*Rejoignez notre famille

Merci à nos cavistes : Gilles P. - Damien M.

Nicolas C. - William W. - Bertrand B.
 Confidentiel

Rothschild & Co détient le mandat de vente d’A.P.C. (prêt-à-porter),

qui appartient à son fondateur Jean Touitou.

Bras de fer entre les régions

L’expérimentation des
stages en entreprise et l’Etat sur le budget des lycées Le rapprochement des
équipementiers Figeac
pour les élèves de 5e, Aero et Mecachrome
lancée en septembre Les conseils de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes devrait aboutir l’an
par l’Education prochain. Ils ont un
nationale, est un
ont choisi de ne pas doter les lycées de leur région des financements nécessaires actionnaire commun :
succès. Près de pour faire face à l’explosion des charges énergétiques en 2023. Les établissements ACE Capital Partners
700 collèges (200 000 scolaires se retrouvent ainsi dans l’incapacité de construire et de présenter des (Tikehau Capital),
élèves) ont joué le jeu.  projets budgets « sincères ». En filigrane, les régions exercent une pression sur que dirige Marwan
le gouvernement, espérant décrocher de l’Etat un accompagnement financier Lahoud (ex-Airbus). 
Alexis Zajdenweber,
le nouveau patron
supplémentaire. • En 2022, Malakoff
de l’Agence des Humanis va atteindre
participations de l’Etat, 400 000 consultations
siégera aux conseils Arc International chôme de psychologues
d’EDF, Renault En raison de la crise énergétique, la Pierre remboursées dès le
et de la SNCF. direction d’Arc International a présenté Moscovici premier euro, contre
en CSE une prolongation jusqu’à la fin transparent 280 000 en 2021. 
La coopérative
Bruno Levy/Challenges

JouéClub, qui a
du premier semestre 2023 du plan de Le premier pré- La Compagnie de
retrouvé son niveau réduction de son activité. Les 4 600 CDI sident de la Cour Phalsbourg et BNP
d’activité de 2019, veut de l’usine d’Arques (Pas-de-Calais) sont des Comptes a Paribas Real Estate
ouvrir 10 magasins désormais touchés, avec 4 à 14 jours arrêté le pro- contestent en
l’an prochain. chômés par mois. gramme de l’ins- cassation l’annulation
titution. Le rapport annuel, désor- des permis sur les
Blackstone France projets immobiliers
déménage en 2023 au
mais thématique, est dédié à la parisiens « Ville
9, rue Saint-Florentin décentralisation en 2023, et celui de multi-strates » et
(Paris VIIIe), un 2024 au financement de la transition « Mille arbres ». 
immeuble aménagé climatique. L’ensemble des rapports
par le holding de la Cour seront désormais public. Forvia travaille sur
Dentressangle. un projet de pile
F. Crusiaux/Réa

Un tiers restaient confidentiels.

à combustible à
Christel Heydemann, 8 000 euros capable
la directrice générale de mouvoir des
d’Orange, partenaire Cop.Copine trébuche véhicules à hydrogène
de l’équipe de France Renault passe sur le gril Après Camaïeu, l’enseigne Cop.Copine sur 600 kilomètres
de football, n’ira pas syndical (Alineo, 66 points de vente) est en avec une recharge en
au Qatar.  Lors du CSE extraordinaire du 29 no- règlement judiciaire. La société emploie cinq minutes.

L’ESCP prépare
vembre, les syndicats CFE-CGC et CGT 172 salariés, pour un chiffre d’affaires Le styliste de Céline
une chaire dédiée aux du groupe Renault ont posé 142 ques- de 25 millions d’euros. (LVMH, actionnaire
entreprises familiales, tions à la direction au sujet du projet de de Challenges) Hedi
en partenariat avec scission des activités. McCourt embauche Slimane a fait
le Family Business L’homme d’affaires américain Frank l’acquisition d’un
Network.  La Suisse s’enrichit McCourt, qui avait recruté fin 2021 appartement parisien
de fortunes françaises sur l’île Saint-Louis.
Jeumont Electric, qui
Shéhérazade Semsar-de Boisséson (ex- Pour 18,5 millions
construit des moteurs Selon les 300 riches du Politico Europe) va la placer à la tête de d’euros. 
à propulsion nucléaire, magazine suisse Bi- McCourt Global, le holding qui gère ses
envisage d’ouvrir lan, Gérard Werthei- participations, dont l’Olympique de Les députés RN ont
C. Platiau/Reuters

son capital.  mer (Chanel) est la Marseille. Elle fait déjà partie du conseil voté pour le relèvement
première fortune du de surveillance du club de football. des prélèvements sur
Le chiffre d’affaires les superdividendes et
d’Easy Cash
pays (39 milliards de la taxe de solidarité
(133 magasins) d’euros). Plus de Le Collectionist se muscle sur les billets d’avion.
a progressé de près 40 autres citoyens français figurent Le Collectionist (locations de luxe) Mais contre les taxes
de 20 % en 2022, à dans le classement 2022. Dont des nou- boucle une levée de 60 millions d’euros, sur les jets d’affaires
240 millions d’euros.  veaux venus : les familles Dray et Vaney avec Highland Europe, accompagné et les yachts. 
Barande, Max-Hervé George, Alexandre notamment de business angels (Fabrice
Garese et Laurent Useldinger. Grinda, Xavier Romatet…).

Sommaire en pages 22 et 23
1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  9
 Confidentiel

Gérald Darmanin (Intérieur) planche sur une loi constitutionnelle

concernant le statut de la Corse. Qui sera présentée en 2024.

En toute indiscrétion
Plusieurs dirigeants Le député EELV
de licornes (Sorare, Lavrilleux canarde Aurélien Taché
Deezer, BeReal, L’ancien directeur de cabinet de Jean- lance ses « mercredis
Back Market…) font François Copé, qui a repris du service de la démocratie ».
partie de la délégation Première édition

D. Goldsztejn/Le Parisien/MaxPPP
d’Emmanuel Macron
auprès du député du Rhône LR le 7 décembre à Paris
en visite officielle Alexandre Vincendet, savoure son re- sur la place des
aux Etats-Unis. tour à l’Assemblée. Hostile à la ligne musulmans en France.
Laurent Wauquiez - Eric Ciotti et parti- Avec l’historien
Les députés Philippe san d’un rapprochement avec la majo- Todd Shepard (Johns
Juvin (LR) et Karl Olive rité présidentielle, Jérôme Lavrilleux ne Hopkins University).
(Renaissance)
préparent une
manque pas une occasion de moquer Nicolas Sarkozy
proposition de loi les coups de menton de LR, « un tigre ouvre la convention
visant à élargir le de papier édenté ». Et la faiblesse du Julliard ne regrette rien nationale du Comité
champ de la loi Garot patron de groupe Olivier Marleix, réduit L’ex-premier adjoint de la maire de représentatif des
(antigaspillage) aux à envoyer des SMS pour s’assurer de la Paris évolue désormais loin de la poli- institutions juives de
magasins de moins présence des députés : « De mon temps, tique. A la tête de sa fondation Art France le 4 décembre
de 400 m2 et à la à la maison de
restauration collective.
il y avait un tableau de permanence et Explora, Bruno Julliard organise des la Chimie (Paris VIIe).
tout élu qui accusait un taux de pré- résidences d’artistes et s’attelle à la
Les acteurs de la sence inférieur à 70 % était sanction- préparation d’un festival culturel itiné- Les députés Iñaki
grande distribution né. » Wauquiez n’échappe pas à ses rant autour de la Méditerranée. Son Echaniz (PS), Sophie
s’inquiètent de deux piques pour 2027 : « Citez-moi une élec- départ sur fond de divergence avec Taillé-Polian (EELV)
propositions de loi de tion difficile qu’il a gagnée. » Anne Hidalgo ? « Aucun regret ! Les et Clémentine Autain
Frédéric Descrozaille (LFI) vont porter
(Renaissance)
raisons de ma démission en 2018 se une proposition de loi
et Julien Dive (LR) Le Figaro s’illustre sont révélées fondées avec le temps et visant à renforcer
sur les négociations dans le machisme les faits. Et peut-être même en pire, la liberté de la presse.
commerciales Rire d’un proche de malheureusement. »
avec les industriels. Valérie Pécresse à Créée l’an dernier
la vue de la une du Pas de gifle pour Rousseau par Jean-Louis
La Fondation pour Bianco, la Vigie
l’écologie politique et
Figaro Magazine : Mélissa Camara, la candidate soutenue de la laïcité essaime.
la Heinrich-Böll-Stiftung « Y a-t-il quelqu’un par Sandrine Rousseau, n’obtient qu’un Avec sept antennes
ont commandé aux pour sauver la très décevant 13,4 % aux élections régionales.
équipes de Simon droite ? » Pour internes à EELV. Ses adversaires
Persico (Sciences-Po réponse illustrée, évoquent un « désaveu cinglant ». Par- Le think tank de
Grenoble) un projet les photos d’Eric ler de gifle serait déplacé. gauche Démocratie
SP

de recherche sur vivante (Dominique

les promesses des
Ciotti, Edouard Philippe, Aurélien Villemot) organise
maires EELV. Pradié, Bruno Retailleau, Laurent Vers une liste verte une conférence sur la
Restitution en janvier. Wauquiez et Eric Zemmour : « Plus aux européennes réforme des retraites
macho, tu meurs ; Sandrine Rousseau Avec la probable désignation de Marine le 8 décembre à Paris.
L’eurodéputé Gilles peut leur dire merci. » Tondelier comme secrétaire nationale Avec Philippe Aghion
Boyer (Renew), proche d’EELV, l’état-major de La France (Collège de France) et
d’Edouard Philippe, a Saint-Huile observe la mue Michel Yahiel (CDC).
été nommé rapporteur
insoumise est persuadé qu’« il y aura
de son groupe sur des ministres une liste écologiste autonome aux Jean-Philippe
la transposition des Le député du groupe Libertés, indépen- élections européennes ». L’un de leurs Tanguy (RN) rejoint
normes prudentielles dants, outre-mer et territoires Benjamin parlementaires en conclut : « Il ne nous le Comité consultatif
de Bâle. Enjeu décisif Saint-Huile a su garder le contact fluide reste plus qu’à attirer les socialistes. de la législation
pour les banques. avec l’électorat populaire du Nord, Ça ne devrait pas être impossible. » et de la réglementation
financières sur
Le militant PS et
massivement passé au RN. Ainsi Du côté du premier secrétaire du PS proposition de
ex-ministre Louis qu’avec les ministres : « A l’exception Olivier Faure, on feint de croire encore la présidente
Mermaz, 91 ans, de Bruno Le Maire, tout en rigidité à un rassemblement de « toutes les for- de l’Assemblée
votera pour la motion d’esprit et de corps, les autres ont com- ces ». En vertu d’un principe ainsi énon- nationale Yaël
d’Olivier Faure. mencé de muer. Ils sont brillants, cé, comme un avertissement à EELV : Braun-Pivet.
mais encore un peu coincés dans leurs « Le premier qui tire contre l’union de
costumes carapaces intelligentes. » la gauche, celui-là est mort. »

10  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

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un sourcing respectueux des démarche fait l’objet d’un déploiement
sols et de la biodiversité : progressif : 30 produits tracés en 2022,
Avec Clarins T.R.U.S.T., le et près d’une soixantaine de nouvelles
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consommateur a aussi accès références d’ici fin 2023. Un vrai gage
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provenance « Domaine
soin : préparation de la formule, produits Clarins !
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Publi-communiqué

La direction du Monde a demandé à ses journalistes de refuser
toute invitation pour assister à la Coupe du monde au Qatar.
La lettre du
22 novembre de
l’Arcom à Twitter, dans
laquelle elle exprime
sa « vive inquiétude »
sur la « capacité
de Twitter à maintenir
un environnement sûr
pour les utilisateurs de
son service », a eu un
retentissement dans
une bonne partie de
la presse américaine.
La direction de Prisma
Media va arrêter la
publication du
magazine Bien dans ma
vie by Femme Actuelle
mi-décembre. Les six
journalistes de la
rédaction seront
Capture YT
reclassés en interne.
Les syndicats craignent
également en 2023
l’arrêt des titres
Management, Cuisine
Actuelle et Ça
m’intéresse Histoire.
Fait rarissime côté
programmes à M6 :
Nicolas de Tavernost
sera le 1er décembre
à la conférence
donnant le coup
d’envoi de la nouvelle
saison de Qui veut
être mon associé ?
aux côtés des jurés
investisseurs (Marc
Simoncini, Eric
Larchevêque, Delphine
André…). Et pour
cause : c’est
l’émission préférée
du patron de M6.
Le rappeur Jul est
l’artiste le plus écouté
sur Spotify en France
en 2022. Les rappeurs
Ninho et Gazo
complètent le podium.
Guillaume Guichard,
spécialiste de l’énergie
au Figaro, va rejoindre
Les Echos.
12  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
Médias
Par Thuy-Diep Nguyen
Quand le tribunal de commerce
préempte le droit de la presse
Une « atteinte inédite au droit d’infor-
mer ». Mercredi 30 novembre, deux
publications avaient rendez-vous au
tribunal pour dénoncer ce fait et plai-
der leur cause : le site Mediapart et le
média en ligne Reflets.info. Chacun de
leur côté était attaqué pour une série
d’enquêtes : l’une sur le maire de Saint-
Etienne Gaël Perdriau ; l’autre sur le
holding d’Altice,
propriété de
Patrick Drahi, au
Luxembourg.
Curieux point
commun à ces
affaires : Media-
part et Reflets.
info ont été cen-
surés avant même d’avoir publié en
ligne leurs révélations. « Nous assis-
tons à une dangereuse instrumen-
talisation du droit », tempête Antoine
Champagne, le rédacteur en chef de
Reflets.info. Mi-novembre, le président
du tribunal judiciaire de Paris interdi-
sait en effet à Mediapart de publier
« tout ou partie » de l’enregistrement
sur lequel s’appuyait son article, ju-
geant en urgence que ce document
pouvait porter atteinte à la vie privée
de Gaël Perdriau. Un mois plus tôt,
L’actualité internationale profite à LCI
LCI poursuit sa percée à bas bruit,
entamée depuis quelques mois. Malgré
la Coupe du monde de football au
Qatar et les vacances de la Toussaint,
la chaîne affiche en novembre sa
meilleure audience, passant en un an
de 1,1 % à 2 % de part de marché. Fait
notable, l’appétence pour l’informa-
tion en continu progresse : les parts de
marché cumulées des quatre chaînes
(BFMTV, CNews, LCI, France Info) ont
crû de 6,7 % à 7,5 %.
LCI est celle qui en profite le plus. La
guerre en Ukraine lui a permis de re-
trouver le sillon de l’international qui
Jugé pour « corruption
de mineur », Jean-
Marc Morandini saura
Reflets.info s’était vu empêcher par le ce 5 décembre si la
peine requise d’un an
tribunal de commerce de Nanterre de de prison avec sursis
publier toute nouvelle information sur a été retenue. C’est
les activités d’Altice. Son tort ? Le l’inquiétude de CNews,
média en ligne s’était procuré des infor- dont il est, depuis le
mations issues d’un vol de données, départ d’Eric Zemmour,
dont la publication pourrait « faire pe- l’un des deux piliers,
avec Pascal Praud.
ser une menace » sur ce groupe.
Autre anomalie, les deux décisions Depuis un an, Paris
reposent sur « des dispositions parti- Match a perdu 54 %
culières aux tribunaux de commerce », de sa diffusion en
pointe Edwy Plenel, le fondateur de kiosque. Les derniers
Mediapart, qui dénonce un « détourne- numéros sont en
dessous de la barre
ment » de procédure pour éviter de des 80 000
passer devant la 17e chambre correc- exemplaires, un seuil
tionnelle, celle affectée à la presse. Les déjà bien inférieur à la
avocats d’Altice, eux, justifient ce choix moyenne des ventes
par l’application de la loi sur le « secret habituelle au numéro.
des affaires ».
Delphine Ernotte
Cette « censure préalable » a soulevé et Michèle Cotta
l’indignation du Syndicat national des comptent parmi
journalistes (SNJ) et de nombreuses les personnalités à
sociétés de journalistes, dont celle de apporter leur soutien
Challenges. Les deux médias contestent dans les colonnes
les ordonnances. Reflets.info sera par de la nouvelle revue
Reporters d’Espoir,
ailleurs jugé sur le fond du dossier récemment sortie
– l’utilisation de données volées – au en kiosque.
tribunal de commerce le 15 décembre
prochain. Une juridiction dont la spé- Carré Noir, entité
cialité n’est pas l’application du droit de Publicis, a été
de la presse. D. Pa. chargé de phosphorer
sur le nom de la future
société commune au
groupe publicitaire et à
Carrefour dans le retail
média. La coentreprise
était le sien lors de sa création en 1994. sera opérationnelle
Depuis le 24 février, hors scrutin prési- début 2023.
dentiel, « l’international occupe 13 à
14 heures sur nos 18 heures quoti- Retrouvez la
diennes de direct », affirme Fabien chronique économique de
Namias, le directeur général délégué Gilles Fontaine
de la chaîne. Grâce à un atout maître : Le samedi
LCI apporte de l’expertise et des repor- à 7 h 10 dans LE 6/9
d’ERIC DELVAUX
tages, car elle profite de la puissance
de sa maison mère TF1, qui a envoyé
40 équipes en Ukraine. Une progres-
sion qui lui permettra de clôturer 2022
sur « un résultat opérationnel supé-
rieur à celui escompté », selon Namias.
Mais malgré tout dans le rouge. Vé. G. Fréquence Paris : 87,8 MHz
 Radars
Par Antoine Izambard

Selon la Délégation parlementaire au renseignement, les femmes

représentent 30 % des effectifs des services français.

Les relations se réchauffent

Oxfam va publier
un rapport très
critique sur l’aide
au développement
de la France au Sahel.
L’ONG dirigée
par Cécile Duflot
dénonce notamment
le financement
de grands projets,
comme l’autoroute
à péage et le TER
de Dakar (Sénégal),
entre Paris et Londres Le président LFI
de la commission
des Finances Eric
Coquerel a reçu
Après la météo orageu- à l’Assemblée
se des années Johnson, la cheffe de la
et brièvement Truss – en mission palestinienne
campagne en août, l’ex- en France Hala
Première ministre n’avait Abou Hassira.
pas su dire si Emmanuel Ex-consule générale
Macron était un « ami » à Sydney, Anne
ou un « ennemi » de son Boillon prend son

qui auraient trop
endetté les Etats.
Alain Juillet,
ex-directeur du
renseignement
de la DGSE, dont
les analyses sur
la guerre en Ukraine
sont contestées,
remplace le général
François Mermet à la
tête de l’association
des Anciens des
services spéciaux
de la défense
nationale. Jacques
Gautier, ancien
sénateur LR, est
nommé vice-président.
Orange ferme
son bureau à Tokyo,
qui était très
important lorsque le
marché japonais des
télécoms était un des
premiers au monde.
L. Marin/AP/Sipa
pays –, voici venu le premier poste
temps de l’accalmie d’ambassadrice,
entre Paris et Londres. en Azerbaïdjan. Son
mari est l’ancien
Les signes de ce rappro- Emmanuel Macron et Rishi Sunak, à Charm el-Cheikh, diplomate et « Sarko
chement sont nom- le 7 novembre. Un sommet bilatéral, un nouvel EPR avec boy » Boris Boillon.
breux : l’accord bilatéral EDF… Les signes de rapprochement sont nombreux.
pour limiter les traver- L’énarque Marjorie
sées illégales de la Manche signé le cier, les rapports entre les deux pays Vanbaelinghem
14 novembre ; l’annonce par le pré- vont en pâtir. » devient directrice
par intérim de
sident français, le 9 novembre, de la Alors que la frange dure du Parti l’Institut de recherche
tenue d’un sommet franco-britannique conservateur défend vivement le Nor- stratégique de l’Ecole
sur la défense au premier trimestre thern Ireland Protocol Bill, ce projet de militaire (Irsem)
2023 ; ou encore le partenariat, rendu loi détricotant des pans cruciaux du après la nomination
public le 17 novembre par Londres, traité du Brexit, que l’Union europé- de Jean-Baptiste
pour développer avec EDF un nouvel enne considère comme une violation Jeangène Vilmer
comme ambassadeur
EPR dans l’est de l’Angleterre. « L’amé- des engagements internationaux du au Vanuatu.
lioration de la relation est nette, Royaume-Uni, Rishi Sunak avance
observe le diplomate Peter Ricketts, masqué sur ce dossier. Et sa stratégie Le choix de la
ancien conseiller à la sécurité nationale vis-à-vis de Bruxelles ne semble pas Commission
et ambassadeur du Royaume-Uni en vraiment définie. Si le Sunday Times a européenne d’un logo
France (2012-2016). Rishi Sunak est indiqué, le 19 novembre, que l’exécutif nutritionnel commun
aux pays européens,
plus pragmatique que ses prédéces- prévoyait « de mettre la Grande-Bre- qui pourrait retenir
seurs et joue l’apaisement. Toutefois, tagne sur la voie d’une relation simi- le Nutri-Score, a été
le vrai révélateur sera le protocole laire à celle de la Suisse avec l’Union décalé début 2023.
nord-irlandais, car si le gouverne- européenne », Downing Street a ensuite
ment britannique ne veut pas négo- vivement démenti l’hypothèse. •

Le gaz azéri au secours de l’Europe. La Chine sur la voie d’une solide reprise. Les exécutions saoudiennes en hausse.
Disposant des 25e réserves de gaz du Malgré la crise immobilière et la stratégie Les peines capitales, notamment pour
monde, Bakou prévoit de doubler d’ici à zéro-Covid du président Xi Jinping, « terrorisme » et « trafic de drogue », ont
Exportations gazières 2027 sa production Prévision de croissance les analystes Exécutions en doublé en un an
de l’Azerbaïdjan à destination des du PIB chinois (en %) de Morgan Stanley Arabie saoudite dans le royaume. Ces
(en millions de dollars) pays de l’Union. 7 prévoient un rebond 187 actes « piétinent »
3 145 Entre janvier du PIB chinois au le moratoire sur la
6
2 569 et octobre 2022, 5 printemps prochain 138 peine de mort pour
les Européens ont (6,7 %). Pour les infractions liées
4
acheté plus de gaz les troisième à la drogue, annoncé
1 499 azéri que sur tout 3 et quatrième par la Commission
1 156 1 193 69
2021 (9,3 milliards 2 trimestres 2023, saoudienne
de m3). Un accord 1 la banque 27 des droits humains
critiqué, notamment 0 américaine table en 2021, a
par des députés T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4
2022 2023 sur une croissance rappelé Amnesty
2016 2017 2018 2019 2021 2019 2020 2021 2022
SOURCE : SOCAR. français. SOURCE : MORGAN STANLEY. supérieure à 5 %. SOURCES : AFP, AMNESTY INTERNATIONAL. International.

14  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Le graphique

Boosté par le freinage du mono-

space, le SUV rattrape la berline LEÇON N°1
Concept inventé au début du siècle par les ventes de Renault et Stellantis en Europe. Progression
constructeurs japonais, le SUV (pour Sport Ils séduisent par leur poste de conduite sur­ Profitant de
Utility Vehicle) est en passe de devenir la élevé, particulièrement apprécié, selon les la déconfiture des
catégorie de voitures la plus populaire en études, par la clientèle féminine et les auto­ monospaces, les SUV
ont vu leur part de
France. Ces faux 4 X 4 s’octroient déjà 45 % mobilistes âgés, l’accès à bord et la sortie en marché multipliée par
des immatriculations de voitures neuves, étant facilités. La position haute permet éga­ vingt en vingt ans. Plus
contre 47 % pour les berlines. En 2010, ils ne lement de mieux voir la route. Ils apportent les automobilistes sont
représentaient que 10 %. Et les activistes de ainsi une fonctionnalité supérieure aux ber­ urbanisés, contraints
l’écologie ont beau s’acharner, rien n’y fait. lines, proche des monospaces, une famille à des restrictions
Les SUV représentent près de 40 % des de véhicules en voie de disparition. A.-G. V. de circulation, plus
ils rêvent de jouer
les campagnards
aventuriers.
Pas forcément dans
de gros véhicules.
Part dans les nouvelles
immatriculations en France (en %) LEÇON N°2
Consommation
60 Les adversaires des
SUV les soupçonnent
de polluer plus que
les berlines. Un Captur
2021 pèse 100 kilos de
Le Duster dépasse plus qu’une Clio.
la Clio dans les Il rejette donc 10 %
BERLINES ventes du groupe de CO2 supplémentaire
Renault. au kilomètre. Mais
le Captur se vend
surtout en hybride et en
50 version rechargeable.
Or, ce modèle rejette
trois fois moins de gaz
2017 à effets de serre
La part de 2018 qu’une Clio à essence.
marché des
berlines passe DS choisit de produire LEÇON N°3
sous les 50 %. sa berline de luxe DS9
uniquement en Chine. Confusion
Les constructeurs
mélangent les genres,
40 2017
et la frontière entre SUV
Premier SUV et berline s’estompe.
électrique, le
Model X de Tesla.
La Citroën C4 est
une berline compacte
2022 rehaussée, dont
Même Ferrari se met la hauteur rejoint celle
au SUV, avec d’un SUV Peugeot
le Purosangue. 2008, dérivé de la 208.
Et le Renault Captur,
dérivé de la Clio, est
30 si petit que seuls
SUV 16 % des sondés
2020 le définissent comme
un SUV, d’après
Le malus au poids
pénalise les ventes une enquête de
de gros véhicules. l’Observatoire Cetelem.
2015
Photos : SP

Avec le Captur (Renault) et

la 2008 (Peugeot), les SUV
dépassent les monospaces.
20 SOURCE : CCFA-PFA.

2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022

16  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Regards

En un an, le marché des cryptomonnaies a été divisé par 3,

à moins de 1 000 milliards de dollars.
La France possède la deuxième zone maritime du monde, derrière les Etats-Unis,
avec plus de 10,2 millions de km², dont 97 % outre-mer.
A 27 ans, la Londonienne Flossie est le chat vivant le plus âgé.
81 % des Américains, 78 % des Allemands, 72 % des Français pensent que leur pays
est plus divisé aujourd’hui qu’avant la pandémie de Covid.
La Bavière a accueilli 149 000 Ukrainiens depuis le début de la guerre,
30 000 de plus que la France entière.
100 000 nouvelles chansons sont publiées chaque jour sur les plateformes de streaming.
Poids de la communauté indienne : 109 000 personnes en France, 185 000 en Allemagne,
203 000 en Italie, 240 000 aux Pays-Bas.
Les réseaux sociaux constituent 19 % du trafic Internet mobile,
dont 93 % sont générés par Facebook et Instagram.
La Chine représente 75 % de la production mondiale de panneaux solaires.

En direct de mon Open Space, par James

© James - Dargaud/2022

18  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

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lieu immédiatement avant le lancement sur le marché. L’image est indicative et aucun droit ne peut en être dérivé.
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 N° 765 - 1er décembre 2022

T. Peter/Reuters

Monde
Chine-Iran : la colère des peuples
A Pékin, des manifestations inédites défient le pouvoir de Xi Jinping
et sa stratégie zéro-Covid. A Téhéran, la République islamique
accentue la répression face à la vague de contestation. p. 24 et 28

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Victoires, 75002 Paris
Avant-premières France
9 Confidentiels. 40 La droite cherche une tête pour
10 En toute indiscrétion. ressusciter.
12 Médias. 42 L’édito de Nicolas Domenach.
14 Radars. 44 Laurent Wauquiez : « Ce sera moi
16 Graphique. ou Le Pen ». Portrait.
18 Regards. L’Open Space de James. 50 Big bang salarial dans la haute
fonction publique.
Monde 51 L’édito de Ghislaine Ottenheimer.
52 Les députés RN se positionnent
24 Pékin piégé par la colère
sur la souveraineté numérique.
du peuple chinois.
54 Les Français face à l’inflation.
26 Rencontre avec l’ambassadeur
55 L’édito d’André Comte-Sponville.
de Chine à Paris.
56 Courrier.
28 Le pouvoir iranien résiste
à la révolte.
30 Paris et Washington
Entreprise
se rabibochent. 58 Le business français éprouve
32 L’Europe spatiale reste à terre. le protectonnisme américain.
34 L’Argentine carbure au lithium. 60 Nicolas Dufourcq, le banquier
38 Les économistes du Bien public qui croit au « rebond ».
Commun. Paul Krugman. 62 Orange consolide son pôle cyber.

DIRECTION (grand reporter), David PARGAMIN, Adrien SCHWYTER.

Origine du papier : Finlande
Taux de fibres recyclées : 0%
Eutrophisation : PTot = 0,000 kg/tonne
de papier
Ce magazine est imprimé chez
Rotofrance (France), certifié PEFC
Challenges est édité par Les Editions
Croque Futur, SAS au capital de
13 300 000 euros.
RCS Paris : 325 033 298.
Siège social : 41 bis, avenue Bosquet,
75007 Paris.
Directeur de la publication :
Vincent Beaufils.
Commission paritaire :
0627 C 81826.
ISSN : 0751-4417.
Dépôt légal : décembre 2022.
Fondateurs : Patrick FAUCONNIER
et Cécile AYRAL.
Directeur Claude PERDRIEL.
Directeur de la publication Vincent BEAUFILS.
RÉDACTION
Directeur de la rédaction Pierre-Henri de MENTHON.
Directrice déléguée de la rédaction Gaëlle MACKE.
Rédacteurs en chef
Thiébault DROMARD, Thierry FABRE, Gilles FONTAINE (directeur
de l’innovation), Stéphanie IONNIKOFF (édition), Kira MITROFANOFF,
Ghislaine OTTENHEIMER.
Directeur artistique Thierry VERRET.
Directeur artistique adjoint Dominique CONTENT.
Couverture Dominique PASQUET.
Conseillers de la rédaction Patrick Artus, Nicolas DOMENACH.
Anne-Marie ROCCO (grand reporter).
France Laurent FARGUES (rédacteur en chef adjoint), David
BENSOUSSAN (grand reporter), Rémi CLÉMENT, Florian FAYOLLE,
Alice MÉRIEUX, Grégoire PINSON (grand reporter).
International Antoine IZAMBARD, Sabine SYFUSS-ARNAUD
(grand reporter international), Gilles BERTON (traduction).
Entreprises Jean-François ARNAUD (grand reporter),
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CROISET, Pauline DAMOUR, Isabelle de FOUCAUD (grand reporter),
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Alain-Gabriel VERDEVOYE (grand reporter).
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adjointe), Thuy-Diep NGUYEN (rédactrice en chef adjointe),
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Finances privées Eric TRÉGUIER (rédacteur en chef adjoint),
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Luxes et cultures Bertrand FRAYSSE (rédacteur en chef adjoint),
Xavière LAFFONT.
Correspondants Philippe BOULET-GERCOURT (New York),
Régis ARNAUD (Tokyo).
Assistantes Isabelle JOUANNY (03-01), Marina RÉGENT (03-06).
CHALLENGES.FR
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vidéo), Valérie XANDRY (cheffe d’édition), Eugénie BARBA, Agathe
BEAUJON, Alix COUTURES, Léandre HERMAN-KASSE, Nicolas
MEUNIER (automobile), Caroline SÉNÉCAL (SEO).
EDITION
Secrétariat de rédaction Christophe BAZIRE (secrétaire
général de rédaction), Jean-Pascal VIDEAU (premier secrétaire
de rédaction), Emmanuelle HAMOU, Alice PORCHER.
Maquette Isabelle ATLAN, Armelle DUBREIL, Corine POULARD,
Cécile RYNKIEWICZ. Photo Isabelle PACOREL, Laurent VERDIER.
NUMÉRIQUE
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(responsable des projets digitaux), Diane PERROT-CORNU
(responsable marketing digital), Charles-Elie LABYOD (chef de
communication digitale), Yann BOURDAIS (product owner junior)
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22  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Avant-propos
par Vincent Beaufils
En couverture
Le must
du high tech Coupe du monde de football
Lunettes de réalité
virtuelle, PC,
casques, montres Boycott sur canapé
connectées…
Une sélection
C’EST LE MOMENT DE VÉRITÉ avec, ce week-end
d’incontournables
au Qatar, le début des matchs à élimination directe dans
en partenariat avec
Les Numériques. p. 78 la Coupe du monde de football. L’équipe de France, forte
d’avoir dominé le triple syndrome de l’élimination directe
SP

en poule du vainqueur de l’édition précédente, sort

de sa zone de confort. Et l’amateur de belles rencontres
sportives doit lui se mettre en accord avec sa conscience :
France faut-il regarder ou boycotter la compétition ?
« Ce sera moi ou Laissons de côté les réactions des pisse-froid, tel
Le Pen » le philosophe Michel Onfray, qui expriment surtout leur
mépris de la France en crampons, et du sport en général,
Alors que Laurent
y compris de ceux qui le pratiquent. Et admettons que,
Bruno Levy pour Challenges

Wauquiez se prépare
pour 2027, trois même parmi les fans de foot il y a désertion, comme
candidats se disputent en témoignent les premières audiences télé en Europe,
la présidence des en retrait de 43 % (sauf en France), comme l’a calculé
Républicains. p. 40 et 44 challenges.fr. Car il y a bien un problème avec le Qatar.
L’attribution de la Coupe du monde en 2010 à l’émirat
est à l’évidence un non-sens économique et écologique,
64 Les calendriers de l’Avent Luxes entaché de surcroît par le fameux déjeuner organisé à
ne sont pas à la fête. l’Elysée, théâtre du retournement de Platini, alors grand
124 Création. Les lipizzans de l’Ecole manitou du foot en Europe. Politiquement, c’est une autre
66 PrimaPrix prend ses marques
en France. d’équitation de Vienne. affaire. Il n’y a qu’à voir la passion autour des matchs de
68 Finances. 128 Griffe. Fusalp. l’Arabie saoudite, de la Tunisie ou du Cameroun pour
69 Le Club entrepreneurs. 130 Mode. Manteaux longs.
comprendre que l’attribution de la compétition en terre
Emmmanuel Freund (Shadow). 131 Design. Mobilier en lin.
132 Horlogerie. Vacheron Constantin. arabe et musulmane n’est pas seulement affaire
70 Etoile fait briller le luxe dans
le Golfe. 133 Destination. L’Oscar London. d’influence. Le foot est évidemment un instrument de
72 Transgene reste sous monitoring. 134 Spécial vins et champagne. soft power, et c’est très bien comme cela, surtout quand
74 Santé & sciences. Notre guide d’elixirs pour l’éclat de l’événement a des répercussions inattendues :
célébrer les fêtes de fin d’année. n’est-ce pas la vision par les Chinois de milliers de
En couverture spectateurs sans masque dans les stades à Doha qui a
78 Coups de cœur high tech. Notre
Cultures contribué à mettre le feu aux poudres à Shanghai, lassé
sélection d’objets numériques 148 Ecrans et scènes. Annie Colère, de longs mois de politique zéro-Covid et d’interminables
pour travailler à la maison ou de Blandine Lenoir. années de régimes zéro-droit d’expression ?
ailleurs. 150 Arts. Rêve d’Egypte, au musée La réponse à cette demi-faute sportive doit d’abord venir
Rodin.
Dossiers 151 Livres.
des sportifs eux-mêmes. Et elle est parfaitement résumée
par un Marcus Thuram, qui n’a pourtant pas été éduqué
94 Immobilier vert. 154 Double Je, par Nicolas Domenach
pour être un béni-oui-oui : « Je suis là pour jouer au
116 Salon nautique. et Pierre-Henri de Menthon.
football et profiter de chaque moment », rappelle le fils
du défenseur intello, champion du monde en 1998. Les
PUBLICITÉ Direction administrative et financière Jaye REIG.
Mediaobs, 44, rue Notre-Dame-des-Victoires, 75002 Paris.
Tél. : 01-44-88-97-70. E-mail : pnom@mediaobs.com.
Ressources humaines Sandrine MARTIN.
Directeur des abonnements Luc BONARDI.
médias ont bien sûr leur mot à dire, à condition de ne pas
Directeur général Corinne ROUGÉ.
Directeur délégué Philippe LÉONARD.
Fabrication Christophe PERRUSSON, Sarah RABBAH.
Imprimerie Roto France, Lognes. reprendre en boucle les statistiques tragiques du nombre
Directeur de publicité Benjamin COURCHAURE,
Sylvain MORTREUIL.
de décès sur les chantiers au Qatar – plus de 6 500, selon
Directrice de marque Céline CLAMAGIRAND.
Immobilier Yves LE GRIX. The Guardian, unique source, controversée – sans les
Littéraire - Arts Antoine KODIO.
Luxe Arnaud DEPOISIER.
Culture Romain PROVOST. Relations abonnés - Numéros anciens
vérifier. Quant aux politiques, dont la mission est bien
Marketing direct Pierre MONCHABLON.
45, avenue du Général Leclerc de fixer un cap, on notera que le bannissement des fans
DIGITAL
60643 Chantilly Cedex zones à l’approche de l’hiver par la ribambelle de mairies
Business Web Manager Baptiste MIRANDE.
Sales Manager Mathis MEHEUT.
Tél. : 01-55-56-71-47 de gauche est un geste qui ne coûte pas bien cher. En
B. Delessard/Challenges

Account Manager Lucas BAILLEUL. E-mail : abonnements@challenges.fr

Exécution/Studio Emilien RIGNOLS.
Direction financière Catherine FERNANDES.
www.mediaobs.com
DIRECTRICE DÉLÉGUÉE Elisabeth DESCOMBES.
ADMINISTRATION
Directeur général Philippe MENAT.
Secrétaire général Jean-Claude ROSSIGNOL.
Directeur commercial et numérique
Valéry SOURIEAU.
Abonnement France : un an, 58 €
cloîtrant les gens chez eux, cela ne fera que contribuer
(44 numéros) Etranger : nous consulter à accroître ce qu’une note décapante de la Fondation
Jean-Jaurès qualifie dans notre pays d’« épidémie de
Ce numéro comporte : une lettre « bienvenue aux
abonnés » jetée sur couverture sur une partie de flemme ». Pour ce qui concerne le foot, nous appellerons
ce geste bravache le « boycott sur canapé ».•
la diffusion abonnés, ainsi qu’un encart « Renault »
broché au centre sur une partie de la diffusion abonnés.

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  23

Monde

Pékin pris
au piège de la
contestation
Inédit depuis Tian’anmen, le mouvement
de colère qui s’est propagé à travers la Chine vise
la stratégie zéro-Covid de Xi Jinping. Les mesures
sanitaires pourraient s’alléger. Mais aucune
ouverture démocratique n’est en vue.
Par Pierre Tiessen

M
anifestations et veillées
spontanées, actes de
résistance individuels,
appels à la démission
de Xi Jinping… Le temps d’un
week-end, samedi 26 et dimanche
27 novembre, la Chine s’est embra-
sée, de Shanghai à Pékin en passant
par Canton et Wuhan. Des milliers
de personnes ont laissé éclater leur
colère contre la stratégie zéro-Co-
vid si chère au président chinois,
qui depuis trois ans fige le pays et
paralyse des pans entiers de l’éco-
nomie nationale. Du jamais-vu de-
puis 1989 et les manifestations de
Tian’anmen.
L’élément déclencheur : la mort,
deux jours plus tôt, de dix personnes
à Urumqi (province du Xinjiang)
dans l’incendie de leur immeuble
dont les issues étaient fermées de
l’extérieur, du fait de la politique sa-
nitaire. « Les gens sont à bout, té-
moigne un entrepreneur français à
Pékin. Quand ils voient des images
de l’étranger – notamment celles des
matchs de la Coupe du monde de
football où tout le monde semble
vivre normalement –, ils ne com-
prennent pas. »
D’autant qu’à Shanghai les dernières
mesures ont encore renforcé les dis-
positifs existants. Il est désormais
interdit de fréquenter les lieux pu-
blics (jardins, magasins, bureaux)
sans un test PCR de moins de
48 heures. Pis, ces lieux sont défen-
dus d’accès pendant cinq jours à
toute personne entrant à Shanghai.
Un casse-tête pour les voyageurs de
passage dans la capitale écono-

Un marché encore essentiel pour les multinationales Chiffre d’affaires réalisé en Chine

 
 
par les multinationales

L
es patrons de filiales de
multinationales en Chine
se font des cheveux
blancs. Il y a les boycotts des
consommateurs, les querelles
diplomatiques et surtout la
politique zéro-Covid qui a
provoqué des fermetures
d’usines. Certains groupes ont
ainsi décidé de délocaliser leur
production, comme Apple et
Hasbro, le fabricant de jouets,
en Inde et au Vietnam.
Mais la Chine n’est pas
seulement un atelier de
fabrication. Ses 1,4 milliard
d’habitants représentent un
quart des ventes mondiales de
vêtements, près d’un tiers de
celles de bijoux et sacs à main,
et les deux cinquièmes de
celles de voitures. Et pour les
200 plus grandes
multinationales européennes,
européennes, japonaises et
japonaises et américaines, elle américaines (en milliards de dollars)
pèse 700 milliards de dollars, 800
soit 13 % de leurs ventes
mondiales. Treize déclarent 600
même plus de 10 milliards de
chiffre d’affaires par an dans
400
l’empire du Milieu, dont Apple,
BMW et Tesla. Même si la
200
situation va devenir de plus en
plus difficile, la plupart n’ont
d’autre choix que de rester. 0
2016 2017 2018 2019 2020 2021
© The Economist - London 2022 SOURCE : THE ECONOMIST.

24  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 mique du pays… A Pékin, la situa-
tion est également très tendue, les
autorités ayant récemment ordonné
la fermeture d’écoles et de restau-
rants, et imposé le télétravail. A Can-
ton, mi-novembre, c’est tout un quar-
tier – Haizhu, dans le centre de cette
ville du sud – qui a été confiné après
une poussée de cas de Covid-19.
« Revendications minoritaires »
Depuis, la reprise de l’épidémie s’est
confirmée dans tout le pays avec
plus de 40 000 cas enregistrés, il y a
quelques jours. Des chiffres jugés
raisonnables, si on les rapporte à
l’échelle du pays le plus peuplé au
monde. Sauf que la très faible cou-
verture vaccinale des personnes
âgées fait redouter le pire en cas de
desserrement de la stratégie zéro-
Covid. « C’est le dilemme chinois »,
résume le même entrepreneur trico-
lore. Seuls 50 % des plus de 80 ans
seraient en effet vaccinés, selon les
statistiques de la société britannique
Airfinity qui note par ailleurs l’ineffi-
T. Peter/Reuters
cacité des vaccins domestiques Si-
novac et Sinopharm, les seuls dispo-
nibles en Chine.
Manifestation Zhongnanhai (l’Elysée chinois) se-
contre les rait-il dès lors dans l’impasse ? Face
mesures zéro- à ces mouvements de révoltes iné-
Covid, à Pékin,
le 27 novembre.
dits, le régime peut-il infléchir cette
Plusieurs politique au risque d’une flambée
centaines incontrôlable du virus ? Les risques
d’étudiants se sanitaires et politiques sont
sont mobilisés énormes. Selon Airfinity toujours,
de façon entre 1,3 et 2,1 millions de vies pour-
improvisée,
certains
raient être menacées si la Chine de-
brandissant une vait lever ses mesures anti-Covid. En
feuille de papier attendant, « on constate une politi-
blanc, un acte sation sans précédent de ces protes-
de protestation tations », note depuis Hong-kong le
symbolique sinologue Jean-Pierre Cabestan,
contre la
censure.
chercheur au think tank Asia Centre.
Cette politisation, qui s’est répandue
comme une tache d’huile, « paraît
coordonnée » et touche, fait raris-
sime, les universités – dont la presti-
gieuse Tsinghua à Pékin. Là, plu-
sieurs centaines d’étudiants ont pris
part, le 27 novembre, à une manifes-
tation improvisée. Certains brandis-
saient une feuille de papier blanc, un
acte de protestation symbolique
contre la censure dans le pays.
Faut-il pour autant déceler les failles
d’un régime cadenassé par Xi
Jinping, tout juste réélu pour un
1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765 
mandat de cinq ans ? Pas si sûr. « Les
revendications pour plus de liberté
et de démocratie restent minori-
taires », estime le chercheur trico-
lore. Ces colères exprimées pa-
raissent davantage liées à la vie
quotidienne et à un ras-le-bol de la
situation sanitaire. Et depuis plu-
sieurs jours, les autorités – visible-
ment prises de court par l’ampleur
de la fronde – ont décidé de riposter.
Des personnes ont été arrêtées à
Shanghai tandis que plusieurs rues
ont été placées sous surveillance
policière pour éviter de nouveaux
rassemblements. Sur les réseaux
sociaux, les informations concer-
nant ces manifestations ont disparu.
Retour à la normale ? Dans l’immé-
diat, Zhongnanhai pourrait alléger
certaines mesures sanitaires afin de
contenter une partie de l’opinion
publique et de relancer l’économie
– le commerce extérieur chinois
s’est encore contracté le mois der-
nier. Pékin a déjà permis à certains
étudiants – dont ceux de Tsin-
ghua – de regagner leurs domiciles
en province… Mais toute ouverture
démocratique paraît exclue. • u
25
Monde

Les « forces étrangères » en cause

Lu Shaye, ambassadeur de Chine en France, incarne la nouvelle génération
de diplomates sans complexe. Il ne nie pas la flambée de colère dans son pays, 
qu’il impute aux autorités provinciales et à… l’Occident. Rencontre.

