGRÈS
DE VALPRÉ À LYON
vez dix minutes en retard à une réu-
nion. Que s’est-il passé ? Il vous le ré-

LE TRAVAIL
sume », développe ainsi Jean-Christophe
Dupuy, directeur de la division Modern
Work de Microsoft France.
Inspiré de ChatGPT, cet agent de conversa-
SE S DESSUS-DESSOUS
tion fonctionne comme un assistant de re-
cherche. A l’image de son « grand frère »
conçu par la fondation OpenAI, il peut accé-
der à la fois au Web et aux données de
l’entreprise en temps réel. « Il sera capable
d’assimiler le jargon des collaborateurs »,
poursuit Jean-Christophe Dupuy. « Dis-
moi tout ce qui a été dit sur ce client », par
SP

Satya Nadella, lors d’une démonstration de
Copilot, le 22 septembre. Pour ne pas effrayer
les utilisateurs, le PDG de Microsoft a été
clair : « L’IA doit assister, et non remplacer.»
exemple. Le logiciel tient aussi compte des
privilèges accordés à chaque utilisateur.
« Les données ne sortent jamais », affirme
Plus de 40 personnalités partageront
le chef de produit. leurs réflexions sur le thème du
Actuellement testé par une trentaine d’en- SENS DU TRAVAIL

P
our le géant du logiciel, l’intelli-
gence artificielle n’est pas seule-
ment une affaire de technologie.
Elle a également besoin de se
vendre. Pour le lancement de son nouveau
produit Copilot, qui aura lieu le 1er no-
vembre dans toute l’Europe, Microsoft a
mis en place une savante stratégie de com-
munication. Son idée ? L’IA doit « assister,
et non remplacer ». Elle remet en question
la place de l’homme au travail, soit. Mais
elle ne doit pas lui faire sentir qu’il devient
inutile. « Ces technologies vont permettre
de nous rendre du temps », a expliqué
Corine de Bilbao, la présidente de Micro-
soft France, lors d’un événement de présen-
tation organisé le 18 octobre à l’incubateur
Station F, à Paris.
Une chose est de gagner du temps, une
autre est de supprimer des postes. La firme
de Redmond a trouvé son camp. Avec Copi-
lot, les utilisateurs de la suite Microsoft 365
(Outlook, Teams…) auront bientôt accès à
un assistant personnel à base d’IA pour les
aider au bureau. Ce « copilote » pourra
accomplir des tâches précises, comme par
exemple envoyer des mails, retranscrire
une réunion sur Teams, ou générer des pré-
sentations Powerpoint… Cette application
est vendue comme une solution pour ne pas
treprises en France, Copilot sera intégré
dans toute la suite bureautique de Micro-
soft 365 à partir du 1er novembre. Déjà dis-
ponible aux Etats-Unis, il sera commercia-
lisé en Europe pour une trentaine de dollars
par mois. Un tarif qui vise avant tout les
grands comptes. Alors que de nombreuses
sociétés utilisent déjà ChatGPT – dont Mi-
crosoft détient une participation majori-
taire –, l’application grand public restait
peu adaptée aux besoins actuels des entre-
prises. Avec Copilot, Microsoft s’attaque
désormais au cœur du marché avec un pro-
duit plus mature. « Nous sommes entrés
dans l’âge de raison de l’IA générative »,
résume Corine de Bilbao.
Avec un tarif clair et des fonctionnalités
précises, Microsoft prend une fois encore
Google de vitesse. Le moteur de recherche
intègre certes l’IA dans ses applications,
mais il a pour l’instant échoué à offrir des
produits réellement adaptés aux usages. A
l’inverse, Microsoft s’est assuré de cibler
des publics particuliers, comme les déve-
loppeurs avec GitHub, ou les spécialistes
du marketing et des RH. L’an dernier, un
accord a ainsi été passé avec Salesforce
pour développer sa plateforme de relation
clients. A ce jour, 68 000 organisations l’uti-
lisent déjà à travers le monde.  D. Pa.
lors de master class, débats,
rencontres et ateliers :
Arthur AUBOEUF,
Co-fondateur de Team for the planet
Laurent BERGER,
Ancien Président de la CFDT
Kevin BOUCHAREB,
Directeur du Future of the Work
chez UBISOFT
Laurent de la CLERGERIE,
Président - fondateur Groupe LDLC
Thierry DUSSAUTOIR,
Ancien joueur international français
de rugby
Pierre-Yves GOMEZ,
Économiste, Professeur à l’EM Lyon
Delphine HANTON,
Directrice générale du Groupe THUASNE
Thomas JAUFFRET,
Fondateur de Vocatio & Co et auteur
Angélique de LENCQUESAING,
Directrice générale du site iDealwine
Florence POIVEY,
Présidente de World Skills France
Bénédicte TILLOY,
Experte au Lab Welcome to the jungle
RENSEIGNEMENTS ET INSCRIPTION
www.entretiensdevalpre.org
EN PARTENARIAT AVEC

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  57

 Entreprise

Lynk & Co avance

cahin-caha en Europe
Acheter ou louer son SUV sur Internet et sans engagement : la formule
de la marque chinoise a de quoi séduire les jeunes citadins. Mais le concept
a ses limites, et la création d’un réseau brick and mortar n’est plus exclue.

U
n produit basique : un
modèle et un nom uni­
ques – 01 –, deux cou­
leurs au choix (bleu ou
noir), pas d’options. Et une formule
de location mensuelle accessible via
Internet, sans engagement sur une
durée minimale ni apport financier.
C’est toute l’originalité de l’offre de
la marque automobile chinoise Lynk
& Co, filiale du groupe Geely. « La
voiture en elle-même n’est pas la
principale raison du choix », re­
connaît Alain Visser, le PDG de la
marque hors Chine, qui avoue com­
muniquer davantage sur le concept
que sur le véhicule lui-même. Cer­
tes, Lynk & Co se dit aujourd’hui
prêt à étudier la création d’un ré­
seau d’agents pour son SUV hybride
rechargeable à 44 500 euros, mais la
grosse majorité de ses clients de­
vraient continuer à préférer le sys­
tème de location, pour 600 euros
mensuels, entretien et assurance
inclus, plus 200 euros de frais d’ins­
cription. Un tarif que la concurrence
a du mal à suivre. Europcar pro­
pose, par exemple, la même voiture
pour 1 140 euros par mois ; BMW,
une X2 hybride rechargeable équi­
valente pour 620 euros, mais avec
un engagement sur trente-six mois ;
et Citroën, un C5 Aircross compa­
rable pour 561 euros, mais sur qua­
rante-huit mois, avec un premier
loyer majoré de 4 930 euros.
Possibilité de coleasing
Le caractère innovant de Lynk & Co
va plus loin. Le chinois donne la
possibilité au client de minorer le
loyer de sa 01 en autorisant la colo­
cation avec une ou deux autres per­
sonnes, qui en partagent les frais.
« 15 % de nos utilisateurs choisi­s­
sent déjà cette formule », assure
Alain Visser. Qui sont les clients ?
Des conducteurs peu intéressés par
l’automobile en général. Une grande
majorité d’entre eux n’a même ja­
mais possédé de véhicule. Et ils sont
en général assez jeunes, avec une
moyenne d’âge de 42 ans, contre
55 ans pour les acheteurs de voi­
tures neuves en Europe. Il s’agit évi­
demment d’urbains, très diplômés,
dont la moitié de femmes. « Privilé­
gier un usage plutôt qu’une posses­
sion est une formule maline, qui va
Selon se généraliser », reconnaît Nicolas
Luttringer, directeur du marketing
Trustpilot, de Citroën en France. Lynk & Co
nombreux impose toutefois quelques contrain­
sont les tes : il ne faut notamment pas dépas­
clients qui ser 1 250 kilomètres par mois, soit
15 000 kilomètres par an. Accep­
se plaignent table, puisque c’est 3 000 de plus que
de délais la moyenne roulée par les automo­
de livraison bilistes français.
aléatoires et Mais le vrai hic de la formule, c’est
l’absence d’interlocuteur en chair et
de pièces en os. Alain Visser a beau prétendre
détachées que les clients en ont « marre d’aller
introuvables. chez des concessionnaires et veu­
lent se simplifier la vie », l’inexis­
tence d’un réseau pose problème et
leur complique plutôt l’existence. La
livraison du SUV se fait aujourd’hui
sans réelle mise en mains à un point
convenu sur Internet. Et l’entretien

Le fondateur de Geely resserre ses liens avec Renault

A
60 ans, le PDG fondateur
de Geely a les dents
longues. Le milliardaire
chinois Li Shufu possède le
fabricant de voitures de sport
britannique Lotus et la firme
nationale malaisienne Proton.
Il détient aussi 82 % de Volvo
Cars et 50 % des Smart
Chen Yehua/Xinhua/AFP
matériel de BTP), lequel a sous
sa coupe l’ancienne activité
poids lourds de Renault.
Mais cela ne lui suffit pas.
Li Shufu doit également
prendre une participation
dans Horse, la future entité
de Renault regroupant
ses activités thermiques
Europe – Espagne, Roumanie
et Suède avec Volvo –, en
Chine et en Amérique du Sud,
avec 17 usines. L’homme
d’affaires a également signé
un accord pour contrôler 34 %
de la filiale coréenne de
Renault. « Un grand merci à Li
Shufu », avait justement lancé

avec Mercedes-Benz. Il est et hybrides, à parité avec Luca de Meo, directeur général
Li Shufu. Le PDG de Geely sera
l’actionnaire de référence le constructeur tricolore. de Renault, lors d’une journée
actionnaire de l’entité hybride
du groupe Mercedes-Benz et Cet ensemble franco-chinois consacrée aux investisseurs
et thermique de Renault.
du groupe Volvo (camions et comptera 19 000 employés en en novembre 2022. •

58  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023


SUV hybride rechargeable 01 de Lynk & Co. Présente depuis deux ans en France, la marque a déjà créé un parc roulant de 5 400 véhicules et
table sur 15 000 de plus dans quatre à cinq ans. Pour accroître les volumes, elle va ajouter deux modèles, 02 et 03, à son offre.
des véhicules est assuré par une poi­
gnée de concessionnaires Volvo
– une douzaine en France –, qui ne
peuvent pas les vendre et semblent
donc assez peu motivés.
Relation client compliquée
Pourquoi Volvo ? Les deux marques
ont un propriétaire commun : le mil­
liardaire Li Shufu (lire encadré),
fondateur du groupe Geely. Le site
d’avis Trustpilot fait état de nom­
breuses plaintes sur les délais de li­
vraison, mais aussi sur un SAV peu
efficace ou encore des pièces déta­
chées introuvables. Et personne à
qui se plaindre nommément. Du
coup, les 443 utilisateurs recensés
par le site donnent à la marque
chinoise une note de 1,7 sur 5. Ils se
disent généralement contents de la
voiture elle-même, mais pas du
reste. « Le client a deux exigences
principales, rappelle Eric Champar­
naud, directeur général de la société
de conseil C-Ways. La proximité
géographique et un être humain en
face qui le rassure. » Contacté, Lynk
& Co a refusé d’évoquer l’après-
vente chez les concessionnaires
Volvo, rétorquant que celle-ci était
en pleine réorganisation. Des discus­
sions ont effectivement lieu en
RÉSEAU France pour créer un réseau dédié.
MONDIALISÉ
La preuve qu’il existe un problème.
180 000 Malgré les couacs, Alain Visser, qui
livraisons en veut faire de Lynk & Co le Netflix de
Chine en 2023* l’automobile, affirme : « Nous avons
30 000 depuis deux ans et demi créé un
en Europe, parc roulant de 40 000 véhicules en
dont Europe, dont 5 400 en France. »
Cette année, la marque vise quelque
4 000 30 000 livraisons sur le continent et
en France.
(*ESTIMATION)
100 000 dans quatre à cinq ans, dont
SOURCE :
CONSTRUCTEUR.
15 000 en France.
Pour accroître les volumes, la
gamme va ajouter deux modèles,
développés comme l’actuel 01 par le
partenaire Volvo Cars. La 01 est
d’ailleurs une copie technique de la
Volvo XC40 hybride rechargeable,
dont elle partage 80 % des compo­
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804 
Anders Wiklund/AFP
sants. La 02, annoncée pour 2024,
sera un SUV électrique ressemblant,
mais en version zéro émission. La
future petite 03, également électri­
que, devrait, elle, dériver de la toute
nouvelle Volvo EX30.
En route pour les Etats-Unis
Lynk & Co n’arrête pas là ses ambi­
tions. La marque compte s’attaquer
désormais au très difficile marché
américain avec la même formule
commerciale qu’en Europe. Parado­
xalement, le constructeur demeure
beaucoup plus conservateur dans
son pays d’origine. Car les clients
chinois préfèrent acheter et entrete­
nir leur voiture à l’ancienne, via un
réseau de distribution classique.
Acquérir une voiture demeure un
acte valorisant. Un concurrent euro­
péen bien implanté en Chine ex­
plique : « La louer signifierait pour
un Chinois qu’il n’a pas les moyens
de l’acquérir. » Honteux.
Alain-Gabriel Verdevoye
59
Entreprise

Amazon prend la voie

de l’intelligence artificielle
Le géant de l’e-commerce mise sur l’IA générative pour transformer
l’échec de son assistant vocal Alexa en succès. Sa stratégie : installer
ses nouveaux appareils dopés dans toute la maison pour fidéliser ses clients.

E
n plein cœur de la ville
d’Arlington, tout près de
Washington DC, Amazon
tient, mardi 20 septembre,
sa conférence annuelle consacrée à
ses nouveaux produits et services.
L’événement se déroule dans les
locaux flambant neufs du géant de
l’e-commerce. Baptisé HQ2, le cam-
pus de 190 000 mètres carrés a né-
cessité 5 milliards de dollars d’in-
vestissement et cinq années de
travaux. Il est le pendant, sur la Côte
Est, du siège historique du groupe à
Seattle. Plus proche des pouvoirs
politiques et financiers.
Journalistes, analystes et influen-
ceurs visitent le nouveau site en
même temps qu’ils découvrent la
panoplie d’appareils siglés Amazon.
Dave Limp, vice-président d’Ama-
zon Devices & Services, joue les
maîtres de cérémonie. Pas plus de
dix secondes ne s’écoulent et déjà,
il parle d’intelligence artificielle
générative : au total, une dizaine de
produits dopés à l’IA. Moins méca-
nique, plus intelligent, Alexa, l’assis-
tant vocal maison, sera bientôt inté-
L’antitrust américain hausse le ton
gré à l’essentiel des produits aux
Etats-Unis, notamment l’enceinte
connectée Echo. Grâce à la nouvelle
fonctionnalité « Let’s Chat », l’appa-
reil pourra effectuer une recherche
sur Internet en temps réel en tenant
compte de la localisation de l’utili­
sateur pour donner des réponses
précises. « Tu peux m’écrire un
poème d’amour ? », « Comment se
porte mon équipe de football préfé-
rée ? »… Dave Limp enchaîne les
échanges sur scène avec l’appareil.
« Alexa aura des opinions, il fera
des blagues ! » s’exclame le diri-
geant dans un large sourire.
Prise de participation clé
« Amazon a présenté moins de pro-
duits que d’habitude et se concentre
sur quelques appareils clés dopés à
l’IA », commente Ben Wood, ana-
lyste pour CCS Insight. Resté silen-
cieux ces derniers mois face aux
concurrents Bard de Google ou
ChatGPT d’OpenAI, qui vient de se
doter d’une voix, le groupe fondé
par Jeff Bezos passe à l’offensive.
« Amazon ne pouvait pas regarder
la plus grande transformation tech-
nologique depuis trente ans sans
rien faire », décrypte Daniel Ives,
analyste à Wedbush. Le groupe a
annoncé, après la conférence, inves-
tir 4 milliards de dollars dans An-
thropic, start-up américaine qui dé-
veloppe un concurrent à ChatGPT.
Gouffre financier
Un tournant dans la stratégie
d’Amazon. « C’est peut-être le mo-
ment charnière pour propulser la
« Le plus technologie Alexa », décrypte Pierre
gros Harand, du cabinet en data consul-
obstacle ting fifty-five. En 2014, le produit
star d’Amazon avait été lancé avec
va être la promesse de devenir l’ami, celui
de nouer qui commande les courses ou con­
une vraie seille des films. Neuf ans plus tard,
relation c’est un échec. « Alexa n’est pas du
tout conversationnelle », lâche Luc
avec Julia, l’inventeur de Siri, l’assistant
l’utilisateur vocal d’Apple. Dave Limp l’admet, le
qui n’y robot est devenu « transaction-
est pas nel » : il répond à des demandes pré-
cises comme allumer la lumière.
habitué.» Les produits Alexa se sont, certes,
Carolina très bien vendus aux Etats-Unis,
Milanesi, avec plus de 500 millions d’appareils
du cabinet commercialisés depuis 2014. Mais
Creative
Strategies
rien ne prouve qu’ils ont dopé les
ventes d’Amazon. Devenu un gouf­

A
mazon se « Ce n’est pas la taille des prix inférieurs aux fre financier, la division appareils de
retrouve à son d’Amazon qui est siens sur les produits l’entreprise aurait perdu 5 milliards
tour dans le en cause, a précisé où le groupe est en
viseur du gardien la FTC, mais ses concurrence. Déjà de dollars par an ces dernières an-
de la concurrence méthodes illégales poursuivi aux Etats- nées et même 10 milliards en 2022.
américain. La Federal qui visent à exclure Unis, en mai dernier, Les salariés de la branche appareils
Trade Commission les concurrents, pour non-respect de ont payé, l’an dernier, un lourd tribut
(FTC) et les procureurs à les empêcher la confidentialité des au plan de 18 000 licenciements.
de 17 Etats ont porté de se développer données, le groupe Dave Limp s’apprête lui-même à
plainte, fin septembre, et à des alternatives avait accepté
l’accusant d’abuser d’émerger. » Amazon de payer 30 millions quitter le groupe après treize ans à
de sa position pour dissuaderait les de dollars pour éviter diriger cette division et sera rem-
limiter la concurrence. vendeurs de proposer des poursuites. • placé par Panos Panay, transfuge de
Microsoft.

60  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

Amazon
Le vieux rêve de Jeff Bezos se réali-
sera peut-être avec l’IA générative.
Cette fois-ci, le groupe mise tout sur
le marché de la maison connectée.
« Amazon cherche à occuper l’es-
pace à la maison et dans l’automo-
bile, qui est une extension de la
maison, à défaut d’être présent sur
le marché de la téléphonie », décryp-
te Carolina Milanesi, analyste au
cabinet Creative Strategies et pré-
sente à la conférence. Tout dans les
locaux d’Amazon est pensé comme
une maison, où les 8 000 collabora-
teurs – 25 000 à terme – doivent se
sentir chez eux. Un peu partout
dans la tour de 22 étages, le site est
végétalisé. Sur un immense mur,
211 photos de chiens des salariés
sont affichées, non loin d’un « par-
king à chiens », d’un espace de re-
pos et d’une salle de jeux.
Philosophie inchangée
Des appareils connectés plus per-
formants et plus intelligents instal-
lés dans la maison permettront-ils
enfin à Alexa de devenir rentable ?
Pour Eric Saarnio, vice-président
d’Amazon Devices pour le marché
international, la partie se joue sur le
long terme. « Notre philosophie
reste la même : faire de l’argent
quand les clients utilisent notre
produit, pas quand ils l’achètent à
prix coûtant. »
Derrière les paillettes, le nouvel
Alexa devra faire ses preuves. « Le
plus gros obstacle va être de nouer
une vraie relation avec l’utilisa-
teur qui n’y est pas habitué », pré-
vient Carolina Milanesi. Selon elle,
pour être véritablement pertinent,
« les appareils devront prendre en
compte les différences linguis-
tiques et culturelles des lieux où ils
sont utilisés ».
Europe échaudée
Amazon vient de lancer son écran
de contrôle de la maison en France,
mais aucune date n’a été donnée en
Europe pour les autres produits.
« Au lieu de rester très centré sur les
Etats-Unis, Amazon devrait cibler
quelques marchés clés en Europe »,
Dave Limp, estime Ben Wood. Les accusations
à Arlington, d’espionnage de ses clients par
le 20 septembre. Alexa, en 2019, ont échaudé de nom-
Avant de quitter
ses fonctions,
breux consommateurs européens.
le vice-président Et le Digital Market Act et le Digital
d’Amazon Services Act visant à freiner les pra-
Devices & tiques anticoncurrentielles ne vont
Services a rien arranger. Mais réunis sur la ter-
présenté Echo rasse du dernier étage, les respon-
Hub, le nouvel
écran de contrôle
sables d’Amazon ne répondent aux
du groupe pour questions qui fâchent que du bout
gérer tous les des lèvres. Galvanisés par les an-
objets connectés nonces de la journée, le regard plon-
de la maison. geant vers la Maison-Blanche et le
Capitole, ils préparent déjà le coup
d’après. Alix Coutures (à Arlington)
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  61
Entreprise
Olivier Dellenbach
Le logiciel patriote
Le fondateur de ChapsVision, millionnaire après la vente d’eFront, n’avait
pas besoin de croiser le fer avec les géants de la cybersécurité. Mais
son intuition, et son attachement à la souveraineté de la France, le guident.
Par David Pargamin
O
livier Dellenbach n’est pas du genre
à se laisser aller. Sur son bureau
bien rangé sont empilés les dossiers
de potentielles acquisitions. Lu-
nettes d’ingénieur sur le front, ce
vétéran de l’informatique a le regard
franc, le style direct. Il se sert un Coca sans sucre,
l’une de ses rares tocades. L’homme ne boit jamais
d’alcool et s’accorde peu de moments de détente. Il
préfère garder les idées claires. Car il n’a pas que des
amis. Novice dans l’univers de la cybersécurité,
l’homme a pris tout le monde de cours et conquis les
hommes de la sécurité intérieure avec son profil
atypique : cet entrepreneur de la tech, patriote affi-
ché, a fait fortune en revendant ses précédentes so-
ciétés, Nat System et eFront. C’est avec ce pactole
qu’il a fondé ChapsVision, dont il est aujourd’hui
l’actionnaire principal après avoir levé plus de
200 millions d’euros ces douze derniers mois. « Je
me suis passionné pour le régalien », explique
sobrement Olivier Dellenbach.
En moins de deux ans, ChapsVision s’est imposé
parmi les poids lourds de la cybersécurité en rache-
tant des sociétés liées au monde du renseignement.
« Acheter, c’est le seul moyen d’aller plus vite », dit-il.
De Bertin Technologies à Deveryware, une quin-
zaine d’entreprises françaises sont déjà passées sous
son contrôle, et l’homme d’affaires examine tous les
dossiers susceptibles d’intégrer son projet : des
outils d’écoutes téléphoniques, des logiciels d’ana-
lyse de données en masse, des capteurs de géo­
localisation de voitures… L’attirail du parfait espion
qu’il espère pouvoir vendre aux services de rensei-
gnements français et européen.
Depuis ses bureaux à Suresnes, dans l’Ouest pari-
sien, vingt minutes de voiture lui suffisent pour re-
joindre le siège la Direction générale de la sécurité
intérieure (DGSI), à Levallois. L’entrepreneur y a
pris ses habitudes depuis qu’il s’est positionné sur
62  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
ENTREPRENEUR l’appel d’offres de la décennie, lancé il y a plusieurs
DE LA TECH mois par les services de renseignements : un contrat
1961 à 40 millions d’euros pour remplacer le programme
Naissance Gotham, produit phare de la société Palantir Tech-
à Strasbourg.
nologies. Ce logiciel d’analyse s’est révélé très effi-
cace depuis son adoption, dans l’urgence et faute de
Photo Personnelle
solution européenne alternative, au lendemain des
attentats du 13 novembre 2015. Mais l’outil a un gros
défaut : il est américain. Une aberration que les ser-
vices français voudraient corriger prochainement en
adoptant une solution 100 % tricolore. Après des
1981
Entrée à
mois de compétition, la DGSI fera prochainement
Polytechnique. son choix entre deux finalistes : une offre portée par
1987 Atos et Thales ou celle peaufinée par Olivier Dellen-
Création de bach et sa société ChapsVision.
P
Nat System.
1998 lutôt taiseux de nature, l’ingénieur a réussi
Rachat par à tenir en respect les industriels en place
Cognicase. dans le secteur de la défense. Il n’en fait
1999 pas une fierté, plutôt un accomplissement.
Lancement « J’aime l’idée de pouvoir monter un projet ambi-
d’eFront.
tieux », admet celui qui espère atteindre la dimen-
2019 sion d’un « éditeur de logiciel de taille moyenne »
Rachat d’eFront
par BlackRock. pour se positionner assez vite sur le marché euro-
péen. A la fin de l’année, son groupe aura atteint
2019
Naissance de 180 millions d’euros de chiffre d’affaires. Il s’est fixé
ChapsVision. un objectif de 250 millions pour l’an prochain, et
2023 déroule son plan telle une machine de guerre, im-
Pré-sélectionné pressionnant jusqu’aux plus hauts commis de l’Etat
par la DGSI. par sa maîtrise des enjeux. « Il prend son risque en
consolidant dans un secteur difficile », témoigne
Yoann Kassianides, président de l’Alliance pour la
confiance numérique (ACN), l’une des organisations
Portrait professionnelles de la filière.
Olivier Dellenbach, A 62 ans, Olivier Dellenbach aurait pu prendre sa
dans les locaux
de ChapsVision, retraite après la vente de sa société eFront, spé­
à Suresnes, cialisée dans les logiciels financiers, au fonds
le 27 septembre 2023,
par Bruno Levy BlackRock, en 2020, pour 1,3 milliard d’euros. Cou-
pour Challenges. ler des jours heureux à relire des albums de uuu
 Entreprise
Dellenbach, l’informatique En septembre 2018, lors du Paris Client Forum d’eFront, à Paris. Olivier Dellenbach
aurait pu prendre sa retraite après la vente de sa société spécialisée dans
comme moteur les logiciels financiers au fonds BlackRock, en 2020, pour 1,3 milliard d’euros.
Photo personnelle

En 1981, à l’Ecole polytechnique. Dans sa promotion Photos : SP

dominée par de futurs banquiers, le jeune matheux
sèche les cours pour construire des ordinateurs.

uuu bande dessinée, notamment les aventures du
pilote de course Michel Vaillant, dont plusieurs
planches couvrent les murs de son bureau. Mais pas
question de lâcher. Cet amateur de vitesse, qui se
lève tous les matins à 5 heures, a décidé d’offrir à son
pays un champion de la cybersécurité. « Je ne parti-
rai pas à la retraite avant d’avoir fait entrer Chaps-
Vision en Bourse », jure-t-il.
Mais après quoi peut bien courir Olivier Dellenbach ?
Sa fortune professionnelle est estimée à 250 millions
d’euros dans le dernier classement des fortunes de
Challenges. Ce n’est donc pas l’argent. « Chez Chaps-
Vision, je ne me verse pas de salaire », précise-t-il.
La reconnaissance ? « Je ne suis pas un animal
Ce qu’ils disent de lui
Marwan Lahoud, Alexandre Bilger, PDG de
ancien directeur Sinequa : « Quand il est en colère,
social », répète cet « ours » à longueur de journée à
son entourage. Un sentiment patriotique ? « Il y a
chez Olivier une conviction très ancrée », croit
savoir l’un de ses investisseurs, Marwan Lahoud,
directeur général délégué du fonds Tikehau Capital.
« La politique, je n’aime pas trop », nuance
l’homme qui se dit attaché à la souveraineté techno-
logique de son pays, mais reste un technicien dans
l’âme : « Je prends des données et j’en tire de la
valeur. » Après avoir fait toute sa carrière dans les
logiciels d’entreprises, cet ingénieur n’avait pas
besoin de croiser le fer avec les géants de la cyber-
sécurité. Pour comprendre, il faut revenir à l’époque
de son service militaire. « C’est une période que j’ai
adorée », se souvient-il. Lors de son arrivée à Poly-
technique, le « polar » est désigné comme chef de
section de combat. De cette époque, il gardera le
goût de la discipline et un certain attachement aux
valeurs de l’armée.

général délégué
d’Airbus : « Il n’y a
pas plus stratège qu’Olivier
Dellenbach. C’est un homme
à la fois étonnant et remarquable.
Il sait exactement ce qu’il veut.
En tant qu’investisseur, nous
avons topé avec lui en quinze
minutes, montre en main. »
Catherine Orphelin, sa directrice
de communication : « Ce n’est pas
un homme que vous verrez arriver
dans un cocktail et faire la bise
à tout le monde. Il n’aime que
Lionel Bonaventure/Afp
il est plutôt froid. Il va droit au but
et si l’on ne suit pas son chemin,
il peut se montrer tranchant.
Mais il m’a tout appris et je lui dois
énormément. »
Béatrice Dellenbach, son
épouse : « C’est quelqu’un de
prudent. Il peut gérer le stress et
il sait dans quoi il s’engage, même
s’il y a risque pour sa réputation,
il l’assume jusqu’au bout. »
Un concurrent, chez Palantir :
« Dans le secteur, il est encore
E
ntré à l’X en 1981, Olivier Dellenbach
appartient à la même promotion qu’Eli­
sabeth Borne, future Première ministre,
Frédéric Oudéa, futur patron de la Société
générale, Jean-Laurent Bonnafé, futur administra-
teur et directeur général de BNP Paribas. Avec les-
quels il ne partage pas grand-chose. « Je ne me sou-
viens même pas de les avoir rencontrés », balaie-t-il.
Dans cette promotion dominée par les futurs ban-
quiers, le jeune matheux est planqué à Cergy-
Pontoise avec ceux qu’il appelle « une bande de
hippies ». Déjà passionné de technologie, il sèche les
cours de l’école pour construire des ordinateurs. Les

le travail, même le dimanche. un peu neuf. Il fait rêver les autres

Quand il dit “Je suis un ours”, en rachetant de belles sociétés, premiers personnels viennent d’être créés par IBM.
il faut le croire, il le répète tout le monde veut être le prochain Il veut lancer une marque française, déjà une obses-
au moins six fois par jour. » sur la liste. » sion. Il présente son bébé lors d’un Salon informa-
tique, une machine baptisée Par Toutatis. Tout y est :

64  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 En 2022, entouré de l’équipe de Chapsvision, à Suresnes.
Ces derniers mois, le groupe a levé plus de 200 millions
d’euros, et pris le contrôle d’une quinzaine d’entreprises,
s’imposant parmi les poids lourds de la cybersécurité.
En 2019, avec son épouse
Béatrice, présidente d’HappyCap.
Pour soutenir les enfants qui
n’ont pas accès à la parole, comme
leur fille, le couple a créé une
fondation pour former les familles
à la communication alternative.
la bande dessinée, l’informatique, la France… Il va
jusqu’à décrocher un rendez-vous avec le patron de
Schneider sans le convaincre.
C
ette première expérience se solde par
un échec. Mais à 26 ans, Olivier
Dellenbach sait déjà ce qu’il veut.
« Je passais mes jours et mes nuits
à écrire des programmes », se sou-
vient-il. Peu séduit à l’idée de rejoin­
dre les grands corps, il se jette dans l’informatique.
Dès cette époque, il sent que le logiciel sera l’avenir
de la tech. En 1983, il lance Nat System, un envi­
ronnement de programmation destiné aux entre-
prises. Microsoft remarque la jeune société et
devient l’un de ses premiers clients. Le jeune PDG
est envoyé à Seattle pour travailler un an avec les
équipes de Bill Gates. « Nous lui présentions nos
produits de temps en temps », se souvient-il. En
1998, il revend la société au canadien Cognicase
pour quelques centaines de millions de francs. Une
belle somme, à l’époque, mais insuffisante à son
goût. « Ce sera l’un de ses grands regrets », se sou-
vient Alexandre Bilger, l’un de ses amis.
En pleine explosion de la bulle Internet, le jeune
Dellenbach s’accroche à son intuition. Avec quelques
anciens de Nat System, il crée eFront pour dévelop-
per des logiciels d’entreprises. Un flop jusqu’à ce la
Caisse des dépôts et consignations, l’un de ses ac-
tionnaires, lui commande un logiciel pour suivre ses
investissements et gérer ses rapports financiers.
L’ingénieur s’y colle. L’outil, ultra-efficace, devient
rapidement un standard dans l’industrie. Dans la
finance, ses clients s’en servent pour rapporter leurs
résultats à leurs investisseurs. « Olivier a senti le
marché, admire son cofondateur, Alexandre Bilger.
Le private equity commençait tout juste à explo-
Le 13 septembre 2023, avec
Stéphane Villard (Deloitte), lors des
6e Trophées des Futures Licornes, à
Paris. Le fondateur de ChapsVision
s’est positionné sur l’appel d’offres
de la décennie : un contrat à
40 millions d’euros avec la DGSI pour
remplacer le programme Gotham.
ser. » Les fonds de Venture Capital et les banques se
jettent sur son logiciel. Après le rachat par Black­
Rock, le voilà riche, au sommet de sa gloire. Mais un
sentiment d’inaccompli le travaille. Avec sa seconde
épouse, Béatrice, rencontrée chez eFront, ils ont un
premier enfant, Clara, atteinte d’un handicap mental.
Un choc pour le couple. « Notre fille n’a pas accès à
la parole », explique Béatrice Dellenbach. Nous
avons donc appris à communiquer. » La famille se
IL AIME forme à la langue des signes et utilise une tablette à
Coder. pictogrammes pour échanger avec elle. « Cette fra-
Les BD des gilité a beaucoup affecté Olivier, témoigne l’un de
années ses proches. C’est quelqu’un qui ne peut pas s’empê-
1970-1980. cher de chercher des solutions. » Sur leur temps
Le Coca light. libre, les deux parents se mettent en contact avec
Sa Tesla familiale. des associations et des groupes de parole. En 2019,
Bill Gates. ils montent la fondation HappyCap pour former
d’autres familles à la communication alternative. Un
IL N’AIME PAS
fonds de dotation est créé au nom de la fondation.
La politique.
M
Les cocktails
mondains. ais le couple veut aller plus loin. Selon
Le monde des ses propres mots, Olivier Dellenbach se
start-up. refuse à « mendier des cacahuètes » à
Dire « data » d’autres mécènes. Il préfère faire gran-
au lieu de dir ChapsVision, l’introduire en Bourse et utiliser les
« donnée ». dividendes pour assurer des revenus permanents à
Manager la fondation. Il réfléchit à un mécanisme pour que
les autres.
HappyCap puisse, un jour, bénéficier d’un bloc de
contrôle au sein de la société. Adosser une entre-
prise de cybersécurité à une fondation ? L’entrepre-
neur n’y voit aucune contradiction. « Nous avons
mis en place une doctrine très claire sur ce point,
se défend-il. Nous nous sommes séparés de certains
clients et nous avons établi une liste noire par
pays. » Pas d’interception de masse, ni de logiciels
d’intrusion à la Pegasus, le logiciel espion israélien
qui fait scandale. Surveiller, mais avec le cœur. •
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  65
Entreprise le Club Entrepreneurs Challenges - Grant Thornton
Quel est votre réseau de distribution ?
Directement sur notre site Internet.
Nous avons différents canaux d’ac­
quisition digitaux. Nous comptons
ainsi 1 million d’abonnés sur Tik­
Tok. Cela nous permet d’avoir au­
jourd’hui 30 000 clients et d’être
rentable depuis cet été. Cette année,
nous devrions boucler à 19 millions
d’euros de chiffre d’affaires. Et nous
visons 2 millions d’euros de béné­
fices en 2024.
Quelle est votre organisation ?
Nous avons créé l’entreprise
en 2018 et disposons de bureaux à
Paris. La moitié de nos 30 salariés
sont des développeurs qui travail­
lent sur une solution d’intelligence
artificielle afin de catégoriser les
demandes dans l’optique de valider
ou non les dossiers. Nous acceptons
45 % des clients pour ne pas avoir
d’impayés.

