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la revue des professionnels de l’audit, du contrôle et des risques

AUDITEUR AUDITEUR
Dans l’actualité
BNP PARIBAS : quel impact
INTERNE EXTERNE
pour l'audit interne ? Une coopération nécessaire
Idées et débats
 La sociologie au service de
l’auditeur interne
 Une nouvelle façon
d’appréhender la valeur
d’une entreprise

Libres propos
L’audit interne dans
les administrations de l’Etat
diffère-t-il de celui du secteur
privé ?

Fiche technique
>> Coordination des activités
d’audit interne et d’audit
externe et partage des
informations : rêve ou réalité ?

Rencontre avec ... p.20


René Ricol, Président du cabinet Ricol
Lasteyrie Corporate Finance - Ancien
président de l’IFAC
N°220
Juin - Juillet 2014
Gestion des Risques :
Auditeurs internes, le comité d’audit
et la direction générale comptent
sur vous !

Norme 2120 – Management des risques : L'audit interne doit évaluer l’efficacité des processus de
management des risques et contribuer à leur amélioration.

Afin de renforcer la capacité des auditeurs internes à exercer efficacement leurs responsabilités en
matière d’évaluation des processus de management des risques, l’IIA a développé la certification
CRMA (Certification in Risk Management Assurance).

Le CRMA est un examen de 2 heures, composé de 100 Questions à Choix Multiples. Il est conçu pour
les auditeurs internes et les professionnels de la gestion des risques qui interviennent sur les
périmètres de l’évaluation des risques, sur les processus de gouvernance, sur l’évaluation de la qualité
et l’auto-évaluation des contrôles.

Marquez des points !


Détenir le CRMA vous permettra de démontrer votre professionnalisme dans le domaine de
l’évaluation de la gestion des risques, et plus particulièrement votre capacité à :
 évaluer la maîtrise des risques et la gouvernance des processus métiers
de votre organisation ;
 sensibiliser la direction et le comité d’audit aux concepts liés aux
risques et à la maîtrise des risques ;
 vous centrer sur les risques
stratégiques de l’organisation ;
 apporter encore plus de valeur
ajoutée à votre organisation.
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POUR EN SAVOIR PLUS ...


Rendez-vous sur le site internet de l’IFACI
(www.ifaci.com)
à la rubrique « Carrière + Diplômes ».
La revue des professionnels de l’audit,
du contrôle et des risques
n°220 - juin/juillet 2014
Auditeur interne /
EDITEUR
Institut Français de l’Audit et
du Contrôle Internes (IFACI)
Association Loi 1901
auditeur externe
98 bis, boulevard Haussmann
75008 Paris (France)
Tél. : 01 40 08 48 00
Une coopération nécessaire
Mel : institut@ifaci.com
Internet : www.ifaci.com

DIRECTEUR DE PUBLICATION

D
Farid Aractingi epuis toujours, on s’interroge sur le degré
RESPONSABLE DE LA RÉDACTION de collaboration que l’audit interne doit
Philippe Mocquard avoir avec l’audit externe. Les normes de la
RÉDACTEUR EN CHEF profession en font une obligation, mais comment
Louis Vaurs
cette collaboration se réalise-t-elle sur le terrain ?
RÉDACTION - RÉVISION
Vous en saurez un peu plus en lisant le dossier et la
Jean-Loup Rouff - Béatrice Ki-Zerbo
fiche technique de ce numéro, qui donnent plusieurs
SECRÉTARIAT GÉNÉRAL
Eric Blanc - Tél. : 01 40 08 48 02 exemples de bonnes pratiques vues du côté de l’audit interne ou sous l’angle de
Mel : eblanc@ifaci.com l’audit externe.

RÉALISATION
EBZONE Communication Les différentes facettes du commissariat aux comptes, sont parfois assez mal appré-
32, avenue de Beauregard hendées par les auditeurs internes. L’entretien qu’a bien voulu nous accorder René
94500 Champigny-sur-Marne
Tél. : 01 48 80 00 56 Ricol qui fait autorité dans la « profession du chiffre » tant il a été impliqué dans
Mel : ebzone@ebzone.fr son développement, devrait largement y remédier.

IMPRESSION
Imprimerie de Champagne Deux grands sujets d’actualité dans ce numéro :
Rue de l’Etoile de Langres - ZI Les Franchises
• Le litige BNP Paribas/ Etats-Unis et les enseignements qu’on peut en tirer du
52200 Langres
point de vue de l’audit interne.
ABONNEMENT • Le reporting intégré, une nouvelle façon d’appréhender la valeur de l’entreprise
Elsa Sarda - Tél. : 01 40 08 47 84
Mel : esarda@ifaci.com par Mervyn King le président de l’« International integrated reporting council ».

Revue bimestrielle (5 numéros par an)


Si vous souhaitez vous échapper de l’actualité, lisez l’article de Tommaso Capurso
ISSN : 2117-1661
Dépôt légal : juillet 2014 qui recommande de compléter la démarche rationnelle de l’auditeur interne (des
Photos couverture : © kittitee550- Fotolia.com faits et des chiffres), par une approche sociologique, basée sur le comportement
humain… réjouissant.
Prix de vente au numéro : 25 € TTC

Enfin, dans un libre propos, vous lirez l’histoire d’une prise de position, celle du
groupe professionnel « Administrations de l’Etat », qui a fait siens ces deux vers de
Boileau :
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage
Polissez-le sans cesse et le repolissez

Ce document est imprimé avec des encres végétales


Bonne lecture. 
sur du papier issu de forêts gérées dans le cadre
d’une démarche de développement durable.

Louis Vaurs - Rédacteur en chef


Les articles sont présentés sous
la responsabilité de leurs auteurs.

Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite


sans le consentement de l’auteur, ou de ses ayants droits, ou ayants
cause, est illicite (loi du 11 mars 1957, alinéa 1er de l’article 40).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 3
soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425
et suivants du Code Pénal.
Progressez sur
des bases solides

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appliquent de façon pérenne les trente exigences Tél. : 01 44 70 63 00
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l'Audit Interne.
SOMMAIRE

DANS L’ACTUALITÉ

6 BNP PARIBAS :
quel impact pour
l'audit interne ?
Antoine de Boissieu

IDÉES ET DÉBATS

8 La sociologie au service
de l’auditeur interne
Tommaso Capurso

15 Une nouvelle façon d’appréhender


la valeur d’une entreprise
Mervyn King / Ruth Prickett
DOSSIER
RENCONTRE AVEC ...

19 Du reporting intégré
aux normes
comptables
Auditeur interne /
internationales,
un vaste tour d’horizon auditeur externe
sur l’actualité des
auditeurs internes et externes Une coopération nécessaire
René Ricol p. 23 à 35
LIBRES PROPOS

L’audit interne dans 24 Des intérêts convergents au service de missions


36 les administrations de l’Etat distinctes
diffère-t-il de celui du secteur privé ? Jean-Pierre Hottin
Jean-François Charbonnier
27 De quoi parle-t-on ?
Laurent Arnaudo
FICHE TECHNIQUE N°50
30 Les secrets d’une relation bénéfique
>> Coordination des activités d’audit
Jean-Claude Grynberg, Jean Sandler, Siân Williams
interne et d’audit externe et
partage des informations : Un vaste champ de collaboration
rêve ou réalité ? 33
Sylvain Rousseau
Paul-Henri Mézin

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 5


DANS L’ACTUALITÉ

BNP PARIBAS : quel impact


pour l'audit interne ?
Antoine de Boissieu - Associé-gérant, OSC Solutions

A
l'heure où nous leurs transactions en dollars HSBC, accusée de faits simi- des sommes versées
mettons sous presse, aux Etats-Unis. Les transac- laires et, plus grave, d'aide servaient à dédommager les
l'épilogue du litige tions en elles-mêmes n'ont passive au blanchiment tiers lésés. En l'occurrence,
concernant BNP PARIBAS pas été réalisées aux Etats- d'argent sale au profit de BNP PARIBAS est accusée
aux Etats-Unis n'est pas Unis, ni par une banque cartels de la drogue mexi- d'avoir fait perdre de son
encore connu. Selon les située aux Etats-Unis, mais cains, avait transigé fin 2012 efficacité à la politique exté-
informations disponibles, la elles ont été incluses dans le pour 1,9 milliards de dollars. rieure américaine.
banque risquerait une système de compensation Auparavant, ING avait payé
amende d'environ 10 américain, et sont donc 600 millions de dollars pour En outre, le fait de considé-
milliards de dollars, ainsi considérées à ce titre comme régler le même type de litige rer que les opérations
qu'une interdiction provi- relevant du droit américain. avec les autorités améri- compensées aux Etats-Unis
soire d'accéder au marché caines. On estime que le relèvent de la loi américaine
de la compensation en Trois remarques peuvent montant total des amendes est discrétionnaire ; jusqu'en
dollars aux Etats-Unis. être faites : et accords à l'amiable 2006, la compensation était
Les faits reprochés à BNP 1) l'amende est apparem- réglées par les banques ces en effet considérée comme
PARIBAS seraient les ment disproportionnée dernières années aux Etats- un service financier, proposé
suivants. Une filiale suisse par rapport aux faits ; Unis, pour violation d'em- aux banques pour faciliter le
de la banque aurait réalisé 2) l'interprétation du droit bargo ou défauts de lutte règlement de leurs dettes et
de 2002 à 2009 des transac- est très large ; anti-blanchiment, s'élève à 5 créances en dollars. Le fait
tions en dollars pour le 3) BNP PARIBAS a pris un milliards de dollars. En que ce service était réalisé
compte de clients soudanais, risque réglementaire, comparaison, les sanctions aux Etats-Unis n'entraînait
iraniens et cubains. Ces qu'elle a vraisemblable- de BNP PARIBAS semblent pas que les dettes et
transactions correspon- ment mal apprécié. donc disproportionnées. créances sous-jacentes
draient au règlement de tombaient sous le droit
matières premières, essen- La sanction semble L'interprétation est américain. Une jurispru-
tiellement de pétrole. Or, les disproportionnée discrétionnaire dence de 2006 à l'encontre
Etats-Unis avaient à d'ABN Amro a renversé
l'époque décrété un Sur la base des éléments Cette amende très lourde cette interprétation, qui
embargo visant ces pays. Cet parcellaires disponibles dans sanctionne des faits qui ne aboutit à ce que certains
embargo interdisait à toute la presse, le volume de sont pas répréhensibles en commentateurs ont qualifié
société située aux Etats-Unis transactions incriminé serait droit français et en droit « d'extraterritorialité du droit
de réaliser certaines transac- de 30 à 100 milliards de suisse (pays d'implantation américain ».
tions avec les trois pays dollars. Sachant que la de la filiale incriminée). BNP
incriminés, notamment du marge réalisée sur ce type de PARIBAS n'a pas violé de BNP PARIBAS a pris
négoce de pétrole, et ce afin transactions est très faible, sanctions de l'ONU, mais un un risque
de tarir leurs ressources à l'amende serait donc appa- embargo décrété unilatéra- réglementaire
l'exportation. BNP PARIBAS remment 10 à 100 fois supé- lement par les Américains.
est donc accusée d'avoir rieure au gain retiré par BNP Le dommage est nul pour La banque française a
violé l'embargo en réalisant PARIBAS dans cette affaire. les tiers, pour l'économie et cependant joué avec le feu.
des transactions interdites L'interdiction provisoire de les entreprises américaines. Elle aurait, en effet, été mise
avec des sociétés visées par compenser des opérations Cette amende ne peut pas en garde dès 2006 par le
l'embargo. en dollars aux Etats-Unis être comparée à celles sous-secrétaire au trésor
risquerait également de réglées par les banques pour américain de l'époque,
Le droit américain est appli- coûter cher à la banque, en solder les litiges hérités des notamment pour ses rela-
cable à BNP PARIBAS car les provoquant une perte de subprimes, puisque dans ce tions avec des contreparties
banques font compenser clientèle. dernier cas, la majeure partie iraniennes. BNP PARIBAS

6 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


aurait alors demandé une
analyse à trois cabinets
d'avocats new-yorkais, qui
auraient tous confirmé que
la banque s'exposait à des
sanctions pour les transac-
tions en dollars compensées
aux Etats-Unis. Les faits qui
suivent ne sont pas encore
connus, mais il semblerait
que la filiale genevoise de
BNP PARIBAS ait continué à
réaliser des opérations avec

© Andy Dean - Fotolia.com


les pays sous embargo et à
les faire compenser aux
Etats-Unis, mais en maquil-
lant les noms des destina-
taires des paiements dans
les fichiers remis aux cham-
bres de compensation. C'est
cette dissimulation qui tation différente outre- prononcer sur ce type de cipales législations (notam-
expliquerait en partie l'am- Atlantique. risques, et (2) d'évaluer l'as- ment les lois anti-blanchi-
pleur de l'amende. surance fournie par la ment et celles concernant les
Ainsi, outre l'exemple de deuxième ligne de défense. tiers sous embargo). Les
Quels enseignements BNP PARIBAS, on peut citer services de contrôle interne
peut-on en tirer ? la transaction de 650 MUSD Les risques de litiges (« contrôle permanent ») de
réglée récemment par majeurs aux Etats-Unis ou la banque couvraient égale-
Intégrer le risque judi- Boehringer Ingelheim pour avec les autorités améri- ment ces risques. On peut
ciaire américain mettre fin à des poursuites caines ne peuvent plus être donc s'interroger sur le fonc-
liées à l'un de ses médica- écartés, quel que soit le tionnement de ces services,
Le premier enseignement ments, le Pradaxa. Le labo- secteur d'activité concerné. et avec eux de l'audit
est que le risque réglemen- ratoire pharmaceutique L'affaire BNP PARIBAS les interne. La pression améri-
taire est plus que jamais un allemand était poursuivi fera sans doute remonter caine sur les transactions
risque majeur pour toutes pour avoir dissimulé les dans la liste des priorités de avec les contreparties sous
les sociétés ayant une acti- risques d'hémorragie liés à nombreux comités d'audit et embargo (OFAC) est en effet
vité aux Etats-Unis. La son anti-coagulant (qui est directions générales. Les maximale depuis 2002, les
maîtrise du droit américain justement conçu pour fluidi- comités d'audit pourraient services de conformité et
et de son interprétation est fier le sang et éviter la en particulier demander à d'audit bancaires l'ont bien
devenue de plus en plus coagulation, et qui présente l'audit interne de leur four- identifié comme étant une
compliquée, avec des donc par définition des nir une opinion indépen- zone de risque majeur. Le
impacts potentiels énormes. risques d'hémorragie...). Il dante de celle de la direction fait qu'ils n'aient rien vu
Le fait d'être une société est intéressant de noter que générale, pour s'assurer que pendant 7 ans, malgré les
européenne est sans aucun la justice française a, au cette dernière n'est pas en consultations des cabinets
doute un facteur de risque même moment, classé sans train de faire courir des spécialisés et les alertes des
supplémentaire, d'abord suite une série de plaintes risques juridiques significa- autorités américaines, est
parce que les procureurs similaires. Pour les mêmes tifs à la société (ce que les problématique. A l'inverse,
américains semblent être faits, Boehringer est donc autorités américaines repro- s'ils avaient alerté leur
plus sensibles aux infra- présumé coupable aux chent apparemment à la hiérarchie respective, on
ctions commises par les Etats-Unis, et a préféré direction de BNP PARIBAS). peut se poser la question de
sociétés européennes (fran- payer une amende pour leur indépendance, notam-
çaises notamment), ensuite éviter un procès, et consi- De façon plus générale, la ment pour l'audit interne.
parce que ces dernières ont déré comme dans son droit direction et le conseil L'affaire en cours devrait
souvent une moins bonne en Europe. demanderont sans doute de donc plus que jamais posi-
compréhension du droit et plus en plus à l'audit interne tionner l'audit interne
du système judiciaire améri- Evaluer la deuxième ligne de donner son opinion sur la comme une troisième ligne
cain. Certaines ont ainsi de défense deuxième ligne de maîtrise. de maîtrise, au service des
tendance à reproduire aux Ainsi, dans le cas de BNP organes de gouvernance,
Etats-Unis des pratiques qui Le deuxième enseignement PARIBAS, les risques régle- chargée de se prononcer sur
sont parfaitement légales en est que les comités d'audit mentaires étaient censés être l'action des services qui
Europe, sans s'assurer vont sans doute demander couverts par des départe- composent la deuxième
qu'elles ne pourraient pas de plus en plus souvent à ments de conformité, ligne. 
donner lieu à une interpré- l'audit interne (1) de se garants du respect des prin-

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 7


IDÉES ET DÉBATS

La sociologie au service
de l’auditeur interne

Au cours des dernières années, les entreprises ont mis au point des outils, toujours
plus perfectionnés, destinés à les aider à atteindre leurs objectifs. L’audit interne n’a
pas échappé à cette tendance, et malgré cela, l’« arsenal » des mesures de contrôle
reste insuffisant. En effet, si professionnelle soit-elle, l’approche rationnelle ne peut
plus laisser de côté le comportement humain, et l’on assiste à des jeux d’acteurs au
cours desquels l’auditeur interne se mue en un « sociologue » et un « catalyseur de
la confiance ».

compléter les approches rationnelles de modes créatifs de coopération en


« cartésiennes », généralement recon- vue de recommandations perti-
nues (« des faits et des chiffres »…), par nentes ;
un changement de paradigme et une • contribuer à ce que des objectifs indi-
attention particulière au comportement viduels – parfois contradictoires–
humain, relevant – lui – d’une « rationa- convergent vers un plan ou système
lité limitée » (expression due à Herbert d’action collective, concrète et harmo-
Simon et à James March1). nisée ;
Tommaso Capurso Le « facteur humain », au cœur des • de s’exonérer, de façon innovante, de
organisations (implication, motivation, sa mission fondamentale d’« aider
MIA, CCSA, CIA, QA, EFARM, CRMA, partage du savoir, prises d’initiatives par l’organisation à atteindre ses objectifs
représentant de l’IIA Belgique à l’UFAI, le personnel…), est en effet déterminant en évaluant, par une approche systé-
chef de la division d’audit « opérations pour le fonctionnement efficace des matique et méthodique, ses processus
et systèmes techniques », audit interne, processus de l’entreprise et leur trans- […] et en faisant des propositions
SNCB (Belgique) formation continue dans un monde en pour renforcer leur efficacité ».
mutation.
L’idée principale est que, confrontée à Ainsi, l’auditeur interne se mue sensi-

L
es entreprises disposent actuelle- un risque ou un problème, le comporte- blement en un « sociologue » et un
ment de nombreux modèles ment des acteurs est d’abord induit par « catalyseur de la confiance3 et de la
managériaux « modernes » et de leurs objectifs propres ; les stratégies coopération interpersonnelle ».
bonnes pratiques, visant à les aider à individuelles sont conditionnées par la
atteindre leurs objectifs. combinaison des ressources à leur dis- Le présent article vise à :
Il en est de même pour l’activité d’audit position, de leurs pouvoirs, de leurs • sensibiliser les auditeurs internes à
interne, normée et de plus en plus pro- contraintes et des zones d’incertitude l’évolution sociologique significative
fessionnelle, qui gagne continûment en perçues. de la pensée managériale des organi-
maturité. Dans ce « jeu des acteurs », décrit et sations depuis environ un siècle ;
Et pourtant, l’arsenal consolidé de analysé par Michel Crozier et Erhard • comprendre les attitudes des divers
« mesures de contrôles internes » ne Friedberg 2, s’ouvre, pour l’auditeur acteurs de l’organisation, face à un
suffit pas toujours, dans un environne- interne, l’opportunité de : problème à résoudre (… un risque,
ment risqué et évolutif (globalisation, • percevoir l’interaction complexe et potentiel), en vue de susciter une coo-
pressions réglementaires accrues, chan- subtile entre les acteurs ; pération accrue ;
gements technologiques…) et en parti- • comprendre comment développer un • proposer l’application d’une grille
culier dans les organisations fragmen- arbitrage possible entre les multiples d’analyse « systémique » dite aussi
tées et/ou fonctionnant « en silos » . facteurs motivationnels ; « stratégique » des organisations, en 5
L’expérience montre qu’il y a lieu de • renforcer son rôle dans la recherche étapes, afin de mieux comprendre les