A
première vue, l’homme de
58 ans qui nous fait face ne
ressemble pas vraiment au
« loup combattant » qui
s’est fait connaître en France par son
caractère volcanique – en mars 2021,
il avait insulté le chercheur Antoine
Bondaz, ce qui lui avait valu une
convocation au Quai d’Orsay. Pull
en laine sous une veste grise, l’am-
bassadeur chinois à Paris, Lu Shaye,
symbole d’une diplomatie décom-
plexée, se veut grave et magnanime.
« Il y a une expression de mécon-
tentement de la population

Bruno Delessard pour Challenges

chinoise, concède-t-il d’emblée
alors que son pays affronte une
contestation inédite depuis le mou-
vement de Tian’anmen en 1989. La
stratégie zéro-Covid a totalement
fait ses preuves, mais elle dure de-
puis trois ans, et c’est vrai que chez
certains il y a de la lassitude. »
La province ouïgoure visée
Pour étayer son propos, cet adepte
de Twitter mais aussi de Thinker-
View et Livre Noir, des chaînes
YouTube qui séduisent la complos-
phère, met en avant le bilan officiel
(et contesté) du nombre de morts en
Chine à cause du Covid-19 : un peu
plus de 5 000 contre près de 160 000
en France, par exemple. Et l’ancien
vice-maire de Wuhan de désigner un
premier coupable : « Pour endiguer
les contaminations, les gouver-
nements locaux ont appliqué des
méthodes rigides, simples, pour-
suit-il. Ils n’ont pas suivi l’approche
scientifique, lisible, du gouver-
nement chinois qui a annoncé, le
11 novembre, 20 mesures afin d’as-
souplir cette approche (du zéro-Co-
vid). » Cette communication pointe
notamment du doigt les autorités
de la province ouïgoure du Xinjiang
puisque c’est à Urumqi, la capitale
régionale, que s’est déclenché l’in-
cendie mortel, point de départ de la
vague de colère.
Making of Alors que ces manifestations, nour- sur le sol américain à plusieurs
La rencontre avec ries des slogans « Xi Jinping dé- firmes chinoises dont Huawei, ZTE
Lu Shaye a eu lieu mission » ou « A bas le Parti com- ou le spécialiste de la vidéosurveil-
le 28 novembre muniste », confèrent à cette crise lance Hikvision.
à l’hôtel de
Montesquiou une forte dimension politique, Lu Conscient de la période de fortes
(Paris), propriété Shaye livre un deuxième coupable : turbulences que traverse un Etat-
depuis 2012 de l’Occident. « Cela montre que des Parti dans lequel Xi Jinping dispose
l’ambassade de forces étrangères anti-chinoises plus que jamais des pleins pouvoirs
Chine, autrefois le
siège du ministère ont utilisé des éléments intérieurs depuis le 20e Congrès, Lu Shaye se
de la Coopération en Chine pour semer la discorde veut confiant. « Le gouvernement
(celui de la dans le pays, juge-t-il. Comme on l’a chinois suit des principes fonda-
« Françafrique »). vu à Taïwan ou Hong-kong, les mentaux qui placent le peuple et la
Alors que le
personnel
forces occidentales n’hésitent pas à vie par-dessus tout. C’est la pensée
réceptionne des nous déstabiliser. » Dans le viseur préconisée par le président Xi
extincteurs, de cet ex-ambassadeur au Canada, Jinping et, si des souhaits sont ex-
l’entretien se qui s’était distingué en prenant avec primés par le peuple, le gouverne-
déroule dans un force la défense de la fille du fonda- ment en tiendra compte. » Reste
confortable salon
à moquette, en teur de Huawei, arrêtée à Vancou- que les images montrant une police
présence de la ver en 2018, on retrouve les Etats- chinoise sur les dents, multipliant
cheffe du service Unis. « Les Américains ne veulent les arrestations – dont un journaliste
politique et du pas voir le développement de la de la BBC – et une censure féroce
conseiller presse,
venus assister Chine, s’agace-t-il. Lors du dernier purgeant les réseaux sociaux de
silencieusement G20 en Indonésie, le président toute information sur ces manifesta-
leur patron. américain a fait des promesses tions contreviennent au discours
d’apaisement puis a pris quelques officiel. « La Chine gère cela comme
jours plus tard de nouvelles sanc- n’importe quel pays », se redresse
tions contre la Chine. » Le 25 no- Lu Shaye, évoquant la crise des « gi-
vembre, Washington a en effet inter- lets jaunes », et redevenu soudain
dit la vente de tout nouveau produit carnassier. Antoine Izambard

26  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

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Monde

Manifestation à Téhéran, le 1er octobre. En multipliant les arrestations et en tirant à balles réelles, le pouvoir table sur une démobilisation.

Le pouvoir iranien
résiste à la révolte
La République islamique se perçoit comme une citadelle assiégée.
Les dirigeants accentuent la répression et se rapprochent de la Russie et
de la Chine. Le régime de Téhéran peut-il tenir encore longtemps ?

C
omme un défi au pouvoir Depuis la mi-septembre, la contesta- national, estime Clément Therme,
iranien, le silence. L’image tion s’est répandue comme une traî- enseignant à l’université Paul-Valéry
des 11 joueurs de l’équipe née de poudre dans les villes ira- de Montpellier et spécialiste de
nationale de football niennes. Les manifestations se l’Iran. Le mur de la peur est tombé
muets au moment de l’hymne lors multiplient, plus d’une centaine et un retour en arrière sera compli-
de leur premier match du Mondial d’universités sont en grève, les ré- qué, mais il est trop tôt pour dire si
au Qatar contre l’Angleterre restera seaux sociaux regorgent de vidéos cette contestation se transformera
dans les annales. Un camouflet de femmes déambulant tête nue en mouvement politique. »
adressé en mondovision aux autori- brandissant leur voile, symbole d’un
tés, qui répriment durement le mou- code moral devenu insupportable. A Génération hyperconnectée
vement de protestation, né après la la nuit tombée, des slogans antiré- Le port du voile obligatoire pour les
mort de l’étudiante Mahsa Amini, le gime sont scandés par des ano- femmes a cristallisé tous les mécon-
Sazad/Sipa

16 septembre, tuée par la police des nymes sur les toits des immeubles tentements. Dernier marqueur idéo-
mœurs pour un voile mal ajusté. de Téhéran. « C’est un soulèvement logique de la révolution de 1979,

28  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

cette obligation fait partie de l’ADN
du pouvoir iranien. La contestation
vient essentiellement d’une jeu-
L’emprise économique des
nesse désespérée qui n’a plus d’hori- Gardiens de la révolution

zon. « Les jeunes n’ont plus rien à
perdre, décrit Ardavan Amir-Aslani,
avocat d’affaires franco-iranien.
Pour eux, il n’y a plus que des in-
terdits. » Cette nouvelle génération,
hyperconnectée, n’a connu que la
rigueur morale de la République is-
lamique, pas la période du Shah ni
celle de la guerre Iran-Irak. La rup-
ture entre la jeunesse et le régime
semble bel et bien consommée.
Pour autant, « on est loin des mani-
festations monstres de 2009 après
la réélection contestée du président
Ahmadinejad, poursuit Ardavan
Amir-Aslani. Le point de bascule
n’est pas encore arrivé. Les centres
névralgiques du pouvoir n’ont pas
été menacés par les manifestants. »
V
éritable complexe
militaro-industriel,
les Gardiens de la
révolution, ou Pasdarans,
contrôlent des pans entiers
de l’économie iranienne, qui
est étatique ou semi-étatique
à près de 75 %. Ils
possèdent des intérêts
dans le BTP, la sidérurgie,
les transports, le tourisme,
l’agroalimentaire, l’industrie
pharmaceutique, l’énergie
ou encore les
télécommunications. « C’est
un Etat dans l’Etat, considère
Thierry Coville, chercheur
à l’Institut des relations
internationales et
stratégiques et auteur de
L’Iran, une puissance en
de la révolution dépendent
directement du Guide
suprême. Pour éliminer la
concurrence, ils n’hésitent
pas à employer des
moyens coercitifs. »
Opacité et dissimulation sont
la marque de fabrique de
cette armée idéologique
créée en 1979 pour défendre
la République islamique Ali Khamenei. Le Guide
contre ses ennemis suprême a la main sur
intérieurs et extérieurs. un Etat dans l’Etat.
Depuis des décennies, les
Pasdarans organisent et de la révolution sont la
supervisent les filières première cible des sanctions
de contournement aux occidentales : non seulement
sanctions occidentales. ils représentent un puissant
Ils ont la haute main sur moteur économique
l’import-export, en particulier et financier au service du
vers la Syrie ou la Russie. pouvoir, mais ils supervisent

Le grand bazar de Téhéran, poumon
commercial de la capitale, continue
de fonctionner malgré des grèves
mouvement (éd. Eyrolles).
Leurs entreprises ne paient
pas d’impôt. Les Gardiens
Khamenei.ir/AFP
Inscrits sur la liste aussi les programmes
américaine des organisations nucléaire et balistique
terroristes, les Gardiens •
iraniens.

perlées. Aucun mouvement social

massif ne paralyse les grandes in-
dustries du pays (énergie, sidérur-
gie, construction automobile).
Dispositif policier musclé
Face à la montée des périls, la Répu-
blique islamique se perçoit comme
une citadelle assiégée. « Si le ré-
gime se sent vraiment menacé, il
n’hésitera pas à donner un tour de
vis sécuritaire supplémentaire, af-
firme Baki Maneche, avocat d’af-
faires franco-iranien. On constate
que le dispositif policier se muscle
dans les rues des grands centres
urbains. » Dans les villes, les auto-
rités mobilisent les bassidjis, nervis
du pouvoir, qui quadrillent les quar-
tiers pour traquer les contestataires
qualifiés de « mouches », selon l’ex-
pression d’un général iranien. En
multipliant les arrestations – plus de
15 000 selon l’ONU –, en tirant à
balles réelles sur les manifes-
tants – plus de 200 morts dont 30 en-
fants selon Amnesty International –,
le pouvoir table sur une démobilisa-
tion du mouvement.
Le régime peut-il tenir encore long-
temps ? C’est la question qui taraude
les chancelleries occidentales. En
réalité, personne n’est capable du
moindre pronostic. Certains
évoquent un coup d’Etat des Gar-
diens de la révolution (lire l’enca-
dré), voire une démission du pré-
sident ultraconservateur Ebrahim
Raïssi. « Il n’y a plus cette soupape
d’oxygène que nous avons connue
sous la présidence Rohani, durant
laquelle les conservateurs étaient
au plus bas et la police religieuse
beaucoup moins active », constate
Baki Maneche, qui considère que
« les durs » du régime vont s’accro-
cher au pouvoir.
Seule certitude : le mécontentement
est général dans la population, ali-
menté par une inflation estimée à
45 % en 2022 par le FMI et une dépré-
ciation de la monnaie par rapport au
dollar. La pauvreté toucherait près
de la moitié des Iraniens et le chô-
mage frappe les jeunes de plein
fouet. Mais la capacité de résilience
de la République islamique n’est
plus à démontrer.
Chantage nucléaire
Défié à l’intérieur, le régime montre
les dents à l’extérieur de ses fron-
tières, comme s’il voulait allumer
des contre-feux. Face aux Occiden-
taux, qui viennent d’obtenir une vic-
toire à l’ONU avec l’ouverture d’une
enquête internationale sur la répres-
sion des manifestations, l’Iran joue
l’escalade sur le dossier nucléaire.
Après la centrale de Natanz, Téhé-
ran a commencé à produire de l’ura-
nium enrichi à 60 % dans celle de
Fordow, se rapprochant inexorable-
ment du seuil des 90 % nécessaires
à la fabrication d’une bombe ato-
mique. Bien loin des 3,67 % fixés par
l’accord de Vienne de 2015 ! « C’est
une surenchère calculée, analyse
Clément Therme. Le nucléaire est
devenu un moyen de chantage vis-
à-vis des Occidentaux. » Ces der-
niers multiplient les condamnations
et les avertissements, mais semblent
impuissants à enrayer la nucléarisa-
tion de l’Iran. L’AIEA, le gendarme
atomique de l’ONU, a de moins en
moins de visibilité sur le programme
de Téhéran. Ses caméras de surveil-
lance ont été débranchées sur plu-
sieurs sites nucléaires iraniens.
Sur le plan géostratégique, l’Iran
s’est désormais calé sur l’axe russo-
chinois. Téhéran fournit missiles,
drones et conseillers militaires à
l’armée de Vladimir Poutine dans sa
guerre en Ukraine. Les deux pays
ont intensifié leur coopération spa-
tiale. Quant aux Chinois, ils sont les
premiers importateurs du pétrole
iranien, même s’ils en achètent
moins en ce moment, compte tenu
des rabais consentis par les Russes.
Comme si la République islamique
d’Ali Khamenei avait tiré un trait sur
tout rapprochement avec les Occi-
dentaux. Christian Chesnot

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  29

Monde

Paris et Washington
se rabibochent
La relation transatlantique, mise à mal par l’affaire Aukus, s’est
renforcée avec la guerre en Ukraine. Mais les désaccords demeurent et
Emmanuel Macron, en visite aux Etats-Unis, joue une partie serrée.

B
is repetita. Alors qu’Emma-
nuel Macron avait été, en
2018, le premier dirigeant
étranger à effectuer une vi-
site d’Etat aux Etats-Unis depuis
l’élection de Donald Trump, il remet
ça du 30 novembre au 2 décembre,
cette fois sous la présidence démo-
crate de Joe Biden. C’est aussi la
première fois qu’un dirigeant fran-
çais réalise deux voyages présiden-
tiels outre-Atlantique. Un joli coup
diplomatique, qui n’avait rien
d’évident compte tenu du séisme
provoqué à l’automne 2021 par la
« trahison » américaine dans l’af-
faire Aukus. Washington, avec la
duplicité de Londres et Canberra,
avait alors brutalement torpillé le
« contrat du siècle », la fourniture à

Antara Foto /Reuters

l’Australie de 12 sous-marins trico-
lores. En riposte, Emmanuel Macron
avait rappelé les ambassadeurs à
Washington et Canberra et fait lan-
terner sept jours Joe Biden avant de
le prendre au téléphone. « C’est une
rupture majeure de confiance »,
avait aussi flingué le ministre des
Affaires étrangères Jean-Yves
Le Drian, remonté comme jamais et
dénonçant « un coup dans le dos ».
« Logique collective »
Quatorze mois plus tard, la colère a
laissé place à la réconciliation et à
un rapprochement très net, à la fa-
veur de la guerre en Ukraine. « De-
puis le début du conflit et même
avant en réalité, la diplomatie amé-
ricaine est vraiment dans une lo-
gique collective de partage d’infor-
mations, ce qui était moins notable
sous Obama et Trump », salue-t-on
au Quai d’Orsay. Les deux pays, qui
ont appelé l’Ukraine à être ouverte à
Emmanuel Macron entre Olaf Scholz et Joe Biden, lors du G20, à Bali, le 15 novembre. La France et
les Etats-Unis ont appelé l’Ukraine à être ouverte à des négociations de paix avec la Russie.
des négociations de paix avec la
Russie – ce que n’ont pas apprécié
Kiev ou les pays Baltes –, sont ali-
gnés. « Paris et Washington ont des
positions très proches sur l’Ukraine
et insistent sur la nécessité de négo-
cier, appuie Gérard Araud, ambassa-
deur français à Washington de 2014
à 2019. Plus globalement, compte
tenu du fait que le Royaume-Uni
est à la dérive et que le gouverne-
ment allemand est hésitant et re-
fuse toujours les responsabilités de
la puissance, la France est par dé-
faut l’interlocuteur privilégié des
Etats-Unis en Europe. »
Fort de relations excellentes dans
le renseignement – « on travaille
très bien avec la CIA, les choses
marchent du feu de Dieu, ce qu’on
fait ensemble est même, disons-le,
juste dingue », s’est extasié le 20 oc-
tobre, lors d’une conférence à Neuil-
ly-sur-Seine, le patron de la DGSE,
Bernard Emié –, le couple franco-
américain doit également gérer de
profonds désaccords (lire aussi
page 58). Le plus structurant tient
au comportement à adopter face à
Pékin. Face à la volonté du Penta-
gone et du Département d’Etat d’éri-
ger la Chine en menace absolue, la
France se veut plus mesurée, indiffé-
rente à tout agenda géopolitique im-
posé. C’est notamment le cas au sein
de l’Otan où Paris voit d’un mauvais

30  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

œil la volonté américaine de faire
de l’alliance une arme antichinoise.
« Nous partageons avec l’admi-
nistration Biden l’essentiel de nos
valeurs mais nos intérêts, notam-
ment de sécurité économique, ne se
recoupent pas toujours », a déclaré
à ce sujet l’ambassadrice française
à l’Otan, Muriel Domenach, le 21 oc-
tobre, lors d’un colloque à Istanbul.
Comme l’a illustré l’affaire Aukus,
l’espace indopacifique est aussi
source de rivalités croissantes entre
les deux pays. Face à Washington et
ses affidés des « Five Eyes » (al-
liance des services de renseigne- COURANTS
ment américains, canadiens, britan- PORTEURS
niques, australiens et néo-zélandais), Relations
 
économiques
Paris joue une partition serrée qui (en milliards de
vise notamment à nouer des parte- dollars, 2021)
nariats étroits avec l’Inde ou le Ja- Investissements
pon. Le concept d’autonomie straté- directs
gique européenne cher à Emmanuel 311
Macron est également vilipendé à
Washington. Et comme l’ont rappe-
lé les récents achats d’armements
américains par Berlin (chasseurs 176
F-35, avions de patrouille Posei-
don…), ce combat s’annonce diffi-
cile pour Paris. « Les Américains
sont des prédateurs économiques,
mais, sur ce dossier-là, c’est à nous Des Etats-Unis De la France
Européens de jouer en équipe », in- en France aux Etats-Unis
dique-t-on au Quai d’Orsay.
Exportations

Dépendance européenne 37
35
Plusieurs spécialistes de la relation
franco-américaine soulignent sur ce
point la nécessité de rendre l’Union
européenne moins dépendante de
l’Oncle Sam. « La très forte polari- Des Etats-Unis De la France
sation aux Etats-Unis qui se tra- en France aux Etats-Unis
SOURCES: MINEFI, BNP PARIBAS.
duit par une radicalisation des
La France investit
Républicains, des mouvements po- et exporte
pulistes puissants comme le Tea davantage outre-
Party, doivent nous amener à réflé- Atlantique que
chir, observe Pierre Vimont, ex-am- l’Oncle Sam dans
bassadeur à Washington et repré- l’Hexagone.
sentant permanent de la France
auprès de l’Union européenne. Il y
a un risque évident à s’en remettre
tous les quatre ans à ce que la pièce
retombe du bon côté. Et pour cela,
l’Union européenne doit avancer et
grandir. » Une nécessité partagée
par Gérard Araud, qui rappelle
néanmoins que, quoi qu’il advienne,
le locataire de l’Elysée sera « obligé
d’avoir une bonne relation avec le
président américain, l’homme le
plus important au monde ».
Antoine Izambard
Monde
L’Europe spatiale reste à terre
Malgré un budget en nette hausse, l’agence spatiale européenne n’a toujours
pas lancé de programme de vol habité. La concurrence prend de l’avance.
Les 17 nouveaux astronautes de l’Agence spatiale européenne, à Paris, le 23 novembre. Parmi eux,
Sophie Adenot sera la deuxième femme astronaute française, après Claudie Haigneré.
U
ne superbe opération
de communication.
L’Agence spatiale euro-
péenne (ESA) a parfaite-
ment réussi son coup en organisant
le 23 novembre, au Grand Palais
éphémère à Paris, une fastueuse
cérémonie de présentation de ses
17 nouveaux astronautes. Parmi
les heureux élus, choisis parmi
23 000 candidats, la Française Sophie
Adenot était au centre de toutes les
attentions. Lieutenante-colonelle
de l’armée de l’air et de l’espace,
cette pilote d’essai d’hélicoptère à
la Direction générale de l’armement
sera la deuxième femme astronaute
française, après Claudie Haigneré.
L’enthousiasme général doit tout de
même être nuancé. Car si l’Europe
peut compter sur un contingent
d’astronautes talentueux, elle n’a
toujours ni le lanceur, ni le vaisseau
spatial pour les envoyer en orbite.
Malgré la hausse de 17 % du budget
d’investissement de l’ESA (16,9 mil-
liards d’euros sur trois ans), acté par
les Etats membres lors de la confé-
rence ministérielle des 22 et 23 no-
32  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
Mais pour trouver le financement
d’un tel projet, s’il était lancé, il fau-
dra probablement attendre la pro-
chaine conférence ministérielle de
l’ESA… prévue fin 2025. Le coût du
développement d’une capsule habi-
tée et de l’adaptation d’Ariane 6,
notamment de son pas de tir, est
estimé entre 5 et 10 milliards d’eu-
ros selon les sources.
Manque de volonté politique
Pendant que l’Europe tergiverse, la
concurrence avance à toute allure.
Les Etats-Unis disposent déjà de la
capsule Crew Dragon de SpaceX, et
prévoient le premier vol avec astro-
nautes de la capsule Starliner de
F. Mori/AP/Sipa
Boeing en avril 2023. La Chine a déjà
une capsule habitée (Shenzhou) et
une station spatiale, Tiangong-3,
quasi terminée. La Russie peut tou-
jours compter sur son Soyouz pour
le transport de ses astronautes, et
vembre, l’Europe se refuse toujours travaille sur une station spatiale
à lancer un programme de dévelop- nationale. Même l’Inde est en train
pement de capsule habitée. Faute de prendre une avance considérable
ENVOL de solution européenne, Sophie sur l’Europe. L’agence spatiale in-
FINANCIER Adenot et Thomas Pesquet conti- dienne, l’ISRO, envisage un premier
Investissements nueront d’embarquer dans des cap- vol avec astronautes de son vais-
validés lors
des conférences sules américaines pour leurs séjours seau spatial Gaganyaan en 2024.
ministérielles en orbite. Un programme similaire semble
de l’ESA pourtant à la portée de l’Europe.
(en milliards d’euros)
Autres priorités Thales Alenia Space fabrique à
16,9
Pourquoi ce renoncement ? « L’Eu- Turin la capsule de fret américaine
14,5
rope reste empêtrée dans les retards Cygnus, et une bonne partie des
du lanceur Ariane 6, qui lui modules de la Lunar Gateway, la fu-
10,3
prennent beaucoup de temps, ture station en orbite lunaire. Airbus
d’argent et d’énergie, souligne développe une partie essentielle, le
Arthur Sauzay, auteur de plusieurs module de service, de la capsule
rapports sur l’Europe spatiale pour habitée Orion de la Nasa, destinée
l’Institut Montaigne. Le vol habité, et aux missions lunaires. « Toutes les
2016 2019 2022 c’est regrettable, n’est pas en haut capacités techniques, vous les avez
SOURCE : ESA. de ses priorités. » L’ESA assure que en Europe, résumait le 3 novembre
En 2022, l’ESA ce n’est que partie remise. Sur de- Philippe Baptiste, le PDG du Centre
a acté une mande d’Emmanuel Macron, un national d’études spatiales (Cnes),
hausse de 17 % groupe d’experts a été chargé en devant les députés et sénateurs de
de son budget février dernier de plancher sur le l’Office parlementaire d’évaluation
d’investissement. sujet. Les Sages doivent rendre des choix scientifiques et technolo-
leurs préconisations en mars, ce qui giques. C’est une question de volon-
pourrait ouvrir la voie à une déci- té politique. » Celle-ci n’est, manifes-
sion politique au sommet spatial tement, pas au rendez-vous.
européen prévu fin 2023. Vincent Lamigeon
 Monde
Indiscrétions
Kate en majesté
« Prêts pour le
couronnement ! »
se sont emballés
les tabloïds.
George Rogers/Sipa

Pour son premier
banquet
officiel de roi, le
22 novembre,
en l’honneur du
président sud-africain, Charles III,
entouré de sa famille, a mis les petits
plats dans les grands. Mais c’est Kate
Middleton, princesse de Galles, qui
a affolé les réseaux sociaux, avec une

M. Silva/AFP
robe blanche à strass et la tiare en
diamants ayant appartenu à la
princesse Diana.
Site d’extraction de lithium dans la province de Jujuy, en Argentine. Quelque 40 projets
Krastev affole l’Europe d’exploitation de gisements sont en cours, plus que dans n’importe quel autre pays.

L’Argentine au pas de charge

Helene Bamberger/Opale

dans la course au lithium

Le pays pourrait devenir le deuxième producteur
Gourou des relations internationales,
le Bulgare Ivan Krastev est toujours
mondial de ce minerai dès 2027.
très écouté sur le Vieux Continent.
Dans le New York Times, il avertit : AMÉRIQUES © The Economist Mais des obstacles demeurent. Les conflits
alliés dans la guerre, les Européens avec les communautés indigènes qui vivent

risquent de se déchirer dans la paix.
« Nous verrons les vraies tensions »,
prévient-il. Pour l’heure, les Vingt-Sept
sont unis face aux menaces nucléaires
de Poutine, avec « le sentiment, comme
au début du Covid, que la fin du monde
est au coin de la rue ».
Deux mariages, deux styles
Getty Images/AFP
U
tilisé dans les batteries des smart-
phones et des véhicules électriques,
le lithium est devenu, avec la transi-
tion écologique, un métal très recherché.
Son prix est passé cette année d’environ
14 000 dollars la tonne à plus de 80 000. Pour
l’instant, une dizaine de mines en pro-
duisent dans le monde. Une course s’est
engagée pour exploiter de nouveaux gise-
ments. Plus des deux tiers de ces réserves
se trouvent dans le « triangle du lithium » de
la cordillère des Andes, à cheval sur le Chili,
la Bolivie et l’Argentine.
L’autonomie des gouverneurs provinciaux
sur les terres à lithium pourraient se multi-
plier. Ils ont déjà empêché l’ouverture de
plusieurs mines dans le « triangle du li-
thium », notamment parce qu’elles épuisent
les réserves d’eau des alentours. De plus, en
raison du faible niveau de royalties préle-
vées par l’Etat, la plus grande partie des
bénéfices pourrait tomber dans des poches
étrangères. « C’est du pillage pur et
simple », fulmine le juriste environnemen-
tal Enrique Viale. Le 10 novembre, une com-
mission du Congrès argentin a adopté une
proposition de loi visant à protéger les
zones humides, dont certaines pourraient

et le plafonnement des royalties (3 % contre ainsi échapper aux industriels du lithium.

Le 19 novembre, Naomi, petite-fille
aînée de Joe Biden, s’est mariée avec
l’avocat Peter Neal sur la pelouse de
la Maison-Blanche ; le 12, Tiffany, fille
cadette de Donald Trump, prenait pour
époux le milliardaire libanais Michael
Boulos dans le palais de Mar-a-Lago
chez son père. Celui-ci a averti son
nouveau gendre : « Prends soin d’elle,
je t’ai à l’œil », tandis que l’actuel
président souhaitait aux mariés
« une vie d’amour et de rires ».
7 à 40 % au Chili) suscitent l’intérêt des in-
vestisseurs pour l’Argentine. Quelque
40 projets sont en cours, plus que dans
n’importe quel autre pays. Le géant minier
anglo-australien Rio Tinto, l’entreprise sud-
coréenne Posco et plusieurs compagnies
chinoises sont sur les rangs. La banque JP
Morgan estime que le pays pourrait devenir
dès 2027 le deuxième producteur mondial
derrière l’Australie. Les gouverneurs des
trois provinces du nord-ouest où se
trouvent les gisements espèrent accroître
de 10 % leur PIB et leurs recettes fiscales.
Et les politiciens pourraient doucher les
espoirs des investisseurs. L’entreprise pu-
blique de pétrole YPF s’intéresse depuis
peu au lithium, le gouvernement fédéral
pourrait être tenté de lui accorder la prio-
rité sur les compagnies étrangères. « Au-
cun secteur industriel ne pourra à lui seul
sortir l’Argentine de l’ornière », pointe
Benjamin Gedan, du cercle de réflexion
Wilson Center. Mais dans un pays dont
l’économie fonctionne mal, le lithium reste
un rare motif d’espoir. •
© The Economist - London 2022

34  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Monde
Bonne semaine
F L Wong//Sipa
Anwar Ibrahim, nouveau
Premier ministre malaisien
Agé de 75 ans, ce réformiste, principale
figure de l’opposition, qui a passé
une dizaine d’années en prison, est
le dixième chef de gouvernement de la
Malaisie. Pakatan Harapan (« Alliance
de l’espoir »), la coalition réformiste
multiethnique qu’il mène, a obtenu
le meilleur résultat aux élections
législatives en remportant 82 sièges,
mais loin de la majorité absolue, dans
un Parlement de 222 sièges.
Nicolas Maduro pactise
avec l’opposition
Englué depuis
plus de sept ans
dans une grave
crise économique
M. Delacroix/AP/Sipa
et sociale,
le gouvernement
du président
vénézuélien,
considéré comme
illégitime par la communauté
internationale, et l’opposition ont signé,
le 26 novembre, un accord sur un dégel
de fonds pour financer « la protection
sociale ». Dans la foulée, Washington
a allégé ses sanctions contre Caracas.
Mauvaise semaine
D. Ceng Shou-Yi/Zuma Press/Réa
Tsai Ing-wen défaite
à Taïwan
C’est un revers pour le parti au pouvoir.
La présidente taïwanaise a annoncé,
le 26 novembre, qu’elle quittait la tête
du Parti démocratique progressiste,
après un échec aux élections locales.
Le PDP a perdu quatre des principales
villes, dont la capitale Taipei. « Les
résultats des élections ne sont pas ceux
que nous attendions », a-t-elle déclaré.
36  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
L E A D E R S
©The Economist
La Bourse pèche par excès
d’optimisme sur l’inflation
Les bonnes nouvelles sur les prix aux Etats-Unis, le gaz naturel
en Europe et les mesures anti-Covid en Chine pourraient
n’être qu’un trompe-l’œil. La route vers la reprise sera longue.
U
n vent d’optimisme souffle sur
les marchés financiers. Les
investisseurs se réjouissent
de l’évolution positive qu’ils
observent sur trois fronts. L’inflation
annuelle aux Etats-Unis est passée de
8,2 % à 7,7 % en octobre ; les prix du gaz
naturel en Europe ont diminué des deux
tiers par rapport à leur pic d’août 2021 ;
et la Chine a assoupli certaines de
ses restrictions anti-Covid, ce qui
contribuera à relancer la croissance,
et adopté des mesures pour alléger
la pression sur les promoteurs en
difficulté. Ces bonnes nouvelles ont fait
grimper le cours des actions dans le
monde de 13 % depuis la mi-octobre.
Cet optimisme paraît toutefois
prématuré. L’inflation américaine
diminue parce que la désorganisation
des chaînes d’approvisionnement
consécutive à la pandémie se résorbe
peu à peu. Et les choses devraient
continuer à s’améliorer. Mais en même
temps que l’inflation baisse, elle devient
plus difficile à combattre. En effet,
les salaires américains augmentent
à un rythme annuel de 5 % du fait que
le marché du travail reste très tendu :
on compte deux emplois non pourvus
pour chaque employé au chômage.
Et même si la croissance de l’emploi a
ralenti, la Réserve fédérale continuera
probablement à relever ses taux
d’intérêt jusqu’à ce que le marché du
travail refroidisse. Parvenir rapidement
à une désinflation devrait être facile,
mais un retour à un taux de 2 % passera
presque certainement par une récession.
La crise énergétique européenne connaît,
elle aussi, une amélioration en trompe-
l’œil. Les prix du gaz naturel ont baissé
parce que l’hiver est doux et que les
stocks sont bien garnis. Mais l’année
prochaine, l’Europe devra reconstituer
ses stocks sans le gaz russe, le temps
pourrait être plus froid et le prix
du gaz naturel liquéfié bien plus haut.
La crise énergétique pourrait ainsi
s’étaler sur deux hivers au moins.
Pire, l’inflation provoquée jusqu’ici par
la hausse des prix de l’énergie semble
s’enraciner. Les salaires augmentent
dans toute l’Europe et les attentes
inflationnistes augmentent elles aussi,
ce qui rendra difficile de trouver
un équilibre entre la lutte contre
l’inflation et le soutien à l’économie.
C’est l’économie chinoise qui est la plus
à même de réserver une bonne surprise
en 2023. Les autorités ont dévoilé
vingt dérogations
Le regain à leurs restrictions
de confiance anti-Covid et seize
mesures d’aide
fait fi de aux entreprises
la longueur immobilières.
de la crise Pourtant, la route
énergétique vers la reprise sera
et du risque longue et difficile.
La multiplication
de spirale des cas de
prix-salaires. contamination
risque de provoquer
de nouveaux confinements. La levée
des restrictions anti-Covid pourrait
relancer la croissance, mais également
provoquer une vague d’infections
dans une population qui n’a pas
encore été exposée au virus, et qui
est peu vaccinée. Les aides au secteur
immobilier vont certes aider
les entreprises et réduire le risque
d’effondrement financier, mais
la demande de logements, et donc la
contribution du secteur à la croissance,
devrait rester faible. Les problèmes
économiques sont encore aigus.
Le monde ne parviendra pas à s’en
débarrasser si facilement.•
A. Vafeiadakis/Zuma/Rea
LES ÉCONOMISTES DU BIEN COMMUN
PAUL KRUGMAN,
PRIX NOBEL D’ÉCONOMIE 2008
Les cryptomonnaies ou la chronique
d’une mort annoncée
R
écemment, des événements
ont mis en lumière
la nécessité de réguler
la cryptomonnaie, une
industrie qui, partie de rien,
a atteint une capitalisation boursière
de 3 000 milliards de dollars l’an dernier,
et dont la plus grande partie s’est
aujourd’hui évaporée. Mais il semble
également probable que cette industrie
ne survivrait pas à une réglementation.
Résumé de l’épisode précédent : les
cryptomonnaies ont atteint leur pic de
popularité l’année dernière à la suite de
la diffusion de la campagne publicitaire
« La fortune sourit aux audacieux ».
Sponsorisée par la plateforme
d’échanges Crypto.com basée
à Singapour, elle mettait en scène
l’acteur américain Matt Damon.
Pourquoi une industrie qui réinvente,
au mieux, l’activité bancaire
traditionnelle aurait-elle de la valeur ?
A l’époque, le célèbre bitcoin se vendait
à plus de 60 000 dollars. Il s’échange
aujourd’hui à moins de 17 000 dollars.
Ainsi, les gens qui ont acheté des
bitcoins après avoir vu la publicité avec
la star hollywoodienne ont perdu plus de
70 % de leur investissement. En réalité,
du fait que la plupart des gens qui en ont
acheté l’ont fait alors que son prix était
élevé, la majorité de ceux qui ont investi
dans cette monnaie – les trois quarts,
selon une étude récente du groupe
Banque internationale d’investissement –
ont perdu de l’argent jusqu’ici.
Certes, les prix des actifs chutent en
permanence. Les gens qui ont acheté des
actions Meta, ex-Facebook, au moment
de son pic l’année dernière, ont perdu
à peu près autant que ceux qui ont
investi dans le bitcoin. Par conséquent,
38  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
des prix en chute libre ne signifient pas
nécessairement que les cryptomonnaies
sont condamnées. L’effondrement
des institutions de cryptomonnaies
a été plus révélateur que celui de leurs
prix. Tout récemment, FTX, l’une
des plus grosses Bourses d’échange
de cryptomonnaies, a déposé le bilan. La
question que nous devrions nous poser
est de savoir pourquoi des institutions
comme FTX ont pu voir le jour. Toute
l’idée était que des jetons électroniques
dont la validité serait établie à l’aide
de techniques empruntées à la
cryptographie permettraient aux gens de
contourner les institutions financières.
Personne n’a jamais très bien compris
qui, en dehors des criminels, aurait envie
de procéder ainsi. Bien que les partisans
des cryptomonnaies évoquent
fréquemment
la crise financière
de 2008 comme
motivation de leur
projet, alors que
cette crise-là n’a
jamais mis en péril
la capacité des individus à transférer des
fonds par l’intermédiaire des banques.
Quatorze ans après, toutefois, les
cryptomonnaies n’ont quasiment rien
changé au rôle traditionnel de l’argent.
Elles sont malaisées à utiliser pour des
transactions ordinaires. Leurs valeurs
sont trop instables. Les cryptomonnaies
sont achetées pour l’essentiel au travers
de Bourses d’échange comme FTX, qui
prennent votre argent et détiennent les
jetons cryptographiques en votre nom.
Ce ne sont rien d’autre – eh oui –
que des institutions financières, dont
la capacité à attirer les investisseurs
dépend – eh oui encore – de la confiance
de ces mêmes investisseurs. Autrement
dit, l’écosystème des cryptomonnaies
a essentiellement évolué vers ce qu’il
était censé remplacer : un système
d’intermédiaires financiers dont
la capacité à opérer dépend de leur
fiabilité perçue.
Alors, à quoi bon ? Pour quelle
raison une industrie qui, au mieux,
a simplement réinventé l’activité
bancaire traditionnelle aurait-elle
une quelconque valeur ? Par ailleurs,
la confiance dans les institutions
financières traditionnelles repose
en partie sur leur validation par l’Oncle
Sam : le gouvernement supervise
les banques, réglemente les risques
qu’elles peuvent prendre et garantit
de nombreux dépôts, alors que les
cryptomonnaies opèrent pour l’essentiel
sans aucune supervision. Les
investisseurs doivent donc s’en remettre
à l’honnêteté et à la compétence des
entrepreneurs. Comment cela a-t-il
fonctionné ? Jusqu’à présent, comme
aiment à nous le rappeler les partisans
des cryptomonnaies, les prédictions
annonçant leur fin imminente ne se sont
jamais vérifiées. En réalité, le fait que
le bitcoin et ses concurrents ne soient
pas réellement utilisables comme
monnaie ne signifie pas nécessairement
qu’ils soient dépourvus de valeur – après
tout, on peut dire la même chose de l’or.
Mais si le gouvernement se décide
finalement à agir pour réglementer les
entreprises de cryptomonnaies, ce qui,
entre autres choses, les empêcherait de
promettre des rendements impossibles
à atteindre, on ne voit pas très bien
quel avantage ces entreprises pourraient
avoir par rapport aux banques
traditionnelles. Même si la valeur
du bitcoin ne descend pas jusqu’à zéro
(ce qui reste toutefois possible),
il y a gros à parier que l’industrie
des cryptomonnaies, qui semblait
occuper une place de premier rang
il y a encore quelques mois, finisse
par sombrer dans l’oubli.•
© The New York Times 2022
France

Eric Ciotti, Bruno Retailleau et Aurélien Pradié, sur LCI, le 21 novembre. Pour leur unique confrontation médiatique, les trois prétendants
à la présidence de LR n’ont réuni que 268 000 téléspectateurs, trois fois moins que pour le premier débat de la primaire LR il y a un an.

La droite cherche une tête

pour ressusciter
Si Laurent Wauquiez se prépare pour 2027, trois candidats s’affrontent
pour la présidence des Républicains. Radioscopie des quelques forces
et des grandes faiblesses de la droite en vue de la reconquête du pouvoir.

