Modèle présenté : Range Rover Sport P550e Hybride électrique.

Consommation de carburant en cycle mixte l/100 km (WLTP): 0.6 à 0.8.

Land Rover France. 509 016 804 RCS Nanterre.

Pensez à covoiturer. #SeDéplacerMoinsPolluer

 French : français
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French Ar t de Vivre
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 Conidentiel

Une fois Casino repris par le consortium mené par Daniel Kretinsky,
le conseil du groupe devrait passer de 14 à 7 administrateurs.

Teleperformance entame
Didier Pascual, qui
a dirigé Gii dans les
une dure bataille sociale Le service de location
de scooters électriques
années 1990, a repris La direction de Teleperformance (centres d’appels, 8 milliards d’euros de chiffre Yego va doubler
du service auprès du d’affaires) attaque en justice son comité social et économique (CSE) pour avoir sa lotte à Paris à
fondateur Philippe 2 000 véhicules. Dans
Ginestet. Pour négocier
déclenché une alerte sur la situation économique de l’entreprise et pointe le mon- la perspective des JO.
avec les créanciers. tant d’une mission d’expert commandée par cette instance. Une audience était
programmée le 6 mars devant le tribunal judiciaire de Nanterre, jour de l’annonce Jean-Marie Gauvain,
La CGT s’alarme des des résultats 2023. La capitalisation de ce groupe coté au CAC 40 a fondu de 55 % directeur des risques
vacances de postes en un an, à 7 milliards. • de Casino, est
à l’inspection du intervenu au cours
Travail : de 25 % à d’une conférence
Paris à 66 % dans l’Oise. d’Addleshaw Goddard
Bercy fait tourner les têtes (avocats) pour former
Mandatés par Le nom d’Antoine Magnant, numéro Baert les dirigeants aux
Matignon, les deux de la direction générale des Fi- LinkedIn/Jean-Philippe Baert retourne gardes à vue.
économistes Antoine nances publiques, circule pour prendre Splio
Bozio et Etienne la tête des Douanes ou du service de Dans le cadre Citroën a vendu
Wasmer bouclent un 21 000 C5 X en 2023,
rapport sur la prime
renseignement Tracin. Pour ce dernier d’une procédure et non « en deux
d’activité et les poste, Alban Genais, qui assure l’inté- de conciliation, ans » (cf Challenges
exonérations de rim, serait aussi sur les rangs, ainsi que Jean-Philippe n°819).
charges. Il sera Manon Delaune-Perrière (Intérieur). Baert, spécia-
communiqué aux liste du retournement d’entreprise, a Le Medef adhère
partenaires sociaux. Aixam part à la poursuite pris la direction du groupe Splio au Forum Génération

Caroline Pascal et
de l’Ami de Citroën (marketing direct). Les deux précé- Egalité de l’ONU pour
l’égalité entre les
Bernard Beignier sont dents dirigeants, Mireille Messine et sexes. Une première
les deux noms qui Gregory Chapron, ont été révoqués. pour une organisation
circulent à l’Education Splio revendique 400 clients, dont patronale.
nationale pour le Decathlon, Orange ou Mr.Bricolage.
rectorat de Paris. Mirova (Natixis) crée
Impact Life Essentials,
Hermès étudie une fonds dédié à la
entrée au capital de Le reste à charge médical offre transition sociétale :
GL Bijoux, spécialiste un demi-milliard d’économies vieillissement,
du plaqué or et argent Le doublement à 2 euros de la participa- éducation,
basé au Cheylard consommation…
SP

tion non remboursable des patients in-

(Ardèche). Le spécialiste de la voiture sans permis terviendra « au plus tard mi-mai »,
Par mesure
Présent dans six pays,
prépare le lancement de trois modèles note le ministère de la Santé. Le gain d’économies,
Valtus (management électriques à moins de 15 000 euros. attendu pour les finances publiques la remise accordée
de transition, Objectif : concurrencer la Citroën Ami s’élève à 283 millions d’euros en 2024, et par Monoprix à ses
125 millions d’euros sur le segment des jeunes aisés. à 486 millions « en année pleine ». salariés a été ramenée
de chiffre d’affaires) de 20 % à 15 %.
boucle un partenariat Ginon bataille pour Armor se déploie dans
avec un acteur
allemand du secteur.
garder son palais les batteries et le solaire Mylène Poncet quitte la
direction du marketing
Objectif : doubler Le patron de GL Armor (ilms imprimables, 447 millions d’Honor France
de taille en trois ans. Events (1,4 milliard de de chiffre d’affaires) achève une nou- (smartphones) au proit
chiffre d’affaires), Oli- velle usine à La Chevrolière (Loire- de Pierre-Alain Houard,
Ludovic Marin/Pool/AFP

France 2030 a sollicité vier Ginon, fait du lob- Atlantique), dédiée à la production d’un qui a occupé ce poste
l’Académie des bying pour prolonger revêtement pour batteries. Un investis- au sein de Xiaomi.
technologies,
présidée par Patrick
de quelques années sement de 40 millions d’euros qui a sé- Olivier Sarlat (Veolia)
Pélata (ex-Renault), son Grand palais duit Blue Solutions (Bolloré). Armor, va présider Aqua-Valley,
pour évaluer les éphémère (Paris VIIe), contrôlé par Hubert de Boisredon, est pôle de compétitivité
besoins en hydrogène qui doit être démonté à l’issue des JO. aussi actionnaire à 20 % de Holosolis, le de la ilière eau, basé
à l’horizon 2035-2050. Notamment pour pallier la fermeture consortium qui inaugurera en 2026 une à Montpellier (Hérault).
pour travaux de plusieurs sites cultu- usine de panneaux solaires à Sarregue-
rels, dont Beaubourg entre 2025 et 2030. mines (Moselle).

Sommaire en pages 14 et 15
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  7
 Conidentiel

Grâce à son « grand emprunt national », le RN a collecté près

de 20 millions d’euros auprès de 2 000 particuliers.

En toute indiscrétion
La Chancellerie La Grande Confrontation
a proposé le nom de Quand Wauquiez parlera (éd. Allary), de
la magistrate Florence Candidat putatif LR à la présidentielle Raphaël Glucksmann,
Hermite, ex-conseillère de 2027, Laurent Wauquiez est « très s’est écoulé à
d’Edouard Philippe 30 000 exemplaires.
à Matignon, pour
serein », malgré des sondages calami-
devenir procureure teux. « Quand il parlera, le ciel s’éclair- L’ex-ministre des

Marc Bertrand/Challenges
adjointe au Parquet cira », promet un proche, pour qui « il Affaires étrangères
national inancier. n’est pas le meilleur, mais le seul ». Hubert Védrine
C’est ce qu’avait dit Valéry Giscard planche le 19 mars
En 2023, la HATVP, d’Estaing de François Fillon en 2017. devant les députés
présidée par Didier sur la crise de l’ONU
Migaud, a publié et ses perspectives
25 % de ses avis Bardella et Bardepala de réforme.
sur les pantoulages Florence Portelli, vice-présidente LR du Koenig simpliie tout
des agents publics conseil régional d’Ile-de-France, ra- Le romancier et philosophe Gaspard A l’occasion de la
dans le privé, et vise conte que le surnom de Jordan Bardella Koenig avait rendez-vous le 27 février « niche » du groupe
40 % en 2024, dans cette instance est « Bardepala ». Il avec Bruno Le Maire. Le lendemain, écologiste du 4 avril,
contre 6 % en 2022. le député Jérémie
est vrai qu’il y siège rarement, comme dans Les Echos, il signait un éditorial Iordanoff défend
Le député Aurélien au Parlement européen. titré « Se préparer à la faillite ». Leur une proposition de loi
Pradié (LR) anime conversation a pourtant porté sur un constitutionnelle visant
dans les prochaines Attal a lancé Oudéa-Castéra, autre sujet, celui de la simplification à abroger l’article 49.3.
semaines un cycle puis l’a lâchée administrative, cheval de bataille du fon-
de conférences sur le La fameuse sortie d’Amélie Oudéa- dateur du think tank GénérationLibre, Ludovine de La
thème de la « dignité », Rochère (Syndicat de
au Collège des
Castéra, éphémère ministre de l’Educa- qu’a enfourché le maître de Bercy. la famille) a invité la
Bernardins à Paris. mairie de Paris à
Le casse-tête de Ciotti prévoir une exemption
L’avocate et ex-ministre Le choix de la troisième place sur la du tarif SUV pour les
Corinne Lepage liste LR pour les élections européennes, familles nombreuses.
a créé une plateforme réservée à un homme et très convoitée, Un appel relayé par le
d’actions collectives groupe Changer Paris.
pour des plaintes
vire au casse-tête pour Eric Ciotti.
liées aux pesticides. « Nommer Geoffroy Didier, c’est désa- Les Centristes (Hervé
Jacques Witt/Sipa

A la disposition vouer Bellamy, qu’il avait enfoncé Morin) menacent

des agriculteurs après la campagne de 2019 ; choisir de se retirer du
et de leurs riverains. Frédéric Péchenard, c’est vexer Didier ; dispositif des élections
sans oublier Hortefeux et Carayon, en européennes de LR
Les députés Jocelyn si la sortante Nathalie
Dessigny (RN) et
tion nationale, sur le « paquet d’heures embuscade. Et Gérard Larcher pousse Colin-Oesterlé
Luc Geismar (MoDem) non remplacées » qui l’aurait conduite à Patrick Dray », ironise un cadre de LR. n’est pas reconduite
sont les rapporteurs mettre ses enfants dans le privé avait été en position éligible.
d’une mission calée avec Gabriel Attal. « Il s’agissait La Fashion Week s’invite
d’information sur de justiier la priorité mise sur le rem- au Bourbon Pour le sénateur
« l’optimisation placement des enseignants, conie un Stupeur et amusement au Bourbon, le Stéphane Ravier
inancière et (Reconquête !), « avec la
stratégique de l’offre
conseiller ministériel. Mais face au tol- café parisien qui sert de QG aux dépu- constitutionnalisation de
d’emploi à domicile ». lé, Matignon a lâché la ministre. » tés, quand des mannequins de la Fashion l’IVG, la droite a versé
Week ont fait irruption. Costumes en dans l’à-plat-ventrisme ».
Le maire de Perpignan Rousseau stressait sa banque plaques de métal, maquillages colorés…
Louis Aliot (RN) L’ex-ministre Aurélien Rousseau ne se L’extravagance des models, qui partici- Chef de cabinet
prépare une campagne, lasse pas de raconter que sa banquière, paient à un événement sous les fenêtres et conseiller spécial
sondage à l’appui, de Stanislas Guerini
contre le département
visiblement peu au fait de l’actualité de l’Assemblée, n’a pas manqué de sus- (Fonction publique),
des Pyrénées- politique, l’avait contacté pour « évo- citer l’hilarité. « Ce sont les nouvelles Rémy Dejou rejoint
Orientales, qu’il accuse quer sa brutale chute de rémunéra- attachées parlementaires ? » faisait temporairement
« d’installer des tion ». Il l’a rassurée en lui indiquant mine de s’interroger un serveur. Tandis l’équipe de campagne
migrants dans sa ville ». qu’il avait été nommé ministre de la que Bruno Millienne (MoDem) se gaus- de Valérie Hayer.
Santé et qu’il gagnait beaucoup moins sait : « Il faut que je m’habille comme ça
que lorsqu’il était le dircab de Matignon. pour me rendre dans l’hémicycle. »

8  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 Médias

Etienne Gernelle, directeur du Point, conie travailler la moitié de son temps

aux conséquences de l’arrivée de l’IA dans l’industrie des médias.

La presse papier doit

Devant les députés,
le PDG de Canal+ réinventer sa distribution L’ex-ministre à l’Egalité
entre les femmes
Maxime Saada et les hommes
a reconnu avoir Oubliez les contentieux avec les plate- sion sur le prix de vente des titres de Elisabeth Moreno
participé à des lance sa deuxième
réunions au siège de
formes comme Google ou Meta sur les presse, qui varie autour d’une vingtaine saison de huit
Lagardère en présence droits voisins ! Il est une lente érosion à de pourcents. Mais ce taux n’a pas été podcasts La Puissance
des directions de Paris l’œuvre qui menace encore plus la révisé depuis 2017, malgré l’inlation. Le du Lien avec la société
Match et du JDD avant presse papier : sa distribution. Notam- secteur aimerait également pouvoir de production Make
le 21 novembre 2023, ment au niveau des kiosquiers, mais bénéicier du dispositif gouvernemental Some Noise. Elle
date du feu vert surtout des 21 000 points de ventes du PassCulture. « Son mode de fonc- reçoit notamment
de Bruxelles au rachat Maud Bailly, d’Accor,
de Lagardère. Ce qui
spécialisés en tionnement est une vraie anomalie, ou la présentatrice de
lui était formellement France, comme juge Daniel Panetto, le président de beIN Sports Vanessa
interdit. les maisons de la Culture Presse. Les marchands de jour- Le Moigne.
presse, qui repré- naux peuvent l’accepter pour de nom-
Avec 70 000 abonnés sentent un volu- breux livres, mais pas pour leurs réfé- Taddeo va nouer
Antigre Photography

à ses newsletters, me de 11 millions rences de librairie. » un partenariat avec

Vert, lancé en 2020, l’agence londonienne
est rentable. Financé
de tickets de Dans ce dossier, quotidiens et maga- indépendante Woodrow
en très grande partie caisse par jour. zines n’ont pas le même intérêt. Les pre- pour ampliier
par des dons de En 2023, ce ré- miers sont distribués majoritairement son rayonnement
particuliers, le média seau a perdu 2,7 % de ses membres. chez les kiosquiers ou en ligne, ayant international. Ce
a formé aux questions Une situation qui inquiète de plus en accéléré avec succès leur transforma- rapprochement ne se
écologiques des plus le secteur, dont le syndicat Culture tion numérique. Pour les seconds, la traduira pas par une
journalistes du Parisien, prise de participation
de BFMTV ou France24.
Presse, qui tient son congrès annuel du vente papier au numéro demeure fonda- capitalistique.
12 au 14 mars à Paris. Le réseau re- mentale dans leur business model. « Il
Le nombre de femmes groupe 10 000 points de vente en France, faut que le réseau de spécialistes se Guillaume Durand
à des postes à sur les 20 000 spécialistes du secteur. diversifie dans l’édition, considère esquisse une galerie
responsabilités dans « Beaucoup des vendeurs de presse in- Marc Feuillée, directeur général du de portraits parfois
les entreprises dépendants se détournent de cette acti- groupe Le Figaro-CCM Benchmark. Ce rudes, de Mélenchon
audiovisuelles à Macron et de Sarkozy
progresse, sauf à
vité, pour lui en préférer d’autres, plus n’est qu’à ce prix que le réseau pourra à Bardella, dans
France Bleu, où la part rémunératrices, comme le tabac ou les s’adapter. » Le sujet mériterait d’être Les Visiteurs du soir,
des rédactrices en chef jeux », s’alarme Philippe di Marzio, son abordé aux Etats généraux de l’infor- à paraître chez Plon.
a chuté de 50 % à 21 % directeur général. Les points de ventes mation, qui ne semblent, à date, pas le
entre 2019 et 2024, se rémunèrent en prenant une commis- considérer comme prioritaire. A. S. Fondé en 2022, le
selon le ministère groupe de newsletters
de la Culture. Kessel Media a atteint
300 000 euros de
Ex-conseiller d’Olivier TF1 et M6 se font la guerre par chiffre d’affaires en
Véran au porte-parolat 2023. Cette année,
du gouvernement,
Edouard Schmidt
plateformes de streaming interposées grâce au lancement de
sa régie publicitaire,
rejoint l’agence Après le lancement de TF1 + en janvier, en avant-première et en rediffusion du- il devrait multiplier
de communication par cinq ses revenus.
Edelman.
c’est au tour de M6 d’afirmer sa straté- rant un mois, voire plus. Ainsi, un tiers
gie en matière de plateforme de strea- de l’audience de Pékin Express et plus Havas Paris fête ses
Le Figaro accélère ming. Même si « la télévision linéaire d’un quart de celle Top Chef se font en 35 ans ce 7 mars à la
le développement sera toujours, en 2028, le principal streaming. Ensuite, une plateforme per- Galerie Joseph à Paris,
de sa télévision locale pilier de revenus et de rentabilité », la met de toucher un autre public que en présence de
en Ile-de-France. Avec plateforme M6+, qui remplace 6Play, celui, vieillissant, de la télévision. Enin, Mayada Boulos, sa
5 millions d’euros de présidente, et Julien
budget, celle-ci se ixe
devrait, à cette échéance, aficher un la publicité dite « adressée », donc plus Carette, son directeur
1,5 million de revenus doublement des visionnages et un tri- inement ciblée, se vend deux à trois général, avec des
cette année. Objectif : plement des revenus, à 200 millions fois plus cher que la publicité pour la dirigeants d’entreprise,
arriver à l’équilibre d’euros. Ceci, pour plusieurs raisons. télévision. Ceci se fera au prix, bien sûr, patrons de presse
d’ici trois ans. D’abord, les programmes inancés pour de gros investissements : 100 millions et hommes politiques.
la télévision seront mieux amortis car d’euros étalés sur quatre ans, avec un
exploités dans deux nouvelles fenêtres : point d’équilibre prévu en 2027. Vé. G.

10  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 Radars
Par Antoine Izambard

Les présidents de région Carole Delga (PS) et Laurent Wauquiez (LR)

seront au Japon entre le 5 et le 15 mars.

L’enquête préliminaire
du parquet national
inancier visant Hsueh
Sheng Wang,
à la tête du groupe
immobilier Eurasia et
star du Chinatown
d’Aubervilliers, a été
classée sans suite.
Les investigations
n’ont pas permis de
démontrer des faits
de fraude iscale.
Face au rejet de la
Ce militaire djiboutien
Géré par le géant
devenu lanceur d’alerte chinois du transport
maritime Cosco,
le port du Pirée,
Depuis son modeste en Grèce, a été exclu
foyer de province – nous d’une initiative de
ne donnons pas plus de l’Union européenne
précisions par mesure de visant à lutter contre
précaution –, Moustapha le traic de drogue
dans les ports.
Mohamed Abdillahi,
41 ans, commence à Sentinel Labs vient
trouver le temps long. Ce d’identiier une
capitaine de la garde campagne
républicaine djiboutienne de doppelgänger en

France dans de
nombreux pays
africains, Philippe
Labonne (ex-Bolloré
Logistics), le nouveau
président du Medef
Afrique, va lancer une
étude sur l’impact
économique et social
des 40 000
entreprises françaises
présentes en Afrique,
qui emploient
500 000 salariés.
Secrétaire général et
directeur juridique
d’Eutelsat, David
Bertolotti devient
secrétaire général
adjoint du Quai
d’Orsay, dont il avait
été directeur des
affaires stratégiques.
Il assistera Emmanuel
Puisais-Jauvin.
Océanne Skarica
a décidé, en juillet 2021, Allemagne, menée
par la Russie,
alors qu’il était le chef qui clone des sites
adjoint de la sécurité du d’informations
président Ismaïl Omar Moustapha Mohamed Abdillahi. Il dénonce « un degré légitimes et afiche
Guelleh, de faire défec- inimaginable de corruption avec Pékin ». des pseudo-articles
tion. Père de cinq enfants, critiquant la coalition
qui sont restés avec son épouse à Dji- demande d’asile via son avocat auprès allemande au pouvoir
et son soutien
bouti, il n’accepte plus les petits arran- de l’Ofice français de protection des à l’Ukraine.
gements du gouvernement de son pays réfugiés et apatrides (Ofpra).
avec la Chine, qui a installé en 2017 sa Plus de deux ans et demi après, ce der- Figure bien connue
première base militaire à l’étranger dans nier n’a toujours pas statué. « Il faut en de l’intelligence
cet Etat de la Corne de l’Afrique. « Le moyenne quatre mois à l’Ofpra pour économique tricolore,
degré de corruption avec Pékin est ini- donner une réponse, donc là on se de- Bruno Delamotte
(ancien de l’entreprise
maginable », dit-il. Alors qu’il transmet mande s’il n’y a pas un blocage poli- de services de sûreté
des informations à des opposants en tique », indique maître Saligari, faisant et de défense
exil, les services de sécurité djiboutiens référence à l’accord de défense que Pa- Risk & Co) rejoint
l’identifient, provoquant son départ ris et Djibouti sont en train de renouve- Scutum International
pour Paris. Peu après son arrivée en ler. En attendant, le lanceur d’alerte a Services, qui va
France, Abdillahi dépose plainte contre témoigné, le 3 mars, dans le documen- lancer une offre
concurrente à celle
l’entourage du président Guelleh, qu’il taire Chine, opérations secrètes, sur de DCI (groupe Adit),
accuse de harcèlement et de menaces. France 5. De son côté, l’ambassade de spécialiste de la
Dans le même temps, le militaire, dont Djibouti en France dénonce « des pro- formation militaire.
le père et le grand-père ont combattu pos mensongers motivés par le fait
dans l’armée française, effectue une d’obtenir l’asile en France ». •

La Chine, l’empire des minerais critiques. Le Brésil mise gros sur le pétrole. Le pays Le réseau diplomatique français faiblit.
Pékin a proité de la faiblesse du cours du dirigé par Lula devrait devenir le quatrième En raison notamment de la fermeture
cobalt ces dernières années pour acheter producteur mondial de pétrole d’ici à 2030. de certaines entreprises sur le continent
Volume de cobalt des volumes record Production de brut Le secteur est Nombre de postes africain, la France
acheté par l’Etat chinois de ce métal (en millions de barils notamment porté par diplomatiques par pays ne possède plus que
(en milliers de tonnes) stratégique, par jour) le géant Petrobras, Chine le cinquième réseau
10 notamment pour 2023 2030 (estimations) qui développe des
Etats-Unis
274 diplomatique de la
8 la production de bassins offshore Etats-Unis planète – alors
véhicules électriques. Arabie saoudite dans le sud-est du 271 qu’elle occupait
6 Un appétit qui met pays. Toutefois, jusqu’alors
Turquie
en évidence la Russie comme le soulignent la troisième place.
4 252
domination mondiale Brésil les experts, Japon Paris est devancé par
2
de la Chine sur l’ingérence de l’Etat 251 le Japon et la Turquie,
0 l’approvisionnement Irak présente des risques France et largement distancé
2015 16 20 22 23 24* en matières (choix commerciaux, 249 par les Etats-Unis
* Prévisions 0 3 6 9 12 15
SOURCE : DARTON COMMODITIES LTD. premières critiques. SOURCE : RYSTAD ENERGY. corruption…). SOURCE : LOWY INSTITUTE. et la Chine.

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  11

 Le graphique

La roue de la popularité tourne

pour Hollande et contre Macron LEÇON N° 1

Séance de selies au Salon de l’agriculture, Un retournement de situation inédit pour Energie

amphithéâtre bondé à Brest pour sa venue, celui qui avait terminé son quinquennat dans Quasiment inconnu
à son arrivée
discours de campagne devant les socialistes les tréfonds des sondages, renonçant même au gouvernement
de Haute-Garonne… Après avoir connu les à se représenter à l’élection présidentielle en 2014, Emmanuel
affres de l’impopularité, François Hollande en 2017. D’autant qu’au même moment, Macron prend
savoure son retour en grâce dans l’opinion. Emmanuel Macron, qui l’avait « trahi » rapidement la lumière
Crédité de 48 % d’opinions positives, l’ancien in 2016 en se portant candidat à l’Elysée, avec sa loi sur l’activité
président de la République est désormais la dévisse dans les sondages, usé par sept ans et la croissance, avant
troisième personnalité politique préférée de pouvoir et « empêché » par l’absence de de bénéficier de la
rampe présidentielle,
des Français, selon le baromètre mensuel majorité à l’Assemblée. Comme un parfum qui le propulse à 69 %
réalisé par l’Ifop. Et la première à gauche. de revanche. Rémi Clément d’opinions positives
en juin 2017. Un
niveau de popularité
que le jeune président,
Expression de « bonne opinion » (en %) malgré sa résilience
face aux crises,
ne retrouvera jamais.
Mai 2017 Mars 2023
Novembre 2016 50 % d’opinions favorables : LEÇON N° 2
Elu président, avec
Candidat à l’élection 66,1 % des voix, face Hollande est la personnalité de Hémorragie
70 présidentielle. à Marine Le Pen. gauche préférée des Français.
En 2016,
Juin 2022
le psychodrame sur
Septembre 2014 la déchéance de
Ministre de Perte de la majorité nationalité et la
l’Economie. absolue à
l’Assemblée.
publication du livre
Novembre 2018 Un président ne devrait
« Gilets jaunes ». pas dire ça… (éd. Stock)
60 EMMANUEL seront fatales à François
MACRON Avril 2022 Hollande, sonnant le
glas de ses ambitions
Réélection, avec
58 % des voix, face
présidentielles. Le
à Marine Le Pen. décrochage d’Emmanuel
Macron a lieu avec les
50 « gilets jaunes », puis la
réforme des retraites.
LEÇON N° 3
Nostalgie
Ecarté du pouvoir
40 en 2017, François
Hollande a reconstruit
sa popularité. Pendant
sept ans, l’ex-président
a su trouver la bonne
distance, empruntant
des chemins de
30 traverse – tour de
Mars 2021 France des lycées,
Exprime son « regret » Janvier 2024 des librairies… –
de ne pas s’être Gabriel Attal et occupant l’espace
FRANÇOIS représenté en 2017. devient Premier laissé libre du côté
HOLLANDE ministre. de la social-démocratie
20 et de la « gauche
Avril 2022 de gouvernement ».
Janvier 2015 Décembre 2016
Attentats à Paris. Annonce qu’il Appelle à voter Macron
ne briguera pas face à Marine Le Pen.
un second mandat.

10
2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024

SOURCE : IFOP.

12  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 Regards

Au deuxième trimestre 2023, le patrimoine net médian d’un ménage en France s’élevait
à 185 000 euros, en hausse de 5 % par rapport à 2009, en euros constants.
Chaque seconde, le champ magnétique terrestre dévie 1,5 million de tonnes de matière
solaire qui jaillissent à une vitesse de 160 km par seconde.
24 % des Espagnols, 35 % des Français, 51 % des Allemands sont locataires.
Les femmes représentent 47 % de la main-d’œuvre aux Etats-Unis, contre 30 % en 1950.
La dette des Américains sur leur carte de crédit s’élève à 1 130 milliards de dollars,
22 % de plus par rapport à 2020.
L’Espagne représente 24 % de la production européenne de légumes frais.
Ceux qui ont acheté tous les modèles d’iPhone depuis 2007 ont dépensé 20 600 dollars.
La même somme investie dans l’action Apple vaudrait aujourd’hui 3,7 millions de dollars.
L’Inde compte 3 265 tigres sauvages, plus de 50 % de la population mondiale.
Parts des exploitations agricoles converties au bio en France : 11 % dans l’élevage de vaches
laitières, 28 % dans celui de poules pondeuses.

En direct de mon Open Space, par James

© James - Dargaud/2024

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  13

 N° 820 - 7 mars 2024

Valerie Macon/AFP - Bruno Levy/Challenges x 2

En couverture
Elles prennent le pouvoir
Taylor Swift, Marie-Anne Barbat-Layani, Marie-Pierre Rixain…
Dans le business, la inance ou la politique, les femmes accèdent aux
postes de commande. Mais l’égalité des genres est encore loin. p. 54

SERVICE ABONNÉS
Avant-premières Monde
Tél. : 01-55-56-71-47 7 Conidentiels. 26 Avec Javier Milei, l’Argentine
E-mail : abonnements@
challenges.fr 8 En toute indiscrétion. passe en mode survie.
10 Médias. 29 Lima décroche la médaille
Pour joindre
la rédaction 11 Radars. de la stabilité monétaire.
Tél. : 01-58-65-03-03 12 Le graphique. 30 Leaders.
Pour avoir un poste en direct :
01-58-65 suivi du numéro de poste. 13 Regards. L’Open Space de James. 31 Les économistes du Bien
Challenges, 41 bis, avenue
Commun. Paul Krugman.
Bosquet, 75007 Paris.
E-mail : redaction@challenges.fr Evénement
Pour joindre
la publicité 16 Vivendi se met en quatre Entreprise
Tél. : 01-44-88-97-70 pour la Bourse. 32 Le sauvetage d’Atos se complique.
Pour avoir un poste en direct :
01-44-88 suivi du numéro de poste. 19 L’édito d’André Comte-Sponville. 34 Daniel Baal prend la tête
Mediaobs, 44, rue Notre-Dame-des-
du peloton mutualiste.
France
Victoires, 75002 Paris

35 La course à la dette accable

Origine du papier : Finlande
Taux de ibres recyclées : 0%
Eutrophisation : PTot = 0,000 kg/tonne
de papier
Ce magazine est imprimé chez
Rotofrance (France), certiié PEFC
Challenges est édité par Les Editions
Croque Futur, SAS au capital de
13 300 000 euros.
RCS Paris : 325 033 298.
Siège social : 41 bis, avenue Bosquet,
75007 Paris.
Directeur de la publication :
Vincent Beauils.
Commission paritaire :
0627 C 81826.
ISSN : 0751-4417.
Dépôt légal : mars 2024.
Fondateurs : Patrick FAUCONNIER
et Cécile AYRAL.
20 La méthode Le Maire à l’épreuve
pour réduire les dépenses
publiques.
22 L’aide aux pays pauvres amputée.
23 L’édito de Ghislaine Ottenheimer.
24 L’édito de Nicolas Domenach.
DIRECTION
Directeur Claude PERDRIEL.
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RÉDACTION
Directeur de la rédaction Pierre-Henri de MENTHON.
Directrice déléguée de la rédaction Gaëlle MACKE.
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Entreprises Pauline DAMOUR (rédactrice en chef adjointe),
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BOULEAU (cheffe de rubrique), Laure CROISET, Guillaume ECHELARD,
Isabelle de FOUCAUD (grand reporter), Vincent LAMIGEON
(grand reporter), Marion PERROUD (cheffe de rubrique), Nicolas STIEL
(grand reporter), Alain-Gabriel VERDEVOYE (grand reporter).
les agriculteurs.
36 Les étoilés Michelin attisent
les appétits des investisseurs.
38 Vallourec redresse la barre.
39 Le Club. Claire Bretton (Underdog).
40 Abercrombie retourne sa veste.
High-tech - Médias Thuy-Diep NGUYEN (rédactrice en chef
adjointe), Adrien SCHWYTER (rédacteur en chef adjoint),
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Finances privées Pascale BESSES-BOUMARD (rédactrice en chef
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Luxes et cultures Bertrand FRAYSSE (rédacteur en chef adjoint),
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Correspondants Philippe BOULET-GERCOURT (New York),
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CHALLENGES.FR Valérie XANDRY (rédactrice en chef
adjointe), Justine BENOIT (éditrice senior), Nolwenn MOUSSET
(cheffe du pôle vidéo), Eugénie BARBA, Agathe BEAUJON,
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EDITION Secrétariat de rédaction Christophe BAZIRE
(secrétaire général de rédaction), Jean-Pascal VIDEAU (premier
secrétaire de rédaction), Alice PORCHER, Valérie JACQUEMIN.
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NUMÉRIQUE Louis RICOU (directeur marketing digital),
Jessica RIOS (responsable des projets digitaux), Diane PERROT-
CORNU (responsable marketing digital), Flora ISSINGU (cheffe de
projet marketing digital), Maël LORAND (marketing digital junior),
Charles-Elie LABYOD (chef de communication digitale), Yann
BOURDAIS (product owner junior), Léo OULD (community manager).

14  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 Avant-propos
par Vincent Beauils
Mobilité verte
Le match Chine-Europe
Kevin Reitz/Hans Lucas/AFP

Les femmes de pouvoir

des voitures électriques
Face à l’assaut des MG, BYD, Geely
à bas prix, les marques occidentales Sens de l’équité
ripostent. Test en quatre duels. p. 42
« LUMINEUSE ET DIRECTE. » Ainsi l’un des plus
inluents membres du conseil d’administration d’Orange
résume-t-il l’impression laissée par Christel Heydemann
depuis qu’elle a pris la tête de l’opérateur français il y a
deux ans (p. 62). Dirait-on cela d’un homme ? Sans doute
Evénement utiliserait-on d’autres qualiicatifs, comme « solaire »
Bolloré remet et « cash »… Mais le fait est que, rançon sans doute
de leur faible nombre, les trois femmes patronnes
en ordre du CAC 40 concentrent les compliments : « Formidable,
Vivendi chaleureuse, bluffante… », entend-on pour Estelle
Brachlianoff (Veolia) ; « brillante, épatante, super… »,
Pierre Perusseau/Bestimage

L’homme d’affaires
projette de scinder à propos de Catherine MacGregor (Engie). Cette fois-ci,
son empire à ce sont des journalistes qui parlent, dans l’étude
l’horizon 2025 pour conidentielle du cabinet de communication VcomV,
mieux valoriser et on sait qu’ils ont généralement la dent dure.
ses actifs. p. 16 « Les femmes sont plus souvent courageuses que les
hommes », complète Anne Méaux (p. 66), qui parle
d’expérience, elle qui conseille plus d’une centaine de
grandes entreprises. Et pour conclure ce panégyrique,
écoutons cette administratrice qui a siégé dans
42 La charge des chinois dans
Dossier trois des plus importants boards de la place parisienne :
« Les conseils sont enin devenus professionnels
la voiture électrique en Europe. 70 Les bureaux se reconvertissent. grâce à leur féminisation, rendue obligatoire.
48 Les études d’impact écologique 72 Le bois monte en puissance.
manquent d’impact. 74 L’hôtellerie devient valeur refuge. A la différence des hommes dans ces instances,
50 Le marché de la dépollution les femmes bossent, et les mecs ont dû s’y mettre ! »
spatiale décolle. Luxes Bien sûr, il y a un peu d’excès dans ces propos de
52 Santé & sciences. 76 Création. Les ondées positives suffragette, et tous les hommes ne sont pas des pleutres
de Norwegian Rain. en costume passe-muraille. Et toutes les femmes au top
En couverture 80 Design. La foire de Maastricht. ne font pas l’unanimité : si Claudia Sheinbaum va sans
54 Le pouvoir des femmes. 81 Mode. Accessoires de cycliste. doute être la prochaine présidente du Mexique, elle qui
58 Politique. Marie-Pierre Rixain 82 Horlogerie. Hamilton. a quitté la mairie de Mexico avec une cote de popularité
phosphore pour la cause. 83 Destination. Cap Karoso (Asie). de 68 %, chacun se souvient du 1,7 % recueilli par
60 La CFDT attaque la CGT.
62 Entreprise. Christel Heydemann Cultures Anne Hidalgo à l’élection présidentielle de 2022…
Alors regardons les faits, ou plutôt les indices – nous
bouge les lignes à Orange. 84 Ecrans et scènes. La Salle
64 Finances. Marie-Anne Barbat-
sommes dans le monde économique : comment les
des profs, d’Ilker Catak.
Layani dope la cote de la parité. 86 Arts. Les Enfants de La Piscine. dirigeantes du CAC 40 ont-elles performé depuis qu’elles
66 Communication. Anne Méaux 87 Livres. sont aux commandes, en comparaison de leur secteur,
a l’oreille des puissants. 90 Double Je, par Nicolas Domenach puisque c’est toujours vis-à-vis d’un benchmark
68 Le Swift Power. et Pierre-Henri de Menthon. sectoriel que nous étalonnons les PDG à Challenges ?
PUBLICITÉ Direction administrative et inancière Jaye REIG.
Quand Estelle Brachlianoff surperfome les utilities
Mediaobs, 44, rue Notre-Dame-des-Victoires, 75002 Paris.
Tél. : 01-44-88-97-70. E-mail : pnom@mediaobs.com.
Ressources humaines Sandrine MARTIN.
Directeur des abonnements Luc BONARDI. européennes de 8 points, Christel Heydemann ne perd
Fabrication Sarah RABBAH, Salima RABBAH.
Directrice générale Corinne ROUGÉ. Imprimerie Roto France, Lognes. pas de terrain face aux grands des télécoms, qui
Directrice inancière Catherine FERNANDES.
Directrice du commerce Sandrine KIRCHTHALER. abandonnent, eux, 10 points. Seule Catherine MacGregor
Directeur délégué Philippe LÉONARD.
Directeur de publicité Benjamin COURCHAURE. fait moins bien que l’Euro Stoxx 600 Energy, mais Engie
Art/Littérature Aymon DE LA FOREST DIVONNE.
Business Web Manager Baptiste MIRANDE. Relations abonnés - Numéros anciens a le handicap de ne pas être une major pétrolière.
Culture Romain PROVOST.
Immobilier Céline CLAMAGIRAND.
45, avenue du Général Leclerc Ces quelques éléments ne veulent pas dire grand-chose,
Luxe Arnaud DEPOISIER. 60643 Chantilly Cedex
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DIGITAL
Sales Manager Mathis MEHEUT. E-mail : abonnements@challenges.fr un domaine où elles ont su raison garder, c’est le ratio
B. Delessard/Challenges