8 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


mécanismes, souvent complexes, étudiant les conditions nécessaires pour La phrase qu'il aurait adressée à l'ou-
d’interaction et d’ajustement (alliance améliorer la productivité. Il aboutit à la vrier Michael Shartle : « On ne te
ou régulation) entre les divers acteurs, conclusion qu'une approche métho- demande pas de penser ; il y a des gens
face à la prise de décision ; dique s'imposait et développe l’« OST » payés pour cela, alors mets-toi au travail »
• illustrer de manière didactique cette (Organisation Scientifique du Travail ; est souvent reprochée à Taylor.
grille à l’aide d’un exemple pratique une pensée managériale analogue était « Commander et contrôler » : le mana-
réel vécu, dans une entreprise du sec- présente en France avec Henri Fayol). gement pouvait donc l’exiger à l’époque.
teur de l’équipement automobile. Cette approche reflète une vision L’image, dans « Les temps modernes »
« déterministe » des organisations, à de et avec Charlie Chaplin, serrant des
Evolution sociologique savoir que la performance de l’entre- boulons sous les hurlements – même si
de la pensée managériale prise était conditionnée majoritairement le film était muet – de son contremaître,
des organisations par une approche « descendante » : l’or- en est une parfaite illustration.
ganisation forme et conditionne les Progressivement, ce modèle classique
L’évolution des modèles de sociologie individus. (« One best way ») a évolué.
des organisations est condensée ci-des- Les facteurs clefs de succès érigés en
sous (figure adaptée de D. Boeri et S. « règles d’or » de l’époque étaient La production de masse (« Les gens peu-
Bernard4). On y distingue en particulier : notamment : la primauté de la hiérar- vent choisir n’importe quelle couleur pour
• la logique de l’entreprise ; chie, la division du travail – essentielle- la Ford T pourvu qu’elle soit noire », Henry
• la logique de l’individu ; ment manuel –, la séparation des activi- Ford) a cédé le pas à une attention
• les caractéristiques de l’organisation. tés (conception / production), le carac- accrue aux attentes du client (toyo-
tère directif des tâches à exécuter. tisme). En particulier, la qualité totale et
Au début du 20ème siècle, Frederic On reconnaît, dans ce mode de pensée, les normes de système de management
Winslow Taylor a revisité la philosophie le principe rémanent de « séparation de de la qualité ont conduit à la nécessité
et les principes concrets de collaboration fonctions », encore bien connu de nos d’une vision plus globale, « systé-
et d'organisation du travail en atelier, en auditeurs internes actuels. mique », orientée processus, de l’impli-

1900 1930 1950 1970 1980 1985 1990 2000

Hiérarchie Réseau
Caractéristique de l’organisation

Caractéristique de l’organisation
Production de masse Le client est
unique

Division du travail Processus


Centralisation Décentralisation
Direction Participation
Respect de la hiérarchie Analyse critique des spec.
Séparation des tâches Relations, connexions, reliance
Tâches à exécuter Résultats, objectifs à atteindre
ISHIKAWA
Référence Référence
TAYLOR MAYO MASLOW HERZBERG CROZIER CROSBY MACCOBY
auteurs auteurs
DEMING

OST et Enrichissement Le système,


LOGIQUE DE OST des tâches. Le système Qualité LOGIQUE DE
(Organisation Scientifique relations Groupes
le pouvoir et
L’ENTREPRISE du Travail)
et le pouvoir totale L’ENTREPRISE
humaines autonomes le plaisir
Part de
Descendante

Part de
Ascendante

l’organisation
l’organisation
Part des
Part des personnes
personnes
SANTÉ JEU DE DÉVELOPPEMENT
LOGIQUE DE FATIGUE EMPOWER- LOGIQUE DE
CONTACTS BESOINS MOTIVA- GROUPES DE LA PERSONNA-
L’INDIVIDU ARGENT MENT L’INDIVIDU
TION D’ACTEURS LITÉ

1900 1930 1950 1970 1980 1985 1990 2000

Ecole « systémique » Palo Alto (M. Crozier, E. Friederg) Tableau 1

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 9


IDÉES ET DÉBATS

cation du personnel, de l’amélioration Acteur Celui (individu ou groupe) qui participe à une action et qui a des intérêts communs
continue… pour cette action.
Individu concerné et capable d’intervenir sur un problème donné :
Les « ordres », exprimés en termes de • concerné : à partir des enjeux, on identifie les acteurs impliqués ;
moyens et de procédures à respecter, • capable d’intervenir : l’acteur est d’autant plus influent qu’il peut mobiliser des
font de plus en plus place à la formula- ressources pertinentes.
tion de finalités, d’objectifs à atteindre, Problèmes / Quels sont les enjeux dans une organisation ?
l’individu – mieux formé – prenant des enjeux • aléas (panne de machine…) ;
initiatives prépondérantes dans la (à mettre en • points - clefs (« de quoi dépend la réussite de l’entreprise ») ;
conception des processus et des perspective • tensions et difficultés rencontrées.
avec les Il s’agit des problèmes importants/récurrents non résolus, qui se traduisent par la
moyens, dans l’analyse critique des spé- objectifs non atteinte des objectifs (collectifs / individuels) des acteurs. Pour une personne,
cifications, au sein des organisations individuels) cela concerne ce qu’elle a à gagner ou à perdre.
décentralisées voire fragmentées.
Ressources • Les atouts pour influer sur la situation.
• Les ressources mobilisables par un acteur peuvent prendre de nombreuses
De nos jours, le travail présente une formes.
composante intellectuelle croissante5. Par exemple :
Tous les collaborateurs sont des travail- - hiérarchie (autorité à donner des ordres, infliger des sanctions) ;
- savoir-faire technique (faire fonctionner, réparer) ;
leurs intellectuels ! (« knowledge wor-
- relationnel (accéder à quelqu’un d’important, connaître le client) ;
kers » ou « travailleurs du savoir »). Les - informations, connaissances (savoir analyser, anticiper).
outils, machines et robots ont souvent
Pouvoir • « Le pouvoir de A sur B est la capacité de A d’obtenir que B fasse quelque chose qu’il
remplacé les muscles. Même les fonc-
n’aurait pas fait sans l’intervention de A » (R.Dahl).
tions intellectuelles simples ont été rem- • « C’est un rapport de force, dont l’un peut retirer davantage que l’autre, mais où, éga-
placées par l’informatique. Que reste-t- lement, l’un n’est jamais totalement démuni face à l’autre » (M.Crozier). Il peut donc
il donc, pour les individus, comme type s’agir aussi de la pression possible de celui qui reçoit un ordre sur celui qui le
donne.
de travail à effectuer ? Celui pour lequel • Les ressources du pouvoir :
la plupart des habiletés humaines, intel- - la contrainte ;
lectuelles et sociales sont nécessaires. Ce - la légitimité.
que leur cerveau a de meilleur à offrir, le • Les sources du pouvoir :
- possession d’une compétence difficilement remplaçable (expertise, spécialisa-
management ne peut l’acheter ni l’exi- tion fonctionnelle) ;
ger et doit… le mériter. Ce qui impacte - maîtrise des relations avec l’environnement (maîtrise des perturbations) ;
leur enthousiasme, leur motivation, leur - maîtrise des flux d’information et de communication ;
loyauté, leur comportement fiable, leur - connaissance, compréhension et utilisation des règles organisationnelles
(explicites ou tacites).
bonne volonté face au changement.
L’essence du rôle managérial devient Contraintes • Les handicaps pour influer sur la situation.
ainsi : inspirer, assister, coordonner. • Les limitations des ressources.

Zone • Part d'indétermination que comporte une situation et manière selon laquelle on
L’organisation est considérée aujour- d’incertitude peut agir sur elle.
d’hui – par analogie à un organisme • Ressources dont dispose un acteur :
vivant – comme un système, une - surtout sa marge d'autonomie dans sa mise en œuvre ;
- le « jeu » de pouvoir.
construction sociale, la résultante des • Contrôler (… ou pas) une zone d’incertitude, c’est avoir la liberté d’agir (… ou
actions des individus, soit la combinai- pas).
son des individualismes en interaction / • Un acteur contraint d’agir d’une certaine manière n’a pas de zone d’incertitude !
interdépendance permanentes. • « Plus la zone d'incertitude contrôlée par un individu ou un groupe sera cruciale,
plus celui-ci disposera de pouvoir ».
L’approche est devenue « ascendante ».
Une question sensible se pose dès lors Stratégie • Ensemble cohérent de comportements qu’un acteur adopte en vue de préserver
de façon aigüe pour l’auditeur interne : ses intérêts.
• La stratégie est orientée par les enjeux et zones d’incertitudes contrôlées.
après avoir séparé (structures, organi-
• Toute stratégie est rationnelle aux yeux de celui qui l'utilise… mais il y a plusieurs
grammes, descriptions de fonctions, rationalités « limitées » (selon l’appréhension de la situation, les facteurs cultu-
objectifs différenciés par entité ou indi- rels…).
vidu, règles strictes d’autorisation…),
Système • C’est la résultante des différentes stratégies, des conflits et des alliances que peu-
comment relier, re-connecter les com- d’action vent nouer les acteurs.
posantes interactives – parfois dis- concret • Ensemble de jeux structurés et d’ajustements permanents entre des acteurs
jointes – d’une organisation pour qu’elle (“SAC”) interdépendants, dont les intérêts peuvent être divergents voire contradictoires.
soit efficace et atteigne les objectifs col- • Le SAC recouvre 2 réalités :
- système des alliances et contraintes : des alliances officieuses se nouent au
lectifs assignés ? sein d’un système. Ces alliances sont essentiellement dues aux perspectives
A notre sens, il s’agit essentiellement de nécessairement différentes les unes des autres ; il s’agit alors d’un système
poser un regard systémique sur les généralement provisoire (actions particulières) ;
mécanismes d’interaction du jeu des - système de régulation des relations : règles de relations que se donnent les
acteurs pour résoudre des problèmes quotidiens de l’organisation ; dans ce
acteurs et d’imaginer des pistes créatives cas, le système est plus durable car basé sur des relations stables et régulières.
de coopération collective.
Tableau 2

10 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Analyse systémique / Concepts clefs et définitions6 En quelque sorte, « la solution, c’est le
sociologique des problème ! ».
organisations Avant de proposer un modèle de
démarche (grille d’analyse) structurée, Grille d’analyse stratégique
Cette analyse est aussi dénommée systématique et méthodique, il y a lieu
« stratégique » par ses deux auteurs : de définir quelques concepts clefs (Cf. La grille, présentée ci-dessous (Cf.
• Michel Crozier (1922-2013), fonda- tableau 2). tableau 3), est établie pour l’ensemble
teur du Centre de Sociologie des des acteurs au sein de l’organisation,
Organisations (CSO) et professeur à Démarche d’analyse concernés par la problématique.
l’Université de Harvard. A l’occasion structurée en 5 étapes
du colloque « Services publics » (27- Exemple pratique du secteur
28/11/2002) auquel il fut invité par La méthodologie peut être résumée en de l’équipement automobile
l’IFACI, il fit un exposé intitulé « La 5 étapes successives, selon le schéma
sociologie de la réforme : les résis- « bouclé » ci-dessous, qui mettent en Dans le présent cas concret analysé,
tances et les leviers ». A noter, dans œuvre les concepts clefs et définitions nous ne rentrerons pas dans les détails
son intervention, la prise de position précédemment clarifiées. purement techniques.
suivante : « Nous devons passer du Le point de départ, l’Etape 1, est l’iden- Néanmoins, comme dans toute mission
contrôle à l’évaluation. Le contrôle, cela tification de la situation problématique. d’audit, l’auditeur interne doit s’investir
veut dire que toutes les règles ont été res-
pectées. L’évaluation, c’est prendre le pro-
blème plus largement pour essayer de
Système d’Action
voir à quoi ça sert, et de réfléchir à l’en- Concret (SAC)
semble du système qui donne le résultat.
Ce qui est la seule chose importante, c’est Situation problé-
de passer de la culture de la règle à la cul- Stratégies Etape 5 matique récurrente /
ture du résultat » ; non résolue
• Erhard Friedberg, d’origine autri- Etape 1
chienne (né en 1942) ; il fut directeur Etape 4
du CSO jusqu’en 2007 et directeur de
recherche au CNRS.
Zones Acteurs
Il est utile de souligner que la logique Etape 2
d’incertitude concernés
systémique s’intéresse au « vers quoi »
(l’objectif étant la cible de référence), à
appréhender les composantes du sys-
tème, à agir sur les relations entre les
acteurs, à mettre en œuvre une solution.
Contraintes Problèmes pour eux
En ce sens, l’analyse stratégique vise à :
(handicaps, (enjeux) / objectifs
• établir les relations efficaces et effi-
limitations) individuels
cientes entre acteurs d’une entreprise,
une simple structuration « descen- Etape 3
dante » du fonctionnement de l’entre-
prise (un organigramme, un proces-
sus, une procédure…) ne suffisant Ressources
Pouvoirs
plus ; (atouts) Schéma 1
• identifier et influencer les interactions
entre acteurs afin de résoudre les pro-
blèmes / maîtriser les risques ;
Etape 1 Identifier la situation problématique récurrente / non résolue.
• améliorer les performances de l’entre-
prise en comprenant les rouages de Etape 2 En déduire les acteurs concernés (individus ou groupes) (et leurs interactions).
l’organisation.
Etape 3 Etudier chaque acteur en détail. C’est-à-dire identifier :
• les problèmes (enjeux) pour eux (leurs objectifs individuels),
L’enjeu fait l’acteur ! Si l’enjeu est faible • les ressources,
pour un acteur, ce dernier se révèlera • les pouvoirs,
• les contraintes,
peu motivé donc peu actif ou coopéra-
• les zones d’incertitudes.
tif ; par contre, si l’enjeu est commun, Prendre en compte la rationalité propre de chaque acteur, « se mettre à sa place ».
l’acteur peut jouer collectif par rapport
au groupe d’individus qui partage cet Etape 4 En déduire les stratégies de chaque acteur.
enjeu. Etape 5 Déterminer le système d'action concret sur base de l’interaction entre les stratégies.

Grille d’analyse stratégique - Tableau 3

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 11


IDÉES ET DÉBATS

dans la compréhension du « business fois des décisions sub-optimales pérature, pression, viscosité…). Ces
process ». affectant l’aptitude future de l’outil- réglages fins terminés, il procède à la
lage à réaliser la pièce conçue. production des pièces en série et les
Etape 1 : Description de la situation, • L’acheteur de l’outillage d’injec- livres, au cadencement convenu, à
du problème récurrent tion : personne du service « achats », l’équipementier pour alimenter sa
Dans un contexte de « Just In Time », le chargée d’approvisionner l’outillage ligne d’assemblage.
problème récurrent était la difficulté nécessaire auprès d’un outilleur spé-
pour l’équipementier concerné de res- cialisé à sélectionner. Les interactions entre principaux acteurs
pecter les délais de livraison des pièces, • Le responsable « méthodes » : per- sont modélisées dans le schéma 3. Les
avec pour conséquence, en cas de déra- sonne chargée de la conception du critères, auxquels chaque acteur est sen-
page, la mise en danger, chez le client, processus de production (ligne ou cel- sible, sont indiqués et le cas échéant
de la date de production série des voi- lule d’assemblage) au sein de l’équi- soulignés au droit de chacun d’eux.
tures. pementier. Il doit s’assurer de la Il est intéressant, à ce stade, de
Vu la multiplicité des fournisseurs pour conformité des pièces issues de l’ou- construire également le « socio-
un même véhicule, il est impérieux, pour tillage d’injection, surtout en ce qui gramme » (ou « diagramme d’affini-
chacun d’eux, de respecter le (même) concerne leur capacité de répondre tés »), relatif à la qualité des relations
délai prévu. aux exigences de « DFM » (Design For entre acteurs (échelle de « très positif »
De nombreuses pièces sont produites Manufacturing) (aspect, interchangea- + + à « très négatif » - -, en passant par
par injection plastique (procédé dit de bilité, tolérances dimensionnelles…). le point « neutre » =). Cette méthode,
« plasturgie »). • L’outilleur : concepteur, réalisateur et qui n’est pas décrite dans l’approche ori-
Le respect des délais de réalisation des metteur au point de l’outillage d’in- ginelle Crozier / Friedberg, est un apport
outillages de production série (aussi jection nécessaire à la production en de François Dupuy7. La finalité du socio-
désignés « moules » d’injection), desti- série, sur base des plans et spécifica- gramme est de contribuer à discerner le
nés à cette injection plastique, est, dans tions qui lui sont fournis comme don- « jeu des acteurs », et les conflits ou
le cas analysé, sur le chemin critique. nées d’entrée. alliances qui peuvent se développer
Le schéma générique de planning de Il va s’assurer préalablement de la dans le « Système d’action concret ».
développement est donné ci-contre fabricabilité des pièces telles que des- La grille d’analyse stratégique complète
(schéma 2). sinées et faire ses remarques voire est consolidée pour les étapes 2 à 5 en
demandes de modifications de une seule fois, par souci de concision,
Etape 2 : Identification des acteurs et conception de la pièce auprès de pour éviter des redondances dans le
de leurs interactions l’équipementier lorsque qu’il estimera présent exposé.
• Le client : celui pour lequel travaille que des règles de plasturgie ne sont Les commentaires spécifiques sont
l’entreprise. Nous l’avons écrit entre pas respectées, pour réduire la com- néanmoins circonstanciés par étape (Cf.
parenthèses, car sa voix, qui pourrait plexité de l’outillage (incompatibilité tableau 5).
utilement contribuer aux arbitrages et avec le délai imposé) ou encore pour
à faire collaborer les divers acteurs, ne des raisons de coût. Etape 3 : Identification des objectifs /
se fait pas suffisamment « entendre » • Le « plasturgiste » : une fois l’outil- problème à résoudre ; ressources /
partout à l’intérieur de l’organisation. lage série mis au point par l’outilleur, pouvoirs ; contraintes ; incertitude
• Le chef de projet : responsable d’une il l’intègre sur une machine d’injec- pertinente
structure matricielle, il n’a pas de pou- tion industrielle (presse) et optimise Les objectifs / intérêts individuels et pro-
voir hiérarchique direct – mis à part les paramètres de production (temps blèmes à résoudre pour chaque acteur
son « leadership » personnel et infor- de cycle de production unitaire, tem- s’identifient et s’interprètent, en tenant
mel – sur les ressources spécialisées
(conception, méthodes de production,
achats…) qu’il doit animer. Top R. O. DMS
• Le responsable « études » (design
pièce / produit). Il réalise la concep- Réalisation Montée en cadence
Design
tion sur base d’un environnement (plans)
(fichier électronique « 3D ») et du
Temps
cahier des charges fournis par le
client. Soucieux du travail bien fait, il Mise au point
peaufine les détails de conception des
Off-Tools E. I.
pièces avant de livrer ses plans et spé-
cifications aux autres acteurs (achats,
méthodes…). Sans le savoir, par Glossaire :
manque de connaissance de règles R. O. : Réalisation Outillage
pointues de plasturgie (démoulage E. I. : Echantillons initiaux
des pièces notamment) et de commu- DMS : Date de mise en service
nication avec l’outilleur, il prend par- Off-Tools : Pièces sorties d’outil

Schéma 2

12 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Prix outillage (en 1ère négociation) Coût des études
Délais Qualité validées existaient pour les divers
Délais conception acteurs et les faisaient intervenir souvent
de façon séquentielle, donc d’une cer-
ACHETEUR HOMME ÉTUDES taine façon en silos ou guichets succes-
Coût outillage sifs. Une conséquence, par exemple,
Qualité
pour l’homme « études » est de vouloir
OUTILLEUR CHEF DE PROJET se conformer à sa procédure et de ne
Qualité livrer son design que lorsque tous les
Coût détails de conception, dont il est sup-
PLASTURGISTE HOMME MÉTHODES Délai
posé être l’expert, sont fignolés.