E
t si c’était lui ? Depuis ses
bureaux de la rue de Solfé-
rino, à Paris, Laurent Wau-
quiez prépare minutieuse-
ment son retour, polit ses éléments
de langage, affûte ses arguments…
« Ma conviction, c’est qu’en 2027,
ce sera moi ou Marine Le Pen »,
confie le président de région à Chal-
au premier tour de la présidentielle.
A quelques rues de là, changement
de décor et d’ambiance… Attablés
devant un Coca-Cola et un café,
Jérôme Lavrilleux, ex-directeur de
cabinet de Jean-François Copé, et
Alexandre Vincendet, jeune député
LR « frondeur », s’esclaffent devant
les déboires de leur famille poli-
un trou noir, la matière s’effondre
sur eux et le temps que l’image
leur parvienne plusieurs milliards
d’années se sont déjà écoulés »,
assène l’autre. La droite peut-elle
revenir au pouvoir ? « Elle y est
déjà ! Avec Macron… » répondent à
l’unisson les deux acolytes, contents
de leur effet.
Jacques Witt/Sipa

lenges (lire page 44), persuadé tique, victime de ses errements stra- Face à ce bal des intrigants, c’est
d’être l’homme providentiel qui tégiques. « C’est un suicide façon peu dire que la bataille pour la pré-
ramènera la droite au pouvoir, et la- ordre du temple solaire », lance sidence du parti qui oppose Eric
vera l’honneur de son camp, humilié l’un. « Les Républicains sont dans Ciotti, Bruno Retailleau et Aurélien

40  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

Pradié est passée au second plan.
Pour leur unique confrontation mé-
diatique sur LCI, le 21 novembre, les
trois prétendants n’ont réuni que
268 000 téléspectateurs, trois fois
moins que pour le premier débat de
la primaire LR il y a un an. Les adhé-
rents les départageront les 3 et 4 dé-
cembre par un vote électronique.
« C’est une élection d’étape », pointe
le politologue Pascal Perrineau. Se-
ra-t-elle la dernière pour la droite,
écartée du pouvoir depuis plus de
dix ans ? A-t-elle les idées, les
moyens et la bonne stratégie pour
renaître de ses cendres ?
LA SCHIZOPHRÉNIE DES IDÉES
Battus à la présidentielle, laminés
aux européennes… Les Républi-
cains ont-ils encore des idées ? De-
puis cinq ans, le parti de la rue de
Vaugirard a semblé naviguer à vue,
alternant clins d’œil à la « droite
des valeurs » avec la tête de liste de
François-Xavier Bellamy aux élec-
tions européennes de 2019, et « mé-
lenchonisme économique » sous la
houlette du tandem Pradié-Peltier,
partisans du revenu universel et
d’une augmentation de 20 % du smic.
Une schizophrénie qui a culminé
lors de la primaire de 2021 avec la
désignation d’une figure de l’aile mo-
dérée du parti, Valérie Pécresse…
qui s’est empressée de labourer les
terres de son très droitier concur-
rent Eric Ciotti, allant jusqu’à
reprendre à la tribune le concept
décrié de « grand remplacement ».
Une vacuité idéologique qui inquiète
dans les rangs de LR. « Il va falloir
vite remettre le parti au travail, se
désespère un cadre, car la présiden-
tielle a illustré un manque criant
de réflexion. » D’autant que Les Ré-
publicains doivent faire face à une
concurrence renouvelée, avec un
chef de l’Etat bien décidé à empié-
ter sur les plates-bandes de la droite.
Nucléaire, immigration, retraites, les
principaux textes qui seront dépo-
sés par la majorité à l’Assemblée
ces prochains mois ont aussi pour
objectif de vampiriser les thèmes
de la droite et mettre un peu plus
en porte-à-faux Les Républicains.
Au sein de LR, certains y voient la
preuve d’une victoire idéologique.
« Aujourd’hui, du contrôle de l’im-
migration à la valeur travail, ce
sont nos idées que s’arrachent la
UN RÉSEAU
D’ÉLUS
PRÉSERVÉ
10 millions Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, à la Mosquée de Paris, le 19 octobre. L’ex-
d’euros président adjure LR de négocier avec l’exécutif. Les Républicains sont divisés.
de dotation
publique annuelle.
62 majorité et le RN », s’enorgueillit le
députés. député de Moselle Fabien Di Filippo.
135 « S’il existe désormais indiscuta-
sénateurs. blement une voie pour LR, à condi-
7 tion de concilier fermeté sur le
députés régalien et un libéralisme tempéré
européens. sur le plan économique, la droite est
43 loin d’avoir trouvé la martingale »,
présidents tempère Pascal Perrineau.
de conseils
départementaux.
DES MOYENS HUMAINS ET
5 FINANCIERS SAUVEGARDÉS
présidents C’est un petit miracle. La pire
de régions.
défaite de la droite à une élection
97 présidentielle dans l’histoire de
maires de
communes la Ve République n’a pas conduit
de plus de à la déroute financière annoncée.
30 000 habitants. Et pourtant… En chutant sous la
barre des 5 %, en deçà de laquelle
les frais de campagne ne sont pas
remboursés, Valérie Pécresse sem-
blait condamner sa famille à la ban-
queroute. « En réalité, rien n’est
plus faux », indique le trésorier
des Républicains Daniel Fasquelle.
« Les 8 millions d’euros qui lui
ont été alloués avaient été budgétés
bien en amont de la présidentielle
et n’obèrent en rien le résultat fi-
nancier des Républicains, qui sera
à l’équilibre en 2022. » Mieux, la
droite a limité la casse aux élections
législatives, en doublant le score de
Valérie Pécresse (11,29 %). Un résul-
tat déterminant, puisque c’est sur sa
base qu’est calculé le montant de la
dotation publique annuelle, ver-
1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765 
Ludovic Marin/Ap/Sipa
sée par l’Etat aux partis politiques.
Grâce à ses 135 sénateurs, égale-
ment pris en compte, LR sauve les
meubles et voit sa dotation annuelle
seulement corrigée à la baisse de 13
à 10 millions d’euros. Si le dérapage
financier est évité, le parti ne pour-
ra pas faire de folie et le trésorier
Fasquelle prépare déjà des mesures
d’économie, qu’il soumettra au nou-
veau président des Républicains
« pour redonner des marges de
manœuvre » au parti et financer la
prochaine campagne présidentielle.
Heureusement, les moyens des Ré-
publicains ne sont pas uniquement
financiers. Et si elle a été boutée
hors des grandes métropoles, la
droite continue de bénéficier d’un
réseau d’élus de tout premier plan,
détenant la majorité des villes de
plus de 10 000 habitants, une bonne
partie des départements et près de
la moitié des régions. Quant à ses
65 000 adhérents, leur nombre a de
quoi faire pâlir d’envie les forma-
tions concurrentes, comme Renais-
sance (27 000 adhérents), le RN
(40 000) ou EELV (11 000).
LE CLIVAGE SUR L’ALLIANCE
AVEC LA MACRONIE
Faut-il ou non collaborer avec la
majorité et signer un pacte de gou-
vernement avec Emmanuel Macron ?
La question taraude les Républicains
qui avec 62 députés sont en uuu
41
France
uuu position de « faiseurs de roi ».
En topant avec les macronistes, ils
offriraient au pays cinq ans de sta- L’éditorial de
bilité institutionnelle. Et s’ouvri-
raient les portes des ministères. NICOLAS DOMENACH
Une option à laquelle souscrivent les
sympathisants LR, qui sont 58 % à se
déclarer favorables à un accord avec
l’exécutif selon une enquête Odoxa-
Le Figaro. Et à laquelle l’adjurent ses
Ethique en toc

A
parrains, au premier rang desquels
Nicolas Sarkozy ou Jean-François force de piétiner la morale, a éclaté le « Penelopegate ». Cette
Copé. Mais alors que le pouvoir leur elle se venge. François Fillon façon d’accuser la justice de partialité
tend les bras, les LR se crispent, en fit la cinglante politicienne, aussitôt qu’elle touche
renâclent… « Hors de question démonstration. Le candidat à vos intérêts, est accablante. L’élu des
de troquer mes idéaux contre une à l’élection présidentielle de 2017 Alpes-Maritimes et candidat à la
voiture avec gyrophare et une se para alors de l’immaculée tunique présidentielle LR n’est-il pas le premier
carte d’ancien ministre », tranche gaullienne, pour mieux stigmatiser à réclamer toujours plus de « fermeté »,
le député du Pas-de-Calais Pierre- la petitesse scélérate de Nicolas afin de « rétablir la sécurité » et
Henri Dumont. « Cela reviendrait à Sarkozy – « imagine-t-on le général redonner des normes à une société
laisser les Français avec pour seule de Gaulle mis en examen ? » –, avant dérivant vers l’anomie ? Voilà
alternative Jean-Luc Mélenchon et d’être lui-même convaincu de le scandale : la justice fait preuve
Marine Le Pen. Inacceptable », ren- comportement délictueux, tout comme de célérité.
chérit Fabien Di Filippo. son épouse. En le couvrant, malgré son Et d’accuser la magistrature de
Pour l’instant, l’hypothèse est reje- exigence affichée d’ordre, une grande strabisme droitier. Et ce, alors que
tée par le patron du groupe LR à partie de la droite fut entraînée vers les le même PNF vient d’ouvrir deux
l’Assemblée Olivier Marleix. Et les bas-fonds électoraux par cette éthique enquêtes touchant aux comptes de
trois candidats à la présidence du en toc. La morale ne fait pas une bonne campagne 2017 et 2022 d’Emmanuel
parti campent sur la même position. politique mais l’immoralité, elle, est Macron. L’Elysée a pris soin de prendre
Mais la pression ne cesse de monter. un poison mortel. Le Parti socialiste une posture inverse à celle des
Et de nombreuses voix discordantes en fut victime quand le ministre chargé innocents aux mains pleines :
se font entendre. « Nous sommes de collecter l’impôt, Jérôme Cahuzac, « Que la justice fasse son travail en
dans une inversion de valeurs ab- se rendit coupable d’avoir dissimulé toute indépendance. » Fermez le ban
solue, où l’on fait passer les intérêts des sous en Suisse, puis d’avoir ajouté pour l’instant.
du parti avant ceux de la France », le mensonge à la grivèlerie fiscale. La pathétique tentative de victimisation
tonne Alexandre Vincendet. Pour Pour ne pas avoir eu le courage de de la droite fait penser à ces enfants
beaucoup, LR est resté trop loin du regarder sa « fillonerie » en face, qui jurent n’avoir touché à rien, alors
pouvoir. « En 2027, cela fera quinze la droite est ces jours-ci rattrapée par qu’ils ont encore la frimousse toute
ans que la droite n’aura plus été barbouillée de confiture. Elle
aux affaires, qui peut s’en re- La façon qu’a Eric Ciotti ratifie, pour l’opinion, une
culpabilité qui s’étend à toute
mettre ? », se désespère Nicolas d’accuser la justice de partialité la classe politique. Plus les
Forissier, dernier ministre à siéger
au sein du groupe LR. politicienne rappelle celle de membres d’un camp crient
François Fillon en 2017. à l’injustice, plus ils donnent
le spectacle délétère d’une
ARME NUCLÉAIRE
Olivier Marleix relativise la portée une réplique du tremblement de terre culpabilité collective. Cette parade
de la fronde, « animée par quelques qui la traumatisa alors. La voilà, de pétaradante de l’innocence
députés restés en contact avec nouveau, tout aussi incapable d’y faire prétendument outragée signe le
Raffarin et Copé ». Surtout, il ne face. Ses dirigeants actuels s’en crépuscule d’un monde dé-moralisé,
s’interdit pas de recourir à « l’arme prennent obstinément au Parquet miné de l’intérieur par son impuissance
nucléaire » en déposant une motion national financier (PNF), lequel a doublée d’immoralité. Le constat
de censure, qui pourrait faire chu- diligenté « une enquête préliminaire » vaut tout autant pour la droite et
ter le gouvernement grâce aux voix pour vérifier si les révélations du la gauche. Si ces forces autrefois vives
de LFI et du RN. Mais la menace Canard enchaîné concernant les se traînent, lugubres, c’est sans doute
fait déjà l’effet d’un pétard mouillé. potentiels emplois fictifs de l’ex-épouse comme l’écrivait Léon Blum
du député Eric Ciotti sont fondées. « qu’elles sont trop arrivées ».
Bruno DELESSARD/Challenges

« Pour déposer une motion de cen-

sure, il faut 58 députés. Or avec « Cabale », « méthodes de voyous », Et le grand homme poursuivait :
5 députés dissidents, LR n’est plus « deux poids deux mesures », « justice « L’arrivisme signe le terminus de
en mesure d’y recourir », ironise d’exception »… Des expressions qui l’histoire, le début de l’engraissement,
Jérôme Lavrilleux. Qui voit dans rappellent celles brandies par François la sénescence des militants, le
son parti rien d’autre « qu’un tigre Fillon et son camp début 2017, lorsque reniement de l’idéal initial. » •
de papier édenté ». Rémi Clément

42  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

France
Laurent Wauquiez
« Moi ou Le Pen »
Absent de l’élection à la tête de LR, le président de la région
Auvergne-Rhône-Alpes se prépare néanmoins pour la présidentielle 2027.
Il se pose même en rempart contre le Rassemblement national.
Par Grégoire Pinson
I
llusion d’optique. Laurent Wauquiez parais-
sait depuis l’été s’éloigner chaque jour da-
vantage de la scène politique nationale, se
repliant sur la région Auvergne-Rhône-Alpes
qu’il préside. Il se montrait un brin pusilla-
nime, aussi : prêt à laisser Eric Ciotti, favori
pour la présidence des Républicains, monter seul
sur le ring pour prendre les coups à sa place. Lui a
décliné dès juillet toute velléité de relancer le parti.
Nicolas Sarkozy, qui vante en public le « réel talent »
de son ancien ministre, explique aussi en privé : « On
ne peut pas faire des refus d’obstacle tout le temps.
S’il veut le pouvoir, il faut qu’il le dise et il faut qu’il
s’en donne les moyens. »
La critique a fait mouche. Et Wauquiez fait au-
jourd’hui un pas de plus vers la ligne de départ de la
prochaine présidentielle : « Ma conviction, c’est
qu’en 2027, ce sera soit moi, soit Marine Le Pen »,
déclare-t-il à Challenges. Ses concurrents potentiels,
surgeons du macronisme, de Bruno Le Maire à
Edouard Philippe ? Il les hache menu : « Le macro-
nisme ne survivra pas à Macron. » Quant à la
gauche, il ne la voit pas capable d’organiser une al-
ternative crédible, empêtrée qu’elle serait dans le
gauchisme de LFI et l’écologisme radical. Donc Wau-
quiez répète sa prophétie, comme pour s’en
convaincre : en 2027, quand il fêtera ses 52 ans, « ce
sera moi ou Marine Le Pen ».
Alors que Valérie Pécresse a crashé la droite républi-
caine à 4,8 % lors de la dernière présidentielle, le pari
est pourtant loin d’être gagné. En arrivant au sommet
du mont Mézenc, dont il gravit chaque année les 1 753
mètres (trois fois plus que la roche de Solutré qu’af-
fectionnait Mitterrand, notent ses fans), Wauquiez
déclamait d’ailleurs, dès le 28 août : « Mes amis, nous
avons du travail et cinq ans ne seront pas de trop.
Nous devrons jeter sur le sol de France de nouvelles
masses de granit : réactiver les ressorts de notre
régime politique, retrouver l’envie de choisir notre
44  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
TREMPLIN destin, le droit de nous gouverner nous-mêmes, le
RÉGIONAL goût de reprendre l’aventure française. » Le double
1975 major de Normale sup et de l’ENA prend un certain
Naissance plaisir à s’atteler à l’ouvrage. Il procède avec mé-
à Lyon. thode, comme une révision de concours. Mais en
prenant son temps, aiguillonné par les mésaventures
Collection personnelle
d’une Valérie Pécresse déboulant insuffisamment
préparée dans la course à l’élection suprême.
L
’exemple de la présidente de l’Ile-de-
France lui a appris qu’étaler ses propres
2004 réussites à la tête de la deuxième région
Député de la
Haute-Loire. de France, qui a maîtrisé son budget et
dopé son industrie, ne suffira pas. La multitude de
2008
Maire du Puy-en- pancartes dont il a couvert Auvergne-Rhône-Alpes
Velay. pour vanter ses réalisations – et qui lui ont valu le
2010 surnom de « seigneur des panneaux » – n’auront
Ministre des que peu d’effet dans les urnes nationales. Il s’attache
Affaires donc à voir « au-delà des collines » du Puy-en-Velay
européennes. et à poser son diagnostic sur la France. Un diagnos-
2011 tic de préférence apocalyptique, ce qui permettra de
Ministre de la sculpter dans un second temps sa propre statue en
Recherche.
sauveur. « La France est entrée en décadence et la
2016 chute s’accélère, avance-t-il. Les responsables poli-
Président de la
région Auvergne- tiques sont aujourd’hui les spectateurs de leur
Rhône-Alpes. propre impuissance. Un imam recherché par le
2019 ministre de l’Intérieur s’enfuit en Belgique dans le
Démission de coffre d’une voiture, les migrants de l’Ocean Viking
la présidence arrivés dans un port militaire s’en échappent…
de LR. Bruno Le Maire en vient, lui, à contempler l’explo-
sion du déficit public. » Et de regretter que la France
n’ait pas connu ses moments Schröder, Thatcher,
Blair, Reagan ou Obama.
Bruno Levy pour Challenges
Qu’à cela ne tienne, lui se prépare. Pour son futur
Portrait programme, il fréquente des intellectuels. En écono-
Laurent Wauquiez,
dans les bureaux mie, il choisit Pierre Cahuc, Patrick Artus et Augustin
d’Auvergne-Rhône- Landier. Il échange aussi avec Florent Menegaux,
Alpes, rue de
Solférino, à Paris, patron de Michelin, dont il loue la capacité, « comme
le 22 novembre. souvent les chefs d’entreprise, à voir loin avec uuu
 France
Laurent Wauquiez, cap à droite
Photo PQR/Le Progrès/MAXPPP
En juillet 2004, benjamin de l’Assemblée. Il y entre grâce à
son mentor, le centriste Jacques Barrot, qu’il trahira pour défendre
une ligne de droite dure et critique sur la construction européenne.
CDU
En septembre 2018, avec Angela Merkel, à Berlin. Président de LR,
il rencontre la chancelière qui est son homologue à la CDU,
en n’oubliant pas de lui offrir un paquet de lentilles vertes du Puy.
uuu une stratégie à dix ans, tout en ne négligeant
aucun détail ». En politique, ce sont le sociologue
Marcel Gauchet, le philosophe Pierre Manent et l’es-
sayiste Céline Pina, venue du Parti socialiste. « Il y a
dix ans, lorsque l’on voulait, à droite, se frotter
ainsi la cervelle, on ressentait une grande solitude,
constate Wauquiez. Les choses ont bien changé. »
A ce remue-méninges, l’aspirant président de la Ré-
publique ajoute des descentes sur le terrain, sans
caméra ni journaliste. Comme cette soirée, de
19 heures à minuit, avec la Bac de Vénissieux, sillon-
nant des quartiers « où il y a des points de deal tous
les 400 mètres ». Comme ces heures, aussi, dans un
lycée des Minguettes, où un proviseur se bat contre
des « élèves qui tentent de rentrer dès 7 h 45, avec
leur voile dans l’établissement ».
46  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
En mai 2008,
secrétaire d’Etat à l’Emploi,
avec Nicolas Sarkozy et
Christine Lagarde.
Ses relations avec l’ex-
président se sont tendues
Chesnot/Sipa
lorsque ce dernier a affirmé,
en 2018, qu’il plaçait
ses ministres sur écoute.
Remy Perrin/Photo PQR/Le Progres/MAXPPP
En septembre 2009, en famille, à la fête du Roi de l’oiseau
du Puy-en-Velay. Il sait se mettre en scène sillonnant sa région,
sur son vélo ou en bras de chemise visitant des usines.
Vincent Isore/Ip3/MAXPPP
En mai 2019, avec le candidat LR aux européennes François-
Xavier Bellamy. Le mauvais résultat obtenu par la droite (8,4 %)
le conduira à démissionner de la présidence des Républicains.
Toute cette matière accumulée nourrit de longs ar-
ticles postés, le dimanche, sur la page Facebook du
président de région. Réflexions sur la réindustriali-
sation, préservation de l’agriculture et dérives des
écolos : ses soutiens adorent ce qu’ils décrivent
comme des « fulgurances ». « Laurent Wauquiez est
véritablement visionnaire, s’enthousiasme Nicolas
Daragon, maire de Valence. En 2011, dans son livre
La Lutte des classes moyennes (Odile Jacob), il dé-
crivait déjà les difficultés de ces concitoyens, no-
tamment sur le prix du carburant, qui ont été révé-
lées par les “gilets jaunes”. Il avait dix ans d’avance
à l’époque, il aura aussi dix ans d’avance en 2027. »
Pour l’heure, guère de nouveautés dans ces interven-
tions. Il approfondit des idées déjà exposées, parfois
brutalement. En 2011, il avait choqué jusque uuu
 France

Ce qu’ils disent de lui
Olivier Marleix,
président du groupe LR
à l’Assemblée :
« Laurent, c’est un ami.
J’échange très régulièrement avec
lui. Ma fidélité lui est acquise. C’est
le plus capable d’entre nous et
celui qui a la vision la plus solide.
Sera-t-il candidat en 2027 ? Je
l’espère. Il est le plus à même de
rebâtir la droite qui s’est dispersée
lors de la présidentielle. »
Christine Pires Beaune, député
socialiste : « Il incarne ce qu’il y a
de pire en politique. Comme
président de région, il fonctionne
au clientélisme et il gouverne par
la terreur. Quand vous n’êtes
pas d’accord avec lui, il coupe
le robinet des subventions. »
Gérard Longuet, sénateur : « Il a
une belle gueule, il parle bien. Mais
il est très solitaire. Trop ? Je ne lui
lui-ci emporte le parti. Mais aussi sur Bruno Retail-
leau. « Laurent est notre meilleur candidat pour
2027, c’est indéniable », glisse un conseiller de l’élu
vendéen. Et à l’Assemblée, Wauquiez se pique de
dénombrer 19 députés issus d’Auvergne-Rhône-
Alpes sur les 62 du groupe. « Si chaque région en
avait fait autant, Les Républicains compteraient
150 députés », calcule-t-il. Lui-même est d’ailleurs
suppléant d’Isabelle Valentin, ce qui lui permet de
garder ouverte la possibilité d’un retour au Palais-
Bourbon. Ces derniers jours, il a décidé de réunir à
Paris, régulièrement, une vingtaine d’élus qui lui sont
proches, pour doper ses réflexions.

Nicolas Sarkozy, ancien président
de la République : « Laurent
Wauquiez a été un bon ministre.
J’ai toujours pensé qu’il avait un
réel talent. Il peut être celui [qui
incarne la relève] s’il s’en donne
les moyens et s’il est prêt à
Alain Jocard/AFP
L
connais pas d’amis proches. Et il a
une brutalité qui le dessert. Il me
semble qu’il n’a pas l’air heureux. ’idée d’une levée en masse des élus
Ça non plus, ce n’est pas bon. » pour Wauquiez en laisse toutefois
sceptique plus d’un. « Sa popularité
Michèle Alliot-Marie, ancienne
ministre : « Laurent Wauquiez me
du moment ne doit pas tromper,
paraît être le plus intelligent, le lâche un connaisseur de la droite.

endurer les sacrifices qui en sont plus susceptible de comprendre
le prix. » les choses. »
uuu dans son camp en dénonçant « les dérives de
l’assistanat, cancer de la société française ». De-
puis, la petite musique s’est faite dominante : Emma-
nuel Macron s’apprête à mettre en place des heures
de travail ou de formation en échange du RSA, ainsi
que le souhaitait Wauquiez à l’époque. Résultat, le
président de région accélère : « Vous travaillez, vous
n’avez droit à rien ; vous restez chez vous, la CAF
vous paie jusqu’au téléviseur pour rester sur le ca-
napé », écrit-il sur Facebook.
« Lorsque Laurent Wauquiez reviendra pleinement
dans le débat, il le fera en mode Trump, pronostique
son biographe, le journaliste Fabrice Veysseyre-Re-
don. Compte tenu du populisme démocratique
ambiant, ce n’est sans doute pas un mauvais
calcul. » Issu de deux familles industrielles et bour-
geoises du nord de la France, Wauquiez suit de près
le parcours du milliardaire Trump : selon lui, son
pilonnage sur les sujets migratoires et le dérapage
Le vélo électrique.
des finances publiques scotchent les démocrates au
sol, mais les troupes de « trumpistes excessifs » font
perdre bien des voix. Lui qui est issu des écoles
d’élite républicaine ne cache pas non plus son inté-
rêt pour l’ex-Premier ministre britannique, diplômé
du collège élitiste d’Eton : « Boris Johnson a été
capable de rassembler les élites économiques et les
ouvriers des territoires délaissés. » Mais il a aussi
payé de son poste son côté « foutraque et désor-
donné ». Pas question de déraper ainsi pour la prise
du pouvoir dans l’Hexagone.
Wauquiez s’efforce donc aussi de consolider ses
points d’appui parmi les militants et les élus. Au sein
du parti LR, il pourra compter sur Eric Ciotti, si ce-
48  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
Elle est surtout le signe du vide sidé-
ral à droite. » Patrick Mignola, ancien député Mo-
Dem, qui fût à son côté vice-président de la région
Auvergne-Rhône-Alpes, met lui en doute la sincérité
des ralliements. « Laurent Wauquiez est lui-même
incapable de donner sa confiance, tranche-t-il. Il
nourrit un permanent complexe de la citadelle as-
siégée. Pour obtenir des soutiens, notamment par-
mi les maires en région, il fonctionne à la peur et
au chéquier, à coups de subventions. Mais on n’at-
tache pas des chiens avec des saucisses. Et ces mé-
thodes ne créent pas de véritables fidélités. »
IL AIME L’historien Gilles Richard, auteur d’Histoire des
Le vélo. droites en France de 1815 à nos jours (Perrin), est
Les livres de aussi très sceptique. « Je le crois incapable de res-
Houellebecq. souder son propre parti. Il n’en représente qu’une
Le Made composante, la ligne nationaliste identitaire. Ni lui
in France.
ni Eric Ciotti ne parviendront à rallier à eux les
La Prière
d’abandon partisans de l’autre ligne, les néolibéraux euro-
de Charles de péistes, décrypte-t-il. Et je ne vois pas en Laurent
Foucauld. Wauquiez un homme politique hors pair. »
La montée en puissance vers la présidentielle a toute
IL N’AIME PAS
chance de raviver les nombreuses critiques dont il
peut faire l’objet, lui qui est parvenu à se faire détes-
L’assistanat.
ter par quelques hiérarques du parti, comme Virginie
Les éoliennes.
Calmels et Nathalie Kosciusko-Morizet, lorsqu’il diri-
Le jacobinisme geait l’UMP puis LR. L’agitation autour des dîners
centralisateur.
fastueux offerts par la région, à plus de 1 000 euros
par personne, n’est qu’un hors-d’œuvre. « Je sais
vers où je m’avance : j’ai déjà le corps couvert de
cicatrices », déclame Wauquiez. Et pour expliquer
sa persévérance, il cite un auteur peu étudié à Nor-
mal sup : « Que personne ne sous-estime la rage qui
est en moi. » Rocky Balboa, le personnage interprété
par Sylvester Stallone, s’exprime en ces termes. Lui,
le boxeur qui souffre, remonte sur le ring, prend des
coups, se bat et gagne. •
France

Big bang salarial dans

la haute fonction publique
A partir du 1er janvier, quelque 6 000 préfets, ambassadeurs et autres
hauts fonctionnaires dépendront d’une seule grille de rémunération. Avec
un métier unique : « administrateur de l’Etat ». Une petite révolution.

L
a réforme de la haute fonc-
tion publique revient de
loin. En avril 2019, au len-
demain de la crise des
« gilets jaunes », Emmanuel Macron
avait créé la surprise en annonçant
la suppression de l’Ecole nationale
d’administration (ENA). Aussitôt,
toutes les forces de résistance des
hautes sphères étatiques s’étaient
mobilisées pour que la montagne
accouche d’une souris. « Le Pre-
mier ministre Edouard Philippe
lui-même y était opposé, souffle un
haut fonctionnaire, qui a suivi le
feuilleton de près, et s’il n’avait pas
été remplacé par Jean Castex, puis
Elisabeth Borne, la réforme n’au-
rait sans doute jamais vu le jour. »
A maintes reprises ces dernières
années, le chef de l’Etat a même dû
Jacques Witt/Sipa

intervenir personnellement pour

s’assurer que sa volonté soit respec-
tée. Alors, le 23 novembre dernier,
lorsque le ministre de la Fonction
publique Stanislas Guerini a achevé
sa présentation d’un nouveau statut
commun des hauts fonctionnaires
de l’Etat, le président n’a pu s’empê-
cher de le gratifier d’un « c’est im-
peccable » dans le huis clos du
Conseil des ministres.
Faciliter la mobilité
De fait, derrière la suppression de
l’ENA, c’est bien la création d’un
nouveau métier unique des « admi-
nistrateurs de l’Etat » qui constitue
la révolution macroniste de la haute
fonction publique. Près de 6 000 des
plus hauts fonctionnaires français,
qui appartenaient à une quinzaine
de « corps » différents, ont vocation
à y appartenir. Pêle-mêle, on y re-
trouve les 2 700 administrateurs ci-
vils, les 720 préfets et sous-préfets,
les 650 hauts fonctionnaires du fisc,
Emmanuel Macron face aux préfets réunis à l’Elysée, le 15 septembre. Une harmonisation des primes,
qui pèsent pour 40 % à 60 % de la rémunération des hauts fonctionnaires, est en cours.
les 800 ambassadeurs et conseillers
des Affaires étrangères, sans oublier
les 800 membres des différents
corps d’inspection, dont les 125 ins-
pecteurs des Finances. « L’objectif
est de faciliter les passages des
hauts fonctionnaires d’un minis-
tère à l’autre, relève-t-on au minis-
tère de la Fonction publique, et de
garantir des salaires plus en phase
avec la difficulté des postes. »
Car, dans cette réforme, l’innovation
majeure tient dans la fusion des
quinze anciennes grilles salariales en
une seule. « Jusque-là, chaque caté-
gorie reluquait avec envie le som-
met de la grille des mieux dotés et
rêvait de les rejoindre, s’amuse un
syndicaliste. Désormais, tout le
monde aura les mêmes perspec-
COUP tives. » A partir du 1er janvier, la
DE POUCE grille commune comportera 32 éche-
lons pour des administrateurs répar-
15 à
20 millions
tis en trois grades. En rythme de
d’euros croisière, un haut fonctionnaire pas-
Enveloppe sera un échelon tous les dix-huit
budgétaire mois, mais il pourra voir ce délai
pour les raccourci à seize, quatorze ou douze
augmentations mois quand il exercera un poste à
liées à la nouvelle
grille salariale.
plus fortes responsabilités.
Du côté des primes, qui représentent
21 364 euros
brut par mois de 40 % à 60 % des rémunérations des
Plus haute hauts fonctionnaires, un travail
rémunération d’harmonisation a aussi été entamé.
possible pour Désormais, chaque administrateur
un administrateur de l’Etat aura droit à deux primes :
de l’Etat. l’une liée aux difficultés de son
poste – variant de 4 150 à 63 000 eu-

50  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

ros annuels – et l’autre, à son « enga-
gement professionnel » – allant de 0
à 15 750 euros annuels. Avec un su- L’éditorial de
per-régime pour les postes des som-
mets hiérarchiques, comme les di-
GHISLAINE OTTENHEIMER
rections ministérielles, les plus
grandes ambassades ou les grosses
préfectures, où les bonus pourront
grimper jusqu’à 165 000 euros par an.
Remettre l’Etat à l’endroit
Sur le papier, la plus haute rémuné-

C
ration de l’Etat culmine ainsi à
’est la fin d’une très longue le monde entier nous envie. » Sauf que,
21 364 euros brut mensuels, en cu-
bataille dont les prémices au fil des temps, cette école
mulant sommet de la grille salariale
remontent aux années 1960, et d’application, copiée sur le modèle
et plafonds des primes. « Mais c’est
au livre de Pierre Bourdieu militaire, a montré ses limites. Pas
une situation théorique, précise le
Les Héritiers. L’ENA va disparaître. seulement parce qu’elle favorise
ministère de la Fonction publique,
Corps et biens. Le deuxième volet de la la reproduction sociale et génère
qui sera en réalité atteinte de ma-
réforme de la haute fonction publique « un moule à penser unique », mais
nière très exceptionnelle. » Dans le
présenté par le ministre de la Fonction parce qu’elle n’est pas efficace ! Dans
parcours le plus lent, un haut fonc-
publique, Stanislas Guerini, qui met fin Promotion Ubu roi, Olivier Saby,
tionnaire percevrait un traitement
au classement de sortie et prévoit une un jeune diplômé, dénonçait le « vide
de 2 340 euros brut à sa sortie de
seule grille de rémunération pour toute abyssal de l’enseignement, le
l’Institut national du service public,
la haute fonction publique, vient conservatisme des enseignants comme
qui a remplacé l’ENA, de 6 140 euros
parachever la révolution entamée il y a des élèves, la frilosité, l’obsession
après vingt-deux ans de carrière et
dix-huit mois, avec le remplacement de du classement… »
de 6 605 euros à la veille de sa re-
l’Ecole nationale d’administration par A l’ENA, on n’apprend pas grand-chose,
traite. Auxquels s’ajouteront des
un Institut national du service public c’est avant tout un formidable
primes qui pourront doubler ces
(INSP), et la suppression des grands instrument à sélectionner des élites.
montants en fonction des postes
corps. Fini, cette hiérarchie absurde qui Et donc, c’est à cela qu’il faudra juger
occupés.
propulsait les plus doués scolairement la réforme in fine. Quel enseignement ?
au sommet de l’Etat (et des entreprises) Dans les grandes démocraties, les hauts
« Droit d’option »
et condamnait les moins brillants – ou fonctionnaires sont formés, dans le
Le succès de la réforme n’est pour-
les moins dociles — à des carrières cadre de troisièmes cycles, par des
tant pas encore joué. Les préfets,
anonymes et moins bien payées dans universitaires connectés aux dernières
ambassadeurs, hauts fonctionnaires
les postes jugés moins glorieux… recherches en matière de gouvernance,
du fisc et membres des corps d’ins-
Désormais, tous ceux qui ont vocation de management, d’efficacité de la
pection ont un an pour exercer leur
à servir l’Etat devraient entamer leur dépense publique, d’usage des data…
« droit d’option » et décider de deve-
carrière sur la même ligne de départ, et Alors qu’à l’ENA on se contente des
nir ou non administrateurs de l’Etat.
conférences des aînés. Thierry
« Personne n’y perdra », garantit le
ministère de la Fonction publique Bien gérer l’administration Mandon, ancien secrétaire
d’Etat chargé de la Réforme
qui a prévu une enveloppe de 15 à suppose qu’elle choisisse de l’Etat, disait : « L’ENA est
20 millions d’euros pour attirer le
maximum de candidats. A raison de
ses cadres, et pas l’inverse. une aberration absolue. Il n’y a
pas de professeurs, des gens
6 000 hauts fonctionnaires concer-
évoluer en fonction de leurs viennent faire des conférences…
nés, la hausse moyenne s’élèverait
performances, de leurs compétences, Le manque de culture critique, de
donc à près de 3 000 euros brut an-
et des besoins de l’administration. compétences disciplinaires de haut
nuels. « Concernant le seul traite-
Une bonne gestion veut en effet que niveau et d’expérience de terrain
ment, les gains seront plus forts en
ce soit l’Etat qui choisisse ses cadres constitue la principale faiblesse
début et fin de carrière, ainsi que
et pas l’inverse. de l’école, et l’une des causes de la
pour les diplomates, les préfets et
Ce projet de loi a réveillé les décrédibilisation des technocrates. »
les administrateurs civils, tandis
oppositions viscérales à toute Décloisonnement, interministérialité,
que les perdants se trouveront du
transformation réelle de cette école renforcement des primes : cette
côté des grands corps d’inspection,
créée en 1945 par le général de Gaulle, réforme, qui vise à substituer une
confie un connaisseur du dossier.
avec le soutien de Maurice Thorez, logique de métier à une logique
Christophe Lebedinsky/Challenges

Mais toute la question est de savoir

secrétaire général du Parti communiste, de corps, est la seule réponse à la
comment seront réparties les
symbole de la méritocratie dégradation de l’Etat. A une seule
primes et combien de postes parmi
républicaine. « Sabotage de la haute condition : organiser un vrai cursus,
les plus rémunérateurs seront at-
fonction publique », « casse de et ne pas se contenter, en guise de
tribués à chaque ministère. » La
l’appareil d’Etat au profit des cabinets modernisation, de stages en entreprise
bataille des hauts salaires dans la
de conseil », « massacre d’un outil que ou d’échanges à l’étranger.•
fonction publique n’est pas finie.
Laurent Fargues

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  51

 France
Bonne semaine
Le RN fait le forcing sur
la souveraineté numérique
Les députés d’extrême droite espèrent présider
le groupe d’études consacré à la cybersécurité.
J. Saget/AFP

Ce qui met plus d’un acteur du digital mal à l’aise.

Marine Tondelier propulsée
L’élue du Pas-de-Calais, 36 ans, est
arrivée très largement en tête à l’issue
d’une première phase de vote pour
désigner celui ou celle qui doit
succéder à Julien Bayou à la tête
d’EELV. Sa motion a obtenu 47 % des
voix contre 18 % pour celle soutenue
par Yannick Jadot, et 13,5 % pour celle
soutenue par Sandrine Rousseau.
Marine Tondelier souhaite prendre ses
distances avec la Nupes et revendique
une liste autonome aux européennes.
Louis Aliot confirmé
Le binôme formé
par le maire RN
de Perpignan et
A
l’Assemblée nationale, le parti de
Marine Le Pen s’est trouvé une
nouvelle bataille. Depuis plu-
sieurs semaines, les élus du Ras-
semblement national s’agitent pour récupé-
rer la présidence de plusieurs groupes
d’études, dont celui consacré à la cybersé-
curité et à la souveraineté numérique. Un
thème encore peu exploré par le RN, qui
s’est longtemps tenu à l’écart de dossiers
jugés trop « technos ». Mais avec 89 députés
dans l’Hémicycle, l’extrême droite cherche
désormais à faire émerger des élus experts
sur tous les sujets. Et tout particulièrement
sur le numérique.
Pour maximiser les chances du groupe

Hans Lucas/AFP
Carla Muti a
recueilli 44,07 % d’obtenir gain de cause, le vice-président
F. Marvaux/Rea

des suffrages RN de l’Assemblée Sébastien Chenu parie

au premier tour
de l’élection
départementale
partielle dans les Pyrénées-Orientales.
Loin devant le conseiller sortant
socialiste, éliminé (26,36 %). Ils ont
également écrasé le duo divers droite
(27,63 %). Le second tour aura lieu le
4 décembre. En mai 2021, le binôme
PS l’avait emporté au second tour avec
51 % des voix.
Mauvaise semaine
E. Blondet/Pool/Rea
sur Aurélien Lopez-Liguori, jeune député de
la 7e circonscription de l’Hérault. « Le
groupe me fait confiance sur ces questions,
glisse cet ancien assistant parlementaire de
l’eurodéputé Jean-Lin Lacapelle. Nous
avons commencé un travail de fond. » Les
éléments de langage sont en tout cas déjà
prêts. L’élu veut interdire les antennes 5G
de Huawei sur tout le territoire – « cela va
dans le sens de l’histoire » –, protéger les
entreprises françaises contre les rançons
des cybercriminels – « la France ne doit
pas devenir une poule aux œufs d’or » – ou
encore prôner « la création de géants euro-
péens ». Des propos très consensuels, mal-
gré leur apparente radicalité.
Multiples prises de contact
Aurélien Lopez-Liguori. « Le groupe RN me fait
confiance sur le numérique », glisse le jeune
député de la 7e circonscription de l’Hérault.
patron du Campus Cyber, à l’occasion
d’une rencontre organisée par le think tank
CyberTaskForce.
Mais la perspective d’une mainmise du
Rassemblement national sur le groupe
d’études consacré à la souveraineté numé-
rique met plus d’un acteur du secteur mal à
l’aise. « Le raccourci contre lequel on se
bat, ce serait de réduire notre souverai-
neté à quelques mesures de protection-
nisme économique », argumente l’un d’eux.
« Mon inquiétude, c’est que les députés RN
cherchent justement à politiser nos pro-

Manuel Valls empêtré
L’ancien Premier ministre devra payer
277 000 euros pour des irrégularités
dans le financement de sa campagne
municipale à Barcelone en 2019. Le
Tribunal des comptes espagnol a
constaté un dépassement du plafond
de 71 %, soit 126 819 euros. Il
soupçonne que les fonds proviennent
d’investisseurs privés, ce qui est interdit
par la législation espagnole.
Début novembre, le député de 29 ans a déjà
rendu un avis sur le volet numérique du pro-
jet de loi de finances 2023. « Le RN travaille
énormément sur ces sujets », reconnaît le
collaborateur d’un député de la majorité
présidentielle. Une stratégie qui dépasse la
seule enceinte de l’Assemblée nationale.
Aurélien Lopez-Liguori multiplie les prises
de contact. En septembre, il était présent au
France Digitale Day, l’un des grands rendez-
vous parisiens des start-up. « J’essaie de
voir un peu tout le monde », confie-t-il. Plu-
sieurs noms du secteur ont déjà échangé
avec lui, comme Michel Van Den Berghe, le
duits », renchérit le PDG d’une start-up de
la cyber, qui se méfie de cette « tentative
d’appropriation ».
Spécialiste de ces sujets, le député Renais-
sance des Côtes-d’Armor Eric Bothorel ob-
serve que « le RN joue sur la confusion
entre souverainisme et souveraineté pour
tenter de se constituer une légitimité, mais
il ne suffit pas de rejeter les acteurs étran-
gers pour s’imposer sur le sujet ». Durant la
campagne présidentielle déjà, Marine
Le Pen insistait sur le besoin de « bannir »
les entreprises américaines et chinoises des
commandes publiques. D. Pa.

52  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

France
Alerte sur la consommation
Les prix de l’énergie et des produits alimentaires, qui continuent à flamber,
et la baisse des achats des ménages fragilisent la croissance.
Indice de confiance en l’avenir
 
(solde des réponses en points)
- 20
- 28
- 30
- 40
- 50
- 60
décembre 21
L
a hausse des prix donne le
tournis aux Français. Se-
lon notre baromètre
Abeille-Odoxa, le panel de
personnes interrogées évalue désor-
mais l’inflation à 15,8 % en moyenne
(voir ci-contre). Un niveau presque
deux fois plus élevé qu’en sep-
tembre et surtout bien plus haut que
l’inflation réelle constatée par l’In-
see, qui était de 6,2 % en octobre.
« Le panier mesuré est constitué de
très nombreux biens et services,
dont beaucoup n’ont pas augmenté
depuis un an, décrypte Gaël Sli-
man, président d’Odoxa. Mais, pour
les Français, ce qui compte le plus
c’est ce qu’ils achètent au quotidien
(essence, produits alimentaires…).
Or, ces biens-là ont subi une infla-
tion à deux chiffres. » Les prix du
litre de gazole ont ainsi flambé de
20 % en un an, ceux de la viande ven-
due en supermarché de 13 %. Pas
étonnant dès lors que le moral des
ménages flanche, avec 78 % de per-
sonnes qui se disent moins
confiantes dans l’avenir, au plus bas
depuis les confinements sanitaires.
« Coup de frein marqué »
Touchés au portefeuille, les Fran-
çais ont bien sûr réduit leurs dé-
penses de chauffage ou d’essence
mais ils ont aussi, pour les trois
quarts d’entre eux, diminué leurs
budgets loisirs ou leurs achats de
vêtements. Résultat : la consomma-
tion a été complètement atone cet
54  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
été. Or, la demande intérieure est
historiquement le principal moteur L’inflation plombe les Français
de la croissance française. « Alors A combien estimez-vous la hausse des prix
 