Account Manager Lucas BAILLEUL. Abonnement France : un an, 58 €

Exécution/Studio Emilien RIGNOLS.
www.mediaobs.com
DIRECTRICE DÉLÉGUÉE Elisabeth DESCOMBES.
ADMINISTRATION
Directeur général Philippe MENAT.
Secrétaire général Jean-Claude ROSSIGNOL.
Directeur commercial et numérique
Valéry SOURIEAU.
(44 numéros) Etranger : nous consulter
Ce numéro comporte : les lettres Challenges « bienvenue
aux abonnés » et Sciences et Avenir « informations
aux abonnés, ainsi qu’un message L’Histoire jetés sur
couverture sur une partie de la diffusion abonnés.
d’équité, entre leur rémunération et la médiane pratiquée
dans leur entreprise : autour de 25 pour la patronne
de Veolia, de 32 pour celle d’Orange, et de 56 pour celle
d’Engie, en tout cas très loin des ratios à trois chiffres
de certains de leurs pairs masculins. Du bon sens ?•

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  15

Evénement
Vivendi se met en quatre
pour la Bourse
Focalisée sur l’univers des médias, la famille Bolloré envisage de scinder
son empire pour mieux valoriser ses actifs. Une opération délicate
qui parachèverait l’œuvre patrimoniale du patriarche Vincent Bolloré.
l y a trois mois, Yannick Bolloré
I est parti s’isoler plusieurs jours
dans la montagne corse. Besoin
de prendre du recul. Trois
heures de marche par jour, une ali-
mentation composée exclusivement
de légumes. Pas de viande, ni de fro-
mage, ni d’alcool… L’épisode l’a re-
mis dans une solide forme physique
et lui a donné une grande clarté in-
tellectuelle. La décision n’était pas
facile à prendre, mais, en rentrant à
Paris, le président de Vivendi avait
une parfaite visibilité sur la route à
suivre : la scission du groupe en
quatre morceaux était inévitable. Il
a fait part de sa décision à Arnaud
de Puyfontaine, le président du di-
rectoire. Il est allé en discuter avec
son père, Vincent, puis ses trois
frères et sœurs Cyrille, Sébastien et
Camille. La procédure est complexe
mais, au premier semestre 2025,
Vivendi deviendra le holding de
quatre entités cotées en Bourse.
« Poulies bretonnes »
La version oficielle, peut-être inspi-
rée du ilm Batman Begins, est très
romancée. Le projet de scission de
Vivendi ? « C’est Vincent qui l’a vou-
lue », glisse un bon connaisseur du
groupe. L’épilogue d’une vie. Débar-
rassé de ses ports en Afrique et de
son activité logistique, l’homme
d’affaires breton va pouvoir se
consacrer à sa nouvelle marotte : le
monde des médias. Après avoir reçu
le feu vert de Bruxelles, la famille
16  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
Par David Pargamin
Des actionnaires à satisfaire
Cours de l’action Vivendi (en euros)
18
16
14
12
10
8 car le projet répond à une véritable
mars septembre
2019 2021
SOURCE : BOURSORAMA.
Le groupe a fait Bolloré a pu solder le 29 février der-
son retour en nier son ultime actif dans les trans-
décembre dans ports. Pour 4,8 milliards d’euros,
le CAC 40, dont
il s’était éclipsé
Rodolphe Saadé, propriétaire de
quelques mois, CMA CGM, emporte avec lui toute
mais il continue une partie de l’histoire familiale : le
d’y subir rachat de la Société commerciale
une importante d’affrètement et de combustible
décote de (SCAC) en 1986, premier coup de
conglomérat, de
l’ordre de 44 %.
Bolloré, ou encore la prise de
contrôle de Delmas en 1992…
De l’histoire ancienne à présent. « Il
a fallu accepter la réalité, note un
proche. L’activité demandait trop
de cash. » Selon la version oficielle,
encore, le patriarche s’est mis en
retrait des affaires depuis deux ans.
Au 42, avenue de Friedland à Paris,
le milliardaire continue de gérer la
complexe cascade de holdings de la
famille, les fameuses « poulies bre-
tonnes », dont il est le seul à
connaître les icelles. « Il décide en-
core de tout », glisse l’un de ses
proches. Présent aux conseils de
surveillance, le inancier veille sur la
conduite du groupe et prépare sa
succession pour ses quatre héritiers.
Fidèles en affaires
Pour remettre son empire en ordre,
le patriarche s’est entouré de idèles
en affaires, l’avocat Dominique
Bompoint et Charles-Henri Filippi,
associé-gérant de la banque Lazard,
mars urgence pour Vivendi : la capitalisa-
2024 tion du géant des médias et de l’édi-
tion ne relète pas sa véritable va-
leur. Certes, le groupe a fait son
retour dans le CAC 40, dont il s’était
éclipsé quelques mois, mais il conti-
nue d’y subir une importante décote
de conglomérat, de l’ordre de 44 %.
En d’autres termes, la somme de ses
titres pris séparément (Canal+, Ha-
vas et Lagardère) a atteint une va-
leur plus importante que le titre
Vivendi en Bourse. Une situation
intenable pour ses actionnaires.
Pour sortir de l’ornière, plusieurs
options ont été mises sur la table,
dont le rachat de la totalité des parts
de Vivendi par le holding Bolloré
SE. « Le marché a beaucoup spé-
culé sur cette option, balaie un
proche du dossier. Mais racheter
des actions, cela ne fait pas une
stratégie. » La piste a été évacuée il
y a quelques mois. L’autre option
aurait été de vendre toutes ses parts
dans les télécoms, les jeux vidéo et
la musique pour se recentrer sur les
 Les quatre AUDIOVISUEL
piliers de
l’empire Bolloré
5,4
•Canal+ milliards
Aujourd’hui, la somme •C8 d’euros
des actifs pris séparément •CNews
(Canal+, Havas, •OCS
Lagardère…) atteint une •StudioCanal…
valeur plus élevée que
la capitalisation de Vivendi PUBLICITÉ
en Bourse. A l’horizon
2025, Vincent Bolloré
2,7
va transformer Vivendi milliards
en holding de quatre d’euros
entités cotées.

EDITION

•Hachette 6,1
•Le Journal milliards
du dimanche d’euros
•Europe 1

•Prisma Media
160 millions
PARTICIPATIONS
FINANCIÈRES
4,9
7,4 milliards
milliards d’euros
d’euros dont
•Universal
Music Group (10 %)
•Telecom Italia (17 %)
958 millions
•MFE (4,4 %)
323 millions
•Telefonica (1%)
237 millions
•Autres
1 milliard

SOURCE : VIVENDI, CAPITALISATION À DÉCEMBRE 2023.

médias, ce qui aurait impliqué de
lâcher des actifs à très fort rende-
ment, comme les 10 % détenus par
Vivendi chez Universal. Un crève-
cœur, alors que la maison de
disques vient de dépasser les 50 mil-
liards de dollars de valorisation.
Scission, façon puzzle
Prenant les analystes à contrepied,
le conseil de surveillance de Vivendi
Infographie : Challenges
Lagardère et une société d’investis-
sement où seront groupées toutes
ses autres participations, dont ses
actifs dans Universal Music et Tele-
com Italia. Une stratégie qui devrait
aider Canal+ et Havas à « pour-
suivre leur croissance par des ac-
quisitions en titres », justiie-t-on
chez Vivendi. Plus avantageuse pour
les actionnaires, cette option a sur-
tout l’intérêt de rendre son offre plus
Havas a réalisé une année record,
porté par de nombreuses acquisi-
tions au Royaume-Uni, dont celle de
la prestigieuse agence Uncommon
Creative Studio, qui compte des
clients comme British Airways,
H&M ou Nike. Le groupe revient à la
croissance avec une valorisation
estimée à 2,5 milliards d’euros en
décembre. Du côté de Canal+, le
groupe de télévision et de cinéma se

a donc opté pour une troisième op-
tion : la scission, façon puzzle. Le
plan prévoit de redistribuer les ac-
tions de Vivendi au sein de quatre
entités cotées : Canal+, Havas,
lisible. « Les grands conglomérats
ne sont plus à la mode », soupire un
proche du dossier.
Les derniers résultats de Vivendi
l’encouragent dans ce sens. En 2023,
projette à l’étranger, notamment en
Afrique, où il se voit déjà avec des
marges de croissance à deux
chiffres. En vue ? Une prise de
contrôle de l’opérateur sud- uuu

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  17

 Evénement
Lagardère sera délicat à manœuvrer.
Il reste, en effet, sous le contrôle
d’actionnaires minoritaires, comme
Bernard Arnault (7 %), le fonds sou-
verain du Qatar (10 %) ou Arnaud
Lagardère (11 %) qui ne sont pas près
de lâcher la barre.
La famille Bolloré insiste : elle n’a
pas débarqué chez Lagardère avec
des intentions hostiles. D’ailleurs,
son fils Yannick prend régulière-
ment des petits déjeuners avec
« son ami » Arnaud, soulagé de ne
plus être menacé par ses propres
actionnaires et de pouvoir consa-
Du digital au print. L’offre s’est laissée crer « 100 % de son temps à la ges-
distancer, faute d’investissements. tion du groupe », explique ce der-
nier dans Le Figaro. Du côté de
LVMH (actionnaire de Challenges),
Bernard Arnault réalise son rêve avec Paris Match les « relations sont amicales », af-

I
nauguration de la
Samaritaine par Bernard
Arnault et Emmanuel
Macron, concert de piano du
couple Arnault et de leur fils
Frédéric avec l’orchestre
philharmonique de Moscou,
sans compter les mariages
de Delphine, Antoine puis
bien plus tard Alexandre…
Photos : Capture Instagram/ParisMatch - SP - Capture d’écran/Site Paris Match
l’une des seules marques
françaises de magazine
connues dans le monde
entier qui, comme le luxe,
participe au rayonnement de
la France à l’international. Et
malgré les atermoiements de
Vincent Bolloré, celui-ci
entendait bien respecter un
engagement ancien envers
concurrents sur le digital.
Le site ParisMatch.com est
rangé, selon le classement
d’audience de l’ACPM, à la
49e place des sites français
entre Libramemoria.com, site
d’annonces de décès de la
PQR, et EstRepublicain.com.
Très loin de son concurrent
Gala qui trône dans le Top-20
irme un proche. La vente de Paris
Match pour plus de 100 millions
d’euros ? Un geste qui devrait apai-
ser son partenaire pour quelque
temps (lire encadré ci-contre). Par
ailleurs, Vivendi a également espoir
de grappiller quelques parts chez
Lagardère en laissant à ses action-

naires jusqu’à juin 2025 pour céder

L’hebdomadaire Paris Match
accompagne la famille
Arnault et le groupe LVMH
(actionnaire de Challenges)
depuis toujours. « C’est de
très loin l’entreprise française
la plus couverte par Paris
Match, confirme un ancien
de la rédaction, Bernard
Arnault est presque chez lui à
Match, tout l’univers du
magazine – mode, luxe,
paillettes et people – est déjà
celui du groupe de luxe. »
Bernard Arnault rêve de
Match depuis qu’il a
commencé à construire son
groupe de médias. C’est
uuu africain Multichoice et la re-
capitalisation de la plateforme de
streaming suédoise Viaplay.
Dans cette équation, l’arrivée du
paquebot Lagardère reste la grande
inconnue. Avec un chiffre d’affaires
de plus de 10 milliards d’euros
en 2023, celui-ci afiche d’excellents
résultats, tirés par son activité de
Travel Retail et ses boutiques Relay
dans les aéroports et les centres
commerciaux. Présidé par Arnaud
Lagardère, l’ensemble qui regroupe
Hachette Livre, premier éditeur
français, le Journal du dimanche
(JDD) ou Europe 1, possède de so-
un Bernard Arnault qui a et qui est surtout le
toujours apporté des preuves champion de la vidéo people, leurs titres à son offre « subsi-
de fidélité à son égard. Les des réseaux sociaux et de diaire ».
deux groupes sont entrés en TikTok notamment.
négociations exclusives fin LVMH devrait également Projet gelé chez Hachette
février. Maintenant, la priorité revenir aux fondamentaux de Une fois ces questions réglées, res-
pour LVMH consistera à Match et confirmer la tera à mettre en mouvement cet
réinvestir dans cet tournure prise à l’automne
hebdomadaire que ses deux par son directeur Jérôme ensemble. Chez Hachette, les édi-
précédents actionnaires Béglé : people, grand teurs observent circonspects l’arri-
(Lagardère, Bolloré) ont reportage et scoop photos. vée du magnat breton. Les patrons
laissé vivoter. Le titre dégage Cette prise de guerre du groupe renilent le nouvel action-
certes toujours une jolie confirme en tout cas naire. « Pour l’instant, Vivendi
rentabilité de l’ordre de 3 à l’ambition de Bernard Arnault prend la température, explique l’un
4 millions d’euros selon les dans les médias qui ne sera
années mais, faute pleinement satisfait qu’avec d’eux. Il y a des évolutions, mais
d’investissement, il s’est encore une télé et un grand pas de révolution. » Dans une am-
laissé distancer par ses quotidien national. T. D. biance étouffante, les éditeurs
scrutent les moindres mouvements,
comme l’arrivée de l’éditrice d’Eric
lides assises inancières. Mais com- Zemmour, Lise Boëll, aux Editions
ment l’intégrer à cet empire ? « Nous Mazarine, rattachées aux Editions
sommes allés chez Lagardère pour Fayard. Un signal perçu comme une
l’édition, le retail, on découvre », reprise en main idéologique. « C’est
souligne un dirigeant. un peu une manière de montrer
L’OPA lancée par Vivendi sur Lagar- qu’ils sont les chefs », analyse un
dère l’an dernier oblige le groupe à ancien membre exécutif de la direc-
intégrer ce nouveau métier, dont il tion de Lagardère.
ne connaît pas encore les codes. Les grands projets, comme le démé-
Dans le plan dessiné par la famille nagement du centre logistique de
Bolloré, Lagardère serait rattaché à Hachette, ont été gelés par Vivendi.
une société commune avec sa iliale Attendue depuis plusieurs années,
Prisma dans les médias. Le rappro- la construction de ce nouvel outil
chement entre les deux structures de distribution à Germainville, en
devrait se faire par l’intermédiaire Eure-et-Loir, qui devait moderniser
d’une société cotée en Bourse. Or les chaînes de livraison du groupe,

18  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

a été abandonnée. D’après nos in-
formations, son coût, estimé à
300 millions d’euros, aurait été jugé L’éditorial de
trop important par les nouvelles ANDRÉ COMTE-SPONVILLE
équipes. La revue des actifs a été
coniée à un proche de Vincent Bol-
loré, son cost killer Michel Sibony,
étranger au monde de l’édition,
nommé directeur des achats de La-
Trop de pluralisme tue
gardère. Pas grand-chose, mais as-
sez pour paniquer le petit lander-
le pluralisme
neau des éditeurs.
l m’arrive de zapper d’une chaîne serait-ce nécessaire ? Imagine-t-on,
Risque d’amende à Bruxelles
« Ils arrivent avec des ratios inan-
ciers délirants », note un éditeur
tiers, distribué par Hachette. De son
côté, l’un de ses actionnaires, et ad-
I d’information continue à l’autre.
Toutes me laissent insatisfait,
m’ennuient souvent, m’agacent
parfois (c’est pourquoi je zappe),
mais leur diversité ne cesse de me
dans la presse écrite, L’Humanité ou
Le Figaro respecter l’équilibre entre
la droite et la gauche, L’Obs ou Le Point
célébrer à parts égales les mérites
de Mélenchon ou Wauquiez ? C’est
surprendre : c’est tellement différent pourtant, s’agissant des chaînes de télé,
ministrateur de sa maison d’édition,
de l’ORTF de ma jeunesse ! J’y vois ce que laisse craindre une récente
Christopher Calmann-Lévy met en
plutôt un progrès. Entre BFM décision du Conseil d’Etat. Saisis par
garde : « Vouloir introduire le mo-
exagérément polarisée sur notre triste l’association Reporters sans frontières,
nothéisme dans un secteur aussi
vie politique, LCI qui n’en init pas qui accuse CNews de ne pas respecter
sensible que l’édition, c’est un échec
de commenter la situation militaire le pluralisme que la loi du 30 septembre
stratégique assuré, doublé d’un
en Ukraine, et CNews de plus en plus 1986 impose aux chaînes de télévision,
échec inancier à plus long terme. »
obnubilée par l’immigration, les sages du Palais-Royal enjoignent
De son côté, Vivendi dément toute
l’islamisme et l’insécurité, il y en a pour à l’Autorité de régulation de la
volonté de mettre Lagardère sous
tous les goûts, et pour tous les dégoûts ! communication audiovisuelle et
tutelle. Idem pour les ambitions
La pauvre France Info TV, à côté, fait numérique (l’Arcom) de vériier « dans
politiques que lui prêtent ses adver-
ce qu’elle peut, sans orientation bien un délai de six mois » que la chaîne
saires : « Chez Editis, nous avons
déinie, sans journalistes stars en question respecte bien « ses
publié Mélenchon et Edwy Plenel »,
(j’imagine que les salaires ne sont pas obligations en matière de pluralisme
rappelle un dirigeant.
les mêmes), pour préserver l’esprit et d’indépendance de l’information »,
Même ligne de défense adoptée le
du service public, qui mérite bien, lui non seulement dans les temps de
29 février par le patron de sa chaîne
aussi, lui surtout, d’être défendu. Mais parole attribués aux personnalités
d’info CNews, Serge Nedjar, qui
est-ce une raison pour accabler les politiques, mais aussi « en tenant
était entendu par une commission
chaînes privées, qui se veulent moins compte des interventions de l’ensemble
d’enquête au Parlement. Dans le vi-
au service du public en général que des participants aux programmes
seur de l’Arcom, le groupe doit en
diffusés, y compris
effet renouveler l’attribution de ses
fréquences sur la TNT. Un déi qui Que gagnerait le public à faire de les chroniqueurs,
animateurs et invités ».
l’incite à montrer patte blanche au CNews (donc aussi de BFM ou LCI) C’est vouloir faire
régulateur, notamment en matière
de pluralisme, car une récente déci- des clones de France Info TV ? de CNews (mais donc
aussi de BFM ou LCI)
sion du Conseil d’Etat l’oblige à veil-
du leur, avec ses spéciicités, ses choix, des clones de France Info TV, et je ne
ler à ce que le temps d’antenne de
ses préférences, voire au service saisis pas bien ce que le public
ses invités non-politiques (éditoria-
peut-être de leurs actionnaires, et après y gagnerait. Je vois fort bien, en
listes, auteurs…) soit également
tout pourquoi pas, si leur public revanche, ce que nous y perdrions
comptabilisé.
y trouve son compte ? La liberté tous : une chaîne de télévision
Mais la main invisible de Vincent
du marché est gage souvent de qualité, indépendante, différente de toutes les
Bolloré ne trompe personne. En-
d’abondance, de diversité, plus autres, politiquement très incorrecte
core moins la Commission euro-
et mieux que les services étatiques. (c’est ce qui fait son succès) et très
péenne, qui soupçonne le milliar-
On m’objectera que l’information n’est à droite, que nul n’est tenu de regarder,
daire d’être déjà intervenu dans la
pas une marchandise comme une autre. qu’on a le droit de détester (cela
nouvelle ligne éditoriale du JDD.
J’en suis d’accord : c’est pourquoi il faut m’arrive souvent), mais qu’on ne
Bruxelles à ouvert une enquête pour
un service public, des aides à la presse saurait supprimer ou régenter sans
« gun jumping », la mise en œuvre
et des lois pour garantir le pluralisme. réduire ce pluralisme même au nom
d’une opération de concentration
S. Lagoutte/Challenges

Mais faut-il pour autant imposer ce duquel on prétend la condamner !

avant son autorisation. Ses conclu-
pluralisme à chacune des chaînes en Ne confondons pas le pluralisme
sions devraient être remises au
question, voire à chacun des médias ? et l’eau tiède, ni la ligne éditoriale
mois d’avril. Vivendi risque une
Comment serait-ce possible ? Pourquoi d’un média avec un mitigeur !•
amende pouvant aller jusqu’à 5 % de
son chiffre d’affaires. •
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  19
 France

Alain Jocard/AFP
Bruno Le Maire, à Matignon, le 21 février. Il assure avoir fait des choix politiques pour « éviter de passer le rabot sur l’ensemble des dispositifs ».

La méthode Le Maire
en mal d’eficacité
Alors que Bercy vient de supprimer 10 milliards d’euros
dans les crédits de l’Etat, les « revues de dépenses » publiques vantées
par le ministre des Finances peinent à produire leurs effets.

l envierait presque les agricul- « Cela représente 4 à 5 % des crédits Pour justiier le décret d’annulation,

I teurs. « N’y aurait-il pas une

prime aux professions qui
savent se faire entendre de la
rue ? s’interroge Antoine Petit, le
patron du CNRS. Si c’est le cas, les
chercheurs et chercheuses risquent
d’être toujours parmi les perdants,
ayant peu de moyens pour gêner les
citoyens dans leur quotidien. »
Amer, le mathématicien attend les
arbitrages de son ministère, deux
semaines après un décret annulant
10 milliards d’euros de crédits bud-
gétaires au sein de l’Etat, dont
700 millions pour la recherche.
initiaux, voire 10 % dans le spa-
tial », s’inquiète Boris Gralak, du
syndicat SNCS-FSU. Pour l’aide au
développement, autre politique
« prioritaire », les coupes atteignent
même 13 % (lire page 22). Peu de
ministères sont épargnés par ce
coup de rabot, destiné à compenser
la faiblesse de la conjoncture. L’opé-
ration, menée en urgence et de façon
brutale, fait tache alors que Bruno
Le Maire vante l’intelligence de sa
méthode pour réaliser des écono-
mies, basée sur des « revues de dé-
penses » publiques.
le ministre des Finances assure
pourtant avoir « fait des choix de
politique publique et évité une solu-
tion de facilité qui aurait consisté
à passer le rabot sur l’ensemble des
dispositifs ». Les exemples ne sont
toutefois pas légion. On note des
coupes dans certaines mesures à
l’efficacité contestée, comme le
compte professionnel de formation
ou les aides à la rénovation énergé-
tique. Bercy pointe aussi la trésore-
rie importante de certaines agences
de l’Etat, comme le CNRS (1,3 mil-
liard), qui devrait leur permettre

20  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

d’absorber le choc. Pour le reste,
c’est bien du rabot. « Il aurait été
préférable d’être moins optimiste
sur la croissance à l’automne et
prévoir davantage d’économies en
s’appuyant justement sur les re-
vues de dépenses », estime l’expert
François Ecalle (Fipéco).
Des résultats décevants
Mais les audits à la sauce Le Maire
n’ont pas encore démontré leur efi-
cacité, malgré une communication
tous azimuts. En 2023, 12 rapports
avaient été commandés, notamment
aux inspections ministérielles, et
devaient déboucher sur « plusieurs
milliards d’économies » dès 2024.
Or, aucun document officiel ne
dresse le bilan chiffré. Seuls deux
rapports ont été publiés par l’inspec-
tion générale des Finances dont ce-
lui sur le inancement des centres de
formation d’apprentis, qui a abouti à
un gain de 530 millions. Un autre
audit sur le logement, non publié,
doit rapporter à terme 1,9 milliard,
grâce notamment à la suppression
de la niche « Pinel » en faveur de
l’investissement locatif. Et c’est à
peu près tout. L’exécutif a fait ma-
chine arrière sur la iscalité du ga-
zole non routier utilisé par les agri-
culteurs. Et pour celui consommé
dans le BTP, l’ensemble des gains
sera reversé au secteur. Outre deux
audits sur les collectivités locales,
encore en cours, les autres revues
(emplois francs, indemnités journa-
lières, caisses de sécurité sociale…)
n’ont rien donné pour l’instant.
Ces résultats décevants tiennent, en
partie, à un grand lou méthodolo-
gique, selon la Cour des comptes,
qui déplore l’absence d’objectif chif-
fré pour 2023 et « de portage gouver-
nemental à haut niveau ». Sous
A la traîne des voisins européens
Crédits budgétaires annulés
(en % des crédits alloués initialement)
Aide publique au développement
Ecologie
Sport, jeunesse et vie associative
Immigration, asile et intégration
Economie
Culture
Travail et emploi
Recherche et
enseignement supérieur
Justice
Santé
SOURCE : FIPADDICT.
Un as du Budget à la tête du isc
E
lle a été l’une des
chevilles ouvrières du
premier quinquennat
Macron, occupant la fonction
sensible de directrice du
Budget jusqu’en août 2021.
Amélie Verdier est nommée
à la tête de la Direction
générale des finances
publiques et ses
92 000 agents, chargés
notamment de collecter les
impôts. A 46 ans, c’est la
première femme à occuper
ce poste prestigieux, qui
couronne un parcours voué
au service de l’Etat. Une
rareté parmi les happy few
de l’inspection générale
des Finances (IGF), enclins
à pantoufler dans le privé.
Sarkozy, une instance ad hoc asso-
ciant l’Elysée et Bercy assurait un
suivi serré de la Révision générale
des politiques publiques (RGPP) et
procédait aux arbitrages. Sous Ma-
cron, rien n’a été clairement forma-
lisé. Les objets des revues sont choi-
sis au il de l’eau par Matignon, sur
proposition de Bercy et parfois des
autres ministères. Puis les rapports
sont censés alimenter la procédure
budgétaire classique. La Cour sou-
haiterait conier plus de responsabi-
lités à la direction du Budget. Bercy
assure qu’elle assume déjà le secré-
tariat général des revues de dé-
penses, avec des réunions hebdoma-
daires. Mais les magistrats ne sont
pas convaincus et estiment qu’elle
manque de moyens humains et
souffre d’une perte d’inluence. Vic-
times d’un fort turnover, ses troupes
font dificilement le poids face aux
directeurs expérimentés d’autres
u Dépenses publiques (en % du PIB)
65
13 France
10 60
10
8 55
7 Mais le niveau
50 Italie
5 de dépenses
5 Zone euro
45
3 Allemagne
40
3 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 un mauvais élève
3 de la zone euro.
SOURCE : EUROSTAT.
Issue de la même promo que
le chef de l’Etat et que son
compagnon Jérémie Pellet,
patron de l’agence Expertise
France, l’énarque ne boude
pas les réseaux. Et préside
l’influente association des
membres de l’IGF.
Après avoir démarré sa
carrière à la direction du
Budget, elle a été propulsée
sur le devant de la scène
comme directrice de cabinet
de l’ex-ministre Jérôme
Cahuzac. Une plongée en
politique rendue amère par la
découverte du compte suisse
de son patron. Solide et pas
du genre à se défiler, elle
reste au côté de son
successeur, Bernard
Peu de ministères
sont épargnés
par l’annulation
de crédits
budgétaires.
publiques
continue de faire
de la France
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820 
Amélie Verdier. Première
femme directrice générale
des inances publiques.
Cazeneuve, qui apprécie sa
vivacité d’esprit et son franc-
parler. Cette spécialiste des
finances connaît aussi
le secteur de la santé. Elle
a été secrétaire générale
des hôpitaux de Paris, puis
patronne de l’Agence
régionale de santé d’Ile-de-
France, à partir de l’été
2021. Son professionnalisme
Ludovic Marin/AFP
et sa discrétion devraient lui
permettre de se couler dans
le moule du fisc. •
ministères ou d’agences. « Ce pro-
blème ancien s’est accentué, note
François Ecalle. La recherche d’éco-
nomies a été reléguée au second
plan depuis 2012, cela se voit aussi
à travers la remontée plus systéma-
tique des arbitrages à Matignon,
évoquée par la Cour. »
12 milliards en 2025 ?
Peut-on espérer mieux pour la nou-
velle vague de revues de dépenses,
qui doit aboutir d’ici au Budget 2025,
présenté à l’automne ? La présence à
Matignon de Gabriel Attal, ex-mi-
nistre des Comptes publics, et de
son directeur de cabinet, Emmanuel
Moulin, issu du Trésor, peut jouer.
Cette fois, Bercy a ixé un objectif
chiffré à 12 milliards, réalisé à parité
par l’Etat et les administrations so-
ciales. Six missions ont été comman-
dées par Elisabeth Borne avant son
départ, 10 à 15 ont été lancées ou
vont l’être. Seule une partie a été
rendue publique et porte sur les
aides aux entreprises (dont Le Maire
annonce la rationalisation depuis
2019), les affections de longue durée
ou l’indemnisation du chômage.
Gabriel Attal avait promis de pre-
mières pistes dès mars. Un rapport
est censé être fourni au Parlement
d’ici au 1er avril. Il y a urgence. Car, à
partir de la in avril, les agences de
notation se pencheront sur la dette
française. Et donc sur le sérieux de
la méthode Le Maire de baisse des
u
dépenses. David Bensoussan
21
 France
L’aide aux pays pauvres amputée
Après avoir bénéicié de la plus forte hausse des crédits depuis 2017, le soutien
au développement subit la coupe budgétaire la plus sévère. Un tournant.
Martin Bertrand/Hans Lucas/AFP
Chrysoula Zacharopoulou, au Sommet africain de l’adaptation au changement climatique, à Rotterdam,
en 2022. « Nos engagements seront tenus », assure la secrétaire d’Etat chargée du développement.
n électrochoc. Lors-
U qu’elles ont appris le
coup de rabot budgétaire
sur l’aide au développe-
ment, le plus sévère en proportion
des crédits (voir graphique
page 21), les ONG sont sorties de
leurs gonds : « Nous sommes trou-
blés, voire choqués. On réduit
l’aide qui permet à des populations
de pays pauvres de survivre », dé-
plore Louis-Nicolas Jandeaux,
d’Oxfam. D’après ses calculs, la
coupe de 800 millions d’euros équi-
vaut à la totalité de l’aide dans la
santé. Certes, ces militants du déve-
loppement admettent l’effort spec-
taculaire depuis 2017, avec une
hausse des ressources de l’aide
française de 5 milliards (voir gra-
phique), la plus forte progression
budgétaire sur cette période. « C’est
vrai, il y a eu une volonté de rat-
traper le retard de la France, admet
22  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
Lucile Grosjean, d’Unicef France.
Mais nous craignons aujourd’hui
un retour en arrière. »
Les associations déplorent surtout
le non-respect de la parole présiden-
tielle : en juin dernier, lors de son
sommet pour un « pacte inancier
mondial », à Paris, Emmanuel Ma-
cron avait appelé à « un choc de i-
nancement public » pour aider les
pays pauvres. Huit mois plus tard, il
inlige une cure d’austérité. « On ne
comprend pas. Nous craignons un
changement de cap par rapport aux
engagements présidentiels », s’in-
quiète Olivier Bruyeron, le président
de Coordination Sud, qui a lancé
une pétition déjà signée par des di-
zaines d’ONG.
Dans son vaste bureau parisien,
dans l’ancien immeuble de l’Impri-
merie nationale, Chrysoula Zacha-
ropoulou, la secrétaire d’Etat char-
gée du développement, se prépare à
une discussion houleuse avec les
associations, qu’elle rencontre le
7 mars. Objectif : les rassurer. « Le
ralentissement de la croissance
nous oblige à faire un effort impor-
tant, souligne-t-elle. Mais grâce à la
hausse des crédits depuis 2017, la
France est devenue le quatrième
pays donateur dans le monde. Et
nos engagements seront tenus. »
Besoins colossaux
Nommée en 2022, cette gynéco-
logue franco-grecque, peu connue
du grand public, sillonne le
monde – pas moins de 60 pays –, en
affichant l’objectif français d’at-
teindre une aide représentant 0,7 %
du PIB, le ratio ixé par les Nations
unies. « C’est notre boussole collec-
tive, explique Chrysoula Zacharo-
poulou. La France a fortement
porté cette bataille au niveau mon-
dial ain d’accroître les ressources
publiques et privées. » L’énergique
secrétaire d’Etat souligne que les
besoins annuels de inancement du
développement sont estimés à
4 000 milliards de dollars par des
économistes alors que l’aide pu-
COUP
D’ARRÊT
Aide publique
au développement
(en milliards
blique des pays riches n’atteint que
210 milliards. Son credo : chercher
des ressources ailleurs, auprès
d’institutions publiques, comme la
Banque mondiale et le Fonds moné-
d’euros) 14,8 taire international, et privées.
12,8 Un discours, soupçonné de maquil-
12,5 ler la in de la générosité française,
10,9
10,3 qui aura du mal à convaincre. Car,
10,1 dans les ministères, on se prépare à
8,7
une inversion durable de la ten-
dance. Le rejet de la France dans
plusieurs pays africains, notamment
au Sahel (Mali, Burkina Faso, Ni-
ger), n’incite pas à continuer d’ac-
16171819202122 croître fortement les crédits en pé-
SOURCE : SECRÉTARIAT D’ETAT
CHARGÉ DU DÉVELOPPEMENT. riode de disette budgétaire. Dans la
Après sept ans prochaine salve d’économies
de hausse, – 12 milliards d’euros déjà prévus
une coupe
de 800 millions
pour le budget 2025 –, l’aide au dé-
d’euros est veloppement risque de perdre déi-
prévue dans nitivement son statut privilégié.
le budget 2024. Thierry Fabre

