Modèle présenté : Range Rover Sport P550e Hybride électrique.

Consommation de carburant en cycle mixte l/100 km (WLTP): 0.6 à 0.8.

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Photo : Flavien Carlod, non contractuelle. Architecte Ramón Esteve.
- Banque Transatlantique - RCS Paris 302 695 937.
 Confidentiel

Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur) veut exclure de Parcoursup

de nombreux BTS privés hors contrat.

Meilleurtaux confronté
Bugatti présente son
premier modèle hybride aux faux crédits et placements Veja (chaussures) a
produit 150 000 Volley
le 20 juin à Molsheim pour relancer ce
(Bas-Rhin). Prix Le président de Meilleurtaux Guillaume Autier a alerté Bercy et l’ACPR (Banque de modèle. Trente fois
de base de la voiture plus qu’en 2005, lors
conçue avec Rimac
France) d’une fraude massive aux « faux crédits et placements, qui ont fait au cours du premier lancement.
(Croatie) : plus des vingt-quatre derniers mois des milliers de victimes en France ». A l’origine
de 3 millions d’euros. d’une cinquantaine de plaintes au pénal, Meilleurtaux, dont la marque a été usurpée, Lors de leur dernière
La production estime le préjudice à plus d’un milliard d’euros. Le courtier, qui met nommément en rencontre, en janvier
commencera en 2026. cause la banque en ligne Revolut, constate plus généralement une « absence mani- 2023, Jean-Charles
Naouri, alors PDG de
En charge de la
feste de sensibilisation » des banques aux transactions frauduleuses. • Casino, avait expliqué
liquidation de l’étude à Didier Marion
notariale Kleber (CFE-CGC) : « Les
(Paris XVIe), PSB n’ira pas sur le campus ventes de magasins,
le mandataire judiciaire parisien d’AgroParisTech Pas de c’est terminé. »
dividendes
PhotoPQR/Ouest France/MaxPPP
Gilles Pellegrini met Galileo Global Education, qui reprend
en vente le fichier tous les anciens locaux d’AgroParis- pour les Intervenante du
clients, les dossiers et Rocher World Impact
les archives, y compris
Tech (Paris Ve, 18 000 m2), n’y installera Summit de Bordeaux,
les minutes. pas Paris School of Business (PSB). Le Pour la deuxième Hillary Clinton
groupe d’enseignement supérieur privé année consécu- n’a pas touché de
Virginie Cuvilliez a pris pourrait être tenté en revanche d’y ins- tive, le Groupe cachet. Mais sa prise
la tête du chapitre taller son autre école de commerce, Rocher (2,4 mil- en charge et le don
français de l’Isaca, la l’emlyon. liards d’euros en 2022) ne verse pas à sa fondation ont fait
puissante organisation basculer les comptes
internationale des
de dividendes à ses actionnaires. Le de l’événement
professionnels groupe familial présidé par Bris Ro- dans le rouge.
des systèmes cher réfléchit à céder des marques
d’information, qui étrangè­res. En 2023, Yves Rocher Jean-François Monteils
dispose d’un centre atteint tout juste l’équilibre et Petit (Société du Grand
Laurent Hazgui/Divergence

de formation à Paris. Bateau est en pertes. Paris) s’expliquera

le 3 avril lors du
Peugeot Invest a conseil d’Ile-de-France
choisi Egon Zehnder Mobilités sur le
pour trouver un Les Mulliez jouent la carte calendrier du Grand
successeur à Bertrand des Mousquetaires Paris Express. sur
Finet, dont le mandat L’alliance entre les distributeurs Inter- le retard de la ligne 15
de directeur général L’arme atomique de la Cour marché et Auchan annoncée en décem­ Sud notamment.
prendra fin au plus tard des comptes
le 31 juillet prochain.
bre va bien au-delà de la mise en com- Une soixantaine
Malgré son cri d’alarme sur l’état des mun des achats. Elle concerne d’autres d’actionnaires d’Atos
Le fonds One Equity finances publiques à l’occasion de la enseignes de l’Association familiale ont créé une Union
Partners négocie publication du dernier rapport annuel Mulliez (AFM) comme Leroy Merlin et pour la réparation
discrètement son de la Cour des comptes, sorti le 12 mars, Boulanger, qui pourront par exemple des actionnaires.
entrée au capital le premier président Pierre Moscovici s’allier à Bricomarché. Les Mousque- Présidée par Marc Prity,
de Sopra GMT, elle a mandaté
le holding familial
refuse de qualifier d’« insincère » la taires vont par ailleurs apporter leurs l’avocate Sophie
de Pierre Pasquier prévision de crois- datas à l’agence Valiuz (AFM), pour en Vermeille pour mener
(Sopra Steria). sance du PIB trop faire un géant du retail media. le combat.
optimiste sur la-
TotalEnergies, qui quelle était basé le Castex bien entouré LVMH (actionnaire
L. Guericolas - MPP/Sipa

a conclu des contrats Budget 2024 du Jean Bassères (ex-Pôle emploi) intègre de Challenges) va
d’énergie solaire de installer une nouvelle
gré à gré avec quelque
gouvernement : le conseil d’administration de la RATP boutique Fred avenue
600 clients industriels « Ce n’est pas le rôle « en qualité de personnalité issue des Montaigne (Paris VIIIe).
et commerciaux dans d’une institution milieux socio-économiques ». Côté Jouxtant celle de
le monde, en vise près technique de porter opérationnel, le PDG Jean Castex son autre enseigne,
de 5 000 en 2030. une telle accusation politique, hors pourra s’appuyer sur une autre con­nais­ Tiffany & Co.
cas exceptionnel, bien entendu. C’est sance : l’ex-député spécialiste des trans-
l’arme atomique », assure-t-il. ports Gilles Savary (Euros/­Agency) .

Sommaire en pages 20 et 21
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  9
 Confidentiel

Olivia Grégoire (Consommation) dévoilera courant avril

sa réforme, très attendue, des titres-restaurants.

En toute indiscrétion
L’ex-ministre de Roland Lescure
l’Agriculture et maire Bellamy charge le métro (Industrie), Nicolas
du Mans Stéphane parisien Dufourcq (Bpifrance)
Le Foll prépare une A une poignée de spectateurs arrivés en et Luc Rémont (EDF)
série de propositions interviennent le
sur les prix planchers
retard à sa conférence de philosophie 25 mars au Salon
et la souveraineté lundi 4 mars, la tête de liste LR pour les Global Industrie, à Paris

Alexis Sciard/IP3/MaxPPP
alimentaire. élections européennes François-Xavier Villepinte. Challenges
Bellamy a glissé : « Vous êtes victimes est partenaire.
Franck Riester de la contingence radicale du métro, de
(Commerce extérieur) l’incertitude radicale des transports Gaspard Koenig est
a affirmé aux l’invité du think tank
producteurs de cognac
parisiens. » Nul ne sait s’il s’en est ou- Entreprise et Progrès
qu’Emmanuel Macron vert à la gestionnaire du réseau d’Ile-de- pour la présentation
s’était entretenu France Mobilités, sa camarade LR et Mariani n’est plus radioactif le 20 mars des travaux
directement avec présidente de région, Valérie Pécresse. L’eurodéputé Thierry Mariani, qui se sur « L’entreprise
Xi Jinping au sujet des disait lui-même « radioactif » en raison fraternelle ». Un
droits de douane. Carrez fustige le décret de ses positions prorusses, devrait fina- chantier piloté par
parking Jullien Brezun (Great
Marie Baville
lement figurer sur la liste RN. Jordan Place to Work).
va prendre la tête Nouveau président du Conseil national Bardella lui a proposé de l’accompagner
du nouveau Centre d’évaluation des normes, Gilles Carrez au Salon de l’agriculture et demandé de Jérôme d’Harcourt
de crises sanitaires du a bondi à la lecture d’un récent décret le représenter au premier débat télévisé devient délégué
ministère de la Santé. sur les parkings, qui fixe « la plantation de la campagne sur Public Sénat. interministériel pour
d’un arbre à canopée large pour trois l’Hébergement et
Le RN remboursera La robe de Simone Veil l’Accès au logement
d’ici à 2027 les
emplacements de stationnement ». des personnes sans
600 000 euros « On est loin de la simplification, Jean Veil confirme que sa mère, Simone abri ou mal logées.
prélevés par le tempête l’ex-député et ancien maire Veil, a bien offert sa robe à Rachida Dati
Parlement européen du Perreux-sur-Marne (Val-de-Marne). lorsqu’elle est devenue magistrate, Cyril Barthalois
à Jean-Marie Le Pen Avec de telles contraintes, je n’aurais « sans être bien sûr que la nouvelle pro- (Académie des
et Bruno Gollnisch jamais pu construire des parkings mue en ait été ravie ». Beaux-arts) est bien
dans le cadre de placé pour succéder à
l’affaire des assistants
dans ma ville. » Nicole Belloubet à la
parlementaires. LR ouvre la voie à Wauquiez présidence du Conseil
Spillebout oublie Delors C’est devant un vrai tribunal de parle- des maisons de vente.
Alexandre Holroyd, mentaires composé par Eric Ciotti, le
député (Renaissance) patron de LR, et surtout Olivier Marleix, Les acteurs du
et président de le président du groupe, que le député logement accompagné
la Commission de ont rendez-vous
surveillance de la CDC,
du Rhône Alexandre Vincendet a été le 21 mars avec
finalise pour début « invité » à comparaître pour être exclu. Guillaume Kasbarian
Sameer Al-Doumy/AFP

avril sa proposition Du fait de son penchant soupçonné (Logement) pour

de loi Financement pour Edouard Philippe (Horizons). Et échanger sur la pénurie
des entreprises et surtout pour son opposition à Laurent de résidences sociales.
attractivité de la France. Wauquiez, qui ne veut qu’une tête, sur-
L’ex-députée Laurianne
Tête de liste
tout en Auvergne-Rhône-Alpes. Le si- Rossi devient cheffe
Renaissance aux En introduction du meeting de Renais- lencieux candidat putatif de LR entend du pôle parlementaire
européennes, sance à Lille samedi 9 mars, la députée bien que son parti lui dégage le terrain de Matignon.
Valérie Hayer est du Nord Violette Spillebout a rendu un pour la présidentielle.
au programme (très long) hommage à l’engagement L’ancienne rectrice
du Printemps de européen de l’ancien maire socialiste Bardella capte les surnoms de l’Académie de
l’économie, qui se tient Versailles Charline
au palais d’Iéna (Paris
Pierre Mauroy (1928-2013). En oubliant En tête des sondages, Jordan Bardella Avenel quitte la
XVIe), du 2 au 5 avril. de citer un autre grand bâtisseur de (RN) tient aussi la corde pour les sobri- direction générale de
Thème : « Quelle l’Union : Jacques Delors (1925-2023), quets : « Monsieur selfie » (Eric Ionis (enseignement
Europe dans un monde ex-président emblématique de la Com- Dupond-Moretti), « Le transformiste » privé). Elle y était
fragmenté ? » mission de Bruxelles et père de l’ac- (Emmanuel Macron), « Ultrabrite » arrivée en juillet 2023.
tuelle maire de Lille, Martine Aubry, sa (L’Opinion), « Le vide et l’avide »
grande rivale politique. (Libération), et le « Cyborg » (L’Obs).

10  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 breguet.com

Type XX 2057

La montre Breguet
Type XX, accompagne
les pilotes les plus
expérimentés depuis
1954. Elle devrait donc
pouvoir se poser sur
votre main avec une
parfaite délicatesse.
Faisons l’Histoire
ensemble.
 Médias

Les syndicats SNJ et CGT s’opposent au projet de réorganisation

« à marche forcée » de BFM Paris, qui conduira à une baisse des effectifs.

M6 parie gros en achetant

CNews vise l’équilibre
en 2025, a-t-il en solo deux Coupes du monde Le podcast Pause,
d’Alexandre Mars,
été affirmé devant sera proposé d’ici
les députés. Pourtant, Remporter des droits de diffusion du consi­dérable, alors que TF1 réglait à début avril parmi
en juillet 2022, Serge les contenus à écouter
Nedjar, son directeur
football ne fait pas toujours de l’heu- jusqu’alors 70 millions, pour moins de dans les avions
général, disait déjà reux élu un vainqueur. M6 a décroché rencontres. La première chaîne n’a pas d’Air France.
« espérer l’équilibre début mars les 54 meilleures ren- voulu aller plus loin, quitte à perdre ce
pour 2022 ». contres, sur 102 matchs, des Coupes du qui a fait historiquement sa notoriété Le nouveau système
monde 2026 et 2030 de football. En auprès du grand public. La promesse de de paie de RFI soulève
C’est le paparazzi face, TF1 n’a pas voulu surenchérir et garder des marges confortables pour une levée de boucliers
Pascal Rostain qui du collectif des
a signé les photos
ne diffusera donc ses actionnaires l’a emporté sur le coup pigistes et du collectif
volées dans Paris pas les compéti- de folie. « A ce prix-là, cela fait plus de Spartacus des
Match de l’inhumation tions. Un coup de matchs par compétition, mais les correspondants, qui
de Bertrand Puech, tonnerre dans le Français ne seront pas forcément inté- ont adressé une lettre
héritier d’Hermès. d’alerte à la DRH
Bruno Levy/Challenges

PAF, alors même ressés pour regarder des rencontres

que les plus avec moins d’enjeux », considère un en février. De
Le dernier débat des nombreuses erreurs
têtes de liste pour les
belles pages des bon connaisseur de l’audiovisuel. ont été signalées.
élections européennes Bleus en 1998 et Chaque match devrait coûter 2,2 mil-
aura lieu le mardi 2018 se sont dé- lions d’euros à M6. Le pure player
4 juin sur France 2. roulées sur la Une. Au micro de la radio Ce mouvement stratégique en surprend Maddyness a retrouvé
Parmi les sujets maison, RTL, le président du directoire plus d’un. « Historiquement, M6 ne sa rentabilité post-
fléchés : l’agriculture. de M6 jusqu’en avril, Nicolas de Taver- surpaie jamais des programmes, sur- pandémie. La moitié
du chiffre d’affaires
Le groupe
nost, a expliqué « avoir pris ses res- tout pas des droits sportifs, rappelle de la rédaction
Beaux Arts & Cie ponsabilités » alors que TF1 n’a pas Pierre Maes, auteur du Business des (une vingtaine de
(Le Quotidien de l’Art, souhaité concourir au côté de M6, droits TV du foot (éd. FYP). Elle ne journalistes) provient
Beaux Arts Magazine…), comme elle l’a fait notamment pour la pourra pas supporter cette charge de l’événementiel,
détenu par Frédéric diffusion de l’Euro 2024 de juin pro- seule, il est probable qu’elle sous-licen- dont le Maddy Keynote,
Jousset (Webhelp), chain. Beaucoup d’acteurs suspectent cie une partie à TF1. » Certes, officiel- organisé le 28 mars
124e fortune française, à Paris.
va lancer pour le
le patron historique de M6 d’avoir voulu lement, M6 assure qu’elle « n’aurait
compte du Mobilier jouer un dernier tour à son rival. aucun intérêt à sous-licencier », quitte Plusieurs auteurs
National une revue Une victoire certes, mais à quel prix ? à diffuser les rencontres à perte. Pour de Fayard, voyant
sur les métiers d’art, L’ardoise s’élève à 120 millions d’eu- les acteurs du marché, une position qui la présidente de
l’artisanat et le design ros par compétition. Une somme risque d’être intenable à terme. A. S. la maison, Isabelle
français. Saporta, menacée par
l’arrivée de Lise Boëll,
Aux Echos,
Ingrid Feuerstein, Les étudiants en journalisme avaient réclamé
une clause intuitu

lancent l’alerte sur leur formation

correspondante personae leur
à Londres, remplacera permettant de partir
Thibaut Madelin en tant en cas de changement
que cheffe du service De grandes écoles de journalisme moins de 30 ans sont pigistes ou en de direction. En vain.
finances à partir de
juillet. Thibaut Madelin,
(EPJT, CFJ, Sciences-Po…) sont la CDD) et le bond de l’apprentissage, de La région Auvergne-
lui, deviendra cible de virulentes critiques de diplô- nombreux diplômés reprochent à leur Rhône-Alpes
correspondant à Berlin, més ces dernières semaines. Parmi école de les avoir mal protégés et mal se prévaut de l’Oscar
un poste qu’il a déjà eux, Nathan Ripert : « J’ai achevé mes préparés à la suite. » d’Anatomie d’une
occupé. deux années au CFJ écœuré par le Beaucoup quittent d’ailleurs rapide- chute, qu’elle
journalisme. Mon diplôme m’a coûté ment le métier. Un phénomène qui n’est a coproduit. Pourtant,
L’Arcom, le gendarme son président,
de l’audiovisuel, rendra
un burn out, un arrêt maladie et une pas récent : on comptait déjà 40 % de Laurent Wauquiez,
d’ici à l’été un état des dépression », résume-t-il sur X (ex- défections au bout de sept ans d’exer- a drastiquement réduit
lieux des radios Twitter). Un cas loin d’être isolé, selon cice en 2017. Mais il inquiète, au point les crédits du Festival
indépendantes, très le sociologue spécialiste des médias que la Commission paritaire nationale du court-métrage
attendu par le secteur. Jean-Marie Charon, auteur de Jeunes de l’emploi des journalistes va revoir de Clermont-Ferrand.
journalistes, l’heure du doute : « Entre « d’ici à 2025 » ses critères pour accré-
la précarisation du métier (66 % des diter les 14 écoles reconnues. M. P.

12  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024


Le général Jean-Marc Cesari, directeur adjoint de la Direction du
renseignement et de la sécurité de la défense, était au Liban début mars.
Alors que la première
revue stratégique
de cyberdéfense
française a été
publiée en 2018, la
deuxième mouture est
attendue d’ici à l’été.
Jérémie Robert,
conseiller Afrique
d’Emmanuel Macron,
et Emmanuelle
Blatmann, directrice
de l’Afrique et de
l’Océan indien au Quai
d’Orsay, ont participé
en février à la réunion
du groupe des
ambassadeurs
africains à Paris.
Dirigé par Cécile
Duflot, Oxfam prépare
un rapport sur les
conséquences de la
suspension de l’aide
publique française au
développement au
Mali, Burkina et Niger,
après les putschs
dans ces pays.
Le journaliste bulgare
Christo Grozev, qui
travaille pour le site
d’investigation
Bellingcat, a lancé une
enquête sur la mort
d’Alexeï Navalny dont
il devrait publier les
conclusions en avril.
Téhéran tue plus que jamais. Au moins
834 condamnés à mort ont été exécutés
en Iran en 2023, révèle le rapport annuel
Nombre d’exécutions
en Iran
1 000
800 834
600 582
400
280 267333
200
0
2019 20 21 22 23
SOURCE : IRAN HUMAN RIGHTS. est dépassé.
14  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
Radars
Par Antoine Izambard
La Finlande met ses frontières
sous haute surveillance En cas de bons
résultats aux élections
européennes, les
stratèges macronistes
A Helsinki, le siège des sont persuadés
gardes-frontières finlan- qu’ils peuvent rafler
dais est installé dans les la présidence du
locaux forteresse du mi- Parlement européen,
nistère de l’Intérieur. occupée actuellement
par la PPE Roberta
« Nous sommes des mili- Metsola.
Marc Ollivier/Ouest France/MaxPPP
taires, comme en France
les gendarmes », explique Ancien agent
le colonel Marko Saareks, du contre-espionnage
coresponsable de la Di- spécialisé dans
rection opérationnelle. les interrogatoires,
Jean Lucat livre ses
Son corps de 3 000 hom­ Mémoires le 14 mars
mes, qui longtemps s’est avec le journaliste
concentré sur la partici- Poste-frontière près d’Imatra. Depuis octobre 2023, les Frédéric Ploquin, sous
pation aux exercices de huit points de passage avec la Russie ont été verrouillés. le titre Mes secrets
défense civile, a, depuis sur la DST (éd. Plon).
février 2022, intensifié sa mission de Depuis l’automne, les huit points de pas-
Emmanuelle Errera,
surveillance de la frontière avec la sage terrestres ont été verrouillés par le ex-directrice de
Russie, qui s’étend de la Baltique à la gouvernement, après l’arrivée d’un mil- la communication
Laponie sur 1 300 kilomètres. lier de réfugiés, qu’Helsinki soupçonne du Women’s Forum
Une vigilance d’autant plus grande que d’avoir été instrumentalisés par Mos- (Publicis), rejoint
le 4 avril marquera le premier anniver- cou, comme le fit la Biélorussie en 2021 Vital Voices, l’ONG
saire de l’adhésion de la Finlande à à la frontière polonaise. Les autorités internationale
cofondée par Hillary
l’Otan, après des décennies de neutra- finlandaises se font aider par l’agence Clinton et Madeleine
lité. La réponse de Moscou n’avait alors européenne Frontex, qui a envoyé une Albright.
pas tardé : « Avant, lorsque je regar- cinquantaine de gardes-frontières.
dais à l’Ouest, je voyais un voisin, « Nous continuons de discuter avec nos Bpifrance s’apprête
maintenant, je vois un ennemi », homologues russes, pointe Marko à lancer une
s’était exclamé Vladimir Poutine. Saareks. Un accord entre nos deux campagne d’affichage
pour promouvoir
« Nous restons en alerte, assure le colo- Etats existe depuis le temps de l’URSS. le rôle de l’Europe
nel Saareks, même si pour l’heure il n’y Avec les diplomates des affaires étran- dans le financement
a pas de menace militaire, mais gères, nous sommes les derniers à en- de l’innovation.
d’autres types de nuisances, en parti- core parler à la Russie. Nous espérons
culier de la cyberguerre. » que ce canal va rester ouvert. » S. S.-A.
Le marché du cacao explose. A des Londres bat des records de pollution.
niveaux record, les cours de la graine A cause de ses six aéroports, la capitale
indispensable au chocolat ne devraient pas britannique arrive cette année en tête
sur la peine de mort. Cours du cacao baisser à court terme, Villes les plus polluées des villes les plus
Une hausse brutale à New York (en milliers de selon les experts. par l’aviation exposées aux
(+ 43 % sur un an) dollars par tonne métrique) La spéculation, (en tonnes de NOx*) émissions de
liée au durcissement 6 le changement Londres carbone liées
du régime après le climatique et le 8,9 à l’aviation, selon
mouvement « Femme, sous-investissement Tokyo le site Airport Tracker.
vie, liberté » ayant
4
se combinent pour Avec chacun deux
8,2
suivi la mort de faire grimper les prix. Dubai aéroports, Tokyo,
Mahsa Amini. C’est 2 Cette inflation ne 7,6 Dubai et Shanghai
la deuxième fois profite toutefois pas complètent
Shanghai
en vingt ans que le aux producteurs ce classement.
seuil des 800 décès 0 africains, en grande 6,5 Paris arrive
2000 2024 * Emissions d’oxydes d’azote.
SOURCE : LSEG. difficulté. SOURCE : AIRPORT TRACKER 2024. en 10e position.
 Crédit photo : Getty Images/andresr.
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 Le graphique

La lutte européenne contre

le CO2 avance cahin-caha LEÇON N° 1
Mis en place il y a près de vingt ans, le en baisse. Contrairement au reste du Prévision
marché du carbone européen, sur lequel monde, où elles ont augmenté globalement  Météo, prix de l’énergie,
s’échangent les « droits à polluer », connaît de 1,1 % l’an dernier. Sur le Vieux Conti- activité économique,
état du parc nucléaire :
des variations erratiques : le cours du CO2 nent, elles ont été réduites à 2,5 gigatonnes le volume des
a été multiplié par quatre en trois ans, puis (Gt), alors qu’elles ont progressé à 12,6 Gt émissions de CO2 est
a reculé de près de 50 % ces douze derniers en Chine, ce qui fait de l’empire du Milieu peu prévisible. Même
mois. Malgré la mise en place de garde- de loin le plus gros pollueur de la planète. si des statistiques
fous, cette volatilité est un handicap pour Avec son marché organisé, ses objectifs de sont publiées chaque
les industriels dans la mise en place de leur baisse d’émissions et ses « paquets cli- trimestre, le jeu de
stratégie de décarbonation. La bonne nou- mats », l’Union européenne suit un chemin la prévision s’avère
encore plus complexe
velle : en Europe, les émissions de CO2 sont vertueux.  P.-H. M.
que pour le PIB ou
l’inflation. Les experts
et les politiques font
néanmoins des
100 projections (et des lois)
2023 avec des objectifs
à 2040, voire 2060.
Plus de 100 euros en
séance, plus haut historique. LEÇON N° 2
90 Réglementation
 Quand un industriel
émet du CO2, il doit
payer, au-delà d’un
80 ÉMISSIONS DE CO2 DANS certain plafond,
L’UNION EUROPÉENNE un « droit à polluer »,
(en centaines de kilos par habitant) dont le prix est fixé
par le marché européen
70 du carbone. Ce dernier
est très encadré et sa
réglementation évolue
selon les objectifs de
l’Union européenne. La
60 baisse du plafond des
2015 émissions autorisées
avait ainsi provoqué
Accord international sur une une hausse de la
limitation du réchauffement 2024
50 climatique de 1,5°C « par Le fonds demande de droits, et
rapport à l’ère préindustrielle ». Clean une flambée des cours.
2020 2023 Energy
La mise à l’arrêt Les Européens LEÇON N° 3
Transition
de l’économie avec émettent 500 kilos prévoit Connexion
40 les confinements de moins qu’en un cours à  Depuis l’Accord de Paris
dus à la pandémie 2022. Les Chinois, 35 euros. de 2015, le bilan
2015 se traduit par 500 kilos de plus.
Inauguré en catimini
carbone de l’Europe
une baisse des
en 2005, le marché émissions. n’est pas si mauvais.
30 européen du carbone Les émissions par
est relancé, avec la habitant ont baissé de
création d’une près de 20 %. En tapant
« réserve de stabilité ». COURS DU CO2 au portefeuille des
20 (en euros par tonne) industriels, le système
des « droits à polluer »
a sans doute contribué
2017 à la mise en place de
Le film Carbone, d’Olivier Marchal, stratégies plus vertes.
10 revient sur les arnaques à la TVA sur
le marché des quotas. Netflix et Canal+
diffuseront aussi des séries sur le sujet.

0 SOURCES : AGENCE INTERNATIONALE DE L’ÉNERGIE, ABCBOURSE.

2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024

16  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 Regards

Evolution des échanges commerciaux de la Chine en janvier et février 2024 : en baisse

de 4,1 % avec l’Europe, en hausse de 0,7 % avec les Etats-Unis et de 9,3 % avec la Russie.
Chaque jour, 100 000 enfants sont victimes de harcèlement sexuel sur Facebook et Instagram.
Emissions de dette publique des pays membres de l’OCDE prévues cette année :
15 800 milliards de dollars, en hausse de 12 % sur un an.
Le vendredi 8 mars, en 3 heures, Nvidia a perdu 11,2 % de sa valeur en Bourse,
l’équivalent de 260 milliards de dollars.
Recettes au box-office : 958 millions de dollars pour Oppenheimer, 1,5 milliard pour Barbie.
Plus de 20 millions de voyageurs étrangers sont passés par Istanbul en 2023,
25 % de plus qu’à Paris.
Heure moyenne de réveil : 6 h 24 en Afrique du Sud, 7 h 25 en Allemagne, 7 h 51 en France,
8 h 27 en Arabie saoudite.
51 % des Allemands et 67 % des Français utilisent les réseaux sociaux.
Les 200 plus gros cabinets d’avocats américains ont embauché 2 049 collaborateurs
issus des minorités ethniques l’an dernier, 322 de moins par rapport à 2022.

En direct de mon Open Space, par James

© James - Dargaud/2024

18  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 Franco Suisse Bâtiment - RCS Nanterre B 380 216 473 - Illustration non contractuelle - Les informations sur les risques auxquels
ce bien est exposé sont disponibles sur le site Géorisques : www.georisques.gouv.fr - 14-03-24.

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 N°821 - 14 mars 2024

Gavriil Grigorov/Sputnik/Sipa

Evénement
Poutine triomphe en maître du jeu
Sur le point d’être réélu, le président russe savoure les performances
de son pays et l’échec des sanctions occidentales. Les Français,
de la distribution aux grands vins, font encore affaire avec Moscou. p. 22

Avant-premières 34 Paris réoriente ses écoles privées.

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9 Confidentiels. 35 L’édito de Ghislaine Ottenheimer.
10 En toute indiscrétion. 36 L’édito de Nicolas Domenach.
12 Médias. 38 Les économistes du Bien
14 Radars. Commun. Philippe Aghion.
16 Le graphique. 40 Portrait de Nicolas Lerner,
18 Regards.L’Open Space de James. le maître-espion de la DGSE.
Evénement Monde
22 Triomphant, Vladimir Poutine 44 Le fentanyl empoisonne
se joue de l’Occident. les relations internationales.
24 Leaders. Financer l’Ukraine 46 Dans l’arène espagnole des
avec les milliards russes. télécoms.
26 Ces groupes français encore 48 Tout a une fin, même l’âge d’or
accros à la Russie. des marchés financiers.
28 La nouvelle route clandestine
des vins tricolores. Entreprise
30 L’édito d’André Comte-Sponville.
50 Submergé par les nouvelles
réglementations européennes,
France le modèle d’Apple prend l’eau.
32 Lune de miel écologique entre 52 Gifi veut sauver les meubles
le patronat et l’Etat. à tout prix.

DIRECTION High-tech - Médias Thuy-Diep NGUYEN (rédactrice en chef

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20  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 Avant-propos
par Vincent Beaufils
Stéphane Lagoutte/Myop pour Challenges

L’Occident face à Poutine

Coalition
« VOS ENFANTS NE VONT PAS MOURIR POUR
France L’UKRAINE. » Cette phrase de Volodymyr Zelensky
Entente verte entre sur BFMTV n’a pas forcément de quoi rassurer.
le patronat et l’Etat Mais elle a l’avantage de remettre le débat au bon niveau,
Patrick Martin (Medef) et depuis qu’Emmanuel Macron n’a pas écarté l’hypothèse
Christophe Béchu (Ecologie) d’une présence française au sol dans le conflit
affichent leur réconciliation. p. 32 avec la Russie. « On ne peut pas se permettre
de se fixer des limites face à un ennemi qui ne s’en
fixe aucune », a rappelé le président de la République
En couverture le 5 mars. Et tous les experts militaires qui peuplent
les plateaux de télévision nous ont fait redécouvrir
Immobilier, tout baisse
Marseille.

l’intérêt de la notion d’« ambiguïté stratégique »…

Même si le crédit repart, la correction Par contre, en inscrivant un vote parlementaire sur
sur les prix se poursuit. Nos prix et l’accord bilatéral de sécurité signé avec l’Ukraine
Tout se négocie
Répondre à l’urgence
de la rénovation énergétiq
ue
P. 66

P. 70
P. 72
L’ÉTAT DU MARCHÉ
P. 80
analyses pour 2024.  p. 65 le 16 février, le gouvernement contraint les autres partis
les contraintes Les prix à Paris
Emprunter malgré P. 74 P. 92

à sortir précisément de leur ambiguïté. Et c’est bien

offres du Pinel parisienne
Saisir les dernières Les prix en banlieue
P. 76 P. 102
avec le coliving Les prix en régions
Ouvrir son horizon P. 78
un pari sportif u
Max Bauwens/Réa

Louer lors des JO,

N°821  65
- CHALLENGES
14 MARS 2024

joué. Fort de ses rencontres avec ses prédécesseurs

Nicolas Sarkozy et François Hollande, qui savent
54 Ça plane pour les Dassault. 78 Louer lors des JO, pari sportif. ce que l’expansionnisme russe veut dire, Emmanuel
55 Le nucléaire occidental perd 80 Les prix à Paris, en banlieue
en puissance. et en régions. Macron pourra, l’espace d’un débat, voir se former
56 Warner joue une étrange partition avec les socialistes, les écologistes et les Républicains
avec Believe. Luxes cet esprit de coalition qui n’aurait jamais dû le quitter.
57 Le Club Entrepreneurs. Surtout, il donne une consistance à une campagne
112 Création.Alain Ducasse, toqué,
Sébastien Bequart, cofondateur pour les élections européennes qui en avait bien
aussi, d’architecture.
de Gymlib. besoin, et rejette les extrêmes là où ils devraient
115 Horlogerie. Seiko.
58 Toyota monte en gamme
116 Mode. Fashion Week femmes. se cantonner. A condition que Valérie Hayer, sa tête
à Valenciennes.
120 Gastronomie.Michel et Sébastien de liste inconnue, soit la bonne personne pour porter
60 L’avenir de SAP passe par l’IA.
Bras à La Halle aux grains, à Paris. ce message, et sublimer cet enjeu.
62 Santé & sciences.
121 Automobile.Le SUV Fisker Ocean.
Cette réponse politique est également bien vue car
En couverture Cultures la riposte économique aux menées de Vladimir Poutine
s’est révélée un échec. L’économie russe n’a pas été
65 Immobilier : tout se négocie. 122 Ecrans. Les Rois de la piste,
70 Répondre à l’urgence de de Thierry Klifa. atteinte par les sanctions, en tout cas pas suffisamment
la rénovation énergétique. Scènes. La Claque, au théâtre pour empêcher une réélection attendue de l’homme fort
72 Emprunter malgré de la Gaîté-Montparnasse. du Kremlin. Et la retraite de Russie des entreprises
les contraintes. 124 Arts. françaises (p. 26) a entraîné un tel fiasco qu’elle prouve
74 Saisir les offres en Pinel. 128 Livres. une fois de plus que la morale n’a pas grand-chose
76 S’ouvrir des opportunités avec 130 Double Je, par Nicolas Domenach à voir avec les affaires, comme nous le rappelle André
le coliving. et Pierre-Henri de Menthon.
Comte-Sponville (p. 30). C’est bien Patrick Pouyanné,
PUBLICITÉ Direction administrative et financière Jaye REIG.
le PDG de TotalEnergies, qui avait raison quand
Responsable ressources humaines William AFHTONIADES.
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Responsable paye Sandrine MARTIN. il prévoyait que tout abandon de propriété n’allait faire
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Directrice financière Catherine FERNANDES.
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Fabrication Sarah RABBAH, Salima RABBAH.
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Directeur délégué Philippe LÉONARD.
Imprimerie Roto France, Lognes. à vil prix des actifs qui se comptent en milliards d’euros.
Directeur de publicité Benjamin COURCHAURE. Ce constat est suffisamment désespérant pour aller
Art/Littérature Aymon DE LA FOREST DIVONNE.
Business Web Manager Baptiste MIRANDE. chercher un peu d’optimisme malgré le désastre des
Culture Romain PROVOST. Relations abonnés - Numéros anciens
Immobilier Céline CLAMAGIRAND. 45, avenue du Général Leclerc guerres. Comme cette incroyable étude mise en avant
Luxe Arnaud DEPOISIER. 60643 Chantilly Cedex par Philippe Aghion (p. 38), soulignant les conséquences
DIGITAL él. : 01-55-56-71-47
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Account Manager Lucas BAILLEUL.

Exécution/Studio Emilien RIGNOLS. Abonnement France : un an, 58 € se reposant sur les dix années qui ont suivi la Grande
www.mediaobs.com (44 numéros) Etranger : nous consulter
DIRECTRICE DÉLÉGUÉE Elisabeth DESCOMBES.
Guerre, elle établit que, malgré les pertes au combat,
ADMINISTRATION
Directeur général Philippe MENAT.
Ce numéro comporte les lettres Challenges « bienvenue jamais l’innovation n’avait autant prospéré ! Cela
aux abonnés » et Sciences et Avenir « informations
Secrétaire général Jean-Claude ROSSIGNOL. aux abonnés jetées sur couverture sur une partie de la s’appelle « la vertu des temps difficiles », et c’est un
message de consolation à répandre, de Kiev à Gaza.•
Directeur commercial et numérique diffusion abonnés, ainsi qu’un encart « L’Homme Moderne »
Valéry SOURIEAU. jeté sur couverture sur la totalité de la diffusion abonnés.

14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  21

Evénement

Triomphant,
Poutine se joue
de l’Occident
Avant la présidentielle du 15 au 17 mars, le maître du
Kremlin savoure la résilience économique russe. Un échec
pour les sanctions internationales, contournées par
ses alliés et… les entreprises américaines et européennes.

G
randiloquent. Le 29 fé-
vrier dernier, lors de
son adresse annuelle à
la nation, Vladimir
Poutine a glorifié, d’un
air triomphal, la résistance de la
Russie aux sanctions occidentales,
qui ciblent l’économie depuis l’inva-
sion de l’Ukraine, en février 2022.
« Les Occidentaux voudraient
faire à la Russie ce qu’ils ont fait
dans de nombreuses autres parties
du monde, y compris en Ukraine :
semer la discorde, nous affaiblir
de l’intérieur, a déclaré le maître
du Kremlin, d’un ton calme, sous les
Une machine en ordre de bataille
 Croissance du PIB (en %)
5,6
2,8
2,1
1,8
2020
2017 2018 2019 2021
- 2,6
SOURCE : FMI.
applaudissements métronomiques
de l’assistance. Mais ils ont mal
calculé. C’est une chose absolu-
ment évidente aujourd’hui : ils ont
été confrontés à la détermination
Par de notre peuple. »
Esther Poutine peut fanfaronner : sur les
Attias sanctions, l’échec des Occidentaux le président américain, voulait faire
est cuisant. Alors qu’un treizième de Poutine un « paria économique
train de mesures a été lancé contre et financier »… Il n’en est rien. Le
la Fédération de Russie, fin février, Fonds monétaire international
force est de constater que l’écono- (FMI) vient même de relever sa pré-
mie résiste. Au début de la guerre, vision de croissance à 2,6 % en 2024
les économistes avaient parié sur – soit 1,5 point de plus qu’en octobre.
une profonde récession, estimée à Tandis que l’Union européenne
plus de 8 %. De son côté, Joe Biden, stagne à moins de 1 %… Vladimir
Poutine semble ainsi insubmersible.
Il défie l’Occident, qui n’a pas réussi
à provoquer l’effondrement écono-
mique annoncé. Et il verrouille plus
 Cours du rouble (en euros)  Exportations de minerais fossiles
0,0182 par destination (en milliards de dollars) que jamais son pouvoir, assuré
Invasion russe de l’Ukraine d’être réélu lors de la présidentielle
30
du 15 au 17 mars, élection totale-
0,0154
25 ment factice, sans ses opposants qui
Autres*
2,6 ont été éliminés.
2,2 20
0,0126
11 mars 15 Chine Moteur militaro-industriel
0,0100
2022 10 Comment expliquer cette résilience
0,0096
2023 2024 de l’économie, malgré deux ans de
5
Union sanctions économiques et finan-
0,0066 0 européenne cières ? D’abord, la Russie a déve-
-2
2021 2022 2023 2024 2021 2022 2023 loppé une « économie de guerre »,
SOURCE : XE.COM. SOURCE : BRUEGEL. * Notamment Inde, Turquie, Brésil et Corée du Sud.

Après le choc des sanctions occidentales, la Russie a réussi à défendre sa monnaie et trouvé des
observe Vladislav Inozemtsev, cher-
débouchés à l’export, en Chine ou en Inde. La croissance affichée présente un niveau enviable. cheur au Centre pour les études
stratégiques et internationales de

22  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 Washington (CSIS). « Le pays s’est
engagé dans des dépenses publiques
sans précédent. Elles sont principa-
lement fléchées vers le complexe
militaro-industriel, mais aussi
vers les salaires des soldats. » Ainsi,
les crédits militaires sont passés de
35,8 milliards d’euros en 2022 à
50 milliards en 2023, et devraient
bondir à 108 milliards en 2024, soit
35 % du budget. « C’est colossal pour
un pays qui a largement perdu
l’habitude des subventions pu-
bliques depuis sa sortie du commu-
nisme dans les années 1990 », sou-
ligne le chercheur. Et si, à plus long
terme, ces dépenses peuvent se ré-
véler inutiles – une partie du maté-
riel sera détruite ou endommagée –,
elles permettent pour l’instant à
l’économie de tourner.
Cet effort de guerre gigantesque est
Maksim Blinov/Sputnik/Sipa
rendu possible par les énormes res-
sources que la Russie draine de ses
hydrocarbures, en partie en
contournant les sanctions euro-
péennes. Si ses exportations d’éner-
gies fossiles vers l’Europe ont chuté
depuis 2022 – de 16 milliards de dol-
lars par mois début 2022 à 1 milliard
de dollars fin 2023 (voir graphique
ci-contre) –, cette baisse est une
plume dans sa balance commer-
ciale. Car la Russie s’est tournée
vers ses alliés chinois, indien et turc.
Ces pays, qui ont absorbé près de
80 % de ses exportations de brut
en 2023, achètent son pétrole à des
tarifs supérieurs au cap de 60 dol-
lars le baril, fixé à titre punitif par
l’Union. Résultat, les recettes d’ex-
portation de Moscou demeurent
supérieures à celles de 2021. Le phé-
nomène est renforcé par certains
pays européens, comme l’Alle-
magne, les Pays-Bas et la Belgique,
qui se fournissent en produits russes
en contournant les sanctions, via
des intermédiaires.
Agilité financière
Autre déception, les mesures finan-
cières radicales de l’Union, notam-
ment celle de débrancher les princi-
pales banques du pays de la
plateforme d’échanges financiers
Vladimir Poutine internationale Swift, que le ministre
devant des Finances Bruno Le Maire avait
l’Assemblée décrites comme « des armes nu-
fédérale russe,
à Moscou,
cléaires financières », ont eu des
le 28 février. effets bien plus faibles que prévu.
Le président y « Couper l’accès à Swift n’est effi-
dressait un bilan cace que si toutes les banques
ultrapositif : russes sont concernées », éclaire
« L’ensemble de Agathe Demarais, qui dirige les tra-
l’économie, qui
constitue la base
vaux de l’European Council on
industrielle et Foreign Relations (ECFR) en géo­
technologique de économie. Pour contourner cette
notre victoire, a sanction, il suffit en effet d’ouvrir
fait preuve de un compte dans un établissement
flexibilité et de financier encore intégré au sys-
résilience. »
tème. Et la principale banque russe
liée au commerce de l’énergie, Gaz-
prombank, est toujours branchée
au réseau…
Certes, les actifs de la banque
centrale russe ont été saisis (lire
page 24) et l’accès restreint aux
devises étrangères a provoqué un ef-
fritement du rouble (voir graphique
ci-contre). Mais la gouverneure
de la banque centrale russe, Elvira
Nabioullina, a limité la casse en in-
tervenant massivement sur le uuu
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  23
Evénement
uuu marché des changes. Et face à
la pénurie de dollars, les Russes se
sont tournés vers le yuan ou la livre
turque. Ainsi, la société néerlandaise
Yandex, qui vient de vendre sous la
contrainte ses activités Internet – le
premier moteur de recherche du
pays – à l’Etat russe, verra ses ac-
tionnaires payés en yuan.
Prudence toutefois. Ces données
triomphales présentées par Moscou
sont à prendre avec des pincettes :
« Les chiffres du FMI pour la crois-
sance russe sont basés sur les sta-
tistiques fournies par le Kremlin,
car l’institution ne dispose pas
d’un appareil qui lui est propre »,
explique Agathe Demarais. Or la
Russie publie des indicateurs sou-
vent supérieurs au consensus des
experts et passe sous silence ceux
qui détonnent dans le narratif de la
résistance. De fait, reprendre sans
nuances ces chiffres, comme le fait
le FMI, c’est s’inscrire dans la pro-
pagande de Poutine.
Embargos symboliques
D’autant que le tissu industriel
souffre tout de même. Il subit les
embargos occidentaux sur l’impor-
tation de machines-outils, de semi-
conducteurs et d’autres produits à
haute valeur ajoutée. Si elles par-
viennent à importer du matériel en
passant par des pays alliés ou peu
regardants – Chine, Géorgie, Ka-
zakhstan ou Turquie, les entreprises
russes ont des difficultés à accé-
der aux technologies de pointe pour
innover. Elvira Nabioullina, de la
banque centrale, le formule à sa
manière : « On peut aller très haut,
mais pas pour longtemps. »
En attendant, tout cela n’égratigne
guère le Kremlin. « Les sanctions
opèrent davantage comme un mar-
queur d’unité européenne et de so-
lidarité avec l’Ukraine plutôt que
comme un arsenal efficace pour
mettre fin à la guerre rapide-
ment », avance Vladislav Inozemt-
sev, du CSIS, à Washington. Les
Occidentaux ont pris des mesures
en demi-teinte, sanctionnant la Rus-
sie tout en évitant de trop impacter
leurs propres économies. Progres-
sivement, elles pourraient affaiblir
Moscou, mais aujourd’hui, elles
n’arrêtent pas son moteur. Poutine
peut continuer de pérorer et de dé-
fier l’Occident. • u
24  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
L E A D E R S
©The Economist
Financer l’Ukraine
avec les milliards russes
Gelés après l’invasion, 260 milliards d’euros pourraient être
utilisés pour armer et reconstruire le pays. Une aubaine, mais
l’Europe doit trouver un mécanisme légalement inattaquable.
D
evant le refus du Congrès
américain de débloquer
de nouveaux fonds pour
l’Ukraine, les dirigeants
occidentaux se sont mis en quête de
solutions alternatives pour aider Kiev.
Ils s’intéressent notamment aux
260 milliards d’euros d’actifs russes,
gelés à la suite de l’invasion. La
secrétaire américaine au Trésor, Janet
Yellen, a récemment demandé qu’ils
soient exploités. Le problème est que
la plus grosse partie de ce portefeuille
est localisée en Belgique, alors que
l’Union européenne est divisée sur
la pertinence – et la légalité – de leur
éventuelle utilisation. Récupérer cet
argent est un objectif juste, mais la
façon de faire est d’une importance
primordiale. S’emparer de ces actifs
pourrait alimenter la propagande
de ceux qui accusent l’Occident de ne se
plier au droit que lorsque cela l’arrange.
C’est pourquoi les juristes s’efforcent
de définir des mécanismes permettant
de mettre légalement à profit ces
sommes. Ils réfléchissent, par exemple,
à la possibilité de prendre en charge les
demandes ukrainiennes de réparations
de guerre, financées par ces fonds
russes. Mais les risques politiques et
juridiques restent lourds. Il existe
toutefois un moyen plus simple de
procéder. Environ 190 milliards d’euros
sont contrôlés en Belgique par la
plateforme de dépôts Euroclear.
Les retours sur investissement et les
remboursements qui devraient
normalement être versés à la Russie
s’accumulent en une trésorerie qui
s’élève aujourd’hui à 132 milliards
d’euros, qu’Euroclear Bank investit avec
profit. Ce financement gratuit contribue
aux extraordinaires bénéfices de cette
institution. L’Union européenne
lui a ordonné de ne pas distribuer
ces fonds aux actionnaires et de les
conserver sur un compte séparé.
Le 28 février, la présidente de la
Commission, Ursula von der Leyen,
a déclaré qu’il était temps d’envisager
de saisir cet argent pour l’envoyer en
Ukraine. Cela permettrait de soulager
les difficultés de Kiev, puisqu’en 2023,
Euroclear a gagné 4,4 milliards d’euros
sur ces actifs. Les Vingt-Sept pourraient
faire encore mieux. Les revenus générés
par les actifs russes vont se poursuivre.
L’Union européenne pourrait donc créer
et garantir un véhicule dont le service
de la dette serait
Si la Russie assuré par ces
devait revenus. En
ne jamais émettant des
obligations, cette
conclure structure pourrait
de paix lever un
satisfaisante, important
l’Union montant initial
qui serait aussitôt
européenne versé à l’Ukraine.
n’aurait pas De plus, investir
à dépenser la trésorerie de
le moindre 132 milliards
d’euros dans la
centime. dette allemande à
cinq ans générerait environ 3,2 milliards
d’euros par an. De tels montants
permettraient à la fois d’acheter dès
maintenant des munitions, et de faire
savoir à la Russie que l’Ukraine aura les
moyens économiques de poursuivre
la guerre. Si la Russie devait ne jamais
conclure la paix selon des termes
satisfaisants, l’Union européenne
n’aurait pas à dépenser le moindre
centime de dette. Surtout, Kiev
obtiendrait les fonds dont il
a aujourd’hui désespérément besoin
pour se défendre.•
 Evénement
Alexandr Kryazhev/Sputnik/Sipa

Auchan de Novossibirsk. L’enseigne est le cinquième acteur étranger en Russie, avec 4,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires.

Ces groupes français

encore accros à la Russie
Leroy Merlin, Auchan, L’Oréal, Sanofi… Un classement inédit montre que
les entreprises tricolores restent nombreuses dans le pays. Une présence de plus
en plus difficile à justifier pour ceux que Kiev qualifie de « sponsors de guerre ».

L
e cas Auchan. Deux ans
après l’invasion de
l’Ukraine, le groupe Mul-
liez a maintenu ses activi-
tés florissantes en Russie, où il
reste, de très loin, le français qui
pèse le plus lourd. Son enseigne
Leroy Merlin, avec pas moins de
7,7 milliards de dollars de chiffre
d’affaires et 45 000 salariés, est le
deuxième acteur étranger, derrière
l’américain Philip Morris. Et les
hypermarchés Auchan pointent à la
cinquième place (une activité de
4,2 milliards et 41 000 salariés), se-
lon le classement documenté des
experts de la KSE, la Kiev School of
Economics, publié par le site Leave-
russia.org (voir le tableau
ci‑contre). Mis à part Engie, qui a
toutefois suspendu ses investisse-
ments, toutes les autres sociétés
françaises (80 ont été répertoriées
par les auteurs de l’étude) sont
en dessous du milliard de dollars de
chiffre d’affaires. Certes, le groupe
Mulliez a annoncé vouloir céder
Leroy Merlin, une opération qui a
eu lieu via une cascade de sociétés
domiciliées à Dubai, selon une en-
quête publiée par L’Express, ren-
dant la propriété réelle de l’entre-
prise totalement opaque. En
attendant que cette vente s’éclair-
cisse, Auchan reste dans le viseur
des autorités de Kiev et des ONG.

