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AL MAACHE Mohammed & DERRAZ Mimoun 177

Les grands « piliers » d’un


écosystème des
Startups
marocaines dynamique et
innovant :
État des lieux et
recommandations.

AL MAACHE Mohammed
Professeur à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales
Université Mohammed 1er Oujda

DERRAZ Mimoun
Doctorant à la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales
Université Mohammed 1er Oujda

Dossiers de Recherches en Economie et Gestion : Dossier 11, N° 1 : Février 2023


Les grands « piliers » d’un écosystème des Startups marocaines … 178

Résumé

Les Startups contribuent considérablement à l’amélioration des indicateurs


économiques et sociaux. Cependant, pour promouvoir la culture Startup et susciter
l’émergence de nouvelles Startups et leur développement, le Maroc a besoin de
revoir son écosystème et essayer d’instaurer des politiques appropriées. Cet article
a pour objectif, premièrement, de présenter l’état des lieux de l’écosystème
marocain des startups. Deuxièmement, de mettre en lumière les grands « piliers »
d’un écosystème des startups. Troisièmement, de formuler des recommandations
quant à chaque pilier de l’écosystème, sur la base des expériences d’autres pays et
des points de vue des experts, afin de permettre son amélioration et, par
conséquent, de bénéficier des avantages qu’offre la Startup.

Mots-clés : écosystème, Startup, entreprenariat, innovation, Maroc

Abstract :

Startups contribute to the improvement of public indicators of a country relative to


the economic and social sector. However, to promote the startup culture and try to
improve the emerging and development of a startup, Morocco has to review the
policies related to his ecosystem and try to make good and appropriated ones. This
article has three main goals. First, we tend to present the actual situation of the
Moroccan startup ecosystem. Second, we are going to discuss about the main
“pillars” of the startup ecosystem. Third and final step, we are going to make some
recommendations about each pillar of the ecosystem, based on other countries
experience, and expert announcement, and thus, to benefit from the advantages
that procure.

Keywords : Ecosystem, Startup, Entrepreneurship, Innovation, Morocco


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Introduction

Une « Startup » est une entreprise créée pour mettre en œuvre une nouvelle idée
innovante susceptible d’atteindre des performances hors normes et de réaliser une
croissance remarquable sur le court terme. Cependant, la rentabilité est en
corrélation positive avec le risque. Plus la rentabilité est élevée et plus le risque l’est
également. Steve Blank définit la Startup comme étant « une organisation créée à la
recherche d’un modèle économique reproductible et qui permet sa croissance »1.

Tous les pays essaient, à travers leurs composantes, de promouvoir les Startups
compte tenu de leur grande contribution à la création de l’emploi, à la croissance
économique, à l’élargissement des partenariats publics ou privés, etc. (Acs and
Audretsch, 1990 ; Acs, 2006 ; Audretsch and Keilbach 2004 ; Braunerhjelm et al,
2010).

L’émergence et le développement des Startups nécessitent un écosystème


favorable. L’écosystème est composé de plusieurs éléments constitués de
personnes, d’entreprises, d’organisations (accélérateurs, incubateurs, politiques...)
dans un lieu (physique ou virtuel) qui permettent, en interaction, d’agir comme un
système dans le but de créer et de développer de nouvelles Startups, de promouvoir
la culture Startup et d’accompagner les Startupers afin de les aider à croître et à se
développer et à s’ouvrir sur d’autres opportunités.

Le Maroc a un long trajet à franchir pour développer son écosystème des Startups et
assurer sa place en tant que Hub africain et mondial des Startups. Ces deux dernières
années, il a perdu énormément de places dans la liste du classement des 100
meilleurs écosystèmes des Startups, publiée par StartupBlink. Pire encore, il risque
de ne plus faire partie de cette liste s’il ne fournit pas davantage d’efforts pour
améliorer son positionnement. Ce n’est qu’à cette condition qu’il peut espérer, par
ailleurs, que des retombées positives sur son économie se fassent sentir ainsi que
sur les autres secteurs du pays, notamment à caractère social.

L’objectif de cet article est de présenter ce qui sont considérés comme étant les
« grands piliers » d’un écosystème propice au développement et à l’émergence des
Startups sur le territoire marocain et ce, à travers l’étude des expériences des pays
qui sont considérés comme les pionniers dans ce domaine et à travers l’analyse des
trois critères/scores retenus par le centre de recherche StartupBlink2, à savoir : le
score de quantité, le score de qualité, le « Business Score» auxquels on ajoute un

1 Steve BLANK. (2010). « What’s a startup ? First Principles » ; [En ligne].


https://steveblank.com/2010/01/25/whats-a-startup-first-principles/ (page consultée le 12 Mars
2022).
2 StartupBlink est un centre de recherche et de cartographie des écosystèmes de Startups le plus

complet au monde qui fournit aux développeurs d’écosystèmes du secteur public, aux organisations
innovantes et aux chercheurs, les connaissances et les outils nécessaires pour cartographier, marquer
et développer leurs écosystèmes de Startups.

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quatrième score qui concerne l’ensemble de l’économie. C’est au niveau de ces


critères que le Maroc est appelé à fournir des efforts supplémentaires afin
d’améliorer son écosystème et son positionnement.

Le design méthodologique de notre travail se présente comme suit : on commencera


d’abord par une présentation de l’état des lieux de l’écosystème marocain en en
esquissant les réalisations majeures. Nous mettrons ensuite en exergue les aspects
dans lesquels le Maroc est en retard par rapport à ses voisins africains. Dans un
troisième point, nous discuterons des grands « piliers » d’un écosystème de Startups
proprement dits tels que l’accès au capital, les talents, les organismes d’appui ou
réseaux, les incitations étatiques, l’environnement de l’entreprise, les aspects
sociaux… Ces « piliers » sont élaborés sur la base d’une recherche documentaire et
sur la base des critères retenus par StartupBlink. Ces derniers, sont supposés
permettre la réussite d’une stratégie de développement et d’émergence des
Startups et, par conséquent, mieux positionner le Maroc dans le classement qui sera
réalisé par StartupBlink dans les années à venir afin de préserver sa place parmi les
100 premiers.

