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NUMÉRO 14 - FÉVRIER 2008

Michaël Point (BNP Paribas):


« Nous avons les fondations
pour consolider nos positions »

Dossier: Management:
L’Audit interne L’erreur humaine
en pleine mutation vous coûte cher!
MENSUEL - DEPOT EUPEN 1
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ÉDITO SOMMAIRE - N°14 - FÉVRIER 2008

Poser un diagnostic 4. A la Une


Par son rating, BNP Paribas est considérée comme une des quatre ban-
ne suffit pas à guérir le mal ques les plus solides de la planète. Piloter les finances de sa succursale
belge dans un secteur en mutation et dans la tempête que connaît la
Entre les conséquences de la crise des « sub- sphère financière est le défi que Michaël Point relève au quotidien.
primes », ces crédits hypothécaires améri-
cains à haut risque – qui ont mis jusque UBS, 9. Le bloc-notes du financier
la première banque helvétique, dans le rouge Intérêts notionnels – Financement et crédits – La finance fait son marke-
– et la fraude spectaculaire à la Société Gé- ting – Baromètre de l’emploi en finance – La croissance en berne
nérale, les contrôles internes sont mis à rude
épreuve ces temps-ci. Sans tirer de conclusion 13. Comptabilité
hâtive, la tempête qui secoue la sphère finan- Abandonner la publication des comptes annuels et alléger les formalités
cière démonte à tout le moins l’illusion du « risque zéro » selon laquelle comptables pour une grande partie des entreprises en Belgique: voici qui
un contrôle tatillon, voir poussé à l’extrême dans certains cas – au point semble alléchant. A l’analyse, l’idée de la Commission européenne se ré-
de se demander parfois si le contrôle est effectué au profit du business ou vèle bien moins bonne qu’il n’y paraît…
si l’on fait du business pour se payer un contrôle interne très développé –,
offre l’assurance d’éviter le pire. 16. Gestion
Philippe Dangre, directeur de l’audit interne chez Base, le rappelle fort Les indicateurs financiers des PME sont globalement dans le vert
justement dans notre dossier de ce mois, consacré à l’audit interne: « On
entre de plus en plus dans l’appréciation de systèmes extrêmement com- 18. Management
plexes, avec des questions auxquelles les gens du business eux-mêmes ne Les entreprises ayant une plus forte représentation de femmes dans leur
sont pas forcément capables de répondre. L’auditeur interne est ainsi par- comité de direction ou dans leurs équipes de management sont aussi les
fois amené à mettre en évidence l’écart entre l’assurance attendue d’un plus performantes
audit et le niveau réel de vérifiabilité des processus audités. »
Les fonctions de contrôle et d’audit internes vivent aujourd’hui une pro- 22. Dossier – Audit interne
fonde mutation. Les études comme les témoignages de terrain que nous Longtemps, le rôle des auditeurs internes s’est surtout cantonné à une atti-
présentons dans ces pages le montrent à foison: les organisations deman- tude quelque peu défensive qu’on peut qualifier de « gendarme » interne.
dent de plus en plus à l’audit interne. Il ne lui incombe plus seulement de Aujourd’hui, les entreprises attendent de la fonction qu’elle participe plus acti-
jouer au « gendarme » ou d’assurer la bonne conformité aux règlements de vement à la création de valeur. Enquête sur un métier en pleine mutation.
plus en plus lourds qui pèsent sur l’entreprise. On lui demande aussi d’être
« créateur de valeur », d’évaluer des risques de plus en plus divers. Bref, de 32. Regards académiques
se positionner de manière toujours plus « stratégique » pour le business. « La transmission a une influence sur la performance des PME familiales »
Fort bien, mais qu’on ne s’y trompe pas: poser un diagnostic ne suffira
jamais à guérir un mal. Au-delà de la question de l’efficacité des contrôles 36. Fiscalité
et des audits internes se pose surtout celle du suivi donné aux constats Acquisition d’une entreprise: l’importance du due diligence fiscal
et aux recommandations posés. Et là, le bât blesse: certaines voix vont
jusqu’à évoquer 50% de recommandations qui ne seraient pas suivies 39. Droit
d’effets et, dans la majorité des cas, sans justification réellement fondée. Assistance financière: quoi de neuf?
On sort là du contrôle et de l’audit pour entrer dans le management, voire
le leadership: à chacun de prendre ses responsabilités et de tirer les le- 42. Compensation & Benefits
çons qui s’imposent pour une performance accrue de l’organisation. Une Faciliter l’accueil des enfants des travailleurs: pistes possibles
étude également présentée dans ce numéro amène de l’eau au moulin de
cette réflexion: à en croire ses résultats, les entreprises ayant une plus for- 44. La carrière du financier
te représentation de femmes dans leur comité de direction ou dans leurs L’erreur humaine vous coûte cher
équipes de management sont aussi les plus performantes… A méditer.