26  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

L’agence ukrainienne anticorrup-
tion a placé les deux enseignes de la
famille Mulliez parmi les « sponsors
de guerre » du Kremlin – aux côtés
de Bonduelle et d’Yves Rocher –, sa
liste noire de 50 entreprises étran-
gères encore très actives en Russie.
Auchan « paye des impôts à un
pays terroriste et fournit l’armée
russe », accuse l’agence. Le distri-
buteur français, qui dément avoir
apporté de l’aide à l’armée de Pou-
tine, affirme depuis le début de la
guerre que partir de Russie serait
« inimaginable d’un point de vue
humain », avec de lourdes consé-
quences pour ses dizaines de mil-
liers de salariés mais aussi ses
consommateurs.
Exemple américain
Un argument dénoncé par les ONG :
« La seule raison qui les pousse à
rester, c’est le profit », martèle
Edward Mayor, cofondateur de
l’organisation Stand with Ukraine.
Cet entrepreneur français très actif
dans le soutien à Kiev aimerait que
le gouvernement français mette la
pression sur ses sociétés comme le
font les Etats-Unis : le 23 février
dernier, l’administration améri-
caine a ainsi officiellement mis en
garde ses entreprises sur « les
risques de maintenir leur activité
en Russie », notamment celui d’être
poursuivi pour complicité de
« crimes de guerre ».
Pas facile pour les groupes fran-
çais de justifier leur maintien dans le
pays de Poutine. Certes, comme le
rappelle le philosophe André Comte-
Sponville (lire page 30), il faut se
méfier de toute critique « morale »
alors que l’on s’est habitué au com-
merce avec des pays comme la
Chine ou l’Arabie saoudite. Mais la
confrontation atteint un tel degré
avec Moscou, avec un ton de plus en
plus guerrier entre Emmanuel
Macron et le Kremlin, que la pré-
sence en Russie devient de plus en
plus difficile à légitimer. Car ces
groupes alimentent massivement le
budget russe, et donc les dépenses
militaires : selon un rapport du col-
lectif d’ONG B4Ukraine et de la KSE,
les étrangers ont versé pas moins
3,5 milliards de dollars au fisc russe
en 2022. De plus, ils ne peuvent pas
échapper à la sollicitation par l’ar-
mée. « Toutes les entreprises
Argument plus difficile à utiliser
Le Top-20 de la présence française dans d’autres secteurs comme le bri-
colage (Leroy Merlin) ou la cosmé-
Entreprise Chiffre d’affaires Effectifs Statut tique (Yves Rocher, L’Oréal). Beau-
(en millions de dollars) coup insistent sur le coût d’un
départ intempestif, en rappelant les
Leroy Merlin 7 734 45 000 
mésaventures de Renault. Après
Auchan 4 227 41 000  avoir beaucoup investi dans Avto-
vaz, le fabricant historique de la
Engie 1 450 NC  Lada, le constructeur français a
bradé ses actifs quelques semaines
Sanofi 949 1 973  après le déclenchement de la guerre,
879 2 200
ce qui l’a conduit à passer une provi-
L’Oréal 
sion de 2,2 milliards d’euros.
Tarkett 602 1 635  Un coût encore plus élevé pour
Total, qui s’est désengagé du méga-
Servier 403 1 558  projet de gaz naturel liquéfié du
groupe russe Novatek, en passant
Canpack 329 356  9 milliards d’euros de provisions.
Pernod Ricard 280 1 919  En privé, des dirigeants français
considèrent ces départs forcés
Bonduelle 234 1 420  comme des « cadeaux » de leurs
outils industriels au Kremlin. D’ail-
Decathlon 223 2 500  leurs, le pouvoir russe ne se prive
pas de saisir ces actifs étrangers,
Saint-Gobain 215 572 
comme l’a expérimenté Danone, en
Lactalis 156 514  juillet dernier. Le groupe, qui négo-
ciait la vente de ses filiales russes,
Ipsen 152 277  a, de fait, été exproprié avec sa
mise sous tutelle par l’agence des
Lesaffre 121 531  participations.
121 812
Orange 
Départs trompeurs
Limagrain 111 76  L’autre choix est de réduire la voi-
lure. Sans quitter la Russie, beau-
Yves Rocher 104 640  coup d’entreprises françaises af-
fichent une baisse de régime : 31 ont
Lidea 101 25 
suspendu leurs investissements et
Lacoste 82 440  19 réduit leur activité, selon le poin-
SOURCE : LEAVE RUSSIA, KIEV SCHOOL OF ECONOMICS INSTITUTE.
tage de la KSE, qui cite notamment
Engie, Pernod Ricard et Saint-
 Poursuivent  Réduisent  Suspendent leurs Gobain. Mais certains départs affi-
leur activité leur activité investissements
chés sont trompeurs. Par exemple,
Ce classement est réalisé par la Kiev School of
Economics et publié sur Leave-russia.org, où sont L’Oréal avait annoncé la fermeture
listées les 1 645 sociétés étrangères encore actives de ses magasins et l’arrêt de ses in-
en Russie. Ces experts ont notamment utilisé la base vestissements. En fait, « les dé-
de données russe Egrul. Les chiffres sont les derniers penses publicitaires n’ont pas été
disponibles, le plus souvent sur l’exercice 2022. arrêtées, seulement suspendues
pendant deux à trois mois. De-
présentes en Russie doivent se plier puis, l’activité a été restaurée »,
à la loi qui les oblige à participer à affirment les auteurs de l’étude.
la mobilisation de leurs salariés, à Selon les chiffres du géant français
assurer leur transport et à fournir de la cosmétique, les ventes ont à
des équipements », déplore Ellie peine reculé de 6 % en 2022. Conclu-
Nichol, de B4Ukraine. sion d’Edward Mayor, de Stand
Face à cette pression, les français with Ukraine : « Certains groupes
encore présents s’efforcent de trou- rivalisent d’ingéniosité pour faire
ver des arguments à leur maintien. croire qu’ils se désengagent de
Certains invoquent les besoins hu- Russie, lance-t-il en pointant no-
manitaires, comme Sanofi ou Ser- tamment les enseignes de la famille
vier, qui fournissent des médica- Mulliez. Mais ils sont toujours là et
ments à la population russe. très actifs. »  Thierry Fabre u
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  27
Evénement

La nouvelle route clandestine

des vins tricolores
D’après des documents douaniers exclusifs, de grands crus de Bourgogne
ont été livrés à Moscou en contournant l’embargo européen. En soutien,
la Chambre de commerce franco-russe, opposée aux sanctions occidentales.

C
e 27 septembre 2023, c’est
une bouteille spéciale que
dégustent les convives
d’un dîner qui a pour invité
d’honneur Pavel Chinsky, le direc-
teur général de la Chambre de com-
merce franco-russe (CCIFR), chez
Savva, restaurant gastronomique
situé à deux pas du Bolchoï, à Mos-
cou. Le nectar en question est un
mathusalem (6 litres) de chassagne-
montrachet premier cru de 2011,
produit par le Domaine Ramonet
en Bourgogne. Il est estimé à plus
de 3 000 euros, selon le site de réfé-
rence Wine-Searcher. Le problème ?
D’après des documents douaniers
russes obtenus par Challenges,
cette bouteille a été importée en
Russie le 9 septembre 2022. Soit six
mois après l’interdiction édictée par
l’Union européenne (UE) d’expor-
ter au pays de Vladimir Poutine des
articles de luxe, comprenant le vin,
dépassant les 300 euros.
Tsar du vin à la manœuvre
Le scénario méandreux ayant per-
mis à ce breuvage d’exception de
parvenir jusqu’à Moscou, en dépit
de sanctions visant à pénaliser le
train de vie des élites, révèle une
série de manquements. A la ma-
nœuvre, on retrouve la société lo-
cale Burgundy, spécialisée dans
l’importation de vins. L’un de ses
fondateurs est Konstantin Nuriev,
homme d’affaires impliqué dans des
projets de construction dans la ville
ukrainienne occupée de Marioupol.
Lié à Guennadi Timtchenko, oli-
garque proche de Vladimir Poutine,
placé sous sanctions occidentales, il
est épaulé par Anton Panasenko, élu
meilleur sommelier de Russie
en 2003 et surnommé le « tsar du
vin » par la presse suisse.
Les données douanières attestent
que Burgundy a acheté au Domaine
Ramonet quatre mathusalems de
chassagne-­montrachet, et que cha-
cun a été payé entre 309 et 482 eu-
ros – ces vins seront revendus par
l’importateur entre trois et six fois

Une Chambre de commerce sulfureuse acquise à la Russie

L
a scène, qui a marqué
les esprits, remonte à la
mi-mai 2016. Matthias
Fekl, alors secrétaire d’Etat au
Commerce extérieur, est de
passage à Moscou et rencontre
une communauté d’affaires
française sur les dents.
La levée des sanctions
économiques visant la Russie,
qui a annexé la Crimée deux
ans plus tôt, est l’obsession de
la Chambre de commerce
franco-russe (CCIFR) qui
organise la réunion. L’un de ses
membres, Xavier Moreau,
ancien militaire français devenu
propagandiste du régime
poutinien, hausse la voix,
critique la politique de Paris
avec Moscou et assène, devant
un public silencieux, qu’un
« mouvement de libération
fondateur, Emmanuel Quidet,
siège au board du géant gazier
Novatek et a reçu la nationalité
russe en 2022. Un coup d’éclat
peu apprécié au Quai d’Orsay,
qui a obtenu que Quidet
abandonne la présidence. Le
directeur général, Pavel Chinsky,
a lui reçu, en 2015, une lettre
de gratitude du président russe,
remise par Sergueï Ivanov,
ex‑numéro deux du FSB
(renseignement intérieur).
Selon nos informations, le
gouvernement français a étudié
de près, en 2022, l’inscription
des deux hommes sur sa liste
Emmanuel Quidet (CCIFR, à g.) avec Nicolas Sarkozy à Saint- des personnes sanctionnées.
Pétersbourg, en 2019. La Chambre de commerce, créée par Quidet « Ils étaient dans le
en 1997, est un passage obligé du business français en Russie. collimateur », confie une source
haut placée. La CCIFR possède
CCIFR fait la pluie et le beau mettait sur pied, au Kremlin, aussi un think tank,
temps sur le business français entre Vladimir Poutine et les l’Observatoire franco-russe, que
CCI France Russie, 2024

nationale sans aucun lien avec
le Kremlin » est à l’œuvre en
Crimée. Fekl confiera en privé
n’avoir jamais reçu un tel
accueil. Créée en 1997, la
en Russie. Parrainée et
financée par l’oligarque
Guennadi Timtchenko, elle doit
une grande partie de son aura
à la réunion annuelle qu’elle
principaux groupes français
– moyennant une cotisation
annuelle de 50 000 euros. Sa
proximité avec le pouvoir fait
jaser depuis longtemps. Son
l’ex-ambassadeur Jean-Maurice
Ripert se plaisait à nommer
« observatoire russo-russe » pour
sa partialité supposée à l’égard
de Moscou. A. I.

28  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024


ce prix. Ils ont ensuite été achemi-
nés depuis la France jusqu’en Litua-
nie via le transporteur lituanien
Girteka. Puis, le 9 septembre 2022,
alors que les autorités de Vilnius
sont censées faire respecter les
sanctions de l’Union européenne,
elles laissent le groupe russe Ma-
rine Express s’emparer du charge-
ment et l’acheminer en toute séré-
nité jusqu’à Moscou.
En 2023, le site d’investigation litua-
nien Siena avait déjà pointé la com-
plaisance du pays balte qui avait
permis le transit vers son voisin
d’engrais biélorusses. Contactées,
les douanes lituaniennes n’ont pas
fait de commentaire, pas plus que
Burgundy ou Girteka. De son côté, le
vigneron Jean-Claude Ramonet se
défend d’avoir voulu passer outre le
feu rouge de Bruxelles. « Ces bou-
teilles ont été vendues en oc-
tobre 2020 à Burgundy, qui a dû les
stocker ensuite dans un de ses dé-
pôts en France ou en Europe avant
de les faire venir en Russie, assure-
t-il. On ne peut pas nous reprocher
ces ventes réalisées avant la guerre
Salon des vins en Ukraine. » Une chose est sûre,
français les pratiques de Burgundy inter-
à Moscou, le pellent. Comme le fait remarquer
16 octobre 2023.
La Chambre
l’avocat spécialiste des sanctions,
de commerce Stéphane Bonifassi, l’UE interdit la
franco-russe livraison en Russie de ces produits
a réussi à de luxe, « qu’ils aient été achetés
faire venir avant ou après le 24 février 2022 ».
18 vignerons
pour cet
événement.
Plaque tournante balte
Et depuis 2022, Avant l’invasion de l’Ukraine, la Rus-
elle promeut sie représentait moins de 3 % des
des bouteilles exportations viticoles françaises,
via son faisant du pays le 15e acheteur pour
programme l’Hexagone. Et si, selon le journal
Vinstitut au
côté de son
gouvernemental Rossiyskaya Gaze-
partenaire ta, les importations de vins made in
commercial France sont passées de 25 à 22 mil-
Burgundy. lions de litres entre 2022 et 2023,
plusieurs millésimes très haut de
gamme, mais vendus en dessous du
seuil des 300 euros, traversent en-
core régulièrement les frontières des
pays baltes, véritable plaque tour-
nante des livraisons vers l’Oural.
D’après ces mêmes données doua-
nières, au moins une dizaine de do-
maines ont vu leurs vins, que Wine-
Searcher valorise bien au-dessus des
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821 
Photos : A. Komarob - R. Papazyan
300 euros, être livrés en Russie ces
deux dernières années. Comme cer-
tains experts l’affirment, ces vigne-
rons braderaient-ils délibérément
leurs crus pour garder un pied dans
le pays, et ne pas insulter l’avenir ?
« C’est n’importe quoi, rétorque un
viticulteur bourguignon, dont plu-
sieurs centaines de bouteilles ont
été livrées en Russie en 2022. Les
prix auxquels nous vendons nos
vins sont très inférieurs à ceux du
marché, très spéculatif, sur lequel
se fonde Wine-Searcher. »
Ces liaisons viticoles révèlent aussi
le drôle de jeu de la très russophile
Chambre de commerce franco-russe
(CCIFR, lire l’encadré). En pleine
guerre ukrainienne, celle-ci a par
exemple organisé, les 16 et 17 oc-
tobre derniers, à Moscou, le Salon
des vins français. L’événement, ten-
drement baptisé « Un automne à la
française », a attiré 18 vignerons ve-
nus de Bordeaux, d’Alsace, du Beau-
jolais ou du Languedoc. Mais ce sont
surtout les liens de la CCIFR avec la
société russe Burgundy qui inter-
pellent. En novembre 2022, la uuu
29
Evénement
uuu chambre a en effet lancé le
programme Vinstitut destiné à pro-
mouvoir les vins tricolores en Rus- L’éditorial de
sie. Et parmi ses partenaires, on re- ANDRÉ COMTE-SPONVILLE
trouve Burgundy, qui a donc été
l’instigateur d’une opération aventu-
reuse d’importation de vin en Rus-
sie. « Ce sont de curieuses manières
que d’aller à l’opposé de la position
Méfions-nous de l’angélisme,
officielle de votre pays », s’étonne un
diplomate français, qui rappelle que
même pour affronter le diable

V
la CCIFR combat sans relâche de-
ladimir Poutine va donc
puis 2014 l’imposition de sanctions
être réélu président
économiques contre la Russie.
de la Fédération de Russie.
Le 25 février 2022, soit le lendemain
Election sans mérite
de l’invasion de l’Ukraine, le pré-
(puisque sans véritable opposant), sans
sident de la Chambre de l’époque,
gloire (faute d’une réelle démocratie),
Emmanuel Quidet, avait condamné
mais non sans impact : le voilà doté
d’un pouvoir à peu près illimité, en tout
cas à l’intérieur de son pays, pour
six ans de plus, qui risquent fort (sauf
bouleversement pour l’instant
improbable) d’en faire douze. Pouvoir
totalitaire ? Ce serait trop dire
(il y manque la conjonction d’un parti
Sergei Karpukhin/Pool/AFP
apparaît que la négociation ne suffit
plus. « On ne sort de l’ambiguïté
qu’à ses dépens », disait le cardinal
de Retz, et cela vaut aussi pour ce qu’on
appelle « l’ambiguïté stratégique », celle
qui laisse l’adversaire dans l’ignorance
de ce qui l’attend. Quelle sottise
ce serait que de lui dire à l’avance
ce qu’on fera ou pas ! Autant lui confier
les plans de notre état-major…
Mais la question se pose aussi d’un
point de vue économique. Peut-on
commercer avec une dictature ? Il y a si
longtemps qu’on le fait (voyez l’URSS,

unique et d’une idéologie prétendument la Chine ou l’Arabie saoudite) que

« scientifique »). Démocratie illibérale ? la question ne se pose plus. C’est
Ce serait n’en pas dire assez, tant les contraire à la morale ? Pas plus que
libertés individuelles et les droits de vendre au plus offrant, ou qu’acheter
de l’opposition y sont proches du néant. au meilleur rapport qualité-prix.
La vérité, c’est que la Russie vit Ce n’est pas la morale qui régule
Guennadi Timtchenko. L’oligarque actuellement sous une dictature à la le marché ; c’est la loi de l’offre
parraine et finance la Chambre de fois mafieuse, policière (sur le modèle et la demande, limitée de l’extérieur
commerce franco-russe.
de cette police très spéciale que fut par le droit du commerce.
le KGB, dont Poutine est issu) Mais si cette dictature mène une guerre
avec force, dans le bureau de l’am-
et nationaliste. Elle n’en est que plus d’invasion, voire nous menace
bassadeur en Russie, Pierre Lévy,
redoutable, ce que l’invasion nous‑mêmes ? Il me semble qu’il s’agit
l’adoption d’un deuxième train de
de l’Ukraine confirme tragiquement. moins de morale alors que de politique,
sanctions européennes contre Mos-
et moins de politique peut-être
cou. Et le 17 novembre 2023, dans
des propos relayés par Sputnik, l’un Les entreprises qui ont quitté que d’économie ou d’efficacité.
Les sanctions, vis‑à-vis de la
des organes d’influence du Kremlin, la Russie n’ont en rien ébranlé Russie, ont montré leurs limites.
le numéro deux de la CCIFR, Pavel
Chinsky, s’était dit préoccupé par la le pouvoir de Poutine. Quant aux entreprises
françaises qui ont quitté le
« pression colossale » que l’UE et les
Cela pose la question de notre attitude, territoire russe, souvent à leur corps
Etats-Unis exercent sur les entre-
vis-à-vis de ce qu’est devenue la Russie. défendant, elles y ont perdu beaucoup
prises françaises et occidentales
C’est vrai d’abord d’un point de vue d’argent, sans ébranler en rien le
ayant décidé de rester dans son
diplomatique et militaire. Beaucoup pouvoir de Poutine, voire en renforçant
pays. Sollicitée, la Chambre de com-
reprochent à Macron d’avoir dit qu’il son fonds de commerce, qui est la
merce franco-russe, tout comme
ne fallait pas « humilier la Russie ». haine de l’Occident. C’est ce qui
Pavel Chinsky, n’ont pas souhaité
D’autres, ou parfois les mêmes, le m’interdit de jeter la pierre à celles
répondre à nos questions. La CCIFR
traitent à présent de « va-t-en-guerre », de nos entreprises qui ont fait le choix
entend quoi qu’il arrive continuer à
parce qu’il a déclaré qu’on ne pouvait inverse. J’imagine assez leurs
jouer sa carte viticole dans les mois
exclure l’envoi de troupes européennes contraintes. La morale ne tient pas lieu
qui viennent. Lors de son bilan an-
en Ukraine. J’y vois pourtant deux de stratégie, fût-elle commerciale.
nuel, le 9 novembre dernier, elle a
espèces d’évidence : il est toujours Méfions-nous de l’angélisme, même
présenté un plan d’action pour l’an-
S. Lagoutte/Challenges

mauvais d’humilier ses adversaires, pour affronter le diable. La morale peut

née 2024 où elle inscrit parmi ses
tant que la négociation paraît possible, donner des raisons de faire ou pas
priorités le développement d’une
comme de limiter a priori ses propres une guerre. Mais n’a jamais suffi
« offre événementielle autour du
capacités d’intervention, lorsqu’il à la gagner.•
vin à destination des entreprises ».
 Antoine Izambard et Sergey Panov

30  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

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Lune de miel écologique

entre le patronat et l’Etat
Après un clash fin 2023, le président du Medef, Patrick Martin, et le ministre
de la Transition écologique, Christophe Béchu, affichent leur réconciliation
et une méthode. Sans effacer toutes les divergences. Double rencontre.

P
oignée de main, grands
sourires, accolades et tu-
toiement. La mise en scène
est bien rodée. Ce mercredi
6 mars, le ministre de la Transition
écologique, Christophe Béchu, et le
président du Medef, Patrick Martin,
ont « officialisé leur bonne en-
tente » par la signature d’une charte,
sous les dorures de l’hôtel de Ro-
quelaure. Il y a quelques mois à
peine, une telle complicité n’était
pourtant pas gagnée.
En cause, le pavé dans la mare jeté
par une campagne de communica-
tion de l’Ademe, l’agence sous tu-
telle du ministère de la Transition
écologique. Quatre spots télévisés
diffusés du 14 novembre au 4 dé-
cembre, qui mettaient en scène des
« dévendeurs » poussant des clients
de magasins textiles ou bricolage à
se tourner vers des modes de
consommation alternatifs comme la
location. A la veille des soldes du
Black Friday et en plein marasme
pour le commerce, la campagne
avait provoqué l’ire des représen-
tants patronaux : intervention scan-
dalisée dans les médias, menaces
d’action en justice… La Confédéra-
tion des PME (CPME) et le Medef
avaient même exigé son retrait. En
face, le ministre Christophe Béchu a
tenu bon, tout en admettant des
« maladresses ». L’affaire était re-
tombée après une discussion
franche le 29 novembre entre le mi-
nistre et les fédérations patronales
du commerce et de l’industrie, sous
l’égide de Patrick Martin.
« Il ne faut plus s’opposer »
Trois mois après, l’ambiance a radi-
calement changé entre les deux
hommes. Autour d’un petit déjeuner
réunissant une dizaine de cadres du
syndicat patronal, Sylvain Waser-
man, patron de l’Ademe, et Guil-
laume Kasbarian, ministre du Loge-
ment, Christophe Béchu et Patrick
Martin s’appellent ostensiblement
par leurs prénoms et affichent leur
proximité. « Cette campagne de
l’Ademe a été un irritant, concède
Christophe Béchu. Nous avons pris
conscience qu’il fallait nous voir
plus souvent pour travailler en-
semble. » Patrick Martin renchérit :
« Compte tenu de l’urgence clima-
tique, on se doit d’être dans un rap-
port de confiance entre le privé et le
public. L’anecdote de l’Ademe a été
l’occasion d’une prise de conscience
qu’il ne fallait plus s’opposer. » Ils
parlent maintenant d’une seule voix
et entonnent un même refrain :
« L’écologie ne peut pas aller sans
l’économie et la croissance. »
Sur le fond, la charte signée – un
texte de deux pages – pose les prin-
cipes du travail commun entre l’or-

La Cour des comptes épingle la rénovation thermique des logements

T
ravail insuffisant. Telle est
l’appréciation de la Cour
des comptes sur la
politique d’adaptation de
l’habitat face au changement
climatique. Et ce alors que le
gouvernement vient de raboter
d’un quart l’enveloppe de
4 milliards d’euros pour 2024
du dispositif MaPrimeRénov’,
une aide destinée aux ménages
pour améliorer énergétiquement
les logements. La meilleure
isolation, qui réduit le besoin
de chauffage l’hiver, n’est
qu’une (petite) partie
du problème, prévient la Cour
dans son rapport public annuel
publié le 12 mars. Face au
réchauffement, la stratégie à
mettre en œuvre doit répondre
à trois autres défis majeurs :
l’atténuation des chaleurs
caniculaires pour éviter
la surmortalité des personnes
âgées, le gonflement-retrait des
sols argileux, qui concerne
plus de 10 millions de maisons
individuelles, et les risques
d’inondations. Or dans tous
ces domaines, le gouvernement
navigue à vue : données
budgétaires éparses, absence
d’évaluation des coûts, déficit
de connaissances
territorialisées… Les enjeux
financiers sont pourtant
colossaux. Pour un logement,
le budget varie de 1 300
à 11 000 euros pour atteindre
un bon « confort d’été »,
de 21 000 à 76 000 euros
pour traiter les sols argileux et
de 5 000 à 35 000 euros pour
éviter le risque d’inondation.
Une addition bien trop lourde
pour les ménages, pointe la
Cour : « Un effort d’amélioration
de la faisabilité technique et
de la soutenabilité financière
des travaux d’adaptation doit
être conduit par l’Etat,
l’indemnisation des sinistres
ne pouvant en soi constituer un
élément de politique publique. »
Un chantier titanesque. Vi. G.

32  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024


ganisation patronale et le ministère.
Chacun s’engage à « faire circuler
l’information » via des réunions qui
auront lieu au moins deux fois par
an, avec des groupes de travail thé-
matiques. D’un côté, le Medef va
encourager tous ses adhérents à
prendre leur part de la transition
écologique. De l’autre, le ministre
promet d’écouter les patrons sur les
sujets de simplification, de commu-
nication, voire de les consulter en
cas de nouveaux arbitrages budgé-
taires à réaliser.
« Un Etat plus humble »
« La transition écologique nécessite
forcément un soutien financier
public. Il faut que l’Etat fasse
preuve d’humilité pour écouter les
entreprises, souligne Christophe
Béchu. Dans un contexte budgé-
taire contraint, toutes les dépenses
n’ont pas le même impact. Quand
l’Ademe distribue 1 milliard d’eu-
ros d’aide à la décarbonation, les
entreprises en mettent 4 ou 5 sup-
plémentaires. » Les entreprises
portent en effet la moitié de l’effort
d’investissement pour la transition,
soit environ 40 milliards d’euros par
an. « Il n’est pas question d’être sous
Making of perfusion des subventions, com-
Challenges plète Patrick Martin. Les meilleurs
a assisté au petit moyens sont ceux des entreprises
déjeuner de
réconciliation entre
elles-mêmes. Elles doivent être com-
Patrick Martin et pétitives pour pouvoir investir. »
Christophe Béchu, Le premier domaine de coopération
le 6 mars au siège identifié par la charte est celui de
du ministère l’emploi. Le gouvernement a pour
de la Transition
écologique. Durant objectif de voir 50 000 jeunes passer
une heure, les par un service civique écologique
principaux cadres d’ici à 2027. La commission insertion
du Medef ont du Medef s’est engagée devant le
déroulé leur action
pour le climat. ministre à mobiliser ses adhérents
Ensuite, les deux pour qu’ils leur proposent stages,
hommes ont signé alternances, formations… « Nous
leur charte. commençons par le capital hu-
main. C’est un enjeu essentiel pour
les entreprises et la transition éco-
logique », s’enthousiasme Chris-
tophe Béchu. D’autres chantiers
communs suivront sur le climat, la
biodiversité, l’adaptation. Le Medef
va en particulier inciter les entre-
prises à décliner la planification éco-
logique au niveau régional.
Et quand le ministre évoque son rêve
d’instaurer une nouvelle cotisation
des employeurs baptisée 1 % climat,
sur le modèle du 1 % logement, Pa-
trick Martin répond même que
« l’idée mérite d’être explorée ».
Dans son élan, le ministre a tout fait
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821 
Stéphane Lagoutte/Myop pour Challenges
pour réconcilier les patrons avec
l’Ademe. Le premier acte de paix
sera une campagne de communica-
tion co-construite pour viser cette
fois l’ultra-fast fashion, ces collec-
tions de vêtements de faible qualité
renouvelées très rapidement.
Réserves sur la loi Climat
Mais la trêve n’est pas acquise. Les
crêpes et les madeleines ne suffiront
pas à effacer toutes les différences.
Après le départ de Christophe Bé-
chu pour le conseil des ministres,
Patrick Martin tient à alerter sur la
nécessité pour le gouvernement de
réaliser des études d’impact avant le
vote des lois pour éviter des déci-
sions aberrantes. Et le président du
Medef de citer le mauvais exemple
de la loi Climat… Il fustige aussi la
tendance des administrations à
multiplier les référentiels, alors que
l’Ademe travaille justement avec la
Banque de France à une nouvelle
notation des « stratégies climat »
des entreprises. « Il faut simplifier
et faire confiance aux acteurs »,
enjoint Patrick Martin, qui recon-
naît, malgré la signature de la
charte, toujours des divergences
« au cas par cas ».  Agathe Beaujon
33
France

Paris réoriente ses écoles privées

Face au recul de la mixité sociale, la ville et le rectorat retirent des moyens
à l’enseignement sous contrat pour un rééquilibrage. Chantier sensible.

L
a guerre scolaire menace.
Ravivée par les gaffes à
répétition d’Amélie
Oudéa-Castéra, éphémère
ministre de l’Education nationale,
la bataille est déjà lancée à Paris. Il
faut dire que « l’académie pari-
sienne est la plus “ségréguée” de
France », reconnaît un ancien
hiérarque du ministère, avec des
collèges privés qui ne comptent que
3 % d’élèves issus de milieux défa-
vorisés, contre 25 % dans le public.
Une situation intenable qui com-
mence à faire réagir la mairie et le
rectorat.
Le chercheur à l’Ecole d’économie
de Paris Julien Grenet avance des
chiffres implacables : si rien ne
change, en 2034, le privé scolarisera

plus de la moitié des élèves de Paris.
Et 75 % des enfants des familles les
plus privilégiées ! Son étude, publiée
le 4 mars, montre que la part du
privé, stable sur vingt ans autour de
34 % des élèves de sixième, monte
en flèche depuis 2020 pour atteindre
38,6 % en 2023. « C’est une consé-
quence de la baisse démographique
constatée à Paris qui se répercute
exclusivement dans les établisse-
ments publics », décrypte l’universi-
taire. En CP, par exemple, les ins-
criptions dans le public ont chuté de
22,4 % depuis 2016, mais de seule-
ment 4,5 % dans le privé.
Guerre des postes
Julien Grenet préconise un sérieux
correctif : « Pour deux classes fer-
mées dans le public, il faudrait en
fermer une dans le privé. » Une
idée rejetée en bloc par l’enseigne-
ment privé : « Hors de question !
Nos classes ne sont pas vides,
rétorque Yann Diraison, directeur
adjoint du Secrétariat général
de l’enseignement catholique. A la
première classe fermée, nous
contesterons devant le Conseil
d’Etat pour atteinte à la loi Debré
dans son principe du “besoin sco-
laire reconnu”. »
Nicolas Tavernier/Réa
L’Ecole alsacienne, à Paris (VIe). En 2034, le privé pourrait scolariser plus de la moitié des élèves
de la capitale. Et 75 % des enfants des familles les plus privilégiées.
Il n’empêche, pour la première fois, de surélévation ou de travaux lourds
le rectorat de Paris a décidé d’agir du bâtiment. Parmi les écoles visées,
SÉGRÉGATION en retirant d’importants moyens à une quinzaine relève du secteur pri-
SOCIALE ces établissements. A la rentrée vé, déclenchant une forte contesta-
Catégorie sociale prochaine, 50 emplois en équivalent tion chez les parents d’élèves et les
des élèves en 6e temps plein et 28 postes en heures chefs d’établissement. L’occasion de
à la rentrée 2023
à Paris supplémentaires leur seront sous- mesurer les forces en présence.
Collèges publics traits. C’est certes bien inférieur
Très aux 250 postes retirés au public. Protocole fragilisé
favorisée Défavorisée
Mais bien supérieur aux 12 postes Pour l’heure, le gouvernement ne
39 % 25 % anticipés par l’enseignement catho- veut pas en rajouter. Le protocole
lique. Une application de la règle d’accord pour renforcer la mixité
28 % non écrite du 80 %-20 % qui répartit sociale et scolaire dans le privé, si-
8%
entre le public et le privé les moyens gné entre l’ex-ministre Pap Ndiaye
Favorisée Moyenne
accordés ou les efforts demandés. et les représentants de l’enseigne-
Collèges privés Et qui n’était, jusqu’ici, jamais mise ment catholique il y a un an, ne pré-
Très
favorisée Défavorisée en pratique. voit ni contrainte ni sanction. Son
Cette première entaille s’accom- successeur d’alors, Gabriel Attal, se
78 %
39% pagne d’une autre offensive, portée montrait également peu allant sur la
3% par la mairie de Paris. Dans la défini- question, en répondant ainsi à Chal-
14 %
tion du nouveau plan local d’urba- lenges en décembre : « Je veux don-
5% nisme, la ville a « pastillé », selon ner sa chance au protocole. On
Favorisée Moyenne
SOURCE : PARIS SCHOOL
une nouvelle règle d’urbanisme, une l’évaluera. A ce stade, je n’ai pas
OF ECONOMICS.
trentaine d’établissements scolaires. prévu de rouvrir ce chantier. » Mais
Ce marquage oblige à créer des loge- c’était avant les gaffes d’Amélie
ments sociaux en cas d’extension, Oudéa-Castéra. Alice Mérieux

34  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 L’éditorial de
GHISLAINE OTTENHEIMER
L’Assemblée autrement
T
rop heureux d’avoir réussi
à faire adopter la réforme
symbolique de l’inscription
du droit à l’avortement dans
la Constitution, par une très large
majorité (493 voix contre 30
à l’Assemblée nationale), Emmanuel
Macron n’a pas du tout envie de
retomber dans les affres du 49.3
auquel a dû recourir Elisabeth Borne
à 23 reprises, faute de majorité.
Le nouveau Premier ministre, Gabriel
Attal, non plus. De toute façon,
pas question d’engager des batailles
homériques ni de provoquer
des tensions, des grèves, des
manifestations, à quelques semaines
des élections européennes. Et des jeux
Olympiques. Jusqu’au mois d’août,
le gouvernement va se montrer
d’une extrême prudence. Déjà discutée
avec les syndicats depuis des mois,
l’ambitieuse réforme de la fonction
publique, portée par Stanislas Guerini,
a vu son calendrier reporté à l’automne
prochain. La généralisation du service
national universel annoncée
par le président de la République
Jamais l’exécutif ne s’était, à ce point,
affranchi du législatif. Mais combien
de lois sont-elles opportunistes ou de
trop ? Au Parlement de se réinventer.
– très contestée – n’est plus à l’ordre
du jour. La réforme de la prime
d’activité et du RSA a été repoussée
à la fin de l’été. Celle de l’assurance-
chômage, annoncée en grande pompe,
attendra l’automne. A tel point que
l’agenda du Parlement est apparu bien
vide. Gabriel Attal avait pourtant
évoqué « un printemps des urgences »
et prévenu : « Il n’y aura pas de temps
Christophe Lebedinsky/Challenges
mort. » La ministre déléguée chargée
des Relations avec le Parlement,
Marie Lebec, a donc dû annoncer
un programme qualifié de « chargé ».
En réalité, les textes les plus épineux
seront discutés après les élections
européennes. C’est le cas, par exemple,
du projet de loi sur la simplification des
procédures ou de celui sur le logement,
qui seront examinés au Sénat en juin.
Et donc à l’Assemblée à l’automne.
Le déverrouillage de certaines
professions est reporté au second
semestre. Seuls deux textes Un manager de transition en
emblématiques vont occuper
le Palais‑Bourbon d’ici à l’été. Celui 48h pour prendre en main
sur l’agriculture, déjà déminé, qui sera une situation délicate.
étudié à partir du 13 mai. Et celui
sur la fin de vie, évoqué avec grande
prudence par Emmanuel Macron,
à partir du 27 mai. Aucun des deux
n’est a priori susceptible de mettre
le feu au pays. Rien en revanche sur Gestion de
la souveraineté énergétique, la justice l’urgence
des mineurs, le droit du sol à Mayotte,
l’élargissement du champ du
référendum… Prudence, prudence.
Le seul débat susceptible d’enflammer Réorganisation RH
l’Hémicycle est celui sur l’accord
de sécurité avec l’Ukraine, mais
il a l’énorme avantage d’isoler
les extrêmes. Est-ce à dire que Relance
le Parlement est délaissé, ignoré, industrielle
maltraité par l’exécutif ? Sans aucun
doute. Jamais
l’exécutif ne s’était, Retournement
à ce point, affranchi
du pouvoir législatif. opérationnel
Mais est-ce si grave ?
Certes, la principale
vocation du Parlement Cash
est le vote des lois, mais combien management
sont superfétatoires, opportunistes,
inapplicables ? Les élus ont aussi
pour mission, selon l’article 24 de Digitalisation
accélérée
la Constitution, de contrôler l’action
du gouvernement, d’évaluer les
politiques publiques. Ils peuvent, pour
cela, être assistés par la Cour des
comptes, effectuer des contrôles sur
place. Voilà qui pourrait être très utile.
Et puis ils peuvent aussi provoquer
des débats, sur un sujet déterminé,
de manière à éclairer le public.
La Ve République est à un tournant.
Au Parlement de se réinventer nimeurope.com
et de parlementer autrement.•
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14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  35
 France
Bonne semaine
Jordan Bardella porté L’éditorial de
NICOLAS DOMENACH
Julie Gazzotti/Hans Lucas/AFP
Le sens des mots
S
chizophrénie. Autisme.
Un psychiatre, Hugo Baup,
mène le combat contre
Dans le dernier sondage Ipsos, la tête l’usage pathologique,
de liste du Rassemblement national discriminant et insultant par la classe
pour les européennes passe la barre politique et les médias de ces maladies.
des 30 %. Il est crédité de 31 points, Il a bien raison. Voilà une source
loin devant Renaissance (18 points). Et
ce en dépit des attaques tous azimuts :
de douleurs supplémentaires pour
maigre bilan au Parlement européen, ceux qui en sont atteints, ainsi que
positions pro‑russes… Dans le camp pour leurs proches. Baup a lancé
des macronistes, on en vient à espérer une pétition – « Schizophrène n’est pas
qu’il fasse des bourdes. une injure » – qui a recueilli plusieurs
milliers de signatures et suscité,
Antoine Magnant installé enfin, des réactions parmi les
Ce haut- journalistes – nous en sommes
fonctionnaire prend parfois – qui mésusent de ces
la tête de Tracfin,
C. Petit/Sud Ouest/MaxPPP
pathologies pour décrédibiliser
la cellule de tel ou tel, enfonçant toujours plus
renseignement les malades et leurs familles. Afin
financier rattachée
à Bercy. Diplômé d’effrayer, de faire peur. Alors même
de Sciences-Po et que c’est pour eux, les schizophrènes
l’ENA, spécialiste et les autistes, qu’il faudrait avoir peur,
de la fiscalité, la lutte contre la fraude tant c’est à leur vie qu’il peut arriver
et l’amélioration de la performance, d’abord de porter atteinte.
il a effectué l’essentiel de sa carrière Les leaders politiques sont les premiers
à la direction générale des finances
publiques. Il assurait la fonction à faire usage, toujours plus, de cette
de directeur général des Finances manipulation « folle ». Au moment
publiques par intérim. même, quel paradoxe, où la psychiatrie
Mauvaise semaine Le mot « schizophrénie » est utilisé
par les politiques pour se prévaloir du
Valérie Hayer recadrée monopole de la raison, infligeant une
double peine à ceux qui vivent avec.
est naufragée, voilà que les
Vincent Isore/IP3/MaxPPP
« bombardeurs » de diagnostics qui
se veulent infamants se multiplient. Le
dernier à prétendre au verdict médical
expéditif a été Jordan Bardella. La tête
de liste du Rassemblement national
Lors de son premier meeting à Lille, la aux élections européennes a expliqué
tête de liste Renaissance aux qu’il avait « pensé » la chose suivante :
européennes a dénoncé l’esprit de « Monsieur Macron est atteint
défaite du Rassemblement national d’une dangereuse et inquiétante
face à la Russie et a fait un parallèle
schizophrénie. » Ce qui lui a valu
entre Marine Le Pen et Edouard
Bruno Delessard/Challenges
Daladier. De nombreux historiens cette réplique sèche d’Hugo Baup :
se sont offusqués, faisant valoir que « Vous avez fait les dix années d’études
ce président du Conseil, figure du parti de fac de médecine ? Vous réalisez
radical socialiste, avait signé les accords la douleur quand des gens souffrent
de Munich à contrecœur, et qu’ensuite de schizophrénie et vous lisent ? » Non,
il avait été arrêté et déporté alors qu’il
tentait d’entrer dans la résistance.
36  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
le RN et ce Diafoirus ne s’embarrassent
pas du sort de ces 600 000 Français
atteints de ce mal ni de leurs familles.
Plus encore, l’extrême droite en a fait
une stratégie, criblant le président
de ces termes à prétention invalidante.
Les élus RN se relaient pour décréter
Emmanuel Macron « fou » (Philippe
Olivier, conseiller spécial de Marine
Le Pen et eurodéputé), puis l’accuser
« d’être en permanence sous certaines
substances psychotropes » (Pascale
Bordes, députée du Gard). A quand
la procédure de destitution comme
le réclamaient les paysans lepénistes
au Salon de l’agriculture ? La technique
de déstabilisation s’inspire directement
de la raillerie outrancière dont
use Donald Trump à l’encontre
de Joe Biden. Mais pas seulement…
Car l’extrême droite n’est pas la seule
à pratiquer ce sport malsain, qui est
l’inverse du « mot d’esprit » dont
on faisait jadis usage pour assassiner
politiquement. Marine Le Pen s’est
ainsi vue traitée de « semi-démente »
par Jean-Luc Mélenchon (janvier 2012).
Si l’on observe le « cercle de la raison »,
ce n’est guère mieux,
et parfois pire. Le mot
« schizophrénie »
a été utilisé de
François Fillon
à Alain Juppé
en passant par
Gérald Darmanin, Bruno Le Maire
ou Aurore Bergé pour se prévaloir
du monopole de la raison raisonnante
par rapport aux autres. Infligeant
par cette stigmatisation une double
peine à ceux qui se débattent
pour vivre, et souvent y réussissent,
s’ils ont les bons traitements.
On n’en parle jamais, mais il existe
des professeurs, des plombiers
et même des politiques qui sont
vraiment schizophrènes ou autistes.
Ils en remontreraient aux farfadets
inconséquents, aux lunatiques
incohérents qui se prétendent
bien portants.•
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 LES ÉCONOMISTES DU BIEN COMMUN
PHILIPPE AGHION
COLLÈGE DE FRANCE
Derrière les malheurs de la guerre,
l’innovation triomphe toujours
C
omment les guerres
affectent-elles l’innovation
et la croissance ? Un article
récent d’Antonin Bergeaud
et Jean-Baptiste Chaniot,
écrit pour l’Innovation Lab du Collège
de France (« The Missing Worker :
Innovation, Demographics and
Human Capital After World War I »),
s’intéresse aux effets de la Première
Guerre mondiale sur le progrès
technologique dans l’Hexagone. Comme
le démontrent brillamment ses auteurs,
le violent choc démographique induit
par la Grande Guerre – 1,3 million de
soldats tués, soit 3,3 % de la population
française de l’époque et près de 15 %
de la population active masculine –
a paradoxalement induit une forte
progression de l’innovation. Le nombre
Le principe de vertu des temps
difficiles met en évidence le fait que
les entreprises réagissent aux vents
contraires par un surplus d’innovation.
de brevets déposés en France entre
1920 et 1930 s’élève en effet à plus
de 60 % au‑dessus des chiffres moyens
de la décennie précédant la guerre. Or
cette progression ne saurait s’expliquer
par un contexte international favorable,
dans la mesure où ce chiffre, pour les
Etats-Unis, resta particulièrement
stable à la même période. En combinant
des données portant respectivement
sur la mortalité et sur l’innovation
à l’échelle des départements français,
les deux auteurs tentent de résoudre
l’énigme. Le mystère est d’autant plus
grand que le choc démographique de la
Grande Guerre a eu un effet fortement
négatif sur le capital humain
en moyenne. A raison d’un âge moyen
38  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
de décès de 29 ans, les soldats
disparus avaient déjà accumulé
des connaissances et un savoir-faire
conséquent. Leur mort a, par nature,
détruit ce stock de compétences
et de savoirs bénéfiques à l’activité
économique. Cet effet s’observe
particulièrement dans les départements
dont les écoles valorisaient davantage
l’apprentissage des sciences et
l’enseignement technique. A cela
s’ajoute la disparition d’inventeurs
dont le secteur d’activité fut
durablement affecté après la guerre :
grâce à un algorithme d’appariement
des inventeurs et des soldats morts
pour la France, les auteurs identifient
plus de 4 000 inventeurs morts
au combat, et ils constatent que
l’innovation dans leurs secteurs
technologiques
respectifs fut
significativement
ralentie ensuite.
Parallèlement,
certains
domaines
scientifiques
particulièrement
affectés par la mortalité ont périclité
faute d’un vivier suffisant de talents
emportés par les combats. L’explication
avancée par Bergeaud et Chaniot
pour résoudre l’énigme est que le choc
démographique a poussé à innover
davantage « par nécessité ». De fait, le
choc de mortalité a substantiellement
contracté l’offre de travail, conduisant
à une augmentation des salaires.
Cette hausse des rémunérations et la
pénurie de main-d’œuvre ont à leur tour
incité les entreprises à innover pour
substituer des machines aux
travailleurs disparus et pour augmenter
la productivité des employés restants.
Cette « innovation par nécessité »
fut d’autant plus importante dans les
départements disposant initialement
d’un haut niveau d’éducation en
moyenne. Au total, les territoires ayant
connu une hausse significative des
dépôts de brevets furent ceux dans
lesquels le choc de mortalité fut à la fois
le plus violent et qui jouissaient d’un
haut niveau d’éducation au départ.
Un exemple typique est le cas de la
Seine-et-Marne, qui réunit ces deux
caractéristiques : le nombre de brevets
déposés liés aux machines y a crû
de 80 % la décennie suivant la guerre
par rapport au niveau d’avant‑guerre.
Deux grandes leçons émergent de cette
étude et s’appliquent au-delà des
guerres. La première est que les
entreprises réagissent aux vents
contraires par un surplus d’innovation.
En particulier, il a été démontré
qu’elles sont incitées à cette recherche
du progrès pour échapper à un
accroissement de la concurrence. De
même, a été mise en évidence une vertu
des temps difficiles (en anglais Virtue
of Bad Times), à savoir le fait que les
entreprises tendent à innover davantage
pendant les périodes de récession,
quand le coût d’opportunité de
l’innovation par rapport à la production
routinière est le plus faible. La seconde
leçon est que l’éducation favorise
ce mouvement, comme le montrent
plusieurs études récentes qui mettent
en évidence son rôle premier, avant
même les subventions à la recherche.
Cela renvoie au phénomène des
« Einstein perdus » bien décrit par
Xavier Jaravel dans son dernier livre
Marie Curie habite dans le Morbihan :
on se prive d’innovateurs potentiels tant
que nombre d’enfants très doués
Marc Bertrand/Challenges
ne peuvent bénéficier d’un système
éducatif qui leur communique
les savoirs scientifiques et
les aspirations nécessaires
pour parvenir à ce statut.•
France

Nicolas Lerner

Maître-espion
Profil plus policé que son prédécesseur et issu de la même promotion
de l’ENA qu’Emmanuel Macron, ce quadra hypermnésique est le plus jeune
patron de l’histoire de la DGSE. Sa mission : la remettre en ordre.
Par Antoine Izambard

C
e 8 janvier, près de 200 espions sont SERVITEUR Si le grand mercato à la tête du renseignement trico-
rassemblés dans la grande cantine du DE L’ÉTAT lore était plutôt attendu après les jeux Olympiques,
siège de la Direction générale de la 29 juin 1978 l’incapacité de la « Piscine » (surnom de la DGSE) à
sécurité intérieure (DGSI), à Leval- Naît à Paris. anticiper la guerre en Ukraine et surtout les putschs
lois-Perret (Hauts-de-Seine). Les 1999 au Sahel a scellé le sort du diplomate Bernard Emié,
bouteilles de mousseux se vident et Sciences-Po. en poste depuis 2017. Et confirmé la bonne étoile de
l’assistance écoute avec attention le discours d’adieu 2002 son successeur. Alors que le bruyant Emié, adepte
ENA.
de celui qui dirige le « FBI français » depuis 2018. Le de la diplomatie parallèle, se comportait comme un
débit est rapide, mais les agents présents notent 2008 ministre bis des Affaires étrangères, son successeur,
Chef de cabinet
l’émotion qui envahit leur patron. Tour à tour, du préfet de au profil plus policé et fort de son bilan à la DGSI, a
Nicolas Lerner remercie ses officiers de sécurité, ses police de Paris. été nommé pour mettre au carré le service phare du
directeurs de cabinet successifs, ou encore son 2014 renseignement hexagonal. Comment ce quadra féru
fidèle numéro deux, Thierry Matta, la mémoire du Sous-préfet de montagne, traçant son chemin aussi bien en Ma-
service avec qui il a formé un duo soudé. Puis le boss de Béziers. cronie qu’en Sarkozie, s’est-il hissé à la tête du « Bu-
se laisse aller à une confidence plus personnelle. 2017 reau des légendes », l’un des postes les plus puis-
Sous les yeux de ses deux enfants, il admet que Directeur sants de l’Etat ?
de cabinet adjoint

L
concilier les rôles de père de famille et de maître-
du ministre
espion n’est pas une mission aisée : sa nomination e parcours de Nicolas Lerner, qui a grandi
de l’Intérieur,
au pied levé à la tête de ce service cinq ans plus tôt Gérard Collomb. dans une famille parisienne, avec un père
l’avait notamment contraint à repousser de plusieurs 2018
médecin du travail, diffère à première vue
mois le voyage familial programmé de longue date Directeur peu de celui des hauts fonctionnaires en
aux Etats-Unis. « Le directeur général a fendu l’ar- de la Direction vue depuis l’élection de Macron. Sciences-Po, puis
mure, mais ce n’est pas étonnant, confie un cadre générale de la promotion Senghor à l’ENA, celle du président…
du service. C’est quelqu’un de vraiment humain, ce la sécurité Ses ex-camarades de classe, comme le vice-prési­
intérieure.
qui n’est pas systématique dans ce milieu. » Vingt- dent de LR Julien Aubert, décri­vent un homme de
quatre heures plus tard, Nicolas Lerner quittait défi- 2024 consensus : « Il était discret, mais avait bon esprit.
Directeur
nitivement son bureau du huitième étage de la DGSI, de la Direction A l’ENA, il y avait plusieurs groupes : les beautiful
où il aimait convier sa garde rapprochée, le vendredi générale people, les bien nés, comme Sébastien Proto [ex-nu-
soir, autour d’un verre de whisky écossais. de la Sécurité méro deux de la Société générale] ou Sébastien Veil
L’arrivée du quadragénaire boulevard Mortier (Paris extérieure. [petit-fils de Simone Veil], et la bande des socialistes
XXe), fief des « cousins » de la Direction générale de politisés comme Gaspard Gantzer [ex-conseiller en
la sécurité extérieure (DGSE), la « CIA française », communication de François Hollande] ou Mathias
le consacre comme l’espion en chef des années Vicherat [ancien directeur de cabinet d’Anne
Macron. Déjà propulsé à 40 ans plus jeune patron du Portrait Hidalgo]. Nicolas évoluait entre les deux mondes,
renseignement intérieur, il récidive aux services Nicolas Lerner, un peu comme Macron, et était apprécié. » S’il n’est
photographié au siège
secrets extérieurs, à 45 ans, poste traditionnellement de la DGSI pas un intime du futur chef de l’Etat, le jeune énarque
dévolu à des ambassadeurs blanchis sous le harnais. à Levallois-Perret, tisse des liens solides avec Vicherat, actuel patron de
le 8 juillet 2021,
Le fait de diriger successivement les deux maisons par Sébastien Leban/ Sciences-Po, et Luis Vassy, directeur de cabinet de
les plus secrètes de la République est une première. Divergence. Stéphane Séjourné au Quai d’Orsay. uuu

40  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 France
En novembre 2020, avec Bernard Emié,
Nicolas Lerner, du FBI son prédécesseur à la DGSE. Les deux hommes
n’ont pas ravivé la guerre des services et ont
à la CIA à la française notamment accordé une interview commune sur
le terrorisme au Figaro en 2020.