Mahema Productions
Votre activité nécessite-t-elle
beaucoup de fonds ?
Oui, effectivement, car nous possé­
dons un stock de 34 000 smartpho­
nes, ce qui équivaut à 25 millions
d’euros à financer. Nous avons levé

Mobile.club veut passer 12 millions auprès d’Eiffel Invest­

ment cette année. Auparavant, nous
avions levé 3 millions en 2018, puis

de 30 000 à 1 million
8 millions en début d’année auprès
de 130 business angels. Parmi eux,
Nicolas Julia (Sorare), Antoine

de clients d’ici cinq ans

Martin (Zenly), Alexandre Yazdi
(Voodoo), Xavier Niel ou encore
Antoine Arnault.
Qu’avez-vous appris de Save – que
Damien Morin, fondateur du réparateur de smartphones Save vous avez fondé –, cédé en 2017
suite à un redressement judiciaire ?
revendu en 2017, a créé sa deuxième entreprise afin de démocratiser
Je suis meilleur en gestion. J’ai créé
auprès des jeunes la location de téléphones reconditionnés. Save pendant mes études. Trois ans
plus tard, nous avions 500 employés
alors que je venais d’avoir 25 ans.
Challenges. Pourquoi avoir créé un jeunes actifs, âgés de 18 à 35 ans et Ma vision était bonne mais le mo­
La vidéo sur
service de location de smartphones ? Challenges.fr férus de nouvelles technologies, qui dèle de réparation de smartphones
Damien Morin. Il devient aujourd’hui peuvent changer de téléphones au avait été déployé un peu vite. Je
quasiment impossible pour un Fran­ bout de vingt mois. n’avais pas du tout assez d’indica­
çais moyen d’acheter un iPhone En quoi êtes-vous différent teurs financiers. Maintenant, cela
neuf, qui côute plus de 1 000 euros. d’un service d’engagement auprès n’a plus rien à voir.
Pour cette raison, nous pensons d’un opérateur ? Votre rêve de croissance ?
qu’un marché pour la location de En France, 80 % des gens optent Atteindre le million de clients d’ici
smartphones existe. Nos offres pour des forfaits sans engagement. cinq ans. Le marché est assez vaste
s’étendent de 19,90 euros à 55 euros A l’inverse, le choix de s’engager pour cela, même si Apple va s’y inté­
par mois, pour des modèles allant auprès d’un opérateur revient plus resser en Europe.  •
de l’iPhone 11 à l’iPhone 14 Pro Max cher au client que ce que nous pro­
reconditionnés, sans oublier la pos­ posons. En effet, le produit que
sibilité d’opter pour des Samsung. nous récupérons une fois la location UN PARTENARIAT
Une assurance « casse et vol » est Propos terminée a encore une valeur, nous
comprise dans notre service. Nous recueillis par permettant de concevoir des offres
nous adressons à des étudiants ou Adrien Schwyter de 30 à 40 % moins chères.

66  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

Arkema rend sa formule plus durable
A coups de cessions et d’acquisitions, l’ex-filiale de Total s’éloigne
de la chimie traditionnelle, et polluante, pour devenir un champion
des matériaux de pointe, moins cycliques et plus rentables.

S
ourire aux lèvres,
Thierry Le Hénaff
affiche la satisfac-
tion du devoir ac-
compli, ce 27 septembre, en
présentant le bilan de son
dernier plan stratégique et
ses ambitions pour 2028.
« Avec notre portefeuille de
solutions, nous sommes là
où nous voulions être », se
félicite le PDG d’Arkema.
Batteries, bio­c arburants,
électronique, life­style, habi-
tat : après plus de dix ans de
recomposition de son porte-
feuille de matériaux, le fleu-
ron français de la chimie est
bien placé pour tirer profit
de la montée en puissance
du développement durable
dans la plupart des secteurs
éco­nomiques.
Scindé de Total en 2006, le
groupe s’est diversifié à tour
de bras. A coups de cessions
d’activités de commodités,
comme les produits à base
de vinyle (PVC), et d’acqui-
sitions de nouveaux maté-
Vincent Colin
désengagement du reste de
Dans l’usine Arkema nos activités de chimie in-
de Pierre-Bénite, termédiaire, les gaz fluorés
au sud de Lyon. et les acryliques en Chine »,
Le groupe s’efforce
de « verdir » son précise le PDG du groupe,
portefeuille, mais qui a investi 650 millions
reste empêtré dans d’euros par an dans son ou-
les polémiques sur til industriel et prévoit d’y
les « polluants réinjecter 3,8 milliards
éternels » dans la d’ici à 2028, pour accélérer
Vallée de la chi­mie.
aux Etats-Unis et en Asie.
Selon Jörg Ohleyer, associé
chez Kea & Partners,
« l’équation pour Arkema,
comme pour son concur-
rent belge Solvay, est de re-
trouver une maîtrise et une
souveraineté dans les maté-
riaux de demain, tout en
faisant des choix économi-
quement viables ».
Polyamide biosourcé
Parmi ses produits phares,
on trouve le rilsan, un poly-
amide 100 % biosourcé, issu
de la plante de ricin. Il sert
dans la fabrication de câbles
électri­ques, robots ména-
gers, brossettes de mascara

riaux plus rentables et da- ou canalisations d’eau.

vantage en phase avec les Autre exemple, l’élastomère
préoccupations de ses Pebax a conquis les plus
clients. En s’éloignant toujours un Ashland en 2022 et le sud-coréen grands noms du sport, comme
peu plus de la chimie traditionnelle. Piam, leader mondial des films poly- Decathlon qui l’utilise dans ses bas-
« Nous avons concentré nos moyens amides utilisés dans les téléphones kets Kiprun KD900X. « Nous recher-
sur une dizaine de technologies clés mobiles et voitures électriques, l’été chions un matériau qui allie légè-
à fort potentiel de croissance », ré- dernier. « [Arkema] a longtemps été 2022, ANNÉE reté et dynamisme avec une
sume Thierry Le Hénaff. Une ma- le vilain petit canard avec une part RECORD contrainte de durabilité », explique
nière d’être moins dépendant des importante de son activité dans les 11,5 milliards Anthony Dulieu, le directeur de la
soubresauts de la conjoncture mon- marchés cycliques avant de devenir d’euros de marque.
diale ? Du fait de la baisse de la de- une entreprise beaucoup plus rési- chiffre d’affaires. S’il s’efforce de « verdir » son porte-
mande, le bénéfice net du groupe a liente », salue une note d’analyse 18,3 % feuille, Arkema reste empêtré dans
plongé de 61 % au premier semestre d’AlphaValue. d’Ebitda. les polémiques sur les « polluants
de l’année 2023. Depuis sa création, Arkema a dou- 650 millions éternels », ces composants quasi
blé son chiffre d’affaires (11,5 mil- d’investissement indestructibles trouvés dans l’eau
Double équation liards d’euros en 2022) et sa marge industriel. du Rhône. Une nouvelle plainte a
Le rachat de Bostik pour 1,7 milliard d’Ebitda a grimpé de 7,3 à 18,3 %. SOURCE : ARKEMA. été déposée en mai par des associa-
d’euros en 2015, numéro trois mon- Les matériaux de spécialité génére- tions et maires contre le groupe
dial des adhésifs, a marqué un tour- ront 100 % du chiffre d’affaires pour atteintes à la santé et à l’envi-
nant. Depuis, le groupe a enchaîné en 2024, contre 91 % l’an dernier. ronnement sur son site de Pierre-
les belles prises, dont l’américain « Nous devons encore finaliser le Bénite.  Isabelle de Foucaud

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  67

Santé & sciences

Eradiquer le paludisme
grâce aux moustiques
Une bactérie présente chez certains
insectes empêche la reproduction du parasite
et les rend inoffensifs pour l’homme.

U
ne équipe de l’école de
santé publique Johns-
Hopkins à Baltimore étu-
diant des moustiques vec-
teurs du paludisme s’est aperçue
que certains d’entre eux portaient
moins de parasites que d’autres. En
cause ? Une bactérie naturelle iden-
tifiée dans le microbiote intestinal
de ces insectes, appelée Delftia
­tsuruhatensis. Celle-ci empêche le
cycle de reproduction du parasite
dans le système digestif des mous-
tiques, rendant ces derniers inoffen-
sifs pour l’homme.
La bactérie présente surtout de
Microbiote
intestinal d’un
nombreux atouts pour devenir un
insecte. La bactérie outil de biocontrôle contre cette
Delftia tsuruhatensis maladie parasitaire touchant
s’y niche, mais 247 millions de personnes chaque
Dennis Kunkel Microscopy
De plus, contrairement aux insecti-
cides, Delftia tsuruhatensis ne joue
pas sur la reproduction et évite la
sélection de moustiques résistants.
Dans des enclos de 10 mètres sur 10,
recouverts d’un filet à 5 mètres de
hauteur, les chercheurs ont repro-
duit des conditions climatiques am-
biantes très proches de celles des
zones fortement touchées par le
paludisme au Burkina Faso. Dans
ces enceintes, laisser traîner des
boules de coton imbibées de sucre
et de Delftia tsuruhatensis a suffi à
contaminer les trois quarts de la
population de moustiques avec la
bactérie pendant la nuit.
Cette manipulation en milieu confi-
né offre ainsi un espoir sérieux de
contrôler la prolifération du parasite

n’a aucun effet sur année dans le monde. D’abord, sa
la survie du présence n’a aucun effet sur la sur-
moustique ou son
alimentation.
vie du moustique ou son alimenta-
tion. Et elle ne peut pas se trans-
mettre à l’humain par une piqûre.
Plasmodium. Des tests grandeur
nature vont maintenant être menés
sur le terrain. Les scientifiques
comptent bien avancer vers l’éradi-
cation totale du paludisme. •

L’aimant le plus puissant

de l’Univers
Le champ magnétique de l’étoile HD 45166 se révèle
considérablement supérieur à celui du Soleil.

H
D 45166 est l’étoile massive,
deux fois la masse du
­Soleil, la plus magnétique
jamais observée. Son champ est
estimé à 43 000 Gauss, des dizaines
les champs magnétiques. L’astre est
connu depuis une centaine d’an-
nées en raison de son comporte-
ment qui ne correspond pas aux
modèles classiques d’évolution
Eso

de milliers de fois plus que le Soleil, d’étoiles.

selon une équipe d’astronomes de
l’université d’Amsterdam. Leurs
observations ont été réalisées à
l’aide d’un instrument du télescope
Canada-France-Hawaii (CFHT)
­capable de détecter et de mesurer
68  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
Selon les chercheurs, cela s’ex- L’étoile HD tar, une étoile à neutrons dotée d’un
plique donc par l’intense champ 45166. En fin champ magnétique plus élevé en-
magnétique qui l’entoure et per- de vie, elle devrait core, des centaines de milliards de
s’effondrer
turbe son rayonnement. Cette étoile pour former
Gauss. Elle est donc en passe de
en fin de vie devrait s’effondrer sur un magnétar. constituer l’un des aimants les plus
elle-même pour former un magné- puissants de l’Univers. •
 Un nouveau virus

B. Delessard/Challenges
dans les abysses
La veille de
GILLES FONTAINE
Rédacteur en chef à Challenges

A l’avenir, l’internaute vendra

Su et Al

A 8 900 mètres de profondeur, dans

ses données contre de la publicité
la fosse des Mariannes (Pacifique

L
nord-ouest), des chercheurs ont ’idée déclenche la polémique,
identifié un nouveau virus baptisé le fantasme, ou l’enthousiasme.
vB_HmeY_H4907, le plus profond
jamais découvert. Il ne présente
Et si les marques payaient
les consommateurs pour leur

Stéphane Lagoutte/M.Y.O.P pour Challenges

pas de risque pour l’humain puisqu’il
est bactériophage. Les chercheurs envoyer des publicités ciblées ?
l’ont d’ailleurs trouvé en analysant La démarche est moins honteuse que
des bactéries infectées. de faire suivre les internautes par des
armées de cookies ou de les bombarder
Le reptile qui mangeait de fenêtres de pop-up pour décrocher
comme une baleine leur permission d’être fliqués. Le règlement
général européen sur la protection
des données a considérablement durci
les règles en la matière et sifflé la fin
Luc Julia. Le spécialistes de l’IA a cofondé
Wuhan Center of China Geological Survey

du grand n’importe quoi. ConsentPlace, une start-up vendant

A terme, c’est la fin pure et simple
des cookies qui s’annonce. Et l’alternative
pour les marques est simple : retourner
à la pratique bien moisie du spam en
inondant les boîtes mail et les sites Web
de publicités non sollicitées. Ou trouver
une nouvelle façon, plus civile, d’obtenir
le consentement des internautes. C’est sur
Deux fossiles de Hupehsuchus cette deuxième possibilité que planche
nanchangensis, reptile marin vieux
de 249 millions d’années, ont été
la start-up ConsentPlace, fondée par trois
découverts en Chine. Le crâne intact gloires françaises de la Silicon Valley :
de l’un d’eux révèle des mâchoires Freddy Mini, ancien patron de Netvibes,
dépourvues de dents ainsi que racheté par Dassault Systèmes, et les deux
des rainures similaires à celles spécialistes de l’intelligence artificielle
des baleines à fanons. Sa cavité Grégory Renard et Luc Julia, chroniqueur
buccale extensible évoque une
alimentation par filtration de l’eau,
à Challenges. Le site est opérationnel
comme les baleines. en version bêta depuis le 25 septembre
dernier. Le principe de valoriser le
consentement de l’utilisateur n’est pas
4 805,59 mètres nouveau. Freddy Mini a exhumé une note
C’est la nouvelle altitude du d’Orange intitulé « Future of Trust »,
Mont-Blanc. Le plus haut datant de septembre 2014, qui le présentait
sommet d’Europe à Chamonix comme la meilleure solution au dilemme
a rapetissé de 2,22 mètres depuis de la population digitale. Et l’idée a fait
la précédente évaluation de 2021
(4 80,81 mètres), loin de son plus
son chemin, selon lui, puisque 70 % des
haut niveau, atteint en 2007 consommateurs européens ou américains
(4 810,90 mètres). Sous les neiges sont prêts à partager leur consentement
éternelles, le sommet rocheux, lui, s’ils sont rémunérés. Ils sont réellement
culmine toujours à 4 792 mètres. intéressés à partir de 10 euros par mois.
Et 94 % des marketeurs accepteraient
Rubrique réalisée de payer pour une telle donnée qualifiée.
avec la rédaction de Reste à savoir comment calculer la valeur
sciencesetavenir.fr
des adresses mails vérifiées à des marques.
de ce consentement. Une adresse
électronique validée vaut 25 cents,
mais son prix peut atteindre plusieurs
dizaines de dollars si elle est attachée
à un centre d’intérêt. Une personne sur
le point d’acheter une voiture de sport,
par exemple, pourra monnayer chèrement
son mail. Car c’est toute l’originalité
du modèle économique de ConsentPlace :
dans cette foire à la data, c’est l’internaute
qui fixe son prix pour l’utilisation de ses
données. La marque choisit d’acheter ces
consentements quel que soit leur prix
ou fixe un prix plafond. Et paye 25 %
de commission à la start-up, en plus de la
somme versée au consommateur. Les trois
compères pensent ainsi avoir trouvé
le modèle de plateforme qui s’imposera
bientôt à l’industrie de la publicité en ligne,
respectueux de la réglementation puisque
le consentement n’est pas donné
définitivement mais loué pour une durée
de 60 jours. Et pour rassurer les
utilisateurs, ConsentPlace utilise une
blockchain qui permet de tracer tous les
paiements des marques. Plusieurs grands
groupes ont déjà signé pour voir. A charge
pour les trois start-uppers de créer le buzz
pour convaincre les internautes de vendre
leurs précieuses adresses. •

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  69

 B E L L E S A D R E S S E S – À
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 Reflux général P. 72
Ludwig Wallendorff/Réa (photomontage Challenges)

L’interview de Patrice Vergriete,

ministre chargé du Logement P. 73
La bataille pour le crédit P. 76 L’ÉTAT DU MARCHÉ
Acheter les murs, pas le foncier P. 80 Les prix à Paris P. 88
Vendre discrètement en off market P. 82 Les prix en banlieue parisienne P. 100
Les clés de la location sans heurt P. 84 Les prix en régions P. 108


2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  71
En couverture

SPÉCIAL IMMOBILIER

REFLUX
GÉNÉRAL
Surpris par la vitesse de remontée des taux, le marché s’ajuste dans la
douleur. Partout, les ventes ralentissent en attendant une baisse des prix
suffisante. Paris, banlieues, régions : nos conseils et nos estimations.

C
’est une paren-
thèse d’environ
dix ans qui s’est
refermée en dé-
but d’année : de-
puis la fin 2013,
le taux moyen
des prêts immo-
biliers (hors assurance et toutes
durées d’emprunt confondues)
s’était placé sous le seuil des 3 %,
descendant même quasiment à 1 %
fin 2021, selon les données histo-
riques de l’Observatoire Crédit
Logement/CSA. Mais le robinet du
crédit qui coulait à grands flots
presque gratuitement, en tenant
compte de l’inflation, c’est fini. Le
taux moyen sur vingt ans dépasse
même aujourd’hui les 4 %. « La ca-
pacité d’emprunt des ménages a
ainsi chuté de 25 % », calcule Julie
Bachet, directrice générale du ré-
seau de courtage Vousfinancer.
Fin des plus-values
Ce revirement de situation, rapide
Dossier et brutal, a pris par surprise acqué-
coordonné reurs et vendeurs. Pour les pre-
par Virginie
Grolleau miers, à la flambée des taux d’inté-
rêt se sont ajoutées les nouvelles
normes d’obtention des crédits
édictées par le Haut conseil de sta-
bilité financière (lire page 76). Bon
nombre d’entre eux se sont vu refu-
ser leur demande de prêt ces der-
niers mois, notamment les investis-
seurs locatifs. Résultat, sur un an, le
nombre d’emprunts accordés a
chuté de près de 44 %. Pour les se-
conds, c’est la douche froide : ceux
qui pensaient revendre bien plus
cher que le prix d’achat en sont par-
fois pour leurs frais. Certes, depuis
plus de vingt ans, nonobstant les à-
coups de 2008 (crise des sub-
primes) et 2011 (crise financière),
les prix de l’immobilier n’ont cessé
d’augmenter, parfois de plus de
200 %. Et dès 2020, passé la crise
sanitaire, l’appel de la mer et du
vert avait enflammé les zones cô-
tières et les villes moyennes.
Las, les vendeurs doivent se placer
aujourd’hui dans une optique radi-
calement opposée et revoir à la
baisse leurs prétentions. « Il 

Un couperet brutal
Prix moyen dans l’ancien en France Evolution des taux (en %) Nombre de logements neufs cumulés La rapide hausse
(en euros par m2) sur douze mois des taux, menée
6
4500 5,80 (en milliers, données brutes) depuis 2022 par
550
5 379 900 la Banque centrale
Appartements 4,10
4000 Logements autorisés européenne pour
4 500
4 198 contenir l’inflation,
3500 Taux d’usure et les règles d’accès
3 à vingt ans 450
au crédit ont stoppé
3000
2
3,43
2 636 Taux moyen les projets des
400 acquéreurs dans
2500 1
sur vingt ans
l’ancien comme
2000 Maisons Obligation 350 dans le neuf, faute
0
d’Etat Logements de prêt. Les prix
1500 -1 à dix ans 300 commencés 319 500 entament un
2013 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 2020 2021 2022 2023 2013 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 atterrissage net.
SOURCE : CENTURY 21. SOURCE : MEILLEURTAUX. SOURCE : SIT@DEL/SDES.

72  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023


Patrice Vergriete, ministre chargé du Logement.
Il faut permettre
aux banques de faciliter
l’accès au crédit
Challenges. Le logement est en
crise : quelles sont vos priorités ?
Patrice Vergriete. Lors de mon arri-
vée au ministère, le 20 juillet dernier,
et dans la continuité des annonces
de la Première ministre, j’ai pris des
mesures pour amortir le choc de la
hausse brutale des taux tout en lan-
çant de premiers chantiers structu-
rels pour repenser les fondamentaux
de la production de logements. Dans
le cadre du projet de loi de finances
pour 2024, nous avons renforcé et
élargi le prêt à taux zéro pour accom-
pagner l’accession et créé des abatte-
ments sur les plus-values de cessions
foncières pour lutter contre la réten-
tion des terrains. Nous avons pris
plusieurs dispositions pour dévelop-
50 % du projet. Plus de 200 com-
munes viennent d’être reclassées,
dont 154 en zone tendue. Au final,
6 millions de foyers supplémentaires
pourront en bénéficier.
La production de crédit a chuté de
40 %, comment relancer la machine ?
Nous continuons avec le ministre de
l’Economie et des Finances, Bruno
Le Maire, d’échanger avec le gouver-
neur de la Banque de France, Fran-
çois Villeroy de Galhau, pour le
convaincre non pas d’assouplir les
normes d’octroi de crédit, car il ne
faut pas entraîner les Français dans
le risque de surendettement, mais
de tenir compte de certaines situa-
tions pour faciliter l’accès au crédit
et redonner plus de souplesse aux
banques. Il faut aussi que celles-ci
jouent leur rôle en utilisant toutes
les flexibilités qui existent pour prê-
ter davantage aux ménages.
Stéphane Lagoutte/MYOP pour Challenges
Quid de la réforme de la fiscalité
de l’investissement locatif ?
Il y a eu de nombreux débats durant
l’été sur des ajustements de la fisca-
lité des meublés touristiques, un su-
jet complexe qui doit être approfon-
di. Afin de pouvoir analyser tous les
effets de bord, j’ai proposé à Elisa-
beth Borne de lancer une mission
parlementaire sur la refonte de la
fiscalité locative qui rendra ses
conclusions en février. Je travaille
aussi aux côtés des parlementaires
pour que les collectivités disposent
d’outils de régulation du marché, car
tous les territoires ne sont pas
confrontés aux mêmes enjeux.
Quels sont les infléchissements
à venir sur la politique du logement ?
Je veux la refonder : il faut notam-
per l’offre de logements locatifs in- ment qu’elle soit plus différenciée
termédiaires – 10 à 15 % moins chère territorialement. Les besoins locaux
que les loyers de marché –, et avons sont très hétérogènes, selon que l’on
trouvé un accord avec le mouvement est en Ile-de-France et dans des
HLM pour soutenir la production et zones qui se réindustrialisent, où il
accélérer la rénovation des loge- faut mettre l’accent sur la construc-
ments sociaux. tion, ou dans des communes comme
Quels sont les nouveaux contours Lunéville et Montluçon, où il faut
du prêt à taux zéro ? doter les acteurs de terrain de
Nous allons consacrer 800 millions moyens pour lutter contre la déser-
d’euros à ce dispositif, qui, au lieu tification des centres-villes et la va-
d’être supprimé en fin d’année, va cance. La refondation de la politique
être prolongé jusqu’en 2027. Il sera du logement passera aussi par une
recentré sur les achats d’apparte- clarification du modèle de ville que
ments neufs en zones tendues et de nous voulons bâtir à l’avenir. Nous
tous les logements anciens avec tra- apporterons des réponses dans le
vaux en zones détendues. Revu à la projet de loi sur le logement prévu
hausse, son montant pourra aller au printemps prochain.
jusqu’à 100 000 euros et représenter Propos recueillis par Virginie Grolleau 
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  73
En couverture
 n’est plus possible de re-
mettre sur le marché sa résidence
principale au bout de deux ou
trois ans en espérant amortir les
frais de notaire », constate Charles
Marinakis, président de Century 21.
L’immobilier ancien a donc subi un
gros coup de frein. « Si le volume
des transactions a globalement
chuté de 20 %, les prix, eux, n’ont
reculé que de 5 % environ »,
constate Yann Jéhanno, président
du réseau Laforêt. Un repli insuffi-
sant pour compenser la baisse de la
capacité d’endettement : selon
Orpi, il faudrait que les prix baissent
d’au moins 10 % pour que le marché
se fluidifie un peu.
Stocks en hausse
Pour l’instant, « la baisse des prix
est plus marquée là où ceux-ci
avaient le plus augmenté », sou-
ligne Thomas Lefebvre, directeur
scientifique de la plateforme
MeilleursAgents. Et de citer Lyon
(- 8,4 % sur un an), Bordeaux (- 8,3 %),
Nantes (- 5,1 %) ou Paris (- 4,8 %), tan-
dis que les prix restent relativement
stables à Toulouse, Strasbourg ou
Lille (de - 0,7 % à + 0,5 %). Seules
continuent de progresser Nice
(+ 6,3 %) et Marseille (+ 2,3 %). En
attendant, le stock de logements
cherchant un nouveau proprié-
taire se gonfle. « Le volume d’an-
nonces a bondi de 45 % sur un
an et leur durée de publication
en ligne est passée de 54 à
67 jours en moyenne », relève
Philippe de Ligniville, directeur gé-
néral adjoint du portail Bien’ici.
Contraints par les emprunts, et
alors que les prix n’ont pas assez
reculé, les primo-accédants restent
à la porte, coincés dans un marché
locatif tendu (lire page 84). « Sont
présents ceux qui peuvent payer
cash, profitant de l’épargne accu-
mulée lorsque les taux étaient à 1 %
et qu’il était préférable d’emprun-
ter, ou les secundo-accédants avec
un bon apport personnel », re-
marque Yann Jéhanno. Les autres
doivent être plus agiles et faire des
concessions, et non des moindres :
sur l’emplacement, sur la surface ou
sur les travaux… Un phénomène
s’est par ailleurs imposé : la prise en
Pôle Habitat FFB
compte de la note du logement à
l’issue du diagnostic de perfor-
mance énergétique. Pour ceux qui
74  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
Résidence en construction à Montpellier, en mai 2023. Faute d’acheteurs, les démarrages de chantier
ont chuté de 37 % en août. Mais les prix ne baissent pas à cause de l’inflation sur les matériaux.
obtiennent une étiquette F ou G
– les passoires thermiques –, la dé-
cote est beaucoup plus importante,
de l’ordre de 10 à 20 %, afin de tenir
compte des travaux à venir.
Dans le neuf, la situation est encore
plus critique. La contraction du cré-
dit, conjuguée à la fin annoncée du
dispositif de défiscalisation Pinel
l’an prochain, a entraîné une aug-
mentation du taux de désistement,
qui dépasse les 40 % chez les pro-
moteurs. « Nous essayons d’ac-
compagner au mieux les clients
pour les rassurer, mais les dé-
lais de vente s’allongent », ex-
plique Chloé Beauvallet, directrice
générale adjointe de Cogedim.
Les Contrairement à l’ancien, les prix ne
ventes baissent pas, même si les promo-
de maisons teurs multiplient les gestes com-
neuves ont merciaux. Une résistance liée à la
chuté de hausse des coûts de construction,
39 %, c’est notamment des matériaux, et à l’en-
cataclys- trée en vigueur des nouvelles
mique.
Et cela normes environnementales.
ne va pas Conséquence : le secteur du loge-
s’améliorer ment neuf est au plus bas. Les per-
car elles sont mis de construire ont chuté de près
exclues du de 28 % et les démarrages de chan-
prêt à taux tier de 37 % à fin août sur un an, selon
zéro. le ministère de la Transition écolo-
gique. « Nous retardons le lance-
GRÉGORY ment de projets qui peineraient à
MONOD,
PRÉSIDENT DU trouver preneur dans les conditions
PÔLE HABITAT DE actuelles », confie Olivier Durix, di-
LA FÉDÉRATION
FRANÇAISE recteur général des offres & clients
DU BÂTIMENT. chez Bouygues Immobilier. Pour
ceux qui rêvaient de faire construire
Nicolas Guyonnet/Hans Lucas via AFP
une maison, c’est « cataclysmique,
déplore Grégory Monod, président
du pôle habitat de la Fédération
française du bâtiment. Les ventes de
maisons neuves ont chuté de 39 %
sur douze mois à fin août et le
s ecteur devrait comptabiliser
70 000 ventes cette année, contre
122 000 en moyenne entre 2007
et 2022. Et cela ne va pas s’amélio-
rer, puisque la maison neuve est
exclue de la prochaine mouture du
prêt à taux zéro ». Celui-ci sera ré-
servé aux appartements neufs en
zones tendues (lire page 73).
Hésitations dans le premium
Seul l’immobilier de luxe semble
avoir échappé au marasme. Les
biens d’exception sans défaut, déco-
rés jusqu’à la petite cuillère à café,
situés dans les meilleurs emplace-
ments de Paris ou de la Côte d’Azur,
continuent de susciter les convoi-
tises des acquéreurs français et
étrangers, de 5 à 50 millions d’euros.
Mais pour ceux entre 1 et 5 millions
d’euros, « 2024 devrait être une
année plus compliquée, pronostique
Alexander Kraft, PDG de Sotheby’s
International Realty France & Mona-
co. La baisse des prix devrait aussi
affecter le haut de gamme, car les
acquéreurs se montrent un peu
plus hésitants compte tenu du
contexte économique internatio-
nal ». A moins qu’ils ne trouvent,
une fois de plus, valeur refuge dans
la pierre. Virginie Grolleau 
En couverture

La bataille pour retrouver

le chemin du crédit
Taux d’endettement à 35 %, apport personnel, taux d’usure…
La production de prêts, principal frein sur le marché, est à l’arrêt. Face à des
banques encore frileuses, obtenir un financement est un parcours incertain.

I
mpossible n’est pas français, dit
le dicton. Ce n’est pourtant pas
ce qu’affirment les aspirants à la
propriété depuis un an, face
aux multiples refus essuyés pour
l’obtention d’un prêt immobilier. Les
chiffres sont là pour en attester :
« On est passé sous la barre des
10 milliards d’euros de crédits par
mois. La production est en recul de
50 % depuis le début de l’année »,
précise Caroline Arnould, directrice
générale du courtier Cafpi. A l’ori-
gine de cet effondrement, des
banques très frileuses pour ouvrir
les vannes. D’abord en raison du ni-
veau du taux d’usure qui, durant de
longs mois, les a mécaniquement
empêchées de distribuer des prêts,
Les bonnes pratiques pour décrocher son prêt
puis à cause de la nouvelle régle-
mentation du Haut conseil de stabi-
lité financière (HCSF), qui impose
notamment de limiter à 35 % (assu-
rances comprises) le taux d’endette-
ment des candidats à l’achat.
Aujourd’hui, le taux d’usure – que la
Banque de France a remonté à 5,8 %
en octobre pour les emprunts sur
vingt ans et plus – n’est plus un frein
au regard des grilles de taux d’inté-
rêt, autour de 4 à 4,5 %. En revanche,
le seuil des 35 % est plus que jamais
en ligne de mire des prêteurs et li-
mite nombre de dossiers. « Le nou-
veau contexte de taux permet aux
banques de recommencer à prêter,
observe Ludovic Huzieux, président
d’Artémis Courtage. Malgré tout, on
constate toujours un problème de
flux et un mouvement de crispa-
tion. » Selon lui, le principal fautif
« Il faut n’est autre que ce seuil couperet de
supprimer 35 %. « En conséquence, les crédits
l’impératif sont plus rares et plus chers, pour-
des 35 %, suit-il. Un coup dur pour les primo-
accédants : de 45 % de nos dossiers,
édicté ils sont passés à 37 %. »
fin 2019
dans un Mobilisation bancaire
contexte de Le HCSF a prévu de se réunir début
décembre. Certains veulent croire
taux bas.» que l’organe public pourrait appor-
Pierre Chapon, ter quelque flexibilité à ce seuil. « Il
fondateur faut supprimer l’impératif des
de Pretto. 35 %, édicté fin 2019 dans un
contexte de taux bas et au moment
où les Français disposaient d’un
important montant d’épargne,
plaide Pierre Chapon, fondateur du
courtier en ligne Pretto. Il faut reve-
nir à l’usage des banques qui regar-

P
our optimiser ses
chances, il faut d’abord
utiliser toutes les
ressources susceptibles
d’abaisser le taux
d’endettement, comme un
PEE ou toute autre forme
d’épargne salariale.
L’acquisition de la résidence
principale permet un
déblocage par anticipation de
ces placements. Il faut aussi
solliciter les nombreuses
possibilités de prêts aidés :
prêt patronal, prêt à
l’accession sociale (PAS),
prêt à taux zéro (PTZ). Voué
à disparaître en 2024, le PTZ
sera finalement amélioré
pour les ménages les plus
modestes, avec des
plafonds revus à la hausse.
Il pourra ainsi atteindre
100 000 euros et concernera
davantage de villes. En
revanche, il reste exclu pour
la construction de maison
individuelle, « par souci
écologique ». Plusieurs
banques ont annoncé
qu’elles favoriseraient cette
offre. Le recours au PEL
octroie, lui, un taux à 2,20 %
sur quinze ans pour
92 000 euros maximum,
pour les contrats ouverts
entre le 1er août 2016 et
le 31 décembre 2022. Par
ailleurs, rembourser tous les
petits prêts est un préalable
indispensable. Il est aussi
recommandé de négocier
avec son banquier le taux
de l’assurance-emprunteur.
Depuis la loi Lemoine
facilitant sa résiliation au
profit de la concurrence, les
banques sont prêtes à faire
des efforts. La réduction
de ce coût abaisse
mécaniquement le taux
d’endettement total (TAEG).
Lorsque c’est possible, l’aide
de la famille est précieuse,
via des dons, présents
d’usage ou prêts qui
pourront servir d’apport,
quasi nécessaire pour
obtenir l’aval bancaire. Il est
enfin primordial de soumettre
son projet à plusieurs
banques, chacune ayant ses
critères, et viser plusieurs
catégories : généraliste,
mutualiste… Dans cette
optique, il faut faire très
attention à la nature de ses
dépenses trois mois avant le
dépôt du dossier (ni jeux,
ni investissements dans des
cryptomonnaies…), car les
relevés seront épluchés. •
daient le niveau d’endettement
mais aussi le reste à vivre. Il va
falloir que ça bouge ! » Même reven-
dication à Meilleurtaux. « Il faut
faire sauter les verrous, souhaite
Maël Bernier, sa directrice de la
communication. Faire évoluer le
taux maximal d’endettement en
faisant confiance aux banques ne
coûterait rien à l’Etat. Nous
sommes parti en croisade sur ce
sujet, d’autant que le pire est der-
rière nous. »
Sentiment partagé par Cécile Roque-
laure, directrice des études et de la
communication d’Empruntis, pour
qui le marché du crédit s’est stabilisé
depuis la rentrée, alors que les
banques demeurent toutefois plus
restrictives qu’avant la crise sani-
taire. « La crise du logement, elle, ne
s’améliore pas du tout. Elle uuu

76  CHALLENGES N°804 - 2 novembre 2023

En couverture

Les offres de dix grands réseaux

POUR UN PRÊT DE 200 000 EUROS POUR UN PRÊT DE 500 000 EUROS
SUR 20 ANS SUR 25 ANS
BANQUE Coût total Coût total
Taux fixe Mensualités du crédit Taux fixe Mensualités du crédit
(nominal) (en euros) (en euros) (nominal) (en euros) (en euros)

Banque Palatine 4% 1 212 90 871 4,20 % 2 695 308 413

La Banque postale 4,05 % 1 217 92 137 4,25 % 2 709 312 607

Caisse d'épargne Normandie 4,10 % 1 223 93 406 4,25 % 2 709 312 607

Crédit mutuel du Sud-Ouest 4,10 % 1 223 93 406 4,25 % 2 709 312 607

Caisse d'épargne Ile-de-France 4,20 % 1 233 95 254 4,40 % 2 751 325 258

Caisse d'épargne Franche-Comté 4,20 % 1 233 95 254 4,30 % 2 723 316 812

CIC 4,20 % 1 233 95 254 4,45 % 2 765 329 497

BNP Paribas 4,25 % 1 238 97 233 4,40 % 2 751 325 258

Crédit agricole Ile-de-France 4,25 % 1 238 97 233 4,45 % 2 765 329 497

Banque populaire Val de France 4,30 % 1 244 98 814 4,40 % 2 751 325 258
Simulations effectuées pour un prêt à taux fixe avec 20 % d’apport, hors garantie et assurance. SOURCE : CHALLENGES.