L’éditorial de
GHISLAINE OTTENHEIMER
Desperate Bercy boy
ncore une contrariété.
E L’indéboulonnable ministre
de l’Economie, des Finances
et de la Souveraineté
industrielle et numérique est dans
le viseur de la justice qui a ouvert
une enquête préliminaire pour faux
en écriture publique. Des documents
auraient été dissimulés par Bercy,
dans le cadre du renouvellement
des concessions d’autoroutes.
« Accusations calomnieuses », selon
Bercy. N’empêche, pour Bruno
Le Maire, c’est un nuage de plus dans
un ciel déjà bien gris. Mais le véritable
souci du « grand argentier », ce sont
les inances publiques. Voilà vingt ans
qu’il fait de la réduction des déicits son
cheval de bataille, l’alpha et l’oméga
de son engagement politique.
C’était au cœur de son programme de
1 000 pages à la primaire de la droite
en 2016. Suppression de
500 000 emplois publics, 90 milliards
d’euros d’économies… Or, depuis qu’il
a pris les rênes de Bercy, il y a sept ans,
la dette a explosé (685 milliards d’euros
de plus). Les effectifs dans la fonction
Bruno Le Maire semble prisonnier
de son statut professionnel.
En réalité, c’est Emmanuel
Macron qui décide de tout.
publique n’ont cessé de croître
(144 300 agents de plus). Le déicit
public persiste. Certes, au début du
premier quinquennat, avec Edouard
Philippe il avait réussi à redresser la
barre et à faire repasser ce dernier sous
de la barre des 3 % du PIB. Mais ensuite,
il y a eu les « gilets jaunes », le Covid,
le « quoi qu’il en coûte », la guerre en
Ukraine, l’inlation, les primes Castex,
Christophe Lebedinsky/Challenges
le blocage du prix du gaz… Et in ine
Gabriel Attal qui s’est réjoui que tous
les budgets soient en augmentation.
En réalité, le ministre de l’Economie
n’est pas maître en son royaume. C’est
Emmanuel Macron qui décide de tout :
SOUS LE HAUT PATRONAGE DE MONSIEUR THIERRY BEAUDET
PRÉSIDENT DU CONSEIL ÉCONOMIQUE SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
EMPAREZ-VOUS DE L’ÉCONOMIE !
primes, boucliers, prix planchers.
Et le président n’est guère préoccupé
QUELLE EUROPE
par le déséquilibre budgétaire. Dans
ce contexte, Bruno Le Maire n’a pas
réussi à imprimer sa marque. Qui plus
est, selon certains proches, à Bercy,
« BLM » s’ennuie. Les notes de
DANS UN MONDE
conjonctures, les arbitrages, les
négociations tarifaires ne sufisent pas
à nourrir son imaginaire. Il voit plus
grand. Bercy devait être un marchepied
FRAGMENTÉ ?
pour Matignon, l’Elysée. Or ces
perspectives s’éloignent chaque jour
un peu plus.
Mais, dans le fond, qui est Bruno Le
Maire, cet éternel prétendant qui
n’arrive jamais à saisir sa cible, que ce
soit la présidence de l’UMP, Matignon
ou la candidature à la présidence de la
République, en dépit d’un cursus
honorum impeccable ? Avec ses super
diplômes, son physique de gendre
idéal, son phrasé trop lisse, se donne-t-
il vraiment les moyens d’affronter
l’arène politique et ses prédateurs ? Car
en politique il faut oser, transgresser,
bousculer… Etre parfait sous tous
rapports ne sufit pas. A l’image des
« desperate housewives »,
prisonnières de leur statut
social, BLM semble
prisonnier de son statut
professionnel. Il est arrivé
à s’installer près des plus
hautes marches du
pouvoir, mais sans pour autant réussir
à pleinement se réaliser. Comme s’il
n’avait pas tranché entre son penchant
romantique, son goût pour l’art et 30 CONFÉRENCES-DÉBATS | 120 INTERVENANTS | AU CESE
les grands espaces, et son besoin
de reconnaissance sociale, son
addiction au pouvoir. Alors certes son
bilan n’est pas totalement négatif. Le
DU 2 AU 5 AVRIL 2024
business n’a jamais été aussi lorissant
et il détient le record de longévité aux
PRINTEMPSDELECO.FR
Finances. Mais que retiendra-t-on de
son action ? Il s’est rallié à Emmanuel
Macron par conviction, et s’est
retrouvé piégé. Dans un paysage
politique où personne ne vaut mieux
que l’actuel président.•
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  23
 France
Bonne semaine
Olivier Dussopt repêché L’éditorial de
NICOLAS DOMENACH
Le poison de la résignation
Bruno Levy/Challenges
lain Minc, l’essayiste et
L’ancien ministre du Travail, mis
en cause dans une affaire de
favoritisme, n’avait pas été reconduit
A conseiller des princes du
CAC 40, a allumé la mèche
dans une tribune publiée par
Le Figaro : « Je suis estomaqué chaque
jour par la résignation des milieux
dans le gouvernement Attal. Relaxé, dirigeants devant la perspective de
ce bon soldat de la Macronie, transfuge l’élection de Marine Le Pen. » Un texte
du Parti socialiste, qui a mené les qui a provoqué des réactions inquiètes,
réformes de l’assurance-chômage, de
Pôle emploi et surtout des retraites, a coupables et ulcérées. Minc, symbole
été nommé secrétaire général exécutif des élites honnies, a raison : la
du parti Renaissance. Il a retrouvé résistible ascension de la cheffe
son siège de député de l’Ardèche. d’extrême droite vers les plus hautes
responsabilités se déroule dans un halo
Mathilde Panot exaucée de fatalité. De moins en moins
La présidente d’indignés, de plus en plus de résignés.
du groupe LFI est Il y a un parfum de complaisance et de
à l’initiative de connivence aussi bien dans le patronat
la constitutionna- que chez les politiques de droite et de
lisation de la gauche, où certains imaginent déjà
Alain Robert/Sipa
« liberté garantie » comment ils reprendront le pouvoir
aux femmes
d’avoir recours une fois qu’elle en aura fait
à une interruption l’expérience. Comme si l’extrême
volontaire de grossesse. Elle avait droite avait vocation à le lâcher après
déposé une proposition de loi en ce avoir mis la main dessus. Comme si
sens en 2022. Voté à une écrasante la roue de l’histoire n’était pas là
majorité à l’Assemblée, puis au Sénat, pour démontrer l’inverse et écraser
le texte a été approuvé par le Congrès.
ces inconscients.
Mauvaise semaine Face à la fatalité Marine Le Pen,
c’est l’indifférence qui prévaut,
Nathalie Appéré attaquée y compris chez les puissants, qui
consentent implicitement au pire.
La marche lente et régulière de Marine
Le Pen vers l’Elysée s’alimente de la
résignation d’une élite démissionnaire,
réfugiée dans le repli et les illusions
Sipa Press
dont elle se berce. La force illusoire
du marché d’abord, qui ramènerait
La maire socialiste de Rennes est le Rassemblement national (RN)
accusée par ses alliés écologistes de à la raison s’il persistait dans ses
céder au greenwashing de Safran, avec élucubrations ; et puis l’exemple de la
des « logiciels productivistes du passé ». cheffe de gouvernement Giorgia Meloni
Elle a en effet autorisé le groupe qui, de l’autre côté des Alpes, a renoncé
aéronautique à s’implanter sur un site
Bruno Delessard/Challenges
appartenant à la métropole destiné à ses positions les plus extrêmes. Sauf
à devenir la vitrine des mobilités que les institutions ne sont pas les
douces. Or si le moteur de Safran mêmes en Italie, puisque l’exécutif chez
permet, d’après le groupe, de diminuer nous dispose de moyens d’action plus
de 15 % la consommation, il reste que, puissants, notamment celui d’organiser
pour les Verts, il fonctionne toujours
à l’énergie fossile.
24  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
des référendums susceptibles de mettre
à bas les contre-pouvoirs juridiques,
à commencer par celui du Conseil
constitutionnel. Se résigner, c’est donc
consentir, abdiquer ce que nous
sommes. La résignation n’est pas
l’adhésion. Mais elle y conduit, de
l’assentiment au consentement mou
jusqu’à la servitude. Car les barrières
immunitaires tombent dès que
s’enclenche la mécanique trouble
de l’indifférence.
Qui ne s’est pas trouvé confronté à ce
glissement progressif lors de réunions
de famille ou de conversations de
bistrot ? Cela commence par un rejet
violent d’Emmanuel Macron qui, il est
vrai, fait souvent ce qu’il faut pour. Puis
vient l’enchaînement avec la « nullité »
des oppositions de droite comme de
gauche. Ce qui n’est pas faux non plus.
Pour arriver à l’évidence du recours
au lepénisme. Pour l’« essayer ».
Finalement elle fait partie du paysage
et sait se tenir. N’allez pas objecter
ses inconséquences multiples, sa
soumission à la puissance étrangère
russe, ou encore le choc d’une France
rabougrie qui n’a été grande
que lorsqu’elle s’ouvrait
au monde. Ce discours ne
porte pas, en particulier
auprès de ceux qui souffrent
du sentiment de déclin,
celui du prestige français
comme du pouvoir d’achat.
Le glissement progressif des classes
moyennes vers le RN avec pour moteur
la montée de l’inlation est plus
impressionnant encore que l’impact
de l’insécurité et de l’immigration.
C’est donc l’indifférence qui prévaut,
y compris chez les puissants, qui
consentent implicitement au pire.
Un mol abandon de soi. Comme si
plus personne n’y pouvait rien. Honoré
de Balzac, le génial auteur de la
Comédie humaine, ne s’y était pas
trompé. Pour lui, la résignation est
un poison lent, un « suicide
quotidien ».•
Monde

Avec Javier Milei,

l’Argentine en mode survie
Après trois mois de pouvoir, l’iconoclaste président a administré
les premières mesures de sa potion ultralibérale, dans un pays oscillant entre
colère et attentisme. Un choc aux durs effets sur les classes modestes.

our la première fois de sa devoir sans cesse « trouver des (lire encadré page 28). Dans son

P vie, pour fêter la victoire

de Javier Milei, Gonzalez
Gigena est descendu le
19 novembre dans la rue à l’Obelis-
co, sur l’immense avenue 9-de-Ju-
lio, au cœur de Buenos Aires. Dissi-
mulée dans son sac à dos, il avait
même transporté une tronçon-
neuse ! L’emblème politique du pré-
sident ultralibéral et antisystème
qui veut débiter « l’Etat ennemi » et
la dépense publique.
« Hormis pour le foot, je n’avais
jamais pris part à une manifesta-
tion auparavant, raconte ce qua-
dragénaire travaillant dans l’immo-
bilier, séduit par la thérapie de choc
prônée par le chef du nouveau parti
La Libertad Avanza (LLA). Aucun
des précédents gouvernements,
qu’ils soient péronistes ou libé-
raux, n’a réussi à enrayer le déclin
que ce pays connaît depuis cin-
quante ans », explique-t-il, lassé de
combines » pour garder la tête hors
de l’eau. L’an dernier, alors que
l’inflation a franchi la barre an-
nuelle des 200 %, sans ajustement
équivalent des salaires, Gonzalez a
fait déménager sa famille sur son
lieu de travail, dans une petite mai-
son éloignée du centre, afin de
louer son appartement du quartier
chic de Belgrano et payer les écoles
privées de ses deux illes, dont les
prix ont explosé.
Mesures d’urgence
Chaque semaine, il fait des heures
de queue dans une « cueva » (grotte)
de son quartier, ces maisons de
change informelles qui ont fleuri
partout dans le pays, pour acheter
des dollars sur le marché noir, seule
façon de préserver son épargne,
alors que la monnaie nationale, le
peso, a perdu depuis longtemps
toute valeur aux yeux des Argentins
Par Pauline
travail aussi, les choses se sont ten-
dues : le marché de la location s’est
complètement asséché du fait de la
rigidité de la réglementation, qui
oblige à signer des contrats d’un
Damour, minimum de trois ans sans suivre
envoyée l’indice des prix.
spéciale Casser l’encadrement des loyers a
en Argentine d’ailleurs été l’une des premières
mesures prises par le nouveau gou-
vernement, dès la fin décembre,
suivie par la dérégulation des tarifs
des mutuelles de santé et des médi-
caments, la suppression des sub-
ventions aux entreprises de trans-
port et aux producteurs d’énergie
ou encore la in du contrôle des prix
dans les supermarchés. En re-
vanche, jugée inconstitutionnelle,
la lexibilisation du droit du travail
vantée par le président, limitant les
indemnités de licenciement, les
périodes d’essai et le droit de grève,
a été suspendue.

Reculer pour mieux sauter

Croissance du PIB (en %) Inlation (en %) Dette publique (en % du PIB) Alors qu’en 2023
12 250 200 l’inflation a
10 atteint 211,4 %,
8 200
le FMI prévoit
6 150 une récession
4 de 2,8 %
150 en 2024. Mais le
2
0
100 nouveau pouvoir
-2
100 entend relancer
-4 la machine
50
-6 50 en résorbant
-8 la dette via de
-10 e : estimations. p : prévisions. 0 e : estimations. p : prévisions.
SOURCES : FMI, INDEC,
0 BANQUE CENTRALE D’ARGENTINE. e : estimations. p : prévisions. fortes coupes
2019 2020 2021 2022 2023e 2024p 2025p 2019 2020 2021 2022 2023e 2024p 2019 2020 2021 2022 2023e 2024p budgétaires.

26  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

Reuters/Agustin Marcarian
Cette potion libérale hyperdosée ne
risque-t-elle pas d’être trop brutale ?
Gonzalez applaudit des deux mains :
« On peut reprocher à Milei son
manque d’expérience politique, son
style transgressif ou ses idées cli-
vantes, mais pour une fois, on a un
chef d’Etat qui dit ce qu’il fait et
fait ce qu’il dit », veut-il croire. Sans
s’offusquer de l’excentricité de celui
qu’on surnomme « El Loco » (le
fou) : l’ancien économiste et anima-
teur de télévision voue une adora-
tion sans borne à ses cinq chiens,
clonés de son mastiff anglais décé-
dé, avec lequel il dit communiquer
par télépathie.
Nouveau contrat social
Près de 100 jours après son acces-
sion au pouvoir, le libertarien aux
allures de rock star, blouson de cuir
et cheveux en bataille, n’a pas dévié
de position. Lors de son discours sur
l’état de la nation, le 1er mars, il a
déié le Congrès – où son parti ne
dispose d’aucune majorité –, qui a
retoqué son ambitieux programme
de dérégulation et d’austérité budgé-
taire. Le président a ainsi réafirmé
vouloir « changer le pays pour de
bon, avec ou sans le soutien des di-
rigeants politiques ».
Aux députés, qu’il traite régulière-
ment de « nid à rats » ou de « cor-
rompus », Javier Milei a cependant
assuré qu’il ne cherchait pas forcé-
ment la voie de la confrontation. Il a
même tendu une main à l’ensemble
de la classe politique, aux inluents
gouverneurs de provinces, diri-
geants de partis, ex-présidents, pour
forger un « nouveau contrat social »
sur la base de dix principes : en par-
ticulier, équilibre budgétaire « non
négociable », propriété privée « in-
violable », dépense publique réduite
au niveau « historique » de 25 % du
produit intérieur brut. Ce « pacte de
mai », comme il l’a baptisé, serait
signé à Cordoba, symboliquement le
25 mai, date anniversaire de la révo-
lution de 1810 qui mena à l’indépen-
dance de l’Argentine en 1816.
En attendant, les ménages doivent
se serrer la ceinture. « Patience et
coniance », leur a demandé le chef
de l’Etat, alors que les premières
Javier Milei mesures d’austérité budgétaires
au Congrès, pèsent durement sur les classes les
à Buenos Aires, plus modestes, entraînant une
le 1er mars. Lors
de son discours
baisse de l’activité économique.
sur l’état Ainsi, le FMI à qui l’Argentine doit un
de la nation, prêt colossal de 45 milliards de dol-
le président lars anticipe désormais une réces-
a réafirmé sion de 2,8 % en 2024, en raison de
vouloir « changer « l’important ajustement politique
le pays pour
de bon, avec ou
en cours pour restaurer la stabilité
sans le soutien macroéconomique ». Le PIB devrait
des dirigeants ensuite rebondir de 5 % en 2025.
politiques ».
Quotidien dégradé
Autant de chiffres qui restent abs-
traits pour Ramona et la plupart des
personnes des milieux populaires.
Cette cuisinière à domicile proche
de la retraite voit la vie quotidienne
se détériorer de jour en jour dans sa
petite ville de Goya, à 800 kilomètres
au nord de Buenos Aires, autrefois
reine du tabac noir et désormais
parmi les plus pauvres du pays, où
Milei a toutefois remporté 53 % des
voix. Quasiment gratuits aupara-
vant, les tarifs de l’électricité ont
augmenté de 150 % en mars, après
ceux du bus, qu’elle prend uuu
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  27
Monde
Le dollar donne la migraine à tout un pays
E
viter de tomber sur
des dollars dits cabeza
chica (petite tête,
en français) : telle est
la nouvelle obsession des
Argentins. Ces billets
à l’effigie de Benjamin
Franklin entouré d’un cercle,
émis avant 1996, sont
désormais indésirables
dans les bureaux de change
clandestins du Rio
de la Plata. Plus difficiles
à certifier, ils pâtissent d’une
décote allant jusqu’à 30 % !
Les épargnants qui viennent
quasi quotidiennement
échanger leurs pesos doivent
bien recompter leurs
liasses… Les Argentins ont
appris à jongler avec les
cours et les devises. Outre le
Blue Dollar du marché noir, il
existe le « dollar touristique »,
pour voyager à l’étranger,
assorti d’une taxe de 75 %.
Fervent militant de la
dollarisation de l’économie,
le président Javier Milei
– qui traite le peso
« d’excrément » – a annoncé
uuu chaque jour à 6 heures du
matin pour aller travailler. Et pas
question de venir en scooter, vu le
prix du carburant, en hausse de
60 % sur deux mois. Impossible éga-
lement de faire ses courses dans les
supermarchés du centre-ville,
même en payant en plusieurs « cuo-
tas ». Ce système de paiement par
tranches mensuelles sans intérêt,
qui avait quasiment disparu après la
crise de 2001, est de nouveau en vi-
gueur dans la plupart des magasins
du pays, où payer en cash permet
d’obtenir des rabais de 20 à 30 %.
Car cela évite aux négociants de
payer trop d’impôts… « 10 000 pe-
sos (11 euros) le kilo de viande,
1 400 pesos (1,50 euro) le litre de
lait, 1 550 pesos (1,69 euro) la
boîte de six œufs… Je ne sais pas
comment font les gens », s’inter-
roge Ramona, dont le salaire men-
suel atteint tout juste les 300 000 pe-
sos (328 euros).
A-t-elle foi en Milei pour changer les
choses ? « La politique, vous sa-
vez… », soufle-t-elle d’un geste las.
Il y a bien certaines idées qu’elle par-
tage. La promesse d’enrayer la
hausse des prix, bien sûr, mais aussi
28  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
programme qui s’est révélé inefi-
cace, alors que sur 1,4 million de
bénéficiaires, à peine 1,3 % ont
trouvé un emploi déclaré », a justi-
ié Sandra Pettovello, en charge du
nouveau ministère Capital humain.
Une raison de plus d’attiser l’ire des
syndicats, qui ont déjà organisé une
grève générale le 24 janvier contre
les réformes et mobilisent l’opposi-
tion un peu partout.
« C’est tendu, mais la cote de popu-
Natacha Pisarenko/AP/Sipa
larité du président tient bon », se
rassure un banquier proche du chef
de l’Etat, tandis que les derniers
instituts de sondage afichent une
baisse de 4 points (à 47 %) sur la
Bureau de change à Buenos Aires. Le président Javier Milei politique d’austérité économique.
a annoncé la légalisation des agences clandestines. « Le plus urgent était de stopper la
“boule de neige” liée à la dérive des
la légalisation des maisons soit 50 % du PIB. « Cela dépenses publiques et aux émis-
de change clandestines. explique pourquoi l’électorat sions monétaires de la banque cen-
Objectif : tuer le marché de Milei est naturellement trale pour les inancer : c’est fait,
parallèle. Transactions acquis à une dollarisation,
immobilières, acquisitions note l’économiste Daniel afirme l’entrepreneur Ramiro Mar-
de voitures… de nombreux Marx, directeur du cabinet de ra, député de Buenos Aires et parmi
achats de la vie quotidienne conseil Quantum Finanzas. les premiers soutiens de Milei.
se font déjà en monnaie Même si les conditions Pour la première fois depuis 2012,
américaine. A l’étranger, les d’une telle opération on enregistre un excédent budgé-
avoirs privés sont estimés paraissent quasi impossibles taire mensuel [à 600 millions de
à 250 milliards de dollars, pour le moment. »• dollars en janvier]. L’évolution de
l’indice des prix est à la baisse
de revoir la politique de distribution [+20,6 % en janvier, contre +25,5 %
des « planes », ces programmes en décembre] et l’écart entre les
d’aides sociales qui se sont multi- dollars oficiel et parallèle se ré-
pliés sous les différents gouverne- duit. Certes, reste le plus dur, à
ments sans pour autant empêcher savoir les réformes de fond, la dol-
l’explosion du nombre de personnes larisation, les privatisations, le
dans le besoin. Plus de 44 % de la retour à la compétitivité. Tout cela
population vit sous le seuil de pau- ne sera pas possible sans la stabi-
vreté, selon le dernier observatoire lité et le retour à la coniance des
de l’Université catholique argentine. Argentins. »
Or « ceux qui les touchent ne sont
pas forcément les plus démunis, Provocations coûteuses
déplore Ramona. C’est bien souvent Et peut-être aussi – surtout ? –
un moyen d’acheter des soutiens l’exercice du pouvoir par le pré-
politiques et d’alimenter le clienté- sident dont la personnalité séduit et
lisme local ». effraie à la fois. « Son intuition est
la bonne, soutient un autre de ses
Affrontement syndical proches, qui préfère rester ano-
Dans ce contexte social explosif, le nyme. Il n’y a aucune raison que
nouveau gouvernement a récem- l’Argentine, avec toutes ses ri-
ment multiplié par deux le montant chesses, soit condamnée à la pau-
de l’allocation familiale versée aux vreté. Mais son caractère à l’em-
plus défavorisés ainsi que les bons porte-pièce et son autoritarisme
alimentaires. En revanche, résolu à peuvent tout ruiner. » Interrogé ré-
faire « la chasse aux intermé- cemment par The Wall Street Jour-
diaires », il a mis fin au système nal sur ses modèles d’inspiration,
d’incitations à travailler du plan Milei a répondu : « Moïse et Marga-
Potenciar Trabajo (Améliorer le tra- ret Thatcher ». Une provocation de
vail), censé faire diminuer le mar- plus dans un pays où la Dame de fer
ché informel dans un pays où 48 % est unanimement haïe depuis la
des emplois sont non déclarés. « Un perte des Malouines en 1982. •
 Mandel Ngan/AFP
Julio Velarde, à Washington, en 2019. Le président de la banque centrale du
Pérou a été l’un des premiers, en 2021, à relever ses taux pour contrer l’inlation.

Lima décroche la médaille

de la stabilité monétaire
Depuis le début du siècle, le Pérou est le pays
latino-américain qui a connu la plus faible
inlation. L’Argentine pourrait s’en inspirer.
dence de Julio Velarde, à relever ses
AMÉRIQUES © The Economist
taux d’intérêt pour contrer la mon-
avier Milei ferait bien de cher- tée de l’inlation. Mais la solidité de

J cher conseil auprès de son ho-

mologue péruvien. Devise la
plus solide d’Amérique latine,
le sol a grosso modo la même valeur
aujourd'hui qu’en 1999. En 1985,
totalement dévalué, il avait été rem-
placé par l’inti (« soleil » en que-
chua). Un iasco : en 1990, la banque
centrale péruvienne émettait des
coupures de 5 millions d’intis qui ne
valaient presque rien. Cette année-
là, le président nouvellement élu
Alberto Fujimori lançait un pro-
gramme radical de réformes. Le taux
de change fut uniié à un taux faible
et autorisé à lotter, les subventions
sur le carburant et l’électricité sup-
primées du jour au lendemain. Le
gouvernement cessa d’imprimer de
la monnaie et abrogea les contrôles
des capitaux et les barrières doua-
nières. L’inlation, qui avait atteint
un pic de 7 650 % en 1990, redescen-
dit à 139 % en 1991, puis à 6 % en 1998.
Un nouveau sol fut introduit en 1991.
L’économie péruvienne se redressa
et enregistra une croissance de 5,2 %
en 1993 – niveau maintenu jusqu’à
l’année dernière.
Comment expliquer la crédibilité du
sol ? D’abord par le fait que Fujimori
a accordé à la banque centrale son
indépendance constitutionnelle.
Celle-ci a été l’une des premières au
monde, en août 2021, sous la prési-
la monnaie péruvienne s’explique
surtout par des facteurs économi-
ques structurels. L’ouverture écono-
mique prônée par Fujimori a entraî-
né une croissance des exportations.
Une « révolution des transports » a
permis d’augmenter la production
alimentaire dans les Andes, ce qui a
fait baisser les importations de
nourriture. Profitant en plus d’un
lux ininterrompu d’investissements
étrangers, la banque centrale a pu
accumuler 74 milliards de dollars de
réserves de change, soit environ
28 % du PIB. Ce matelas protège le
sol contre toute volatilité.
Alors que le président argentin Milei
veut imposer la dollarisation de
l’économie et fermer sa banque cen-
trale, s’attaquant ainsi aux symptô-
mes plutôt qu’à la cause, le sol péru-
vien est confronté à une sorte de
test de mi-mandat. Sur fond d’insta-
bilité politique et de ralentissement
économique, les prochaines élec-
tions, prévues en 2026, risquent
d’introniser un président populiste
qui pourrait compromettre l’indé-
pendance de la banque centrale.
Mais pour l’heure, les Péruviens
continuent de garder leur argent
dans leur monnaie nationale, un
luxe dont les Argentins ne sont sans
doute pas près de bénéicier. •
© The Economist - London 2024

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  29

 Monde
Bonne semaine
Pierre-Yves Maillard fait
sensation en Suisse
Fabrice Coffrini/AFP
Pour la première fois, les Suisses ont
largement accepté, le 3 mars, une
initiative des syndicats visant à
renforcer la Sécurité sociale par le
versement d’une treizième allocation
mensuelle de retraite. Derrière ce vote
choc, on retrouve le conseiller aux Etats
(sénateur) et syndicaliste Pierre-Yves
Maillard, qualifié par la presse helvète
d’homme « le plus puissant du pays ».
Alessandra Todde défait
le parti de Meloni
Le 27 février,
la majorité de la
Première ministre
Giorgia Meloni
UPI/Newscom/Sipa
a essuyé son
premier revers
dans les urnes
depuis son arrivée
au pouvoir, avec
une courte défaite face à l’opposition
de centre gauche lors des élections
régionales en Sardaigne. La députée du
Mouvement 5 étoiles (M5S) Alessandra
Todde, alliée au Parti démocrate (PD,
centre gauche), a battu de peu Paolo
Truzzu, membre de Frères d’Italie.
Mauvaise semaine
L’étau judiciaire se resserre
sur Carles Puigdemont
David Borrat/EFE/Sipa
Le Tribunal suprême espagnol a
annoncé le 29 février l’ouverture d’une
enquête pour « terrorisme » contre
l’indépendantiste catalan Carles
Puigdemont, en relation avec des
troubles ayant suivi la condamnation à
la prison de dirigeants séparatistes en
2019. Une annonce qui intervient alors
qu’une loi d’amnistie est discutée.
30  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
L E A D E R S
©The Economist
Le frein bureaucratique
de la transition écologique
Au moment où le monde doit se décarboner, la production
de minerais critiques faiblit. En cause : la multiplication
des réglementations et exigences administratives.
our atteindre son objectif
P de décarbonation, la planète
va devoir produire 6,5 milliards
de tonnes de minerais d’ici
à 2050. Et pas seulement du lithium,
du cobalt et du nickel, composants
indispensables des batteries électriques,
mais aussi de l’acier, du cuivre et de
l’aluminium. Et parce que cet objectif
dépasse plusieurs fois les capacités
actuelles de production, il faudra que les
compagnies investissent plus et extraient
plus vite. Or, selon les derniers chiffres
publiés, elles investissent beaucoup
moins qu’autrefois. La plus grosse
entreprise minière mondiale, BHP,
a dépensé l’année dernière moitié
moins qu’il y a dix ans.
Si la volatilité des marchés est en partie
à l’origine de ce ralentissement, une
autre explication est à chercher du côté
de la multiplication des exigences
administratives. Car si les
gouvernements ne cessent de répéter
qu’ils veulent encourager la transition
écologique, leurs actes la contrecarrent
souvent. Premier problème :
de nombreux pays entendent garder
le contrôle sur leurs ressources,
même si cela implique de décourager
l’investissement privé. L’année dernière,
le Chili a ainsi annoncé son intention
de créer une entreprise publique chargée
de produire du lithium. D’autres pays,
comme le Kirghizistan, Madagascar,
le Mexique et la Namibie, exigent
des royalties astronomiques, instaurent
des interdictions d’exportation et se
livrent à diverses sortes d’interventions
étatiques. En 2022, la compagnie
chilienne SQM, premier producteur
mondial de lithium, a par exemple dû
verser 5 milliards de dollars au Trésor
chilien – soit 1,3 fois son bénéice net.
Sur le long terme, de telles taxes
rendront non rentables un nombre
croissant de projets économiques.
Autre problème : la lenteur des
allocations de permis d’exploitation.
Il faut compter en moyenne près
de seize ans entre la découverte
d’un gisement et sa mise en production.
La seule obtention d’un permis prend
presque une décennie. Aux Etats-Unis,
près de 300 projets sont depuis des
années sous le coude de l’administration,
sans perspective d’être bouclés.
Les gouvernements devraient simpliier
le processus en réduisant le nombre
de services administratifs à consulter.
Cela accélérerait le lancement des
projets et éviterait
Il faut que des capitaux
compter en soient inutilement
immobilisés.
moyenne Dernière
seize ans complication :
entre la la multiplication
découverte des réglementations
dans les différentes
d’un juridictions. La jungle
gisement et des normes rehausse
sa mise en le coût d’ouverture
production. des mines. Le holding
minier britannique
Anglo American doit par exemple
satisfaire à au moins neuf normes
différentes de pratiques éthiques
dans ses activités, dont certaines
sont contradictoires entre elles.
Les pays devraient s’accorder sur un
corpus uniié de normes de soutenabilité,
et les intégrer aux déclarations de
transparence inancière qu’ils exigent
des entreprises. Le Royaume-Uni
a adopté une telle approche et les autres
pays devraient lui emboîter le pas.
Car si les entreprises minières cessent
d’investir, la transition écologique
prendra du retard.•
 LES ÉCONOMISTES DU BIEN COMMUN
PAUL KRUGMAN
PRIX NOBEL D’ÉCONOMIE 2008
Pourquoi je suis très inquiet
pour les Etats-Unis
usqu’à tout récemment,
J j’étais plutôt optimiste quant
aux perspectives des Etats-Unis.
Sur le plan économique, nous
avons connu une année de forte
croissance et de baisse de l’inlation.
Et à part les républicains indécrottables,
qui ne voient, n’entendent, ni ne disent
quoi que ce soit de bien lorsque
la présidence est occupée par un
démocrate, les Américains semblent
reconnaître que les choses vont mieux.
Mais à observer la frénésie du débat
qui s’est déclenché autour de l’âge de
Joe Biden, je suis, pour la première fois,
profondément inquiet de l’avenir
du pays. Le coup de grâce ne sera pas
la montée de l’extrémisme politique
– celle-ci a sans conteste créé
les conditions préalables du désastre,
Les manifestations autour de l’âge
de Joe Biden occultent les véritables
enjeux de l’élection de novembre.
mais cela fait déjà quelque temps
qu’elle fait partie du paysage.
Non, ce qui risque de transformer
cette menace en catastrophe est
la façon dont les manifestations
d’inquiétude autour de l’âge
du président occultent les véritables
enjeux de l’élection de novembre.
Comme on le sait, Robert Hur, le
procureur spécial chargé d’examiner les
allégations de fautes qu’aurait commises
Joe Biden, est parvenu à la conclusion
qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre le
président. Mais dans son rapport igurait
une pique incongrue et parfaitement non
Aristidis Vafeiadakis/Zuma/Réa
professionnelle sur l’acuité mentale
de Joe Biden, apparemment fondée sur
la dificulté du président à se souvenir
de certaines dates – dificulté à laquelle
n’importe qui peut être confronté quel
que soit son âge. Oui, il est exact que
Joe Biden est vieux, et qu’il sera encore
plus âgé s’il réussit à se faire réélire et
à accomplir un second mandat. J’aurais
souhaité que les démocrates se mettent
d’accord sur un successeur il y a un an
ou deux, et que Biden puisse se retirer
en sa faveur sans déclencher une foire
d’empoigne au sein du parti.
Il est également vrai que de nombreux
électeurs trouvent que l’âge du président
est un problème. Il faut toutefois
distinguer perception et réalité : comme
tous ceux qui ont récemment passé
du temps avec Joe Biden (ce qui est
mon cas) pourront vous l’assurer,
le président est en pleine possession de
ses facultés – il est parfaitement lucide
et maîtrise les moindres détails. Et, oui,
il parle doucement et plutôt lentement,
mais cela est dû en
partie au fait qu’il s’est
battu toute sa vie
contre le bégaiement.
Mais le plus
important, c’est
que Joe Biden a été un
président remarquablement eficace.
Donald Trump a passé quatre ans à
clamer qu’une initiative majeure sur les
infrastructures était sur le point d’être
adoptée ; Joe Biden, lui, a fait adopter
la législation adéquate. Donald Trump
avait promis de revitaliser l’industrie
américaine mais ne l’a pas fait.
Les politiques de Joe Biden en matière
technologique et climatique ont généré
une forte hausse des investissements
industriels. Son amélioration de
l’Obamacare a procuré une assurance-
santé à des millions d’Américains.
Permettez-moi de penser que ces
réussites en disent beaucoup plus sur
les capacités de Joe Biden que ses
bourdes de langage occasionnelles.
Et qu’en est-il de son adversaire, qui
n’a que quatre ans de moins que lui ?
Certains sont peut-être impressionnés
par le fait que Donald Trump parle
fort et sur un ton agressif. Mais que
penser de ce qu’il dit réellement
dans ses discours ? Ceux-ci prennent
souvent la forme d’informes salades
de mots, ponctuées d’afirmations
bizarres comme ce fut récemment
le cas quand il a déclaré que s’il perdait
en novembre, « ils changeraient
le nom de la Pennsylvanie ».
En vérité, les discours de Donald Trump
me font penser à la terrible année 2023
qu’a passée mon père, durant laquelle
il a souffert d’agitation vespérale
– des phases d’incohérence et
d’agressivité survenant à la tombée
du jour. Et nous devrions nous inquiéter
de l’état mental de Joe Biden ?
Au cours des derniers jours, alors
que le débat national était dominé
par la question de l’âge du président,
Donald Trump a déclaré qu’il
n’interviendrait pas pour aider
un membre « délinquant » de l’Otan
au cas où les Russes l’attaqueraient,
précisant qu’il pourrait même
« encourager » une telle attaque.
Il semble considérer l’Otan comme
guère plus qu’un racket de protection
et, après toutes ces années, n’avoir
toujours pas la moindre idée de la façon
dont fonctionne l’alliance. Au fait,
la Lituanie, le membre de l’Otan
que Trump a nommément désigné,
a dépensé un plus fort pourcentage
de son PIB en aide à l’Ukraine que
n’importe quel autre pays. Je répète
que je m’inquiète de la gérontocratie
américaine. Mais que vous le vouliez
ou non, cette compétition opposera
Biden et Trump – et il se trouve que
le candidat lucide et bien informé
est plus attaqué sur son âge
que son adversaire vociférant
qui contredit les faits établis.•
© The New York Times 2024
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  31
Entreprise 80 31 mars 2021
Les analystes de Deloitte
et Grant Thornton
émettent des réserves
sur les comptes.

Le sauvetage d’Atos 60

se complique
Les négociations avec Daniel Kretinsky 40 12 mai 2021
pour la reprise de Tech Foundations - 17,9 %
abandonnées, le redressement inancier Chute de l’action
après l’annonce
du géant français paraît désormais impossible. d’une baisse des
Et le dossier, de plus en plus politique. objectifs annuels.
20
n coup d’épée dans l’eau. « Ne pas vendre Tech Foundations

U En cours depuis le
1er août 2023, les discus-
sions entre Atos et le mil-
liardaire tchèque Daniel Kretinsky
pour le rachat de Tech Foundations,
la branche infogérance du géant
français, n’ont inalement débouché
sur rien. « Les deux parties ne sont
pas parvenues à un accord mutuel
satisfaisant », expliquait le groupe
dans un communiqué le 28 février,
ajoutant que la décision avait été
prise d’un « commun accord ». Le
dossier était devenu tellement sen-
sible qu’aucune rencontre n’avait eu
lieu depuis plusieurs semaines entre
Atos et les proches de Daniel Kre-
tinsky, malgré les nombreuses solli-
citations de ces derniers.
Un nouveau coup dur dans l’incer-
taine opération de sauvetage d’Atos.
Quand la sécurité des JO est en jeu
rend désormais le redressement
financier du groupe impossible,
conie un banquier d’affaires au fait
des négociations. Vendre, c’était
déclencher une tempête politique et
une fronde des petits actionnaires.
Mais annoncer la in des négocia-
tions avec Daniel Kretinsky est très
difficile car Atos peut perdre la
coniance des banques. Bref, c’est
une équation insoluble. »
De risqué à déraisonnable
Ces négociations avec EPEI, le hol-
ding de Daniel Kretinsky, s’étaient
pourtant déroulées de façon plutôt
positive jusqu’à la fin de l’année
2023. Des deux côtés, on montrait
alors un certain optimisme sur l’is-
sue du deal. « Nous avions accepté
de transférer le montant initiale-
0
SOURCE : CHALLENGES.
2021
ment investi sur Eviden vers Tech
Foundations, indique-t-on dans
l’entourage de Kretinsky. Cela nous
paraissait déjà beaucoup, mais ils
voulaient plus. Atos souhaitait
aussi transférer des garanties.
L’opération était déjà extrêmement
risquée, elle est devenue absolument
déraisonnable. Les points de vue
auraient pu se rapprocher,
mais… » Du côté d’Atos, on assure
qu’il n’était question que d’une
« compensation supplémentaire
étant donné que les négociations
allaient se prolonger au lieu de se
terminer à la in de l’année ».
Mais les échanges ont pris un tour

D
epuis 2002, Atos gère
toute l’informatique
des jeux Olympiques.
Mais le groupe est surtout
chargé d’un dossier
hautement sensible, celui
de la sécurité des systèmes
d’information : « Personne
n’a la même expérience des
JO qu’Atos, confirme un
connaisseur de la sécurité
informatique. La diffusion du
chronométrage et des
résultats, c’est eux. Quand
on passe un badge pour
entrer dans un stade, cela
passe par un serveur Atos.
Mais surtout, ils s’occupent
de la cybersécurité. »
Durant les précédentes
éditions des JO, plusieurs
milliers d’attaques étaient
repoussées chaque seconde.
Atos est incontournable.
« L’Etat ne peut pas prendre
le risque d’attendre des mois
pour être certain de son
sauvetage, poursuit cette
source. Car aucune entreprise
ne peut improviser le
remplacement d’Atos dans la
sécurité des jeux Olympiques.
Et si Kretinsky ne rachète pas
Tech Foundations, c’est
la viabilité entière du groupe
•
qui devient aléatoire. »
encore plus dificile à cause de la
dégradation financière d’Atos.
Contraint de négocier avec ses
22 banques créancières, le groupe
français est confronté à un mur de
dette, avec 3,65 milliards d’euros
d’emprunts et d’obligations à rem-
bourser ou reinancer avant in 2025.
L’entreprise a sollicité le tribunal
de commerce de Nanterre pour
demander à l’administratrice judi-

32  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 Trois ans de descente aux enfers
Cours de Bourse d’Atos (en euros)
20 octobre 2021
Démission
d’Elie Girard,
directeur général.
Juin 2022
Premières rumeurs
de scission du groupe.
2022
ciaire Hélène Bourbouloux de l’ai-
der avec le pool bancaire. Sous
mandat ad hoc, Atos espère rené-
gocier ses créances bancaires en
toute conidentialité.
Par ailleurs, le 28 février, le groupe
a annoncé le report à la in du mois
de mars de la publication de ses ré-
sultats annuels initialement atten-
dus le 29 février, à la demande de
ses commissaires aux comptes. Les
cabinets Deloitte et Grant Thornton
« sont en attente d’un rapport de
revue d’activité indépendante pour
compléter leur audit des résultats
des tests annuels de perte de valeur
du goodwill [survaleurs] », détail-
lait Atos dans un communiqué.
Photos : Eric Tschaen/Réa - Joël Saget/AFP - SP
Reprise partielle à globale
Si la reprise de Tech Foundations
est abandonnée, la partie n’est en
revanche pas forcément terminée
pour le milliardaire tchèque. Kre-
tinsky aurait informé Bercy de son
intérêt pour déposer une offre glo-
bale de reprise dans l’hypothèse de
l’ouverture d’un plan de sauvegarde
1 août 2023
er
Annonce de la cession
des activités historiques
Tech Foundations
à Daniel Kretinsky.
2023
accéléré d’Atos. David Layani, déjà Contraint de
actionnaire d’Atos à hauteur de 12 % négocier avec
et entré au conseil d’administration, ses 22 banques
créancières,
serait également candidat à une Atos est
reprise du groupe avec le soutien du confronté
fonds américain Carlyle. à un mur
La solution globale pourrait prendre de dette, avec
plusieurs formes : soit la reprise du 3,65 milliards
projet de cession de Tech Founda- d’euros
d’emprunts et
tions parallèlement à celle d’Atos d’obligations
BDS et peut-être d’autres actifs sous à rembourser
les auspices du mandataire ad hoc. ou refinancer
Soit une restructuration avec un avant fin 2025.
écrasement de tout ou partie de la
dette, de nouveaux investissements
et une probable cession de BDS
– qui fait actuellement l’objet de
négociations avec Airbus. Des op-
tions encore hypothétiques. Mais
selon nos informations, du côté de
Bercy, c’est bien le candidat Kre-
tinsky qui serait privilégié en cas de
reprise et à la condition de la vente
des activités stratégiques d’Atos
(supercalculateurs, cybersécurité,
cloud) à un acteur français. En
novembre dernier, Bruno Le Maire
avait déclaré que le gouvernement
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820 
16 octobre 2023
Départ du président
Bertrand Meunier,
remplacé par
Jean-Pierre Mustier.
28 février 2024
Fin des négociations
avec Kretinsky et départ
de Nourdine Bihmane,
directeur général de
Tech Foundations.
2024
« veillerait à ce que les activités les
plus sensibles restent bien sous le
contrôle de l’Etat français », tout en
écartant toute nationalisation ou
même une participation dans Atos.
Solution stratégique
Le dossier est devenu délicat.
D’abord sur le plan politique, avec
l’ouverture d’une mission d’in -
formation au Sénat qui tente de
comprendre les raisons qui ont
conduit à une telle situation. En-
suite, compte tenu du rôle haute-
ment stratégique que joue le groupe
dans la sécurité informatique des
jeux Olympiques de Paris (lire en-
cadré) : « Cela pose un vrai pro-
blème de timing, signale une
source. Soit il faut sauvegarder
Atos jusqu’aux jeux Olympiques,
ce qui pourrait obliger à une inter-
vention de l’Etat sous une forme
quelconque, soit il faut accélérer le
processus de reprise mais en géné-
ral, c’est assez long. » La cérémonie
inaugurale a lieu dans cinq mois.
Régis Soubrouillard
33
 Entreprise
Indiscrétions
Daniel Baal prend la tête
Pallez veut tout payer
Amendes, impôts, loyers, factures
d’eau, d’électricité ou de téléphone,
du peloton mutualiste
frais de scolarité, péages… Ce n’est
plus la loterie
nationale que
dirige Stéphane
Pallez à la tête
de la Française
Come Sittler/Réa

des Jeux, mais

un hypermarché
du télépaiement.
L’entreprise
privatisée se diversifie à tout va
pour devenir un géant de la solution
de paiement, au risque d’en perdre
un peu le nord.