Collection personnelle
Stéphane de Sakutin/AFP

J.-C. Marmara/Figarophoto.com
En 2022, lors d’un match de
En novembre 2018, avec Christophe Castaner, football avec ses ex-camarades
à Levallois-Perret. Nommé à la tête de la DGSI, de l’ENA, près de la tour Eiffel.
Nicolas Lerner va poursuivre la minirévolution Nicolas Lerner (en bas à gauche)
interne initiée sous Laurent Nuñez, en recrutant joue environ une fois par an avec
de nombreux contractuels. les énarques de sa promotion.

uuu Après ses années à l’ENA, Nicolas Lerner Le côté passe-muraille de celui qui aime entonner
intègre le ministère de l’Intérieur et partage durant aussi bien du Goldman que du Brassens le suit tout
deux ans une « coloc » à cinq dans le quartier du le long de sa carrière. Peu marqué politiquement, le
Marais. L’ambiance est studieuse et celui qui a haut fonctionnaire apprend le métier avec des sarko-
rejoint la préfectorale décompresse dès qu’il le peut zystes version canal historique. Au tournant de 2010,
en allant skier, parfois seul, dans les Alpes ou le il fait partie du cabinet du préfet de police de Paris,
Jura, et fréquente les cinémas du Quartier latin. Michel Gaudin, que dirige l’ex-patron du Raid, Jean-
« Nicolas, c’est un solitaire qui n’a aucun pro- Louis Fiamenghi. « On était à l’école Gaudin, qui
blème d’ego et n’a pas d’ennemi. Il a un caractère attaquait sa journée aux aurores et la finissait vers
­équi­­libré, ce qui est rassurant pour diriger la 22 heures, se remémore « Fiam ». On bossait 7 jours
DGSE », fait valoir son ancien colocataire, sur 7 et Nicolas était très à l’aise avec ça. » Le nou-
Jean-Baptiste Nicolas, ami « senghorien » parti veau boss de la DGSE, qui est aussi proche de l’ex-
dans le privé, aujourd’hui directeur financier du grand flic sarkozyste Frédéric Péchenard, a d’ail-
groupe Idex. leurs gardé cette habitude d’être à son bureau à
5 heures du matin. « A nous deux, on faisait presque
24 heures de présence », sourit son ami Laurent
Ce qu’ils disent de lui Nuñez, qui a succédé à Fiamenghi en 2012.

Frédéric Péchenard,
ex-directeur général
de la Police nationale
(2007-2012) :
« Avec son parcours, Nicolas
Lerner pourrait jouer les lointains
ou avoir la grosse tête. Mais c’est
tout le contraire, il ne se prend pas
pour Dieu le Père. »
Laurent Nuñez, préfet de police
de Paris : « Il est brillant et a
la confiance totale du président
Macron. J’ai été soulagé qu’il me
succède à la DGSI. »
Jean-Louis Fiamenghi, ex-chef du
Raid, ancien directeur de la sûreté
Patrick Kovarik/AFP
P
Pierre de Bousquet de Florian, rédécesseur de Nicolas Lerner à la DGSI,
ex-Coordonnateur national l’actuel préfet de police de Paris fait partie,
du renseignement et de avec l’ex-ministre de la Santé Aurélien Rous-
la lutte contre le terrorisme :
« Il est malin comme un singe.
seau, des intimes du chef espion. Les deux
Sa force est d’appréhender hommes partagent un même mode de fonctionne-
les sujets par le haut, notamment ment. « La plupart des directeurs s’appuient sur
la géopolitique, et en même leurs notes, eux sont des machines de précision,
temps d’aller dans le détail. » hypermnésiques, glisse un initié. Et puis ils sont
vraiment au volant, il n’y a qu’à voir les retours de
Guillaume Poupard, ex-directeur
général de l’Anssi (2014-2022) : notes de Lerner, toutes griffonnées au feutre bleu. »
« Il est d’une honnêteté sans faille, Coordonnateur national du renseignement et de la
c’est facile de travailler avec lui. » lutte contre le terrorisme (CNRLT) de 2017 à 2020,
Pierre de Bousquet de Florian abonde : « Un haut
Nathalie Loiseau, eurodéputée fonctionnaire comme lui, il y en a peu par généra-
Renew, ex-ministre des Affaires
européennes : « J’espère qu’il
tion, confie-t-il. A la CNRLT, je voyais une fois par

de Veolia : « C’est un gars très saura renouer les liens entre semaine les principaux chefs du renseignement.
sympa qui a l’esprit de famille. Et la DGSE et le Quai d’Orsay. Nicolas ne s’est jamais laissé impressionner par la
dans le boulot, c’est une Porsche. » Ce n’est pas gagné. » posture de Bernard Emié, qui pouvait considérer
que la DGSE était au-dessus des autres services. »

42  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

En janvier 2023, avec Laurent Nuñez, à l’hôtel des Invalides. Le préfet
de police de Paris, l’un de ses meilleurs amis, avait ardemment milité
pour que Lerner lui succède à la DGSI en 2018. « Il l’a sponsorisé »,
assure l’initié Bernard Squarcini.
Sa nomination à la tête du renseignement intérieur le
fait changer de dimension. La passation avec Laurent
Nuñez, promu secrétaire d’Etat, est des plus ami-
cales, et tranche avec la succession glaciale un an
plus tôt, en 2017, entre ce dernier et Patrick Calvar.
Les temps changent, c’en est fini de la guerre des ser-
vices, perceptible lors des attentats de 2015. En 2018,
la DGSI est promue cheffe de file de la lutte antiter-
roriste, la priorité des priorités. Dans cette mission,
Nicolas Lerner affiche un bilan positif avec près
d’une trentaine d’attentats islamistes ou liés à l’ex-
trême droite déjoués par ses hommes en cinq ans. La
guerre en Ukraine pousse aussi le service à réinvestir
les terrains du contre-espionnage et de la contre-
ingérence, face aux agents de Vladimir Poutine. Avec
un succès notable, en avril 2022, lorsqu’un espion
russe est arrêté en flagrant délit dans un petit village
de Normandie, ce qui permet d’expulser cinq autres
agents de Moscou. « La plus belle opération de
contre-espionnage depuis trente ans », se félicite en
interne le patron de la DGSI.
Dans les pas de Laurent Nuñez, Nicolas Lerner se-
coue l’agence aux 4 500 espions. Des inspecteurs des
finances, des magistrats de la Cour des comptes, une
palanquée de linguistes et de cryptographes affluent
au siège de Levallois. Contre l’avis des caciques du
service, Lerner autorise l’accès des archives maison
à certains chercheurs. Il multiplie aussi les rencon­
tres avec les dirigeants du CAC 40 : de Cyrille Bolloré,
qui souhaite aborder un sujet lié aux batteries, au
PDG de Danone de l’époque, Emmanuel Faber, dont
le groupe est la cible de fonds activistes américains,
la porte du directeur général de la DGSI est ouverte.
Même sur la Chine, angle mort du renseignement tri-
colore, les progrès sont là : l’assaut de l’équipemen-
tier de télécoms Huawei sur la recherche française
est scruté de près et le service remporte un beau
Le360
Le 15 décembre 2023, avec son homologue marocain
Ludovic Marin/AFP
Abdellatif Hammouchi. A la DGSI, Nicolas Lerner effectue
70 déplacements à l’étranger en cinq ans. Il rencontre de façon
régulière le chef de poste de la CIA à Paris et a des relations
quasi quotidiennes avec les services belges et allemands.
succès dans l’affaire Ommic, en éventant un vaste
transfert illégal de semi-conducteurs au profit de
Pékin et Moscou. A l’inverse, l’ONG Safeguard Defen-
ders, qui révèle en 2022 la présence sur le territoire
français d’officines clandestines œuvrant pour la
police chinoise, prend de court la DGSI, qui commen-
çait à peine à renifler la supercherie.
S
IL AIME
Le ski et ’il est en revanche une personne qui ne
le football.
partage pas cet unanimisme autour de
Jouer
de la guitare.
l’impassible Lerner, c’est bien Alex
Jordanov. Ce journaliste d’investigation
Jean-Jacques
Goldman chevronné a publié, en 2019, Les Guerres
et Renaud. de l’ombre de la DGSI (éd. Nouveau
Le whisky Monde). Une enquête très fouillée qui éclaire le fonc-
écossais tionnement du service secret et a provoqué l’ire du
du Speyside. directeur, qui a saisi la justice. Trois ans plus tard,
l’auteur est placé en garde à vue et mis en examen
IL N’AIME PAS
pour « divulgation de secret-défense ». Ces cinq der-
Les « idiots utiles » nières années, près d’une dizaine de journalistes ont
du Kremlin. aussi été convoqués à la DGSI pour des articles sur
Ceux qui les ventes d’armes ou l’affaire Benalla. Alex Jordanov
la jouent perso.
y voit toujours la main de l’ex-patron des renseigne-
Les beaux ments intérieurs : « Il a mis en branle toute une
parleurs.
machine contre la presse. » Une critique qui ne passe
Les whisky
triplement
pas à la DGSI, où l’on précise que toutes les actions
distillés. entreprises ont été menées sous le contrôle d’un juge.
Désormais loin de ces préoccupations, Nicolas
Lerner, qui a poussé et obtenu que Céline Berthon,
dont il est proche, lui succède à la DGSI, va devoir
donner un nouveau souffle à la « Piscine ». Et du
déménagement de la DGSE au Fort Neuf de
Vincennes à la réforme organisationnelle du ser-
vice, jusqu’à repositionner la « maison » en Afrique,
les chantiers ne manquent pas pour celui à qui
Emmanuel Macron a fixé comme mission numéro
un : « Tenir la boutique. » •
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  43
Monde
Le fentanyl empoisonne
les relations internationales
Malgré les dizaines de milliards consacrés à la lutte contre cette drogue mortelle,
les Etats-Unis n’arrivent pas à enrayer le fléau. Les chaînes d’approvisionnement
évoluent vite et la coopération des pays producteurs reste très variable.
AMÉRIQUES © The Economist
A
J Haynes, ancienne toxi­
comane de Tucson (Ari­
zona), se souvient de sa
première expérience. « J’y
ai goûté, et boum ! J’ai perdu trois
jours de ma vie. Après, je me suis
dit : c’était dingue, je vais remettre
ça ! » Le fentanyl s’est répandu aux
Etats-Unis comme une traînée de
poudre. Entre 2013 et 2022, cet
opioïde de synthèse cinquante fois
plus puissant que l’héroïne a tué plus
de 300 000 personnes. Le nombre de
décès a explosé pendant la pandé­
mie et n’a pas diminué depuis. Le
faible coût de cette drogue, moins
chère que l’héroïne, explique, entre
autres, son succès fulgurant : une
dose peut coûter moins d’un dollar !
Si AJ Haynes est aujourd’hui tou­
jours en vie, c’est parce qu’elle ne
s’est jamais droguée seule, estime-
t-elle : elle demandait à des gens de
garder un œil sur elle, de surveiller
son pouls et, au besoin, de lui admi­
nistrer une dose de naloxone, l’anti­
dote au fentanyl. Mais il lui aura fallu
sept overdoses et une cure dans un
centre de désintoxication – où elle
travaille désormais – avant d’échap­
per à ce qu’elle appelle l’« emprise
démoniaque » du fentanyl.
De San Diego à Tucson
Récemment, les autorités améri­
caines se sont félicitées non pas du
recul des overdoses mortelles dues
au fentanyl, mais du ralentissement
44  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
Une épidémie mortelle
Nombre de morts par overdose (en milliers)
80
Fentanyl et opioïdes synthétiques
Cocaïne
60 Opioïdes sur prescription
Héroïne
40
20
0
1999 2005 10 15
SOURCE : CENTRES FOR DISEASE CONTROL AND PREVENTION.
de leur progression. C’est dire l’am­
pleur des dégâts que le poison cause
aux Etats-Unis. Le nombre de décès
enregistrés en 2022 n’a été « que » de
5 % supérieur à celui de 2021. Mais le
fentanyl et les autres opioïdes de
synthèse tuent encore 75 000 Améri­
cains chaque année – plus du double
qu’en 2019. Un fléau qui s’ajoute à la
crise des opioïdes vendus sur ordon­
nance : les Etats-Unis comptent au
moins 6 millions de personnes dé­
pendantes aux opioïdes. Quatre
Américains sur dix connaissent
quelqu’un victime d’une overdose.
Contre le fentanyl, les autorités fédé­
rales ne ménagent pourtant pas
leurs efforts, à la fois sur le plan
répressif et sur le plan de « l’infor-
mation du public, des traitements
et des antidotes », comme le détail­
lait récemment le secrétaire d’Etat
Antony Blinken. Le gouvernement,
comme il l’a rappelé, consacre des
dizaines de milliards de dollars à ces
programmes.
Mais à la frontière mexicaine, par
Entre 2013 et où arrive la plus grande partie de la
2022, cet opioïde drogue, l’ampleur du défi saute vite
de synthèse
cinquante fois aux yeux. Hautement concentré, le
plus puissant que fentanyl est facile à dissimuler, et
l’héroïne a tué les trafiquants trouvent des moyens
plus de 300 000 toujours plus ingénieux pour l’in­
personnes. Le
troduire aux Etats-Unis : dans des
nombre de décès bouteilles de Coca-Cola, des noix
a explosé
pendant la de coco, des nains de jardin, des
pandémie et n’a pneus, des batteries de voiture… Et
20 23
pas diminué ils ne cessent de changer d’itiné­
depuis. raire. En 2022 encore, le trafic pas­
sait près de San Diego, en Califor­
nie. Mais depuis peu, les échanges
se concentrent sur la partie de la
frontière située au sud de Tucson.
« Tout passe désormais par nous »,
déclare un agent à Nogales, en
Arizona, en dirigeant son chien re­
nifleur vers une voiture.
Loi bipartisane rejetée
Les saisies ont plus que doublé l’an
dernier. Est-ce à porter au crédit
des douaniers ou simplement lié à
l’augmentation du volume du tra­
fic ? Difficile à dire. L’intelligence
artificielle est de plus en plus utili­
sée pour examiner les images aux
rayons X d’une cargaison et déter­
miner si elles présentent une ano­
malie. Le nombre de machines pro­
gresse aussi : de onze en 2023, elles
sont passées à 31 aujourd’hui, et 26
sont en cours d’installation. Mais
le compte n’y est toujours pas :
seuls 20 % des camions et 5 % des
voitures entrant sur le territoire
sont contrôlés. Alors qu’il faudrait

y allouer plus de moyens, les
congressistes républicains vien­
nent, sous la pression de Donald
Trump, de faire capoter une loi bi­
partisane allant dans ce sens.
De la Chine au Mexique
Jusqu’en 2019, date à laquelle Pékin
a interdit la vente du fentanyl et des
substances chimiques entrant dans
sa fabrication, la plus grande partie
du fentanyl provenait directement
de Chine. Depuis, le Mexique, au
travers notamment du cartel de
Sinaloa, a pris le relais. Les Etats-
Unis ont bien tenté de s’en prendre
au cartel. Mais le président mexi­
cain, qui mène une politique privilé­
giant les « bisous, pas les balles »
contre les trafiquants, s’est montré
plus que réticent, allant jusqu’à nier,
en dépit des évidences, que son
pays était devenu le principal pro­
ducteur de la drogue. Les mesures
que les autorités mexicaines ont
malgré tout été contraintes de
prendre n’ont abouti qu’à disperser
les sites de production.
En Chine, la fermeté des autorités à
l’égard du trafic varie en fonction de
l’état des relations sino-américai­
nes. En 2022, Pékin a par exemple
suspendu les discussions avec
Washington sur le fentanyl, en
représailles à la visite à Taïwan de
la présidente de la Chambre des
représentants de l’époque, Nancy
Pelosi. Mais même un dialogue
sino-américain parfait ne suffi­
rait pas à résou­dre le problème : les
chaînes d’approvisionnement sont
en évolution permanente. Ainsi
l’Inde a récemment émergé comme
une source alternative pour cer­
tains composants du fentanyl.
L’Europe risque elle aussi de deve­
nir un marché à conquérir depuis
que les talibans, en s’attaquant aux
cultures de pavot, ont tari le flux
d’héroïne vers le Vieux Continent.
L’usage du fentanyl s’accroît éga­
lement au Canada, avec près de
Beth Nakamura/AP/Sipa
Policier près 4 000 overdoses mortelles au pre­
d’une personne mier semestre 2023, tandis que dans
sous fentanyl, le nord du Mexique, près d’un tiers
à Portland, des cadavres apportés dans les
dans l’Oregon,
en mai 2023. morgues présente des traces de
Les autorités fentanyl, d’après les autopsies
fédérales effectuées par des ONG. Au
et locales Royaume-Uni, une autre catégorie
américaines ne d’opioïdes de synthèse, les nita­
ménagent pas zènes, est à l’origine d’un nombre
leurs efforts,
à la fois sur croissant de décès.
le plan répressif
et sur le plan Condamnation des labos
de l’information Un nouvel espoir émerge toutefois
du public, des aux Etats-Unis : les Etats com­
traitements et mencent à recevoir leur part des
des antidotes.
compensations financières versées
par les laboratoires pharmaceu­
tiques et les distributeurs condam­
nés en justice pour leur rôle dans la
crise des opioïdes. Estimée à plus
de 50 milliards de dollars, cette
manne pourrait ainsi financer d’am­
bitieux programmes de traitement.
Et contribuer à enrayer le fléau. •
© The Economist - London 2024
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  45
 Monde
Indiscrétions
La famille royale grecque
Dans l’arène espagnole
fait peau neuve
La mort du roi
Constantin
des télécoms
début 2023 a
Pour sortir la tête de l’eau, la filiale espagnole
Chris Jackson/Pool/AFP

réveillé la ferveur
des Grecs pour
leur famille royale,
d’Orange et MásMóvil vont unir leurs forces.
chassée du pouvoir Le britannique Vodafone, vient, lui, de jeter l’éponge,
par les militaires
en 1967.
se retirant d’un marché trop complexe.
Les prétendants au trône Paul
et Marie-Chantal sont de plus en plus
présents aux soirées caritatives
d’Athènes, où ils ont acheté un grand
appartement derrière le palais
présidentiel. Tout juste lancé, leur site
greekroyalfamily.gr sert de fidèle miroir
à leurs mondanités.

Weselsky fait la révolution

Hannes P. Albert/DPA

Alberto Sibaja/Pacific Press/Zuma/Réa

On se croirait en France ! Depuis
l’automne, l’Allemagne en est à sa
6e série de grèves du rail. Sans compter
les arrêts de travail dans les transports
locaux et aériens, avec la Lufthansa, qui
a encore levé le pied les 7 et 8 mars.
Initiateur de cette mode, Claus Boutique Orange, à Madrid. Les prix pratiqués dans le mobile en Espagne, avec des opérateurs
Weselsky, leader tonitruant du GDL, le nationaux et régionaux, sont parmi les plus bas d’Europe, juste derrière la Roumanie.
syndicat des conducteurs de train, a
lancé un nouveau concept : « La grève

C
par vagues, sans limite ni préavis. » inglant, le soleil tape sur toutefois que les mariés aban-
Ofer, 39 ans, qui tapote sur donnent des fréquences à leur rival
L’épouse de Biden son téléphone, rue Serra- roumain Digi. Totalisant environ
fait campagne no, dans le centre-ville de 40 % de part de marché, l’entité
Madrid. Trois fois qu’il change d’opé- Orange-MásMóvil devient première
rateur en trois ans. « Avant j’étais en nombre de clients, devant Telefo-
chez Yoigo, puis j’ai tenté Lowi, nica, qui pèse 27 % du marché. Voda-
W. MCNamee/Getty/AFP

mais la couverture était mauvaise. fone détient quant à lui 21 % du total.

La Première dame des Etats-Unis
monte en puissance, à la télévision
et sur le terrain. Jill Biden sillonne
les Etats clés des primaires pour
promouvoir « Women for Biden-Harris ».
Son sujet de prédilection : le droit
à l’avortement, avec une bête noire,
Donald Trump, qu’elle a crucifié
à Atlanta : « Il a passé sa vie à nous
démolir, à dévaloriser notre existence.
Il se moque du corps des femmes,
ne respecte rien chez nous. »
Je suis désormais chez Orange,
plus cher mais plus fiable », fulmine
le commerçant. En Espagne comme
nulle part ailleurs en Europe, les
clients sont rois. Une centaine
d’opérateurs virtuels, dont trente
puissants, et les quatre grands
– Telefonica, Orange, MásMóvil et
Vodafone – se livrent à une compéti-
tion sanglante depuis une décennie.
Un contexte qui a poussé la filiale
espagnole d’Orange et MásMóvil à
unir leurs forces. La Commission
européenne vient de donner son feu
vert à l’opération – à la condition
Les opérateurs virtuels (dont Digi),
qui louent les réseaux, se disputent
les 12 % restants.
Centaines d’offres
Le marché hispanique est l’un des
plus fragmentés et compétitifs au
monde. Selon Bruxelles, ses prix
sont les plus bas d’Europe dans le
mobile, juste derrière la Roumanie.
Chaque opérateur possède un porte-
feuille de marques. MásMóvil joue
par exemple entre les noms natio-
naux (Yoigo ou Pepephone) et régio-
naux (Euskaltel ou Embou). « On

46  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

arrive à une cacophonie avec des
centaines d’offres », explique Sté-
phane Beyazian, analyste au cabinet
Oddo BHF. Changer de fournisseur
est monnaie courante. Des caprices
qui font très mal aux opérateurs
quand on sait que 80 % des consom-
mateurs ont le même prestataire
pour le fixe et le mobile.
Le jeu de massacre avait commencé
par l’arrivée sur le marché en 2008
de Digi. L’opérateur virtuel a tiré
tous les tarifs vers le bas à coups de
promotions et de prix ultra-low cost.
Dix ans plus tard, le britannique Vo-
dafone a perdu les droits de diffu-
sion du football au profit de Telefo-
nica. « Il a donc baissé ses prix,
forçant Orange à s’adapter », dé-
crypte Stéphane Beyazian. Les com-
posantes régionales sont très fortes,
ouvrant la porte à une multitude
d’acteurs de niche.

Réseaux à prix régulé

Autre facteur, l’autorité de la concur-
rence espagnole a contraint les opé-
rateurs à louer leurs réseaux à tous
les opérateurs virtuels à un prix ré-
gulé. Résultat, leurs revenus ont
baissé quasi continuellement de
2013 à 2022 sur le marché grand pu-
blic, malgré une légère remontada
en 2023. « Digi et MásMóvil ont ga-
gné des parts de marché d’année en
année quand les autres n’ont cessé
d’en perdre », insiste Pablo Arrian-
diaga, analyste au cabinet Gartner.
Exsangues, les opérateurs tradition-
nels avaient deux choix : se consoli-
der, comme viennent de le faire
Orange et MásMóvil. Ou jeter
l’éponge. Le parti pris par Vodafone :
il vient de vendre 100 % de son capi-
tal au fonds Zegona. « Le marché
espagnol est trop complexe », ad-
mettait alors la directrice générale
Margherita della Valle. Privé de son
actionnaire britannique, Vodafone
Espagne risque d’adopter « une
stratégie de prix ultra-agressive »,
comme Digi, s’inquiète un respon-
sable d’opérateur. Quant à Telefoni-
ca, lui aussi très affaibli, il vient de
faire appel à l’Etat : celui-ci a pris
10 % de l’opérateur, pour contrer une
offensive de Saudi Telecom, qui s’est
emparé de 9,9 % du capital. Le pay-
sage s’éclaircit, malgré une incon-
nue de taille : quelle sera la stratégie
du trublion Digi ?  Alix Coutures
 (envoyée spéciale à Madrid)
 Monde
Bonne semaine
Luis Montenegro l’emporte
au Portugal
Armando Franca/AP/Sipa
Après huit ans de gouvernement
socialiste, le Parlement du Portugal
bascule à droite, porté par la courte
victoire de l’opposition de centre droit
de Luis Montenegro (29,49 % des voix)
et la poussée confirmée de l’extrême
droite (18 %), lors des élections
législatives du 10 mars. Luis
Montenegro, leader de l’Alliance
démocratique, a déclaré qu’il ne
gouvernerait pas avec l’extrême droite.
Al-Sissi respire
grâce au FMI
C’est un prêt
Via Saudi Press Agency/UPI/Shutt/Sipa
largement revu
à la hausse que
le Fonds monétaire
international vient
d’accorder
à l’Egypte, dirigée
par Abdel Fattah
al-Sissi. Asphyxié
par la dette extérieure, Le Caire recevra
au moins 7,4 milliards d’euros, destinés
à l’aider à s’adapter au changement
climatique. Cela représente une hausse
de 5 milliards par rapport aux
discussions engagées depuis 2022.
Mauvaise semaine
Alberto Otarola quitte
le gouvernement péruvien
Lenin Nolly/EFE/Sipa
Le président du Conseil des ministres,
Alberto Otarola, a annoncé le 5 mars
sa démission, après l’ouverture d’une
enquête pour trafic d’influence à la
suite de la diffusion d’enregistrements
audio le compromettant. Ce proche de
la présidente Dina Boluarte avait pris
ses fonctions en décembre 2022, après
la destitution du président précédent.
48  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
Tout a une fin, même l’âge
d’or des marchés financiers
L’envolée des Bourses mondiales ne peut durer
indéfiniment : ni les fondamentaux économiques ni les aléas
conjoncturels ne justifient les valorisations actuelles.
MONDE © The Economist l’égard de l’intelligence artificielle (IA),
confirmé par les bénéfices stratosphé-
D
’ordinaire, les marchés boursiers riques de Nvidia, qui contrôle le marché
ont tendance à progresser de des puces utilisées pour entraîner les mo-
façon graduelle. Depuis quelque dèles d’IA, contribue aussi à ce dynamisme.
temps, ils s’envolent. En quatre Le techno-optimisme est également porté
mois, les actions américaines se sont ainsi par la perspective d’une croissance géné-
globalement valorisées de 21 %, à peu près rale de la productivité grâce à l’IA. Mais
5 % au-dessus de leur pic vertigineux de jan- l’expérience a montré qu’il fallait du temps
vier 2022 ! A Wall Street, les valorisations avant que l’on apprenne à exploiter les nou-
sont en moyenne à 80 % de ce qu’elles velles technologies.
étaient pendant la « dotcom mania » de la Or, malgré tout le buzz qu’elle génère, l’IA en
fin des années 1990, et à 90 % de leur niveau est encore au stade expérimental. Et il est
de 2021, avant la hausse des taux. La valeur difficile de prévoir quelles entreprises fini-
des 10 % des plus grosses entreprises amé- ront par tirer leur épingle du jeu. Ceux qui
ricaines par rapport à l’ensemble du mar- ont cru au boom des dotcoms ont vu juste
ché n’a jamais été aussi élevée de- quant au pouvoir transformatif
puis la Grande Dépression des DE NOUVEAUX d’Internet, mais cela n’a pas empê-
RECORDS
années 1930. En Europe, les va- Evolution des ché beaucoup d’y perdre leur che-
leurs cotées ont établi un nouveau Bourses mondiales mise. Si les choses restent saines
record le 22 février, pour la pre- sur 5 ans (base 100 cette fois-ci, les valorisations ne
au 08/03/2019)
mière fois en deux ans. L’Inde, 220 grimperont guère plus haut. Et la
quant à elle, enregistre depuis plu- période de forte croissance des
sieurs années un véritable boom 180 bénéfices semble révolue. En se
dû à l’optimisme que suscite son fondant sur des hypothèses réa-
économie. Même les sociétés co- 140 listes d’évolution des valorisations,
tées au Nikkei – autrefois syno- des taux d’intérêt et des taxes, les
nyme de stagnation – ont dépassé 100 entreprises américaines devront,
le niveau qu’elles avaient atteint pour pouvoir générer un modeste
60
en 1989, avant de s’affaisser pen- 03/2019 03/2023 retour réel sur actions de 4 % par
dant dix ans. La période récente a SOURCE : BOURSORAMA, INVESTING. an au cours de la prochaine décen-
Nasdaq Nikkei
donc été extraordinaire. Dow Jones
nie, augmenter leurs bénéfices
Les circonstances rendent cette EuroStoxx 50 sous-jacents d’environ 6 % par an.
envolée boursière d’autant plus Un chiffre proche de leur meilleure
étonnante : une période « d’argent gratuit » performance d’après-guerre. Pas étonnant
(pendant la pandémie) suivie de deux an- que l’investisseur aguerri qu’est Warren Buf-
nées de hausses des taux d’intérêt, une fett ne voie « aucune possibilité » de super-
guerre commerciale sino-américaine, de retours pour son fonds. Et dans le même
vraies guerres en Ukraine, au Proche-Orient temps, plusieurs événements pourraient
et dans certaines régions d’Afrique, un avoir un impact sur le marché des actions :
contexte mondial de repli sur soi et de pro- la frénésie qui entoure l’IA pourrait géné-
tectionnisme. Si tout cela n’a pas suffi à rer une bulle façon dotcom qui finira par
doucher les marchés, on peut se demander crever. Une nouvelle guerre ou une nouvelle
ce qui pourrait les refroidir. crise pourrait provoquer une chute des mar-
Certes, on peut trouver des raisons ration- chés. Ou bien les prix pourraient stagner
nelles à cette exubérance. De nombreuses dans un contexte baissier qui pourrait
entreprises publient d’excellents résultats. mettre des années à se redresser. D’une
Le Fonds monétaire international lui-même manière ou d’une autre, les investisseurs
relève ses prévisions de croissance mon- vont connaître des déconvenues. •
diale. L’optimisme des investisseurs à © The Economist - London 2024
 2-26 AV R I L 2024
2

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Entreprise
Le modèle d’Apple
prend l’eau
Longtemps considérée comme la seule multinationale de la tech soucieuse
de la vie privée, la firme à la pomme voit les nuages réglementaires s’accumuler
au-dessus de son business model. En jeu, la survie de son écosystème fermé.
C
’est une cage dorée chère­
ment défendue, dont les
barreaux risquent de sau­
ter les uns après les autres.
C’est l’histoire d’un géant de la tech
qui s’est présenté depuis dix ans
comme le bon élève de la classe, qui
s’est érigé dans ses publicités en
garant de la vie privée de ses utilisa­
teurs. Aujourd’hui, Apple est rat­
trapé par ses pratiques.
Depuis le 7 mars, la firme à la
pomme fait partie des 22 platefor­
mes qui doivent se conformer au
Digital Markets Act (DMA), son
App Store comptant plus de
120 millions d’usagers mensuels
dans l’Union européenne. Signe de
la tension extrême qui règne autour
de ces nouvelles contraintes, il n’a
pas fallu attendre longtemps pour
connaître le premier psychodrame.
En cause, la poursuite des commis­
sions importantes qu’Apple prélève
sur les principaux développeurs
d’applications lors de chaque tran­
saction, de 15 à 30 % en fonction
des situations.
Rétropédalage
Parmi les réglementations phares,
les contrôleurs d’accès comme
Apple doivent en effet autoriser des
entreprises tierces à proposer leurs
propres magasins d’applications.
Et le groupe dirigé par Tim Cook a
une manière bien à lui de le faire.
La veille de l’entrée en vigueur du
DMA, Apple a suspendu le compte
développeur d’Epic Games, la
société éditrice du jeu vidéo ultra-
50  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
populaire Fortnite, l’empêchant,
de fait, de lancer son propre maga­
sin d’applications. En contentieux
depuis des années sur le montant
des commissions prélevées sur
l’App Store, avec un jugement de la
Cour suprême américaine attendue,
Apple a voulu faire de son meilleur
ennemi un exemple de sa détermi­
nation à tuer dans l’œuf toute solu­
tion alternative menaçant son busi­
ness model. Dans un premier temps,
le groupe dirigé par Tim Cook a
invoqué la violation flagrante par
Epic Games de ses obligations
contractuelles. Le commissaire eu­
ropéen au Marché intérieur Thierry
Breton n’a pas manqué l’occasion
de s’interroger sur le sujet : « Avec
le DMA, il n’y a pas de place pour
les menaces de la part des contrô­
leurs d’accès qui veulent faire taire
les développeurs, a-t-il déclaré. J’ai
demandé à nos services d’examiner
en priorité la résiliation du compte
d’Epic par Apple. » Deux jours plus
tard, le groupe californien battait
en retraite, rétablissant le compte
de l’éditeur de jeux.
« Le DMA vient d’obtenir sa pre­
mière victoire majeure », a lancé le
cofondateur et PDG d’Epic sur
Twitter, Tim Sweeney. Un bon
connaisseur du secteur résume la
situation : « Face au risque régle­
mentaire, et à la levée des boucliers
des joueurs de Fortnite, Apple a
voulu envoyer un message. Mais à
force de jouer avec le feu, ils sont en
train de prendre conscience des ris­
ques pour leur image. »
D’autant qu’Apple vient déjà de
prendre la foudre, le 4 mars, sous la
forme d’une amende d’1,8 milliard
d’euros, soit 0,5 % du chiffre d’af­
faires annuel du groupe. L’affaire
remonte à 2020. Spotify avait dépo­
sé plainte, considérant que la
concurrence avec le service de
streaming Apple Music était délo­
« Pendant yale. Après cinq années d’enquête,
dix ans, la commissaire européenne à la
Apple a Concurrence Margrethe Vestager a
jugé que « pendant une décennie,
abusé de Apple a abusé de sa position domi­
sa position nante sur le marché de la distribu­
dominante tion d’applications d’écoute de
sur le musique en streaming ». Apple a
porté l’affaire en appel, mais cette
marché sanction fait mauvais genre pour un
de la groupe qui n’avait jamais été
distribution condamné par l’Union européenne
d’applis pour ses pratiques concurrentielles.
Détail croustillant, le montant de
d’écoute l’amende a été majoré de 20 %, Apple
musicale en ayant communiqué « des informa­
streaming.» tions trompeuses » durant l’enquête
Margrethe de la Commission. « Ils n’ont pas
Vestager, cette culture de la négociation
commissaire qu’ont apprise avec le temps ses
européenne concurrents de la tech, note un ex­
à la Concurrence. pert du secteur. Apple se sent en
position de force, car il bénéficie
d’une forte cote de popularité de ses
utilisateurs. »
Obstruction
Le groupe va devoir apprendre
rapidement à changer de posture
face aux affaires qui s’accumulent.
En France, c’est l’Autorité de la
concurrence qui est à l’œuvre. Dé­
 Tim Cook, Le Digital Markets Act, mis en place
un patron cerné par l’Union européenne, entend lutter
contre les pratiques anticoncurrentielles
des géants numériques et vise
22 plateformes, dont Apple, qui a déjà
été épinglé par Bruxelles.

Niall Carson/Press Association

En juillet dernier, l’Autorité
de la concurrence a ouvert
une procédure à l’encontre d’Apple,

Images/MaxPPP
l’accusant d’avoir abusé de
sa position potentielle en matière
de suivi publicitaire. L’instance
vise notamment l’App Tracking
Transparency sur iOS. Suspecté d’avoir profité d’un régime
fiscal particulièrement avantageux
en Irlande, Apple pourrait être
contraint de rembourser 13 milliards
d’euros d'impôts impayés. La Cour
de justice européenne a relancé une
affaire qui remonte à 2016.

Après l’entrée en vigueur du DMA,

le 7 mars, Apple a été contraint
de réactiver le compte d’Epic Games, A la suite d’une plainte déposée par Spotify,
qui peut désormais lancer son Apple a écopé d’une amende de 1,8 milliard
propre magasin d'applications sur d’euros de la part de la Commission européenne
le système iOS. Une bataille oppose pour « abus de position dominante » pour avoir
les deux géants depuis 2020. privilégié Apple Music dans son App Store.

posée en 2020 par des associations
d’acteurs de la publicité, une plainte
vise le nouveau système sur les
applications d’Apple permettant de
décliner le tracking publicitaire. La
très grande majorité des utilisateurs
refuse d’être tracée, amenuisant de
facto le montant tiré de la publicité
dans ses applications. Les plaignants
reprochent à la firme à la pomme,
dans le même temps, de recueillir
les données de ses utilisateurs sans
leur demander explicitement leur
accord. Le 25 juillet dernier, l’Auto-
rité de la concurrence a notifié un
grief au groupe Apple, indiquant
que l’affaire pourrait aller jusqu’à
une amende. Pour un acteur au fait
du dossier, une sanction devrait
tomber d’ici à l’été. « Apple est en
Brittany Hosea-Small/AFP
Tim Cook, faisant de l’obstruction, ils font
à Cupertino, en preuve de mauvaise volonté pour
septembre 2022. retarder l’application de mesures
Selon un
observateur,
d’ouverture à la concurrence. Cela
«  Apple est en n’est pas de nature à calmer les
train de vivre ce autorités de régulation. »
qu’ont vécu Meta
et Google avant Rejugement
lui, avec une Pour ne rien arranger, une vieille
réputation qui
s’est ternie  ».
ardoise se rappelle au justiciable
Apple dans l’Union européenne :
suspecté d’avoir profité en Irlande
d’un régime fiscal particulièrement
avantageux, Apple avait été
condamné en première instance à
rembourser 13 milliards d’euros.
Puis avait gagné en appel. Pour au-
tant, en novembre dernier, l’avocat
de la Cour de justice de l’Union eu-
ropéenne notait, dans ses conclu-
Cour doit statuer d’ici à avril sur le
sujet et pourrait sommer Apple de
rembourser cette somme colossale.
En plus de ce sombre état des lieux,
les mesures prises par le groupe
pour respecter le DMA risquent de
ne pas suffire et d’être contestées en
justice, autant par les acteurs de
l’écosystème que par la Commission
européenne. Le but de cette régle-
mentation est « d’assurer la contes-
tabilité et l’équité des marchés »,
précise l’avocat en droit du numé-
rique Marc Mossé. Pour autant, il
serait dans l’intérêt d’Apple de coo-
pérer car « la longueur des investi-
gations et l’énergie mise pour les
contester peuvent ralentir une par-
tie de l’innovation, alors que la
confiance dans les outils fait aussi

train de vivre ce qu’ont vécu Meta
et Google avant lui avec une répu-
tation qui s’est ternie, considère un
observateur. Ils tentent de résister
au changement réglementaire en
sions, que le tribunal avait « com-
mis plusieurs erreurs de droit »
en 2020. Dès lors, il préconise que
son arrêt soit annulé et que ce der-
nier rejuge l’affaire sur le fond. La
le succès économique d’une plate-
forme ». La firme à la pomme a sans
doute encore de beaux jours devant
elle, mais le ver est dans le fruit.
 Margaux Vulliet et Adrien Schwyter

14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  51

 Entreprise
Indiscrétions
C’est qui le frère du patron ?
Moment d’émotion
J. Salangsang/Shutterstock/Sipa

pour Nicolas
Chabanne, le
fondateur de la
marque équitable
C’est qui le patron ? !,
le 11 mars.
« Mon petit frère
Christophe a reçu
un Oscar technique à Los Angeles »,
s’est réjoui l’entrepreneur. Christophe
Chabanne, 49 ans, est l’un des quatre
inventeurs de la technologie audio
Dolby Atmos, qui permet une
immersion des spectateurs dans les
salles de cinéma.

Jérôme Schrepf
Ricard fait la promotion
de l’eau
Alexandre et Philippe Ginestet, en 2016. Le fondateur de Gifi, qui espérait transmettre la direction
Franck Pennant/La Provence/MaxPPP

opérationnelle à son fils, a finalement rappelé Didier Pascual, qui a dirigé l’enseigne par le passé.

Gifi veut sauver

Le petit-fils de Paul Ricard ne craint pas
ses meubles à tout prix
les paradoxes. Après avoir fait
distribuer 56 125 verres d’eau par ses Prise en tenaille entre la flambée de ses coûts
équipes de « désoiffeurs » au Salon
de l’agriculture, le groupe Pernod et une concurrence féroce, l’enseigne de bazar
Ricard, que préside Alexandre Ricard,
lance à la mi-mars un nouveau film
doit renégocier sa dette. Mais pas question pour
publicitaire de sa campagne « Drink autant de sacrifier son développement.
more… water », qui met en garde
les jeunes contre les excès de l’alcool.

L
e groupe de magasins de Action. » Selon le même docu-
Picq se paye Auchan discount non alimentaires ment, les ouvertures de nouveaux
Gifi cherche désespéré- magasins et les augmentations de
ment des idées de génie prix prévues (77 millions d’euros)
pour surmonter une période très ne réussiront pas à compenser
difficile. Motif des angoisses : un la hausse de l’électricité (20 mil-
endettement inquiétant oblige l’en- lions), des loyers (15 millions), des
treprise à renégocier ses échéances salaires (16 millions), ainsi que les
avec les créanciers. Et, plus grave, dépenses publicitaires pour conser-
Felix Ledru

des perspectives peu optimistes ver la clientèle (12 millions).

Vincent Picq, discret patron du groupe
de distribution Schiever, n’a pas aimé
la façon dont Auchan s’est rapproché
d’Intermarché. Schiever, qui exploite
notamment 13 hypers Auchan, rejoint
Système U et en profite pour régler ses
comptes dans LSA : « Nous avons
appris cette opération dans la presse.
Nous avons trouvé que c’était cavalier
de la part d’un partenaire d’aussi
longue date. » La vérité, c’est aussi
que Schiever a repris 30 Intersport et
n’avait pas envie de se retrouver face
à Decathlon dans la galaxie Mulliez.
incitent ceux-ci à la plus grande
prudence. Le diagnostic est très
bien résumé dans un document
interne confidentiel : « Les résul-
tats 2022 ont été particulièrement
décevants et sont éloignés des objec-
tifs initiaux du groupe. Les pers-
pectives 2023 ne sont pas davan-
tage encourageantes […]. Dans ce
contexte extrêmement tendu, Gifi
doit affronter une concurrence de
plus en plus menaçante, marquée
notamment par la percée du groupe
Face à Temu et Action
Même si elle reste profitable, l’en-
seigne créée en 1981 par Philippe
Ginestet à Villeneuve-sur-Lot (Lot-
et-Garonne) est prise en tenaille
entre la flambée de ses coûts et la
concurrence accrue, notamment
celle des plateformes chinoises
comme Temu, qui livrent directe-
ment des produits attractifs et très
bon marché dans les boîtes à lettres
des consommateurs français. Ceux-

52  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

ci étant appâtés par d’incessantes
relances et notifications sur leurs
smartphones. Une forte concur-
rence s’exerce aussi dans les maga-
sins physiques, où le néerlandais
Action a désormais pris l’ascen-
dant, avec 34 % de part de marché
en valeur en 2023, en hausse de
9 points en trois ans. Pour sa part,
Gifi détient 17 % de part de marché
des commerces de bazar en France,
en baisse de 4 points depuis 2020.