Etape 5 : Détermination du Système


Qualité outillage (perf. future Qualité
production) Coût
d’action concret (SAC)
Délai Cette étape vise à déterminer le méca-
Partenaire Partenaires projet EQUIPE PROJET nisme d’interaction (alliance / régula-
externe internes à l’entreprise proprement dite tion), c’est-à-dire :
• les coalitions dominantes et les
Schéma 3 acteurs périphériques ;
• les types d’arrangements sur lesquels
repose la coopération entre acteurs.
Relations Outilleur Acheteur Plasturgiste Méthodes Etudes

Acheteur + En examinant le schéma d’interaction


des acteurs et le sociogramme de l’étape
Plasturgiste ++ +
2, il apparaît deux pôles d’acteurs
Méthodes = -- - (groupes d’alliance potentielle) ayant
des intérêts assez convergents :
Etudes = = + - • d’une part : l’équipe projet propre-
Chef de ment dite, soit l’homme « études »,
= - - + -
projet l’homme « méthodes » et le chef de
projet. Le chef de projet et l’homme
Tableau 4
« méthodes » sont en interaction fré-
compte du schéma d’interaction de flexible de l’outillage et à la possibilité quente. Ils sont le plus près de la voix
l’étape 2 du tableau 4, au cours de de réglages faciles. et de la pression (exigences) du client
contacts, de rencontres, d’interviews (externe). L’exigence de délai est pré-
avec les divers acteurs de l’organisation. Idéalement, dans la philosophie du gnante dans leurs actions, qui intè-
Les pouvoirs ont été, dans la présente « Just In Time », la devise est « Do it right grent le paramètre temps dans toutes
analyse de cas, intégrés à la colonne first time ! » (« Faites-le bien du premier leurs décisions ;
« ressources ». coup !»). Cependant, les demandes de • d’autre part : les partenaires projet
Les contraintes sont explicites. modification, fréquentes, sont naturelle- internes (soit l’acheteur et le plastur-
Les zones d’incertitude pertinente ment génératrices d’itérations dans le giste) et externe (l’outilleur) à l’entre-
apparaissent comme étant les processus de développement et se tra- prise. L’écho de la voix du client qui
demandes de modifications (les fameux duisent par des coûts et délais supplé- les atteint est atténué ; le critère de
« change requests » selon la terminologie mentaires, qu’il importe de maîtriser. délai n’était pas prioritaire pour eux.
anglo-saxonne) du design, révélatrices Les références aux modifications sont
du manque de communication, de syn- marquées d’une petite flèche oblique Référons-nous maintenant aux flèches
chronisation préalable des besoins et dans les 3 colonnes de la grille, relatives (en pointillés) d’interaction et d’ajuste-
des critères déterminants pour chacun à l’étape 3. ment, superposées à la grille d’analyse
des acteurs, et donc du manque d’ajus- consolidée.
tement entre priorités des acteurs, par Etape 4 : Identification de la stratégie Le chef de projet et l’homme
exemple en ce qui concerne : de chaque acteur « méthodes » constituent une coalition
• le responsable « études » : respecter A nouveau, les stratégies / attitudes que déterminée à faire respecter le délai.
les contraintes d’interface du produit développent les acteurs sont différen- Le chef de projet est légitime et
avec l’environnement géométrique ciées selon les sensibilités déjà présen- reconnu ; il représente la voix du client
fourni par le client ; tées dans les schémas d’interaction au sein de l’équipementier et de l’équi-
• l’outilleur : assurer la simplicité et la développés à l’étape 2. pementier chez le client. Il endosse la
fabricabilité de l’outillage (démoulage L’organisation des projets était certifiée responsabilité ultime vis-à-vis du client.
aisé de la pièce à produire) ; ISO9001 (Système de Management de L’homme « méthodes » ressent égale-
• le plasturgiste : veiller à l’utilisation la Qualité). Des procédures détaillées et ment la pression du client du fait que ce
dernier procède à la réception, sur place,

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 13


IDÉES ET DÉBATS

Etape 2 Etape 3 Etape 4


1 “Bounded Rationality and Organizational
Objectifs, Learning“, Organization Science 2 (1), 125–134,
Ressources / Herbert Simon, 1991.
Acteurs problème à Contraintes Stratégies
pouvoirs
résoudre “A Primer on Decision Making: How Decisions
Coût des MAP (si Happen”. New York: The Free Press, James
Facturation March, 1994.
Gagner de mauvaise Qualité du moule
Outilleur des MAP
l’argent réalisation) à juste nécessaire 2 « Le pouvoir et la règle », Michel Crozier et
(si modifications) charge
Erhard Friedberg, Ed. Seuil, 1981.
Réduire le prix de Seul négociateur « L’acteur et le système », Michel Crozier et
Se désengager de
Acheteur l’outillage en 1ère vis-à-vis de Qualité du moule Erhard Friedberg, 1977, rééd. Seuil, coll. « Points
la phase de MAP
négociation l’outilleur
essais », 1992.
Modifications - « Etude sociologie de l’organisation », Michel
Pas de problème Se faire couvrir
Expertise -
Plasturgiste avec le moule en Coûts - Délais par l’homme Crozier, Erhard Friedberg, Philippe Bernoux,
Partenariat avec
production méthodes source internet.
l’outilleur
Faire intervenir le « Une présentation de l’analyse stratégique
Pas de pouvoir selon Michel Crozier et Erhard Friedberg.
Méthodes Piloter les délais Chef de projet pouvoir du chef
hiérarchique Présentation schématique », Gérard Pirotton,
de projet
Cahier de Délais de source internet.
Pas de préconisations conception - Pas de Appliquer les 3 Voir à ce sujet l’excellent article « L’économie
Etudes modifications du Validation du plan ressources MAP procédures repose-t-elle sur La confiance ? », Xavier de la
plan de pièce en équipe pour modifs du plan
Vega, Sciences humaines, août-septembre
Maîtriser les délais 2012, n° 240. Il met notamment en évidence le
Chef de Pas de pouvoir Relayer le pouvoir
(pas seulement les Client
projet hiérarchique du client rôle du « capital social » dans le développement,
subir)
autrement dit « les traits de la vie sociale –
réseaux, normes et confiance – qui facilitent la
Etape 5 : interactions d’ajustement coordination pour un bénéfice mutuel », selon
Tableau 5
la définition de Robert Putnam. Par ailleurs, en
de l’aptitude à la production de la ligne L’analyse systémique / sociologique, par matière de coopération, dans le monde de l’en-
d’assemblage. Dans les flux de commu- un effort d’empathie et de compréhen- treprise comme ailleurs, la confiance est essen-
tielle. Elle ne va cependant pas de soi. Adam
nication (depuis le client jusqu’à l’outil- sion des interactions entre acteurs, per-
Smith suggère que l’intérêt bien compris de
leur), l’homme « méthodes » occupe met : chaque individu est de veiller à celui de ses par-
une position centrale dans l’organisa- • de déceler la dynamique de l’organi- tenaires. Ce raisonnement atteint cependant
tion pour la négociation entre acteurs. sation (considérée comme un sys- vite ses limites, puisqu’il est des situations, bien
tème) ; identifiées par la théorie des jeux, dans les-
Afin de réduire de façon significative les • d’anticiper les réactions et les blo- quelles l’intérêt individuel conduit à faire le
contraire de ce qui se révèle mutuellement
délais, un changement organisationnel cages face à un problème ou un avantageux. La confiance permet de pallier les
et culturel a été négocié, à l’initiative du risque : difficultés. On peut en effet la définir comme
chef de projet et des méthodes, pour - identifier les acteurs à convaincre et une « hypothèse sur une conduite future »
réaliser un co-design dans toutes les les modifications de leur perception (Georg Simmel) ou encore comme « une atti-
phases de conception, visant à un des enjeux ; tude à l’égard d’autres personnes, dont nous
espérons qu’elles se révéleront fiables » (Stanford
décloisonnement des silos organisation- - maîtriser les effets des décisions
Encyclopedia of Philosophy).
nels. En pratique : d’un acteur et de celles des autres ; 4 « Organisation et changement – Comment tirer
• « ingénierie simultanée » au lieu de - identifier les voies d’actions possi-
le meilleur parti du potentiel de votre entre-
« séquentielle », de l’équipementier bles ; prise », Daniel Boeri et Stéphane Bernard, Ed.
chez le client ; • de rechercher des modes créatifs de MAXIMA, 1998.
• « intégration précoce » de l’outilleur coopération et des recommandations 5 « Le management du changement et de la
chez l’équipementier. pertinentes, afin d’améliorer la perfor- sécurité en ces temps d’incertitude et de stress »,
mance de l’entreprise. Dr. Theo Compernolle, M.D., Ph.D., Conférence
* * effectuée à Infrabel (Executives Day, 2011,
Bruxelles).
* De par sa nature systémique, l’approche
6
stratégique n’est pas un simple outil de En plus des références bibliographiques princi-
pales (M. Crozier et E. Friedberg), voir également
L’auditeur interne est, depuis toujours, à plus à la disposition de l’auditeur
« L’analyse stratégique des projets », Rémi
l’écoute des organisations. Paradoxa- interne. Bachelet, Enseignant-chercheur, Ecole Centrale
lement, il doit veiller à développer une de Lille, cours mis à jour le 12 mars 2013, source
sensibilité nouvelle… de « sociologue ». Elle peut l’aider, de façon innovante, à internet.
Il a besoin en effet de connaître les uni- mieux faire face à la diversité et à la 7 « L’alchimie du changement », François Dupuy,
vers humains dans lesquels les organi- complexité des organisations humaines, Ed. DUNOD, 2001
sations travaillent et décident, afin d’ap- confrontées en permanence à des pro- « Cours de sociologie des organisations »,
François Dupuy, CEDEP, INSEAD, Fontainebleau.
préhender la perception et la situation blèmes / risques et à des changements
multiples. 
« Sociologie du changement – Pourquoi et
des acteurs et d’être mieux à même de comment changer les organisations », François
la faire évoluer. Dupuy, Ed. DUNOD, 2004.

14 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Une nouvelle façon
d’appréhender la valeur
d’une entreprise
Texte de Ruth Prickett

du président de la Bourse de Johannesbourg


Comment pouvez-vous faire en sorte que les organisations évaluent et rendent aux représentants des syndicats de l'indus-
compte des facteurs qui indiquent vraiment aux parties prenantes si elles sont sus- trie textile. »
ceptibles de prospérer à long terme ? Mervyn King explique son implication de
longue date dans la gouvernance et sa volonté, en tant que président de Approche globale
l'International Integrated Reporting Council (IIRC), de modifier la façon dont nous contre approche partielle
appréhendons nos entreprises.
Ce groupe de travail a produit en 1994
le premier rapport King1, qui est devenu
le paradigme de l'évolution d'une

M
ervyn King a un emploi du devait élaborer des lignes directrices sur approche « partielle » vers une approche
temps chargé : « La semaine la gouvernance pour l'Afrique du Sud « globale » en matière de gouvernance.
dernière, j'étais à Vienne, la durant la période qui a immédiatement Comme le précise Mervyn King, un
semaine précédente, en Espagne, suivi la fin de l'apartheid. Le seul rap- modèle partiel est centré sur les action-
aujourd'hui, je suis à Londres, et la semaine port de ce type qui existait auparavant naires, les cours et les résultats, même si
prochaine, je serai à Sydney, puis à était le rapport Cadbury, publié en cette démarche a un impact négatif sur
Bangalore. » Un tel degré de sollicitation décembre 1992 au Royaume-Uni. la société ou sur l'environnement.
témoigne de l'intérêt que portent les
organisations et les pays au reporting Comme le raconte Mervyn King : « En « Nous avons précisé que le conseil doit
intégré – et montre que Mervyn King et 1992, nous étions à l'aube de la démo- identifier les principales parties pre-
ses collègues de l'International Integrated cratie. L'Institut des nantes de l'activité, comprendre
Reporting Council ont réussi à convaincre Administrateurs et les leurs besoins ainsi que les
le monde entier de la pertinence (et de grands organismes de « Le grand public attentes de la société, et
la nécessité) de cette idée. comptabilité sou- est aujourd'hui devenu intégrer ces facteurs
haitaient disposer pour prendre des
Juriste de formation (il fut le plus jeune de lignes direc- actionnaire ; ce statut n'est décisions dans
juge de l'histoire à démissionner de ses trices qui aide- plus réservé à quelques familles l'intérêt de la
fonctions, à tout juste 41 ans), Mervyn raient les res- valeur globale de
King est devenu ensuite administrateur ponsables à
fortunées. Il est du devoir de l'entreprise,
non dirigeant de plusieurs sociétés diriger et à gérer ceux qui gèrent ces fonds de indique-t-il. Le
cotées, ce qui lui a donné, dit-il, une les entreprises, s'interroger sur la pérennité conseil doit exami-
vision peu courante des organisations. car les circuits clas- ner les impacts posi-
« J'ai d'abord travaillé sur la gouvernance siques de l'économie de la société dans laquelle tifs et négatifs de l'or-
en tant qu'avocat, déclare-t-il, puis en tant étaient nouveaux pour ils investissent. » ganisation en termes
qu'administrateur non dirigeant et, sou- la plupart d'entre eux. J'ai financiers, sociaux et envi-
vent, le fait de passer de l'autre côté de la accepté ce projet, en précisant tou- ronnementaux. »
barrière vous donne matière à réflexion. » tefois que nous devions partir sur de nou-
velles bases, car nous étions une nouvelle Le groupe créé pour élaborer le rapport
Il a commencé à s'intéresser de près au nation. J'ai invité des personnes de tous les King ne s'est jamais dissout, et Mervyn
concept de reporting intégré alors qu'il secteurs à participer au groupe de travail, King a pu ainsi tirer parti de l'expérience

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 15


IDÉES ET DÉBATS

collective pour actualiser le rapport en


2002 et 2009.

Le rapport King a adopté le principe


non contraignant « se conformer ou
expliquer », désormais au cœur du Code
de gouvernance britannique (2010). Les
mérites du principe du reporting global
ont été vantés dans le monde entier et,
en 2001, Mervyn King a été invité à pré-
sider le comité de pilotage des Nations
Unies sur la gouvernance, et à réécrire
les dispositions relatives à la gouver-
nance et la surveillance pour les Nations
Unies et l'Organisation Mondiale du
Commerce.

Entre-temps, la situation mondiale a


évolué, rendant les principes du repor-
ting global plus pertinents que jamais.

Comme le souligne Mervyn King :


« Toutes les entreprises pensent aujourd'hui
aux attentes de leurs parties prenantes. Le
grand public, à travers les fonds de pension
et les compagnies d'assurance, est
aujourd'hui devenu actionnaire ; ce statut
n'est plus réservé à quelques familles fortu-
nées. Il est du devoir de ceux qui gèrent ces
fonds de s'interroger sur la pérennité de la
société dans laquelle ils investissent. Est-elle
véritablement viable dans un monde en
évolution ? »

© photo : Peter Searle


Alors que les dirigeants d'entreprise
pensaient autrefois que le monde dispo-
sait de ressources illimitées et d'une
capacité infinie à absorber les déchets,
chacun sait aujourd'hui que ce n'est pas
le cas. La population mondiale aug-
mente et les actifs naturels sont limités
et s'épuisent. « Les administrateurs ne Comme l'explique Mervyn King : « Vers cière de l'entreprise à un instant T. « Vous
peuvent plus penser qu'ils vont pouvoir la fin du XXe siècle, l'analyse des sociétés pouvez difficilement, à partir de ces infor-
poursuivre leurs activités comme si de rien cotées montrait que la capitalisation bour- mations, effectuer une évaluation avisée de
n'était, c'est pourquoi les grandes entre- sière était très éloignée du total de la valeur la stabilité et de la viabilité de l'entreprise
prises modifient leur façon d'opérer. » comptable selon les normes financières clas- en temps de crise financière mondiale. »
siques. Jusqu'à 80 % de la valeur d'une
Parallèlement, le reporting est devenu organisation n'était pas financière, et per- Les préoccupations sur l'inadéquation
nettement plus complexe depuis sonne ne savait vraiment comment l'expli- des dispositions relatives au reporting
l'époque où seules les données finan- quer. Nous ne communiquions pas d'infor- ont incité l'International Federation of
cières devaient être présentées. Cette mations à ce sujet et les investisseurs Accountants (IFAC) à se réunir en 2009.
évolution a fait augmenter les pressions n'étaient pas informés. » Mervyn King a interrogé les participants
en faveur d'un modèle qui permet à un à la réunion sur ce thème, et a intégré ce
large éventail de fonctions de procéder Il ajoute que les rapports financiers sont nouveau concept dans le troisième rap-
à un reporting. une photographie de la situation finan- port King publié la même année.

16 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


L'idée a fait des émules et a débouché conforme aux normes IFRS, mais les préhensible. Pour pouvoir rendre compte,
sur une réunion, organisée par le Prince consommateurs, les salariés et la société en vous devez être compréhensible. »
Charles, qui s'est tenue au St James's général ne le comprennent pas. Nous com-
Palace. Mervyn King et Sir Michael Peat, muniquons dans un langage incompréhen- Le nouveau référentiel n'est pas obliga-
à l'époque principal secrétaire privé du sible, et les nouveaux garde-fous créés dans toire mais, selon Mervyn King, de
Prince Charles, ont invité des personna- le sillage de scandales tels que celui d'Enron grands propriétaires d'actifs du monde
lités, dont les présidents de l'IASB, du n'ont fait que le rendre plus complexe entier y sont favorables, et les pays éla-
FASB et de l'IFAC, les présidents des encore. » Lors de l'avènement des rap- borent des codes en tenant compte du
quatre grands cabinets d'audit et les ports sur le développement durable, les reporting intégré.
présidents de l'IOSCO, de la organisations se sont simplement Néanmoins, les référentiels et les lignes
Banque Mondiale et du mises à produire deux rap- directrices trouvent leurs limites dans les
Conseil mondial des ports, « tous deux aussi personnes qui les appliquent. Si la dou-
entreprises pour le incompréhensibles pour ble pression liée aux préoccupations des
développement les parties prenantes investisseurs et au danger d'une mau-
durable. ordinaires ». vaise publicité en cas de problème peut
« L'ensemble du conseil inciter même les dirigeants réticents à
Tous ont accepté Ce point est faire attention, l'audit interne aura un
l'invitation et, de
doit comprendre tous important car, rôle clé à jouer dans la mise en œuvre du
surcroît, tous ont les aspects du rapport. » selon Mervyn reporting intégré.
convenu dans King, la façon de
l'heure que l'avenir communiquer des « L'audit interne est le ciment de la gouver-
reposait sur le reporting entreprises influence nance moderne, et le bras droit des admi-
intégré, ajoute Mervyn leur comportement. nistrateurs non dirigeants », estime
King. Même les administrateurs Mervyn King. « L'audit interne pourrait
lisent rarement les rapports annuels également être synonyme d'une assurance
Il a été étonné par la rapidité du consen- dans leur intégralité, rebutés par la taille indépendante. Lorsque j'ai débuté ma car-
sus, mais pas par le verdict. À ses yeux, et la complexité de la plupart d'entre rière, les auditeurs internes étaient considé-
la meilleure illustration de la nécessité eux. rés comme des vérificateurs. Ce n'est plus le
du reporting intégré est celle de deux cas. Aujourd'hui, ils sont essentiels à la
personnages de bande dessinée : l'un Référentiel de changement gouvernance et aux contrôles qui gèrent la
est assis en équilibre instable sur un façon dont l'entreprise dégage des gains. »
tabouret comptant un seul pied, le repor- C'est pourquoi l'International Integrated Une stratégie non contrôlée n'est pas
ting financier, tandis que l'autre est fer- Reporting Council, présidé par Mervyn une stratégie, et la seule personne qui
mement assis sur un tabouret à trois King, a élaboré un référentiel qui établit sait véritablement en juger, c'est le res-
pieds, correspondant au reporting finan- les principes du reporting intégré et ponsable de l'audit interne. Celui-ci est
cier, au reporting environnemental et au donne des lignes directrices sur leur également chargé de veiller à ce que
reporting social. mise en application. L'IIRC collabore l'équipe d'audit interne dispose des res-
avec des organisations importantes du sources nécessaires.
Cela dit, tomber d'accord est une chose ; monde entier pour conduire des études
mais définir la façon de mettre concrè- pilotes qui mettent en œuvre ces prin- « Les auditeurs externes examinent princi-
tement en œuvre le reporting intégré et cipes et tirent les leçons de ces expé- palement les données financières, ce qui
modifier la façon dont les organisations riences. paraît logique, mais les auditeurs internes
appréhendent et agissent sur le déve- examinent tous les aspects de l'entreprise.
loppement durable en est une autre. « L'ensemble du conseil doit comprendre L'équipe d'audit interne doit donc disposer
Pour commencer, les organisations doi- tous les aspects du rapport et travailler de de ressources plus importantes que les audi-
vent, selon Mervyn King, modifier leur manière collégiale », déclare Mervyn teurs externes car ses attributions sont plus
façon de communiquer : « Depuis près de King. étendues. »
80 ans, nous effectuons un reporting « Le rapport doit être clair, concis et com-

L'importance du rapport King s'explique également par son adoption


du principe « se conformer ou expliquer », désormais au cœur
du Code de gouvernance britannique (2010)2.