West roule pour Decathlon

Capture d’écran X @GoodAssSub

Alexis Sciard/IP3/MaxPPP
Après son tumultueux divorce
à 1 milliard de dollars avec adidas, Daniel Baal. Premier objectif du nouveau président du Crédit mutuel alliance fédérale :
c’est vêtu d’un ensemble de la marque atteindre 15 millions de sociétaires et clients d’ici à 2027.
Kalenji de Decathlon que le rappeur
américain Kanye West est apparu
e passage de relais se préparait quitte pas. En 1993, il devient à 36 ans le

en pleine Fashion Week parisienne,
le 28 février. Un peu gêné par cette
publicité non sollicitée avec la star
ingérable, Decathlon a aussitôt répliqué
sur X : « Jul l’a fait en premier »,
en référence au rappeur français,
plus consensuel.
Buffett inance
les carabins du Bronx
Nati Harnik/AP/Sipa
L
dans le plus grand secret depuis plus jeune président de la Fédération fran-
plus de deux mois. Daniel Baal, le çaise de cyclisme puis, en 2001, numéro
directeur général du Crédit mu- deux du Tour de France. Ardent défenseur
tuel alliance fédérale, principal de la lutte contre le dopage, il est
ensemble du groupe Crédit mutuel pourtant mis en examen puis
Repères
et CIC, prendra la succession de blanchi dans l’affaire Festina – le
Nicolas Théry, l’actuel président 1993 scandale touchant l’équipe sponso-
mutualiste, début avril. Une pro- Président
risée par le fabricant de montres
de la FFC.
motion qui intervient après le dé- 2001 en 1998. Un traumatisme raconté
part surprise du dirigeant, en poste Directeur du dans son livre Droit dans le mur
depuis dix ans. Fidèle lieutenant cyclisme chez (éd. Glénat, 1999).
Amaury Sports
de Théry, Baal récupère les clés de Organisation. De retour au Crédit mutuel, il
la neuvième banque de la zone 2004 continue de gravir les échelons de
euro et du cinquième bancassureur Directeur la banque jusqu’à faire figure de
général du

français, avec un résultat net de possible héritier de Michel Lucas,

Ruth Gottesman, la veuve d’un des
premiers associés de Warren Buffett
et investisseurs dans son fonds
Berkshire Hathaway, a fait un don
d’1 milliard de dollars à la Bronx
Medical School de New York,
où elle enseignait, pour payer les frais
de scolarité des élèves. Jusqu’à
présent, ceux-ci s’endettaient en
général de 200 000 dollars pour
obtenir leur diplôme de médecine.
Crédit mutuel
4,1 milliards d’euros en 2023, Ile-de-France. le volcanique dirigeant de l’époque.
25 000 collaborateurs et 14 millions 2017 C’était sans prévoir la candidature
de clients et sociétaires. Directeur spontanée de Nicolas Théry, alors
Carrure de catcheur et cheveux en général de jeune haut fonctionnaire à
CMAF et CIC.
brosse, ce patron réputé pour son 2024 Bruxelles en 2009. Aujourd’hui,
franc-parler aurait très bien pu ne Président de Baal a pour mission d’atteindre les
jamais faire de la inance. Dans son CMAF et CIC. objectifs du groupe, qui vise 15 mil-
Alsace natale, ce fils de cadre lions de sociétaires et clients dans
d’EDF se passionne pour le cyclisme et es- ses réseaux Crédit mutuel et CIC en 2027. A
père une carrière professionnelle. Il init par 66 ans, il devra aussi préparer sa propre suc-
rejoindre une caisse locale du Crédit mutuel cession. Il fera équipe avec Eric Petitgand,
après un BTS commerce et distribution à 55 ans, autre pur produit du Crédit mutuel
Strasbourg, mais l’amour du vélo ne le pressenti pour la suite. Esther Attias

34  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

La course à la dette accable les agriculteurs
Selon l’Agreste, 40 % des exploitations sont surendettées. Clientèles privilégiées des
réseaux mutualistes, elles sont à la merci du moindre aléa économique et climatique.
griculteur : un métier qui mise par les acteurs financiers :

A surendette plus qu’il ne

rapporte. Ce problème,
de plus en plus répandu
dans le monde paysan, a contribué
à l’épuisement de la profession, qui
« Les agriculteurs veulent être pro-
priétaires de tout le matériel sur
leur exploitation. S’ils le parta-
geaient à deux ou trois exploita-
tions, cela coûterait moins cher. »
manifeste depuis des semaines Le surinvestissement est aussi en-

Loïc Déquier/Sud Ouest/MaxPPP

sur les routes de France. Selon
l’Agreste, 40 % des exploitations
agricoles sont endettées, à raison de
250 000 euros en moyenne par ex-
ploitation – un chiffre qui a quintu-
plé depuis les années 1980, alors
même que les revenus des agricul-
teurs ont baissé de 40 % en trente
ans. Un agriculteur sur cinq vit sous
le seuil de pauvreté, indique l’Insee.
Comment en est-on arrivé là ? Les
banques, d’habitude si précaution-
neuses lorsqu’il convient de prêter
aux particuliers, ouvrent les vannes
pour le monde agricole. Surtout les
historiques, comme le Crédit agri-
cole (75 % des parts de marché), le
Crédit mutuel et les Banques popu-
laires. « L’agriculture est une éco-
nomie très gourmande, justiie-t-on
au Crédit agricole. Elle nécessite les
capitaux de l’industrie pour les
bénéices de l’artisan. » Selon les
spécialistes du marché, un agricul-
teur peut s’endetter jusqu’à 60 % de
son excédent brut d’exploitation
lorsqu’il construit un projet de inan-
cement avec son banquier. Et pour
les jeunes, on grimpe à 70 %.
couragé pour des raisons iscales.
« Une façon de baisser vos charges,
c’est d’investir pour augmenter vos
amortissements », éclaire Jean-
Marie Séronie. Ce qui diminue méca-
niquement l’assiette iscale.
Enin, un agriculteur peut être en-
Blocage d’un que ses revenus dégringolent. Alors detté – via des avances de trésore-
Crédit agricole que ses échéances bancaires, elles, rie – auprès de plusieurs acteurs,
à Agen, le continuent de tomber. comme les coopératives ou les
14 février 2024.
Quand il
Mais pour l’agroéconomiste Jean- caisses régionales agricoles, sans
construit un Marie Séronie, il y a une logique de que les banques ne le sachent. Au-
projet de surendettement – enseignée dans les tant de lignes de crédit qui alimen-
inancement formations en agronomie, et per- tent la spirale infernale. E. A.
avec son
banquier, un
agriculteur peut
s’endetter
jusqu’à 60 %
de son
excédent brut
d’exploitation.

Logique iscale
De nombreuses raisons expliquent
cette course à la dette : le machi-
nisme (tracteurs, appareils divers,
moissonneuses-batteuses), l’achat
d’intrants, dont les prix ont explosé
depuis la guerre en Ukraine, les
modèles prévisionnistes trop opti-
mistes… En face, l’agriculteur a peu
de contrôle sur son chiffre d’affai-
res. Il ne maîtrise totalement ni les
coûts de production ni les prix de
vente – déinis par des marchés i-
nanciers mondiaux. Il suffit du
moindre aléa – une crise géopoli-
tique, une sécheresse, une maladie
qui détruise les récoltes… – pour
 Entreprise
Bonne semaine
SP
Eloa Guillotin
passe un cap
Beyond Aero, dont elle est cofondatrice
et directrice générale, a réussi à faire
voler un avion électrique ultraléger, de
type ULM, à propulsion hydrogène. Une
première en France. Sur cette même
technologie, la start-up toulousaine
veut lancer avant 2030 un avion
d’affaires de quatre à huit passagers,
qui volera à une vitesse maximale de
575 km/heure et jusqu’à 1 500 km.
Thierry Ehrenbogen
prend du galon
Le groupe CMA
CGM l’a nommé
senior vice
president,
en charge
du développement
et de la stratégie
du groupe, après
SP
le rachat de Bolloré
Logistics, dont il était directeur général.
Cette acquisition, pour 4,8 milliards
d’euros, est la plus grosse réalisée
par l’armateur marseillais, avec
14 000 salariés et 900 000 m2
d’entrepôts supplémentaires.
Mauvaise semaine
Eric Tschaen/Réa
Véronique Bédague
vacille
Le cours de l’action Nexity, le groupe
dont elle est PDG, a plongé en Bourse
après l’annonce d’un plan social
et de l’annulation du dividende.
« La crise que connaît notre secteur
d’activité est inédite, à la fois par
son intensité, sa durée et sa nature
globale », a-t-elle expliqué alors
que la remontée des taux d’intérêt
freine les achats de logements
neufs du promoteur immobilier.
36  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
Les étoilés Michelin
attisent les appétits
A quelques jours de la publication du dernier
Guide Michelin, le petit monde des grands chefs est
en ébullition. Une période propice à un mercato
dans les brigades et à des investissements stratégiques.
ardi 27 février, Eric
M
Frechon a créé la sur-
prise en annonçant son
départ des cuisines du
Bristol Paris. Après vingt-cinq ans
dans ce prestigieux palace détenu
par le groupe allemand Oetker et
situé rue du Faubourg-Saint-
Arnaud Journois/La Voix du Nord/MaxPPP
Honoré, dont quinze années consé-
cutives dans l’élite, au rang su-
prême de trois étoiles, le chef
cuisinier et meilleur ouvrier de
France, 60 ans, explique qu’il sou-
haite se consacrer au dévelop-
pement de son groupe et aux éta-
blissements qu’il accompagne, tout
comme à sa famille.
Comme la plupart des chefs stars, il Eric Frechon, roles. Jérôme Banctel, actuellement
au Bristol
a su proiter de la notoriété et du aux commandes de La Réserve
prestige conférés par le Guide Paris. Le chef Paris (groupe Michel Reybier),
étoilé quitte
Michelin pour développer d’autres la tête de son
pour lequel il espère une troisième
tables à son nom ainsi qu’une acti- restaurant étoile cette année, serait pressenti.
vité de consultant. Des missions pour se Autre changement d’importance,
d’autant plus lucratives qu’elles consacrer selon les informations de Chal-
n’obligent pas à être présent huit au dévelop- lenges, l’hôtel 5 étoiles L’Oustau de
heures par jour aux fourneaux. pement de Baumanière, aux Baux-de-
son groupe, et
Ainsi, il dirige à distance et détient à sa famille.
Provence, et son restaurant tri-
la brasserie Lazare, à la gare Saint- plement étoilé dirigé par Glenn Viel,
Lazare, et conseille cinq restaurants détenu par le chef Jean-André Cha-
du groupe Annie Famose (Megève, rial, 78 ans, va être cédé au groupe
Courchevel, Saint-Barth, Saint- des Frères Gardinier, déjà proprié-
Tropez, Biarritz), ainsi que la bras- taire de Taillevent et Drouant, à
serie du drugstore Publicis. « Cette Paris, ainsi que Les Crayères, à
annonce a été faite juste avant la Reims. « Il y a un réel intérêt des
parution du “guide rouge”, car le investisseurs tant les diversiica-
Michelin n’a plus le temps d’enle- tions sont prometteuses, explique
ver ses trois étoiles au Bristol qui un banquier spécialisé. Une chance
les conserve encore un an quel que pour eux, de nombreux chefs âgés
soit le nouveau titulaire », s’amuse de 60 ans et plus rêvent de trans-
un concurrent. mettre sans heurt et sur plusieurs
années. » « On ne prête qu’aux
Des passages de lambeau pauvres ! » ricane Pierre Gagnaire,
Pour le remplacer, Le Bristol Paris trois étoiles rue Balzac à Paris, où il
hésiterait entre la promotion de est locataire-gérant, propriétaire de
Franck Leroy, jusqu’à présent nu- deux restaurants parisiens (Gaya,
méro deux de Frechon, et le recru- Piero TT) et consultant pour le
tement d’une autre gloire des casse- groupe Barrière. Il dément être à la
recherche d’un investisseur malgré
ses 73 ans. Une rumeur persistante.
Son benjamin Jean-François Piège,
53 ans, qui espère accrocher une
troisième étoile à son Grand
Restaurant parisien, dément lui
aussi être en train de rechercher
activement un investisseur pour
accompagner son développement
international. Pourtant, l’homme
d’affaires Walter Butler, qui a
récemment acquis le restaurant
trois étoiles parisien de Bernard
Pacaud, 76 ans, L’Ambroisie, et qui
s’est invité au capital de Moma
Group (Lapérouse, Mimosa, Man-
ko), aurait regardé le dossier.
Parmi les autres mouvements dans
cette valse des fourneaux, le chef
Thierry Marx, 64 ans, par ailleurs
président de l’Umih, le syndicat de
la restauration et de l’hôtellerie
française, s’apprête à quitter le pa-
lace parisien Mandarin Oriental, où
il oficiait depuis dix ans, pour se
consacrer lui aussi à ses nom-
breuses activités personnelles. Et
notamment le restaurant Onor, ou-
vert à proximité du palace, où il sert
une cuisine de luxe « éthique ».

La recette Ducasse
Un connaisseur de ce business des
marmites estime que la période est
propice aux transactions, mais que
le meilleur est à venir : « Ces chefs
entrepreneurs sont incités à bouger
ou à vendre car ils craignent que la
conjoncture, déjà assez morose, ne
s’aggrave. Et parmi eux, tout le
monde attend avec impatience de
savoir ce que fera le plus admiré de
tous, Alain Ducasse. » A ce jour, le
restaurateur le plus étoilé du monde
détient un groupe réalisant près de
100 millions d’euros de chiffre d’af-
faires avec ses restaurants détenus
en propre et des diversifications
réussies dans le chocolat, le café, les
glaces et les biscuits. Il vient de
mobiliser 30 millions pour la réno-
vation de la Maison du Peuple, à
Clichy-la-Garenne, une grande halle
classée aux monuments historiques
qui abritera le siège de son empire Palais Brongniart salondudessin.com
gourmand en 2025. Un groupe dont Place de la Bourse
il est, à 67 ans, l’actionnaire majori- 75002 Paris
taire aux côtés du fonds d’investis-
sement Mirabaud, dirigé par l’an-
cien ministre Renaud Dutreil, et de Invité d’honneur : La Fondation Dubuffet
la famille Derichebourg, entre
autres. Jean-François Arnaud
 Entreprise

Le carnet
En partenariat avec Vallourec redresse la barre
Dirigé depuis deux ans par un cost killer,
le spécialiste des tubes sans soudure vient de publier
Xavier Guesnu, 49 ans, diplôme des résultats en très nette progression.
d’ingénieur de l’Ecole des Mines
de Paris, est le nouveau directeur
général de Lafarge France. quantité, il va se focaliser sur les produits à
Depuis 2018, il était directeur général forte valeur ajoutée.
de Holcim Pologne. Résultat, les marges progressent, les
agences de notation revoient à la hausse la
Nathalie
Sénéchault,
note du groupe (trois fois au cours des dix-
50 ans, DESS huit derniers mois). « Philippe Guillemot
droit des affaires a fait ce que ses prédécesseurs n’ont pas
et fiscalité, su ou pas osé faire », dit un bon connais-
devient directrice seur de l’entreprise.
administrative La descente aux enfers de Vallourec consé-
et financière
SP

cutive à la crise pétrolière de 2014 – l’ex-

Sami Belloumi/La Voix du Nord/MaxPPP

et membre du comité exécutif joyau du CAC 40 perdra plus de 90 % de sa

de Scalian. Dernièrement, elle était valeur en Bourse –, est un cas d’école de
directrice financière du groupe Atos. management défaillant. Communication
Isabelle Hébert, 51 ans, ENS Paris- erratique, manque d’anticipation, lenteur
Saclay, Ensae, DEA d’économie, rejoint dans l’exécution… Le groupe dirigé alors
le comité exécutif d’Allianz France par l’énarque Philippe Crouzet tarde à
en tant que directrice de l’unité data, prendre les décisions structurantes qui
engagement, marketing et stratégie. s’imposent. Philippe Guillemot n’aura pas
Philippe Guillemot. Après avoir supprimé ces pudeurs. Pour cet ancien de Michelin,
Muriel Assouline, 49 ans, Ecole 3 000 postes, le PDG de Vallourec s’est
nationale de l’aviation civile, est Valeo, Faurecia, Areva T&D, Europcar ou
focalisé sur les produits à forte valeur ajoutée.
la nouvelle directrice générale Alcatel Lucent, la vitesse est la clé du re-
d’Air Caraïbes Atlantique (groupe dressement. « Ce que vous aviez l’habitude
Dubreuil). En 2016, elle avait pris u bord de la faillite il y a trois ans, de faire en années, on va le faire en mois,
la tête de French bee.
Marc-Antoine Blondeau, 37 ans,
ingénieur aéronautique, est désormais
directeur général de French bee
(groupe Dubreuil). Il a débuté au sein
A le spécialiste français des tubes dit-il aux équipes. Ce que vous faisiez en
sans soudure pour l’industrie mois, on le fera en semaines. » Pour être
pétrolière et gazière Vallourec a plus réactif, le groupe supprime trois ni-
dégagé un bénéice net de près de 500 mil- veaux de hiérarchie.
lions d’euros l’année dernière. Et sa dette Dans le même temps, Philippe Guillemot
d’Air Caraïbes Atlantique il y a plus a été réduite de moitié, à 570 millions. cherche des débouchés hors des hydrocar-
de douze ans. Quant à son action, elle a triplé bures et diversiie le groupe dans
par rapport au point bas d’octobre REMONTADA les robots d’impression 3D et dans
2020. « Vallourec tourne déiniti- uRésultat net
Julie Ruschena, 47 ans, diplômée
en sciences de gestion et ingénieur-
le stockage d’hydrogène – en dé-
maître en marketing, est nommée vement la page de son redresse- (en millions d’euros) cembre, il a inauguré un démons-
ment », assurait, le vendredi 496 trateur sur son site d’Aulnoye-
directrice marketing, communication
et digital d’Euromaster France. 1 mars, jour de la présentation 2020
er 40 2022 Aymeries (Nord). « A l’horizon
des résultats annuels, le PDG 2021 2023 2030, nous visons 10 à 15 % de
A partir de 2016, elle était
marketing & communication Philippe Guillemot. - 366 notre excédent brut d’exploitation
manager du groupe Hankook. Nommé il y a deux ans par le en dehors des énergies fossiles »,
fonds d’investissement Apollo, - 1 206 indique le PDG. Cost killer tou-
premier actionnaire de Vallourec uDette nette
Marie-Astrid Gossé, 47 ans, master
en marketing de l’emlyon, se voit jours, il veut également continuer à
confier la direction marketing de avec 28,5 % du capital, le nouveau (en millions d’euros) désendetter l’entreprise. Objectif :
Verallia. Alessandro Bocchio, 50 ans, boss, diplômé de l’Ecole des 2 214 une dette nette à zéro à in 2025.
diplômé de l’université du Piémont Mines et ex-patron du leader de la Effectuée en quelques mois, la re-
Oriental (Italie) et d’études supérieures restauration collective d’Elior, 958 1 130 montada de Vallourec est impres-
en économie et en finance, master administre à la compagnie un 570 sionnante. Trop impressionnante ?
en administration des affaires régime de choc. Suppression de Habitué à des années de désil-
de l’université d’Etat de Californie, 3 000 postes, fermeture des usines SOURCE 2020 2021 2022 2023 lusions, les marchés financiers
: SOCIÉTÉ.
est promu directeur commercial allemandes et du site historique hésitent encore à adhérer totale-
et marketing France du groupe. de Saint-Saulve (Nord), il réoriente Vallou- ment au plan de la nouvelle direction. Ven-
Lara Rosquët, 33 ans, emlyon, rec autour de trois pôles (Etats-Unis, Bré- dredi 1er mars, le cours de l’action du spé-
est nommée responsable France sil, Chine) pour être au plus près des mar- cialiste des tubes sans soudure a reculé de
du groupe Shopify. chés pétroliers. Privilégiant la qualité sur la près de 2 %. N. S.

38  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

le Club Entrepreneurs Challenges - Monteiore
Qu’est-ce qui vous guide en tant
qu’entreprise à mission ?
Nous voulons encourager la créa-
tion d’une ilière de reconditionne-
ment du gros électroménager en
France, qui est très en avance sur
l’économie circulaire grâce à des
acteurs comme Emmaüs et le ré-
seau Envie. Mais pour y parvenir, il
faut construire un vrai modèle in-
dustriel. C’est pourquoi nous avons
rejoint le collectif EC2027 et le Club
de la Durabilité.
Est-ce un défi de recruter
des techniciens aujourd’hui ?
Oui. Nous avons donc lancé notre
propre programme de formation et
de reconversion en trois mois. Nous
avons également noué des partena-
riats avec les lycées professionnels.
La mise en place par l’Etat, fin 2022,
du bonus réparation va-t-elle dans
le bon sens ?
Oui, c’est une très bonne chose.

Mahema Productions
Même si je plaide plutôt pour un
bonus reconditionnement pour les
acteurs du secteur. Le levier inan-
cier est en effet eficace pour aller
vers une consommation plus res-

Underdog développe ponsable.

Un an après le lancement de votre
site Web, quel est votre bilan ?

une ilière industrielle

Nous y avons réalisé 1 million d’eu-
ros de chiffre d’affaires, porté par
les ventes de lave-linge et de réfrigé-

du reconditionnement
rateurs. Ce qui représente quelque
2 500 clients qui se sont tournés vers
le reconditionné, d’abord pour le
prix (31 %), puis pour l’impact envi-
Claire Bretton, diplômée de l’ESCP, a fondé en 2022 avec Laura ronnemental (29 %).
Etes-vous rentable ?
Chavigny et Léa de Fierkowsky cette société à mission qui reconditionne Pas encore. Notre objectif est de
du gros électroménager. Elle vient d’ouvrir un magasin à Nantes. l’être cette année, avec 6 millions
d’euros de chiffre d’affaires. Nous
voulons grandir en recrutant davan-
Challenges. Pourquoi avoir créé La vidéo sur Ensuite, nos 15 techniciens salariés tage de techniciens pour réparer
Underdog ? Challenges.fr les reconditionnent dans notre en- davantage d’appareils. Car aujour-
Claire Bretton. Après avoir déve- trepôt de 2 700 m2 basé à Nantes, où d’hui, nous vendons autant que nous
loppé le service de seconde main nous avons ouvert en février notre réparons. D’ici à 2025, nous voulons
de Veepee, j’ai compris qu’il y avait tout premier magasin. Ils sont en- vendre 50 000 produits recondition-
une opportunité à saisir sur le mar- suite testés et vendus sur notre site, nés et ouvrir d’autres entrepôts en
ché du gros électroménager. Sur avec une garantie de deux ans et France, mais également partout en
les 10 millions d’appareils jetés une décote moyenne de 30 %. Europe.
chaque année en France, seule- Pourquoi avoir privilégié Votre rêve de croissance ?
ment 3 % sont en effet recyclés. C’est le gros électroménager ? Je rêve que le reconditionné de-
un immense gâchis écologique et Ce sont des produits avec un fort vienne la nouvelle norme de con-
économique. impact carbone. C’est également un sommation. •
Que faites-vous concrètement pour marché stable, même en temps de
y remédier ? crise, qui pèse 6 milliards d’euros. UN PARTENARIAT
Nous récupérons les appareils dé- Propos Chaque année, 16 millions de pro-
fectueux auprès des distributeurs, recueillis par duits neufs sont vendus dans cette
des marques et des particuliers. Laure Croiset catégorie.

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  39

Entreprise

Abercrombie retourne sa veste

Adorée par les adolescents dans les années 1990 avant d’être détestée, la marque
effectue un come-back spectaculaire grâce à une stratégie à l’opposé de son ADN.

n entrant dans le magasin

E de la 5e Avenue, à Manhat-
tan, les souvenirs re-
montent : le jeune mec
aux muscles ciselés torse nu à l’en-
trée, la musique sourde, l’obscurité
de caverne à l’intérieur, l’eau de
Cologne criarde qui vous assom-
mait… Abercrombie & Fitch ! Dans
les années 1990, la marque régna un
temps sur le monde branché des
adolescents, avant d’être cataloguée
par les mêmes comme étant arro-
gante, sexiste, anti-obèses et, pour
beaucoup, raciste.
Fin de l’histoire ? Non, résurrection :
en 2023, à Wall Street, l’action de

Richard B. Levine/Newscom/Sipa
l’indice S&P 1500 qui a le plus pro-
gressé n’est pas la coqueluche de
l’intelligence artiicielle Nvidia, la-
quelle a vu sa valeur augmenter de
239 %. C’est Abercrombie & Fitch,
avec un gain de 285 %!

Rejet de l’équipe précédente
Comment un tel has been de l’habil-
lement a-t-il pu renaître de ses
cendres, dans un secteur du prêt-à-
porter où l’on ne compte plus les
débâcles ? En étant guidée par une
stratégie pour le moins inédite : non
pas simplement faire oublier l’an-
cien « A & F », mais se déinir comme
sa parfaite antithèse. Gonlé.
« Nous ne sommes plus l’Abercrom-
bie & Fitch que vous avez connu »,
lance en 2018 la nouvelle PDG, Fran
Horowitz, quelques mois après son
arrivée. Fin des magasins embléma-
tiques, « sombres et intimidants ».
Elle n’a pas, depuis, dévié de cette
rupture radicale, expliquant à Yahoo
Finance : « La vitrine illustre vrai-
ment ce que nous sommes au-
jourd’hui. C’est une marque ac-
cueillante, invitante et inclusive.
Elle est très différente de ce qu’était
notre héritage dans le passé. » S’y
ajoute un rejet, mêlé de révulsion, de
l’ex-PDG et d’un associé, accusés
d’avoir exploité des hommes à des
fins sexuelles : la société se dit
« consternée et dégoûtée ».
Boutique Abercrombie & Fitch, à New York. Pour la PDG Fran Horowitz, « la vitrine illustre vraiment
ce que nous sommes aujourd’hui : une marque accueillante, invitante et inclusive ».
Après avoir entamé la transforma-
tion puis essuyé des pertes avec la
WALL STREET pandémie, Fran Horowitz dirige au-
APPLAUDIT jourd’hui une société dont les ventes
Cours de Bourse progressent de 12 à 14 % en rythme
(en euros) annuel, pour un proit net de près de
140 2 dollars par action, contre un résul-
120 tat nul un an plus tôt. Le cahier des
100 charges étant bien déini, « nous al-
80 lons continuer à le déployer géogra-
60 phiquement, expliquait en novem-
40 bre dernier la PDG. A l’international
20
[qui représente plus du quart des
ventes], nous constatons des succès
0 SOURCE : BOURSORAMA.
dans toutes nos régions ».
Février Février
2017 2024
Idéal pour le « long week-end »
A & F est l’action
de l’indice Dans le magasin de la 5e Avenue, la
S&P 1500 vendeuse nous montre des rayon-
qui a le plus nages bien sages de fringues : « Ce
progressé n’est pas un style particulier qui
l’année dernière, fait notre succès, plutôt le fait que
avec une hausse les gens ont le sentiment de pouvoir
de 285 %.
porter les vêtements quand ils
veulent. Et puis il y a la qualité,
meilleure que chez Banana Repu-
blic mais pas trop chère. » La mar-
que vise spécifiquement le « long
week-end » du jeudi au dimanche,
quatre jours pendant lesquels on
peut porter les mêmes habits et dé-
border sur le reste de la semaine.
Exit les quarterbacks
Le public aussi a changé du tout au
tout : exit les quarterbacks et les
obsédés de la gonlette, bonjour les
jeunes adultes – les adolescents ont
leur marque distincte à l’ambiance
plage et surfeur, Hollister – bien
comme il faut et plus nécessaire-
ment blancs anglo-saxons.
La nouvelle stratégie d’Abercrombie
est-elle révolutionnaire ? Peut-être
pas. Mais dans un monde de l’habil-
lement où l’on ne compte plus les
revers de fortune, voir une marque
du secteur battre un géant de l’intel-
ligence artiicielle à Wall Street a
quelque chose d’éminemment ré-
confortant. Philippe Boulet-Gercourt
(correspondant à New York)

40  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 Dossier
Kevin Reitz/Hans Lucas/AFP
LA CHARGE DES
CHINOIS EN EUROPE
Fortes ventes, lancements en rafale : les constructeurs de véhicules électriques MG,
BYD ou Geely sont ultracompétitifs. Le match est lancé avec les occidentaux.
ous les bonus ont
T
«
une fin ? MG re-
prend la main. » Le
slogan publicitaire
de la marque
chinoise est clair…
Avec 7 000 euros de rabais à la clé !
Garantie sept ans, la berline com-
pacte MG4 électrique se retrouve à
22 990 euros dans sa version de
base. Contre 30 000 (bonus déduit)
pour sa rivale française, la Renault
Megane E-Tech. En réservant le lea-
sing social et le bonus (4 000 euros)
aux voitures produites en Europe,
le gouvernement français comptait
freiner les constructeurs chinois.
Mais ils ont de la ressource. Leurs
coûts de production sont en effet
« inférieurs de 20 à 25 % à ceux de
l’usine slovaque de Stellantis et de
30 % par rapport à celle de Renault
Douai », souligne la société de
consulting C-Ways.
MG, le plus offensif, a dépassé ses
objectifs l’an dernier avec 34 440 im-
42  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
Mobilité verte
mondial des voitures électriques,
Montée en puissance démarre son offensive sur le Vieux
Exportation de voitures par la Chine (en millions) Continent avec une multitude de
4 lancements. Suivi de Geely, à la fois
sous sa propre marque et avec Vol-
Electriques
vo, qui lui appartient.
3 Hybrides
Thermiques
« Dix ans d’avance »
2 Au total, la Chine fabrique deux fois
plus de véhicules que l’Union euro-
péenne, 1,6 fois plus que les Etats-
1 Unis. Le pays a « dix ans d’avance »
dans l’électrique, estime Luc Chatel,
0
SOURCE : REXECODE. président de la Plateforme automo-
2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 bile (PFA). Il a assemblé près de
6,5 millions de véhicules zéro émis-
sion en 2023. Et Pékin contrôle la
matriculations en France, soit pra- Avec des coûts filière, notamment « 75 % de la
tiquement les scores de Nissan ou de production chaîne de production mondiale des
Skoda. Il mise beaucoup sur la nou- 20 % à 30 % batteries », selon PFA. Celles-ci re-
inférieurs à ceux
velle citadine hybride MG3, qui arri- des usines présentent 35 à 40 % de la valeur
vera en juin à 20 000 euros. Contre européennes, ajoutée d’une voiture. Et « il y a six
23 800 pour une Renault Clio E- les marques chinois dans les dix premiers fa-
Tech comparable, mais avec 50 che- chinoises bricants de batteries », pointe Pa-
vaux de moins. Derrière cet ambi- carburent trick Koller, directeur général de
u
à l’export.
tieux challenger, BYD, champion Forvia. Alain-Gabriel Verdevoye
 Entreprise mobilité verte

Les voitures occidentales au déi

Les SUV
familiaux TESLA MODEL Y
Prix : 42 990 euros.
Tesla Model Y contre Bonus : 4 000 euros.
Autonomie : 455 km
BYD Seal U (cycle WLTP).
Si BYD est le plus important
constructeur mondial de
voitures électriques, Tesla
domine au classement par
véhicule, avec le Model Y.
Celui-ci cumule les avantages :
autonomie généreuse grâce
à une faible consommation,
habitabilité géante, excellente
tenue de route… Surtout,
il profite du réseau de
Superchargers de la marque,
fiable et développé. Revers de
la médaille : une suspension
ferme. Bien présenté, le BYD
Seal U met justement son
confort en avant. Mais pour
le reste, il ne se distingue BYD SEAL U COMFORT
pas de la moyenne. Il souffre Prix : 41 990 euros.
de deux défauts majeurs : Bonus/malus : neutre.
une charge trop lente… et Autonomie : 420 km
l’absence de bonus. Le (cycle WLTP).
Model Y, fabriqué dans l’usine
Tesla de Berlin flambant
neuve, en profite. L’hésitation
n’est guère permise en faveur
de l'américaine…

DACIA SPRING
Les citadines
EXTREME 65 CH Dacia Spring contre
Prix : 19 990 euros.
Bonus/malus : neutre. Leapmotor T03
Autonomie : 220 km Voilà les deux voitures électriques les
(cycle WLTP). moins chères du marché. Profondément
restylée (à l’intérieur comme à
l’extérieur), la Dacia Spring gagne enfin
du charme. Mais les pneus médiocres
rendent la tenue de route aléatoire et
l’autonomie, associée à une charge
Photos : Sdp

lente, ne permet que de petits trajets.

Malgré une batterie plus grosse, la
Leapmotor T03 ne va guère plus loin :
elle consomme beaucoup. Mignonne,
elle excelle toutefois par son confort et
sa tenue de route. Mais elle refuse
parfois inexplicablement la charge sur
LEAPMOTOR T03 les bornes publiques et il faut faire
Prix : 25 990 euros. confiance à cette petite marque
Bonus/malus : neutre. inconnue. Ces deux autos fabriquées
Autonomie : 280 km en Chine vont souffrir à l’arrivée de la
(cycle WLTP). Citroën ë-C3, plus aboutie avec un tarif
voisin. Et éligible au bonus ! u
 Entreprise

RENAULT MEGANE
Les berlines E-TECH EQUILIBRE,
AUTONOMIE CONFORT
compactes Prix : 38 000 euros.
Bonus : 4 000 euros.
MG4 contre Autonomie : 454 km
Renault Megane E-Tech (cycle WLTP).