Reconquête des centres-villes

Selon les informations de Chal-
lenges, Philippe Ginestet, 69 ans,
qui espérait d’abord transmettre
la direction opérationnelle à son
fils Alexandre, directeur général
depuis 2008, a récemment rappelé
Didier Pascual, ancien PDG d’Alain
Afflelou, qui avait déjà dirigé Gifi
par le passé. Il défend un
plan de développement BELLE VITRINE
promettant la reconquête 1,274 milliard
des centres-villes (où d’euros de
notamment 16 magasins chiffre d’affaires.
Bricolex vont passer sous 36,67 millions
pavillon Gifi en avril et de résultat net.
mai), une rénovation du 633
segment des « premiers magasins.
prix » et de nouvelles 2 691
offres attractives. CDI.
Bercy surveille le dossier SOURCE : GIFI, EN 2023
SUR L’EXERCICE 2022.

de près, dans un contexte

délétère pour les enseignes de dis-
tribution, qui avaient misé sur le
renouveau de leurs boutiques depuis
quelques mois. Gifi, qui a contracté
des emprunts depuis 2017 pour l’ac-
quisition des magasins Tati et des
prêts garantis par l’Etat (PGE) au
moment du Covid, doit absolument
convaincre les parties prenantes
afin d’obtenir de nouveaux délais.
« Le problème d’une entreprise
aussi incarnée par son dirigeant et
fondateur, c’est que tout se fige s’il
n’inspire plus confiance », confie un
ancien cadre.
Parallèlement aux négociations sur
la dette, des banquiers et investis-
seurs réfléchissent à une refonte du
capital avec un retrait de Philippe
Ginestet. En 1996, il avait vendu 55 %
aux fonds Apax et Lazard, avant de
les racheter en 2001. Il y a trois ans,
il avait envisagé une introduction en
Bourse sous l’œil d’investisseurs po-
tentiels tels que le fonds américain
Clayton, Dubilier & Rice et la famille
Zouari.  Jean-François Arnaud
 Entreprise
Ça plane pour les Dassault
Avec les résultats 2023 record de Dassault Systèmes, Dassault Aviation
et Thales, le discret holding familial GIMD va toucher le jackpot cette année.
V. Almansa/Dassault Aviation
Eric Trappier. Le PDG de Dassault Aviation prendra la tête du GIMD au plus tard en janvier 2025.
Au vu des résultats exceptionnels, il aura de quoi investir hors des bases traditionnelles du holding.
D
u siège historique en bas
des Champs-Elysées, les
membres du Groupe In-
dustriel Marcel Dassault
(GIMD) ont dû regarder avec une
certaine jubilation les résultats an-
nuels des grandes participations du
holding de la famille Dassault. Le
chiffre d’affaires de l’éditeur de lo-
giciels Dassault Systèmes, détenu à
40 %, a augmenté de 5 %, à 5,9 mil-
liards d’euros, et sa marge nette
atteint le niveau stratosphérique de
27 %. L’entreprise affiche une capi-
talisation boursière de 56 milliards,
soit cinq fois celle de Renault.
Dassault Aviation, dont GIMD
possède les deux tiers du capital,
est aussi à la fête : avec 211 Rafale
et 84 jets d’affaires Falcon, son
carnet de commandes dépasse les
38 milliards d’euros, et sa marge
nette atteint 18,5 % du chiffre d’af-
faires. Le géant Thales, détenu à
26 % via Dassault Aviation, a égale-
ment affiché des résultats histori­
ques, avec 23,1 milliards d’euros de
54  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
contrats signés en 2023, un carnet
de commandes record de 45 mil-
liards et une marge opérationnelle
de 11,6 %. Quant à Immobilière
Dassault, la foncière cotée dont la
famille Peugeot est actionnaire mi-
noritaire, elle a vu son résultat opé-
rationnel bondir de 29 %.
Même les participations non cotées
ont fait bonne figure : le groupe
Le Figaro affiche 21 millions d’eu-
Des participations à haute rentabilité
SOCIÉTÉ
DU CAPITAL
Dassault
Systèmes
Dassault
Aviation
Thales**
* Au 11/3/2024. ** Participation détenue via la filiale Dassault Aviation.
ros de résultat net, et la maison de
ventes aux enchères Artcurial a réa-
lisé la meilleure année de son his-
toire, avec 217 millions de ventes.
Un milliard de dividendes
Si les résultats de GIMD ne sont en
général déposés au greffe qu’en juin,
les excellents chiffres des participa-
tions du groupe laissent présager
des dividendes assez copieux pour
les actionnaires du holding familial :
Laurent, Thierry, Marie-Hélène
Habert-Dassault et leurs héritiers,
ainsi que les enfants de l’aîné,
Olivier, mort dans un accident
d’hélicoptère début 2021. Les divi-
dendes avaient atteint 157 millions
d’euros en 2020, 499,4 millions en
2021 et 151,6 millions en 2022. Le
quotidien La Lettre (ex-La Lettre A)
évoque le chiffre de 175 millions
pour 2023. C’est ainsi près d’1 mil-
liard d’euros en quatre ans qui
sera remonté à la famille, 6e fortune
professionnelle dans le classement
2023 de Challenges, avec un mon-
tant global de 32 milliards.
De quoi investir hors de ses bases
traditionnelles. S’il est sorti de Veo-
lia après avoir échoué à renverser
son patron Antoine Frérot, GIMD
est au capital de bioMérieux, de
l’équipementier automobile Valeo
(5 % des parts) et, depuis 2023, de la
banque Rothschild & Co.
Charles Edelstenne (86 ans), direc-
teur général de GIMD depuis 2018,
va donc laisser à son successeur un
groupe en pleine santé. Après des
PART VALORISATION* années de débats, les actionnaires
(en euros) familiaux ont tranché le 7 février :
c’est le PDG de Dassault Aviation
22,6 Eric Trappier, plutôt que le pré-
41,1 %
milliards sident de Dassault Systèmes Ber-
nard Charlès, qui prendra les rênes
9,6 du holding. La passation de pouvoir
66,8 %
milliards est prévue au plus tard le 9 janvier
2025. Eric Trappier cumulera le
poste de patron de GIMD et la direc-
7,7
26 % tion de Dassault Aviation. Il sera le
milliards
quatrième patron du groupe depuis
SOURCE : SOCIÉTÉ. sa création en 1929. Vincent Lamigeon
 Bonne semaine
Sébastien Bazin réintègre
le CAC 40
Gilles Rolle/Réa
Le groupe Accor, qu’il préside,
va retrouver l’indice phare de la Bourse
de Paris trois ans après l’avoir quitté.
Il remplacera Alstom. La crise
du Covid définitivement passée, Accor
a présenté des résultats annuels
record, qui illustrent le rebond
du secteur des loisirs. Fin décembre,
le géant français exploitait 5 584 hôtels
dans le monde, soit 821 518 chambres.
Marie-Ange Luciani séduit
Hollywood
Anatomie d’une
chute, le long-
métrage qu’elle
a produit avec
David Thion, a reçu
Domine Jerome/Abaca
l’Oscar du meilleur
scénario à Los
Angeles le 11 mars.
« Repartir avec
une statuette,
c’est vraiment magnifique », a-t-elle
réagi. Le film de Justine Triet, déjà vu
par près de 1,5 million de spectateurs
en France, va être maintenant distribué
aux Etats-Unis.
Mauvaise semaine
Jean Castex creuse
ses pertes
Zuma Press/MaxPPP
Le PDG du groupe RATP a présenté un
déficit de 109 millions d’euros pour
2023, contre 26 millions en 2022.
Cette dégradation des comptes
s’explique notamment par « le niveau
élevé de l’inflation, en particulier sur le
prix de l’électricité », a-t-il expliqué. En
Angleterre, l’activité des bus à Londres,
dont la RATP veut se défaire, contribue
aussi à ces mauvais résultats.
Le nucléaire occidental
perd en puissance
Alors que l’accord conclu à la COP28 implique de tripler
la capacité de production d’ici à 2050, l’industrie
de l’atome vieillit, victime d’un problème de coût.
C
’est une étude que les
grands pontes d’EDF et Baisse de compétitivité
tous les thuriféraires du Evolution du coût du mégawattheure par technologie
nucléaire préféreraient depuis 2009 (en dollars)
ignorer. Au moment où un grand 350
Solaire
nombre de pays se réintéressent 300 Nucléaire
à l’atome dans la perspective de Eolien
250
décarboner leurs économies, le
World Nuclear Industry Status 200 + 47 %
Report (WNISR) vient casser 150
l’ambiance. Alors que 25 nations 100
ont pris l’engagement à la COP28, - 83 %
50
à Dubai en décembre dernier, de
0
- 63 %
tripler la capacité de production 2009 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23
nucléaire mondiale d’ici à 2050, SOURCES : WNISR, LAZARD.
le rapport 2023 du think tank
montre que cet objectif est pour le moins Le nucléaire occidental souffre d’un pro-
optimiste, voire irréaliste. « Rien que pour blème de coût face à d’autres énergies,
maintenir le nombre actuel de réacteurs charbon et gaz, plus compétitives. Aujour­
en service, il faudrait dans les vingt- d’hui, la concurrence vient des renouve-
six ans à venir que 270 réacteurs supplé- lables. « Depuis 2009, les coûts de l’éolien
mentaires soient planifiés, construits et et du solaire ont chuté de 63 % et de 83 %
mis en service, indique Mycle Schneider, quand ceux du nouveau nucléaire ont
coordinateur du WNISR. Ce qui veut dire le augmenté de 47 % », indique Mycle
démarrage de dix réacteurs chaque année, Schneider. EDF ne parvient pas à réaliser
un rythme de construction deux fois supé- des économies d’échelle sur ses nouveaux
rieur au taux moyen observé au cours des réacteurs. L’électricien estime désormais
vingt dernières années. » la facture de son futur programme, les six
La part du nucléaire dans le mix électrique EPR 2, à 67,4 milliards d’euros, 30 % de plus
mondial, qui était de 17,5 % en 1996, est que le budget initial.
tombée à 9,2 % en 2022. Industrie vieillis- Qu’en sera-t-il pour les petits réacteurs
sante – la moyenne d’âge des réacteurs est SMR ? Les Small Medium Reactors, qui
de 31,4 ans dans le monde, 42 ans aux pourraient se substituer aux centrales à
Etats-Unis –, le nucléaire est en passe de charbon et jouer un rôle central dans la
devenir un secteur de niche. Surtout en transition énergétique, suscitent l’engoue-
Occident. Au cours des vingt dernières ment des start-up. Mais l’expert Mycle
années, il y a eu 104 fermetures de réac- Schneider n’y croit pas. « Le projet améri-
teurs pour 102 démarrages, mais seule- cain NuScale qui a été abandonné en
ment 53 si on exclut ceux lancés par la novem­bre dernier avait un coût de
Chine. Aujourd’hui, 60 tranches nucléaires 20 000 dollars par kilowatt, deux fois su-
sont en construction et près de la moitié se périeur à celui de l’EPR », dit-il. Pour Pâris
trouve dans l’empire du Milieu. Les autres Mouratoglou, président d’Eren Group et
réacteurs sont construits majoritairement investisseur dans plusieurs projets SMR, il
par la Russie qui, via son bras armé n’y a pas de fatalité à l’échec du nucléaire.
Rosatom, est hégémonique sur le marché « Ce sont les gouvernements successifs qui
de l’exportation. Depuis la décision de réa- ont bloqué cette industrie, laissant se
liser les EPR de Hinkley Point au Royaume- perdre le savoir-faire », confiait-il à Chal-
Uni avec comme maître d’œuvre EDF, lenges en janvier dernier. Aux jeunes
31 nouveaux chantiers ont démarré. Vingt pousses maintenant de prouver que l’atome
viennent de la Chine, onze de la Russie. a un avenir.  N. S.
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  55
 Entreprise

Le carnet
En partenariat avec Warner joue une étrange
partition avec Believe
Astrid Weill, 52 ans, Institut La pépite française de la distribution musicale a reçu une
supérieur de gestion de Paris,
est promue directrice générale « manifestation d’intérêt » du ténor américain. Une offre
de Groupama Immobilier et présidente floue qui pourrait contrecarrer les projets de son fondateur.
de Groupama Gan Reim. Depuis 2022,
elle était directrice générale adjointe

A
de Groupama Immobilier. lors qu’un consortium mené par le Un modèle qui ne cesse de gagner du ter­
Camille Cros,
PDG actuel de Believe, Denis rain, notamment vis-à-vis des majors qui
43 ans, master Ladegaillerie, avait proposé en croissent moins vite et sont contraintes de
en communication février le rachat de l’ensemble des licencier. Et ce n’est qu’un début : Believe,
politique, diplômée actions du groupe pour le sortir de la qui a pris son envol avec l’arrivée du strea­
de philosophie, Bourse, Warner Music Group (WMG) a ming musical, dispose de compétences
assure désormais officialisé le 7 mars une « manifestation techniques vitales face à la montée de l’IA.
Renault

la direction de d’intérêt » pour le « Believe possède deux

la communication distributeur musical étages avec des gens
de la marque Renault. A ce titre, fran­çais. Et joue la qui tapent du code,
elle siège au comité de direction surenchère : là où le alors que les majors
du constructeur automobile. consortium propo­ sous-traitent », détail­
Laurent Labatut, 36 ans, diplôme sait 15 euros par ac­ le une source proche
de finance à la Sorbonne, prend tion, WMG indique de l’entreprise. So­
la direction générale de Trescal pouvoir « valoriser phian Fanen abonde :
France et Afrique. A ce titre, il intègre les actions de Be- « Ce que fait Believe
le comité exécutif du groupe. lieve à un minimum en termes technolo-
Nathalie Moreau, 53 ans, diplômée de 17 euros ». Une giques, les majors ne
en droit et en gestion des ressources offre qui changerait savent pas le faire. »
humaines, est désormais DRH tout : le consortium, De quoi nourrir l’appé­
de Spie Batignolles. Elle rejoint qui inclut le PDG, un tit de WMG, là où ses
également le comité de direction investisseur actuel deux rivales seraient
générale du groupe. de l’entreprise, TCV, soumises à des con­
Rodolphe Chevalier, 43 ans, diplôme ainsi que le fonds train­tes en matière de
d’ingénieur, master en administration suédois EQT, fait concurrence. Mais il
des entreprises, est nommé directeur une proposition qui arrive tard : l’offre du
marketing et membre du comité de tient plus de l’opé­ consortium, acceptée
direction de Skoda France. En 2022, ration comptable. En Concert de Vianney, à Rennes, en novembre par des actionnaires
il a rejoint le comité de direction revanche, l’offre de 2023. Believe mise sur nombre d’artistes, représentant 72 % du
de Volkswagen pour être en charge Warner impliquerait moins gros que les majors, mais qui forment capital, n’attend que la
du déploiement du modèle d’agence. son rachat et son un tapis de revenus conséquent. validation des autori­
Constance Gest, 42 ans, université intégration dans tés de la concurrence.
Paris-Dauphine, MS ingénierie Warner – de quoi grossir pour mieux Et l’entreprise n’a pas vocation à accepter
financière de l’emlyon, sera directrice concurrencer les deux autres « majors », un rachat. « Believe s’est toujours rêvée en
des relations investisseurs et Universal et Sony. quatrième major : se faire racheter par une
communication financière d’Orange à Fondée en 2005, la maison française, qui a des trois majors actuelles irait à contre-
partir du 1er avril. Elle reste directrice acquis au fil du temps de nombreux labels courant », souligne Sophian Fanen.
finance durable du groupe, fonction ainsi que l’autodistributeur TuneCore, est De quoi intriguer. « Ce qui est troublant,
assumée depuis plus d’un an. aujourd’hui présente dans plus de 50 pays, c’est que Warner ne fait pas une offre
Romain d’Houdain, 41 ans, ESCE, s’approche des 2 000 salariés et représente ferme », s’interroge un fin connaisseur du
est promu directeur des risques et notamment le rappeur Jul ou le chanteur secteur. Une interrogation d’autant plus
de la conformité du Crédit coopératif. Vianney. « C’est un géant de la musique », troublante que les majors auraient été
Il siège au comité de direction résume Sophian Fanen, journaliste spécia­ consultées en amont de la formation du
générale. Brice Milan, 49 ans, liste de l’industrie musicale et cofondateur consortium et n’auraient pas fait d’offre,
Centrale Lille, Essec, devient directeur du site Les Jours. Une quatrième major selon les informations du Figaro. Reste une
de l’audit interne du groupe. concentrée sur la distribution à grande autre possibilité, plus « perverse », selon
Mathieu Pattier/Sipa

Stéphane Rabatel, 50 ans, ingénieur échelle. A la différence de celles qui distri­ notre connaisseur : « Avec cette approche,
de l’Ensta Paris-Tech, est nommé buent la tête du classement, Believe mise Warner peut forcer le consortium à monter
PDG d’Hopium. En 2022, il a pris sur plein d’artistes, certes moins gros, mais le prix de rachat des actions. » De quoi
la direction générale d’Inocel. qui forment un tapis de revenus conséquent. contraindre Believe à sortir le chéquier. F. V.

56  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

le Club Entrepreneurs Challenges - Montefiore Investment
Gymlib permet aux
salariés de redécouvrir
les bienfaits du sport
Sébastien Bequarta créé, en 2013 avec Mohamed Tazi,
cette application pour réserver facilement des cours de sport.
Son objectif aujourd’hui : entrer en Bourse d’ici l’an prochain.
Challenges. Pourquoi avoir voulu
créer une entreprise dans l’univers
du sport ?
Sébastien Bequart. J’ai toujours été
sportif. En école de commerce
(Escem), j’avais déjà envie de créer
mon entreprise. Puis j’ai travaillé
chez Deloitte en audit pendant sept
ans. La flamme de l’entrepreneuriat
s’était presque éteinte. Cela m’a éloi-
gné de ce qu’il fallait faire pour créer
une entreprise : prendre des initia-
tives contre-intuitives et penser dif-
féremment. Heureusement, j’y ai
rencontré le cofondateur de Gymlib,
Mohamed Tazi, avec lequel j’ai créé
l’entreprise en 2013.
Mahema Productions
Que proposez-vous ?
La vidéo sur
Challenges.fr Au départ, nous avions créé un agré-
gateur pour aller en salles de sport,
au travers duquel on pouvait ache-
ter 5 ou 10 séances. Nous avons pi-
voté en 2016 en comprenant qu’il y
avait deux clés pour notre activité :
proposer un abonnement unique
aux gens, au meilleur prix, et passer
par les entreprises afin qu’elles amé-
liorent la qualité de vie de leurs sala-
riés en y participant. Aujourd’hui,
nous proposons 4 500 infrastruc-
tures sportives sur notre applica-
Entretien tion, avec 200 activités possibles :
réalisé par du golf, de l’escalade, du football
Adrien Schwyter à 5, du tennis, du yoga, de la boxe…
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821 
Qui sont vos principaux clients ?
De nombreux grands groupes
comme Carrefour, Air France ou la
RATP. Nous avons aussi des cabi-
nets de conseil ou d’audit, comme
Deloitte, PWC, EY ou KPMG. Nous
avons également pas mal de start-up
qui veulent valoriser leur marque
employeur et proposer une meil-
leure expérience à leurs collabora-
teurs. Gymlib permet de faire redé-
couvrir les bienfaits du sport.
Quel est le prix de l’abonnement
pour vos utilisateurs ?
Nous proposons cinq formules dif-
férentes, de 0 à 80 euros par mois
pour les salariés. En général, l’en­
treprise cofinance 50 % de l’abonne-
ment. Le nombre de crédits varie
ensuite, permettant de réserver des
cours. En moyenne, les utilisateurs
réservent 3,5 cours par mois.
Etes-vous rentables ?
Pas en 2023, où nous avons atteint
un chiffre d’affaires de 23 millions
d’euros. Nos effectifs sont stables,
avec 90 salariés. Mais nous le serons
cette année.
Quelle a été votre pire erreur
en onze ans ?
Nous avons été très scolaires dans
notre approche de l’entrepreneu-
riat. Nous avons commencé dans un
incubateur, et nous avions envie de
suivre chaque formation, alors que
nous aurions dû à la place être beau-
coup plus concentrés sur l’opéra-
tionnel et développer notre busi-
ness.
Pourquoi avoir accepté d’être
rachetés ?
En 2022, nous avons effectivement
fusionné avec le groupe allemand
EGYM Wellpass. Notre ambition
était de continuer notre développe-
ment international, après notre
ouverture à la Belgique en 2018.
EGYM Wellpass vient de lever
200 millions d’euros pour d’autres
acquisitions en Europe.
Votre rêve de croissance ?
Comme tout entrepreneur français,
notre rêve est d’entrer en Bourse,
d’ici à 2025. Le mieux serait au
Nasdaq, à New York, la place princi-
pale de la tech mondiale. •
UN PARTENARIAT
57
Entreprise
Toyota monte en gamme
à Valenciennes
Réputé pour ses citadines made in Valenciennes, le leader japonais de
l’automobile mondiale accélère la cadence sur son SUV à fortes marges dans son
usine nordiste : cette année, le Yaris Cross représentera 75 % de sa production.
D
epuis 2001, Toyota nar­gue
les français sur leur pro­
pre territoire. Le japonais
ne produit-il pas dans
l’Hexagone ses citadines, alors que
Renault et PSA les ont délocalisées
dans les années 2010 pour qu’elles
soient rentables ? Le leader automo­
bile mondial est néanmoins en train
de changer son fusil d’épaule. Il
fabri­que en effet moins de petites
berli­nes à Valenciennes (Nord) au
profit du SUV Yaris Cross, de catégo­
rie supérieure. Ce modèle représen­
tait déjà « plus de 70 % de la produc­
tion » du site l’an dernier, reconnaît
Jim Crosbie, le directeur de l’usine.
Une voiture plus chère, à partir de
24 900 euros, offrant une valeur ajou­
tée supérieure de 15 %, et qui s’avère
être un succès commercial : en 2023,
le Yaris Cross a été le modèle le plus
fabriqué en France, toutes marques
confondues. Et Valenciennes, avec
ses 5 000 salariés, s’enorgueillit
d’être la première usine automobile
française, avec 273 788 voitures pro­
duites l’an passé. Plus que Stellantis
dans son usine de Sochaux (Doubs).
Pour cette année, Jim Crosbie vise
« 280 000 unités, dont 75 % de
Yaris Cross ». Spectaculaire pour
une usine construite à la fin des
années 1990 avec « des capacités
de 185 000 véhicules par an et
2 000 personnes », se remémore
Didier Leroy, président de Toyota
Europe et bâtisseur du site.
Délocalisation partielle
Conséquence, la fabrication de la
petite Yaris a été en grande partie
délocalisée en Europe de l’Est, à
Kolin, en République tchèque. Ce
site avait été ouvert en 2005 pour
produire des minivéhicules en
58  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
Première usine automobile de France
Production dans l’usine Toyota de Valenciennes (en milliers)
Yaris Yaris Cross
300
250
200
150
100
50
0 puis son dérivé SUV R4 en 2025. Et
2001 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23
SOURCE : SOCIÉTÉ.
commun avec Peugeot et Citroën.
Mais Toyota l’a repris intégralement
fin 2020, après le retrait de l’ex-
groupe PSA. Il dispose donc là-bas
de capacités non utilisées. Or, selon
l’institut Rexecode, le coût horaire
manufacturier y est inférieur de 60 %
à celui pratiqué en France.
Valenciennes garde toutefois la pro­
duction des versions de Yaris les
plus équipées, donc les plus oné­
reuses et rentables. Mais également
les modèles à conduite à droite, vu
la proximité géographique avec le
Royaume-Uni. Pas question en effet
pour le constructeur japonais de
tout délocaliser. Car, « pour une
voiture vendue en France ou en
Europe de l’Ouest, les coûts logis­
tiques depuis la République tchè­
que contrebalancent presque la
différence des coûts de fabrica­
tion », précise Rodolphe Delaunay,
directeur adjoint de l’usine de
Valenciennes. En outre, il est tou­
jours utile pour un site de produc­
tion de ne pas dépendre de la fabri­
cation d’un seul type de véhicule,
forcément soumis aux aléas de son
cycle de vie.
L’usine nordiste est en tout cas le
modèle à suivre pour Renault, qui a
débauché en 2020 Luciano Biondo,
qui fut directeur opérationnel de
Toyota Valenciennes pendant sept
ans. Nommé patron industriel du
pôle Renault ElectriCity, regroupant
les usines voisines de Douai et Mau­
beuge (Nord), Luciano Biondo a jus­
tement pour mission d’y produire
dans des conditions profita­bles la
citadine R5 électrique dès l’été 2024,
cela en s’inspirant des recettes ap­
prises chez Toyota. « Notre business
model sera proche de celui de
Fort de ses Toyota à Valenciennes », annonçait-
5 000 salariés, il à son arrivée chez Renault.
le site de
Valenciennes est
la première usine
Chasse aux stocks
automobile Mais quels sont donc les ingrédients
française, avec de la réussite du groupe japonais en
un record de France ? Tout d’abord, il s’agit d’une
273 788 voitures usine ultracompacte. « Sa superfi­
produites cie est de 40 % inférieure à celle du
l’an passé. Plus
que Stellantis
site construit un peu plus tard par
dans son usine PSA en Slovaquie », précise Lucia­
de Sochaux. no Biondo. Le modèle Toyota ?
« C’est la traque du gaspillage »,
résume Rodolphe Delaunay, qui
arrête paradoxalement la produc­
tion durant 50 minutes toutes les
deux semaines, pour que les opéra­
teurs et chefs d’équipe donnent
leurs idées afin de produire mieux
avec moins. Toyota fait ainsi la
chasse aux stocks, gourmands en
capitaux. Résultat, il existe quatre
heures seulement de stocks tam­
pons pour les pièces produites en
Europe. Un quasi-record. Les coûts
fixes sont à Valenciennes « infé­
rieurs de 25 % par rapport à une

Ligne de production du Yaris Cross, sur le site Toyota de Valenciennes. Commercialisé à partir de 24 900 euros, le SUV offre une valeur ajoutée
supérieure de 15 % à celle de la Yaris. C’est aussi le modèle le plus fabriqué en France en 2023, toutes marques confondues.
usine comparable », estime
Luciano Biondo.
C’est le règne du juste-à-temps, avec
notamment beaucoup de fournis-
seurs de proximité. Les Hauts-de-
France comptent 400 entreprises
automobiles. D’ailleurs, certaines
d’entre elles sont contrôlées par le
groupe japonais lui-même, comme
Toyota Sanoh (câbles), Toyota
Boshoku (sièges), et Toyotomi
(pièces de carrosserie). Ces liens
capitalistiques facilitent les rela-
tions industrielles. Le constructeur
importe toutefois les mécaniques de
Pologne, où les coûts salariaux sont
trois fois inférieurs à ceux de la
France. Quant aux systèmes hybri­
des et à une bonne partie de l’élec-
tronique, ils proviennent du Japon.
Cela n’empêche pas les modèles
fabriqués dans le Nord d’avoir droit
au label Origine France Garantie car
plus de 55 % de leur valeur ajoutée
en provient.
L’hybride avant l’électrique
La prochaine étape clé de l’usine
sera le passage à la voiture électri­
que. Toyota planche ainsi sur « une
nouvelle plateforme technique élec-
trique capable de recevoir aussi des
motorisations hybrides », explique
Didier Leroy. A la différence des
autres grands constructeurs en Eu-
rope, il reste en effet convaincu que
l’électrique n’est pas une solution
technique pour tous les usages. Trop
chère, trop limitée pour l’utilisateur,
en autonomie et temps de recharge.
Le groupe japonais croit encore fort
à la technologie hybride (moteur à
essence avec appoint de l’électri­
que), dont il fut le pionnier en 1997
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821 
Thierry Tonneaux/La Voix du Nord/PhotoPQR
et qui équipe les Yaris et Yaris Cross.
« L’hybride dispose encore d’un
potentiel très important en termes
de performances environnemen-
tales, de consommation », argue le
dirigeant français, ancien bras droit
du président Akio Toyoda. D’où la
conception d’une plateforme optimi-
sée pour l’électrique, mais flexible.
Des modèles zéro émission ou hy-
brides passeront ainsi indifférem-
ment sur les mêmes chaînes de pro-
duction, en fonction de la demande
et des marchés. Cependant, cette
nouvelle base roulante n’arrivera
pas avant quelques années. En atten-
dant, priorité absolue aux hybrides,
que Valenciennes produit depuis
2012. Et ça plaît : les Yaris et Yaris
Cross figurent dans la liste des dix
voitures les plus vendues dans
l’Hexagone.  Alain-Gabriel Verdevoye
59
Entreprise

L’avenir de SAP passe par l’IA

Les résultats 2023 publiés par l’éditeur de logiciels allemand ont validé sa
stratégie dans le cloud. Un virage qui reste délicat à négocier avec ses clients.

S
ourires sur l’estrade, chiffres
positifs à l’écran : l’ambiance
était à la fête le 26 janvier
dernier, lors de la présenta-
tion des résultats annuels de SAP.
Pour autant, celle-ci tient un peu du
trompe-l’œil quand on s’intéresse
dans le détail au quotidien de l’édi-
teur de logiciels allemand. Car si le
leader mondial des logiciels de
gestion de ressources en entreprise
(ou ERP), qui équipe plusieurs
centai­nes de milliers d’entreprises à
travers le monde, a bien présenté
un chiffre d’affaires 2023 en proges-
sion de 9 %, à 31,2 milliards d’euros,
de nombreux défis pèsent encore
sur son activité. Après la sup­
pression de 3 000 postes l’an der-
nier, l’en­treprise a annoncé une
restructuration visant 8 000 postes
cette année, soit 7 % des effectifs

mondiaux. Avec un double objec-
tif : allouer davantage de ressources
à la migration vers le cloud de ses
clients et à l’intégration de l’intelli-
gence artificielle (IA) dans ses pro-
duits.
Faire migrer les historiques
Pour le premier objectif, l’éditeur
pousse fortement pour une transi-
tion rapide de solutions installées
chez le client vers des solutions
cloud. Elle s’avère d’autant plus
nécessaire qu’elle avait été anticipée
par la concurrence, notamment par
Ora­cle et Salesforce. Surtout, ce
virage – « l’une des plus grandes
transformations de l’histoire de
SAP » d’après Olivier Nollent, le
directeur France de l’entreprise –
implique de faire migrer les clients
historiques, leurs données et leurs
versions parfois très personnalisées
ou anciennes des logiciels de SAP
vers des solutions cloud, plus stan-
dardisées et avec stockage externe
des données.
Un programme d’accompagnement,
baptisé Rise, a été lancé, qui touche
aujourd’hui 6 500 entreprises dans le
monde ; mais de nombreux clients
Olivier Nollent, dans les bureaux parisiens de SAP. Pour le nouveau PDG du groupe pour la France,
cette conversion au cloud est « l’une des plus grandes transformations de l’histoire de SAP ».
demeurent encore sceptiques.
« Il faut qu’ils soient convaincus
que migrer leur apporte de la va-
leur », souligne Gianmaria Peran-
NOUVEAU cin, président de l’USF, le club des
PARADIGME
utilisateurs de SAP francophones.
Chiffre d’affaires Une création de valeur capitale pour
de SAP
(en milliards de dollars) faire face aux coûts de migration,
Total qui peuvent atteindre plusieurs di-
Cloud
zaines de millions d’euros.
35
30 Déployer son « copilote »
25 Ce virage obligatoire est accompa-
20 gné d’une stratégie offensive en
15 matière d’IA, au cœur des attentes
du marché : SAP, qui disposait déjà
10
d’IA prédictives et d’optimisation,
5 ou de partenariats avec Microsoft et
0 Nvidia, a profité de ses bons résul-
2019 20 21 22 23
SOURCE : SOCIÉTÉ. tats pour annoncer le déploiement
progressif de Joule, un « copilote »
fait d’IA générative, sur ses diffé-
rents logiciels métiers. Une IA qui
aura de quoi s’entraîner : « Environ
30 000 clients nous ont déjà donné
SAP France
leur accord pour utiliser leurs
données afin d’améliorer notre IA »,
s’est réjoui Christian Klein, le PDG
de SAP. Un ton volontiers rassurant
qui tranche avec les précédentes
erreurs de communication de l’en-
treprise, comme à l’été 2023, lorsque
Christian Klein avait évoqué (à tort)
un accès à l’innovation uniquement
réservé aux clients cloud. La clien-
tèle devrait toutefois rester fidèle à
l’éditeur : en 2022, 96 % des utilisa-
teurs français pensaient continuer,
a minima « probablement », à utili-
ser ses logiciels à l’avenir.
Reste que cette transition cloud
prendra du temps. Une évolution
qui, à terme, permettra à l’entreprise
de déployer plus rapidement ses
innovations – dont certaines,
comme l’IA, nécessitent fortement
la puissance du cloud. De quoi offrir
des réponses plus réactives face à
une concurrence exacerbée.
 François Vaneeckhoutte

60  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

Santé & sciences
Le Japon ouvre la voie à des
alunissages de haute précision
Grâce à une technique de navigation autonome, la sonde
Slim s’est posée à moins de 100 mètres de l’endroit visé.
E
n posant sa sonde Slim à la
surface de la Lune en jan-
vier dernier, le Japon est
devenu la cinquième na-
tion à réussir un alunissage, après
l’ex-URSS, les Etats-Unis, la Chine
et l’Inde à l’été 2023. Mais la mission
Détecter Alzheimer
avec un test sanguin
Le dosage dans le sang d’une protéine caractéristique
de la maladie rendrait le diagnostic plus accessible.
S
avoir si une personne déve-
loppe la maladie d’Alzheimer
et quel est son degré d’avance-
ment est désormais possible simple-
ment par le dosage dans le sang
d’une protéine anormale caractéris-
tique de la maladie, la protéine tau
phosphorylée (p-tau217). Evalué
dans la revue Jama Neurology, ce
test ultrasensible de la société de
biotechnologie américaine ALZpath
s’avère aussi fiable que les mesures
62  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
Moon Sniper restera surtout dans
les annales pour une autre raison.
Son objectif principal était de tester
une technique d’alunissage de très
haute précision : à moins de
100 mètres de l’endroit visé, contre
plusieurs kilomètres pour les mis-
classiques de cette protéine effec-
tuées dans le cerveau des patients
par imagerie ou dosage dans le li-
quide céphalo-rachidien.
Bien plus simple et moins coûteuse,
cette technique pourrait rendre le
diagnostic de la maladie très acces-
sible. L’équipe de l’université de
Göteborg en Suède a même pu
suivre l’évolution de la maladie, du
trouble cognitif léger à la démence.
« C’est un outil d’autant plus pro­
Alunissage de la sonde Slim.
Une anomalie l’a conduite à finir
sa course la tête à l’envers.
sions précédentes. Or l’engin de
200 kg a pu se poser à 55 mètres de
sa cible !
« Un calculateur de bord ultra­
rapide a comparé des images de la
surface prises par des orbiteurs
avec celles captées en temps réel par
la sonde, les cratères lunaires ser­
vant de repères », explique Francis
Rocard, responsable des pro-
grammes d’exploration du Système
solaire au Centre national d’études
spatiales. Cette technique de naviga-
tion autonome se révélera à terme
très précieuse. Dans le cadre du pro-
gramme Artemis de la Nasa en parti-
Jaxa
culier, elle pourrait permettre « de
déposer du matériel et des capsules
habitées à des endroits de plus en
plus proches les uns des autres »,
avance l’astrophysicien.
La mission nippone ne s’est toute-
fois pas déroulée sans encombre.
Une anomalie survenue lors des
dernières dizaines de mètres de sa
descente a conduit Slim à finir sa
course la tête quasiment à l’envers.
La vitesse verticale était heureuse-
ment très faible (moins de 5 km/h),
évitant à la sonde un crash fatal.
Avant d’alunir, Slim a même largué
deux petits robots (LEV-1 et LEV-2)
qui ont pu transmettre à la Terre
une photo de la sonde les quatre
fers en l’air. •
BSIP
Le dosage metteur qu’il arrive au moment où
sanguin est certains médicaments capables de
moins coûteux retarder la progression de la mala­
que les mesures
classiques
die apparaissent », confirme Luc
par imagerie. Buée, directeur du centre de re-
cherche Lille Neuroscience & Cogni-
tion, qui n’a pas participé à l’étude.•
 Les moustiques mâles
piquaient aussi
La veille de
Bernard Martinez
DOMINIQUE LEGLU
Directrice éditoriale du pôle Sciences du Groupe Challenges
Jean Zay, assassiné il y a 80 ans,
est toujours d’actualité
Dany Azar
V
Si aujourd’hui, les moustiques ertu du théâtre que de pouvoir
suceurs de sang sont exclusivement
femelles, il n’en a pas toujours été
précipiter les consciences, telle
ainsi. C’est ce que suggère la cristallisation d’un élément
la découverte d’un moustique mâle chimique dans un bécher. En
dans un morceau d’ambre libanais créant son spectacle Jean Zay, l’homme
de plus de 100 millions d’années. complet, que Sciences et Avenir avait
Parfaitement préservé, celui-ci applaudi à Avignon en 2022, Xavier Béja
présente les mêmes mandibules
dentelées dont les moustiques
a redonné corps et âme au ministre
femelles modernes se servent pour de l’Education assassiné par la Milice
percer l’épiderme de leurs proies. en juin 1944. A celui vu comme le « père »
du CNRS le 19 octobre 1939, alors que
Pas de salade pour la deuxième guerre
mondiale commençait. Le
les astronautes plus puissant calculateur
français actuel porte son
nom, c’est justice.
Initiative transdisciplinaire
2023 Université du Delaware
art-science, que ce grand
amateur de théâtre aurait
appréciée ? C’est
à l’Académie des sciences
le 4 mars dernier – séance
gratuite et ouverte à tous –
Alors que les passagers de la Station que le comédien a pu faire
spatiale internationale peuvent revivre l’homme en qui
à l’occasion grignoter un peu
de salade verte cultivée à bord,
Pierre Mendès France
une étude les met en garde : voyait une « image
en microgravité, celle-ci est plus exceptionnelle de lumière,
sujette à se trouver contaminée par d’intelligence et Jean Zay, l’homme complet,
des bactéries pathogènes. En d’humanité ». Mais s’il au théâtre Essaïon (Paris, IVe).
particulier les salmonelles à l’origine a été panthéonisé en 2015, Un spectacle tiré de son livre
d’infections parfois sévères. Souvenirs et Solitude.
pas sûr que son nom
au fronton de plus de
Une curieuse galaxie 120 groupes scolaires soit parlant pour
sans étoile les élèves. Jean Zay, qui c’est ? L’émotion
C’est probablement la galaxie la plus ressentie à l’écoute de celui qui fut fait
sombre observée. A 270 millions prisonnier à Marseille puis à Riom, dans
d’années-lumière, J0613+52 n’est un froid glacial, entre quatre murs
qu’un amas de gaz d’hydrogène. aveugles, privé de son tabac et de sa
Les nuits y sont sans étoile, sans montre, pourrait susciter leur curiosité.
doute à cause de son isolement
relatif­dans le cosmos : elle ne subit
Voire inciter à plonger dans son livre
pas l’influence gravitationnelle Souvenirs et Solitude, d’où toutes les
de voisines pouvant provoquer phrases du spectacle sont extraites.
l’effondrement du gaz en étoiles. On y entend aussi bien le Prix Nobel
de physique Jean Perrin que l’évocation
Rubrique réalisée de Dostoïevski partant pour le bagne
avec la rédaction de de Sibérie, qui se refusait à désespérer
sciencesetavenir.fr
parce qu’il ne serait pas enfermé dans
une cellule : « Je verrai le soleil. »
Outre les amateurs d’un humour
rassérénant au cœur de la détresse, les
scientifiques ont de quoi s’y retrouver. Pour
réclamer des subsides, par exemple,
à l’heure des coupes budgétaires d’hier
et… d’aujourd’hui. Rien n’aurait-il changé
entre les scientifiques et le ministère
des Finances ? Scène épique. On y voit
comment, soutenu par Jean Zay, Jean
Perrin, « sous-secrétaire
d’Etat [à la Recherche
scientifique],
septuagénaire et
glorieux, déploya la
fougue d’un jeune
homme, l’enthousiasme
d’un débutant, non pour
les honneurs, mais pour
les moyens d’action qu’ils
fournissent », afin de faire
desserrer les cordons
de la bourse
gouvernementale
de l’époque. 14 millions
accordés initialement,
20 souhaités et, in fine,
SP
le ministre des Finances
n’ayant « pu placer une
parole […] à sa sortie,
Jean Perrin avait obtenu
22 millions ». A
l’Académie des sciences, des rires ont fusé.
A l’heure de la guerre en Ukraine, c’est
aussi « l’obsédante âme russe […], capable
de cruauté et de sacrifice, de fanatisme et
de générosité, conquérante et résignée »
qu’on peut croiser. A Moscou devant un
directeur d’école et sans illusion sur les
« exagérations de la propagande
soviétique », Jean Zay songeait-il à ses
réformes de l’enseignement ? Au rôle qu’il
lui assignait ? Cultiver « tout ce qui fait
l’excellence de l’homme : l’intelligence,
le cœur, le caractère, le sens moral, le goût
du beau ». Programme d’actualité.•
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  63
 B E L L E S A D R E S S E S – À
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réception exposée sud et ouest, une cuisine dînatoire, une suite avec
dressing et deux chambres. Réf : 82625028 - Tél : 01 84 74 94 00
 Marseille.

Tout se négocie  P. 66
Répondre à l’urgence
de la rénovation énergétique  P. 70
Emprunter malgré les contraintes P. 72 L’ÉTAT DU MARCHÉ
Saisir les dernières offres du Pinel  P. 74 Les prix à Paris P. 80
Ouvrir son horizon avec le coliving  P. 76 Les prix en banlieue parisienne  P. 92
Max Bauwens/Réa

Louer lors des JO, un pari sportif P. 78 Les prix en régions  P. 102

u
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  65
En couverture

IMMOBILIER

TOUT
SE NÉGOCIE
Avec le blocage du crédit, les Français ont stoppé leurs projets d’achat.
Résultat, les prix baissent, et la correction va se poursuivre en 2024
avec des acquéreurs exigeants. Seul espoir, les taux amorcent un recul.
Nos analyses et nos prix à Paris, en banlieue et en régions.

U
n chiffre ré-
sume sans
doute à lui
seul la crise
que traverse
le secteur : le
volume des
crédits immo-
biliers a chuté de 41 % en 2023, se-
lon les données publiées par la
Banque de France, passant d’un
volume annuel de 218 milliards
d’euros de prêts accordés (hors re-
négociations) par les banques
en 2022 à 129 milliards d’euros
en 2023. Soit le plus bas niveau en-
registré depuis 2014, où il était de
93 milliards, alors que le pic avait
été enregistré en 2021, à 225 mil-
liards. De plus, le taux d’intérêt
moyen est passé d’à peine plus de
1 % en janvier 2022 à 4,17 % en jan-
vier 2024, selon la même source.
Primo-accédants bloqués
Par Virginie Résultat, « la capacité d’endette-
Grolleau ment des ménages a mathémati-
quement chuté de 28 % », calcule
Sandrine Allonier, porte-parole de
Vousfinancer. Cette spectaculaire
remontée du loyer de l’argent a pé-
nalisé tous les profils d’acquéreurs :
ceux qui voulaient acheter leur pre-
mier logement ou faire construire
une maison individuelle, ceux qui
voulaient déménager à la suite de
contraintes familiales ou profession-
nelles, ceux qui souhaitaient réaliser
un investissement locatif… Et aussi
l’ensemble des professionnels.
Dans l’ancien, les transactions ont
plongé de plus de 22 %, passant de
1,115 million de ventes en 2022 à
environ 869 000 en 2023, selon l’In-
see. « Ce sont bien sûr les primo-
accédants, les jeunes et les revenus
modestes, sans ou avec un apport
très faible, qui ont subi de plein
fouet la hausse des taux et la raré-
faction du crédit », note Brice
Cardi, président de L’Adresse. Ce
sont donc les secundo-accédants ou
ceux qui pouvaient payer cash qui
ont animé le marché. « La part des
retraités a bondi de 7 % parmi les
acquéreurs », relève Charles
Marinakis, président de Century 21.
Et ils ont pris la main, prenant leur
temps pour faire leur choix… et
faire baisser les prix demandés.

Correction à l’œuvre
Prix moyen dans l’ancien en France Evolution des taux (en %) Nombre de logements neufs cumulés
(en euros par m2) 3,80 sur douze mois Alors que les taux
4 (en milliers, données brutes)
4 500 550 semblent avoir
369 300 atteint leur pic
Appartements 3 Logements autorisés
4 000 500 et entament une
4 141 décrue depuis le
3 500 2 2,83 450 début de l’année,
Taux moyen
sur vingt ans la baisse des prix
3 000 400
2 575 1 est loin d’avoir
2 500 350 compensé
Obligation Logements l’explosion du coût
Maisons 0 d’Etat commencés
2 000 à dix ans 300 du crédit. Les
291 100 transactions ont
1 500 -1 250 donc chuté, dans
2013 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 2020 2021 2022 2023 2024 2015 16 17 18 19 20 21 22 23 24 le neuf comme
SOURCE : CENTURY 21. SOURCE : MEILLEURTAUX. SOURCE : SIT@DEL/SDES. dans l’ancien.

66  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 « La note énergétique obtenue à
l’issue du diagnostic de perfor-
mance énergétique est devenue un
argument de négociation, de même
que les défauts du logement, les tra-
vaux de copropriété votés payés ou
l’achat sans condition suspensive
d’obtention de prêt », remarque
Julien Haussy, fondateur d’Espaces
atypiques. Pour les investisseurs, la
notation énergétique et les travaux
de rénovation sont devenus des cri­
tères d’évaluation cruciaux, puis­
que, malgré un assouplissement
annoncé pour les logements de
moins de 40 m² par le ministre de la
Transition écologique, Christophe
Béchu, le calendrier d’interdiction
de location des passoires ther­
miques a été maintenu (lire
page 70). Même les biens haut de
gamme ne font pas exception : « Les
acquéreurs n’hésitent pas faire des
Bertrand Gardel/Hemis.fr
offres très agressives, jusqu’à
- 20 %, et les négociations sont alors
très longues », confirme Alexander
Kraft, président de Sotheby’s Inter­
national Realty France.
Parc de Résultat : les prix ont baissé. « Sur-
Billancourt, tout dans les secteurs où ils avaient
à Boulogne- flambé ces dernières années, dans
Billancourt
(Hauts-de-Seine).
les métropoles ou sur la façade
Les résidences atlantique, constate Thomas
proches des Lefebvre, directeur scientifique de
bords de Seine ­SeLoger et MeilleursAgents. Désor-
restent prisées, mais, ils reculent même dans les
mais la baisse zones rurales. »
des prix a atteint
10 % dans
la ville. Paris en première ligne
C’est en Ile-de-France, Paris inclus,
que le repli a été le plus fort. Selon
les Notaires du Grand Paris, les prix
de la capitale (lire pages 80 à 90)
ont déjà perdu plus de 13 % depuis le
record de novembre 2020, dont 7 %
l’an dernier, passant de 10 860 euros
le m² à, d’après leurs projections,
9 410 euros le m² en avril prochain.
« Le VIe arrondissement, le plus
cher, est passé sous les 14 000 euros
le m² et le XIXe, le plus abordable,
sous les 8 000 euros le m², cite
Elodie Frémont, présidente de la
commission des statistiques immo­
bilières et notaire à Paris. Sachant
que cinq arrondissements (XIIe,
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821 
XIIIe, XVIIIe, XIXe et XXe) sont à
moins de 9 000 euros le m². »
Une partie des transactions de
confort, pour trouver un logement
plus spacieux ou mieux localisé, a
disparu. « Les ventes ont chuté de
26 % pour les appartements entre
1 et 3 millions d’euros, cible des
familles aisées avec enfants, s’in­
quiète Richard Tzipine, directeur
général de Barnes. Ceux qui ont
réussi à obtenir un emprunt ont
réduit les surfaces recherchées de
10 à 20 %. » Au-delà du périphérique
(lire pages 92 à 101), « les transac-
tions ont chuté de 24 % pour les ap-
partements et de 28 % pour les mai-
sons, tandis que les prix ont baissé
de 7 % », relève Olivier Clermont,
notaire à Paris. En province (lire
pages 102 à 109), si le repli national
est estimé à 3 %, il varie de 4 à 8 % à
Lyon, Nantes ou Bordeaux. « Cer-
tains vendeurs refusent encore de
prendre en compte cette nouvelle
configuration du marché et dé-
clarent ne pas vouloir “ brader ” leur
bien, relate Guillaume uuu
67
En couverture immobilier
uuu Martinaud, président d’Orpi.
Mais brader, c’est vendre en dessous
de son prix d’achat, ce qui est rare-
ment le cas. »
Dans le neuf, la situation est encore
plus difficile. « C’est catastrophique,
déplore Pascal Boulanger, président
de la Fédération des promoteurs
immobiliers (FPI). Le nombre de
permis de construire accordés a
chuté de 24 %, passant sous les
400 000 autorisations l’an dernier,
ce qui a aussi un impact sur la
construction de logements so-
ciaux. » Les ventes aux particuliers
ont chuté de plus de 38 % – soit - 28 %
pour les résidences principales et
- 51 % pour les investissements loca-
tifs. Et les plans de rachat par Action
Logement et la Caisse des dépôts,
pour soutenir le secteur et créer du
logement à des loyers plus abor-
dables, ne suffiront pas à compenser
la fin prévue du dispositif de défisca-
lisation Pinel (lire page 74).
Refuge des ménages modestes et
primo-accédants, la maison neuve
s’est écroulée : - 39 % sur un an, à en-
viron 58 500 ventes, contre plus de
118 000 en moyenne par an entre
2007 et 2023. « Même si nous sa-
luons la volonté affichée du Premier
ministre Gabriel Attal de soutenir
la construction de maisons indivi-
duelles, nous attendons des actes
forts », s’impatiente Grégory Monod,
président du pôle habitat de la FFB
(Fédération française du bâtiment).
Prudence pour 2024
Seule bonne nouvelle : la légère
baisse des taux d’intérêt constatée
en ce début d’année. « Les banques
ont reconstitué leurs marges depuis
novembre dernier et elles sont
prêtes aujourd’hui à accorder des
prêts », se félicite Pierre Chapon,
cofondateur de Pretto. Avec des
taux sous les 4 % pour les meilleurs
profils et sans doute autour de 3,5 %
en fin d’année. Ce mouvement sera-
t-il suffisant pour relancer l’activité ?
« Seulement si les vendeurs restent
raisonnables », prévient Yann
Jéhanno, président de Laforêt. Les
professionnels restent très pru-
dents : « Nous prévoyons un marché
Bruno Levy/Challenges
encore en repli cette année, avec une
baisse des ventes de 10 % et un nou-
veau recul des prix de 4 à 6 % », es-
time Loïc Cantin, président de la
Fnaim.  • u
68  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
PATRICK ARTUS,
directeur de la recherche de Natixis
Lente normalisation
La détente sur les taux longs présage d’une reprise du marché
immobilier. Mais des prêts à 3% ne sont pas en vue en 2024.
F
ace aux politiques monétaires
restrictives, le secteur
immobilier est celui qui réagit
le plus. Le déficit structurel
de constructions est le véritable
élément perturbateur du
moment. Car nous sommes face à une
crise liée aux volumes et beaucoup
moins aux prix. Les dernières
statistiques sont là pour en attester :
l’an passé, les mises en chantier
de logements ont atteint le nombre
de 287 000, en recul de 22 % par rapport
à 2022. Elles culminaient à 500 000
en 2007. Les permis de construire
ont connu la même évolution, avec
un total de 373 000, en recul de 24 %
par rapport à l’année précédente. Rien
d’étonnant à ce que les transactions
dans l’ancien aient suivi le mouvement,
en enregistrant un repli de plus de 20 %.
Pendant ce temps, les prix ne baissent
pas vraiment et, faute d’ajustement,
les flux sont bloqués. Il n’est pourtant
pas certain que cette situation perdure.
Les conditions de l’offre sont en train
de se normaliser. Les banques
recommencent à ouvrir les vannes
du crédit. Petit bémol toutefois,
la demande reste déprimée. Schéma
que l’on a déjà connu en 2009 et
en 2012, et qui s’était résolu dans
le temps. Compte tenu de la hausse
du coût du crédit, le pouvoir d’achat
des Français a nettement diminué.
Il faudrait donc un assez franc repli des
taux pour inverser cette tendance.
Etant établi qu’une baisse d’1 point
permet d’accroître de 10 % le pouvoir
d’achat en termes d’immobilier. Quoi
qu’il en soit, il est possible d’affirmer
que le pire est derrière nous, après les
deuxième et troisième trimestres 2023
particulièrement critiques. Il n’y a
qu’à voir où en sont les taux longs
Taux d’intérêt français à 10 ans (en %)
6 Taux nominal
Taux réel corrigé de l’inflation
4
2
0 SOURCES : BLOOMBERG, PRISM, NATIXIS.
2002 2010 2020 2024
aujourd’hui pour s’en convaincre :
l’OAT 10 ans évolue aux alentours
de 2,9 % après s’être hissée jusqu’à 3,6 %.
De quoi augurer une reprise de la
demande. Car il est traditionnel de voir
la demande de crédits augmenter dans
ce cas de figure. Il est cependant
irréaliste d’anticiper un retour des taux
de crédits immobiliers aux environs
de 3 % à la fin de l’année. Même s’il est
probable que l’inflation se stabilise
au niveau actuel et que le pouvoir
d’achat des ménages s’améliore
légèrement grâce à de nouvelles
hausses des salaires en 2024.
La demande pour les biens immobiliers
dépendra de la dynamique du taux
d’épargne, toujours très important
en France. Mais aussi de l’évolution
des aides publiques en faveur
de l’accession à la propriété.
Or celles‑ci sont très volatiles et plutôt
en recul, compte tenu des impératifs
budgétaires de l’Etat. La confiance des
ménages sera également un élément
déterminant. Les perspectives
de croissance, récemment revues
à la baisse à 1 % par le ministre
de l’Economie, Bruno Le Maire,
ne militent pas pour une franche
exubérance. D’autant plus que
la croissance effectivement observée
sera probablement plus basse.•
 En couverture immobilier

Répondre à l’urgence de
la rénovation énergétique
Sortir de la notation F ou G (passoire thermique) sera indispensable
ces prochaines années pour mettre son bien en location. Un parcours de
travaux incertain mais payant, à condition de ne brûler aucune étape.