Christophe Lo Giudice
46. Regards
L’heure des choix – Second degré?
Rédacteur en chef

Finance Management une publication périodique destinée aux respon- Rédacteur en chef : Direction générale, marketing et partenariats:
sables financiers et autres professionnels du secteur financier des entre- Christophe Lo Giudice (redaction@financemanagement.be) Jean-Paul Erhard (jpe@financemanagement.be)
prises de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg. Elle s’adresse Comité de rédaction: Bruno Colmant (NYSE Euronext, Chargé de cours Régie publicitaire et abonnements :
également aux dirigeants d’entreprises soucieux d’optimiser la gestion invité à l'UCL et à la Vlerick Leuven Gent Management School), Charles Fabienne Tramasure (f.tramasure@financemanagement.be)
financière de leur société ainsi qu’aux étudiants en sciences économiques Delloye (Alethea), Denis Dubru (Vice-President Finance, Belgium and Tél: 067/ 34.11.59 - fax: 067/ 34.11.60
notamment. Shared Services, GSK Biologicals), Frédéric Mailleux (Directeur Financier- 1 an – 10 numéros : 80 euros htva
GFA, Ets. Ronveaux), Chris Vroman (directeur financier du business Oxide Le numéro : 10 euros htva + frais de port
Périodicité : mensuelle (10 fois par an – ne paraît pas en janvier et en août) chez Ineos), Joël Poilvache (Regional Manager, Robert Half International)
Diffusion : sur abonnement et gratuite sur événements partenaires Editeur responsable : Jean-Paul Erhard
Tirage : 3.000 exemplaires Equipe rédactionnelle: 7, Rue du Bosquet – 1400 Nivelles
Christophe Lo Giudice, Laurent Cortvrindt, Stef Swinnen
http:// www.financemanagement.be
Finance Management – Edité par MRH SPRL Design & développement graphique :
7, Rue du Bosquet – 1400 Nivelles Pascal Liénard, Alain Verstappen, Renato Baio (mrh@3point5.be) Photo couverture : Michaël Point © Alexis Taminiaux
A LA UNE : MICHAËL POINT

TEXTE : CHRISTOPHE LO GIUDICE - PHOTOS : ALEXIS TAMINIAUX

« Nous avons les fondations:


nous pouvons construire
Jeune directeur financier
«
de la succursale belge de
BNP Paribas, active dans la
banque de financement et
d’investissement, Michaël
Point peut déjà se targuer
L a crise des « subprimes » fait souffler un vent de
terreur dans le monde bancaire. Au point de jeter
certaines suspicions là où elles n’ont sans doute
pas lieu d’être. La banque BNP Paribas en a, par
exemple, fait les frais, l’été dernier, après avoir annoncé la sus-
pension temporaire du calcul de la valeur liquidative de trois
fonds, fragilisés par le marché des créances à risque. Ces fonds
d’une belle expérience de la étaient investis à concurrence de 35% en moyenne dans des ABS
adossés à des « subprimes ».
4 finance bancaire acquise à « Cette décision a suscité l’émoi alors qu’en tant que déposi-
la Caisse Privée Banque et, taire, notre institution n’est pas directement exposée à la crise,
commente Michaël Point, directeur financier de la succursale
surtout, à la Bank of New York. belge de BNP Paribas. En fait, la disparition de toute transac-
Du fait de son rating, BNP tion sur certains segments du marché de la titrisation aux
Etats-Unis a conduit à une absence de prix de référence, ce qui
Paribas est considérée comme
nous a amenés à réagir. » Mais, en ces temps de méfiance gé-
une des quatre banques les plus néralisée, il ne faut pas grand-chose pour jeter le doute. Et
solides de la planète. Piloter le fait de compter parmi les quatre banques jugées les plus
solides au niveau mondial ne change rien à l’affaire.
les finances de sa succursale « Ce rating révèle toute son importance dans les moments
belge dans un secteur en pleine difficiles que vit la sphère financière aujourd’hui », nuance-t-
il tout de même. Autre impact possible de la crise: certains
mutation et dans la tempête types de business dans lesquels BNP Paribas est actif se
que connaît aujourd’hui la trouvent aujourd’hui fortement ralentis. Et qui dit ‘peu d’ac-
tivité’, dit aussi ‘peu de commissions’. « Là également, notre
sphère financière n’en est pas
exposition est très limitée car nous tirons le bénéfice de notre
moins un défi de chaque jour. gestion rigoureuse des risques. Sur tous les fondamentaux de
Récit. la crise, nous sommes sains. »