Arrivé sur la pointe des pieds

en 2020, MG dispose
aujourd’hui d’un réseau
de concessionnaires dense
et d’une gamme complète. La
vedette du constructeur d'origine
britannique devenu chinois est la
MG4. Conçue pour l’Europe, elle
se distingue par un style original,
un habitacle spacieux et une
charge très rapide. La Renault
Megane, sa rivale directe, offre
un confort et une tenue de route
supérieurs, alors que sa finition
MG4 COMFORT
est plus soignée. Mais la
Prix : 33 990 euros.
française, d’une autonomie
Bonus/malus : neutre.
identique à la chinoise, charge
Autonomie : 450 km (cycle
bien trop lentement et coûte
WLTP).
encore un peu cher malgré des
efforts. Car depuis la perte du
bonus, MG consent des remises
importantes, ce qui maintient
l’écart à l’avantage de la MG4,

Photos : Sdp
décidément redoutable.

Les SUV
compacts
CITROËN C5
AIRCROSS
hybrides
225 CH C SERIES rechargeables
Prix : 53 200 euros. Citroën C5
Bonus/malus : neutre.
Emissions CO2 : Aircross 225 contre
28 g/km. Lynk & Co 01
Consommation :
1,4 l/100 km.
Se présentant comme le
Autonomie
« Netflix de l’automobile »,
électrique : 64 km.
Lynk & Co mise sur une
formule de location sans
engagement. Mais il est aussi
possible d’acheter son 01,
Adrien Cortesi

techniquement proche du Volvo

Sdp

XC 40, autre marque du groupe

Geely. La grosse batterie
permet une belle autonomie et
l’équipement est pléthorique.
Très convaincant, il ne souffre
que d’un écran lent et d’une
suspension trépidante. Son
LYNK & CO 01
rival le Citroën C5 Aircross offre
Prix : 44 500 euros.
un confort exceptionnel, mais il
Bonus/malus : neutre.
vaut presque 10 000 euros de
Emissions CO2 :
plus à équipement équivalent.
28 g/km.
Attention, une fois la batterie
Consommation :
vide, la consommation dépasse
1 l/100 km.
les 8 litres au 100 km dans
Autonomie
les deux cas. Les gros rouleurs
électrique : 75 km.
seront plus inspirés de choisir
un diesel… qui existe chez
Citroën mais pas chez Lynk.
Entreprise
Les études d’impact écologique
manquent d’impact
En théorie, toutes les procédures visant le « zéro perte nette » de biodiversité
des grands projets d’aménagement du territoire ont été mises en place. Dans
la réalité, elles sont mal appliquées et leur eficacité est largement contestée.
ans la forêt amazonienne
D de l’Ouest guyanais, deux
centrales photovoltaï-
ques se feront bientôt
face, à quelques encablures du vil-
lage amérindien de Prospérité. D’un
côté, le très contesté projet Ceog,
porté par Hydrogène de France.
Aujourd’hui en chantier, il est accu-
sé d’endommager lourdement la bio-
diversité. De l’autre, le projet de Vol-
talia fait moins de vagues. Dans les
deux cas, une autorisation environ-
nementale a été délivrée. Mais pour
Voltalia, des dizaines d’espèces sen-
sibles ont été identifiées (milan à
long bec, lézard coureur galonné…),
nécessitant une dérogation spéci-
ique. Le projet de Ceog, lui, n’en a
pas eu besoin. Est-ce à dire que les
animaux protégés ne traversent pas
la route qui sépare les deux cen-
trales ? Peu probable pour les écolo-
gues. Pression du porteur de projet,
pouvoir du préfet… Un exemple qui
pose la question du rôle de l’exper-
tise et des failles d’un système censé
préserver la biodiversité.
Financement du porteur
Depuis plus de quarante ans, les
aménageurs doivent rendre compte
des conséquences de leurs pro-
jets sur l’environnement via une
étude d’impact. Des centaines de
pages d’inventaire, d’analyses et
de cartes qui servent à l’adminis-
tration pour autoriser ou non un
chantier. L’objectif : « zéro perte
nette » de biodiversité, alors qu’elle
s’effondre partout. En France, 17 %
des espèces sont déjà menacées ou
éteintes. Cette expertise est réalisée
par des écologues, des scientiiques
qui identiient l’impact des activités
humaines sur la nature, employés
48  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
par des bureaux d’études. Grâce
à eux, « il y a eu de vrais progrès
dans la prise en compte de la bio-
diversité par une partie des por-
teurs de projets », salue Laurent
Michel, président de l’Autorité envi-
ronnementale (AE). La Poste, par
exemple, a revu les plans de sa pla-
teforme de colis à Cadaujac, en Nou-
velle-Aquitaine, inaugurée in 2023.
D’abord prévues sur une parcelle
naturelle avec un boisement ancien
de 7,5 hectares, les études ont con-
vaincu le groupe de changer de site.
Ces études sont toujours à la charge
des porteurs de projets. Au risque
de jeter un doute sur l’indépen-
dance de l’expertise. Un argument
souvent soulevé par les oppo-
sants. Comme pour les bassines de
Sainte-Soline (Nouvelle-Aquitaine)
ou le parc photovoltaïque de Cruis
(Paca). Dans les deux cas, des
contre-expertises ont souligné la
présence d’espèces protégées sous-
estimées dans les études initiales
des aménageurs.
Même mécanique dans le cas de
la très polémique autoroute A69.
L’étude d’impact a coûté 900 000 eu-
ros, mais elle est là aussi pointée
du doigt. Le projet va artiicialiser
300 hectares : des terres agricoles,
des zones humides, des bosquets…
Au total, 162 espèces sensibles
voire protégées seront endomma-
gées, mais compensées, promet
le concessionnaire Atosca. L’AE
a été la première à prononcer des
réserves dès 2016. L’Ofice français
de la biodiversité a, lui, regretté en
juillet 2022 « une démarche d’éva-
luation environnementale incom-
plète ». En cause : des analyses
trop peu poussées sur les sols et les
papillons, ou des mesures insufi-
santes pour lutter contre la mortali-
té des oiseaux et chauves-souris. En
septembre 2022, le Conseil national
de protection de la nature a considé-
ré que le dossier ne permettait pas
de garantir le « zéro perte nette ».
Consultatif, il n’a pas été suivi par
les préfets, et les travaux ont été
autorisés en mars 2023.
Soupçons de pression
Pour Atosca, toutefois, ces critiques
sont dépassées. « C’est une ques-
LE VIVANT tion de phasage. Nous avons pris
EN DANGER en compte ces avis pour nous amé-
liorer depuis », assure son directeur
17 % général, Martial Gerlinger. Pour la
des espèces
sont menacées députée EELV Christine Arrighi,
ou éteintes rapporteuse d’une commission
en France. d’enquête sur l’A69 lancée le 16 jan-
vier, « si le projet évolue encore,
50,5 % c’est que l’étude a été mal faite dès
des avis rendus
par le Conseil le départ ». L’élue compte « mettre
national de la en lumière une éventuelle inluence
protection de la sur l’expertise ».
nature (CNPN) L’étude peut aussi être inluencée
sont favorables. par le budget du porteur de projet.
60 % « Libre après à chaque bureau d’ac-
des mesures cepter ou pas », considère Florent
de compensation Skarniak, l’un des dirigeants de
se font sur des Naturalia. Mais la concurrence est
écosystèmes rude sur ce marché de 2,5 milliards
déjà en bon état. d’euros. Les devis peuvent varier de
SOURCES : MUSÉUM
NATIONAL D’HISTOIRE 30 à 40 %. Or une étude moins chère
NATURELLE, CNPN.
signiie moins de temps de terrain et
donc moins de chances de repérer
les espèces. « Les nouveaux en-
trants généralistes cassent les prix,
le génie écologique discount, ça
n’existe pas », souffle Alison Pa-
quette, déléguée générale de l’Union
professionnelle du génie écologique
(UPGE). Or les bureaux d’études
qui se lancent sur ce segment n’ont
besoin d’aucun agrément justiiant
d’un niveau d’exigence minimale.
 Pire, certains porteurs de projets
tenteraient d’amoindrir les conclu-
sions. « On m’a déjà demandé de
retirer une espèce d’un rapport
pour ne pas contrarier un client »,
témoigne un écologue. Atosca se
défend de toute interférence. « Je ne
vois pas de problème de conlit d’in-
térêts. Il est normal que l’étude soit
à notre charge, nous sommes res-
ponsables de ce qui est écrit dans le
dossier », souligne Martial Gerlin-
ger. Du côté des bureaux, l’UPGE
s’offusque des témoignages de su-
bordination. « Notre valeur ajoutée,
c’est notre réputation », conirme
Frédéric Melki, cofondateur de Bio-
tope, qui reconnaît rencontrer « par-
fois des problèmes avec des clients
qui veulent modiier [les] conclu-
sions. Dans ce cas, nous ne signons
pas le rapport. » Finalement, tout
dépend donc de l’éthique de chacun.
Certiication envisagée
Gabalda/MaxPPP
Beaucoup renvoient alors la balle
aux services de l’Etat. Sauf que leur
personnel est exsangue. « On sait
que cette pression des aménageurs
existe, mais ce n’est pas toujours
possible de repérer quand il y a eu
un assouplissement. On n’a pas les
moyens d’aller sur le terrain »,
raconte Jean-Luc Girard, représen-
tant SNE-FSU.
Quand un dossier passe entre les
mailles du ilet, il retombe alors par-
fois sur le juge. Ce fut le cas pour
les sept éoliennes de Lunas (Occi-
tanie), dont la justice a ordonné
le démontage en décembre 2023.
La société Energie Renouvelable
du Languedoc (qui s’est pourvue
en cassation) avait vu son permis
déinitivement annulé en 2017 en
raison des insufisances de l’étude
d’impact, alors que les éoliennes
étaient sorties de terre en 2016.
Or le mâle d’un couple d’aigles
royaux (protégés) a été tué par une
pale en janvier 2023, ainsi que plus
de 1 000 autres oiseaux.
Un sujet technique mais aussi très
politique que le gouvernement a
commencé à toucher du doigt.
La loi d’accélération des énergies
Manifestation renouvelables prévoit une expé-
contre le projet rimentation de certiication des
de l’A69, à bureaux d’études. De quoi séparer
Toulouse, en
décembre 2023.
le bon grain de l’ivraie ? Les amé-
Les réserves nageurs y sont plutôt favorables,
émises par mais jugent le système déjà sufi-
plusieurs samment contraignant.
organismes
oficiels n’ont Compensations coûteuses
pas entravé
la mise en route
Reste la question des mesures de
du chantier. compensation, qui coûtent cher.
Ces avis juste En 2021, GRTgaz a notamment
« consultatifs » été condamné à 500 000 euros
sont une des d’amende pour ne pas avoir replanté
brèches les arbres coupés pour son gazoduc
du système.
Arc de Dierrey dans l’Est. Or, même
quand ces mesures sont mises en
œuvre, le gain écologique n’est pas
certain. Brian Padilla, chercheur au
Muséum national d’histoire natu-
relle, a fait le calcul : 60 % des com-
pensations se font sur des espaces
naturels déjà en bon état. La restau-
ration de la nature sera pourtant
essentielle si la France veut arriver
à zéro artiicialisation nette en 2050
et inverser la tendance pour la bio-
diversité. Agathe Beaujon
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  49
 Entreprise

Le marché de la dépollution
spatiale décolle
Entre start-up et industriels, une multitude d’initiatives privées voient le jour
pour cartographier les débris existants ou nettoyer l’atmosphère. Reste
le problème du inancement : par les Etats… ou les opérateurs de satellites ?
omment éviter que les Avec le risque du syndrome de conscience du problème de conges-

C abords de la planète Terre

se transforment en gigan-
tesque décharge ? L’irrup-
tion des acteurs privés du New
Space et le déploiement des constel-
lations géantes d’Internet encom-
brent de plus en plus l’orbite basse,
allant jusqu’à 2 000 kilomètres d’alti-
tude. SpaceX, fondé par Elon Musk,
compte déjà plus de 5 000 satellites
en orbite et veut en déployer au
total 42 000 pour sa constellation
Starlink. L’accélération est spec-
taculaire, alimentant le business,
aujourd’hui en gestation, du traite-
ment de ces déchets.
Depuis le début de la conquête spa-
tiale en 1957, plus de 15 000 satel-
lites ont été lancés depuis la Terre.
Un nombre non négligeable a été
mis en morceaux par des petits
corps venus de l’espace. Résultat,
plus de 900 000 objets d’un centi-
mètre ou plus et 128 millions d’au
moins un millimètre lottent dans
les orbites basses, selon le Centre
national d’études spatiales (Cnes).
Des dégâts lumineux pour les astronomes
Kessler, un scénario de collisions en
chaîne. La station spatiale interna-
tionale a ainsi réalisé 32 manœuvres
d’évitement des débris spatiaux
entre 1998 et 2022.
Démocratisation du secteur
La communauté internationale se
mobilise lentement pour rendre les
futurs satellites plus durables. Mais
maintenir l’espace propre ne sufit
plus. « Même si on ne lançait plus
rien dans l’espace, les débris conti-
nueraient à croître, la zone est
pourrie », résume Christophe
Bonnal, ingénieur à MaiaSpace,
iliale d’ArianeGroup. Les acteurs
du Space Situational Awareness
(SSA) pensent avoir trouvé la pa-
rade. Le principe : cartographier les
satellites et les gravats spatiaux
pour prévenir les collisions. Jusqu’à
présent réservé aux institutions
publiques, le segment s’est ouvert
aux entrepreneurs du New Space
en 2009. « Avec la démocratisation
du spatial, il y a eu une prise de
UN CIEL
ENCOMBRÉ
1957
tion et une irruption du privé »,
explique Pierre Omaly, spécialiste
des débris spatiaux au Cnes. Une
trentaine d’acteurs proposent ce
service, comme Aldoria et Look Up
Mise en orbite Space en France ou LeoLab aux
du premier Etats-Unis. Le marché reste émer-
satellite artiiciel, gent. Créée en 2017, la start-up
Spounik 1. Aldoria compte par exemple une
+ de 15 000 vingtaine de clients privés et pu-
astronefs ont été blics. « Aujourd’hui, les Etats con-
lancés depuis. tribuent beaucoup à la structura-
Près de tion du marché, mais à terme ceux
130 millions qui polluent le plus devront payer
d’objets
d’au moins plus », explique Romain Lucken,
1 millimètre son fondateur. Le segment com-
lottent dans les mence à aiguiser l’appétit des inves-
basses orbites. tisseurs. Comme Charles Beigbe-
32 der, qui a parié sur Aldoria et Look
manœuvres Up Space avec son fonds de capital-
d'évitement risque Expansion. « On ne peut pas
effectuées entre éviter que ces débris existent, mais
1998 et 2022.
essayons de les cartographier pré-
SOURCE : CHALLENGES.
cisément pour anticiper et éviter
les collisions », afirme-t-il.
Premier enlèvement en 2026
Une autre solution émerge, celle du
retrait actif de débris. Sorte de
camion poubelle de l’espace, la mé-
thode consiste à retirer les débris

L
e fléau grandit
à la vitesse du
déploiement de
nouvelles constellations.
Les satellites laissent
de longues traînées sur
les images astronomiques,
les rendant inutilisables.
Un phénomène dramatique
pour les astronomes,
privés à certaines heures
AFP
satellites de sa méga
constellation Starlink en noir
pour moins réfléchir l’éclat
du soleil vers le sol. La
solution permet, certes, de
réduire le nombre de déchets
spatiaux visibles à l’œil nu.
Mais elle ne répond pas au
problème des photographies
altérées par les intrus. Sans
compter que « les satellites
dangereux à l’aide d’un tir laser,
d’un harpon ou ilet, ou d’un bras
robotique. Les acteurs se comptent
encore sur les doigts des mains sur
ce segment. Certains travaillent sur
des solutions de on-orbit servicing
(maintenance en orbite). Le prin-
cipe : envoyer une dépanneuse ro-
botisée dans l’espace pour réparer,

repositionner, ravitailler en carbu-

de l’observation des
Vision de nuit de satellites
astres et de la détection
SpaceX depuis les Pays-Bas.
d’événements
Une pollution lumineuse qui
astrophysiques. Réponse
gêne l’observation des astres.
d’Elon Musk : peindre les
peints en noir emmagasinent
la chaleur et peuvent ainsi
se transformer en débris
plus rapidement », prévient
Pierre Omaly, du Cnes. •
rant les satellites en in de vie, tout
en retirant les débris. La société
suisse ClearSpace prépare une pre-
mière mission d’enlèvement d’un
débris spatial en orbite pour 2026.

50  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

Mark Garlik/SPB/AFP
Elle a été mandatée par l’Agence
spatiale européenne pour un coût
total de 100 millions d’euros. De son
côté, l’entreprise japonaise Astro-
scale vient de lancer le 18 février
une sonde visant à examiner les
restes d’une fusée nippone lottant
dans l’espace depuis quinze ans. En
France, les fondateurs de Dark, créé
en 2021, travaillent sur une techno-
logie permettant de retirer les débris
spatiaux de l’orbite basse en moins
de 24 heures.
Mais sur ce marché balbutiant, in-
vestisseurs et clients ne se bous-
culent pas. « Ce n’est pas une mau-
vaise idée en soi, mais il reste
encore beaucoup de choses à inven-
ter, aussi bien sur la technologie
qu’en termes de business model »,
admet Charles Beigbeder. Clyde
Laheyne, cofondateur de Dark,
résume : « Nos entreprises essaient
de résoudre un problème auquel
personne ne s’intéresse avec des
technologies qui n’existent pas en-
core. » Une poignée d’industriels
– MaiaSpace, Thales, Airbus,
Northrop Grumman aux Etats-
Unis – se sont eux aussi positionnés
sur ce créneau. Thales Alenia Space
a reçu des fonds de l’Union euro-
péenne pour concevoir un engin qui
s’envolera en 2026. « Nous ne trou-
vons pas de client privé tant que la
technologie n’est pas inie et ne pou-
vons pas développer de produit
sans clients », résume Stéphanie
Behar-Lafenêtre, cheffe du projet.
Vide juridique
Le inancement par les institutions
pose toutefois question. « Est-ce
vraiment au contribuable de
payer ? N’est-ce pas plutôt aux opé-
rateurs de satellites qui polluent ? »,
alerte Claire Elss, fondatrice de
l’ONG Cosmos for Humanity. Ces
opérations qui coûtent entre 10 et
20 millions d’euros par mission pré-
sentent peu d’intérêt inancier pour
les opérateurs de satellites. « Il n’y
a pas encore de marché commer-
cial », explique Christophe Bonnal,
de MaiaSpace. A terme, le recyclage
des débris pourrait attirer le privé.
Encore faut-il connaître la valeur
d’un déchet spatial.
Vue d’artiste d’un Le législateur joue un rôle clé. « Une
vaisseau spatial loi contraignant par exemple à net-
sans pilote toyer ses débris sous trois ans pour-
utilisant un ilet
pour attraper et
rait créer un business », imagine
retirer les débris Pierre Omaly, au Cnes. Depuis les
spatiaux de années 2000, des recommandations
l’orbite terrestre. internationales poussent les
Mandatée par constructeurs à prévoir la in de vie
l’Agence spatiale des satellites. Mais seule la France a
européenne,
ClearSpace
inscrit l’obligation dans sa loi.
prépare une Partout ailleurs, c’est le vide juridi-
première mission que. L’autorité de régulation des
de nettoyage. télécoms se pose en lanceur d’alerte.
« En tant qu’acteur qui attribue des
fréquences en orbite basse, nous
appelons à une loi internationale
qui obligerait les lanceurs à gérer
les débris des satellites qu’ils en-
voient », martèle Laure de La Rau-
dière, présidente de l’Arcep. Claire
Elss plaide pour la création d’un la-
bel remis par les citoyens aux opéra-
teurs selon leur empreinte carbone.
Pour sensibiliser les Français, le
Cnes vient de lancer Les Sentinelles
de l’espace, un jeu sur les débris
spatiaux pour smartphone. Un jalon
de plus sur le long chemin du net-
toyage de l’espace. Alix Coutures
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  51
Santé & sciences
Un mur entièrement assemblé
par une tractopelle autonome
Avec un algorithme développé en Suisse, une excavatrice
a pu ériger une construction sans intervention humaine.
uelque 6 mètres de haut et
Q 65 de long, ce sont les di-
mensions d’un mur qu’une
excavatrice autonome a pu
ériger sans aucune intervention hu-
maine. L’engin, une pelle araignée de
Les démangeaisons sont dues
à une protéine bactérienne
Ce n’est pas l’inlammation qui provoque l’envie
de se gratter dans les maladies de la peau.
i les maladies inlammatoires
S de la peau comme le psoriasis
ou la dermatite atopique dé-
mangent, ce n’est pas à cause de
l’inlammation, contrairement à ce
que pensaient les scientifiques
jusque-là. La responsable de cet ir-
résistible besoin de se gratter est
une protéine produite par la bacté-
rie Staphylococcus aureus, proitant
d’un déséquilibre du microbiote de
la peau. C’est ce que montrent de
52  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
12 tonnes, a été équipé d’un algo-
rithme programmé par des cher-
cheurs en robotique de l’Ecole poly-
technique fédérale de Zurich, en
Suisse. A l’aide d’un capteur de géo-
localisation et navigation par sys-
nouveaux travaux de l’université
Harvard publiés dans la revue Cell.
Les chercheurs ont découvert que
la protéine V8 fabriquée par cette
bactérie très commune interagit
avec un récepteur cellulaire de la
peau. Une découverte inattendue
puisque les démangeaisons étaient
jusqu’alors attribuées à l’inlam-
mation préexistante de la peau,
elle-même aggravée par le grattage.
Mais c’est peut-être une bonne nou-
Carte 3D du chantier. Equipé
de capteurs, l’engin peut localiser
les blocs, puis les manipuler
pour exécuter le plan.
tème de satellites (GNSS) et d’une
technologie de télédétection par la-
ser (LiDAR) embarqués dans la ca-
bine, la machine s’est révélée ca-
pable de dessiner de manière
autonome une carte 3D du chantier
et de localiser les blocs de construc-
tion et les pierres existants pour bâ-
tir l’édifice. Et, pour que celui-ci
tienne bien debout, le système per-
met d’enregistrer le poids de chaque
bloc et d’identiier son centre de gra-
vité. Dans le même temps, l’algo-
rithme détermine la meilleure posi-
tion pour chaque pierre avant que
l’excavatrice ne la dépose au centi-
mètre près en suivant le plan de
construction 3D.
L’engin autonome présenté dans la
revue Science Robotics est moins
rapide que des excavateurs humains
expérimentés, précisent les cher-
cheurs. Il fallait en moyenne 21 mi-
nutes à la machine pour la pose d’un
bloc d’environ une tonne, contre
11 minutes pour des opérateurs hu-
mains. Toutefois, pour les experts
en robotique, cette perte de temps
est compensée par la capacité du
système à exploiter des ressources
in situ dans des endroits isolés, de
façon à réduire les émissions car-
ETH Zurich
bone par rapport aux pratiques de
construction courantes. •
Phanie
Patient souffrant velle ! Car il existe justement un
de psoriasis. traitement, le vorapaxar, capable
Un traitement de bloquer le récepteur cellulaire
pourrait bloquer
le récepteur
impliqué. Reste à le tester dans cette
cellulaire indication, puisqu’il est à l’origine
impliqué. développé contre la formation de
caillots sanguins dans les veines. •
Puces électroniques

B. Delessard/Challenges
en neurones humains
La veille de
GILLES FONTAINE
Rédacteur en chef à Challenges

Jamais l’homme n’acceptera

H. Cai

de se transformer en smartphone
Une équipe américaine a montré ’était l’une des principales
qu’il est possible d’utiliser des
cellules cérébrales humaines comme
C attractions du dernier Salon

© Kelsey McClellan/The New York Times-Redux-Réa

composants électroniques. mondial du mobile (MWC), qui
Les chercheurs ont en effet réussi s’est tenu in février à Barcelone.
à connecter des organoïdes Une invention qui signe la in du
cérébraux, petits amas de neurones smartphone tel que nous le connaissons.
cultivés en laboratoire, à de Plus précisément, son invisibilisation. Le
l’électronique classique pour y
Humane Ai Pin est un petit boîtier, de la
envoyer un signal d’entrée et en
récupérer un signal de sortie. taille d’une boîte d’allumettes, qui permet
de téléphoner, de communiquer par mail
ou SMS, de projeter des vidéos dans la
Le dernier repas paume de la main. Fini, l’encombrant
d’un tyrannosaure bidule, lourd et fragile. Le petit machin
Interface Humane Ai Pin. Accroché à la veste,
s’accroche au revers de la veste et devient un petit boîtier permet de téléphoner,
une sorte de prolongement de nous-même. d’envoyer un mail, de projeter des vidéos…
La proposition est séduisante, mais
probablement trompeuse. nous propose peut-être la solution
Ce n’est pas la première fois que le monde préhistorique d’une technologie de réalité
des télécoms nous promet ces nouveaux augmentée qui s’imposera à nous dans le
appareillages que l’on porterait sur soi, futur. Quant à l’idée des semi-conducteurs
mine de rien, sans en avoir l’air. C’est greffés sous la peau, elle fait son chemin
le grand fantasme des spécialistes des depuis quelques décennies déjà, et c’est
interfaces homme-machine. Des lentilles bien le problème. A la in du siècle dernier,
de contact produisant une réalité virtuelle, Kevin Warwick, professeur en
Sipa

des puces sous-cutanées servant de clé cybernétique à l’université de Coventry,

Le fossile d’un jeune tyrannosaure
digitale ou de portefeuille électronique, au Royaume-Uni, a commencé à s’injecter
découvert au Canada (photo) a
permis d’identiier pour la première un dispositif de connexion miniaturisé des puces électroniques lui permettant,
fois les restes de ses derniers repas. reliant directement le cerveau au réseau par exemple, d’allumer des lumières à
En l’occurrence, il s’agissait de mondial… Les délires transhumanistes distance. Il a depuis continué à s’inoculer
Citipes elegans, des petits carnivores ne servent pas uniquement de source tout un tas de capteurs et électrodes.
ressemblant à des oiseaux. d’inspiration aux scénaristes de ilms A la même époque, Nokia, alors leader
d’anticipation. Ils constituent aussi incontesté du téléphone mobile,
Le Japon abrite le plus la base de travaux très sérieux dans s’intéressait de près aux mondes
grand réacteur à fusion les laboratoires de R&D de l’industrie underground des amateurs de piercing.
des télécoms et au-delà. Histoire de comprendre ce qui poussait
Mesurant 15,5 mètres de haut et
13,5 mètres de large pour une masse Le smartphone est devenu une commodité, des individus à accepter de se laisser
de 2 600 tonnes, le tokamak JT-60SA un accessoire de moins en moins greffer des corps étrangers. Sari Baldauf,
est désormais le plus grand réacteur différenciant. Le marché mondial est présidente de Nokia aujourd’hui, en charge
expérimental à fusion nucléaire au en repli, tandis que celui des appareils de son développement international
monde. Il a été inauguré à l’Institut reconditionnés explose. Il faut donc se à la in des années 1990, rêvait, a minima,
de fusion de Naka, au Japon, après
réinventer. Et toutes les propositions sont de bagues et de boucles d’oreilles
une dizaine d’années de travaux
pour un coût dépassant 600 millions les bienvenues. Le 28 janvier dernier, communicantes. Un quart de siècle
de dollars. Neuralink, la société cofondée par Elon plus tard, l’industrie en est toujours à peu
Musk, a posé son premier implant cérébral près au même point, cherchant comment
sur un patient, préigurant ce que pourrait fusionner l’homme et la machine.
Rubrique réalisée être une interface homme-machine du Bonne nouvelle, l’homme semble faire
avec la rédaction de futur. Avec son casque Vision Pro, Apple de la résistance. Ainsi va la vie.•
sciencesetavenir.fr

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  53

En couverture

Le pouvoir
des femmes
Politique, économie, culture… Quel que soit leur
domaine d’activité, des femmes accèdent aux postes
de commande, montrant à la génération montante
que tout est possible. Mais l’égalité des genres est
encore loin d’être atteinte. Le combat se poursuit.
Par Anne-Marie Rocco

L’héroïne du poster « We
Can Do It » placardée dans
les usines américaines
durant la Seconde Guerre
mondiale. Quatre-vingts
ans plus tard, la lutte
pour l’émancipation
des femmes gravit les
échelons supérieurs.

AFP photo/US National Archives

54  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 hristine Lagarde
Les plus puissantes

C
pourrait-elle être
candidate pour
affronter Marine
Le Pen à la prési-
dentielle 2027 ?
La présidente de
la Banque cen-
trale européenne (BCE) a vite éva-
cué cette question lors de son inter-
view sur France 2, le 11 janvier. Une
telle candidature constituerait pour-
tant le point d’orgue d’une carrière
hors du commun pour l’ancienne URSULA VON DER LEYEN CHRISTINE LAGARDE KAMALA HARRIS GIORGIA MELONI
avocate d’affaires, entrée en poli-
tique au tournant des années 2000, Présidente de la Présidente de la Banque Ancienne sénatrice Présidente du Conseil
propulsée à la tête du Fonds moné- Commission européenne, centrale européenne, de Californie, vice- des ministres d’Italie
mère de sept enfants, ex-directrice générale présidente des depuis octobre 2022,
taire international (FMI) après l’af- candidate à sa du Fonds monétaire Etats-Unis. En fonction présidente du parti
faire Strauss-Kahn, et qui n’a cessé succession. international. depuis janvier 2021. Fratelli d’Italia.
d’encourager les autres femmes à
avoir de l’ambition. Une role model
qui ouvre des portes et montre la Les plus riches
voie à ses semblables.
Aujourd’hui, même si elles restent
minoritaires, les femmes de pouvoir
ne sont plus l’exception qui
conirme la règle, comme du temps
de la Sri Lankaise Sirimavo Banda-
ranaike, première femme élue dé-
mocratiquement à la tête d’un Etat
(en 1960), ou d’Indira Gandhi en
C. Licoppe/EU - Kien Hoang Le/Lemrich/European Central Bank - M. Brochstein/Zuma/Réa - L. Rampelotto/Zuma/Réa - F. Mori/AP/Sipa - G. Bell/Rex/

Inde, la deuxième (en 1966). En juin

prochain, les Mexicains seront ainsi
Shutterstock/Sipa - B. Gabbe/Getty Images/AFP - J. Carstensen/DPA/AFP - Ed Alcock/MYOP - E. Ducos - J.Saget/AFP - O. Borde/Bestimage

invités à choisir entre deux candi-

dates lors de leur élection présiden-
tielle, une première mondiale : l’ex-
maire de Mexico et grande favorite
Claudia Sheinbaum, désignée par le
parti de gauche Morena actuelle-
ment au pouvoir, et l’opposante de
droite Xochitl Galvez, du Parti ac-
tion nationale. Un symbole fort pour
ce pays au sexisme très ancré qui
connaît plus de 3 000 féminicides
par an. Peut-être même une révolu-
tion si la future élue s’empare avec
vigueur des inégalités de genre.
FRANÇOISE
BETTENCOURT MEYERS
La femme la plus riche
du monde (100 milliards
de dollars) bénéicie des
performances de L’Oréal,
dont elle est actionnaire.
Les coups de cœur
ALICE WALTON
Habitante de l’Arkansas,
grande philanthrope, elle
est l’héritière du géant de
la distribution Walmart.
Sa fortune dépasse
70 milliards de dollars.
JULIA KOCH MACKENZIE SCOTT
Fille de commerçants Cofondatrice d’Amazon
et veuve du magnat avec son ex-mari Jeff
du pétrole David Koch, Bezos, la quinquagénaire
elle est à la tête d’une californienne a empoché
fortune de plus de 35 milliards de dollars
60 milliards de dollars. lors de son divorce.

La théorie de Lagarde
Le volcan gronde depuis si long-
temps. Ce n’est certainement pas un
hasard si, en 2019, quand le Women’s
Forum (le « Davos des femmes »)
pose ses valises pour deux jours à
Mexico, Christine Lagarde accepte
VALÉRIE MASSON- BÉNÉDICTE WOLFROM LINDA KEBBAB FLAVIE MELENDEZ-
l’invitation de sa directrice, Chiara DELMOTTE RIGOLE
Corazza. Celle qui dirige alors le FMI La fondatrice de 20Ans A la tête du syndicat
n’est jamais avare de son temps La paléoclimatologue, 1Projet accompagne Unité SGP Police-FO, Agricultrice en Haute-
quand il s’agit de faire progresser la directrice de recherche des jeunes malades cette jeune femme a fait Savoie et inirmière
au CEA, est une cheville ou ex-malades dans beaucoup pour défendre urgentiste de formation,
cause de femmes. Cette fois, elle ouvrière du Giec (groupe leur vie d’études les forces de l’ordre. elle s’est distinguée
s’adresse à des participantes déjà d’experts sur le climat). ou professionnelle. Et changer leur image. durant la crise du Covid.
galvanisées par la présence de uuu SOURCES : FORBES, PRIX DE LA FEMME D’INFLUENCE.