L
’échéance approche à
grands pas : dans moins
d’un an, les logements no-
tés G à l’issue du diagnos-
tic de performance énergétique
(DPE) ne pourront plus être mis en
location, car considérés comme trop
énergivores et émetteurs de gaz à
effet de serre. Au 1er janvier 2028, ce
sera au tour des logements notés F,
puis celui des logements classés E
au 1er janvier 2034. Pour les proprié-
taires bailleurs, cela implique de de-
voir se lancer dans des travaux de
rénovation. Mais les propriétaires
occupants ont également intérêt à
effectuer une remise à niveau de
leur habitation. « Indépendamment
des obligations législatives, le but
est que le logement isolé soit plus
confortable, que les factures d’éner-
gie diminuent fortement et que l’on
protège la planète », rappelle
Maxime Lenglet, directeur général
d’Oktave, une structure qui accom-
pagne les ménages de la région
Grand Est dans leurs travaux.
Piloter son chauffage, un passage bientôt obligé
Rénover est aussi une question de
valorisation : les travaux à réaliser
effraient les acquéreurs potentiels.
Dans ce cas, le prix de vente peut
être affecté par une décote de 4 % à
20 %, en fonction de la localisation,
selon les données fournies par les
notaires. Lancer un tel chantier
semble donc incontournable. Mais
les annonces parfois contradic-
toires du gouvernement sur les
aides apportées, la peur de tomber
sur une entreprise peu fiable, voire
éco-délinquante, et le prix élevé de
ce type d’opération sont autant de
facteurs de découragement.
Accompagnement obligatoire
Savoir à qui s’adresser pour une réa-
lisation efficace est le premier obs-
tacle à surmonter. L’Agence natio-
nale pour l’habitat (Anah), qui gère
les aides publiques, rappelle qu’il ne
faut jamais donner suite en cas de
démarchage, notamment télépho-
nique. Cette pratique est d’ailleurs
interdite en matière d’économies
d’énergie. Le plus sûr est de contac-
ter la plateforme publique France
Rénov’ sur son site France-renov.
gouv.fr, ou par téléphone au 0808
800 700. Un annuaire des artisans
« reconnus garants de l’environne-
ment » (RGE), incontournables
pour obtenir les aides, est en ligne
sur le site, qui permet aussi d’être
orienté vers un professionnel dit
Mon Accompagnateur Rénov’, agréé
par l’Etat, qui aura pour rôle d’éva-
luer les solutions à mettre en œuvre.
Cette phase est une garantie d’indé-
pendance et évite qu’un artisan
n’oriente le chantier vers des solu-
tions sans intérêt financier pour les
clients. A partir de juillet 2024, les
propriétaires, en particulier ceux
des logements classés F et G, de-
vront obligatoirement passer par
Mon Accompagnateur Rénov’ s’ils
veulent bénéficier de plus de
5 000 euros d’aides potentielles.
Autre condition, réaliser en même
temps plusieurs types de travaux.
Aides sous conditions
« Il est question que ce délai soit un
peu repoussé, mais pour l’instant il

C
’est une prochaine
obligation passée un peu
inaperçue : le
1er janvier 2027, tous les
logements (résidence
principale, secondaire) devront
être équipés de dispositifs
pour réguler automatiquement
la température pièce par pièce,
quel que soit leur mode de
chauffage et de climatisation.
L’installation de thermostats,
connectés à une application
mobile pour les plus
performants, vise à réduire
Delta Dore
à améliorer le confort, été faut appliquer la réglementation »,
comme hiver. Deux avantages indique Baudoin de La Varende, co-
à anticiper : « Une prime, fondateur d’Ithaque, groupe récem-
baptisée “coup de pouce ment agréé Mon Accompagnateur
thermostat”, est versée jusqu’à Rénov’. Son rôle est de conseiller les
la fin de l’année, souligne
Pascal Portelli, président du
ménages sur les travaux les plus effi-
directoire du fabricant Delta caces, de réaliser un audit énergé-
Dore. Elle est de 260 euros tique si celui-ci n’a pas été effectué
maximum pour un logement de et de contrôler que les travaux ont
moins de 35 m² et 624 euros été bien réalisés. Il est payé par le
pour plus de 130 m², ce qui ménage qui fait appel à lui, avec une
permet un amortissement
Thermostat. Chaque logement subvention allant jusqu’à 2 000 euros
en quelques mois. Selon nos
devra être équipé en 2027 en fonction de ses ressources. Mais
études, 1 million de passoires

les consommations d’énergie d’un tel dispositif pour réguler en pratique, en trouver un est com-
thermiques peuvent gagner
(- 15 % selon l’Ademe) et la température.
une lettre sur le DPE. » Vi. G. pliqué : l’Anah annonce que

70  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024


Trois projets
d’amélioration
menés à bien
UN APPARTEMENT
HAUSSMANNIEN À PARIS
X Même s’il est préférable de
prendre en compte l’ensemble
de la copropriété, isoler par
l’extérieur n’est pas toujours
envisageable, comme dans les
immeubles haussmanniens.
X Il est possible de le faire par
l’intérieur avec des plaques de
7 cm d’épaisseur et d’améliorer
le DPE de l’appartement en
passant de G à D. En moyenne,
cette solution fait perdre 4 %
de surface, soit 2 m² pour un
logement de 50 m².
X Ces travaux coûtent en
moyenne 742 euros le m², mais
l’appartement se vend 4 % plus
cher en cas d’étiquette hors
passoire énergétique, ce qui
compense la perte de surface.
SOURCE : CHIFFRES ET ÉTUDE ITHAQUE.
2 000 Mon Accompagnateur Rénov’
sont actuellement disponibles, tout
en souhaitant que 5 000 à 6 000 soient
opérationnels à la fin 2025. Les pro-
fessionnels de la rénovation, eux, es-
timent que leur nombre se situe en
réalité aux alentours de 500.
« De plus, la somme de 2 000 euros
est très faible pour un travail sé-
rieux, calcule Baudoin de La Va-
rende. Pour des visites complémen-
taires ou une assistance aux
démarches pour obtenir les aides, il
faut plutôt compter entre 3 000 et
5 000 euros. » Mais dans ce cas, le
complément est à la charge du mé-
nage. Pour les rénovations en copro-
priété, l’accompagnement par un
assistant à maîtrise d’ouvrage
(AMO) est également obligatoire. Il
est subventionné à hauteur de 50 %
du montant de la prestation, dans
une limite comprise entre 600 et
1 000 euros par logement selon la
taille de l’immeuble.
Baptisée MaPrimeRénov’, l’aide
publique a été dotée de 4 milliards
Shutterstock
d’euros en 2024, enveloppe réduite
d’1 milliard à la suite des récentes
UNE COPROPRIÉTÉ
À FONTENAY-SOUS-BOIS
(VAL-DE-MARNE)
X Dans cet immeuble de
44 logements, les travaux
d’économie d’énergie
ont permis de réduire la
consommation de 62 % et
de gagner trois classes de DPE,
passant de E à B.
X Le bâtiment des années 1950
a été isolé par l’extérieur sur
un des murs. Il a été équipé
de trois pompes à chaleur,
produisant chauffage et eau
chaude, alimentées par une
centrale photovoltaïque en
toiture, ainsi que des chaudières
au gaz naturel pour les périodes
les plus froides.
X Le coût des travaux s’élevait
à 12 600 euros par logement,
dont 5 200 euros d’aides.
X Accompagnement : Hellio.
UNE MAISON À HAGUENAU (BAS-RHIN)
X Construite en briques dans poêle et une ventilation
les années 1930, cette maison mécanique contrôlée (VMC)
de 155 m² était classée F. ont été installés.
Après rénovation, elle affiche X Les travaux ont coûté
désormais l’étiquette B. La 135 000 euros, financés
facture d’énergie est passée par 30 000 euros d’écoprêt
de 4 000 euros à 1 650 euros à taux zéro. Le montant des
par an. Outre une isolation aides était de 6 500 euros
totale par l’extérieur (murs de certificats d’économie
et toiture), toutes les d’énergie (CEE) et de
menuiseries ont été changées 4 500 euros de MaPrimeRénov’.
ainsi que la chaudière. Un X Accompagnement : Oktave.
annonces du ministre de l’Econo- De plus, les aides ne sont pas si
mie, Bruno Le Maire. Son montant simples à obtenir. « Le public peine
varie en fonction des ressources à savoir à quoi il va avoir droit
des ménages, classés en quatre ca- avant le début du chantier, et les
tégories, allant de « très modestes » démarches sont compliquées », re-
à « ressources supérieures ». En grette Jean-Christophe Repon, pré-
théorie, les ménages très modestes sident de la Confédération de l’arti-
peuvent bénéficier d’une aide allant sanat et des petites entreprises du
jusqu’à 80 % du montant des tra- bâtiment (Capeb). Les artisans, eux,
vaux. Pour autant, la somme res- se retirent de ce marché instable, ce
tant à charge demeure parfois in- qui accroît les difficultés pour trou-
surmontable. ver un professionnel labellisé RGE
disponible. Le spécialiste de la réno-
Démarches compliquées vation énergétique Hellio recensait
Les ménages dits intermédiaires et 61 000 entreprises RGE début 2024,
supérieurs, pour leur part, ont droit contre 65 000 en 2022. Résultat : en
à peu de subventions. Ils doivent dépit de l’intérêt du public pour l’iso-
compter sur les certificats d’écono- lation et les économies d’énergie,
mie d’énergie (CEE), qui sont rache- tous les spécialistes estiment que les
tés par les grands fournisseurs projets de travaux de rénovation
d’énergie aux particuliers réalisant thermique sont, dans les faits, moins
des travaux. nombreux.  Nathalie Coulaud u
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  71
En couverture immobilier

Emprunter malgré les contraintes

Baisse des taux en janvier, stabilisation en mars… En 2024, les banques veulent
prêter, y compris aux profils modestes, mais restent vigilantes sur les risques.

A
près une année 2023 mar- Les offres de onze grandes banques pour un prêt de 300 000 euros
quée par une chute de
40 % du nombre de prêts Taux fixe sur Mensualités (2) Coût du crédit (3)
Etablissement vingt ans (1) (en euros) (en euros)
accordés, le crédit immo-
bilier est-il en train de redevenir 3,92 % 1 805,30 133 277
La Banque postale
accessible ? Les taux d’intérêt, qui
ont augmenté pendant 18 mois sans Société générale 3,95 % 1 810 134 411
discontinuer, ont en tous cas amor- 4,20 % 1 849,70 143 931
Crédit agricole Nord-de-France
cé un net repli : il était possible
d’emprunter en février à 3,95 % sur CCF (ex-HSBC) 3,80 % 1 786,50 128 755
vingt ans, contre 4,45 % en dé- Caisse d’épargne Normandie 4,11 % 1 835,40 140 490
cembre. Si ce niveau reste quasi-
ment quatre fois plus élevé Caisse d’épargne Ile-de-France 4,10 % 1 833,80 140 109
qu’en 2022, la perspective d’une BNP 3,95 % 1 810 134 411
stabilisation autour des 3,5 % à l’été
est un soulagement pour certains Caisse d’épargne Rhône-Alpes 4,25 % 1 857,70 145 849
emprunteurs. Et les banques qui ne Crédit agricole Ile-de-France 4,11 % 1 835,40 140 490
prêtaient plus – ou alors au compte-
gouttes – ont emboîté le pas de ce Banque populaire Occitane 4,15 % 1 841,70 142 018
mouvement baissier amorcé par la Bred Banque populaire 4,22 % 1 852,90 144 698
Société générale et la Banque pos- 1. Taux hors assurance et garantie. 2. Simulations effectuées pour un couple avec 80 000 euros de revenus annuels et un prêt de
tale en janvier. 300 000 euros à taux fixe sur vingt ans avec 20 % d’apport, hors coût de l’assurance. 3. Coût de l’assurance à ajouter, car variable :
pour une assurance à 0,20 %, compter 12 000 euros sur vingt ans ; pour une assurance à 0,35 %, compter 21 000 euros sur vingt ans.
SOURCE : CHALLENGES.
Jeunes acquéreurs
La forte baisse, en fin d’année der- Bien sûr, il vaut mieux présenter des prêts à taux bonifiés d’un mon-
nière, du taux des emprunts un CDI, des revenus confor- tant équivalent au nouveau prêt à
d’Etat (OAT 10 ans) a permis tables (pour l’endettement taux zéro (de 20 000 à 50 000 euros),
en effet aux banques de re- maximum de 35 %) et a minima afin d’accompagner les primo-­
constituer leurs marges et les 10 % d’apport personnel. Mais accédants dans l’achat d’un bien
a incitées à revenir dans la en rapatriant de l’épargne, en neuf ou ancien à rénover. D’autres
partie. « Toutes les banques souscrivant des produits ban- établissements proposent, sous
veulent prêter à nouveau », caires (assurance-vie, par conditions de ressources ou de tra-
confirme Maël Bernier, directrice exemple) ou en ajoutant un prêt vaux à engager, des prêts à taux
de la communication de Meilleur- travaux, il est possible de négocier réduit aux moins de 35 ans. L’idée ?
taux. Et ce dès le premier se- une décote sur le taux global : « Les Les inciter à revenir sur le marché
mestre 2024. « En affichant dès excellents dossiers passent à 3,80 % qu’ils avaient déserté en raison des
janvier un taux attractif, elles En affichant voire à 3,60 % sur vingt ans », prix au plus haut.
cherchent à capter les jeunes ac- dès janvier laisse entrevoir Maël Bernier. Et les En revanche, le secteur se méfie des
quéreurs pour gagner rapidement des taux dossiers les plus modestes ne sont dispositifs qui n’apparaissent pas
de nouveaux clients », poursuit attractifs, plus systématiquement écartés. opérationnels. Exemple : l’annonce
Cécile Roquelaure, directrice des les banques Certains établissements proposent faite par la Fédération bancaire
études à Empruntis. Cependant, si cherchent même d’allonger la durée du finan- française d’une seconde chance
cette baisse d’un demi-point re- à capter cement à 25 ans ou même 30 ans, pour les ménages dont la demande
donne aux ménages de la capacité les jeunes et « avec très peu d’écart de taux, ce de prêt a été refusée une première
d’emprunt (estimée à 15 000 euros vite gagner qui permet d’accéder à la propriété fois – avec le risque d’être hors dé-
de nouveaux
de plus pour un couple gagnant clients. sans gros effort », appuie Cécile lai. Ou encore l’annonce par le mi-
4 000 euros mensuels) et si les Roquelaure. nistre de la Transition écologique,
banques se montrent plus souples Christophe Béchu, mi-février, de la
dans l’étude des dossiers, « elles Effets d’annonce mise en place d’un prêt hybride, in
restent, dans un contexte de baisse CÉCILE Crédit mutuel, Crédit agricole, fine et hypothécaire, qui « permet-
des prix, attentives aux risques », ROQUELAURE, Caisses d’épargne, Banques popu- trait de ne rembourser qu’une par-
directrice
tempère Sandrine Allonier, porte- des études laires… Les banques de réseau tie du prêt sur la durée prévue et le
parole de Vousfinancer. à Empruntis. mutualistes ont aussi mis sur pied reste à la fin ». Agnès Morel u
DR

72  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

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Saisir les dernières offres du Pinel
Le dispositif de défiscalisation dans le neuf prend fin le 31 décembre.
Les investisseurs ont de bonnes affaires à réaliser, à condition d’être sélectifs.
Bouygues Immobilier
Programme Whitehall, de Bouygues Immobilier, à Serris (Seine-et-Marne). Le promoteur offre les frais
de notaire sur les 2- et 3-pièces de cet immeuble, qui sera livré fin 2026.
L
e compte à rebours a com-
mencé pour les investis-
seurs : le dispositif Pinel
prendra fin le 31 dé-
cembre. Ceux achetant un apparte-
ment neuf pour le mettre en loca-
tion n’ont plus que quelques mois
pour bénéficier de cet avantage fis-
cal. S’il a été raboté à plusieurs re-
prises, il reste conséquent. Les opé-
rations réalisées cette année
ouvrent droit à une réduction d’im-
pôt sur le revenu égale à 9 % en cas
d’engagement sur six ans, 12 % sur
neuf ans et 14 % sur douze ans. La
version « verte », le dispositif Pi-
nel+, permet de bénéficier d’une
réduction d’impôt plus importante
(respectivement 12 %, 18 % et 21 %),
mais elle est réservée à certains
types de biens répondant notam-
ment à des normes énergétiques.
Les logements éligibles sont donc
un peu plus chers à l’achat que ceux
en Pinel, puisqu’ils répondent à des
contraintes supplémentaires.
« L’écart est le plus souvent de
74  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
l’ordre de 5 à 10 %. Mais le jeu en
vaut la chandelle, car les perspec-
tives de plus-value à terme, dans
douze ans, sont bien plus favo-
rables puisque ces appartements
bénéficieront des meilleures
normes énergétiques », estime Sté-
phane van Huffel, fondateur de la
plateforme Net-Investissement.
Remises cumulables
Quoi qu’il en soit, en Pinel ou en
Pinel+, les investisseurs sont ac-
tuellement accueillis à bras ouverts
par les promoteurs en mal de
clients, les réservations ayant recu-
lé de 35 % en 2023 d’après le cabinet
d’études Adequation. « La quasi-
totalité d’entre eux font des offres
commerciales, cela s’accélère de-
DR
puis six mois », relève Farid Ai-
lam, fondateur du cabinet de ges-
tion de patrimoine Valorem.
Elles peuvent prendre la forme
de remises de 3 000 à 6 000 euros
par pièce ou bien de frais de no-
taire offerts, les deux étant sou-
vent cumulables. Au total, la réduc-
tion peut représenter jusqu’à
20 000 euros pour un appartement
de 2 pièces. Toutefois, « nous ne
bradons en aucun cas nos loge-
ments, assure Olivier Durix, direc-
teur général offres et clients de
Bouygues Immobilier. Nous ne fai-
sons ni plus ni moins d’offres
commerciales qu’auparavant. »
Reste que le critère du mieux-disant
ne doit pas être le seul à considérer,
d’autant que les promotions portent
parfois sur des biens moins attrac-
tifs. « Nous recherchons pour nos
clients des biens de qualité (ab-
sence de vis-à-vis, hauteur sous
plafond, espace extérieur…) dans
des villes où la demande locative est
forte, principalement en Ile-de-
France (zone A bis), précise Farid
Ailam. Ces appartements ne font
pas toujours l’objet d’une remise
commerciale, à l’exception des
frais de notaire. » Mais ce choix
doit permettre, à la revente au bout
d’une douzaine d’années, d’augmen-
ter ses chances de dégager une plus-
value en raison des caractéristiques
La quasi- intrinsèques du bien.
totalité des
promoteurs Réserver en septembre
offrent les Ce n’est donc pas parce que le ré-
frais de gime Pinel vit ses dernières heures
notaire et
certains que les investisseurs doivent relâ-
font en plus cher leur vigilance. Il reste encore
des remises quelques mois pour réfléchir : l’acte
de plusieurs de vente doit être signé chez le no-
milliers taire avant le 31 décembre, ce qui
d’euros implique de réserver le bien avant
par pièce.
la fin septembre. « La totalité de
nos 1 900 logements éligibles au
Pinel et des 500 en Pinel+ peuvent
FARID AILAM, arriver en signature avant la fin
fondateur du
cabinet Valorem. de l’année », rassure Olivier Durix,
de Bouy­gues Immobilier. A noter :
il n’est pas impossible que les pou-
voirs publics accordent un délai
supplémentaire, par exemple en
incluant les réservations réali-
sées jusqu’au 31 décembre,
même si cela n’est pas encore à
l’ordre du jour.  Agnès Lambert u
 En couverture immobilier

S’ouvrir des opportunités

ces offres sont très flexibles : il est
possible de louer pour une nuit, à la
semaine ou au mois, voire unique-
ment deux ou trois jours par se-

avec le coliving maine pour ceux qui télétravaillent

le reste du temps depuis leur rési-
dence principale. Les loyers sont
encadrés dans les zones tendues et
Cette forme d’habitat, avec services et espaces partagés, les cautions classiques (15 jours à
attire de plus en plus, et pas seulement les jeunes. un mois de loyer selon la durée du
séjour). Les baux varient aussi au
Les offres se multiplient, alliant flexibilité et accessibilité. regard du type de location (meublé,
mobilité, court, moyen, long séjour).

Salariés et étudiants
Maison ou appartement, les loca-
taires ont le choix. « Nous avons
acheté une maison de 300 m² en
plein centre de Rennes. Sans jardin
et avec travaux, elle n’intéressait
personne », se souvient Thomas
Blin, cofondateur de KenavHome.
Sous le nom de Ker Laf, ses douze
chambres ont été remplie en
quelques jours (lire témoignage).
Thomas Schmider, fondateur de
Colodge, a lui aussi commencé avec
Jean-Claude Moschetti/Réa pour Challenges

la même envie de rénover de

grandes maisons en déshérence et
bien placées. D’abord à Lyon, puis
Lille, Roubaix et Tourcoing. Elles ne
font jamais plus de 500 m², avec des
chambres d’au minimum 25 m². Les
loyers oscillent autour de 600 euros
par mois, tout compris. « Notre offre
Je pensais rester trois mois, cela fait un an et demi. intéresse surtout des salariés no-
On a des chambres avec salle de bains, de nombreux
services et beaucoup de convivialité. Pour 750 euros par mades de grands groupes comme
mois, c’est l’idéal quand on arrive dans une nouvelle ville. OVH », explique-t-il.
De son côté, The Boost Society fait
SIMON LEDOUIT, locataire d’une résidence KenavHome à Rennes.
construire et exploite de grandes
résidences (250 à 400 chambres,

C
es dernières années, plu-
sieurs acteurs immobiliers
ont décidé de développer
une offre de location alter-
native : le coliving, des maisons ou
des immeubles composés de
chambres individuelles et d’espaces
de vie commune (cuisine, séjour,
salle de cinéma, de sport, espace de
coworking…). Cette proposition
connaît une forte expansion : selon
Colliers et Immostat, au troisième
trimestre 2023, les investissements
dans le logement totalisaient 2,2 mil-
liards d’euros, dont 1 milliard pour le
résidentiel classique et 370 millions
pour le coliving, qui arrive en deu-
xième position devant les résidences
étudiantes (345 millions) et seniors
(95 millions). « Pour les investis-
seurs, cette classe d’actifs s’inscrit
dans une vraie tendance », souligne
Maxime Sauvanet, directeur des in-
vestissements du groupe (Re)géné-
ration M Capital, qui précise que
l’offre atteignait 2 600 lits en 2020,
bientôt 14 500 lits en 2024 et devrait
caracoler à 24 000 lits en 2025.
« Au début, les mairies redoutaient
des lieux bruyants. Maintenant,
elles apprécient notre capacité à
créer des logements et revivifier les
centres-villes », assure Maxime
Sauvanet. L’offre séduit : plutôt que
d’aller à l’hôtel, les jeunes actifs
mutés dans une ville qu’ils ne
connaissent pas ou les étudiants
apprécient de se retrouver dans un
lieu à taille humaine, de partager
des moments conviviaux et de pro-
fiter d’un meublé avec services (mé-
nage, blanchisserie). En outre,
jusqu’à 600 dans celle de Créteil),
essentiellement pour étudiants. Les
loyers ? De 250 euros mensuels à
Clermont-Ferrand à 950 euros à Pa-
ris avec tous les services. De diffé-
rentes tailles, les chambres per-
mettent d’accueillir des couples
avec enfants. « Nous avons 31 rési-
dences ouvertes et projetons d’en
avoir une cinquantaine. Les taux
d’occupation avoisinent les 100 % »,
détaille Jean-Baptiste Mortier, son
PDG. Du côté de Sharies, les rési-
dences varient de 15 à 200 chambres.
« Nous exploitons 550 chambres et
projetons d’en proposer 2 000 dans
un proche avenir, soit environ 10 %
du marché du secteur, explique
Julien Morville, cofondateur de
Sharies. Avec des profils entre 20 et
83 ans ! »​  Pascale Besses-Boumard u

76  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

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interprétation de l’artiste et susceptible d’évolutions de chantier ou pour raisons administratives. La représentation des prestations extérieures et intérieures est choisie uniquement à titre indicatif (se reporter à la notice descriptive
contractuelle). Kaufman & Broad Immo Société en Nom Collectif au capital de 1.000 euros - RCS Nanterre 479 289 233 - 17, quai du Président Paul Doumer - CS 90001 – 92672 Courbevoie Cedex - - 02/2024.
En couverture immobilier

Louer lors des JO, un pari sportif

Propriétaires et locataires tentent de profiter de l’affluence de Paris 2024.
Mais le jackpot ne sera pas pour tout le monde.

M
ine endormie, brosse à
dents à la main, une
vieille dame en robe de
chambre ouvre sa porte.
« Nous travaillons pour la mairie
de Paris, lance Jean, badge à la
main. Avez-vous constaté des nui-
sances liées à la présence d’Airbnb
dans votre immeuble ? » Il est à
peine 8 heures du matin lorsque les
agents de la Ville toquent aux portes
d’un immeuble de la rue Duhesme,
dans le XVIIIe arrondissement. Jean
fait partie de la trentaine d’agents
chargés de traquer les locations
meublées touristiques qui ne res-
pectent pas les règles. Le phéno-
mène n’est pas nouveau, mais la
municipalité veille au grain, car les
locations touristiques explosent à
l’approche des jeux Olympiques (du
26 juillet au 11 août) : + 85 % d’an-
nonces par rapport à l’automne der-

nier. Or pour mettre sa résidence
principale sur une plateforme type
Airbnb ou Abritel, il faut obligatoire-
ment s’enregistrer auprès de la mai-
rie. Et s’il s’agit d’une résidence se-
condaire, la ville a créé un véritable
parcours du combattant administra-
tif pour dissuader les propriétaires.
Ce qui ne freine guère les ardeurs :
Airbnb estime à au moins 130 000 le
nombre d’annonces de location en
Ile-de-France pendant les Jeux.
Prix en baisse
Corollaire de cette fièvre : les prix
aussi se sont envolés. Selon la plate-
forme spécialisée HostnFly, ils ont
été multipliés par 2,5 pendant la pé-
riode olympique. Mais les proprié-
taires ont peut-être les yeux un peu
plus gros que le ventre. Car selon les
chiffres de l’analyste AirDna, le tarif
moyen des annonces réservées à
Paris durant les JO s’élève à près de
300 euros par jour, près de deux fois
moins que le tarif moyen des an-
nonces encore disponibles, à 613 eu-
ros. « Les prix devraient baisser
dans les prochaines semaines »,
prédit-on à Airbnb. Selon une étude
Un pied-à-terre à prix d’or. Cet appartement de 550 m2, avec 8 chambres et une vue directe sur
la tour Eiffel, a été loué pour Paris 2024 à un riche visiteur indien. Loyer : 110 000 euros par semaine.
du cabinet Deloitte, commandée par
la plateforme, les hôtes franciliens
devraient tout de même percevoir
257 millions d’euros durant les Jeux,
soit en moyenne près de 2 000 euros
brut par logement.
Le fisc aussi va pouvoir en profiter.
« Les locations Airbnb sont des lo-
cations meublées assimilées à une
activité commerciale, rappelle
Olivier Parawan, associé au cabinet
Mayer Brown. Les revenus perçus
entrent donc dans la catégorie des
bénéfices industriels et commer-
ciaux (BIC) et sont imposés à ce
titre. » Pour les propriétaires, c’est
généralement le régime micro-BIC
qui s’applique, avec des abattements
spécifiques. Attention : pour les loge-
ments non classés en meublé touris-
tique, certainement les plus fré-
quents chez les propriétaires
opportunistes, les règles ont changé
suite à un couac du gouvernement.
Jusqu’au 31 décembre 2023, les par-
ticuliers pouvaient bénéficier d’un
Barnes
abattement fiscal de 50 % si la
somme des loyers perçus était infé-
rieure à 77 700 euros. Mais lors du
vote de loi de finances 2024, l’exécu-
tif a oublié de retirer un amende-
ment du Sénat. L’abattement est
donc tombé à 30 %, et ne concernera
plus que les chiffres d’affaires en
dessous de 15 000 euros.
Reste que les propriétaires ne sont
pas les seuls à vouloir profiter des
JO pour s’octroyer un complément
de revenu. Un locataire peut sous-
louer son logement sur Airbnb, à
condition d’avoir obtenu l’accord
écrit de son propriétaire pour un
bail signé après 2014. Sans cette
autorisation, il s’expose à des pour-
suites, voire une rupture du bail. De
plus, alors qu’un propriétaire peut
proposer son appartement à n’im-
porte quel prix, un locataire ne peut
pas empocher plus d’argent que le
montant de son loyer. Le jackpot
des JO n’est pas pour tout le monde.
 Léandre Herman-Kasse u

78  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 La ville en devenir

arcencielcreation.fr - ©Stoa
En couverture immobilier
Le Panthéon
(Paris Ve).

PARIS

Relâche générale
Chics ou populaires, tous les arrondissements voient leurs prix baisser.
L’offre s’élargit pour les acheteurs, mais les biens de qualité partent vite.

CENTRE
IIe
Opportunités
de choix Ier

C
harme de l’ancien, prestige
du patrimoine, emplace-
ment central… Malgré une IIIe
baisse de 4,6 % en un an,
les quartiers centraux du Vieux Pa-
ris, rive droite, restent chers : en Zoom sur…
moyenne 12 500 euros le m², selon
1er, 2e,
les Notaires du Grand Paris. Mais 3e & 4e arrondissements
Le Marais IVe
avec des transactions qui ont ralenti Dans ce quartier
Prix (€/m2) Meilleurs Agents touristique, Prix en euros par m 2

fin 2023, les acheteurs profitent deau 1erentre Hôtel2024

Février de ville, Bastille et moins de 8 500
prix décotés. « Qu’ils soient jeunes, République, la demande de
< 8500 studios et 2-pièces reste forte, de 8 500 à 9 500
seniors ou investisseurs, ils ont du de 9 500 à 10 500
surtout autour du marché des
choix et cherchent le meilleur8500rap- - 9500Enfants rouges et du métro de 10 500 à 11 500
port qualité-prix », confirme Natha- Saint-Paul. « Après une année de 11 500 à 13 000
lie Naccache, directrice de Keller
9500 - 10500difficile, l’activité reprend »,
plus de 13 000
Williams Fortis Immo. veut croire Aurore Civel, de
er
Côté Palais Royal et Louvre, le I10500 Laforêt Marais. Jusque-là, les
ar- - 11500
rondissement reste une valeur sûre, acquéreurs aisés français ou PRIX ET CARTES AU

11500 - étrangers achetaient comptant,

13000 1ER FÉVRIER 2024.
prisé d’une clientèle aisée, avec des en se décidant très vite lorsque
SOURCE : MEILLEURSAGENTS.

pointes à 15 000 euros le m² en bor- Martin, un studio de 31 m² en parfait

> 13000 le bien était refait à neuf. Les
dure des Tuileries, mais 11 000 euros vendeurs pressés consentaient état, dans un immeuble 1850, a été
le m² aux Halles. Les prix du IIe s’ef- jusqu’à 15 % de baisse. Rue des vendu 390 000 euros en huit jours. La
fritent, autour de 11 000 euros le m². Tournelles, un studio de 27 m2 demande est encore vive en limite
avec poutres et pierres a été
ImageBroker.com/Sipa

Vers Sentier et boulevard Sébasto- du Marais. Le IVe reste cher, à

pol, plus éclectiques, on trouve des
biens 1900 à rénover à partir de
9 000 euros le m². Les prix se réa-
e
justent aussi dans le III . Rue Saint-
négocié 325 000 euros, avec un
rabais de 20 000 euros car il Retrouvez sur
12 700 euros le m², sauf au sud : bou-
était à rafraîchir : une affaire. Challenges.fr levard Henri-IV, un 5-pièces de
Mais au-delà de 14 000 euros notre cote pour 145 m² à rénover, à 12 500 euros
le m2, les biens restent en stock. 1 500 villes. le m², ne se vend pas. A. Mo.

80  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

Zoom sur…

1 Gros-Caillou,e
rue Cler (VII )
So Parisian ! Adulée par
la clientèle anglo-saxonne,
la fourmillante rue Cler a tout
de la carte postale. A quelques
pas, les abords animés de
Saint‑Pierre du Gros-Caillou
n’ont rien à lui envier. Du
2 au 5-pièces, les appartements
classiques sont vendus entre
15 000 et 16 000 euros le m²
à rénover, de 19 500 à
20 000 euros le m² en très
bon état et 25 000 euros5e, et 6e & 7e
au‑delà pour des prestations
exceptionnelles. « Entre la ruePrix (€/m2)
de Grenelle et la rue Saint-
Dominique subsiste un esprit
village gaulois, épargné par la
crise, qui résiste », se réjouit
Stéphanie Abib-Visan, directrice
de Grenelle Immobilier. Là, un 9500
appartement au 2e étage a été
vendu 17 000 euros le m².
2 Vavin, Notre-Dame-
des‑Champs (VI )
e
A deux pas du Jardin du > 13000Le secteur regorge de
Luxembourg, Vavin affiche un
prix du mètre carré moyen à
12 900 euros, moins exorbitant
qu’à Saint-Sulpice ou à
Saint‑Germain-des-Prés.
1
VIIe
« Bien sectorisé pour
les écoles, avec ses rues
commerçantes, il comporte moins
arrondissements
de pied-à-terre et davantage
Meilleurs Agents
d’appartements familiaux »,
au 1er Février 2024
souligne Guillaume Carlier,
directeur de Dauphine Rive
< 8500
Gauche. L’un d’entre deux,
8500de-98 m², au 4e étage avec
9500
ascenseur, a été négocié
1,64 million d’euros, et un autre
- 10500
de 80 m², moins bien exposé,
888- 000
10500 11500euros, dans le secteur
de la rue Bréa.
11500 - 13000
3 Jardin des Plantes (Ve)
belles adresses, de la rue
Monge au quai Saint-Bernard,
de la rue Cuvier, le long du
Jardin des Plantes, à la rue
du Fer-à-Moulin, qui gagnent
VIe
2 3
Ve
à être connues.
Quentin Adam,
négociateur à Connexion
Immobilier, vante « des voies
calmes, comme la rue de La Clef Prix en euros par m2
et le début de la rue Lacépède, pour un logement
de plus de cinq ans
où le prix moyen du m², à
11 000 euros, est le moins élevé moins de 8 500
de l’arrondissement ». Les de 8 500 à 9 500
connaisseurs cherchent la rue de 9 500 à 10 500
Geoffroy-de-Saint-Hilaire et
ses appartements avec vue de 10 500 à 11 500
sur le parc du Muséum de 11 500 à 13 000
d’histoire naturelle. Parmi eux, plus de 13 000
un 160-m2 familial, au 1er étage
mais baigné de verdure, a trouvé
preneur à 1,89 million euros.

Ve, VIe, VIIe

Force d’attraction
L
es arrondissements cen-
traux de la rive gauche
restent chics… et chers.
Mais si le VIe demeure le
plus coté de Paris, à 13 800 euros
le m² selon les Notaires, le quartier
le plus onéreux de la capitale est
Saint-Thomas-d’Aquin, dans le
VIIe arrondissement, culminant à
16 500 euros le m², devant Saint-Sul-
pice et Saint-Germain-des-Prés, au-
tour de 15 700 euros le m².
A 12 000 euros le m² en moyenne, le
cœur du Quartier latin voit sa cote
remonter grâce à une clientèle de
report du VIe vers la rue des Ecoles,
où un 120-m² a été vendu 1,55 mil-
lion d’euros, ou vers les rues les
plus cossues du Val-de-Grâce. « Les
appartements bien situés sont ven-
dus au prix, avertit Benoit Benisti,
du Cabinet Jacques Azoulay.
Comme ce 2-pièces de 50 m² avec
balcon, près des quais, à rénover,
cédé à 670 000 euros. » La clientèle
étrangère apprécie la vue sur Seine,
qui se négocie à 20 000 euros le m².
Les logements estudiantins font
l’objet de transactions rapides,
comme ce studio de 17 m², à
Daubenton, vendu 195 000 euros, ou
cette chambre de bonne de 14 m²,
cédée 164 000 euros.
Cher romantisme
Dans le VIe, les inconditionnels de
Guynemer-Médicis et des alentours
du Luxembourg peuvent débourser
jusqu’à 30 000 euros le m². « Une
clientèle ancrée, note Loïc Dupré,
de Vaneau, mais pragmatique, qui
négocie. » Sur les quais ou à Saint-
Germain-des-Prés, pour une vue
romantique sur la place, on
débourse jusqu’à 35 000 euros le m².
« Les familles cherchent de 70 à
120 m², avec au moins 2 chambres,
pour un budget compris entre 1 et
2 millions d’euros », constate Guil-
laume Carlier, de Dauphine Rive
Gauche.
Dans le VIIe, une clientèle haut de
gamme, souvent internationale ou
d’expatriés, convoite les vastes ap-
partements autour du Champ-de-
Mars et des Invalides ou les hôtels
particuliers du côté des Saints-
Pères. Le mètre carré a baissé de
plus de 6 %, en un an, une évolution
relativisée par Iris Tang, directrice
de l’agence rive gauche Emile Gar-
cin : « Les prix doivent être cohé-
rents avec les caractéristiques du
bien, mais les appartements avec
des très belles prestations conti-
nuent d’augmenter. »  Nicole Gex u

14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  81

En couverture immobilier

VIIIe, XVIe, XVIIe

L’atout de la carte scolaire

T
out les arrondissements de
l’Ouest restent une valeur
sûre pour les couples avec
enfants. Les bonnes écoles
privées et publiques, la proximité du
bois de Boulogne et l’accès facile
vers la Normandie pour le week-end
constituent des atouts solides. Dans
le VIIIe, les familles ciblent le sud
des stations Courcelles, Monceau et
Villiers de la ligne 2 du métro, pour
des tarifs compris entre 12 500 et
14 500 euros le m2. « Le marché est
un peu plus actif depuis janvier,
grâce aux acheteurs du quartier à
la recherche d’appartements de 2 ou
3 chambres », constate Elodie
Lacarrière, de Junot Monceau. Un
peu plus loin, le quartier Hoche-
Faubourg-Saint-Honoré plaît aussi :
au 3e étage d’un bel immeuble, un
146‑m2 en parfait état a été vendu
2,5 millions d’euros, soit 17 000 eu-
ros le m2. Saint-Augustin est en
revanche moins familial. Les clients,
souvent plus âgés, déboursent
jusqu’à 14 500 euros le m2 pour s’ins-
taller à une belle adresse.
Villages prisés
Dans le XVIIe, les familles privilé-
gient les beaux immeubles hauss-
manniens de la plaine Monceau et
des Ternes. « Les prix y varient de
11 000 à 13 000 euros le m² », pré-
cise Antoine Duteil, à Imax. Ils sont
inférieurs à proximité des boule-
vards extérieurs, moins recherchés,
sauf en cas de belles prestations.
Boulevard Pereire, côté place de
Wagram, un 140-m2 en bon état avec
vue sur la tour Eiffel a trouvé pre-
neur à 1,62 million d’euros, soit
11 500 euros le m2.
Les villages d’Auteuil et de Passy,
dans le XVIe, attirent les foyers dési-
rant scolariser leurs enfants à
­Janson-de-Sailly, Jean-Baptiste-Say,
Franklin ou Saint-Jean-de-Passy.
« Le marché est un peu plus dyna-
mique pour les appartements fami-
liaux entre 1,5 million d’euros et
2,5 millions d’euros », remarque
Bérénice Miliotis, de Victor Hugo
Immobilier. La clientèle du village
de Passy rajeunit : « Nous voyons de
jeunes couples ayant grandi dans
le secteur qui, après avoir revendu
leur start-up, viennent acheter de
grands appartements de plus de
200 m2 », note Roger Abecassis, de
Consultants Immobilier. Le quartier
Foch-Pergolèse (de 11 000 à
12 500 euros le m2 pour les biens
standards), plus éloigné des écoles
et des commerces, est moins re-
cherché.  A. L.
1

Zoom sur…
XVIIe

1 Batignolles (XVIIe) Sainte‑Marie. Rue d’Edimbourg, 2

« Avec ses immeubles
de moins belle facture et ses
nombreuses petites surfaces,
les Batignolles résistent moins
bien que la plaine Monceau et
Ternes à la baisse du marché »,
note Thomas Bertin, de Laforêt.
Les prix s’élèvent désormais
à 10 000 euros le m2 contre
12 000 euros le m2 il y a deux
ans. « Nous avons un peu plus
d’appels depuis le début de
l’année, en particulier pour les
petits appartements »,
note toutefois Antoine Duteil,
à Imax. Rue des Batignolles,
un 2-pièces de 32 m2 à rafraîchir
a été vendu 345 000 euros,
soit 10 800 euros le m2. Les
rues les plus cotées sont celles
autour de la place du
Docteur‑Felix-Lobligeois.
2 Quartier de l’Europe
(VIII )
e
Avec des prix compris entre
11 500 et 13 500 euros le m2,
ce secteur reste prisé par
les familles, notamment
autour de la rue de Naples, où
se trouve l’école privée Fénelon-
un 178‑m2 au 2e étage d’un
très bel immeuble haussmannien
a été vendu 2,2 millions d’euros,
soit 12 400 euros le m2.
La rue de Rome est cependant
moins cotée (10 000 à
12 000 euros le m2) tout 3
comme la proximité immédiate
de la gare Saint-Lazare.
3 Victor-Hugo (XVI )
e
Les prix oscillent VIIIe
entre 11 500 euros
et 12 500 euros le m2,
mais peuvent atteindre Prix en euros par m2 8e,
16 000 euros le m2 XVIe pour un logement
de plus de cinq ans
pour les très beaux
appartements clés en moins de 8 500
main refaits à neuf. de 8 500 à 9 500
Le quartier intéresse de 9 500 à 10 500
les familles mais comme les avenues
aussi les acheteurs Victor-Hugo, Henri-Martin de 10 500 à 11 500
étrangers, et Georges-Mandel », de 11 500 à 13 000
notamment constate Bérénice Miliotis, plus de 13 000
libanais et de Victor Hugo Immobilier. Rue
asiatiques, à de Longchamp, côté Victor-Hugo,
la recherche un 200-m2 en très bon état
d’un pied-à- au 4e étage d’un immeuble
terre. « Ils haussmannien a trouvé preneur
privilégient les pour 3,2 millions d’euros,
belles adresses soit 16 000 euros le m2. u

82  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

En couverture immobilier

IXe, XVIIIe

Un palier en dessous
D
e place de Clichy à Roche-
chouart, les prix ont bais-
sé de 6,7 % en deux ans
dans le IXe arrondisse-
ment, selon la Chambre des notaires
de Paris. « On retrouve les valeurs
de 2018, estime Paul Baron, de
l’agence Century 21 Quartier des
Théâtres. Les ventes au-dessus de
11 000 euros le m² sont devenues de
plus en plus rares, alors qu’avant,
c’était une moyenne. » Dans les très
cotés Saint-Georges et Trinité, les
prix restent élevés malgré cette ten-
dance. Rue La Bruyère, un 40-m² en
bon état au 4e étage avec ascenseur
a trouvé preneur pour 525 000 euros,
soit 13 100 euros le m². Si le centre de
l’arrondissement est prisé pour la
qualité de ses établissements sco-
laires et ses commerces, au nord-est,
« la rue Marguerite-de-Roche-
chouart, plus abordable que la très
branchée rue des Martyrs, avec au-
tant de bons commerçants, fait
maintenant partie des adresses re-
cherchées », pointe Alain Montaut,
de l’agence David Immobilier. Pour
faire une bonne affaire, « il faut oser
se lancer dans de gros travaux »,
assure Paul Baron. Rue de Clichy, un
111‑m² au 3e étage à réhabiliter entiè-
rement a été vendu 970 000 euros,
soit 8 700 euros le m². Initialement
affiché à 1,15 million d’euros, il a mis
plus de six mois à trouver preneur.
Abbesses en baisse
Avec une chute de 7,4 % en un an
selon MeilleursAgents, le XVIIIe fait
partie des arrondissements où les
prix ont le plus baissé. Aucun sec-
teur ne fait exception, pas même les
quartiers ultracotés des Abbesses,
de Lamarck-Caulaincourt ou de
Montmartre. « Aux Abbesses, on
trouve des appartements en état
correct entre 11 000 et 12 000 euros
le m² », indique Brice Moyse, direc-
teur d’Immopolis. Rue de Ravignan,
un 2‑pièces de 39 m², en dernier
étage avec poutres apparentes et
une belle hauteur sous plafond, a
trouvé preneur pour 500 000 euros,
soit 12 800 euros le m². « Il aurait
pu être vendu entre 13 500 et
14 000 euros le m² il y a deux
ans », estime-t-il. Autour de la mai-
rie, près de Jules-Joffrin, les prix
sont plus abordables, « sous la
barre des 10 000 euros le m² », pré-
cise Alain Montaut. Rue Boinod, un
2‑pièces de 42 m² au 5e étage sans
ascenseur s’est négocié à 8 600 eu-
ros le m². Au sud, « les quartiers
d’apparence moins sexy comme
Ramey, Barbès et Château-Rouge
permettent de faire de super af-
faires », ajoute Talita Denize, de
l’agence Immopolis Ramey. A Bar-
bès, pour « le charme des extraor-
dinaires immeubles en pierre de
taille, il faut compter 8 000 euros
le m² en moyenne », précise Alain
Montaut. Margaux Gable

Zoom sur…

1 Place 66 m² au 2e étage avec

de Clichy (IXe) ascenseur et quelques travaux
XVIIIe Depuis le début à prévoir à 10 800 euros le m².
des travaux de
2 Le village Ramey (XVIII )
e
réaménagement de
la rue de Clichy, réduite Après avoir vu ses prix
à une seule voie de s’envoler « d’au moins 25 % en
circulation, le quartier a quatre ans », selon Talita Denize,
le vent en poupe. « Même si d’Immopolis, le quartier « revient
la réhabilitation n’est pas finie, à la normale : le mètre carré
2 voir cet axe de circulation s’y vend aujourd’hui 8 000 euros
devenir plus calme séduit déjà en moyenne, et on peut atteindre
les acheteurs », note Paul Baron, les 10 000 ou 11 000 euros si
de Century 21. Avec la proximité le bien est exceptionnel ». Rue
du lycée Condorcet et ses Lambert, un studio de 16 m²
1 logements de 5-pièces ou plus, à rénover entièrement a été cédé
le quartier est prisé des 139 000 euros, soit 8 700 euros
Prix en euros par m2 familles. Mais 9eil ne
& fait
18epasarrondissements
le m². « Des prix que l’on n’avait
pour un logement
de plus de cinq ans exception à la baisse pas vus depuis longtemps »,
des prix.Meilleurs
Prix (€/m2) Agents
Rue de Clichy, un 6-pièces
au 1erdeFévrierremarque
2024
Brice Moyse,
moins de 8 500 164 m² a changé de propriétaire d’Immopolis. A mi-chemin entre
de 8 500 à 9 500 pour 1,65 million d’euros, après Montmartre et Château-Rouge, le
IXe de 9 500 à 10 500
< 8500
une décote de 300 000 euros quartier est un « parfait mélange
de 10 500 à 11 500 en deux mois. « Dans8500 - 9500 des deux », estime-t-il. Le secteur
le même
immeuble, un 150-m² avait été attire les jeunes qui n’ont pas
de 11 500 à 13 000 vendu 1,72 million d’euros les moyens d’acheter aux
plus de 13 000 9500 - 10500Abbesses. D’autant qu’il regorge
en 2020 », compare Paul Baron.
Bien desservi par le métro, le de studios et de petits 2-pièces.
secteur a séduit des 10500
Lyonnais - 11500Rue Custine, des primo-
pour un pied-à-terre : rue Ballu, accédants ont acheté un 33-m²
11500de- 13000en bon état à 355 000 euros.
ils ont acheté un 3-pièces u

> 13000
84  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
 D U M O B I L I E R À L’ I M M O B I L I E R