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 17


IDÉES ET DÉBATS

Elle doit également être indépendante, notamment en raison de risques émer-


et pouvoir communiquer directement gents dans des domaines tels que les
avec le conseil. Selon Mervyn King, l'au- médias sociaux. Cela signifie, selon
dit interne doit pouvoir critiquer sans Mervyn King, que les administrateurs À propos de Mervyn King
crainte, ce qui est généralement possible ont plus que jamais besoin d'un audit
• Titulaire d'un diplôme de droit
s'il peut communiquer directement avec interne robuste.
(Bachelor of Arts) de l'Université
le comité d'audit.
de Witwatersrand.
Les responsables de l'audit interne « Jamais je n'aurais accepté d'être adminis-
devraient également assister aux réu- trateur non dirigeant d'une société qui • 1965 - 1980 : Avocat, puis juge à
nions sur la stratégie. Mervyn King n'aurait pas un excellent département d'au- la Cour Suprême d'Afrique du
ajoute : « Ils doivent pouvoir s'opposer à ladit interne. Il faudrait être fou pour prendre Sud.
mise en œuvre d'une stratégie qui ne peut ce risque. J'ai toujours tenu, dans le cadre • 1980 - 1993 : Président de Frame
être contrôlée, ou qui ne peut être de ma due diligence, à rencontrer Group Holdings et président de
contrôlée avec les ressources le responsable de l'audit la division banque d'affaires de
existantes. » interne d'une entreprise First National Bank. Président et
« Jamais je n'aurais qui me proposait administrateur de Capital
Mervyn King d'être administra- Alliance et Metro Cash & Carry.
souligne que la accepté d'être administrateur teur non diri-
Premier président de l'organisa-
seule preuve non dirigeant d'une société geant. C'est tion caritative sud-africaine
témoignant de essentiel. »
l'exactitude du
qui n'aurait pas un excellent Operation Hunger, dont il est
président honoraire à vie.
contenu des département d'audit interne. Quelles sont les Membre fondateur de
documents du Il faudrait être fou p rochaines l'Arbitration Foundation of
conseil est l'as- étapes pour Southern Africa.
surance indépen- pour prendre Mervyn King et
dante donnée tout ce risque. » pour le reporting inté- • 1993 - aujourd'hui : Président du
au long de l'année. gré ? « Les évolutions King Committee on Corporate
seront nombreuses et, à terme, Governance, qui a publié son
« L'audit interne élabore un plan d'audit nous publierons sans doute la deuxième premier rapport (King I) en 1994.
interne fondé sur les risques, qui concorde version du référentiel, Le comité du rapport • 2000 - 2008 : Représentant de
avec le plan d'audit externe fondé sur les King continue de se réunir chaque trimes- l'Afrique du Sud au tribunal arbi-
risques. La mise en œuvre de ce principe tre, comme c'est le cas depuis 1992. Nous tral de la Chambre de commerce
pour le reporting intégré peut nécessiter serons donc probablement amenés à réviser internationale de Paris. Premier
davantage de ressources spécialisées au sein également la deuxième version du référen- président de la Commonwealth
de l'équipe d'audit interne, par exemple un tiel. La continuité des connaissances est cru- Association of Corporate
avocat spécialiste de l'environnement, ciale, même si des membres quittent le Governance et ex-gouverneur de
explique-t-il. L'époque où les auditeurs comité. » l'International Corporate
internes étaient recrutés parmi les experts- Governance Network.
comptables est révolue. Aujourd'hui, nous Apprécie-t-il de voyager en perma-
devons attirer des collaborateurs d'horizons nence ? « J'ai vraiment le sentiment de • 2008 - aujourd'hui : Membre du
très différents. » contribuer à faire évoluer les choses, et que groupe consultatif pour le sec-
peut-on souhaiter de plus ? Depuis 2000, je teur privé de la Banque mondiale
Les responsabilités des administrateurs m'efforce de faire progresser la qualité du sur la gouvernance et membre
n'ont pas beaucoup changé malgré les reporting et de m'assurer que les entre- des comités consultatifs interna-
modifications apportées aux normes de prises sont pérennes, et je suis témoin de tionaux de Stern Stewart (États-
gouvernance. Toutefois, leur rôle est cette évolution. »  Unis), de Tomorrow's Company
devenu nettement plus complexe, (Royaume-Uni), et de la Central
European Corporate Governance
Association. Il préside l'Asian
1 Le rapport Viénot, premier rapport français sur le gouvernement d’entreprise, date de 1995. Centre of Corporate Governance,
2
Dans le Code de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées, révisé en juin2013 par l’AFEP/MEDEF, il est le United Nations Committee on
mis en avant la règle « appliquer ou expliquer ». Cette règle est renforcée par la mise en place d’un Haut Governance and Oversight, et la
Comité de suivi de l’application du code ». Global Reporting Initiative.
Président de l'International
Article traduit et reproduit avec la permission de l’IIA UK. Integrated Reporting Council.
Cet article a été publié dans sa version originale dans la revue Audit & Risk publiée par l’IIA UK.

18 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


RENCONTRE AVEC ...

Du reporting intégré aux normes


comptables internationales,
un vaste tour d’horizon sur
l’actualité des auditeurs internes
et externes
par l’International Integrated Reporting sanction civile ou pénale n’est, en effet,
Council (IIRC) poursuivent effective- explicitement prévue en cas de défaut
ment le même objectif, qui est d’inciter d’application par les entreprises concer-
les entreprises à élargir l’information nées.
qu’elles fournissent sur des thèmes qui Le référentiel pose pour le moment les
ont pris une dimension stratégique ces grands principes et concepts fondamen-
dernières années : taux du reporting intégré. A ce stade, il ne
• les impacts sociaux, environnemen- définit aucun indice sectoriel ni aucun
taux et de gouvernance de leur acti- indicateur devant être suivi par les
vité, entreprises.
• l’articulation de la stratégie entre Le décret d’application de l’article 225
création de valeur et démarche de res- de la loi Grenelle 2 publié le 26 avril
ponsabilité. 2012 fournit pour sa part, une liste de
thèmes et d’indicateurs mais ne définit
René Ricol L’idée sous-jacente est que la création pas ces derniers précisément, laissant
de valeur n’est pas exclusivement liée à ainsi aux entreprises concernées la
Président du cabinet Ricol Lasteyrie des critères financiers mais repose éga- liberté de définir les indicateurs de per-
Corporate Finance lement sur les éléments non financiers, formance environnementaux, sociaux et
Ancien président de l’IFAC (International
sur lesquels les entreprises se doivent de de gouvernance qu’elles suivront et
Federation of Accountants)
donner des indications pour renforcer la communiqueront dans leurs rapports
confiance des investisseurs en leurs intégrés.
objectifs et résultats. Un guide sectoriel de reporting RSE
Louis Vaurs : La loi Grenelle 2 a prévu la Le rapport intégré sera la résultante de conforme aux dispositions de l’article
production de données extra financières ; de ces deux initiatives. Il constituera une 225 de la loi Grenelle 2 a été publié en
son côté, l’International Integrated partie autonome de la communication juin 2013. Ce document a été élaboré
Reporting Council, présidé par Mervyn financière de l’entreprise et permettra conjointement par la Commission déve-
King, auteur de trois rapports sur la gou- aux investisseurs de mieux appréhender loppement durable de la Compagnie
vernance, a élaboré un référentiel qui établit la capacité de l’entreprise à créer de la nationale des commissaires aux comptes
les principes d’un reporting intégré. Ces valeur … ou à ne pas en détruire. (CNCC) et quatre sociétés foncières
deux initiatives participent-elles des mêmes cotées (Altarea Cogedim, Klépierre,
préoccupations ? L. V. : Quelles-en sont les similitudes et les Mercialys et Unibail-Rodamco). Ce
différences ? guide apporte des recommandations en
René Ricol : Le nouveau reporting RSE matière de reporting RSE et propose
instauré par la loi Grenelle 2 et le réfé- R. R. : La Loi Grenelle 2, comme le réfé- notamment douze indicateurs par thé-
rentiel international pour le reporting rentiel IR de l’IIRC, retient une approche matique RSE (informations environne-
intégré (IR) publié en décembre 2013 incitative et peu coercitive. Aucune mentales et sociétales).

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 19


RENCONTRE AVEC ...

Le chantier de la mise en convergence risque ». Que vous inspirent de tels pro- Une expérience variée aide aujourd’hui
entre la Loi Grenelle 2 et le référentiel pos ? à devenir un bon auditeur interne. Cette
de l’IIRC devra être finalisé pour la fin évolution constitue un défi important et
du premier semestre 2014 avec le souci R. R. : Lorsque l’on connaît l’ampleur de une opportunité pour la profession
de ne pas entraîner de surcoût pour les la responsabilité de l’administrateur, on d’auditeurs internes.
entreprises. peut comprendre de tels propos.
Mervyn King met l’accent sur le rôle pri- L. V. : Il y a quelques années, vous avez été
L. V. : Qui doit s’assurer de l’exactitude des mordial joué par l’audit interne au sein président de l’IFAC (International Fede-
données extra financières ? de l’entreprise. ration of Accountants). Quelles relations
L’existence d’un département d’audit aviez-vous établies avec l’IIA ? Et quels
R. R. : Le rapport intégré doit faire l’ob- interne rattaché à la direction générale, enseignements en avez-vous tiré ?
jet d’une vérification par un organisme indépendant et doté de moyens appro-
tiers indépendant accrédité par le priés à la réalisation de ses missions est, R. R. : Lorsque j’étais à la présidence de
Cofrac1 ou par tout autre organisme pour les administrateurs, une garantie l’IFAC, nous collaborions avec l’IIA. Le
signataire de l’accord de reconnaissance de l’implication des dirigeants dans la développement de travaux communs
multilatéral établi par la coordination gestion des risques et du bon fonction- entre les auditeurs internes et les audi-
européenne des organismes d’accrédi- nement des processus internes de l’en- teurs externes présente en effet un inté-
tation. treprise. rêt majeur.

A mon sens, ce sont les com- L. V. : Et quel regard portez-vous Cette collaboration a notamment été
missaires aux comptes qui, aujourd’hui sur une profes- concrétisée en juillet 2013 par la signa-
de par leur connais- sion que vous avez bien ture, par l’IFAC et l’IIA, d’un Memoran-
sance de l’entreprise connue et qui a beau- dum of Understanding portant sur la mise
et des règles d’in- « Le responsable coup évolué ? en place des normes comptables et
dépendance de l’audit interne constitue d’audit internationales, de bonnes pra-
qu’ils doivent R. R. : Dans un tiques de gestion des risques et de gou-
respecter, sont l’un des rares membres du environnement vernance
les plus légi- personnel capable d’avoir économique en
times pour réali- pleine mutation, Les organisations
ser la vérification
une vision globale de le responsable de professionnelles comptables
des rapports inté- l’entreprise » l’audit interne
grés. constitue l’un des L. V. : Contrairement à ce qui existe dans la
En tout état de cause, si rares membres du per- plupart des autres pays, la France dispose
ce ne sont pas les commis- sonnel capable d’avoir une de deux organisations : La Compagnie
saires aux comptes qui remplissent vision globale de l’entreprise. Ce nationale des commissaires aux comptes et
ce rôle, l’organisme concerné doit rem- positionnement lui permet de bénéficier le Conseil supérieur de l’ordre des experts
plir les mêmes exigences en matière de d’excellentes opportunités de carrière au comptables. Des tentatives d’unification se
restriction à la détention d’intérêts sein de l’entreprise. Aujourd’hui, la pro- sont multipliées dans le passé mais n’ont
financiers dans les sociétés qu’il vérifie, fession s’est élargie et s’ouvre progres- pas abouti. Le regrettez-vous ?
de limitation dans la fourniture de sivement à des personnes ayant une
conseils ou prestations de services sus- expérience variée (contrôle de gestion, R. R. : Je pense avoir réussi à mettre en
ceptibles d’affecter son indépendance (y activités de financement, ressources œuvre de nombreuses réformes lorsque
compris à l’intérieur d’un réseau). humaines, risque et conformité, direc- j’ai été président de la Compagnie
tion opérationnelle…). nationale des commissaires aux comptes
L’audit interne (CNCC) et du Conseil supérieur de
Un bon auditeur interne doit toujours l’Ordre des experts comptables
L. V. : Dans un article récent paru dans la bien sûr déployer des qualités d’inté- (CSOEC). Cependant, je n’ai jamais
revue anglaise « Audit&Risks », consacré à grité, de rigueur et avoir une bonne réussi à réaliser la fusion des deux insti-
Mervyn King, et dont nous publions la tra- connaissance des risques de l’entreprise. tutions représentatives des professions
duction, il est rapporté les propos suivants Mais il doit aussi montrer qu’il est capa- d’expert-comptable et de commissaire
tenus par ce dernier : « Jamais je n’aurais ble de s’adapter à un environnement aux comptes. C’est l’un de mes plus
accepté d’être administrateur non diri- mouvant et développer des talents de grands regrets car je considère que le
geant d’une société qui n’aurait pas un communication. Tout cela en étant doté maintien de ces deux organisations est
excellent département d’audit interne. Il d’un courage inébranlable. une aberration absolue.
faudrait être fou pour prendre ce

20 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Certains refusent la fusion des deux pro- de l’audit en Europe. Celle-ci a été
fessions en expliquant que pour bien approuvée le 3 avril dernier par le Parle-
protéger les deux missions de conseil et ment européen, mettant fin à un long
de contrôle, il faut deux institutions. En débat controversé. A l’issue de cette
réalité, c’est faux. Quand j’étais prési- longue période de préparation de la
dent de la CNCC, je devais lutter contre réforme, la FEE salue en particulier
les tentations de cette institution d’em- l’adoption des normes internationales
piéter sur le champ d’activité de la pro- d’audit (ISA) et le renforcement du rôle
fession d’expert-comptable en permet- des comités d’audit qui devrait contri-
tant aux commissaires aux comptes de buer à améliorer la gouvernance des
faire du conseil, alors que ces derniers entreprises et l’indépendance du pro- René Ricol est président de Ricol
doivent se limiter aux fonctions de cessus d’audit. Lasteyrie Corporate Finance, un
contrôle. A l’inverse, quand j’étais pré- des leaders de l’expertise financière
sident du CSOEC, j’ai mis un terme à Les normes comptables indépendante en France, créée en
des projets de normes qui visaient uni- internationales 1987 avec Jean-Charles de
quement à concurrencer l’audit légal. Lasteyrie et Gilles de Courcel.
L. V. : Les normes comptables internatio-
En réalité, l’existence de deux institu- nales (IFRS) sont éditées par l’IASB (Inter- Au cours de sa carrière, il a présidé
tions exacerbe la concurrence entre les national Accounting Standards Board), des instances professionnelles
deux professions alors qu’il s’agit des organisme privé dont le siège est à Londres. nationales et internationales :
mêmes professionnels. La situation De nombreuses voix s’élèvent pour exiger président de la Compagnie
serait différente s’il n’y avait qu’une que l’Europe acquière sa souveraineté dans Nationale des Commissaires aux
seule organisation qui non seulement l’élaboration de ses normes comptables. Par- Comptes puis du Conseil Supérieur
superviserait mais également préserve- tagez-vous leur point de vue ? de l’Ordre des Experts Comptables
rait, dans le respect de l’intérêt général, et de la Fédération Internationale
l’existence de deux professions diffé- R. R. : Confrontés à la crise financière, des Experts Comptables (IFAC).
rentes et utiles toutes les deux : l’une de nombreux acteurs économiques et
clairement de conseil et l’autre claire- responsables politiques ont pris Il s’est régulièrement impliqué dans
ment de contrôle. conscience de l’impact potentiel des les travaux et réflexions en faveur
normes comptables sur les perfor- des entreprises et de l’emploi.
Je suis également de ceux qui considè- mances affichées par les entreprises et Président de l’Observatoire des
rent qu’en France, il faudrait que la pro- sur l’économie dans son ensemble. Dès Délais de Paiement de 1991 à 1998,
fession ne s’exprime que d’une seule lors la question : « Qui doit décider des animateur du groupe d’étude et de
voix. normes comptables ? » devient cruciale. mobilisation « Petites et Moyennes
Cette question est cependant intime- Entreprises » en 1991. Fondateur
L. V. : La Fédération des Experts-compta- ment liée à celle du rôle de ces normes du réseau Tous pour l’Emploi en
bles Européens (FEE) est une organisation et de leur objectif. 2004. En août 2005, Il est nommé
régionale de l’IFAC. Quel est son principal président de l’Agence pour la
rôle ? L’objectif affiché depuis le début des création d’entreprise (APCE) et
années 2000 est celui de la comparabilité préside ensuite le conseil
R. R. : La FEE n’est pas une agence de l’information financière diffusée sur d’orientation de France
régionale de l’IFAC mais l'organisation les marchés, pour permettre aux acteurs Investissement.
représentative de la profession compta- de marché de prendre des décisions
ble en Europe. Son principal rôle est de éclairées. C’est cet objectif que l’Union En 2008, Nicolas Sarkozy, lui confie
favoriser l'harmonisation, l'amélioration Européenne a mis en avant lorsqu’elle a un rapport sur la crise financière,
et la libéralisation de l'exercice profes- abdiqué son pouvoir de normalisation avant de le nommer médiateur du
sionnel et de la réglementation de la au profit d’une organisation indépen- crédit aux entreprises puis
profession en Europe. Ses travaux sont dante, l’IASB. C’est cet objectif que le commissaire général à
menés au sein de groupes de travail. G20 a confirmé et que personne, même l’investissement en 2010.
les plus fervents critiques de l’IASB, n’a Parallèlement, en novembre 2011,
L. V. : Sur quels sujets portent ses dernières jamais remis en cause. il devient coordinateur de
prises de position ? l'ensemble des dispositifs de
Pour être comparable, l’information soutien aux entreprises. Il a assuré
R. R. : Le principal sujet sur lequel tra- financière publiée par les sociétés sur les ces deux dernières fonctions
vaille la FEE depuis 2010 est la réforme marchés doit être établie à l’aide de jusqu’à mai 2012.

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 21


RENCONTRE AVEC ...

normes mondiales. Face à cet enjeu, le seraient désormais de 8 sièges sur 16. sentiel qui reste l’établissement d’une
normalisateur ne peut qu’être mondial, Ceux-ci constitueront le principal pilier information financière qui favorise l’in-
il doit également être crédible et légi- du board face aux parties prenantes (8 vestissement de long terme.
time pour pouvoir imposer ses décisions membres comprenant notamment les
à l’ensemble des sociétés faisant appel professionnels comptables et les entre- L. V. : On a discuté bien souvent de la
aux marchés financiers. prises). nécessité de faire converger les normes IFRS
avec les normes américaines US GAAP. Il
Nul doute que l’IASB constitue bien une L. V. : L’une des critiques les plus souvent était même prévu que cette convergence
organisation mondiale. Sa légitimité est faites aux normes IFRS est relative au prin- intervienne mi 2011 mais elle a été ajournée
cependant entachée par le refus des cipe de la « full fair market value » qui sine die. Pour quelles raisons ?
Etats-Unis d’adopter les IFRS dans un affirme qu’il n’y a qu’une juste valeur, la
avenir prévisible. Faut-il pour autant que valeur de marché. Quel est votre senti- R. R. : L’accord entre l’IASB et le FASB
l’Union Européenne se réapproprie le ment ? (Memorandum of Understanding de Nor-
pouvoir de normalisation ? On ne peut folk) a été entériné en 2002 et renouvelé
pas le penser sérieusement, même si les R. R. : Les normes IFRS ont fait la part en 2006 par les deux normalisateurs
relations entre les deux institutions doi- belle à la valeur de marché lorsque l’on comptables en vue de faire converger
vent être profondément revues pour que s’est aperçu que la plupart des interve- leur référentiel normatif.
la voix européenne puisse être mieux nants sur le marché financier étaient La première étape de cette remise en
entendue. devenus des opérateurs à court cause a été l’annonce par la SEC en
terme. novembre 2007 qu’elle supprimait
En mars 2013, le Com- Pour percevoir la réalité l’obligation de réconciliation entre les
missaire européen des choses, et sans US GAAP et les IFRS pour les sociétés
Michel Barnier a « Je n’ai jamais réussi doute par défiance, cotées aux Etats-Unis.
confié à Philippe les normalisa- En effet, depuis cette date, les normes
Maystadt, ancien à réaliser la fusion des deux teurs compta- IFRS ont été de plus en plus critiquées
ministre fédéral institutions représentatives bles ont de l’autre côté de l’Atlantique. Ont
belge, la mission demandé à dis- notamment été invoqués le manque de
de renforcer la
des professions d’expert- poser non pas « solidité » des normes IFRS, le manque
contribution de comptable et de commissaire de la valeur his- d’indépendance de l’IASB et son inca-
l’Union Euro- torique mais de la pacité d’« enforcement ». Les américains
péenne aux normes
aux comptes » valeur de marché. ont toujours considéré que leurs normes
comptables internatio- Si cela peut faire sens étaient les meilleures et que le monde
nales (IFRS) et d’amélio- pour des instruments entier devait les adopter.
rer la gouvernance des organes court terme, cela n’est pas per-
européens qui participent à leur élabo- tinent pour des instruments que l’entre- L. V. : Considérez-vous que cette conver-
ration. prise a vocation à exploiter ou à détenir gence est indispensable ? Et si oui, avez-
sur le long terme. vous bon espoir que les discussions repren-
Le rapport Maystadt propose d’agir sur nent ?
trois leviers : (i) le maintien d’une pro- Par ailleurs, maintenir la valeur de mar-
cédure européenne d’adoption norme ché en période de crise est dangereux R. R. : Encore une fois, l’enjeu est mon-
par norme en incluant la possibilité parce qu’il n’y a plus de marché. Si l’on dial, les entreprises ont besoin d’un lan-
d’accepter ou de refuser une norme pro- prend l’exemple des banques, elles ont gage internationalement reconnu.
duite par l’IASB, (ii) une réorganisation été contraintes de déprécier totalement Les normes IFRS sont certes très sou-
du comité technique qui assiste la Com- la valeur de produits qu’elles avaient vent critiquées en France ou aux Etats-
mission Européenne, l’EFRAG, afin pourtant la capacité de porter parce qu’il Unis, mais il convient de reconnaître
d’accroître sa légitimité et sa représen- n’y avait pas de marché à court terme. qu’elles sont aujourd’hui largement uti-
tativité, (iii) et un renforcement du dia- Cela a impacté leur bilan et donc leur lisées. De grands pays comme la Russie,
logue entre l’ARC, le comité de régle- capacité à accorder du crédit. Cet le Canada, l’Australie et le Brésil ont
mentation comptable, et l’EFRAG. enchaînement est absurde. intégré le référentiel IFRS dans leur
Il est urgent de remettre un peu de bon législation. Les Etats-Unis ne pourront
Je suis favorable à ces propositions et sens économique dans des normes pas rester indéfiniment isolés sur le
notamment à celle qui vise à modifier la certes d’une grande technicité, mais dif- sujet. 
composition du board de l’EFRAG en y ficilement applicables. La quête perma-
renforçant la présence des normalisa- nente d’une plus grande sophistication
1 Comité français d’accréditation.
teurs comptables nationaux, qui dispo- technique fait parfois perdre de vue l’es-

22 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


DOSSIER

Auditeur interne /
auditeur externe
Une coopération nécessaire

24 Des intérêts convergents au service de missions


distinctes
Jean-Pierre Hottin

27 De quoi parle-t-on ?
Laurent Arnaudo

30 Les secrets d’une relation bénéfique


Jean-Claude Grynberg, Jean Sandler, Siân Williams

33 Un vaste champ de collaboration


Sylvain Rousseau

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 23


DOSSIER

Des intérêts convergents


au service de missions
distinctes
Jean-Pierre Hottin, CIA, Associé, PwC Risk Assurance & Advisory Services

Quand il s'agit d'audit interne et d’audit externe, le mot osmose ne vient pas spon-
tanément à l'esprit, ou plus exactement ne venait pas à l'esprit. La collaboration
s'est en effet fortement accrue ces dernières années, avec un partage d'informations
de plus en plus fréquent et structuré, contribuant à l'efficacité des missions de cha-
cun. Les normes ISA côté audit externe et IIA côté audit interne facilitent cette colla-
boration, prévoyant le cadre dans lequel chacun peut utiliser pour sa propre mission
les travaux de l'autre – même si dans ce domaine les freins restent importants.