 était d’ailleurs déjà en prépa- L’effondrement de la production de avec un revenu mensuel de 3 000 eu-
ration depuis longtemps en raison crédits a une autre explication : une ros pouvait emprunter 270 000 euros
de la trop faible production de loge- demande en berne. Et pour cause, en janvier 2022, 210 000 euros en jan-
ments. » Malgré un retour progressif les coûts d’endettement ont explosé vier 2023 et… 181 000 euros en sep-
des banques sur le marché du crédit, avec la hausse brutale des taux d’in- tembre 2023. Pour 15 000 euros de
un critère demeure essentiel pour térêt. Poussant nombre de ménages revenus net mensuels, la différence
obtenir gain de cause : l’apport per- à surseoir à leur projet d’acquisition. est tout aussi criante, passant de
sonnel. « Emprunter sans apport Selon les calculs d’Artémis Cour- 1,35 million en janvier 2022 à
est devenu impossible, constate tage, pour un emprunt sur 25 ans, 900 000 euros en septembre 2023.
Caroline Arnould, de Cafpi. Celui-ci avec 33 % d’endettement, un foyer
doit dorénavant représenter entre Projets remaniés
20 et 30 % des montants empruntés, Certains acquéreurs persistent dans
contre 18 % en 2022. Et ce, alors que leur projet d’achat, mais réduisent la
les banques apprécient ceux qui taille du logement ou s’éloignent
conservent une épargne résiduelle, dans une zone moins tendue. « Les
hors remboursement du crédit. » Ce prix ne s’effritent pas suffisam-
que bon nombre de ménages ne ment pour permettre aux candi-
peuvent se permettre. dats de maintenir en l’état leur
projet, indique Michel Mouillart,
Le financement avant l’achat auteur de l’Observatoire Crédit Lo-
« Le temps où les candidats à l’ac- gement/CSA. Il est ainsi constaté
cession choisissaient un bien et une évolution à la baisse des de-
Vincent Bourdon

allaient ensuite voir leur banque mandes de crédit, quels que soient
pour le financer est révolu, indique les revenus et la situation géogra-
Estelle Laurent, responsable de la phique. » Une situation que nuance
communication de Credixia. Au- Pierre Chapon : « Il est intéressant
jourd’hui, il faut d’abord sécuriser CAROLINE ARNOULD, de noter que les productions de cré-
DIRECTRICE GÉNÉRALE DE CAFPI.
son emprunt et signer ensuite le dit baissent plus (- 50 %) que les
compromis de vente. » Certains éta- Début décembre, transactions (- 20 %). Ce qui dé-
blissements bancaires acceptent le HCSF se réunit. montre que certains acheteurs
pourtant des dossiers sans apport Nous espérons une réussissent toutefois à finaliser leur
« lorsque le profil du candidat est mesure d’allègement projet d’acquisition dans un
sur le seuil maximal
bon », fait remarquer Cécile Roque- de 35 % d’endettement. contexte de prix modérément bais-
laure. C’est le cas depuis septembre sier. » De quoi donner une lueur
de La Banque postale. d’espoir. Pascale Besses-Boumard 

78  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

En novembre, redonnez le sourire
à tous les enfants en déposant
vos jouets dans votre agence
CENTURY 21 la plus proche.
 En couverture
Acheter ses murs, pas le foncier
Nouveau dispositif social d’accès à la propriété, le bail réel et solidaire
permet de réduire le prix au mètre carré de 25 à 40 %. Des programmes
adoptant ce système se développent, surtout en zones tendues.
Michel Caumes
E
t si vous deveniez proprié-
taire des murs de votre
logement… mais pas du
terrain en dessous ? C’est
ce que propose le bail réel solidaire
(BRS), un dispositif créé en 2016 et
rendu possible par la loi pour l’ac-
cès au logement et un urbanisme
rénové (Alur) de 2014. Le méca-
nisme est simple : dans une vente
classique, lorsqu’un promoteur
vend un immeuble, il répercute sur
chacun des appartements une partie
du prix du terrain sur lequel est
construit l’immeuble. Avec le BRS,
ce prix est dissocié de celui du fon-
cier, qui reste la propriété d’un orga-
nisme foncier solidaire (OFS), éta-
blissement à but non lucratif agréé
par l’Etat. L’acheteur ne paye que
les murs et signe un bail de très
longue durée pour le terrain. Il verse
une redevance mensuelle à l’OFS
pour la location du sol, entre 1 et
4 euros par mètre carré.
Inspiré du community land trust
anglo-saxon, le BRS se démocratise
peu à peu en France, avec notam-
80  CHALLENGES N°804 - 2 novembre 2023
Résidence Villa ment pour objectif de limiter les
Nova, du Groupe envolées des prix dans les zones
Gambetta, tendues. Il bénéficierait à bon
à Cannes. Le
promoteur a
nombre de ménages, affectés par la
construit hausse des taux d’intérêt : « C’est
en 2023 deux un moyen de booster l’accession
programmes sociale à la propriété pour les
en BRS, dans le classes moyennes dans les zones
Var et à Cannes, tendues », résume Jean-Baptiste
avec un prix de
30 à 35 % sous
Bilir, directeur d’Altarea Ingénierie
celui du marché. Patrimoine.
Classes moyennes
Cette dissociation permet de prati-
quer des prix imbattables à la vente,
généralement entre 25 % et 40 % en
dessous du marché, du studio au
5-pièces. « Nous atteignons un dif-
férentiel de 30 % à 35 % moins
cher », affirme Norbert Fanchon,
président du Groupe Gambetta. La
société a déjà fait sortir de terre
en 2023 deux programmes d’une
quarantaine de logements chacun,
dans le Var et sur la Côte d’Azur.
Tous les logements sont déjà ven-
dus et trois autres projets similaires
sont en cours de construction. De
son côté, la foncière de la ville de
Paris casse encore plus les prix,
avec 23 logements vendus dans le
XIVe arrondissement : des apparte-
ments à 5 000 euros le m², soit près
de 50 % moins cher qu’une vente
classique dans la capitale.
Le dispositif favorise d’autant plus
l’accession à la propriété des
classes moyennes que son accès est
conditionné à des plafonds de res-
sources, variant d’une commune à
une autre. En zone très tendue
comme à Paris, Lille ou Lyon, les
revenus annuels d’un couple avec
un enfant ne doivent pas dépasser
56 825 euros. « Le BRS ouvre bien
des droits réels à la propriété »,
assure Jean-Baptiste Bilir. Comme
tous les propriétaires, il faudra s’ac-
quitter de la taxe foncière comme
des charges de copropriétés. En-
core faut-il trouver un financement,
car toutes les banques n’acceptent
pas de soutenir ce type d’opération.
Revente encadrée
En cas de revente, il ne faut pas s’at-
tendre à une plus-value mirobolante.
« Le dispositif est encadré pour évi-
ter la spéculation », rappelle Franck
Hélary, directeur général de Crédit
agricole Immobilier corporate et
promotion. Le prix du logement est
réévalué uniquement en fonction de
l’indice de référence des loyers
(IRL). Et le nouvel acheteur devra
respecter les conditions de res-
sources pour accéder au BRS. Même
règle pour les héritiers dans le cas
d’une succession, qui devront aussi
en faire leur résidence principale.
Dans le cas où le vendeur ne trouve
pas preneur au bout d’un an, l’OFS
s’engage à le racheter. En France,
800 logements en BRS avaient déjà
été livrés en avril 2023 et les projets
se multiplient. Le gouvernement es-
père qu’au moins 10 000 de ces loge-
ments seront sortis de terre à l’hori-
zon 2025. Léandre Herman-Kasse u
 En couverture
Sandra Viricel Immobilier
Maison à Chaponost (Rhône). Cette demeure ancienne de 235 m², nichée sur un terrain de 1900 m2,
a été vendue off market en deux semaines, à 1,26 million d’euros.
Choisir la discrétion
avec le off market
Cette stratégie de vente parfois décriée propose un bien,
souvent atypique, auprès d’un fichier client, sans
publicité. Un test qui peut réserver de bonnes surprises.
L
e « off market » en immo-
bilier, c’est un peu comme
le « off the record » lors
d’une interview : il s’agit
de parler d’un logement à la vente
hors des circuits classiques du mar-
ché, donc « off », sous le sceau de la
confidentialité. En voulant mettre
en vente au mois de juin un ancien
atelier de 85 m² dans Paris, Laure et
Augustin ont contacté tous les ré-
seaux immobiliers de leur arrondis-
sement, et d’autres spécialisés en
biens plus atypiques. Tous les pro-
fessionnels leur ont proposé d’em-
blée une vente off market, pointant
une démarche privilégiée pour ce
bien atypique. Objectif : attirer un
acheteur déjà sur liste d’attente
dans le portefeuille de l’agence,
pour une vente rapide.
Tentant, par rapport à une vente
affichée sur les plus grands portails
d’annonces immobilières en ligne,
82  CHALLENGES N°804 - 2 novembre 2023
qui offrent certes une forte visibilité
mais s’adressent aussi à un spectre
trop large d’acquéreurs. Mais pas
que… « Dans un marché complexe
où les prix sont chahutés, ou dans
le cas d’un bien nécessitant de gros
travaux, la vente off market per-
met de tester le prix, observe Na-
thalie Biguet, consultante immobi-
lier pour Foncia Plantes, dans le
XIVe arrondissement de Paris. Si les
acquéreurs en attente commencent
à négocier, cela signifie que le loge-
ment n’est pas au bon prix. Cela
évite aussi de “griller” le bien si
celui-ci affiche une valeur trop éle-
vée et reste trop longtemps surex-
posé au public. »
Cette technique peut réserver de
bonnes surprises, comme le sou-
ligne Sandra Viricel, agent immobi-
lier à Lyon et porte-parole de La
Boîte Immo : « L’agent travaille son
propre fichier acquéreurs ou celui
de son réseau, le propose en off au-
près de plusieurs candidats et peut
tomber sur le client qui a un coup
de cœur. » De plus, « le vendeur est
rassuré, car il a déjà vérifié les qua-
lités bancaires de l’acheteur, ajoute
Nathalie Biguet. Il n’y aura donc
pas de soucis par rapport à ses res-
sources ou son financement ».
Mais comment avoir la certitude que
le professionnel dispose d’un bon
fichier clients en portefeuille ? Il n’a
aucune obligation de montrer ce ré-
pertoire. « Il faut faire confiance à
l’agence qui noue des contacts ex-
clusifs tant avec des vendeurs atta-
chés à la confidentialité ou dispo-
sant d’un bien rare qu’avec des
acheteurs participant de la même
démarche, veut rassurer Olivier
Valle, fondateur de l’agence Vimmo
Immobilier à Asnières-sur-Seine
(Hauts-de-Seine). Ce n’est pas dans
son intérêt de dire qu’il dispose
d’un fichier si ce n’est pas vrai. Il
n’aura pas de visite, donc pas de
vente, et perdra en crédibilité. » At-
tention toutefois : ce type de propo-
sition peut parfois s’apparenter à
une tactique pour décrocher un
mandat exclusif…
Se décider vite
Côté acquéreur, le off market est
l’opportunité de découvrir un bien
en avant-première et de remporter
l’affaire rapidement et confidentiel-
lement. Il faut alors se décider vite
et presque toujours sans négocier.
Autrefois réservé à des biens d’ex-
ception, le off market s’est démo-
cratisé et touche plutôt des biens
atypiques que des biens prestigieux.
Mais le procédé ne convainc pas
toujours : « Tout monde est connec-
té et communique sur les réseaux
sociaux, nuance Alexander Kraft,
PDG de Sotheby’s International
Realty France & Monaco. C’est plus
une question de génération, plus
ouverte et dynamique, qui a com-
pris qu’il faut multiplier les
moyens de communication. » Ce
procédé est « une aberration, fus-
tige Nathalie Garcin, présidente du
groupe Garcin. Pour vendre, il faut
cibler avec le propriétaire les ré-
seaux sociaux, les publications
nationales ou internationales en
fonction du type de bien et non
embobiner un vendeur pour rentrer
un mandat ». Elisabeth Lelogeais u
 En couverture

Les clés pour réussir une

Qu’on soit locataire ou bailleur, le parcours pour trouver un bien ou un candidat

VOUS ÊTES LOCATAIRE Optimiser la recherche d’un bien

DÉJOUER DÉNICHER UN GARANT
LES ARNAQUES S’il n’est pas obligatoire
C’est la hantise des locataires de présenter un garant, de
en quête d’un appartement : nombreux propriétaires le
tomber dans le piège d’une arnaque. demandent dans les zones tendues.
Le principe est rodé : une petite Il s’agit souvent d’un parent,
annonce en ligne propose un bien mais il est possible de faire appel
qui n’existe pas. Dans certains cas, à une solution privée comme
les fraudeurs cherchent à soutirer Cautioneo, Garantme ou
des documents à leurs victimes, SmartGarant, dont les frais sont
qui seront ensuite utilisés pour à la charge du locataire. Autre
organiser une usurpation d’identité. solution, la garantie Visale,
« La plateforme publique d’Action Logement, gratuite,
Aubin Laratte/Photo PQR/Le Parisien/MaxPPP

DossierFacile permet de se est réservée aux moins de 30 ans,

prémunir contre ce risque, et sous conditions au-delà.
puisque les justificatifs téléchargés Une fois le dossier complet,
par le candidat à la location sont le locataire peut remettre le
protégés et vérifiés avant l’envoi certificat au bailleur. Attention,
au propriétaire », explique Ivan si ce dernier souscrit une garantie
Thiébault, responsable data de loyers impayés, il ne peut pas
LocService, qui l’utilise au quotidien. requérir de garant, sauf si
Dans d’autres cas, les victimes sont le locataire est un étudiant.
incitées à verser de l’argent pour
« préréserver » le bien ou s’assurer Visite Dubois, fondateur de SÉCURISER LE
une visite… qui n’a jamais lieu car d’un logement. MonSuperLocataire. Une lettre de PAIEMENT DES LOYERS
le logement n’existe pas. Les ficelles Pour se recommandation de l’employeur ou Lorsque le propriétaire loue
démarquer,
sont pourtant grosses : il faut fuir le locataire
d’un ancien bailleur fera bon effet. lui‑même son bien, le locataire
à la moindre demande de cash peut joindre des lui verse le loyer par chèque
par Western Union ou Lydia. pièces complé- FAIRE LE TOUR ou par virement. Si l’opération
mentaires DES AIDES passe par l’intermédiaire d’une
BIEN PRÉPARER aux nombreux Certains locataires peuvent agence, celle-ci peut mettre
SON DOSSIER documents bénéficier d’aides au logement de en place un prélèvement
demandés.
Le candidat doit fournir bon nombre la part de la Caisse d’allocations automatique. « Attention, il est
de documents au propriétaire : des familiales (CAF). Il s’agit de l’aide interdit d’imposer un mode de
justificatifs d’identité, de domicile, personnalisée au logement (APL), paiement au locataire, il est
de situation professionnelle (contrat de l’allocation de logement familiale seulement possible de lui
de travail, attestation d’employeur, (ALF) et de l’allocation de logement proposer », précise Patrice Petit,
carte d’étudiant…) et de revenus sociale (ALS), attribuées sous responsable du pôle
(bulletins de salaire, avis conditions de ressources. L’APL est administration de biens à Orpi.
d’imposition…). « Le propriétaire directement versée au propriétaire Mais gare aux conséquences
n’a pas le droit d’exiger d’autres qui la déduit du loyer, l’ALF et l’ALS de ce choix : un prélèvement
pièces, comme un relevé de compte sont perçues par le locataire, peut faire basculer le compte
ou tout document lié au sauf demande express. « Action du locataire dans le rouge, voire
patrimoine », rappelle Arnaud Logement propose aussi des aides être refusé par la banque, ce qui
Hacquart, président d’Imodirect. aux moins de 30 ans en contrat entraîne des frais supplémentaires.
En revanche, « le locataire d’alternance (Mobili-Jeune) ou le Dans le cas d’un virement,
peut joindre des pièces financement du dépôt de garantie le locataire garde la main puisque
complémentaires dans le but de (Avance Loca-Pass) », indique c’est à lui de déclencher
se démarquer », précise Laurent Ivan Thiébault, de LocService. l’opération. Agnès Lambert

84  CHALLENGES N°804 - 2 novembre 2023

location sans heurts
sûr doit suivre des règles précises. Nos conseils pour une relation équilibrée.

VOUS ÊTES BAILLEUR Minimiser les risques

TROUVER LE ÉVITER LES IMPAYÉS
LOCATAIRE IDÉAL Il est possible de souscrire
Les propriétaires recherchent le une garantie loyers impayés
locataire qui prendra soin de leur indemnisant le propriétaire en cas
bien et réglera son loyer en temps de non-règlement par le locataire.
et en heure. Il s’agit de vérifier la Son coût (environ 2,5 % du loyer)
solvabilité des candidats à partir vient mécaniquement diminuer
d’un certain nombre de documents. le rendement de l’investissement.
« Les faux dossiers sont légion. Un calcul à faire en fonction
Cela va de la modification de de sa situation personnelle :
la date de démarrage du contrat le propriétaire de nombreux studios
de travail à la fausse pièce pourra s’en passer, car son risque
d’identité », relève Arnaud est réparti sur plusieurs biens.
Hacquart président d’Imodirect, A l’inverse, le bailleur d’un seul lot,
dont une étude évalue à 20 % les qui dépend du loyer perçu pour
dossiers falsifiés en Ile-de-France rembourser une grande partie de
et à 10 % en province. Le Service de son crédit immobilier, pourra être
Lionel Bonaventure/AFP

vérification des avis d’impôt permet rassuré par cette garantie. « Il est
de s’assurer de l’authenticité de ce indispensable de respecter la
document à partir du numéro fiscal. procédure précisée dans le bail
« Nous pouvons aussi repérer les en cas de non-paiement du loyer.
faux justificatifs de domicile grâce Dans le cas contraire, le bailleur
au code-barres 2D-doc permettant ne peut pas faire jouer
de vérifier la cohérence d’une Agence DÉTERMINER LE LOYER l’assurance », souligne Laurent
facture d’électricité ou de télécoms immobilière Le loyer doit être fixé au plus Dubois, de MonSuperLocataire.
avec les informations sur son à Paris. près de la réalité du marché, en Il s’agit par exemple de relancer
Pour s’assurer
titulaire », précise Laurent Dubois, de la légalité
tenant compte de son encadrement le locataire à certaines échéances
fondateur de MonSuperLocataire. du bail, mieux dans les villes où il existe (Paris, (J + 1, J + 5, etc.).
vaut se faire Bordeaux, Lyon, Lille, etc.). Son
BIEN RÉDIGER LE BAIL accompagner montant est ensuite révisable SOUSCRIRE
Attention, danger ! « De par un annuellement à la date anniversaire UNE ASSURANCE
nombreux contentieux entre professionnel. du bail – si celui-ci prévoit cette HABITATION ADAPTÉE
locataires et propriétaires possibilité – en fonction de Les logements situés en copropriété
prennent leur source dans un l’indice IRL. Toutefois, la hausse est doivent obligatoirement être
contrat de bail mal rédigé », plafonnée par la loi à 3,5 % en couverts par une assurance
constate Patrice Petit, responsable métropole jusqu’au 31 mars 2024, responsabilité civile. Dans la
du pôle administration de biens afin de préserver le pouvoir d’achat pratique, celle-ci est comprise
à Orpi. Les modèles disponibles en des locataires. « Il est désormais dans l’assurance habitation
ligne ne sont pas toujours adaptés. interdit de réviser le loyer à la « propriétaire non occupant », dont
« L’article 4 de la loi de 1989 hausse pour les biens dont le DPE les garanties couvrent aussi
sur les rapports locatifs liste les est mauvais (F ou G) », prévient l’incendie, les dégâts des eaux,
clauses illicites que le locataire par ailleurs Raphaël Di Meglio, le vol, etc. Elle protège le bailleur
pourrait remettre en cause si elles cofondateur de Matera. Le en cas de sinistre, y compris
figuraient dans le bail », ajoute-t-il. propriétaire règle des charges lorsque le bien est vide, par exemple
Mieux vaut se faire accompagner (eau, chauffage, ascenseur, taxes entre deux contrats de location.
par un professionnel pour s’assurer de balayage et d’enlèvement des « Cela ne coûte que quelques
de la légalité du bail. Les notaires ordures ménagères…) qu’il peut dizaines d’euros par an »,
peuvent aussi s’en charger, pour un en partie récupérer auprès du précise Raphaël Di Meglio,
coût compris entre 300 et 400 euros. locataire, en complément du loyer. de Matera. A. L. u

2 novembre 2023 - CHALLENGES N°804  85

 QR code
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Paris 9e Martyrs Paris 6e Saint-Sulpice
Aux derniers étages avec ascenseur, un En exclusivité, 24 appartements rénovés
duplex familial de 159 m² en exclusivité du studio au 3 pièces

Paris 7e Saint-Simon Paris 16e Kléber

Un magnifique appartement de 295 m² Au 3e étage avec ascenseur, un élégant
parfaitement rénové par architecte appartement de 232 m²
Plus que des propriétés d’exception
 En couverture

PARIS

Fin de l’exception
Alors que les acheteurs se font plus rares, la capitale est rattrapée par
le retournement du marché. Y compris dans les secteurs les plus recherchés.
CENTRE
Pilier IIe

touristique

D
ans ce vieux Paris de la
rive droite, les prix se
maintiennent, selon la
chambre des notaires du Ier IIIe
Grand Paris, avec un niveau médian
de 12 600 euros le m² dans les an-
ciens Ier, IIe, IIIe et IVe arrondisse-
ments, en1er,
recul2e, 3e & 4e1,5
de seulement Zoom sur…
arrondissements
%
en un an. De la Concorde
Prix (€/m²)auxau Halles
1er OctobreLe2023
Marais (IIIe et IVe) IVe
et au Sentier, « sur ce marché étroit Dans ce quartier très
mais recherché, la< qualité
8000 du bien touristique, la demande reste
est déterminante », explique Natha- forte et le marché retrouve de la Prix en euros par m2
8000 - 9500 tonicité, à 13 200 euros le m2 en pour un logement
lie Naccache, chez Keller Williams de plus de cinq ans
moyenne selon MeilleursAgents,
Fortis Immo. Côté Louvre ou Opéra, après une baisse de 4,1 % (IIIe) moins de 8 000
9500 - 10500
les ventes s’opèrent entre 11 000 et et 2,4 % (IVe) en un an. « Le de 8 000 à 9 500
14 500 euros le m², tel ce 2-pièces de nombre de biens en vente
10500 - 11250 de 9 500 à 10 500
48 m² place du Marché-Saint-Honoré augmente et les prix sont très
variables d’une adresse à l’autre, de 10 500 à 11 250
vendu 695 000 euros.
11250 - 12000 de 11 000 à plus de 20 000 euros de 11 250 à 12 000
Au Palais-Royal, un luxueux 119-m²
le m² », remarque Numa Privat, de 12 000 à 13 500
a atteint 2,6 millions. Dans l’est
12000 - 13500 du de Junot. Sur les biens estimés
Sentier, les prix des biens à rénover de 13 500 à 15 000 d’acheteurs étrangers exigeants et
entre 1 et 3 millions d’euros,
oscillent de 9 000 à13500
9 500 euros le m², plus de 15 000 rétifs aux travaux », détaille Em-
- 15000 « les vendeurs commencent à
contre 11 000 euros le m² rue Saint- baisser leurs prétentions », note manuel de Poulpiquet, chez Daniel
Margot Royer-Boquillon, de
Ludwig WALLENDORFF/REA

Denis, réhabilitée.> Si à Arts-et-Mé-

15000
tiers la baisse existe, « notamment
pour les biens avec défauts », selon
Caroline Baudry, de Barnes, la de-
mande reste vive dans le Marais sur
le luxe, « avec une forte présence
Sotheby’s Marais. Les abords de
la place des Vosges et le Haut-
Marais gardent leur prestige,
mais « le moindre défaut est
sanctionné », juge Julien
Nodanche, chez Engel & Völkers.
Féau. L’île Saint-Louis est atone,
sauf bien exceptionnel. « Un 110-m²
à remettre à neuf sur les quais, vue
Carte originale des sur Notre-Dame, a dépassé 4,2 mil-
prix réalisée par lions », cite Martial Michaux, chez
MeilleursAgents. Emile Garcin. Yves Le Grix

88  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

Zoom sur…
1 Maubert, rue
des Ecoles (Ve)
Dans cette partie VIIe
historique de
l’arrondissement, les prix 3 2
restent élevés et varient selon
l’état du bien. « Face à la Seine 1
et à Notre-Dame, un appartement
familial avec vue, rénové et
décoré, a été vendu plus de
21 500 euros le m², un autre
semblable mais à rénover n’a pas VIe
dépassé 165e, 000 6e
euros&le7e « un duplex de 210 m² au
m² »,arrondissements
cite Julien Meguidech, de sol (176 m² Carrez) à refaire,
Barnes. Rue desPrixEcoles, aux 1er et 2
(€/m²) au 1er Octobre e
étages, a été vendu
2023 Ve
« deux jolis appartements de 4,2 millions d’euros », constate
80 m² sont partis à < 158000
000 euros Iris Tang, chez Emile Garcin. Les mais avec du
le m² », rapporte Hugo Bailly, biens atypiques séduisent charme, a été
La rue- 9500 moins, comme ce pavillon
chez Marc Foujols. «8000 acheté par des
Mouffetard reste prisée par les proche de la place Saint-Sulpice, Américains 17 500 euros
Américains », ajoute9500
Rodolph
- 10500 « de 62 m² Carrez (89 m² au sol), le m2. « Fait nouveau, on voit Prix en euros par m2
D’Andrea, chez Engel & Völkers. affiché 1,095 million d’euros », les Chinois se positionner sur pour un logement
indique Armelle Casanova, de très gros achats, autour de de plus de cinq ans
10500 - 11250
2 Saint-Germain-des-Prés de l’agence Patrice Besse. 10 millions. Et les Français de moins de 8 000
(VIe/ VIIe) l’étranger sont plus nombreux de 8 000 à 9 500
Toujours des prix fous11250 12000 3 Invalides/Breteuil (VIIe)
pour-les qu’avant, car ils peuvent souvent
biens d’exception. Ainsi, sur la L’exceptionnel ne connaît acheter cash, ce qui est très de 9 500 à 10 500
12000 - 13500pas la crise : « La vente d’un
réputée place de Furstemberg, appréciable en ce moment », de 10 500 à 11 250
« un studio entièrement à penthouse de 190 m² avec une remarque Marc de Bayzer, chez de 11 250 à 12 000
réhabiliter a atteint 32 000 euros
13500 - 15000terrasse sur les Invalides a atteint Daniel Féau Invalides. Un 122-m2 de 12 000 à 13 500
le m² », confie Bruno Vallery- 9 millions d’euros », cite Bruno avec vue sur l’église Saint-
de 13 500 à 15 000
Radot, chez Daniel > Féau
15000 Vallery-Radot. Un 4e étage en François-Xavier est à vendre
Saint-Germain. Rue de Lille, parfait état de 119 m2, sans vue plus de 3,4 millions d’euros. plus de 15 000

Ve, VIe, VIIe

Rééquilibrage en cours

S
ur la rive gauche, le Ve est le
troisième arrondissement le
plus cher, à 12 600 euros
le m², en recul de 2,6 % en un
an d’après MeilleursAgents. « Le
nombre des transactions a forte-
ment chuté, mais les appartements
haut de gamme du Quartier latin
ou près du Luxembourg restent re-
cherchés », constate Hugo Bailly, de
l’agence Marc Foujols. Mais pas seu-
lement : « La demande porte aussi
sur des studios de 15 à 20 m², pour
loger ses enfants, comme pied-à-
terre ou comme investissement lo-
catif », observe Patricia Cariou, de
Monge Patrimoine.
Dans le VIe, toujours en tête des
quartiers les plus chers, les prix sont
restés stables (- 1 % en un an), à
15 700 euros le m². « Mais la baisse
des prix est inéluctable d’ici à la fin
de l’année », prévient Thierry Cho-
mel, chez Barnes. En attendant, les
écarts se creusent, entre un rez-de-
chaussée sur cour à 11 000 euros
le m² et un bien de luxe pouvant tu-
toyer 30 000 euros le m² – « un cré-
neau sur lequel les Américains,
Anglais et Moyen-Orientaux sont
présents », jauge Pascale Constans,
de Sotheby’s Propriétés parisiennes.
A l’approche des JO 2024, « on note
une demande accrue pour des pied-
à-terre d’environ 40 m² », souligne
Loïc Dupré, de Vaneau.
Quête d’espace
Dans le VIIe, second arrondissement
le plus cher de Paris, les prix ont
dévissé de manière surprenante, de
6,7 % sur un an, à 13 700 euros le m²
en moyenne. Au Gros-Caillou, « une
clientèle familiale française
(cadres, avocats, financiers…),
souvent de retour de Londres, atti-
rée par les écoles de renom, est en
quête de grands appartements entre
3,5 et 5 millions d’euros », remarque
Pauline d’Assigny, chez Daniel Féau
Saint-Dominique. Quant aux étran-
gers, « leur profil est de plus en plus
varié, Italiens, Chinois, Libanais,
Américains », expose Linda Owens,
chez Junot. Pour les biens en bon
état, « les ventes se concluent autour
de 17 000 euros le m² pour les
3-pièces », calcule Stéphanie Abib,
de Grenelle Immobilier. La cote est
moindre pour ceux à rénover, tel
« ce 107-m² au 5e étage avec ascen-
seur, pourtant entre une cour pavée
et un jardin arboré, cédé 13 000 eu-
ros le m² », nuance Amandine Cruz,
de Vaneau. Nouveauté, « les acqué-
reurs réclament dès le début le DPE,
et une mauvaise notation est pré-
texte à négociation », avertit Sophie
Lerner, d’Engel & Völkers. Y. L. G. 

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  89

En couverture
L
es prix des beaux quartiers
haussmanniens de l’Ouest
parisien résistent. Ceux
du VIIIe n’ont fléchi que de
0,7 % en un an, à 12 300 euros le m²
en moyenne, selon MeilleursAgents.
« La demande est axée sur des pied-
à-terre d’exception avec de belles
adresses », note Hafsa Saouli, d’En-
gel & Völkers. Ainsi, « il est difficile
de trouver à moins de 16 000 euros
le m² », abonde Gary Bismuth à
Vaneau. Des Champs-Elysées à
l’Alma, « les Moyen-Orientaux et
Asiatiques sont revenus dans le
Triangle d’or », remarque Jean-
Philippe Roux, chez John Taylor,
où les biens sont vendus à partir de
20 000 euros le m². « Hormis l’excep-
tionnel, les grands appartements
du VIIIe sont en baisse de 5 à 10 % »,
nuance Philippe Joffre, de Barnes.
Les écarts se creusent dans un mar-
ché du XVIe où les acquéreurs de-
Zoom sur…
1 Parc Monceau (VIII )
e
Privilégié par les familles
pour sa proximité des écoles
et sa verdure, le quartier du parc
Monceau séduit toujours. « Les
prix des appartements de qualité
sur les belles adresses, avec une
bonne sectorisation scolaire,
dépassent les 15 000 euros
le m² », remarque Elodie
Lacarrière, de Junot. Une maison
d’architecte de 136 m2, avec une
grande terrasse, un patio, trois
chambres et un parking, a été
cédée à plus de 18 000 euros
le m2, tandis qu’« un magnifique
hôtel particulier décoré par
l’architecte Charles Zana, avec
terrasse, jardin et sept chambres,
s’est envolé à 30 000 euros
le m² », compare Paola Féau,
chez Daniel Féau.
2 Victor-Hugo (XVIe )
e
« Le marché du XVI nord
reste tendu », observe Bérénice
Miliotis, de l’agence Victor Hugo
Immobilier. Le quartier est
notamment recherché pour la
qualité de ses écoles et de ses
commerces de bouche. « Les
acheteurs canadiens, libanais,
90  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
VIIIe, XVIe, XVIIe
En quête de perfection
viennent sélectifs (11 700 euros le m² de 400 m² avec jardin, à restaurer,
en moyenne, en recul de 2,3 % sur un s’est négociée plus de 19 000 euros
an selon MeilleursAgents). « Dans le le m² », relate Pauline Chpilevsky,
haut de gamme, l’activité est forte. chez Daniel Féau.
Pour les biens standards, l’atten- Dans le XVIIe, le prix moyen a reculé
tisme domine », observe Valérie à 10 900 euros le m² selon Meilleurs-
Sélignan, chez Daniel Féau. Agents. Des Ternes à Villiers, voire
aux Batignolles, les prix des biens
Rénovation plebiscitée sans défaut se situent entre 11 000 et
Au Trocadéro, à Passy ou Victor- 13 000 euros le m². Rue Truffaut, un
Hugo, « les prix oscillent de 12 000 110-m² à réhabiliter a trouvé preneur
à 12 500 euros le m² pour un bien à pour 1,39 million d’euros. Mais les
rénover, et de 15 000 à 16 000 euros délais de vente se sont allongés et
le m² pour ceux livrés clés en main les étages bas sont boudés. Selon
sans défaut majeur, quand le très Nicolas Martin-Caget, de Daniel
haut de gamme peut dépasser Féau, « les biens rénovés se vendent
20 000 euros le m² », relève Julien plus vite et se valorisent plus cher
Dana, de Vaneau Trocadéro. Moins de 2 000 à 3 000 euros le m² que
cher, « le quartier Jasmin est deve- ceux avec travaux ». Y. L. G.
nu prisé », constate Olivia Castaing,
de Junot. Au Village d’Auteuil, « les
prix sont compris entre 12 000 et
13 000 euros le m² », indique Alexan-
dra Leca, de Vaneau. « Une maison
XVIIe
3
américains animent les ventes »,
souligne Stéphanie de La
Grandière, de l’agence du même
nom. Les prix font le grand 1
écart, de 12 500 à 18 000 euros
le m2. Place Victor-Hugo, dans
un immeuble récent, au 4e étage
avec ascenseur, un 80-m2
en très bon état a été vendu 2
15 500 euros le m2. « Mais les
biens avec défauts n’obtiennent
que des offres à la casse »,
tempère Roger Abecassis VIIIe 8
à Consultants immobilier.
3 Villiers (XVII )
e
Malgré la forte cote XVIe mais Prix en euros par m2
d’amour pour ce quartier moins pour un logement
animé, les imperfections lumineux et de plus de cinq ans
pèsent sur les prix. Rue sur cour, peine moins de 8 000
Claude-Pouillet, un joli à trouver preneur de 8 000 à 9 500
3-pièces de 47 m2 à 11 700 euros
en parfait état, au le m2. De même, « un de 9 500 à 10 500
3e étage, est parti 5-pièces de 118 m² en de 10 500 à 11 250
en quelques jours bon état, pourtant proche de 11 250 à 12 000
à 13 000 euros du parc Monceau et avec de 12 000 à 13 500
le m2, alors une sectorisation scolaire
qu’un logement demandée (Carnot), mais au de 13 500 à 15 000
de surface 1er étage, n’a changé de mains plus de 15 000
équivalente et qu’à 10 100 euros le m² »,
au même étage, commente Charlène Guillard,
rue Lebouteux, à Paris Neuilly Immobilier. 
En couverture

IXe, XVIIIe
Pragmatisme à tous les étages

D
ans le IX e arrondisse-
ment, où les prix ont re-
culé de 4,4 % en un an se-
lon MeilleursAgents, « la
rentrée est active, vendeurs et ache-
teurs commençant à s’adapter à la
réalité du marché », indiquent Be-
noît Michel et Guillaume Laporte,
de Junot. De la rue des Martyrs à
l’Opéra, pour des biens rares (jar-
din, terrasse, balcon, vue dégagée,
dernier étage avec ascenseur…), les
prix peuvent s’envoler jusqu’à
21 000 euros le m², tandis que ceux
des appartements standards, dont
l’offre a gonflé, tournent autour de
10 000 et 12 000 euros le m². « Quant
aux biens avec défauts (étages bas,
note énergétique difficilement amé-
liorable, avec vis-à-vis, sombres…),
ils sont revus à la baisse jusqu’à
- 15 %, de 8 000 à 10 000 euros
le m² », confie Mathieu Genillard, de
l’agence Vaneau Trinité Saint-
Georges. La clientèle française re-
cherche de beaux appartements fa-
miliaux ou des maisons entre 160 m²
et 300 m². « Des acheteurs plus
jeunes, branchés, préfèrent des
biens de charme sur jardin ou cour
arborée, de 60 à 80 m² avec deux
chambres », observe Martin Mey-
nial, chez Daniel Féau.
Vues et extérieurs
Dans l’ouest du XVIIIe, « l’activité est
restée relativement soutenue du-
rant l’été », constate Julien Dela-
barre, de Junot Abbesses. En re-
vanche, les ventes ont pour la
plupart été légèrement négociées.
« En moyenne, l’offre d’achat finale
tourne autour de 4 % en deçà du
prix demandé », explique-t-il. Les
valeurs sûres sont privilégiées : les
Abbesses, le Haut-Montmartre,
l’avenue Junot, les quartiers La-
marck-Caulaincourt et Jules-Joffrin
et le Village Ramey. Les prix sont
relativement stables, avec un mar-
ché à deux vitesses entre, d’une part,
les beaux appartements en étage,
bien situés avec des vues dégagées
et des extérieurs, qui trouvent facile-
ment preneur, et d’autre part, les
biens sur cour aux étages inférieurs,
qui peinent à séduire.
« Aux Abbesses, l’essentiel des
ventes sont conclues entre 10 500 et
12 000 euros le m² », estime Brice
Moyse, directeur des agences Immo-
polis. Depuis septembre, les de-
mandes d’estimation se multiplient,
l’offre de biens augmente et les dé-
lais de transaction s’allongent. Il faut
souvent passer par une négociation
et une à deux baisses de prix. Mais la
demande reste présente. Les primo-
accédants (souvent aidés par leurs
parents) prospectent des Abbesses
au Village Ramey. Les plus fortunés
cherchent autour de l’avenue Junot
et des rues Caulaincourt ou Damré-
mont où l’on peut trouver de grands
appartements. A l’est de Barbès,
vers la Goutte-d’Or et La Chapelle,
ou porte de Clignancourt, le marché
est difficile. Y. L. G.