Enfin, à l’issue de l’étude de chacun des « piliers », des recommandations ou des


idées d’initiatives seront identifiées et émises en tenant compte des expériences
d’autres pays pionniers dans un but final de mettre au point un support destiné aux
acteurs et parties prenantes concernés.

1. Etat des lieux

Dans ce qui suit, nous allons présenter l’état des lieux de l’écosystème marocain en
nous basant sur un rapport sur l’indice global des écosystèmes des startups publié
par StartupBlink. Nous présenterons aussi les aboutissements cumulatifs majeurs de
l’Etat marocain dans le domaine des Startups afin d’apprécier et comprendre l’effort
engagé.

Figure 1 : Classement global des écosystèmes.

Source : StartupBlink ; Global Startup Ecosystem Index 2021 ; p. 29.

StartupBlink, qui est un centre de recherche sur la qualité des écosystèmes des
Startups à travers le monde, classe l’écosystème marocain des Startups à la 95ème
place mondiale (voir figure 1), 7ème en Afrique et 3ème en Afrique du nord en 2021. Il
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faut, toutefois, signaler que le Maroc a perdu 12 places au niveau du classement


mondial par rapport à l’année 2020. Plus grave encore, le Maroc, estiment les
rapporteurs de StartupBlink, risque de disparaître du classement des 100 meilleurs
écosystèmes au monde au cours de l’année 2022 en raison de cette décroissance
consécutive de ces deux dernières années. Cette perte de places ne peut avoir, par
ailleurs, que 2 explications possibles : soit que le Maroc ne fournit pas assez d’efforts
pour améliorer son écosystème, soit que ses efforts sont en deçà de ceux fournis par
les autres pays.

Figure 2 : Classement de l'écosystème des villes au Maroc.

Source : StartupBlink ; Global Startup Ecosystem Index 2021 ; p. 244.

Au niveau national, 3 villes seulement apparaissent dans le classement des 1000


premières avec une grande disparité entre elles. C’est ainsi que la capitale
économique Casablanca se positionne à la première place, gagnant même 14 places
par rapport à 2020. Très loin derrière, arrivent les villes d’Agadir et de Rabat qui ont
perdu successivement 154 places et 8 places en une seule année (voir figure 2). On
peut considérer cette situation comme étant normale puisque la région de
Casablanca-Settat contribue, à elle seule, à la réalisation de plus du tiers du PIB
national (36,2%) et le taux d'activité y est proche de 50%3. L’inégalité des
performances entre les villes constitue cependant un grand handicap, non
seulement au développement des Startups au Maroc, mais aussi à la croissance et
au développement économique de ce pays ; d’où la nécessité pour ce dernier de
diversifier et d’aider l’écosystème des autres villes à se développer et à améliorer
leur positionnement au niveau mondial afin qu’elles puissent entrainer les effets
positifs escomptés sur l’attractivité économique et immatérielle et, par conséquent,
susciter un intérêt croissant et une implantation croissante des organismes,
entreprises, évènements multinationaux liés aux Startups.

D’un autre côté, Il est certain que le Maroc a fourni beaucoup d’efforts - loués
d’ailleurs par le rapport de StratupBlinken - en vue de développer et faire évoluer
son écosystème à différents niveaux (technologie, communication) et

3 Sanae Raqui ; Région Casablanca-Settat : le TGV économique, [En ligne].


https://leseco.ma/maroc/region-casablanca-settat-le-tgv-economique.html (Page consultée le 12
Mars 2022).

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particulièrement dans le domaine des incitations fiscales. Citons quelques


réalisations du gouvernement dans ce domaine :

La mise en place du fonds d’investissement Innov Invest, lancement du programme


Intelaka, lancement de FORSA, la création des Centres Régionaux d’Investissement
(CRI) et leur réorganisation afin de faciliter la création d’entreprises, accompagner
les Startupers et promouvoir l’investissement privé, lancement de MarocPME
(Agence Nationale pour la Promotion des PME), création de StartupMaroc
(Accélérateur labellisé par la Caisse Centrale de Garantie) et StartupHubMaroc qui
est une plateforme qui rassemble les différents acteurs de l’écosystème des Startups
marocaines, des instructions nouvelles ont été données par l’Office de change aux
cours de l’année 2022 visant à renforcer la compétitivité des jeunes entreprises
innovantes en nouvelles technologies.

Il est à noter néanmoins que depuis la LF 2018, et en dépit des propositions


présentées par la Commission Entreprenariat et Startups de la CGEM, le
gouvernement n’a pas accordé assez d’importance et d’incitations fiscales aux
Startups nommées « jeunes entreprises ». La LF 2021 ainsi que le Code Général des
Impôts ne se sont intéressés qu’aux conditions de la réduction des impôts en faveur
des entreprises qui prennent des participations dans les jeunes entreprises
innovantes en nouvelles technologies dont le montant de réduction est passé de
200 000DH à 500 000DH plafonné. Le dernier Code Général des Impôts (2022) du
gouvernement d’Akhannouch, n’a rien prévu de spécial au profit des jeunes
Startupers.

Le classement effectué par StartupBlink est basé sur trois critères ou scores : un score
de quantité, un score de qualité, un « Business Score » plus un score de l’ensemble
de l’économie. C’est au niveau de ces critères que le Maroc est appelé à fournir
davantage d’efforts afin d’améliorer son écosystème et son positionnement qui
doivent constituer les axes prioritaires sur lesquels il devrait s’appuyer pour
développer l’écosystème de ses Startups. En ce qui nous concerne, ces critères vont
nous servir comme base à notre étude.

Pour le calcul du score de quantité, on doit répondre à la question : Combien ? A ce


sujet, StartupBlink prend en considération non seulement le nombre de Startups,
mais aussi celui des espaces de Coworking, d’accélérateurs et de parties prenantes.
En effet, dans le cadre d’un écosystème comme défini plus haut, les Startups ne sont
pas les seuls acteurs, d’autres intervenants agissent également en tant
qu’organismes d’appui (incubateurs, banques...).