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  55

En couverture
Des inégalités perçues davantage au travail
u Les femmes sont défavorisées sur… (% d’opinions positives, par sexe)
Femmes Hommes
Enquête réalisée du
… les salaires 87 21 au 29 février 2024
(à poste égal) 78 auprès d’un échantillon
de 2 008 personnes,
… les postes 85 dont 956 hommes et
1 052 femmes,
de direction 79 représentatif de la
population française
… les tâches 82 âgée de 18 ans et plus.
ménagères 74
… les 76
retraites 71
uuu
huit femmes à des postes clés tée Marie-Jo Zimmermann, première
dans le gouvernement de gauche à secouer le cocotier en France, en
constitué par le président Andrès réussissant à faire voter, le 20 jan-
Manuel Lopez Obrador. On se sou- vier 2011, une loi sur l’instauration
vient de sa théorie sur la crise inan- de quotas de femmes dans les
cière de 2008 : « Si Lehman Bro- conseils d’administration des
thers s’était appelé Lehman Sisters, grandes entreprises. Un texte sou-
le monde serait bien différent au- vent décrié pour son caractère éli-
jourd’hui », qui accrédite l’hypo- tiste, mais qui a fait boule de neige.
thèse d’un management féminin dif- Ancienne enseignante, la députée
férent, plus prudent que celui des (UMP) de la Moselle n’avait a priori
hommes. En ce jour de mai, la voilà pas le proil pour déclencher un tel
qui décline son plaidoyer pour une bouleversement. Mais elle a persé-
économie ouvertement féministe. véré en pensant à ses « anciennes
élèves », coniait-elle alors. Dix ans
Budget féminin plus tard, la loi portée par la dépu-
L’une des méthodes préconisées par tée (Renaissance) de l’Essonne Ma-
la directrice du FMI est le « gender rie-Pierre Rixain (lire page 58) ixe
budgeting », la prise en compte des de nouveaux objectifs de rééquili-
inégalités hommes-femmes dans brage entre les femmes et les
l’élaboration des budgets nationaux. hommes, avec cette fois des quotas
« Il ne sufit pas seulement de nom- qui concernent les instances diri-
mer une femme pour s’occuper de geantes des grandes entreprises.
cette question, il faut prendre des Surprise : son entrée en vigueur n’a
mesures pour favoriser les femmes quasiment pas fait de vagues.
dans le budget », explique-t-elle. A Car les dix années qui séparent les
ses yeux, il convient en particulier deux lois ont transformé le paysage.
de favoriser le travail des femmes Dans la foulée du Women’s Forum,
pour augmenter la richesse, de lutter créé dès 2005 par Aude de Thuin et
contre les violences dont elles sont une poignée de femmes d’inluence,
l’objet, mais aussi de promouvoir dont Anne Méaux (page 66), les ré-
celles qui ont les compétences re- seaux de femmes fleurissent, re-
quises, au besoin de façon contrai- groupant des professionnelles d’un
gnante. « Autant je détestais les même secteur, d’une même entre-
quotas quand j’étais jeune et jolie, prise, ou poursuivant un objectif
plaisante-t-elle, autant j’y suis favo- commun, qu’il soit politique, artis-
rable aujourd’hui. Il faut, pendant tique ou social. Les Premières, BNP
un certain temps, qu’il y ait des Paribas MixCity, les Audacieuses,
places réservées aux femmes. » Innov’Elles, Elues locales ou encore
Christine Lagarde n’a pas prêché HEC au féminin… Le premier guide
dans le désert. Sa voix a accompa- des réseaux, en 2007, en recense
gné les nombreuses femmes, cadres, déjà plus de 500 ! Le mouvement
dirigeantes, entrepreneuses, qui sou- #MeToo, à partir de 2017 en France,
dain découvraient les féministes donne un nouvel élan à cette exi-
sommeillant en elles. Telle la dépu- gence d’égalité.
56  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
C’est aussi l’âge d’or des palmarès
qui mettent en lumière les talents
féminins, tels le prix de la Femme
d’inluence lancé il y a dix ans par la
communicante Patricia Chapelotte,
ou le prix Les Margaret créé en 2012
LA LONGUE par Delphine Remy-Boutang pour
MARCHE DES
FRANÇAISES
distinguer les entrepreneuses du
numérique : tous deux ont révélé
1944
des femmes brillantes. Sans oublier
Obtention du droit
de vote. les prix L’Oréal-Unesco pour les
Femmes et la Science, qui encou-
1965
Réforme ragent le travail des chercheuses :
des régimes parmi les lauréates, sept ont ensuite
matrimoniaux. reçu un prix Nobel, dont les Fran-
Droit d’ouvrir çaises Anne L’Huillier en physique,
un compte en 2023, et Emmanuelle Charpen-
en banque et
d’exercer une
tier en chimie, en 2020.
profession sans
l’autorisation Le testament de Borne
maritale. Peu à peu, les femmes s’emparent
1967 des premières places, et plus per-
Loi Neuwirth : sonne ne s’étonne désormais de voir
libéralisation de Sophie Binet et Marylise Léon diri-
la contraception. ger les deux principaux syndicats
1972 français (page 60), ou se hisser telle
Première loi sur Marie-Anne Barbat-Layani à la tête
l’égalité salariale.
de l’Autorité des marchés inanciers
1975 (page 64). Sans parler du pied de
Loi Veil.
Légalisation nez aux majors de la musique de
de l’interruption Taylor Swift (page 68), qui pourrait
volontaire de faire basculer l’élection américaine.
grossesse. Cinéma, littérature, gastronomie,
1983 entrepreneuriat… Plus rien ne leur
Loi Roudy fait peur, même si certains secteurs
sur l’égalité font encore de la résistance : Chris-
professionnelle. tel Heydemann, directrice générale
2006 d’Orange, reste ainsi l’une des rares
Renforcement de femmes à la tête d’une entreprise du
la loi sur l’égalité
salariale. CAC 40 (page 62). Mais le mouve-
ment ne s’arrêtera plus.
2011
Loi Copé- Le 9 janvier, sur le perron de Mati-
Zimmermann gnon, Elisabeth Borne a rappelé
sur l’instauration qu’en prenant ses fonctions de Pre-
de quotas dans mière ministre, elle avait « adressé
les conseils un message à toutes les petites illes
d’administration. en leur disant d’aller au bout de
2021 leurs rêves ». En cédant la place à
Loi Rixain : Gabriel Attal, ce jour-là, elle a eu de
quotas dans
les instances nouveau une pensée pour elles.
dirigeantes. « Mon parcours démontre que,
2024 quelle que soit son histoire, tout est
Vote du Congrès possible », a déclaré la polytechni-
à Versailles cienne, ancienne pupille de la Na-
sur l’IVG. tion, en quittant ses fonctions.
Après un an et demi d’exercice du
pouvoir, elle a aussi adressé un mes-
sage de soutien « à toutes les
femmes », soulignant qu’« il reste
du chemin » à faire pour atteindre
l’égalité avec les hommes. Le com-
bat est loin d’être terminé. • u
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POLITIQUE En couverture

Marie-Pierre Rixain
phosphore pour la cause
Exclusif. La députée Renaissance crée le Cercle Louise Dupin. Un institut
de rélexion, inspiré d’une « philosophe des Lumières », qui doit trouver
de nouvelles pistes pour accroître la contribution des femmes à l’économie.

ela fait trois ans qu’elle y

C travaille. Députée (Renais-

sance) de l’Essonne, Ma-
rie-Pierre Rixain annonce
ce 7 mars, à la veille de la Journée
internationale des droits des
femmes, la création d’un institut de
rélexion dont les femmes seront le
sujet central, le Cercle Louise Du-
pin. Une voix différente dans l’uni-
vers des think tanks, « masculins à
plus de 80 % », souligne-t-elle. Ob-
jectif : développer « une nouvelle
approche » de la place des femmes
dans la société, en réunissant des
chercheurs, des acteurs publics et
des personnalités du secteur privé.
« Je ne veux pas partir de la ques-
tion de l’égalité entre les femmes et
les hommes, mais de la contribu-
tion des femmes à l’économie, qui
Bruno Levy pour Challenges

aujourd’hui n’est pas pensée »,

conie l’élue, ancienne présidente de
la délégation aux droits des femmes
de l’Assemblée nationale (de 2017
à 2022) et initiatrice de la loi du
24 décembre 2021 visant à accélérer
l’égalité économique et profession- Making of roman de Zola L’Argent [inspiré du
nelle. C’est cette loi Rixain qui a ins- Nous avons krach de 1867], son héroïne init
tauré des quotas dans les instances rencontré Marie- ruinée. »
Pierre Rixain
dirigeantes des grandes entreprises. le 1er février, dans
Dans un tel contexte, recourir à la
son bureau de la igure de Louise Dupin (1706-1799)
« Beauvoir avant l’heure » rue de Bourgogne prend tout son sens. Cette « Beau-
« Le premier thème que je compte (Paris VIIe), voir avant l’heure », comme l’ap-
mettre à l’étude est celui de à quelques pas pelle Marie-Pierre Rixain, tenait un
de l’Assemblée
l’épargne, annonce la députée de nationale (photo salon littéraire et scientiique fré-
l’Essonne, car le rapport à l’argent ci-dessus dans la quenté par Voltaire, Montesquieu,
est clé. Nous savons que les femmes Salle des Quatre- Marivaux ou encore Buffon, et Jean-
épargnent mais n’investissent pas. Colonnes). Jacques Rousseau a été son secré-
Elle a réservé
Ont-elles une aversion au risque à Challenges taire pendant six ans. Ce qui ne l’a
plus importante que les hommes ? » l’avant-première pas empêchée de tomber dans l’ou-
C’est l’une des questions à se poser, de ses annonces bli, dont l’a récemment tirée Frédé-
souligne-t-elle, rappelant que « la du 7 mars. ric Marty, professeur agrégé de
Renaissance s’est faite sans les lettres modernes, qui a publié
femmes, à qui l’on avait interdit en 2022 son ouvrage Des femmes
l’or et l’argent », et que la littérature (éd. Payot), jusqu’alors resté à l’état
ne les a pas mieux dotées. « Dans le de manuscrit.
« Alors que les 81 participants à
l’encyclopédie de Diderot étaient
des hommes, souligne la députée,
Louise Dupin a rédigé une véri-
table encyclopédie de la condition
féminine assortie d’un projet de
réforme pour restituer leurs droits
aux femmes. » Celle que Frédéric
Marty qualiie de « philosophe des
Lumières » prônait par exemple le
mariage à durée déterminée, la in
de la loi salique et le droit des en-
fants de porter le nom de leur mère.
La santé au cœur du débat
« Au xviiie siècle, le pouvoir intellec-
tuel se trouvait chez les philo-
sophes, considère Marie-Pierre
Rixain. Mais aujourd’hui c’est à
l’économie que nous accordons une

58  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

importance particulière. » Avec
son Cercle Louise Dupin, elle sou-
haite prolonger les Rencontres de
l’égalité économique et profession-
nelle qu’elle organise régulièrement
à l’Assemblée nationale. Les der-
nières portaient sur les enjeux de la
parité comme outil de performance ;
les prochaines, qui se tiendront in
mars, exploreront le domaine de la
santé des femmes.
« Nous devons tenter de comprendre
pourquoi les Femtech, qui mettent
la technologie au service de la santé
des femmes, sont bien moins déve-
loppées en France qu’aux Etats-
Unis », avance l’ancienne consul-
tante, experte du secteur. Marraine
de l’association Donner des Elles à
la santé, elle s’intéresse en particu-
lier à « la démographie des profes-
sionnelles de la santé et à leurs
conditions de travail ». Au pro-
gramme du Cercle Louise Dupin
devraient aussi igurer l’industrie, le
bâtiment, la iscalité, la démographie
– « dont la solution ne peut être une
politique nataliste » – ou encore
l’agriculture, « où 50 % des chefs
d’exploitation ont plus de 50 ans ».
Mettre le droit à l’épreuve
« Mon idée est de mettre à l’épreuve
notre droit, nos conventions so-
ciales, nos chercheurs, grâce à des
groupes de rélexion thématiques
que rejoindront ceux qui le sou-
haitent, et à des comparaisons à
l’échelle européenne », résume Ma-
rie-Pierre Rixain. Elle souhaite que
son think tank devienne une force
de proposition pour « une innova-
tion disruptive et à impact, avec
des objectifs chiffrés ». D’où l’im-
portance de la diversité d’origine
des participants, issus du public
comme du privé, car « des modèles,
comme le congé paternité, peuvent
être testés en entreprises ».
Marie-Pierre Rixain ne manque pas
d’ambition. « J’espère apporter
quelque chose de très nouveau,
peut-être découvrir une terra inco-
gnita, ce monde où les femmes et les
hommes travailleraient à égalité,
avance-t-elle. Comme Magellan, je
cherche un passage nouveau vers
cette terre qui nous est encore in-
connue. » Un monde qu’elle imagine
« probablement plus paciique » et
qui pourrait aussi « alléger la charge
qui pèse sur les hommes ». A.-M. R.
L’Etat résiste en haut
de la pyramide
Grâce aux lois Sauvadet et Guerini, les
ministères se féminisent à marche forcée. Mais
le chemin est long pour les postes supérieurs.
Mixité à deux vitesses
Hauts fonctionnaires (catégorie A+)
Femmes
43 %
Hommes
57 %
Ensemble des fonctionnaires
Femmes
63 %
Hommes
37 % SOURCE : DGAFP.
Q
uatre places. Quatre hommes.
Avec l’arrivée de Gabriel Attal
à Matignon, les quatre postes
les plus puissants de l’exécutif
républicain – président, Premier
ministre, secrétaire général de
l’Elysée et directeur de cabinet du
Premier ministre – sont occupés
par des hommes. Quant au
gouvernement, il apparaît en
trompe-l’œil. Si la parité est
respectée, avec 18 femmes
ministres pour 16 hommes, les
postes de directeur de cabinet, ces
« ministres bis » au cœur de tous
les arbitrages, restent trustés par
les hommes. Sur 34 ministères,
30 sont dirigés par des hommes. Et
dans les 13 ministères de plein
exercice, seul celui de la ministre
de l’Enseignement supérieur Sylvie
Retailleau, le dernier dans l’ordre
protocolaire, est dirigé par une
femme. « Un signal
catastrophique », ne décolère pas
Nathalie Pilhes, présidente de
l’association Administration
moderne. Même s’il ne doit pas
faire oublier les progrès réalisés.
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820 
Car, depuis quelques années,
la situation s’améliore à bas bruit
dans la haute fonction publique.
En 2023, les femmes occupaient
43 % des emplois de catégorie A +,
les plus prestigieux et mieux
rémunérés du public, après 42 %
en 2020 et 41 % en 2019.
Une progression qui doit beaucoup
à… un homme, l’ancien ministre
François Sauvadet. Sa loi, votée
en 2012, impose une proportion
minimale de 40 % de femmes sur
les nouvelles nominations à des
emplois supérieurs ou de direction,
sous peine de sanctions
inancières. Une petite révolution
qui a contribué à l’émergence
de plusieurs igures : la secrétaire
générale du gouvernement
Claire Landais, la nouvelle
directrice de la Direction générale
des inances publiques Amélie
Verdier (lire page 21) ou la cheffe
de l’inspection générale des
Finances Catherine Sueur.
Il reste toutefois du chemin à
parcourir. En 2020, ont écopé de
sanctions pour leur retard en
termes de parité : Matignon, la
Défense, le Quai d’Orsay et Bercy,
qui coiffe le bonnet d’âne, avec
seulement 27 % de femmes à des
postes supérieurs. Un problème
qu’entend résoudre la loi Guerini
votée en juillet 2023. En plus de
traiter le « lux », en rehaussant
à 50 % la proportion de femmes
nommées, elle promet
de s’attaquer au « stock »,
en imposant un taux minimum
de 40 % de femmes dans les postes
à responsabilités.
Autre chantier : la création d’un
index d’égalité salariale pour faire
la lumière sur les écarts de
rémunération entre hommes et
femmes. En 2019, ceux-ci
s’établissaient encore à 13,2 %
pour les fonctionnaires de la
catégorie A +. R. C. u
59
SYNDICATS En couverture

La surenchère féministe en procès

La CFDT attaque la CGT pour non-respect de la loi sur la parité. Sa rivale
cégétiste assume de dépasser les quotas de femmes aux élections professionnelles.

’est une querelle peu ba-

C nale qui oppose la CGT,

dirigée par Sophie Binet, à
la CFDT, pilotée par Ma-
rylise Léon. Une élue cégétiste et la
fédération CGT de l’énergie sont
attaquées par la CFDT pour avoir
présenté une liste aux élections pro-
fessionnelles d’un site EDF à Saint-
Denis (Seine-Saint-Denis) compor-
tant…. trop de femmes. Laurence
Bourgoin et ses camarades de la
CGT se sont présentés à l’audience
au tribunal de Bobigny le 6 février,
plutôt remontés contre la CFDT.
« C’est aberrant, on marche sur la
tête, s’emporte Simon Franco-Ra-
mos, de la CGT EDF-Cap Ampère.
EDF est une entreprise où il y a
beaucoup d’hommes. Donner la
chance à des femmes d’être élues,
c’est œuvrer pour plus de parité.
C’est aussi leur donner la possibi-

lité d’accéder à des mandats de re-
présentation du personnel. » A la
barre, l’avocat de la CGT, Jérôme
Borzakian, invoque « une faute mo-
rale insupportable » des cédétistes.
« C’est très dommageable car histo-
riquement les femmes se sont tou-
jours peu syndiquées à EDF, pour-
suit-il à la sortie du prétoire. Or là,
la CFDT veut éliminer l’unique élue
au sein de cette entité. C’est un
coup bas et une stratégie inique. »
Esprit de la loi détourné
Pour attaquer sa rivale cégétiste, la
section locale de la CFDT s’appuie
sur la loi Rebsamen de 2015. En ef-
fet, depuis ce texte, les listes aux
élections professionnelles doivent
comporter un nombre de femmes et
d’hommes proportionnel à leur part
respective dans l’entreprise. Or, sur
le site d’EDF Cap Ampère, la CGT a
présenté une liste avec un ratio de
60 % de femmes, alors qu’il n’y en a
que 40 % dans les effectifs. Ce qui est
illégal, au regard d’un texte qui a
pourtant pour objectif de favoriser
la parité lors des élections profes-
sionnelles. « Nous avons laissé une
Isa Harsin/Sipa
Marylise Léon, place prépondérante aux femmes, barras est palpable : « Gêné par la
secrétaire ce que nous assumons complète- situation, on ne peut que l’être, et
générale de la ment, justifie le cégétiste Simon j’en suis désolé. »
CFDT, et Sophie
Binet, son
Franco-Ramos. Si c’était à refaire, Au siège de la CFDT, à Belleville,
homologue à la nous le referions. » L’avocat de la dans le XXe arrondissement de Pa-
CGT, manifestant centrale syndicale est, lui, pessi- ris, on a du mal à cacher son agace-
contre les miste : « Il y a de très fortes chances ment. Car on a toujours défendu la
violences faites que l’on perde ce procès, commente cause, et Nicolas Notat a été la pre-
aux femmes, à Jérôme Borzakian. La CFDT a dé- mière femme à diriger un syndicat
Paris, en 2023.
« Dans les
tourné l’esprit de la loi pour des ins de salariés, en 1992. Sa lointaine
entreprises, les électorales. » successeure, Marylise Léon, secré-
relations entre taire générale depuis juin 2023, tem-
les organisations Agacement au sommet porise en indiquant que « dans les
syndicales Dans les rangs de la CFDT, on est entreprises les relations entre les
peuvent être gêné aux entournures. « On n’at- organisations syndicales peuvent
parfois
conflictuelles »,
taque pas pour trop d’hommes ou être parfois conlictuelles ». Il est
temporise trop de femmes, justiie Julien La- vrai qu’à EDF la compétition est
Marylise Léon place, le délégué syndical central rude. Aux dernières élections pro-
au sujet de CFDT d’EDF. On attaque pour non- fessionnelles, en 2023, la CFE-CGC
l’affaire EDF. conformité avec la loi sur la mixi- est devenue la première organisa-
té. » Dans une déclaration à l’AFP, tion représentative en doublant la
son camarade Sébastien Michel, de CGT et la CFDT, reléguée loin der-
la fédération CFDT Chimie énergie, rière. Pas sûr qu’en se faisant la
est sur la même longueur d’onde : guerre les deux syndicats par-
« Si la loi n’est pas respectée, elle viennent à combler leur retard.
n’est pas respectée. » Mais son em- Florian Fayolle u

60  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

ENTREPRISE En couverture

Making of
En marge de la
présentation des
résultats annuels
d’Orange le
15 février, Christel
Heydemann a
consacré vingt
minutes à
Challenges pour
s’exprimer sur la
parité « avec grand
plaisir ». La photo
ci-contre a été
prise au siège du
groupe, à Issy-les-
Moulineaux, avec
des salariés, en
septembre 2023.

Daisy Reillet/SP
Christel Heydemann bouge
les lignes à Orange
La directrice générale de l’opérateur télécoms s’exprime souvent sur la parité.
Erigée en modèle, elle œuvre pour plus de femmes à des postes à responsabilités.

uand il est question de la censure », assure-t-elle. Autant l’entreprise. « Elle est très abor-

Q cause des femmes, Christel

Heydemann, directrice gé-
nérale d’Orange, est in-
flexible : « Sur la parité, si on
n’avance pas, on recule. » Depuis
qu’elle a pris la barre de l’opérateur
téléphonique en avril 2022, elle est à
l’offensive. L’ancienne dirigeante de
Schneider Electric porte haut le
combat dans ses discours, d’abord.
« Les managers ont un rôle clé à
jouer pour encourager les talents
féminins à se développer sans auto-
qu’elle le peut, elle prend la parole
sur le sujet. Sur les réseaux sociaux,
elle partage des CV de jeunes
femmes.
Troisième femme aux commandes
d’un groupe du CAC 40, Christel
Heydemann incarne un rôle modèle.
Une de ses premières initiatives ?
« Réunir toutes les femmes exécu-
tives d’Orange pour qu’elles fassent
connaissance », raconte l’une
d’elles. Sa nomination représente
tout un symbole pour les femmes de
dable, naturelle et engagée », té-
moigne une salariée. « Notre plus
grande ambassadrice », sourit Del-
phine Pouponneau, directrice diver-
sité, équité et inclusion du groupe, et
coprésidente de l’Association fran-
çaise des managers de la diversité.
Le levier des nominations
Derrière les paroles, ses mesures
sont concrètes, rapides. L’ingé-
nieure ne « se sent pas engagée
comme militante, mais comme di-

62  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

rigeante au quotidien », assure-t-
elle. En novembre, le géant des télé-
coms a décerné son premier Orange
Fellow – un titre honoriique – à la
chercheuse et spécialiste des ré-
seaux sans il Dinh Thuy Phan Huy.
« La toute première personne qu’on
a choisie, c’est une femme, c’est elle
qui représentera l’excellence du
groupe », tient à souligner Christel
Heydemann.
Par le jeu des nominations, la poly-
technicienne a féminisé son équipe
de direction. A 39 ans, Aliette Mous-
nier-Lompré a ainsi été propulsée à
la tête d’Orange Business Services,
la division services aux entreprises.
Caroline Guillaumin, ancienne de la
Société générale, a, elle, pris les
rênes de la communication du
groupe en avril dernier. Outre ces
figures, d’autres nominations ont
été décidées. Avec des résultats pro-
bants : 34,1 % de femmes dans les
réseaux de management (le top-
1 300 des managers) en 2023, contre
33 % en 2022 et 31 % en 2020. « 1 % de
plus sur des postes où il y a peu de
turnover, c’est énorme », se réjouit
Delphine Pouponneau. Le comité
exécutif d’Orange France compte
cinq femmes sur treize. « Deux
femmes seront bientôt nommées à
des postes à responsabilité », glisse
Christel Heydemann.
Objectifs ixés pour 2025
La dirigeante n’a rien inventé. Elle
marche sur les traces de son prédé-
cesseur Stéphane Richard, qui avait
à cœur de féminiser le groupe. Et
poursuit la politique volontariste de
l’entreprise, répondant aux objectifs
fixés pour 2025 : 25 % de femmes
dans les métiers techniques (contre
21 % aujourd’hui), 35 % dans les
postes à responsabilités et zéro écart
salarial à situation comparable. Mais
elle a « incontestablement donné un
nouvel élan à la féminisation du
groupe », insiste Nadia Zak Calvet,
responsable CFDT, qui a négocié
en 2019 un accord mondial sur l’éga-
lité professionnelle. Une première
pour une entreprise du CAC 40.
« Sa politique est plus offensive »,
analyse Caroline Guillaumin. La
preuve, Christel Heydemann a mis
en place un processus de recrute-
ment où une femme doit obligatoi-
rement igurer parmi trois candida-
tures pour chaque ouverture de
poste. Alors, quand elle entend cer-
tains dire qu’on ne peut recruter de
femmes à cause de la pénurie dans
les écoles, elle se crispe : « Cela de-
mande un effort, mais on peut aller
chercher les talents féminins, les
convaincre de postuler. »
Mère de famille, Christel Heyde-
mann n’hésite pas à puiser dans son
histoire personnelle pour lever les
freins. Elle raconte par exemple
avoir mis un « point d’honneur » à
faire savoir qu’elle partait en congé
maternité, lorsqu’elle tenait encore
les rênes de Schneider Electric
France. Une manière de rappeler
qu’il est possible de concilier travail
et vie privée : « Certains imaginent
à tort qu’on ne peut pas faire car-
rière en étant mère de famille. »
Marges salariales étroites
Autre combat, la mixité dans les
grandes écoles. « Son dada »,
souffle Caroline Guillaumin. En
juin, la patronne inaugurait le
centre égalité des chances de Poly-
technique au siège d’Orange. Un
mois plus tôt, elle témoignait de-
vant un parterre de jeunes fraîche-
ment diplômés à HEC Paris. Aussi
souvent qu’elle le peut, la polytech-
nicienne revient sur les bancs de
l’école : « Je témoigne pour démys-
tiier les métiers techniques, dé-
construire les biais de genre et les
stéréotypes. »
Le changement tarde toutefois à se
matérialiser. « Sur le terrain, on
n’observe pas de différence, cingle
Loïc Cariou, délégué syndical cen-
tral Sud. Orange reste une organisa-
tion très verticale où il est dificile
d’évoluer sans réseau ». Sébastien
Crozier, président de la CFE-CGC,
premier syndicat de l’opérateur, est
également critique : « Elle ne prend
pas de mesures claires pour s’atta-
quer au problème des écoles », per-
sile-t-il. En France, les femmes ne
représentent que 17 % des diplômés
du numérique exerçant dans le sec-
teur, selon le cabinet Global Contact.
Enfin, la patronne doit composer
avec des marges étroites dans le
cadre de son plan de réduction des
coûts. Or « pour réduire les écarts
salariaux, il faut des budgets consé-
quents », tempère Nadia Zak Calvet.
Comme souvent, objectifs et réalité
économique ne font pas bon mé-
nage. Alix Coutures
Sur la bonne
voie
Un niveau de féminisation inédit
u Part des femmes dans les conseils
d’administration et instances dirigeantes
des entreprises du SBF 120 (en %)
2011 2017 2024
20,8% 42% 46,4%
u Part des femmes dans les instances dirigeantes
des entreprises du SBF 120 (codir, comex, en %)
2011 2017 2024
7,5%
15,1% 27,3%
u Présidentes du conseil (en nombre)
S&P 100 (Etats-Unis) 10
FTSE 100 (Royaume-Uni) 16
SBF 120 (France) 13
u Directrices générales ou CEO (en nombre)
S&P 100 (Etats-Unis) 9
FTSE 100 (Royaume-Uni) 10
SBF 120 (France) 14
SOURCES : IFA, ETHICS & BOARDS.
L
e baromètre de la mixité des équipes
dirigeantes est publié chaque année par
la société de conseil Ethics & Boards en
partenariat avec l’Institut français des
administrateurs. L’édition 2024 montre une
évolution positive aussi bien dans les conseils
d’administration que dans les instances
dirigeantes (comité de direction, exécutif…).
« La France se distingue par un niveau de
féminisation jamais atteint », constatent
Denis Terrien, président de l’IFA, et Floriane
de Saint Pierre, qui préside Ethics & Boards.
Seul bémol : « Le plafond de verre persiste
pour les postes de présidentes et de
directrices générales, où l’évolution est trop
lente. » Outre Christel Heydemann, le CAC 40
ne compte que deux directrices générales :
Catherine MacGregor (Engie) et Estelle
Brachlianoff (Veolia). Et deux présidentes
non exécutives : Angeles Garcia-Poveda
(Legrand) et Barbara Dalibard (Michelin).• u
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  63
FINANCES En couverture

Marie-Anne Barbat-Layani
dope la cote de la parité
La présidente de l’Autorité des marchés inanciers est un symbole de
l’émancipation féminine dans les instances publiques. Parmi ses inspiratrices,
Christine Lagarde, à la Banque centrale européenne, et Madonna.

ifficile de faire carrière

D dans les instances pu-

bliques lorsqu’on est une
femme ? Le brillant par-
cours de Marie-Anne Barbat-Layani,
bombardée en 2022 patronne du
gendarme boursier français, ap-
porte un début de réponse. Cette
énarque – promotion Léon Gam-
betta – a longtemps gravité dans la
sphère des hauts fonctionnaires
avant de présider l’Autorité des mar-
chés inanciers (AMF). A la Com-
mission européenne, au Trésor ou
au cabinet de François Fillon, dont
elle a été la directrice adjointe à
Matignon. En 2019, elle est nommée
secrétaire générale des ministères
économiques et inanciers, un poste
clé de Bercy.
« J’ai longtemps eu la naïveté de
penser qu’une femme avait autant
de chances qu’un homme pour
Bruno Levy/Challenges

réussir. Et c’est heureusement de

plus en plus exact. A posteriori, je
me rends compte que certains pré-
jugés ont quand même la vie dure.
Comme penser qu’une femme ne
peut pas exercer des responsabili- Making of bancaire française (FBF). Ensuite
tés tout en ayant une vie fami- Challenges a parce qu’elle a toujours pu compter
liale », raconte Marie-Anne Barbat- rencontré Marie- sur l’appui de son mari, rencontré à
Layani, qui se souvient d’une Anne Barbat-Layani l’ENA, idèle soutien lorsqu’elle a dû
le 16 février au
réflexion d’un chef de service au siège de l’Autorité prendre de lourdes et chronophages
Trésor. Celui-ci, la croisant alors des marchés responsabilités.
qu’elle attendait son premier enfant, inanciers, place de
lui dit : « Alors tu nous quittes ! » la Bourse (Paris IIe). Jouyet comme mentor
Souffrante, elle
La Corrézienne, native d’Ussel, s’es- honore son
Elle ne s’est pourtant pas toujours
time toutefois chanceuse. D’abord engagement, mais fait que des amis. Notamment
parce qu’elle est arrivée après des la séance photo lorsqu’elle a bloqué des nomina-
pionnières qui, elles, ont beaucoup est reportée. tions masculines à Bercy afin de
souffert d’un machisme généralisé respecter la parité. « Le sujet des
et ont débroussaillé le terrain, quotas est vécu par certains hauts
comme Elisabeth Guigou, ex-Garde fonctionnaires masculins comme
des Sceaux, première femme nom- une injustice », dit-elle. En arrivant
mée à la tête d’un ministère réga- à l’AMF, elle a aussi dû affronter la
lien, ou Ariane Obolensky, ancienne grogne de l’un des membres du col-
directrice générale de la Fédération lège, Thierry Philipponnat, le patron
de Finance Watch, lui reprochant
d’être le porte-voix des banques. Et
ce, parce que Marie-Anne Barbat-
Layani a été de 2014 à 2019 à la tête
de la FBF, le lobby du secteur.
« Arriver à l’AMF après Robert
Ophèle, à la capacité de travail in-
croyable, n’était pas facile. Et ce
d’autant plus que l’institution
compte toujours quelques irréduc-
tibles misogynes », lance un cadre
de l’AMF. Mais il faut reconnaître
que la nouvelle dirigeante a été ac-
cueillie avec coniance en interne.
C’est quelqu’un qui comprend très
vite les sujets. Son autorité n’est
jamais remise en question. »
Ses modèles ? Jean-Pierre Jouyet
d’abord, un homme de réseaux et de

64  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

pouvoir, qui lui aussi a dirigé l’AMF
et lui a mis le pied à l’étrier. « Ils se
ressemblent tous les deux, avec
l’envie d’être dans la lumière »,
conie un proche qui a travaillé avec
elle. Et la « grande Christine » (La-
garde), bien sûr, en qui elle voit un
exemple à suivre, cette femme de
pouvoir ayant elle aussi dû batailler
ferme pour arriver là où elle est.
Dans un tout autre registre, la pa-
tronne de l’AMF se dit aussi admira-
tive de Madonna « qui se rit de ceux
qui lui enjoignent de se taire de-
puis le début de sa carrière »,
comme elle aime à le préciser. Ce
qui donne une petite idée du carac-
tère de cette admiratrice du cinéaste
Rainer Werner Fassbinder, « pour
ses portraits de femmes ».
« Au quotidien, c’est quelqu’un
d’ouvert, qui pousse au tutoiement
et demande l’avis des autres avant
de se prononcer », décrit un ancien
du Trésor. Un management typique-
ment féminin ? Sans doute, même si
elle s’en défend : « Il y a autant de
styles que de managers. » Avant de
reconnaître que les femmes se
montrent peut-être parfois plus cou-
rageuses dans leur mode de fonc-
tionnement et la prise de décision.
Montaigne et Atwood
L’énarque se sent totalement inves-
tie de la tâche de promouvoir la res-
ponsabilité au féminin : « Les
femmes n’osent pas se présenter à
des postes à responsabilités, alors
qu’elles en ont tout à fait les compé-
tences. Le problème, c’est que le
monde du travail a été façonné
pour et par les hommes, et qu’elles
n’ont pas toujours les codes. » Elle a
ainsi décidé de s’immiscer dans la
constitution des commissions
consultatives de l’AMF pour les
rendre plus féminines. Avec cet ob-
jectif premier de respecter la parité
à tous les échelons de l’institution.
Comme c’est le cas pour son collège
et sa redoutée commission des sanc-
tions. « Lorsqu’il y a parité au ni-
veau du top-management, la société
marche mieux. Plusieurs statis-
tiques l’ont déjà prouvé », martèle-t-
elle. Lorsqu’on lui demande quels
sont ses écrivains préférés, elle res-
pecte cet équilibre : Montaigne, pour
ses Essais, et Margaret Atwood,
pour ses romans sur l’émancipation
des femmes. Pascale Besses-Boumard
La gestion de fortune
se genre
Les riches patrimoines au féminin réclament
un accompagnement plus empathique et plus
pratique. Les banques privées s’adaptent.
Une préférence préoccupations familiales, alors
pour la sécurité que celles des hommes sont plus
tournées vers la performance.
u Vous préférez un placement… Elles aiment également se
(en % d’opinions positives, par sexe)
Femmes Hommes
retrouver entre elles dans le cadre
d’événements où elles peuvent
Sûr avec un rendement assez faible échanger sur cette matière qui
73 leur est longtemps restée
étrangère. Et ce, quelles que soient
63 les générations. « Les jeunes start-
uppeuses ont tout autant de
Un peu plus risqué, avec un meilleur
rendement questionnements sur des sujets
variés comme les répercussions
27 inancières en cas de départ d’un
37 associé ou de décès de son
SOURCE : SONDAGE ODOXA, AGIPI, CHALLENGES, BFM BUSINESS, FÉVRIER 2024. conjoint », ajoute Alix de Renty.
C’est justement en raison de ce
I
nvestir ou transmettre : manque de coniance en leurs
les femmes ont-elles une façon capacités qu’elles apprécient d’être
particulière de gérer leur accompagnées de conseillers,
fortune ? Premier constat : les plutôt féminins, à qui elles peuvent
riches héritières, veuves ou poser toutes les questions
divorcées, ont souvent un déicit pratiques pour gérer au mieux leur
de connaissances inancières. patrimoine. « Ces riches clientes
Celles qui se retrouvent avec préfèrent dialoguer avec une
d’importantes sommes à investir femme qui comprendra mieux
ressentent donc le besoin de leurs attentes qu’avec un banquier
combler d’abord ce retard. classique en costume cravate,
C’est ce que leur proposent assure Nathalie Cachera Le Mouël,
d’emblée un nombre croissant de présidente du family ofice
banques privées (y compris les Madeleine Finance. Elles ont
plus grandes comme HSBC ou Citi) besoin d’empathie, d’écoute et
et de family ofices qui ont d’attention. »
décidé de s’adresser exclusivement Leurs préférences en matière
à une clientèle féminine. « Elles de placement ? Des produits
ont souvent été mises à l’écart des qu’elles comprennent bien et
sujets patrimoniaux dans leur ancrés dans le réel : beaucoup
couple ou ne s’y sont pas d’immobilier et des
intéressées, explique Alix de Renty, investissements dans des
cofondatrice de The Ladies Bank, entreprises qu’elles connaissent ou
une offre créée par Oddo BHF des fonds d’infrastructures
Banque privée. Il leur faut un (autoroutes, aéroports). « Je note
accompagnement pratique où aussi une différence entre celles
sont d’abord mis en avant leurs qui travaillent et celles qui n’ont
enjeux spéciiques, selon leurs jamais été dans la vie active. Les
besoins et leur approche premières sont davantage prêtes à
personnelle, et ensuite les prendre des risques, alors que les
solutions qui s’offrent à elles. » secondes se sentent investies du
Concrètement, il semble que devoir de transmettre », ajoute
les femmes aient surtout des Nathalie Cachera Le Mouël. P. B.- B. u
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  65
 En couverture
omme dans beaucoup

C
Making of
COMMUNICATION

d’entreprises, Image Anne Méaux (ci-

Sept, la société de com- contre en 2019)
munication fondée par nous a reçu le
Anne Méaux, fête 9 février dernier
pendant une heure
chaque année Noël avec ses colla- et demie dans
borateurs. L’occasion, comme ce le « coin salon »
14 décembre dernier, de tous les de son bureau
réunir, de partager un dîner au parisien avec
terrasse. Elle n’a
champagne et de danser jusqu’au pas souhaité la
bout de la nuit. Mais la particularité présence de notre
avec Anne Méaux, c’est qu’elle re- photographe.
met à chacun de ses 70 salariés un
cadeau personnalisé. Manteau,
paire de chaussures, pull-over…
Elle n’hésite pas à compléter
la garde-robe de ses équipes au
point que son assistante tient même
à jour un tableau Excel avec taille
et pointure de tout le monde.
« Je descends deux jours, in oc-
tobre, à la braderie de Saint-Tropez
où je fais l’essentiel de mes ca-
deaux. » Noël, galette des rois et
anniversaires rythment les soirées
d’Image Sept pendant l’année. De-
puis 1988, ce cabinet règne en
maître dans la communication d’in-
luence des sociétés du CAC 40 et
des grandes fortunes. La société
(3,9 millions d’euros de bénéfice
pour 25 millions d’euros de chiffre
d’affaires) est dirigée d’une main
sûre par Anne Méaux qui n’hésite
pas à la considérer comme son
« quatrième bébé ».