que le rebond post-confinements sur les douze derniers mois ?
avait été particulièrement dyna- Evolution de la moyenne des réponses, en %
mique dans l’Hexagone, note Ma- 16 15,8
12,5
thieu Plane, économiste à l’OFCE.
12
Le coup de frein est cette fois plus 8,6
- 56 marqué que chez nos voisins, mal- 8
gré le bouclier tarifaire et une infla- 4 2,6
novembre 22 tion moins forte. » D’après les der-
niers chiffres d’Eurostat, le PIB n’a 0
avril 21 septembre 22 décembre 22
ainsi progressé que de 1 % entre les
troisièmes trimestres 2021 et 2022. Répartition des réponses selon le niveau d’inflation estimé, en %
C’est un peu moins qu’en Allemagne Moins de 5% 2% Le niveau d’inflation
(1,1 %) et surtout bien en deçà du perçu en moyenne
5% à 9% 23% par les Français
reste de la zone euro (2,5 %) ou de 10% à 14% 27% sur les 12 derniers
l’Italie (2,6 %). 15% et plus 47% mois est de 2,5 fois
plus élevé que celui
La résilience des patrons
NSP 1% enregistré par l’Insee.
La situation ne devrait pas franche-  A cause de l’inflation, avez-vous réduit
ment s’améliorer dans les prochains vos dépenses de…
mois. Quelque 34 % des Français chauffage
déclarent avoir déjà puisé dans leur 79% 21%
épargne et 9 % disent avoir contrac- Oui Non
té un ou plusieurs prêts pour faire loisirs
face à la hausse des prix. Tandis que 77% 22% 1% NSP
Oui Non
les ménages plus aisés continuent à produits courants comme les vêtements
mettre de l’argent de côté en raison 76% 23% 1% NSP
des incertitudes géopolitiques et Oui Non
n’ont toujours pas touché à déplacements, carburants
l’épargne accumulée durant les 75% 25%
Oui Non
confinements. « Plus on s’éloigne de
produits domestiques ou ménagers
la crise sanitaire, plus cette
épargne va se transformer en patri- 68% 32%
Oui Non
moine financier ou immobilier, au produits alimentaires
lieu d’alimenter la consomma- 64% 36%
tion », estime Mathieu Plane, qui Oui Non
redoute aussi un retournement du  Face à l’inflation, avez-vous puisé
marché du travail. Jusqu’à présent, dans votre épargne ou contracté des prêts
les entreprises ont, malgré tout, pour vos dépenses du quotidien ?
continué à recruter, avec 90 000 em- Oui, vous avez puisé dans votre épargne 34%
plois créés au troisième trimestre Oui, vous avez contracté un ou plusieurs prêts 9%
2022. C’est le principal motif de sa-
tisfaction dans ce contexte maus-
Non, mais vous envisagez de le faire 27%
sade : contrairement au reste de la Non, et vous ne pensez pas le faire 28%
population, les patrons gardent le NSP 2%
moral et leurs carnets de com- Enquête réalisée par Internet les
mandes sont encore bien remplis. 23 et 24 novembre 2022 auprès
Reste à savoir si cela permettra de d’un échantillon de 1005 Français
représentatif de la population
passer le choc inflationniste. française âgée de 18 ans et plus.
David Bensoussan SOURCE : BAROMÈTRE DE L’ÉCONOMIE ODOXA, ABEILLE ASSURANCES, CHALLENGES, BFM.
 L’éditorial de
ANDRÉ COMTE-SPONVILLE
Jamais sans les entreprises
B
« ifurcation(s) » : c’est le titre
du 9e Sommet de l’économie
organisé par Challenges
ce 1er décembre, au Palais
de Tokyo, à Paris. Avec un sous-titre :
« Vers un autre capitalisme. » C’est
en effet l’exigence du moment. Il
suffisait, pour s’en convaincre, de lire
les interviews d’une douzaine de nos
grands chefs d’entreprise, publiées
dans le magazine la semaine passée.
Tous constatent que la bifurcation
a déjà commencé, parfois de façon
spectaculaire, et rappellent pourtant
que le plus difficile reste à faire. C’est
vrai surtout, me semble-t-il, concernant
trois objectifs principaux. D’abord
la décarbonation de notre économie,
donc la transition énergétique, seule
susceptible de maintenir le
dérèglement climatique dans des
limites supportables. Ensuite la
réduction des inégalités, qui deviennent
moralement inacceptables,
politiquement dangereuses et
Pour ces trois défis, le plus difficile reste
à faire : assurer la transition écologique,
tendre à une société moins injuste,
restaurer le sens et la valeur du travail.
socialement délétères. Enfin réconcilier
nos contemporains, spécialement les
jeunes générations, avec l’entreprise en
général et leur propre travail en
particulier.
Sur le premier point, nos chefs
d’entreprise rappellent les résultats
déjà obtenus, et font confiance, pour
les accélérer, au progrès scientifique et
technique, donc à nos capacités
d’innovation. Ils ont sans doute raison.
Encore faut-il que notre Education
nationale, qui recule dans tous les
classements, nous en donne les moyens
intellectuels, et que l’Europe ne soit pas
S. Lagoutte/Challenges
la seule, dans la concurrence mondiale,
à se soumettre aux réglementations les
plus contraignantes. « L’Europe ne doit
pas être naïve », note Benoit Bazin, le
1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765 
directeur général de Saint-Gobain. Soit.
Mais elle doit être à l’avant-garde de
ce mouvement historique, dans lequel
l’humanité joue son destin.
La réduction des inégalités dépend sans
doute moins des entreprises que des
Etats, par la fiscalité, les services
publics et la redistribution. On sait que
la France, de ce point de vue, ne se
débrouille pas trop mal. Cela ne signifie
pas que les entreprises n’aient pas, elles
aussi, à s’en soucier. Qu’un patron
gagne plus de 500 fois le salaire médian
au sein de son entreprise, est-ce
économiquement justifié, socialement
juste, moralement admissible ?
Quant au rapport à l’emploi, nos
managers sont bien obligés de
constater qu’il a profondément changé.
Le travail est toujours nécessaire ; il
a cessé de valoir absolument, surtout
pour les plus jeunes. La « grande
démission » n’est qu’un cas extrême.
Mais combien de salariés démotivés,
découragés, déboussolés ? La pandémie
et les dérives
ducapitalisme
financier sont
passées par là.
Qu’on ait besoin
de travailler pour
gagner sa vie,
ce n’est pas près de disparaître. Mais,
note Nicolas Hieronimus, le patron
de L’Oréal, « pour attirer les jeunes
générations, les bons salaires et la
réputation de l’entreprise ne suffisent
pas. Il faut aussi du sens ». Eh oui !
Personne n’a envie, comme on disait
dans ma jeunesse, de « perdre sa vie
à la gagner ». Encore faut-il qu’on
se sente utile, et pas seulement à soi
ou à l’actionnaire !
Reste alors à articuler ces trois
objectifs : assurer la transition
écologique, tendre à une société moins
injuste, restaurer le sens et la valeur
du travail. Projet global, donc politique,
qu’on ne saurait confier aux seules
entreprises. Mais rien, sans elles,
ne sera possible.•
55
France courrier
Réagissez en écrivant à Challenges : 41 bis, avenue Bosquet, 75007 Paris - redaction@challenges.fr
A quand une borne de recharge
pour chaque véhicule électrique en France ?
J’ai lu avec intérêt votre dos-
sier automobile (Challenges
n° 758), et pourtant les
questions cruciales sur les
recharges ne trouvent pas de
réponses : sachant qu’il faut
5 minutes pour faire un plein
de carburant et au moins deux
heures pour avoir 80 % de la
charge d’un véhicule électrique
pour souvent la moitié de l’au-
tonomie d’un réservoir es-
sence, et donc qu’il faut 50 fois
plus de temps pour recharger
L’enseignant d’un côté
et de l’autre du Rhin   l’Europe maintient son obliga-
 Fidèle lecteur, je suis parfois
énervé. Un exemple (Challen-
ges n° 757) : vous évoquez une
différence de salaire de 40 %
entre l’enseignant français et
l’allemand. Ce chiffre est très
certainement correct, mais il
serait bien d’expliquer une par-
tie prépondérante de cet écart :
l’allemand a un mois de congé
en moins (quatre semaines
exactement) ; il a aussi trois
heures de remplacement de ses
collègues absents par semaine ;
et il doit être diplômé dans
deux matières distinctes, ma-
tières qu’il doit pouvoir assurer
indifféremment.
Philippe Beghein (Passy)
La réponse de la rédaction.
Notre lecteur « énervé » n’a
sans doute pas lu jusqu’au bout
l’article… où ces trois points
étaient mis en avant.
Un effort d’électrification
à mondialiser
 Comblé depuis fort long-
temps par votre façon de voir
le monde, je suis admiratif de
la qualité de vos éditorialistes,
en particulier André Comte-
Sponville. C’est pourquoi il me
paraît d’autant plus important
de vous signaler une inexacti-
tude susceptible d’entacher
votre image. Elle ressort de
l’avant-propos sur les angles
morts de la COP 27 (Chal-
56  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
un véhicule électrique, quel
serait le nombre de bornes qu’il
faudra car tout le monde n’a
pas un garage ? Y aura-t-il des
recharges à chaque place de
parking ? Qui les construira et
donc à quel prix sera vendue la
recharge incluant l’amortisse-
ment, la maintenance et la
marge ? Si le nombre est limité,
croyez-vous que les proprié-
taires de véhicules se lèveront
la nuit pour en profiter ?
Pascal Brugger (par courriel)
lenges n° 762). On y lit que si
tion d’électrification des voi-
tures d’ici à 2035, cela ne repré-
sentera que 15 millions d’unités
à cette date. Or il s’avère que
rien que pour la France seule,
le parc de voitures est déjà de
presque 40 millions d’unités à
ce jour. Si l’on admet que le
remplacement du thermique
par l’électrique se fait effective-
ment bien à un pour un, et si
l’on admet que les parcs britan-
niques, allemands, italiens et
espagnols sont à peu près ana-
logues au parc français, c’est
bien plus qu’un parc de 200 mil-
lions de voitures que l’Europe
abritera avec ses 22 autres
pays en 2035. Ceci étant, le rai-
sonnement soutenu dans l’édi-
torial reste bon, car 200 mil-
lions de véhicules électriques
seront peu significatifs par rap-
port à l’ensemble de l’espace
mondial, si celui-ci ne procède
pas à une mutation analogue à
celle de l’Europe. Mais tout de
même, 200 millions ne sont pas
du même ordre que 15 millions.
Antoine Motte (courriel)
La réponse de la rédaction. Le
calcul de notre lecteur suppose
que tout le parc automobile des
pays concernés sera passé à
l’électrique en 2035. Ce qui sera
loin d’être le cas, comme le
soulignait Florent Menegaux,
le président de Michelin, à l’ori-
gine de cette réflexion.
CHA7558 Auto.indd 1
Challenges n° 758,
10/10/2022 12:02
du 13 au 19 octobre 2022.
Un déséquilibre de prix
entre hydrogène vert et gris
 Je suis très surpris de vos
propos qui laissent croire
qu’avec l’évolution du prix du
gaz, le coût de l’hydrogène vert
(produit par électrolyse) et ce-
lui de l’hydrogène gris (produit
à partir de gaz naturel) sont
alignés (Challenges n° 762). Il
y a un an, l’hydrogène gris était
à moins de 1 euro par kilo
quand l’hydrogène vert était à
5 euros environ. Si le gaz natu-
rel a beaucoup augmenté, il est
partiellement redescendu et se
trouve maintenant aux envi-
rons de 150 % du prix d’il y a un
an. En supposant que le sur-
coût du gaz se répercute inté-
gralement dans le prix de l’hy-
drogène gris, on arrive à
1,50 euro par kilo, très éloigné
des 5 euros de l’hydrogène vert,
d’autant que ce dernier, produit
pas électrolyse, doit supporter
les hausses non négligeables du
prix de l’électricité.
Philippe Pichot (courriel)
La réponse de la rédaction.
Concernant l’alignement des
prix évoqués, nous nous
sommes basés sur les consta-
tations d’une étude réalisée
par BloombergNEF en mars
2022, sans rentrer dans les
détails de leurs conclusions.
Lesquelles avançaient un prix
de production de l’hydrogène
gris entre 5,28 et 6,71dollars/
kg, contre 4,84 à 6,68 dollars/
kg pour l’hydrogène vert
(pour l’Europe/Moyen-Orient).
Pas de feu vert
pour le Mobilier national
 Dans votre rubrique « Confi-
dentiels » (Challenges n° 756),
vous indiquez : « Hervé
Lemoine (Mobilier national)
a obtenu le feu vert du gouver-
nement pour fusionner avec la
Manufacture de Sèvres. Le
projet sera bientôt en discus-
sion avec les partenaires so-
ciaux. » Je suis très étonné
d’une telle affirmation qui n’a,
d’ailleurs, fait l’objet d’aucun
travail de vérification.
Hervé Lemoine, président
du Mobilier national
Il y a vache et vache
 Vétérinaire retraité, je
constate à la lecture de Chal-
lenges n° 751, que l’auteur(e)
de l’article sur la filière laitière
a une connaissance très appro-
ximative de la zootechnie
bovine en proposant comme
illustration de belles vaches
(génisses en fait) charolaises,
cette race étant l’archétype de
la race à viande ! La race lai-
tière emblématique est la
Holstein noire et blanche pour
la quantité de lait.
Jean-Marc Lalloz (courriel)
Une filière laitière en colère
 Je viens de lire avec grand
intérêt votre article du n° 751
sur la filière laitière, il reflète
très bien la situation. Je pense
que le jour où les centrales
d’achat auront les tracteurs
dans leur vitrine, ce sera trop
tard. Ils sont en train de faire
mourir toute l’agriculture fran-
çaise. Où est le juste prix ?
Roger Boucheron (courriel)
Rectificatif
Dans la cover sur la transition
écologique ( C h a l l e n g e s
n° 760), nous avons écrit que
les émissions de CO2 avaient
diminué en moyenne de 1,7 %
par an dans le monde. En véri-
té, elles ont baissé de 1,7 % en
France entre 2010-2019 (Haut
Conseil pour le Climat 2022).
Entreprise

Le business français éprouve

le protectionnisme américain
Face aux centaines de milliards déversés par le gouvernement de Joe Biden
pour soutenir les entreprises américaines, gouvernants et industriels crient à la
distorsion de concurrence. En jeu : une délocalisation des usines européennes.

C
’est le dossier qui pourrait aides qui favorisent la production vembre devant des patrons réunis à
plomber l’ambiance de la locale. Problème, ce protectionnis- l’Elysée. En filigrane, la crainte de
visite qu’Emmanuel Ma- me assumé outre-Atlantique sème la voir des industries, déjà asphyxiées
cron a entamée le 30 no- panique en Europe, où politiques et par la flambée des prix de l’énergie
vembre à Washington (lire p. 30). industriels crient à la distorsion de en Europe mais pas aux Etats-Unis,
L’été dernier, les Etats-Unis ont voté concurrence et critiquent la « naï- délocaliser en masse leurs activités
l’Inflation Reduction Act, soit une veté » européenne face au prag- vers les terres de l’Oncle Sam.
enveloppe de 370 milliards de dol- matisme américain. « Je pense que
lars d’investissements pour inciter ce n’est pas conforme aux règles de Décrochage dans l’hydrogène
les entreprises à accélérer leur tran- l’Organisation mondiale du com- La menace est sérieuse. Rien qu’en
sition écologique dans les énergies merce et que ce n’est pas amical », France, le gouvernement estime
propres ou la voiture électrique. Des déclarait Emmanuel Macron le 8 no- que le plan Biden pourrait faire
perdre 10 milliards d’euros d’inves-
tissements et 10 000 emplois. « Ces
Les intentions d’embauche plongent chiffres correspondent à des projets
Confiance dans l’économie française
 Quel sera le fait marquant
 industriels envisagés et que nous
(en %, à six mois) pour votre entreprise dans les douze pensons être à risque », explique
100 84 prochains mois? Roland Lescure, ministre délégué
La transformation chargé de l’Industrie. « Dans l’in-
80 des organisations dustrie naissante de l’hydrogène,
7% la France, qui était bien position-
60
L’inflation née, risque de décrocher face à une
40 32 75% La marque
employeur concurrence qui va se structurer
6% vite et fort aux Etats-Unis grâce
20 Déc. Janv. Fév. Mars Avr. Mai Juin Sept. Oct. Nov. Déc. aux aides d’Etat », s’inquiète Phi-
2022 Autres lippe Boucly, président de France
Intentions d’embauche

12% Hydrogène.
(en %, à six mois) Fort des signes de rapprochement
Enquête réalisée du 7 au 18 novembre avec l’Allemagne sur ce dossier, le
30
2022 auprès de 300 dirigeants chef de l’Etat veut rallier les Amé-
25 d’entreprise réalisant un chiffre d’affaires ricains à un compromis. Il espère
annuel de 15 à 500 millions d’euros. obtenir des exemptions pour les
20 industriels européens, comme c’est
le cas avec le Mexique ou le Canada.
15 Quitte à montrer les muscles pour
10 arracher un accord. « Le président
Déc. Janv. Fév. Mars Avr. Mai Juin Sept. Oct. Nov. Déc.
2022
a clairement mis sur la table la
proposition d’un Buy European
Le solde net des recrutements prévus dans les six mois, à 11 %, est au plus bas depuis Act afin de privilégier la produc-
février2021. Tout comme le moral patronal, même s’il y a encore 32 % des dirigeants
d’entreprise qui se déclarent «confiants en l’économie française». Sujet de préoccupation tion européenne », confirme Roland
numéro un, et de loin : la situation internationale et l’inflation. Lescure. Une plainte à l’OMC, évo-
quée par le commissaire européen

58  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, et le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, à l’usine Solvay en Meurthe-et-Moselle,
le 9 novembre. Rien qu’en France, le plan Biden pourrait faire perdre 10 milliards d’euros d’investissements et 10 000 emplois.
Thierry Breton, prendrait trop de
temps. Or, pour les industriels, il y
a urgence. « Le risque pèse lourde-
ment sur les projets d’ouvertures
d’usines », reconnaît-on au sein de
l’European Round Table, un groupe
de lobbying de l’industrie euro-
péenne dont une cinquantaine de
représentants ont été reçus à dîner
le 21 novembre par Emmanuel Ma-
cron. Le but ? Les convaincre de ne
pas s’expatrier.
Le géant allemand de la chimie
BASF a ouvert la brèche : il n’exclut
pas de devoir délocaliser certaines
productions gourmandes en éner-
gie. « Les produits de base pour-
ront-ils encore être fabriqués de
manière compétitive en Europe et
en Allemagne à long terme ? » a in-
terrogé son directeur général, Mar-
tin Brudermüller, au Handelsblatt le
17 novembre. Il met aussi en cause
« la réglementation excessive »
du Pacte vert de l’Union, feuille
de route pour atteindre la neutra-
J.-C. Verhaegen/AFP
lité carbone d’ici à 2050. Ce qui fait
dire à Ilham Kadri, PDG de Solvay :
« Pendant que l’Europe régule, les
Etats-Unis subventionnent. »
A la tête d’ArcelorMittal France,
Eric Niedziela est bien placé pour le
savoir. Lui qui a annoncé en février
dernier un plan d’investissement de
1,7 milliard d’euros pour moderniser
les hauts fourneaux de Dunkerque
et de Fos-sur-Mer, avec l’aide de
l’Etat. Las, il attend toujours le tam-
pon de Bruxelles pour toucher ces
aides. Sauf qu’avec l’Inflation Reduc-
tion Act américain, « la compétitivi-
té s’inverse », a déploré le dirigeant
sur BFM le 15 novembre. « Sur
100 euros investis dans une usine
américaine, 50 euros sont pris en
charge par l’Etat, contre 10 euros
en Europe », calcule le patron fran-
çais d’une entreprise du CAC 40.
Constructeurs prévoyants
Les constructeurs automobiles ne
s’y sont pas trompés. Le plan Bi-
den prévoit 7 500 dollars de crédit
d’impôt pour l’achat d’un véhicule
électrique sortant d’une usine amé-
ricaine, dont la batterie contient
au moins 40 % de métaux critiques
extraits et transformés aux Etats-
Unis – ou dans un pays lié par un
accord de libre-échange. Résultat,
1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765 
l’allemand BMW investit 1,7 milliard
de dollars dans l’expansion de son
usine en Caroline du Sud. Et Mer-
cedes et Volkswagen signent avec le
Canada pour assurer l’approvision-
nement de leurs usines américaines
de batteries.
« La désindustrialisation europé-
enne pourrait coûter bien plus cher
aux contribuables qu’un système
d’incitations financières ciblées »,
insiste Ilham Kadri, qui était venue
le dire à Emmanuel Macron lors du
dîner à l’Elysée. « Nous lui avons
expliqué que nous pourrions tenir
quelques mois mais pas plus si
l’Europe ne faisait rien », raconte
un participant qui craint de vite
perdre des fournisseurs de rang un
et deux. Mais face aux Etats-Unis
qui jouent solo, l’enjeu de la visite
d’Emmanuel Macron est aussi d’évi-
ter une guerre commerciale qui
fragmenterait le monde en trois
blocs : Chine, Etats-Unis et Europe.
Et qui déclencherait, à coup sûr,
une surenchère de subventions.
Thiébault Dromard
et Isabelle de Foucaud, avec
Grégoire Pinson
59
Entreprise
Le banquier
public croit
au « rebond »
de l’économie
Le patron de Bpifrance, Nicolas Dufourcq,
anticipe une « légère récesssion »
début 2023, avant un redémarrage
des entreprises. Et se mobilise pour relever
les défis de demain. Rencontre.
B
ientôt dix ans d’exercice à
la tête de la Banque pu-
blique d’investissement
(Bpifrance), mais pas de
signe de lassitude. Ni d’essouffle-
ment. Nicolas Dufourcq, le direc-
teur général de cette institution dé-
tenue par l’Etat et la Caisse des
dépôts, a même communiqué avec
tambours et trompettes son opti-
misme pour l’économie tricolore, à
l’occasion de L’Entretien HEC
mené par Challenges et BFMBusi-
ness. Pour l’heure, le pays se trouve
dans un « scénario contrasté avec
passage nuageux », lance-t-il en
guise de début de bulletin de météo
économique. La dernière enquête
Bpifrance-Rexecode, publiée le
17 novembre, souligne que les TPE
et PME sont de plus en plus nom-
breuses à anticiper une détériora-
tion de leur trésorerie au cours des
trois prochains mois. Pour autant,
Nicolas Dufourcq se refuse à dessi-
ner un « scénario hypernoir ».
« Bon fond de l’économie »
Si moins de la moitié des patrons ont
investi cette année ou prévoient de
le faire sur les dernières semaines
de 2022, il s’agirait d’une stabilisa-
tion après une période d’investisse-
ment exceptionnelle, et non d’une
course vers l’abîme. « La perspec-
60  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
tive pour 2023, c’est une petite ré-
cession légère, puis un rebond, ras-
sure-t-il. J’en veux pour preuve la
valorisation des entreprises non
cotées, qui continue de mon-
ter. » L’ancien patron de Wanadoo
anticipe bien un « ajustement sur la
tech », mais pas de krach en vue.
« Le fond de l’économie française
est bon », affirme-t-il, confiant.
Pour établir de telles prévisions, Ni-
colas Dufourcq s’appuie sur de nom-
breux capteurs : pour le seul premier
semestre 2022, sa banque a injecté
25 milliards d’euros dans l’écono-
mie. Et il suit comme le lait sur le feu
les prêts garantis par l’Etat (PGE)
qu’elle a déployés pendant la crise
du Covid. Certes, « on pointe depuis
avril 2 000 demandes de prises de
garantie par mois », du fait d’entre-
prises qui se montrent incapables
de rembourser, mais il n’y a « pas
d’accélération, le chiffre est
constant ». Il écarte donc tout dan-
ger de débâcle financière : « Le
risque de “paume” pour les banques
est très faible ». L’enquête Bpifrance-
Rexecode indique d’ailleurs que les
entreprises ne font pas face, pour
l’heure, à une restriction drastique
d’accès au crédit : 82 % d’entre elles
obtiennent satisfaction sur ce front.
Le dirigeant de la banque publique,
qui a traversé le mandat de François
Making of Hollande puis le premier quinquen-
Dans les salons nat Macron, décrit donc des PME et
de BFM, près de la TPE qui résistent et se défendent.
porte de Versailles, Et promet de nouvelles initiatives
toute une cour
d’investisseurs pour les conforter. Sur la transi-
et de consultants tion climatique, il s’engage à un
se pressent pour accompagnement « de masse » de
écouter Nicolas 20 000 entreprises, « en faisant
Dufourcq et tenter
de lui glisser physiquement du porte-à-porte,
un mot. Pas parce que ce n’est pas par un e-
de limousine mail ou des slides que l’on par-
ni de gyrophare, vient à mettre un patron d’entre-
pourtant, pour
le patron de prise en transition ».
Bpifrance. Depuis
qu’il s’est fait voler Offensive industrielle
son scooter, Sur le front industriel, qu’il décrit
il sillonne Paris
en Cityscoot.
comme essentiel depuis son ou-
vrage La Désindustrialisation de
la France (Odile Jacob), il s’aligne
sur la promesse présidentielle de
construire 100 usines par an d’ici
à 2030. Un discours offensif servi
par des formules chocs. « Notre rôle
est d’être un éditeur d’entrepre-
neur. Celui-ci nous apporte son
manuscrit, on le travaille, on le

publie et on fait son succès, lance
celui qui se démultiplie dans les
médias pour mieux faire connaître
les actions de Bpifrance au service
de l’économie. Les entrepreneurs,
ce sont eux l’avenir : il faut pour
cela qu’ils aient un grain de folie et
un tableur Excel dans la tête. »
Enthousiaste, le patron de Bpi-
France n’hésite pas à donner
quelques coups de griffes. Dans
cette mobilisation générale qu’il
sonne clairon en bouche, il fustige
les résistances des jeunes diplômés.
Il n’entend rien aux argu-
ments des étudiants de la
dernière promotion de
l’école AgroParisTech qui,
inquiets pour la planète,
refusent de mettre leur
diplôme d’ingénieur au
service de « l’innovation
et des start-up qui ne
sauveront rien d’autre
que le capitalisme ». Une
hérésie pour l’énarque
1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765 
Stephane Lagoutte / Myop pour Challenges
ayant débuté à l’inspection des
Finances en 1988.
« Les défis que nous avons à relever
vont demander une immense
quantité d’intelligence, une im-
mense quantité de travail et d’être
particulièrement combatif, rétor-
que-t-il. Ils vont demander un jail-
lissement d’énergie comme on n’en
a probablement pas vu depuis
l’après-guerre. Et donc le moment
n’est pas du tout venu de se poser
des questions de l’ordre de la tenta-
tion de Venise, du retrait ou de la
bifurcation. » Lui-même,
qui s’est montré intéressé
ces dernières années par
la direction d’Orange et
celle d’Air France, jure
qu’il n’a plus l’intention
de bifurquer. Il campe à
la tête de Bpifrance : « Je
suis un gars à mission,
et là, il y en a une. » Elle
risque de durer.
Grégoire Pinson
61
 Entreprise
Indiscrétions
Orange consolide sa position
Les premiers pas de Rémont
A peine le temps de
poser son cartable dans
dans la cybersécurité
son nouveau bureau
d’EDF que Luc Rémont
Le groupe de télécoms intensifie ses investissements
dans le secteur de la cyberdéfense. Et vise 1 milliard
C. Sittler/Réa

est reparti pour des

visites de terrain. C’est
à Flamanville qu’il a d’euros de chiffre d’affaires pour sa filiale en 2023.
effectué son premier déplacement.
Auparavant, il avait pris soin d’écrire
à tous les salariés du groupe
un long mail dans lequel il pointe
la « crise historique » que traverse
EDF et appelle à la « mobilisation »
et à la « solidarité » de tous pour
« passer les tensions de l’hiver ».

Pepy à la découverte
de nouveaux métiers
L. Meresse/Sipa

« Après la SNCF, je voulais découvrir

Orange/SP
des métiers auxquels je ne connais
absolument rien. » Voilà donc
Guillaume Pepy à la tête du conseil
Christel Heydemann et Hugues Foulon, à Lyon, le 25 novembre. La directrice générale d’Orange
de surveillance de l’emlyon, en plus
et le PDG de la filiale Cyberdefense ont inauguré le pôle cybersécurité industrielle du groupe.
d’Orpea. Comme le groupe de maisons
de retraite, en pleine tourmente, la

business school veut se relancer après
une privatisation compliquée. Aussi, à
l’instar de Jean-Paul Agon à HEC, Pepy
se voit comme « un ambassadeur pour
faire rayonner l’école à l’international ».
Magrez convie
le vigneron Bruel
B. Rindoff/Bestimage
A
Lyon, devant des machines pilo­
tées par ordinateur, Orange avait
choisi, vendredi 25 novembre, de
vanter son action dans la cyber­
sécurité à destination des entreprises de
taille intermédiaire (ETI). « Une climatisa-
tion qui s’arrête dans un data center, cela
le met à l’arrêt, constatait sa directrice gé­
nérale Christel Heydemann. Pareil dans
une raffinerie ou une usine de traitement
des eaux. » L’opérateur veut donc conti­
SecureLink au Benelux et en Allemagne.
Début novembre, le groupe a également
mis la main sur SCRT et Telsys, deux
acteurs suisses.
Longtemps dans les tuyaux sous la prési­
dence de Stéphane Richard, la volonté
d’introduire en Bourse sa filiale cyber ne
semble plus une urgence pour la directrice
générale, arrivée en début d’année. Même si
l’opération n’est pas totalement écartée.
« C’est une question accessoire de coter ou

nuer à se développer dans ce secteur en non l’activité, répond Christel Heydemann.

Le 23 novembre, Bernard Magrez
a privatisé le restaurant 3 étoiles
de Yannick Alléno au pavillon Ledoyen
pour fêter la 770e vendange de son
grand cru bordelais, Château Pape
Clément, avec 70 convives, dont
Patrick Bruel et François Berléand.
Magrez est un modèle pour le jeune
viticulteur Bruel, qui exploite
13 hectares de vignes du Domaine
de Leos : « Ce que j’aime en vous c’est
que vous êtes un homme d’émotions »,
l’a félicité l’interprète de Casser la voix.
croissance de 10 % cette année en Europe.
« Nous allons amplifier nos investisse-
ments dans le cyber afin de garder notre
temps d’avance, ajoute la patronne. C’est
un des leviers de croissance. »
Dont acte. Le groupe de télécoms procède
aussi bien à des acquisitions qu’à de la
croissance organique de son activité. L’opé­
rateur veut recruter 600 personnes l’année
prochaine alors qu’Orange Cyberdefense
compte 2 700 personnes aujourd’hui, dont
près de la moitié à l’étranger. Les achats se
poursuivent afin de pénétrer différents mar­
chés : d’abord Atheos et Lexsi en France,
puis SecureData au Royaume­Uni et encore
On ne s’interdit rien, tout dépend de ce que
nous voulons faire. » Orange Cyberdefense
devrait atteindre cette année « un peu plus
de 900 millions d’euros de chiffre d’af-
faires », selon son patron Hugues Foulon,
alors qu’il était de 838 millions d’euros en
2021. L’opérateur vise le milliard d’ici à
2023, grâce à des opérations de croissance
externe. Et en évitant les mésaventures
comme celle de septembre dernier ; il a lui­
même été victime d’une attaque : des don­
nées de ses clients ayant souscrit à son
offre Micro­Soc ont été dérobées. Cette
même offre qu’il entend développer pour
les petites et moyennes entreprises. A. S.

62  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Entreprise
Bonne semaine
Les calendriers de l’Avent
ne sont pas à la fête
Ces packagings de saison permettent aux marques de
vendre des produits trois fois plus chers. Mais malgré
H. D. Cray/Iramis/CEA

l’offre pléthorique, les Français adhèrent moins.

 Bérengère Dubrulle
est récompensée
La directrice de recherche CNRS
au CEA Paris-Saclay a reçu le prix
Femme scientifique de l’année–
Prix Irène Joliot-Curie, qui encourage
la promotion des femmes dans
le domaine scientifique. Déjà
multirécompensée pour ses travaux
sur les turbulences dans les fluides
et ses applications en astrophysique
et géophysique, son nouveau prix
est doté de 40 000 euros. 

SP
Stéphane Bianchi
se renforce dans la joaillerie
Le PDG de
Calendrier de l’Avent Palais des Thés. La marque en propose deux : 20 000 exemplaires
la division montres
de l’un à 49 euros l’unité, et 100 000 de l’autre au prix de 26 euros.
et joaillerie de
LVMH (actionnaire

C
de Challenges)
a annoncé
’est l’une des meilleures idées de faire découvrir 24 échantillons différents
le 25 novembre l’industrie des biens de consom- de nos produits, confie François-Xavier
le rachat mation ces dernières années pour Delmas, le fondateur des magasins Palais
de Pedemonte
SP

inciter les clients blasés à mettre
au fonds d’investissement Equinox. La la main à la poche avant même de faire
société, créée en 2020 pour regrouper leurs achats de Noël. Depuis la fin octobre,
des ateliers de joaillerie en Italie
et à Paris, emploie 350 personnes,
les calendriers de l’Avent ont débarqué
principalement des artisans.  dans les linéaires de la grande distribution,
mais aussi dans les magasins spécialisés.
Calendriers de saucissons, de confitures,
Mauvaise semaine de chocolats, de bougies parfumées, de
cosmétiques, de bijoux, d’aliments pour
chiens, de sextoys, de bières… L’offre est
très variée, avec plusieurs centaines de
produits différents dont certains fabriqués
en très petites quantités. Et quelques mul-
tinationales qui en ont fait un business très
profitable. Ainsi, le groupe italien Ferrero,
C. Duffy/Sipa
des Thés, qui met en vente 20 000 calen-
driers au prix de 49 euros l’unité et 100 000
à 26 euros. Ils se vendent très bien, mais
cette année, on constate un moindre em-
pressement des clients, pour la première
fois depuis sept ans. »
Dans l’univers du jouet, Lego et Playmobil
captent à eux seuls les deux tiers des
ventes de ces articles festifs, qui s’élevaient
à 31 millions d’euros en 2021 pour 2 mil-
lions de produits vendus. « L’offre est de
qualité, on a repéré un très beau calen-
drier Astérix chez Playmobil cette année
au prix assez élevé de 36 à 45 euros,
indique Frédérique Tutt, experte du mar-

qui commercialise deux références à ché au cabinet NPD. Mais à la mi-

Alessandro Michele
tire sa révérence
Le directeur artistique de Gucci
quitte la maison italienne, propriété
du groupe Kering, dont il créait les
collections depuis 2015. Le designer
avait su séduire les millennials,
contribuant à la croissance rapide
de la griffe, qui frôlait l’an dernier
10 milliards d’euros de ventes, avant
de s’essouffler ces derniers mois.   recruter de nouveaux clients et de leur
6,99 euros et à 8,99 euros, écoule dans ces
coffrets à presque 50 euros le kilo des pro-
duits proposés à des prix trois fois moins
élevés le reste de l’année (Schoko-Bons et
Kinder Chocolat). Certes, les emballages
aux formes triangulaires avec les 24 petites
fenêtres prédécoupées coûtent plus cher à
fabriquer, ce qui a pour effet de « limiter
les marges », affirment les industriels.
« Pour nous, c’est un business moyenne-
ment rentable, mais cela nous permet de
novembre, on constatait une baisse des
ventes de 13 % par rapport à la même
période de l’an dernier. »
Les professionnels s’inquiètent. Ont-ils tué
la poule aux œufs d’or en développant leur
offre et en augmentant leurs prix ? « La sai-
son n’est pas finie, il se peut que l’on
constate un rattrapage en décembre »,
tempère Frédérique Tutt. Mais il se peut
aussi que la débauche d’emballages et les
prix élevés aient fini par refroidir l’enthou-
siasme des acheteurs. J.-F. A.

64  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Entreprise
Le carnet
En partenariat avec

Bruno Vaquette, 47 ans, Skema,

Insead, est nommé directeur général
de Sodexo France. Entré dans
le groupe en 2001, il était devenu

A. Morcillo/Hans Lucas/AFP
directeur général des segments santé/
seniors et education au sein de la
région Europe continentale en 2021.
Anne-Sophie Le Lay, 51 ans, master
de droit des affaires
et de droit
immobilier, Capa, PrimaPrix de Pontault-Combault. Quatre ouvertures sont prévues en Ile-de-France d’ici fin 2022.
sera directrice
C. Leroux/Air France

PrimaPrix prend
juridique de Suez
à compter du
4 janvier. A ce titre,

ses marques en France

elle entre au comex. 
Jacques Groison, 44 ans, diplôme
d’ingénieur en sciences et
technologies des industries
alimentaires de Polytech Montpellier,
L’enseigne espagnole a ouvert ses premiers magasins
est promu directeur général adjoint en région parisienne. Sa recette ? Une offre limitée et
d’Arterris. En début d’année, il est
devenu directeur du pôle agricole
20 à 40 % moins chère qu’ailleurs grâce au déstockage.

D
de la coopérative Arterris, fonction
qu’il conserve.  ans les rayons de la nouvelle en- Pourtant, certains, en quête de petits prix,
seigne PrimaPrix de Montreuil, viennent de loin. Bruno Depardieu, 63 ans,
Vanessa Le Leslé, 50 ans,
en Seine-Saint-Denis, un client, a pris les transports depuis Paris. « Avec la
Sciences-Po Paris, London School
of Economics, rejoint Lydia en tant
légèrement voûté et les cheveux conjoncture, je fais la tournée des en-
que chief risk officer.   blancs clairsemés, scrute les lessives. Une seignes », raconte-t-il. Ici, il retrouve des
vendeuse le conseille : « Celle-ci est moins marques qu’il connaît, de Herta à Bon-
Alexandre Ledouble, 45 ans, chère que l’autre, vous pouvez faire 38 la- duelle. « Il y a quelques produits espagnols,
emlyon Business School, prend vages, c’est mieux ! » L’homme sourit et mais on s’y repère », rit-il. Son chariot est
la direction financière d’Indosuez glisse le bidon de Skip dans son chariot. Ici, déjà bien rempli, du jambon au gel douche.
Wealth Management. Depuis 2019, les clients ont les yeux rivés sur les prix, de « Chez les déstockeurs, les gens effectuent
il était responsable du pilotage
des fonds propres et de la résolution
20 à 40 % moins chers qu’ailleurs, selon des achats listés et aussi des achats d’im-
au sein de la direction financière l’entreprise. Sa recette ? L’achat de gros pulsion, étant donné le faible prix », note
de Crédit agricole S.A..  volumes et, surtout, le déstockage. « Nous Yves Marin, associé chez Bartle. Pour cette
donnons une seconde vie à des millions de cliente entrée par hasard, les achats plaisirs
Christel Moreau, 48 ans, produits qui finiraient par être détruits », s’accumulent : des chaussettes, des Da-
diplômée de l’université Paris-1, détaille-t-on à PrimaPrix. La société ex- nette… Et de la nourriture pour son chien.
est nommée directrice commerciale plique en effet acheter aux industriels leurs « J’essaie d’aller le moins souvent possible
de Canal+ France. 
surplus de fabrication, ou encore leurs pro- dans ce genre de magasins, car j’y entre en
Andrew Coffey, 44 ans, duits ayant changé d’emballage. n’ayant besoin de rien, et je ressors les bras
maîtrise en sciences économiques L’enseigne espagnole vient d’ouvrir ses pre- chargés », s’amuse-t-elle.
de l’université de Dublin, Harvard miers magasins en France, dans la région Les gros volumes d’achat de PrimaPrix im-
Business School, est le nouveau parisienne. D’Action à Noz, les acteurs du pliquent toutefois un faible nombre de réfé-
PDG de Smurfit Kappa France.   déstockage sont nombreux dans l’Hexa- rences. Le rayon œufs, souvent un casse-
Hugues de Carpentier, 50 ans, gone, mais très peu proposent des rayons tête dans les supermarchés, est réduit ce
Polytechnique, Ecole des Mines alimentaires fournis, spécificité de Prima- jour-là à deux références à Montreuil : des
de Paris, est désormais président Prix. Au moment où les prix flambent dans boîtes de douze œufs à 2,20 euros. Alors il
de TK Elevator France.   les supermarchés, la chaîne – 175 magasins y a quelques insatisfaits, tel ce couple de
Virginie Segaud, 52 ans, Neoma et 138 millions d’euros de chiffre d’affaires retraités : « On est un peu déçus. Le vinai­
Business School, entre au comité en Espagne – pourrait rapidement trouver gre est moins cher, mais il n’y a pas le lait
exécutif d’Altavia en qualité sa clientèle. Du côté de PrimaPrix, on que l’on cherchait. » Les déstockeurs ont
de directrice du capital humain. affirme qu’après quatre ouvertures en Ile- bien leur carte à jouer dans la bataille du
Depuis neuf ans, elle était DRH de-France en 2022, l’expansion n’est pas à pouvoir d’achat, mais la largeur de l’offre
Europe du groupe Ascott.   l’ordre du jour. des hypers a aussi des avantages. G. E.

66  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

Entreprise placements
Financer les PME
pour réduire ses impôts
De nombreuses sociétés de gestion proposent
aux épargnants des fonds plus risqués, mais assortis
d’exonérations fiscales. A certaines conditions.
Notre sélection de produits défiscalisants
NOM INVEST.
MINIMUM DURÉE RÉDUCTION ANNUELS
(Société de gestion) (en euros) PRÉVUE D’IMPÔT MOYENS
Dividendes Plus n°10
(Vatel Capital)
1 000 6 ans
Capital Innovant n°2
(Swen Capital Partners)
1 000 7 ans*
Alto Innovation 2022
(Eiffel Investment Group)
1 500 7 ans*
Odyssée venture n°7
(Odyssée Venture)
3 000 7 ans*
Nextstage Découvertes
2022-2023 3 000 8 ans*
(Nextstage)
* Prorogeable deux fois un an.
A
chaque fin d’année, les FCPI
(fonds commun de placement
dans l’innovation) et les FIP
(fonds d’investissement de proxi-
mité) permettent d’investir dans des PME,
soit innovantes soit installées dans cer-
taines régions, et d’obtenir au passage une
économie d’impôt pouvant aller jusqu’à
25 % des sommes affectées ainsi qu’une
exonération des plus-values à la sortie
(hors prélèvements sociaux).
Alléchant mais, comme toujours, le dispo-
sitif est assorti de conditions. Par exemple,
l’avantage fiscal est plafonné : 3 000 euros
pour une personne seule (pour un investis-
sement de 12 000 euros) et le double pour
un couple. Et attention aux « cumulards de
la défisc », car les FIP/FCPI entrent aussi
dans le plafonnement global des niches fis-
cales (avec les investissements Pinel ou
Denormandie, l’emploi de salariés à domi-
cile…) à 10 000 euros par an et par foyer.
Deuxième condition importante : les
sommes investies seront bloquées pour
une durée d’au moins cinq ans. Dans les
faits, comme ce sont des entreprises non
cotées et encore jeunes, la durée d’immo-
bilisation réelle est souvent de sept ans,
voire plus, car les FCPI doivent céder
toutes leurs participations (généralement
68  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
Indiscrétions
La Bourse séduit toujours
R. Gaillard/Réa
Fortuneo, dont le nombre de clients
FRAIS boursicoteurs a bondi de 70 %
CHOIX D’INVESTISSEMENT depuis janvier 2020, a fait réaliser
par OpinionWay un sondage sur
Pour optimiser la réduction l’attrait des épargnants français pour
les marchés financiers. Résultat,
25 % 3,5 % d’impôt, 100 % des fonds
seront investis en PME. malgré le contexte actuel (inflation,
retour de la volatilité…), 81 %
Ce fonds investira dans une
des personnes interrogées estiment
22,5 % 3,8 % dizaine de PME innovantes.
que la Bourse reste un placement
Sélectionne des PME intéressant sur le moyen-long terme.
22 % 3,8 % innovantes dans la santé, les Autre motif de satisfaction pour
sciences de la vie, télécoms… Fortuneo, les moins de 35 ans
Spécialisée dans les fonds sont particulièrement séduits par
22,5 % 3,9 % « régionaux », cette société a les investissements en actions.
investi dans plus de 170 PME.
Privilégie des PME innovantes, Les dividendes battent
22,5 % 3,8 % notamment dans la transition
des records
énergétique, le numérique…
SOURCE : SOCIÉTÉS. D’après le dernier rapport de Janus
Henderson, les dividendes mondiaux
ont atteint 415,9 milliards de dollars
entre 10 et 20) pour rembourser les sous- au troisième trimestre 2022,
cripteurs, ce qui prend parfois plus de grâce aux sociétés pétrolières
temps que prévu. qui ont distribué des bénéfices
En outre, la réduction fiscale de 25 % ne record à leurs actionnaires (+75 %).
Les principaux contributeurs
s’applique que sur les sommes investies au français ont été Veolia, Publicis
capital des entreprises qualifiées d’inno- et TotalEnergies. Pour l’ensemble
vantes par la Banque publique d’investisse- de l’année, Janus Henderson a révisé
ment (Bpifrance) et non cotées. Certains en hausse ses prévisions, de
fonds se réservent une petite souplesse de 1 530 à 1 560 milliards de dollars de
gestion et gardent donc entre 10 et 20 % des dividendes. Un record absolu depuis
la création de l’étude en 2009.
fonds pour des investissements moins ris-
qués, ce qui va rogner la réduction fiscale. Un fonds qui efface
Enfin, il ne faut pas hésiter à regarder les l’inflation
performances des précédents fonds com-
La fintech Mon
mercialisés, car, même si « les perfor- Petit Placement
mances passées ne préjugent pas des per- vient de lancer
K. Hovsepyan/Alamy Stock Photo/Hemis.fr
formances futures », cela permet tout de un « portefeuille
même de connaître les résultats des anti-inflation ».
équipes de gestion. Et de juger de leur Ce fonds
transparence : les performances des précé- à capital garanti
à horizon de
dents millésimes sont parfois compliquées cinq ans est
à trouver sur les sites Internet. Et certains corrélé à un
ne communiquent leurs performances seul et unique
qu’en y intégrant l’avantage fiscal pour indicateur :
« masquer » une performance réelle déce- l’indice
vante, voire négative. Dommage, car, avant Eurostat Eurozone HICP, c’est-à-dire
l’indice de l’inflation en zone euro.
d’être des produits de défiscalisation, ces Contrairement au livret A, il évitera
fonds dédiés au financement des entre- la perte de valeur de l’épargne imposée
prises sont des placements financiers ! par l’inflation, avec un coupon annuel
Damien Pelé compris entre 2 à 7 %.
le Club Entrepreneurs Challenges - Grant Thornton
PowerZ veut montrer
qu’un jeu vidéo permet
aussi d’apprendre
Emmanuel Freund, fondateur de Shadow, a cocréé en 2020
ce jeu vidéo éducatif, qui stimule les enfants pour qu’ils étudient en
s’amusant. Il vise à terme des centaines de millions d’utilisateurs.
Challenges. Pourquoi avoir créé
un jeu vidéo gratuit à destination
des enfants ?
Emmanuel Freund. J’ai quitté Sha­
dow, l’entreprise que j’avais fondée,
en 2020, durant la pandémie de
Covid. J’ai voulu réaliser quelque
chose d’utile. Je me suis rendu
compte que la tech n’avait pas fait
évoluer l’éducation de nos enfants.
J’ai souhaité trouver un moyen de
donner accès à une bonne éducation
à un maximum de personnes. Le but
étant de développer l’esprit critique,
avec des sources fiables. Nous avons
débuté à six et nous sommes aujour­
d’hui une cinquantaine.
Mahema productions
Quel est le but du jeu de PowerZ ?
La vidéo sur
Challenges.fr Chaque joueur possède un avatar,
avec un petit dragon qui le suit, et
déambule dans un univers imagi­
naire. Plus il apprend, plus le dragon
grandit. Ses pouvoirs augmentent
également. Il peut affronter ses amis
ou des personnages générés par
l’ordinateur. Il y a des épreuves de
mathématiques, de français, de géo­
graphie ou d’histoire, par exemple.
Tout est 100 % gratuit et disponible
en français et en anglais, sur smart­
phone ou sur ordinateur.
Propos Voulez-vous changer l’image du jeu
recueillis par vidéo qu’ont de nombreux parents ?
Adrien Schwyter Oui, beaucoup de clichés sont asso­
1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765 
ciés au jeu vidéo, qui favoriserait
notamment le développement d’un
enfant geek, rendu asocial toute sa
vie. Si on donne un smartphone ou
une tablette à un enfant, ils peu­
vent bien sûr être utilisés n’importe
comment. Nous voulons au
contraire démontrer que notre jeu
vidéo permet d’apprendre des
choses. PowerZ est utilisé à Drancy
(Seine­Saint­Denis) dans un Réseau
d’éducation prioritaire. On s’est
aperçus que le nombre de person­
nes en classe d’étude augmentait
grâce à cela, et que les enfants dési­
raient également continuer à jouer
en apprenant chez eux.
Quel est le business model ?
C’est le même que celui d’Epic
Games, Fortnite. Tout est gratuit,
et il est possible d’acheter de petits
éléments pour changer l’apparence
de son avatar. Il n’y a aucune publi­
cité dans le jeu. Le but aujourd’hui
est de continuer à nous dévelop­
per en France, où nous avons
120 000 utilisateurs qui ont joué
plus de dix minutes.
Comment avez-vous financé
le développement ?
Nous sommes allés voir les éditeurs
Bayard et Hachette, présents au ca­
pital, pour qu’ils participent au pro­
jet et nous apportent leur aide pour
les contenus éducatifs. Nous avons
ensuite levé 3 millions d’euros afin
de sortir le produit au milieu de
l’année 2021. Puis nous avons effec­
tué une deuxième levée de 7 mil­
lions avec Bpifrance Digital Ven­
ture, RAISE Ventures, ainsi que
Pierre Kosciusko­Morizet et Mi­
chaël Benabou. La prochaine levée,
entre 20 et 100 millions, devrait
avoir lieu début 2023 afin de finan­
cer l’international.
Votre rêve de croissance ?
Faire de PowerZ et de l’éducation
une valeur française, comme une
sorte de Gafa, mais qui pourra res­
pecter nos propres valeurs. In fine,
nous visons des centaines de mil­
lions d’utilisateurs. Tous les enfants
âgés de plus de 6 ans pourront avoir
accès à un jeu gratuit, proposant
toutes les matières. C’est un objectif
qui nous tient à cœur. •
UN PARTENARIAT
69
Entreprise

Etoile fait briller le luxe dans le Golfe

Implanté dès 1983 au Koweït avec la marque Chanel, le groupe
d’Ingie Chalhoub exploite aujourd’hui 80 franchises au Moyen-Orient.