Le calcul du score de qualité se fait en prenant en compte les éléments suivants :


nombre d’employés par Startup, présence de grands influenceurs Startupers,
évènements mondiaux de Startups tenus au Maroc, montant de l’investissement
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privé dans l’écosystème, présence d’entreprises licornes4, panthéons5, présence des


centres de R&D des grandes entreprises de technologies…

Le « Business score » est calculé en fonction des indicateurs qui évaluent le Maroc
sur plan des infrastructures, de l’environnement des entreprises, des politiques
économiques, de la réglementation, du cadre fiscal et de la liberté donnée aux
Startuppers. Ce score permet d’évaluer les efforts de l’Etat dans le domaine du
développement et de l’aide à l’émergence des Startups au Maroc. Les éléments pris
en compte pour le calcul des indicateurs de l’environnement de l’entreprise sont la
vitesse du débit internet, l’indice « Ease of Doing Business », l’accès à l’électricité et
à l’eau, l’investissement en R&D…

Les critères retenus par StartupBlink mettent en relief, entre autres, les points de
faiblesses sur lesquels le Maroc (7ème place en Afrique) a pris du retard par rapport à
ses voisins africains. C’est ainsi que le rapport de StartupBlink « qualifie l’écosystème
Startup du Maroc de pôle d’innovation émergent qui affiche une dynamique
négative en termes de quantité, de qualité et de valeur. Sur sa Startup Ecosystem
Map, aucun accélérateur ni leader au Maroc n’y apparait. Les Startups marocaines
sont présentes uniquement dans 3 secteurs : Social et Loisirs, Software-data et
Transport6.

Le rapport révèle, également, la persistance d’un certain nombre de contraintes7 à


caractère social et économique qui freinent le développement de l’écosystème tels
que l’accès restreint à l’éducation et aux services de santé, le financement et le cadre
légal inadéquat, l’inégalité de genre, etc.

2. Méthodologie

Comme énoncé plus haut, l’objectif de notre essai est de présenter les grands piliers
d’un écosystème propice à l’innovation au développement, à l’émergence des
Startups et à la promotion de la culture Startup. Dans un premier temps, nous allons
procéder à un état des lieux de l’écosystème marocain, les différentes réalisations à
ce jour ainsi que les aspects sur lesquels le Maroc est en retard majeur par rapport
aux pays de l’Afrique. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons aux piliers
qui constituent le socle d’un écosystème favorable aux Startups en nous appuyant
sur des études documentaires à travers une collecte des données primaires issues
des rapports, des entretiens avec des experts, des journaux, de l’expérience de
certains pays de l’Afrique... Enfin, sur la base de ces piliers, nous présenterons

4 Une Startup licorne est une Startup qui a une valorisation de plus de 1 milliard de Dollars.
5 Il s’agit d’anciennes et nouvelles entreprises licornes ayant impacté le monde.
6 Cf. Libre Entreprise Magazine ; StartupBlink : Les Startups ne font pas honneur au Maroc ; Casablanca ;

16/06/2021.
7StartupBlink. Global Startup Ecosystem Index 2021 ; p. 245.

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quelques recommandations qui nous paraissent pertinentes pour l’amélioration de


l’écosystème marocain des Startups.

3. Les grands « piliers »

Nous allons dans ce qui suit, analyser les 7 grands piliers ou, autrement dit, les 7
inputs (voir figure 3) quantitatifs (score de quantité) et qualitatifs (score de qualité)
qui interagissent mutuellement pour renforcer l’écosystème des Startups tels qu’ils
ont été développés par OC&C Strategy Countries8. Il existe un autre modèle élaboré
par Daniel ISENBERG (professeur d’entreprenariat à BABSON College)9 qui regroupe
à peu près les mêmes piliers que celui de OC&C.

Un écosystème des Startups peut être défini comme suit :

« Un ensemble d’acteurs entrepreneuriaux interconnectés (potentiels et existants),


d’organisations entrepreneuriales (entreprises, investisseurs en capital-risque,
Business Angels, banques), d’institutions (universités, organismes du secteur public,
organismes financiers) et de processus entrepreneuriaux (par exemple, le taux de
création d’entreprises, le nombre d’entreprises à forte croissance, le nombre
d'entrepreneuriats qui ont réussi, le nombre de «Serial Entrepreneurs10 », le degré
de « Sellout Mentality11 » au sein des entreprises et les niveaux d’ambition
entrepreneuriale) qui agissent ensemble de manière formelle et informelle pour
intégrer, arbitrer et gérer la performance dans l’environnement entrepreneurial
local12 ».

8 OC&C ; “A Comparative Report on Tech Entrepreneurship Ecosystems in Focus Countries -2018” ;


http://www.occstrategy.com; consulté le 21/04/2022.
9 ISENBERG, Daniel (2011) ; The Entrepreneurship Ecosystem Strategy and a New Paradigm for Economic

Policy : Principals of Cultivating Enterpreneurship ; http://www.innovationamerica.us; consulté le


21/04/2022.
10 Un Serial Entrepreneur désigne un entrepreneur qui crée plusieurs (série) entreprises.
11 Sellout Mentality est une expression anglaise qui désigne une personne qui compromet son intégrité,

sa morale, ses principes en échange de l’argent. On peut la traduire par « Mentalité de corrompu ».
12Mason, Collin and Brown, Ross. (2014) ; Entrepreneurial Ecosystems and Growth Oriented

Entrepreneurship ; OECD ; p. 5. (traduit de l’anglais par nous-mêmes).


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Figure 3 : Les grands piliers d'un écosystème favorable.

Source : OC&C ; “A Comparative Report on Tech Entrepreneurship Ecosystems in


Focus Countries -2018” ; https://www.occstrategy.com

a. Capital financier

Durant les premières phases de leur cycle de vie, les Startups nécessitent des fonds
relativement considérables pour mettre en œuvre leurs projets pour lesquels ils
trouvent difficilement des bailleurs. C’est pourquoi elles se tournent vers leurs
familles qui leur procurent ou prêtent la totalité ou une partie des capitaux
nécessaires. Cependant, les sommes collectées ne suffissent généralement pas pour
faire démarrer la Startup qui a souvent besoin d’un fonds de roulement important.