Zoom sur…
1 Saint-Georges, 2 Abbesses,
Nouvelle Montmartre (XVIIIe)
XVIII e
Athènes (IXe) « Les prix peuvent atteindre
Au cœur du IXe, les des sommets lorsque
prix s’assagissent l’appartement coche toutes
hors biens d’exception. les bonnes cases », rappelle
Les appartements Guillaume Blin-Davost. Premier
familiaux de qualité sont critère ? La vue. Rue Girardon,
toujours recherchés. Rue un 68-m2 au 5e étage avec
2 Chaptal, au 3e étage, un ascenseur et balcon, doté
150-m2 a été négocié d’un beau panorama sur Paris,
1,8 million d’euros, soit a été vendu 1,37 million
12 000 euros le m2. Rue La d’euros, soit 20 200 euros
9e & 18e arrondissements
Bruyère, un 2e étage de 200 m2 le m2. Rue Caulaincourt, un bien
a été acquisPrix
2,4 millions de 103-m2
(€/m²) au 1er Octobre 2023au 8e et dernier
d’euros. Rue Notre-Dame-de- étage avec ascenseur et
Prix en euros par m2 Lorette, au 3e étage,<un 73-m2 a
8000 bénéficiant d’un toit-terrasse
pour un logement été cédé 995 000 euros, soit de 70 m2 et d’une vue
1 de plus de cinq ans 13 600 euros le m2.8000 9500 panoramique sur la capitale,
« Rue -Saint-
moins de 8 000 Georges, il a fallu trois mois pour est parti à 1,95 million d’euros,
de 8 000 à 9 500
vendre un 3-pièces de 32 m²
9500 à
- 10500 soit 18 900 euros le m2. Les
IXe de 9 500 à 10 500
285 000 euros, soit 8 900 euros immeubles en belle pierre de
le m² », souligne Nathalie
10500 - 11250 taille avenue Junot valent
de 10 500 à 11 250 Naccache de Keller Williams toujours cher : un appartement
de 11 250 à 12 000 Fortis Immo. « Dans11250ces - 12000 d’angle de 133 m2, au 4e étage
de 12 000 à 13 500 quartiers, les passoires avec ascenseur d’un bel
de 13 500 à 15 000
thermiques F et G subissent
12000 -une13500 haussmannien, a été acheté
décote de 20 % », relate Alain 2,3 millions d’euros, soit
plus de 15 000
13500 - 15000 17 300 euros le m2.
Montaut de David immobilier. 

> 15000
92  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
En couverture
Une ambiance qui retombe
E
ntre immeubles hauss-
manniens, biens atypiques
et constructions récentes
près du canal Saint-Mar-
tin, « la diversité est un point fort
du Xe arrondissement », estime
Sophie Neama, de Barnes. En baisse
de 6 % en un an selon Meilleurs-
Agents, les prix y varient de 7 000 à
12 500 euros le m². C’est au nord,
vers La Chapelle, Louis-Blanc, Sta-
lingrad et gare du Nord, que la chute
est la plus forte, « d’au moins 20 %
sur certains biens, considère Ben-
jamin Meghnagi, à Orpi. Dans ces
quartiers, l’offre entre 7 000 et
8 000 euros le m² est importante ».
Au sud, quartier de report du IIe et
du Marais, « les rues d’Hauteville,
de Paradis, d’Enghien et des Pe-
tites-Ecuries restent prisées et le
haut de gamme s’y vend vite et
Zoom sur…
1 Canal Saint-Martin (X )
e
Avec son calme, ses allées
piétonnes, ses vues dégagées
et la luminosité des
appartements qui le bordent,
le canal Saint-Martin fait rêver.
« L’offre est rare et les prix
légèrement plus élevés », note
Benjamin Meghnagi, à Orpi. Soit
en moyenne, sur les deux quais
qui longent le canal, près de
10 000 euros le m2. Traversant
l’arrondissement du nord au
sud, celui-ci suit la même
tendance que le reste du
quartier : « Côté quai de Valmy,
la rue Louis-Blanc, au nord, est
moins chère d’au moins
1 000 euros le m² que la rue de
Marseille, au sud », détaille-t-il.
A l’angle du quai de Jemmapes
et de la rue de l’Hôpital
Saint-Louis, un 51-m2 sur cour,
à rénover, a été vendu
510 000 euros.
2 Oberkampf (XI )
e
Avec les travaux de
redynamisation prévus par
la mairie de Paris, le secteur
fait peau neuve : la rue
Oberkampf devient piétonne,
la végétalisation sera
augmentée et dans les rues
94  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
Xe, XIe, XIIe
cher », ajoute Sophie Neama. Rue balcon a été payé comptant
de Paradis, un 144-m² en dernier 930 000 euros. L’est et le nord, plus
étage a atteint 13 800 euros le m². abordables, restent recherchés par
« Plus de la moitié de nos clients les familles et les primo-accédants.
paient cash », confie Philippe Tho- Vers le métro Ménilmontant, un stu-
mas, de Fredélion Oberkampf. dio de 17 m² a été acquis 170 000 eu-
ros en premier achat.
Regain d’activité De part et d’autre du Faubourg
Dans le XIe, les prix se sont érodés Saint-Antoine, dans le XIe comme
de 4 % en un an, autour de 10 200 eu- dans le XIIe, « le marché est un peu
ros le m², selon MeilleursAgents. plus actif depuis la rentrée », ob-
« Plus on s’approche des portes, serve Samia Bass, à Century 21 Cho-
plus les prix baissent », rappelle-t- rus Saint-Antoine. Il est animé par
il. Sur le podium des secteurs les des marchands de biens qui pros-
plus prisés : Parmentier, Oberkampf pectent des habitats à bas prix à ré-
et Voltaire. Dans un immeuble en nover et des secundo-accédants,
pierre de taille de l’avenue Parmen- surtout des cadres, vers Ledru-Rol-
tier, un 2e étage de 85 m² avec lin et Bastille (10 000 à 11 500 euros
le m²). Les prix sont moins élevés
autour du métro Faidherbe-Chaligny
(entre 9 000 et 10 500 euros le m²) où
les acheteurs, souvent des indépen-
dants, ont moins de marge. « Cer-
tains biens très haut de gamme ré-
Xe novés et vendus clés en main
peuvent encore atteindre 14 000 à
1 15 000 euros le m² », précise Sébas-
Ternaux, tien Mouton, de Barnes Paris Est.
Jacquard, Neuve-
Gabrielle Mathisse et Y. L. G.
Popincourt
et du marché
Popincourt, piétons et
2
cyclistes auront la priorité sur
les autres véhicules. « De quoi Prix en euros par m2
pour un logement
renforcer l’effet village, très de plus de cinq ans
recherché par les acquéreurs ici,
où les prix varient de 9 500 à moins de 8 000
11 500 euros le m² », considère XIe de 8 000 à 9 500
Philippe Thomas, de Fredélion de 9 500 à 10 500
Oberkampf. Rue Neuve- de 10 500 à 11 250
Popincourt, un 2-pièces de
de 11 250 à 12 000
33 m2 avec travaux a trouvé
acquéreur pour 330 000 euros. de 12 000 à 13 500
de 13 500 à 15 000
3 Daumesnil (XII )e
e
plus de 15 000
Dans le sud du XII , « les prix
redeviennent raisonnables,
observe Edouard Manvelyan,
directeur des agences
Century 21 Daumesnil et Michel 3
Bizot. C’est un quartier familial, XIIe
proche du bois de Vincennes,
peu sujet aux emballements
du marché. » On y trouve des
biens vendus de 9 000 à
9 200 euros le m2, comme pour
ce 4-pièces de 70 m2 en parfait
état, cédé 645 000 euros près
du métro Michel-Bizot. Il faut
compter 8 000 euros le m2
près des Maréchaux. 
 En couverture

XIIIe, XIVe, XVe

Décrue générale en rive gauche

A
rrondissement le moins
cher de la rive gauche, le
XIIIe reste attractif grâce à
une fourchette de prix qui
s’étale de 6 500 euros le m² dans le
quartier asiatique à 10 000 euros
le m² autour du boulevard Arago.
En moyenne, les prix ont baissé de
7 % en un an selon MeilleursAgents.
Les jeunes couples y apprécient la
desserte par les lignes de métro 5, 6,
7 et 14. « Les biens les plus deman-
dés sont les 2-pièces, notamment
dans le quartier Chevaleret-Jeanne
d’Arc », relate Olivier Quenot, di-
recteur de Laforêt Immobilier XIIIe.
Rue de Reims, un 40-m² a été vendu
320 000 euros.
De Montparnasse à Montsouris, le
XIVe connaît lui aussi une sévère
baisse des prix, de 6 % en un an, à
9 700 euros le m² en moyenne selon
MeilleursAgents. L’activité a ralenti
faute d’acquéreurs, car ceux-ci sont
freinés par la hausse des taux d’inté-
rêt. « Elle se concentre autour de
budgets allant de 250 000 à
400 000 euros pour des 2 ou
3-pièces », observe Gilbert Chou-
chana, directeur de plusieurs
agences Laforêt Immobilier.
Délais allongés
Si les quartiers au nord, notamment
vers Denfert-Rochereau, restent des
valeurs sûres, leurs prix reculent
autour de 10 500 euros le m², avec
des pointes à 11 500 euros le m² dans
des immeubles haussmanniens. Ils
décrochent surtout au sud de l’ave-
nue du Maine (Alésia, Village Didot,
Petit-Montrouge…), autour de
9 000 euros le m² à Pernety et
7 500 euros le m² porte de Vanves.
Dans le XVe, les prix ont baissé de
7 % en un an selon MeilleursAgents.
Le nord de la rue de la Convention
attire des acheteurs cherchant une
qualité de vie similaire aux VIe et VIIe
voisins, mais avec des prix moins
élevés. Les biens haut de gamme
trouvent vite preneur. « Le XVe offre
de belles surfaces en étage élevé,
avec parfois de vastes terrasses, et
de nombreuses maisons », signale
Jérôme Le Sidaner, de Barnes. Pour
les appartements plus classiques, les
délais de vente s’allongent et les né-
gociations sont plus difficiles. « Les
prix varient autour de 10 000 euros
le m² porte de Versailles, 10 500 eu-
ros à Convention, 11 000 euros à
Vaugirard et 12 000 euros à Mont-
parnasse », indique Fanny Bardon,
de Vaneau Sèvres-Lecourbe.
Agnès Morel, Louise Perrin et Y. L. G.

Zoom sur…
1 La Butte
aux Cailles (XIIIe)
L’ambiance village de ce quartier
chaleureux est très appréciée.
Une petite maison passage
Barrault, de 120 m2 avec des
terrasses, s’est envolée à
1,32 million d’euros. Les
familles visent des 3-pièces aux
alentours de 700 000 euros. Rue
3 Raymond-Losserand,
Gérard, un 52-m2 en parfait état,
avec une petite terrasse, a été
acquis 610 000 euros. « Le prix
moyen demeure stable, à
11 000 euros le m², estime Loïc
Petit, de l’agence Buttes aux
Cailles Immobilier. Mais le temps
de réflexion des acquéreurs a
augmenté : plus la surface est
grande, plus lente est la vente. »
2 Daguerre (XIV )
e
Le secteur est toujours coté,
mais la flambée des prix est
finie. Après trois mois de mise
en vente, rue Charles-Divry, côté
mairie, un 2-pièces de 36 m2
à rafraîchir, au 5e étage d’une
résidence 1910, a été vendu
11 500 euros le m2 à un jeune
couple, avec 8 % de rabais.
Dans la très prisée rue
Daguerre, un 3-pièces de 67 m2
au dernier étage, avec balcon,
ascenseur et vue dégagée,
à rénover, n’est parti qu’à
9 300 euros le m2 : du jamais-vu
depuis 2009. « Seuls les biens
sans défaut peuvent se vendre
au-delà, et encore », confirme
Nathalie Biguet, de Foncia
Plantes. La majorité des
transactions restent modestes :
à l’angle de l’avenue du
Maine et de la rue
une studette de 17 m2 en bon
état, dans une copropriété 1970,
a été achetée 185 000 euros
par un investisseur.
3 Saint-Lambert,
Georges-Brassens (XVe)
« La proximité des beaux espaces
verts est recherchée par les
familles », note Laurent Wargnier,
de Vaneau Saint-Charles.
Rue Lacretelle, non loin du
square Saint-Lambert, un
5-pièces de 99 m2, au 6e étage
avec ascenseur, a été vendu
10 800 euros le m2. Près
du parc Georges-Brassens,
rue de Cronstadt, un 4-pièces
de 81 m2, au 4e étage avec
ascenseur, a été cédé pour
10 350 euros le m2.

2 XIIIe
Prix en euros par m2
pour un logement
de plus de cinq ans
XV e
moins de 8 000
de 8 000 à 9 500
1 de 9 500 à 10 500
de 10 500 à 11 250
de 11 250 à 12 000
e arrondissements de 12 000 à 13 500
XIVe de 13 500 à 15 000 
au 1er Octobre 2023
plus de 15 000

96  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

En couverture

XIXe, XXe
Dans le rouge malgré la verdure

I
l n’échappe pas, tant en termes
de volume de transactions que
de prix, à la baisse qui souffle
sur la capitale. En un an, les
prix du XIX e arrondissement le
moins cher de Paris, ont chuté de
4 % selon MeilleursAgents, à
8 500 euros le m² en moyenne au
1er octobre. « Le XIXe attire les pe-
tits budgets, pointe Benoît Martin,
de Laforêt Paris 19. Le cœur de
marché porte sur les 2 et 3-pièces,
et ce sont les plus affectés par la
crise actuelle. » Cet arrondissement
plaît pour sa vie de quartier, ses
commerces et ses deux poumons
de verdure, le parc des Buttes-
Chaumont et celui de La Villette.
Avec la hausse des prix des travaux,
l’état du bien est déterminant. Rue
Haxo, un 1er étage de 40 m² en ex-
cellent état a été vendu 350 000 eu-
ros. La proximité avec le XVIIIe reste
un atout. « Ceux qui ne peuvent plus
acheter à Montmartre se replient
vers la Mouzaïa ou les Buttes-
Chaumont, explique Sophie Neama,
de Barnes. De nombreux acqué-
reurs préfèrent s’ouvrir aux quar-
tiers voisins plutôt que d’acheter
20 % de surface en moins. » A la
Mouzaïa, une maison de plain-pied
de 110 m² avec 18 m² de terrasse a
été vendue 1,2 million d’euros.
Triangle arboré
Le XXe arrondissement, le plus arbo-
ré de Paris, qui plaisait tant aux bo-
bos venus se mettre au vert à des
prix avantageux, n’attire plus beau-
coup. Au 1er octobre selon Meilleurs-
Agents, le prix moyen était de
8 600 euros le m² pour un apparte-
ment et de 9 400 euros le m² pour les
rares maisons à la vente – celles si-
tuées à La Campagne à Paris dé-
passant ce niveau. Avec ses
nombreuses cours intérieures
arborées, le triangle Gambetta-
Jourdain-Ménilmontant est très
demandé. « Depuis septembre,
le marché semble repartir dou-
cement, mais les appartements
avec un DPE F ou G n’obtiennent
aucune visite, commente Céline
Erhart, négociatrice à DK Immobi-
lier. Les investisseurs ont déserté
devant les situations de rénovation
énergétique parfois inextricables. »
Son agence a tout de même vendu
rue Charles-Friedel un lumineux
2-pièces de 30,2 m² en duplex, au
4e étage sans ascenseur et en parfait
état, pour 302 000 euros. Même
constat à Guy Hoquet : « Les pro-
priétaires ont enfin compris qu’il
leur fallait accepter une baisse des
prix, qui est une correction de mar-
ché, car le XXe est celui qui a le plus
augmenté entre 2016 et 2020 »,
souligne Vinh Dang, conseiller tran-
sactions. Rue de la Mare, dans un
immeuble de 1970, un 47-m² à
rénover, avec 10 m² de
balcon, a été vendu
500 000 euros.
Gabrielle Mathisse
et Robert Kassous

XIXe
Zoom sur…
1 Jourdain/Placee 2 Ménilmontant (XX )
e

des Fêtes (XIX ) La très arborée place

Prisé pour sa vie de quartier, ses
commerces et ses trois marchés
par semaine, le quartier Jourdain
a aussi l’avantage d’être moins
cher que son voisin, les Buttes-
Chaumont. Il séduit désormais
autant les jeunes dynamiques,
bobos, que les familles
nombreuses au budget plus
serré. « Il y en a pour tous les
goûts : des appartements
familiaux, des biens atypiques,
des lofts, des duplex… »,
énumère Benoît Martin,
de l’agence Laforêt Paris 19.
Rue de Romainville, un bel
appartement de 60 m2 avec
beaucoup de cachet a été vendu
560 000 euros. Pour trouver
moins cher, il faut remonter vers
la place des Fêtes. « Le quartier
est tout aussi vivant, mais les
appartements ont souvent besoin
de plus de travaux. Résultat,
les prix sont bradés et de belles
affaires sont possibles »,
prévient-il.
Sorbier, prolongée d’un côté
par un parc et de l’autre par
l’aménagement de l’ancienne
voie de chemin de fer désormais
promenade, est l’épicentre 1
du quartier de Ménilmontant.
Le prix au m2 est un peu plus
cher que la moyenne de
l’arrondissement, à 8 730 euros.
« Le secteur est demandé et la 2
gentrification de ces dernières
années a attiré de nombreux
acquéreurs entre 30 et 40 ans
qui ne pouvaient plus acheter
dans les IXe ou Xe, expose Prix en euros par m2
Camille Bensimon, consultante à pour un logement
l’agence Fredélion. Ils retrouvent de plus de cinq ans
ici l’esprit village qu’ils
recherchent. » Rue Orfila,
moins de 8 000
XXe
de 8 000 à 9 500
un investisseur avait misé
270 000 euros en février 2002 de 9 500 à 10 500
sur une superficie à usage de de 10 500 à 11 250
bureaux de 235 m2 transformée de 11 250 à 12 000
en appartement, avec trois de 12 000 à 13 500
stationnements en sous-sol.
Elle a été revendue 1,41 million de 13 500 à 15 000
d’euros en mars. plus de 15 000 

98  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 En couverture
Vincennes.
Retour au calme
Peu à peu, les prix et les transactions reculent, jusque dans les villes prisées.
Seule issue pour conclure : accepter des négociations parfois exigeantes.
D
ans les Hauts-de-Seine, à
Asnières-sur-Seine, pour
ce vendeur qui préfère
rester anonyme, c’est la
douche froide. Au printemps der-
nier, il avait mis en vente un 3-pièces
de près de 60 m² dans un immeuble
récent, avec terrasse et parking, à
480 000 euros. En juin, les acqué-
reurs potentiels n’obtiennent pas
leur crédit. L’été passe, le bien est
remis en vente à 450 000 euros : il
refuse une offre cash à 420 000 eu-
ros et accepte une proposition avec
crédit à 440 000 euros. Mais ce der-
nier acheteur, qui doit lui-même
vendre son appartement, se désiste
faute de visite sur son propre bien…
Le marché immobilier du départe-
ment, pourtant locomotive de l’Ile-
de-France, s’est lui aussi crispé.
Comme les autres départements de
Gardel Bertrand / hemis.fr
la région : selon les Notaires du
Grand Paris, à la fin août, le volume
des transactions a chuté de 30 %,
tant en petite qu’en grande cou-
ronne. L’activité fonctionne encore
100  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
BANLIEUE
un peu, mais à plusieurs vitesses.
Ceux qui n’ont pas besoin d’em-
prunt, cadres supérieurs aisés ou
expatriés, disposant de plus d’1 mil-
lion d’euros et qui recherchent dans
des communes huppées (Vincennes,
Versailles, Neuilly-sur-Seine…), ont
l’avantage du choix et n’hésitent pas
à négocier au moindre défaut.
« Conscients de leur pouvoir
d’achat, ils sont très exigeants »,
pointe Richard Tzipine, directeur
général du réseau Barnes.
Des décrues jusqu’à 20 %
Pour ceux qui ont recours au crédit,
la situation est complexe, aussi bien
pour un premier emprunt que pour
un prêt-relais. A Montreuil, en
Seine-Saint-Denis, « nous n’avons
plus de demandes au-delà de
600 000 euros et les ventes se font
rares », déplore Marc Soussan, de
l’agence Orpi MS. En réaction aux
compromis cassés faute de crédit et
à l’allongement des délais de vente,
les prix ont amorcé une décrue de
près de 5 % selon les professionnels
interrogés, parfois plus : « La baisse
peut atteindre 20 % sur certains
logements », note Pascal Rollot, di-
recteur de plusieurs agences Cen-
tury 21 (Bondy, Pantin, Les Lilas…).
Surtout pour ceux qui obtiennent
une mauvaise note à l’issue du dia-
gnostic de performance énergé-
tique. « Ce n’est pas qu’une ques-
tion de prix, les acquéreurs
anticipent soit une potentielle mise
en location, soit la liquidité future
du bien », analyse Alexis Caquet,
président du réseau Engel & Völ-
kers France.
A noter enfin un retrait des investis-
seurs sur les petits appartements,
compte tenu des difficultés d’obten-
tion des crédits, des travaux de ré-
novation à anticiper et du déploie-
ment de l’encadrement des loyers
Source par certaines communes. Ceux qui
graphiques :
MeilleursAgents,
restent « font des offres de plus en
prix moyen au m² plus agressives », constate Sté-
au 1er octobre phane Lorenzini, d’Orpi Berec Im-
2023. mobilier à Maisons-Alfort. Vi. G.
 4
15 1 8 10 39 6
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9 35 642 6 07 55 ye 74 6 29 27
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EN

NEUILLY-SUR-SEINE, RUEIL-MALMAISON, MAISONS-LAFFITTE

L’appel de la nature

A
vec leur ambiance pari-
sienne au léger parfum de
province ou de village, ces
communes préservées et
verdoyantes allient un joli parc im-
mobilier avec une très bonne des-
serte des transports en commun
vers Paris ou La Défense.

NEUILLY-SUR-SEINE
Sas haut de gamme
« Il y a beaucoup de mouvements à
l’intérieur même de la ville, pour
s’agrandir ou trouver un logement
plus fonctionnel », note Olivia Pot-
tier, directrice de l’agence Emile
Garcin. D’autres s’éloignent vers La
Garenne-Colombes ou Rueil-Mal-
maison et sont remplacés par de
jeunes couples parisiens. Attirés par RUEIL-MALMAISON
les grands axes verts et les bonnes Campagne en ville

écoles, ils ont un choix d’apparte-
ments de 13 000 à 15 000 euros le m².
Sur les artères très passantes, et sur
les quais, le prix est négociable en
dessous de 10 000 euros le m².
« Les biens avec défauts, comme un
étage moins recherché ou des tra-
vaux à prévoir, sont en panne, car
ceux qui ont des budgets de 1 à
3 millions d’euros attendent des
prix plus attractifs, confie Cathe-
rine van Aal, de Barnes. Mais les
pépites continuent de se vendre
vite. » Comme ce 130 m² traversant,
à rafraîchir mais très bien situé, ven-
du en deux jours 15 000 euros le m².
Au-dessus de 3 millions d’euros, le
marché reste actif, alimenté notam-
ment par les expatriés.
RUEIL-MALMAISON
Valeur refuge
Ici se retrouvent Parisiens et expa-
triés, attentifs aux bons établisse-
ments scolaires et aux espaces verts.
« Ils cherchent des maisons de 150
à 300 m², de 1,2 à 2,5 millions d’eu-
ros, détaille Dorothée Duclos, direc-
trice de Junot. Il y a négociation,
Entre le centre et le mont Valérien, proche
des écoles, cette villa moderne de 184 m2 sur
un terrain paysagé de 550 m2 est lumineuse
et sans vis-à-vis. Composée de 7 pièces,
dont 5 chambres, elle dispose d’une terrasse
et d’une cheminée. Un sous-sol total comporte
une buanderie et deux garages.
Prix : 1,2 million d’euros.
mais pas de chute vertigineuse des
prix. » Dans le triangle d’or, entre le
centre et le RER, les prix des appar-
tements, en résidences récentes,
varient de 8 500 à 10 000 le m². On y
trouve des maisons autour de
1,3 million d’euros. Dans les parcs
privés, comme celui de Malmaison,
les hôtels particuliers dépassent les
2 millions d’euros. « Une nouvelle
clientèle s’installe autour de la fu-
ture gare du Grand Paris, Rueil-
Suresnes Mont-Valérien, observe
Patricia Porquet, de Barnes. Des fa-
milles avec de jeunes enfants qui se
projettent, misant sur la proximité
de l’université de Nanterre. » Les
appartements neufs de l’écoquartier
Plus de villes de L’Arsenal, de 7 000 à 9 000 euros
sur Challenges.fr le m², offrent de belles opportunités.
Barnes
MAISONS-LAFFITTE
Terre d’accueil
Traditionnellement locale, la clien-
tèle se diversifie avec l’arrivée de
Parisiens et d’habitants de Seine-
Saint-Denis voisine, notamment les
familles attirées par l’école bilingue
de l’Ermitage. « Maisons-Laffitte
offre un habitat ancien, il ne faut
pas imaginer trouver un apparte-
ment avec terrasse et ascenseur à
dix minutes à pied de la gare »,
avertit Stéphanie Perrot, respon-
sable de l’Agence Principale. Il éva-
lue les prix entre 5 000 et 6 000 euros
le m² dans le centre. Comme ce
68 m² avec travaux, au 3e et dernier
étage d’une copropriété familiale
dans une rue convoitée, vendu en un
mois 350 000 euros. Protégé, le parc
apparaît comme une ville dans la
ville, idéal pour le vélo. Dans les rési-
dences prisées, le mètre carré oscille
de 5 500 à 5 800 euros. Une maison
de 130 m² à rafraîchir, sur 700 m² de
terrain, a été négociée un peu moins
d’1,2 million d’euros. Nicole Gex 

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  101

 En couverture 5
8 42 142 0
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EN