A
uditeurs externes et auditeurs der son opinion sur les comptes.
internes ont chacun leur place et Contrairement à ce qui existe par exem-
un rôle bien défini au service de ple dans le cadre de SOX aux Etats-Unis
l’entreprise, l’un est une fonction à part sur le domaine comptable et financier,
entière de l’entreprise, l’autre, un acteur sa mission ne consiste cependant pas à
indépendant de l’entreprise. exprimer une opinion sur les procédures
de contrôle interne.
L’auditeur externe, Les entités peuvent également deman-
un acteur indépendant der d'autres interventions comme, par
exemple, faire un examen des comptes
En France, il existe une obligation légale prévisionnels, faire un audit d'acquisi-
qui prévoit, pour certaines entités, l’in- tion d’une société cible avant une éven-
tervention d’un commissaire aux tuelle opération d’achat.
comptes avec pour mission de certifier
les comptes annuels. Pour former son L’audit interne,
opinion sur les comptes, le commissaire la 3ème ligne de maîtrise
aux comptes procède à un audit en
appliquant les normes d'exercice profes- L'audit interne, fonction mise en place
sionnel (NEP) homologuées par le à l’initiative de l’entreprise, est amené à
Diplômé d’un DESS de finance et Garde des Sceaux, normes qui sont réaliser des revues des dispositifs de
informatique et d’une maîtrise en compatibles avec les normes internatio- gestion des risques et de contrôle
sciences économiques, nales (ISA). interne, à un rythme propre à chaque
Jean-Pierre Hottin a rejoint PwC Comme le précisent les NEP, le commis- entreprise – sans avoir l’obligation de
en 2001 et a aujourd’hui près de saire aux comptes acquiert une connais- porter une opinion formelle globale
vingt ans d’expérience en risques, sance suffisante de l'entité, notamment annuelle (précisons toutefois que cer-
contrôle interne et audit interne. de son contrôle interne, afin d'identifier tains pays ont engagé des réflexions sur
et d'évaluer le risque d'anomalies signi- ce dernier point notamment dans le sec-
Il dirige, en France, les activités
ficatives dans les comptes et ainsi de teur financier). Les normes établies par
« services à l’audit interne » de
concevoir et de mettre en œuvre des l’IIA, et relayées en France par l’IFACI,
PwC. procédures d'audit permettant de fon- aident à normaliser et à structurer la

24 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Auditeur interne / auditeur externe

profession, qui est vraiment reconnue des procédures complémentaires, qui l’accès aux programmes et aux docu-
par les entreprises comme une véritable nécessitent d’accéder aux dossiers de ments de travail.
troisième ligne de maîtrise face à un travail et de « refaire » une partie des En pratique, l’audit interne pourrait ainsi
environnement de risques de plus en travaux sur base de sondages pour s’as- limiter ses interventions sur des élé-
plus complexe. En pratique, les missions surer que les mêmes conclusions ments de l’univers d’audit, et pourrait
réalisées peuvent être de natures très seraient atteintes. améliorer la couverture d’assurance pré-
différentes selon les organisations, allant sentée aux organes de gouvernance.
de périmètres stratégiques ou opéra- La norme ISA 610 donne des exemples De manière générale, les deux acteurs
tionnels à des missions davantage foca- de travaux pouvant être utilisés, notam- tiendront compte de leurs conclusions
lisées sur la conformité ou le contrôle ment : respectives pour adapter l’étendue de
interne comptable et financier. • tests sur l’efficacité opérationnelle des leur mission, notamment lorsque des
Ainsi, des rôles différents pour l’auditeur contrôles ; faiblesses auront déjà été constatées,
interne et l’auditeur externe, mais in fine • procédures substantives ne nécessi- soit par exemple, côté auditeur externe,
une convergence d'intérêt évidente – ils tant qu’une part limitée de jugement ; pour mener des travaux substantifs plus
ont naturellement des périmètres d'in- • assistance aux inventaires physiques ; approfondis, soit, côté auditeur interne,
tervention qui se recoupent lorsqu’il • suivi de transactions au sein du sys- pour s’assurer d’un suivi approprié des
s'agit de revoir les dispositifs de contrôle tème d’information relatif au reporting points relevés par les auditeurs externes.
interne et de gestion des risques en lien financier ; Les conditions semblent donc réunies
avec l’information comptable et finan- • tests de conformité par rapport aux pour une coopération effective de ces
cière. Pour autant, peuvent-ils et doi- contraintes réglementaires. deux acteurs au service d’une meilleure
vent-ils travailler de manière complé- gouvernance. Qu’en est-il dans la réa-
mentaire en échangeant et en s'ap- Les normes de la profession d’audit lité ?
puyant sur leurs travaux respectifs ? interne – et en particulier la norme 2050
et la MPA 2050-1 – encouragent spéci- Quelles bonnes pratiques
La complémentarité et fiquement l’audit interne à se coordon- observe-t-on ?
la collaboration sont prévues ner avec l’auditeur externe, au même
et encadrées par les normes titre qu’avec les « autres prestataires Nous avons constaté ces dernières
professionnelles internes et externes d’assurance ». Elles années une évolution vers plus de col-
prévoient la possibilité de s’appuyer sur laboration entre ces deux acteurs dans
Que prévoient ces normes ? les travaux de l’auditeur externe pour les grandes entreprises cotées.
« avoir une assurance sur des activités Quelles sont les grandes lignes de cette
Les normes ISA prévoient la possibi- comprises dans le périmètre de l’audit évolution ? Principalement une com-
lité pour l’auditeur externe d’utiliser les interne », sous réserve que certaines munication accrue, sur les périmètres et
travaux de l’audit interne, après avoir au conditions soient remplies, notamment les conclusions.
préalable évalué la fonction d’audit
interne, en :
• s’assurant que l’organisation de cette Les 3 lignes de maîtrise
fonction et ses procédures permettent
de garantir son objectivité ;
Conseil d’administration / Comité d’audit
• évaluant la compétence de ce service ;
• déterminant si l’audit interne adopte
une approche systématique et métho- Direction générale
dique ainsi que des procédures de
contrôle de la qualité.
1ère ligne de maîtrise 2ème ligne de maîtrise 3ème ligne de maîtrise
L’auditeur externe doit ensuite détermi- S.I.
management des risques

Audit externe

ner la nature et l’étendue des travaux


Régulateurs
assurance

pouvant être utilisés – de manière limi- R.H.


tée dans certains cas selon ISA 610, par
exemple dans les situations impliquant Juridique
une part importante de jugement, dans Management Audit
celles présentant un niveau de risque opérationnel Finance interne
important, ou lorsque l’objectivité et la
contrôle interne

compétence de l’audit interne ne sont HSE


conformité

pas pleinement démontrées.


Si l’utilisation des travaux est envisagea- Contrôle
ble, au-delà de la lecture des rapports de de gestion
l’audit interne permettant de compren-
...
dre la nature et l’étendue des procédures
mises en œuvre, il convient de mener

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 25


DOSSIER

Parmi les bonnes pratiques que l’on aux travaux de l’auditeur externe – et rières linguistiques peuvent limiter – au-
observe : inversement. Il n’est pas rare non plus delà de la forme – l’utilisation par les
• la discussion, au niveau du comité qu’auditeurs externes et auditeurs auditeurs externes locaux de la docu-
d’audit mais également au niveau de internes aient des échanges avant les mentation des travaux de l’audit interne
la direction générale et de la direction comités d’audit pour anticiper les central.
financière, du degré de collaboration questions liées à leur collaboration.
entre auditeurs externes et auditeurs Les auditeurs internes, eux, vont rare-
internes – obligatoire selon les Que pourrait-on améliorer ? ment plus loin que la prise de connais-
normes ISA si l’auditeur externe sou- sance des conclusions des auditeurs
haite s’appuyer sur les travaux de l’au- La collaboration s’est indiscutablement externes. L’un des freins est le respect
dit interne ; améliorée, mais pourrait encore pro- des règles de secret professionnel intro-
• le partage des plans d’audit respectifs. gresser. duites par la loi (par exemple en France,
Il s’agit souvent, en pratique, de mieux le commissaire aux comptes est soumis
organiser les interventions de chacun La notion de quatrième ligne de maî- au secret professionnel).
dans l’année, pour l’entité auditée. A trise est de plus en plus utilisée pour
minima, il s’agit de prendre en consi- qualifier l’assurance apportée par des Malgré ces limites bien réelles, la colla-
dération l’appréciation que chacun tiers. Peut-on intégrer l’audit externe boration s’est accrue et on ne peut
fait des risques ; dans cette quatrième ligne de maîtrise ? qu’encourager la mise en œuvre des
• une meilleure coordination entre En effet, il ne s’agit pas pour autant d’as- bonnes pratiques mentionnées ci-avant.
équipe d’audit interne (le plus sou- similer l’audit externe à l’un des dispo-
vent centralisée), et auditeurs externes sitifs que doit mettre en œuvre une * *
locaux, en particulier pour les groupes entreprise pour maîtriser ses risques. *
internationaux. Cette coordination Mais il faut que l’entreprise et son audit
prend toute sa valeur en phase de interne – en tant que troisième ligne de Bien qu’ils aient des rôles différents, les
préparation de la mission pour les maîtrise – les prennent en compte pour auditeurs externes et internes exercent
auditeurs internes – elle permet forger leur niveau d’assurance et en des missions présentant de grandes
notamment d’appréhender le exploiter les conclusions. similitudes, même s’il faut garder à l’es-
contexte et les risques spécifiques prit que le positionnement de l’auditeur
avant la réalisation des travaux. Pour La recherche d’efficience est également externe reste celui d’un acteur externe
les auditeurs externes (maison mère un argument clef pour inciter chacun par rapport au dispositif mis en œuvre
et filiale), il s’agit le plus souvent de des acteurs à s’appuyer sur leurs travaux par l’entreprise.
collecter les conclusions des derniers respectifs – et pas seulement à partager
travaux réalisés par l’audit interne en leurs conclusions. Mais on constate dans La collaboration entre l’audit interne et
lien avec leur mission pour adapter ce domaine des freins bien réels. l’auditeur externe n’est pas seulement
leur approche audit ; une bonne pratique, elle est une néces-
• un partage accru des travaux. Côté auditeur externe, en pratique, l’uti- sité afin de renforcer l’efficience d’en-
L’auditeur externe a, par nature, accès lisation des travaux des auditeurs semble des ressources, ainsi que la clarté
à l’ensemble des informations néces- internes reste encore très limitée, en rai- et la cohérence des messages véhiculés
saires à l’exercice de sa mission. son des contraintes posées par les auprès des organes de gouvernance, sur
L’accès aux rapports et travaux d’audit normes ISA. Plusieurs fonctions audit les aspects de contrôle interne.
interne concernant des interventions interne obtiennent une certification de
en rapport avec sa mission est donc conformité à leurs normes profession- Si l’on devait retenir trois idées ou
une pratique répandue. Elle va de la nelles (IIA). Ceci permet de répondre en recommandations essentielles, à la fois
mise à disposition, en lecture, des partie aux conditions préalables requises pour les auditeurs internes et les audi-
synthèses des rapports, à l’envoi de par ISA 610 (existence au sein de la teurs externes :
copies de l’ensemble des rapports fonction d’audit interne de procédures • discutez avec la direction générale et
détaillés. Cet accès est facilité dans les de contrôle de la qualité) mais cela ne le comité d’audit du niveau de colla-
entreprises ayant un audit interne suffit pas pour l’auditeur externe, qui boration attendu ;
centralisé. Côté auditeurs externes, les doit s’appuyer sur une documentation • abordez ouvertement les freins par
processus structurés de remontée des adaptée à ses besoins et « refaire » une rapport aux attentes exprimées et
conclusions des auditeurs des filiales partie des travaux. En effet, c’est souvent identifiez les possibilités d’améliora-
permettent, lorsque l’entreprise le l’aspect documentation qui vient limiter tion, que ce soit en matière de coordi-
souhaite, de partager ces dernières l’utilisation de ces travaux par l’auditeur nation, de communication ou de par-
avec l’audit interne ; externe, en raison des exigences de ses tage d’information ;
• une communication mieux coordon- propres normes professionnelle. • définissez ensemble, dans le cadre de
née avec les organes de gouvernance. Ainsi l’auditeur externe juge souvent vos missions respectives, comment
Au-delà des communications obliga- plus efficace de réaliser lui-même l’en- mettre en œuvre ces possibilités
toires, les directeurs de l’audit interne semble des procédures d’audit néces- d’améliorations. 
sont régulièrement conviés aux ses- saires à l’émission de son opinion. Enfin,
sions du comité d’audit consacrées dans les groupes internationaux, les bar-

26 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Auditeur interne / auditeur externe

De quoi parle-t-on ?

La coopération entre auditeurs internes et auditeurs externes est un vrai sujet, tou-
jours actuel, car cette coopération est aujourd’hui admise et reconnue pour le bien
de tous, l’entreprise au premier chef. Chez Sodexo, l’audit interne et l’audit externe
travaillent en étroite relation, même si les champs de couverture ne sont pas tou-
jours les mêmes. Nos relations se font dans une grande transparence mutuelle.

les comptes » sans oublier le fameux nent l’efficacité et l’efficience des opéra-
« nous nous ignorons et cela marche tions. Il s’agit notamment des objectifs
très bien depuis des années ». de performance opérationnelle et finan-
cière ainsi que de la sauvegarde des
Alors oui, contrairement à ce que je pen- actifs notamment.
sais, les relations entre les auditeurs b) Objectifs liés au reporting : ils concer-
internes et externes sont toujours un nent le reporting interne et externe,
sujet d’actualité qui mérite bien financier et extra financier (depuis la
quelques lignes pour partager nos expé- sortie du nouveau COSO en 2013). Ils
riences. peuvent viser les délais, la fiabilité des
états financiers, etc.).
Laurent Arnaudo Mais de quoi parle-t-on c) Objectifs liés à la conformité : ils concer-
Directeur de l’audit interne, vraiment ? nent le respect des lois et règlements (en
Groupe Sodexo interne ou externe de l’entreprise).
L’audit interne et l’audit externe ne tra-
vaillent pas toujours sur les mêmes Le contrôle interne ne se limite donc pas
domaines. Mais nous avons un grand à un ensemble de procédures ni aux
intérêt commun à coordonner nos tra- seuls processus comptables et finan-
La coopération entre vaux et ce, pour le bien de nos entre- ciers.
auditeurs internes et externes, prises. Pour faire un peu de théorie avant
est-ce vraiment encore un de passer à la pratique chez Sodexo et L’audit interne
sujet ? au sein d’autres entreprises que j’ai pu
côtoyer au cours de ma carrière, il L’audit interne travaille sur l’ensemble
Lorsque l’IFACI m’a proposé de travail- convient de se référer au COSO, qui de ces domaines. Il évalue le bon fonc-
ler sur les relations entre les auditeurs définit les fondamentaux du contrôle tionnement du dispositif de contrôle
internes et les auditeurs externes, je dois interne. interne et fait des recommandations
avouer que ma première réaction a été pour l’améliorer. Il le fait grâce au péri-
de penser que ce sujet était banal et sur- Le contrôle interne mètre de ses missions qui doivent cou-
tout avait déjà été traité à plus de 100 vrir les trois objectifs du contrôle
reprises. J’ai commencé à regarder Le contrôle interne est un processus mis en interne.
autour de moi, et à interroger des per- œuvre par le conseil, le management et les
sonnes dans la profession et j’ai été sur- collaborateurs d’une entité, destiné à four- L’audit externe
pris d’entendre et de voir des pratiques nir une assurance raisonnable quant à la
très différentes sur les relations audit réalisation d’objectifs liés aux opérations, Les auditeurs externes eux, ne sont pas
interne / audit externe. Cela allait du au reporting et à la conformité. partie prenante dans le dispositif de
« nous ne faisons pas le même travail et Le référentiel établit trois catégories d’ob- contrôle interne et de gestion des
nous ne travaillons pas sur les mêmes jectifs permettant de prendre en compte dif- risques le l'entreprise. Mais ils prennent
sujets » au « nous leur prêtons toutes férents aspects du contrôle interne : connaissance de ce système pour en
nos ressources pour les aider à certifier a) Objectifs liés aux opérations : ils concer- obtenir une meilleure compréhension et

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 27


DOSSIER

se faire une opinion sur son fonctionne- car nos entreprises publient de plus en Les sujets échangés sont variés. Ils peu-
ment. Leur champ d’intervention est plus d’indicateurs extra financiers sur les vent être regroupés de la façon sui-
naturellement plus orienté sur le troi- risques, sur la responsabilité sociale et vante :
sième et surtout le deuxième objectif du environnementale, sur la sécurité, etc. • Interviews avec les auditeurs externes
contrôle interne, c’est-à-dire les objec- Ces informations, essentielles à une dans le cadre de la préparation du
tifs liés au reporting et plus particulière- bonne gouvernance, tombent sous le plan d’audit interne annuel pour par-
ment celui sur la fiabilité des informa- périmètre de revue des auditeurs tager et échanger sur la cartographie
tions comptables et financières. externes, dès lors qu’elles sont publiées. des risques, identifier les risques nou-
veaux.
Pour illustrer ce point, nous pouvons Comment cela fonctionne-t-il • Partage du plan d’audit interne
prendre un exemple sur la gestion des chez Sodexo ? annuel après approbation par le
stocks. Quand l’audit interne chez comité d’audit ainsi que des dates
Sodexo examine le processus de gestion Chez Sodexo, l’audit interne et l’audit prévisionnelles d’intervention.
des stocks, il va porter un jugement sur externe travaillent en étroite relation. • Communication de la liste des rap-
plusieurs aspects : Même si nous reconnaissons que nos ports d’audit interne émis en cours du
champs de couverture ne sont pas tou- dernier trimestre : les auditeurs
• Est-ce que les stocks tels que remon- jours les mêmes, il y a un véritable sens externes peuvent sélectionner les rap-
tés dans nos outils de reporting et donc à partager. Nos relations se font dans ports d’audit qui les intéressent sur le
dans nos états financiers existent bien une grande transparence mutuelle : contrôle interne et faire une demande
sur les sites ? l’audit interne fournit et prend des auprès du directeur de l’audit interne
informations à l’audit externe et vice pour en obtenir une copie sous forme
• Est-ce que ces stocks reportés sont versa. Les informations à partager sont électronique.
correctement évalués en respectant la connues à l’avance, délimitées dans le • Pour certains audits, analyse des prin-
méthode en vigueur chez Sodexo et périmètre (informations comptables et cipales faiblesses d’audit interne rele-
en prenant en compte les déprécia- financières) et approuvées. Chacun de vées.
tions nécessaires sur les références à nous comprend bien comment l’autre • Participation de l’audit interne aux
faible rotation, par exemple ? utilise l’information communiquée. Et réunions de clôture des auditeurs
ce point est fondamental pour initier externes.
Toutes ces questions sont aussi impor- une bonne relation. Tant que les deux • Discussion sur le processus d’identi-
tantes pour les auditeurs externes qui parties ne comprennent pas qu’il existe fication des fraudes et des cas rencon-
doivent émettre une opinion sur la fia- un domaine commun d’intervention et trés au cours de l’année.
bilité des informations comptables et ne se font pas confiance sur l’utilisation • Réception par l’audit interne des
financières. Elles concernent les objectifs de l’information partagée, alors la coo- recommandations des auditeurs
de « conformité » et de « Reporting » du pération ne fonctionne pas. Et donc, la externes sur l’amélioration du
COSO (c/ et b/ ci-dessus). communication et la confiance respec- contrôle interne.
tive sont clés dans ce processus de par- • Utilisation par l’audit interne du
Mais l’audit interne va aller plus loin par tage… réseau des auditeurs externes mon-
rapport à l’auditeur externe et poser des Il nous apparaît fondamental que les dialement reconnu pour obtenir des
questions sur l’objectif a/ du COSO auditeurs externes disposent d’une études, des analyses, des benchmarks
« Efficacité des opérations » . vision précise des travaux réalisés par sur la gouvernance, la gestion des
l’audit interne qui concernent la revue risques et le contrôle interne ou sur
• Est-ce que le niveau des stocks sur les du contrôle interne comptable et finan- des thèmes d’audit assez novateurs,
sites est optimisé, c’est-à-dire suffi- cier. Ils certifient les comptes et, dans ce comme par exemple, la gestion de
sant pour garantir la satisfaction des cadre, peuvent aussi identifier des crise, l’audit du développement dura-
clients tout en optimisant les coûts de risques significatifs et des faiblesses ble, etc.
possession ? majeures de contrôle interne suscepti- • En étroite liaison avec la direction
bles d’avoir une incidence significative financière du groupe, l’audit interne
Cette question est assez difficile car elle sur l’information comptable et finan- de Sodexo :
requiert une connaissance opération- cière. Le comité d’audit de Sodexo est - discute et revoit les instructions
nelle de nos activités. Elle n’intéresse d’ailleurs le premier bénéficiaire d’une d’audit des auditeurs externes,
généralement pas les auditeurs externes bonne communication entre ces deux notamment la partie sur les points
car ce n’est pas une information que instances de contrôle car il en tire une à risque de l’année ;
nous publions à l’extérieur, dans notre vision beaucoup plus complète et plus - participe à la négociation et au
document de référence par exemple. Il intégrée de la gestion des risques du contrôle des honoraires des audi-
faut bien prendre en compte la spécifi- groupe. De leur côté, les opérationnels teurs externes, pays par pays et au
cité du rôle de l’audit interne, lié à l’en- bénéficient également d’une meilleure global ;
semble des risques de l’entreprise par coordination entre l’audit externe et - réceptionne les demandes des
rapport à celui de l’auditeur externe lié l’audit interne, les missions redondantes auditeurs externes pour les services
à la fiabilité et la sincérité des comptes. ou complémentaires sont évitées ou « non-audit », vérifie les plafonds et
Mais attention, tout cela évolue très vite mieux programmées. seuils et s’assure qu’il s’agit de ser-