D’où l’intérêt du pilier « capital financier » qui concerne ce qu’on appelle les
« accélérateurs » (recherchant en contrepartie un retour sur investissement) que
sont les banques, les investisseurs (Angel Investors, Crowdfunding), les sociétés de
capital-risque... Ces derniers sont malheureusement réticents envers les Startups, à
l’idée d’accorder un capital d’amorçage ou un capital risque à une entreprise
innovante à un stade de création ou en début d’activité qui sont des périodes très
risquées (HM Treasury, 2003 ; Cumming et al, 2009). Les sociétés de capital-risque
ont besoin du talent managérial et d’investissement pour identifier les Startups
possédant des technologies émergentes, innovantes et à fort potentiel de croissance
(Gordon Murray, Marc Cowling, Weixi Liu and Olga Kalinowska-Beszczynska, 2012).
Le capital-risque ne satisfait pas la communauté des Startupers. C’est pourquoi les
gouvernements se sont intéressés de plus en plus à ce problème de manque des
offres de capital-risque mises à la disposition des nouvelles Startups en phase
d’amorçage et leur impact sur l’innovation et la promotion de la culture Startup
(Commission Européenne, 2010 ; OCDE, 2010). Par ailleurs, une attention
particulière doit être accordée aux autres sources conventionnelles de financement
comme les banques et les mécanismes financiers de Crowdfunding, crédit
communautaire… (Collins et al, 2013).

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Les organismes financiers (banques, sociétés de capital-risque...) sont des sociétés


privées dont l’objectif principal est de minimiser le risque et de rémunérer en
premier lieu les actionnaires. Par ailleurs, leur souci majeur est la sécurisation de
leurs prêts afin d’en garantir le remboursement en cas de risque de contrepartie et
ne sont pas fortement intéressés par le modèle économique ou le potentiel de la
Startup (ISENBERG, 2011).

Les fonds destinés à financer les Startups marocaines sont très réduits par rapport à
d’autres Startups africaines. D’après Techcabal13, les Startups marocaines ont levé
en 2021 un chiffre record qui a atteint 269 millions de dirhams, chiffre qui reste
cependant relativement très faible par rapport au montant levé par les Startups
égyptiennes par exemple qui a été de l’ordre de 100 millions de Dollars14. Toujours
d’après Techcabal, les raisons de cette situation des Startups marocaines
s’expliquerait par plusieurs raisons. Citons entre autres : une bureaucratie hostile,
procédures administratives complexes, lourdes, manque d’innovation Fintech, accès
difficile aux services aux services mondiaux tels que les publicités sur Google et
Facebook …15

Le pilier « capital financier » est d’une grande importance dans la mesure où il


permet aux décideurs politiques de réfléchir et d’agir pour mener les Startups de la
phase d’amorçage à la phase de Scaling (ISENBERG, 2013) et devenir ainsi des Scales-
up16.

b. Capital humain

L’être humain constitue l’élément central dont dépend l’écosystème. Il est donc
impératif de concentrer les efforts et les politiques de l’Etat en matière d’éducation
et de formation sur l’entreprenariat et la création de campus entrepreneuriaux
(Mason, Brown, 2014). Il faut promouvoir la cuture « Startup », l’esprit d’initiative et
de création et développer une attitude positive chez les jeunes envers
l’entreprenariat. L’ « homme » doit être une priorité de la stratégie
gouvernementale qui doit avoir pour mission d’inciter l’Etat à créer lui-même, d’une
part, et d’encourager le secteur privé, d’autre part, à créer des écoles, instituts et

13 Techcabal est considéré comme étant le principal média numérique fournissant des informations,
des rapports, des articles et des avis d’experts sur les Startups en Afrique.
14 Startups marocaines : un potentiel encore non exploité !; https://maroc-diplomatique.net;

28/01/2022.
15 Ibid.
16 Une Scale-up est une Startup qui connaît une croissance accélérée e réussite continues et soutenues

dans le temps. Il n’existe pas de définition précise à cette forme de Startup. On estime toutefois, qu’elle
se caractérise par un chiffre d’affaires qui croît d’une manière continue (trois ans consécutifs au moins)
de 20% en moyenne et un nombre d’employés en augmentation continue, supérieur dans tous les cas
à 9. Après avoir consolidé et renforcé son évolution et son Business Plan, la Scale-up prend la forme de
« Licorne ». (Comment passer d’une Startup à une Scale-up ; https//:infonet.fr ˃ guide ˃ de-start-up ;
08/09/2022).
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universités, de les doter de programmes d’éducation et de formations adaptés et de


haute qualité afin de développer l’esprit d’initiative, d’entreprise et d’entreprenariat
et faire acquérir aux apprenants les compétences nécessaires qui leur permettent de
développer et réfléchir sur des idées innovatrices et les stimuler pour créer leurs
propres Startups.

Remarquons que pour ce qui est du Maroc, le nombre de programmes et de


formations accordés aux jeunes étudiants dans leur parcours scolaire et universitaire
reste très insuffisant y compris dans les écoles de commerce et de gestion.

c. Réseau

Ce « pilier » a pour objectif de favoriser l’interaction entre les différents acteurs de


l’écosystème à travers la création d’une communauté de « pratique », c’est-à-dire
« un groupe de personnes qui partagent une préoccupation ou une passion pour
quelque chose qu'ils font et apprennent à mieux le faire en interagissant
régulièrement »17 ou d’un « réseau », c’est-à-dire un groupe, club ou association
d’entrepreneurs et de personnalités multidisciplinaires18. L’objectif de ces réseaux
est d’accompagner humainement et financièrement les nouveaux entrepreneurs,
Startupers et innovants en mettant à leur disposition leurs compétences, leurs
expériences, leur savoir-faire, leurs relations (investisseurs, mentors) … C’est le cas,
par exemple, du centre d’innovation de Jeff Bezo. CONNECT qui est une organisation
qui met en relation les entrepreneurs et innovants en leur facilitant l’accès aux
ressources (investisseurs, mentors) et à la formation dont ils ont besoin pour la
commercialisation de leurs produits. En effet, les porteurs d’idées nécessitent un
accompagnement et un appui adapté en fonction de chaque étape de leur projet.
Un incubateur de Startup est une organisation qui apporte de la motivation et
permet de fournir au Startuper, spécialement durant la première phase de la mise
en œuvre de son idée de projet, des services portant sur les aspects du
financement (conseil d’un expert), de la formation dans un métier particulier ; etc.
C’est à travers ces incubateurs que l’entrepreneur acquiert les compétences
techniques, les informations sur le produit et le marché et commence à développer
une vision sur la stratégie et la structure de son organisation (Colin Mason, Ross
Brown, 2014).