ISSY-LES-MOULINEAUX, CLAMART, VERSAILLES

Couronne d’opportunités

D
ans les Yvelines comme
les Hauts-de-Seine, les
volumes de transactions
diminuent : respective-
ment de - 19 % et - 12,6 %. Ce phéno-
mène tend à entraîner une baisse
des prix encore légère, mais qui
semble vouloir s’accentuer.
ISSY-LES-MOULINEAUX
Attraction parisienne
Si les Hauts-de-Seine ont vu leurs
prix fléchir de 2,8 % sur un an, Issy-
les-Moulineaux a marqué un peu
plus le pas, à - 3,3 %. « Le prix moyen
d’un appartement y est de 8 056 eu-
ros le m² », constate Olivier Princi-
valle, président de la Fnaim du
Grand Paris. Sa proximité avec la
capitale, son réseau de transports et
le réaménagement de ses quais de
Seine incitent toujours les jeunes
actifs et les couples sans enfants à
s’y installer. Ils cherchent des 2 et
3-pièces qui composent d’ailleurs
60 % du parc de la ville, vendus entre
8 800 et 9 300 euros le m² du côté de
Emile Garcin
Plus de villes Corentin-Celton, entre 7 800 et
sur Challenges.fr 8 800 euros le m² au Val-de-Seine et
entre 7 000 et 7 800 euros le m² au
Fort d’Issy. « Les investisseurs sont
moins nombreux, mais ceux encore
présents sont séduits par les loyers
qu’ils pourront appliquer, entre 25
et 35 euros le m² par mois », ex-
plique Hélène-Claire Duplat, direc-
trice générale de Quadral Expertise.
CLAMART
Nouvelle accessibilité
La baisse est visible dans cette com-
mune de la petite couronne, qui af-
fiche - 4,2 % en un an, selon la Fnaim.
En ville, les prix varient de 7 000 eu-
ros le m² côté gare à 5 000 euros au
VERSAILLES
Cathédrale de lumière
Très belle maison d’architecte de 307 m2 sur une
parcelle de 1 565 m2. Composée de 5 chambres
et d’un studio indépendant, elle bénéficie d’un
salon cathédrale avec cheminée et baies vitrées
donnant sur la terrasse et le jardin. Proche des
écoles et de l’accès vers l’A13.
Prix : 2,59 millions d’euros.
Petit-Clamart. « La commune est
plébiscitée par les primo-accédants,
mais aussi les familles qui
viennent travailler au sein des
sièges de sociétés », explique Co-
rinne Germain, directrice de l’agence
Era Immobilier. Parmi ses points
forts, son réseau très efficace de
transports : RER B, tramways T6 et
T10, et, d’ici à 2025, la ligne 15 du
Grand Paris. Misant sur une forte
croissance démographique, Clamart
a vu de nombreux programmes
neufs sortir de terre. « Mais affichés
en moyenne à 6 800 euros le m², les
biens peinent à trouver acqué-
reur », souligne Hélène-Claire Du-
plat. Ce qui oblige les promoteurs à
une baisse des prix. « Il y a de
bonnes affaires à faire avec des
appartements libres de suite à né-
gocier », conseille Corinne Germain.
VERSAILLES
Régime royal
« La ville de Louis XIV a vu ses prix
diminuer de 3 % en un an, constate
Olivier Princivalle. Les acquéreurs
se font plus rares et plus exi-
geants. » Ils n’hésitent plus à écarter
les appartements affichant des mau-
vais DPE, ce qui est le cas de 25 %
des logements de la ville. « Mais
Versailles reste chère : il faut comp-
ter en moyenne 9 250 euros le m² à
Notre-Dame et 8 500 euros le m² à
Saint-Louis », explique Karine De-
sachy, consultante au sein de
l’agence Emile Garcin. Les prix sont
plus accessibles côté Versailles-
Chantiers (7 700 euros le m² en
moyenne), Montreuil et Porchefon-
taine (7 250 euros le m² en moyenne).
Quant aux petites surfaces, « les
investisseurs en restent friands,
surtout si elles sont mal classées
énergétiquement », souligne Hélène-
Claire Duplat. Rénovés, ces biens

pourront se louer autour de 21 euros

le m² par mois. Valérie Ferrer

102  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 EN N
7 84 401
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IX ’AN R M uge 10
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A
D EU R M o
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Adresses à portée de main
De Kerangat Immobilier
I
déales pour leurs connexions
avec Paris, ces communes
constituent un marché de report
fortement polarisé. « Les petites
surfaces sont très recherchées, , ex-
plique Sébastien Lozac’h, directeur
de l’agence ERA Immobilier à Mala-
koff. Paradoxalement, celles qui
dépassent le million d’euros aussi.
C’est entre les deux que ça bloque. »
L’entêtement initial des vendeurs
laisse place aux négociations. Même
si ceux qui achètent encore ont des
budgets confortables.
MALAKOFF
Une porte qui s’ouvre
Limitrophe du XIVe arrondissement
de Paris et desservie notamment
par deux stations de métro, Mala-
koff nargue la capitale. « Tout peut
s’y faire dans un rayon de 5 mi-
nutes, pour des coûts d’acquisition
qui restent 15 à 20 % moins cher »,
affirme Sébastien Lozac’h. Les
primo-accédants, séduits par les
appartements à moins de 300 000 eu-
1
8 2 7 2
6 79 16 5 89 69 5 28 49
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Ma Châ Bag Sce
MALAKOFF, SCEAUX, MASSY
SCEAUX
Espace de verdure
Dans le secteur résidentiel Marie-Curie,
cette maison d’architecte contemporaine
de 7 pièces compte 70 m2 de plain-pied
et se déploie sur un terrain arboré de 646 m2.
A l’étage, trois chambres, un espace bureau
aménageable et un rooftop de 40 m2.
Prix : 2,39 millions d’euros.
ros, s’installent dans le centre à
proximité de la place de la mairie et
de la rue piétonne. Les couples et
les familles descendent un peu plus
loin, station Etienne-Dolet, où l’on
trouve des biens avec balcons et
places de parking à 6 800 euros
le m². Côté vendeur, il y a des
concessions à faire et il faut désor-
mais accepter les négociations.
« Ceux qui s’y refusent ne vendent
pas », prévient Sébastien Lozac’h.
SCEAUX
Prime à l’emplacement
En un an, les prix de l’immobilier ont
reculé de 3 % selon MeilleursAgents.
Si le marché accuse un ralentisse-
Plus de villes ment de l’ordre de 30 % environ,
sur Challenges.fr « certains biens, idéalement situés,
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804 
3
1 4 17 17
3 88 24 41
77 ssy 4 0
ais eau
Ma Pal
font de la résistance », note Anasta-
siia But, chez Stéphane Plaza. Dans
la résidence Penthièvre, à proximité
du parc et de la rue commerçante,
un 2-pièces des années 1970 a été
vendu à 329 000 euros sans négocia-
tion. Les biens qui dépassent le mil-
lion d’euros attirent à nouveau les
acquéreurs, comme cette maison de
180 m2 payée cash plus de 2 millions.
Sur ce type de transaction, « les
seuls acheteurs sont ceux qui n’ont
pas de crédit », remarque Patrick
Gouaze, directeur de Kerangat
Immo. Les seniors, qui cherchent à
se rapprocher des commodités ou à
louer, prisent le quartier Musiciens
ou encore l’avenue Jules-Guesde, à
7 000 euros le m².
MASSY
Capitale des affaires
Les agences frétillent à l’idée de li-
quider leurs stocks, multipliés par
trois depuis l’an dernier. Après une
chute de 30 % des ventes sur un an,
« les acquéreurs semblent plus ac-
tifs depuis le mois de septembre »,
affirme Christelle Pagnon, directrice
de l’agence Guy Hoquet. Les prix
au m², qui varient de 1 800 à 5 000 eu-
ros selon le type de bien, font de la
capitale économique de l’Essonne
une ville encore abordable, même
dans les quartiers les plus prisés.
Vers Atlantis, près de la gare, les
appartements vendus à l’origine via
des dispositifs de défiscalisation
font le bonheur des jeunes cadres
primo-accédants. « La majorité
n’ont pas d’extérieur, mais ils pro-
fitent de la proximité du cinéma et
l’entrée de l’autoroute », illustre Isa-
belle Maria, notaire. Même les sec-
teurs d’ordinaire boudés, comme le
quartier Opéra, se redynamisent. La
station de métro de la ligne 18, qui
sortira de terre devant l’hôpital
Jacques Cartier d’ici à 2027, n’y est
pas pour rien. Julia Mokdad 
103
En couverture
EN N 9 5 50 19
OY CIE 2 9 22 296
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PR NS LOS PA nes 12
cen
A
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EN
VINCENNES, MAISONS-ALFORT, BUSSY-SAINT-GEORGES
Reconnexion en douceur
A
isément accessibles grâce
à un bon réseau de trans-
ports en commun et auto-
routier, ces trois com-
munes à l’est de Paris offrent la
douceur de vivre dans un environne-
ment verdoyant et sécurisé. La
baisse d’activité enregistrée ces der-
niers mois semble se calmer, les vi-
sites reprennent depuis septembre.
VINCENNES
Négociations à l’assaut
Dans cette ville royale aux portes de
Paris, plébiscitée pour son bois, la
ligne 1 du métro et le RER A, les né-
gociations de prix, de 3 à 8 %, sont
monnaie courante. « Les vendeurs
commencent à accepter de baisser
leurs prétentions », constate
Charles Nollet, d’Orpi PIF Immobi-
lier. Après 10 % de baisse en un an,
le m² se stabilise entre 8 500 et
9 500 euros. Les primo-accédants
sont toujours là, mais doivent pré-
senter un apport important. Dans un
immeuble de 1920, un couple avec
250 000 euros d’apport a opté pour
un 55 m² à 505 000 euros. Les 3 ou
4-pièces avec ascenseur, parking et
sans travaux sont la cible des retrai-
tés qui vendent une maison devenue
trop grande et veulent rester près de
la capitale. Un 3-pièces de 63 m² de
1975 a ainsi été négocié 625 000 eu-
ros. La demande des investisseurs
est en forte baisse, freinée par le
coût des travaux des petites sur-
faces classées F ou G.
MAISONS-ALFORT
Lent redémarrage
Appréciée pour ses bords de Marne,
ses écoles, ses marchés, la ville bé-
néficie d’un accès rapide à l’A4 et
l’A86, à la ligne 8 du métro et au
RER D. Les acquéreurs reviennent
doucement, après une chute de 20 %
en un an du volume des ventes. Sou-
vent parisiens, les primo-accédants
104  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
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Iv Vitr Cré
optent pour les abords du métro,
Plus de villes
sur Challenges.fr autour de 6 500 euros le m², tel ce
3-pièces de 57 m², avec 18 m² de jar-
din, acquis 375 000 euros. A Charen-
tonneau , un couple de retraités a
vendu 1,12 million d’euros une mai-
son de 1930, de 175 m² sur 530 m² de
terrain, et recherche une maison de
100 m² dans le même secteur. Côté
locatif, « les investisseurs font des
offres de plus en plus agressives »,
constate Stéphane Lorenzini, d’Orpi
Berec Immobilier. Un 2-pièces de
29 m², classé E au DPE, proposé à
219 000 euros, a été vendu
195 000 euros. Loué 850 euros par
mois, il offre un rendement de 5,2 %.
BUSSY-SAINT-GEORGES
Confort contemporain
Proche des transports et des commerces,
cette maison de 130 m2 sur 3 niveaux,
avec 4 chambres, dispose d’un salon de
35 m2 donnant sur le jardin, d’une cuisine
américaine équipée, d’une suite parentale
et de 2 salles de bains. Double vitrage,
chaudière neuve et DPE C.
Prix : 551 500 euros.
Agence IMONET
2
4 53 39 5
4 2 54 21
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B Cor
BUSSY-SAINT-GEORGES
Parade familiale
A la sortie de l’A4, à 45 minutes de
La Défense et 10 minutes de Disney-
land par le RER A, la ville aux
150 hectares d’espaces verts fait la
joie des familles. Le prix au m² se
maintient autour de 4 000 euros,
mais le volume de ventes a baissé de
25 % en un an. Les 3-pièces de 65 m²
avec parking et balcon autour de la
gare sont vendus 260 000 euros. « Le
parking est indispensable, sous
peine de décote », confie Quentin
Gautheret d’Imonet. Les maisons de
100 m² sur 300 m² de terrain sont
proposées à partir de 550 000 euros.
Les acheteurs se dirigent souvent
vers la périphérie, plus abordable. A
Ferrière-en-Brie, une maison de
2017 de 94 m² sur 296 m² de terrain a
été vendue 455 000 euros. Le marché
locatif est saturé : les investisseurs
privilégient la location saisonnière
et achètent cash des 2-pièces autour
de 200 000 euros, loués entre 100 et
150 euros la nuit. Caroline Mathat
 1
7 4 05 36 9
6 65 49 6 4 4 06 76
EN N 0
3
9 76 454 e 6 arne 3 5 38 51
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A
D EU R M o Sai Nog Ch a Br y Neu Che
EN

MONTREUIL, NOGENT-SUR-MARNE, CHELLES

Débit au ralenti

C
es villes ont tout pour ras-
surer les acquéreurs : des
transports en commun,
des logements variés, de
bonnes écoles et de nombreuses
infrastructures. Pourtant, à Mon-
treuil, à la fois populaire et bran-
chée, et Nogent-sur-Marne, plus
bourgeoise, les candidats à la pro-
priété ne sont pas au rendez-vous. A
Chelles en revanche, première des
villes où il fait bon vivre en Seine-
et-Marne, selon un sondage JDD-
Opinionway, les transactions
reprennent doucement depuis

Alizée Palomba/Only France via AFP

quelques mois.

MONTREUIL
Dynamique à l’arrêt
Dans ce marché de report à l’est de
Paris, les prix font le grand écart.
Dans le Bas-Montreuil, vers le
RER A, le m² s’affiche à 8 500 euros.
Quartier La Noue, loin des trans-
ports, il descend facilement à
4 500 euros. La ville attire les jeunes
actifs et les familles, mais en un an,
le volume d’activité a chuté de 50 %
et le marché est bloqué. « Nous
n’avons plus de demandes au-delà
de 600 000 euros et les ventes se font
rares », constate Marc Soussan
d’Orpi MS. Les primo-accédants sont
à l’affût des 2 ou 3-pièces à moins de
350 000 euros. Dans un immeuble
1900 au pied du métro 9, un 2-pièces
de 40 m² a été négocié 250 000 euros,
avec au moins 20 000 euros de tra-
vaux à prévoir. Le prolongement de
la ligne 11, au printemps 2024, vers
Noisy-Champs, au croisement de la
ligne 15 du Grand Paris, pourrait re-
motiver les investisseurs.
NOGENT-SUR-MARNE
Prisée mais surcotée
Pourtant recherchée pour sa proxi-
mité du bois de Vincennes, ses bords
de Marne et les RER A et E, la ville a
vu ses prix chuter d’environ 5 % en
MONTREUIL
Duplex plein ciel
Idéalement situé, proche de la porte de Montreuil
et de Paris, ce duplex au 4e et dernier étage d’un
immeuble 1900, de 105 m2 habitables (71 m2 en loi
Carrez), dispose de 3 chambres, un salon, un bureau
(aménageable en chambre) et une cuisine équipée.
Deux caves en sous-sol complètent le bien.
Prix : 525 000 euros.
un an. « Les acquéreurs attendent
une plus forte baisse, à laquelle les
vendeurs ne sont pas prêts »,
constate Brigitte Barbier, d’Annie
Carrère Immobilier-Arthurimmo. Il
faut prévoir 6 500 à 7 500 euros le m²
pour les appartements anciens. Cer-
tains retraités possédant une rési-
dence secondaire, veulent y garder
un pied-à-terre. Comme ce couple
qui a vendu une maison 1930 sur l’île
de Beauté, sur la Marne, de 140 m²
sur 600 m² de terrain : après une
offre à 1,33 million d’euros annulée
pour refus de prêt, ils l’ont cédée à
1,22 million pour acquérir un appar-
tement neuf de 70 m², avec parking
et terrasse, en plein centre. Les in-
Plus de villes vestisseurs ont déserté, découragés
sur Challenges.fr par les prix et les mauvais DPE.
CHELLES
Halte accessible
Depuis l’été, les acquéreurs re-
trouvent le chemin de cette ville de
Seine-et-Marne à 40 minutes de Paris
en RER E. Les familles apprécient
les bords de Marne, la base de loisirs
nautiques et de nombreux établisse-
ments scolaires. Les appartements
anciens autour de la gare se négo-
cient environ 4 300 euros le m². Plus
éloigné des transports, ils atteignent
à peine 3 000 euros. Un 4-pièces de
73 m² avec balcon, à 20 minutes de la
gare, a été vendu 218 000 euros en
deux visites. Avec un budget de
140 000 à 180 000 euros, les primo-
accédants se dirigent vers les appar-
tements de 50 m² à proximité du
RER. L’investissement locatif est en
souffrance : beaucoup de petites
surfaces sont notées F ou G et né-
cessitent de gros travaux. « Certains
acquéreurs tentent de négocier,
mais les vendeurs ont du mal à cé-
der », explique Eric Laurent, de
l’agence l’Adresse. C. M. 

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  105

 En couverture
EN N 0 9
OY CIE 2 6 42 46
M 3
IX ’AN R M uen 7 5
PR NS LOS PA nt-O
A
D EU R S a i Sai
EN
SAINT-DENIS, LES LILAS, VILLEPINTE
Champions de l’adaptation
D
esservie par plusieurs
RER (B, D et E) et tram-
ways, la Seine-Saint-
Denis a attiré ces der-
nières années une nombreuse
clientèle de report, notamment pari-
sienne. Avec le durcissement des
conditions de crédit, l’activité a ra-
lenti et les prix ont reculé de 2,2 % en
un an, selon MeilleursAgents. Par-
fois bien plus dans les villes proches
de Paris : « La baisse peut atteindre
20 % sur certains logements », rap-
porte Pascal Rollot, directeur de
plusieurs agences Century 21.
SAINT-DENIS
Temps de récupération
La ville, qui va accueillir plusieurs
épreuves des JO 2024, bénéficie
d’une accélération de son marché
immobilier à moins d’un an de l’évé-
nement. Les prix y ont progressé de
6,1 % en un an, selon Meilleurs-
Agents. Mais cette tendance semble
atteindre ses limites : avec la hausse
des taux d’intérêt, « ces derniers
Agence LNA IMMO
106  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
4 50 10 3 8
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6 21 88 7 11 68
3 41 99
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nt-D t in 6 8 Lila 8
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Pan Les Dra
mois ont été marqués par une
Plus de villes
sur Challenges.fr baisse des prix sur les apparte-
ments comme sur les maisons,
rares, observe Chady Dekhili de
l’agence Orpi Aii. Les marges de
négociation sont plus importantes,
et vont jusqu’à 10 % du prix. » Avec
un budget souvent compris entre
150 000 et 250 000 euros, les ache-
teurs concentrent leurs recherches
au sud de la ville, sur les secteurs
Pleyel, La Plaine et Basilique. Les
prix y sont plus élevés qu’au nord.
Dans le quartier Pleyel, collé à Saint-
Ouen et desservi par la ligne 12 du
métro, un 3-pièces de 48 m² situé
dans un immeuble des années 1930
vient d’être cédé à 229 000 euros.
LES LILAS
Cocon de tranquillité
Niché au 2e étage d’un immeuble de 1930, ce
3-pièces de 54 m2, composé d’un séjour avec
cuisine américaine et de 2 chambres spacieuses,
se situe à deux pas de la mairie des Lilas. Belle
hauteur sous plafond et parquet, au calme sur
cour. Une cave au sous-sol complète le bien.
Prix : 414 900 euros.
4 29 20
2
3 25 32
7
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3 0 a ep
Le R Vill
LES LILAS
Retrait raisonnable
Un cadre de vie parisien avec
quelques m2 supplémentaires et la
ligne 11 du métro : la petite com-
mune limitrophe de la capitale attire
toujours autant. Depuis le début de
l’année, les intéressés peuvent ob-
server une baisse progressive des
prix. « Une maison proche gare, de
125 m² avec un petit espace exté-
rieur, qui aurait pu se vendre
1 million d’euros l’an dernier, vient
d’être cédée à 800 000 euros »,
confie Charlène Coelho, de Centu-
ry 21 Ricard. Les maisons trouvent
rapidement preneur si elles sont pro-
posées à des prix raisonnables. Pour
un appartement, compter en
moyenne 7 100 euros le m², selon
MeilleursAgents. « Les budgets plus
restreints peuvent s’orienter vers
Les Sentes, à l’est, qui sera desservi
par la ligne 11 dès 2024 », conseille
Steven Renier, de l’agence LNA.
VILLEPINTE
Pavillons de choix
A 18 km du centre de Paris, Ville-
pinte est une petite ville familiale où
l’on peut devenir propriétaire d’une
maison de 110 m² avec jardin, à
proximité du RER, pour « un bud-
get de 290 000 à 330 000 euros »,
commente Tom Husson, de l’agence
Era. Pour un 2-pièces au Vert-Ga-
lant, compter environ 140 000 eu-
ros. Les prix sont en baisse, et « les
vendeurs sont contraints de ré-
duire leurs prétentions, quel que
soit le bien et son emplacement »,
souligne Frédéric Aras, de Notre
Agence. Parmi les secteurs les plus
prisés, on retrouve Vieux Pays et La
Haie-Bertrand. La partie la plus
abordable reste le quartier Marie-
Laurencin. « On peut y trouver une
maison de 70 à 80 m² avec jardinet
autour de 250 000 euros », conclut
Frédéric Aras. Eugénie Barba

EN N
OY CIE 2
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M N
IX ’A R M -Ga
PR NS LOS PA hy-la
A
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EN
CLICHY-LA-GARENNE, ARGENTEUIL, ENGHIEN-LES-BAINS
Agence des Allées
C
es communes du nord de
Paris conjuguent prix abor-
dables, cadre agréable et
facilité d’accès grâce au
métro et au Transilien. Sans sur-
prise, les valeurs sûres, comme les
cœurs de villes et les abords des
gares restent à des niveaux élevés,
bien qu’en recul de 5 à 7 %, tandis que
les prix des quartiers périphériques
ou populaires dégringolent.
CLICHY-LA-GARENNE
Repli actif
Ancienne ville ouvrière, prisée des
Parisiens voisins, Clichy a vu ses
prix passer sous la barre des
7 000 euros le m², selon Meilleurs-
Agents. Un repli de 10 à 15 %, même
dans l’hypercentre – 7 500 à 8 000 eu-
ros le m² –, recherché pour ses com-
merces et ses parcs, ou aux abords
des transports. « Il y a moins d’ac-
quéreurs solvables, les vendeurs ont
compris qu’il fallait baisser leurs
prix », assure Olivier Mirahmadi,
directeur de l’agence Seven. Un
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C o l Arg Eng Her
Atouts centraux
CLICHY-LA-GARENNE
Surface stratégique
Dans l’hypercentre de Clichy, près des allées
Gambetta et du parc Roger-Salengro, ce 3-pièces
de 60 m2 se situe au 2e étage d’un immeuble
récent (2003) avec jardin intérieur. Bien en très
bon état. Ascenseur, cave. DPE C.
Prix : 479 000 euros.
couple de cadres vient d’acheter, al-
lée Gambetta, , un 5-pièces de 117 m²
en étage, à rafraîchir, dans un im-
meuble 1930 pour 830 000 euros. On
n’hésite plus à négocier. Comme ces
jeunes qui ont obtenu un 2-pièces de
45 m² près du parc Salengro pour
340 000 euros. A République, un
3-pièces de 61 m² à rafraîchir s’est
vendu 450 000 euros, en baisse
de 5 %. « En revanche, les im-
meubles récents des berges de Seine
résistent, à 8 000 euros le m² », note
Cécile Le Scouarnec, directrice de
l’Agence des Allées.
ARGENTEUIL
Attentes insatisfaites
Au ralenti, la ville enregistre un prix
Plus de villes moyen de 3 400 euros le m², selon
sur Challenges.fr MeilleursAgents. « Mais cela ne cor-
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804 
5 51 4
5 1
3 90 30 7 3 49 09
3 23 91 3
oise
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gy 29 t 3
Cer Pon
respond pas encore à la baisse du
pouvoir d’achat », regrette Loic Gili-
bert, directeur de l’agence Orpi.
Seuls peuvent acheter les profils
solides, comme cette jeune cadre
qui vient de négocier 185 000 euros
un 2-pièces de 49 m², dans un im-
meuble récent, avec balcon et par-
king, rue Maréchal-Foch. Dans ce
secteur prisé, proche de la gare
SNCF d’Argenteuil, la baisse est
modérée (- 5 %). Idem à la butte d’Or-
gemont, quartier résidentiel où les
meulières des années 1930 valent
encore 350 000 à 400 000 euros. Les
Coteaux, à deux pas de la gare du
Val, sont aussi épargnés. Les quar-
tiers populaires (Val Notre-Dame,
Val d’Argenteuil…) souffrent davan-
tage : une famille vient de négocier,
rue de Rethondes, un 3-pièces de
68 m², à rafraîchir, dans un ensemble
1970 avec parking, 150 000 euros,
soit 17 % de baisse en un an.
ENGHIEN-LES-BAINS
Paris gagnants
Les quartiers du lac, du casino et de
la gare restent des valeurs sûres, la
baisse des prix y est sensible mais
contenue (- 7 % en un an), et la ville
attire toujours, même à un prix élevé
pour le Val-d’Oise : 5 500 euros le m²
en moyenne, selon MeilleursAgents.
Qui achète ? « Des jeunes ou des fa-
milles aisées avec un apport »,
constate Jonathan Pastor, directeur
de l’agence Century 21 Les Thermes,
qui vient de recevoir deux offres au
prix (515 000 euros), comptant, pour
un 5-pièces récent de 78 m², en plein
centre. Idem autour du lac : les mai-
sons, très demandées, s’affichent
encore à 7 500 euros le m². Les prix
ont davantage baissé en direction
d’Epinay ou de Montmorency, limi-
trophes, où les jeunes se reportent
pour trouver un bien dans un budget
de 200 000 euros. Les investisseurs,
eux, se raréfient. Agnès Morel 
107
 En couverture
Toulouse.
Modération à marche forcée
Sauf rares exceptions, la fièvre acheteuse post-crise sanitaire est retombée.
Partout, les transactions se grippent, des grandes métropoles aux villes moyennes.
D
ans le paysage immobi-
lier actuel, Nissa la Bella
(Nice) fait figure d’excep-
tion : c’est l’une des deux
grandes villes, avec Marseille, où
les prix des logements augmen-
taient encore en octobre, de 6,3 %
selon les données de MeilleursA-
gents, contre + 2,3 % pour la cité
phocéenne. Mais dans les autres
métropoles, les prix sont en baisse,
notamment à Bordeaux (- 8,3 %) et à
Lyon (- 8,4 %). Dans la capitale des
Gaules, « les prix se négocient aus-
si dans les quartiers cotés, où cer-
tains logements qui ne répon-
daient pas à des critères
d’exception avaient trop augmen-
té », constate maître Pierre Bazaille,
responsable des statistiques en ré-
gion Rhône-Alpes.
Alizee Palomba/ Onlyfrance.fr
Un constat partagé par Brice Cardi,
président du réseau d’agences
L’Adresse : « Les prix reculent d’au-
tant plus vite qu’ils avaient forte-
ment et rapidement bondi après la
crise sanitaire, partout en France.
108  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
RÉGIONS
Après la fièvre acheteuse, le marché
se purge de ses excès. » La prise de
conscience du retournement est
parfois brutale, comme à Nantes, où
le volume des ventes a chuté de près
de 30 %. « Les acheteurs parisiens,
très nombreux après la crise sani-
taire, ne sont plus là. Les acqué-
reurs locaux sont très impactés par
la hausse des taux d’intérêt et ceux
qui ont encore les capacités d’ache-
ter attendent que les prix baissent »,
observe Jean-Charles Dezellus, di-
recteur associé de Mercure Forbes
Global Properties.
Littoraux freinés
Selon le réseau Orpi, la baisse des
ventes atteint 29 % à Toulouse et
même 35 % à Montpellier. « Même
sur les littoraux, la façade atlan-
tique ou la côte méditerranéenne,
où l’on a assisté à une véritable
ruée post-Covid, on observe un sa-
cré coup de frein sur les ventes »,
confie Julien Haussy, président du
réseau Espaces Atypiques.
La bonne nouvelle ? Depuis la ren-
trée, les vendeurs campent moins
sur leurs prétentions et commencent
à écouter les professionnels qui les
incitent à la modération. Et encore
plus pour les biens à rénover, notam-
ment les passoires thermiques. Les
vendeurs devront sans doute faire
davantage d’efforts pour que les pri-
mo-accédants, largement exclus en
raison de la hausse des taux d’inté-
rêt, soient de retour. Même dans les
villes plus accessibles comme Cler-
mont-Ferrand, Dijon ou Poitiers.
En attendant, les délais de transac-
tions s’allongent. « Les proprié-
taires pressés se font plus souples,
d’autant qu’un bien qui se vendait
en trois mois change désormais de
mains en six ou huit mois », lance
Julien Sauzeau, gérant d’une agence
Orpi à Poitiers. « D’une semaine
l’an dernier, les délais de vente sont
passés à trois ou quatre mois », in-
dique Jean-Baptiste Taravant, gérant
de Chanturgue Immobilier à Cler-
mont-Ferrand. Vi. G. 
On sait ce qui donne de la
plus-value à votre bien immobilier
Barre de pompier
Pièce pour télétravail

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Toutcommence
Tout commence par
par une
une bonne
bonne estimation
estimation
En couverture

LYON
Prix en euros par m2

Limites atteintes pour un logement

de plus de cinq ans

moins de 4 500

S
de 4 500 à 5 100
i le marché immobilier lyon- de 5 100 à 5 550
nais fut longtemps à l’abri de 5 550 à 6 100
des soubresauts nationaux,
plus de 6 000
il en subit désormais les
affres. Le prix moyen du m² vient de
passer symboliquement sous la
barre des 5 000 euros : du jamais-vu
depuis le printemps 2020. « Avec des
ventes contraintes, liées aux di-
vorces, aux déménagements ou
aux décès, et l’arrivée des loge-
ments locatifs classés F ou G dont
les propriétaires veulent se débar-
rasser, c’est une partie importante
du marché qui pousse à la baisse
des prix », observe Francis Rigou- Zoom sur…
reau, directeur régional des exper-
tises à BPCE. Mais pas seulement : Les Brotteaux
« Les notaires observent que les Ce micromarché bohème du
prix se négocient aussi dans les VIe arrondissement séduit avec
quartiers cotés, où certains biens ses immeubles Art déco, ses
brasseries et ses commerces.
qui ne répondaient pas aux cri-
« Une vie de quartier festive, où il
tères d’exception avaient trop aug- existe néanmoins une disparité
menté », souligne maître Pierre Ba- entre les biens rénovés et ceux à
zaille, responsable des statistiques rénover », confie Romain Billard,
notariales en Rhône-Alpes. de l’agence Sotheby’s Lyon. situés sur les quais de Saône, à Ai-
Il faut compter entre 6 000 et nay ou aux abords du parc de la
« Micromarchés résistants » 7 000 euros le m2, la fourchette Tête d’Or, résistent néanmoins et
Difficile de chiffrer le pourcentage haute de Lyon, pour les sont même payés comptant avec
de négociation actuellement en vi- appartements en bon état. un prix oscillant entre 5 800 et
gueur, mais d’après Sandra Viricel, A rénover, les valeurs chutent 7 000 euros le m², voire plus.
porte-parole de La Boîte Immo, « il autour de 5 200 euros le m2. En s’éloignant des arrondissements
peut évoluer entre 4 et 10 % selon centraux et en se concentrant sur
l’état du bien et la nécessité du ven- une terrasse de 11 m², proposé à les VIIe, VIIIe et IXe arrondissements,
deur de réaliser très vite la transac- 350 000 euros, a été vendu 320 000 eu- les prix fléchissent légèrement.
tion, surtout s’il a contracté un ros. Certains biens très exception- « Certains micromarchés s’en
prêt-relais ». Dans le Ve arrondisse- nels avec vue, emplacement et belle tirent mieux, comme Jean-Macé,
ment, un appartement de 72 m² avec hauteur sous plafond, comme ceux Saint-Louis, Grange-Blanche, Val-
my…où une vie de village se re-
constitue, tout en étant proche du
Et autour… centre d’affaires de Part-Dieu ou de
Bellecour, attirant jeunes couples
TASSIN-LA-DEMI-LUNE une terrasse de 14 m2, à l’implantation d’entreprises ou familles », note Francis Rigou-
Commerces, équipements dans un immeuble datant de logistique et de haute reau. Là, le mètre carré dans l’an-
urbains, écoles, collèges et de 2000, a été vendu sans technologie. Son centre, cien évolue entre 3 000 et 4 500 eu-
sécurité publique, cette négociation, en un mois, bien nanti en écoles et ros. En périphérie, les maisons ont
commune de l’Ouest attire à 325 000 euros. Dans commerces, est agréable. vu leur cote s’éroder de 6 % sur
les familles, dans un centre l’ancien, les prix se rétractent Elle affiche des prix beaucoup
où tout se fait à pied. « La autour de 4 300 euros le m2. plus abordables que ceux de un an, succédant à une période d’eu-
ville a beaucoup construit l’ouest, avec un prix moyen, phorie et subissant pêle-mêle les
dans les années 2000, ce qui SAINT-PRIEST selon MeilleursAgents, de difficultés d’obtenir un crédit-relais,
lui vaut un parc immobilier A 10 minutes de Lyon en 3 600 euros le m2 dans la hausse du prix des carburants
récent en adéquation avec train, 30 minutes en voiture l’ancien. Les maisons sont et… les embouteillages. A terme, en
les besoins d’aujourd’hui, avec (sans embouteillages), cette vendues entre 600 000 et fin d’année, un décrochage du mar-
balcon ou terrasse », apprécie ville de 45 000 habitants 1 million d’euros. Presque
Sandra Viricel. Un 67-m2 offre un environnement deux fois moins cher que ché de 5 % sur un an est attendu,
en dernier étage avec économique dynamique lié sur les Monts d’Or.• tous biens confondus, selon les no-
taires. Elisabeth Lelogeais