Matriarcale et dominante
Le management au féminin d’Anne
Méaux est avant tout matriarcal. La
reine des abeilles pilote cette ruche
d’environ 70 consultants à 60 % des
femmes. Même si les hommes se
font plus nombreux qu’il y a vingt
ans, elle a toujours tendance à
s’adresser « aux illes ». « Je suis
un peu leur maman à toutes, as-
sume l’ancienne collaboratrice de
Valéry Giscard d’Estaing. J’ai
conscience d’être très exigeante
mais nos clients ne souffrent pas
d’à-peu-près ; en contrepartie, je
Anne Méaux a
suis très attentive au bien-être de
mes salariés. » Bref, la patronne
s’assume en une sorte de chief hap-
piness oficer. Même si elle recon-
l’oreille des puissants
naît que la charge mentale dans
l’éducation des enfants est au- Mère poule et mère courage, la papesse de la com’
parisienne a la parole très libre avec
Irène de Rozen/SP

jourd’hui nettement mieux répartie,

elle sait trop bien à quel point ses
collaboratrices mères de jeunes
les patrons. La fondatrice d’Image Sept est aussi
enfants ont besoin d’être chez elle à une vraie militante de la cause des femmes.
66  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
18 heures. « Elle était autant la nin, les femmes sont souvent plus
boss au bureau qu’à la maison, se courageuses que les hommes »,
souvient sa ille Juliette Mouraret, oppose-t-elle. Et quand viennent les
Le plafond
qui a rejoint Image Sept il y a élections présidentielles, elle ne
quelques années. Elle venait me peut pas s’empêcher de s’y embar-
chercher à l’école, se levait à quer. Avec François Fillon en 2017,
des rédactions
6 heures du matin le samedi pour puis avec Valérie Pécresse en 2022. La parité est respectée
mes concours hippiques et faisait « Tout le monde n’était pas forcé- dans les médias. Mais pas
la tambouille tous les soirs. » ment d’accord avec ses choix, mais
Son côté protecteur peut aller beau- elle les a assumés totalement en du côté des directions.
coup plus loin encore. Elle assure le toute transparence et comme dans
salaire à 100 % des collaborateurs toutes les familles, il y a eu débat, Rééquilibrage en cours à la base
en maladie longue durée et va voire friction mais sans consé-
Répartition des cartes de presse (en 2023)
même jusqu’à se porter garante des quence », avoue Anne-France Ma-
Femmes Hommes
loyers ou des emprunts immobiliers lrieu, associée à Image Sept.
d’une dizaine d’entre eux. Du coup, 48,1 % 20 % 51,9 %
le turnover est très limité : « En Cash et intuitive
trente-cinq ans, seulement cinq Elle sait aussi s’entourer. « A la dif-
greffes n’ont pas pris », comptabi- férence des hommes, les femmes
lise Thibault Leclerc, pre- n’ont pas de problème à
mier salarié d’Image Sept. «A la avoir quelqu’un de plus
Après, il faut accepter le différence brillant qu’elles à leur 51,6 % 80 % 47,3 %
caractère très dominant des côté, admet Thibault Le- Journalistes Directeurs Nouvelles
d’Anne Méaux. « Elle a le clerc, Anne n’a pas hésité actifs SOURCE : CCIJP. demandes
défaut de ses qualités : hommes, à s’entourer de cadors
son côté protecteur est les femmes

M
comme Xavier Couture, achos les médias ? Selon les données
unique, c’est incroyable- n’ont grand nom de l’audiovi- de la Commission de la carte d’identité
ment rassurant quand pas de suel, ou Emmanuel des journalistes professionnels, les
ça ne va pas bien, mais Combes, ancien de l’Auto- fonctions de directeurs de rédaction sont
quand tu as besoin de
problème rité de la concurrence. » occupées à 80 % par des hommes. La
t’émanciper, de pousser à avoir Plutôt contre les quotas, présidente de cette instance, Catherine
les meubles, c’est plus quelqu’un elle reconnaît aujourd’hui Lozac’h, constate pourtant que « la parité
compliqué, souligne un de plus que c’est un outil qui a continue à progresser ». Les femmes sont
ancien collaborateur. permis de faire avancer la majoritaires depuis plusieurs années dans les
Son côté très protecteur
brillant juste place des femmes premières demandes de cartes de presse, mais
n’est pas forcément libé- qu’elles à dans l’entreprise. Si elle aussi chez les pigistes. Bref, la profession, y
rateur. » leur côté.» embauche des hommes compris dans ses statuts précaires, se féminise
aujourd’hui à Image Sept, rapidement… sous un solide plafond de verre.
Thibault Leclerc,
Choix politiques premier salarié
ce n’est pas par souci de Dans la hiérarchie, mais pas seulement.
A la fois mère poule et d’Image Sept. rééquilibrage, « c’est le En région, chez les « localiers », l’ambiance
mère courage, Anne fruit de rencontres et reste très masculine et la dernière promotion
Méaux est aussi profondément atta- d’opportunités ». En matière de re- de la licence de presse de proximité sortie
chée à sa liberté. Elle a 16 ans crutement, elle ne raisonne pas en de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille
quand sa mère, professeure de latin termes de mixité ou de parité. Elle ne comptait pas une seule femme. Cet
grec, est abandonnée par son père. fait coniance à son intuition. établissement, comme les treize autres écoles
Les fins de mois sont difficiles. Il n’en reste pas moins qu’elle de journalisme reconnues par la profession,
« J’ai très vite appris à me gérer conserve une vraie ibre militante s’est pourtant doté d’un « référent égalité et
seule, à gagner mon autonomie et pour la cause des femmes. De son lutte contre les discriminations ».
mon indépendance et surtout à ne côté « anar de droite », elle garde Quelques médias, comme l’AFP ou Mediapart,
dépendre de personne », conie-t- une énergie et une force de persua- ont franchi un pas supplémentaire en
elle. De cette époque, elle retire une sion qu’elle met au service d’asso- nommant un gender editor chargé de veiller à
parole très libre. Ses 160 clients, ciations comme Rose Up, qui vient la bonne représentation des femmes. Une
souvent peu dupes de l’attitude en aide aux femmes atteintes d’un innovation directement importée des Etats-
courtisane de leur entourage direct, cancer, ou Force Femmes, qui pro- Unis, où The New York Times fut le premier
apprécient son côté cash. « Vous pose des projets de reconversion, en 2017 à créer cette fonction. En quoi
êtes fou », lance-t-elle à Lakshmi après un échec. « Si Force Femmes consiste-t-elle ? « A être comme une
Mittal prêt à annoncer l’OPA sur avait existé il y a cinquante ans, rédactrice classique, mais en plus énervée »,
Arcelor depuis Londres en 2006. j’aurais bien vu ma mère se recon- avait expliqué la titulaire du poste, Jessica
Elle parvient à convaincre l’homme vertir comme documentaliste dans Bennett, autrice de Le Fight Club féministe
d’affaires indien de faire les choses un cabinet d’avocat. » La solidarité (éd. Autrement). A noter que, sur les
depuis Paris. « La franchise est féminine chevillée au corps. 34 444 titulaires de cartes de presse en France,
sans doute un caractère plus fémi- Thiébault Dromard 0,3 % se déclare d’un genre « neutre ». P.-H. M. u

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  67

En couverture

SWIFT POWER
La chanteuse américaine, devenue milliardaire en 2023,
est un phénomène économique et politique. Aux Etats-Unis,
elle pourrait faire basculer l’élection présidentielle.

L
e pouvoir, c’est à ses concerts et, avant tout,
quoi ? C’est voir le rapport unique qu’elle
des Premiers mi- entretient avec son armée
nistres et leaders de fans qui l’adore depuis
politiques se rouler ses 17 ans. Cette adulation
devant vous pour que vous de l’artiste, avec son armée
donniez des concerts dans de « swifters » qui la suivent
leur pays. Bonne pioche depuis… dix-sept ans, est le
pour le Canadien Justin Tru- cœur du réacteur.
deau après son tweet :
« C’est moi, salut. Je Génie commercial
connais des endroits au Le deuxième cercle est celui
Canada qui aimeraient du génie absolu dont elle a
avoir ta visite. Alors ne fait preuve pour commer-
nous fais pas subir un nou- cialiser son talent. Le réen-
vel été cruel. On espère te registrement de ses pre-
voir bientôt. » La superstar miers albums, après que son
Taylor Swift sera à Toronto label d’origine eut vendu
en novembre prochain. leurs droits contre son avis,
Raté pour le Thaïlandais s’est avéré un succès,
Pita Limjaroenrat, vainqueur comme son bras de fer
des élections de mai 2023, contre la plateforme Spo-
qui espérait très fort accueil- Valerie Macon/AFP
tify. Ses concerts sont des
lir le phénomène. Mais sa phénomènes économiques :
personnalité et ses tweets selon Bloomberg, le PIB des
n’ont pas plu à la chanteuse. Etats-Unis a crû de 4,3 mil-
Le seul arrêt de sa tournée Taylor Swift, lors des Grammy Awards, à Los Angeles, le 4 février. Le PIB des liards de dollars grâce à sa
mondiale en Asie du Sud-Est Etats-Unis a crû de 4,3 milliards de dollars grâce à sa tournée américaine. tournée américaine. The
sera inalement Singapour, Eras Tour, à travers le
causant des tensions diplomatiques mondiale suivra probablement un monde, a déjà généré plus de
entre Washington et Bangkok. deuxième mandat de Biden et des 260 millions de dollars de recettes.
millions de personnes mourront. Le Au classement Forbes des femmes
Le camp Trump à cran destin du monde libre repose sur les plus puissantes de la planète,
Le pouvoir, c’est quoi ? C’est voir les vos épaules. » Aujourd’hui, près d’un Taylor Swift est passée de la 79e à la
fans de Donald Trump partir en Américain sur cinq pense que Taylor 5e place. Et sa fortune a passé le cap
vrille à l’idée que vous puissiez sou- Swift est le cerveau d’un complot du milliard en octobre 2023.
tenir Joe Biden. A la veille du Super secret du gouvernement visant à ai- Le troisième cercle ? Celui de la poli-
Bowl, l’inluenceur Rogan O’Hand- der Biden à se faire réélire. C’est du tique. En 2016, elle avait été criti-
ley suggère dans un tweet qu’une moins le résultat d’un sondage com- quée pour ne pas avoir pris parti
victoire des Chiefs de Kansas City mandé par l’université Monmouth pendant la campagne présidentielle.
(l’équipe du petit ami de Taylor (New Jersey). En 2024, le camp Trump s’attend à
Swift) déclencherait une chaîne Pour prendre la mesure du « Swift ce qu’elle soutienne Joe Biden. Fe-
d’événements apocalyptiques : power », il faut se représenter trois ra-t-elle basculer l’élection ? Lors de
« Vous DEVEZ vaincre les Chiefs », cercles. Le premier, l’original, est son concert à Seattle, en juillet der-
lance-t-il à l’équipe adverse, les 49ers celui de l’artiste : la précocité de son nier, le stade a tremblé si fort qu’un
de San Francisco. S’ils perdent, talent, la popularité de sa musique, sismomètre a enregistré un tremble-
ajoute-t-il, Swift et son iancé « vont la virtuosité avec laquelle elle a che- ment de terre d’une magnitude de
faire le tour du pays en tant que vauché les genres, de la country à la 2,3. De quoi secouer les urnes.
champions du monde en aidant à pop, l’énergie incroyable et telle- Philippe Boulet-Gercourt
élire Joe Biden. La troisième guerre ment américaine qu’elle insuffle (correspondant à New York)

68  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

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CHALLENGES N° 820 - 7 mars 2024
Dossier

Salem Mostefaoui
Vue projetée de l’ex-siège
d’Orange, à Vanves (Hauts-de-
Seine). Cet ensemble de
29 000 m² détenu par Mata
Capital est en restructuration
pour y ajouter baies vitrées,
balcons… Livraison in 2024.

Immobilier d’entreprise

LES BUREAUX VISENT

LA RECONVERSION
Flambée des taux d’intérêt, télétravail, normes environnementales… A l’heure
de son rendez-vous annuel au Mipim, à Cannes, l’immobilier professionnel
souffre et mise sur le recyclage ou la construction bois pour rebondir.

n important tière entre Paris et Vanves », sou- tout avec une circulation repensée

U
chantier de réha-
bilitation est en
cours dans la
ZAC du Plateau,
à Vanves (Hauts-
de-Seine). Il
porte sur les trois immeubles de
l’ancien siège d’Orange, construits
dans les années 1980 et détenus par
la société de gestion Mata Capital.
En bordure du périphérique, cet en-
semble de 29 000 m² sur 173 mètres
de long « représente 20 % de la fron-
ligne Guillaume Mangeot, directeur
associé de l’agence d’architecture
PCA-Stream, en charge du projet.
Rebaptisé 360, celui-ci sera livré au
second semestre 2024. « Nous avons
repensé les façades pour les doter de
baies vitrées toute hauteur, ajouté
des balcons et coursives pour ame-
ner de la verdure, sans compter le
toit terrasse, et créé plusieurs es-
paces de restauration, ainsi que
des commerces, une salle de sport et
un atelier de réparation de vélos, le
et des connexions sur le quartier »,
explique Edouard Stevens, directeur
acquisition & asset management de
Mata Capital. Valeur de présentation
pour les futurs locataires : 480 euros
HT/m²/an. Cette opération redonne
une seconde vie à ces bureaux en
conservant leur fonction originelle
tout en leur ajoutant de nouveaux
usages. Et témoigne de l’intérêt ac-
tuel des propriétaires et investis-
seurs pour la transformation de
leurs actifs.

70  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

Secoué par un brutal effondrement
des investissements l’an dernier, le
marché des bureaux est en pleine
remise en question. Selon le bilan
annuel de Cushman & Wakefield,
2023 aura été le « second plus mau-
vais millésime après 2009 ». Avec
environ 12 milliards d’euros d’enga-
gements recensés dans l’immobilier
d’entreprises, en chute de 56 % sur
un an. Sur les bureaux, à 6,28 mil-
liards d’euros d’engagements, « l’in-
vestissement se positionne sur la
volumétrie la plus basse observée
depuis quinze ans, en euros cou-
rants », note le conseil. En cause, la
lambée des taux d’intérêt et l’arrêt
de la politique de quantitative ea-
sing des banques centrales ont cou-
pé le robinet des liquidités, qui
jusqu’alors a coulé à lots. En consé-
quence, les taux de rendement des
actifs ont été réorientés à la hausse,
tandis que leurs valorisations sont
en cours de réévaluation par leurs
propriétaires, dont les foncières et
les SCPI. « Mécaniquement, la re-
montée des taux a un impact de Le Nord-Ouest francilien à exploiter
20 % à 30 % sur la valeur des biens », Adéquation et le spécialiste en data La Place de l’immobilier ont comparé les données du logement
estime Béatrice Lièvre-Théry, direc- (demande, construction) avec le parc tertiaire (2 000 m² et plus, vide depuis deux ans). Nanterre,
trice générale de Sogeprom. Suresnes, Clichy, Courbevoie et Saint-Denis offrent le meilleur gisement de bureaux à convertir.

Obsolescence en hausse
Plusieurs phénomènes modifient Parmi les pistes de reconversion emplacements le permettent, puis
substantiellement le marché des envisagées, le résidentiel, théma- obtenir toutes les autorisations né-
bureaux. Tout d’abord, « l’essor du tique qui sera à l’honneur lors du cessaires », prévient Olivier Bokob-
télétravail depuis la crise sanitaire prochain Mipim, le Salon internatio- za, président des activités de Promo-
a eu un impact sur leur typologie, nal des professionnels de l’immobi- tion de BNP Paribas Real Estate.
avec notamment plus de centralité, lier, qui se tiendra du 12 au 15 mars Sans compter « la faisabilité tech-
ain d’attirer ou de conserver les col- à Cannes. Sous toutes ses formes : nique et économique », souligne
laborateurs », rappelle Marie-Laure hôtellerie, coliving, résidences ser- l’architecte Gabriel Franc, qui vient
Leclercq de Sousa, PDG de JLL vices et logements. Une proposition de métamorphoser un bâtiment ter-
France, Belgique, Luxembourg et de loi est à l’étude pour faciliter la tiaire en résidence services (salle de
Europe du Sud. La réglementation transformation de bureaux en loge- itness, espace de coworking, salon
environnementale, via le décret Ter- ments. Mais « encore faut-il que les détente et cafétéria) de 280 loge-
tiaire imposant une réduction des ments étudiants pour LP Promotion
consommations énergétiques, et la à Saint-Cyr-l’Ecole (Yvelines). Paris
montée en puissance des normes et l’Ile-de-France ne sont pas les
ESG (environnement, social, gou- seuls territoires concernés : à Nice,
vernance) ont entraîné une sélection sur un ancien site Enedis, dans le
vers des bureaux performants. Ce quartier de Cimiez, « nous aména-
qui rend obsolètes de nombreux geons une résidence senior de
immeubles, dont beaucoup sont si- 113 chambres, 109 logements
tués en seconde couronne pour l’Ile- libres, 7 sociaux, 12 en bail réel
de-France, car le stock ne cesse de solidaire et 4 maisons de 41 loge-
croître : « Le parc de bureaux a at- ments pour les personnes en situa-
teint près de 59 millions de m² tion de handicap, tout en recréant
Novaxia

in 2022, en hausse de 50 % en trente 6 300 m² d’espaces verts », détaille

ans, avec une offre disponible à un
an de 6 millions de m² début 2023 »,
analyse Raphaël Amouretti, associé
au sein de Catella Property.
Projet de résidence à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).
Novaxia va recycler 3 000 m² de locaux d’activité
vétustes en un immeuble de 7 000 m² de 91 logements.
Olivier Estève, directeur général
délégué de Covivio. De quoi offrir
un nouveau soufle aux villes… et
u
aux investisseurs. Virginie Grolleau

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  71

Dossier

Le bois monte en puissance

Encore marginal dans la construction, ce matériau abondant en France gagne
du terrain, avec une ilière qui se structure. Exemple en cinq projets novateurs.

oucement mais sûre-

D ment, dans un contexte

difficile pour la promo-
tion, la construction bois
gagne du terrain. En 2022, selon
l’interprofession, les entreprises du
Synapses
À COURBEVOIE,
secteur ont réalisé un chiffre d’af- UNE CANOPÉE HYBRIDE
faires de 4,6 milliards d’euros, soit u Avec ses 220 logements en
une hausse de 14 % en valeur et de coliving, l’immeuble Synapses
5 % en volume par rapport à 2020. sera réalisé par GA Smart
« Si la dynamique devrait ralentir Building et Pitch Immo
en 2024 en raison de la conjonc- associés à l’architecte Alfonso
Femia. « Ce projet prévoit
ture, ce marché est amené à croître un nouveau système modulaire
encore, en lien avec la RE 2020 qui mixte bois béton présenté
vient augmenter la part du bio- dans le cadre de l’appel à
sourcé, et donc du bois, dans la manifestation d’intérêt hors site
construction », anticipe Maxime de l’Ademe. Il a obtenu un
Chaumet, directeur général de inancement portant sur les
bâtiments de 28 à 50 mètres
France Bois Forêt. de hauteur », souligne Sophie
Meynet, directrice générale de
D’une pierre trois coups l’immobilier résidentiel de GA
Pour l’heure, seuls 6,2 % des loge- Smart Building. La construction
ments et 18,3 % des ensembles ter- hors site et un recours massif
tiaires (immeubles de bureaux, bâ- au réemploi diminueront
Atelier Alfonso Femia

timents logistiques, équipements
publics, commerces) ont recours
au mode constructif bois. Pourtant,
la France et l’Europe disposent lar-
gement de la ressource nécessaire
pour monter en puissance. Et faire
d’une pierre trois coups : augmen-
ter le nombre d’immeubles en bois,
atteindre les objectifs nationaux à
l’horizon 2050 en matière de réduc-
tion des émissions de gaz à effet de
serre et bâtir une solide ilière in-
dustrielle sur son territoire.
« On exploite aujourd’hui seule-
ment 60 % de la pousse annuelle,
la question n’est donc pas celle
d’une ressource qui ferait défaut,
analyse Franck Mathis, PDG de
l’entreprise du même nom et copi-
lote d’Ambition Bois. Le principal
frein est culturel. C’est aussi une
question de compétence des
constructeurs qui n’ont pas l’habi-
tude de travailler en ilière sèche. »
Reste donc à changer les habitudes.
Ce qu’ont fait sans hésiter les au-
de près de 40 % l’empreinte
carbone par rapport à un
processus traditionnel. Début
des travaux en 2025, livraison
dix-neuf mois plus tard.
Pluriel
À LYON, UN DÉMONSTRATEUR SINGULIER
u Pour son siège lyonnais, le groupe
immobilier Quartus a souhaité un édiice
en structure bois « innovant,
démonstrateur de nos savoir-faire ».
Ce sera Pluriel, à Gerland, un ensemble
de six étages et 2 200 m² construit sur
le site d’une ancienne imprimerie.
Signé de l’architecte Régis Gachon
avec le bureau d’études EODD, c’est
« le premier bâtiment en bois dans la
métropole de Lyon, expose Fabien
Delorme, directeur général délégué
Auvergne-Rhône-Alpes de Quartus.
Nous voulions prouver qu’il était possible,
dans le diffus, de mener à bien ce type
de projet en étant innovant en termes
de mode constructif et d’économie
circulaire ». Le bois y sera apparent.
Quartus

teurs des cinq projets sélectionnés Une particularité rendue impossible

dans ce dossier. Catherine Bocquet par les récentes normes incendie.

72  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 Arboretum
À NANTERRE, UN PARCOURS FORESTIER EXEMPLAIRE
u A ce jour le plus grand campus en bois du monde, cette ville-forêt a
été érigée sur le site des anciennes Papeteries de la Seine. Imaginée

pour WO2 et BNP Paribas Real Estate par les agences Leclercq
Associés, Nicolas Laisné Architectes et Dream Architecture, elle
comprend cinq bâtiments intégralement en structure bois sur
126 000 m², au cœur d’un parc arboré de 9 hectares. Parmi ses
qualités, « une empreinte carbone exemplaire, divisée par deux sur
l’ensemble du cycle de vie des bâtiments par rapport à des
constructions traditionnelles », précise Marc Lafont, président exécutif
de WO2. Un programme selon lui « inédit dans le parc tertiaire
français » en matière d’ergonomie, de qualité d’espaces et de design.
ECDM - Arlynk
DR
Wood’Up
À PARIS, L’ÉMERGENCE DU HÊTRE
u Pionnier du bois en France, REI Habitat signe
Wood’Up, tour de 50 mètres de haut dans le
XIIIe arrondissement. Ce programme imaginé par LAN
compte 132 logements. Acquis en bloc par Gecina,
l’ouvrage est une première : « L’ensemble des
poteaux, la structure de l’immeuble sont en hêtre, une
innovation mondiale, souligne Paul Jarquin, président
de REI Habitat. Alors que 12 % de la forêt française
est constituée de cette essence, il nous paraissait
important de la valoriser. » Le bois a été acheminé
par le leuve depuis les hêtraies normandes, en ligne
avec les ambitions bas carbone du promoteur.

Wood
À GRENOBLE, UN PAYSAGE RESTRUCTURÉ
u Sur la presqu’île de Grenoble, Vinci Immobilier transforme
un site industriel avec cet immeuble de bureaux de six étages
majoritairement en bois. Nommé Wood, le projet développera
6 000 m² d’espaces divisibles bénéiciant tous de la lumière
naturelle. Plus de 800 m3 de bois, dont une part importante sera
apparente, seront mis en œuvre dans ce bâtiment conçu par ECDM.
Ce projet vertueux a séduit Groupama Gan Reim, acquéreur pour le
Nicolas Grosmond

compte de sa SCPI Afinités Pierre. « Les performances énergétiques

de Wood correspondront au niveau attendu pour tout projet
de construction à compter de 2030 », explique Charles Robert,
directeur de programme chez Vinci Immobilier. Livraison in 2024. u

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  73

Dossier
L’hôtellerie devient valeur refuge
A rebours des bureaux, les revenus par chambre sont en forte hausse, attirant
les investisseurs. De quoi booster les transactions, en 2023 comme en 2024.
Palace Mandarin Oriental, à Paris. L’acquisition en cours du 5-étoiles, pour un montant
de 200 millions d’euros, est emblématique du bon démarrage du premier trimestre 2024.
« a petite entreprise ne
M connaît pas la crise. »
Ce refrain extrait d’un
titre d’Alain Bashung
colle expressément à l’hôtellerie.
Sur le front de l’exploitation, les
chiffres du millésime 2023 ont cô-
toyé les sommets, portés par des
taux d’occupation élevés (67,7 %) et
des prix moyens solides (119,90 eu-
ros). « 2023 restera une édition
historique avec des niveaux de
RevPAR [revenu par chambre dis-
ponible] record jamais atteints en
France », réagit Sami Mendil, direc-
teur des investissements en hôtelle-
rie au sein du groupe de conseil
CBRE. Mesure phare de perfor-
mance prise en compte par les hôte-
liers, le RevPAR a bondi de 15,6 %
sur un an, passant de 70,10 à
81,20 euros. « Contrairement à
d’autres poches d’investissement
74  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
dans l’immobilier, poursuivent
Guillaume Garcin et Jean-Chris-
tophe Charolle, du cabinet Chris-
tie & Co, cette industrie a fait
preuve de résilience, avec des
chiffres quasi identiques à ceux
d’avant la crise du Covid. »
Dynamisme en région
Il n’en fallait donc pas moins pour
convaincre les investisseurs de
déployer leurs capitaux dans les
murs et fonds de commerce d’hô-
tels : près de 2,5 milliards d’euros
injectés en 2023, toutes typologies
d’actifs confondues. A Paris, plu-
sieurs transactions d’envergure
ont été inalisées, dont la cession
du 4-étoiles Westin Paris Vendôme
(650 millions d’euros) par Hender-
son Park à Dubai Holding, le fonds
détenu par le cheikh Mohammed
ben Rachid al-Maktoum.
A noter que les régions pèsent 65 %
des volumes globaux. La station de
ski huppée de Courchevel s’est dis-
tinguée avec la vente des 78 clés du
5-étoiles Palace des Neiges par
l’homme d’affaires Denis Dumont au
proit de la Société des Bains de Mer
pour 130 millions d’euros. L’hôtelle-
rie de plein air n’est pas en reste :
Atland Voisin a débloqué 20 millions
d’euros pour le camping Marvilla
Parks - Port de Plaisance dans le Fi-
nistère. « Cette acquisition vient
conirmer la recrudescence d’intérêt
pour cette catégorie de l’hôtellerie »,
observe Sami Mendil.
Etrangers à Paris
Et 2024 démarre sur les chapeaux
de roue : CBRE ne comptabilise pas
moins de 900 millions d’euros de
transactions pour le premier tri-
George Apostolidis mestre. Parmi les opérations pari-
siennes emblématiques qui vont se
inaliser igurent le palace Mandarin
Oriental pour plus de 200 millions
d’euros , le Dame des Arts et le Hil-
ton Paris Opéra. Ces trois hôtels ont
un point en commun : ils sont rache-
tés par des groupes étrangers, en
l’occurrence asiatiques pour les
2023 DANS
LES ÉTOILES
deux derniers. « Malgré des prises
de décision qui s’allongent dans le
temps, notamment en raison du
coût de la dette, ces transactions
conirment l’attractivité de l’Hexa-
2,5 milliards gone à l’international », abonde
d’euros
investis dans Guillaume Garcin, directeur général
l’hôtellerie. de Christie & Co en France.
67,7 % Ces prochains mois, le britannique
d’occupation Schroders, qui comptabilise déjà
moyenne. 3,5 milliards d’euros dans l’hôtellerie
119,90 euros européenne, va déployer un nou-
de prix moyen veau fonds pour acquérir des murs
par chambre. d’actifs core (premium). « Cette fois,
81,20 euros nous investirons pour le compte de
de RevPAR family ou multifamily offices et
(revenu par banques privées via des club-
chambre) moyen. deals », stipule Yves Desjardins, son
SOURCE : CBRE.
directeur général en France. Si les
arbres ne montent pas au ciel, la
ruée vers l’hôtellerie est loin d’être
terminée. Aurélien Jouhanneau
 Luxes création

T-Michael et Alexander Torgnes Helle dans leur boutique de Tokyo. A Bergen, ville norvégienne où il pleut deux jours sur trois, les cofondateurs
de Norwegian Rain ont relevé un déi : inventer un vêtement de pluie chic et pratique qui ne resssemble à aucun des modèles habituels.

S
ur la côte Est américaine, la Norwegian Rain
troupe hippie de la comédie
musicale Hair laissait entrer
le soleil. « Let the Sunshine
In »… Sur la côte Ouest nor-
végienne, le duo dandy de
Norwegian Rain prend le parti de
Ondées
laisser la pluie tomber. « Let it
rain ! » proclame, tant par fatalisme
que par défi, le fabricant d’imper-
positives
méables originaire de Bergen. Car ce Par Stéphanie Condis
port niché au bord d’un fjord est la
Bent René Synnevåg/SP

ville la plus arrosée d’Europe.
Comme il pleut en moyenne deux
jours sur trois, il y a deux options : se
faire une raison ou trouver une pa-
rade eficace pour ne pas se mouiller.
T-Michael et Alexander Torgnes Helle ont créé voilà quinze ans
leur marque d’imperméables. Face aux intempéries, les dandys
passionnés de mode prônent technique et esthétique, originalité
et élégance. Mixant inluences scandinaves et japonaises.

76  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 Hors de question, cepen-
dant, pour Alexander
Torgnes Helle, cofondateur
de la marque, de renoncer
à l’élégance quand il sort à
pied ou à vélo dans les rues
de sa cité natale. Après des
études en école de com-
merce qui l’ont conduit
à Milan pour un échange
universitaire en 2007, il est
tenté par l’entrepreneuriat
dans la mode et cherche à
résoudre un problème quo-
tidien : « En Italie, je me
suis rendu compte com-
bien il était agréable de ne
pas devoir se protéger des
intempéries. De retour à
Bergen, je ne voulais plus
laisser la météo affecter
mon humeur presque tous
les jours ! J’ai donc réléchi
à des solutions. »
N’ayant pas de compé-
tences dans la confection,
Alexander sollicite le tail-
leur T-Michael. « J’étais
fan de sa boutique-atelier
ouverte à Bergen en 1996,
se souvient Alexander. Ce
fut un vrai challenge de le
convaincre de créer un
imperméable qui n’en ait
pas l’air. » En effet, cet
univers n’est pas du tout
celui de T-Michael, adepte
de coupes sur mesure et
féru d’étoffes nobles, pas
de matières synthétiques.
« Alex a été si persévérant
que l’on a ini par discu-
ter de nouveaux scénarios pour
réinventer le raincoat, poursuit
T-Michael. Pendant deux ans,
on a poussé les questionne-
ments et les limites, c’était très
excitant. Nous avons conçu
des prototypes pour mettre
au point le meilleur vête-
ment de pluie, mais qui ne
ressemble pas aux modèles
habituels. »
L’idée de la marque Norwe-
gian Rain germe donc
Le Raincho. Mi-raincoat,
mi-poncho, ce modèle
aux multiples inspirations
est un best-seller
de la marque.
Parka Padded en 2009, à partir de multiples inspi-
Harmattan rations, selon Alexander : « Notre
Cropped. Adepte pièce emblématique, devenue un
de la slow fashion,
le duo restreint le
best-seller, le Raincho, est à la fois
nombre de pièces, un raincoat et un poncho, comme
certaines étant celui en plastique transparent
unisexes, tel ce et coloré enilé par les touristes
modèle. qui débarquent à Bergen. C’est le
concept de départ, et pourtant, les
gens projettent des références très
Casquette Newsboy oversized.
Les accessoires concilient aussi
innovation technique et savoir-
faire traditionnel des tailleurs.
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820 
variées : certains voient un kimo-
no ou une cape à la Harry Potter. »
Sans doute est-ce dû à sa sophistica-
M
tion et à son originalité.
ême si la dimension
fonctionnelle est es-
sentielle, l’esthétique
ne doit pas être sacri-
iée. Et il est néces-
saire de concilier l’in-
novation technique
avec le savoir-faire
traditionnel des tailleurs prôné par
T-Michael, qui déteste fermetures
Eclair, Velcro, capuches… « Celles-
ci nous ont demandé beaucoup de
travail pour éviter de devoir les
porter serrées autour du visage,
souligne le créateur. Ne pas aimer
quelque chose donne l’occasion de
prendre du recul et d’en repenser
la forme. » Ce pas de côté conduit à
élargir l’ouverture de façon à bouger
plus librement la tête à l’intérieur.
Tout en restant à l’abri du vent ou
des gouttes grâce à un tombé impec-
cable, avec réglage par languette en
cuir et boutons-pression. Ces der-
niers rendent également la capuche
amovible, mais ils sont masqués ain
que l’absence de celle-ci ne casse
pas la ligne du vêtement. uuu
Housse
waterproof (à dr.).
Ne pas laisser la
pluie gâcher son
humeur, ni
ses habits en
voyage.
Photos : NorwegianRain/SP
77
Luxes création
uuu « Chaque détail a sa raison
d’être, renchérit Alexander. Comme
dans le design scandinave, dont
le minimalisme rappelle celui
du Japon. » Un pays où T-Michael
se rend souvent pour nourrir son
imaginaire : « Ces voyages me
reconnectent à mes racines gha-
néennes, précise-t-il. A l’instar du
Japon, l’artisanat est très impor-
tant dans mon pays natal. Tandis
que l’Occident, pris dans la course
à la nouveauté, néglige trop souvent
les savoir-faire ancestraux. » Né
en 1966 à Accra, il grandit à Londres
où il se passionne pour la mode et
la couture : « J’ai appris les bases
pour les moderniser et concevoir
L
moi-même mes tenues. »
a capitale britannique
s’avère très stimulante
pour lui : un vivier unique
de looks excentriques,
voire underground à
Camden Market, et de
costumes ultrachics,
comme à Savile Row,
la rue des tailleurs sur mesure. Si
T-Michael a longtemps dé-
cortiqué les habits vintage,
notamment les uniformes
militaires, il ne fréquente
plus les marchés aux puces :
« Je trouve les vêtements
un peu ennuyeux, j’en ai
vu tellement ! Aujourd’hui,
je suis inluencé par les
poètes, les artistes et les ar-
tisans, comme les soufleurs
de verre ou les céramistes.
J’adore les observer presque
en transe dans leur tâche.
C’est de la magie… Je suis
alors chargé d’une énergie
qui m’anime ensuite dans mon
propre travail. »
Autant de démarches créatives qui
font écho à l’esprit slow fashion dé-
fendu par Norwegian Rain. D’abord
à travers le choix des tissus déper-
lants et respirants, venus du Japon et
issus, en grande partie, du recyclage.
Puis par la confection, en Europe.
« Sachant que 80 % de l’empreinte
carbone du secteur vient de la fabri-
cation, nous évitons la surproduc-
tion, analyse Alexander. Nous ne
suivons pas la logique de deux col-
lections par an. Au contraire, nous
restreignons le nombre de modèles,
certains étant unisexes et multisai-
78  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
LÈCHE-
VITRINES
Boutique
à Paris, 35, rue
Notre-Dame-de-
Nazareth (IIIe).
Tél. :
06-27-96-62-39.
Du mardi au
samedi de
12 heures à
19 heures.
Autres magasins
en nom propre, à
Bergen et Oslo
(Norvège) ainsi
qu’à Tokyo (Japon).
E-shop,
norwegianrain.com
Bent René Synnevåg/SP
Dans la boutique de Tokyo. Inspirés par
le Japon et son minimalisme, les
créateurs y ont ouvert un magasin en
2019, et élaboré eux-mêmes son décor.
veux pas être catégorisé, mis dans
une case, assure Alexander, au-
jourd’hui quadragénaire, et qui a
gagné en coniance avec les années.
Mon style s’exprime notamment
par les accessoires, comme les cha-
Shehan Hanwellage/SP
peaux. Je cherche le bon équilibre,
grâce à de petits détails qui font
toute la différence. »
Son aîné confirme qu’il faut du
temps pour trouver la façon de s’ha-
Le magasin sons. » Le but est d’inciter à acheter biller qui relète ce que l’on pense :
Norwegian Rain moins et à garder longtemps, grâce « Et c’est en évolution permanente.
à Paris. Les à la qualité. « Pour chaque client, on Néanmoins, changer d’allure ne
boutiques et
points de vente,
prend le temps de montrer les élé- signifie pas remplacer toute sa
dans une dizaine ments du vêtement et les façons de garde-robe. Il sufit d’adapter les
de pays, sont le porter », explique T-Michael. Et combinaisons de pièces intempo-
sélectionnés avec Alexander d’ajouter : « C’est pour- relles. » Pour lui, il s’agit, in ine,
soin par les deux quoi nous sélectionnons avec soin d’envoyer un message : « Je suis
cofondateurs. nos points de vente, présents dans punk dans le sens anti-establish-
une dizaine de pays, en plus de nos ment du terme. » Sa déinition de
quatre boutiques en nom propre l’élégance ? « Etre en paix avec soi-
à Bergen, Oslo, Tokyo et Paris, et même grâce aux vêtements qui de-
dont nous avons, nous-mêmes, éla- viennent une seconde peau. » Il est
boré le décor. » vrai qu’émanent de T-Michael séré-
Rien n’est donc laissé au hasard, et nité et harmonie. Quelle que soit la
surtout pas l’apparence du tandem, météo, il laisse rayonner son soleil
ambassadeur de sa marque. « Je ne intérieur. •
 Galeries participantes

#
, ,
Paris, France , Zurich, Suisse

Le salon du dessin ,
Romainville, France
Paris, France

Paris, France
,
Paris, France
,

contemporain Paris, France

,
,
Hamburg, Allemagne Paris, France
,

17e édition Bogota, Colombie

,
, ,
Cologne, Allemagne

—
Paris, France
,
Paris, France , ,
Bruxelles, Belgique Paris, France
,

21 - 24 mars 2024 Berlin, Allemagne

,
Chêne-Bourg, Suisse
Paris, France
,
La Haye, Pays-Bas
,

,
Paris, France
,
, Paris, France
Paris, France ,
73 galeries internationales ,
Metz, France

300 artistes ,
Nice, France
Saint-Méloir-des-Ondes, ,
France ,
Nice, France Liège, Belgique
Carreau du Temple
,
4, rue Eugène Spuller — 75003 Paris Bruxelles, Belgique , ,
République 5 8 9 11 Temple 3 Senlis, France ,
,
Paris, France Paris, France
,
Şişli, Turquie
, ,
Paris, France Rennes, France
,
Bucarest, Roumanie
,
,
Paris, France
Paris, France
, ,
, Paris, France
Paris, France
Paris, France

, ,
, Londres, Royaume-Uni
Paris, France Bruxelles, Belgique
,
, Schörfling am Attersee,
, Autriche
Paris, France Marseille, France

, ,
Moscou, Russie Porto, Portugal
,
New York, États-Unis ,
,
Bruxelles, Belgique Londres, Royaume-Uni
Paris, France
,
,
Paris, France Paris, France
Paris, France
© Grégoire Avenel — Agence Coolhuntparis

, ,
, Tokyo, Japon Locquirec, France
Neuchâtel, Suisse

, ,
Bologne, Italie Paris, France
Paris, France ,
, Bologne, Italie
Hamburg, Allemagne
Bologne, Italie
drawingnowartfair.com @drawingnowartfair ,
* Nouvelle participation en 2024

, , Paris, France
Saint-Paul-de-Vence, France Paris, France

,
, , Paris, France
Paris, France Paris, France

, ,
Taunton, Royaume-Uni Bruxelles, Belgique Paris, France
Luxes design
MARIA WETTERGREN

Illuminé
Spécialisée dans le design contemporain, Maria
Wettergren privilégie les œuvres artisanales.
C’est le cas de cette pièce unique signée de la
Finlandaise Camilla Moberg. Chaque élément a été
soufflé dans une verrerie du village de Nuutajärvi
où ce savoir-faire perdure depuis 230 ans.
Luminaire Emerald 2, série Messengers in Glass, Camilla
Moberg (2023). Verre soufflé à la bouche, aluminium, acier,
acrylique, silicone, LED. Dimensions : 28 x 190 cm.