Malheureusement, le nombre et la capacité de ces Hubs restent encore insuffisants.

Les entreprises doivent également investir dans la R&D. Elles doivent doter leurs
employés des meilleurs pratiques technologiques afin de pouvoir saisir les
opportunités du marché. A ce sujet, les entreprises peuvent développer des

17 Etienne & Beverly Wenger-Trayner ( 2015) ; Introduction to Communities of Practice, A Brief Overview
of the Concept and Uses ; https://wenger-trayner.com ; consulté le 24/04/2022.
18 Colin Mason, Ross Brown (2014) ; Entrepreneurial Ecosystems and Growth Oriented Entrepreneurship

Background ; http://www.oecd.org/fr/cfe/leed/ ; consulté le 24/04/2022.

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partenariats avec l’Université. Beaucoup d’efforts restent toutefois à fournir dans ce


domaine. Les recherches réalisées dans les laboratoires affiliés au gouvernement
n’apportent pas vraiment des solutions aux problèmes des entreprises du fait de leur
méconnaissance du marché, ce qui fait que très souvent elles n’aboutissent pas à
une application commerciale concrète (Lawton Smith, 1998).

Le « pilier Réseau » comprend aussi les espaces physiques de travail tels que les
espaces de Co-Working (espaces partagés de travail qui rassemblent des experts en
vue de favoriser l’échange et de proposer des services pour les entrepreneurs), les
Technoparks, etc.

L’organisation des événements internationaux de Startups peut être, à son tour,


encouragée car ces événements constituent des occasions de rencontrer les
différents acteurs de l’écosystème et notamment les entrepreneurs qui ont réussi,
les experts, les accélérateurs, etc.

d. Culture

L’absence ou la faiblesse de la culture entrepreneuriale est considérée comme l’un


des principaux obstacles auquel doivent faire face les acteurs de tout écosystème
d’entrepreneuriat (Ishraga Khattab, Omer Osman Al-Magli, 2017 ; Isenberg, 2011).
Les aspirations entrepreneuriales sont fortement inhibées dans une société où la
contribution de l’entrepreneuriat n’est pas valorisée et reconnue, où l’échec est
perçu négativement comme une faiblesse et où le statut de l’entrepreneur est
faiblement valorisé (Colin Mason, Ross Brown, 2013). C’est ainsi que la culture
entrepreneuriale qui se caractérise par l’esprit d’entreprise, le goût du risque, des
normes sociétales positives, la recherche de nouveaux challenges, le partage des
expériences, des informations et des connaissances, l’attitude positive envers
l’échec, l’attitude « give before you get » … est différente du circuit habituel pour
réussir et assurer son avenir : « études - prise de fonction » auquel adhère la plupart
des familles marocaines. Celles-ci préfèrent assurer à leurs enfants un parcours plus
sûr et plus stable ; autrement dit, à rester dans une zone de confort et éviter les
péripéties et les risques inhérents à l’activité d’entrepreneur considérée comme une
aventure incertaine. Au Maroc, rares sont les familles qui encouragent leurs enfants
à devenir des entrepreneurs. Pire, certaines d’entre elles vont jusqu’à combattre et
contrarier les ambitions et les aspirations de leurs enfants attirés par le désir
d’entreprendre et font tout pour les dissuader de « partir à l’aventure ». D’un autre
côté, force est de constater que même le système éducatif marocain n’est pas
orienté vers cette logique entrepreneuriale.

On a observé que les régions où il existe un nombre important d’entrepreneurs ont


des attitudes positives et encourageantes envers les Startups (Colin Mason, Ross
Brown, 2014). Ceci se comprend facilement dans la mesure où un nombre élevé
d’entrepreneurs, surtout s’ils ont réussi, agissent de par leur importance et leur
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succès sur les comportements des jeunes et constituent pour eux des modèles et des
exemples à suivre.

e. Réglementation des affaires

Signalons tout d’abord que l’aspect réglementaire fait en principe partie de la culture
entrepreneuriale. Mais de par son grand intérêt, son importance et le rôle capital
qu’il joue dans l’écosystème des Startups, la réglementation des affaires est étudiée
séparément car, à elle seule, elle constitue un « pilier » à part. Il s’agit, d’une manière
générale, de tous les efforts fournis et les mesures prises par le gouvernement en
vue de faciliter et simplifier les procédures administratives, proposer un package
fiscal destiné spécialement aux Startups, surmonter les challenges digitaux, faciliter
l’accès aux services de l’Etat et promouvoir l’échange à l’international par des
mesures de politiques commerciales de promotion des exportations.

Dans ce domaine, notons que le Maroc a réussi un exploit en se classant, selon le


dernier rapport de la Banque mondiale - juste avant la décision de celle-ci de mettre
fin à l’enquête Doing Business à cause des irrégularités dans les données19 - 53ème au
niveau mondial, 3ème au niveau de la zone MENA et 1er en Afrique du nord. Le Maroc,
constate le rapport, a entrepris un ambitieux programme de 6 réformes20 qui lui ont
permis de mieux évoluer durant la dernière décennie. Pour promouvoir les échanges
à l’international, il a, par ailleurs, « accéléré le commerce transfrontalier en
introduisant le paiement électronique pour les frais de port en organisant la
dématérialisation des formalités douanières et en prolongeant les horaires
d’ouvertures des ports »21.