La culture
de l’expertise

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En couverture immobilier
Détente à géométrie variable
P
artout, les ventes sont sou-
mises à négociation. Dans
le Xe, « entre le prix affiché
et le prix de vente, on a
une différence de 15 à 20 % », note
Frédéric Fleury, de l’agence Laforêt
Paris 10. Des Grands Boulevards au
canal Saint-Martin en passant par
République, la partie sud reste de-
mandée. « Mais alors que les prix
y dépassent les 10 000 euros le m²,
ils peinent à atteindre les 8 000 eu-
ros le m² au nord », précise Benja-
min Meghnagi, d’Orpi Invest Immo.
Gare de l’Est et Louis-Blanc sont
privilégiés par les petits budgets et
les investisseurs. Au métro Louis-
Blanc, un 5-pièces de 117 m² avec
parquet, moulures, cheminées et
balcon a été vendu 955 000 euros à
un investisseur souhaitant en faire
deux appartements.
Zoom sur…
1 Canal Saint-Martin (X )
e
« Un type de logement ne
connaît pas la crise dans le Xe :
l’appartement en étage élevé avec
vue sur le canal Saint-Martin »,
confie Frédéric Fleury, de Laforêt.
Les achats se font au coup
de cœur : au nord, un couple
a signé pour un 70-m²
à 750 000 euros, avec
150 000 euros de travaux, dans
un immeuble des années 1970.
L’atout principal : sa vue
imprenable sur Paris, le canal et
le Sacré-Cœur. Malgré les prix
élevés, ce quartier vivant plaît
pour un premier achat. Au nord
du quai de Valmy, un primo-
accédant a acheté un 2-pièces
de 37 m² avec vue sur le canal
pour 380 000 euros.
2 Parmentier,
Oberkampf (XIe)
Avec la piétonnisation de la rue
Oberkampf, le quartier s’offre
un nouveau visage. « Le passage
augmente, on s’attend à ce que
les demandes aussi », se réjouit
déjà Philippe Thomas, de
Fredélion. « Cette zone plaît pour
ses squares, c’est le seul poumon
vert », précise Samia Bass. Avec
sa vie nocturne, le coin attire
86  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
Xe, XIe, XIIe
Dans le XIe arrondissement, « on a de l’agence Fredélion Oberkampf.
presque perdu 1 000 euros par m², Au métro Ménilmontant, un primo-
estime Samia Bass, directrice de accédant a acheté un studio de
trois agences Century 21. A Bastille, 18 m² au 6e étage sans ascenseur
le m² se vend maintenant entre pour 163 000 euros.
10 000 et 11 000 euros ». Des prix
similaires à République, Oberkampf Qualités payantes
ou Parmentier. « Mais si un bien a Le XIIe propose des prix « plus rai-
toutes les qualités recherchées, il se sonnables », pointe David Muller.
vend encore vite et cher », modère Les transactions dans les quartiers
David Muller, de l’agence Villaret branchés, de Bastille à Aligre et
Aligre. Boulevard Voltaire, un 85-m² Faidherbe-Chaligny, « dépassent les
au 9e étage d’un immeuble des an- 10 000 euros le m² », ajoute-t-il.
nées 1970, avec balcon et vue sur « Les appartements familiaux de
tout Paris, a été vendu au prix de- Ledru-Rollin et de la gare de Lyon
mandé, 1,07 million d’euros, en une sont prisés et se vendent cher »,
visite. Entre le nord et le sud, « on note de son côté Samia Bass. Dans
peut avoir un écart de 2 000 euros la rue Parrot, un 5-pièces de 135 m²
le m² », souligne Philippe Thomas, a été vendu 1,4 million d’euros. Dau-
mesnil, Bel-Air ou Picpus, secteurs
plus abordables, « plaisent aux fa-
milles pour leur verdure et leurs
avenues aérées », poursuit Edouard
Manvelyan, de Century 21 Michel
Xe Bizot. Rue de la Durance, un couple
1 avec enfant a acheté un 3-pièces de
60 m² pour 495 000 euros, soit
les jeunes. 8 200 euros le m².  M. G.
Rue Neuve-
Popincourt, un
primo-accédant a
acheté un 2-pièces de
2
33 m² 330 000 euros. La forte
présence étudiante séduit les
investisseurs, même s’ils sont Prix en euros par m2
« moins nombreux ces derniers pour un logement
mois », dit Philippe Thomas. de plus de cinq ans
Rue de Nemours, un studio de XI e
moins de 8 500
32 m², au 5e sans ascenseur
de 8 500 à 9 500
avec travaux, a été cédé
310 000 euros pour être loué. de 9 500 à 10 500
de 10 500 à 11 500
3 Aligre (XII )
e
3 de 11 500 à 13 000
En plein cœur du dynamique
plus de 13 000
quartier des Quinze-Vingts,
« Aligre draine une clientèle
de jeunes mais surtout de fidèles
qui ne veulent pas en partir »,
note David Muller, de Villaret
Aligre. Une locataire de la rue
Crozatier y est devenue XIIe
propriétaire d’un 50-m² au
4e étage pour 600 000 euros.
En plus de son marché et de
ses restaurants, Aligre profite de
la proximité de la gare de Lyon.
Près du square Trousseau, un
studio de 22 m² au 7e étage
d’un immeuble haussmannien
a été vendu 305 000 euros,
pour un pied-à-terre. u
 En couverture immobilier

XIIIe, XIVe, XVe

Accalmie du nord au sud

T
rois arrondissements au
fonctionnement similaire.
Tout au long de la ligne 6
du métro, les prix oscillent
de 9 000 à 11 000 euros le m², par
exemple à Commerce, La Motte-Pic-
quet (XV e), Daguerre (XIV e) ou
Croulebarbe (XIIIe). Plus au sud, les
prix baissent en se rapprochant du
périphérique. Au nord, la proximité
des beaux quartiers assure attracti-
vité et tarifs au m2 à cinq chiffres.
Dans le XVe, « sur les avenues de
Suffren ou de Breteuil, secteur sur-
nommé “le petit VIIe”, les prix
peuvent atteindre 14 000, voire
15 000 euros le m² », confirme Fan-
ny Bardon, directrice de Vaneau
Sèvres-Lecourbe. « Sur les biens
familiaux, pour des budgets entre
700 000 et 2 millions d’euros, on
voit tout de même moins de parti-
culiers », relève Sandrine Duma-
rest, de Dumarest Immobilier. La
négociation est de mise, la main aux
acheteurs. Ainsi ce duplex rue du
Hameau, de 176 m² avec 4 chambres,
vendu 1,595 million d’euros malgré
son bon état et son agréable ter-
rasse : « Soit 9 000 euros le m². Pré-
Covid, il serait parti pour au
moins 10 % de plus », indique-t-elle.
Déblocage en cours
En ce début d’année, le marché re-
prend petit à petit des couleurs : les
vendeurs ont compris qu’il leur fal-
lait revoir leurs prétentions à la
baisse tandis qu’une partie des ac-
quéreurs est de retour. Dans le XIVe,
« entre Alésia et porte d’Orléans,
vous pouvez acheter à 7 000 euros
le m². Avec des travaux, mais tout
de même, c’était impossible aupa-
ravant », observe Nathalie Biguet,
de Foncia Plantes. Derrière ces va-
leurs variant du simple au double, la
tendance est à la baisse depuis deux
ans, autour de - 10 %.
Côté XIIIe, les primo-accédants,
auparavant nombreux, peinent à se
frayer un chemin. « Nous voyons
surtout des familles qui vendent
pour acheter, et peu d’investis-
seurs », précise Galith Sellam, gé-
rante de Fredélion Butte-aux-
Cailles. Sur l’ensemble des trois
arrondissements, l’investissement
locatif est loin d’être au beau fixe.
Les passoires thermiques séduisent
les marchands de biens : « Ils
achètent comptant, avec des offres
très basses, aux vendeurs les plus
contraints », souligne Eric Ber-
nard, directeur de Guy Hoquet Plai-
sance Pernety.  Laura Makary

Zoom sur…

1 Montparnasse (XV )
e
Longtemps délaissé, ce
quartier retrouve de l’intérêt.
« De nombreux Parisiens, retraités
ou actifs, ont investi après le
confinement dans des résidences
secondaires dans l’ouest de la
France et veulent garder un pied-
à-terre à Paris. J’ai des demandes
nouvelles dans ce secteur, alors
qu’il était moins attractif
auparavant », remarque Sandrine
Dumarest, de Dumarest
Immobilier. Résultat : des
recherches de 2- et 3-pièces à
proximité de la gare, avec des
prix qui se maintiennent autour
des 10 000 euros le m².
2 Porte de Vanves (XIVe)
« C’est là qu’il est possible
de faire de bonnes affaires !
De nouvelles infrastructures y ont
été construites, des immeubles
rénovés… », estime Eric Bernard,
1
de Guy Hoquet. Il cite ce 70-m²
mis en vente à 495 000 euros,
calme, avec terrasse et vue
sur jardin. « Il y a des travaux à
prévoir, mais il aurait pu partir
à 1 500 euros de plus le m²
avant la crise. » Nathalie Biguet,
de Foncia Plantes, abonde :
« Square Auguste-Renoir, on
peut vendre maintenant sous
la barre des 7 000 euros le m²,
voire à 6 500 euros… »
3 Saint-Marcel (XIII )
e
En dessous des boulevards
de Port-Royal et Saint-Marcel,
la demande est là. « Nous
récupérons la clientèle du Ve, qui
accepte d’en sortir pour
3 de plus de cinq ans
acheter moins cher, mais sans
trop s’éloigner », relève Charles
Bouguet, directeur de l’agence
Moriss Tolbiac. Le secteur
reste au-delà des 10 000 euros
du m². Comme pour ce 2-pièces
de 46 m² rue des Wallons,
au 6e étage d’un immeuble
haussmannien, avec ascenseur
et vue dégagée : malgré des
travaux à prévoir, il a été vendu
490 000 euros. « Ce bien loué
depuis vingt ans a été acheté
par une avocate pour sa première
résidence principale, avec 50 %
d’apport, afin d’absorber les taux
élevés. » Une configuration
assez typique en ce moment
dans le quartier.
Prix en euros par m2
pour un logement

moins de 8 500
XVe XIIIe de 8 500 à 9 500
de 9 500 à 10 500
2 de 10 500 à 11 500
de 11 500 à 13 000
plus de 13 000

XIVe u
, 14e & 15e arrondissements
Prix (€/m2) Meilleurs Agents
88 
au 1er CHALLENGES
Février 2024N°821 - 14 MARS 2024
En couverture immobilier

XIXe, XXe

Ouverture tous azimuts

D
epuis janvier, le marché
reprend des couleurs
dans ces arrondisse-
ments, toujours les
moins chers de la capitale, ciblés
par les primo-accédants et les fa-
milles qui veulent rester à Paris
mais souhaitent plus de sur-
face. « Las d’attendre, les acqué-
reurs reprennent leurs projets tan-
dis que les vendeurs commencent à
devenir raisonnables et plus réac-
tifs aux négociations », constate
Benoît Martin, de Laforêt. Les 2- ou
3-pièces restent au cœur des re-
cherches. Dans le XIXe, les apparte-
ments se négocient autour de
8 000 euros le m² selon Meilleurs­
Agents, en recul de 6 % en un an.
Ainsi, rue de Romainville, un
3-pièces de 1970, de 70 m² avec par-
king, a été vendu 550 000 euros.
Pour pouvoir s’offrir une maison
dans les quartiers de la Butte-Ber-
geyre ou la Mouzaïa, il faut prévoir
au moins 1 million d’euros, mais les
offres sont rares. A la Mouzaïa, une
maison de 1930 rénovée, de 80 m²
loi Carrez et 125 m² habitables, do-
tée de deux terrasses, a séduit des
habitants du Xe arrondissement
pour 1,02 million d’euros.
Placements intéressants
Les prix du XXe restent relativement
stables, à 8 487 euros le m² en
moyenne. Le secteur autour du
Père-Lachaise attire une clientèle
jeune qui, pour être proche de la rue
Oberkampf, connue pour son am-
biance festive mais devenue chère,
n’hésite pas à débourser 10 000 eu-
ros le m². Tel ce couple qui a mis la
main sur un 3-pièces de 58 m²
de 2010, avec balcon, pour
600 000 euros. Le marché locatif
est quant à lui totalement satu-
ré. « Pour un dossier, nous re-
cevons plus de 200 contacts,
contre une dizaine aupara-
vant », déplore Sacha Harosch,
de l’agence Optimum Orpi.
Avec leurs tarifs bas, les deux ar-
rondissements offrent parmi les
meilleurs placements de la capitale,
avec un rendement brut de 4 et 5 %,
contre 3 % en moyenne. Comme ce
2-pièces de 1970 boulevard de Cha-
ronne, de 32 m² avec vue sur des
jardins, négocié 285 000 euros et
proposé à la location à 1 150 euros
par mois, soit 4,8 %. Néanmoins,
« aujourd’hui, c’est moins la ren-
tabilité qui motive les investis-
seurs que la qualité du bien (der-
nier étage, traversant, calme, vue)
et la plus-value potentielle », re-
marque Sacha Harosch. Afin d’avoir
une plus grande flexibilité, de plus
en plus d’investisseurs optent pour
le bail mobilité, d’une durée maxi-
mum de 10 mois, non soumis aux
exigences du DPE. Certains
proposent des baux de
8 mois ou moins, échap-
pant ainsi à l’encadre-
ment des loyers.
 Caroline Mathat

XIXe
Zoom sur…
1
1 Ourcq, Laumière (XIXe) 2 Télégraphe (XXe)
Entre La Villette, le canal de La clientèle du quartier
l’Ourcq et les Buttes‑Chaumont, Jourdain, très prisé mais
ce secteur est plébiscité, aux prix au m2 souvent
tant par les artistes que par inaccessibles, se reporte vers
les familles. « Que ce soit l’écrin Télégraphe, quartier en devenir,
de verdure du parc des avec ses deux lignes de métro 2
Buttes‑Chaumont, le port de (3 bis et 11). « Elle continue
plaisance sur le canal ou le parc à bénéficier des commerces
de la Villette où se croisent la réputés de la rue de Belleville
culture, les sciences et les jeux, et y obtient plus de mètres carrés
tout peut se faire à pied », affirme sans changer les enfants
Benoît Martin, de Laforêt. Au d’école », explique Sacha
19e, & 20e arrondissements
plus près des Buttes‑Chaumont, Harosch, d’Orpi. Rue Pelleport,
le mètre carré atteint facilement au dernier étage d’un immeuble
10 000 euros. Rue Prix (€/m2)
Manin, un bel Meilleurs Agents
de 1970, un 3-pièces de 70 m²
appartement familial dans au avec terrasse,
un1er Février 2024 présentant
immeuble 1900, de 170 m² avec un DPE D, a été acheté Prix en euros par m2
balcon filant, DPE F, a trouvé 650 000 euros. A l’est, pour un logement
< d’euros,
8500 vers la porte des Lilas et de plus de cinq ans
preneur pour 1,5 million
mais avec 200 000 euros de dans les rues proches du moins de 8 500 XXe
travaux à prévoir. Il faut se diriger périphérique, le mètre carré de 8 500 à 9 500
vers l’avenue Jean-Jaurès8500 pour - 9500
se négocie entre 7 200 et
de 9 500 à 10 500
trouver des biens entre 8 500 8 400 euros. Villa Dury-Vasselon,
et 9 000 euros le m². Au pied un 2-pièces rénové de 32 m² de 10 500 à 11 500
9500 - 10500
du métro Ourcq, un 2-pièces dans un immeuble des de 11 500 à 13 000
de 34 m² de 1930, DPE G, années 1930, avec un DPE plus de 13 000
a été vendu 302 000 euros noté F, a trouvé preneur pour
en deux semaines. 10500 - 11500 265 000 euros. u

11500 - 13000
90  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
 En couverture immobilier

Val-d’Oise

Seine-
Yvelines Saint-Denis
Hauts-
de-Seine
Val-de-
Marne
Seine-
et-Marne

Essonne

Le marché
en Ile-de-France
le-de-France
Avec des ventes en recul
de 25 % Agents
/m2) Meilleurs en 2023, toute
Prix en euros par m2
la région
u 1er Février 2024 a subi de plein au 1 er février 2024
fouet la hausse des taux
moins de 2 000
< 2000 d’intérêt. De la première
à la grande couronne, de 2 000 à 2 500
les prix se réajustent de 2 500 à 3 000
lentement, aussi bien
2000 - 2500 de 3 000 à 3 500
dans les secteurs
huppés de l’Ouest plus de 3 500
2500 - 3000
que dans les communes
plus populaires.
3000 - 3500
BANLIEUE

Onde négative
> 3500

Avec des transactions en chute libre, les prix ont baissé de 7 % en 2023.
Insuffisant pour les acheteurs franciliens, qui attendent ou négocient fort.

P
lus que les autres ré-
gions françaises, l’Ile-de-
France a subi de plein
fouet le ralentissement
du marché du crédit.
Sans possibilité d’emprunter et téta-
nisés par la hausse des taux d’inté-
rêt, les acquéreurs se sont raréfiés :
selon le bilan dressé par les Notaires
du Grand Paris, avec moins de
140 000 transactions, les ventes de
logements anciens ont plongé de
25 % l’an dernier. « Sur un an, les
ventes d’appartements ont chuté de
22 % à Paris, 24 % en petite cou-
ronne et 10 % en grande couronne,
observe Elodie Frémont, présidente
de la commission des statistiques
immobilières des Notaires du Grand
Paris. C’est pire pour les maisons :
- 28 % en petite couronne et en
grande couronne. »
Accentuation à venir
Retrouvez sur
Challenges.fr
Les prix, eux, n’ont pas baissé dans
notre cote pour les mêmes proportions : de - 6 %
1 500 villes. à - 8 % selon la typologie des biens et
les départements. Parfois plus : les
prix des appartements ont reculé de
10,8 % à Nanterre et 11,5 % à Auber-
villiers, ceux des maisons de 10,8 % à
Rueil-Malmaison et 9,1 % à Champi-
gny-sur-Marne. Le phénomène de-
vrait s’accentuer encore : « Les ven-
deurs doivent intégrer que pour
conclure, ils doivent baisser leurs
PRIX ET CARTES
AU 1ER FÉVRIER 2024. prix, souligne Guénaël Chalut-
SOURCE :
MEILLEURSAGENTS. Natal, notaire à Moret-sur-Loing, car
l’accalmie sur les taux d’intérêt n’a
pas permis de redonner du pouvoir
d’achat aux acquéreurs. »
Cette nouvelle donne est bien illus-
trée avec ce 4-pièces récent près de
la Défense, à Nanterre, qui frôlait les
700 000 euros avant la crise sanitaire
et se négocie désormais autour de
545 000 euros. La hausse des taux
pénalise plus les maisons. « A men-
sualités constantes, prévient Elodie
Frémont, la perte de capacité
d’achat en deux ans se traduit par
une baisse de 9 m² pour les appar-
tements et près de 17 m² pour les
maisons. » Une bonne explication
de l’attentisme des acquéreurs, qui
ne peuvent s’offrir le logement dont
ils rêvent. Vi. G. 

92  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

En couverture immobilier
Ecoulement mesuré
ASNIÈRES-SUR-SEINE
6 626 euros le m²
8 436 euros le m²
Le marché sort doucement de sa tor-
peur. « Les acheteurs commencent
à revenir depuis que les taux de
crédit ont cessé de monter, avec
une nette préférence pour les biens
présentant un bon DPE », constate
Sébastien Petra, de Bracke Immobi-
lier. S’installer dans le quartier Bac-
Gare-Mairie nécessite un budget
compris entre 6 000 et 7 000 euros
le m2, voire 7 500 euros le m2 pour
les logements en parfait état. Tout
près de l’avenue Flachat, un 3-pièces
de 57 m2, au 1er étage d’un immeuble
des années 1970 en pierre de taille,
a trouvé preneur pour 370 000 eu-
ros (soit 6 500 euros le m2). « Nous
avons beaucoup moins de de-
mandes de primo-­accédants, mais
les investisseurs sont présents, par-
fois avec un apport allant jusqu’à
50 % », note Olivier Decamus,
d’Imax. Dans le nord, entre Bois-­
Colombes et Gennevilliers, les ache-
teurs déboursent de 5 000 à 5 500 eu-
ros le m2. Les maisons du quartier
Bac restent recherchées, mais les
plus classiques, oscillant entre 1 et
1,5 million d’euros, souffrent tou-
jours des difficultés de financement
des acquéreurs.
NEUILLY-SUR-SEINE
10 368 euros le m²
12 544 euros le m²
Avec des prix en recul de 7,1 %
sur un an, selon MeilleursAgents,
Neuilly se réveille progressivement.
« Mais les appartements rares, en
plein centre, dans un bel environ-
nement et sans défaut, ne baissent
pas », constate Anne-Laure Antoine,
de Daniel Féau Neuilly. Autour de la
place Winston-Churchill, de la mai-
rie et des Sablons, il faut compter
10 000 à 12 000 euros le m2, voire
plus sur les belles avenues arborées.
Comme pour ce 4-pièces de 115 m2
à rénover, dans un immeuble 1880,
proche de la rue Madeleine-­Michelis,
cédé à 1,26 million d’euros. Les pe-
94  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
HAUTS-DE-SEINE
tites surfaces ne sont pas en reste.
« Depuis quelques semaines, nous
voyons de nouveaux clients à la
recherche d’un 3-pièces, du côté de
la mairie ou place du Général-Gou-
raud », indique Nicolas de Monpla-
net, d’Imax. Près de l’Hôpital améri-
cain, les acheteurs déboursent entre
9 000 et 11 000 euros le m2. Boulevard
de la Saussaye, un studio de 19 m2 a
trouvé preneur pour 185 000 euros
en une dizaine de jours. « La de-
mande reste forte pour les maisons,
mais les acquéreurs prennent plus
le temps de la réflexion », note Ca-
therine van Aal, de Barnes.
PUTEAUX
7 398 euros le m²
8 287 euros le m²
« Nous constatons un léger fré-
missement de la demande depuis
la fin 2023, surtout pour les appar-
tements, du studio au 3-pièces »,
BOULOGNE-BILLANCOURT
Terrasse grandeur nature
Proche du métro et du marché, ce 4-pièces
de 102 m² est situé au 3e étage d’une résidence
haut de gamme récente. Composé de 3 chambres,
d’une salle de bains et d’une douche indépendante,
il offre par ailleurs un séjour et une cuisine donnant
sur une terrasse bien exposée. Une cave et
deux places de parking complètent le bien.
Prix : 1,09 million d’euros.
indique Stéphane Hulot, de Guy
Hoquet. Les atouts de la ville restent
intacts, notamment en termes de
transports en commun, avec le tram
ou le train, et de proximité avec la
Défense, à moins de quinze minutes
à pied. Le marché demeure calme
pour les logements familiaux, les
acheteurs étant pénalisés par la
hausse des taux de crédit.
Dans le centre-ville, à République
ou dans le Vieux-Puteaux, les
appartements sont vendus de
7 500 à 8 500 euros le m2 dans les
immeubles récents, et de 6 000 à
6 500 euros le m 2 dans l’ancien.
En plein centre, dans un bâtiment
de 2005 du boulevard Richard-
Wallace, un 2-pièces de 50 m2 en
parfait état a trouvé preneur à
405 000 euros en un mois. « Les
grands ensembles des années 1970
sont boudés, car les charges y sont
élevées », constate Romain Tibi, de
Century 21 La Doyenne. Dans la ré-
sidence Bellerive, sur les bords de
Seine, un 3-pièces de 63 m2 proposé
à 450 000 euros avec cave et parking
a été cédé 415 000 euros en cinq
mois. Les quartiers des Bergères,
Barnes Boulogne
de Lorilleux et Boieldieu sont un
peu moins chers, à 5 500 euros
le m2 dans les grandes résidences,
et jusqu’à 8 000 euros le m2 pour les
immeubles récents.
NANTERRE
5 382 euros le m²
5 704 euros le m²
Après une année atone, l’activité
retrouve un certain souffle. « Il y
a un regain d’intérêt du côté des
acheteurs, même si les ventes sont
difficiles, observe Thomas Bertin,
de Laforêt. Nous revenons à un
marché avec du choix et un ré­
équilibrage des prix, au détriment
des biens avec défaut ou éloignés
de la gare. » Les studios et les 2- ou
3-pièces trouvent rapidement pre-
neurs. Ainsi ce 32-m², à 175 000 eu-
ros, dans un immeuble années 1930,
en face de la gare Nanterre-Ville,
qui a conquis un couple de jeunes
­primo-accédants parisiens. « Des ac­
quéreurs arrivent de Suresnes et de
Bracke Immobilier
Rueil avec, en perspective, 2030 et
le métro de la ligne 15 », constate
Ahlem Zebli, directrice de l’agence
Era Immobilier Nanterre.
Les ventes aux Terrasses de l’Arche,
près de la Défense, reprennent, mais
un 4-pièces qui s’arrachait à près de
700 000 euros se négocie aujourd’hui
autour de 545 000 euros. Au Mont-
Valérien, quartier pavillonnaire, une
maison années 1930 avec un jardi-
net, proposée à 580 000 euros, a été
cédée 550 000 euros. Au-delà de
600 000 euros, le financement est
difficile pour les classes moyennes.
BOULOGNE-BILLANCOURT
8 153 euros le m²
10 214 euros le m²
Dans la commune, des couples de
cadres cherchent des 3-pièces de
70 à 90 m², qui peuvent atteindre
10 000 euros le m² dans les rési-
dences récentes de Boulogne-Nord
ou de Rives-de-Seine, où un 70-m²
a été cédé 727 000 euros. D’autres
ciblent de vastes appartements haut
de gamme ou, biens plus rares, des
maisons familiales. L’une d’elles, de
115 m² avec jardinet, a été cédée
1,6 million d’euros près de Pont-
de-Saint-Cloud. « Les prix baissent
légèrement, note Valérie Le Roy Ma-
guin, directrice de l’agence Barnes
Boulogne, mais ils se main­
tiennent mieux ici qu’à Paris. »
ASNIÈRES-SUR-SEINE
Lumineux volumes
En parfait état, cette maison de 6 pièces se déploie
sur 141 m2 et possède un terrain de 320 m2.
Répartie sur trois niveaux, elle dispose de deux chambres
au 1er étage, et de deux autres au 2e étage.
Prix : 1,34 million d’euros.
Grâce à des apports familiaux d’au peu plus d’offres que de demandes,
moins 30 %, des primo-accédants un réalignement des prix se met en
parviennent à financer des 2-pièces place », reconnaît Julien Petron, du
à moins de 400 000 euros, comme ET AUSSI cabinet Bellevue. Soit une baisse de
ce 33-m² au Point-du-Jour vendu à Prix en euros 5 à 10 %, selon les biens.
260 000 euros, dans une résidence par m2 Dans les grands ensembles des an-
de 1960. « Après le Covid, le cri­ Clichy-la-Garenne nées 1960, dessinés par l’architecte
tère numéro un, c’était un espace 6 726 Fernand Pouillon côté Meudon-la-
extérieur ; aujourd’hui, c’est la 7 990 Forêt, les appartements se négo-
performance énergétique et les cient de 3 000 à 3 500 euros le m²,
Colombes
charges. Celles-ci ont augmenté 5 298 tandis que dans le Bas-Meudon, ils
de 10 % selon le type d’énergie : 6 223 s’évaluent de 6 000 à 7 000 euros
gaz, électricité ou fuel », explique le m². Les deux secteurs attirent les
Courbevoie
Gabriel Assedou, d’Era Immobilier. jeunes actifs pour un premier achat
6 837
Il évalue la baisse des prix en un 8 428
en couple. Plus cossu, Bellevue
an à 10 % : « Pour chaque vente, on séduit des foyers établis. Un 62‑m²
diminue le prix au moins une fois Issy-les- avec jardin privatif a été vendu
Moulineaux
et on renégocie. » 7 624 490 000 euros dans une résidence
8 724 de standing. « Depuis le Covid, il
MEUDON y a plus d’acquéreurs parisiens »,
5 512 euros le m² Clamart
constate Jonathan Grabowski, di-
7 951 euros le m² 5 795
6 831
recteur de l’agence Century 21 du
Cerné de parcs et par sa forêt, Meu- Château. Telle cette famille qui a
don reste unique. Les immeubles Malakoff déboursé 1,4 million d’euros pour
n’y dépassent guère quatre étages 6 590 une maison de 185 m² sur 500 m² de
7 315
et on rallie Paris en un quart d’heure terrain. Des pavillons ouvriers sont
grâce aux transports en commun. mis en vente de 800 000 à 1 million
« Depuis un an et demi, avec un d’euros.  A. L. et N. G. u
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  95
En couverture immobilier
Flegme olympique
SAINT-OUEN
6 141 euros le m²
7 021 euros le m²
La baisse générale des prix a aussi
sévi ici : - 4,4 % l’an dernier, selon
MeilleursAgents. Ce qui a ramené
le m² à 6 100 euros en moyenne
pour un appartement. « C’est un
juste retour à la normale, observe
Jérémy Karcy, directeur de l’agence
Era Immobilier. Ces cinq dernières
années, la ville a vu ses prix s’en-
voler. » « Les acheteurs reviennent,
précise Selim Mouhoubi, directeur
de l’agence Stéphane Plaza. Les 30
et 40 ans surtout, qui représentent
80 % de notre clientèle. Parisiens
pour la plupart, ils cherchent des
surfaces plus grandes et des es-
paces extérieurs. » Deux critères
que les logements de l’ancienne
ville ouvrière remplissent parfaite-
ment, tant elle a vu de construc-
tions neuves sortir de terre.
Les demandes ne se concentrent
plus uniquement sur le vieux Saint-
Ouen et la mairie : Garibaldi et les
Docks ont la cote. « Il faut compter
entre 7 000 et 7 500 euros le m²,
poursuit Selim Mouhoubi. Les bud-
gets plus serrés doivent miser sur
l’ouest, du côté de l’avenue Michelet,
entre 6 000 et 6 500 euros le m². »
Quid du village des athlètes ? « A
quatre mois des jeux Olympiques,
les appartements peinent à trouver
preneur, précise Souheil Yansi, co-
fondateur des Secrets de l’Immo.
Sur un programme de 88 loge-
ments, seuls 7 ont été achetés. De
7 500 euros le m² au départ, ils ne
sont plus qu’à 6 900 euros le m². »
ROMAINVILLE
5 454 euros le m²
4 813 euros le m²
« Les prix ont baissé depuis un an,
passant de 6 000 euros le m²
en 2022 à 5 000 euros le m² au-
jourd’hui. Ce qui permet un rééqui-
librage entre acheteurs et ven-
deurs », analyse Nenad Sisic,
directeur de l’Agence de Rêve. La
mise en service imminente de la
96  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
SEINE-SAINT-DENIS
ROMAINVILLE
Un terrain de jeu en ville
Au rez-de-chaussée d’une résidence de standing
construite en 2023, ce bel appartement de 74 m²
et 4 pièces est situé à deux pas de la place Carnot
et du métro. Composé d’un vaste séjour lumineux
dont les baies vitrées donnent sur un jardin privé
de 125 m², d’une cuisine ouverte, de 3 chambres
et de 2 salles d’eau, il est équipé d’un parquet et
répond à toutes les normes d’isolation.
Prix : 450 000 euros.
prolongation de la ligne 11 du métro
séduit bon nombre de Parisiens
prospectant les rues autour de la
place Carnot. « Moins cher, il y a le
quartier des Bas-Pays, poursuit-il.
On peut y trouver des 3-pièces entre
4 000 et 4 200 euros le m². » ET AUSSI
Avec ses allures de village, ses petits Prix en euros
commerces et maintenant des prix par m2
plus raisonnables, Romainville sé- Saint-Denis
duit. On y trouve de nombreux loge- 3 992
ments récents et neufs, car les pro- 3 126
moteurs ont construit à tour de bras Pantin
avec l’annonce du métro. « Heureu- 5 901
sement, cela se calme et les investis- 6 373
sements aujourd’hui se concentrent
Montreuil
davantage sur les infrastructures 6 095
comme les écoles, explique Malyk 5 945
Raissi, consultant au sein de
Le Raincy
L’Adresse. Les jeux Olympiques
4 172
intéressent quelques investisseurs : 4 249
pour prendre un exemple, j’ai ven-
du un 35-m² situé place Carnot à
185 000 euros, qui a ensuite été
aménagé en six couchages. »
Agence de Rêve
NEUILLY-PLAISANCE
3 957 euros le m²
3 921 euros le m²
Dans cette commune de 21 500 habi-
tants à l’ambiance provinciale, le
parc immobilier est composé de 42 %
de maisons. Longtemps épargnées
par la baisse des prix, elles ont enre-
gistré un fléchissement fin 2023.
Même si la fourchette reste large, de
2 400 à 6 000 euros le m². A l’image
des maisons, le reste du marché af-
fiche d’importantes différences de
prix, qui se sont creusées.
Le plateau d’Avron, éloigné du
RER A, marque le pas. « Il faut
compter 4 000 à 4 200 euros le m².
Plus on se rapproche de la gare et de
l’avenue Foch, plus les prix aug-
mentent pour atteindre, selon l’état,
5 500 euros le m² », illustre Souheil
Yansi, des Secrets de l’Immo. La ville
reste surtout demandée par les fa-
milles. « Souvent des secundo-­
accédants à l’apport conséquent,
poursuit Souheil Yansi. Plus exi-
geants qu’auparavant, ils privilé-
gient les logements près des trans-
ports, avec un bon diagnostic
énergétique. » Valérie Ferrer
 VAL-DE-MARNE

Diagnostic réservé
VINCENNES
8 969 euros le m²
10 953 euros le m²
Le marché est morose dans la ville
royale aux portes de Paris. La ligne 1
du métro, le RER A et le Bois ne suf-
fisent plus pour séduire les acqué-
reurs, malgré un recul des prix de
6,4 % en un an, selon les Notaires du
Grand Paris. L’an passé, une an-
nonce en ligne déclenchait quinze à
vingt appels, contre à peine cinq au-
jourd’hui, et les délais de vente sont
passés à trois mois. Comme pour ce
4-pièces traversant dans un im-
meuble de 1900, dans une rue calme
proche des commerces, du Bois et
du métro, classé E, avec 70 000 eu-
ros de travaux à prévoir, vendu
590 000 euros.
Les passoires thermiques subissent
une forte décote. Pour preuve, cette
studette de 14 m² notée G, au rez-de-
chaussée d’un immeuble 1920 au
pied du métro : affichée à 130 000 eu-
ros, elle a été achetée 100 000 euros,
soit 23 % de négociation. Après
10 000 euros de travaux, a minima,
pour passer en E, elle se louera
480 euros par mois, soit un rende-
ment brut de 5,2 %. « La simplifica-
Outre la proximité d’une gare, une
note maximale de E au DPE est es-
sentielle pour les acquéreurs. Un
100-m² de 2010, classé C, entre la
mairie et la gare, avec 30 m² de ter-
rasse et deux parkings, a vite été
vendu 820 000 euros. Les investis-
seurs, prétextant un paiement comp-
tant, font des offres parfois 30 % infé-
rieures au prix affiché sur les biens
en F ou G, décourageant les ven-
deurs qui préfèrent attendre des
jours meilleurs. « Pour une maison,
un mauvais DPE est moins rédhi-
bitoire », tempère Mathieu Samet,
de l’agence Orpi Berec. Dans Adam-
ville, une maison de 1960 en F, de
120 m² sur 211 m² de terrain, a
été négociée 620 000 euros, avec
100 000 euros de travaux à prévoir.
VITRY-SUR-SEINE
4 224 euros le m²
4 294 euros le m²
Malgré des prix abordables et l’arri-
vée de la ligne de métro 15 Sud pré-
vue en 2025, en plus du RER C et du
SAINT-MAUR-DES-FOSSÉS
Une meulière moderne
Sur un grand terrain de 478 m², cette maison de 127 m² datant
tramway T9, qui relie Paris à Orly
en traversant la ville, le marché est
plutôt calme. « Une majorité de la
clientèle vient du XIIIe arrondisse-
ment, qui se reporte ici tant pour
l’investissement que pour l’habita-
tion », constate Laurent Soula, de
l’Immobilière du Grand Paris. Les
ET AUSSI primo-accédants sont toujours pré-
Prix en euros sents, avec un budget autour de
par m2 200 000 euros. Un 3-pièces de 1980
Ivry-sur-Seine au pied des transports, de 37 m²
5 495 avec parking et balcon, classé E, est
5 124 parti pour 190 000 euros.
Maisons-Alfort Mais c’est l’investissement locatif
5 792 qui domine, dopé par des loyers
6 200 proches de ceux d’Ivry. Un 2-pièces
Cachan de 1940, de 45 m², DPE D, acquis
4 970 190 000 euros, se loue 900 euros par
5 654 mois. Les maisons de plus de 120 m²
sont très recherchées pour la colo-
cation. L’une d’elle, de 160 m², négo-
ciée 580 000 euros, a été aménagée
en six studios indépendants de 20 m²
pour un coût de 200 000 euros. Loués
700 euros mensuels, ils rapportent
6,4 % de rendement brut. C. M.

Stephane Bellunato/Agence Orpi Berec

tion du DPE au 1er juillet pour les de 1910 offre 3 chambres spacieuses avec dressing, un salon
surfaces de moins de 40 m² pour- lumineux avec cheminée et parquet d’origine, un grenier et un
rait changer la donne et marquer le sous-sol. Une grande terrasse, une cave à vin et deux parkings
(intérieur et extérieur) complètent ce bien au DPE de classe E.
retour des investisseurs et des
Prix : 1,08 million d’euros.
p­rimo-accédants », prévoit Charles
Nollet, d’Orpi PIF Immobilier.
SAINT-MAUR-DES-FOSSÉS
5 609 euros le m²
7 178 euros le m²
En un an, les prix ont reculé de 9 %,
selon MeilleursAgents, dans cette
ville au cœur d’une boucle de la
Marne desservie par quatre gares du
RER A et un accès direct à l’A4. De-
puis janvier, les visites ont repris et
un tiers de la clientèle vient de Paris.
Avec un stationnement aisé dans les
rues, avoir un parking n’est pas es-
sentiel. Aussi ce 3-pièces de 65 m² à
cinq minutes du RER, sans parking,
dans un immeuble 1960, a-t-il pu se
vendre 320 000 euros. u

14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  97

En couverture immobilier
Nouvelle démocratisation
VERSAILLES
7 706 euros le m²
9 421 euros le m²
« La baisse des volumes de vente
est de 15 %, avec des prix en repli
de 10 %, d’où une légère hausse du
nombre de biens disponibles sur
les trois derniers mois », analyse
Nicolas Fels, directeur du groupe
Century 21 Fels Immobilier, qui
entrevoit la reprise de l’activité.
Une partie des vendeurs commence
à entériner la baisse des prix. Dans
le quartier de Notre-Dame, le m² est
revenu à 8 000 euros en moyenne.
Dans un immeuble du xviiie siècle, à
Saint-Louis, un 55-m² refait à neuf
vient de trouver preneur pour
470 000 euros. « Les acheteurs ont
perdu 20 à 25 % de pouvoir d’achat
et attendent une baisse des prix de
cet ordre, ce qui est impossible,
observe Emmanuel du Rivau, res-
ponsable de l’agence Daniel Féau.
Les ventes devraient redémarrer
cette année, mais la correction va
se poursuivre. »
Pour trouver une maison, les fa-
milles se tournent vers les quartiers
de Montreuil (7 000 à 7 500 euros
le m²), Porchefontaine (6 500 à
7 000 euros le m²) ou Versailles-
Chantiers (5 500 euros le m²). Sur le
marché des petites surfaces, les in-
vestisseurs prennent le relais des
primo-accédants. Une catégorie de
biens rare dans la cité du Roi Soleil.
Le loyer d’un studio de 20 à 30 m² en
centre-ville s’affiche à plus de 30 eu-
ros le m².
SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
5 770 euros le m²
5 879 euros le m²
« Après le coup d’arrêt du qua-
trième trimestre 2023, les négocia-
tions sont de l’ordre de 5 %, re-
marque Antoine Rouzière, directeur
de l’Agence principale. Donc les
acheteurs reviennent, mais nous
sommes sur le fil. » Elsa Krouleff,
propriétaire de l’Agence royale, fait
la même observation : « Les prix
affichent une baisse de 5 % depuis
98  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
YVELINES
l’été. Les acquéreurs et les locataires
étaient attentistes l’année dernière,
mais nous notons un regain d’inté-
rêt depuis début janvier. »
La proximité du RER départit les
prix entre l’hypercentre (de 7 000 à ET AUSSI
9 500 euros le m²) et les quartiers Prix en euros
Bel-Air, Saint-Léger ou Schnapper par m2
(de 3 500 à 4 500 euros le m²). Rue Houilles
Thiers, un 90-m² en bon état, avec 4 811
un jardin privatif de 150 m² et vue 4 952
sur le château, a trouvé preneur à Maisons-Laffitte
850 000 euros. Près de la gare, un 5 698
55-m² dans une résidence des an- 7 800
nées 1970, en bon état, a été vendu Poissy
420 000 euros. Dans le secteur sau- 4 049
vegardé, les coûts de rénovation 4 497
énergétique peuvent rebuter les in- Rambouillet
vestisseurs. Certains, venus de l’ex- 4 163
3 532
térieur, se reportent sur de petits
appartements plus excentrés, dans
le neuf. Dans le futur écoquartier, le
programme neuf du Clos Saint-
Louis se négocie désormais sous la
barre des 12 000 euros le m².
VERSAILLES
Espace en majesté
Dans un immeuble du xviiie siècle, ce 3-pièces de
56 m² entièrement rénové, proche des commerces
et à huit minutes à pied de la gare de Versailles-
Chantiers, se compose d’un séjour lumineux et de
2 chambres. Une cave complète ce bien classé G.
Prix : 469 000 euros.
TRIEL-SUR-SEINE
3 387 euros le m²
3 238 euros le m²
« Les taux d’emprunt se sont ra-
doucis, mais les acquéreurs ne
sont pas forcément au rendez-
vous, déplore Serge de Oliveira, di-
recteur de l’agence La Résidence.
Les négociations sont plus dures et
peuvent aller jusqu’à 10 %. » Les
vendeurs ne sont pas prêts à fournir
un tel effort, alors les stocks
gonflent. Selon Serge de Oliveira,
les prix ont fléchi de 3 à 5 % sur trois
mois, en moyenne à 3 400 euros
le m² pour un appartement et
3 200 euros le m² pour une maison,
selon Meilleurs­Agents.
A dix minutes à pied de la gare, une
maison de 145 m² des années 2000,
notée D, sur 600 m² de terrain, a été
vendue 548 000 euros. Une autre de
237 m², bâtie en 2005 sur 1 400 m² de
terrain, a séduit un couple de retrai-
tés pour 970 000 euros. Les acqué-
reurs privilégient les DPE C ou D, et
acceptent une note F « si les tra-
vaux de mise aux normes ne sont
pas trop chers ». Agnès Séverin
Century 21 Fels Immobilier
u
 En couverture immobilier
VAL-D’OISE
Quartier libre
pour les acheteurs
CERGY
Studio pratique
A quelques minutes à pied
de la gare de Cergy-le-Haut,
ce studio de 30 m² est idéal
pour un investissement
locatif. Il se situe au
5e étage d’un immeuble
construit en 2011. Une
place de parking en sous-
sol complète ce bien.
Prix : 144 000 euros.
CERGY
3 253 euros le m²
2 991 euros le m²
Avec leurs étangs, leur petit port
artificiel et leurs maisons anciennes
en pierre, les quartiers du village et
du port de Cergy, qui longent l’Oise,
sont plébiscités par les familles.
Leur budget moyen : 450 000 à
500 000 euros pour dénicher une
maison de 3 ou 4 chambres. A l’est,
le secteur de la préfecture attire les
investisseurs, présents malgré la
hausse des taux d’intérêt. « La ville
regorge d’étudiants, idéal pour
faire des colocations », explique
Jessyca Toty, responsable de
l’agence Stéphane Plaza.
Les ménages les plus modestes et
les primo-accédants s’orientent
vers les Hauts-de-Cergy, à l’ouest.
Ici, il est possible de trouver une
maison de 100 m² à 300 000 euros.
« Les prix peuvent être encore plus
abordables au niveau du quartier
populaire de Saint-Christophe »,
conseille Marc Yalap, de l’agence
Re/Max My Immo. Le plus de Cer-
gy : la ville est desservie par le
RER A et la ligne H, via trois gares
différentes. Il faut compter une qua-
rantaine de minutes pour rejoindre
le centre de Paris.
100  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
SEINE-ET-MARNE
Sur des
montagnes
russes
SERRIS
5 051 euros le m²
4 238 euros le m²
Divisé en deux quartiers – celui de la
gare au nord et celui de Bourg de
Serris au sud –, Serris enregistre des
prix assez homogènes, en légère
baisse en 2023. « Les vendeurs ont
commencé à revoir leurs préten-
tions vers l’été 2023. On observe
une baisse des prix d’environ 5 %,
Agence Laforêt Cergy-le-Haut
rapporte Mickaël Pouliquen, respon-
sable d’agence au sein de Keymex. Il
faut compter près de 5 100 euros
le m² pour un appartement, contre
4 000 euros le m² pour une mai-
son. » Vers la gare Val-d’Europe, des-
servie par le RER A, on retrouve de
MONTMORENCY grands appartements, construits à
4 086 euros le m²
partir des années 1990. Des biens
4 199 euros le m²
aux architectures atypiques, comme
Faute de demande, les vendeurs ont l’illustre la place Toscane au style
été contraints de baisser les prix
en 2023 : MeilleursAgents enre-
gistre - 6,3 % sur les appartements et
- 8,4 % pour les maisons, pour un m²
moyen à 4 100 euros. « Plus vous ESSONNE
Connexion
descendez vers le bas de Montmo-
rency, plus les prix seront élevés »,
précise Florian Manella, directeur
de l’agence ­Manella-Merlini. Car les
acquéreurs cherchent à être au plus
près de la ligne H (reliant le centre
contrariée
de Paris en vingt minutes), qui
passe à Enghien-les-Bains, au sud CORBEIL-ESSONNES
de la ville. 2 372 euros le m²
2 284 euros le m²
Les ménages aux budgets plus res-
treints ou souhaitant se rapprocher Nichée le long de la Seine, la ville de
de la forêt s’orientent vers le quar- Corbeil-Essonnes séduit les ache-
tier du Haut. Une maison des an- teurs par ses prix abordables :
nées 1980, de 100 m² sur un terrain 2 400 euros le m² en moyenne.
de 1 200 m², y a été vendue « L’année 2023 a été marquée par
449 000 euros. « Les acheteurs re- la disparition des investisseurs et
viennent depuis janvier », re- des primo-­accédants, à l’exception
marque Aurélie Martinez, directrice de ceux qui pouvaient payer comp-
de l’agence du même nom. A l’ex- tant, observe Nicolas Martinez, de
ception des primo-accédants. « Nos l’agence Re/Max. La faible de-
clients sont des propriétaires de 35 mande a poussé les vendeurs à ré-
à 50 ans voulant s’agrandir, qui duire leurs prétentions. » Selon
connaissent déjà le secteur », dé- Meilleurs­Agents, les prix ont ainsi
taille-t-elle. Eugénie Barba reculé de 7,5 % pour les apparte-
italien ou encore le centre urbain,
distingué par ses immeubles néo-
haussmanniens. « Pour un 60-m²
neuf, il faudra débourser près de
380 000 euros », note Alexandre
Truong, responsable d’agence pour
Century 21.
A noter que la proximité avec
Disneyland Paris suscite l’intérêt
d’investisseurs souhaitant louer en
courte durée. Résultat, le marché
locatif est « complètement saturé,
témoigne Mickaël Pouliquen. On
reçoit vingt appels pour une an-
nonce publiée dans la journée ». Un
phénomène qui avait amené l’ex-mi-
nistre du Logement Patrice Vergriete
à se rendre sur place fin 2023.
MEAUX
3 204 euros le m²
2 695 euros le m²
Changement de tendance dans la
ville de Meaux. Après une hausse
des prix post-Covid, ceux-ci ont
baissé en 2023, de l’ordre de « 5 à
10 % », selon Audrey Iscain, direc-
trice de l’agence L’Adresse. « Les
acquéreurs reviennent, mais ils
prennent plus de temps de ré-
flexion, décrit-elle. Les délais de
vente sont trois fois plus élevés
qu’en 2022. » Le centre-ville
PALAISEAU
Lignes vertes
Construit en 1970, ce triplex de 130 m2 comprend
7 pièces, dont 3 chambres en rez‑de‑jardin.
A l’étage, la cuisine et le séjour cathédrale
donnent sur une terrasse plein sud. Le logement,
qui bénéficie d’espaces verts communs,
se situe à dix minutes à pied du RER.
Prix : 480 000 euros.
SERRIS
Du neuf en pleine lumière
Situé à proximité du centre commercial de la Vallée Village, cet appartement
construit en 2021 mesure 66 m². Une terrasse de 11 m² longe les deux
chambres et le séjour, ce qui rend l’ensemble des pièces très lumineuses.
Prix : 350 000 euros.
historique ainsi que le quartier pa-
villonnaire de l’hôpital sont les plus
recherchés. Le budget moyen pour
acquérir un 2-pièces avoisine les
160 000 euros contre 275 000 euros
pour une maison.
Certaines rues sont toutefois parti-
culièrement cotées, comme les ave-
nues Clemenceau, de la République
ou encore le boulevard Jean-Rose.
Ici, il faut prévoir 400 000 euros pour
ments et de 4,5 % pour les maisons.
Le hic : il faut prévoir près d’une
heure de transport pour rejoindre le
cœur de Paris via le RER D. Les
acheteurs recherchent d’ailleurs au
plus près de la gare. La ligne S du
Transilien, attendue fin 2024, rédui-
ra toutefois le temps de trajet de
quinze minutes. « Proche de la sta-
tion de Moulin-Galant, au sud de
la ville, un appartement de 45 m² a
été vendu 123 000 euros », illustre
Eric d’Haene, de Century 21. Au
nord de la ville, on retrouve le quar-
tier populaire des Tarterêts. A
proximité, il est possible de déni-
cher une maison de 110 m² à
250 000 euros.
Logisvert
PALAISEAU
4 117 euros le m²
4 215 euros le m²
Avec ses quatre gares de RER, l’au-
toroute A10 qui longe la commune
ainsi que sa forêt domaniale, Palai-
seau a de nombreux atouts. La com-
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821 
Century 21 Immobilier Val d’Europe
une maison ancienne avec
3 chambres. Pour dénicher un loge-
ment récent, Audrey Iscain conseille
les alentours de l’avenue de la
Marne, proche du centre historique.
L’est de Meaux, plutôt populaire,
affiche des prix plus accessibles.
« On y trouve des appartements à
1 900 euros le m² », indique
Stéphane Maréchal, de l’agence
Stéphane Plaza. E. B.
mune fait partie des 22 territoires
sélectionnés par le gouvernement
pour accueillir 30 000 logements
d’ici à 2027. Et pour cause, son at-
tractivité ne faiblit pas, surtout
pour le marché de l’ancien, majori-
taire. « Nous avons plutôt des pro-
fils de quadragénaires scienti-
fiques qui veulent être proches du
plateau de Saclay, où ils tra-
vaillent », expose Boris Malle, di-
recteur de l’agence Logisvert. Dans
le quartier de Lozère, une maison
de 5 pièces de 100 m² sur une par-
celle de 579 m² a été vendue
495 000 euros.
Côté vendeurs, on compte surtout
des retraités. « Ils ne sont pas en-
core prêts à baisser leurs prix, alors
que les taux d’intérêt diminuent
peu », note Boris Malle. Côté loca-
tion, l’université d’Orsay, à proximi-
té, attire tellement d’étudiants que la
demande est supérieure à l’offre.
 Charles-Edouard Ama-Koffi
 et E. B. u
101
En couverture immobilier
Modération exigée
Des métropoles aux petites villes, la baisse s’est désormais installée avec
la raréfaction des acheteurs. Ceux-ci ont le choix et négocient chaque défaut.
A
morcée dans les
grandes métropoles, la
baisse des prix s’est
étendue à l’ensemble
du territoire, se propa-
geant dans les villes moyennes et
« jusque dans les zones rurales »,
observe Thomas Lefebvre, directeur
scientifique de SeLoger et Meilleurs-
Agents. Cela se vérifie en particulier
dans les aires urbaines, où la cote
avaient flambé ces dernières an-
nées. « Le marché baisse le plus là
où les prix sont les plus élevés, car
la sensibilité des acquéreurs aux
taux des crédits y est plus forte,
souligne Loïc Cantin, président de
la Fnaim. Les grandes métropoles,
où les prix et le recours au crédit
sont élevés, subissent plus dure-
ment qu’ailleurs en France la perte
de capacité d’achat immobilier des
ménages. » Ville phare de la der-
nière décennie grâce à l’arrivée de
la LGV, Bordeaux en est une bonne
illustration. « La correction est
drastique, avec - 11,5 % sur un an,
sans pour autant que l’activité
102  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
RÉGIONS
ne reparte, explique Charles Mari-
nakis, président de Century 21. Le
nombre de ventes a également chu-
té de près de 11 % par rapport
à 2022. Mais il faut dans le même
temps se rappeler que Bordeaux a
vu ses prix augmenter de 54 %
entre 2015 et 2022 ! »
Délais rallongés
Les vendeurs trop gourmands en
Retrouvez sur
sont pour leurs frais. D’une part, les
Challenges.fr délais de vente s’allongent : en
notre cote pour moyenne 77 jours dans les grandes
1 500 villes. villes, contre 59 un an auparavant,
soit près de 18 jours en plus, selon
MeilleursAgents. D’autre part, les
négociations sont franches : « Cela
fait plus d’un an que je n’ai pas
reçu d’offre au prix demandé »,
témoigne Alexandre Guyonnet, de
l’agence Nestenn du Rond-point de
Vannes, à Nantes.
Dans toutes les villes, les exemples
de ventes avec de substantiels rabais
se multiplient. Ainsi, à Nancy, dans
PRIX ET CARTES
AU 1ER FÉVRIER 2024. le quartier Rives-de-Meurthe, un
SOURCE :
MEILLEURSAGENTS. 4-pièces récent, en parfait état, a été
Le centre-ville
de Tours.
cédé en un mois pour 257 000 euros,
alors que le propriétaire en voulait
270 000 euros. Ou encore à Tou-
louse, cet appartement de 86 m² si-
tué près du jardin Compans-Caffa-
relli : mis en vente à 530 000 euros, il
attend désormais de trouver preneur
à 450 000 euros. C’est le cas à Lille
également : « C’est l’acheteur qui
décide du bien qui l’intéresse, du
prix et à quelles conditions,
confirme Steve Lacomblez, direc-
teur de l’agence Lacomblez Immobi-
lier. Les vendeurs n’ont plus la
main sur le marché. »
Les acquéreurs, qui boudent en par-
ticulier les passoires énergétiques,
négocient au moindre défaut. Une
exigence que l’on retrouve aussi
dans les villes balnéaires prisées ou
les stations de montagne huppées,
sur des marchés haut de gamme ou
de luxe : « Ils ont le choix, et veulent
Pascal Avenet/Hemis.fr
des résidences clés en main, à la
décoration soignée et sans aucuns
travaux », constate Alexander
Kraft, président de Sotheby’s Inter-
national Realty. Vi. G.
 Prix (€/m2
au 1e
<4