28 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Auditeur interne / auditeur externe

vices autorisés, selon la loi avant sont souvent des revues de type « Post pouvoir s’appuyer sur le travail de
d’obtenir l’autorisation du comité implementation SAP », où l’objectif, par l’autre afin d’émettre une opinion
d’audit ; exemple, est de s’assurer que la commune globale. Bien souvent, les
- pilote le processus d’appel d’offre migration du back office Finance vers auditeurs externes s’occupent des
des auditeurs externes, lorsque SAP s’est bien opérée. Il faut alors processus les plus risqués, comme la
nécessaire. regarder le processus de migration, les revue de la comptabilité générale et
• Identification enfin des sujets com- interfaces et tester des contrôles des clients. L’audit interne travaille sur
muns et mise en place d’un pro- applicatifs liés au processus compta- les immobilisations et la comptabilité
gramme de coopération : il en est ble. Le travail de préparation avec les fournisseurs. Mais cela permet aussi
ainsi lorsque des risques ou thèmes auditeurs externes devient alors cri- de contenir les honoraires des audi-
d’audit apparaissent en commun dans tique pour garantir le succès de la teurs externes …
les plans d’audit respectifs ou lors des mission et la satisfaction de toutes les
discussions sur les risques, l’audit parties, y compris celle des audités qui L’échange de ces informations prend, la
interne et l’audit externe rentrent ne doivent pas être dérangés deux fois plupart du temps, la forme de réunions.
dans une phase de coopération beau- par deux interlocuteurs différents sur Tous les mois l’audit interne et l’audit
coup plus approfondie. L’objectif est le même sujet. Nous nous mettons externe ont une réunion d’une heure,
alors d’identifier comment nous pou- donc très en amont d’accord sur un programmée à l’avance. En fonction de
vons travailler ensemble de façon programme de travail, puis répartis- la quantité des sujets à aborder, cette
intelligente (pour nous et pour les sons les rôles, domaine par domaine réunion peut être annulée la veille. Mais
opérationnels de Sodexo). Différentes et contrôle par contrôle. Nous nous les périodes de préparation des plans
formes peuvent apparaitre. La plus mettons aussi d’accord sur la taille des d’audit, de présentation des cartogra-
courante chez Sodexo est l’interven- échantillons à tester, puis chacun phies des risques et de discussion des
tion jointe, en prenant soin au préala- effectue ses tests et documente ses honoraires génèrent des réunions beau-
ble de bien nous partager les tâches. travaux. Nos documents de travail coup plus denses. 
Il s’agit rarement de plus de 2 ou 3 sont à la disposition des auditeurs
missions d’audit par an. Ces missions externes pour leur revue. Le but est de

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 29


DOSSIER

Les secrets d’une relation


bénéfique

Siân Williams
Jean-Claude
Grynberg Jean Sandler Directrice audit,
contrôle &
Directeur Directeur management des
contrôle interne, adjoint audit, risques,
Groupe Orange Groupe Orange Groupe Orange

Le contrôle interne et les


Le rapprochement, au sein d'une même direction, de plusieurs équipes d'asssu- commissaires
rances, suppose une réorganisation très étudiée. aux comptes
Le fonctionnement intégré facilite les échanges et la coordination entre plusieurs
fonctions clés ; il est déterminant dans la manière dont nous travaillons avec nos Les commissaires aux comptes se doi-
vent d’effectuer un examen des princi-
CAC.
pales procédures de contrôle interne
Depuis une dizaine d'années, les travaux des CAC, sur le contrôle interne financier, afin d'obtenir l'assurance raisonnable
se sont sensiblement renforcés. qu'aucune anomalie significative ne
Orange échange régulièrement avec les auditeurs externes sur les aspects essentiels figure dans les comptes.
de la stratégie anti-fraude du groupe. Avec la mise en œuvre, il y a une dizaine
d’années, du Sarbanes-Oxley Act., les
Les échanges se font dans la transparence et dans un climat de confiance.
travaux des commissaires aux comptes
sur le contrôle interne financier se sont
sensiblement renforcés. La teneur des
Une problématique plus large tiques, garantit la certification informations à documenter et à conser-
que l’audit interne et externe Sarbanes-Oxley et anime le réseau ver en faisait un exercice nouveau aussi
des contrôleurs internes des entités ; bien pour les entreprises concernées que
Chez Orange, comme dans de plus en • les enquêtes ; pour eux.
plus de sociétés, nous avons procédé au • la prévention et détection de la fraude Le travail doit être mené par l’entreprise,
rapprochement au sein d’une même et le revenu assurance ; qui produit son propre rapport de
direction de plusieurs équipes d’assu- • le crédit management ; contrôle interne dans le rapport annuel
rance, qui adressent la problématique du • une petite équipe qui apporte du sou- à destination des autorités et investis-
risque sous plusieurs facettes. tien ponctuel d’expertise financière seurs américains (20-F). Ce rapport
La direction de l’audit, contrôle et aux filiales. affirme la responsabilité du manage-
management des risques groupe ras- ment dans l’établissement et le maintien
semble donc : Ce fonctionnement intégré facilite en d’une structure adéquate de contrôle
• l’audit interne ; interne les échanges et la coordination interne pour la préparation du reporting
• deux risk-managers groupe, qui entre plusieurs fonctions clés des 2e et 3e financier et contient également une éva-
construisent la vision groupe sur les lignes de maîtrise. Il est aussi détermi- luation de l’efficacité de ce dernier en
risques et prodiguent méthodes et nant dans la manière dont nous tra- date de clôture. Les commissaires aux
soutien aux entités ; vaillons avec nos commissaires aux comptes conduisent, de leur côté, leur
• une équipe centrale de contrôle comptes. propre évaluation de façon indépen-
interne, qui promeut les bonnes pra- dante en s’appuyant en partie et sous

30 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Auditeur interne / auditeur externe

certaines conditions sur les travaux matérialisé par la rédaction d’un guide échanges : les commissaires aux
menés par l’entreprise. de bonnes pratiques de contrôle interne, comptes en permettant de documenter
sous forme de questionnaires théma- leur évaluation du risque de fraude et
En 2006, première année de la certifica- tiques. Les éléments relatifs à l’environ- l’adaptation de leur stratégie d’audit, et
tion Sarbanes-Oxley pour les sociétés nement de contrôle interne sur le repor- l’audit interne qui bénéficie d’alertes sur
non américaines cotées aux USA, dont ting financier requis pour Sarbanes- des situations à risque.
Orange, l’ampleur des travaux deman- Oxley ont été intégrés dans ces Ceci permet d’analyser et de partager les
dés par les auditeurs externes, sur la questionnaires. meilleures pratiques du domaine et de
base du standard d’audit AS n°2 du les intégrer dans l'approche d’Orange,
PCAOB (équivalent américain du H3C) Une évaluation par niveau, en fonction afin d’enrichir régulièrement le contenu
était très importante, ce qui conduisait à des réponses, permet à l’entité comme du programme. Ainsi, le COSO 2013 et
un dispositif de contrôle interne parti- aux fonctions centrales d’orienter, si le renforcement de la prise en compte
culièrement détaillé. L’évaluation, besoin, la démarche pour améliorer la des risques de fraude dans le dispositif
menée par l’entreprise, se devait d’être maîtrise de leurs opérations. Elle permet de contrôle interne, conduit à la réalisa-
particulièrement probante et requérait de déployer rapidement une auto-éva- tion conjointe d’une analyse des impacts
un substantiel investissement en testing luation sur un thème jugé prioritaire par de la mise en place de ce nouveau cadre
de la part de l’audit interne (près de le management, comme ce fut le cas en de référence, mettant en évidence la
100 % du périmètre). 2013 sur la prévention de la corruption, bonne adéquation de notre programme
le management des risques, les revenus en termes de prévention de la fraude.
En 2007, le PCAOB a remplacé ce stan- prépayés…
dard par l’auditing standard n°5, insistant Transparence et confiance
moins sur les aspects procéduraux et Collaboration avec comme facteurs clés de succès
mettant l’accent sur une approche par les auditeurs externes sur
les risques et un lien plus perceptible la stratégie fraude du groupe La deuxième ligne de maîtrise a donc
entre l’audit financier et l’audit du des échanges réguliers avec les commis-
contrôle interne (y compris l’impact Dans le cadre de la mise en œuvre du saires aux comptes pour répondre à
potentiel sur les états financiers). programme d'environnement de l’ensemble de ces missions. Le fonction-
Le dispositif mis en œuvre a été révisé contrôle pour la prévention de la fraude, nement au sein d’une même direction
et redimensionné pour toutes les parties Orange échange régulièrement avec les permet à l’ensemble des acteurs de par-
prenantes (opérationnels, contrôleurs auditeurs externes sur les aspects essen- tager un même niveau d’information.
interne, audit interne, commissaires aux tiels de la stratégie anti-fraude du Les réunions animées par le contrôle
comptes), tout en observant une amé- groupe, pour s’assurer que le dispositif interne sont l’occasion pour les mana-
lioration notable de sa qualité. Les com- répond au mieux aux exigences règle- gers de l’audit de s’approprier les préoc-
missaires aux comptes se sont de plus mentaires (SOX, prévention du blanchi- cupations des auditeurs externes et de
en plus appuyés sur les équipes internes ment…) et aux risques émergents vus les prendre pour l’établissement et l’exé-
pour produire leur propre dossier d’ana- ailleurs, dans une logique d’améliora- cution du plan d’audit. Cette coopéra-
lyse, et la confrontation des démarches tion continue. Les deux parties s’enri- tion permet d’alimenter notre vision des
respectives a contribué à renforcer la chissent mutuellement de ces risques, ces échanges apportant un
technicité de chacun et à améliorer de
façon continue l’approche d’audit du
contrôle interne.
L’implication des équipes de l’audit
interne s’est graduellement réduite au
profit de celle des opérationnels et des
contrôleurs internes, au fur et à mesure
que le dispositif de contrôle interne se
révélait plus efficace.

Traduisant les améliorations de qualité


réalisées et l’évolution de l’approche, les
coûts internes et les honoraires des
commissaires aux comptes liés à la cer-
tification SOX ont baissé ces dernières
années.
Depuis 2012, Orange a ouvert son dis-
positif au contrôle interne opérationnel,
© Orange

au-delà du seul volet financier. Ceci s’est

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 31


DOSSIER

certifié les comptes de l’entité. Mais


leurs diligences se limitaient à tel et tel
cycle comptable. Et ce sont eux qui nous
ont suggéré de traiter tel ou tel point
complémentaire…

Finalement, le principal bénéficiaire


d’échanges réguliers entre commissaires
aux comptes et auditeurs internes, c’est
bien le business, les opérations, la pre-
mière ligne de maîtrise ! En effet, les
échanges garantissent une bonne com-
plémentarité des approches, et donc un
© Orange

meilleur support et une meilleure cou-


verture des risques.

Tirer le meilleur parti de


angle de vue différent, fiable et indépen- temps, nos équipes sont intervenues en nos auditeurs externes pour
dant, pour une prise de décision plus binôme avec les auditeurs externes. Et, garantir l’assurance intégrée
éclairée. maintenant, nous réalisons une partie
Plus généralement, cette notion de par- de ces travaux de manière autonome, en La conclusion que nous tirons de ces 10
tage et d’échange est au cœur de notre nous répartissant avec eux l’échantillon dernières années, qui ont vu la mise en
vision de la relation avec les commis- de pays audités. Double bénéfice pour place de Sarbanes-Oxley et de notre
saires aux comptes. Nous avons toujours Orange : la fertilisation de nos méthodes modèle de fonctionnement intégré, c’est
considéré les auditeurs externes comme par l’intégration de nos auditeurs dans que les directions de l’audit interne et
des partenaires. Et nous tirons un béné- des équipes externes pour quelques celles en charge du contrôle interne ont
fice mutuel de nos travaux respectifs. semaines par an, et la réduction des tout à gagner à considérer les commis-
Les auditeurs externes ont accès à notre honoraires. saires aux comptes comme un parte-
programme d’audit et aux résultats de naire à part entière. Cette approche
nos travaux, que nous sommes amenés Et les audités dans tout ça ? garantit un minimum de perturbations
à leur communiquer régulièrement. pour les audités. Surtout, elle permet de
Réciproquement, la relation de La norme 2050 vise à l’efficience et à contribuer à l’amélioration et à la perti-
confiance qui s’est instaurée au fil des « éviter le double emploi ». Les audités nence de nos travaux par l’apport de
années rend aujourd’hui naturel pour sont là pour nous le rappeler tout au constats et de méthodes dont il serait
un directeur de mission de prendre long de l’année. Auditeur interne, tu dommage de se priver dans un contexte
contact avec les commissaires aux serais riche à millions si tu avais reçu un où les ressources se font de plus en plus
comptes quand il commence un audit euro à chaque fois que tu avais entendu précieuses.
afin de préparer au mieux sa phase ter- « vous ne pouvez pas venir maintenant, Cette coopération étroite parachève un
rain, en incluant constats et recomman- les CACs viennent de passer / sont là / vrai système d’assurance intégrée, où
dations des auditeurs externes dans le seront là bientôt », ou « nous avons déjà l’audit interne s’approprie les travaux de
champ de ses investigations. expliqué cela en détail aux CACs et ils la 2e ligne de maîtrise, et où l’audit
La certification IFACI contribue égale- étaient satisfaits de nos réponses ». externe intervient à tous les niveaux de
ment à la confiance qui prévaut dans Comment éviter cela ? Par la qualité de la chaîne pour garantir in fine la robus-
nos relations. Les commissaires aux la communication avec les auditeurs tesse et la pertinence de l’ensemble. 
comptes savent que la qualité de nos externes bien sûr ! Une bonne connais-
travaux est garantie par une revue exi- sance des calendriers et des scopes res-
geante et complète de nos processus par pectifs d’intervention évitera cette
Norme 2050 – Coordination
IFACI Certification. Les travaux qu’ils impression désagréable d’improvisation
exécutent chez nous pour évaluer notre et de redondance. Car c’est bien souvent « Afin d’assurer une couverture
fonctionnement s’en trouvent considé- uniquement de cela dont il s’agit : d’une adéquate et d’éviter les doubles
rablement allégés. impression. Oui, les commissaires aux emplois, le responsable de l'audit
Cette confiance nous a amené à contri- comptes sont venus plus tôt, mais pas interne devrait partager des infor-
buer directement à des travaux avec les pour réaliser des travaux comparables. mations et coordonner les activités
auditeurs externes dans le cadre de la Et d’ailleurs, nous avons connaissance avec les autres prestataires
certification du reporting alimentant le de leurs conclusions et des quelques internes et externes d'assurance et
rapport de responsabilité sociale d’en- points à valider suite à leurs travaux. de conseil. »
treprise d’Orange. Dans un premier Oui, les commissaires aux comptes ont

32 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Auditeur interne / auditeur externe

Un vaste champ
de collaboration
Entreprise historique héritière des arsenaux de Richelieu, DCNS est aujourd’hui un
leader du naval de défense et un innovateur dans l’énergie. Le groupe s’est fixé des
objectifs ambitieux de croissance à l’horizon 2020. Dans ce contexte, la direction de
l’audit et des risques a vu son rôle renforcé pour soutenir DCNS dans l’atteinte de
ses objectifs de performance. Elle a saisi l’occasion de la publication du COSO 2013
pour optimiser son dispositif de contrôle interne et consolider sa collaboration avec
les commissaires aux comptes.

D
CNS, à 400 ans, apporte la réalise 40 % de son chiffre d’affaires à
preuve que « le temps ne fait l’international.
rien à l’affaire », quand on sait
évoluer et adapter son organisation aux La direction de l’audit et
grands enjeux économiques et socié- des risques : un levier pour
taux. Le groupe se réinvente en perma- mieux maîtriser les risques
nence et poursuit son évolution pour et sécuriser le plan à moyen
Sylvain Rousseau répondre aux nouveaux défis qu’il faut terme (PMT)
relever sans cesse. La direction de l’audit
Directeur de l’audit & des risques, et des risques (DAR) constitue un levier A l’image de DCNS, la DAR a su évoluer
DCNS pour mieux maîtriser les risques et sécu- et s’adapter pour accompagner le
riser le plan à moyen terme. groupe dans sa mutation. Son rôle est
d’autant plus crucial aujourd’hui compte
Se renouveler sans cesse : tenu des exigences accrues des marchés
la clé de la longévité sur lesquels DCNS évolue : baisse des
budgets de la défense en France, forte
Convaincu que la mer est l’avenir de la concurrence sur les marchés du naval de
planète, DCNS invente des solutions de défense et de l’énergie à l’international.
haute technologie pour la sécuriser et la La DAR a pour mission de donner une
valoriser durablement. En ayant forgé assurance raisonnable à la direction
Sylvain Rousseau est diplômé de très tôt sa capacité à mener des transfor- générale et au comité d’audit, des
Sup’Aero et d’HEC. Il est aussi titu- mations profondes,
laire d’un DEA en automatique et DCNS a acquis un
informatique industrielle. atout de premier ordre.
Après des expériences riches de Leader mondial dans le
direction de centre de profit, achat, domaine des sous-
marins, des navires de
direction de projets au sein de
surface et des services
groupes industriels (EADS, associés, le groupe
Thomson, Ingenico et Alstom propose également un
Power), il rejoint DCNS en 2010 large panel de solu-
comme directeur des achats, fonc- tions dans l’énergie
tion qu’il occupera jusqu’à fin 2013, nucléaire civile et les
date de sa nomination à la direc- énergies marines
tion de l’audit et des risques. renouvelables. DCNS
est présent dans une
quinzaine de pays et

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 33


DOSSIER

normes de la profes-
sion. Certifié IFACI
depuis 2012 et mem-
bre de l’AMRAE,
autre association pro-
fessionnelle reconnue
en matière de gouver-
nance, DCNS se situe
donc au niveau des
meilleurs standards
internationaux.
Après avoir recentré
ses missions sur la
maîtrise de l’exécu-
tion des activités du
groupe, l’accompa-
gnement du change-
ment et la sécurisa-
tion du PMT, la DAR
renforce aujourd’hui
sa coopération avec
les auditeurs externes,

© DCNS
toujours dans un
souci d’efficacité.