Citons également, au niveau institutionnel, l’existence du Comité National de


l’Environnement des Affaires (CNEA) qui a pour mission de proposer au
gouvernement les mesures susceptibles d'améliorer l'environnement et le cadre
juridique des affaires, d'en coordonner la mise en œuvre et d'en évaluer l'impact sur
les secteurs concernés avec la collaboration et l’assistance d’un certain nombre
d’organismes publics et privés comme le CRI, le CGEM, le GPBM ...

Le Maroc a certes réalisé des avancés remarquables en termes d’amélioration de la


réglementation des affaires, mais cela doit être accompagné d’un cadre fiscal
incitatif. La charge fiscale est qualifiée de très lourde par les jeunes entrepreneurs,
créant un obstacle sérieux au développement de leurs entreprises et à leur besoin

19 The World Bank. (2021). « World Bank Group to Discontinue Doing Business Report » ; [En ligne].
https://www.worldbank.org/en/news/statement/2021/09/16/world-bank-group-to-discontinue-
doing-business-report (page consultée le 09 Avril 2022).
20 Groupe de la Banque Mondiale ; « Doing Business 2020, données clés/ Moyen-Orient et Afrique du

nord… ; https//français.doingbusiness.org
21 Ibid. p. 2.

Dossiers de Recherches en Economie et Gestion : Dossier 11, N° 1 : Février 2023


Les grands « piliers » d’un écosystème des Startups marocaines … 190

imminent de réinvestir leurs Cash-Flows générés après rémunération des


investisseurs.

Le système fiscal marocain est régi par le Code Général des Impôts (CGI) et par la loi
n° 47.06 relative à la fiscalité des collectivités locales. Les principaux impôts prévus
par le CGI sont : l'Impôt sur le Revenu (IR), l'Impôt sur les Sociétés (IS), la Taxe sur la
Valeur Ajoutée (TVA) et les Droits d'Enregistrement et de Timbre (DET). Les Startups
ne disposent pas d’un cadre fiscal qui leur est propre et qui soutient leur croissance
jusqu’à la phase de maturité. Durant la phase d’amorçage, la Startup a besoin d’un
accès au financement. Elle doit rémunérer, par la suite, les apporteurs de fonds et
faire face dans le même temps aux obligations fiscales qui constituent, pour elle, un
manque à investir. C’est pour cela que l’Etat est appelé à offrir un package fiscal aux
Startups, au moins durant les premières années de leurs exercices.

f. Infrastructures des NTIC

L’enjeux de ce « pilier » réside dans les efforts fournis pour faciliter l’accès aux
technologies, d’informer les citoyens des bénéfices des Nouvelles Technologies de
l’Information et de la Communication (NTIC) et de les équiper en matériel nécessaire
pour une utilisation appropriée.

Si une grande majorité des marocains sont équipés en téléphonie mobile, 1 seule
personne seulement sur 4 est détentrice d’un PC ou d’une tablette selon l’Agence
Nationale de Réglementation des Télécommunications22 ; d’où la nécessite d’inciter
et d’encourager davantage les citoyens à adopter des NTIC dans leur vie quotidienne.
Des efforts supplémentaires doivent également être fournis au niveau de l’accès à
internet (fixe ou mobile, à haut débit) et l’accès à l’électricité. En effet, 84,5% des
ménages ont accès à internet mobile contre seulement 23% qui ont accès à l’internet
fixe23. Une plus grande démocratisation de l’internet à domicile s’impose donc.

Remarquons enfin que l’enquête réalisée par l’ANRT a constaté que le confinement
imposé par la COVID 19 a eu un effet notable sur la perception de l’importance du
numérique et, par conséquence, un effet sur son utilisation qui s’est accélérée. Elle
estime, par ailleurs, que les changements qu’il a introduits vont certainement
perdurer dans le temps.

g. Potentialité du marché

Pour pouvoir croître, se développer et arriver à rémunérer les bailleurs de fonds, une
Startup est censée vendre son service ou produit à des consommateurs (sociétés ou
particuliers), présents sur le marché national ou international. Faciliter l’accès au

22 Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (2021) ; Equipement et usages des TIC
durant 2020. p. 9.
23 Ibid. ; p. 4.
AL MAACHE Mohammed & DERRAZ Mimoun 191

financement au profit des Startups reste insuffisant s’il n’est pas suivi par une facilité
d’accès à des marchés pour écouler leurs produits. Si le marché ne présente pas
assez de potentialités pour ces jeunes entreprises, cela risque de les conduire à
l’échec. D’où l’idée d’impliquer les grandes sociétés dans le soutien des Startups en
s’engageant à faire d’elles leurs fournisseurs des produits et services qu’elles
produisent (Daniel Isenberg, 2011). Les politiques élaborées par les gouvernements
doivent donc comprendre des mesures d’incitation aux entreprises matures en vue
de passer des marchés avec les Startups afin d’augmenter leurs flux de transactions.

Il est très difficile et couteux pour une Startup marocaine, surtout à ses débuts, de
constituer et développer une base de clientèle. C’est pourquoi l’accès à une base de
consommateurs à travers un partenariat avec de grandes sociétés s’avère souvent
être le chemin le plus court et le plus efficace pour y parvenir.

En relation avec le « pilier » précédent, l’amélioration de la « littératie »24


numérique /digitale des citoyens marocains peut également avoir un impact positif
sur les potentialités du marché marocain pour les Startups, notamment au niveau du
B2C25.

Le marché marocain avec ses atouts démographiques (population très large),


géographiques (porte d’entrée au continent africain, proximité de l’Europe) lui
permettant de se positionner comme un Hub africain, reste la première cible des
Startups marocaines, avant de pouvoir s’ouvrir aux opportunités panafricaines et
internationales.