112  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023


Gel généralisé
Zoom sur…
La Treille
Niché au cœur du
XIe arrondissement, à
l’extrême est de la ville,
La Treille est un tout petit
village, avec sa fontaine
et des collines tout autour.
On y trouve surtout des
maisons individuelles avec
jardin, très bourgeoises,
pour lesquelles il faut
compter en moyenne
4 300 euros le m2, et
un budget généralement
compris entre 1 et
1,5 million d’euros.
Un quartier familial où les
habitants travaillent autant
à Marseille qu’à Aix-en-
Provence ou Cassis.
V
« ous voulez un résumé
bref de la situation ? A
Marseille, il n’y a tou-
jours rien à vendre, et
toujours rien à louer. Voilà, j’ai été
précis et synthétique ! » Jean-Luc
Et autour…
COUDOUX
« Pendant le Covid, nous
avons vu des Parisiens
arriver… et ils ne sont jamais
repartis ! » Janine Bellante,
adjointe au maire en charge
de l’urbanisme, se réjouit
de l’arrivée de nouveaux
habitants à Coudoux, entre
Aix et Salon-de-Provence.
Avec 3 600 habitants,
l’endroit, charmant avec sa
vue sur la Sainte-Victoire
et les vignes, est avant tout
familial. L’ultime projet
MARSEILLE
Lieutaud, président de l’Unis (Union
des syndicats immobiliers) Paca, ne
plaisante qu’à moitié. Toutefois, les
prix restent sages, stables d’une an-
née sur l’autre, selon un rapport de
la chambre des notaires publié fin
immobilier vient d’être lancé :
un écoquartier à 5 minutes
à pied du centre, avec
200 logements et un parc de
1,5 hectare. « Les prix sont
en augmentation constante
et avoisinent les 5 400 euros
le m² », s’inquiète l’élue.
SIMIANE-COLLONGUE
A 15 minutes en voiture de
la gare TGV d’Aix-en-Provence,
de la gare Saint-Charles à
Marseille et de l’aéroport
de Marignane, le village de
Prix
Prix en euros par m2
pour un logement
de plus de cinq ans
moins de 3 000
de 3 000 à 3 500
de 3 500 à 4 000
de 4 000 à 4 700
plus de 4 500
Simiane-Collongue compte
5 500 habitants. Les prix
y sont élevés : entre 3 500
et 4 500 euros le m2, après
négociation. « Nous
commençons à avoir du stock
parce que les mandats
ne sont pas au bon prix,
dit Laurence Pont, vice-
présidente de la Fnaim
Aix Marseille Provence et
responsable de l’agence
Immocap. Les acheteurs
sont là, mais ils attendent
que les prix baissent. » •
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804 
septembre, avec niveau médian qui
se maintient à 3 500 euros le m². Mais
cela ne veut
(€/m²)
nord,
pas dire grand-chose
Marseille
dans une ville très fracturée, entre le
pauvreMeilleurs Agents
et bon marché (prix
au 1er
médian de 1Octobre
180 euros2023
le m² à la Ca-
bucelle, dans le XVe arrondissement)
< 3000
et le sud, bourgeois et cher (prix
médian de 5 710 euros le m² au Rou-
3000 - 3500
cas Blanc, dans le VIIe arrondisse-
ment, près de la Corniche). Hors
concours,3500 - 4000
les villas avec extérieur et
vue sur la Méditerranée dépassent
4000les
allègrement - 10
4700
000 euros le m².
La forte demande post-Covid a vidé
le marché> 4500
de ses stocks, et le trop
petit nombre de programmes immo-
biliers neufs, bloqués par la nouvelle
municipalité élue en 2020, le temps
de faire un état des lieux des autori-
sations de construire, n’a pas permis
de renouveler l’offre.
« Biens retirés de la vente »
« C’est une crise sans précédent,
poursuit Jean-Luc Lieutaud. L’accès
au crédit se resserre, les permis de
construire sont à l’arrêt, les taux
d’intérêt sont en hausse. Et si les
prix ne s’effondrent pas, c’est parce
que les vendeurs ont retiré leurs
biens de la vente le temps que ça se
calme. Marseille reste aussi une
ville où les acheteurs ont des
moyens limités, ce qui a maintenu
les montants affichés à des niveaux
moins élevés qu’ailleurs. »
La crise s’étend aussi aux locations,
et la situation est critique. La muni-
cipalité se dit prête à encadrer des
loyers qui augmentent partout, mais
doit attendre le cadre législatif pro-
mis par le gouvernement. En atten-
dant, le marché est gelé, tétanisé.
Depuis la crise sanitaire, les de-
mandes de logements sociaux sont
passées de 31 000 environ mi-2020 à
plus de 50 000 cet automne. Cela
freine massivement la mobilité des
ménages, qui hésitent à quitter un
logement devenu trop petit ou inadé-
quat puisqu’ils n’ont pas les moyens
d’en retrouver un autre dans le parc
privé et doivent attendre plusieurs
années pour avoir accès au parc so-
cial. Au printemps, le président de
l’Unis locale, Nicolas Rastit, affir-
mait que l’offre locative avait chuté
de près de 90 % en un an, selon une
étude de l’Observatoire immobilier
de Provence, un organisme créé par
les promoteurs. Anna Rousseau 
113
 En couverture
Nice Sotheby’s International Realty
Un appartement dans un palais Belle Epoque. A Cimiez, ce 120-m2 niché dans
les étages du Majestic, offre une vue panoramique sur la ville et sur un coin
de mer, à quelques pas seulement du centre. Prix : 900 000 euros.
NICE
Cote internationale
T
rès prisée pour son cadre
et son climat méditerra-
néen, Nice n’échappe pas à
au ralentissement des tran-
sactions immobilières. Selon la Fé-
dération nationale de l’immobilier
(Fnaim), le prix de vente moyen
s’élevait début octobre à 5 012 euros
le m². Soit encore une hausse de
2,7 % par rapport à 2022, mais qui
met un terme à l’emballement des
trois précédentes années (+ 17,1 %
au total). « Grâce à son emplace-
ment, son aéroport international et
la proximité de l’Italie et de la mon-
tagne, Nice dispose de nombreux
atouts pour séduire une clientèle
française et internationale qui in-
vestit dans une résidence secon-
daire pouvant devenir une rési-
dence principale à la retraite »,
estime Michaël Zingraf, président de
Michaël Zingraf Real Estate.
Pour une maison, le mètre carré
s’élève en moyenne à 6 476 euros ;
pour un appartement, à 4 890 euros.
Dans le très prisé Carré d’or, proche
de la Promenade des Anglais, les
prix peuvent atteindre 11 000 à
12 000 euros le m² pour les biens
d’exception. Mais d’autres secteurs,
en centre-ville ou sur les collines,
plus abordables, tirent leur épingle
du jeu. Ainsi Garibaldi, Libération ou
Masséna près de la coulée verte sont
des quartiers familiaux, avec de
114  CHALLENGES N°804 - 2 novembre 2023
nombreuses écoles. Là, il faut comp-
ter en moyenne 6 450 euros le m²
pour une maison et en moyenne
5 100 euros le m² pour un apparte-
ment. « Sachant qu’une vue sur mer
pourra faire varier les prix du
simple au double », souligne Diran
Joulakian, de Keller Williams Mas-
sena. Sur les hauteurs de Fabron,
Cimiez, Gairaut ou Mont-Boron, ré-
sidences de standing, hôtels particu-
liers et villas Belle Epoque sont des
valeurs sûres. Côté appartements,
les prix peuvent varier de 3 000 eu-
ros à 10 000 euros le m².
Pour ceux qui veulent se lancer
dans un investissement locatif, « il
faut être très vigilant sur le
contexte de restrictions légales et
réglementaires », souligne Eric
Laboue, directeur de Sotheby’s In-
ternational Realty Nice. « Il faut
continuer à faire de la pédagogie
auprès des vendeurs sur les prix,
mais investir dans la pierre à Nice
reste une valeur sûre », estime
Benjamin Mondou, président de
Century 21 Lafage Transactions.
Les liaisons internationales di-
rectes, notamment vers New York
et Atlanta aux Etats-Unis, les pro-
jets comme le futur hôtel 5 étoiles
dans le quartier de la gare ou l’ex-
tension de la promenade du Paillon
prévue d’ici à 2025, sont des atouts
de taille. Neijma Lechevallier
MONTPELLIER
Refroidissement général
L
e marché de l’ancien s’est sensiblement
contracté depuis le printemps. « La pénurie
de biens à vendre conjuguée à des prix
élevés explique un ralentissement plus marqué ici
et à Sète, deux villes très demandées, que dans
le reste de l’Hérault », note Maguelonne Escande-
Cambon, présidente de la chambre des notaires.
Au troisième trimestre, les ventes de maisons
étaient en baisse de 11,3 % sur un an et celles des
appartements de 9 %. Les prix, eux, n’ont pas fléchi
dans les mêmes proportions : - 3,6 % en un an pour
les appartements (3 560 euros le m² en moyenne)
et - 0,6 % pour les maisons (4 600 euros le m²), selon
MeilleursAgents. Et même de beaux biens dans
des quartiers prisés, trop chers, ne se vendent
qu’après négociation. Dans le secteur historique de
l’Ecusson, les petites surfaces, souvent louées aux
étudiants, ne dépassent plus les 5 000 euros le m².
Sur le marché du neuf, les ventes se sont effondrées
de 60 %. Faute de demande finançable et d’une
production restée insuffisante depuis 2019, « la
crise va s’accentuer », déplore Clémence Peyrot,
directrice régionale Occitanie d’Adéquation. Les
prix deviennent rédhibitoires. « Ils approchent des
6 000 euros le m² », note-t-elle. Une cote artificielle
vu le peu de ventes réalisées. Myriem Lahidely
AIX-EN-PROVENCE
Tableau dispendieux
S
on cadre séduit toujours autant les acquéreurs,
et l’évolution des prix s’en ressent. « Depuis
la fin de 2022, si la baisse des volumes des
ventes malmène le marché provençal, les prix font
preuve d’une surprenante robustesse », estime
maître Jean-Sébastien Duracher, président de
la chambre des notaires des Bouches-du-Rhône.
Avec la vue panoramique sur la montagne
Sainte‑Victoire, « nous bénéficions d’une situation
privilégiée », dépeint Pierre-André Scandolera,
directeur associé d’Aix-en-Provence Sotheby’s
International Realty. Et les prix sont à l’avenant
selon MeilleursAgents : 5 391 euros le m² en
moyenne pour les appartements, avec des pointes
à plus de 8 000 euros dans le centre historique
et 6 172 euros le m² en moyenne pour les maisons.
En centre-ville, les familles doivent compter sur un
budget de 750 000 euros minimum pour une maison
d’environ 100 m2, et autour de 450 000 euros pour
un appartement de 90 m². Selon les quartiers,
les prix varient de 3 600 euros le m² à plus de
10 000 euros à Couronne Sud ou Nord, Tanneurs
ou Pigonnet, voire plus dans le très chic Val Saint-
André. « Les beaux biens anciens y sont toujours
une valeur sûre », souligne Emmanuel Garcin,
directeur d’Emile Garcin Propriétés. N. L.
 TOULOUSE
L’heure de la bascule
D
epuis la rentrée, la
chambre interdéparte-
mentale des notaires de
Haute-Garonne constate
deux phénomènes dans l’ancien.
D’une part, une diminution de 17 %
du volume des ventes ; d’autre part,
des biens qui s’échangent 3 % à 5 %
moins cher, avec un prix médian qui
se situe désormais à 3 280 euros
le m². « Aujour­d’hui, c’est une cor-
rection des prix plus qu’un effon-
drement, mais le phénomène va
s’accentuer, prévoit Frédéric Giral,
son président. Sur le marché des
maisons notamment, le recul pour-
rait atteindre facilement les 12 %
d’ici à la fin de l’année. »
Les professionnels assistent déjà à
de sérieuses négociations. « Impac-
tés par les difficultés de finance-
ment, les acquéreurs osent systé-
matiquement des offres à la baisse
de 15 % par rapport au prix de-
mandé », estime Frédéric Sayous,
directeur des agences Century 21
de Toulouse Saint-Cyprien, Tourne-
feuille et Blagnac. Illustration avec
ce bel appartement haussmannien,
situé à deux pas de la faculté de
droit et doté, chose rare en centre-
ville, d’un parking. Proposé à
630 000 euros, il ne déclenchait au-
cun appel. Lorsque ses proprié-
taires ont enfin accepté de baisser
le prix, il s’est finalement vendu
Sotheby’s International Realty Midi-Pyrénées.
Un repaire familial au cœur de la Côte Pavée. Cet appartement de 170 m2,
près des établissements scolaires prisés, offre une belle vue sur la ville.
Entouré de nombreux commerces, avec 2 parkings. Prix : 550 000 euros.
570 000 euros. « Cette bascule est
encore difficilement concevable
pour de nombreux vendeurs, et
c’est bien ce qui grippe le marché »,
souligne Frédéric Giral.
Plus inquiétant, ce sont désormais
les biens affichés entre 380 000 et
650 000 euros qui en subissent les
conséquences. Autrement dit, le
cœur du marché toulousain, tandis
que celui des petits budgets, entre
150 000 et 180 000 euros, se main-
tient davantage. Premières victimes
de cette baisse ? Les appartements
bourgeois du centre-ville. Le prix
médian constaté par les notaires
dans le si prisé quartier des Carmes
s’affiche à 5 080 euros le m², en recul
de 1,7 %. Autour de la place Dupuy
et du marché Saint-Aubin, la cote
reste stable à 5 000 euros le m² mé-
dian, ainsi que dans le quartier
Saint-Georges (5 220 euros le m²).
En revanche, la baisse ne se voit pas
encore au Capitole (5 530 euros
le m²), en hausse de 5,3 %. Enfin, les
logements neufs sont en plein ma-
rasme. « Les ventes ont chuté de
60 % depuis le début de l’année
dans l’aire urbaine, et les désiste-
ments des acquéreurs ont flambé de
10 % depuis un an. Je pense que
nous entrons dans le dur de la
crise », s’inquiète Laëtitia Vidal, la
présidente de l’Observer de l’immo-
bilier toulousain.  Béatrice Girard
BORDEAUX
Accès contrarié
C
onstatée par les professionnels, la baisse de
8 à 12 % des prix est désormais affichée.
Dans le quartier Saint-Bruno, une échoppe
de 74 m² en bon état est passée sous la barre des
300 000 euros, tandis qu’à la Victoire, un T1 bis
de 40 m² a été négocié 176 000 euros. « Mais ces dix
dernières années, les prix des logements avaient
augmenté de 50 % », nuance Eric Goya,
administrateur de la Fnaim. La majeure partie des
biens proposés à la vente reste surestimée et le
nombre de transactions a chuté de près de 30 % sur
un an. Cette situation entraîne un changement de
comportement chez les acquéreurs : « Les gens
achètent un studio pour y vivre, alors qu’en temps
normal, ils se seraient installés dans un 2-pièces »,
note Eric Goya. En parallèle, à 5 000 euros le m2,
le studio souffre de désaffection de la part des
investisseurs. Ces derniers ne représentent plus que
30 % des acheteurs dans le neuf, contre 52 % en 2022,
selon la Fédération des promoteurs de l’immobilier.
Pour Camille Faloci, présidente de l’Unis :
« Ce n’est même plus le prix qui pose problème,
mais le contexte. » Et qui fait peser un vrai risque
sur l’économie locale : « Faute de logements, des
étudiants renoncent à leur cursus et des actifs
refusent des postes », constate-t-elle. Marine Coelho
LA ROCHELLE
Attraction raisonnée
M
ême si l’euphorie immobilière est bel et
bien terminée, la ville blanche apparaît
relativement protégée de la crise actuelle.
« Nos volumes d’activité sont en baisse d’environ
10 % entre janvier et septembre par rapport à
l’année dernière, mais la fréquentation acheteuse,
en agence ou sur Internet, croît de 20 %, relève
Damien Brossial, gérant de l’agence Century 21 du
Vieux-Port, à La Rochelle. Il n’y a donc pas moins
d’acheteurs, mais ils sont plus exigeants, et
prennent davantage leur temps comme le montre
l’allongement de nos délais de vente à 80 jours, en
moyenne, cette année, contre 48 jours en 2022. »
Attractivité non démentie de la côte Atlantique
depuis la crise sanitaire, clientèle huppée (environ
50 % des transactions se font sans prêt), hausse
de 15 à 20 % du stock de biens à vendre, soutien
de l’investissement locatif (une vente sur quatre
environ) : La Rochelle reste prisée des cadres
supérieurs et des retraités. Pour ces acheteurs,
le coup de frein sur les transactions offre une baisse
d’environ 10 % des prix, à 3 400 euros le m² pour
les maisons, et 4 500 euros le m² pour les
appartements. Du fait de la faible offre intra-muros,
ils devront néanmoins accepter de s’éloigner en
deuxième ou troisième couronne. Pierre Havez u
2 novembre 2023 - CHALLENGES N°804  115
 En couverture
GRENOBLE
En pleine désescalade
P
« oussif, au ralenti » : c’est
ainsi que Nicolas Vallier,
responsable de l’agence
Laforêt Grenoble, qualifie
le marché immobilier grenoblois.
« Nous avons perdu une part im-
portante de primo-accédants et
seuls les acheteurs ayant revendu
un logement ou disposant d’un ap-
port élevé, peuvent se positionner »,
explique-t-il. Grenoble intra-muros
concentre la majorité des demandes.
Ici, les prix ne flambent plus et se
sont stabilisés autour de 3 020 euros
le m² selon MeilleursAgents.
A Championnet, l’Ile Verte, Anti-
quaires ou Verdun, les quartiers les
plus recherchés, les prix peuvent
atteindre, dans l’ancien, 4 000 euros
le m². Pour les budgets plus serrés,
l’alternative réside non pas dans les
quartiers sud de la ville, boudés,
mais dans les communes limi-
trophes de la métropole, jusqu’au
Voironnais. Coublevie, Saint-Jean-
de-Moirans, La Buisse, proches de
l’autoroute, attirent les acheteurs.
Seyssinet-Pariset ou Pont-de-Claix
sont des alternatives également pos-
sibles pour des enveloppes budgé-
taires à partir de 200 000 euros.
La demande de maisons, qui a émer-
gé post-Covid, reste active, même si
les délais de vente s’allongent. « Les
acquéreurs, qui précédemment ne
pensaient pas revente, l’envisagent
Laforêt
Une petite maison de ville bien placée. A proximité de la gare, quartier Berriat-
Jaurès, ce bien de 59,5 m² répartis en 4 pièces sur 2 niveaux comprend aussi
un galetas (cagibi à Grenoble) aménageable en bureau. Prix : 205 000 euros.
116  CHALLENGES N°804 - 2 novembre 2023
désormais et deviennent plus exi-
geants, constate Estelle Misery, du
réseau IAD. Les prix des travaux et
des matériaux freinent ceux qui
étaient naguère prêts à acheter un
bien à rénover. » Dans une ville où
étudiants et jeunes actifs sont nom-
breux, les investisseurs sont aussi
pour l’heure toujours présents :
« Cela est vrai dans le centre-ville
tout comme dans le sud ou à proxi-
mité du campus de Saint-Martin-
d’Hères, en lien avec le dynamisme
général du marché de la location »,
observe Nicolas Vallier. Au 1er oc-
tobre, son agence recevait a minima
une quinzaine de demandes par jour
de personnes cherchant un loge-
ment à louer.
Dans le neuf, le mouvement vers les
communes en périphérie se des-
sine, en lien avec la raréfaction de
l’offre à Grenoble intra-muros. Mais
la tendance est ici la même que
pour l’ancien : un recul des transac-
tions avec, rapporte la Fédération
des promoteurs immobiliers (FPI)
Alpes, un nombre de ventes en
chute de 36 % au premier semestre
par rapport à la même période de
2022. Malgré ce ralentissement
violent du marché, les prix ne
baissent pas, et au contraire conti-
nuent d’augmenter : + 8 % depuis le
début de l’année, ­selon les chiffres
de la FPI Alpes. Catherine Bocquet
DIJON
Changement de climat
D
« epuis un an, nous constatons un
fléchissement structurel des prix, de
l’ordre de 5 à 10 % par rapport à ce qui
était observé il y a 12 à 18 mois », note Catherine
Vandriesse, présidente de la Fnaim de Côte-d’Or.
Le marché immobilier dijonnais, où le prix médian
était, au 30 juin, de 2 600 euros le m² selon les
notaires, a basculé au profit des acquéreurs. Les
quartiers les plus prisés restent ceux du centre-ville,
de Victor Hugo et de Montchapet, tandis que la
demande de maison individuelle dans ces mêmes
secteurs ou en proche périphérie va croissant.
Et si les primo-accédants sont très absents, les
secundo-acheteurs sont actifs et en position de
force, surtout lorsqu’ils peuvent acheter comptant :
« Nous constatons une forte hausse du montant
des apports et des ventes conclues sans recours
au crédit », rapporte Catherine Vandriesse. Ce fut le
cas pour cette maison proche de Dijon, acquise
pour 600 000 euros. La demande locative est quant à
elle importante, fortement portée par les étudiants.
Elle vient donner de l’attrait à des quartiers comme
Chenôve ou Quetigny. Les investisseurs, présents
sur le marché, ne s’y trompent pas, alors que les
rendements bruts peuvent dépasser 6 % dans le cas
de colocations. C. B.
ANNECY
Perfusion frontalière
A
nnecy reste plus que jamais un marché
immobilier à deux faces. Tandis que la
demande se fait plus rare pour les logements
vendus moins de 400 000 euros, celle concernant les
biens à plus d’1 million d’euros se porte toujours
plutôt bien. « Les frontaliers et les Suisses ont un
pouvoir d’achat en progression et restent très
présents, constate Jean-Christian Bozon de l’agence
Charmilles Immobilier. Idem pour les ménages
venus de Paris ou Lyon qui disposent de budgets
conséquents. » Le prix moyen d’un appartement
ancien est de 5 280 euros le m² ; celui d’une maison
de 5 860 euros le m², en léger recul. « Après une
augmentation de 30 % sur les cinq dernières
années, les prix se stabilisent, avec un retrait de
l’ordre de - 1,4 % sur les trois derniers mois,
observe Sébastien Cartier, président de la Fnaim
Savoie Mont Blanc. Mais les logements dont
les prix reculent sont en grande majorité ceux
les moins bien classés selon leur note
énergétique. » Les petits appartements des vieux
quartiers, très concernés, reviennent sur le marché
après des années de flambée des valeurs. Leur
mauvaise étiquette énergétique et le coût très élevé
d’une remise à niveau pour louer découragent
de nombreux investisseurs. C. B.

Century 21 Longchamps
Une maison années 1920, boulevard de Longchamp. Cette demeure de 145 m²,
avec cheminées, 4 chambres et un terrain de 626 m², en vente depuis trois
mois, est en baisse de 25 000 euros. Prix : 625 000 euros.
NANTES
Ventes à quai
B
rusque retour à la réalité,
pour la cité des ducs de
Bretagne, après cinq an-
nées de folie immobilière.
Dans les agences, la pile des biens à
la vente s’allonge indéfiniment...
« Depuis le mois d’avril, le volume
des transactions est en baisse de
près de 30 %, observe Jean-Charles
Dezellus, directeur associé de Mer-
cure Forbes Global Properties. Les
acheteurs parisiens, très nom-
breux pendant la crise sanitaire,
ne sont plus là. La population nan-
taise, qui s’est beaucoup rajeunie
– 45 % des acheteurs ont moins de
40 ans –, se trouve très impactée
par la hausse des taux d’intérêt. Et
ceux qui ont encore les capacités
d’acheter attendent que les prix
baissent... » Cette correction bru-
tale se traduit depuis quelques se-
maines par un retour aux prix
d’avant Covid : alors que pendant la
pandémie, le m² avait dépassé les
6 000 euros dans l’ancien, il redes-
cend désormais allègrement sous la
barre des 5 000 euros.
Dans ce marché devenu profitable
aux acheteurs, les belles demeures
familiales proches du centre-ville
continuent de se vendre à ces ni-
veaux, comme cette maison de
126 m² avec 3 chambres et un joli
petit jardin, dans une impasse pri-
vée du quartier Saint-Donatien, qui
vient de trouver preneur pour
640 000 euros. Les quartiers de Saint-
Félix, Saint-Pasquier, Monselet ou
Canclaux continuent d’attirer une
clientèle familiale aisée. Mais en de-
hors de ces secteurs, le centre-ville
se retrouve de plus en plus ­délaissé
au profit de certaines aggloméra-
tions périphériques recher­chées,
comme Vertou (3 900 euros le m² en
moyenne, + 4 % en un an), Sucé-sur-
Erdre (3 700 euros le m², + 2 %), ou
Sautron (4 400 euros le m², + 4 %).
« En revanche, les pavillons entre
120 et 140 m² dans des communes
comme Saint-Herblain ou Orvault
ont du mal à se vendre, car les
stocks sont au plus haut, et les ac-
quéreurs, moins nombreux, ont
davantage le choix et se montrent
de plus en plus sélectifs », pointe
Bertrand Debuquoy, gérant de
l’agence Century 21 Longchamp.
Autre conséquence, le marché du
neuf se retrouve quasiment à l’arrêt.
« Les ventes ont reculé de 70 % au
premier semestre 2023 comparé à
l’année dernière !, alerte Benjamin
Haguenauer, président de la FPI
(Fédération des promoteurs immo-
biliers) Pays de la Loire. La fuite des
investisseurs et la baisse du pou-
voir d’achat immobilier créent un
attentisme dangereux, car il met
également en péril les opérations
futures... » P. H.
POITIERS
Attente nouvelle
I
ci, les prix de l’immobilier qui étaient encore en
légère hausse (+ 3,7 % sur un an au 1er octobre
2023, d’après MeilleursAgents), commencent
à décélérer. Il faut compter de 1 600 à 3 100 euros
le m² selon les quartiers. « Les vendeurs pressés
se font plus souples, d’autant qu’un bien qui se
vendait en trois mois change désormais de mains
en six ou huit mois », lance Julien Sauzeau, gérant
d’une agence Orpi. La demande faiblit et les primo-
accédants ont disparu du marché. Faute de capacité
financière suffisante, ils se tournent vers la location,
très convoitée par les étudiants. D’où des loyers
en tension. Les investisseurs, également difficiles à
­financer, se font plus rares. « Un studio de 20 m²
se négocie entre 40 000 et 70 000 euros et se loue
300 à 400 euros par mois », précise Eric ­Paquet,
gérant de l’agence Paquet Immobilier. Les retraités
aiment le centre-ville et les appartements avec
ascenseur et terrasse. Mais ils sont rares.
Les familles aisées préfèrent les maisons de Saint-
Benoît, Fontaine-le-Comte, Mignaloux-Beauvoir…
proches du CHU. L’une d’elles, de 80 m² vient d’être
vendue 170 000 euros. « Le marché n’est pas
mauvais, il faut juste le bon produit au bon
moment », conclut Gauthier Perron, gérant d’une
agence Guy Hoquet. Colette Sabarly
CLERMONT-FERRAND
Gonflement des stocks
L
a ville n’échappe pas au marasme ambiant.
« La demande y a chuté de 40 à 50 %
depuis le début de la crise », indique
Philippe Allin, gérant de plusieurs agences Orpi
dans la région. Résultat, les délais de vente se
sont allongés. « D’une semaine l’an dernier,
nous sommes passés à 3 ou 4 mois », poursuit
Jean-Baptiste Taravant, gérant de Chanturgue
Immobilier. Résultat, les stocks augmentent.
Les acquéreurs n’ont que l’embarras du choix et
négocient. Les vendeurs pressés acceptent de revoir
leur prix (en recul de 2 à 5 % depuis janvier). « Les
appartements se paient en moyenne 2 200 euros
le m² et les maisons 2 500 euros le m² », note Pierre
Prugnard, gérant d’agences Era Immobilier. Sans
extérieur, les biens se vendent mal ou à prix décoté.
Près de la cathédrale, un 140‑m² refait à neuf, avec
double garage mais sans balcon ni terrasse, a été
négocié 360 000 euros. En revanche, quartier
République, un 49‑m² avec grand balcon, garage
et belle vue, a été vendu 137 000 euros. Les maisons
avec jardin trouvent preneur à prix cohérents.
Sinon, les délais de vente s’allongent. A Montferrand,
compter 285 000 euros pour 110 m² et jardinet de
280 m², et à Chamalières, 400 000 euros pour 140 m²
avec 300 m² de jardin. C. S. u
2 novembre 2023 - CHALLENGES N°804  117
 En couverture
Beausite Immobilier
Un duplex avec terrasse au cœur de la Robertsau. Dans un immeuble à
colombages, cet appartement de 172 m2 entièrement réhabilité bénéficie
d’une terrasse de 30 m² sans vis-à-vis et 4 chambres. Prix : 840 000 euros.
STRASBOURG
Place aux investisseurs
S
tagnation des prix d’un côté,
recul des ventes de l’autre.
C’est ainsi que l’on pourrait
résumer le marché immobi-
lier strasbourgeois, où, selon
Meilleurs­Agents, le mètre carré
s’échange en moyenne à 4 002 eu-
ros. Un niveau qui varie beaucoup
en fonction des quartiers et de la
typologie de biens. « Dans l’hyper­
centre, près du parc de l’Orangerie,
les prix sont proches des 5 000 eu­
ros le m². En périphérie, dans des
immeubles des années 1970, ils
avoisineront les 3 000 euros le m²,
observe Francis Meyer, directeur
des ventes pour l’agence Guy Ho-
quet de Sélestat. Les maisons alsa­
ciennes, comme celles situées dans
le secteur de la Petite France, sont
rares, mais se vendent entre 4 000
et 5 000 euros le m² en fonction de
l’état du bien. » Quant aux délais de
vente, « ils sont passés de 90 à
100 jours en moins d’un an », pré-
cise Olivier Bierry, directeur de
l’agence Orpi Illkirch Graffensta-
den - Résidence 2000.
Les principaux acteurs du marché
sont d’abord les investisseurs, en
quête de studios et de 2-pièces,
pour un rendement brut d’environ
4,5 %. Ils paient souvent comptant,
surtout si le prix est compris entre
250 000 et 300 000 euros. Puis
viennent les secundo-accédants,
118  CHALLENGES N°804 - 2 novembre 2023
qui misent davantage sur les beaux
biens : « Nous venons de vendre un
magnifique 4-pièces, rue du Géné­
ral-Rapp, pour 600 000 euros, payé
comptant en moins d’un mois. Il y
a de plus en plus de transactions
de ce type dans la ville », constate
Philippe Dierstein, fondateur de
l’agence Beausite Immobilier. En-
fin, les primo-accédants, eux, sont à
la peine. Les difficultés qu’ils ren-
contrent pour emprunter pèsent sur
le marché locatif selon Francis
Meyer : « Bon nombre d’entre eux
n’osent même pas changer de loge­
ment, car ils ont peur de ne pas
trouver mieux en termes de loyer.
Le marché est saturé. »
Et il ne faudra pas compter sur la
production de logements neufs pour
renchérir l’offre de biens à louer. Les
opérations se lancent avec beau-
coup de retard et le nombre de réser-
vations recule. Les candidats à
l’achat éligibles à la TVA à 5,5 %
pourront opter pour les opérations
excentrées, comme celle de la friche
Istra menée par Bouygues Immobi-
lier à Schiltigheim. Les premiers ap-
partements seront livrés en 2024.
« Les logements produits permet­
tront aux primo-accédants d’obte­
nir des 3-pièces à 4 300 euros
le m² », précise Julien Deiber, direc-
teur Alsace Franche-Comté de
Bouy­gues Immobilier.Ludovic Clerima
NANCY
Activité recentrée
M
algré une chute des ventes de près de 30 %,
les prix ne reculent pas et progressent
même, d’après MeilleursAgents, de 1,8 %
sur un an. Seuls les logements compris entre
150 000 et 300 000 euros enregistrent une correction
inférieure à 5 %. Des biens où les candidats à l’achat
étaient surtout des primo-accédants, financés par
un crédit. Encore très actifs, les investisseurs se
concentrent dans la vieille ville et près de la faculté
de lettres. « Les Parisiens achètent des immeubles
entiers pour les mettre en location saisonnière,
tandis que les locaux louent à des jeunes. Le
rendement brut peut atteindre les 7 % », constate
Julien Hopé, directeur de l’agence Era Poincaré.
Les acquéreurs disposant d’un apport important ou
capables de payer cash se disputent, eux, les
propriétés les plus rares et les mieux placées, près
des portes de la ville. « Les maisons individuelles
ne représentent que 10 % des logements de Nancy »,
remarque Olivier Dieudonné, président de la Fnaim
Meurthe-et-Moselle, Vosges et Meuse. De fait, selon
MeilleursAgents, leur prix est supérieur à celui des
appartements : 2 942 euros le m² contre 2 466 euros
le m² en moyenne. De belles propriétés années 1900
avec vitraux, cheminées et 150 m² de jardin, rue
Messier, sont proposées à 485 000 euros. L. C.
METZ
Effet de ciseaux
L
« es prix sont montés trop haut, trop fort
en période post-Covid. Or avec les taux
d’intérêt actuels, la capacité d’emprunt des
acquéreurs a chuté de 20 %, alors que les prix ici
n’ont que légèrement diminué », résume François
Grimont, directeur associé d’Orpi Accueil 57, pour
expliquer la baisse de ventes observée depuis le
printemps. Les biens à moins de 100 000 euros
résistent. Et s’ils sont à proximité du centre-ville et
de la gare, dans des quartiers comme l’Impérial où
l’accès à l’autoroute est rapide, c’est encore mieux.
Ainsi ce 2-pièces de 40 m², rue de Belchamps, avec
fenêtres à changer, s’est vendu à 95 000 euros en
une semaine. Metz séduit également de nombreux
travailleurs frontaliers aux revenus confortables qui
fuient le Luxembourg, où les prix ont aussi explosé.
Ailleurs, la situation est plus contrastée. Les
quartiers de Magny et Bellecroix, déjà à la peine,
continuent de souffrir. « S’en sortent encore bien
le secteur de Sainte-Thérèse avec ses bonnes écoles,
tout comme les beaux logements des coteaux ouest
de Longeville et Plapeville qui offrent de jolies vues
sur la région grâce au mont Saint-Quentin. Mais
passé 3 000 euros le m², ça devient compliqué »,
rappelle Laurence Muller-Créhange, directrice de
Dumur Immobilier. Céline Faucon
 LILLE
Maisons sur le carreau
D
es délais de vente qui s’al-
longent, des téléphones
qui ne sonnent plus, des
investisseurs qui boudent
les passoires thermiques et des
acheteurs méticuleux qui multi-
plient les visites pour mieux négo-
cier : voilà le quotidien des profes-
sionnels lillois. « J’ai commencé à
sentir le vent tourner sur le terrain
il y a déjà un an. Mais depuis
2023, tout s’accélère », constate
Benoît Dupont, directeur de
l’agence Century 21 Nationale.
D’après Paul Senlecq, notaire asso-
cié à l’étude du Parvis, le nombre de
transactions réalisées dans son cabi-
net aurait baissé de 25 % en un an. Ce
ralentissement affecte majoritaire-
ment les maisons et les grands ap-
partements. Dominique Nadal, di-
rectrice de l’agence Laforêt Lille, en
sait quelque chose : deux ans qu’elle
peine à vendre une maison de 150 m²
située à Saint-Maurice Pellevoisin.
Ce qui coince ? Les presque
500 000 euros qu’en espère toujours
son propriétaire, alors que le bien
nécessite 50 000 euros de travaux.
Même son de cloche pour Benoît
Dupont avec un immeuble de 170 m²
situé à Lambersart : dix-huit mois
qu’il essaie de convaincre sa cliente
de revoir ses prétentions. « Tout
notre travail actuellement, c’est de
faire admettre aux vendeurs que
Century 21
Une maison de ville dans la verdure. Ce bien de 230 m², comptant 9 pièces avec
terrasse et jardin arboré se situe proche du centre commercial Lillenium et du
CHU. Il a pourtant subi une baisse de 35 000 euros. Prix : 435 000 euros.
leurs prix ne sont plus en adéqua-
tion avec le marché. »
Après avoir beaucoup augmenté, les
prix à Lille ont en effet commencé à
marquer le pas. Selon Meilleurs­
Agents, ils s’établissent dans l’an-
cien, en moyenne, à 3 650 euros
le m² pour un appartement (+ 0,5 %
en un an) et à 3 350 euros pour une
maison (- 1,8 %). Tout n’est cepen-
dant pas coincé et les petites sur-
faces résistent bien. Ainsi ce 37-m²,
proche de la rue Jean-Moulin, vendu
170 000 euros en un mois malgré un
mauvais DPE (G) : « C’est son em-
placement idéal dans le Vieux-Lille
qui a permis de le vendre à plus de
4 500 euros le m² », pointe Domi-
nique Nadal.
Dans une ville étudiante où les pa-
rents n’hésitent pas à investir pour
leurs enfants, tous les quartiers
proches du centre et des écoles
restent attractifs, de Rihour à Vau-
ban en passant par République. Ail-
leurs, le risque de voir son bien
perdre de la valeur l’emporte et la
plupart des secteurs populaires
– Wazemmes et au-delà – en pâ-
tissent. Pourtant, de bonnes affaires
s’y dénichent à l’instar de ces deux
jeunes femmes devenues proprié-
taires d’un 3-pièces de 57 m² rue de
Douai. Alors qu’il était affiché à
140 000 euros, elles ont réussi à le
négocier 107 000 euros.  C. F.
ROUEN
Ajustement à la barre
R
etour d’un certain dynamisme depuis la
rentrée sur le marché rouennais. « Nous
observons sur un an une baisse de 10 % des
transactions, mais sur la base des volumes record
de 2021 et 2022 », précise Raphaël Plut, directeur
de plusieurs agences Century 21. En hausse de 2 %
sur un an, le prix moyen des appartements s’établit
à 2 700 euros le m², contre 2 800 euros le m² pour
les maisons, en baisse de 5,1 %. « Les vendeurs ont
compris qu’il fallait faire un effort sur le prix »,
note Stanislas Desforges, associé et responsable
des ventes de Jeanne d’Arc Immobilier. La demande
reste soutenue sur les petits appartements, prisés
des jeunes investisseurs. Dans le quartier de la gare,
un 2-pièces de 28 m², avec un DPE F et loué
580 euros par mois, a trouvé preneur en 48 heures
pour 94 000 euros. Les prix restent élevés pour les
biens haut de gamme, comme les appartements
avec ascenseur, recherchés par les retraités.
Dans le secteur familial de Saint-Marc, un 88‑m²
a trouvé preneur à 350 000 euros. Quartier
Saint‑André, une maison de 145 m², en très bon état,
a été vendue 450 000 euros. Les délais de vente
s’allongent sur les biens affichés de 150 000 à
200 000 euros, dont les acquéreurs potentiels
subissent la hausse des taux. Agnès Séverin
RENNES
A deux vitesses
C
omme la majorité des villes de Bretagne et
du pourtour Atlantique, Rennes connaît un
ralentissement plus doux et plus tardif de
son activité immobilière. « Depuis le mois de juin,
nous assistons à une correction d’environ 10 %
du nombre de ventes, observe Morgan Dreano,
fondateur et gérant du groupe Dreano Immobilier
(Century 21). Mais depuis que les prix ont baissé
d’environ 10 %, nous commençons à voir ces
dernières semaines un rebond des transactions ! »
Si l’activité se maintient, elle se reconfigure
néanmoins. « C’est un marché à deux vitesses,
dans lequel les primo-accédants sont devenus
quasi inexistants à Rennes intra-muros et où les
achats-reventes se font de plus en plus hésitants »,
tempère Matthieu Arquembourg, directeur région
du groupe immobilier Mercure Forbes Global
Properties. Dans le centre-ville, les hôtels
particuliers autour du parc du Thabor continuent
de se vendre facilement jusqu’à 6 500 euros le m²,
tandis que de belles maisons des secteurs Sacré-
Cœur, Sainte-Thérèse, Jeanne-d’Arc, Fougères ou
Arsenal-Redon se maintiennent autour de 4 500 à
5 000 euros le m². En revanche, les quartiers moins
recherchés, comme Le Blosne ou Villejean
subissent des baisses de prix jusqu’à 20 %. P. H.
2 novembre 2023 - CHALLENGES N°804  119
Luxes création

Olivier Masmonteil

Horizons
lointains
Par Stéphanie Condis

Le peintre-voyageur, réputé pour ses paysages entre figuration et abstraction,

entame une nouvelle phase artistique. En puisant dans l’histoire de l’art comme dans
ses propres œuvres pour trouver l’inspiration. Et en s’appuyant sur son équipe.
Photos : Bruno Levy pour Challenges