comptes et des risques du conseil d’ad- repose sur l’identification, l’évaluation Les relations avec les
ministration sur la maîtrise que le des risques (processus, entités et pro- commissaires aux comptes
groupe a de ses activités à court et grammes) et le suivi des plans de maî- (CAC) : un pilier du progrès
moyen termes. Elle joue également un trise. Afin de favoriser l’atteinte des
rôle de conseil et se focalise aujourd’hui objectifs stratégiques et opérationnels DCNS dispose d’un collège de CAC
davantage sur l’amélioration des opéra- du groupe, la DAR a récemment ajouté composé de Mazars et EY, avec lesquels
tions et la création de valeur. à sa grille d’évaluation des risques l’im- la société fonctionne conformément aux
pact que ces derniers peuvent avoir sur normes de gouvernance. La DAR a
Ses missions principales le business à moyen terme. décidé d’aller plus loin dans sa relation
avec ces derniers pour avoir une meil-
Réalisation d’audits internes Animation des activités de contrôle leure maîtrise de la gestion des risques
sur des sujets à enjeux interne de l’organisation. Cette évolution
La DAR réalise une vingtaine d’audits La DAR anime la démarche de contrôle répond à un double objectif :
internes par an sur tous les sujets pou- interne du groupe : pilotage des activi- • Efficacité : renforcer le dispositif de
vant représenter un risque pour le tés, définition des outils, lien avec l’ana- maîtrise des risques de DCNS par une
groupe (offres et programmes, filiales, lyse des risques, pilotage du réseau des couverture plus large et optimisée des
processus, nouvelles activités, organisa- animateurs de contrôle interne. Sa mis- risques majeurs.
tion…). Jusqu’en 2013, les audits étaient sion est de s’assurer de l’atteinte des • Productivité : réduire le coût de ce dis-
principalement focalisés sur la confor- objectifs fixés par la direction générale et positif par la synergie des ressources
mité, ils portent aujourd’hui majoritai- de la mise en œuvre efficace de ses déci- de DCNS et des CAC.
rement sur des sujets cruciaux pour le sions dans le respect des contraintes
groupe tels que les programmes (tenue (lois et normes, coûts, qualité…). Pour Cette collaboration renforcée bénéficie
du budget, délais, qualité…). En com- répondre aux nouvelles exigences du également aux opérationnels : elle per-
plément, la DAR coordonne toutes les groupe, la DAR fait évoluer le contrôle met en effet de limiter les travaux redon-
autres formes d’audit pratiquées chez interne vers plus de valeur ajoutée et a dants, d’optimiser les plannings et de
DCNS (qualité, inspection nucléaire, décidé d’adopter le COSO 2013 comme produire des plans d’actions plus perti-
sécurité…) rendant plus efficace la troi- standard de référence pour la concep- nents grâce au partage et à la confron-
sième ligne de maîtrise, ce qui est bien tion, la mise en œuvre et l’évaluation de tation des conclusions d’audit.
accueilli par les opérationnels. son dispositif de contrôle interne. Les Cette démarche s’inscrit en parfaite
objectifs et les modalités sont en cours cohérence avec les exigences des
Pilotage intégré de la gestion des de définition pour un déploiement pro- normes de l’IIA et du COSO 2013 qui
risques gressif dès septembre 2014. préconisent notamment d’intégrer dans
La DAR anime la démarche de maîtrise Pour mener à bien ses missions, la DAR le processus d’évaluation du système les
permanente des risques du groupe qui veille à être en conformité avec les travaux réalisés par des tiers (certifica-

34 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Auditeur interne / auditeur externe

« La relation entre le collège des CAC et la direction de l’audit et des risques de DCNS s’est renforcée.
Cette collaboration étroite est gage de pertinence et d’une plus grande efficacité des audits externes
et intérims réalisés. Elle permet d’optimiser le dispositif de maîtrise des risques de DCNS. »
Le collège E&Y et Mazars

tion des comptes, certification ISO, Travaux sur les systèmes d’information cière (DAF), les CAC peuvent former
assurance sur le niveau de sécurité, ins- (SI) et sensibiliser les équipes internes aux
pections…). Les SI sont à la fois un support à l’audit nouveautés normatives, bonnes pra-
et au contrôle interne et une zone de tiques et benchmark relevés auprès
Le champ de collaboration risques qu’il faut maîtriser. Les travaux d’autres entreprises concernant le
des auditeurs externes sur le SI permet- contrôle interne.
La mission des CAC porte sur l’audit des tent de couvrir ces domaines moins sou-
risques et du système de contrôle vent traités par la DAR, tels que : Toutes ces collaborations entre la DAR
interne des processus concourant à • la détection de fraudes et d’erreurs sur et les CAC ont lieu en complément des
l’élaboration des comptes du groupe. La les opérations diverses en comptabi- relations naturelles et organisées qui
DAR couvre ce même périmètre mais lité générale à partir d’analyse de existent entre la DAF et les CAC. 
aussi les sujets en lien avec la gouver- données ;
nance d’entreprise, les aspects opéra- • les tests sur des activités de contrôle
tionnels et de conformité. Chaque partie métier ;
conserve son indépendance et sa res- • la gestion des droits d’accès aux sys-
ponsabilité conformément aux textes.
« La démarche de collaboration permet
d’optimiser le dispositif sans rompre les
tèmes produisant les comptes du
groupe ;
• les contrôles des processus informa-
3 questions
à Sylvain Rousseau

engagements pris par chacun », précise tiques (développement, maintenance,


Sylvain Rousseau.

Trois grands champs de collaboration


exploitation et sécurité).

Dans ce cas, les CAC sont en relation


1. Cette collaboration avec les
CAC est-elle créatrice de
valeur ajoutée ?
ont été identifiés : avec la direction administrative et finan-
cière et la direction des systèmes d’in- « Ces échanges permettent à la
Activités d’audit formation pour échanger afin de : DAR de préparer ses audits de
Les auditeurs internes et externes par- • définir les sujets informatiques à trai- manière plus efficace et d’aider
tagent leurs plans d’audit respectifs ter dans l’audit ; le management dans la maî-
(audit intérim, plan d’audit annuel, • connaître les projets informatiques trise des risques et des opéra-
triennal, etc.) en amont de leur finalisa- impactant la gestion de l’entreprise ; tions de ses activités ».
tion pour préciser les thèmes et les • définir les données à extraire du sys-
angles d’analyse abordés, sur la base des tème et les modalités d’extraction.
cartographies des risques qu’ils ont
identifiés. Les sujets redondants sont Contrôle interne
2. Est-ce
œuvre ?
facile à mettre en

évités. Quand les thématiques com- De nombreux axes de collaboration sont « Techniquement, oui, mais
munes sont abordées, les angles d’ap- mis en œuvre sur le contrôle interne : cela demande d’établir un pro-
proche sont choisis entre les auditeurs • Les CAC doivent disposer d’une tocole de relations clair et des
externes et la DAR afin d’avoir des vision précise des travaux réalisés par
rituels. Cela ne représente pas
visions complémentaires. Ces échanges la DAR concernant la revue du
permettent une couverture efficace des contrôle interne, conformément au
de surcharge de travail ».
sujets à enjeux.
Avant chaque audit interne, la DAR
demande au collège Mazars et EY de
cadre de référence de l’AMF et de la
8ème directive de la Commission euro-
péenne.
3. Est-ce un dispositif figé ?
« C’est une excellente étape
partager ses conclusions d’audit, ses • La DAR collabore avec les CAC sur
dans l’évolution de nos pra-
points d’attention et ses attentes. La l’évolution du questionnaire de
DAR enrichit ainsi son plan de travail et contrôle interne.
tiques de contrôle interne.
renforce la pertinence des recommanda- • La DAR prend connaissance des ano- Nous ferons le bilan dans un
tions qu’elle émet. En retour, les CAC malies ou faiblesses majeures de ou deux exercices pour évaluer
peuvent compléter leur mission d’audit contrôle interne identifiées par les ensemble le dispositif et déci-
avec un diagnostic plus complet ali- CAC. der des axes complémentaires
menté par les rapports d’audit commu- • Enfin, sur demande de la DAR ou de d’amélioration ».
niqués par la DAR. la direction administrative et finan-

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 35


LIBRES PROPOS

L’audit interne dans


les administrations de l’Etat
diffère-t-il de celui du secteur privé ?
Ou l’histoire d’une prise de position
Jean-François Charbonnier - Chef de mission d’audit interne, Secrétariat général pour l’administration (SGA), Mission
d’audit interne (SGA / MAI)
Ont collaboré à cet article :
Jean-Pierre Dalle - Inspecteur général de l’administration, DGFiP
Yannick Girault - Chef de la mission stratégique des relations aux publics, DGFiP

S
i toutes les histoires commencent
par « il était une fois », la nôtre Après une première expérience dans le secteur civil, alternant des postes à
pourrait débuter ainsi : il était une dominante opérationnelle ou fonctionnelle à la direction générale de l’arme-
fois l’audit interne dans les administra- ment (ministère de la défense), directeur des opérations aéronautiques de
tions de l’Etat. Pour n’être parfois pas mobilité terre-marine et directeur du programme d’hélicoptères NH90 puis res-
jeune, son histoire récente a connu
ponsable de la cellule d’audit de régularité-gestion à l’inspection de l’arme-
quelques faits marquants devenant
ment, Jean-François Charbonnier rejoint mi-2008 le secrétariat général pour
l’administration pour y créer une mission d’audit interne.
autant de points de repères que nous
allons parcourir avant de nous intéresser
à la gouvernance de l’audit interne. le secteur public, limité aux administra- gent vers une nécessaire transposition
tions de l’Etat, et le secteur privé déjà des normes. Dans les faits, il s’agit pour
Un groupe professionnel doté de normes professionnelles qui eux d’identifier les différences majeures
engagé dans une démarche constituent un cadre de référence pour entre l’organisation d’entreprise et l’or-
de think tank sur l’audit la réalisation des audits. ganisation des services de l’Etat, de les
interne au sein des expliquer et, sur cette base, d’adapter
administrations de l’Etat Décembre 2008 et octobre 2009 : deux avec pragmatisme le CRIPP pour qu’un
rapports2 de l’inspection générale des lecteur étatique se l’approprie plus faci-
Juin 2008 : constitution du groupe finances, l’un tourné vers la pratique de lement. Ainsi fait débat la transposition
professionnel « administrations de l’audit interne dans différents pays et des notions propres au secteur privé
l’Etat »1. Quelques passionnés d’audit institutions internationales, l’autre dans telles que « gouvernement d’entre-
interne relevant des services de l’Etat les ministères français, aboutissent à une prise », « direction générale » et « conseil
sont réunis par l’IFACI avec pour objec- proposition majeure de structuration de d’administration » ; font aussi débat des
tif de « mettre en exergue, à travers des l’audit interne dans les services de l’Etat. notions telles que « indépendance »,
commentaires des Normes professionnelles Ces circonstances stimulent l’activité du « niveau de rattachement », « valeur
de l’audit interne, les particularités des groupe. ajoutée » ou encore « code de déontolo-
administrations de l’Etat dans la démarche gie » et « comité d’audit interne » sans
de l’audit » tout en visant « la profession- Mars 2010 : Cadre de Référence oublier le triptyque « audit interne, ins-
nalisation de l’audit interne public en met- International des Pratiques Profes- pection et contrôle »… A quelques amé-
tant en avant des bonnes pratiques qui ont sionnelles de l’audit interne – Trans- nagements près, le groupe professionnel
déjà fait leurs preuves. » En d’autres position dans les administrations de conclut à l’adéquation des normes au
termes, le groupe veut identifier les l’Etat et bonnes pratiques. Les mem- contexte de l’Etat. Une première étape
écarts en matière d’audit interne entre bres du groupe professionnel conver- de convergence est donc franchie.

36 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Juin 2010 : retenant les propositions tions et des procédures ont été mises en
des rapports « Guillaume », le conseil « Les normes s’appliquent aux place de longue date afin de contrôler la ges-
de modernisation des politiques auditeurs internes et à l’activité tion des deniers publics et la mise en œuvre
publiques du 30 juin décide de doter d’audit interne. Tous les audi- des politiques publiques »4, la notion de
les administrations de l’Etat d’un dis- teurs internes ont la responsabi- gouvernance de l’audit interne interroge
positif d’audit interne conforme aux lité de se conformer aux normes toujours autant voire plus qu’au début
normes. Dans les ministères où il n’exis- relatives à l’indépendance et à des travaux, nécessitant de plus un
tait pas, l’audit interne vient donc enri- l’objectivité, ainsi qu’aux compé- approfondissement dans le contexte du
chir les méthodes traditionnelles de sur- tences et à la conscience profes- décret et de la circulaire précités.
veillance et d’évaluation de l’action sionnelle individuelles. De plus, Prenant une dimension de think tank, le
publique. ils doivent se conformer aux groupe professionnel, qui s’est à la fois
normes relatives aux responsa- renouvelé et élargi au fil des ans, pro-
bilités associées à leur poste. Les
Juin 2011 : si les deux rapports de l’IGF pose d’apporter un éclairage et des
responsables de l’audit interne
ont contribué à une prise de conscience recommandations sur la gouvernance
ont la responsabilité d’assurer la
en matière d’audit interne et de contrôle de l’audit interne au profit des décideurs
conformité globale de l’activité
interne, le décret n° 2011-775 du 28 ministériels.
d’audit interne avec les normes
juin 2011, précisé par la circulaire du
et d’en rendre compte. »3
Premier ministre n° 5540/SG du 30 Donner du sens à
juin 2011, fixe un cadre réglementaire la gouvernance de l’audit
à la satisfaction des attentes du rence de l’audit interne dans l’admi- interne au sein des services
Conseil de modernisation. Ainsi est nistration de l’Etat (CRAIE). Ce réfé- de l’Etat
créé au niveau interministériel un rentiel, qui s’impose aux auditeurs de
Comité d’Harmonisation de l’Audit l’Etat, aboutit à des résultats extrême- Les adaptations et transpositions préci-
Interne (CHAI), chaque département ment proches de ceux du groupe profes- tées convergent sur une définition de la
ministériel devant se doter d’un comité sionnel, consolidant de fait la conver- gouvernance comme étant « un dispositif
ministériel et d’une mission ministé- gence au niveau interministériel. Les constitué de l’ensemble des processus et
rielle d’audit interne. Certains, l’ayant « bonnes pratiques internationales ont été structures mis en place par les autorités hié-
anticipé, réalisent cette mutation quasi adaptées en tenant compte des spécificités rarchiques (instances dirigeantes) afin d’in-
immédiatement. de l’Etat, ainsi que de l’application des dis- former, de diriger, de gérer et de piloter les
positions législatives et réglementaires en activités de l’organisation en vue de réaliser
Juillet 2011 : transposition des vigueur. Une concertation avec l’IFACI, ses objectifs ».
Normes Professionnelles de l’Audit représentant en France de l’IIA, a permis de
Interne et bonnes pratiques – Edition vérifier que les adaptations ainsi opérées En premier lieu, la gouvernance de l’au-
spéciales Administrations de l’Etat. étaient compatibles avec les standards dit interne doit s’inscrire dans cette défi-
Les normes de qualification et de fonc- internationaux… »3. Le mouvement, déjà nition.
tionnement étant transposées, le groupe lancé depuis plusieurs mois, s’accélère.
professionnel complète ses travaux, tout Les départements ministériels prennent En second lieu, « La réalité des adminis-
en effectuant une veille active sur les des dispositions en matière de contrôle trations et de dispositifs de contrôle est un
évolutions tant nationales qu’internatio- interne ou formalisent des systèmes héritage de l’histoire. Elle est donc diverse
nales, en proposant une transposition existants et, pour ceux qui ne l’avaient et peut tout aussi bien, ici, répondre depuis
complète des modalités pratiques d’ap- déjà fait, se dotent de missions ministé- des années à la plupart des exigences de
plication. Ce vaste chantier constitue rielles d’audit interne, de comités d’au- l’audit, et là, avoir une plus grande marge
une seconde étape de convergence entre dit et pour certains de comités des de progrès. Le décret de juin 2011 laisse
les acteurs. Un séminaire spécifique de risques. Un premier effort de mise à dis- avec sagesse à chaque administration le
l’IFACI est alors organisé en novembre position de documentation commune choix du chemin à emprunter pour progres-
2011 par l’IFACI pour retracer ce vaste d’audit interne est alors concrétisé avec ser dans cette voie. »5
panorama et permettre un échange sur la publication d’un cahier d’audit dédié
ces évolutions majeures. au secteur comptable de l’Etat. S’inspirant des prises de position de
l’IFACI sur le gouvernement d’entre-
27 juin 2013 : à l’issue d’une longue Mai 2014 : prise de position de prise (juillet 2002) et sur le rôle de l’audit
période de travail interministériel, le l’IFACI relative à la gouvernance de interne dans le gouvernement d’entre-
CHAI adopte le code de déontologie l’audit interne au sein des services de prise (mai 2009), rédigées en partenariat
et les normes de qualification et de l’Etat. Si nul ne peut douter que « dans avec l’Institut Français des Administra-
fonctionnement du cadre de réfé- les administrations de l’Etat, des organisa- teurs, le groupe professionnel s’est inté-

juin/juil. 2014 - Audit & Contrôle internes n°220 37


LIBRES PROPOS

C’était cependant sans compter sur une Tout ceci dans le respect de l’organisa-
relecture externe au groupe, par le tion propre à chaque ministère, et c’est
comité de lecture de l’IFACI, qui a bien là l’enjeu d’un tel document.
conduit à reposer un questionnement
fort justifié montrant que la convergence L’essai est marqué, il reste à chacun
en matière de gouvernance devait d’œuvrer pour le transformer par une
encore progresser malgré les avancées mise en pratique qui lui sera propre.
que le groupe considérait comme…
significatives. Le groupe a donc été chal- Au final, l’audit interne dans
lengé sur ses propres travaux. les administrations de l’Etat
diffère-t-il de celui du secteur
En dernier lieu, si une année a été privé ?
nécessaire pour établir un total consen-
sus entre les membres, au final, le travail Si chaque lecteur a sa propre perception,
en vaut la peine, ne serait-ce que pour au-delà des débats sémantiques et de la
l’échange d’expérience. En effet, si cha- nécessaire appropriation des normes par
cun a progressé dans la connaissance de les acteurs étatiques, la différence essen-
l’autre et de son organisation ministé- tielle réside dans la gouvernance de
rielle, cette progression très exigeante l’audit interne.
pour tous a permis de stabiliser un
document concis dont la prise en La prise de position de mai 2014 a donc
compte des recommandations devrait l’ambition d’apporter une contribution
permettre : aux réflexions en cours en précisant les
• que la mission ministérielle d’audit rôles possibles de chacun des interve-
interne soit reconnue en tant que telle nants dans la mise en œuvre de l’audit
et exerce son rôle en toute légitimité interne.
ressé tour à tour au positionnement et à afin de donner une assurance sur le
l’identification respectifs de la mission degré de maîtrise des opérations face Ces échanges ont également permis de
ministérielle d’audit interne et du res- aux enjeux du département ministé- consolider la nécessité que les adminis-
ponsable de l’audit interne, et au rôle du riel ; trations publiques puissent se doter
comité ministériel d’audit interne, en • que le responsable de l’audit interne rapidement d’une vraie cartographie des
visant à émettre des recommandations (RAI), quel que soit son positionne- risques, d’asseoir une relation cruciale
pratiques et réellement applicables dans ment dans le ministère, soit un vrai entre le contrôle et l’audit internes, au-
un contexte étatique. RAI au sens des normes profession- delà des exigences comptables qu’elles
nelles ; doivent supporter, et donc de s’engager
Sans pour autant les nier, les débats sur • que le comité d’audit interne soit un vers une vraie professionnalisation de
« audit interne », « inspection géné- comité d’audit digne de cette appella- l‘audit interne, rejoignant un mouve-
rale », « conseil général », « inspection » tion répondant aux principaux critères ment de fond dont les dimensions euro-
ou « contrôle » ont été placés au second le caractérisant, en particulier ceux péennes et internationales sont égale-
plan, leur réalité étant néanmoins prise relatifs à sa composition et à ses mis- ment essentielles. 
en compte. A l’évidence, les cultures sions.
préexistantes en matière d’inspection et
de surveillance administrative étant 1 Citations extraites du préambule du Cadre de Référence International des Pratiques Professionnelles de
ancrées de longue date dans l’ADN de l’audit interne – Transposition dans les administrations de l’Etat et bonnes pratiques (IFACI – mars 2010).
certains départements ministériels, cha- 2 Missions pilotées par l’IGF Henri Guillaume :
cun a pu avancer ses particularismes - Décembre 2008 : rapport de la mission de comparaisons internationales relative à l’audit et l’évalua-
pour s’assurer que le texte les couvre tion dans les administrations de cinq pays de l’OCDE et de la commission européenne ;
- Octobre 2009 : rapport relatif à la structuration de la politique de contrôle et d’audit internes de l’État.
bien, ou a minima n’y fait pas obstacle. 3 Citation extraite du chapitre introduction des normes du CRAIE.
C’est un premier pas en matière de gou- 4 Citation extraite du préambule de la Transposition des Normes Professionnelles de l’audit interne et
vernance de l’audit interne au profit des bonnes pratiques – édition spéciale Administration de l’Etat (juillet 2011).
services de l’Etat. 5 Extrait de la prise de position IFACI relative à la gouvernance de l’audit interne au sein des services de l’Etat (mai
2014). Vous trouverez cette prise de position sur le site de l’IFACI www.ifaci.com, rubrique « Prise de position ».

38 Audit & Contrôle internes n°220 - juin/juil. 2014


Calendrier 2014
Tarifs Tarifsnon
S E SS IO N S Durée
adhérents adhérents
janv. févr. mars avril mai juin juillet sept. oct. nov. déc.