4. Recommandations

L’écosystème suppose que les acteurs doivent agir mutuellement au niveau de tous
les « piliers » discutés plus haut. Il ne faut pas focaliser les efforts uniquement sur un
ou deux d’entre eux. Les efforts des décideurs politiques et organismes habilités
doivent, d’un autre côté, porter sur tous les « piliers » en même temps et au même
degré et non pas à tour de rôle ou d’une façon déséquilibrée. Ceci est primordial car
il ne sert à rien de fournir des efforts pour faciliter l’accès au capital, s’il n’existe pas,
par ailleurs, des opportunités sur le marché. De même qu’il n’y a aucun intérêt à
former les étudiants à l’entrepreneuriat s’il est difficile, voire impossible, de lever
des fonds pour créer une nouvelle entreprise. A quoi cela servira-t-il de former des
entrepreneurs, en sachant pertinemment qu’ils connaîtront de grandes difficultés
pour accéder aux infrastructures des NTIC ?

24 La litteratie ou lettrure est définie par l’OCDE comme « l’aptitude à comprendre et à utiliser
l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre
des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités ». Wikipédia.
25 L’expression « Business to Consumer » désigne l’ensemble des architectures techniques et logiciels

informatiques permettant de mettre en relation des entreprises directement avec les consommateurs.
Wikipédia.

Dossiers de Recherches en Economie et Gestion : Dossier 11, N° 1 : Février 2023


Les grands « piliers » d’un écosystème des Startups marocaines … 192

Pour développer notre écosystème nous avons besoin de temps, de ressources, de


l’expérimentation, de l’apprentissage et de la recherche. Il est difficile de répliquer
ou copier l’écosystème d’un pays comme les Etats-Unis (Daniel Isenberg, 2011).

Cela étant dit et après avoir présenté et discuté les grands « piliers » indispensables
à un écosystème propice au développement des Startups au Maroc, nous allons,
dans ce qui suit, proposer sous forme d’un tableau des recommandations que nous
avons estimé être appropriées sur la base d’un Benchmark et des avis des
organismes concernés et des spécialistes de la question (experts et chercheurs).

Piliers Recommandations

La plupart des startupers trouvent des difficultés à l’accès au financement


lors de la phase d’amorçage. Le gouvernement peut faire face à ce
problème en accordant des subventions et fonds dédiés spécialement à
aider les innovants. Le gouvernement peut mettre aussi en place un
système pour impliquer les entrepreneurs dans le processus de
lancement des programmes de subventions ou fonds afin qu’ils soient
plus adaptés à leurs besoins.
Les subventions ou les fonds doivent être débloquées par tranches au fur
et à mesure de la continuité et de la progression des entrepreneurs en
fonction d’une évaluation continue de la performance.
Le gouvernement peut offrir pour la communauté des Startupers l’accès
Capital financier

à certains services à un prix symbolique afin de leur permettre de


diminuer leurs charges courantes, comme par exemple : octroyer des
bons pour l’accès à des espaces de Coworking, à des services de Cloud-
Computing, à internet, etc.
Le processus de sélection, évaluation, suivi et d’octroi des subventions
doit être délégué à des organisations ou des individus ayant des
compétences en management et disposant d’une expérience
entrepreneuriale. Le gouvernement peut ainsi choisir des organismes
privés ou semi-publics en leurs assignant des objectifs clairs et précis,
avec une production périodique de rapports et analyses.
Tout programme public de support à l’entrepreneuriat doit être
publiquement annoncé avec une présentation claire des critères
d’éligibilité, le nombre de bénéficiaires, etc.
Le gouvernement doit inciter les entreprises à la prise de participation ou
à la donation dans les Startups.
AL MAACHE Mohammed & DERRAZ Mimoun 193

Le programme d’études des jeunes marocains n’est pas fait pour stimuler
l’entrepreneuriat. Il est urgent d’adopter une nouvelle stratégie élaborée
sur le long terme en s’inspirant des programmes en cours dans les pays
développés. Le programme adopté doit dresser la liste des différents
problèmes du système éducatif et essayer de trouver à chacun d’entre
eux les solutions qui lui sont adaptées. La technologie et l’innovation
Capital humain

doivent être au cœur du Programme. Des cours de programmation et


d’informatique doivent y être introduits dès le plus jeune âge. Un tel
programme prendra beaucoup de temps pour être mis en place. Le
gouvernement peut avoir recours temporairement aux organismes privés
ou à but non lucratif pour dispenser des formations professionnelles
adaptées portant sur les compétences techniques et managériales, la
technologie, l’entrepreneuriat, etc.
Les laboratoires de recherche universitaires ont un rôle à jouer en veillant
à élaborer des projets innovants qui peuvent être commercialisés auprès
des sociétés marocaines.
Il s’agit de créer et développer les centres d’incubation au niveau des
universités et des lycées afin d’aider les porteurs d’idées à réaliser et à
exécuter leurs propres projets à travers des formations adaptées sur
l’environnement de l’entreprise, le montage du modèle
économique/plan d’affaires, les compétences managériales, en leur
facilitant l’accès au financement… et en mettant à leur disposition une
infrastructure.
Les universités doivent développer des partenariats et échanges de
programmes avec des université étrangères pour les études
entrepreneuriales en vue de donner l’opportunité aux étudiants, qui
veulent poursuivre l’entreprenariat, de bénéficier des avancées réalisées
Réseau

dans ce domaine par les autres pays. Elles peuvent aussi organiser des
événements/compétitions autour de l’entrepreneuriat qui rassemblent
toutes les parties prenantes (entrepreneurs, experts, accélérateurs …).
La diaspora marocaine, ainsi que les ambassades peuvent à leurs tours
établir des partenariats, des collaborations et des programmes
d’échanges pour les étudiants marocains pour appuyer, élargir et
compléter leur formation dans le domaine de l’entrepreneuriat.
Tous ces efforts doivent, par ailleurs, concerner toutes les régions et ne
doivent pas être limités seulement aux grandes villes. Toutes les
universités marocaines doivent recevoir le même intérêt, les mêmes
ressources … ; d’où la nécessité pour l’Etat d’accélérer la mise en place
de la régionalisation avancée.