122  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 voyage. Ciel, paysages, histoire de
l’art et tours du monde sont au fon-
dement de son travail. Mais, à
50 ans, le peintre des horizons veut
changer de perspective : la remise
en question qu’il traverse lui suggère
de se lancer dans la « destruction de
la peinture », après les précédents
chapitres qu’il a définis comme « la
possibilité de peindre » et « le plai-
sir de peindre ».
L’acte premier remonte à l’enfance
corrézienne. « J’ai toujours dessi-
né, c’est mon langage de prédilec-
tion, se souvient l’artiste. A l’Aca-
démie des beaux-arts de Brive, la
peinture est devenue une évidence.
Les paysages furent mes premières
sources d’inspiration : ils offrent
une liberté, entre l’abstraction et
la figuration. » Initié à la pêche
par son grand-père, il s’immerge
dans son art comme dans une ri-
vière. « Les pêcheurs et les peintres
sont des amoureux des surfaces
ambiguës : les reflets de l’eau pour
les uns, la toile pour les autres »,
analyse-t-il.
Aux Beaux-Arts de Bordeaux, inter-
vient un premier déclic. « Certains
tableaux sont des fulgurances, des
points d’ancrage et de départ, pré-
cise celui qui explique sa pratique
d’une manière aussi fluide que lim-
pide. Cette toile est toujours accro-
chée dans mon atelier : c’est l’orée
d’une forêt au mois d’août, en plein
soleil avec une saturation de cou-
leurs que je trouvais réussie. Pour
O
la première fois, j’ai eu l’impres-
sion de ne pas représenter une
image mais de faire une peinture. »
livier Masmonteil Pourtant, il est confronté à une
crée depuis quinze grande hostilité dans sa formation,
ans dans un lumi- ses professeurs ne cessant de répé-
neux atelier de ter que la peinture est morte, qu’elle
Saint-Ouen, juste est datée. « J’ai persévéré et me suis
au nord de Paris. plongé dans l’histoire de l’art,
L’impressionnant constatant que ce type de contro-
volume semble verse l’avait déjà traversée. »
adapté à sa carrure Diplômé en 1999, il fait deux ren-
de double mètre. Et contres qui l’encouragent à suivre sa
le décor est un voie : l’artiste Gérard Garouste qui a
condensé de ses fondé la résidence La Source où Oli-
inspirations. Surplombant les im- vier Masmonteil est resté trois ans ;
meubles alentour, les nombreuses et Suzanne Tarasieve, dont il intègre
fenêtres s’ouvrent sur les nuages. la galerie parisienne. Il vit ensuite à
Sur les murs et les étagères, les Leipzig pendant deux ans, au sein de
cadres de divers formats ou styles et la Spinnerei, résidence d’artistes re-
les sculptures classiques se sont nommée où il découvre l’intérêt du
accumulés au fil des années. Tout collectif. Nouvel envol avec son pre-
comme les carnets de dessin et mier tour du monde, à la fin des an-
Carnets de notes nées 2000. « Je voulais aller au-delà
remplis de de l’horizon. J’ai peint 1 000 ta-
phrases et bleaux en trois ans racontant cette
croquis. Pour
fixer sensations
évasion, projet intitulé “Quelle que
et idées, il pose soit la minute du jour”. Avec beau-
de nouveaux coup de ciels, car c’est le fantasme
mots : « Néant, du peintre de mettre l’infiniment
absence, vide, grand sur une surface limitée. » Ce
horizon… défi réalisé, il ressent le besoin d’ou-
Des termes
passifs difficiles
blier le paysage, de prendre du recul
à transcrire et voyager encore, cette fois pour se
en gestes. » focaliser sur les cultures et les per-
E
sonnes qu’il croise.
n 2012, après ce second
tour du monde, s’en-
clenche le deuxième
acte, « le plaisir de
peindre ». Il s’intéresse
au nu, aux natures
mortes et aux chefs-
d’œuvre historiques en
les prenant pour référence, en les
copiant pour mieux se réinventer et
mener une introspection. Le déclic
surgit du tableau Les Demoiselles
oubliées, raconte Olivier Masmon-
teil : « Auparavant, j’avais peint des
paysages comme si je regardais à
travers une fenêtre et, là, je me met-
tais à peindre l’intérieur, la verti-
calité, la lumière artificielle, ce qui
a entraîné un bouleversement des
codes chromatiques et des composi-
tions. Je suis passé de la contem-
plation à la narration grâce à l’in-
troduction de la figure humaine. »
Il explore aussi son propre travail,
tout en lui donnant une dimension
collective. « Au bout d’une dizaine
d’années de carrière, le sys- uuu
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  123
Luxes création
uuu tème des galeries ne me sa-
tisfaisait plus. Ma liberté était de
nouveau contrainte. J’ai donc cher-
ché l’autonomie en constituant une
équipe autour de moi, afin de créer,
montrer, promouvoir et vendre mes
œuvres. » En 2017, il met en place
une structure collaborative à
l’image des ateliers de la Renais-
sance, avec des dizaines d’assistants
autour du maître. Ce qui s’avère très
utile quand d’importantes com-
mandes surviennent, à l’instar des
fresques du restaurant parisien de
Yannick Alléno, le Pavillon Le-
doyen. Ou celles des hôtels St. Regis
de Venise et Madame Rêve à Paris.
« Ce mode de fonctionnement est
atypique dans le milieu de l’art
contemporain en France, souligne
Olivier Masmonteil. Etant ami avec
des chefs cuisiniers, j’observe com-
Olivier Masmonteil à l’œuvre. « Je me force à utiliser des tubes que je n’ai jamais
ouverts pour découvrir d’autres couleurs, une façon de me faire des croche-pieds »
124  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
L’atelier d’Olivier Masmonteil. Des sculptures classiques
accumulées au fil des ans côtoient différents styles.
ment ils organisent leur brigade
pour imaginer des plats et les exé-
cuter. » S’instaure un jeu de ping-
pong entre les propositions des cinq
membres de l’équipe. Comme à la
Spinnerei, avec l’émulation interdis-
ciplinaire entre chorégraphes, ar-
chitectes, peintres, designers pour
partager différents points de vue.
« C’est très dynamisant, ça aide à
s’émanciper, à faire apparaître de
manière plus rapide une idée qu’on
aurait mis des mois à trouver »,
assure le peintre solitaire devenu
solidaire. De septembre à octobre
dernier, il a invité ceux qui sont pas-
sés par son atelier à participer à
l’exposition Bottega, terme qui signi-
fie atelier en italien. Dans la galerie
parisienne Orbis Pictus, elle a ras-
semblé les peintres Nicolas Marcia-
no et Yann Lacroix, qui furent ses
stagiaires, un restaurateur de ta-
bleaux, des photographes, un séri-
graphe et la designer Aurélie Ben-
bassat, avec qui il lance, début 2024,
I
une marque de mobilier.
« ls me nourrissent et
m’aident à traverser les
périodes de doute », recon-
naît celui qui pense avoir
amorcé, cette année, un
troisième chapitre, destiné
à « détruire la peinture ».
Face au manque d’inspira-
tion et au besoin de renouvellement,
une phrase résonne en lui. Celle
d’une jeune collaboratrice qui lui a
dit : « Si tu veux changer de pein-
ture, tu dois changer la manière
d’en parler. » Adepte des carnets de
notes, qu’il remplit de phrases et
croquis pour fixer sensations et
idées, il pose de nouveaux mots :
« Néant, absence, vide, horizon…
des termes passifs difficiles à trans-
crire en gestes. J’efface, je brosse, je
racle, j’enlève, je peins, je ponce, je
rajoute, je gomme. Je me force à
utiliser des tubes que je n’avais ja-
mais ouverts pour découvrir
d’autres couleurs, une façon de me
faire des croche-pieds. C’est angois-
sant mais normal de passer par
cette étape. Malgré l’urgence que je
ressens, je dois prendre le temps et
m’appuyer sur mon équipe. » Grâce
aux autres, il cherche à comprendre
de quoi il est fait pour mieux s’en
débarrasser et atteindre l’essentiel
de la création. Un horizon dont il
ignore s’il est lointain, sombre ou
dégagé…  •
 griffe
Balzac Paris
Metro rétro
Traditionnel La veste prend

twisté
la place du manteau
sur cette silhouette
mi-saison. On la porte
sur les épaules pour
Par Xavière Laffont un style décontracté

C
mais sophistiqué.
’est avec des nœuds papillon que l’histoire de Associée à une blouse
Balzac Paris a commencé. En 2011, Chrysoline légère et à un jean,
elle devient l’alliée
de Gastines, son mari Victorien et son beau-
idéale de la citadine
frère Charles Fourmaux lancent leur marque. chic.
Leur ambition : proposer un vestiaire Collection automne-hiver
désirable mais surtout durable. Le succès vient 2023-2024.
avec des « sweats littéraires » qui mettent en avant
des couples célèbres de la
littérature française. L’offre
s’étoffe rapidement avec toutes
sortes de pièces. La directrice
artistique Chrysoline de
Gastines s’amuse à décrire sa
cliente comme une « tradi-
barge », soit une femme
sophistiquée qui aime twister
Photos : SP

son allure sage avec des pièces

décalées. Elle est sensible à son
environnement et aime le style masculin/féminin.
Depuis 2016, la marque se diversifie avec des
accessoires et multiplie les collaborations comme
récemment avec Barbour. En 2021, Balzac Paris
a lancé Honorine son premier parfum. En 2022,
la première boutique a ouvert ses portes. Prochain
défi : se tourner vers l’univers de la beauté, en
gardant en tête le respect de l’environnement.•
Inspecteur Gadget
Le trench se réinvente façon gabardine
longue. Complété par une chemise blanche
col corolle et un simple jean, il se fait chic,
urbain et féminin tout en restant luxe et
discret. Dans l’air du temps.
Collection automne-hiver 2023-2024.

L’affaire est dans le sac Bottes de sept lieues

Pièce incontournable des dressings Mi-botte, mi-bottine, ce modèle en
depuis plusieurs saisons, le sac seau reste daim à bout carré arrondi est très
une valeur sûre. Balzac Paris le propose confortable grâce à son élastique sur
ici en cuir grainé marron avec une large le côté. Sa coupe mi-mollet et son
anse, rappelant les modèles des demi-talon donnent du style.
années 1970. Bottines Isadora 100 % cuir de vachette
Sac Sofia en cuir de vachette certifié LWG Gold. certifié LWG Bronze. Prix : 235 euros.
Prix : 380 euros.

En chasse
Issu d’une collaboration avec la célèbre marque
de vestes cirées Barbour, ce blouson court est
parfait pour la mi-saison. Son style country chic
avec une touche urbaine est ultratendance.
Collaboration Barbour, modèle Camille 100 % coton
ciré Sylkoil 6oz traditionnel, et doublure 100 % coton
issu de l’agriculture. Prix : 475 euros.

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  125

 Luxes mode

DIOR

Délicat
Semblable à un chausson de danseuse, le mocassin
David Santini

se féminise chez Dior. Sa ligne s’affine, son cuir de veau est

verni et son bout plus arrondi. On apprécie ses bords
recouverts et son revers agrémenté d’un C et d’un D dorés.
Mocassin en cuir de veau verni.
Prix : 1 090 euros. www.dior.com
MAISON SKORPIOS

Original
Célèbre grâce à la série Emily in Paris, Maison Skorpios
propose des mocassins inspirés des souliers des anciens
hommes d’affaires anglais. Très proche du slipper,
ce modèle possède un bout pointu-arrondi.
Blair London Piper en cuir noir.
Prix : 695 euros. www.maisonskorpios.com

Mocassins féminins CELINE

Graphique
Retour en grande Celine conjugue modernité et classicisme avec ce mocassin

pompe
en cuir brillant à la semelle surélevée et crantée. Son plateau
pincé est recouvert d’une languette frangée rappelant
les chaussures des étudiantes dans les années 1950.
Mocassin Margaret.
Prix : 890 euros. www.celine.com
Pa r X av i èr e L a ffon t

Nouvelle révolution pour l’icône seventies :

le mocassin joue les stars en s’habillant
de boucles et détails dorés. Du confort, du style
et une touche sophistiquée. En toute simplicité.

GUCCI

Intemporel
Saison après saison, le mocassin à mors de la griffe italienne
Photos : SP

reste sa pièce phare. Sa ligne fine, son cuir noir souple

et sa simplicité en font l’allié chic parfait pour donner
du peps à une tenue plus casual.
Mocassin Jordaan en cuir.
Prix : 750 euros. www.gucci.com

TOD’S

Moderne
Scali Diletta

Changement de cap pour la maison avec ce nouveau modèle

à la semelle XXL crantée. L’authenticité du plateau pincé et des
surpiqûres contrastent avec la boucle dorée surdimensionnée.
Mocassins Kate en cuir.
Prix : 750 euros. www.tods.com

126  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 tech
GOOGLE

Héroïque
Cela fait huit ans que le géant lance
des smartphones dans un relatif anonymat.
Son dernier né, le plus premium, dopé à
l’intelligence artificielle, crève l’écran. Un concurrent
de taille, au bon rapport qualité-prix, face
aux leaders du secteur sud-coréens ou américains. FAIRPHONE
Pixel 8 Pro. Taille de l’écran : 6,7 pouces.
Stockage : de 128 à 512 Go.
Prix : de 1 099 euros à 1 299 euros.
Mécanique
Ce smartphone est livré avec un tournevis.
L’idée est de pouvoir soi-même changer des
composants, si ceux-ci rendent l’âme. Et de
Smartphones prolonger la durée de vie d’un produit qui essaie
de nuire le moins possible à la planète sans

Alter ego
oublier d’être au niveau sur l’essentiel.
FairPhone 5. Taille de l’écran : 6,46 pouces.

numériques
Stockage : de 128 à 256 Go. Prix : de 579 à 699 euros

SAMSUNG

Par Adrien Schwyter Acrobatique

Longtemps regardé comme un gadget,
Pliables, compatibles 5G, le smartphone pliable a gagné ses lettres
reconditionnés ou non, ils continuent de noblesse. Pour sa cinquième édition,
le modèle de poche du constructeur
de nous accompagner dans notre vie sud-coréen impressionne : un écran très
lumineux, une charnière solide. Seule
quotidienne. Toujours plus fins, déception, son autonomie encore légère.
légers, résistants, écologiques ou Galaxy Z Flip 5. Taille de l’écran : 6,7 pouces.
dopés à l’intelligence artificielle. Stockage : de 256 à 512 Go.
Prix : de 1 199 à 1 339 euros.

NOTHING

Atypique
Un smartphone différent, cela ne court pas les rues.
Avec son dos transparent, arborant des lumières pouvant
être personnalisées à volonté, le nouveau modèle
de la marque anglaise est clivant. Ce qui met tout le monde
d’accord, ce sont ses performances.
Phone (2). Taille de l’écran : 6,7 pouces. Stockage : de 128 à 512 Go.
Prix : de 679 à 849 euros.

XIAOMI

Iconique
Le constructeur chinois muscle
son jeu avec ce modèle
développé en collaboration avec
la marque allemande Leica.
: SP

Deux capteurs de 50 mégapixels

Photos

en font un produit essentiel pour

les photographes du quotidien
qui pourront admirer leurs
clichés sur un superbe écran.
Xiaomi 13 T Pro.
Taille de l’écran : 6,67 pouces.
Stockage : de 256 Go à 1 To.
Prix : de 699 à 999,90 euros.

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  127

Luxes horlogerie
Longines
Dans l’air
du temps
Par Bertrand Fraysse
L
e luxe discret est à la mode.
Classique, la nouvelle
collection Mini DolceVita
de Longines se situe dans
cette tendance. L’originalité
n’en est pas pour autant exclue.
Six références sont serties de
diamants, parmi lesquelles quatre
se distinguent par l’utilisation
de couleurs dans l’air du temps,
dont un séduisant vert menthe.
L’élégance s’y niche dans les
détails : les chiffres romains sont
peints à la main et le rectangle
au centre du cadran est guilloché.
La sobriété caractérise aussi
Spirit Flyback.
Réf. : L3.821.1.53.6.
Boîtier : titane grade 5.
Diamètre : 42 mm.
Etanchéité : 100 mètres.
Mouvement : remontage automatique.
Réserve de marche : 68 heures.
Bracelet : titane.
Prix conseillé : 5 750 euros.
128  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
la ligne Flagship Heritage qui
s’enrichit de trois nouvelles
déclinaisons équipées d’une phase
de Lune. Notre préférée est le
modèle au cadran bombé en opalin
argenté rehaussé d’index appliqués
et d’aiguilles dorés. La maison de
Saint-Imier, en Suisse, lance aussi
cet automne une version en titane
inédite de sa montre d’aviateur,
la Spirit Flyback, un chronographe
doté d’une fonction de retour
en vol, ou flyback. Son mouvement
a été certifié chronomètre par
le COSC, le Contrôle officiel suisse
PHOTOS : SP
des chronométreurs.•
Flagship Heritage.
Réf. : L4.815.4.78.2.
Boîtier : acier. Diamètre : 38,5 mm.
Etanchéité : 30 mètres.
Mouvement : remontage automatique.
Réserve de marche : 72 heures.
Bracelet : alligator.
Prix conseillé : 3 400 euros.
Mini DolceVita.
Réf. : L5.200.0.05.2.
Boîtier : acier serti de 38 diamants
pour un total de 0,456 carat.
Dimensions : 21,5 x 29 mm.
Etanchéité : 30 mètres.
Mouvement : quartz.
Bracelet : alligator.
Prix conseillé : 4 000 euros.
 destination

COMO Le Montrachet (Côte-d’Or)

Chambre Clos. Clin d’œil à la tradition,

Sur la carte les étoffes rappellent la toile de Jouy.

des vins
bâtisse principale, dite Le Manoir,
prédominent les étoffes de couleur
verte. Les deux dépendances, La
Résidence et la Villa Christine, pré-
fèrent, elles, le gris et le noir.
Par Sophie Massalovitch Au restaurant gastronomique, Paola
Navone a suspendu à la haute char-
Le groupe hôtelier singapourien COMO a choisi un célèbre pente de spectaculaires lustres sphé-
village de la Côte de Beaune pour s’implanter en France. A deux riques. On dirait les grains de raisin
pas de là où sont produits des crus mondialement réputés. d’une grappe géante… Et parce que
la carte des vins énumère les presti-

D
epuis le milieu du xixe siècle,
une auberge domine de
toute sa majesté la place du
petit village de Puligny-
Montrachet. Au printemps
dernier, le groupe hôtelier
COMO a investi la bâtisse en pierre
et ses deux annexes voisines. C’est
la première implantation en France
de la très chic enseigne établie à
Photos : Martin Morrell - SP
tecte d’intérieur d’origine italienne
Paola Navone a signé le nouveau
décor des lieux. Elle a pris soin de
dessiner elle-même le mobilier. Dif-
férents gris, qui flirtent avec l’an-
thracite, insufflent à leurs lignes
classiques un style résolument
contemporain. On perçoit cet heu-
reux parti pris dès la réception.
Dans les chambres, la designer a
gieux crus de la Côte de Beaune, on
rêve soudain de partir à la décou-
verte de Meursault, à seulement
4,5 kilomètres, puis de Volnay…
La Voie des vignes, une véloroute,
serpente à travers le vignoble jusqu’à
Pommard. Le paysage que dore l’au-
tomne se déguste comme le plus
délectable des nectars. •
COMO LE MONTRACHET.
30 chambres et suites.

Singapour.
Elle a délibérément porté son choix
sur ce village bourguignon dont le
nom est inséparable du plus grand
vin blanc de France, comme le qua-
lifiait Alexandre Dumas. L’archi-
choisi des étoffes qui rappellent la
toile de Jouy. Comme autant de
clins d’œil à la tradition, elle en pare
les têtes de lit, les abat-jour, les
sièges, voire les murs. Les rideaux
participent du même choix. Dans la
A partir de 425 euros la nuit.
Restaurant gastronomique.
Vélos à assistance électrique.
10, place du Pasquier de la Fontaine,
21190 Puligny-Montrachet.
Tél. : 03-80-21-30-06. comohotels.com
A 30 minutes de la gare TGV Le Creusot.

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  129

 Luxes automobile
Robe sexy, regard de Ferrari
SF90… Le constructeur
japonais marque une véritable
rupture stylistique avec cette
berline jadis bien fade.
A
vec son profilage spectacu-
laire, ses volumes bien
campés et son regard de
Ferrari SF90, la nouvelle
Toyota Prius fait tourner
les têtes. Voilà qui est iné-
dit ! Jusqu’alors, on s’intéressait à la
pionnière des hybrides justement
parce qu’elle était hybride. Parce
qu’on était un fervent défenseur de
la planète, parce qu’on cherchait à
faire des économies de carburant,
ou parce qu’on était rassuré par son
incroyable fiabilité. Mais presque
unanimement, les observateurs ont
trouvé cette berline japonaise fade,
bizarre, voire carrément laide. Si
cette cinquième génération opère
une véritable rupture stylistique,
c’est par nécessité. Maintenant que
toutes les Toyota proposent des
motorisations hybrides, il fallait que
celle qui a inauguré cette technolo-
gie retrouve une singularité.
Il y a cette robe sexy, donc, et aussi
une mécanique rechargeable, rare
Photos : Jeroen Peeters
dans la gamme du constructeur ja-
ponais : la batterie de 13,6 kWh per-
met de rouler 65 km en mode tout
électrique. Conduite zen assurée. Ce
qui est nouveau, c’est que cette ber-
130  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
Toyota Prius
Dimensions (L x l x h) : 4,60 m x 1,78 m x 1,43 m.
Revanche
tardive
Par Nicolas Meunier
Il aura fallu cinq générations à cette
pionnière des modèles hybrides pour
développer son potentiel de séduction.
Un plaisir de l’œil et de conduite.
Toyota Prius
Moteur : quatre-cylindres essence hybride
rechargeable de 2,0 litres, 223 ch.
Accélération (0 – 100 km/h) : 6,8 secondes.
Consommation : 0,7 l/100 km.
Prix hors options : à partir de 43 900 euros.
CO2 : 16 g/km.
www.toyota.fr
line accepte désormais d’être bous-
culée. Avec 223 ch et un moteur
électrique puissant, la réponse à
l’accélérateur est instantanée. La
mise au point des liaisons au sol
s’avère parfaite : peu de voitures fa-
miliales répondent avec autant
d’acuité à la moindre injonction de
leur conducteur. On n’attendait pas
cela d’une Toyota Prius, modèle
pour lequel le plaisir de conduire a
toujours été un critère secondaire.
Voire tertiaire.
Une véritable rupture pour cette
auto qui a endossé le statut de voi-
ture rationnelle, économique et in-
crevable, donnée aux teenagers
dans les familles américaines. Dans
le film La La Land, elle accompagne
Mia Dolan, soulignant la timidité
presque effacée de l’aspirante ac-
trice. Désormais décomplexée, elle
pourrait coller à un autre rôle d’Em-
ma Stone, celui de Cruella. •
VOUS RÉVÈLE LES DESSOUS DE LA CULTURE

LISBONNE, LA PERLE DU TAGE

Vers l’embouchure du Tage, la tour de Belém avance
au-dessus de l’eau sa silhouette crénelée aux
échauguettes mauresques. En 1497, vingt ans avant
sa construction, étaient passées là les caravelles de
Vasco de Gama, en partance pour les Indes. Sur la
place du Commerce, ouverte à tous les vents, l’arc
de triomphe dressé entre les arcades blanc et ocre
célèbre la résurrection de la ville après le tremblement
de terre de 1755, qui détruisit le cœur de Lisbonne,
permettant l’émergence d’une ville nouvelle,
rationnelle, aérée, dont les pavés blancs et noirs
étincellent sous le soleil. Dans le quartier médiéval
d’Alfama, qui grimpe à flanc de collines, des airs de
fado s’élèvent des ruelles escarpées. Les couvents
ornés de scènes de la vie galante en azulejos exhalent
l’arôme des pastéis de nata, tandis que de somptueux
palais gardent jalousement l’art de vivre raffiné du
XVIIIe siècle. Le Figaro Hors-Série vous emmène à la
découverte de la ville, de ses trésors d’architecture,
de ses traditions vivantes, de ses écrivains, de ses
chanteurs de fado. On y traverse les siècles comme
on parcourt la ville à bord du mythique tram 28, en un
voyage trépidant à travers le temps, où la beauté fait
irruption à chaque coin de rua.

13 € 164 pages, actuellement disponible

, 90 chez votre marchand de journaux et sur www.figarostore.fr/hors-serie

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 Luxes whiskies & spiritueux

De l’orge
avant toute chose
Le whisky reste le spiritueux favori des Français, juste devant le rhum, qui emporte
la palme chez les moins de 35 ans. Marché historiquement dominé par
l’Ecosse, il voit la production française venir le taquiner avec ses whiskies premium.
Rédaction en chef : Caroline Brun, Agence Forum News.
Dégustations & rédaction : Gérard Muteaud

I
ncorrigibles Français ! Au pays du
cognac, de l’armagnac et du calva-
dos, le whisky continue d’être le
spiritueux favori des consomma-
teurs. Marché historiquement do-
miné par l’Ecosse, qui détient un
grand nombre de distilleries im-
portantes et de marques ico-
niques, comme Johnnie Walker
Red Label (120 millions de bouteilles ven-
dues dans le monde), le scotch whisky a vu
au cours des dernières décennies de nou-
veaux acteurs, tel le Japon, prendre une
place significative en France. Depuis
quelques années, la production française
connaît à son tour une croissance signifi-
cative, avec des ventes qui ont franchi le
cap du million de bouteilles. Bien loin tou-
tefois des 205 millions de bouteilles de
scotch whisky importées en France en
Alain Caste / AFP
Daniel’s ou Grant’s… Au sein de cette
grande famille, le single malt, issu d’une
seule et unique distillerie, s’est imposé sur
le devant de la scène. Il se vend plutôt chez
les cavistes, avec quelques maisons-phares,
parmi lesquelles Aberlour, Dalmore, Bal-
venie ou Macallan. Les régions
d’Ecosse les plus célèbres pour
leur production sont Islay, le
Speyside et les Highlands
(lire p.134). Chaque distil-
lerie y produit son propre
whisky, au profil de goût
distinct, influencé par
des facteurs tels que la
présence ou non de la
tourbe dans le séchage
du malt, la nature des
fûts (de bourbon, de xé-
rès, de vin, etc.) utilisés

2022. Dans la grande distribution, le pour le vieillissement et la

whisky représente 45 % des ventes totales durée de celui-ci. Pour au-
de spiritueux, avec des marques interna-
tionales : William Peel, Ballantine’s, Jack

Compass Box Johnnie Walker Chivas Real XV

Blue Label Riche et doux, nez sur
Artist Blend des notes de pommes
Elusive Umami
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

Fin et fruité, nez sur la compotées et de

vanille, la noix de coco et Assemblage jouant sur les
les fruits exotiques. équilibres entre salé et
Onctueux et tendu, finale sucré. Pomme, pêche
saline et huileuse, crème blanche, orange sanguine.
à la vanille et fruits mûrs. Finale fruitée et sucrée sur
45 euros. LMDW. une touche de sel et de
poivre. 300 euros.
marmelade d’orange.
Bouche ronde et fruitée,
sur des saveurs de
poires pochées et de
caramel vanillé.
59,90 euros.

132  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 French whisky Bretagne
Ainsi fût-il En quelques décennies, la distillerie
Warenghem, labellisée entreprise du
Patrimoine vivant, est passée avec succès de
Pays du vin et du cognac, la France distille désormais la production de l’élixir d’Armorique et de
l’orge malté avec brio. Ses atouts ? Une maîtrise chouchen à celle du whisky avec la création,
avérée du procédé et de l’élevage en barriques. en 1983, du premier blend, suivie en 1998 du
premier single malt, baptisé Armorik. Forte

L
e whisky français est né il
y a quarante ans à
Lannion, en Bretagne,
lorsque la distillerie
Warenghem décide de se
lancer dans la production
d’eau-de-vie maltée.
Aujourd’hui, ce sont plus d’une
centaine de distilleries,
disséminées dans treize
régions de France
métropolitaine, qui
développent cette nouvelle
catégorie de spiritueux. Une
petite révolution au pays du
cognac, de l’armagnac et du
calvados. En quatre décennies,
les whiskies tricolores ont
gagné en renommée.
Distillateurs reconnus dans le
monde entier, les Français
expérimentent diverses
céréales et méthodes de
distillation, testent différents
fûts de vieillissement pour
donner des profils de saveur
variés capables de séduire les
palais les plus affûtés.
Pour fêter ses 40 ans, La
Maison du whisky a élargi,
dans sa boutique de l’Odéon, à
Paris, son offre de malt
tricolore, et le dernier Whisky
Live Paris, qui s’est tenu du
21 au 23 octobre, lui a consacré
une large place. Matthieu Acar,
expert reconnu, publie à cette
occasion Une brève et intense
histoire du whisky français
(Flammarion), où il passe en
revue 80 producteurs. La
production française
connaîtra-t-elle le même
engouement que la japonaise
dans le cœur des amateurs de
malt pour s’imposer comme la
cinquième nation du whisky,
avec l’Ecosse, l’Irlande, les
Etats-Unis (bourbon) et le pays
du Soleil-Levant ? G. M.
d’un stock de 5 000 fûts, la distillerie a ouvert
cette année sa propre tonnellerie à Lannion.
Armorik 15 ans
Vieilli neuf ans en fûts de bourbon et six ans en
fûts de xérès. Riche et intense, notes de rancio et de fruits exotiques
(mangue) et d’épices (poivre, cannelle). Bel équilibre entre vivacité et
douceur. 95 euros.
Lorraine
Fondée en 1877, la distillerie produisait
historiquement des eaux-de-vie de fruits, dont
la fameuse mirabelle de Lorraine. Agriculteurs
et distillateurs depuis six générations, la
famille Grallet-Dupic cultive 200 hectares
d’orge, dont 35 en bio, et maîtrise l’élaboration
du whisky depuis le champ jusqu’à la bouteille,
maltage inclus. Particularité : une gamme de
six parcellaires afin d’apprécier l’impact des
différentes natures de sol sur le distillat.
RozeulieureS Parcellaires
Le Tertre 40 pieds
Elevé en fûts de cognac, à peine tourbée (6 ppm),
notes de poire au sirop, de caramel et d’épices
douces. 69 euros.

Rhône-Alpes
Domaine des Hautes Glaces
Frédéric Revol, ingénieur agronome, créateur du
Domaine des Hautes Glaces, opte dès 2009 pour la Indigène single malt
production d’un whisky agricole et bio. Une attention Conçu à partir d’un assemblage d’eaux-de-vie
particulière est portée à la qualité des différentes variétés parcellaires bénéficiant d’un élevage dans différents
de céréales (orge, seigle, grand épeautre, avoine). fûts de chêne français (cognac, armagnac, vin)
Rachetée en 2017 par le groupe Rémy Cointreau, la évoluant chaque année par l’ajout de nouveaux
distillerie est passée de deux à cinq alambics charentais. whiskies. Notes de poire et de pêche blanche
Les différentes cuvées partagent le même profil minéral débouchant sur des arômes pâtissiers et les
et céréalier qui est la signature du domaine. céréales. 69 euros le flacon de 50 centilitres.

tant, le blend, qui désigne un mélange de tionner les meilleurs single malts et single disponibles en France), du nom de cette
whiskies de malt (orge) et de grains (mé- grains, les proportions de chaque whisky cinquième saveur au goût insaisissable.
lange de céréales à forte proportion de dépendant du style et de la dominante aro- Avec la complicité du chef japonais Kei
maïs, contenant aussi du blé, de l’orge, du matique recherchée. Kobayashi, Emma Walker a sélectionné

E
seigle) issus de différentes distilleries, n’a
pas dit son dernier mot. Pour John Glaser,
fondateur de la société Compass Box,
mettre en bouteilles un single cask – le fin
du fin du single malt issu d’un seul fût – est
à la portée de n’importe qui. En revanche
n’est pas master blender qui veut. Dans
l’élaboration de ses whiskies, tout est fait
« au nez », de façon artisanale, pour sélec-
mma Walker, septième master
blender et première femme à la tête
de Johnnie Walker (Diageo), tra-
vaille avec à sa disposition les plus
grandes réserves de whiskies
d’Ecosse. De quoi concocter des éditions
limitées Blue Label de Johnnie Walker,
comme cet Elusive Umami (600 bouteilles
des fûts de différentes distilleries au plus
fort de leur maturation et au profil aroma-
tique unique pour composer ce blend hors
norme. Plus modestement, Chivas Regal
(groupe Pernod Ricard) réinterprète son
blend avec un 15 ans d’âge « au finish » (à
l’affinage) en fûts de cognac. Face aux
single malts, le blend s’invente une nou-
velle légitimité. G. M.