C
ap sur l’Arabie saoudite.
En 2024, le groupe Etoile
d’Ingie Chalhoub ouvrira
deux magasins dans ce
nouvel eldorado de la mode et du
luxe. Depuis 2021, le Moyen-Orient,
et particulièrement le royaume
wahhabite, fait partie des marchés
qui croissent le plus vite dans le
monde, selon l’étude annuelle
Bain & Company et Altagamma, ré-
férence dans ce secteur. Une consé-
cration pour celle qui fut, avec son
mari, une pionnière du luxe dans les
pays du Golfe à une époque où l’on
n’y envisageait ni tourisme, ni Expo-
sition universelle, ni Coupe du
monde, ni défilé de mode.
« J’ai ouvert la première boutique
Chanel au Koweït en 1983, avec ma

Etoile Group
mère, raconte Ingie Chalhoub. A
l’époque, la marque créée par Coco
Chanel cherchait à s’installer au Boutique Tod’s à Dubai. Ingie
Moyen-Orient. » Dans le petit émi- Chalhoub (à g.) a aussi rallié
rat pétrolier, les deux femmes Valentino, Aquazzura, Etro, Ralph
prennent le risque de proposer le Lauren, Yamamay à Etoile Group,
qu’elle préside. Et développé un
J. M. Hekimian/Getty Images/AFP

summum du chic parisien. Risque

partagé par la maison de la rue Cam-
bon qui renaît alors de ses cendres,
douze ans après le décès de sa fon-
datrice : « C’était la première collec-
tion de Karl Lagerfeld, avec Inès de
la Fressange qui présentait les
d’euros de chiffre
modèles », rappelle la dirigeante.
Lien avec l’Europe
En 1992, tout est à reconstruire
après la première guerre du Golfe.
C’est à Dubai que la Libanaise d’ori-
gine, qui a grandi en France, choisit
de s’installer, avec son mari Patrick.
Issu d’une famille syrienne, il est lui
aussi un acteur important du luxe
dans la région, à la tête du groupe
Chalhoub. Elle est actionnaire
d’Etoile Group, tandis que son mari,
aux commandes d’un ensemble plus
vaste, a ouvert son capital à d’autres
investisseurs.
Le nom de Chanel a permis à Ingie
Chalhoub de rallier Valentino,
Tod’s, Aquazzura, Etro, Ralph Lau-
ren ou, récemment, Yamamay. Elle
réseau de magasins multimarques.
TERRE emploie 500 personnes au Moyen-
PROMISE
Orient, indique la femme d’affaires.
10 En 2021, nous avons connu une
milliards croissance à deux chiffres et nous
d’affaires pour
continuons en 2022. »
le marché des a aussi développé un réseau de Mais ses ambitions sont encore
produits de luxe magasins multimarques à l’enseigne plus grandes : elle veut doubler
personnels Etoile – à Dubai, au Koweït, au l’activité de son groupe en cinq ans.
en 2022 au Qatar et en Arabie saoudite. « Ingie Un objectif dans lequel l’Arabie
Moyen-Orient. Chalhoub est l’une des femmes saoudite, et ses 35 millions d’habi-
25 % arabes les plus influentes, estime tants, jouera un rôle central. « Dans
de taux de Audrey Tcherkoff, qui a travaillé dix ce pays, nous ne recrutons que des
croissance sur ans à Dubai dans le secteur du luxe. femmes saoudiennes dans nos
ce marché. Elle est une référence pour les boutiques, détaille Ingie Chalhoub.
SOURCE : ETUDE
BAIN & COMPANY ET
femmes entrepreneuses. » C’est une génération qui revient
ALTAGAMMA 2022. « Je fais le lien entre le Moyen- après avoir étudié aux Etats-
Orient et l’Europe, considère la diri- Unis. » Le plan stratégique Saudi
geante. Pour les remercier de leur Vision 2030 de Riyad prévoit que
fidélité, j’invite régulièrement des d’ici là, 30 % des femmes auront un
clientes aux défilés à Paris et je les emploi, donc un revenu en propre à
emmène dîner dans les restaurants dépenser. Et personne n’est mieux
à la mode. » Le chemin parcouru est placé qu’Ingie Chalhoub pour leur
considérable. « Je suis fière d’avoir proposer articles de mode, joaille-
un groupe avec 80 franchises et qui rie ou parfums. Anne-Marie Rocco

70  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

maison habile. crédits photo : Laurent Rouvrais

CHAQUE MATIN,
L’INFORMATION DONNE
LE LA. .
8h15
LA MATINALE DE GUILLAUME DURAND

Écoutez Radio Classsique en direct ou replay sur radioclassique.fr,

l’application mobile Radio Classique et en DAB+
 Santé & sciences
Transgene reste sous monitoring
Cette année, la biotech strasbourgeoise a franchi plusieurs étapes
prometteuses sur son vaccin contre certains cancers. Il était temps :
créée en 1980, elle n’a encore lancé aucun produit sur le marché.
P. Hertzog/AFP
Laboratoire d’Illkirch-Graffenstaden. Transgene espère démarrer l’essai de phase III de son vaccin
thérapeutique contre le cancer dû au papillomavirus, dernière étape avant commercialisation, en 2024.
L
entement mais sûrement.
La biotech strasbourgeoise
Transgene, filiale de l’Insti-
tut Mérieux qui en contrôle
60 % du capital, savoure les étapes
prometteuses qu’elle a franchies
cette année dans le développement
de ses immunothérapies contre les
cancers. Dernière en date, le ver-
dict favorable en novembre d’une
analyse intermédiaire de l’essai de
phase II de son vaccin thérapeutique
contre les cancers anogénitaux dus
au papillomavirus, dont celui du col
de l’utérus. « Les équipes scienti-
fiques ont constaté un résultat posi-
tif sur l’évolution de la maladie », se
réjouit Hedi Ben Brahim, directeur
général depuis le début 2021.
Transgene espère démarrer l’essai
de phase III, dernière ligne droite
avant la commercialisation, en 2024.
« Des dossiers d’autorisation seront
alors soumis auprès de la FDA
américaine et des autorités sani-
taires européennes », précise Hedi
Ben Brahim, qui ne se risque pas à
donner de date de lancement. Ni
72  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
pour aucun de ses trois autres pro-
duits en développement clinique
d’ailleurs, comme son vaccin théra-
peutique Myvac, un traitement per-
sonnalisé grâce à l’intelligence artifi-
cielle, qui pourrait entrer en phase II
en 2023. Ou ses virus oncolytiques,
appelés « tueurs de tumeurs », qui
ont montré leur efficacité en phase I
dans les cancers gastro-intestinaux.
Remises en question
Car à ce jour, celle qui fait partie des
doyennes de la biotech française,
créée en 1980 par les biologistes
Pierre Chambon et Philippe Kou-
rilsky, cotée en Bourse depuis 1998,
n’a pas mis un seul produit sur le
marché. En quarante ans, Transgene
a connu bien des désillusions. A ses
débuts, la société alsacienne menait
des projets de recherche pour le
compte de tiers, avant de dévelop-
per ses propres produits dans la thé-
rapie génique au tournant des an-
nées 1990. Puis de changer de
braquet dans les années 2000 vers
les nouvelles thérapies contre le
cancer et les maladies infectieuses.
Plusieurs échecs, dont la fin d’ac-
cords avec Roche et Novartis, ont
fait vaciller son cours de Bourse et
entraîné – à nouveau – une profonde
remise en question. En 2015, Trans-
gene a sacrifié près de la moitié de
ses effectifs, soit 120 employés, pour
se recentrer sur la R&D en immuno-
thérapie, en misant sur des partena-
riats avec des gros laboratoires pour
financer ses projets. « Avec ces revi-
rements, la société n’est jamais allée
au bout d’une vision stratégique »,
tance un ancien ponte de la biotech.
Moyens financiers limités
De quoi expliquer la frilosité des
marchés financiers envers Trans-
gene, qui a pourtant signé de belles
collaborations avec Pfizer, Merck,
BioInvent ou AstraZeneca ? « Les
investisseurs sont lassés de voir les
échéances de commercialisation ou
d’un essai de phase III constam-
ment repoussées depuis dix ans »,
DÉSILLUSION juge Vincent Boy, analyste marchés
BOURSIÈRE
à IG France. Il doute que Transgene,
Cours de Bourse
depuis sa cotation malgré une levée de fonds de 35 mil-
en 1998 (en euros) lions d’euros en juin 2021, ait les
125 moyens financiers de tenir jusqu’à
l’obtention de nouveaux résultats
100 sur l’un de ses produits. L’entre-
prise, qui a dépensé 40 millions
75 d’euros l’an dernier, disposait d’une
trésorerie de 36,3 millions à fin sep-
50
1,87 tembre. Or, selon l’expert, faute
25
au 18/11 d’avancées sur ses immunothéra-
pies, Transgene pourrait décrocher
0 dans la course aux financements
1998 2022 des biotechs. « En médecine, sur-
SOURCE : GOOGLE.
tout en oncologie, on ne fait pas des
Lâché par
les marchés
révolutions du jour au lende-
financiers, main », plaide Laurent Levy, cofon-
lassés d’attendre dateur et président de Nanobiotix,
la concrétisation une autre biotech française cotée,
de ses née en 2003 et dont le produit phare
recherches, (composé de nanoparticules ca-
Transgene
pourrait
pables de détruire les cellules tumo-
décrocher dans rales) est évalué dans plusieurs
la course aux types de cancer, notamment de la
financements. tête et du cou. Isabelle de Foucaud
Santé & sciences
Simulation de collision entre la Terre et une protoplanète. Il y a 4,5 milliards d’années, les débris
se sont agrégés jusqu’à créer la Lune, qui s’est stabilisée rapidement sur une orbite assez lointaine.
La Lune s’est formée en
seulement quelques heures
Selon de nouvelles recherches, l’astre sélène serait composé
à 60 % de gerbes de matière provenant de la Terre primitive.
I
l y a 4,5 milliards d’années, une
protoplanète de la taille de
Mars serait entrée en collision
avec la Terre primitive. Ejectés
dans l’espace, les débris se sont en-
suite agrégés jusqu’à former la
Lune. Tel est le scénario que les
scientifiques privilégient depuis les
Le sang de ver marin
facilite la greffe de rein
L’animal produit une protéine qui améliore la
conservation des greffons et la survie des patients.
Q
uinze ans après la création
de son entreprise Hemarina,
l’ancien chercheur au CNRS
Franck Zal a décroché le Graal : un
marquage CE pour Hemo2life, une
protéine qui révolutionne la greffe
de rein. Grâce à ce sésame, le pro-
duit est maintenant disponible sur
le marché européen.
Hemo2life est né sur les plages bre-
tonnes, où l’on repère de petits tor-
tillons de sable çà et là. Le respon-
74  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
années 1980 pour expliquer l’origine
de notre satellite naturel. Mais les
experts s’écharpent sur les circons-
tances de l’événement. « Les mo-
dèles peinent à reproduire l’en-
semble des caractéristiques de
l’astre, comme son orbite précise ou
les très grandes similitudes
sable de ces traces est un ver
nommé Arenicola marina, dont
l’hémoglobine transporte 40 fois
plus d’oxygène que la nôtre.
Ajoutée à la solution de préser-
vation du greffon rénal entre son
prélèvement et sa transplantation,
l’hémoglobine de ver marin a amé-
lioré la conservation des greffons
et la survie des patients. « La re-
prise de fonction du greffon après
transplantation avec Hemo2life
chimiques entre les roches ter-
restres et lunaires », souligne Fré-
déric Moynier, cosmochimiste à
l’Institut de physique du globe de
Paris. Or de nouvelles simulations
indiquent que notre compagnon cé-
leste se serait formé, non pas en
quelques mois ou plusieurs années,
mais en quelques heures !
L’équipe a utilisé le supercalcula-
teur Cosma, dont la puissance équi-
vaut à celle de 40 000 ordinateurs
personnels. Avec une résolution
inédite, 400 collisions ont été simu-
lées, en faisant varier des para-
mètres comme la masse, la compo-
sition et la trajectoire de l’impacteur.
Nasa
Les chercheurs ont ainsi pu identi-
fier les modalités reproduisant le
mieux les caractéristiques de la
Lune. L’astre sélène se serait agrégé
et stabilisé presque immédiatement
sur une orbite suffisamment loin-
taine – en moins de dix heures – à
partir des gerbes de matière éjec-
tées dans l’espace. Celles-ci de-
vaient être constituées à 60 % de
matériaux issus de la Terre primi-
tive, le reste venant de la protopla-
nète. Une proportion plus impor-
tante qu’on imaginait, notamment
dans les couches superficielles de la
Lune où les matériaux ont fusionné
avant de refroidir et former une fine
croûte. Ce nouveau canevas ex-
plique les fortes ressemblances
entre les roches de la Terre et de la
Lune, ainsi que l’orbite et la struc-
ture de notre satellite. •
F. Tanneau/AFP
Ver Arenicola était équivalente à un rein prélevé
marina. Son sur donneur vivant, comme si le
hémoglobine rein n’avait pas perçu qu’il était
transporte 40 fois
plus d’oxygène
déconnecté », résume Franck Zal.
que la nôtre. Prochaine étape, inscrire Hemo-
2life dans les protocoles de greffe
standards. •
 VOUS Avec Zepros,
vous ciblez juste !
N’ALLEZ Le bon message au bon

PAS LES endroit, la bonne tonalité,

le bon dispositif.
RATER ! Les équipes Zepros
spécialistes du secteur
du bâtiment vous conseillent
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Vous aussi vous serez touchés
à n’en pas douter.

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LE GROUPE MÉDIA D’INFORMATION
ÉVÉNEMENTIEL ET D’INFLUENCE B2B

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 Santé & sciences
Une toile stellaire aux

B. Delessard/Challenges
allures extraterrestres La veille de
Dix-sept anneaux concentriques LUC JULIA
entourant une étoile : cette image
du télescope spatial James-Webb a auteur de L’Intelligence artificielle n’existe pas
interpellé la communauté des
ufologues, qui y a vu une structure
extraterrestre. En réalité, ce sont des
coquilles de poussières expulsées
sous forme de vents stellaires par
une étoile massive en fin de cycle.
La Silicon Valley se console avec
Source : Université de Sydney, Australie.
l’intelligence artificielle générative

C
ommencée au printemps dernier,
la débâcle des cryptos a connu
son acmé mi-novembre avec la
faillite frauduleuse d’une de
ses plateformes principales, FTX. Le triste
feuilleton à rebondissements de ces
derniers mois sur le rachat de Twitter
Nasa

par Elon Musk a eu pour conséquences le

départ de plus de la moitié de ses effectifs,
Carmat relance l’exode des annonceurs publicitaires et
son cœur en Europe le retour de Donald Trump sur le réseau

L’entreprise française Carmat
social. Meta se sépare de 11 000 de ses
a été autorisée à reprendre les collaborateurs alors qu’Apple et Google
implantations de son cœur bio- gèlent leurs embauches… La Silicon Valley
artificiel en Europe. Elles avaient été semble être au bord du gouffre.
stoppées fin 2021 à cause de défauts C’est bien mal connaître cet écosystème
de qualité sur deux composants. que de le croire. La vie de la Valley est faite
Après sa commercialisation
en juillet 2021, cinq personnes
de péripéties et se développe encore plus
en Allemagne et deux en Italie au gré des crises qu’elle subit : 1993, 2000,
avaient reçu ce « cœur de cyborg ». 2007, un peu comme avec les
tremblements de terre, on attendait le
« Big One » qui tardait à venir. Nous y
sommes peut-être, et ce serait pour son
plus grand bien. Non seulement les
start-up vont enfin pouvoir de nouveau
embaucher des talents que les Gamma
Bertrand Guay/AFP
Luc Julia
Image générée par Stable Diffusion. Luc Julia a
demandé à l’IA de créer « une main robotique
métallique réaliste qui écrit un article ».
Récemment dans le Colorado, Jason Allen,
un entrepreneur du cru, sans la moindre
fibre artistique, a gagné un concours
de peinture grâce à son tableau Théâtre
d’opéra spatial, en français dans le texte.
Il l’avait conçu avec Midjourney, une
intelligence artificielle qui génère des
images à partir de textes, comme le font
ses nouvelles concurrentes Dall-E ou
Stable Diffusion. Jason Allen n’a pas caché

(Google, Amazon, Meta, Microsoft et avoir utilisé cette technologie et a

Apple) trustaient depuis quelques années,
mais c’est aussi l’opportunité de parler
d’autre chose que du Web3.
En effet, la Silicon Valley, depuis
La pollution aggrave la quelques semaines, ne s’intéresse plus
mortalité due au Covid qu’aux intelligences artificielles
Voilà pourquoi Brest et Bordeaux génératives qui ont fait des progrès
ont été moins touchés par le Covid fulgurants dans de nombreux domaines.
que Paris ou l’est de la France : On voit de plus en plus d’étudiants utiliser
la pollution. La comparaison de la GPT-3 ou Jasper pour faire leurs devoirs.
mortalité entre 32 villes européennes En se basant sur quelques milliards
montre une corrélation forte entre
les teneurs en particules fines dans
d’exemples tirés de Wikipédia et d’autres
l’air et l’impact de l’épidémie. sources textuelles, ces générateurs
En pénétrant dans les bronches, automatiques de textes rédigent en effet
ces microparticules provoquent des en quelques secondes des paragraphes
lésions favorisant l’action du virus. entiers à partir de bribes de phrases…
Source : CNRS Orléans, France. avec plus ou moins de succès, mais il
suffit de repasser rapidement dessus afin
Rubrique réalisée d’obtenir un résultat suffisant
avec la rédaction de pour tromper un correcteur.
sciencesetavenir.fr
déclenché la crainte que ces outils ne
remplacent les artistes. Mais qu’on ne s’y
trompe pas, ce sont les humains qui
utilisent à la perfection ces outils qui
deviennent les nouveaux créateurs. Ils ne
créent certes pas de la même façon,
mais quand on voit la complexité et le
nombre d’instructions nécessaires à
l’élaboration d’un tableau, on comprend
mieux que cette capacité soit maintenant
élevée au rang de business suscitant
les vocations et la création de sociétés
autour de ce concept.
En illustration, une image que j’ai créée en
une dizaine d’itérations en demandant à
Stable Diffusion de générer « une main
robotique métallique réaliste qui écrit un
article ». J’ai tous les droits de diffusion de
cette image, comme si je l’avais moi-même
dessinée dans Photoshop.•

76  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

En couverture
COUPS DE CŒUR
HIGH TECH
Les usages numériques ont pris une part croissante avec le télétravail.
Raison de plus pour bien choisir les objets qui vous accompagnent
dans les moments professionnels ou personnels. A la maison ou ailleurs.
B
rian Chen est vers ? Le journaliste vedette s’est
chroniqueur au taillé une réputation d’expert incon-
New York Times tournable auprès des consomma-
depuis 2011. Sa teurs, les accompagnant sur l’adop-
spécialité : les tion de nouveaux produits et
produits high services dans un univers technolo-
tech sous tous gique en permanente évolution. Du
les angles. moins jusqu’à sa petite mise au
Chaque semaine, il distille ses point parue dans son édito du 2 no-
conseils aux lecteurs du prestigieux vembre dernier. Il promet désor-
quotidien pour leur apprendre à mais de « s’attaquer à l’impact de la
mieux choisir leurs appareils et à en technologie sur la société et aux
tirer le meilleur usage. Comment moyens de garder le contrôle ».
booster sa connexion Wi-Fi, réduire En réalité, Brian Chen prend acte
sa facture télécoms sans se priver, de l’évolution des comportements
faire ses premiers pas dans le méta- de ses lecteurs face aux nouvelles
78  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
technologies. Le phénomène est
planétaire : après deux ans de
crise sanitaire et de longs mois de
confinement, les usages se sont
profondément transformés, le rap-
port de l’humain au monde numé-
rique a été démythifié. En quelques
semaines, à Paris, San Francisco
ou Tel-Aviv, il a fallu s’inventer
une nouvelle vie de reclus tout en
conservant une fenêtre ouverte sur
le monde. Construire une interface
digitale pour organiser la logistique
du foyer, assurer l’éducation des
enfants, garder le contact avec son
cercle professionnel ou veiller à dis-

tance sur les membres de sa famille.
En quelques jours, les Français ont
goûté aux joies et aux peines du télé-
travail généralisé. Et avec l’intrusion
massive du numérique à la maison, il
a fallu improviser. Puis ajuster.
Moins gadget, plus écolo
En un temps record, 66 millions de
Français sont devenus early adop-
ters, ces fans de nouvelles technolo-
gies prêts à payer cher pour être les
premiers à surfer sur la nouvelle
vague. Mais les règles de consomma-
tion ont changé. Plutôt que la re-
cherche du dernier gadget à la mode,
la priorité va maintenant à la protec-
tion de la vie privée et des données
personnelles, l’empreinte carbone,
la réparabilité des objets… La fièvre
acheteuse qui a frappé les foyers
français en 2020 et 2021 semble
s’être dissipée depuis le début de
l’année. Sur son bilan du premier
Le making-of
d’une sélection
incontournable
A
vec le Covid et les confinements
à répétition, le télétravail est
devenu une évidence pour
la plupart des actifs. Et un
prérequis pour les recrutements.
Selon une étude récente d’ADP, 53 %
des 18-24 ans pourraient quitter leur
entreprise si le 100 % présentiel était
de nouveau imposé. Et ils sont 36 %
tous âges confondus à être prêts
à claquer la porte en cas de retour
en arrière. Les recruteurs doivent
donc désormais mettre en avant
le travail hybride pour attirer les
meilleurs talents. Mais le télétravail
ne s’improvise pas. Les entreprises
fournissent a minima un PC portable,
mais ne vont pas forcément au-delà.
Et il est primordial de bien s’équiper
pour répondre à ces nouveaux besoins.
Car le télétravail a des incidences sur
l’ensemble de son activité à domicile.
Depuis 2004, Les Numériques s’est
imposé comme le grand spécialiste
du conseil avant achat en high tech
et électroménager. Pas moins
de 16 600 produits ont été testés
en dix-huit ans dans nos laboratoires
indépendants des marques et des
marchands. Appareils photos, TV, PC,
smartphones, en passant par les
réfrigérateurs et les robots-cuiseurs et
semestre 2022, le cabinet GfK a noté autres produits de la mobilité urbaine,
des baisses sensibles du chiffre d’af- notre équipe de 30 journalistes testent
faires des univers électroménager, chaque appareil selon des protocoles
électronique grand public, photo, bien précis, avec plus d’une centaine
informatique, bureautique et télé- de critères pris en compte. Tous nos
coms. Seuls les appareils de rafraî- tests permettent de délivrer une note
chissement de l’air sont en positif. sur 5 étoiles, des notes qui ne tiennent
Le temps passé sur Internet se tasse pas compte des prix mais qui évoluent
également. Il oscille autour de dans le temps, en fonction des mises à
2 heures 20 par jour en moyenne. jour de nos protocoles et des nouvelles
Comme si le nouvel Homo Numeri- sorties de produits. Les 5 étoiles
sont attribuées aux produits hautement
cus, pour reprendre le titre du der-
recommandables et durables. Et la
nier ouvrage de Daniel Cohen, avait sélection que nous vous présentons ici
décidé de marquer une pause dans contient principalement des produits
sa digitalisation. incontournables dans chacun des
L’objet de ce dossier est d’éclairer univers sélectionnés, avec la meilleure
sur ces nouveaux usages. Elaboré alternative et/ou le meilleur rapport
Bruno Levy pour Cahllenges
avec l’équipe des Numériques, dont qualité/prix. Pour en savoir plus,
les tests en laboratoire sont devenus tous les tests sont accessibles
une référence pour l’achat de maté- sur www.lesnumeriques.com.
riels, il conseille et aiguille le Marco Mosca, directeur, Les Numériques
consommateur raisonnable pour
sélectionner le meilleur de la tech.
Gilles Fontaine 
1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  79
 En couverture

S’immerger
LUNETTES DE RÉALITÉ VIRTUELLE

Synonymes de nouvel
eldorado pour les uns,
de dystopie pour les autres,
elles sont en train de devenir
réalité. Les effets nauséeux
ont été corrigés par des
astuces logicielles. Jusqu’à
présent réservées au
divertissement du grand
public, elles commencent
à trouver des usages
professionnels avec la
Photos : SP
LE MEILLEUR RAPPORT
QUALITÉ/PRIX
Oculus Meta Quest 2
On aime : casque confortable,
léger, bien construit. Intuitif
et simple à utiliser. Finesse
d’affichage impressionnante.
On aime moins : autonomie faible,
de deux à trois heures.

Le prix : 399 euros.

construction du métavers.

LE MUST

HTC Vive Pro 2 LE BON ÉLÈVE

On aime : la finesse
d’affichage jamais vue pour
un casque VR grand public.
Le suivi de mouvement
est très précis, l’immersion
visuelle, remarquable.
On aime moins :
un peu lourd.
Prix : 799 euros.
HP Reverb G2
On aime : la finesse d’affichage
exceptionnelle. La colorimétrie
des écrans impeccable. Le suivi
de mouvement précis et fiable.
On aime moins : la chauffe
élevée à l’intérieur de la visière.
Le prix : 789 euros.

80  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022


LE MUST DES LISEUSES
Kobo Elipsa
On aime : son écran XXL.
La reconnaissance d’écriture
et la précieuse sauvegarde
Dropbox.
On aime moins : les latences
sur la partie prise de notes.
Prix : 399 euros.
Produire
IMPRIMANTES
Elles tiennent un rôle
ingrat dans la panoplie
d’objets numériques
du foyer. Bruyantes et
énergivores, elles
consomment à tout point
de vue, mais se rendent
souvent indispensables
dans nos travaux
quotidiens, nos démarches
administratives… Autant
en choisir une très
compacte, bien vérifier
sa connectique et le coût
Photos : SP
d’impression à la page.
Lire
TABLETTES/LISEUSES
LE MUST DES TABLETTES
Elles n’ont pas provoqué
Apple iPad Pro le raz de marée attendu,
12,9 pouces mais elles ont bien trouvé
On aime : son bel écran leurs aficionados. Rien
mini-Led. Les accessoires de plus pratique pour lire
permettant de transformer
la tablette en ordinateur. la presse ou visionner
On aime moins : le temps un film sur son canapé
de charge trop lent. ou dans les transports.
Prix : 1 669 euros. Si Apple domine toujours,
la concurrence est en
embuscade.
LE MEILLEUR RAPPORT
QUALITÉ/PRIX
Xiaomi Pad 5
On aime : son autonomie et
son écran très bien calibré. La
possibilité d’utiliser un stylet.
On aime moins : l’absence
de lecteur d’empreintes. 
Prix : 369,90 euros.
LE MUST EN LASER MULTIFONCTION
Brother MFC-L2750DW
On aime : la rapidité et l’utilisation facile.
Le coût à la page avantageux et
la connectique complète.
On aime moins : assez bruyante.
Assez énergivore.
Prix : 408 euros.
LE MUST EN JET D’ENCRE
Canon Pixma TS8350
On aime : son excellente qualité
d’impression. Compacte. La prise
en main aisée.
On aime moins : le faible débit
d’impression en noir et blanc.
Prix : 199 euros.

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  81
 En couverture

Créer
APPAREILS PHOTO
LE MUST

Les innombrables Canon EOS R5

photos prises avec On aime : sa prise en main
des smartphones et sa réactivité. Les prises
ne doivent pas faire microphone et casque.
L’écran tactile sur rotule.
oublier que 7 % des On aime moins : la finition
clichés sont générés décevante.
par de bons vieux Prix : 4 499 euros.
appareils photo.
Les vrais passionnés
d’images ne transigent
pas avec la qualité
que seul peut offrir LE MEILLEUR RAPPORT QUALITÉ/PRIX

un boîtier hybride. Fujifilm X-H2

Les grands fabricants On aime : son ergonomie et sa haute
japonais n’ont jamais résolution. Le mode vidéo très complet.
cessé d’innover, pour On aime moins : le suivi autofocus parfois
erratique et les menus vieillots.
le plus grand plaisir
Prix : 2 249 euros.
des professionnels et
Photos : SP

des amateurs éclairés.

Se déplacer
VÉLOS ÉLECTRIQUES

Ils ont fait irruption dans le paysage

urbain. Aidés par la pandémie, ils
chamboulent nos modes de déplacement.
Ecolos et rapides, ils permettent d’ignorer
les bus et métros bondés, les grèves dans
les transports en commun, les pénuries
de carburant… Leur succès ne garantit
LE MUST
pas l’absence d’embouteillages.
Moustache Bikes
samedi 27 Xroad LE MEILLEUR RAPPORT
QUALITÉ/PRIX
FS 7
On aime : le grand confort,
Bicyklet Camille
la transmission de qualité, On aime : les belles finitions,
la bonne autonomie, la bonne réactivité du moteur,
l’éclairage puissant. l’autonomie satisfaisante,
B. Aufrère/TiltShift

On aime moins : le prix l’efficacité du freinage.

excessif. Un seul coloris On aime moins : le temps
disponible. de charge un peu long.
Prix : 5 499 euros. Prix : 1 590 euros.

82  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Ecouter
SYSTÈMES AUDIO/ENCEINTES

Les mélomanes trouvent

au moins une vertu à la
généralisation du télétravail :
la possibilité de travailler
en musique, sans limites.
Mais une cruelle évidence
s’impose alors : la pauvre
restitution du haut-parleur
de l’ordinateur ou du
smartphone. Les enceintes
connectées de nouvelle
génération rejoignent le club
de nos compagnons
LE MUST numériques. On peut aussi
Devialet Phantom Reactor 900 W s’en servir pour danser.
On aime : la profondeur et la réactivité des graves
sont ahurissantes. Enorme réserve de puissance, contrôle
de la distorsion presque parfait.
On aime moins : connexion Wi-Fi capricieuse.
Prix : 1 400 euros.

LE MUST
DES ENCEINTES
PORTABLES

Ultimate Ears
Hyperboom
On aime : sa conception
soignée et son autonomie
de vingt heures en
LE MUST DES ENCEINTES
moyenne.
INTELLIGENTES
On aime moins :
le manque de détails,
notamment dans l’aigu.
Sonos One
Prix : 399 euros. On aime : sa simplicité d’utilisation,
très intuitive. La construction soignée.
Le Multiroom stable et réactif.
On aime moins : son système fermé.
Prix : 229 euros.
Photos : SP

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  83

En couverture

Communiquer
SMARTPHONES

Davantage encore depuis les confinements,

ils sont devenus un prolongement essentiel de
nous-mêmes, une passerelle entre le domicile et
l’extérieur, entre vies privée et professionnelle. Ces
couteaux suisses numériques gèrent nos agendas,
nos contacts, nos déplacements, nos loisirs, nos
amours… et conservent en leur cœur nos secrets.

LE PLUS GREEN

Fairphone 4
On aime : smartphone éthique,
écologique et réparable.
On aime moins : son format encombrant
et sa faible autonomie. Le grand-angle
est décevant.
Prix : 579 euros.

LE MEILLEUR RAPPORT QUALITÉ/PRIX

Google Pixel 7
On aime : son design et sa puissance,
les deux très bons capteurs photo.
L’autonomie est convaincante.
On aime moins : la recharge est trop lente.
Prix : 649 euros.

LE MUST

iPhone 14 Pro Max

On aime : sa très grosse autonomie et son
design inégalé. L’appareil photo est très polyvalent.
Photos : SP

On aime moins : son poids. La charge

est vraiment lente.
Prix : 1 479 euros.

84  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 LE MUST
Regarder
TÉLÉVISEURS
Panasonic
Si la taille des logements
TX-65JZ2000 en France avait évolué
On aime : la qualité
d’image en SDR et HDR. dans les mêmes proportions
Pic de luminosité inégalé que celle des écrans TV,
sur un téléviseur Oled.
les Français vivraient
On aime moins : l’interface
limitée, la télécommande aujourd’hui dans des
un peu lourde. palaces. La finesse de leurs
Prix : 2 295 euros. dalles permet, toutefois,
de les glisser un peu partout.
LE MEILLEUR RAPPORT QUALITÉ/ L’appareil est devenu
PRIX À MOINS DE 1 000 EUROS
une commodité, disponible
LG 42C2 à tous les prix. Mais les
On aime : l’excellente colorimétrie produits haut de gamme,
et le contraste infini. Le système truffés de technologie,
de compensation de mouvement
est très efficace. offrent des images à couper
On aime moins : le système audio le souffle.
décevant.
Prix : 940 euros.

Se protéger
SOLUTIONS CYBER
LE MUST

Le VPN (réseau privé virtuel) est NordVPN

en expansion. Il permet de renforcer On aime : les meilleurs
la sécurité d’une connexion Internet, débits en France et
les excellents débits
essentielle pour le travail chez soi ou à l’étranger. La politique
en mobilité. Il aide aussi à contourner de non-conservation
des données.
une restriction géographique
On aime moins :
pour accéder à un service, telle le temps de réponse
une plateforme de streaming. du support technique.
Un investissement vite rentable. Prix : 11,99 euros
par mois.

L’ALTERNATIVE

Surfshark
On aime : le bloqueur de publicité et le nombre
illimité d’appareils utilisables. L’accès aux services
de streaming étrangers.
Photos : SP

On aime moins : l’absence de connexion au réseau TOR.

Prix: 11 euros par mois. 

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  85

En couverture

LE MUST DES CASQUES

S’isoler
CASQUES AUDIO/ÉCOUTEURS
Sony
WH-1000XM4 Nouvelle extension du corps humain,
On aime : les aigus
ils se cachent ou s’exhibent, question
incroyablement précis et la d’usage et de personnalité. Leur succès
scène sonore très spacieuse,
les commandes tactiles
est à l’image de leur polyvalence : ils
complètes et réactives. permettent d’écouter de la musique et des
On aime moins : podcasts ou de se concentrer. De garder
les décibels superflus
dans les graves.
les mains libres durant une conversation.
Prix : 329 euros. Et la réduction de bruit active, autrefois
un luxe, tend à se généraliser : un vrai
confort dans les transports en commun.
LE MEILLEUR RAPPORT
QUALITÉ/PRIX POUR
LE MUST DES ÉCOUTEURS
LE TÉLÉTRAVAIL

HyperX Apple Airpods Pro 2

Cloud Flight
On aime : les bonnes
sensations de confort, la
grande autonomie d’environ
trente heures, la restitution
sonore précise et immersive.
On aime moins : il tient
rapidement chaud.
Prix : 105 euros.
On aime : le rendu sonore
dynamique, riche, équilibré et
juste, l’excellent kit mains libres,
la réduction de bruit active.
On aime moins : l’autonomie
un peu faible.
Prix : 299 euros.

Conserver
DISQUES/STOCKAGE

Avec la généralisation du cloud, les solutions

de stockage externe, sur disque dur, ont eu
tendance à s’effacer ces dernières années. Elles
redeviennent très en vogue avec la préoccupation,
Photos : SP

croissante, de la sécurité des données personnelles.

La tranquillité mérite bien un petit budget.
LE MEILLEUR RAPPORT
QUALITÉ/PRIX

WD Black P50 Game LE MUST

Drive SSD 1 To
On aime : les débits très élevés,
Transcend
la bonne gestion thermique. ESD380C
On aime moins : l’absence de
système de rangement pour les
On aime : le très bon débit,
le design très compact,
câbles. L’appareil est un peu lourd.
le revêtement en silicone
Prix : 229 euros. résistant aux chocs.
On aime moins : la réparation
difficile, la disponibilité d’une
seule couleur.
Prix : 328 euros.

86  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 LE MUST

Sony PS5
On aime : la lecture des films
au format Blu-ray Ultra HD,
la rétrocompatibilité PS4
d’excellente facture.
On aime moins : sa taille imposante
et sa consommation élevée.
Prix : 549 euros.

LA PORTABLE

Nintendo Switch Oled

Se divertir
On aime : son silence et sa grande
autonomie.
On aime moins : les haut-parleurs
intégrés améliorés, mais toujours
très quelconques, la sortie casque
médiocre.
Prix : 449 euros.
CONSOLES DE JEUX

Elles restent le meilleur moyen

de fractionner les instants boulot et
détente. Mais le sujet est sensible et
peut plomber l’ambiance des soirées
familiales : où installer l’objet ?
Quand peut-on y jouer ? Combien
de temps ? Une fois ces règles
définies, le plaisir doit être total.
Avantage vintage : elles permettent
de visionner les vieux DVD.

L’ALTERNATIVE

Xbox Series X
On aime : son silence et sa puissance, la rétrocompatibilité
efficace avec trois générations de jeux Xbox.
On aime moins : l’interface vieillotte, son aspect massif
en position horizontale.
Prix : 499 euros.
Photos : SP

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  87

En couverture

Travailler
ORDINATEURS PORTABLES

On leur en demande de
plus en plus. Non seulement
ils doivent être légers
et puissants, mais aussi
robustes et facilement LE MUST SOUS
WINDOWS
connectables. Il en va
de notre réputation, auprès Samsung
des collègues comme de Galaxy
la famille, puisqu’ils sont Book2 Pro 15
utilisés pour nos multiples On aime : son poids plume
visioconférences, autant et sa connectivité très
commode, l’autonomie
que pour le divertissement satisfaisante.
des enfants. On aime moins : la
définition de l’écran Full HD.
Prix : à partir de
1 399 euros.

LE MUST

Apple MacBook Pro M1

16 pouces
On aime : son écran mini-Led et son
énorme autonomie, son silence, le très
bon rendu sonore des haut-parleurs.
On aime moins : un peu encombrant.
Prix : à partir de 2 749 euros.
Photos : SP

LE MEILLEUR RAPPORT QUALITÉ/PRIX

Huawei MateBook D 16
On aime : l’écran, la charge rapide et la possibilité
de recharger des appareils avec l’ordinateur éteint.
On aime moins : les haut-parleurs médiocres.
Prix : à partir de 899 euros.

88  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Surveiller
VIDÉOPROTECTION

Les mois de confinement

ont-ils aiguisé notre
paranoïa ? Le marché
de la vidéosurveillance
se porte très bien. Les
LE MEILLEUR RAPPORT QUALITÉ/PRIX produits sont de plus en
plus sophistiqués, de plus
Ezviz C3X en plus faciles à installer
On aime : la bonne qualité d’image, de jour
comme de nuit, la détection de mouvements et les prix baissent. Mais
efficace. leur utilisation n’est pas
On aime moins : elle n’est pas très discrète.
LE MUST
anodine : la protection de
Prix : 169 euros. la vie privée s’applique
Bosch Caméra 360 ° aussi à l’intérieur de
On aime : la simplicité d’installation la famille. Et les risques
et la qualité d’image, la récupération
des séquences en illimité.
de piratage sont réels.
On aime moins : l’absence d’alarme,
le haut-parleur légèrement agressif.

Jardiner
Prix : 252 euros.

TONDEUSES AUTONOMES LE MEILLEUR RAPPORT

QUALITÉ/PRIX

Ceux qui ont la chance Robomow RK1000

de télétravailler dans On aime : l’application smartphone
la verdure pourront complète, la bonne gestion
appliquer la maxime des obstacles, le bon indice
de réparabilité.
de Voltaire : cultivons On aime moins : l’absence de
notre jardin. Les vertus capteur de pousse du gazon.
de la taille et du binage Prix : 1 499 euros.
sur notre santé
mentale ne sont plus
à démontrer. Mais LE MUST
certaines tâches
répétitives demeurent Husqvarna
fastidieuses, Automower 430X
notamment la tonte. On aime : son silence,
Les plus fainéants des la parfaite couverture du
terrain, la grosse autonomie
jardiniers apprécieront en charge rapide, les lames
les énormes progrès faciles à remplacer.
technologiques réalisés On aime moins : la
protection de la tondeuse
dans le domaine de la sur la station de base
tondeuse autonome. est en option.
Prix : 3 569 euros.
Photos : SP

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  89

En couverture

Cuisiner
ROBOTS CUISEURS
LE MUST

Vorwerk Thermomix
Avec le visionnage TM6
de films et séries sur On aime : le large écran tactile,
les plateformes de la balance très précise intégrée,
la consommation électrique maîtrisée,
streaming, la cuisine l’efficacité du mixage.
était l’une des premières On aime moins : ne râpe pas,
ne tranche pas.
activités pendant
Prix : 1 399 euros.
les confinements.
L’habitude est restée.
Les robots cuiseurs
sont devenus nos
indispensables commis
numériques. Plus LE MEILLEUR RAPPORT QUALITÉ/PRIX
besoin d’être un chef
étoilé pour épater la Kenwood CookEasy+
tablée. Ou se régaler On aime : le silence, la chauffe rapide, la précision
dans les basses températures, la polyvalence grâce
à la pause déjeuner. à la râpe éminceur dans certains modes.
On aime moins : bouge beaucoup.

Photos : SP
Prix : 959 euros.

LE MUST DES ASPIRATEURS BALAIS

Dyson V15 Detect Absolute

On aime : l’aspiration très performante,
la filtration parfaite, l’entretien ultrasimple.
On aime moins : un peu lourd à la longue.
S’essouffle bien vite en mode « Boost ». LE MUST DES
Prix : 749 euros. ASPIRATEURS ROBOTS

Dreame L10s

Ranger
Ultra
On aime : la navigation
parfaite, les bonnes
performances d’aspiration,
ASPIRATEURS la couverture des surfaces
très correcte.
Le ménage est en pleine révolution technologique grâce On aime moins :
à des industriels comme Dyson ou une flopée de start-up. les performances de lavage
décevantes.
L’aspirateur est ainsi devenu un signe extérieur de Prix : 1 189 euros.
technophilie. On l’appréciera en mode balai et sans sac,
entre deux visioconférences, un vrai moment de détente.
Ou en mode autonome, une distraction pour chats et chiens.

90  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 LA PLUS GREEN

Garmin
Venu 2
On aime : le bel écran
Amoled, la précision
des capteurs et la bonne
autonomie.
On aime moins : quelques
baisses de fluidité dans
l’interface, une boutique
d’applications Connect IQ
encore limitée.
Prix : 349 euros.

S’entretenir
MONTRES CONNECTÉES

Il est loin le temps où, avec un look

LE MUST
approximatif, elles étaient l’apanage des geeks.
Désormais, elles savent se faire discrètes, Apple Watch
élégantes, vraiment intelligentes. Et comportent Ultra
toujours plus de fonctionnalités : détection On aime : le bel et grand
de chutes, électrocardiogramme ou analyse écran Amoled, sa robustesse,
Photos : SP

la précision du cardio et
du sommeil. Un vrai ordinateur au poignet. du GPS, l’interface fluide
et agréable.
On aime moins : l’absence
de cartographie intégrée par
défaut, le format unique qui
exclut les petits poignets.
Prix : 999 euros.

LE MEILLEUR RAPPORT QUALITÉ/PRIX

Withings Scanwatch
On aime : les mesures de santé nombreuses et
simples, le look passe-partout de ce modèle hybride,
l’autonomie de trente jours.
On aime moins : les données relatives au sommeil
profond laissent dubitatif. Son poids au poignet est
aussi important que celui d’une montre classique.
Prix : 239,95 euros.