Dossiers de Recherches en Economie et Gestion : Dossier 11, N° 1 : Février 2023


Les grands « piliers » d’un écosystème des Startups marocaines … 194

Le partage des expériences et des connaissances, l’attitude positive


envers l’échec qui ne doit pas mener à l’abandon du projet, mais plutôt
constituer un stimuli pour réussir en évitant les erreurs commises,
l’attitude « give before you get », la « riscophilie » (amour du risque), la
valorisation de l’entrepreneuriat, etc. sont autant d’aspects de la culture
entrepreneuriale qui doivent être instaurés et préservés et non pas
Culture

rejetés.
Les entrepreneurs doivent être encouragés, soutenus et récompensés
pour leur prise de risque non seulement matériellement en leur
attribuant, par exemple, des subventions et des fonds, mais aussi
moralement en médiatisant les projets et les entrepreneurs qui ont
réussi, en leur donnant la parole (interviews) pour exposer leurs idées sur
les facteurs clés de leur succès et inciter et encourager par la même
occasion les autres jeunes à entreprendre et à innover.
L’émergence des Startups doit être une priorité stratégique du
gouvernement avec des déclinaisons concrètes. Le gouvernement peut
élaborer une loi qui régit les sociétés labellisées « Startups » en leur
donnant une définition propre.
Les nouvelles lois doivent prévoir des incitations à 3 niveaux :
1- l’accès au financement (proposer des incitations fiscales pour les
personnes morales, physiques et les Angels Investors qui prennent des
participations dans les Startups : réduction d’impôt, privilèges lors des
appels d’offres aux marchés publics, etc.),
2- l’accès aux compétences à l’aide des incitations fiscales afin de
Réglementation

permettre aux Startups de recruter des talents en les exonérant du


paiement de l’IR ou en plafonnant le taux de celui-ci,
3- l’accès aux marchés : inciter les entreprises matures à recourir à l’Open
Innovation26, c’est-à-dire à s’ouvrir, à créer des relations privilégiées et à
collaborer avec les Startups pour leur proposer des solutions et les faire
bénéficier des infrastructures mises en place par les grands groupes
(incubateur, hébergement), des financements…
Le gouvernement doit impliquer les entrepreneurs et les acteurs de
l’écosystème dans le processus d’élaboration des politiques
économiques et leur mise en œuvre. Ces acteurs qui interviennent sur le
terrain sont à même de pouvoir suggérer, sur la base de leurs interactions
avec les entrepreneurs, de nouvelles idées d’initiatives pertinentes.
Il est, enoutre, indispensable d’encourager les investisseurs à apporter
leur collaboration à la promotion des Startups et à garantir leurs droits
en cas d’insolvabilité des débiteurs.

26 Qu’est-ce que l’Open Innovation ? Pour qui ? Pourquoi ? https://www.entreprises.cci-paris-idf.fr


AL MAACHE Mohammed & DERRAZ Mimoun 195

Le gouvernement marocain doit inciter les citoyens acquérir du matériel


Infrastruc-tures
informatique et à utiliser les NTIC. Il doit démocratiser l’internet fixe pour
des NTIC
tous les ménages.
Il doit également, au niveau de chaque région, ouvrir des Hubs
d’innovations et des espaces de travail collaboratif qui contiennent
l’infrastructure nécessaire : fibre optique, électricité, Cloud Computing,
etc.
L’Etat doit octroyer des facilités aux Startups pour ce qui est des
conditions d’appel d’offres aux marché publics ou proposer des appels
d’offres spécialement dédiés aux jeunes entreprises. L’Etat doit être le
Marché

premier consommateur/client d’une Startup pour qu’elle puisse dégager


des cash-flows dans les premières années tout en cherchant ailleurs
d’autres opportunités.
Les entreprises matures à leur tour peuvent avoir recours aux Startups
pour leur fournir des solutions technologiques adaptées.

5. Conclusion

Nous avons dégagé et analysé 7 « piliers » d’un écosystème dynamique et


innovatuer considéré comme étant favorable aux Startups : le capital financier, le
capital humain, le réseau, la culture, la réglementation, l’infrastructure des NTIC et
le marché. Une évaluation des politiques publiques à travers des statistiques
annuelles doit être effectuée pour statuer sur le développement de l’écosystème
national et régional. Il est à rappeler que le Centre de Recherche StartupBlink se base
sur 2 critères principaux pour évaluer ces politiques : un critère de quantité et un
critère de qualité. Le critère de quantité s’intéresse au nombre des initiatives/inputs
au niveau national avec une équité régionale, le montant des fonds et des ressources
engagées, le montant des subventions, le nombre des incubateurs, des incitations
fiscales, etc.

Le score de qualité fait apparaître le résultat/output de ces politiques introduites en


mesurant le nombre d’employés par Startup, la présence de grands influenceurs
marocains Startupers, qualité des formations dispensées, évènements mondiaux de
Startups tenus au Maroc, montant de l’investissement privé dans l’écosystème,
présence des centres de R&D des grandes entreprises de technologie, etc.

Nous avons ensuite constaté, en observant les scores dégagés par le Maroc, que
malgré les efforts déployés par le gouvernement pour développer l’écosystème
marocain des Startups, ceux-ci restent insuffisants d’après les rapporteurs
internationaux, les entrepreneurs et les experts impliqués et comparés aux scores
atteints par d’autres pays.

Dossiers de Recherches en Economie et Gestion : Dossier 11, N° 1 : Février 2023


Les grands « piliers » d’un écosystème des Startups marocaines … 196

Nous avons esquissé enfin les grandes lignes que les politiques publiques ainsi que
les organisations nationales et régionales d’aide à l’entrepreneuriat doivent
appliquer pour améliorer la situation de l’écosystème des Startups marocaines en
ayant à l’esprit que l’écosystème, comme son nom l’indique, est un ensemble
d’éléments (acteurs, actions) qui ont des relations, qui interagissent les uns avec les
autres pour atteindre un but déterminé (un écosystème de Startups très développé,
dynamique et innovant en croissance continue).
AL MAACHE Mohammed & DERRAZ Mimoun 197

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