SE FORMER À LA MAÎTRISE DES ACTIVITÉS ET AU CONTRÔLE INTERNE


S’initier à la maîtrise des activités et au contrôle interne 2j 950 € 1 125 € 16-17 13-14 10-11 7-8 5-6 5-6 1-2 15-16 2-3 6-7 4-5

Réaliser une cartographie des risques 3j 1 675 € 1 875 € 20-22 17-19 12-14 9-11 12-14 11-13 7-9 17-19 6-8 12-14 8-10

Elaborer le référentiel de maîtrise des activités 2j 1 200 € 1 350 € 23-24 20-21 17-18 14-15 15-16 17-18 10-11 23-24 9-10 18-19 15-16

Piloter un dispositif de maîtrise des activités et de contrôle interne 2j 1 200 € 1 350 € 27-28 25-26 19-20 16-17 19-20 19-20 25-26 13-14 20-21 17-18

Le contrôle interne des systèmes d’information 2j 1 200 € 1 350 € 29-30 24-25 23-24 20-21

Maîtrise des activités, contrôle interne et communication 2j 1 200 € 1 350 € 18-19 21-22 7-8 18-19 22-23 11-12

SE FORMER À L’AUDIT INTERNE


- 20% pour un participant inscrit

Les fondamentaux de l’audit interne


simultanément à 4 formations

S’initier à l’audit interne 2j 950 € 1 125 € 9-10 5-6 6-7 3-4 6-7 3-4 1-2 11-12 2-3 13-14 3-4

Conduire une mission d’audit interne : la méthodologie 4j 1 950 € 2 150 € 13-16 11-14 10-13 8-11 12-15 10-13 1-4 15-18 6-9 18-21 8-11

Maîtriser les outils et les techniques de l’audit 3j 1 625 € 1 775 € 20-22 17-19 17-19 14-16 19-21 16-18 7-9 22-24 13-15 24-26 15-17

Maîtriser les situations de communication orale de l’auditeur 2j 1 050 € 1 150 € 23-24 20-21 20-21 17-18 22-23 19-20 8-9 25-26 16-17 27-28 18-19

Réussir les écrits de la mission d’audit 2j 1 050 € 1 150 € 27-28 24-25 24-25 22-23 26-27 23-24 10-11 29-30 20-21 25-26 18-19

Exploiter les états financiers pour préparer une mission d’audit 3j 1 525 € 1 675 € 29-31 17-19 26-28 22-24 19-21

Désacraliser les systèmes d’information 3j 1 525 € 1 675 € 26-28 2-4 17-19 1-3

Détecter et prévenir les fraudes 2j 1 050 € 1 150 € 26-27 24-25 25-26 25-26 22-23 4-5

Le management
Piloter un service d’audit interne 2j 1 300 € 1 450 € 18-19 5-6 6-7

Manager une équipe d’auditeurs au cours d’une mission 1j 685 € 770 € 21 4 27

L’audit interne dans les petites structures 1j 685 € 770 € 16 7

Balanced Scorecard du service d’audit interne 1j 685 € 770 € 28 26

Le suivi des recommandations 1j 685 € 770 € 28 10 30 30 28

Préparer l’évaluation externe du service d’audit interne 2j 1 300 € 1 450 € 20-21 12-13 24-25

L’audit interne, acteur de la gouvernance 1j 685 € 770 € 9 1

Audit interne, contrôle interne et qualité : les synergies 1j 685 € 770 € 11 8

Les audits spécifiques


Audit du Plan de Continuité d’Activités - PCA 2j 1 300 € 1 450 € 11-12 26-27 19-20

Audit de la fonction Comptable 2j 1 300 € 1 450 € 15-16 6-7

Audit de performance de la gestion des Ressources Humaines 3j 1 525 € 1 675 € 2-4 4-6

Audit de la fonction Achats 2j 1 300 € 1 450 € 19-20 29-30

Audit des Contrats 1j 685 € 770 € 21 21

Audit de la fonction Contrôle de Gestion 2j 1 300 € 1 450 € 20-21 12-13

Audit de la Sécurité des Systèmes d’Information 2j 1 300 € 1 450 € 26-27 24-25

Audit des Processus Informatisés 2j 1 300 € 1 450 € 17-18 4-5

Audit de la Conformité à la Législation Sociale 2j 1 300 € 1 450 € 12-13 2-3

Audit du Développement Durable 2j 1 300 € 1 450 € 14-15 9-10

Audit des Projets et Investissements 2j 1 300 € 1 450 € 1-2 17-18

SE FORMER DANS LE SECTEUR PUBLIC


Le contrôle interne dans le secteur public 2j 1 300 € 1 450 € 20-21 9-10 6-7

Pratiquer l’audit interne dans le secteur public 4j 1 950 € 2 150 € 1-4 16-19 9-12

SE FORMER DANS LE SECTEUR BANCAIRE ET FINANCIER


Le contrôle permanent et la conformité dans le secteur
3j 1 525 € 1 675 € 11-13 17-19 10-12
bancaire et financier
Pratiquer l’audit interne dans une banque ou un établissement
4j 1 950 € 2 150 € 16-19 22-25 15-18
financier
SE FORMER DANS LE SECTEUR DES ASSURANCES
Le contrôle interne dans le secteur des assurances 2j 1 300 € 1 450 € 10-11 6-7 11-12 4-5

Pratiquer l’audit interne dans le secteur des assurances 4j 1 950 € 2 150 € 4-7 23-26 20-23 2-5

SE FORMER DANS LES SECTEURS INDUSTRIE ET COMMERCE


Audit de la gestion des stocks et de la logistique 2j 1 300 € 1 450 € 29-30 2-3

Audit du processus de ventes 2j 1 300 € 1 450 € 7-8 15-16

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Coordination des activités


d’audit interne et d’audit
externe et partage des
informations : rêve ou réalité ?

L
es normes IFACI disent que « Le responsable de
l’audit interne doit partager les informations et
coordonner les activités avec les autres prestataires
internes et externes de services d’assurance et de conseil,
de manière à assurer une couverture adéquate des travaux
et à éviter dans toute la mesure du possible les doubles
emplois ». Cette coordination peut sembler quelquefois
un peu théorique. L’adhésion de tous les acteurs est
nécessaire pour une bonne mise en œuvre de cette
norme : à titre d’exemple la coordination des commis-
saires aux comptes.

Ainsi, concernant les prestataires externes que sont les


commissaires aux comptes (CAC), l’appui des conseils
d’administration et de la direction générale est essen-
tiel. La coordination ne peut fonctionner que si ces
organes de gouvernance sont conscients qu’ils ont
une responsabilité, et dans le choix, et dans le suivi,
des activités des commissaires aux comptes.

Une fois la coordination acceptée, il faut que les


opérationnels jouent également le jeu. Cette mission
de coordination, très transverse dans l’entreprise
implique un certain nombre d’acteurs internes – des
Paul-Henri Mézin directions comptable, financière et technique, des
Directeur de l’audit, Malakoff Médéric directions opérationnelles de gestion mais également

juin/juil. 2014 - FICHE TECHNIQUE N°50 - Audit & Contrôle internes 1


FICHE TECHNIQUE

des directions support (DRH, informatique…). Inter- Préalablement à la rédaction de la lettre de mission,
locuteur privilégié, la direction de l’audit est un facili- la direction de l’audit organise une réunion de lance-
tateur dans la mission des commissaires aux comptes ment réunissant les acteurs concernés (commissaires
sur l’ensemble des entités du groupe (environnement aux comptes, directions comptable, financière, tech-
complexe composé de plusieurs entités, plusieurs acti- nique, directions opérationnelles de gestion, direc-
vités…) pour assurer le partage d’informations, la tions supports selon les thèmes retenus). L’objectif de
couverture adéquate de leur travaux et limiter les cette réunion est de préciser les faits marquants de
doubles emplois. l’année, de définir le périmètre de la mission de
contrôle pour un exercice donné, de cadrer les dates
En France, le commissaire aux comptes est nommé, d’intervention. Les thèmes sont choisis d’un commun
pour six ans. Le choix se fait au niveau des conseils accord avec les directions concernées, la direction de
d’administration. Les membres du comité d’audit l’audit et le commissaire aux comptes, selon les dili-
doivent participer au choix des commissaires aux gences qui leur appartiennent, en fonction des risques
comptes, avec tout ce que cela implique : le droit de et en prenant en compte notamment les missions
veto notamment. La nomination elle-même est faite réalisées par la direction de l’audit.
au niveau de l’assemblée générale et la décision
appartient à celle-ci. Le rôle de la direction de l’audit est de coordonner les
travaux et d’établir une feuille de route à l’attention
Des critères et des formalités d’échanges des commissaires aux comptes et des directions
concernées qui peuvent être nombreuses. De tous ces
Le choix des commissaires aux comptes passe par une acteurs, il faut connaître le rôle et ce qu’ils doivent
procédure d’appel d’offres – voire même selon la fournir comme documents, pour permettre aux
réglementation, par une procédure d’appel d’offres commissaires aux comptes de réaliser correctement
européen. Les critères d’attribution et de sélection leurs interventions (périmètre, couverture, interlocu-
proposés font l’objet d’une analyse à laquelle le teurs, délais…).
comité d’audit participe, s’assurant notamment de
l’indépendance des commissaires aux comptes. De Cela part d’un planning définissant les jalons majeurs
façon opérationnelle, la direction de l’audit a géré incluant la date de lancement des missions, les
l’appel d’offres, avec l’appui de la direction des achats, périodes d’intervention des auditeurs ainsi que les
puisqu’il s’agit là d’un achat de prestations. Sont inter- réunions de synthèse des travaux d’intérim, les dates
venues également les directions concernées dont, la de remise des documents dont le rétro planning de
direction comptable – interlocuteur privilégié – qui a clôture ; ce dernier étant bien sûr de la responsabilité
également participé à la sélection. totale de la direction comptable. Mais il appartient à
Ce processus doit être anticipé et intégrer les impéra- la direction de l’audit, en revanche, de s’assurer que
tifs réglementaires notamment l’avis favorable des ces jalons sont respectés et, en particulier, que les
autorités de tutelles adéquates dans des délais prédé- documents sont fournis à temps aux commissaires aux
finis. comptes et que les contrôles qui vont être faits par ces
L’appel d’offre permet de gérer un budget pendant derniers vont rentrer dans ce planning. Il y a là un vrai
toute la durée du mandat des commissaires aux rôle d’accompagnement de la part de l’audit... qui
comptes de six ans à isopérimètre... : honoraires des peut s’avérer délicat car difficile à faire accepter par les
vacations selon les types d’intervenants, nombre de différents acteurs, surtout quand il s’agit d’effectuer
vacations, vacations supplémentaires… des relances en cas de retard dans la remise de docu-
ments.
Tous les ans, le commissaire aux comptes rédige une
lettre de mission pour cadrer la mission de son Les lettres de mission établies par les différents
mandat de contrôle sur un exercice donné, sur une commissaires aux comptes sont validées et signées par
entité donnée. la direction de l’audit.

2 Audit & Contrôle internes - FICHE TECHNIQUE N°50 - juin/juil. 2014


Cette coordination présente des avantages et des Ce suivi leur est remis lors de la mission de contrôle
inconvénients. de l’exercice suivant afin qu’ils s’assurent de la réalité
• Avantages : pour l’entreprise, pour la direction de l’état d’avancement.
générale et le conseil d’administration,
- en veillant à l’indépendance du commissaire aux Conformément aux normes des commissaires aux
comptes, comptes, ces derniers prennent également connais-
- en assurant une gestion globale et centralisée du sance des travaux de l’audit interne (rapports d’audit,
budget des honoraires des commissaires aux suivi des recommandations émises, état d’avance-
comptes, ment…).
- en jouant un rôle de capteur d’informations qui
est tout à fait intéressant pour l’audit, pour faire Cette relation permet notamment d’apporter aux
remonter des dysfonctionnements ou des risques, commissaires aux comptes une compréhension sur le
mais également pour le commissaire aux comptes fonctionnement du groupe au travers de l’état des
dans la prise de connaissance des travaux de l’au- lieux que l’audit établit lors de ses missions internes.
dit.
Il y a quatre étapes importantes dans la coordination
Et réciproquement, la remontée d’informations facilitant notamment le partage d’information :
que la direction de l’audit a via les • La phase de lancement qui, à l’issue
travaux du commissaire aux d’une réunion à laquelle participent
comptes sert notamment à l’éla- les acteurs principaux concernés
boration du programme d’au- par le contrôle, donne lieu à
dit.
« Interlocuteur privilégié, deux livrables établis respecti-
En cas de blocage, l’audit est la direction de l’audit est vement par le CAC et la direc-
l’acteur fluidifiant des un facilitateur dans la mission tion de l’audit : d’une part la
échanges. lettre de mission et d’autre
des commissaires aux comptes part la feuille de route préci-
• Inconvénient : si elle ne joue sur l’ensemble des entités » sant les plannings des différents
pas ce rôle de fluidifiant dans la jalons (interventions, synthèses,
mesure où elle n’a pas de rôle fournitures et remises des docu-
opérationnel. Dans ce cas, cette coor- ments…). Ceci a notamment pour
dination non reconnue risque de devenir objectif d’optimiser le temps disponible dont
une lourdeur – tant pour les opérationnels que pour disposent les audités pour répondre aux questions
les commissaires aux comptes. des auditeurs en évitant les doubles emplois (multi-
plication des entretiens, des vérifications…).
En fait, il faut montrer que l’audit est là en tant que • La phase d’intérim, d’une durée d’environ 15-20
facilitateur, pour identifier, voire anticiper les difficul- jours, permet aux commissaires aux comptes d’ap-
tés et éviter des incompréhensions qui pourraient précier les dispositifs de contrôle interne mis en
avoir des conséquences fâcheuses sur les travaux des place sur des processus identifiés et d’émettre des
commissaires aux comptes. recommandations préalables au final. A l’issue de
cette intervention, une réunion de synthèse avec la
Pour consolider le lien étroit qui existe avec les participation des directions concernées (y compris
commissaires aux comptes, la direction de l’audit risques) permet aux commissaires aux comptes de
assure un suivi régulier des recommandations qu’ils présenter leurs principales recommandations en
émettent suite aux réponses apportées par les direc- prenant en compte les réponses apportées par les
tions concernées – tant au niveau de la phase d’inté- directions.
rim qu’au niveau de la phase finale des interventions • La phase finale permet aux commissaires aux
des commissaires aux comptes pour un exercice comptes d’effectuer leurs contrôles réglementaires
donné. lors de la clôture des comptes. A l’issue de cette

juin/juil. 2014 - FICHE TECHNIQUE N°50 - Audit & Contrôle internes 3


intervention, les commissaires aux comptes présen- direction auditée la recommandation ; une fois celle-
tent les résultats de leurs travaux auprès des direc- ci acceptée, un lien sera établi entre la recommanda-
tions concernées (y compris risques). Elle permet en tion et les actions mises en place pour sa mise en
outre de prendre en compte les réponses apportées œuvre.
suite aux recommandations émises, de lister le reste
à faire avant remise définitive des livrables. Et l’outil permet un suivi des actions, ce qui nous
donne la possibilité de faire un état des lieux très
A partir des vérifications qu’ils ont menées, les rapide sur une mission, pour savoir quel est le taux
commissaires aux comptes émettent leur opinion d’avancement des actions, d’avoir les justificatifs liés
qu’ils formalisent dans leurs rapports dont la direction aux actions et donc, à distance, de faire notre suivi.
de l’audit coordonne la transmission notamment vers
les directions en charge des relations avec les L’intérêt de cet outil, outre le partage d’informations,
instances. est qu’il est commun avec la direction des risques. Et
surtout, il s’appuie sur des référentiels qui sont les
Risques, contrôle interne, conformité référentiels de la direction des risques (référentiel des
risques, référentiel des causes, référentiel des proces-
Un des prestataires internes privilégiés pour la sus, référentiel des organisations…). A terme, cela
direction de l’audit est la direction des permet une cohérence dans les reportings
risques avec trois activités essen- (avec la même cartographie des réfé-
tielles : l’activité contrôle interne rentiels, un même langage
(gestion et pilotage du contrôle commun) facilitant ainsi l’ana-
permanent) ; une direction de
« Le responsable lyse des écarts entre le contrôle
la conformité et une direction de l’audit interne permanent et l’appréciation
de la sécurité des systèmes doit s’assurer, en continu, établie par l’audit dans ses
d’information. La direction contrôles périodiques.
des risques anime un réseau
de l’efficacité et des
d’adjoints de contrôle interne performances des CAC » Cet outil n’est ni plus ni moins
au sein de chaque direction. La que la représentation physique de
direction de l’audit partage les infor- cette collaboration avec la direction
mations avec l’ensemble de ces acteurs. des risques : informations partagées
Ces échanges portent notamment sur la avec l’ensemble des directions concernées.
couverture des travaux d’audit (au travers notamment
la prise en compte préalable du dispositif de contrôle La transparence
interne et gestion des risques sur les processus audi-
tés) et permettent d’éviter dans la mesure du possible Au-delà des assemblées générales, les commissaires
les doubles emplois (prise en compte des diagnostics, aux comptes sont entendus périodiquement par les
des projets menés…). administrateurs dans le cadre de commissions spéci-
fiques. A cette occasion, ils présentent l’état d’avan-
De façon opérationnelle, la direction de l’audit cement de leurs travaux (comptabilité, fiscalité…) et
travaille en étroite collaboration avec la direction des leurs appréciations notamment sur le fonctionnement
risques, notamment sur un point qui me paraît essen- des dispositifs de contrôle interne et de clôture des
tiel, qui est l’outil de suivi de nos recommandations. comptes.
La direction des risques a développé un outil sur Ces commissions permettent des échanges avec les
lequel nous avons « branché » un module audit qui administrateurs sur différents thèmes liés notamment
permet de suivre les recommandations d’audit. Ces aux évolutions réglementaires.
recommandations sont dans l’outil de gestion des
risques, qui apporte une vraie valeur ajoutée, avec tout La direction de l’audit coordonne leurs interventions
un système de workflow permettant d’adresser à une lors de ces commissions.

juin/juil. 2014 - FICHE TECHNIQUE N°50 - Audit & Contrôle internes 4


FICHE TECHNIQUE

C’est pourquoi il est nécessaire d’avoir des échanges des constats et réponses apportées. Les documents
réguliers avec les commissaires aux comptes. Et s’ils sont structurés par thème et les recommandations
ressentent des difficultés ou des réticences, ils peuvent priorisées. Cela permet une cohérence avec les
librement les exprimer à un tiers interne. C’est une rapports d’audit interne (ex : 4 niveaux de priorité :
étape intermédiaire, de façon à ce qu’en cas de diffi- alerte, vigilance, à suivre, satisfaisant).
cultés, elles puissent immédiatement être remontées
aux directions concernées et, si nécessaire auprès de Jouer le jeu
la direction générale et du comité d’audit.
La relation entre les commissaires aux comptes et la
Par ailleurs, comme cela a déjà été indiqué, les direction de l’audit est basée sur la confiance
commissaires aux comptes ont connaissance des mutuelle. Il est important que cela soit cadré par des
travaux que l’audit interne a mené dans le cours de normes.
l’exercice tant en terme de mission que de suivi.
Comme nous l’avons vu, chacun y trouve son compte.
Efficacité et performances des CAC Cette interlocution de l’audit interne a pour objet la
coordination des travaux entre les différents acteurs
Le responsable de l’audit interne doit s’assurer, en de l’entreprise. La direction de l’audit n’est pas là pour
continu, de l’efficacité et des performances des CAC. se substituer à l’interlocution que les commissaires
aux comptes ont avec les directions comptable, finan-
A partir du moment où le commissaire aux comptes a cière et technique ou d’autres directions opération-
identifié l’audit comme étant le coordonnateur, quand nelles : surtout pas !!
il rencontre des difficultés en termes de budget, de
suivi de la documentation, de fourniture d’éléments, L’audit est là pour encadrer cette relation, en toute
etc., il a un interlocuteur à qui s’adresser. Il faut que indépendance et transparence. Il facilite le partage
cet acteur ait du poids pour faire « bouger les lignes ». d’informations, la bonne couverture d’intervention, la
gestion efficiente du temps passé par les audités lors
Lors des interventions des commissaires aux comptes, des contrôles.
des échanges réguliers sont menés entre les directions A une entité correspond un commissaire aux comptes.
opérationnelles et la direction de l’audit permettant Ainsi, plus une entreprise est complexe, plus le
d’appréhender les travaux menés et les difficultés nombre de commissaires aux comptes augmente et
rencontrées ; cela permet d’avoir un retour de la part donc plus la nécessité de l’action de l’audit se fait
des directions auditées. sentir.
Cet exemple des commissaires aux comptes peut se
Au cours des réunions de synthèse, c’est l’occasion de dupliquer avec d’autres prestataires (audit externe,
faire le point avec les opérationnels sur les travaux des contrôle périodique des autorités externes de
commissaires aux comptes, le fonctionnement de leur contrôles…).
intervention… : cela permet de capitaliser pour l’exer-
cice suivant. En conclusion, la coordination des actions et le
partage des informations entre la direction de l’audit
A cette occasion, on évalue également la pertinence et les autres prestataires internes et externes de
des constats, des priorités, des recommandations et services d’assurance et de conseil, est bien une réalité
du suivi des recommandations. Dans les choix qui nécessaire et indispensable à condition que tous les
sont faits on s’assure de la pertinence et de l’efficacité acteurs directs ou indirects adhèrent au dispositif mis
de leurs travaux. en place. 

Ainsi la direction de l’audit apporte une attention


particulière aux reportings de synthèse, de validation

5 Audit & Contrôle internes - FICHE TECHNIQUE N°50 - juin/juil. 2014


juin/juil. 2014 - FICHE TECHNIQUE N°50 - Audit & Contrôle internes 6

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