Marina Gusina
Prix sur demande. mariawettergren.com

Tefaf Maastricht

Mine CHASTEL-MARÉCHAL

d’art Ensorcelé
Parmi des pièces de Jean Royère,
Georges Jouve ou Eileen Gray,
Par Bertrand Fraysse la galeriste Aline Chastel présente
des créations de l’artiste Line Vautrin,
A partir du 9 mars, la prestigieuse foire dont elle a permis la redécouverte. Ce
poétique « miroir de sorcière » en est un
accueille aux Pays-Bas 270 des plus exemple. Son cadre est en talosel, un
grands marchands du monde. matériau mis au point par la créatrice.
Miroir Perruque, Line Vautrin (vers 1965).
Plusieurs galeries parisiennes présentent Verre et talosel. Dimensions : H. 38 x L. 36 cm.
des œuvres de qualité muséale. Prix sur demande. chastel-marechal.com
Jenny Moberg

MITTERRAND

Animalier
Pour sa première participation à la Tefaf, la galerie Mitterrand
présente des œuvres majeures du couple Lalanne. Conçu
pour le styliste Tom Ford, ce bureau fait partie du mobilier croco
de Claude Lalanne. De vraies peaux de crocodiles ont été moulées
et leurs formes, intégrées dans le meuble.
Bureau Crocodile, Claude Lalanne (2007-2015). Bronze.
Dim. : H. 85 x L. 157 x l. 61 cm. Prix sur demande. galeriemitterrand.com
et
Bourd i
Ketab

Courtesy of the Estate & Galerie Mitterrand © Rebecca Fanuele

KETABI BOURDET

Singulier
Nouvelle section de la foire, Tefaf Focus permet aux galeries
de mettre en lumière un artiste ou un concept. Ketabi
Bourdet a choisi l’Italien Paolo Pallucco, designer engagé
et dérangeant, avec diverses pièces faisant partie de son
« testament » : 100 chaises en bois, dessinées en une nuit.
Chaise n° 93 de la série 100 sedie in una notte, Paolo Pallucco (1990).
Bois peint. Dimensions : L. 76 x H. 96 x P. 38 cm.
Prix sur demande. ketabibourdet.com

80  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

mode

Accessoires de cycliste

www.alexrosu.com
Tous
en selle !
Par Xavière Laffont

La vélorution bat son plein. MARKO HELMETS

Les marques l’ont bien compris et
proposent des équipements pour Stylé
Francesco Ponzoni

rester chic en toutes circonstances. Protection oblige, les fabricants

se sont mis à la page. Fini, le style
extraterrestre et le look ovni.
Désormais, le casque de vélo imite
COLMAR celui du motard avec des
empiècements de cuir qui lui
Douillettes confèrent une touche vintage.
Casque Tandem. Prix : 140 euros.
Plus que les gants, les mitaines sont marko-helmets.com
devenues l’accessoire favori
des cyclistes. A la fois pratiques
et esthétiques, elles permettent
une mobilité des doigts tout
en les réchauffant, à l’image
de ce modèle en laine et alpaga.
Chauffe-mains. Prix : 75 euros.
colmar.com
Photos : SP

MAISON FARET

Coquet
Il fallait y penser ! Un sac ultramode, en cuir
et toile cirée, qui peut se porter sur le dos
mais aussi s’accrocher au guidon du vélo. K-WAY X SOEUR
ERIC BOMPARD Avec ses anses détachables et son rabat

Protecteur
aimanté, il permet de transporter ses affaires Incontournable
précieuses en toute sécurité.
Indispensable par temps de pluie,
Conjuguant style et aspect pratique, Sac Ferret. Prix : 890 euros.
maison-faret.com le K-Way se transforme selon
ce tour de cou s’enfile en un rien de les styles. Pour ce modèle, la célèbre
temps et ne prend pas de place. En marque de coupe-vent s’est associée
100 % cachemire, il réchauffe la gorge à la maison parisienne Soeur.
et reste un vrai rempart contre les En résulte une veste courte, couleur
coups de froid dans le dos. moutarde, très sophistiquée.
Tour de cou à côtes 4 fils. Prix : 190 euros. Sweat Soisic. Prix : 250 euros.
eric-bompard.com soeur.fr ou k-way.fr

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  81

Luxes horlogerie
Khaki Aviation Pilot Day Date Auto.
Boîtier : acier. Diamètre : 42 mm.
Etanchéité : 100 mètres.
Mouvement : automatique.
Réserve de marche : 80 heures.
Prix conseillé : 1 075 euros.

Hamilton

Quart d’heure
américain
Par Bertrand Fraysse

L
orsque la Ventura fut lancée,
en 1957, sa technologie était
révolutionnaire. C’était la première
montre électrique fonctionnant
avec une pile. Son design,
archétypique, illustrait le style futuriste
de la in des ifties : un boîtier triangulaire
en forme de bouclier. Elvis Presley
en devint l’ambassadeur glamour,
en portant une Ventura dans le ilm
Blue Hawaii. Hamilton fait revivre
la « montre du King » avec six nouveaux
modèles, dont deux chronographes, tous
animés par des mouvements à quartz.
La marque suisse d’origine américaine
rappelle également son passé
aéronautique – des garde-temps Hamilton
chronométrèrent le premier vol de la
Poste aérienne américaine en 1918 – à
travers sept nouvelles références de la
collection Khaki Aviation Pilot, quatre
de 36 mm et trois de 42 mm. Toutes sont
dotées d’un mouvement automatique
comportant un spiral en NivachronTM,
matériau réputé pour ses propriétés
antimagnétiques. Robustes et iables,
elles conjuguent élégamment « American
spirit » et précision helvétique.•

Ventura Quartz.
Photos : Fotostudio2

Boîtier : acier.
Dimensions : 32,3 x 50,3 mm.
Etanchéité : 50 mètres.
Mouvement : quartz avec 23 cristaux. Khaki Aviation Pilot Auto.
Prix conseillé : 995 euros. Boîtier : acier.
Diamètre : 36 mm.
Etanchéité : 100 mètres.
Mouvement : automatique.
Réserve de marche : 80 heures.
Prix conseillé : 1 075 euros.

82  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 destination
Cap Karoso (Indonésie)
Pépite
insulaire
Par Sophie Massalovitch
Au large de Bali, l’île de Sumba est demeurée
préservée du tourisme. Depuis peu, sa côte
sud accueille un hôtel au design recherché
et sobre. Une parenthèse enchantée.
S
ituée à une heure de vol de
Bali, l’île de Sumba a conser-
vé les paysages radieux des
premiers temps. Longtemps,
les surfeurs en quête de la
vague parfaite ont été les
seuls à fréquenter ses rivages our-
lés de sable blanc. Tombé sous le
charme du site, un couple de Fran-
çais a ancré un élégant hôtel sur sa
côte méridionale. Il a pris le nom
du cap – Karoso –, signalé par un
phare qui s’avance à l’extrémité
d’une immense plage. Conçus par
l’architecte britannique Gary Fell,
les bâtiments de pierre et de bois
s’intègrent à la perfection à l’envi-
ronnement. Une végétation de rêve
les enlace. Prolongées de vastes
terrasses, les chambres s’habillent
Photos : Alex Grabchilev
de panneaux de teck et de bambou
tissé. Les canapés et fauteuils sont
revêtus d’étoffes Pierre Frey : un
habile mix de culture locale et de
chic français.
Le spa s’abrite sous des pavillons de
bambou aux toits pyramidaux coif-
fés de chaume. Ils ressemblent
comme des frères aux maisons tra-
ditionnelles de l’île. Une invitation à
Beach Suite.
Prolongées de s’élancer à bicyclette à la décou-
vastes terrasses, verte des villages les plus proches.
les chambres Leurs habitants ont plaisir à dévoi-
déploient un ler les secrets de l’ikat, la technique
décor mêlant de tissage propre à l’île. Sur place,
culture locale et des dolmens témoignent du culte
chic français.
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820 
Le restaurant
Beach Club. Face
aux eaux turquoise,
les bâtiments de
pierre et de bois
s’intègrent
harmonieusement à
l’environnement.
des ancêtres (marapu), toujours
d’actualité. Le visiteur se sent sou-
dain l’âme d’un explorateur.
A Cap Karoso, on ne vit pas en re-
clus. Tous les matins, les pêcheurs
échouent leurs pirogues sur le sable,
juste en contrebas de l’hôtel. A
l’heure de la sortie des classes, les
enfants se baignent joyeusement.
A marée basse, ils caracolent par-
fois sur de gracieux petits chevaux.
Un spectacle enchanteur. On l’ob-
serve avec bonheur, installé sur les
transats éparpillés à l’ombre des i-
laos. Le dépaysement a un nouveau
nom : Sumba. •
CAP KAROSO
Pantai Karoso, Sumba.
44 chambres, 20 villas. A partir
de 310 euros la nuit.
capkaroso.com.
L’agence de voyages Kuoni Emotions
propose un forfait à partir de 4 150 euros
pour 7 nuits, avec les vols allers-retours
au départ de Paris, via Singapour et Bali.
emotions.kuoni.fr
83
 Cultures écrans

D
ernièrement, le
monde de l’éduca-
tion inspire beau-
coup les cinéastes.
Entre Un métier
sérieux, de Tho-
mas Lilti, sorti en
septem bre der-
nier, et les prochains Pas de
vagues, de Teddy Lussi-
Modeste, L’Affaire Abel
Trem, du Hongrois Gabor
Reisz, ou Amal, un esprit
libre, du Belgo-Marocain
Jawad Rhalib, le sujet donne
lieu à des variations d’autant
plus passionnantes qu’elles se
complètent pour raconter ce
qui se passe entre ces quatre
murs, ce secret que seuls par-
tagent ceux qui s’y trouvent,
élèves et enseignants, sans

intervention ou regard du
monde extérieur. Avec
La Salle des profs, Ilker Catak
part, lui, d’une enseignante
vive, impliquée. Une vraie
machine de guerre éducative
que va venir un jour perturber un
grain de sable aussi inattendu que
les dommages collatéraux qu’il va
engendrer. En l’occurrence, un vol
d’argent dans le sac à main de l’en-
seignante et l’accusation qu’elle
porte contre une collègue dont le
ils, élève de sa classe, va se rebeller.
Dans ce ilm, qui représentera l’Al-
lemagne à la 96e cérémonie des Os-
cars le 10 mars, Ilker Catak ne
cherche pas à imposer un regard
sociétal sur l’époque en se servant
du récit pour imposer ses thèses. Il
fait exactement l’inverse. Il part de
Alamodeilm
Leonie Benesch, dans la salle des profs. Les personnages du ilm, aux facettes multiples,
sont à mille lieues de tout manichéisme.
La Salle des profs son intrigue, thriller nerveux, écrit
au cordeau, pour questionner des
faits de société : le communauta-
La lutte des risme, les rapports de pouvoir par-
fois inversés entre profs et élèves,
classes le rôle des parents, la violence feu-
trée des rapports entre collègues.
Et il s’appuie pour cela sur des per-
sonnages aux facettes multiples, à
Par Thierry Chèze
mille lieues de tout manichéisme.
Dans la course à l’Oscar du ilm La Salle des profs dérange… et ça
fait du bien !•
étranger, ce thriller allemand
De Ilker Catak. Avec Leonie Benesch,
dissèque ce qui se joue dans la vie Michael Klammer, Rafael Stachowiak…
des établissements scolaires. Durée : 1 h 39.

La Vie de ma mère

Montagnes russes émotionnelles

P
ierre a 33 ans et tout
pour être heureux.
A commencer par sa
petite boutique de leurs
devenue grande. Jusqu’au jour
où redébarque sa mère Judith,
qu’il n’a pas vue depuis deux
ans, depuis ce jour où il a pris
Silex Films - CPCF5
est bipolaire. C’est ce drôle
d’attelage aussi incapable
de vivre côte à côte que loin
l’un de l’autre qu’a choisi
de raconter Julien Carpentier
pour son premier long-
métrage, en épousant
ces montagnes russes
causées par ce mal insidieux.
Avec devant sa caméra, face
au facétieux William Lebghil,
un grand numéro d’Agnès
Jaoui. Dans la foulée du
Dernier des juifs et de son
César d’honneur, 2024
commence sur les chapeaux

la décision de la faire interner émotionnelles qui constituent de roue pour elle.•

dans un centre spécialisé pour leur quotidien. La comédie De Julien Carpentier. Avec Agnès
la protéger de son inaptitude sait se faire déchirante, au il Jaoui, William Lebghil, Salif Cissé…
à vivre en société. Car Judith des situations absurdes Durée : 1 h 45.

84  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 scènes

Noir, c’est noir La Maison du loup

Né de la plume de Dashiell
Hammett en 1930 et
immortalisé par Humphrey
Dans la peau
du héros
Bogart dans Le Faucon maltais,
le détective privé Sam Spade
reprend du service sous les traits
de Clive Owen le temps d’une
Ben King/Prime

série, située dans la France des

années 1960. Et Mister Spade Par Rodolphe Fouano
assume cet héritage avec
une gourmandise contagieuse au fil d’une enquête Après La Machine de Turing, Benoit Solès conte
en eaux troubles sur l’assassinat de six religieuses.
la rencontre féconde d’un taulard avec Jack London.
Mister Spade. Série créée par Scott Frank et Tom Fontana.
6 épisodes. Disponible sur MyCanal.

Diagnostic sans appel

En suivant le quotidien d’un psychiatre de l’hôpital
Beaujon de Clichy, dont l’engagement sans faille est
miné par la manière dont on lui demande d’exercer
son métier, Etat limite raconte une institution malade
où le lien entre soignants et patients s’affaiblit
inexorablement. Un documentaire d’utilité publique.
Etat limite. De Nicolas Peduzzi. Durée : 1 h 50.
Disponible sur Arte.tv.

Retour aux sources comiques

Fabienne Rappeneau/SP
Benoit Solès, Anne Plantey et Amaury de Crayencour. De leur échange violent
et passionné naîtra Le Vagabond des étoiles, dernier roman de London.

A
vec quatre Molières en 2019, violent, viril et primitif, d’où naîtra
La Machine de Turing, qui Le Vagabond des étoiles, son der-
AMC

évoque le parcours de l’in- nier roman. Créée à Avignon en juil-

Dans Ricky Stanicky, Peter Farrelly met en scène
deux amis d’enfance trentenaires qui se sont inventé
un ami imaginaire, dont ils se servent comme
couverture de leurs mauvaises actions. Jusqu’au jour
où leurs compagnes commencent à douter de son
existence et où ils décident d’engager un comédien
– pas le plus doué – pour lui donner vie. Irrésistible de
dinguerie, le retour gagnant à la comédie du réalisateur
de Dumb and Dumber, oscarisé avec Green Book.
Ricky Stanicky. De Peter Farrelly. Durée : 1 h 48.
Disponible sur Prime Video.
Cauchemar éveillé
Une astronaute de la Station spatiale internationale
à la mission avortée à la suite d’une catastrophe
revient sur Terre, où elle va peu à peu découvrir
que des éléments clés de sa vie d’avant semblent avoir
été mystérieusement modifiés. Surnaturel et paranoïa
sont au programme de la très prenante série
Constellation, où l’intensité et la justesse
de Noomi Rapace (Millénium) font merveille.
Constellation. Série créée par Peter Harness. 8 épisodes.
Disponible sur Apple TV+.
formaticien britannique,
héroïque cryptologue pen-
dant la Seconde Guerre
mondiale condamné pour homo-
sexualité, a fait de Benoit Solès un
auteur vedette. Actuellement à l’af-
fiche au Palais-Royal (jusqu’au
27 avril, theatrepalaisroyal.com), la
pièce a dépassé 800 représentations.
La Maison du loup, son texte sui-
vant, met en scène Jack London
(L’Appel de la forêt, Croc-Blanc,
Martin Eden…).
Solès situe l’intrigue dans un mo-
ment de crise. Ravagé par l’alcoo-
lisme, en perte d’inspiration, Jack
London (Amaury de Crayencour)
reçoit, à l’initiative de Charmian,
son épouse (Anne Plantey), la visite
d’Ed Morrell (Benoit Solès), mysté-
rieux ex-taulard venu le solliciter
pour sauver un camarade de la
peine de mort. S’ensuit un échange
let 2021, la pièce, après une tournée
en région, poursuit sa course à Pa-
ris. Et la 200e vient d’être dépassée.
Comment expliquer ce phénomène
Solès ? Goût pour les récits édiiants
et les biopics ? Attachement au réa-
lisme psychologique ? Certes. Mais
au-delà, par la puissance d’une
encre puisée dans les veines d’un
comédien-écrivain qui, certains
soirs, enchaîne les rôles d’Ed Mor-
rell et de Turing ! C’est ce théâtre de
l’incarnation que plébiscitent les
publics. Spectaculaire. •
Pièce de Benoit Solès. Mise en scène
de Tristan Petitgirard. Scénographie
de Juliette Azzopardi. Musique de Romain
Trouillet. Durée : 1 h 30.
Jeudi (jusqu’au 31 mars), vendredi
et samedi à 21 heures ;
dimanche à 15 heures. Jusqu’au 19 mai.
Tarifs : de 26 à 49 euros. Théâtre Rive-
Gauche (Paris, XIVe). Tél. : 01-43-35-32-31.
Theatre-rive-gauche.com

7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820  85

 Cultures arts
Les enfants de La Piscine
Face à
l’âge tendre
Par Caroline Brun
Le musée Art déco de Roubaix proite du prêt de
cinq œuvres impressionnistes par Orsay pour mettre
ses collections en résonance, autour de l’enfance.
La Piscine, le beau musée Art
déco de Roubaix, a saisi la
balle au bond et propose un
nouveau parcours et accro-
chage de ses collections en
écho aux cinq œuvres prêtées
par Orsay sur le thème de l’en-
fance. Une manière de renou-
veler le regard sur la « Joconde
du musée nordiste », La Petite
Châtelaine de Camille Claudel
et sa chevelure de sauvageon-
ne, « comme si elle invitait les
enfants de l’impressionnisme
à passer trois mois avec elle à
la Piscine », s’amuse le direc-
Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais/Patrice SC
teur et commissaire général
de l’exposition, Bruno Gaudi-
chon. L’œuvre se retrouve en
effet face à La Petite Danseuse
de quatorze ans de Degas,
splendide statue en bronze qui
fut la seule sculpture présentée
par le peintre à l’exposition im-
pressionniste de 1881 ; et tout
près du Garçon au chat de Re-
noir, deux œuvres qui livrent
Le Garçon au chat, par Auguste Renoir
(1841-1919). Une des huiles qu’Orsay
une vision ambiguë du corps
a prêtées à Roubaix pour son exposition. de l’enfant et interrogent sur
C
son statut, du xixe à nos jours.
’est à une très heureuse initia- Après le choc de cette première
tive du président du musée salle, le musée a puisé dans son
d’Orsay, Christophe Leri- riche fonds pour thématiser l’uni-
bault – en partance pour la vers enfantin dans les cabines qui
direction du Château de Ver- longent et surplombent le bassin :
sailles – que l’on doit de fêter de l’éducation aux relations fami-
avec originalité, un peu partout en liales, du jeu aux rites de passage
France, les 150 ans de l’impression- qui rythment sa vie (y compris reli-
nisme : dans un dialogue inattendu gieux), sans oublier la traversée des
entre les chefs-d’œuvre prêtés par guerres ou des mouvements so-
le musée parisien (178 au total) et ciaux auquel le monde adulte le
l’ADN culturel d’une bonne tren- confronte. • musée sur l’île d’Aix. » A noter que dans la même
taine d’institutions en région, qui Les enfants de La Piscine.
déroulent, à cette occasion, des ex- Au musée La Piscine de Roubaix,
positions sur mesure. jusqu’au 26 mai 2024.
86  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
Tête de Calliope,
par Antonio Canova
(1757-1822).
Hauteur : 56 cm.
Estimation : 3 à
4 millions d’euros.
Napoléon,
par Antoine Denis
Photos : Artcurial
Chaudet (1763-1810).
Hauteur : 59 cm.
Estimation : 40 000 à
60 000 euros.
VENTE AUX ENCHÈRES
Marbres
impériaux
L
es chanceux qui ont pu voir la sculpture
de Pauline Borghèse en Vénus exposée
à la galerie Borghèse de Rome s’en
souviennent encore. Ce chef-d’œuvre plein
de sensualité est signé Antonio Canova. « Artiste
néoclassique vénitien mythique, il a révolutionné
la sculpture tout en célébrant l’antique »,
admire le directeur associé d’Artcurial Matthieu
Fournier. Dans la vente du 20 mars, il présentera
une autre œuvre de Canova, une tête de Calliope,
portrait présumé de Marie-Louise de Habsbourg,
impératrice des Français. Réalisée en 1812,
cette sculpture fait partie de la série des
« Têtes idéales » dans laquelle igurent les neuf
muses, dont Calliope, celle de la poésie épique,
ou une Juliette Récamier représentée en Béatrice,
muse de Dante Alighieri. « Ce buste est en trois
quarts face, donc la pire des vues est celle de face,
c’est là tout le génie de l’artiste, qui incite
à tourner autour de l’œuvre pour en apprécier
tous les détails, y compris ceux de la coiffure,
avec toutes ses boucles », souligne l’expert.
Estimé entre 3 et 4 millions d’euros, « ce marbre
vient de l’héritage du général et baron Gourgaud,
idèle de l’empereur au point de l’avoir
accompagné à Sainte-Hélène, détaille Matthieu
Fournier. Il a ensuite créé une collection d’art
autour de lui et de sa famille, dont ses
descendants prendront la suite en créant un
vente, un buste de Napoléon par Chaudet sera aussi
présenté, avec une estimation bien plus réduite :
40 000 à 60 000 euros. Clémentine Pomeau-Peyre
 livres
Ulf Andersen/Aurimages/AFP
Mémoires
L’autre vie de
Caracalla
Par Maurice Szafran
Le troisième tome des souvenirs
de l’ancien résistant nous fait
découvrir les années passionnantes
où il fut un galeriste réputé.
V
ingt ans en 1940, disciple de
Charles Maurras, antisémite
forcené, il se précipite à
Londres pour rejoindre de
Gaulle aussitôt après l’appel
du 18 juin. Toute son exis-
tence, Daniel Cordier (1920-2020)
expiera ce double péché – le maur-
rassisme et l’antisémitisme – et de
quelle manière, aussi courageuse
qu’éclatante ! A partir de 1942, il sera
Caracalla, son nom de guerre, à
qui l’on conie la mission capitale de
devenir le secrétaire du « patron »,
Jean Moulin, le chef de la résistance
intérieure. Cordier l’accompagnera
jusqu’à son arrestation.
Dans les années 1980, les insanités
proférées sur Moulin contraindront
Cordier à se faire historien, revisi-
tant les « affaires » de la résistance
SP
Daniel Cordier.
Son tournant vers l’art,
il le doit à son dégoût
de la politique, mais aussi
à Jean Moulin.
dans de nombreux ouvrages, mais
aussi écrivain – les deux premiers
tomes de ses Mémoires se révéle-
ront d’une grande richesse litté-
raire. Cet ultime tome raconte un
autre Cordier : l’esthète qui s’est
pris de passion pour l’art contem-
porain et se fait galeriste réputé.
Ce tournant vers l’art, il le doit au
dégoût de la politique qu’il ressentit
aussitôt après la Libération, parce
qu’il estimait « les idéaux de la ré-
sistance trahis », mais aussi à…
Moulin, lui-même peintre et gale-
riste, Moulin qui lui avait offert une
histoire de l’art contemporain au-
quel il ne comprenait rien, et le pres-
sait d’aller découvrir, dès que pos-
sible, les galeries du Prado à Madrid.
Ce que Cordier s’empressa de faire,
dès 1944. Une galerie de grande qua-
lité, une capacité étonnante pour un
« amateur » à regrouper autour de
lui d’immenses artistes, Dubuffet
SP
(son préféré) et Hans Bellmer,
Amateur d’art. Michaux et Matta, Rauschenberg et
Alias Caracalla
Nicolas de Staël. Succès profession-
1946-1977, nel et artistique. Prestige et argent.
Daniel Cordier,
Gallimard, Que demande-t-il d’autre, l’insatia-
365 pages, ble Daniel Cordier ? De tourner une
23 euros. nouvelle fois la page puisqu’en 1977,
il choisit de baisser le rideau de sa
galerie. Il s’en va, mais le récit de
ces années est passionnant, ses
voyages en Union soviétique, sa fré-
quentation assidue des surréalistes.
Une autre vie, aussi trépidante que
la première. • Michel, 256 pages, 21,90 euros.
7 MARS 2024 - CHALLENGES N°820 
Roman
La grâce
Enthoven
Une terre, l’Algérie française ;
une petite ville, Mascara ;
un cinéma, Le Vox, qui doit
être inauguré en projetant
Moby Dick, le ilm de John
Huston adapté
de Melville.
Tout cela inira
en massacre.
Voici le pitch
du nouveau
livre de
Jean-Paul
Enthoven,
écrit d’une plume toujours aussi
étincelante. L’auteur nous
raconte un monde sur le point
de se perdre et surtout
il se raconte lui-même. Mais
ce roman est d’abord un roman !
Avec des personnages,
des histoires, des couleurs, des
détails, des pointes d’humour
et des attaques virulentes
envers les colons, boursoulés
de racisme et de beauitude.
Si le soleil s’en souvient,
Jean-Paul Enthoven, Grasset,
208 pages, 19 euros.
Essai
Sus à l’Occident
La Russie de Poutine. La Chine
de Xi. L’Inde de Modi. L’Iran
de Khamenei. La Turquie
d’Erdogan. Le retour de ces
cinq empires, leur « grand
réarmement » pour mieux
déier
l’Occident,
longtemps
arrogant,
désormais
trouillard.
Telle est
la thèse que
développe
l’historien Jean-François
Colosimo dans un passionnant
essai. Colosimo ne se contente
pas d’analyser ce retour.
Il raconte aussi des histoires
pour faire l’histoire et nous
permettre de comprendre
que « la première guerre
mondialisée avait déjà
commencé ». En le lisant,
personne ne sera rassuré ; mais
un peu plus lucide, à coup sûr.
Occident, ennemi mondial n°1,
Jean-François Colosimo, Albin
87
Cultures livres

Charles Serfaty

Consentement
fiscal
Dans une fresque éclairante, de la Gaule à nos jours, l’économiste et historien se penche sur
notre rapport aux impôts et taxes, fondements de l’Etat-nation. Extraits (p. 116 et 117).

Chaque prélèvement d’impôts, aussi restitué aux contribuables. Ce cas se produisit

bien sous les derniers Capétiens directs
que sous le premier Valois, commençait
par des discussions. Les oficiers du roi parlemen-
taient avec les autorités locales, notamment les
municipalités, sur le montant des prélèvements.
L’impôt avait toujours un caractère exceptionnel et
devait donc être justiié. Dans le cas de Philippe
contre les Flamands en 1313 : alors que la levée
avait déjà eu lieu, les adversaires se montrèrent dis-
posés à négocier. Philippe IV, respectueux des
usages, remboursa les bonnes villes qui lui avaient
envoyé des fonds.
Le principal adversaire de la France fut bien enten-
du l’Angleterre. Elle était alors quatre fois moins

le Bel, le consentement fut obtenu par la motivation
de conserver la Flandre dans le giron français. Il put
ainsi conduire plusieurs excursions militaires,
même si elles n’empêchèrent pas l’autonomie de
cette riche province. Les successeurs de Philippe le
Bel avaient moins d’autorité. Louis X ne régna pas
assez longtemps pour s’afirmer. Philippe V souf-
frait d’un soupçon d’illégitimité car pour la première
fois depuis 987, la succession ne s’était pas faite de
père en fils. Le même problème se posa pour
Charles IV et Philippe VI.
Quant à Jean II, l’historiographie ne manque pas de
critiques sur son bilan. Ainsi, ces rois durent ména-
ger l’aristocratie et les bonnes villes, et reportèrent
une bonne partie du poids des impôts sur les contri-
buables les plus modestes, qui n’étaient pas repré-
sentés aux états.
L’impôt royal, jusqu’en 1356, s’assimilait à une sub-
vention de guerre. Le monarque, voyant la guerre
venir, convoquait l’arrière-ban – obligation carolin-
gienne – et les états pour obtenir des fonds. Si
d’aventure l’ennemi renonçait ou abandonnait le
conlit, le prélèvement était interrompu et même
SP
peuplée que la France, avec 5 millions d’habitants
contre 20 millions à la veille de la peste noire
« L’impôt royal, – presque le même ratio que lors des guerres napo-
jusqu’en 1356, léoniennes. Elle disposait cependant d’un avantage
s’assimilait à énorme : celui d’un Parlement votant un impôt na-
tional. Les tenants de la nouvelle économie institu-
une subvention tionnelle née dans les années 1970, comme Dou-
de guerre. glass North, expliquent souvent les succès politiques
Le monarque, et économiques de l’Angleterre par le fait qu’elle
n’était pas soumise à l’arbitraire d’un pouvoir cen-
voyant la tral fort à partir de la Glorieuse Révolution ; certains
guerre venir, font remonter cette caractéristique à la Magna Carta
convoquait de 1215. Les institutions outre-Manche étaient
certes enviables, mais la victoire contre la France
l’arrière-ban tenait beaucoup plus au fait que le roi y levait des
et les états impôts plus importants et plus stables qu’en France.
pour obtenir Créé en 1215, le Parlement anglais avait réellement
découvert sa vocation pendant les guerres offen-
des fonds. » sives de l’Angleterre en Irlande et en Ecosse. Au
contraire, les états généraux français étaient
composés de ligues de villes prêtes à
nier la nécessité de l’impôt, même lors
des conlits défensifs des années 1340.

Notre avis. Etoile montante
de l’Ecole d’économie de Paris,
ce surdiplômé (ENS, Ensae, MIT),
aujourd’hui en poste à la Banque
de France, dispose d’une multitude
de cordes à son arc académique.
Scientifique de formation,
économiste de profession,
Charles Serfaty est aussi un conteur
et un écrivain. Et bien sûr
un historien, comme l’était son
maître, Daniel Cohen (1953-2023).
Ses clins d’œil aux sujets
d’(éternelle) actualité sont
revigorants, comme les pages
concernant les impôts et taxes,
fondements de l’Etat-nation. Cette
fresque nous rappelle que lorsque
l’économie va bien, le pays
a tendance à s’ennuyer. Et quand
la France s’écrit des épopées et
se prête des desseins universels,
la ruine est presque consentie.
Comme si gloire et puissance
ne pouvaient rimer avec prospérité.
Les artisans du XIXe siècle bourgeois,
libéral et réformateur, que sont
François Guizot (1787-1874) ou
Michel Chevalier (1806-1879),
sont par exemple tombés dans
les poubelles de l’histoire.
On leur préfère Louis XIV, Napoléon
et de Gaulle. P.-H. M.
Histoire économique de la France,
Charles Serfaty, Passés Composés,
528 pages, 27 euros.
SP

88  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024

 Menthon
Domenach Double je
JEUDI 29 FÉVRIER
Le Medef participe au combat
du CNL pour la lecture
R
ue de Verneuil (Paris VIIe), le petit hôtel particulier occupé
par l’institution n’est guère chauffé, mais Régine Hatchondo
assure l’ambiance. Au cœur de la République des lettres, la
présidente du Centre national du livre (CNL) n’a peur de rien, y
compris de faire coniance au patronat. Son combat du moment
est de faire (re)lire les Français, notamment au sein des entre-
prises. Invitation d’auteurs sur le lieu de travail, création de rési-
dences et clubs littéraires, ouverture de bibliothèques… L’an-
cienne directrice générale d’Arte fourmille d’idées et a
convaincu le président du Medef, Patrick Martin. Emballé, ce
dernier s’est engagé à faire campagne avec l’Association pour
l’emploi des cadres pour le « quart d’heure de lecture national »
que le CNL organise ce 12 mars.
Il y a urgence. Le coninement sanitaire aura surtout bénéicié
aux écrans, la part des 25 à 34 ans lisant régulièrement ayant
chuté de 83 % à 69 % de 2019 à 2021. Les salariés sont victimes
d’une submersion numérique, pendant et en dehors de leurs
horaires de travail. Réserver au moins un quart d’heure par jour
à lire un livre est salvateur.
Emmanuel Macron se met
dans les pas de Nicolas Sarkozy
C
omment enclencher les européennes ? A l’Elysée, on regarde
de près « l’exemple Sarkozy 2009 ». Le président de l’époque
avait en personne lancé la campagne pour son parti, l’UMP,
avec un meeting en mai à Nîmes. Il était parvenu à enclencher
une dynamique qui avait porté la liste de la majorité, emmenée
par Michel Barnier, à 28 % des suffrages.
Aujourd’hui, les sondages donnent 30 % au RN et 18 % à la liste
présidentielle, l’objectif étant de « refaire une partie impor-
tante du retard ». La morale de Sarkozy 2009 est que « le pré-
sident doit s’en mêler personnellement ». Emmanuel Macron
pourrait même reprendre à son compte certaines parties du
discours de Sarkozy contre les banquiers qui avaient provoqué
B. Delessard/Challenges
à l’époque une crise économique mondiale. Il en avait appelé « à
ce que l’Europe soit exemplaire sur la régulation inancière et
la régulation des fonds de pension, sur les paradis iscaux, sur
les rémunérations des dirigeants et des opérateurs inanciers
et sur le partage de la valeur ».
90  CHALLENGES N°820 - 7 MARS 2024
VENDREDI 1ER MARS
La lutte contre le tabou de l’inceste
fédère le Parlement
D
es parlementaires d’opposition heureux sous la Ve Répu-
blique, ça n’existe pas. Sauf Isabelle Santiago, députée PS,
qui à force de persuasion et d’acharnement, et avec la com-
plicité d’Eric Dupond-Moretti (Justice), est parvenue à mettre
d’accord Assemblée et Sénat pour faire passer une proposition
de loi de protection des enfants, qui devrait être votée le 13 mars.
Le temps étant à l’affrontement, ce texte venu des bancs de la
gauche, et adoubé par le gouvernement, est passé inaperçu.
Pourtant, enin, l’autorité parentale sera retirée aux parents
auteurs d’inceste et d’agression sexuelle sur leurs descendants.
Et l’élue du Val-de-Marne de rappeler que « chaque année,
160 000 enfants sont confrontés à des violences sexuelles, ce qui
a des conséquences psychologiques mais aussi économi-
ques ». Trop longtemps, on n’a pas voulu voir les drames dans
la cellule familiale et regarder en face cette vérité : on marche
toujours sur les pas de son enfance.
MARDI 5
Jean-Louis Bouchard a fait son miel
avec Les Abeilles
E
n 2020, lors de la déconiture du groupe Bourbon, Econocom
(2,8 milliards d’euros de chiffre d’affaires) s’est retrouvé
avec une facture impayée « de 20 à 30 millions d’euros »,
nous raconte Jean-Louis Bouchard, le patron-fondateur de cette
société de service informatique : « Du coup, on a tiré un trait
dessus et récupéré en échange l’un des actifs, les remorqueurs
Abeilles. » Une aventure qui l’a emballé, sachant que la 464e for-
tune française a été formée dans sa jeunesse au génie maritime.
L’ancien vendeur d’IBM a redressé l’affaire, et nous annonce
qu’il va la revendre à l’armateur espagnol Boluda, « avec une
plus-value ».
A l’orée de ses 80 ans, Bouchard mérite le titre souvent usurpé
de « serial entrepreneur ». Restauration, presse, agroalimen-
taire, chasse de têtes… Il aura créé et revendu une vingtaine de
sociétés dans de multiples secteurs. Voisin de Vincent Bolloré à
Paris et de Brad Pitt en Provence, le millionnaire est resté sufi-
samment dans l’ombre – sauf sur les champs de courses avec la
casaque verte et rose de son écurie – pour devenir une légende
du business. Mais les temps changent. Dans les années 1980, il
offrait des Ferrari aux meilleurs commerciaux d’Econocom.
« Cette année, ce seront des roadsters électriques Tesla. » •
A la semaine prochaine
Kinewall Design

Kinewall Design

imprimés et vernis
près de Nantes

kinedo.com