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  91

En couverture

Postface
Game over

Q
ui veut encore se presser et jouer
des coudes pour participer aux
opérations de communication
des géants de la tech ? Des
présentations aussi longues que
poussives insistant sur la
prochaine révolution en gestation
dans leur nouveau produit. L’exotisme
compassé des Salons High Tech ne fait
plus rêver : Mobile World Congress (MWC)
de Barcelone centré sur le monde des
télécoms, IFA de Berlin axé sur
l’électronique grand public, sans oublier
les locomotives américaines, comme le
Consumer Electronics Show (CES) de Las
Vegas, où se ruent les start-up françaises
depuis plusieurs années, et le salon E3,
grand-messe du jeu vidéo à Los Angeles.
Ceux qui ne sont pas rassasiés iront au
Web Summit de Lisbonne et tenteront le
Leap à Riyad qui s’est lancé cette année.
Les Salons Tech sont un produit des
années 1970 quand la technologie rimait
avec qualité de vie et progrès social. Où
exhiber dans son living-room un téléviseur
dernier cri était un signe extérieur de
coolitude et de modernité. Mais ces rendez-
vous professionnels sont à présent datés,
minimisant les enjeux sociétaux sur les
données personnelles, et semblant ignorer
la prise de conscience écologique. Notre
maison brûle, pour paraphraser Jacques
Chirac, et il serait normal de traverser
l’Atlantique pour suivre des présentations
qu’il est possible de vivre depuis son
fauteuil à la maison, avec une bonne paire
de lunettes de réalité virtuelle ? Notre
maison brûle et il serait normal de
s’extasier devant une industrie high tech
qui multiplie les lancements tout au long de
l’année, favorisant une surconsommation
de produits aussi vaine pour l’utilisateur
que destructrice des ressources naturelles ?
Les marques ne s’y trompent plus. Pourquoi
dépenser des sommes astronomiques en
stand, et en envoyant des équipes à l’autre Sièges futuristes
bout du monde, alors qu’il est possible pour de TUMO, l’école
beaucoup moins cher d’organiser de création
numérique, à Paris.
son propre événement ? En ligne ou dans
X. Testelin/Divergence

La réalité virtuelle,
la vraie vie. Et de payer des influenceurs nouveau substitut
pour vanter ses nouveautés produit. des grands Salons
Le monde change. Les marques se mettent professionnels ?
au diapason. Adrien Schwyter

92  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 ÉDITION LIMITÉE

LUCKY LUKE, LA LEGENDE DU FAR WEST

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de 70 ans d’histoire de la BD. Documents d’archives, croquis, photos méconnues et véritables
planches d’albums originales : 116 pages magnifiquement illustrées et consacrées à tous ces
faits divers et destins incroyables qui ont forgé l’Histoire du Far West mais aussi sa légende. Pour
démêler le vrai du faux, et découvrir une réalité parfois aussi forte que la fiction.

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 IMMOBILIER VERT

Décarboner l’immobilier

Indispensable,
coûteux, lent et difficile
Le constat fait l’unanimité. Réduire drastiquement
les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’immobilier,
de son utilisation et de sa construction, est une nécessité.
Quelques chiffres suffisent à le démontrer.
94 l CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

E
n France, le bâtiment
représente 45 % de la
consommation fi-
nale d’énergie et 27
% des émissions de
gaz à effet de serre.
Comme souvent, la Commission
européenne a fixé des objectifs ex-
trêmement ambitieux et… irréa-
listes. A savoir, réduire les émis-
sions de gaz à effet de serre des
bâtiments en Europe de 60 % d’ici
2030 par rapport aux niveaux de
1990. Le bâti produit aujourd’hui
environ 36 % des émissions en Eu-
Illustration : IStock
rope, plus que l’ensemble des trans-
ports, terrestres, aériens et mari-
times. Mais comme souvent à
Bruxelles en matière de transition
énergétique, il s’agit plus d’effet
d’annonce politiques vis-à-vis des
opinions publiques et des acteurs
des activités concernées. Reste à
savoir si cette stratégie est efficace
ou si elle décourage.
Distinguer construction
et rénovation
Il faut déjà commencer par bien dis-
tinguer les problématiques. Les
émissions de l’immobilier pro-
viennent de sa construction, de son
utilisation, de son entretien et éven-
tuellement de sa destruction. A cha-
cune de ses étapes, les équations
sont différentes. Elles le sont égale-
ment s’il s’agit de logement, de
l’immobilier de bureaux, de l’indus-
1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765 l
trie, du parc public… Pour ce qui
est de la construction, la question
délicate est celle des matériaux. Le
ciment et donc le béton et le fer sont
aujourd’hui encore indispensables
et leurs productions sont les plus
consommatrices d’énergies fossiles
par l’industrie lourde. On ne se rend
pas forcément compte de l’échelle
des transformations à mener. Le ci-
ment est le matériau le plus utilisé
sur terre après l’eau. Il s’en produit
chaque année 4,5 milliards de
tonnes. Et il sort des hauts four-
neaux, dans le même temps, 1,4 mil-
liard de tonnes de fer.
Cela signifie que décarboner la pro-
duction de ciment et de fer prendra
des décennies, le temps de dévelop-
per et d’industrialiser de nouvelles
technologies ou de généraliser des
matériaux de substitution. Il y a plus
urgent et plus efficace. L’enjeu es-
sentiel n’est pas celui de la construc-
tion mais de la rénovation de l’exis-
tant. Tout simplement parce qu’en
France, plus de 85 % des bâtiments
existants seront encore là en 2050.
Problème, l’histoire française de la
rénovation énergétique des bâti-
ments est une succession ininter-
rompue d’objectifs non atteints et
de dispositifs compliqués, coûteux
et inefficaces.
Un problème de compétences
Car il y a rénovation et rénovation
en profondeur, c’est-à-dire des amé-
liorations significatives de la struc-
ture et des équipements du bâtiment
afin d’obtenir une efficacité énergé-
tique bien supérieure. Les coûts et
les techniques employées n’ont rien
à voir. D’autant plus que 85 % des
bâtiments en Europe ont été
construits avant 2001. Les chaînes
d’approvisionnement peuvent-elles
s’adapter et surtout disposons-nous
des compétences requises ?
Pour avoir une idée du défi, au-
jourd’hui seuls 11 % des bâtiments
européens sont rénovés chaque an-
née et seulement 0,2 % de ces réno-
vations permettent de réduire les
émissions de manière significative.
A ce rythme, la décarbonation pour-
rait prendre des siècles…
Eric Leser u
95
Dossier immobilier vert

Pollution tertiaire. « On prend de nouveau

réflexe : reconstruire sur l’existant, 

Pourquoi l’équation
pour éviter le cycle destruction/
construction, très consommateur. »
explique l’architecte Philippe
Chiambaretta qui rénove un im-

est aussi compliquée mense ensemble de 30 000 m² à

Vanves (92). Ou on construit en
bois, « avec des résultats spectacu-
laires.  L’empreinte  carbone 
Il faut agir et vite sur la construction (construction/utilisation sur 50
et surtout la rénovation. ans) de notre programme bois Ar-
boretum est de 670 kilos de C02 par
m² alors qu’elle est de 1 260 sur un

A
u départ, ça paraissait lier. Le bâtiment est gourmand. bâtiment  tertiaire  moyen.  » ex-
simple : la France s’est Très. Les 37 millions de logements plique Laurent Petit, directeur géné-
engagée à réduire sa et le presque milliard de mètres car- ral de WO2.
LES 3 PLUS
consommation d’énergie rés de bureaux, d’entrepôts et d’édi- GROS POSTES
carbonée de 40 % d’ici à 2030 et de fices publics dévorent 44 % de notre de consommation La rénovation est la clé 
60 % d’ici 2050. Et puis il a fallu se consommation d’énergie. Loin de- de l’empreinte Le problème c’est que la France
mettre au travail. Et là, la machine vant les 31 % des transports. C’est carbonne en construit (trop ?) peu. Son parc se
s’est soudain grippée. Depuis une donc là qu’il faut agir avec le plus de France en 2010 renouvelle de moins de 1 % par an. Il
dizaine d’années, nos dépenses vigueur. Et comme, dans le cycle de 27 % faut absolument agir sur le parc
d’énergies carbonées n’ont quasi- vie d’un bâtiment, explique Philippe Logement existant. 95 % des bâtiments exis-
ment pas bougé. Et pendant ce Zivkovic, cofondateur et président tants aujourd’hui seront encore là
temps-là, le compteur tourne : il ne de WO2-Woodeum, « la construc-
25 % en 2050. Or un bâtiment ancien bien
Transport
nous reste plus que huit ans pour tion représente 60 % de l’empreinte rénové peut réduire sa consomma-
atteindre le premier objectif de 40 %. carbone et l’exploitation 40 % », il 19 % tion énergétique de 49 à 70 %. Mais
Pourquoi est-il aussi compliqué de faut agir sur la construction et la Alimentation ce n’est pas simple. Prenons par
SOURCE :
tenir nos engagements ? rénovation. Coté construction, il CONSEIL GÉNÉRAL DU exemple les logements. Pour at-
existe aujourd’hui plusieurs règle- DÉVELOPPEMENT teindre la neutralité carbone en
DURABLE
Le bâtiment est trop gourmand   mentations pour réduire l’empreinte 2050, il faudrait que la quasi-totalité
Sur la route de la vertu, l’un des plus carbone. Dans le Logement, c’est la des logements existants aient été
gros obstacles s’appelle l’immobi- Re2020 et dans les bureaux le décret rénovés. Cela demande un rythme
de rénovations de 700 000 à 1 million
de rénovations lourdes par an. Le
OBJECTIF RÉALITÉ gouvernement, à travers son dispo-
sitif d’aide MaPrimRenov, se vante
RÉDUIRE À ZÉRO UNE CONSOMMATION d’atteindre ce chiffre, avec cette
LES ÉMISSIONS AU COURS ÉNERGÉTIQUE DES LOGEMENTS année, une estimation de 700 000
DE LA VIE DU BÂTIMENT LOIN DU ZÉRO primes débloquées.

Des chiffres trompeurs

Emissions en millions de tonnes de CO2
et objectifs à l’horizon 2050
80
Consommation d’énergie des logements en TWh
500
Autres : climatisation, usages spécifiques
Ces chiffres sont trompeurs : seuls
0,1 % de ces chantiers sont des réno-
vations lourdes, qui permettent de
gagner des crans dans le classement
énergétique (de A à G) des loge-
ments. Le reste, ce sont des rénova-
tions « mono-gestes » (chaudières,
fenêtres…). « Seuls 40 000 loge-
ments ont été réellement rénovés »,
tranche la députée Renaissance
Illustrtaion : Petovarga/Shutterstock

88 400 de l’électricité, cuisson, eau chaude sanitaire Marjolaine Meynier-Millefert, vice-

60
300
présidente de la commission du dé-
40 veloppement durable. Mais la réno-
44 Chauffage
20 200 vation vient de trouver, en France,
un allié paradoxal : l’inflation. La
0 0 0 hausse des prix des énergies
2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2015 2016 2017 2018 2019 2020 contraint aux économies.
SOURCE : CARBONE4 SOURCE : CALCULS SDES - CLÉ DE RÉPARTITION CEREN
Eric Tréguier u

96  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

Dossier immobilier vert

État des lieux

T
ous secteurs confondus, tions de réduction de la consomma-

7
promoteurs, investisseurs
et utilisateurs se sont lan-
cés dans de nombreux
projets pour réduire l’empreinte car-
bone de leur patrimoine immobilier.
Aiguillonnés par le décret Tertiaire,
qui leur impose des déclarations d’ici
tion d’énergie finale dans les bâti-
ments existants à usage tertiaire afin
de parvenir à une baisse de la
consommation d’énergie d’au moins
40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en
2050 par rapport à 2010.
« La première échéance arrive vite,

projets vraiment
la fin de l’année, ils sont aussi pous- mais elle laisse encore le temps aux
sés par les risques pesant aujourd’hui entreprises de réfléchir à une stra-
sur le coût de l’énergie, les annonces tégie », souligne Ella Etienne-Denoy,

exemplaires
Ils préfigurent l’immobilier bas
carbone de demain que ce soit
pour les bureaux, les commerces,
les logements, la logistique et
l’action publique.
gouvernementales du Plan sobriété
énergétique et leurs engagements
environnementaux publics.
Voici une sélection de sept projets
qui préfigurent l’immobilier bas car-
bone de demain et illustrent les ac-
tions menées dans le bureau, le com-
merce, le logement, la logistique et
l’action publique pour réduire les
consommations énergétiques. Pour
rappel, le décret Tertiaire impose
l’obligation de mise en œuvre d’ac-
Directrice Senior ESG & Sustainabi-
lity chez CBRE. Des choix de démé-
nagement, de travaux ou d’équipe-
ment qui doivent bien sûr s’inscrire
dans la vie de l’acteur concerné et
dans les usages des bâtiments qu’il
occupe. Et surtout des arbitrages qui
vont conditionner l’évolution des
marchés immobiliers et avoir un
impact majeur sur la valorisation
des patrimoines. Virginie Grolleau et
Catherine Bocquet

PUBLIC
Bâtiments

administratifs, Roubaix
144 des 400
bâtiments publics
concernés

L
es établissements et collectivi-
tés publics doivent eux aussi
passer à l’heure de la décarbo-
nation. Dans le département du Nord,
la ville de Roubaix a choisi de mettre
en place des plans pluriannuels d’ac-
tion et d’investissement pour 144 de
ses 400 bâtiments publics assujettis
aux objectifs du décret tertiaire. « L’une
des difficultés, c’est la diver-
9,4 millions sité des bâtiments concer-
d’euros nés », souligne Thomas La-
d’investissement gier, cofondateur de Lowit,
solution numérique qui
œuvre à la transition énergétique des
bâtiments. Immeubles administratifs,
groupes scolaires, crèches, biblio-
thèques, gymnases, salles des fêtes…
« Nous créons des jumeaux numériques
de ces immeubles pour évaluer leurs
caractéristiques thermiques et créons
des scenarii de travaux », explique-t-il.
Photo : Anaïs Gadeau/SDP

En tenant compte des priorités et des

retours sur investissements, pour Rou-
baix, c’est un plan d’investissement
de 9,4 millions d’euros (après 12 mil-
lions investis les années précédentes)
qui va être déployé.
u

98  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

Dossier

BUREAUX
Arboretum, Nanterre


Le plus grand projet

tertiaire en Europe de
construction en bois

D
éveloppé par WO2, Arboretum of-
frira à ses premiers locataires
125 000 m² de bâtiments en bois
massif CLT (lamellé croisé) répartis entre
5 immeubles neufs et 2 réhabilités sur les
17 hectares de friches des anciennes
Papeteries de la Seine. Le campus com-
porte 112 000 m² de bureaux,
3 000 m² de coworking, 16 salles 125 000 m2
de conférences et un auditorium, de bâtiments
1 900 m² dédiés au sport, 8 res- en bois massif
taurants, 9 hectares de parc pri-
vé, 17 000 m² de terrasses et 3 200 m²
de potager et verger (produisant 10
tonnes de fruits et légumes par an), sans
compter la création de nouveaux espaces
publics de circulation. Une boucle géother-
mique va assurer 80 % des besoins de
chauffage et de rafraîchissement de l’en-
semble immobilier, grâce à un forage de
10 puits de 60 à 70 mètres de profondeur
dans la nappe phréatique, les 20 % res-
tant étant assurés par des pompes à cha-
leur. « L’ensemble va également consom-
mer 2,5 fois moins d’énergie que la
moyenne des bâtiments en France », sou-
ligne Marc Lafont, directeur général délé-
gué de WO2.

Biome, Paris


Réhabiliter un
immeuble en béton

C
onçu par les architectes de
l’agence YMA (avec l’agence Jouin
Manku) pour SFL, Biome fait la
démonstration qu’il est possible de conju-
guer patrimoine, nature, nouvelle architec-
ture et démarche bas carbone. Au 112-
114 avenue Emile Zola, dans le XVe
arrondissement de Paris, un bâtiment en
béton et métal, conçu dans les an-
nées 1960, a fait l’objet d’une réhabilita-
tion-extension donnant nais-
80 % sance à 21 000 m² de bureaux,
des planchers 700 m² de logements, un centre
Photos : Patrick Raffin/SDP WO2 - Alexis Paoli/Biome SDP

ont été de conférences et un espace de

conservés coworking. Le tout dans un envi-
ronnement qui fait la part belle
au végétal grâce aux paysagistes de
l’agence Laverne. « Biome, en biologie, défi-
nit un macro-système ; cela nous a semblé
bien qualifier cette opération exemplaire
sur le plan environnemental », souligne Di-
mitri Boulte, directeur général de SFL. La
conception de Biome s’inscrit dans une
démarche de réemploi : 80 % des plan-
chers existants ont été conservés et 50 %
des faux planchers récupérés.
u

100  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Sur la mythique place de la Bourse, Groupama Immobilier
inventera avec vous le premier bâtiment low-tech de Paris.
photo : Jérôme Epaillard - Conception, réalisation : Mr Byron

*OBJECTIF ZÉRO CARBONE, ZÉRO DÉCHET,

ZÉRO CLIM, ZÉRO SUPERFLU
Venez écrire l’histoire de votre siège, de votre flagship,
dans cet immeuble-manifeste d’un nouvel âge de la ville.

vincent.potier@groupama-immobilier.fr - 06 76 22 86 95
Dossier
COMMERCE
Centre commercial Beaugrenelle, Paris
p
Démarche de responsabilité sociale d’entreprise
P
ropriété d’Apsys, Beaugrenelle fête
bientôt ses 10 ans. Il développe
50 000 m2 sur trois îlots, compte
120 boutiques et près de 7 000 m2 d’es-
paces végétalisés en toiture, dont une
ferme aromatique exploitée en permacul-
ture. Dans ce premier centre commercial
certifié « BREEAM In-use » en 2021,
Apsys décline sa démarche de Responsa-
bilité sociale d’entreprise (RSE). « Depuis
2019, l’électricité achetée est 100 % d’ori-
gine renouvelable et nous veillons à optimi-
ser l’utilisation de l’énergie dans les par-
ties communes en faisant la chasse aux
talons nocturnes (la consommation réali-
102 l CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
sée hors de la période d’exploitation du
site, NDLR) » explique Charles Lefevre, di-
recteur du property management du
groupe Apsys. Et de préciser
avoir, en 2022, « réduit, à péri-
mètre comparable, de 15 % par
rapport à 2019, le niveau de
consommation d’électricité  ».
7 000 m2
Pour faire encore plus, Apsys a végétalisés en
fait le choix de raccorder Beau-
grenelle aux productions d’éner-
gie collective : « A Paris, nous travaillons
avec Climespace pour le froid et CPCU
pour le chaud. C’est extrêmement vertueux
en matière d’empreinte carbone ».
64 000 m2
de Shopping
promenade
5 hectares
d’agroparc
9 km
de mobilités
douces
120
boutiques
d’espaces
toiture
Shopping Promenade
p
Cœur d’Alsace, Strasbourg
Réaménagement
urbain de 150 hectares
A
Strasbourg, Shopping Promenade
Cœur d’Alsace s’inscrit au cœur de
la vaste opération de réaménage-
ment urbain de la zone commerciale
Nord, qui s’étend sur 150 hectares et
quatre communes (Vendenheim, Mundol-
sheim, Reichstett et Lampertheim), me-
née par Frey en tant que qu’aménageur,
développeur, investisseur et gestionnaire.
La foncière, qui possède le statut d’en-
treprise à mission, décline ici ses enga-
gements en matière de RSE. « Pour cette
opération pionnière, nous avons initié et
appliqué le principe de zéro artificialisa-
tion nette des sols instauré par la loi Cli-
mat et résilience, indique Marc Lecocq,
directeur de l’aménagement chez Frey.
Grâce à la réalisation des 64 000 m² de
Photos : Nicola Gleichauf & Frank Barylko/Frey Coeur Alsace SDP - Kamel Khalfi/Apsys SDP
Shopping promenade, nous avons démoli
42 000  m² de bâtiments et transféré
22 000  m² de commerces  ; à terme,
500 logements seront construits ».
Dossier

LOGEMENTS

Étoile des Sybelles, Corbier (Savoie)
Résidence hôtelière 100 % bois

D
ans la station de ski du Corbier en tion classique. Fabriqués en usine dans la
Savoie, Maulin.ski et Ossabois (fi- région Auvergne-Rhône-Alpes, les modules
liale du groupe GA) ont réalisé la ont également diminué de 30 à 40 % la
première résidence hôtelière conçue 100 % quantité de déchets. Lancée en 2020, la
en modulaire bois. Imaginé par Hubert construction s’est poursuivie pendant la
Architecture, l’ensemble baptisé « Étoile crise sanitaire. « Notre production se fai-
des Sybelles » développe 10 000 m² sur sant en usine, les conditions de sécurité
huit étages et compte 99 appartements, ont été plus rapides à mettre en œuvre.
un restaurant-bar, des salles de bien-être et Nous étions donc en ordre de marche dès
de remise en forme ainsi qu’un espace avril et, grâce à une augmentation de nos
aquatique. La fabrication hors site et l’utili- cadences, nous avons pu assurer à notre
sation de matériaux renouve- client une livraison dans les dé-  Essentiel 2226, Lyon
lables ont permis de réaliser une 30 % lais initialement convenus », sou-
économie de 30 % d’émission de d’émission ligne Michel Veillon, directeur Stockage de chaleur en hiver
CO2 par rapport à une construc- de CO2
économisés
général d’Ossabois. et fraîcheur en été

L
’immeuble de logements « Essentiel 2226 » de
30 à 40 % Nexity, qui sera situé à Lyon dans le quartier
de moins de Confluence, constitue une vraie première. « La
déchets température intérieure sera comprise entre 22 de-
grés l’hiver et 26 degrés l’été, sans usage ni de clima-
tisation, ni de chauffage », explique Frédéric Marchal,
directeur général adjoint de Nexity Immobilier Rési-
dentiel. Conçu par le cabinet d’ar-
22°C chitecte Baumschlager Eberle, en
L’hiver Autriche et en Autriche, le projet re-
pose sur un principe constructif à
26°C très forte inertie permettant à la
l’été sans fois le stockage de la chaleur en
climatisation hiver et de la fraîcheur en été. De
ni chauffage grandes ouvertures réduisent les
besoins en éclairage et maximisent les apports so-
laires en période hivernale. Des volets motorisés
assurent la qualité de l’air intérieur en toute saison. La
toiture « biosolaire » sera dotée de panneaux photovol-
taïques et de végétation. Pour la construction d’Essen-
tiel 2226, les matériaux utilisés seront d’origine natu-
relle et locale, réduisant l’impact sur l’environnement.

LOGISTIQUE
Plateforme 2DC1, Moissy (Seine-et-Marne)


Une ancienne friche industrielle

E
Photos : Prologis/SDP - Nexity/SDP - Lotfi Dakhli/Groupe GA SDP

difiée sur une ancienne friche indus- notre vision et nos engagements en matière
trielle de Seine-et-Marne acquise d’innovation et de responsabilité sociétale
en 2012 par Prologis, qui accueillait et environnementale ». La conception du
le centre de stockage de pièces détachées bâtiment (comportant 20 % de matériaux
PSA Peugeot-Citroën de Moissy-Cramayel, recyclés, un système de filtration des eaux
la plateforme de 100 000 m² de Moissy pluviales, choix de matériaux biosourcés,
2DC1 a entamé une nouvelle etc.) a permis de déployer un
vie logistique en étant certi- 40 000 tonnes chantier à faible impact envi-
fiée BREEAM avec un score de CO 2
économisées ronnemental, économisant
de 93,1 %, « soit le plus haut à la construction notamment « 40 000 tonnes
niveau de certification atteint pour un bâti- de CO2 à la construction, puis 110 000
ment logistique, souligne Christophe Chau- tonnes sur l’ensemble du cycle de vie ».
vard, directeur du Project Management et Géothermie et panneaux photovoltaïques
de l’innovation pour l’Europe du Sud de assurent les besoins en chauffage et ra-
Prologis. Nous avons ainsi souhaité illustrer fraîchissement du site.
u

104  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

Dossier
❝ Ladeville fait partie
la nature
Peter Wohlleben, forestier, écrivain, auteur
du best-seller « La vie secrète des arbres », est convaincu
que « la forêt nous sauvera si nous la laissons faire ».
Challenges. Le titre de votre
dernier livre parle d’une
promesse des arbres : quelle
est-elle ?
Peter Wohlleben. Les arbres
savent, depuis 300 millions d’années,
qu’ils ne peuvent pas se déplacer. Ils
savent aussi que, quand le climat
évolue, ils ont le pouvoir de corriger
la situation, pour notre bénéfice
commun. C’est leur promesse.
Les destins de la forêt et des
hommes sont donc liés ?
Nous dépendons des forêts et des
arbres, ils sont essentiels pour atté-
nuer les effets du changement cli-
matique. Ils ont entre autres, le pou-
voir d’abaisser la température dans
106 l CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
❝ lon laquelle brûler du bois est bon
les villes, d’environ 15 degrés en
moyenne en été. Il y a, dans les
grandes forêts d’Europe, beaucoup
plus de pluie qu’ailleurs car les
arbres sont capables de créer leurs
propres nuages, de faire pleuvoir, en
libérant des molécules spéciales et
des bactéries.
Les villes sont amenées, partout
dans le monde, à croître. Peut-
on combiner vie dans la ville et
nature ?
Oui, mais il faut changer d’état d’es-
prit. Nous avons dédié une grande
partie de la ville – près de 40 %- à la
circulation des voitures. Des métro-
poles, comme Paris, veulent chan-
ger la donne et je suis convaincu
que, dans le futur, il y aura de plus
en plus de villes sans voitures. Ceci
laissera de l’espace pour construire
des logements, mais aussi planter
des arbres ou encore mieux des pe-
tites forêts.
Est-il réellement possible de
densifier la ville sans exclure la
nature ?
La ville fait partie de la nature, c’est
aussi la nature. Pour les animaux
par exemple, les bâtiments res-
semblent à d’étranges rochers. Dans
les métropoles, il y a davantage
d’espèces animales – des oiseaux,
des petits mammifères et des mil-
liards et des milliards d’insectes -
que d’habitants. La ville est d’abord
un lieu de vie pour eux. L’équilibre
est tout à fait possible entre les habi-
tations, les humains et les autres
êtres vivants.
Pensez-vous que nous nous
trompons dans notre manière de
faire ? Que faudrait-il changer ?
Il faut que chacun soit conscient que
la nature, et en particulier les arbres
et les forêts, sont beaucoup plus
essentiels que nous ne l’imaginons.
De nombreux politiques les envi-
sagent uniquement sous la question
du carbone. Pire encore, des lobbies
de l’industrie forestière et du bois
tentent de raconter une histoire se-
pour le climat. Ce n’est évidemment
pas le cas : c’est encore plus des-
tructeur que le charbon ou le pétrole
car il n’y pas uniquement d’émission
de carbone, mais des conséquences
sur la production d’eau, les tempé-
ratures et la biodiversité, ce que
nous oublions souvent.
Êtes-vous optimiste pour la
suite ?
Oui, je le suis. Je pense que, d’ici les
cinq prochaines années, nous vi-
vrons un vrai « basculement vert »
en matière d’énergies renouve-
lables. Les institutions démocra-
tiques évoluent et nous avons obser-
vé les premiers signes positifs lors
d’élections aux États-Unis, au Bré-
sil, ainsi qu’en France et en Alle-
magne. De plus en plus de per-
Photo : Tobias Wohlleben/SDP
LA PROMESSE
DES ARBRES sonnes comprennent qu’en agissant
Peter Wohlleben, pour la nature, nous générons aussi
Corinna Gepner des émotions positives, de l’espoir.
(Traduction)
Ed. Les Arènes, Protéger la nature est bon pour la
Avril 2022. nature, mais c’est avant tout bon
pour protéger l’humanité.
Catherine Bocquet u
Dossier immobilier vert

Résilience

Les bureaux à l’heure

des économies d’énergie
Surface, aménagement : les bureaux passent eux aussi à la sobriété, un peu
forcés par la réglementation. Sans faire de concessions sur le confort.

D
epuis quelques mois, l’im- sont mis, tout à coup, à vouloir ratio- ment dans le luxe et le digital, sou-
mobilier de bureaux se naliser leurs mètres carrés occupés. ligne Alexandre Fontaine, directeur
trouve pile à la croisée Ceux-ci ont baissé de 22 % en exécutif Bureaux Ile-de-France à
des chemins réglemen- moyenne depuis le début de l’année. LA CAPITALE CBRE. Et on constate un report sur 
PRISÉE
taires et financiers. Les bureaux « Le nombre de transactions de plus  les bureaux neufs ou restructurés. »
Répartition en
étaient déjà le deuxième poste de de 5 000 m² est passé de 72 en 2019  Ile-de-France
dépenses des entreprises, après les à 55 en 2021 ; on en compte 43 à la  des m2 pris à bail La rénovation devient cruciale
salaires. Mais, là, « avec la flambée  fin du troisième trimestre 2022 et  par les opérateurs Toujours à la recherche d’attractivi-
des prix de l’énergie et leurs nou- au moins 7 en cours au quatrième  du coworking té et de fidélisation des talents, les
(de 2015 à 2022,
velles  obligations  de  déclaration  trimestre, indique Guillaume Raquil- en %)
entreprises privilégient les meil-
d’ici la fin de l’année dans le cadre  let, directeur de l’agence Bureaux de Paris intra-muros leures localisations dans des im-
de ce qu’on appelle le “décret ter- Knight Frank France.  De  plus,  la  meubles signatures. « Le retour des 
tiaire”, propriétaires et locataires  surface  moyenne  a  reculé  de  75 % entreprises dans Paris ne faiblit 
ont pris conscience des enjeux liés  12 225 m² en 2019 à 10 200 m² ac- pas, confirme Jean-Frédéric Heinry,
aux économies d’énergie et à leur  tuellement et la part des mégatran- président d’Altarea Entreprise Stu-
empreinte carbone », explique Guil- sactions, supérieures à 20 000 m²,  25 % dio. Elles choisissent des bureaux 
laume Savard, fondateur d’Upside a chuté de 28 % à 8 %. » dont l’empreinte carbone est prise 
Illustration : Nadia Snopek/Shutterstock

Partners. Le décret tertiaire prévoit
en effet un suivi de la réduction, obli-
gatoire, des consommations d’éner-
gie des bureaux de 40 % d’ici à 2030
et de 50 % d’ici à 2040.
Ajoutez-y le télétravail et le déploie-
ment du flex office, et vous compren-
drez pourquoi les grands groupes se
Parmi les réductions de voilure no- Banlieue en compte de la conception à l’ex-
tables, Allen & Overy a diminué ses La Défense 8 % ploitation. » Pour les grands inves-
bureaux de 60 % à Paris, Vallourec, Croissant Ouest 11 % tisseurs, « l’empreinte carbone est 
1re couronne 4 %
de 59 % à Meudon et Samsung, de 2e couronne 2 % ainsi devenue un vrai critère d’ar-
40 % à Saint-Ouen. Toutefois, « si bitrage », confirme Ella Etienne-De-
25 % des locataires ont réduit leurs  SOURCE : KNIGHT FRANK noy, directrice senior ESG &
surfaces, 45 % sont restés constants  Sustainability de CBRE.
et 30 % se sont agrandis, notam- Le problème, aujourd’hui, uuu

108  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

Dossier immobilier vert
LE BÂTIMENT
EN PREMIÈRE LIGNE
300 000
bâtiments concernés
d’une superficie
> 1 000 m2
= TROIS SOURCES D’ÉCONOMIES
44 %
de consommation
d’énergie...
dont 30 %
de gaspillage
énergétique en
exploitation
SOURCES : MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE, 2021 - ENVIRONMENTAL PROTECTION AGENCY, 2020 - ÉTUDE CEREN, 2021
uuu c’est que ces bureaux neufs ou
restructurés très recherchés ne re-
présentent que 1 % du parc, alors que
900 millions de m 2 (300 000 im-
meubles) sont concernés par le dé-
cret tertiaire, rebaptisé Dispositif
Eco Energie Tertiaire depuis peu.
Pour ces 900 millions de m2, le sujet
de la rénovation devient donc cru-
cial. « La question, aujourd’hui, ce
sont plutôt les PME qui utilisent un
ou deux bâtiments et qui ne sont
pas encore bien informées, estime
Maxime Michaux, directeur de JLL
Ingénierie France. Si les déclara-
tions de consommation dans le
cadre du décret sont relativement
simples, ce qui l’est beaucoup
moins, c’est la mise en place d’un
véritable plan d’investissement. Les
montants nécessaires peuvent va-
rier de 300 à 1 000 euros par m2,
étalés sur plusieurs années. » Des
adaptations qu’il faut financer et
dont il faut mesurer l’impact sur la
valorisation future des actifs…
Les rénovations lourdes sont plus
coûteuses encore, entre 1 800 et
2 500 euros le m² en province,
contre 3 000 à 3 500 euros le m² à
Paris. S’y ajoutent les aménage-
ments et équipements de bureaux,
qui peuvent contribuer, eux aussi, à
réduire les impacts carbone et éner-
110 l CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
LES OBLIGATIONS DU DÉCRET TERTIAIRE
Réduire les consommations d’énergie
de l’ensemble du parc tertiaire par rapport
à une année de référence ultérieure à 2010.
-40 % -50 %
en 2030 en 2040
Transmettre les données de
consommation annuelle, sur
la plateforme de l’Ademe OPERAT.
D’ÉNERGIE POSSIBLES
41 % 27 %
Chauffage Eclairage
gétiques. « Pour des bureaux stan-
dards, on peut recourir à des
meubles fabriqués à partir de ma-
tériaux recyclés », conseille Adrien
Portoleau, chef du département
Design & Delivery de Knight Frank.
A moins qu’on adapte le mobilier
existant : « A notre propre siège,
Métal 57, 85 % des meubles ont été
réutilisés sur nos trois plateaux »,
explique Csongor Csukas, directeur
général du Property Management
en Europe de BNP Paribas Real
Estate. Des acteurs spécialisés dans
les meubles de seconde main, tels
Valdelia ou Bluedigo, proposent
aussi des solutions respectueuses
de l’environnement.
Enfin, sur l’exploitation du site, il est
toujours possible de trouver des
marges de progression. « Peu d’im-
meubles sont équipés de systèmes
de Gestion technique du bâtiment,
et ceux qui le sont ne sont pas tou-
jours correctement paramétrés »,
constate Olivier Delepine, vice-
président de l’activité Buildings &
Channels de Schneider Electric
France. Le groupe, après audit et
pilotage du projet, se fait fort de réa-
liser jusqu’à 53 % d’économies
d’énergie à ses clients. Avec un re-
tour sur investissement sur un ou
deux ans seulement. Virginie Grolleau
-60 %
en 2050
3 questions à
JEAN-ERIC FOURNIER, DIRECTEUR
DÉVELOPPEMENT DURABLE DE COVIVIO.
Challenges. Quels sont vos objectifs
en matière d’empreinte carbone ?
Jean-Eric Fournier. Nous avons pris
des engagements très en amont, dès
2018 dans le cadre de l’Accord de Paris,
et nous sommes donc dans le droit fil
des objectifs du décret tertiaire. A la
fin 2020, nous avions déjà diminué
10 % nos émissions de gaz à effet de serre
Climatisation
de - 20 % par rapport à 2010. Et nous
nous sommes fixé un objectif de
- 40 % d’ici à 2030, qui couvre l’intégralité
de nos activités en Europe (bureaux,
résidentiel, hôtels) et la totalité
du cycle de vie des actifs (choix
des matériaux, construction,
restructuration et exploitation).
Dans cette optique, comment s’articule
votre stratégie de réduction
des consommations d’énergie ? 
La question de la performance carbone
rejoint bien sûr celle de la performance
énergétique, surtout en période de
flambée des coûts de l’énergie qui oblige
à mettre en place un véritable pilotage
pour maîtriser les charges. Il y a trois
leviers d’action : les bâtiments en eux-
mêmes, leur exploitation et les usages.
Pour ceux-ci, leur mesure et leur
analyse vont permettre d’ajuster
les comportements si nécessaire. Par
exemple, pour respecter la température
de consigne à 19 °C, il faut tenir compte
des plages de présence des salariés,
de l’occupation ou non des salles de
réunion, des équipements bureautiques
et de l’éclairage existant, des
circulations dans l’immeuble, etc.
Photo : Thomas Laisne/Covivio SDP
Et sur les bâtiments ? 
Plus de la moitié de nos nouvelles
opérations sont des restructurations
d’immeubles existants, avec un objectif
de zéro artificialisation nette des sols,
voire de désartificialisation, pour lutter
contre les effets d’îlot de chaleur urbain
et favoriser la biodiversité.• u
Dossier immobilier vert
Coworking
Les espaces partagés
fleurissent
Porté par une demande soutenue par le télétravail
et le flex office, le coworking retrouve la croissance
après le coup de frein de la crise sanitaire.
U
ne fois le lobby et les por-
tillons passés, il suffit
de descendre quelques
marches pour découvrir
un grand atrium sous verrière, orné
de nombreuses plantes. On peut y
travailler seul ou à plusieurs tout en
dégustant un café, profiter du studio
média pour enregistrer un podcast,
faire du yoga dans la salle de sports
ou se faire masser dans le salon de
bien-être. Bienvenue au Morning
Laffitte, un nouveau lieu situé rue
Laffitte, dans le IXe arrondissement
de Paris. « Ouvert en septembre, ce
site est notre plus grand espace
de coworking : 9 800 m² sur
112  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
huit étages pour accueillir
1 000 salariés. Et il est déjà rempli
à 95 % », se réjouit Clément Alteres-
co, fondateur et PDG de Morning.
Depuis le début de l’année, le cowor-
king a renoué avec la croissance,
frôlant la frénésie d’avant la crise
sanitaire. L’épidémie de Covid-19
avait pourtant donné un sérieux
coup de frein : « En 2020, les opéra-
teurs de coworking n’avaient loué
que 41 500 m² de bureaux en Ile-de-
France, contre un pic à 186 000 m²
en 2019, et les transactions dans la
capitale avaient chuté de 73 à 31,
explique Guillaume Raquillet, direc-
teur de l’agence Bureaux de Knight
Frank France. Mais, cette année, le
coworking a retrouvé son rôle mo-
teur sur le marché des bureaux pa-
risiens. » Au premier trimestre 2022
à Paris, il représentait 10 % des tran-
sactions et locations, tous secteurs
d’activité confondus. Et même 14 %
dans le « QCA », le Quartier central
des affaires.
A l’instar de Morning, les grands ac-
teurs comme WeWork, Deskeo,
Welkin & Meraki, Spaces ou Pat-
chwork ont eux aussi signé des baux
pour des surfaces supérieures à
5 000 m² ces derniers mois, signe que
la demande est bien repartie. Un re-
démarrage qui touche la capitale
mais aussi La Défense, Neuilly-sur-
Seine et Levallois-Perret, même si la
tendance est aux moyennes sur-
faces, « avec 50 % des espaces com-
pris entre 1 000 et 5 000 m² aux
deuxième et troisième trimestres »,
précise Guillaume Raquillet.
Cibles plus larges
Plus petits, les espaces sont aussi
montés en gamme : moins denses,
ils offrent plus de plateaux privatifs
et de plus de services, à l’instar de
Gustave Collection, qui propose des
menus dignes d’un 2-étoiles et des
collaborateurs formés dans l’hôtel-
lerie de luxe. Ainsi, à l’heure où le
télétravail et le flex office se sont
imposés dans de nombreuses socié-
tés, les espaces de coworking sé-
duisent une cible plus large : « Des
PME ou des cabinets comptables
ou d’avocats qui préfèrent un sys-
tème d’abonnement tout compris,
plus simple à gérer, des start-up de
la tech qui veulent profiter de la 
flexibilité  et  l’attractivité  de  ces 
Le Morning bureaux pour renforcer leur image 
Laffitte, à Paris. employeur et se concentrer sur leur 
Situé dans le IXe cœur de métier, ou des grands
arrondissement,
ce nouvel
groupes qui choisissent des pla-
espace de teaux entiers pour des équipes tra-
coworking se vaillant en mode projet ou en tran-
déploie sur sition géographique », constate
9 800 m2 et Fabrice Le Roux, directeur de
abrite un atrium Workthere France (filiale consa-
sous verrière
végétalisé.
crée au coworking) chez Savills.
Selon ce conseil, le succès du
Photo : Benoit Drouet/SDP
coworking ne semble pas près
d’être démenti : le nombre d’es-
paces de travail partagé en Europe
pourrait atteindre 20 % du stock to-
tal de bureaux européens dans les
dix prochaines années. Vi. G. u
Dossier immobilier vert
Une montée en puissance urbaine
Assurer le « dernier kilomètre », pour les particuliers comme pour les
professionnels, est un défi en milieu urbain. L’insertion plus que nécessaire de
ces stocks dans les villes fait écho aux polémiques soulevées par les dark stores.
C
’est la revanche du mal-ai-
mé. Jadis délaissé par les
investisseurs au profit du
commerce et du bureau,
l’actif logistique urbain s’est trans-
formé en objet (très) désirable.
« L’explosion de l’e-commerce et la
crise sanitaire ont braqué les pro-
jecteurs sur la demande en livrai-
son du “dernier kilomètre” », relate
Antoine Grignon, directeur du dé-
partement Investissement de Knight
Frank France. Selon une récente
étude du conseil en immobilier, d’ici
à 2026, les sept principaux marchés
européens de vente en ligne – dont
la France, l’Allemagne ou encore
l’Italie – auront besoin de 3,5 mil-
lions de m2 supplémentaires consa-
crés au « last mile ». « Pour chaque
milliard d’euros dépensés sur le
Web, il faut mobiliser quelque
24 000 m2 nouveaux. »
Mais dans un milieu urbain déjà très
dense et où le foncier se fait rare,
comment insérer la logistique de
proximité ? « Cette typologie d’actif,
c’est de la haute couture, répond
Rémi Goleger, à la tête de Corsalis,
spécialiste dans la logistique et la
distribution urbaine. Face à l’ab-
sence d’une solution homogène, elle
requiert des compétences transver-
sales en logistique et sur les enjeux
urbains. » L’agence Franc Architec-
tures, qui accompagne Corsalis dans
certains de ses projets, s’est déjà
emparée de ces problématiques. « Il
faut savoir maîtriser la construc-
tion, le fonctionnement et la réver-
sibilité d’un bâtiment dédié, dont
l’impact urbain doit être réduit au
maximum », appuie Yann Daoudla-
rian, président de l’agence.
Chemin de croix
Sauf que pour développer des opé-
rations de logistique urbaine en
ville, il faut le soutien des élus lo-
114  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
Logistique
Le projet de l’Immeuble inversé, à Paris. Un espace de
stockage de 1 600 m2 au cœur du IIIe arrondissement.
caux. « Politiquement, et encore
plus avec la polémique de cet été
sur les dark stores qui vient nuire
au commerce, les municipalités
sont de plus en plus frileuses, glisse
un observateur du marché. Dire que
c’est un chemin de croix pour les
promoteurs est un euphémisme. »
Et Jonathan Sebbane, directeur
général de Sogaris, d’ajouter : « Ces
pratiques encore trop peu enca-
drées font peser un risque d’image,
mais surtout d’acceptabilité à la
logistique urbaine. »
Pour convaincre les édiles de sauter
le pas, les spécialistes du last mile
leur proposent de reconvertir des
sites obsolètes. « Les équipements
comme les parkings, garages et sta-
tions-service, requestionnés à la
faveur de la réduction de l’automo-
bile en ville, offrent de nombreux
atouts pour installer de la logis-
tique », poursuit Jonathan Sebbane.
A titre d’exemple, Sogaris, qui ex-
ploite onze sites du dernier kilo-
mètre dans le Grand Paris, trans-
forme un ancien parking sur six
niveaux en espace de stockage de
1 600 m2 au cœur du IIIe arrondisse-
ment de la capitale : « L’Immeuble
inversé répondra aux besoins des
commerçants du quartier qui n’ont
pas accès aux services logistiques
traditionnels. »
Course effrénée
Marché de niche par excellence
longtemps animé par des acteurs
historiques (Prologis, Segro, Soga-
ris…), la logistique du dernier kilo-
mètre aiguise l’appétit de nouveaux
entrants depuis trente-six mois, sou-
tenus par des fonds d’investisse-
ment. Cet été, AEW a repris, auprès
d’Altarea Commerce et Corsalis, la
Manufacture de Reuilly (4 500 m²) à
Paris pour plus de 40 millions d’eu-
ros. Tikehau Capital a acquis l’an-
cien siège du groupe Up à Gennevil-
liers, qui sera en partie transformé
en logistique urbaine. Dans cette
5,2 course effrénée sur le dernier kilo-
milliards mètre, Mileway a de nouveau pris
d’euros investis position dans l’Hexagone à l’au-
sur le marché tomne dernier. La plateforme dédiée
français de la du géant américain Blackstone a si-
logistique au
3e trimestre gné six nouveaux actifs (37 000 m2)
2022. à Bordeaux, Lyon, Paris et Stras-
bourg. « Les actifs les plus prime
639 000 m² bénéficient de valeurs locatives en
devront être perpétuelle hausse et offrent un
consacrés taux de rendement intéressant,
Photo : Syvil/Diorama SDP
au « dernier
kilomètre » d’ici entre 4 et 4,5 % », abonde Antoine
à 2026. Grignon. La logistique du dernier
SOURCE : KNIGHT FRANK kilomètre n’a donc pas fini de s’insé-
rer dans les portefeuilles des inves-
tisseurs. Aurélien Jouhanneau
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© PHOTO : CYRILLE DUBREUIL
Luxes nautisme

Pavillon
France
Un secteur exportateur, créateur
d’emplois et, en plus, porteur de sens pour
les salariés : la filière nautique française,
c’est tout cela en même temps

F
aire de sa passion
une profession,
le nautisme
le permet en
France, et de bien
des manières. Le
secteur fédère
5 722 entreprises et
emploie 42 194 salariés,
pour un chiffre d’affaires
total de près de 5 milliards
d’euros. Mais surtout,
il agrège une variété
d’activités atypiques. La
Fédération des industries
nautiques n’en recense
pas moins d’une trentaine.
Voilà encore quelques
années, certaines d’entre
jeunes qui recherchent
principalement du sens
à ce qu’ils font. Ainsi
pour les talents manuels,
des opportunités se sont
présentées l’an dernier
dans les 161 chantiers
artisanaux qui perpétuent
la tradition, ou occupent
des niches enviables dans
les planches de surf, la
construction de prototypes
ou encore la réplique de
splendides vedettes en
bois. Avec une progression
de leurs effectifs de plus
de 5 % en 2021, ce sont
eux qui ont affiché le plus
grand dynamisme. Sp

elles auraient suscité un Concernant l’évolution

débat : s’agit-il vraiment
d’un métier ? Ainsi des
convoyeurs de yacht,
des moniteurs d’école de
croisière, des designers ou
des architectes navals…
Non seulement ils sont
socialement reconnus,
mais économiquement
consacrés. Car pour le
chiffre d’affaires, ce sont
eux qui ont enregistré les
plus belles progressions
l’an dernier : 9,2 % pour
les écoles de croisière ;
5,8 % pour les skippers et
convoyeurs ; 7,4 % pour
les bureaux d’études et les
designers.
Dans ce secteur
protéiforme de la
plaisance, des réponses
enthousiasmantes peuvent
être apportées à des
du chiffre d’affaires, le CAP COD 767 
secteur le plus en forme
est de loin la location à Le dayboat plein de malice
partir de ports du littoral :
il a vu le sien faire un bon
de 17 %, à 190 millions
d’euros. Par comparaison,
le taux de croissance des
constructeurs en série est
inférieur à 4 %, mais bien
évidemment, par sa taille,
ce secteur écrase tout le
reste de l’écosystème,
avec 3 381 voiliers
sortis des chaînes, et
9 546 bateaux à moteur,
le tout représentant
1,2 milliard d’euros de
volume d’affaires. Ce
chiffre est d’autant plus Rien qu’avec sa silhouette, le Cape Cod 767 ne passe pas
stratégique pour la balance inaperçu. En se rapprochant au plus près, on n’est pas déçu.
commerciale de la France Outre la qualité de finition remarquable propre au chantier
qu’il est réalisé à 80 % à bordelais Rosewest, Hervé Nollet, son patron et concepteur, a fait
l’international.• parler sa passion pour les montages aussi astucieux
qu’esthétiques. Le cockpit immense invite autant à la manœuvre
Voile magazine

qu’au farniente. Et en plus, le canot marche fort. 