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  133

Luxes whiskies & spiritueux
Aran, Islay, Jura, Skye, les Orcades… Dans ces îles du bout du monde battues
par le vent, le whisky est un paysage avant d’être une culture.
D
es landes fouettées
par le vent, des
lochs sombres où
dégueulent les
nuages, des champs
de bruyères, des
tourbières à perte
de vue et, campés le plus sou-
vent sur le rivage, des distille-
ries crachant des nuées de
vapeur. Les amateurs en
quête de malts tourbés sont
de plus en plus nombreux à
venir en pèlerinage goûter
aux saveurs tantôt salines,
tantôt fumées, goudronnées
ou poivrées des purs malts
des îles écossaises.
Reliée par un pont au continent de-
puis 1995, Skye est logiquement la
plus fréquentée. Le paysage, sauvage
et spectaculaire, avec ses pics d’ori-
gine volcanique et ses fjords alambi-
qués, explique l’engouement touris-
tique que connaît l’île depuis une
bonne décennie. Si l’élevage du sau-
mon et du mouton a remplacé la
pêche aux harengs, l’anglais n’y a pas
supplanté le gaélique dans le cœur
des habitants. Talisker, fondé en
1830 sur les rives du loch Harport,
non loin de Portree, capitale et prin-
cipal port de l’île, fut longtemps
l’unique distillerie jusqu’à la création,
en 2017, de Torabhaig. Whisky préfé-
ré de l’écrivain Robert Louis Steven-
son, Talisker, propriété du groupe
Diageo (Johnnie Walker), assume
pleinement son influence maritime
avec sa dernière cuvée, Wilder Seas,
une édition limitée lancée en parte-
nariat avec Parley, une association
de défense des fonds marins.
S
ur Islay, l’île aux neuf distille-
ries, l’amateur de peated malts
a l’embarras du choix entre Ar-
dbeg, Bowmore, Bruichladdi-
ch, Bunnahabhain, Caol Ila, Kilcho-
man, Lagavulin, Laphroaig et
Ardnahoe, sans compter la distille-
134  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
Les îles
du malt
Arran
10 ans
Un single malt non
tourbé au profil
doux, floral et
fruité. Notes
d’agrumes
confites, pommes
Jakub Iwanicki
au four, vanille et
cannelle.
56 euros.
La distillerie Talisker, fondée en 1830
sur les rives du loch Harport, Ecosse.
rie de Port Ellen qui rouvrira bientôt
ses portes. Face à la rareté des
arbres, les briques de tourbe, remar- Highland Park
quable combustible capable de brû- Viking Heart 15 ans
ler de nombreuses heures, ont long- Vieilli en fûts de sherry. Arômes fruités
temps servi de source de chauffage sur des notes de bruyère, de miel et
pour les habitants d’Islay et de Jura. d’épices (cannelle, gingembre). Profil
Avec l’inconvénient de dégager une doux et subtilement fumé. 130 euros.
quantité considérable de fumée. Dé-
sagrément devenu un atout pour
sécher le malt (nom de l’orge ger-
mé) et lui conférer ce goût fumé
caractéristique des whiskies des îles
écossaises. La quantité de tourbe se Talisker Wilder Seas
mesure en particules de phénol par Affiné en fûts de cognac XO. Notes de fruits
million de particules de whisky exotiques et confits s’étirant sur une
(ppm). Certains, à l’image d’Ardbeg touche saline et finement boisée. Finale
fraîche légèrement végétale. 90 euros.
(55 à 60 ppm), se rangent parmi les
plus fortement tourbés, avec un re-
cord pour la cuvée Octomore de
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Bruichladdich (123 ppm), d’autres
affichant des indices plus nuancés,
à l’image de Bowmore (20-25 ppm) Kilchoman
ou de Jura, distillerie de l’île épo- 13e édition
nyme où s’ébat un troupeau de Huit ans d’élevage en
6 000 cerfs sauvages. A Kirkwall, fûts de bourbon.
capitale des Orcades, la distillerie Notes beurrées et
Highland Park revendique dans son vanillées. Un whisky
packaging l’héritage des Vikings de fruité (fruits cuits,
cet archipel de 67 îles situé à la agrumes) et finement
tourbé. 109 euros.
pointe nord de l’Ecosse. Venus de
Norvège et du Danemark, ils l’occu-
pèrent vers le IXe siècle. G. M.
 TERROIRS DE BORDEAUX :
DES ROUGES DE TOUTES LES COULEURS

CUVÉES RAFFINÉES
ET COMPLEXES

COFINANCÉ PAR
L’UNION EUROPÉENNE

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION

 Luxes whiskies & spiritueux
Bousinage des ex-fûts de
bourbon à la distillerie
JM afin de favoriser
l’expression du potentiel
tannique et aromatique
des douelles de chêne.
Rhum agricole
Gérard Muteaud
Le parfum
des Antilles
Le rhum issu de pur jus de canne est une spécialité des
distilleries antillaises. Représentant moins de 2 % de la
production mondiale, elles misent désormais sur la
catégorie des spiritueux premium.
L
e rhum antillais s’est long-
temps reposé sur un folklore
sympathique où la consom-
mation locale du ti-punch et
les débouchés naturels en
métropole assuraient les recettes
des distilleries. Les rhums des dé-
partements d’outre-mer bénéfi-
ciaient jusqu’alors d’un taux réduit
de la taxe sur les alcools, un avan-
tage destiné à protéger la produc-
tion ultra-marine. Depuis 2020, ce
n’est plus le cas et cette taxe aug-
mente progressivement chaque an-
née pour se rapprocher du régime
136  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
général. Si les producteurs ont
craint pour la survie des petites uni-
tés, ils sont majoritaires à avoir réa-
gi en faisant mieux connaître la spé-
cificité du rhum agricole et en
valorisant leurs eaux-de-vie. A la
différence du rhum traditionnel, ré-
alisé à partir de la mélasse, résidu
non cristallisable de l’industrie su-
crière, le rhum agricole est issu de la
distillation du jus de canne fermen-
té, le vesou. Historiquement, le
rhum traditionnel est antérieur au
rhum agricole. Ce dernier est né au
début du XVIIIe siècle lorsque le
JM XO
6 ans d’âge. Epicé
(cannelle, muscade,
poivre), toasté,
notes de fruits
exotiques et de
fruits confits. Long
et soyeux. 89 euros.
JM La Dame
Jeanne N°2
Un mutimillésimes de
huit à vingt-deux ans
d’âge. Profil
chaleureux et
gourmand,
arômes de crème
anglaise, de
nougat praliné et
fèves de cacao
torréfié. En bouche,
festival de notes
épicées et fumées, de bâton de réglisse et
de fruits confiturés. 250 euros.
sucre est devenu de moins en moins
rentable après la fin de l’esclavage
et la découverte en Europe de la bet-
terave à sucre. Les planteurs antil-
lais délaissent alors sa production
pour celle, plus rentable, du rhum. Il
en résulte une eau-de-vie très diffé-
rente, florale et fruitée, moins mar-
quée par le caramel et la vanille. Un
trésor que valorisent désormais les
« habitations » (nom donné aux do-
maines cultivant la canne à sucre)
de Martinique, de Guadeloupe, de
Marie-Galante et de La Réunion, en
sélectionnant différentes variétés
de canne et en affinant les méthodes
d’élevage en barriques.
A
Macouba, Karine Lassalle,
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
nez de formation et
maître de chai de la distil-
lerie JM depuis 2017,
hume avec enthousiasme
les fragrances des échan-
tillons puisés dans diffé-
rents fûts : « A chaque dépotage,
c’est la surprise. » Depuis 2017, de
plus en plus de chênes français
viennent compléter le stock de bar-
riques américaines, soit un total de
11 110 fûts de 200 litres. « Notre po-
litique de vieillissement a 
Luxes whiskies & spiritueux
Autres « vieux »
remarquables
Bologne
Old Black Cane
Vieilli de trois à cinq ans en fûts
de cognac. Notes de fruits
confits, de caramel au beurre
salé, de réglisse et d’épices
douces. 60 euros.
Le Vieux
par Neisson
Arômes de miel,
de fruits secs et
exotiques et de
boisé vanillé.
79,90 euros.
Trois Rivières Triple
Millésime 2005, 2010, 2015
Notes d’épices et de marmelade évoluant
sur une touche de havane. 73 euros.
 vraiment démarré à partir
de la construction du nouveau chai
en 2016, explique Grégoire Gueden,
directeur de l’activité spiritueux du
groupe Groupe Bernard Hayot, pro-
priétaire de la distillerie depuis
2002. Chaque année, nous mettons
à vieillir 1 million de litres de
rhum avec la volonté de construire
une marque premium. Le rhum
agricole représente moins de 2 % de
la production mondiale de rhum. Il
faut jouer de notre singularité et
miser sur la qualité de nos rhums
vieux afin de valoriser notre pro-
duction. » Un produit de niche tout
de même exporté dans 70 pays.
G. M.
138  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
Sans alcool
Pour boire
sans modération…
I
ls sont encore nombreux
ceux qui prêtent aux
spiritueux sans alcool la
même crédibilité qu’au
steak sans viande, au pain
sans gluten ou à la
cigarette sans tabac.
Pourtant, quelques jeunes
créations paraissent dignes
d’intérêt. Leur atout : ces
succédanés se consomment en
cocktails, allongés d’un trait de
citron et d’un bon tonic (le Fever-
Tree, par exemple). Exemples ?
JNPR (prononcez « juniper »,
allusion à la baie de genièvre, son
ingrédient principal, comme le
gin), créé par la Normande Valérie
de Sutter en collaboration avec
Flavio Angiolillo, un bar tender
milanais. Ils ont mis au point des
distillats de botaniques et d’épices,
conçus par un liquoriste du
groupe familial Renaud Cointreau,
ne contenant ni sucre, ni
édulcorant, ni arômes artificiels.
Uniquement des ingrédients
naturels. Déclinées en trois
versions plus un bitter (baptisé
BTTR puisque, comme l’alcool, les
voyelles ont disparu !), les
« décoctions » de la jeune
entreprise permettent de sacrifier
au rituel de l’apéro sans crainte de
reprendre le volant après le
deuxième verre. Son principal
concurrent, Atopia, a été créé par
Lesley Gracie, maître distillatrice
de Hendrick’s Gin (Groupe
William Grant & Sons). Avec un
profil de saveurs suffisamment de
complexité pour rehausser
l’expérience d’un « gin tonic » zéro
alcool. Objectif atteint avec la
version Rhubarb & Ginger. Certes,
la puissance aromatique de ces
« gins sans alcool » n’est pas celle
d’une eau-de-vie traditionnelle, où
l’éthanol contribue à fixer et
exhaler les saveurs. Mais, grâce à
eux, il est désormais possible de
boire « sans modération » en
soirée. G. M.
Atopia Rhubarb
& Ginger
Notes fraîches et acidulées
de rhubarbe se prolongeant
sur la douceur épicée du
gingembre. 23 euros.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
JNPR N° 3
Arômes de verveine
citronnée relevés par les
baies de genièvre.
32 euros.
 Cultures écrans

Le Garçon et le Héron. Le héros

du film, 11 ans, rencontre un héron,
d’abord menaçant puis protecteur,
qui l’accompagne et le guide.
nouveau film, librement inspiré par
deux romans, Le Livre des choses
perdues de l’Irlandais John C ­ onnolly
Photos : Le Studio Ghibli

et Et vous, comment vivrez-vous ?

signé en 1937 par son compatriote
Genzaburo Yoshino.
Un jeune garçon de 11 ans part vivre
avec son père dans le village où sa
mère avait grandi, après la mort bru-
Le Garçon et le Héron tale de celle-ci, dans un incendie. Sa

Douleur
rencontre impromptue avec un hé-
ron, d’abord menaçant puis protec-
teur, va l’accompagner et le guider

poétique dans son deuil.

On retrouve dans Le Garçon et le
Héron tout ce qui fait le sel du ciné-
ma de Miyazaki. Sa sensibilité n’est
Par Thierry Chèze jamais mièvre pour parler de la dou-
leur de perte d’un être cher. Progres-
Miyazaki, le maître de l’animation japonaise, signe son retour sivement, le récit glisse vers le fan-
tastique et l’onirique, de façon fluide.
avec une variation toute en subtilité autour du deuil. Et toujours, Miyazaki fait rimer in-

V
oilà dix ans, sortait Le Vent
se lève, œuvre antimilitariste
autour de la vie de Jiro
­Horikoshi, le concepteur des
chasseurs bombardiers japo-
nais. A cette occasion,
Hayao Miyazaki avait annoncé qu’il
raccrochait les gants, à 72 ans. Le
maître de l’animation japonaise,
cofondateur du mythique Studio
Ghibli et auteur de chefs-d’œuvre
inoubliables comme Princesse
­Mononoké ou l’oscarisé Voyage de
Chihiro, laissait ainsi des millions
d’admirateurs orphelins aux quatre
coins du monde. Mais ce n’était
(heureusement) qu’un faux départ.
Le revoici aux commandes d’un
time et spectaculaire au gré de
scènes visuellement renversantes. A
tout cela s’ajoute sa manière de par-
ler d’écologie sans jamais paraître
pontifiant. Un retour gagnant donc,
mais pas un point final car il serait
déjà en train de travailler sur de nou-
velles idées. A suivre… •
De Hayao Miyazaki.
Durée : 2 h 04.

L’Enlèvement

Fin de règne

C
’est une histoire qui récupérer l’enfant, vaines. fresque historique imposante.
All Rights Reserved/IBC Movie/Kavac Film/Ad Vitam

a défrayé la chronique Celui-ci, comme atteint du Chaque plan ressemble à un

Production/The Match Factory/Arte France Cinéma

dans l’Italie de 1858. syndrome de Stockholm, tableau, dans une ambiance

L’affaire Edgardo
Mortara porte le nom d’un
garçon né dans une famille
juive de Bologne, baptisé
en douce par sa nourrice
et enlevé par les autorités
papales, dirigées par Pie IX.
Le scandale fut mondial, les
tentatives de la famille pour
deviendra même curé.
Pourfendeur devant l’Eternel
des institutions, qu’elles
soient terroriste (Esterno
notte sur les Brigades rouges),
mafieuses (Le Traître),
politiques (Vincere autour de
Mussolini) ou ici religieuses,
Marco Bellocchio signe une
crépusculaire symbolisant
la lente agonie des Etats
pontificaux, officiellement
dissous en septembre 1900
par le pape Léon XIII,
successeur de Pie IX.•
De Marco Bellocchio. Avec Paolo
Pierobon, Enea Sala, Leonardo
Maltese… Durée : 2 h 14.

140  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 scènes
Gang détonnant La Note
Librement adapté de La Grande
Odalisque, la BD de Jérôme
Mulot, Florent Ruppert et Bastien Drôle
de vie
Vivès, Voleuses met en scène
deux cambrioleuses de haut vol
Gael Turpo/Netflix

tentant de raccrocher après un

ultime casse… qui ne se
déroulera évidemment pas
comme prévu. Une réjouissante Par Rodolphe Fouano
comédie d’action au féminin porté par un irrésistible
quatuor d’actrices : Mélanie Laurent elle-même, Adèle
Exarchopoulos, Isabelle Adjani et Manon Bresch.
Le mari s’apprête à se suicider, son épouse survient.
Suit un savoureux déballage, sensible et intelligent.
Voleuses. De Mélanie Laurent. Durée : 1 h 54.
Disponible sur Netflix.

Dans le grand bain

Le duo Vasarhelyi-Chin est habitué aux documentaires
sur des prouesses physiques hors norme (comme
l’escalade dans l’oscarisé Free Solo. Il passe ici par la
fiction pour raconter l’exploit de la nageuse Diana
Nyad, la première à accomplir la traversée entre Cuba
et la Floride, peuplée de requins et de méduses,
à 64 ans ! Annette Bening et Jodie Foster (qui joue
la coach et ex) s’y montrent exceptionnelles.
Insubmersible. D’Elizabeth Chai Vasarhelyi et Jimmy Chin.
Durée : 2 h 04. Disponible le 3 novembre sur Netflix.

Bernard Richebé
Angoisses de famille
Sophie Marceau et François Berléand. L’attachant couple échange avec
une tendre vacherie sur le sens de l’existence, où chacun tient des « rôles ».

L
ibérer la parole au sein du l’autrice une « politesse ». Aussi rit-
couple est la signature on, avec sensibilité et intelligence.
Eike Schroter/Netflix

­d’Audrey Schebat, scénariste Sophie Marceau, figure populaire

Le très doué Mike Flanagan (Doctor Sleep) adapte
La Chute de la maison Usher d’Edgar Allan Poe,
en mode Succession. Les six enfants, potentiels
héritiers d’un magnat de l’industrie pharmaceutique,
commencent à mourir l’un après l’autre dans des
circonstances mystérieuses. Une minisérie horrifique,
angoissante à souhait.
La Chute de la maison Usher. Série créée
par Mike Flanagan. 8 épisodes. Disponible sur Netflix.
et réalisatrice de cinéma et
de télévision. Après le succès
de La Perruche (2017), voici sa deu-
xième pièce, qu’elle met de nouveau
elle-même met en scène. Julien, psy-
chanalyste parisien parfaitement
établi mais revenu de tout, s’apprête
à mettre fin à ses jours dans son sa-
lon bleu saphir, perché sur une ban-
quette pour piano, la corde au cou,
les yeux protégés par des lunettes
de soleil. Surgit Maud, son épouse,
rentrée plus tôt que prévu de Berlin
de la femme moderne, et François
Berléand forment un couple atta-
chant qui échange avec une tendre
vacherie sur le sens de l’existence,
où chacun tient des « rôles ». La vie
apparaît comme « un billet low cost
où rien n’est compris, tout est en
option », sans « service après-
vente ». Les répliques font mouche
sur la notion d’échec, la lassitude
sexuelle, la tentation ou non de re-
faire sa vie, en se confrontant à « de
nouveaux possibles ». Poncifs, cli-

Enquête au long cours

Quatre flics différents, quatre époques différentes
(1890, 1941, 2023 et 2053) et pourtant une seule
et même enquête : le meurtre mystérieux
d’un trentenaire dans les rues de Londres, dont
on n’a jamais retrouvé la balle qui lui a fracassé
le crâne. Un jeu de pistes prenant, au fil d’indices
et de rebondissements savamment orchestrés.
Bodies. Série créée par Paul Tomalin. 8 épisodes.
Disponible sur Netflix.
où elle a reçu le trophée de « meil-
leure pianiste de l’année ».
Pourquoi n’a-t-il pas rédigé de note
expliquant ce « geste atroce » qui
devait être fatal et laisser ceux qui
l’aiment sans explication ? Quitte-t-
on un restaurant sans régler l’addi-
tion, même si la note est salée ? Suit
un savoureux déballage. D’aucuns
auraient fait un drame de cette situa-
tion. Mais être drôle constitue pour
chés ? Non, la vie ! •
Pièce et mise en scène d’Audrey
Schebat. Scénographie de Jacques Gabel.
Lumières de Laurent Béal. Costumes
d’Ariane Viallet. Musique d’Ayten Inan.
Théâtre des Bouffes Parisiens (Paris, IIe).
Durée : 1 h 30. Du mardi au samedi,
à 20 heures. Matinée le samedi à 16 h 30
et le dimanche à 15 heures. Tarifs : de 10
(jeunes) à 130 euros (soir du réveillon).
Jusqu’au 31 déc. Tél. : 01-86-47-72-43.
bouffesparisiens.com

2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804  141

 Cultures arts
Mark Rothko

Le nuancier
de l’âme
Par Caroline Brun

Avec une centaine de toiles importées de grandes

collections, la Fondation Louis Vuitton propose
une rare vision globale de l’œuvre de l’artiste.

C
’est sans doute la rétrospec-
tive dont Mark Rothko aurait
lui-même rêvé. Vingt-cinq ans
après celle du musée d’Art
moderne, voici le retour en
majesté, à Paris, du peintre
américain associé à l’expression-
nisme abstrait – étiquette qu’il refu-
sa, comme celle de coloriste. Res-
pectueuse de son œuvre,
Piasa
l’accord parfait entre l’architecture
somptueuse de Frank Gehry et la
Tabourets Séquoïa (années 1970), Michael Taylor.
présentation des tableaux, ména- L’ensemble est estimé 5 000 à 7 000 euros.
geant à la fois l’espace qui rend cha-
cun unique et « l’immersion dans la
VENTE AUX ENCHÈRES
toile » chère à l’artiste. Enfin, par le
choix d’un parcours chronologique
qui fera découvrir au public des pé- Histoire
riodes connues des seuls spécia-
listes : notamment la très intéres- américaine

l’exposition qui se déploie sur les
quatre étages de la Fondation Louis
1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko - Adagp, Paris, 2023»
D
sante exploration figurative des
années 1930, avec cet énigmatique ans sa vente du 8 novembre, la maison
autoportrait, ou les de vente Piasa explore trois angles
scènes de métro. très différents de l’histoire du design
Pour autant, ce sont américain. A commencer par une œuvre
les œuvres abstraites complète, « la suite des 14 tapisseries d’après
de la période dite Alexander Calder, toutes numérotées 53/100,
« classique » qui et que nous présentons en lots séparés estimés

constituent le cœur chacun 15 000 à 20 000 euros », détaille Frédéric

de l’exposition. Chambre. Le directeur de Piasa poursuit avec
Quelque 70 grands « une vente Arts and Crafts consacrée aux deux
formats sont à dé- pionniers de cette période entre 1895 et 1915,
couvrir, dont deux Limbert et Stickley ». Charles Limbert utilisait des
installations excep- bois massifs sur des meubles aux lignes épurées,
tionnellement impor- à l’image du banc en chêne modèle 569, daté
tées, la Rothko Room de 1908 (5 000 à 7 000 euros) ; et Gustav Stickley
de la Phillips Collec- fonda en 1899 sa société de fabrication de meubles
tion et les Seagram de formes robustes, qu’il souhaitait accessibles
Murals de la Tate. S’y au plus grand nombre. « Leurs créations ont
mêlent la géométrie clairement influencé le design européen des
des formes aux années 1930 aux années 1950 », souligne Frédéric
contours flous et Chambre. Il existe effectivement une ressemblance
Light Cloud, Dark Cloud (1957), Mark Rothko. l’éclat subtil des cou- entre la bibliothèque de 1904 de Gustav Stickley,
La géométrie des formes aux contours flous leurs, « poussées très géométrique (6 000 à 9 000 euros), et des
se mêle à l’éclat subtil des couleurs.
jusqu’à l’incandes- créations ultérieures. Enfin, le troisième volet de
Vuitton l’est à plus d’un titre. cence », selon l’expression de Su- cette vente American Design rassemble des
D’abord par son ampleur : 115 toiles zanne Pagé, directrice artistique de classiques datés des années 1950 aux années 1990 :
provenant des plus grandes collec- la Fondation et commissaire de une suite de trois tabourets Séquoïa de Michael
tions institutionnelles ou privées l’exposition. Autant de variations Taylor, des années 1970 (5 000 à 7 000 euros),
(notamment celle de la National Gal- autour d’un thème métaphysique un cabinet en acier chromé et laiton collection
lery of Art de Washington, de la Tate que ce concentré de chefs-d’œuvre Cityscape de Paul Evans, vers 1975 (25 000
de Londres, de la Phillips Collection permet de distinguer. • à 35 000 euros), ou un bel ensemble par George
ou de la famille de l’artiste), ce qui Mark Rothko. A la Fondation Nakashima (fauteuil, commode, semainier, tables,
donne au visiteur une rare vision Louis Vuitton, dans le bois de Boulogne, estimés entre 10 000 et 45 000 euros pièce).
globale de l’œuvre. Ensuite, par jusqu’au 2 avril 2024. Clémentine Pomeau-Peyre

142  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

 livres
Mémoires
Plume
de la politique
Par Maurice Szafran
Giesbert raconte les dernières années de la « Cinquième ».
Des portraits féroces et un tableau pessimiste.
PJB/Sipa
Franz-Olivier Giesbert. L’auteur est inquiet, pour de bon,
car il voit « le vieux et cher pays » se défaire. Il en souffre.
V
oilà le troisième et dernier
tome d’une histoire de la
Ve République façon Giesbert.
Cela donne, comme à l’accou-
tumée, un livre épatant qui ne
réconciliera pas le lecteur avec la
politique et ses principaux acteurs.
Après avoir raconté dans le premier
opus comment de Gaulle, en
quelques mois, avait ressuscité la
France, après avoir médité sur la
France apaisée de Pompidou et de
Giscard, Giesbert s’attaque enfin
aux « monstres » qu’il a vraiment
pratiqués – Mitterrand et leur rela-
tion si tourmentée, Chirac qui le
traite de « con », Sarkozy et
Hollande avec qui Giesbert sera
d’une ultrasévérité avant de la re-
gretter… un peu… Quant à Emma-
nuel Macron, notre plume de la poli-
tique ne le supporte décidément
pas. Cela donne quelques pages dé-
coiffantes ! Mais Giesbert ne se livre
pas seulement à un amusant exer-
cice de tir au pigeon politique. Il est
inquiet, pour de bon, car il voit « le
vieux et cher pays » se défaire. Il en
souffre. C’est en cela que ce troi-
sième tome – Tragédie française,
titre explicite – est précieux.
Certains ne manqueront pas de re-
procher à Giesbert son déclinisme,
cette propension à couiner « c’était
mieux avant ». Ce serait injuste et
stupide. Car, tant dans ses livres que
dans ses éditoriaux du Point, il ne
se trompe guère sur l’état de la so-
ciété française, nos incapacités col-
lectives, nos lâchetés partagées.
Giesbert cogne tous azimuts, mais
plus particulièrement sur cette
gauche qui fut longtemps sa famille.
Star du Nouvel Observateur qui,
dans les années 1970 et 1980, exer-
çait une influence considérable sur
toute la gauche, il en fut ensuite le
directeur de la rédaction, redressant
un journal alors moribond. Puis,
coup de tonnerre dans le micro-
cosme politico-médiatique, Giesbert
s’en alla prendre la direction du…
Figaro ! Après Jean Daniel et Claude
Perdriel, Robert Hersant… Le grand
écart… Giesbert raconte avec jubi-
lation cet épisode décisif de son par-
Histoire intime de
la Ve République.
cours. Une formidable saga de la
Tragédie française, Ve République que ces trois vo-
Franz-Olivier lumes. Mais aussi la démarche d’un
Giesbert,
écrivain qui n’hésite pas à prendre
Gallimard, 512 p., des risques. C’est trop rare pour ne
22 euros.
pas le souligner. • Gallimard, 395 pages, 26 euros.
2 NOVEMBRE 2023 - CHALLENGES N°804 
Essai
L’échec de Paris
et Berlin
Le 24 février 2022, quand les
troupes russes ont attaqué
l’Ukraine, « ils » ont été
stupéfaits. « Ils », ce sont les
principaux dirigeants de
l’Europe, à Berlin et à Paris en
particulier. Depuis l’épilogue du
communisme
soviétique,
« ils » étaient
convaincus de
pouvoir
s’entendre
avec la Russie
de Poutine.
C’est ce
naufrage
politique, diplomatique et
intellectuel que raconte la
journaliste du Monde Sylvie
Kauffmann. Mais comment
pareil échec a-t-il pu être
possible ? Fruit d’une longue
enquête, les explications de
l’autrice sont aussi limpides que
sidérantes.
Les Aveuglés, Sylvie Kauffmann,
Stock, 350 pages, 23 euros.
Etude
Résister
au danger russe
Professeur à l’université de Yale,
l’Américain Timothy Snyder est
sans doute le meilleur historien
de l’Europe de l’Est. Son nouvel
opus se veut d’abord un
cri d’alarme.
Contre
Poutine et
ses idées
« fascistes ». Il
est convaincu
que la Russie
met en
danger les
fondements
de l’Europe démocratique. Il
le démontre. Un livre
impressionnant. Timothy
Snyder sort du strict cadre de
l’histoire. Il ouvre des voies pour
que la démocratie et notre
mode de vie puissent résister
à cette offensive totalitaire.
C’est précisément cela le rôle
d’un intellectuel important.
La Route pour la servitude,
Timothy Snyder, traduit de l’anglais
par P.-E. Dauzat et A. de Saint-Loup,
143
 Cultures livres
Walt Bogdanich et Michael Forsythe

McKinsey
en procès
Deux journalistes du New York Times dévoilent la face sombre du géant du conseil
américain, notamment son rôle dans la crise des opioïdes. Extraits (pages 196-199).

Le 18 juillet 2013, McKinsey présenta au ment séparément, nous vous recommandons de

conseil d’administration de Purdue Pharma
sa très attendue analyse de marché. Alors
que les pharmacies et les responsables de l’applica-
tion de la loi tentaient de limiter la quantité d’Oxy-
Contin coulant dans les veines de la nation, McKinsey
faisait tout le contraire, suggérant même des moyens
de contourner ces mesures de sécurité. Puis, à peine
une semaine plus tard, la FDA – l’agence dont la mis-
sion principale est de veiller à l’innocuité des médica-
ments autorisés à la vente dans le pays – a octroyé un
contrat de conseil de 2,6 millions de dollars à Mc-
Kinsey pour le compte de son Center for Drug Evalua-
tion and Research, l’unité même qui réglemente les
médicaments sur ordonnance et les génériques, dont
l’OxyContin. Selon les termes de ce contrat, McKinsey
aurait à travailler « avec la direction du bureau, les
responsables de programme et d’autres individus
clés pour concevoir, développer et mettre en œuvre
un modèle opérationnel qui garantisse une commu-
Photos : Earl Wilson/The New York Times - SP - Photomontage
“déclencher le turbo du moteur de vente de Purdue”
en optimisant tous les éléments gagnants du modèle
de vente, du ciblage aux territoires, en passant par
les incitations à la vente », a écrit McKinsey. Em-
pruntant un vocabulaire tout droit issu de la guerre du
« Empruntant Vietnam, le cabinet mettait l’accent sur l’importance
de « gagner le cœur et l’esprit » de la force de vente
un vocabulaire et de changer de façon permanente le mode de fonc-
tout droit issu tionnement de l’entreprise.
de la guerre En 2017, McKinsey a fait une suggestion qui a stupé-
fié les acteurs de la santé lorsqu’elle a été dévoilée
du Vietnam, le au public. Le cabinet conseillait à Purdue d’envisa-
cabinet mettait ger d’accorder un rabais aux distributeurs pour
l’accent sur chaque overdose d’OxyContin qui pourrait leur être
attribuable. A titre indicatif, McKinsey avait fait une
l’importance estimation du nombre de consommateurs suscep-
de “gagner le tibles de faire une overdose. Ainsi, en 2019, par
cœur et l’esprit” exemple, 2 484 clients de CVS feraient une overdose
ou développeraient une dépendance aux opioïdes.
de la force

nication efficace tant en interne qu’en externe ».
Les semaines suivantes, McKinsey a présenté des re-
commandations encore plus radicales pour garder le
débit d’OxyContin à son maximum : augmenter sen-
siblement les visites faites aux prescripteurs, cibler en
particulier les plus importants d’entre eux, s’appuyer
sur les groupes de défense des patients pour contrer
les actions des autorités sanitaires visant à limiter
l’accès « opportun » au médicament, accélérer les
efforts pour mettre sur pied un canal de distribution
alternatif et initier des discussions au sommet avec
Walgreens [leader américain de la pharmacie de
détail avec CVS]. « Plutôt que de traiter chaque élé-
Une ristourne de 14 810 dollars par « événement »
de vente. » signifiait que Purdue verserait 36,8 millions de dol-
lars à CVS cette année-là. CVS est également l’un des
plus gros clients du cabinet. McKinsey a déclaré que
Purdue n’a jamais mis ce programme en œuvre.
Alors que la décennie touchait à sa fin, McKinsey a
annoncé qu’il cesserait de prendre des fabricants
d’opioïdes comme clients. A ce moment-là,
400 000 Américains étaient morts de s’être surmédi-
camentés ou d’avoir ingéré des opioïdes trafiqués.
De leur côté, les propriétaires de Purdue
avaient retiré 10 milliards de dollars de
leur entreprise.

Notre avis. En France, le géant
américain du conseil McKinsey est
au cœur d’une tempête politique
et judiciaire. Plusieurs enquêtes ont
été ouvertes, en 2022, sur sa
proximité avec le pouvoir macroniste
et des soupçons de fraude fiscale.
Au même moment, la « Firme »
faisait l’objet d’un réquisitoire
implacable, écrit par deux
journalistes du New York Times.
La version française de ce livre,
préfacée par Pierre-Henri de
Menthon, directeur de la rédaction
de Challenges, vient de sortir.
Si sa lecture peut parfois s’avérer
austère, l’enquête est exemplaire,
nourrie de nombreux témoignages
d’anciens et actuels salariés,
choqués par certaines pratiques
peu ragoûtantes de leur employeur.
L’ouvrage pointe notamment
les multiples conflits d’intérêts
du cabinet, qui décroche de juteux
contrats auprès des fabricants
de tabac et des laboratoires
pharmaceutiques, tout en
conseillant les autorités de santé
et les agences de régulation. D. B.
McKinsey. Pour le meilleur
et pour le pire, Walt Bogdanich
et Michael Forsythe, Buchet-
Chastel, 448 pages, 24 euros.

144  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023

Kinewall Design

Kinewall Design

imprimés et vernis
près de Nantes

kinedo.com
 Menthon
Domenach Double je
VENDREDI 27 OCTOBRE
Clément Beaune cherche
du bruit médiatique
M
inistre délégué chargé des Transports, Clément Beaune ne
manque pas de défis à affronter. Dont celui de la communi-
cation : « Pour ce qui est de l’unité de bruit médiatique, je
suis en tête de Ligue 2, reste à passer en Ligue 1. » Il est pour-
tant sur toutes les balles : punaises de lit, dessertes des aéro-
ports, non-information des usagers de la SNCF… Et son bilan
en termes d’évitement des grèves n’est pas mauvais.
Et puis, il y a la mobilisation contre l’A69, « qui sera construite
car la démocratie l’exige ». Mais comme il veut aussi être « le
ministre de l’Ecologie », il jure que ce sera « la dernière auto-
route ». Et vive les RER métropolitains. En avant pour le « pass
rail » comme en Allemagne (49 euros par mois), en espérant que
les régions suivent et participent du financement. Mais son
grand combat pour accéder à la division supérieure sera bien la
conquête de la mairie de Paris. Elu de la capitale à l’issue d’une
campagne qu’il a « adorée », il ne lui déplairait pas d’être la loco-
motive Renaissance à Paris, mais pas pour faire joli. Pour arriver
en tête. Et gagner le championnat.
SAMEDI 28
Christine Lagarde ne dit pas non
à la présidentielle
I
l faut aller à la page trois du cahier Life and Arts du Financial
Times pour trouver l’info. Lors d’une rencontre en tête-à-tête
dans un restaurant de Francfort avec la présidente de la
Banque centrale européenne (BCE), Martin Arnold, le corres-
pondant du quotidien britannique, commence par de longues
digressions sur la cuisine allemande et bien sûr les dix hausses
de taux consécutives de la BCE.
Puis, après avoir rappelé que Christine Lagarde n’a pas été
condamnée dans l’affaire de l’arbitrage de Bernard Tapie, il lui
pose enfin la question d’un possible come-back sur la scène
politique française. Tout en contrôle, Christine Lagarde com-
mence par un : « Il ne faut jamais dire non. » Avant d’ajouter
« mais j’en doute beaucoup ». Pourrait-elle abréger son mandat
qui court jusqu’en 2027 pour faire une campagne présidentielle ?
« J’ai une mission à accomplir, et je l’accomplirai. » Et si ce
B. Delessard/Challenges
n’est pas la présidence de la République, quel sera son destin ?
« Je répondrai à l’appel. » Elle qui répète que les femmes ne sont
jamais assez sûres d’elles est fière de n’avoir jamais rien deman-
dé et tout obtenu : Bercy, Fonds monétaire international (FMI),
BCE. Reste à savoir si l’Elysée ne se gagne pas autrement.
146  CHALLENGES N°804 - 2 NOVEMBRE 2023
DIMANCHE 29
François Lenglet porte l’estocade
à Michel-Edouard Leclerc
L
e journaliste économique de TF1-LCI et de RTL François
Lenglet est un matador à la courtoisie exquise. Un signe
pourtant est de nature à inquiéter ses interviewés : quand il
enlève les lunettes de son front, c’est qu’il va porter l’estocade.
Comme face à Michel-Edouard Leclerc, qu’on a vu coi pour la
première fois peut-être, lorsque dans l’émission politique du
dimanche de LCI notre économiste toujours placide a cité le
classement des fortunes de France réalisé par Challenges. Pour
rappeler qu’il y avait dix milliardaires de la grande distribution
dans le palmarès.
François Lenglet ne sert jamais la limonade tiède, même s’il
demeure parfaitement mesuré dans l’interpellation. Comme
dans ses chroniques de RTL tout juste publiées en livre (Com-
bien de temps ça va durer ?, éd. Plon). On y a évidemment cher-
ché s’il ne s’était pas égaré à l’instar de nombre d’experts qui, par
exemple, ont annoncé qu’après le Covid viendrait la grande ré-
cession. Que nenni. Ce chroniqueur fait preuve d’une lucidité qui
le distingue.
LUNDI 30
Julien Aubert remet de l’ordre
dans le débat sur Israël et Gaza
F
act checking, info, infox : les grands médias que sont la BBC,
Le Monde ou le New York Times sont sous pression. A ce
jeu de la vérité sordide – qui inonde encore les réseaux
concernant le bombardement d’un hôpital à Gaza –, toute ap-
proximation est exploitée. D’origine palestinienne, la reine de
Jordanie ne s’est ainsi pas gênée pour expliquer sur CNN qu’il
n’y avait « pas de preuve que des bébés aient été décapités » lors
de l’attaque du Hamas. Une plume de L’Obs, David Caviglioli, a
sauté à pieds joints dans ce terrain miné en publiant dans le
journal – dont la direction a présenté des excuses – un test inti-
tulé : « Etes-vous Likoud ou Hamas ? » Outre un humour très
déplacé, le problème est que les réponses à la moitié des ques-
tions sont les mêmes, accréditant le parallèle entre un Etat dé-
mocratique et une organisation terroriste.
Les dérapages n’épargnent pas les élites. Au sein du cercle de
réflexion Le Banquet républicain, l’énarque et ex-député LR Ju-
lien Aubert a remis de l’ordre dans les débats sur les massacres
de civils en rappelant que les notions de crimes contre l’huma-
nité et de crimes de guerre sont distinctes, constatant au passage
« qu’il est intéressant que le droit international devienne subi-
tement important dans cette partie du monde ». Après l’hysté-
risation, viendra l’heure de la qualification des faits. •
A la semaine prochaine
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