45
LYON
En pente douce
49
Prix en euros par m2
pour un logement
de plus de cinq ans 53

M
algré l’arrivée du prin- moins de 4 500
temps, le marché est de 4 500 à 4 900
>5
resté engourdi, dans la de 4 900 à 5 300
continuité de 2023, avec de 5 300 à 5 800
des acheteurs attentistes et des ven- plus de 5 800
deurs frileux. « En 2023, les tran-
sactions dans l’ancien ont chuté de
20 % et plus, en raison de la diffi-
culté d’accès au crédit pour les pri-
mo-accédants mais aussi les CSP+,
constate Adrien Verlhac, directeur
de Square Habitat Centre-Est. Le
desserrement des taux va insuffler
un peu d’oxygène, mais le besoin de
se loger reste énorme, d’autant que
Zoom sur…
le neuf est au point mort, en recul
de 40 % sur un an, à la fois pour les Jean-Macé
réservations et les mises en vente. » Ce secteur bohème du
VIIe arrondissement, datant
« Marché de besoin » des années 1950 à 1980,
Côté prix, malgré la dégringolade de dispose d’un parc de logements
la demande, pas d’effondrement : qui tranche avec les immeubles
neufs de Gerland. « Sa mixité,
- 5,2 % sur un an, selon les notaires. les commerces et brasseries,
« C’est davantage un faux plat des- les bonnes écoles primaires,
cendant qu’un plongeon », nuance les facultés et la proximité de
Adrien Verlhac. Le prix de l’ancien Part‑Dieu en tram ou en métro n’échappent pas à cette tendance.
est certes passé sous la barre des en font un quartier très vivant et Comme ce 120-m² rue Boileau, dans
5 000 euros le m² dans Lyon intra- prisé », confie Gaël Fluchaire, de le VI e arrondissement, situé au
l’agence Guy Hoquet. Les prix, en
muros, franchie en 2021, pour tom- légère baisse, évoluent de 4 500 2e étage, proposé à 816 000 euros et
ber à 4 650 euros selon les notaires, à 5 000 euros le m², voire plus négocié de 5 %, soit 775 200 euros.
un niveau équivalent à celui de 2020. en dernier étage sur la place Les biens familiaux nécessitant une
Mais loin de l’euphorie d’alors, « on Jean-Macé et la rue Chevreul. revente souffrent de l’inertie du mar-
n’est plus sur un marché d’opportu- ché. En revanche, les 2- et 3-pièces,
nités et de confort, où tout se ven- directeur des agences Espaces aty- souvent payés comptant entre
dait à prix fort, mais sur un mar- piques de Lyon. Les logements des 250 000 et 300 000 euros, trouvent
ché de besoin. Les acquéreurs beaux quartiers de la Presqu’île ou facilement preneur dans les secteurs
réfléchissent, tâtonnent, négo- de la Tête d’Or, qui affichent des prix animés de Saint-Louis, Saint-Just,
cient », observe Xavier Moreux, moyens au-delà de 6 000 euros le m², Gorge-de-Loup, Sans-Souci…
En périphérie, les transactions sur
les appartements restent actives et
Et aussi… les prix stables, entre 2 500 et
5 000 euros le m². Le marché des mai-
SAINTE-FOY chères », observe Philippe habitants, explique Carla sons, lui, est en berne, aussi bien
Dans l’Ouest lyonnais, cette Guilloteau, de l’agence Ohannessian, de l’agence dans les communes des monts d’Or
commune connaît un marché Nestenn. Dans le centre, Stéphane Plaza. Outre ses telles Saint-Cyr ou Saint-Didier que
à deux vitesses. Celui des aux vieilles demeures 1900, infrastructures urbaines dans celles plus au sud d’Oullins-
appartements, dynamique, ou chemin des Fonts et de qualité, ses espaces verts
enregistre une hausse des
Pierre-Bénite et Saint-Genis-Laval,
ses maisons bourgeoises, et le lac du Grand-Large avec
prix d’environ 4 %, entre peu de ventes dépassent ses activités nautiques, elle où les prix avaient flambé après la
3 400 et 4 200 euros le m², les 800 000 euros. bénéficie de prix attractifs ». pandémie, même pour des biens de
selon les notaires. Mais celui Les studios démarrent à qualité moyenne. « On revient aux
des maisons, qui servent de DÉCINES 95 000 euros et les 4-pièces fondamentaux en dissociant le
report à la zone des monts Le stade de l’Olympique dépassent rarement les haut de gamme du standard », ré-
d’Or, piétine. « Même si elles lyonnais a mis cette cité 350 000 euros. Un bon plan
en lumière. Elle séduit par
sume Romain Billard, de Sotheby’s.
affichent des prix inférieurs aussi pour les investisseurs,
à ceux des communes cotées « son côté ville à la campagne, non soumis à l’encadrement L’occasion de profiter de prix plus
des monts d’Or, elles sont trop recherché par les futurs des loyers. • raisonnables et d’un éventail de
biens à choisir. Elisabeth Lelogeais u

14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  103

En couverture immobilier
Accessibilité en rade
Zoom sur…
Sainte-Anne
Situé à proximité du parc
Borély et des plages,
ce village prisé du
VIIIe arrondissement fait
partie des rares quartiers
familiaux et commerçants
où les grues fleurissent
encore. Avec des
programmes immobiliers
conséquents, en cours
d’achèvement, dont
l’ensemble résidentiel
Art’chipel (six immeubles
pour 344 logements)
ou ADN Borély
(huit immeubles pour
185 logements et onze
villas de grand standing).
A noter : une villa
de 170 m² est proposée
à 1,15 million d’euros.
C
« ’est la même rengaine de-
puis la sortie du Covid :
Marseille attire énormé-
ment », constate Jean-Luc
Lieutaud, président de l’Unis Paca.
Et la tendance ne va pas s’inverser,
avec les caméras du monde entier
Et aussi…
ISTRES
Au cœur d’un bassin
d’emplois dense, cette
station de tourisme se situe
à 50 minutes en voiture
de Marseille et d’Aix. Les prix
y sont plus bas (3 070 euros
le m² en 2023, selon la
Fnaim) que sur la Côte bleue
ou autour d’Aix. Istres suscite
un regain d’intérêt pour ses
plages et son port, en cours
d’extension. « Une maison de
130 m² avec 500 m² de jardin
et vue sur l’étang de Berre
104  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
MARSEILLE
Prix en euros par m2
pour un logement
de plus de cinq ans
moins de 2 950
de 2 950 à 3 400
de 3 400 à 3 800
de 3 800 à 4 500
plus de 4 500
qui seront braquées sur sa rade cet
été, à l’occasion des épreuves de
voile des jeux Olympiques. Que les
habitants se rassurent : contraire-
ment aux idées reçues, « les nou-
veaux arrivants font augmenter la
rapidité des transactions, car ils
vient d’être vendue des yachts », analyse
520 000 euros en une François-Xavier Guis Spengler,
journée », illustre Fabienne président de la Fnaim Aix
Carrion, conseillère IAD. Marseille Provence. Le
nouveau visage du Port-Vieux,
LA CIOTAT
la réhabilitation du centre
En 2023, le prix moyen historique et son littoral avec
s’élevait à 5 845 euros le m², palmiers contribuent
selon la Fnaim, faisant de à l’engouement. « Une villa de
La Ciotat la deuxième ville la 200 m² avec piscine, sans vue
plus chère du département. mer, à Saint-Jean se négocie à
« C’est la conséquence 1,8 million d’euros, cite Cécile
de constructions de qualité Bono, de Sotheby’s. La Salis,
derrière les chantiers navals, près du centre, est le nouveau
qui accueillent aujourd’hui quartier en vogue. » •
paient souvent cash, mais ils ne
font pas grimper les prix », observe-
t-il. En 2023, ceux-ci n’ont d’ailleurs
reculé que de 1,4 %. « Cette résis-
Marseille
tance peut s’expliquer par le
manquePrix d’offres,
(€/m2) à la fois dans
Meilleurs Agents
l’existant et lesauprojets neufs, ainsi
1er Février 2024
que par des tensions sur la loca-
tion », analyse François-Xavier
< 2950 Guis
Spengler, président de la Fnaim Aix
Marseille Provence. Le marché
2950 - 3400n’est
animé que par les secundo-­
accédants et les3400 investisseurs.
- 3800 En
conséquence, « le parcours résiden-
tiel est bloqué, s’alarme
3800 - François-
4500
Xavier Guis Spengler. Les locataires
sans apport conséquent
> 4500 ou aide
extérieure ne peuvent plus devenir
­primo-accédants ». Le prix moyen
s’élève à 3 402 euros le m². Mais la
cité phocéenne est une ville fractu-
rée, entre le nord qui fait régulière-
ment la une des journaux (prix
moyen de 1 598 euros le m² pour un
appartement dans le XVe arrondisse-
ment) et le sud où il fait bon vivre
(prix moyen de 4 698 euros le m²
pour un appartement dans le VIIe ar-
rondissement).
Quartiers familiaux prisés
En bord de mer, « les villas d’archi-
tecte de Vieille-Chapelle, Pointe-
Rouge et Grotte-Rolland, dans le
VIIIe arrondissement, sont préfé-
rées aux anciennes demeures du
VIIe sur la bruyante Corniche », re-
marque Philippe Manni, directeur de
l’agence Barnes. Grâce à un cadre de
vie offrant commerces de bouche,
écoles et collines, « les maisons
avoisinent le million d’euros »,
confie-t-il. Le centre-ville, malgré des
îlots à réhabiliter, attire. Notamment
ses coins bobos familiaux, dont Vau-
ban, Les Cinq Avenues ou Le Camas,
où « un appartement traversant de
80 m², en rez-de-jardin, est proposé
à 350 000 euros, contre 280 000 eu-
ros avant la pandémie », illustre
Philippe Manni. A noter, parmi les
quartiers urbains dont la cote
grimpe, les maisons de Chutes-Lavie
(IVe arrondissement), du côté du
palais Longchamp. Un bien rare de
220 m² avec terrasse et piscine vient
d’y être mis en vente pour 890 000 eu-
ros. Mais attention aux passoires
thermiques et aux biens nécessitant
des travaux de mise en sécurité, qui
demeurent un fléau dans cette ville
plutôt pauvre. Caroline Dupuy

Agence Espaces Atypiques
Un duplex dans la Robertsau. La pièce de vie de ce 172-m2 avec 4 chambres se
prolonge par une terrasse de plain-pied sur la Muhlwasser. Prix : 790 000 euros.
STRASBOURG
Dégel timide
P
etite éclaircie à Strasbourg :
le téléphone sonne dans les
agences. « Nous avons plus
de visites depuis le début
de l’année », se réjouit Pierre-Louis
Guérin, fondateur d’Ethiqu’Immo.
Investisseurs, jeunes couples et fa-
milles aisées, qui avaient mis leurs
projets en stand-by, sont tous de re-
tour. Il est plus facile d’avoir un pro-
jet immobilier quand les taux de
crédit sont stables ou en baisse.
Ce frémissement tient aussi à la
chute des prix, certes encore timide
car certains vendeurs non pressés
ne se résolvent pas à réduire leurs
prétentions. Mais de petites correc-
tions s’opèrent ici et là. « Nous
avons convaincu nos vendeurs de
réajuster leurs prix de 5 à 10 % »,
précise Lison Weber, gérante de
l’agence Laforêt Orangerie. Et si la
chambre des notaires du Bas-Rhin
annonçait encore une hausse
moyenne de 1,4 % sur un an à fin oc-
tobre 2023, MeilleursAgents enre-
gistre désormais un repli de 1,4 % sur
un an au 1er février pour les apparte-
ments anciens, ce qui ramène le
mètre carré moyen à 3 900 euros.
Dans l’hypercentre et à Contades,
l’Orangerie ou la Robertsau, il est
rare de franchir la barre des 6 000 à
7 000 euros le m², sauf pour des biens
d’exception autour du parc. « Nous
venons d’y vendre un duplex bien
rénové dans une maison de maître
avec jardin et piscine à 1,1 million
d’euros », confie Sébastien Gazso,
directeur commercial d’Espaces
Atypiques. Neudorf, Krutenau et
l’Esplanade se négocient plutôt
entre 3 500 et 5 000 euros le m² ;
Neuhof, la Meinau ou Cronenbourg
entre 2 500 et 4 000 euros le m².
Le moindre défaut (absence d’ascen-
seur, de parking…) pèse sur les prix.
« Les acheteurs sont rebutés par les
mauvais DPE et les gros travaux
qu’ils sous-tendent », observe Guil-
laume Munschy, de Christelle Clauss
Immobilier. Idem pour les im-
meubles des années 1970. « Les prix
peuvent chuter de 10 à 15 % », note
Valérie Boos, directrice de Centu-
ry 21 Etoile. Dans ce contexte, « les
biens avec défauts peuvent végéter
pendant quatre à six mois si le ven-
deur n’ajuste pas son prix », pré-
vient Frédéric Bernhard, président
de la Fnaim Alsace.
Dans le neuf, le marché tourne au
ralenti, et si les prix ne baissent pas
encore – selon la FPI, 4 600 euros
le m² en moyenne hors parking dans
l’Eurométropole –, des rabais sont
consentis sur les fins de commercia-
lisation. Des opportunités pour les
investisseurs désireux de profiter de
la fin de la loi Pinel. D’autant qu’ici,
comme partout, le marché locatif est
sous tension.  Colette Sabarly
NANCY
Signaux positifs
L
es professionnels de l’immobilier ont
meilleur moral. « Avec la baisse des taux
et des banques plus conciliantes, le marché
retrouve des couleurs », lance Boris Marchand,
gérant d’une agence Nestenn. Les vendeurs
acceptent aussi de faire des concessions. Selon
MeilleursAgents, avec un prix à 2 300 euros le m²
en moyenne, la baisse atteint 2,1 % sur un an
au 1er février 2024. Et sur le terrain, les logements
correctement estimés partent vite. Avenue du
Général-Leclerc, un 2-pièces de 34 m² à rénover
a été vendu en 20 jours à 62 000 euros. Un autre
à Vandœuvre-lès-Nancy, avec un DPE étiqueté E,
a changé de mains en 22 jours à 62 000 euros (contre
65 000 euros demandés). Idem pour ce 2-pièces
de 34 m², place des Vosges, en excellent état, acquis
sans discussion en moins d’un mois à 89 000 euros
par un investisseur qui compte le louer 430 euros
par mois (5,5 à 6 % de rentabilité brute). « Ici,
le turnover est faible et la demande locative très
forte, notamment des étudiants », précise Grégory
Pierre, gérant d’une agence Century 21. Les biens
familiaux, qui peinaient à se vendre, retrouvent
preneurs avec des prix réajustés. Rives de Meurthe,
un 4-pièces récent a été cédé en un mois pour
257 000 euros, contre 270 000 souhaités. C. S.
METZ
Relance partielle
A
ssurément, un léger frémissement s’empare
du marché messin. « La reprise de la
demande est visible, portée par la baisse
des taux et l’attitude des banques, déclare Lise
Birden, gérante d’une agence Stéphane Plaza.
Surtout, les vendeurs se montrent plus souples. »
Les investisseurs, bien présents, paient leur achat
comptant. « Les incertitudes sur la Bourse les
confortent dans le placement pierre », observe
Frank Job, président de la Fnaim de la Moselle.
L’investissement est d’autant plus attractif que
l’offre locative est faible au regard d’une demande
qui explose. Et la décélération des prix laisse
augurer de meilleurs rendements. Les valeurs
ont chuté de 3,1 % sur un an au 1er février 2024,
ramenant le mètre carré moyen à 2 300 euros, selon
MeilleursAgents. Les primo-accédants peinent
toutefois à acheter. « Il faudrait une détente plus
importante sur les prix », analyse Frank Job.
Pour l’heure, seuls les secundo-accédants profitent
des opportunités. Dans le quartier de Vallières, un
4-pièces avec travaux de rafraîchissement proposé
à 190 000 euros est parti en quelques semaines.
En revanche, dans celui du Sablon, un propriétaire
qui avait surcoté son 3-pièces avec gros travaux
a dû accepter un rabais de 30 000 euros. C. S. u
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  105
 En couverture immobilier
Junot
Une maison à Roncq. Sur un jardin de plus de 1 000 m2, cette villa de 195 m2,
avec 5 chambres, allie charme ancien et moderne. Prix : 580 000 euros.
LILLE
Acquéreurs à la fête
D
« epuis le début de l’an-
née, le lest sur les taux
d’intérêt relance tout
doucement le marché.
La dynamique est encore faible,
mais le téléphone sonne déjà un peu
plus qu’avant  », constate Domi-
nique Nadal, directrice de l’agence
Laforêt Lille, qui se réjouit d’avoir
vendu une maison récente de 120 m²
à 10 kilomètres du centre pour un
montant supérieur à 500 000 euros.
« Il y avait un moment que nous
n’avions pas eu un tel profil de tran-
saction. Nous réussissons au-
jourd’hui à écouler des biens plus
chers. En janvier, nous avons signé
un local commercial près de la gare,
chose qui ne nous était pas arrivée
depuis longtemps. »
Mais ce frémissement est encore fra-
gile. L’année 2023 a laissé des traces.
« Il y a eu une grosse baisse de tran-
sactions dans toute la métropole,
observe Nicolas de Broucker,
membre de la chambre interdéparte-
mentale des notaires du Nord-Pas-
de-Calais. Dans notre cabinet, nous
avons fait quasiment 40 % de ventes
en moins l’année dernière. »
A Lille comme ailleurs, le marché
s’est complètement retourné au pro-
fit des acheteurs. Ils arrivent pour la
plupart informés des tendances lo-
cales à la baisse avec des dossiers
bancaires déjà bétonnés. « C’est
106  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
l’acquéreur qui décide du bien qu’il
choisit, du prix et des conditions.
Les vendeurs n’ont plus la main
sur le marché, et ça, c’est nou-
veau », confirme Steve Lacomblez,
directeur de l’agence Lacomblez
Immobilier. Et gare à celui qui per-
siste à surestimer son bien…
Exemple à Wazemmes : affiché l’été
dernier à 220 000 euros en agence,
un 3-pièces de 62 m² avec balcon et
place de parking dans une résidence
de 2010 s’est finalement vendu fin
janvier 2024 à… 179 000 euros.
« C’est un investisseur qui l’a ache-
té. Des primo-accédants ont préféré
renoncer à cause du quartier »,
poursuit Steve Lacomblez. Situé rue
d’Arcole, l’appartement avait le tort
d’être du « mauvais » côté de
Wazemmes, ce qui a fait chuter le
prix à 2 880 euros le m².
La dynamique traditionnelle des
quartiers n’a quasiment pas bougé :
porté par le Vieux-Lille, tout le
centre maintient ses prix, quand les
quartiers plus populaires continuent
de souffrir. Selon la chambre des
notaires, le prix médian d’un studio
s’établissait à la fin novembre 2023
à 5 110 euros le m² dans le Vieux-
Lille, à 4 750 euros à Saint-Michel et
à 4 340 euros à Wazemmes. A Lille-
Sud, en revanche, il tombait à
2 960 euros le m², en baisse de 7,5 %
sur un an.  Céline Faucon
REIMS
Choix royal
I
ci, la vigilance l’emporte chez les acheteurs.
« Les Rémois, tout comme les investisseurs
parisiens, prennent le temps de la réflexion,
constate Romain Berrier, responsable de
Venteoulocation. Seuls les biens de l’hypercentre
se vendent sans réelle baisse de prix car ce sont
les plus convoités. » Les acquéreurs sont nombreux
à lorgner le boulevard Lundy, où les biens avec
extérieur se vendent environ 300 000 euros pour
50 m². « Pour les maisons anciennes en pierre,
il faut compter 600 000 euros », précise Patricia
Hanssens, présidente de la Fnaim de Champagne-
Ardenne. A 47 minutes en TGV de la capitale,
Reims attire les télétravailleurs parisiens. Le mètre
carré peut atteindre 3 800 euros dans l’hypercentre
et au plus loin descendre à 1 790 euros, selon
MeilleursAgents. Dans le neuf, les ventes sont rares.
« Les promoteurs accordent des remises pour
fluidifier le marché, en veillant à rester rentables »,
observe Christophe Durand, président de la FPI
Champagne-Ardenne. Selon l’Observatoire
du logement neuf, les prix sont stables sur un an
(+ 0,2 %), à 4 000 euros le m² en moyenne hors
parking. « Ils varient selon les quartiers. Dans
l’hypercentre, c’est 4 500 à 5 000 euros le m² »,
complète Christophe Durand. Ludovic Clerima
TOURS
Saine modération
A
lors que les durées de transaction
s’allongeaient indéfiniment au deuxième
semestre 2023, les vendeurs se sont résolus
à des baisses de prix jusqu’à 15 % depuis début 2024.
« Juste avant Noël, nous avons réduit de 250 000
à 230 000 euros le prix d’un 3-pièces de 68 m² avec
balcon donnant sur l’hôtel Goüin, illustre Camille
Moreau, qui dirige Nestenn Tours Centre. Ce qui
a suscité plusieurs offres en une semaine, alors
qu’il était en vente depuis six mois. » Romain
Nègre, gérant de Century 21 Maginot, confirme
et précise que « ces corrections ont même parfois
dépassé 20 % pour les immeubles vieillissants,
avec de mauvais DPE ». Tandis que la quasi-totalité
des transactions se limitaient, depuis trois mois,
à des paiements comptant ou des achats-reventes,
les primo-accédants reviennent sur les studios
et 2-pièces. « Ces budgets plus serrés s’éloignent
facilement du centre-ville pour les rives du Cher,
où les prix des copropriétés oscillent entre 1 800
et 2 000 euros le m², contre 3 300 avec travaux
à 4 000 euros le m² pour les plus beaux biens
en centre-ville », reprend Camille Moreau. Des prix
observés au sud des quartiers cossus de Saint-
Symphorien ou Sainte-Radegonde, voire à Saint-
Cyr-sur-Loire (de 2 800 à 3 400 euros). Pierre Havez
 NANTES
En rythme de croisière
L
’année 2023 a rebattu les
cartes. « C’est la fin des
sur­e stimations et des
ventes éclairs dans la
journée, constate Alexandre David,
cofondateur de l’agence Les Toits.
Mais les prix ne s’effondrent pas
pour autant. » Et depuis janvier, le
marché s’est réveillé. « Nous avons
retrouvé un niveau d’activité égal
à celui de 2022, s’étonne Nathalie
Degrez Pottier, directrice de
l’agence L’Adresse, sur l’Ile de
Nantes. Y compris dans les péri-
phéries recherchées comme Orvault
ou Carquefou. »
« Nous sommes revenus à des ni-
veaux et délais normaux jusqu’à
90 jours, confirme Alexandre
Guyonnet, de l’agence Nestenn du
Rond-point de Vannes. Si les prix
affichés n’ont baissé que d’environ
5 % depuis un an, il y a de nom-
breuses négociations : cela fait plus
d’un an que je n’ai pas reçu d’offre
au prix ! » Sont surtout concernés
les biens avec de gros travaux à pré-
voir, un emplacement peu idéal ou
des nuisances. « Les décotes varient
de 10 % à plus de 20 % pour les biens
avec le plus de défauts ou affichés à
des prix trop élevés », ajoute
Alexandre David. Près du parc de
Procé, une maison de 80 m² dans
son jus, à rénover entièrement, pro-
posée à 400 000 euros il y a un an,
Les Toits
Une maison en centre-ville. Dans le quartier de Chantenay, ce joli bien de 61 m²
avec terrasse et garage compte 3 chambres. Prix : 328 600 euros.
vient d’être cédée 330 000 euros. Les
maisons anciennes de 130 m² avec
petit jardin, 4 chambres et garage
restent recherchées intra-muros.
Leur prix descend rarement en-deçà
des 600 000 euros.
Appréciées pour leur calme et leur
sécurité, les maisons 1900 des quar-
tiers résidentiels historiques – les
trois « Saint » : Félix, Donatien et
Pasquier, mais aussi Monselet ou
Canclaux – sont vendues autour de
4 500, voire 5 000 euros le m², pour de
belles surfaces bien exposées, sans
travaux, avec garage et jardin,
contre plus de 6 000 euros le m² pen-
dant la pandémie.
Côté appartements, les haussman-
niens en étage élevé du quartier
Graslin peuvent frôler les 7 000 eu-
ros le m². Dans les nouveaux quar-
tiers de l’Ile de Nantes et République,
tirés vers le haut par les attractions
des Machines de l’Ile pour le premier
et la construction du futur CHU pour
le second, les résidences de standing
des années 2010 et 2020 sont ven-
dues jusqu’à plus de 5 000 euros
le m², grâce à leurs grandes terrasses
avec vue sur la Loire. Cette année,
« les prix devraient se stabiliser,
assure maître Veyrac, premier vice-
président des notaires de la cour
d’appel de Rennes. Voire remonter
légèrement si les taux d’intérêt flé-
chissent un peu ». Sophie Stadler
RENNES
Résistance bretonne
F
ini, l’euphorie des années post-Covid,
même si Rennes séduit toujours grâce à son
tissu économique riche, ses universités
réputées et sa qualité de vie attractive. Si la
chambre interdépartementale des notaires de
la cour d’appel de Rennes perçoit « une amorce
de baisse » des prix, la Fnaim, elle, voit un repli
de 4,1 % en un an, avec un prix de vente médian
de 3 925 euros le m2 au 1er février. Les professionnels
peinent encore à persuader les vendeurs d’accepter
les négociations, alors que les acheteurs ont repris
la main. Pour les appartements, « la chute des prix
se fait sentir à partir des 3-pièces, au-dessus
de 180 000 euros », indique Anne Vestu, de l’agence
LFI Cleunay. Idem pour les maisons : « Un bien de
100 m² mis en vente 440 000 euros voici quelques
mois se vendra 400 000 ou 405 000 euros », cite
Gwendal Mallet, de LFI Quartiers Nord. Dans
le neuf, peu de programmes sortent de terre, ce qui
accentue une crise déjà aiguë dans une ville qui
gagne des habitants. La situation est tendue pour la
location, où 30 000 demandes de logements sociaux
sont en attente. « La demande explose chaque
année et l’offre est en baisse constante », déplore
Martin Giboire, directeur du développement
du réseau du Groupe Giboire. Françoise Surcouf
LE HAVRE
Lente remise à flot
R
edémarrage poussif dans la cité océane
depuis début 2024. Mais après le coup d’arrêt
(- 20 à - 25 % de transactions) du second
semestre 2023, ce frémissement laisse augurer une
embellie. « Entre la baisse des taux de crédit sous
les 4 % et l’ajustement des prix à des niveaux plus
corrects après les années Covid, les projets d’achats
reprennent », observe Anaïs Leduc, associée
gérante de Lab Immo. Dans l’ancien, ce rebond est
soutenu par la hausse des loyers et les prix élevés
du neuf, en raison de l’explosion des coûts de
construction. « Alors qu’un programme neuf près
des halles est parti pour 5 000 euros le m², nous
avons vendu dans l’ancien un 104-m² avec vue sur
mer pour 420 000 euros, soit 4 000 euros le m² »,
illustre Isabelle Lemaistre, dirigeante du réseau
Lemaistre Immobilier. Tandis que les acheteurs
aisés restent attirés par le littoral, à Sanvic ou
Sainte-Adresse (de 3 500 à 4 000 euros le m²), la
proximité du centre-ville, à Saint-Vincent ou Le
Perrey (3 000 euros le m²), ou encore certains
quartiers de la ville haute comme Sainte-Cécile
ou la forêt de Montjonc, les primo-accédants
se tournent vers la proche périphérie plus
abordable, comme Montivilliers (2 300 euros le m²)
ou les docks (de 2 000 à 2 300 euros le m²). P. H. u
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  107
 En couverture immobilier
BORDEAUX
Millésime morose
A
vec un prix médian au
mètre carré de 4 541 euros
pour les appartements,
selon une étude d’Hos-
man, en recul de 8,6 % en 2023, la
baisse des prix a été nettement
amorcée. « Cela concerne surtout
les grosses maisons et les passoires
thermiques », précise Clément
Chaillet, responsable de l’agence
AJP Nansouty. Et tous les quartiers
ne sont pas concernés de la même
façon : le repli s’étend de 2 % pour
les Chartrons jusqu’à 9 % pour les
secteurs Primerose, Parc bordelais,
Caudéran, Saint-Seurin, Fondau-
dège et Nansouty. En conséquence,
les 2-pièces se négocient désormais
à moins de 300 000 euros, tandis que
les maisons à plus de 550 000 euros
peinent à séduire.
Et les travaux sont pénalisants.
Comme pour cette échoppe de
90 m² à Saint-Genès, que les proprié-
taires n’arrivent pas à vendre, affi-
chée à 335 000 euros après une pre-
mière baisse de prix. « Il faut
compter 180 000 euros de travaux.
Au final, elle devrait trouver pre-
neur à 320 000 euros », estime
Antoine Duffoire, gérant du cabinet
Argus Immobilier. Si l’acquisition a
été effectuée il y a plus de dix ans,
les vendeurs réaliseront une plus-
value. Sinon, « c’est la douche froide
pour ceux qui ont acheté cher il y a
Immo Pop
Une maison années 1920 à Saint-Augustin. Ce bien de 83 m² offre 2 chambres
et une vaste pièce de vie donnant sur un jardin de 60 m2. Prix : 466 900 euros.
108  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
moins de cinq ans, malgré des taux
de crédit inférieurs à 1 % », recon-
naît Clément Chaillet. Comme pour
ce studio de Nansouty acquis à
80 000 euros il y a cinq ans, revendu
75 000 euros. Le professionnel
constate d’ailleurs en ce début d’an-
née une recrudescence des ventes
de petits logements entre 100 000 eu-
ros et 150 000 euros. Un indicateur
qui pourrait traduire le retour des
investisseurs. Et si le centre-ville,
boudé l’an dernier, semble redémar-
rer, les délais de vente se rallongent
en périphérie, dans des villes comme
Bruges ou Eysines.
Dans ce contexte morose, les ac-
quéreurs ont tout intérêt à s’intéres-
ser au neuf. « Il est éligible au prêt
à taux zéro, qui peut être bonifié
par certaines banques, détaille
Pierre Vital, président de la FPI
Nouvelle-Aquitaine. De plus, les
frais de notaire et la TVA – dans
certaines zones – sont réduits. » De
quoi faire baisser un prix au mètre
carré qui se stabilise à 5 076 euros.
C’est le choix fait par Yvonne et son
mari, jeunes retraités, en achetant
un 64-m² avec loggia et deux places
de parking à Gradignan, dans une
résidence de trois étages, pour
293 000 euros. Quelque 2 800 loge-
ments neufs étaient en vente à la
mi-février, dont 9 % disponibles im-
médiatement.  Marine Coelho
TOULOUSE
Atterrissage musclé
I
l aura fallu attendre l’arrêt quasi total du marché
pour que les vendeurs prennent enfin
conscience de la nécessité de baisser leurs prix.
Tel est le constat des agents immobiliers depuis
le début de l’année : « Nos efforts de pédagogie,
combinés à la stabilisation amorcée des taux
de crédit, paient enfin », se réjouit Antoine Vernier,
directeur de Square Habitat Toulouse 31. Selon
la Fnaim, le prix moyen des logements anciens
a déjà reculé de 1,5 %, à 3 547 euros le m². Les prix
se réajustent au fil des semaines et aucun quartier ni
type de bien n’y échappe. Comme l’illustre ce 86-m²
situé près du jardin Compans-Caffarelli : mis à prix
à 530 000 euros, il est actuellement présenté
à 450 000 euros. Idem à Blagnac pour cette maison
de 120 m² affichée 520 000 euros, puis réévaluée
à 460 000 euros. Le neuf est aussi frappé de plein
fouet. « Nous sommes dans une crise de
l’empêchement, car un client sur trois est devenu
infinançable, tandis que les ventes ont chuté
de 34 % en 2023, résume Laetitia Vidal, présidente
de l’ObserveR, observatoire de l’immobilier neuf
toulousain, et directrice générale de Pierre Passion.
On sent cependant un frémissement du côté des
banques et le prix moyen d’un appartement neuf
s’élève à 4 700 euros le m². » Béatrice Girard
MONTPELLIER
Horizon obscurci
E
n même temps que la hausse des taux
d’intérêt s’est accélérée, le marché
de l’ancien s’est rétracté au deuxième
semestre 2023. « Les transactions ont chuté de près
d’un tiers en un an », résume Jacques Rossi,
président de la Fnaim de l’Hérault. Depuis janvier,
des signes de reprise apparaissent, mais les prix
restent trop élevés, à 3 600 euros le m² en moyenne.
« Début janvier, leur hausse ne représentait que
1,4 % en un an », rassure Jacques Rossi. Mais avec
une progression de près de 24 % en quatre ans.
« Une baisse des prix est inévitable pour relancer
le marché », estime-t-il. Certains logements,
surestimés ou mal notés au DPE, font l’objet de
négociations. Le neuf, lui, est toujours plus morose.
Les transactions ont chuté de 52 % à Montpellier
(456 ventes) et dans la métropole (842) avec des
prix en hausse de 8 % : 5 765 euros le m² en moyenne
dans Montpellier et 5 350 euros dans la métropole,
hors parking. « Ils sont élevés et l’on produit peu,
vu les risques sur les transactions », résume
Clémence Peyrot, directrice régionale d’Adéquation.
Les investisseurs ne représentent plus que 42 % des
acheteurs. « C’est une première », note-t-elle. La
faible rentabilité et la fin de la loi Pinel ne laissent
entrevoir aucun retournement. Myriem Lahidely

Stéphane Plaza Immobilier
Un T3 central. Ce 66-m² au 2e étage, dans le quartier Championnet, compte
2 chambres et une cuisine ouverte sur un grand salon. Prix : 249 000 euros.
GRENOBLE
Avalanche de soldes
M
algré un timide retour
des familles sur le mar-
ché immobilier depuis
janvier, les grands loge-
ments peinent à trouver preneurs :
« Les couples de 35 à 40 ans avec
enfants cherchent des 4-pièces de 80
à 100 m². Pour les surfaces plus
importantes, de plus de 150 m²,
c’est difficile, même en cœur de
ville. Les délais de vente sont plus
longs et les vendeurs doivent accep-
ter de baisser leurs prix s’il y a
beaucoup de travaux », constate
Pascaline Genelot, directrice de
l’agence Stéphane Plaza Immobilier,
qui cite l’exemple d’un 170-m² dans
l’hypercentre, sur le marché depuis
six mois car il nécessite près de
170 000 euros de travaux.
Hormis ces grandes surfaces, le
marché reprend. Un appartement
de 76 m² est parti pour 295 000 eu-
ros sur la Presqu’île et un 95-m²
dans le quartier de l’Ile-Verte s’est
vendu 275 000 euros, avec une négo-
ciation de 10 000 euros. « Les prix
reculent depuis 2023, constate
Nicolas Vallier, directeur de
l’agence Laforêt. Un bien estimé
400 000 euros en mai 2023 est au-
jourd’hui évalué à 310 000 euros.
Pour les acheteurs, c’est un peu les
soldes, et si le logement est très mal
isolé, la décote peut atteindre
jusqu’à 20 % du prix de vente. »
Les investisseurs, eux, sont toujours
présents, malgré l’arrivée de l’enca-
drement des loyers et la hausse de
25 % de la taxe foncière : en location
saisonnière, avec par exemple des
14‑m² vendus environ 60 000 euros,
ou bien sur le long terme – ils
peuvent dans certains cas espérer
un rendement brut de 6 à 7 %. « On
trouve beaucoup de 2-pièces autour
de 110 000 euros dans l’hypercentre
à louer entre 700 et 800 euros »,
observe Nicolas Vallier.
Du côté du neuf, les promoteurs
doivent s’adapter au pouvoir d’achat
des ménages. « Nous avons retra-
vaillé nos opérations en réduisant
la superficie des appartements pré-
vus pour arriver à un prix plus bas,
confie Olivier Samuel, directeur ré-
gional de Cogedim. Les 2-pièces de
plus de 45 m² et les 3-pièces de plus
de 63 m² font place à des 2-pièces de
43 m² maximum et des 3-pièces
autour de 60 m². » Le mètre carré
moyen s’élève à 4 110 euros, selon la
FPI, en légère baisse de 0,5 % sur un
an. « Il y a une grande élasticité des
prix selon l’endroit où l’on achète
dans la métropole, note Carole Va-
lade, directrice de l’agence Linkcity.
Au sud, vous serez davantage entre
3 000 et 3 500 euros le m², quand
dans l’hypercentre, les prix vont
varier de 4 500 euros à 5 000 euros
le m². » Lu. C.
CLERMONT-FERRAND
Morne plaine
D
ans l’ancien, les ventes de logements ont
reculé de 15 % l’an dernier, selon la Fnaim,
tandis que les prix ont baissé de 3,8 %. Mais
depuis la mi-novembre, l’activité semble légèrement
relancée. Certains quartiers gardent les faveurs
des acquéreurs : les Salins, le centre historique
et l’ouest de la ville jouxtant la commune huppée
de Chamalières. « Aux Salins, un 2-pièces de 42 m²
à rénover, avec stationnement, a été vendu
142 000 euros, détaille Céline Malski, directrice
associée de deux agences Era. Pour le même prix,
un autre 2-pièces de 42 m² des années 1980
a trouvé preneur à Chamalières, avec extérieur
et vue dégagée, à proximité des commerces. »
Le neuf fait grise mine : au dernier trimestre 2023,
les ventes ont reculé de 38 % sur un an, selon
les promoteurs, qui n’ont pas lancé de nouvelles
constructions. Côté location, le marché essuie un
déficit de biens depuis plusieurs mois, accentué par
les contraintes liées aux DPE. « L’été dernier, des
étudiants ont démarré leur année scolaire à l’hôtel.
Des situations inédites ici, qui étaient jusqu’alors
parisiennes ou lyonnaises », déplore Ivan Tartière,
vice-président de la Fnaim Auvergne. Un 2-pièces
de 40 m² des années 1990-2000 avec extérieur
se loue entre 450 et 600 euros. Antoine Marty
NICE
Cote en retrait
S
« ur le front de mer, le cœur historique
de Nice fait rêver et attire des acquéreurs
aisés, en particulier des jeunes retraités ou
des étrangers, qui s’offrent des appartements dans
le Carré d’or ou dans le quartier du port, à des
prix caracolant de 10 000 à 20 000 euros le m² »,
constate Laura Prokhoroff, négociatrice pour le
groupe Emile Garcin. Mais sur un marché au ralenti
après la fièvre immobilière des dernières années,
lesté par le manque d’espaces constructibles et les
contraintes fiscales sur le locatif et le neuf, de
nombreux acquéreurs se tournent vers les hauteurs
de la ville, plus accessibles à des budgets serrés.
« Il y a une vraie difficulté aujourd’hui à faire
entendre aux vendeurs qu’ils doivent réaligner
leurs prix sur les évolutions du marché »,
explique l’experte. Face à cet attentisme, familles
et jeunes actifs reportent leurs choix sur des
quartiers comme Fabron ou Cimiez-Mont Boron,
mais aussi Parc Impérial, Saint-Roch, Gorbella
ou Valrose… « Ces quartiers, résidentiels pour les
premiers, agréables et animés pour les seconds,
sont desservis par de grands axes. Les logements
sont plus abordables, dès 4 500 euros le m² »,
illustre Manuel Le Scour, responsable transaction
à l’agence Laforêt Centre. Neijma Lechevallier
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  109
Luxes création
J
amais blasé, jamais
rassasié, jamais sa-
tisfait. Il exaspère au
plus haut point ceux
qui prédisent qu’il va
finir par s’essouffler,
par se répéter. Le
voilà encore une fois
là où on ne l’attend
pas. Un matin enso-
leillé de mars, avec
le petit sourire jubi-
latoire de celui qui est sur un gros
coup : « Oui, c’est un coup, mais un
coup de cœur ! »
A 67 ans, le restaurateur le plus
étoilé de la planète, le Monégasque
originaire des Landes, Alain
Ducasse sait trouver en perma-
nence de nouveaux défis. Tel ce bâ-
timent industriel classé aux Monu-
ments historiques et datant des
années 1930 qu’il vient d’acquérir et
dont il va faire la vitrine de ses acti-
vités et le siège de son empire
gastronomique.
Quand il en parle, le bouillant
Gascon ne peut réprimer un trémo-
lo : « J’ai eu un coup de foudre. Je
savais que ce serait mon plus beau
112  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
Alain Ducasse
sur le chantier de la
Maison du Peuple,
à Clichy. « J’ai eu
un coup de foudre.
Je savais que
ce serait mon plus
beau projet. »
Alain Ducasse
Toqué
d’architecture
Par Jean-François Arnaud
Photos : Quentin Houdas pour C hallenges
Le restaurateur le plus étoilé du monde a choisi
la Maison du Peuple, à Clichy, joyau du design moderniste
des années 1930, pour héberger ses manufactures
et le siège de son groupe. Visite guidée.
projet. » Cet infatigable défricheur de Paris, Monte Carlo ou Doha où il
qui passe le plus clair de son temps règne en maître.
à parcourir la France et le monde en Un peu comme ces enfants qui pré-
quête de nouveaux produits, de nou- fèrent les petits chiens sales à l’air
velles saveurs et même de nouveaux malheureux aux caniches toilet-
talents parmi les artisans les plus tés avec un pedigree impeccable,
modestes et les cuisiniers les plus Ducasse s’est pris de passion pour
obscurs, cette fois-ci, a posé son un gris bâtiment de métal et de
regard sur un lieu. Mais ce n’est ni le verre à l’architecture moderniste
château de Versailles – où il a créé que les passants ne regardaient
deux restaurants – ni un palace même plus, mais que les promoteurs

Vue d’artiste du projet confié au cabinet Jouin-Manku. Les passants pourront traverser l’endroit comme s’il s’agissait d’un lieu public.
et affairistes lorgnaient non pour sa
glorieuse histoire mais pour en récu-
pérer le terrain idéalement situé à
cinq minutes du quartier parisien bo-
boïsé des Batignolles, ou pire, pour
son poids en métal. Des centaines de
tonnes de ferraille qui valent de l’or
mais que, fort heureusement, le clas-
C
sement du site empêche de démolir.
ela fait bien longtemps que
Ducasse se passionne pour
l’architecture pour avoir
ouvert des res-
taurants dessi-
nés par Pei,
Nouvel et
Starck. Incorri-
gible collectionneur de
bagages et d’objets de
voyage, il adore se
perdre et s’oublier à New
York dans les allées de
Dover Street Market, le
marché branché de la
mode. Il a aussi été le
premier à encourager le
Eugène Beaudoin
designer japonais Ogata,
aujourd’hui installé dans
le quartier du Marais
Studio Jouin-Manku
à Paris avec son salon de thé-galerie connaissent bien ce cube de métal
d’art. « Ma rencontre avec la Mai- et de verre qui abritait le marché de
Le bâtiment son du Peuple va beaucoup compter Lorraine il y a encore six mois, avec
construit entre
1935 et 1940.
dans mon existence, explique-t-il en ses étals de boucherie, de poisson-
Les architectes arpentant les lieux. Enfant, je vou- nerie, de primeurs, tous les vendre-
Beaudouin et Lods lais être architecte, designer ou dis matin. Connu aussi sous le nom
avaient imaginé voyageur ! Depuis l’âge de 20 ans, de Maison du Peuple, le lieu était
un immeuble je n’ai cessé d’acheter des livres bien plus qu’une simple halle.
modulaire, abritant d’architecture, j’en ai partout ! J’ai
« C’est un bâtiment extraordinaire
une salle de
spectacle et
presque tout appris dans les livres, sur lequel on dénombre plusieurs
de cinéma, des pour la cuisine aussi ! » innovations historiques », s’en-
bureaux et un Les habitants de Clichy-la-Garenne flamme l’architecte Florent Richard,
marché couvert. (Hauts-de-Seine), au nord de Paris, du cabinet Perrot & Richard, l’un
des meilleurs connaisseurs de la
Maison du Peuple, pour en avoir
réalisé la rénovation partielle il y a
quelques années et pour s’apprêter
à en lancer la renaissance en colla-
boration avec le cabinet Jouin-
Manku, qui accompagne Ducasse
dans la plupart de ses projets de
restaurants depuis trois décennies.
« Personne d’autre qu’Alain
Ducasse n’aurait pu générer un tel
enthousiasme, trouver les finance-
ments, obtenir les autorisations »,
confie Yann Brossier, chef de projet
pour Jouin-Manku.
L’achat du bâtiment n’a coûté que
2,1 millions d’euros mais uuu
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  113
Luxes création
Alain Ducasse. Le chef a déniché des
fauteuils signés Jean Prouvé et des
machines refaites à l’identique pour
rappeler l’aspect industriel du lieu.
uuu l’investissement total est d’en-
viron 30 millions. Une partie du coût
de la restauration liée au caractère
Monument historique du bâtiment
est subventionnée par le ministère
de la Culture via la Drac (Direction
régionale des affaires culturelles) et
la région Ile-de-France. Le reste de
l’investissement, environ 25 mil-
lions, est financé par le Groupe
Crédit agricole, le spécialiste de
P
l’immobilier Apsys et Ducasse Paris.
remier signe de cette
renaissance : le photo-
graphe d’art Laziz
Ha­mani va lui consacrer
un livre. Si les
architectes
de 2024 se ré-
jouissent de
travailler à ce projet, c’est
que la Maison du Peuple
recèle de nombreuses sur-
prises : la verrière ou-
vrante, les planchers esca-
motables, actionnés par un
moteur, les deux escaliers
monumentaux, en métal
Studio Jouin Manku
bien sûr, le système d’air
conditionné, les superbes
stores rouges. « Le trésor
est ici », affirme Ducasse
114  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
Sur le chantier en désignant des plaques métal-
de la Maison liques posées en tas, comme s’il
du Peuple. s’agissait d’une livraison de caviar à
Elle recèle
de nombreuses
l’un de ses palaces.
L’histoire du lieu est liée à celle de la
surprises
architecturales, ville. Répondant à la commande du
comme les maire communiste de Clichy
escaliers Charles Auffray, en 1935, les archi-
monumentaux, la tectes Eugène Beaudouin et Marcel
verrière ouvrante,
les planchers
Lods, associés à l’ingénieur Vladimir
escamotables… Bodiansky, imaginent avec le génial
Jean Prouvé un immeuble modu-
laire, abritant à la fois une salle de
spectacle et de cinéma, les bureaux
des syndicats et un marché couvert.
Ils reprennent la configuration de
Salle de hangars d’aviation qu’ils ont réalisés
restaurant auparavant, dont la fameuse façade
(vue d’artiste). en mur-rideau. Entièrement vitrée
Une « villa sur les quatre côtés, elle ne soutient
Médicis » de la
pas l’édifice qui repose sur de fins
gastronomie, une piliers de 17 mètres de haut, qui
« table du chef »
et un restaurant donnent à l’ensemble une allure de
de type bouillon cathédrale de l’ère industrielle.
investiront « Une telle structure a ensuite in-
le premier étage. fluencé toute l’architecture
mondiale, les tours vitrées de la
Défense reprennent toutes ce prin-
cipe », explique Florent Richard.
Lorsqu’elle sera devenue le QG
d’Alain Ducasse, la Maison du
Peuple respectera l’architecture
d’origine et son ambiance faite de
transparence et de modularité. « Elle
restera ouverte à tous, les passants
pourront la traverser comme s’il
s’agissait d’un lieu public », indique
Yann Brossier. Le rez-de-chaussée
accueillera les manufactures et es-
paces de vente signés Ducasse (le
chocolat, le café, les glaces, les bis-
cuits et des nouveautés : les pâtes de
plantes, les algues…). L’étage sera
consacré aux bureaux du groupe
Alain Ducasse (environ 200 sala-
riés), à une « villa Médicis » de la
gastronomie pour des chefs étran-
gers, une « table du chef » et un res-
taurant de type bouillon.
Alain Ducasse a déniché lui-même
des fauteuils signés Jean Prouvé
ainsi que des machines rénovées ou
refaites à l’identique qui
vont souligner l’aspect in-
dustriel du lieu. Parmi ses
trouvailles, la Maison du
Peuple aura son « gau-
frier ». Il ne s’agit pas d’une
machine à gaufres, mais
d’une presse à gaufrer le
papier des menus. « Il sera
aussi possible de les dorer
à l’or ! » se réjouit, gour-
mand, le maître des lieux.
Connu pour transformer
en or tout ce qu’il touche, il
pourrait en faire sa devise :
« Qui dore, dîne. »  •
 horlogerie

Prospex Speedtimer Night Vision.