Dossi e r R é a l isé pa r
Constructeur : Rosewest (France). L × l : 7,67 × 2,54 m. Poids : 1,1 t.
Em m a n u el Ch a r r as, av ec Fr a nçois Le Bru n Voilure : 31,90 m2. Prix : 125 000 euros.

116  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 EXCESS 14 

Pour amateurs de voile

Après avoir développé des catamarans de croisière
de plus en plus confortables et spacieux, mais
lourds et de moins en moins toilés, le groupe
Bénéteau fait volte-face avec son nouveau modèle,
l’Excess 14. Ce catamaran de 46 pieds vient offrir
(un peu) plus de plaisir à son équipage : sensations
de barre en hausse et flotteurs moins lourds ainsi
que plus d’aisance sous voile, pour ceux qui aiment
naviguer sans moteur. 
Constructeur : Excess Catamarans-Groupe
Bénéteau (France). L × l : 13,78 × 7,97 m.
Poids : 13 t. Voilure : 123 m2. Prix : 697 500 euros.

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l’Axopar accueille un nouveau moteur Evoy
hors-bord électrique de 300 chevaux. Pour
s’assurer une autonomie de 25 milles, on est
prié de se contenter d’une vitesse de croisière
entre 20 et 25 nœuds. Pour des puissances
supérieures, les batteries se vident très vite.
Normal, mais nous voilà prévenus. 
Constructeur : Axopar (Finlande).
L × l : 8 × 2,23 m.
Puissance moteur : 300 ch.
Autonomie : 25 milles à 20 nœuds ;
10 milles à 30 nœuds. Prix : NC.  p. 120

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  117

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Sur les quais de Saint-Malo,

avant le départ de la Route du
Rhum, le 9 novembre dernier.
Un rendez-vous important
pour les sponsors.

Saint-Malo
ros à l’événement, tandis que la
chambre de commerce prête ses
Le Rhum arrangé quais pour l’équivalent de
100 000 euros, tout le monde s’y re-

des Bretons trouve. Au cœur de l’automne, c’est

comme si le pic estival du 15 août
revenait prendre ses quartiers. Une
Au fil des éditions, le départ de la légendaire course en solitaire manne pour les petites compagnies
de navigation locales qui louent
entre Saint-Malo et la Guadeloupe s’est mué en un leurs vedettes pour l’occasion.
rendez-vous économique majeur pour les entreprises de l’Ouest.

E
Si d’une édition à l’autre, le nombre
de coureurs inscrits est passé de
t si l’on doublait la ra- 91 à 138, cela signifie qu’ils ont 
tion de Rhum ? La ten- trouvé pour la plupart d’entre
tation est grande d’en eux un sponsor. Au vu du
reprendre une lampée. grand nombre d’annon-
Quand près de 2 mil- ceurs à avoir joué le jeu,
lions de passionnés ce dernier en vaut la
viennent assister au chandelle. Dans le
départ de la Route du Grand Ouest, les PME
Rhum, seuls ou en fa- sont légion, surtout
mille, leur migration se traduit qua- dans l’agroalimentaire.
Loic Venance / AFP

siment 300 000 réservations de nui- Leurs dirigeants se sont

Pierre Bouras

tées dans la région de Saint-Malo tous procuré la même

(Ille-et-Vilaine). Alors, même si la étude marketing qui dé-
ville consent plus de 1 million d’eu- montre que la voile et le uuu

120  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

LA MONTRE GPS MARINE
DE RÉFÉRENCE

QUATIX® 7
Luxes nautisme
uuu cyclisme sont les deux meil-
leurs vecteurs pour les marques.
Cela tombe bien, parce qu’entre la
voile et les Bretons c’est vraiment
une affaire de cœur. Et entre les
Bretons et les « voileux », on n’est
jamais loin non plus du cœur des
affaires.
En mer, la Route du Rhum-
Destination Guadeloupe demeure
certes une épreuve légendaire, avec
son alternance de tragédies (avec

deux disparitions en mer cette an-
née) et de grandes joies (la victoire
de Florence Arthaud, le triomphe de
Gitana, les records de traversée ré-
gulièrement pulvérisés). Mais à
terre s’active une entreprise à part
entière. Elle est gérée par un groupe
de presse, breton comme il se doit,
Le Télégramme, à travers sa filiale
Pen Duick. Une autre entité du
groupe, Rivacom, s’occupe de la
communication d’une majorité de
coureurs, quand elle ne prend pas
aussi en charge les relations pu-
bliques de leurs sponsors.
Photos : SP
X-YACHTS 4.3 
Croisière chic et rapide
Le chantier naval danois, spécialiste des
voiliers de course-croisière d’excellente
facture a redonné un coup de jeune à son
best-seller en adoptant un dessin moderne, plus de performance. Du sérieux
inspiré des designers italiens. Pour le reste, et de l’élégant, en somme. 
que du beau classique : une cabine à la Constructeur : X-Yachts (Danemark).
finition irréprochable faite pour durer. Du L × l : 12,5 × 3,95 m. Poids : 8,85 t.
côté des appendices, une quille profonde Voilure : 97 à 201 m2.

Q
(2,10 mètres) avec un lest en plomb pour Prix de base : 462 121 euros.
uelle que soit la conjonc-
ture, ces derniers ré-
pondent présent, car ils
savent que le départ du
Rhum est l’occasion unique
de voir (un futur client, un
éventuel partenaire) et
d’être vu (par un talent à recruter,
ou qui sait, par le président de la
République…). Depuis vingt ans, le
village du Rhum a pris des allures
de Davos armoricain, doublé d’un
salon des entrepreneurs, d’un gi-
gantesque job dating sur fond de
raout mi-mondain mi-business. Le
jour du départ, the place to be est le
navire amiral de la Brittany Ferries.
A son bord embarquent toutes les
sommités régionales et nationales.
Sinon, l’autre solution est de se
faire inviter par un partenaire,
puisque chaque sponsor affrète une
vedette depuis laquelle on savoure
alors les minutes de publicité gra-
tuite offertes par les télévisions qui BIRDYFISH 
filment généreusement les voiles
décorées des logos reproduits en Le vol à portée de bourse
format XXL. Il n’en demeure pas
La longueur de d’engin est un beau symbole : dans la catégorie. Avec ses trois foils très
moins que le large en solitaire de- 4,70 mètres fut longtemps celle du dériveur- stabilisants, il s’élève au-dessus de l’eau dès
meure une aventure humaine et type pour goûter à la voile sportive le 8 nœuds de vent et de vitesse. Grisant !  
sportive, ce qui explique que ces dimanche comme aux JO. Le BirdyFish, né Constructeur : BirdyFish (France).
rendez-vous soient prisés du public, d’une envie d’une bande de copains nantais L × l : 4,70 × 1, 88 m. Poids : 135 kg.
qu’ils aient lieu tous les quatre ans d’en concevoir un qui vole, à prix raisonnable Voilure : 14/20 m2. Vitesse maxi : 23,7 nœuds.
ou tous les deux ans. F. L. B. et tout public, apporte un vent de fraîcheur Prix : 22 800 à 25 000 euros (version régate).

122  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

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Rene van Bakel

Manège d’hiver de la Hofburg, à Vienne. Chevaux et cavaliers se produisent les samedis matins dans
cet impressionnant décor baroque, orné de colonnes corinthiennes et d’imposants lustres de cristal.

Ecole espagnole d’équitation de Vienne

L’élan des
lipizzans
Par Anne-Marie Rocco

Ces gracieux étalons à robe blanche se produisent à Paris dans

un ballet aussi rare que magique. Une institution viennoise qui puis plus de 450 ans, que l’Unesco a
perpétue une équitation d’apparat codifiée il y a plus de 450 ans.

D
inscrite en 2015 sur sa liste du patri-
moine immatériel de l’humanité.
Courbette, cabriole, croupade, qua-
ans les coursives leur écuyer. Dans cette salle au drille constitué de huit cavaliers et
du manège d’hiver décor baroque, ornée de colonnes cavalières qui se croisent et s’entre-
de la Hofburg, corinthiennes et d’imposants lustres croisent avec grâce : les figures s’en-
l’ancien palais des de cristal, on croirait sentir comme chaînent, plus époustouflantes les
Habsbourg à un souffle d’éternité. unes que les autres, sur fond de mu-
Vienne, le public Il est rare de pouvoir assister à de sique classique tantôt martiale, tan-
retient son souffle. telles représentations ailleurs que tôt romantique, avec pour final la
Il attendait, parfois dans la capitale autrichienne, où est célèbre Marche de Radetzky de Jo-
depuis des mois, né cet art équestre, quintessence de hann Strauss, comme au concert du
de pouvoir assister l’esprit viennois et peut-être der- jour de l’An. L’excellence et l’appa-
au spectacle offert nière trace vivante de l’Autriche- rat. De longues années sont néces-
par les merveilleux Hongrie, cet empire démantelé saires pour parvenir à un tel degré
lipizzans et leurs cavaliers, unis dans en 1918. Début janvier, le public d’achèvement, mais l’entraînement à
un même travail de rigueur, de pure- parisien pourra assister à deux re- lui seul ne suffit pas. Car l’homme
té et de perfection. Avec ferveur, les présentations exceptionnelles de (ou la femme, depuis 2008) et sa
spectateurs admirent le ballet des l’Ecole espagnole d’équitation de monture doivent aussi prendre le
étalons dont on devine la fougue Vienne, qui ne s’était pas déplacée à temps de se connaître, de s’évaluer,
maîtrisée et qui semblent danser sur Paris depuis 2011. L’occasion de de se comprendre, de s’apprécier
le sable doré sous la direction de découvrir une tradition codifiée de- mutuellement. C’est essentiel.

124  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Le lipizzan et son écuyer
effectuant une cabriole.
Un travail de rigueur et
de pureté unissant les deux
partenaires, fruit de longues
années d’entraînement.

Rene van Bakel

Rudolf Rostek, Cela fait partie de la tradition et de homme de 47 ans, dont près de 32
chef écuyer notre philosophie. » Deux heures consacrées à l’école. « J’ai eu de la
de l’Ecole avant le spectacle du samedi matin, chance d’arriver au moment où il y
espagnole.
Entré dans
dans un salon-musée orné de ta- avait plusieurs départs à la retraite
l’institution voilà bleaux anciens représentant (évi- et où l’on cherchait des jeunes »,
trente-deux ans, demment) des chevaux, le chef admet Rudolf Rostek, dont le travail
il a commencé écuyer a fière allure, sa veste brune à consiste à « veiller à l’entraînement
comme tous double rangée de boutons en laiton des chevaux et des jeunes écuyers,
les élèves par bien ajustée sur son thorax, son long créer les emplois du temps de mes
travailler dans
les écuries
manteau marron jeté sur le canapé, collègues et organiser les tournées ».

L
et nettoyer son bicorne noir orné d’un ruban
les boxes. doré posé sur la cuisse. Un équipe- es places sont comptées :
ment que complètent une culotte cette année, sur 70 postu-
de daim beige (« confortable »), de lants, trois seulement ont
Rene van Bakel

« Nous devons établir une base de
confiance entre l’écuyer et le cheval,
souligne Rudolf Rostek, chef écuyer
de l’école, dont le regard pétille dès
qu’il évoque son noble partenaire.
hautes bottes de cuir noir et une ba-
guette de bouleau que chaque écuyer
doit cueillir lui-même durant sa for-
mation pour lui servir de gaule.
« J’ai toujours aimé les chevaux,
même si jusqu’à l’âge de 12 ans j’ai
plutôt pratiqué le football et le ten-
nis, et mes parents m’ont encouragé
à suivre cette voie », raconte cet
été recrutés comme élèves.
« Beaucoup de jeunes posent
leur candidature en ignorant tota-
lement ce qu’est le travail avec les
chevaux », constate le chef écuyer.
Un parcours exigeant, où l’on pro-
gresse pas à pas, en commençant
par travailler dans les écuries et net-
toyer les boxes des chevaux, uuu

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  125

 Luxes création
Gabriele Boiselle
Au haras de Piber, en Styrie (Autriche). Jusqu’à ses 2 ou 3 ans, le lipizzan a
un pelage foncé, avant d’acquérir sa robe blanche caractéristique à l’âge adulte.
uuu dans l’espoir d’intégrer un
jour l’équipe des quinze cavaliers et
cavalières titulaires : le Graal. Si
l’Ecole espagnole d’équitation de
Vienne fait autant rêver, c’est en rai-
son de la longue tradition qu’elle a
réussi à perpétuer, malgré les
guerres durant lesquelles les lipiz-
zans ont été convoités, divisés en
plusieurs troupeaux, bannis de
Vienne, puis réintégrés après 1945
grâce au général Patton.
Mais c’est surtout en raison de l’ex-
traordinaire pouvoir de séduction
S
de ces chevaux, qui naissent avec
un pelage foncé qu’ils perdent vers
2 ou 3 ans pour devenir d’un blanc
immaculé en arrivant à l’âge adulte.
« Leurs grands yeux noirs sont très
expressifs, détaille Andreas Haipl,
le chef d’écurie, qui les aime d’un
amour profond. Leurs naseaux
sont aquilins, le chanfrein est droit
et équilibré, l’encolure longue et
élancée. » Et d’ajouter avec ten-
dresse : « Ils sont affectueux, très
intelligents et recherchent l’être
humain. » Sur les hauteurs de la
Styrie, où se trouve le haras de Pi-
ber, il faut avoir vu leur troupeau
surgir de la brume à flanc de mon-
tagne pour comprendre la noblesse
de cette lignée et la fascination
qu’elle exerce sur l’homme.
Si à l’origine, en 1572, le manège
Rene van Bakel
créé par l’empereur Maximilien II
était constitué exclusivement de
chevaux d’origine espagnole, prove-
nant du haras royal de Bohême, le
troupeau a été installé en 1850 à
126  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
Lipica, village aujourd’hui situé en
Slovénie, qui a donné son nom aux
chevaux blancs, la race d’origine
ayant été croisée avec des chevaux
indigènes du haut-plateau du Karst.
« Depuis le début, nous avons tous
les registres de pedigree, ce qui
nous permet d’avoir une vue d’en-
semble et de déterminer ceux qui
pourraient intégrer l’école », ex-
plique fièrement le directeur du ha-
ras, Erwin Movia. Ce pedigree per-
met de retracer toute leur généalogie
sur 500 ans, précise-t-il.
ous sa houlette vivent une
centaine de juments, dont la
moitié met bas chaque année,
ainsi que les poulains qui
restent avec leurs mères
avant de partir galoper, pendant la
belle saison, sur des terrains d’alti-
tude situés à plus de 1 700 mètres,
jusqu’à l’âge de 4 ans. Les anciens
prennent aussi leur retraite dans ce
Erwin Movia, directeur du haras de Piber. Ici, les chevaux ont
tous un pedigree qui retrace leur généalogie sur 500 ans.
Rene van Bakel
Lipizzans du haras. La race, d’origine espagnole, a été croisée
depuis 1850 avec des chevaux du haut-plateau du Karst.
A SUIVRE coin de montagne, à l’âge de 25 ans,
une fois terminée leur carrière de
L’Ecole de Vienne stars de l’art équestre. L’Ecole pos-
à Paris, sède au total 287 de ces chevaux
samedi 7 janvier
à 20 heures exceptionnels, répartis entre le ha-
et dimanche ras de Piber, le centre d’entraîne-
8 janvier à ment de Heldenberg, installé à une
16 heures.
Paris La
cinquantaine de kilomètres de la
Défense Arena, capitale, et à Vienne même, où sé-
99, jardins journent en permanence 70 che-
de l’Arche,
92000 Nanterre.
vaux, qui changent tous les deux
A partir de mois afin d’alterner labeur intense
45,50 euros. et vie en plein air.
Informations : « J’ai travaillé avec beaucoup de
www. chevaux, et tous me tiennent à
parisladefense-
arena.com cœur, sourit Rudolf Rostek. Peu
importe si certains ont un carac-
tère un peu difficile alors que
d’autres sont plus détendus, il faut
donner sa chance à chacun. » Un
peu de sport et de méditation avant
chaque spectacle pour le cavalier :
chacun sa méthode pour aborder
une représentation comme celles
qui doivent se tenir à Paris. Le cheval
aussi a besoin d’une petite prépara-
tion psychologique. « Cela dépend
de sa personnalité, remarque le chef
écuyer. On peut lui donner un mor-
ceau de sucre – mais certains ont
besoin d’en avoir trois –, le toucher
avant le spectacle, passer du temps
avec lui, se promener un peu : il
faut le motiver. » Et tout faire pour
tendre vers ce but unique, « présen-
ter un spectacle parfait ». •
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130  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
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ZIMMERMANN
Structuré
Ce modèle signe le grand retour des
cheminée et à manches bouffantes
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la taille pour un effet sophistiqué.
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CELINE
Habillé
A la fois stricte et ultra contemporaine,
voilà une réinterprétation du typique
manteau droit de ville. Et tout
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et ses six boutons sur le devant.
Manteau en drap de laine par Hedi Slimane.
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JEAN-PHILIPPE NUEL

Cinétique
La maison d’édition Saintluc a fait du composite
de lin son matériau fétiche. Le studio Jean-Philippe
Nuel a conçu pour elle une gamme d’assises où
figure ce tabouret, dont la coque à la forme fluide
évoque un drapé de tissu en mouvement.
Tabouret Hamac. Coque en biocomposite de lin, piètement Mobilier en lin
en noyer. Dimensions (H x L x P) : 96 x 54 x 49 cm.

Fibre
Prix : 2 891 euros. www.saintluc.fr

écolo STUDIO JUAM

Par Bertrand Fraysse

Acoustique
Le studio Juam a conçu ces paravents
pour Cider Edition. Leur spécificité tient
au tissu composite utilisé, le Varian.
Traçable, Associant fibre de lin et résine végétale
biodégradable biosourcées, il garantit en outre une
excellente isolation phonique.
et renouvelable, Paravents Gommette. Ecran en Varian,
cette matière séduit support en acier laqué. Deux dimensions
(H x L) : 200 x 100 cm et 130 x 120 cm.
par ses vertus Prix : 2 216 euros et 1 827 euros. www.cider.fr
environnementales.
Intégrée dans la
fabrication de
composites, elle offre
aux designers un autre
terrain de jeu.

NOÉ DUCHAUFOUR-LAWRANCE

Authentique
Formée de deux plateaux superposés, cette table basse a été dessinée pour
Saintluc par Noé Duchaufour-Lawrance. Elle met en valeur les qualités de
la fibre de lin, matériau chaleureux aux couleurs et irrégularités naturelles.
Table Duales. Plateau en fibre de lin, piètement en chêne massif.
Dimensions (H x L x P) : 42,5 x 110 x 110 cm. Prix : à partir de 3 094 euros. www.saintluc.fr

JEAN-MARIE MASSAUD

Ergonomique
Photos : Francesco Stragapede - SP

Avec ce fauteuil aux lignes enveloppantes, Jean-Marie

Massaud a voulu créer un nouveau classique,
aussi respectueux de l’environnement – avec
sa structure en matériau composite biologique –
que du confort de son utilisateur.
Fauteuil Coach 03. Coque en composite de fibre de lin et
résine organique, base en noyer. Dimensions (H x L x P) :
75 x 92 x 84 cm. Prix : à partir de 4 207 euros. www.saintluc.fr

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  131

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Boîtier : or blanc. Diamètre : 37,5 mm. Boîtier : or blanc. Diamètre : 37 mm.
Mouvement : remontage manuel. Mouvement : remontage automatique.
Réserve de marche : environ 40 heures. Réserve de marche : environ 40 heures.
Sertissage : 795 diamants Sertissage : 545 diamants
pour un total d’environ 4,8 carats. pour un total d’environ 4,46 carats.
Bracelet : alligator. Bracelets : veau satiné et alligator.
Prix conseillé : 89 500 euros. Prix conseillé : 130 000 euros.

Egérie Phase de Lune.

Référence : 8005F/000R-B958.
Boîtier : or rose. Diamètre : 37 mm.
Mouvement : remontage automatique.
Réserve de marche : environ 40 heures.
Sertissage : 94 diamants
pour un total d’environ 1,1 carat.
Bracelets : alligator, veau satiné
et agneau matelassé.
Prix conseillé : 41 000 euros.

Vacheron Constantin

Pierres
de lune
Photos : SP

Par Bertrand Fraysse

L
a collection Egérie puise
son inspiration dans
l’univers de la haute couture
et manifeste l’incomparable
savoir-faire de Vacheron
Constantin en matière de métiers
d’art. La nouvelle Egérie Creative
Edition rend ainsi hommage au
travail des dentellières de la petite
île de Burano, près de Venise.
Ciselé à l’image d’une dentelle,
son cadran fait appel à plusieurs
techniques délicates, comme
le guillochage du motif « plissé »
de son fond noir ou le sertissage
« grain » des diamants qui
l’illuminent. De même, l’art de
l’émaillage s’exprime dans le
guichet excentré de la phase de
Lune, où l’astre nocturne apparaît
sous un nuage translucide en émail
« plique-à-jour ». Une phase de
Lune équipe aussi deux autres
nouveaux modèles de la maison
genevoise : une élégante Egérie
automatique au cadran opalin
taupe, où l’on retrouve le motif
plissé, et une spectaculaire
Traditionnelle dont le cadran,
la lunette, la carrure, les cornes et
la couronne sont entièrement
couverts de diamants, scintillant
comme autant d’étoiles.•

132  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 destination
Le salon-bibilothèque et la suite
Junior Grande (en bas). Au
rez‑de‑chaussée, les fauteuils
et les canapés s’habillent
de violet. Dans les chambres,
les très british cheminées
ont été conservées.
I
nauguré en 2018, l’hôtel Oscar
London est situé entre le Bri­
tish Museum et Covent Gar­
den, le quartier des théâtres.
Il s’abrite derrière une élé­
gante façade de style néo­
baroque. A l’aube du xxe siècle, il a
accueilli le siège de l’Eglise baptiste
d’Angleterre. Une chapelle, coiffée
d’une coupole octogonale, témoigne
encore de cette vocation première.
Shocking : elle a été transformée en
bar ! La décoration de l’hôtel a été
confiée à Jacques Garcia.
Les paons qui se pavanent en liberté
sur les pelouses de Holland Park
l’ont­ils inspiré ? Les chambres dé­
clinent les couleurs de leur plu­
Photos : La Réserve Genève/Grégoire Gardette
mage, les têtes de lit reproduisent le
magnifique gallinacé dans son meil­
leur rôle : la roue. Clin d’œil au
passé des lieux, dans chacune d’elle
est placé un prie­Dieu. Les chemi­
nées d’époque, couvertes de céra­
miques colorées, sont peut­être le
seul élément résolument british…
Au restaurant, aménagé au rez­de­
chaussée, la teinte violette domine,
L’Oscar London
Pièce
maîtresse
Par Sophie Massalovitch
Près de Covent Garden et ses
théâtres, cet hôtel joue les premiers
rôles dans un décor de Jacques
Garcia. Une élégance de dandy
qui rend hommage à Oscar Wilde.
1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765 
des sièges de velours aux rideaux
de taffetas. Des miroirs tapissent le
plafond et réfléchissent la lumière
dans cet espace où sont servis les
petits déjeuners. Plaque tournante
de l’établissement, il permet de pro­
fiter, à travers ses hautes fenêtres,
du spectacle de la rue tout au long
de la journée.
Tout près, se déploie le quartier de
Bloomsbury, qui était cher à Virginia
Woolf, dont les portraits ornent le
salon­bibliothèque. Dans la direc­
tion opposée s’alignent les théâtres.
D’où le nom de l’hôtel, hommage au
dramaturge Oscar Wilde. L’été der­
nier, L’Oscar London a rejoint le
groupe Michel Reybier Hospitality.
Le rappellent discrètement les papil­
lons exotiques exposés en rangs ser­
rés dans une vitrine, comme à l’hôtel
La Réserve de Genève, également
décoré par Jacques Garcia. •
L’Oscar London. 2‑6, Souhampton Row,
Londres. Tél : + 44 (0) 20 74 05 55 55.
39 chambres et suites. A partir de
594 euros la nuit. Bar et restaurant.
www.loscarlondon.com
133
 Luxes vins de fêtes

Le champagne
coule à flots

H
eureux comme un Champenois
dans ses vignes. Des vendanges
2022 exceptionnellement
ensoleillées avec des raisins
sains pour un rendement de
12 000/ha (les quantités récoltées
au-delà, jusqu’à hauteur de 16 500 kg/
ha peuvent servir à la reconstitution
de la réserve), un marché dynamique
malgré les incertitudes de la situation
économique… Tous les acteurs du
marché ont la baraka. De janvier
à août 2022, les expéditions sont
supérieures de 9,2 %, et sur douze
mois glissants, de 14,7 %. Bien sûr,
l’augmentation des prix des matières
sèches (verre, carton, etc.) et de
l’énergie a un impact significatif sur
les coûts. « Mais elles n’entrent qu’à
hauteur de 20 % de la valeur d’une
bouteille de champagne, modère le
propriétaire d’une maison familiale
de Damery (350 000 bouteilles),
le raisin représentant 80 % du
prix de revient. Et le prix du
champagne a augmenté de 15 %
sans que le marché fléchisse,

Fêtes
Fêtes
bien au contraire. » Les maisons
et vignerons les plus cotés
contingentent leurs ventes
(c’est-à-dire fixent des quotas par
distributeurs de leurs marques) afin
de satisfaire le plus grand nombre.
Au pays de la bulle, on se demande
juste combien de temps une
situation aussi favorable pourra
perdurer ! G.M.

en
Rédaction en chef :
Caroline Brun,
Agence Forum News.
Science Photo Library - AFP

Dégustations & rédaction :

Gérard Muteaud

134  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Alfred Gratien Passation 2008

Champagnes pour les repas

Superbe trilogie Memory 97, 98 et 99 de la maison d’Epernay, des
champagnes mâtures rendant hommage aux grands millésimes
champenois et à la capacité de vieillissement des vins. Il faut
casser sa tirelire pour cette rareté : entre 350 et 395 euros le
flacon. Vinifiée en fûts bourguignons, la cuvée passation 2008 en
magnum, d’une insolente fraîcheur, s’affirme sur des notes iodées
et citronnées prometteuses d’un bel accord avec un turbot grillé et
sa mousseline aux agrumes. 435 euros le magnum.

Billecart-Salmon
cuvée Louis Salmon 2008
L’élégante maturité de ce pur
chardonnay n’a pas entamé sa pureté
minérale, tout juste lui confère-t-elle
des accents complexes de fruits jaunes
et d’agrumes. Elevé pour un tiers en
fûts de chêne, il conserve son caractère
cristallin et offre une sensation tactile
des plus délicieuses. Un péché auquel
il vous sera pardonné de succomber.
Servir sur un foie gras mi-cuit au
torchon et sa confiture de figues ou un
ris de veau en cocotte. 160 euros.

Notre guide Bollinger Grande Année

rosé 2014
des plaisirs On ne débouche pas tous les jours
une telle bouteille. Question de
moyens, mais aussi de circonstances.
Malgré le contexte Symbole de raffinement, ce rosé
économique et élevé en fûts est une plongée dans
les fragrances fruitées (framboise,
international, fraise des bois, cerise…) et épicées
les Français ont du pinot noir dans un vin épanoui à
bien l’intention de la texture crémeuse. Une cuvée bâtie
pour accompagner des mets raffinés,
célébrer les fêtes comme un homard grillé au beurre
de fin d’année. Les d’agrumes, et être partagée avec un
être de qualité. La suite ne nous
ventes de champagnes

vue
regarde pas. 187 euros.
s’annoncent record, et
les bons vins ne seront
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

pas en reste.

Boizel Grand Vintage 2013

Huit ans de vieillissement en cave pour cette cuvée épanouie,
riche et gourmande dont les notes briochées se mêlent à
celles d’orange confite et de pâte de coing. La texture soyeuse
et la fraîcheur de cet assemblage de pinot noir (60 %) et
chardonnay, s’accordent à merveille avec, par exemple, un lieu
maturé et sa farce d’épinard au jus de volaille concocté par le
chef Julien Boscus (Origines). 56 euros.

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  135

Champagnes pour les repas Luxes vins de fêtes

Cattier Meunier Lallier Ouvrage De Saint-Gall

premier cru grand cru 2015 Orpale 2002
2016 magnum zéro dosage
Les cuvées 100 % Assemblage de 60 % de De la craie ? Les quatre
meunier prennent de pinot noir d’Aÿ et de 40 % villages classés « grands
l’essor en Champagne, de chardonnay d’Oger, crus » de la Côte des Blancs
salutaire réhabilitation vinifié pour partie en n’en manquent pas : Le
de ce cépage que tout le pièces bourguignonnes, Mesnil-sur-Oger, Oger, Avize
monde utilise mais puis « tiré sous liège » (on et Cramant. Un terroir qui
auquel on prête une ajoute de la liqueur de permet au chardonnay de
moindre capacité de tirage, addition de sucre et révéler son éclat. Ce bel
vieillissement. Ce 2016 de levure, au vin tranquille exercice de style de la
nous montre qu’il n’est pour provoquer marque d’Union
jamais meilleur qu’après l’effervescence en Champagne livré sans
quelques années. Pur et bouteille), cette cuvée est dosage révèle la dimension
gourmand, sur des notes la parfaite synthèse de ce minérale, sa salinité et sa
d’agrumes confits et que souhaite développer fraîcheur. Le caractère
fruits exotiques, il évolue en bouche sur une Dominique Demarville, nouveau chef de cave solaire du millésime et vingt ans de
saveur de pâte de fruits et de réglisse. Belle et directeur général de la maison rachetée il y vieillissement apportent des notes de citron
alliance avec un rouget à la sauce verjutée a deux ans par Campari. Un vin complexe aux confit évoluant en bouche sur l’amande, le
signée Alain Pégouret, le chef du Sergent arômes briochés et fruités (abricot), doté tabac blond et le pain chaud. Langouste,
recruteur, à Paris. 99 euros. d’une subtile vinosité. 150 euros le magnum. homard et barbue seront de la fête. 150 euros.

William Deutz Nicolas Feuillatte Christian Gosset

2013
Formidable plongée dans
l’œnothèque de la maison
Deutz (groupe Roederer)
couvrant les millésimes
1988 à 2002, la crème des
cuvées William Deutz et
Amour de Deutz
(7 000 bouteilles) étant
réservée à une centaine
d’établissements de luxe.
Le commun des mortels se
consolera aisément avec le
William Deutz 2013, un vin
au potentiel impressionnant
bâti sur le pinot noir (77 %), dont la richesse
aromatique (fruits jaunes, coing, mirabelle…) et
la fraîcheur s’apprécieront sur un émincé de
vitello tonnato à l’italienne. 145 euros.
blanc de noirs
grand cru 2012
La marque numéro un du
groupe Terroirs & Vignerons
de Champagne, qui
rassemble quelque
6 000 vignerons et près de
3 000 hectares, peut
sélectionner dans ses
approvisionnements les
raisins des meilleurs terroirs,
comme cette cuvée de pinot
noir ample et minérale
déroulant des arômes de
fruits rouges et des notes épicées (poivre blanc,
gingembre) et de pain grillé. Un vin qui
s’accordera aussi bien avec un risotto aux
girolles qu’une côte de veau aux échalotes,
thym et citron. 49 euros.
La Cheminée Aÿ
grand cru 2018
Ce blanc de pinot noir issu
d’une parcelle en haut de
coteaux d’Aÿ a été vinifié le
plus naturellement possible
en fûts de chêne. Très
faiblement dosé (1 g/l), il
dévoile de gourmandes
notes pâtissières, d’amande
et de fruits cuits. Puissant et
dense, il offre une texture
chaude et une couleur
automnale sur des arômes
de quetsche et de mirabelle. Parfait pour
accompagner des ris de veau ou un fromage
d’Epoisses. 62 euros.

Tribaut-Schloesser Bruno Paillard Abelé 1757

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

Authentique blanc de blancs 2013 blanc de blancs

extra-brut 2010 Elaboré à partir de la première Un chardonnay plein
presse de grands crus de d’esprit, séduisant par ses
Construite sur la vinosité du
chardonnay de la Côte des notes fleuries et ses
pinot noir (80 %) rafraîchie
Blancs, voilà un vin fin, pur et arômes fruités, où l’on
par 20 % de chardonnay, cette
dynamique, aux arômes floraux retrouve pêche blanche,
cuvée dotée d’une réelle
et de pêche blanche. Son poire et pomme
complexité et d’une belle
attaque cristalline se prolonge granny-smith. Sa fraîcheur
amplitude ravit par sa délicate
sur une texture fondue et crayeuse et sa finale sur
effervescence et ses notes
délicate. Servir sur une lotte au les agrumes appellent un
briochées. Un magnifique vin
gingembre, citron vert et lait de plateau d’huîtres ou un
pour accompagner des
coco ou des langoustines carpaccio de mulet noir.
saint-jacques snackées aux
poêlées flambées au whisky 108 euros le magnum.
agrumes ou un turbot au
tourbé. 89 euros.
beurre blanc. 80 euros.

136  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Luxes vins de fêtes
Champagnes apéritifs
Colin La Croix
Saint-Ladre 2016
Vieilles vignes de chardonnay,
plantées sur des veines de craie
du terroir de Vertus, cette cuvée
vieillit quatre ans sur lies.
Question : faut-il servir ce vin à
l’apéritif ou pendant le repas ?
Réponse : les deux, mon
général ! Car ses notes
d’agrumes orangés, sa fraîcheur,
sa finesse et sa souplesse
s’accordent aussi bien avec un
foie gras qu’avec un curry de
lotte. Il suffit
d’essayer. 56,70 euros.
Duval-Leroy
blanc de blancs
grands crus
Cette cuvée est un peu la
synthèse de ce que l’on attend
d’un pur chardonnay issu des
meilleurs crus : jouer les
équilibristes entre fraîcheur et
souplesse, entre vivacité et
onctuosité, entre élégance et
profondeur. Ce grand classique
de la maison Duval-Leroy en
coche toutes les cases.
50 euros.
Charpentier Terre
d’émotion brut Vérité
(biodynamie)
Un véritable coup de cœur pour
ce brut finement dosé, où
l’association chardonnay
majoritaire (70 %), pinot noir et
meunier forme un assemblage
idéal : la pureté le dispute à la
précision. Fin et gourmand, il
laisse apprécier ses notes
d’agrumes et de poivre blanc et
sa minéralité rafraîchissante.
Pour accompagner un apéritif
gourmand avec rillettes de thon
et carpaccio de saint-jacques
aux baies rouges. 38 euros.
138  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
Drappier
Le champagne
en héritage
A Urville, dans l’Aube, trois générations vivent sous le
même toit… Et dans le même chai. Avec bonheur.
L
e grand-père André, 96 ans,
Charline, sa petite-fille, 33 ans,
son frère Hugo, 31 ans, le pe-
tit dernier, Antoine, 28 ans,
attaché au vignoble et au tra-
vail de la terre avec sa jument Aster.
Et au milieu, Michel, 64 ans, et son
épouse, Sylvie, qui ont fait du do-
maine d’Urville repris en 1989 l’un
des plus réputés de l’Aube. Soit un vi-
gnoble de 63 hectares, dont plus de la
moitié certifiée bio, et ses 5 hectares
de cépages anciens (arbane, petit
meslier, fromenteau, pinot blanc…).
Labours au cheval, composts natu-
rels, diminution des rendements, vi-
nification parcellaire, élevages plus
longs, retour en force des barriques
en bois de chêne, réduction du soufre
et du sucre dans les vins avec deux
« bruts nature » (blanc et rosé), neu-
tralité carbone : chez les Drappier, la
protection de l’environnement n’est
pas une posture. Certes, comme tous
les propriétaires ayant développé
avec talent leur entreprise, Michel
râle contre les droits de succession,
qui transforme en casse-tête le pas-
sage de témoin. Mais, en homme ré-
fléchi, il a déjà transmis le domaine
à ses enfants : en douceur et avec
une entière confiance en leur talent,
les laissant à leur tour mener leurs
expérimentations et imaginer leurs
Drappier
propres cuvées. Les anciens, parents
et grands-parents, sont plein d’admi-
ration devant la jeune génération. Une
pétillante bienveillance circule entre
les membres de la famille, comme les
bulles dans une coupe. La singulari-
té des champagnes Drappier réside
dans cette recherche constante d’har-
monie, aussi bien dans la culture de la
vigne et l’élaboration du vin qu’entre
les membres de la famille. Une vibra-
tion que l’on retrouve dans le verre au
moment d’y tremper les lèvres. G. M.
Grande Sendrée
2012
Issue des vieilles vignes
d’une petite parcelle
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
(55 % de pinot noir et
45 % de chardonnay), un
tiers en foudre de chêne,
finesse et puissance
aromatique, notes
d’agrumes confits, finale
saline. 89 euros.
Brut nature en magnum
100 % pinot noir, pas de sucre ajouté, un
peu de soufre, élevage de trois ans après
neuf mois en cuve, du fruit (pêche de
vigne, pâte de coing…), tendu et pur.
81 euros.
 Luxes vins de fêtes

Philippe Schwentzel
Conte de Noël
Naissance de
la maison Bonvalet
Inventer une maison de champagne quand on ne
possède ni vigne, ni capital, ni même un réseau
solidement implanté, c’est le défi relevé par Pauline
et Guillaume Bonvalet près d’Epernay.

C
réer ex nihilo une mai-
son de champagne est
une gageure : immobili-
sation de capitaux liée à
la durée de vieillissement
des vins sur lies, rareté
du raisin que les grandes
marques s’arrachent à
prix fort (plus de 7 euros le kilo),
difficulté de décrocher le sésame
du Comité interprofessionnel du
vin de Champagne (CICV)… Pas
de quoi stopper toutefois Pauline
et Guillaume qui ont donné vie à
leur projet, entamé en 2014, grâce
à l’appui d’un vigneron chez lequel
il a été possible de vinifier leurs
premiers raisins. « A l’époque, mon
bureau était dans ma voiture, qui
servait aussi pour les livraisons »,
dit en souriant Guillaume, bientôt
Champagnes apéritifs
rejoint par son épouse, ancienne
de L’Oréal. Lui s’est formé (école
de commerce et Saint-Cyr) en pas-
sant ses étés à travailler chez les
négociants puis comme commer-
cial de grandes maisons, comme
Taittinger et Laurent-Perrier, avec
toujours un pied dans les caves. En
2017, le couple décide de passer à
l’étape suivante : devenir « négo-
ciant-manipulant » (il achète son
raisin, l’élève et le met en bouteilles
sous sa propre marque), soit un
investissement de 3 millions d’eu-
ros. Avec, dès le départ, la création
d’une unité de production à Pierry,
au sud-ouest d’Epernay, compre-
nant, d’un côté, l’unité de vinifi-
cation du champagne capable de
produire 200 000 bouteilles et, de
l’autre, une distillerie ultra-moderne

Pierre Gimonnet Henriot Lebrun de

& Fils Œnophile L’Inattendue 2016 Neuville
non dosé 2017 Un mono-cru (Avize), extra-blanc
mono-cépage (chardonnay)
Chouilly, Cramant, Cuis Un pur chardonnay de la
mono-millésime de haute
pour l’essentiel avec une Côte de Sézanne sur une
volée : la cheffe de cave,
pincée d’Oger et de base de récolte 2016 avec
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

Alice Tétienne, aime mettre

Vertus : les chardonnays 50 % de vins de réserve.
en avant sa précision
sont là, purs et tendus Dosé en extra-brut et vieilli
aromatique où dominent la
après un vieillissement de cinq ans sur lies, il déroule
minéralité et les agrumes.
quatre ans. Le vin est non de fines notes citronnées et
Toute la grâce des grands
dosé pour conserver toute de noisette fraîche sur une
chardonnays de la Côte des
sa fraîcheur. Il claque sur pointe d’anis. Souple et
Blancs auxquels le
la langue avec ses notes crémeuse en bouche, sa
vieillissement sur lies
citronnées et appelle un finale élancée et crayeuse
apporte complexité et
plateau d’huîtres de Bélon s’accordera avec un ceviche
texture soyeuse. Mariage
et ou de spéciales de dorade ou une poêlée
de raison avec un carpaccio
Marennes-Oléron. de langoustines à l’huile
de saint-jacques aux fruits
55 euros. d’olive et aux graines de
de la passion. 110 euros. fenouil. 36 euros.

140  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

afin d’élaborer fine, ratafia et vodka
premium à partir d’aignes (matières
solides restant après le pressu-
rage du raisin) issues de la viticul-
ture biologique. « Convaincre les
banques n’a pas été le plus facile,
explique Guillaume. Nous n’avions
que 150 000 euros d’économies à
mettre sur la table. » Mais le tandem
finit par y arriver, et le CIVC, grâce à
l’appui notamment de la famille de
Nonancourt où Guillaume a travail-
lé, leur accorde une carte provisoire
de négociant-manipulant. « Nous
avons déjà vendu 65 000 bouteilles
sur les 80 000 produites pour ce
premier exercice. Les 15 000 res-
tantes devraient s’envoler d’ici à la
fin de l’année. » G. M.

Cuvée Horae
Millésime 2014 premier cru
extra-brut. Intense et généreux,
notes beurrées et grillées, pâte de
coing. 35 euros.

Cuvée Epopée
En extra-brut, tonique et souple aux
arômes de poire. 25 euros.

Cuvée Kosmos
Un 100 % chardonnay floral et
délicat aux toniques notes
d’agrumes. 28 euros.