IMPACT RÉGULATOIRE
Naturellement prudent, Michaël Point n’en reconnaît pas
moins que la traversée d’une telle tempête exige de tous les
fantassins d’être aux avant-postes et de faire preuve de gran-
de vigilance. « Une conséquence de cette crise sera assurément
régulatoire, augure-t-il déjà. Des voix s’élèvent pour dénoncer
un manque de contrôle sur les banques, bien que des amélio-
rations soient déjà intervenus au cours des dernières années.
Depuis le début de la crise, les régulateurs ont commencé à dé-
battre avec les professionnels. Il est encore trop tôt pour dire ce

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°14 - FEVRIER 2008


Michaël Point :
« Les outils sont devenus à ce point
complexes qu’ils ne sont plus assez au
service des financiers. La technologie
doit être une aide, pas une contrainte
ou un obstacle. Un gros défi consiste à
mettre plus de sens, plus d’intelligence
dans la production d’informations. »
Michaël Point: « Entre les auditeurs externes, les contrôleurs fiscaux et les autorités
de contrôle prudentiel, être contrôlé devient en quelque sorte une seconde nature
pour nous. A ce titre, il faut s’efforcer d’être impeccable, ce qui implique un volet
communication interne important car on ne sera jamais impeccable tout seul! »

qui en sortira mais certaines parties des risques devront sans S’il y avait forcément une partie de traitement bureaucratique,
doute être monitorées autrement. » le reste de mon temps, je le passais sur le terrain dans des envi-
Depuis près d’un an à la direction financière de BNP Paribas, ronnements allant de la sprl unipersonnelle où le gérant craint
Michaël Point peut se targuer d’un parcours qui l’a parfaite- chaque centime de rectification jusqu’à la multinationale dis-
ment armé pour exercer cette fonction dans un contexte de posant de larges moyens et d’importants effectifs. »
marché difficile. Diplômé de l’Ecole de Commerce Solvay avec Outre un écolage fiscal poussé, complété d’un diplôme com-
grande distinction en 1994, il s’attendait naturellement à une plémentaire d’analyste financier qu’il décroche par ailleurs,
entrée dans le monde du travail relativement facile. « C’était l’aventure se révèle riche d’enseignements. « Les contrôles
du moins ce qu’on nous avait martelé durant nos études, reca- m’ont permis de revenir à la base de la comptabilité, tout en
dre-t-il. Or, j’avoue avoir un peu ramé au début et j’en garde la apprenant à gérer des relations difficiles, voire conflictuelles.
leçon que toute position, quelle qu’elle soit, peut être précaire. Le tout représente un observatoire des réalités de l’entreprise:
Il ne faut jamais croire que c’est arrivé: tout peut changer très il faut dire que les CFO n’hésitent pas à prendre le temps de
rapidement. J’en ai aussi tiré une certaine combativité, le désir vous expliquer le business et le fonctionnement de leur organi-
d’en vouloir toujours un peu plus. » sation, en se disant que plus vous serez attentif à cela, moins de
Parmi les raisons justifiant ce petit passage à vide: un marché temps vous passerez dans les livres… »
de l’emploi relativement morose à l’époque, encore affecté par
l’arrivée conjointe de deux promotions suite à la suppression AU FOUR ET AU MOULIN
du service militaire. « Et je dois bien admettre, avec le recul, Aujourd’hui, Michaël Point estime que cette « casquette
une attitude peu vendeuse de ma part. Si j’étais assez confiant fiscale » peu commune s’est révélée être un véritable atout
dans mon potentiel et que la finance m’apparaissait clairement et lui a servi dans ses expériences successives. Il la valorise
comme une vocation, je n’arrivais pas à faire percevoir l’envie d’ailleurs très vite, en 1997, quand il rejoint la Caisse Pri-
qu’il y avait en moi. C’est une chose à laquelle je suis sensible vée Banque avec la responsabilité de la partie « taxe » du
aujourd’hui lorsqu’il m’arrive de recruter un collaborateur: dé- groupe. Aujourd’hui disparue, l’institution, alors filiale du
passer l’apparence et essayer de regarder plus en profondeur. » groupe Socfin, compte 350 employés actifs dans deux lignes
Après une mission temporaire à la Citibank en tant qu’ana- de métiers: le retail banking à destination des avocats – avec
lyste financier pour préparer le « Risk Rating Day » de l’insti- des agences au sein des palais de justice – et la gestion de
tution, Michaël Point entre au ministère des finances pour y fortune pour les professions libérales.
contrôler l’impôt des sociétés. Un contrat de 18 mois. « Cer- « Tout juste recapitalisée après avoir connu pas mal de problè-
tains font leurs armes dans l’audit. Je me suis dit que l’expérien- mes, cette banque souffrait de sa trop petite taille et survivait
ce pouvait représenter une alternative tout aussi intéressante. essentiellement grâce à des recettes exceptionnelles », raconte