Réf. : SSC923.
Boîtier : acier avec revêtement titane.
Diamètre : 41,4 mm.
Etanchéité : 100 mètres.
Mouvement : quartz solaire.
Réserve de marche : Astron GPS solaire Morning Star.
6 mois pleine charge. Réf. : SSJ021.
Prix conseillé : 700 euros. Boîtier et bracelet : titane.
Diamètre :41,2 mm.
Etanchéité : 100 mètres.
Mouvement : solaire
avec réception de signal GPS.
Réserve de marche : 6 mois pleine charge.
Edition limitée : 1 200 exemplaires.
Prix conseillé : 2 300 euros.

Presage Craftsmanship
Studio Ghibli Nausicaä de la Vallée
du Vent. Réf. : SPB347.
Boîtier : acier. Diamètre : 40,5 mm.
Etanchéité : 100 mètres. Cadran : émail.
Mouvement : automatique.
Réserve de marche : 72 heures.
Edition limitée : 1 500 exemplaires.
Prix conseillé : 1 750 euros.

Seiko

Du bleu
au noir
L
eur poésie subtile, s’inspire de la couleur de
leur esthétique raffinée l’aube naissante. Seiko
et leurs histoires Par Bertrand Fraysse propose par ailleurs plusieurs
émouvantes ont fait nouvelles Prospex dont
des films de Hayao de sa collection Presage Seiko dévoile aussi deux le chronographe Speedtimer
Miyazaki des classiques du Craftsmanship, conjuguant nouvelles versions en édition Night Vision. Garant d’une
cinéma d’animation. En 1984, mécanique de qualité et limitée de l’Astron, la parfaite lisibilité, le noir
Nausicaä de la Vallée du métiers d’art. Son cadran première montre GPS solaire, du cadran fait ressortir les
Vent fut le premier à révéler en émail artisanal reproduit alimentée par la lumière et aiguilles et les index
le réalisateur. Seiko célèbre à la perfection le bleu capable de se connecter au recouverts d’une substance
Photos : SP

ce chef-d’œuvre par une de la tenue portée par réseau GPS de chaque fuseau luminescente d’un vert
montre en édition limitée l’héroïne du film. horaire. Le bleu de leur cadran éclatant.•

14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  115

 Luxes mode

#Fashion Week

Carlo Scarpato/Gorunway.com

Paris
Collection Chloé
automne-hiver
2024-2025

116  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 Luxe, calme et
volupté
Par Xavière Lafont

La semaine de la mode parisienne a fait souffler

sur l’hiver prochain un frisson de désir,
avec des collections dont la sobriété se mâtine
de sensualité. Comme un défi aux temps sombres
et un hommage aux femmes fortes.

E
st-ce une ode à une fé-
minité assumée, libé-
rée par la vague #me-
too au lendemain de
l’inscription au droit à
l’avortement dans la
Constitution ? Ou un
défi provocant face à
l’actualité internatio-
nale plombante ? Ou encore une fa-
çon d’encanailler le quiet luxury qui
règne ces dernières saisons ? A voir
les collections présentées par
quelque 110 maisons lors de la se-
maine du prêt-à-porter du 26 février
au 5 mars, l’hiver prochain sera sexy
et les Parisiennes ne devront pas
côté éphémère, la fragilité du tissu
risquant de le rendre vite impor-
table.
Mêmes matières translucides chez
Chloé, dont la direction artistique
vient d’être reprise par l’Allemande
Chemena Kamali. Les mannequins à
l’allure seventies y ont défilé dans
des robes pastel à volants vapo-
reuses, sans doublure, aériennes et
sûres d’elles, perchées sur des cuis-
sardes à talon haut. Le petit monde Valentino
de la mode, ravi, y a retrouvé ce
sens du chic déluré, sans effort, qui
fait l’ADN de la marque fondée par
Gaby Aghion en 1952.
Chez Valentino, c’est en total noir

M
être frileuses. Une onde de séduc- que Pier Paolo Piccioli a décliné di-

tion s’est diffusée sur les podiums,
où les jeux de voiles ne cachent plus
ce sein que l’on saurait voir, où les
galbes et gambettes se révèlent dé-
nudés.
Le curseur de la transparence est
poussé au maximum chez Saint Lau-
rent où Anthony Vaccarello, dans la
lignée d’Yves, qui fut le premier
créateur à oser une blouse dévoilant
la poitrine dès 1966, a conçu son
vestiaire quasi intégralement à par-
tir de collants Nylon, assemblés en
jupes crayon, blouses à lavallière,
robes « porte-jarretelles » nouées de
fils de cuir en guise de ceinture, lais-
sant voir des culottes hautes et
l’absence de soutien-gorge. Un nude
look qui ranime l’aura sulfureuse de
la griffe, en version résolument
contemporaine… y compris par son
vers degrés de dévêtu, des tailleurs
short aux blouses floues. Les robes
voiles, en dentelle ou piquées de
perles, laissent deviner la peau. Af-
friolant et élégant. Chez la créatrice
australienne Nicky Zimmermann
aussi, les amples blouses et fins cols
roulés dévoilent le buste et cer-
taines robes tiennent de la nuisette.
Tout comme chez Chanel qui pro-
pose, sous de longs manteaux en
tweed, des robes en mousseline
entre l’habillé et le déshabillé. Chez
Courrèges, le soutien-gorge se porte
comme un top et une touche co-
quine pimente le vestiaire efficace
de Nicolas Di Felice avec ses robes
arborant une poche centrale placée
juste au niveau de l’entrejambe, où
les mannequins glissent nonchalam-
ment leur main.
SP
ême les silhouettes
épurées de Maria
Grazia Chiuri chez
Dior affichent une
sensualité inaccoutu-
mée. Revisitant la
collection Miss Dior
de 1967 par Marc Bo-
han, la créatrice remonte à une
époque d’émancipation des femmes,
qui s’imposent dans la vie active.
Plus de Les jupes sont raccourcies au point
Fashion Week de devenir mini ou sont fendues des
sur deux côtés, les chemisiers offrent
Challenges.fr un profond décolleté, les collants
s’ouvrent sur l’entrejambe, rappe-
lant les bas d’autrefois. Une robe
dorée à franges laisse entrevoir la
culotte dans le déhanché de la
marche. Du défilé de Loewe, uuu

14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  117

Luxes mode

Trench
éternel
Eté comme hiver, saison après
saison, les créateurs ne se lassent
pas de réinterpréter ce grand
classique. Ceux de la saison
respectent le code couleur du
beige mastic mais se réinventent
dans la coupe. Chez Dior, dans
l’esprit sixties, on coupe les
manches et on noue la ceinture
serrée, pour avoir une taille de
guêpe et une allure preppy. La
jeune designer danoise Cecilie
Bahnsen tempère l’austère par une
touche de glamour, épaulettes
argentées et amples manches
bouffantes. Direction le futur chez
Courrèges, où il se présente dans

Filippo Fior/Gorunway.com
une architecture asymétrique, avec
une large poche ventrale façon
kangourou. Chez Chanel, Virginie
Viard en offre une version Cecilie
spectaculaire, très structurée, avec un Bahnsen
double col, en cuir avec des fleurs
imprimées en relief.
Dior

SP
Courrèges

SP

Fourrure
sensuelle
Longtemps boudée des
défilés, la fourrure (le plus
souvent fausse désormais),
revient sans complexes
cette saison. Que ce soit
pour donner un style comfy
à des manteaux vintage
chez Balmain ou Miu Miu, ou pour
apporter une touche grand luxe
à une tenue, telle cette veste,
négligemment arborée au bras,
chez Saint Laurent. Repérée sur des
accessoires également, façon écharpe
enveloppante XXL chez Dries Van Noten.
Ou boléro aux épaules surdimensionnées,
en réalité en plumes trompe-l’œil, sorti de
l’imagination de Nicolas Ghesquière pour
Louis Vuitton. Mention spéciale pour la
ni

Giovanni Giannoni
Lucio

Dries Van Noten couronne de poils, must des seventies,

ro

remis au goût du jour par Chemena Kamali Louis

sand

chez Chloé. L’accessoire est illico devenu Vuitton

Ales

viral sur les réseaux sociaux.

SP

Saint Laurent

118  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024


Filippo Fior/Gorunway.com
Isabel Marant
 que Jonathan Anderson a
conçu comme une exposition d’art,
on retient une mannequin drapée
dans une longue toge fluide bleue,
dos et hanches nus, le tissu tenu uni-
quement par une boucle de ceinture
sur le nombril, fantasme de naïade
sortant de l’eau.
L
e dos nu est même la marque
de fabrique cette saison pour
Victoria Beckham. L’ex-
Spice Girl a épicé sa sobre
garde-robe office wear de
vestes de tailleur à dos découvert, et
tous ses ensembles se portent à
même la peau, montrant des
femmes à l’aise avec leur corps.
Une tendance adoptée très large-
ment par les stars de Hollywood et
de la K-pop venues en masse au dé-
filé anniversaire des dix ans de Ni-
colas Ghesquière chez Louis Vuit-
ton, qui clôturait cette édition.
Emma Stone, Cate Blanchett, Léa
Seydoux, les Blackpink, Catherine
Deneuve, Brigitte Macron ont bravé
la pluie pour assister au show gran-
diose, au Louvre, du couturier dans
une ambiance rétrofuturiste.
Robes découpées en plumes et four-
reaux fendus à sequins, transpa-
rence et brillance, néoprène et
blanc luminescent, ses pièces em-
blématiques célébraient en beauté
les femmes modernes qui prennent
la lumière. Pour l’automne-hiver
2024-2025, s’il est un endroit où les
fashionistas n’auront pas froid, c’est
aux yeux. •
Filippo Fior/Gorunway.com Hermès
Rouge
inconditionnel
Les tons neutres et sombres dominent
encore sur les podiums, mais les
créateurs ont tous leur joker couleur
(sauf Valentino, en total black cette
saison). Et cette année, c’est le
claquant rouge que l’on voit de loin. Il
est incandescent comme un rouge à
Daniele Oberrauch/Gorunway.com
lèvres chez Hermès, avec deux
silhouettes en total red look, l’une en
cuir, l’autre en costume, chic et
choc. Chez Courrèges, il donne tout son
peps à une robe moulante asymétrique
ultrasexy, alors que Victoria Beckham le
décline sur une robe satinée plus
habillée et sophistiquée. Rouge orange
coquelicot chez Giambattista Valli, pour
Giambattista donner du punch à un ensemble veste et
Valli jupe courtes. Rouge profond pourpre
chez Isabel Marant, pour donner de la
classe à une robe pull et un imper.
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  119
 Luxes gastronomie

En cave
Par Jean-François Arnaud

MADAME DE
BEAUCAILLOU
HAUT MÉDOC
2021

L’un des
châteaux les
plus prestigieux
de Saint-Julien,
Ducru-Beaucaillou,
élabore depuis
quatre ans cette
cuvée « féminine »,
baptisée Madame
Delphine Constantini

de Beaucaillou,
en hommage

SP
Salle avec vue sur l’église Saint-Eustache, à Paris. Le restaurant est au 3e étage de la Bourse de commerce.
Michel et Sébastien Bras peut avoir que mots et pensées déli-
cates : c’est de la broderie, du voile.
Du grain On prendrait bien racine !
Echalote dite « cuisse de poulet »,
à Monique Borie,
ancienne présidente du conseil
de surveillance de la propriété
et mère de son actuel patron
Bruno-Eugène Borie. Le défi
consistant à réaliser un vin vif
et fruité dans ce terroir de crus
tanniques et charpentés est une
réussite. Très belle robe rubis,
il révèle des arômes légers
de fruits rouges et de fleurs.

à moudre
poêlée au beurre de Kasha, « niac » Madame rêve.
sarrazin au piment d’Espelette : Prix : 18,30 euros.
question à poser à saint Eustache. Le millesima.fr
« niac » ? Une combinaison de cé-
Par Philippe Couderc réales, pousses, graines, etc., en as-
saisonnements mystérieux. Saint-
Les chefs étoilés de Laguiole déclinent Jacques, blé vert fumé, touche de SOLIGNAC
citron, huile de tournesol au sumac INITIALE
dans l’ancienne halle au blé une cuisine (bof) : message reçu. Endives farcies VODKA
de terroir et de saveurs mystérieuses. d’escargots d’Aveyron, mâche, FRANÇAISE

T
touche de genièvre, graine de mou- Va-t-on assister
roisième étage de la Bourse tardes : entre deux genres. Foie gras à l’émergence
de commerce, jadis halle au de canard Mulard (la classe !) poêlé, d’une french
blé, la Collection Pinault en pomme rôtie, beurre noisette, purée touch dans la
mécène, avec pour horizon de carotte. Niac (deuxième question vodka comme
le gin et le
l’église Saint-Eustache, la à saint Eustache) au pain d’orge. whisky en ont
Valerie Lhomme

Canopée qui va avec et le Courge Jack Be Little, farce de déjà connu ?

Maxime Tetard

centre Pompidou : les Bras père et champignons de carrière, truffe Les distilleries
fils, de Laguiole (Aveyron), chefs noire, jus mousse (snob), pain françaises de
étoilés aux valeurs humaines rares d’orge ! Merlu poché, poêlé beurre plus en plus
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

et aux jardins extraordinaires,
signent ici une carte réalisée par le
chef Maxime Vergely. Ils ne se sont
pas égarés. Ils cuisinent à cœur dans
ce restaurant contemporain, philo-
sophant à table leur poésie du
temps. La rigueur maligne et sage-
ment dépouillée de la décoration ne
manque pas non plus d’allégresse
comme ce bol pour le « bouillon
d’accueil ». La « cueillette » demeure
leur credo, source de rituels et de
plats inattendus pour lesquels on ne
sarrazin, textures d’héliantis (pas
Michel et
Sébastien Bras. banal) et lentilles corail, vinaigrette
Le père et le fils estragon. Pièce de cerf Aubrac rôtie
signent ici au four, purée de coing, tournesol,
une carte salsifis rôtis : terroir chic. Poulette
réalisée par de la ferme d’Alice, juste grillée, pu-
le chef Maxime
Vergely. rée de pois chiches, haricots noirs,
lentilles vertes : humour. Biscuit
coulant : 100/100.  • intérêt à la déguster à peine
La Halle aux grains. Cuisine : 17-18/20.
Menus : à partir de 56 euros (déjeuner,
3 séquences). 2, rue de Viarmes (Paris Ier).
Tél. : 01-82-71-71-60.
décomplexées et une poignée
d’experts éclairés s’aventurent
dans l’alcool blanc dont on ne
sait plus s’il est né en Russie ou
en Pologne. Pierre Solignac, qui
a vécu en Russie, en a rapporté
la recette d’un spiritueux doux et
délicat qu’il distille en Charente
à partir de seigle. Loin des
vodkas standards, on aura
frappée mais surtout pas glacée.
Prix : 55 euros. Caves Legrand,
1, rue de la Banque (Paris IIe).

120  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

automobile
Fisker Ocean
californien
Par Nicolas Meunier
Bienvenue à bord du plus cool des SUV, un véhicule électrique
familial inspiré par la côte Ouest. Au comportement de kart.
H
enrik Fisker, fondateur de
la marque qui porte son
nom, est certes Danois
mais il a élu domicile en
Californie. Il semble ap-
précier la côte Ouest des
Etats-Unis à tel point qu’il y a puisé
l’inspiration de son SUV familial
Ocean. Ainsi, notre exemplaire
d’essai revêt une très seyante teinte
mate « Big Sur Blue ». Mais le clou
du spectacle s’appelle « California
Mode ». En appuyant sur un bouton
au niveau du plafonnier, la totalité
des vitres s’escamote et le toit vitré
constellé de panneaux solaires
s’ouvre. C’est unique, sur un SUV
familial. Et c’est très cool. Surtout,
Henrik Fisker est designer. Voilà
pourquoi l’Ocean ressemble à un
Fisker Ocean Extreme.
Moteur : 2 x électrique synchrone à aimants
permanents, puissance de 564 ch.
Batterie : lithium-ion, 113 kWh.
Vitesse maximale : 206 km/h.
Rêve
Dimensions (L x l x h) :
4,77 x 1,98 x 1,65 m.
Autonomie : 707 km.
Prix hors options : à partir de 64 590 euros.
www.fiskerinc.com
Fisker a choisi une batterie de taille
gigantesque pour un SUV familial.
Pour autant, par la faute d’une
consommation très élevée, on ne
parcourra pas plus de 300 km sur
autoroute. C’est simplement dans la
concept car échappé dans la na- moyenne. Assez souple, la suspen-
ture : immenses roues de 22 pouces, sion garantit un bon confort. Et
épaulements aussi marqués que sur souple ne signifie pas mollasson !
une sportive… Cela entraîne Malgré un roulis sensible, le Fisker
quelques conséquences, comme une Ocean excelle par l’équilibre de son
largeur démesurée qui pénalise les châssis. Les changements d’appui
évolutions dans les ruelles et par- sont francs, l’adhérence abondante
kings serrés. Mais une fois encore, et les réactions progressives. Voilà
qu’est-ce que c’est cool ! un comportement de kart qui
étonne, sur une auto de plus de
2,4 tonnes. La puissance généreuse,
transmise aux quatre roues, assure
des performances de sportive (0 à
100 km/h en 4 secondes). Dommage
Photos : © 2023 Fisker Inc.
que la direction manque de consis-
tance. Cette jeune marque doit en-
core régler quelques détails et as-
seoir une situation financière
chancelante. Mais le Fisker Ocean
est d’ores et déjà le roi du cool.  •
14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  121
 Cultures écrans
Ben Attal, Fanny Ardant
et Mathieu Kassovitz. Dans
la famille, tout le monde se
méfie, multipliant mensonges
et faux semblants.

Le film suit les aventures

rocambolesques d’une fa-
mille d’arnaqueurs (une
mère, ses deux fils et son
petit-fils). Leur mécanique
parfaitement huilée
s’enraye la nuit où le vol
Manuel Moutier - 2023 - Nolita Cinéma

d’un riche appartement

tourne mal, avec interven-
tion des forces de l’ordre à
la clé. La famille réussit à
dérober une toile de Ta-
mara de Lempicka, qui va
devenir introuvable. Dès
lors, entre eux, plus rien
Les Rois de la piste ne sera comme avant – telle une
partie de poker, tout le monde se

Une famille
méfie de tout le monde, multipliant
les petits mensonges et gros faux

de haut vol
semblants. Et pendant ce temps, un
duo de détectives est à leurs
trousses pour retrouver le fameux
tableau.
Au son de la bande originale inspi-
Par Thierry Chèze rée d’Alex Beaupain, cette comédie
trépidante s’appuie sur un casting
Pour sa première comédie, Thierry Klifa met en scène une tribu virtuose, témoignant de l’amour du
d’arnaqueurs traquée après un cambriolage. cinéaste pour les comédiens. Il dé-

P
our son cinquième long-
métrage, vingt ans après ses
débuts, Thierry Klifa a choi-
si de changer de registre,
d’univers, de ton. Cet ancien
journaliste de cinéma avait
jusqu’ici privilégié des ambiances
dramatiques (Le Héros de la famille,
Les Yeux de sa mère…), sous
influence revendiquée des cinéastes
qu’il admire, Truffaut et Sautet en
tête. Le voici ici aux commandes de
sa première comédie, coécrite avec
Benoît Graffin, lui-même coscéna-
riste de films avec Pierre Salvadori
(Hors de prix, En liberté !) avec les-
quels Les Rois de la piste partage ce
mélange de malice et de classe.
montre sa capacité à jouer avec
l’image ou l’emploi habituel d’un
acteur, Fanny Ardant (irrésistible en
mater familias féroce et castra-
trice) ou encore Mathieu Kassovitz
et Laetitia Dosch, dans des registres
inattendus pour eux, en tête. •
De Thierry Klifa. Avec Fanny Ardant,
Mathieu Kassovitz, Laetitia Dosch…
Durée : 1 h 56.

Chroniques de Téhéran

L’arme du rire

D
epuis l’Iran, les
cinéastes (d’Asghar
Farhadi à Jafar Panahi
en passant par
Mohammad Rasoulof)
donnent régulièrement
au reste du monde
des nouvelles des dommages
collatéraux tragiques
des actions et des décisions
d’un régime oppresseur.
Afin de raconter ce chaos
SP
permanent, Ali Asgari
(auteur du remarquable Juste
une nuit en 2022) et
Alireza Khatami (qui en avait
cosigné le scénario) ont
choisi, eux, un ton singulier.
Celui de l’humour, noir,
qui épouse, pour mieux
les dénoncer, l’absurdité
des rapports de pouvoir dans
le pays. Neuf sketchs
– d’une égale (grande)
valeur – confrontent
neuf habitants à une
administration cherchant
à tout savoir et tout
contrôler sur ses ouailles.
On pense ici aux riches
heures de la comédie
corrosive.•
D’Ali Asgari et Alireza Khatami.
Avec Bahram Ark, Arghavan
Shabani, Servin Zabetian…
Durée : 1 h 17.

122  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 scènes
Dictatrice européenne La Claque

Chauffer
Vous aimez Kate Winslet ? Vous
allez l’adorer dans The Regime
en chancelière tyrannique. Elle

la salle
entraîne un petit pays d’Europe
centrale dans une dérive
autoritaire assumée. Une
comédie satirique irrésistible
où toute ressemblance avec
des personnages et situations Par Rodolphe Fouano
existants n’a rien de fortuit.
SP

The Regime. Série créée par Will Tracy. 6 épisodes.

Un triomphe d’interactivité entre comédiens-
Disponible sur Amazon Prime Video avec le Pass Warner. musiciens survitaminés et le public hilare.

Satire américaine
Venu du journalisme, Cord Jefferson signe avec
American Fiction un premier long-métrage réjouissant.
Un professeur afro-américain (Jeffrey Wright,
génialissime), agacé de voir ses œuvres passer
inaperçues, écrit un roman pamphlétaire sous pseudo
dans le but de dénoncer les hypocrisies de l’industrie
de l’édition. Une satire de la bien-pensance américaine
qui rappelle le Very Black Show de Spike Lee.
American Fiction. De Cord Jefferson. Durée : 1 h 58.
Disponible sur Amazon Prime Video.

Légende italienne

Gilles Rammant/SP
Fred Radix, Alice Noureux et Guillaume Collignon. Le trio divise les « spect‑acteurs »
entre « commissaires, rieurs, chatouilleurs et pleureurs ».

V
irtuose Fred Radix, auteur et première, sa claque le lâche. Levas-
compositeur, acteur et chan- seur (Fred Radix ou Christophe
Lorenzo Sisti

teur, metteur en scène Gendreau) charge alors une musi-

Avec Ferrari, Michael Mann raconte le mythique
Enzo dans un grand film, sans verser dans le biopic
classique retraçant sa vie entière. Il préfère se
concentrer sur une année décisive : 1957. Brisé par
le décès de son jeune fils, Enzo doit empêcher
la faillite de son entreprise en remportant avec ses
bolides, véritables cercueils roulants, une course
automobile à travers l’Italie.
Ferrari. De Michael Mann. Durée : 2 h 10.
Disponible sur Amazon Prime Video.
Fresque japonaise
Plus de quarante ans après la série culte portée
par Richard Chamberlain, Shogun, adapté de la saga
de James Clavell, fait son grand retour. Une fresque
étourdissante située dans le Japon féodal de 1600
où débarque un barbare anglais qui y sème le chaos
avant de devenir l’homme de confiance d’un seigneur
de la guerre. Un remake réussi.
Shogun. Série créée par Justin Marks et Rachel Kondo.
10 épisodes. Disponible sur Disney+.
« rock’n’drôle » issu des arts
de la rue ! Sa spécialité : des
fantaisies musicales déca-
lées, pour tous publics. Alors que Le
Siffleur, son précédent spectacle,
construit comme une stupéfiante
performance de musique sifflée,
poursuit sa tournée, La Claque a
entamé sa deuxième saison à la
Gaîté-Montparnasse. Parallèlement
à de nombreuses dates en région.
1895, dans un théâtre parisien. On
s’apprête à donner L’Odyssée de
Balbuzard. Auguste Levasseur est
« chef de claque ». Ses complices
rétribués – faux public mercenaire
annonçant les influenceurs actuels –
doivent tenir un rôle essentiel pour
éviter le fiasco à ce médiocre opéra,
voire fabriquer son succès. La mé-
thode : chauffer la salle, stimuler le
public pour qu’il réagisse au bon
moment. Mais à deux heures de la
cienne, Fauvette (Alice Noureux ou
Estelle Bernigal), et Dugommier
(Guillaume Collignon ou Philippe
Aymard), comique régisseur du
théâtre, de lui trouver des rempla-
çants. Pris en main par le trio, le
(vrai) public est divisé entre « com-
missaires, rieurs, chatouilleurs et
pleureurs » pour apprendre le mé-
tier de « claqueurs ». Triomphe de
l’interactivité entre comédiens-mu-
siciens survitaminés et un public hi-
lare de « spect-acteurs », au son de
l’accordéon et du banjo. Bravo ! •
Ecriture, composition et mise en scène
de Fred Radix. Costumes de Delphine
Desnus. Création visuelle de Clodine Tardy
et Fred Radix. Durée : 1 h 20. Tarifs : de 15
(groupe scolaire) à 42 euros. Dimanche
à 20 heures ; lundi et mardi à 20 h 30.
Jusqu’au 24 juin. Théâtre de la Gaîté-
Montparnasse (Paris, XIVe).
Tél. : 01-43-20-60-56. gaite.com, autres
dates en tournée sur fredradix.com

14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  123

Cultures arts
Salons du dessin

Paris
s’esquisse
Deux événements regorgeant d’œuvres anciennes et contemporaines
ancrent la capitale dans ce marché vivant et encore accessible. Salon
du dessin
Par Caroline Brun

C
’est parti pour la grande
fête du dessin à Paris !
Véritable institution qui
fédère tous les acteurs de
ce marché en plein essor,
le Salon du dessin s’est
installé depuis le 20 mars
au Palais Brongniart.
De son côté, Drawing Now, la foire
du dessin contemporain, a pris ses
quartiers le lendemain au Carreau
du Temple. Pour le premier,
39 exposants, dont 17 galeries
étrangères, et 73 pour le second,
dont 18 non françaises, avec 40 %
de nouvelles participations.
Un public nombreux de
connaisseurs comme de simples
amateurs est attendu, rejoint par
des collectionneurs, des artistes,
des experts qui participeront
à des débats et des représentants
d’institutions ou de fondations
– invitée du Salon du dessin,
la Fondation Dubuffet y fête ses
50 ans avec une exposition
de 55 dessins du peintre. « Paris
a incontestablement pris la main
sur le dessin », tranche Marco
Simone Bolzoni, conservateur des
dessins de maîtres anciens et
du xixe siècle de la collection Debra
et Leon Black à New York, et chef
 Au Palais
Brongniart,
place de la Bourse,
Salons des ventes aux enchères « Si les dessins d’artistes célèbres Paris (IIe).
prestigieuses (comme celle de atteignent de belles cotes, on peut Du 20 au 25 mars.
Christie’s consacrée le 20 mars au encore en acquérir à partir de salondudessin.com
dessin du xixe) la Semaine du 1 000 et jusqu’à quelques milliers Drawing
dessin, un parcours hors les murs d’euros, explique Florence Now
organisé avec une vingtaine de Guerlain, à la tête, avec son mari
musées, ou encore le Salon de Daniel, d’une collection d’environ
Art Fair
l’estampe Paris Print Fair.
Pourquoi cet engouement pour le
700 dessins après en avoir donné
plus de 1 300 au Centre Pompidou
 Au Carreau
du Temple,
4 rue Eugène-
dessin ? D’abord, parce que le depuis 2012. Il faut suivre son Spuller, Paris (IIIe).
marché reste accessible, même s’il instinct, avoir le coup de cœur, et Du 21 au 24 mars.
drawingnowartfair.com
monte depuis vingt ans en voir beaucoup. » Pour tous les
– représentant environ 15 % des goûts et budgets, « le dessin a un A savoir : un billet
ventes, il dépassait les 2,4 milliards charme spécial, estime Marco combiné est
proposé par les
de dollars en 2022, dix fois plus Simone Bolzoni, il nous met en deux Salons
qu’en 2000, mais un tassement est contact avec la première pensée de partenaires au tarif
attendu pour les chiffres de 2023. l’artiste, c’est un objet intime ».• de 25 euros.
Christos Venetis
Sans titre, 2023. Crayon sur couverture de livre, 21 x 31,5 cm.
 Collection Florence et Daniel Guerlain.
Christos Venetis Courtesy Galerie Martin Kudleky

d’orchestre des rencontres

internationales du Salon du dessin
qui s’intéresse, cette année, aux
Collection Florence et Daniel Guerlain

artistes voyageurs. « Tout le monde

est mobilisé pour faire de Paris
la capitale du dessin », renchérit
Carine Tissot, la directrice
générale de Drawing Society,
l’entité qui gravite autour du dessin
en développant à la fois un pôle art
et un pôle hôtels à thème, soutien
commercial et diversification L’artiste grec fait partie des trois nommés du prix de dessin contemporain
de la première activité lancée de la Fondation Daniel & Florence Guerlain. Habitué à choisir des images sur Internet
par sa mère Christine Phal. qu’il matérialise ensuite par le dessin, il prend pour support des couvertures
De fait, se greffent à ces deux de livres dont il arrache les pages, y substituant sa propre narration.

124  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 Courtesy Parliament

Helmut Stallaerts
Man 4, 2022. Huile sur papier, 80 x 59 cm.
 Galerie Parliament.
Déjà présent dans de nombreuses expositions
et collections internationales prestigieuses, l’artiste
belge construit un univers troublant dont l’homme
est le thème central. Un individu aliéné, à la fois
indéfini et absent, un peu perdu dans l’immensité
et le mystère du monde.
Courtesy de l'artiste et de la galerie Catherine Issert

Claude Viallat Palais Brongniart salondudessin.com

Sans titre, 2023. Acrylique sur carton, 92 x 65 cm.
 Galerie Catherine Issert. Place de la Bourse
Célèbre pour son travail unique sur la couleur, 75002 Paris
le peintre de 87 ans, toujours en recherches
exploratoires, expose à la galerie Issert une suite
de dessins spécialement conçus pour Drawing Now. Invité d’honneur : La Fondation Dubuffet
La galerie lui a proposé un choix éclectique
de papiers pour ses improvisations inattendues. u

14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  125

 Cultures arts
Rose-Marie
Guillaume
Femme peintre dans l’atelier de
l’Académie Julian à Paris, env. 1890.
Craie noire, aquarelle, gouache, 61 x
44 cm.  Collection Katrin Bellinger.
Katrin Bellinger Collection/Fondation Tavolozza

Galerie de la Présidence
Ce dessin de la peintre Rose-Marie Marcel Gromaire
Guillaume, élève de l’Académie Julian, Au cabaret, 1925. Encre et aquarelle sur papier, 26 x 49,5 cm.
est présenté par la Fondation  Galerie de la Présidence.
Tavolozza. Il fait partie de la riche Le peintre nordiste à la géométrie si particulière fait l’objet
collection d’œuvres françaises du xviiie d’une exposition thématique où seront présentées
au début du xxe siècle constituée de nombreuses feuilles représentant des scènes de cirque,
par Katrin Bellinger. Thème choisi pour de danse ou de cabaret. La galerie travaille avec François
le Salon : l’artiste au travail. Gromaire, son fils, au catalogue raisonné des aquarelles
(celle ci-dessus étant signée et datée en haut à gauche).

Catherine Meurisse
Thomas Hennocque - Galerie Ary Jan

Le Passage, 2023. Mine de plomb

et aquarelle sur papier, 40 x 50 cm.
 Galerie Barbier.

Jean-Léon

et de la Galerie Nathalie Obadia Paris/Bruxelles

Gérôme
Roger Edgar Gillet, Courtesy de l’artiste
L’Emir Amer Abdallah, 1856.
Dessin au crayon noir, 15,3 x
Galerie Barbier/Catherine Meurisse

25,6 cm.  Galerie Ary Jan.

Symbole de la peinture
académique du second Empire
et bientôt de l’orientalisme,
Gérôme réalise ce petit dessin
– et grand portrait – lors
du premier de ses six voyages
en Egypte. Il est titré en arabe Roger-Edgar Gillet
en bas à droite et légendé Sans titre, 1994. Techniques mixtes sur papier, 50 x 65 cm.
L’illustratrice et autrice de bande
en bas à gauche et illustre
dessinée, récemment élue à l’Académie
bien le thème du dessin
 Galerie Nathalie Obadia.
des Beaux-Arts, fait partie des cinq Peintre et graveur français rattaché à la Nouvelle Ecole de Paris
de voyage, au programme
artistes sélectionnés pour le prix Drawing puis à la « nouvelle figuration », Gillet a toujours dessiné pour
des Rencontres internationales
Now 2024. Dans ce recueil d’illustrations, tester des images de tableaux. Il a consacré plusieurs cycles
du Palais Brongniart.
elle nous invite à observer des œuvres aux « tas de gens », aux « fusillés », aux « oubliés », l’un des
d’art cachées dans le vaste monde, thèmes sans doute réinterprété ici. La galerie Obadia (Paris)
au détour du hasard ou d’une grâce. fêtera le 100e anniversaire de sa naissance en mai.

126  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024

 BIENVENUE À L’HÔTEL DROUOT
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Ouvert le samedi - Nocturnes festives le jeudi jusqu’à 20h00

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 Cultures livres
Roman
Virtuose de
la douleur
Par Maurice Szafran
Paul Auster signe un livre exigeant dans
lequel il aborde la vieillesse et le chagrin,
l’amour et la mémoire. Bouleversant.
Q
uand il a fallu ouvrir Baum­
gartner, le nouvel opus de
Paul Auster, nous avons hé-
sité un instant. Nous ve-
nions de lire dans Le Figaro
littéraire le massacre en
règle qu’avait commis le talentueux
critique Eric Neuhoff. Selon lui, il
ne restait rien (ou pas grand-chose)
du « grand » Paul Auster qu’il avait
Eva Tedesjo/TT News Agency/AFP
jadis tant admiré, dans ce livre d’un
vieil écrivain qui ressasse, qui er-
gote, qui nous ennuie. Souvent
Neuhoff fait sourire. Dans le cas
d’Auster, son ton devenait soudain
sinistre. Comme un enterrement
littéraire. Alors précisons-le sans
128  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
Paul Auster. L’écrivain et son
héros, à quelques détails près,
ne font qu’un. En aucun cas
de l’autofiction, mais de
la littérature avec toutes ses
exigences et tous ses masques.
plus attendre : notre
confrère du Figaro cette
fois s’égare. Il est passé à
côté d’un grand Paul Aus-
ter. Mais on peut com-
prendre pourquoi : ce livre
est en effet flippant.
D’abord parce que le
« beau » Paul Auster,
77 ans, réchappé d’un can-
cer, s’est confié il y a
quelques mois de cela au
quotidien britannique The
Guardian : « Ma santé est
trop fragile. Ce sera sans
doute le dernier livre que
j’aurais écrit. » Et les
thèmes qui hantent ces
pages magnifiques expri-
ment les douleurs de ce
Baumgartner, « ce sac d’os
vieillissant ». Le chagrin et
la douleur. L’amour et la
mémoire. La nostalgie et la recons-
truction. La vieillesse, le deuil.
Auster et Baumgartner, à quelques
détails près, ne font qu’un. En au-
cun cas de l’autofiction, mais de la
littérature avec toutes ses exi-
gences et tous ses masques. D’une
page l’autre, Paul Auster rappelle à
quel point il compte parmi les vir-
tuoses de la littérature. C’est d’au-
jourd’hui, d’hier et d’avant-hier
qu’il nous entretient. New York à la
fin des années 1960. Le père com-
merçant qui fut communiste et ne
s’en remet pas, pas vraiment. Les
affres de la vieillesse, le besoin
d’écriture, lui aussi sur le point de
passer. Tout cela raconte à la fois
une vie et… l’Amérique que Paul
Auster a admirée et qui, désormais,
l’effraie et le navre.
Au moment où le Centre national
du livre invite pour une troisième
édition les Français à « un quart
d’heure de lecture » – opération que
nous soutenons –, le dernier livre
de Paul Auster ne pouvait pas
Baumgartner,
Paul Auster, échapper à notre radar. Mais il mé-
traduit de l’anglais
rite évidemment bien plus qu’« un
par Anne-Laure
Tissut, Actes Sud, quart d’heure de lecture ». Ce ro-
208 pages, man bouleversant est déjà indis-
21,80 euros. pensable. • 320 pages, 22 euros.
Récit
Lignes
de fuite
Romancier, essayiste,
académicien, avocat… François
Sureau dispose de toutes les
« bonnes » cartes. Or, de livre
en livre, tous écrits d’une plume
éblouissante,
le lecteur
s’aperçoit qu’il
veut « s’en
aller »,
échapper à
cette « cour »
parisienne
qui lui rend
pourtant tous les honneurs.
Sureau chérit la fuite. Victor
Hugo qui fuit à Guernesey.
L’espion Kim Philby qui
s’enterre à Moscou. Deux
exemples parmi d’autres qui
permettent à François Sureau
de réfléchir à la trahison, aux
tourments des aventuriers, à la
beauté de la guerre. Un opus
exigeant, parfois déroutant,
mais qui mérite notre effort.
S’en aller, François Sureau,
Gallimard, 288 pages, 21 euros.
Essai
Le règne
de la victime
Il y va fort, Pascal Bruckner :
« A l’humanité conquérante
de la modernité succède
aujourd’hui une humanité
victimaire. Le souci des
humiliés, telle
est
la grandeur de
la civili-
sation. La
victimisation
comme
chantage sur
autrui, tel est
l’envers de ce progrès. »
Polémique assurée, certains ne
manqueront pas de diaboliser
Bruckner le réac. Ils auraient
tort. Car la démonstration
est saisissante, contestable
parfois mais très argumentée.
A l’épicentre des conflits
idéologiques les plus cruciaux
de l’époque. Réfuter Bruckner,
certainement ; le lire, oui,
résolument.
Je souffre donc je suis,
Pascal Bruckner, Grasset,
livres

Vincent Jeanbrun

Territoire
à l’abandon
Symbole d’une France laissée de côté, le maire LR de L’Haÿ-les-Roses, commune défavorisée
du Val-de-Marne, raconte la violence et l’absence de moyens. Extraits (p. 77 à 79).

A l’échelle de la commune, nous avons pour l’« éducation » des enfants. Côté électricité, le
également eu à faire face à un campe- campement s’est déjà branché sur le réseau… Puis
ment illégal de Roms sur le terrain de les squatteurs décident de transformer une partie
construction d’un futur groupe scolaire. La loi ne du campement en décharge sauvage. Ils passent des
permet pas à la police d’intervenir et d’expulser les accords totalement illégaux avec de petites sociétés

intrus, pourtant installés en toute illégalité, si le
délai de quarante-huit heures après le début de
l’occupation est dépassé. Bien entendu, ils s’ins-
tallent le vendredi soir car ils savent que les agents
communaux sont moins présents le week-end, et le
font de manière discrète pour ne pas éveiller les
soupçons. Ne nous reste plus que la possibilité d’en-
tamer des procédures juridiques longues, com-
plexes et coûteuses. Et attendre…
Entre-temps, le camp s’agrandit, la préfecture
nous met en garde : si nous tentons de bloquer
l’arrivée de nouveaux squatteurs avec l’aide de la
police, c’est nous qui serons poursuivis. Il
me semble important de souligner le rôle très actif
que jouent différentes associations, dont certaines
bénéficiaires de subventions publiques, qui at-
taquent les mairies et les services de l’Etat.
Très bien informées, elles connaissent souvent
mieux les lois que nous dans ce genre de situation.
Elles filment, poussent à la faute, jouent sur les
failles juridiques.
Ainsi, elles déposent plainte contre la mairie et la
préfecture, et nous voilà condamnés aux frais du
contribuable à fournir un raccordement en eau, des
sanitaires, des douches, à organiser la collecte des
ordures ainsi qu’à fournir des tablettes numériques
Eric Tschaen/Réa
de BTP afin qu’elles viennent vider leurs camions.
Celles-ci n’ont donc pas à payer les frais de recy-
clage dans les déchetteries. Et c’est la ville qui devra
gérer la dépollution du campement lorsqu’elle récu-
« Il me semble pérera son terrain. Et ce sont les contribuables qui
important paieront, comme d’habitude.
de souligner La mairie n’entend pas baisser les bras et se laisser
faire ; nous gagnons en appel. Mais alors que la pro-
le rôle très actif cédure d’expulsion avance, après plusieurs mois
que jouent d’attente, l’association qui accompagne le campe-
différentes ment joue sur une faille juridique. L’expulsion des
squatteurs est nominative. Un huissier a dû venir
associations, relever l’identité de chacune des personnes à expul-
dont certaines ser. Au dernier moment, lorsque la procédure est
bénéficiaires sur le point d’aboutir, l’association va organiser une
permutation des squatteurs avec ceux d’un autre
de subventions campement… La procédure d’expulsion tombe à
publiques, l’eau, elle n’est plus valable. Il faut tout recommen-
qui attaquent cer à zéro. C’est infernal.
Le chemin sera long, interminable : plus d’un an et
les mairies demi de procédure et un an et demi de squat, de nui-
et les services sances pour les riverains. Car la décharge est deve-
de l’Etat. » nue une fonderie à ciel ouvert. Les enfants qui de-
vraient être scolarisés servent de petites
mains pour alimenter des feux toxiques
sous les fourneaux, nuit et jour.

Notre avis. Vincent Jeanbrun, maire
LR de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-
Marne), est devenu le symbole de
cette France abandonnée, confrontée
à la pauvreté, au chômage,
à la violence, au trafic de drogue,
à la disparition des services publics.
Le 2 juillet 2023, lors des émeutes
consécutives à la mort de Nahel
Merzouk, le domicile de l’édile est
attaqué à la voiture bélier et incendié
alors que son épouse et ses deux
jeunes enfants sont à l’intérieur.
Il raconte la violence, l’absence de
moyens face à la dégradation d’une
partie du territoire, la bureaucratie,
l’indifférence des hautes sphères
de l’Etat. Il raconte aussi la
déception, alors que durant le
« grand débat », Emmanuel Macron
avait suscité un espoir. Que l’on
partage ou pas son orientation
politique, on ne peut qu’être
admiratif devant le dévouement,
la ténacité de cet élu qui se bat
pour rendre la ville où il est né plus
sûre, pour offrir une chance aux
habitants des tours. C’est grâce
à des personnalités comme lui que
la République tient. G. O.
Les Deux France, Vincent Jeanbrun,
Albin Michel, 176 pages,
18,90 euros.

14 MARS 2024 - CHALLENGES N°821  129

 Menthon
Domenach Double je
JEUDI 7 MARS
Le patron du courrier se doit d’avoir
de bonnes idées
U
ne activité principale en baisse, une autre au bon vouloir
d’un Gafa, des emplois à réinventer, des clients dont l’exi-
gence ne faiblit pas : nous ne déjeunons pas avec un patron
de presse, mais avec Philippe Dorge. Carrure de rugbyman, il a
été directeur d’usine et DRH de Peugeot. Aujourd’hui, c’est le
chef des facteurs. Il nous raconte les coups portés contre
La Poste : la fin des échanges épistolaires, les factures et relevés
de comptes numérisés, le déclin des prospectus publicitaires…
Son job ? Ne pas se plaindre et trouver de nouvelles activités,
comme la distribution de repas aux personnes âgées ou la trans-
formation de centres de tri en dépôts logistiques.
Mais la principale bouée de sauvetage est bien sûr l’e-commerce
et son corollaire, la livraison de colis. On est bien placé pour
savoir combien Google est devenu vital pour les médias. Pour
La Poste, ce rôle est tenu par Amazon. Et désormais par les
chinois Shein ou Temu.
Avec Emmanuel Macron à bord
d’« Air Sarko »
N
athalie Schuck a rédigé le chapitre le plus planant de Lieux
de pouvoir (éd. Perrin), un ouvrage collectif sous forme de
visite de l’Elysée à Versailles ; en passant par la cour
d’honneur des Invalides ou la tribune (présidentielle bien sûr)
du Parc des Princes. Notre consœur du Point, elle, nous em-
barque à bord d’« Air Sarko », le A330-200 qu’a fait aménager
l’ex-président de la République, qui l’inaugura fin 2010 pour se
rendre à un G20 à Séoul.
Emmanuel Macron se sert sans modération de cet avion, qui
récemment encore a transporté le président ukrainien Volody-
myr Zelensky. Nicolas Sarkozy, fasciné par l’Air Force One
américain, voulait en faire un symbole de puissance. Avec sa
chambre présidentielle, son dressing, sa salle d’eau avec douche,
B. Delessard/Challenges
son lit double, sa cuisine, sa salle de réunion, ses onze sièges en
cuir crème rehaussés de bleu roi, il est aussi un objet de rêve
pour les puissants et ceux qui aspirent à le devenir. Il avait per-
mis à Sarkozy de vaincre sa peur de l’avion. Un mal dont n’est
pas atteint Macron, qui néglige même d’y attacher sa ceinture.
130  CHALLENGES N°821 - 14 MARS 2024
VENDREDI 8
Valérie Hayer est en rodage
médiatique
A
ncien journaliste devenu porte-parole de Renaissance, Loïc
Signor a pour mission de faire découvrir aux Français la tête
de liste aux européennes Valérie Hayer. Il faut que la bonne
élève « fende l’armure » pour espérer « rattraper Jordan
Bardella ». Comme media trainer, Signor a interprété plusieurs
de ses ex-confrères afin d’aguerrir sa championne, notamment
Apolline de Malherbe, Sonia Mabrouk et Benjamin Duhamel.
Parmi les prestations inspirantes à visionner : les plateaux de
Robert Ménard, le maire de Béziers et maître ès communication.
A Valérie Hayer, il est recommandé d’être « elle-même ». Encore
faut-il qu’elle écoute : Gabriel Attal l’avait mise en garde avant
son premier grand rendez-vous sur TF1 : « N’appelle pas Gilles
Bouleau par son nom, moi-même je lui ai donné du Gilles
Bourreau… » Cela n’a pas raté : Hayer s’est engouffrée dans le
piège du lapsus en appelant le présentateur du nom du bras droit
d’Edouard Philippe, Gilles Boyer ! « Désormais je ne nommerai
plus personne », jure l’eurodéputée.
LUNDI 11
Robert Peugeot repousse
les grandes manœuvres
L
’action Peugeot Invest s’est réveillée aujourd’hui avec dix fois
plus d’échanges que la veille et une clôture en hausse de
6,4 %. La Bourse ne célèbre pas le départ du directeur géné-
ral, Bertrand Finet, programmé pour cet été avec des indemnités
qui ont d’ores et déjà fuitées. Les investisseurs tablent sur une
réorganisation profonde des affaires de la famille actionnaire de
Stellantis, de Lisi ou de l’Immobilière Dassault, qui a malheureu-
sement aussi misé sur les maisons de retraite Orpea ou sur le
promoteur autrichien René Benko, en faillite.
La logique voudrait que les Peugeot (22e fortune française, à
5,4 milliards d’euros) retirent de la Bourse cette structure cotée,
qu’ils contrôlent à près de 80 % via Peugeot Frères. D’autant que
la « décote de holding » de Peugeot Invest – qui ne vaut que
2,8 milliards – est évaluée à plus de 50 %. Mais dans les grandes
familles, la logique n’est pas toujours au rendez-vous. Alors que
nous évoquons ce schéma, dont ont par exemple fait usage les
Rothschild l’an dernier en quittant la cote, on nous oppose un
« démenti total », puisque « la famille est très contente d’être en
Bourse ». La porte-parole de Peugeot Invest et de son président,
pour être bien claire, ajoute que ce scénario est « totalement
farfelu ». Notons tout de même que ledit président, Robert
Peugeot, quitte ses fonctions l’an prochain. •
A la semaine prochaine
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