Lenoble Intense
Mag 14
Cette cuvée se veut le nouvel
ADN de la maison de Damery
dont les vins de réserve
conservés en magnum bouchés
liège représentent 40 % sur une
base de vendange 2014
(meunier à 50 %, pinot noir à
30 % et chardonnay à 20 %).
Récemment dégorgé, plein de
la fougue de l’adolescence, ce
champagne voit ses notes de
fruits blancs et jaunes et sa t
fraîche salinité en fin de bouche
plébiscitées. Parfait pour un
apéritif gourmand accompagné
LA SENSATION BB
de crevettes grises au pain
complet et beurre salé et de
coques en stock. 140 euros le
magnum.
Vins tranquilles Luxes vins de fêtes

Aux grands mets

les jolis crus

A
repas de fêtes, beaux produits et jolis crus. le
blanc s’impose sur les entrées, les crustacés,
les poissons de mer et les fromages, surtout
de chèvre et de brebis. Le rouge repasse à
l’offensive sur le saint-nectaire fermier et sur

Sp
les viandes : gigot d’agneau, rôti de veau ou de bœuf.
Sur la volaille, type poulet de Bresse aux morilles, Gonzague Lurton
le débat reste ouvert : montrachet ou corton-charle-
magne pour les puristes ; vieux champagne mature
pour les stylistes ; château-chalon ou arbois pour les Il met Margaux
aventuriers ; arbois-pupillin, pinot noir d’Alsace ou
côte-de-brouilly pour les inconditionnels du rouge. en amphore
Et, pour les originaux, pourquoi pas un jurançon, un
sauternes ou un alsace en vendanges tardives. En Héritier d’une longue dynastie du vin, Gonzague
fin de repas, les vins mutés (banyuls, porto tawny,
madère) ont toute leur place, spécialement sur les
Lurton a très vite choisi pour son deuxième cru classé
desserts chocolatés. de Margaux de suivre les chemins qui ne mènent pas à
Rome. Bien lui en a pris.

CÔTES DU ROUSSILLON
Domaine Boucabeille
Les Orris bio 2018
Une belle découverte que ce blanc,
assemblage de grenache blanc et gris et de
roussanne issu d’un terroir de schistes situé à
400 mètres d’altitude. Le nez sur des arômes
d’acacia, d’amande fraîche, de poire, la
rondeur sensuelle et la fraîche amertume
invitent à le servir sur un bar de
ligne au beurre blanc. 35 euros.
PERNAND-VERGELESSES PREMIER CRU
Jean Féry Les Vergelesses 2020
Il faut boire les crus bourguignons tant qu’il est
encore possible de se les offrir. A l’image de ce
Vergelesses en conversion bio, friand et
gourmand avec ses franches notes de cerise
burlat et de mûre. On se régale de sa trame
soyeuse et de sa délicieuse sapidité. Le pinot
noir au meilleur de sa forme pour accompagner
une souris d’agneau confite. 39,90 euros.
U
n homme singulier ! Il pour-
rait faire sienne la chanson
de Brassens La Mauvaise
Réputation tant il est vrai
que, chez les propriétaires
de grands crus médocains, « les
gens n’aiment pas que l’on suive
une autre route qu’eux ». A 56 ans,
il a compris depuis longtemps que
la meilleure façon de trouver sa
voie est de n’en faire qu’à sa tête.
La sienne est bien pleine, et il l’a
mise au service de ses convictions.
Héritier du château Durfort-Vivens
(50 hectares) en 1982, il n’a eu de
cesse d’en rechercher le style. Pas
celui « maousse costaud » en vogue
dans les années 1990-2010 (maturi-
té extrême, extraction poussée,
fûts de chêne neufs à gogo…).
L’obsession de Gonzague, c’est la
recherche de la pureté originelle,
celle qui permet de retrouver l’es-
sence du terroir. Pour y arriver, il
hectare suivant les millésimes. En
2006, il décroche la certification. Et
livre un vin qui surprend les dégus-
tateurs. Si certains lui reprochent
un manque de matière, les plus affû-
tés louent au contraire sa structure
délicate derrière l’éclat du fruit.
L’élevage est réalisé pour un tiers
en amphores de 320 et 750 litres. Le
chai en aligne aujourd’hui 180 en
terre cuite italienne. Continuant à
bousculer les codes bordelais, le
domaine dévoile avec le millésime
2019 trois parcellaires. Si l’assem-
blage des meilleurs lots constitue
le grand vin, la vinification par pe-
tits contenants a permis d’identifier
et d’élaborer trois cuvées de terroir
bien distinctes, qui remplacent le
second vin. « Elles sont l’ADN de
notre grand cru classé, explique
Gonzague, chacune illustre une ty-
picité du terroir de Durfort-Vivens.
Avec le bio, poursuit-il, tu vas vers
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.

opte dès 2009 pour la conversion en les racines. Avec la biodynamie,

MERCUREY PREMIER CRU
biodynamie, malgré les aléas du cli- tu vas vers le ciel, vers plus d’équi-
CHAMP MARTIN mat océanique. Une vraie prise de libre ». Au ciel, les anges sourient
risque : le rendement oscille entre sûrement avec le Durfort-Vivens
Domaine Levert-Barault 2018 8 et 42 hectolitres par 2019 (75 euros). G. M.
Propriété de la famille Picard, très présente
sur la Côte châlonnaise (avec 105 hectares)
et sur Mercurey, l’appellation la plus Parcellaires Le Hameau Le Plateau
importante, cette cuvée cultivée en bio est
diablement délicieuse, pure et généreuse sur
Les Plantes Equilibre entre le Fraîcheur et
velours du merlot profondeur (65 %
ses notes de fruits rouges (cerise, myrtille, Tension et pureté (88 %
(47 %) et la fraîcheur cabernet sauvignon,
framboise, fraise…) relevées d’une pointe cabernet sauvignon)
sur des notes de 35 % merlot).
d’épices. La matière en est douce, tactile, sur des notes florales
cassis. 45 euros. 45 euros.
gourmande. 40 euros. et épicées. 35 euros.

142  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Tous les champagnes
ont leurs caractères.

Nathalie, vigneronne
à Crouttes-sur-Marne

Découvrez nos champagnes de vignerons

- RCS PARIS 481 915 585

En Champagne, on plante à la masse les piquets qui supportent les vignes.

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.

Vins tranquilles Luxes vins de fêtes
PESSAC-LÉOGNAN
Château Larrivet
Haut-Brion 2016
Construit autour du
cabernet-sauvignon (62 %)
complété par le merlot et le
cabernet franc issu d’un
excellent millésime bordelais,
ce cru régale déjà par la
finesse de ses tanins et l’éclat
savoureux de son fruit. D’une
intensité tranquille, il mise sur
la finesse de sa chair et la
fraîcheur. Un bonheur avec
une simple entrecôte grillée
sur les sarments. 45 euros.
SAINT-ESTÈPHE
Les Pagodes
de Cos 2019
Fruits rouges et noirs,
violette, épices et tabac
pour l’aromatique,
fraîcheur et énergie sur
l’attaque, taffetas de soie
pour la texture dense et
onctueuse, longueur et
persistance pour un milieu
de bouche
particulièrement
savoureux, touche saline
en finale. On se régale
déjà, mais il mérite encore
quatre, cinq ans de garde.
50 euros.
HAUT-MÉDOC DOURTHE
Les Parcellaires
Peykem 2020
Une nouveauté inspirée de la
maison Dourthe qui sort une
gamme de trois parcellaires en
rupture avec les codes
bordelais de l’assemblage. En
particulier, ce pur cabernet
franc provenant d’une parcelle
argilo-calcaire du Château
Reysson adaptée à ce cépage
qui supporte mal le stress
hydrique. Il y révèle toute sa
finesse et son croquant. Le
cabernet sauvignon La
Gravière et le Sémillon 54 de
l’AOC Graves complètent la
gamme. 22 euros.
144  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
Sp
Nicolas et Sylvain Grosbois
Paysans-vignerons
Ces deux-là auraient très bien pu faire une
belle paire de cancres. C’était compter sans la vigne.
Et la naissance d’une passion.
F
in des années 1980, après le BEP, mais aussi 20 hectares de prés et de bo-
pas question pour les frères Gros- cage où l’on pratique l’élevage (bovin, co-
bois de partir en seconde au vu chon, volaille) et la culture maraîchère.
des maigres résultats scolaires. Tout en bio et biodynamie. Chez les Gros-
Ils optent alors pour le lycée agri- bois, la qualité de paysan-vigneron sonne
cole tout simplement parce comme un titre de noblesse,
que conduire un tracteur et Montet reléguant l’« agro-bashing »
passer leurs journées dans 2020 aux oubliettes. « On a vou-
les champs, ça leur plaît. « On 40 cm de lu construire un endroit
a commencé comme ça, en graves sur un où les gens se plaisent, ex-
prenant l’option bouseux », sol de calcaire plique Nicolas. Si tu mets
rigole aujourd’hui Nicolas, blanc, la seule les bonnes personnes au bon
cuvée élevée
l’aîné. Les parents, arboricul- sous-bois endroit, dans une bonne
teurs, reprennent un domaine dix-huit mois. ambiance, tout devient plus
viticole. Et là, tout se met en Minérale et tendue, un facile. » Le domaine compte
place : bac pro viti-œno et BTS vin à la fois cristallin et 25 salariés, dont Anne et
en alternance. Les gamins, solaire. 32 euros. Martha qui s’occupent du
curieux et ouverts, circulent Clôture maraîchage et donnent aus-
dans plusieurs domaines en 2018 si un coup main dans les
France puis à l’étranger. Ils se vignes. Côté vin, c’est un ré-
Parcelle de
passionnent pour la vigne et gal. Le travail accompli à la
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
60 ares de
le vin jusqu’à jouer au flying vieilles vignes
vigne et au chai – sélection
wine-maker : Chili, Etats-Unis, plantées en « massale » de meilleure
Australie, Nouvelle-Zélande, 1905, des qualité, nouveau palissage,
Inde… Deux ans de tour du fruits aux conversion à la biodynamie,
monde des vignobles et des magnifiques, grains petites cuves en béton de
mais au
pratiques viticoles. En 2006, rendement de 60 hectolitres aussi hautes
Nicolas reprend le domaine fa- seulement que larges pour favoriser
milial, bientôt rejoint par son 20 hectolitres par l’échange entre le jus et le
frère. « Il nous a bien fallu dix hectare. Structuré et marc – se mesure dans cinq
fruité. 48 euros.
ans pour cerner ce qu’on ai- cuvées, qui magnifient le ca-
mait et ce qu’on voulait vraiment faire », bernet franc. Des vins généreux jouant
reconnaît Nicolas. Le Domaine Grosbois sur le côté pulpeux et fruité avec toujours
compte aujourd’hui 25 hectares de vignes, la mise en avant du terroir. G. M.
 Tous les champagnes
ont leurs caractères.

Elyesse, vigneron
à Trépail

Découvrez nos champagnes de vignerons

- RCS PARIS 481 915 585

En référence à certains arômes typiques du champagne.

L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.

 Luxes vins de fêtes
Justine Droit,
Vins tranquilles
sommelière chez Origines
« L’important dans
les accords, c’est d’aller
crescendo »
D
u haut de ses 27 ans,
Justine Droit, originaire
d’Aix-en-Provence et
sommelière à Origines,
le restaurant de Julien
Boscus à Paris, est
comme un rayon de soleil dans
sa profession. Voici ses conseils
Avec un tourteau des
côtes bretonnes
Relevé de fins aromates et
de truite fumée de Banka ;
fin guacamole aux fruits de
la passion et aux agrumes.
La cuvée A Françoise, anjou
blanc de Thibaud Boudignion.
Un chenin pur et cristallin issu
d’un terroir au sol de schistes
et de sables. Marqués par les
agrumes et les fruits mûrs,
confits. On cherche le côté salin
pour répondre à l’entrée.
Avec un bar de
ligne, saint-jacques
et caviar
Cuit à four doux ; écailles
de saint-jacques et caviar
osciètre ; velours de
cresson de Méréville.
Un champagne en biodynamie,
la cuvée Quinte Essence 2010
de Franck Pascal, extra-brut tout en
puissance et minéralité.
Avec de la biche
Filet rôti dans un beurre parfumé au
poivre Sarawak et cannelle ;
ventrèche de porc noir de Bigorre et
sauce poivrade ; cerfeuils tubéreux
et kaki relevé de balsamique blanc.
Sur cette viande tendre et goûteuse,
le Clos Pierre Ussegio n°18, un
châteauneuf-du-pape composé des
18 cépages autorisés par l’appellation,
rouges et blancs vinifiés ensemble. Une
rareté (1 000 bouteilles).
Avec un brillat-savarin
et truffe noire
Truffe melanosporum ; salade de
mâche et céleri branche à l’huile de
146  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
d’associations mets-vins pour un
menu de fêtes concocté par le
chef. Avec cette recommandation :
« L’important dans les accords
au cours d’un repas, c’est d’aller
crescendo dans la puissance et
dans les références. Il faut tenir le
convive en haleine. »
Sp
noix du moulin de Méjane.
Sans hésiter, un meursault Perrières
2015 du domaine Ballot-Miot, racé,
élégant, tendu avec des notes de truffe
blanche, toastées et grillées. Un mariage
de raison et de passion.
Avec un ananas
pain de sucre
Rôti à four doux ; gavotte, clafoutis
et crème chantilly à la vanille de
Tahiti ; sorbet pina colada.
Deux options : le jurançon de Cauhapé
Quintessence du Petit Manseng
vendangé la veille de Noël, avec ses
arômes d’abricot très mûr et d’agrumes
rôtis ; ou le champagne demi-sec
d’Emmanuel Lassaigne, un blanc de
blancs doux et onctueux aux saveurs
d’agrumes et de pêche au sirop.
GEVREY-CHAMBERTIN
PREMIER CRU
Clos du chapitre
Nuiton-Beaunois 2018
Une pépite. Propriété de cette
petite coopérative en plein
renouveau, principalement
implantée dans les Hautes-Côtes,
le Clos du chapitre est situé au
cœur du village de
Gevrey-Chambertin, au pied de
l’église. Un terroir de cailloutis
calcaire exposé au levant situé à
un jet de pierre des grands crus de
Chambertin. Bénéficiant d’une
vinification intégrale et d’un
élevage en fûts de chêne, il faut lui
laisser le temps de s’ouvrir pour qu’il livre toute sa
complexité. Ses notes de fruits rouges, sa trame
minérale et son grain de tanin emportent alors
l’adhésion. 65 euros.
ALSACE WOLFBERGER
GRAND CRU
Rangen pinot gris 2019
Pour ses 120 ans, la coopérative
d’Eguisheim lance cette cuvée
Epopée 1902 de pinot gris
demi-sec à la fine complexité
aromatique. Fruits secs, notes
florales, poivre blanc sur une pointe
de torréfaction. La bouche est
gourmande, précise et
parfaitement équilibrée. Sur un
foie gras au torchon avec du pain
aux figues et aux noix. 49 euros le
magnum.
CHABLIS GRAND CRU
Simonnet-Febvre
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Preuses 2020
Propriété de la maison Louis
Latour, ce chablis minéral et
incisif, fidèle représentant de
son terroir caillouteux, déroule
des arômes floraux sur des
notes de pierre à fusil.
L’attaque est stimulante mais
douce, avec beaucoup
d’allonge. Le vin s’étire en
bouche avec une belle
persistance. Servir sur la chair
iodée d’une dorade royale en
croûte de sel. 78,40 euros.
 COLLIOURE

Domaine de la Rectorie
Barlande 2020
Réputés pour leurs banyuls (vins
doux naturels) de légende, les frères
Parcé livrent de superbes collioures
en rouge comme en blanc, ces
derniers rapidement en rupture de
stock. Sur ce vignoble de montagne
réparti en une trentaine de parcelles
où le schiste domine, ils pratiquent
une viticulture particulièrement
respectueuse de l’environnement.
Les vieilles vignes sont complantées
(différents cépages sur la même
parcelle). La cuvée Barlande rouge,
issue d’une parcelle d’altitude,
construite sur le duo grenache et
carignan, est portée par des tanins
puissants et soyeux réclamant quelques années de
garde. Nez de fruits rouges et noirs, d’épices douces et
de réglisse. 64 euros le magnum.

SAVENNIÈRES BELARGUS

Clos des Ruchères 2019

Cultivé sur une petite parcelle
abrupte reposant sur un coteau de
schistes, ce clos travaillé
minutieusement livre un chenin
énergique et vibrant. Avec une
grande complexité aromatique, sur
des notes florales et de fruits blancs,
sa tension saline et sa finale longue
et généreuse appellent des mets de
choix, comme un homard grillé et sa
sauce safranée. 90 euros.

PACHERENC DU VIC-BILH
FRIMAIRE

Château Bouscassé
La trilogie révolutionnaire d’Alain
Brumont, hommage au petit manseng
récolté en vendanges tardives sur des
terroirs adaptés, n’est pas sans évoquer
le tokay hongrois grâce à son acidité
naturelle. Vendémiaire 2018, Brumaire
2012 et Frimaire 2010 font référence à
des dates de vendanges plus ou moins
tardives, d’octobre à novembre (et
jusqu’à décembre pour Frimaire,
vendangé seulement lorsque les
paramètres climatologiques le
permettent). Leur concentration en sucre
et en alcool va croissant. La palette
aromatique évoque le miel, les fruits
exotiques (mangue, ananas, fruit de la
passion), les fruits secs (figue, datte), les
agrumes confits… 12,90 euros,
23,70 euros et 45 euros les 50 cl.
 Cultures écrans
Laure Calamy (au centre). Annie,
ouvrière, rejoint le mouvement
de femmes qui lui a permis
d’avorter alors qu’elle était tombée
enceinte accidentellement.

comme source d’épanouissement.

Blandine Lenoir (Aurore) s’inté-
resse ici, dans la France des an-
nées 1970, au MLAC, le Mouvement
pour la liberté de l’avortement et de
la contraception.
Une ouvrière et mère de deux
Aurora Films/Local Films

enfants (Laure Calamy, épatante)

entre en contact avec le mouvement
quand elle tombe enceinte acciden-
tellement. En suivant cette Annie
qui s’engage ensuite auprès de
Annie Colère celles qui lui ont permis d’avorter,
Blandine Lenoir rappelle que, der-
rière la loi Veil, il y eut ces combats
Féminisme de femmes, ces prises de risques
insensées de leur part et leur crainte

historique
d’être récupérées ou que Giscard
s’arrête au milieu du gué.
La réalisatrice s’y emploie dans un
geste d’une sororité d’autant plus
Par Thierry Chèze joyeuse que son scénario ne sacrifie
jamais les personnages masculins.
En célèbrant joyeusement la sororité, Blandine Lenoir raconte Elle parvient à mettre de la nuance
la lutte pour le droit à l’avortement dans les années 1970. Avec dans un geste qui assume pourtant
pleinement son caractère engagé. La
ses prises de risques et ses craintes. Un film engagé, mais nuancé. meilleure manière de rappeler que

I
l arrive parfois que les films
dialoguent. D’un écran à
l’autre. Canal+ propose ac-
tuellement Call Jane : pré-
senté en ouverture du dernier
festival du film américain de
Deauville (cf. Challenges n°764), il
évoque le collectif américain Jane,
qui pratiquait des avortements clan-
destins aux Etats-Unis dans les an-
nées 1960. Et voici avec Annie Co-
lère, son pendant français.
Mû par le même désir de raconter
un épisode méconnu de l’histoire
du féminisme, le film célébre aussi
les vertus du combat collectif
certaines avancées qu’on croyait
définitives peuvent à tout moment
être remises en question, comme
l’a violemment rappelée la récente
décision de la Cour suprême améri-
caine au sujet de l’avortement outre-
Atlantique. •
De Blandine Lenoir. Avec Laure Calamy,
Zita Hanrot, India Hair… Durée : 1 h 58.

Cow

Humanité vache

L
es animaux tiennent
décidément le haut
de l’affiche de ce
deuxième semestre
cinématographique.
Quelques semaines après
l’âne, héros d’Eo de Jerzy
Skolimowski, Andrea Arnold
(American Honey) a décidé,
elle, de raconter le monde
à travers le regard d’une
vache. Une laitière qui, dans
SP
les premières minutes de
ce documentaire, est
brutalement séparée de son
veau pour être entraînée
vers une machine à traire.
La violence de ce moment ne
cesse de hanter les minutes
qui suivent. La célébration
de la beauté de la nature est
en permanence percutée par
la manière dont l’homme
s’en empare pour l’exploiter.
Aucune voix off
n’accompagne Cow. Elle
aurait été de toute façon bien
inutile. Les images d’Andrea
Arnold, fruit de quatre ans de
tournage, n’ont aucun besoin
de sous-texte. Ce plaidoyer
pour le retour à une
humanité perdue est d’une
limpidité fascinante.•
D’Andrea Arnold. Durée : 1 h 34.

148  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 scènes
Liaison indémodable
Seize ans après Pascale Ferran,
Laure de Clermont-Tonnerre
(Nevada) donne une nouvelle vie
cinématographique à L’Amant
de Lady Chatterley. Et s’empare
de l’œuvre de D. H. Lawrence
dans un geste d’une sensualité
trépidante. L’histoire se raconte à
travers les yeux, les mouvements
du cœur et du corps de son
SP

héroïne, magistralement campée par Emma Corrin

(la Lady Di de la saison 4 de The Crown). Ici, la chair
est tout sauf triste.

A. Dorfmann
L’Amant de Lady Chatterley. De Laure de Clermont-
Tonnerre. Durée : 2 h 02. Disponible sur Netflix.
La scénographie d’Emmanuelle Favre. Inspirée des esthétiques russe et allemande
des années 1920, elle met en valeur les chansons, standards de la culture populaire.
Apparitions festives
Spirited, l’esprit de Noël revisite Un chant de Noël, Starmania
le classique de Dickens. Dans ce dernier, le vieil

Terriens en
acariâtre Scrooge trouvait le chemin de la générosité
grâce à la visite du fantôme de son associé défunt.
Sean Anders en fait une comédie musicale perchée,
aux chansons composées par les auteurs de celles de
La La Land. Le génie comique de Will Ferrell – associé
à Ryan Reynolds – force une fois encore l’admiration.
Spirited, l’esprit de Noël. De Sean Anders. Durée : 2 h 07.
délicatesse
Disponible sur Apple TV+. Par Rodolphe Fouano

La croisière panique Une version sombre et très actuelle du mythique

opéra-rock de Michel Berger et Luc Plamondon.

C
e trublion du spectacle vivant
monte les tragédies de Shake-
speare comme des opéras-
rock. Cette fois, Thomas Jolly
met en scène, sans tête d’af-
fiche, celui de Michel Berger (mu-
sique) et Luc Plamondon (livret)
créé en 1979. Dans une version plus
Netflix
Besoin d’amour ou Le Blues du bu-
siness man, standards de la culture
populaire contemporaine.
Scénographie d’Emmanuelle Favre
marquée par le constructivisme
russe et l’expressionnisme alle-
mand. Jeux de lumière stellaires
bluffants. Costumes de Nicolas

théâtrale et plus sombre que l’origi- Ghesquière, inspirés de sa collec-

Un bateau d’immigrants européens naviguant vers les
Etats-Unis croise un autre navire, lui à la dérive et porté
disparu depuis des mois… Ainsi débute 1899, puzzle
captivant de bout en bout. Ses créateurs sont passés
maîtres dans l’art des énigmes et des rebondissements
impossibles à deviner par avance. Une série addictive.
1899. Série créée par Jantje Friese et Baran bo Odar.
8 épisodes. Disponible sur Netflix.
Enquête à distance
Steven Moffat (Sherlock) est de retour avec Inside Man.
L’action se divise en deux parties, sur deux continents :
un prisonnier condamné à mort aux Etats-Unis joue les
détectives en attendant son exécution et une femme
est emprisonnée dans une cave sous un presbytère
anglais. Leurs histoires se rejoignent au fil d’une
intrigue où thriller amoral et humour noir ne font qu’un.
Inside Man. Série créée par Steven Moffat. 4 épisodes.
Disponible sur Netflix.
nale. Il souligne la dimension tra-
gique des personnages qui
« cherchent le soleil au milieu de la
nuit » dans Monopolis, ville futu-
riste ravagée par la violence sur
fond de mal-être existentiel.
S’y affrontent le milliardaire extré-
miste Zéro Janvier et l’écologiste
Gourou Marabout, qui se disputent
la « présidence de l’Occident ».
Autour d’eux gravitent Stella Spot-
light, actrice déchue ; Cristal, pré-
sentatrice TV amoureuse de Johnny
Rockfort « sans foi ni loi » ; Sadia,
le travesti ; Marie-Jeanne, la « ser-
veuse automate » de l’Underground
Café, qui aime Ziggy, un « garçon
pas comme les autres »… Le public
se régale avec S.O.S. d’un terrien en
détresse, Quand on arrive en ville,
tion chez Vuitton. Chorégraphie to-
nique pour 12 danseurs de Sidi Larbi
Cherkaoui. Menace terroriste, péril
écologique, conquête de Mars, ten-
tation totalitaire, réflexion sur le
genre… des thématiques d’une trou-
blante actualité. Le monde demeure
décidément « stone ». •
Opéra-rock en deux actes de
Michel Berger et Luc Plamondon.
Mise en scène de Thomas Jolly. Direction
musicale et arrangements additionnels
de Victor Le Masne. Chorégraphie de Sidi
Larbi Cherkaoui. Costumes de Nicolas
Ghesquière. A la Seine Musicale (Boulogne-
Billancourt, Hauts-de-Seine). Du mardi
au samedi à 20 heures, le samedi et le
dimanche à 15 heures. Jusqu’au 29 janvier
2023 (puis tournée en France, de février
à juin). Durée : 3 heures. Tarifs : de 29
à 169 euros (package VIP 24 décembre).
Tél. : 01-74-34-54-00. laseinemusicale.com

1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  149

 Cultures arts
Rêve d’Egypte

Rodin,
figure antique
Par Caroline Brun

Le musée Rodin révèle la passion tardive du

sculpteur pour l’égyptologie à travers 400 objets
qui dialoguent avec son œuvre. Une découverte.

U
n artiste collectionneur tés égyptiennes d’Auguste Rodin. Le

s’avère aussi mystérieux
qu’un code à déchiffrer.
D’où lui vient cette pas-
sion ? Que dit-elle de lui ?
Que lui apporte-t-elle ?
C’est à ce jeu de piste que nous in-
Bonhams
goût du sculpteur est à mettre en
relation avec l’égyptomanie qui Together But Not Content, d’Asger Jorn, 1948.
s’empare de la France au xixe siècle, Huile sur toile estimée entre 54 000 et 67 000 euros.
depuis la campagne de Napo-
léon Ier, avec les fouilles archéolo- VENTE AUX ENCHÈRES
giques, les expositions universelles,

vite le musée Rodin, en organisant
pour la première fois une exposition
consacrée à la collection d’antiqui-
CoBrA
jusqu’aux œuvres telles Aïda de
Verdi, célébrant une « Egypte fan-
tasmée », comme le rappelle la
commissaire de l’exposition, à tour de bras

Bénédicte Garnier.
De nombreux artistes, tels les
symbolistes mais aussi Ma-
tisse, Picasso, Brancusi…
s’intéressent à la mythologie
et aux arts de cette civilisa-
tion. D’autant plus fantasmée
pour Rodin qu’il n’y est jamais
allé ! Il s’est contenté d’alerter
grands marchands et « pas-
seurs » de son goût de plus en
plus prononcé pour les tissus,
statuettes, figurines, masques,
fragments qui en sont origi-
naires. Autant de petits objets
qu’il a accumulés, caressés,
admirés avant de thésauriser bas-re-
liefs, éléments de sarcophages et
grandes sculptures pour le musée
qu’il projetait à l’hôtel Biron.
Photos : Agence photographique du musee Rodin - Jerome Manoukian
L
« ’histoire du groupe CoBrA a durablement 
marqué le Danemark, souligne Niels Raben,
qui dirige le département Art moderne de
Bruun Rasmussen, maison de ventes
récemment acquise par Bonhams. Nous avons des 
ventes, des expositions et des salons, surtout 
autour de la personnalité du membre fondateur 
danois Asger Jorn. » Ainsi s’explique la localisation
à Copenhague de la vente du 6 décembre consacrée
aux artistes de ce groupe. CoBrA – acronyme de
Copenhague, Bruxelles, Amsterdam – naît à Paris
en 1948, pour se séparer deux ans plus tard. De
cette brève association européenne autour d’un art
inspiré des primitifs, de l’art naïf et de l’art brut,
émergent trois personnalités. « Karel Appel, 
Corneille et Asger Jorn sont les plus cotés 
aujourd’hui, estime Niels Raben, surtout pour 
leurs œuvres des années 1950 et 1960. » Pour
preuve, les estimations de leurs toiles dans le

Rodin devant ses statuettes (en h.)
et Monument à Balzac (1898). Le
parcours s’articule autour de photos et
objets divers, et d’une œuvre centrale.
Rodin s’est bien gardé de « copier » catalogue : 202 000 à 269 000 euros pour Big Beast 
ses trophées. Mais il y croise des Devours Small Beast (1958), de Karel Appel,
pistes de recherche personnelle, 161 000 à 202 000 euros pour L’Orchestre de jazz 
« cette simplification des lignes et  be bop (1950) de Corneille, et 54 000 à 67 000 euros
des formes, cet art du contour, ce  pour Together But Not Content (1948) d’Asger Jorn.
traitement de la monumentalité et  Parmi les fondateurs figure également Pierre
l’aspect hiératique que l’on retrouve  Alechinsky, représenté dans la vente par Bronzes 
en  particulier  dans  son  Balzac  de toiture, acrylique estimée entre 134 000 et
monumental », résume Bénédicte 202 000 euros. L’expert attire également l’attention
Garnier. Une statue que Rodin lui- sur les œuvres de Sonja Ferlov Mancoba : « Elle a
même qualifiait dans ses carnets de été exposée à Beaubourg en 2019, cela devrait 
« Sphinx de la France ». • influencer positivement sa cote. » Sa sculpture en
Rêve d’Egypte, au musée Rodin. plâtre Koncentration (1962-63) est estimée 13 500 à
Jusqu’au 5 mars 2023. 17 000 euros. Clémentine Pomeau-Peyre

150  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

livres
Régis Debray. Compagnon de la gauche du XXe siècle, il déclare finalement sa passion pour la France.
Essai
Internationaliste
français
Brillamment, l’écrivain guérilléro
répudie son époque et en appelle au
sursaut d’une gauche jacobine, la sienne.
Par Maurice Szafran
A
la seule lecture du titre
– L’Exil à domicile –, on au-
rait pu redouter que Régis
Debray, l’un des écrivains
que nous admirons le plus,
ait rejoint la cohorte des tenants
d’un soi-disant « grand remplace-
ment » du peuple français. Il n’en est
fort heureusement rien, et nous de-
vons nous reprocher d’y avoir même
songé. Car Debray, ce gaulliste d’ex-
trême gauche, comme il aime à se
définir, ce mitterrandiste déçu,
comme on ne manque jamais de lui
rappeler, ce guérilléro-compagnon
de Che Guevara, comme l’histoire
nous le dit, nous instruit d’abord
de… lui-même, de sa vision, de sa
compréhension du XXIe siècle, de sa
répudiation de l’époque.
Au-delà de toutes les divergences
qu’on peut avoir avec sa pensée,
notamment sa vision parfois dépres-
sive de la société, tout lecteur de
Récit
Eclaireur
humaniste
D
e livre en livre, ses
nombreux lecteurs avaient
fini par comprendre que
Philippe Labro était un écrivain
à facettes multiples : romancier
bien sûr, mais aussi portraitiste,
reporter, essayiste, moraliste,
féru de poésie, de sport, de
H. Assouline/Opale Photo
politique, et ainsi de suite.
L’édition en poche de J’irais
nager dans plus de rivières
– titre superbe tiré d’un poème
de Borges – offre l’occasion de
réfléchir à nouveau avec Labro.
Ce n’est pas inutile, loin de là, en
cette période guerrière et
tourmentée. Car, à sa manière,
bonne foi ne peut être qu’enthou-
à la fois précise et généreuse,
siaste. Car son style est éblouissant.
Philippe Labro donne un sens,
Un feu d’artifice culturel et littéraire,
avec une pointe d’humour, ce qui est
moins négligeable que jamais. « Je
indique une cohérence à un
moment où la déferlante
antihumaniste n’a jamais été
suis de ceux qui jugent l’heure ve- aussi puissante en Europe
nue de conclure », précise Debray, et en Occident. Comme à
82 ans. Conclure, certes… Par l’accoutumée, le lecteur ne
exemple, sempiternel refrain des s’ennuiera pas un instant en
arpentant les terres de l’écrivain
conservateurs fatigués, que « c’était
Labro, qui, fort heureusement,
mieux avant » ? Notre (faux) gro-
gnon évite, cela va de soi, de suc-
ne néglige jamais le journaliste
Labro. L’un renforce l’autre en
comber à cette facilité sémantique permanence. Des personnages
et intellectuelle. formidables – du défunt
Il n’en lance pas moins un appel : sinologue Simon Leys à la star
réac de la littérature française
« Retardataires de tous les pays,
unissez-vous ! Faites-nous revivre ! Michel Houellebecq ; des
citations aussi pertinentes
Soufflez sur les braises. » Mais qui
qu’éclairantes – « Le désir
faut-il de la sorte réanimer ? Notre de faire de la politique est
essayiste dresse une première liste : habituellement le signe d’une
« L’archéo-jacobin – le socialiste sorte de désordre de la
d’antan –, le partageux des temps personnalité » (Arthur
jadis – d’autres laissés-pour- Koestler). L’écrivain quand
compte de notre marche en avant. » il sert aussi d’éclaireur.
Ironise-t-il ? Un peu… Est-il sé-
rieux ? A coup sûr. Il rappelle aussi
L’Exil à domicile, qu’il est issu de la gauche, qu’il
Régis Debray, « conclura » à gauche, une gauche
Gallimard, ringarde, s’écrieront beaucoup, la
128 pages,
13,50 euros.
sienne somme toute. Pour avoir lu
la plupart des livres de Régis De-
bray, on retrouvera dans ce dernier
une écriture sans cesse améliorée,
une culture qui laisse admiratif. Ce
n’est pourtant pas l’essentiel. Si
l’écrivain laisse déjà une trace, c’est
aussi en raison de sa formidable
passion pour la France. C’est ainsi
que Debray l’internationaliste a bou- J’irais nager dans plus de rivières,
clé la boucle, en revenant chez lui et Philippe Labro, Folio, 352 pages,
en nous le racontant. • 8,40 euros.
1ER DÉCEMBRE 2022 - CHALLENGES N°765  151
Cultures livres
Gaspard Kœnig

Désintox
présidentielle
L’essayiste déboulonne avec talent la statue du chef de l’Etat sauveur, mythe qui selon lui
assèche notre démocratie. Et esquisse une alternative audacieuse. Extrait (p. 75 à 77).

Comment plaider depuis une estrade pré- « grand débat national », début 2019, qui a suivi la
sidentielle pour l’autonomie locale, pour crise des « gilets jaunes », le président participa per-
la décentralisation du pouvoir, pour la res- sonnellement à une douzaine de débats, partout sur
ponsabilité personnelle ? Le fond même de ma doc- le territoire. Le voilà dans les mairies et les salles
trine était incompatible avec la forme électorale qui des fêtes, entouré de ses concitoyens. A chaque ré-
prévaut aujourd’hui. Si les gens veulent un chef, c’est flexion, à chaque question, à chaque doléance, il

que notre organisation institutionnelle a transformé
une nation de citoyens en un peuple idolâtre.
Et comment leur reprocher de réclamer un chef,
puisque le président se veut omnipotent ? Les loca-
taires successifs de l’Elysée ne nous ont-ils pas habi-
tués, depuis plus d’un demi-siècle, à tout faire ? Ra-
chats industriels, sauvetage des cathédrales en feu,
organisation des jeux Olympiques, et même trans-
ferts des joueurs de foot : le président s’occupe de
tout. Pas une nomination, pas une crise, pas une ré-
forme ne doit lui échapper. « Je veux que », tonne le
président face aux Français, comme les rois d’autre-
fois décrits par Marc Bloch, le président est thauma-
turge. Il suffit de le voir, de le toucher, de recevoir de
sa part un divin SMS pour que le miracle advienne.
Le président peut tout faire. Avec sa tête, et aussi
avec ses mains. N’est-il pas nommé, au cours
d’une cérémonie très officiellement inscrite au Bul-
letin officiel de l’Education nationale, « Meilleur
ouvrier de France honoris causa » ? Le chef de
l’Etat se doit d’être un artisan hors pair. De savoir
modeler la matière. De pétrir le pays. Jupiter, il est
aussi Vulcain, dieu de la forge, comme l’a bien pré-
cisé Emmanuel Macron lors de son interview du
14 Juillet (2022).
Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron a
porté cette prétention à son apogée. Durant le
Bruno Delessard/Challenges
répond. Pendant des heures. Seul, sans notes, sans
conseillers, il répond à tout. J’ai fait ceci, je ferai
cela. J’ai bien compris, chère madame, je m’en occu-
perai, cher monsieur. Il faut admirer la maîtrise des
dossiers, le brio intellectuel. Mais se désoler en
même temps de la méthode déployée, qui conforte
« La méthode la population dans l’illusion désastreuse qu’un
homme puisse s’occuper personnellement de cha-
déployée cun de ses 70 millions de concitoyens.
conforte La notion même de « promesse » trahit l’indigence
la population de notre conception du politique. Comme si les ci-
toyens étaient des enfants à qui l’on offre des ca-
dans l’illusion deaux. Comme si le président avait à sa disposition
désastreuse tous les leviers d’actions possibles, et qu’il choisis-
qu’un homme sait de trahir ou non sa parole de candidat. Tiens,
se dirait-il au réveil, vais-je leur donner la réduction
puisse du chômage aujourd’hui ? Ou leur épargner
s’occuper quelques crimes ? Ou diminuer les émissions de
personnel- carbone ?
De manière encore plus perverse, l’omnipotence
lement de présidentielle se nourrit d’un sentiment de crise per-
chacun de ses pétuelle. Depuis que je suis en âge de voter, la
70 millions de France est « en crise ». Crise économique, crise sani-
taire, crise écologique, crise sécuritaire, crise iden-
concitoyens. » titaire, crise démographique, crise institu-
tionnelle, crise culturelle, etc. Et comme
elle est en crise, il lui faut un sauveur.

Notre avis. Pour tous ceux qui
s’inquiètent des dérives
autocratiques de la Ve République
et de l’assèchement de notre
démocratie, ce livre est un régal. La
plume alerte et caustique de l’auteur
y contribue largement. Candidat lui-
même à la dernière présidentielle,
il nous fait vivre l’envers du décor
de cette élection folle, de manière
totalement décalée. A hauteur
d’homme. Ou de femme ! Mais,
surtout, il décortique la nocivité
de ce régime. Le passage sur les
raisons qui ont poussé le général
de Gaulle à organiser le référendum
de 1962 est savoureux. La deuxième
partie du livre est audacieuse.
Gaspard Kœnig y prône l’avènement
d’une « démocratie liquide »,
délégative, où chaque citoyen
exercerait sa part de souveraineté.
Le débat d’idées l’emporterait sur
le choix des hommes. Cela
nécessite de couper le nœud
gordien : l’élection présidentielle au
suffrage universel. L’auteur reconnaît
que c’est compliqué, et fixe une
échéance fictive : 2058 ! G. O.
Contr’un. Pour en finir avec
l’élection présidentielle, Gaspard
Koenig, Editions de L’Observatoire,
240 pages. 20 euros.

152  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022

 Menthon
Domenach Double je
MARDI 22 NOVEMBRE
La Ferrari de Macron peaufine
un nouveau récit politique
S
es collègues de la majorité l’ont surnommé Ferrari tant son
cerveau de docteur en économie passé par HEC tourne vite.
De la tête bien pleine du député Marc Ferracci émerge une
idée forte : « Développer ce récit politique qui manque au
macronisme et au pays, celui du plein-emploi. Ce n’est pas
seulement un objectif, mais un projet de société. » L’expression
évoque le temps béni des Trente Glorieuses, mais aussi « une
souveraineté, un avenir pour les enfants, un imaginaire
collectif. Il est vrai que cet imaginaire n’a pas été encombré
par les campagnes présidentielles et législatives ».
Selon Ferracci, Emmanuel Macron – dont il est l’un des rares
intimes sur les bancs de l’Assemblée – a tout de même « cranté »
le sujet, mais sans pour autant affiner, amplifier, structurer le
propos et les réformes vers lesquelles le député préconise d’aller.
Les retraites bien sûr, mais avec l’emploi des seniors à assurer.
Et puis les lycées professionnels, qu’il faut mettre en contact
avec le monde de l’entreprise. Et encore « une action résolue
pour mettre fin aux discriminations à l’embauche ». Des pro-
positions pour aller de l’avant, il n’en manque pas.
Les mouches valent parfois mieux
que les hommes
F
lanqué de son collègue norvégien, l’ambassadeur de Suède
nous accueille pour célébrer Alfred Nobel (1833-1896), qui
signa à Paris le testament donnant naissance aux prix à son
nom. L’occasion pour Mathilde Aubinaud et Philippe Branche
de présenter leur ouvrage (Ce que les Nobel ont à nous dire,
VA Editions), qui est à la fois une anthologie et un recueil d’inter-
views de récipiendaires tels le Suisse Didier Queloz (physique,
2019) ou l’Américain Paul Romer (économie, 2018).
Mais ce soir, les vraies vedettes sont les insectes. Jules Hoff-
mann (médecine, 2011) raconte avec verve à l’assistance les
décennies qu’il a passées à étudier leur système immunitaire,
ouvrant la voie à la découverte en 1996 des « récepteurs Toll »,
dont sont aussi dotés les humains. Couvert d’honneurs, membre
de l’Académie française, ce Strasbourgeois d’origine luxem-
bourgeoise raconte avec humour la façon dont les crédits pu-
blics restent difficiles à décrocher pour la recherche fondamen-
B. Delessard/Challenges
tale, « et pour les mouches en particulier ». Le savant a repris
ses travaux académiques. Il s’agit cette fois de détecter et traiter
les cellules cancéreuses. Chez les mouches bien sûr : « De toute
façon, tout ce qui est humain est un peu douteux, et puis je ne
suis pas médecin. »
154  CHALLENGES N°765 - 1ER DÉCEMBRE 2022
VENDREDI 25
Lamia El Aaraje est en croisade
contre l’appareil du PS
C
onseillère de Paris, adjointe d’Anne Hidalgo, la socialiste La-
mia El Aaraje se bat avec l’énergie du désespoir pour écarter
l’actuelle direction du parti. « Soit on gagne, soit le PS est
terminé. » Pour elle, le Premier secrétaire Olivier Faure « brade »
le parti à Jean-Luc Mélenchon : « Il n’a plus de projet. Il ne tra-
vaille pas. Sa seule ambition est de constituer une aile mélen-
chono-socialiste qui refusera tout accord avec Macron. »
A l’approche du congrès qui se tiendra fin janvier à Marseille,
elle s’est lancée avec 150 élus dans une « opération refonda-
tion », qu’elle défend à travers la France depuis des semaines.
Elle croit encore possible une dynamique « socialo-socialiste »,
puis une liste autonome aux européennes avec les écologistes.
Pas avec les Insoumis, qui sont « contre l’Europe et pour la
Russie ». Ex-députée, sa circonscription, le XXe arrondissement
de Paris, avait été abandonnée à ces derniers. Elle s’est présen-
tée et a été battue : « Je ne reste jamais sur une défaite. »
Le Vatican donne la bonne mesure
aux investisseurs
A
lors qu’Américains et Européens se bagarrent pour savoir
qui détiendra le pouvoir d’édicter les normes internatio-
nales concernant les critères environnementaux, sociaux
et de gouvernance (ESG) ou de responsabilité sociétale des
entreprises (RSE) – l’alpha et l’omega de l’investissement socia-
lement responsable (ISR) –, voilà qu’apparaît dans le paysage
un nouvel acronyme : le FCI, pour Faith-Consistent Investing.
Car la version du document d’une cinquantaine de pages que
nous envoie aujourd’hui une haute personnalité du Vatican,
« sous l’égide des académies pontificales, mais sans la signa-
ture du Saint-Père », est écrite en anglais, la langue vernacu-
laire de la finance. Le titre est lui en latin : Mensuram Bonam,
ce qui veut dire « la bonne mesure ».
Ce texte, qui se présente comme un guide pratique pour « les
investisseurs chrétiens et tous ceux de bonne volonté », et qui a
été discuté depuis 2016 par 170 professionnels de la finance,
qualifie l’ESG de « work in progress ». Comme souvent, l’impor-
tant est dans les annexes. On y trouve les secteurs qui sont à
exclure par les investisseurs voulant obéir aux lois de l’Evan-
gile : la drogue, les armes, l’alcool, le tabac, la pornographie,
mais aussi les jouets et les jeux vidéo déshumanisants, l’ingénie-
rie génétique et l’expérimentation animale. On évitera aussi
d’investir dans les 53 pays qui pratiquent la peine de mort. •
Précision. Le club de professionnels de la cybersécurité mentionné
dans le n° 764 s’appelle Concordance, et non Concorde.
A la semaine prochaine