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Michaël Point qui s’y retrouve dans un rôle de chargé de mis-
sions du directeur financier, également en charge du com-
mercial. « Dans un structure comme celle-là, on est à la fois au « Le CFO est assis sur une mine
four et au moulin. A côté de la partie taxe que je gérais pour les d’or d’informations encore mal
six sociétés du groupe, j’ai touché à tout: comptabilité, contrô- exploitée »
le, trésorerie, reporting, mais aussi mise en place d’un Asset Lia-
bility Management, amélioration des scorecards de rentabilité
Dans la fonction depuis à peine un an, Michaël Point jette
des clients par métier, optimisation de l’information financière
un regard particulièrement lucide sur la fonction de CFO.
auprès du comité de direction et même un peu de commercial
« Son rôle porte en partie sur la protection des lignes de
dans le cadre du fonds d’épargne pension et le lancement d’un
métiers vis-à-vis de certaines parties de l’environnement,
produit de Credit revolving. »
explique-t-il. Il se doit d’assurer que les métiers ne sont
Au bout du compte, la Caisse Privée Banque se fait absorber par
pas impactés négativement ou mis sous pression sur des
ING, intéressée par son réseau retail bien implanté chez les avo-
aspects de régulation, de taxes ou d’informations à trans-
cats. Si les portes de la grande maison s’ouvrent à lui, Michaël
mettre à la maison mère. De la sorte, ils peuvent se concen-
Point préfère saisir une autre opportunité dont l’informe un ami
trer sur leur ‘core business’, à savoir la vente de produits et
actif au sein du département recrutement de la Bank of New
services. Sans quoi, ces derniers sont amenés à intervenir
York. « J’avais été pendant trois ans l’électron libre du département
dans des rôles qui ne sont pas les leurs et on assiste alors à
financier et j’avais acquis une vision assez large du domaine finan-
une déperdition de ressources. »
cier bancaire. Ce qui m’a attiré dans ce nouveau défi, c’était, d’une
Une valeur ajoutée qui n’est pas directement visible, si
part, de pouvoir me tester en matière de management et, d’autre
ce n’est quand les choses ne tournent pas bien. N’est-ce
part, d’évoluer dans un contexte plus international. »
dès lors pas un rôle quelque peu ingrat? « Il l’est beau-
coup moins qu’il y a dix ans: l’emprise régulatoire s’est
FIABLE ET DÉTAILLÉ accrue à un point tel que conserver de bonnes relations
Véritable success-story qui, en une petite douzaine d’années,
a vu son effectif passer sur Bruxelles de 250 à 1.100 collabo-
avec les régulateurs est désormais perçu comme très im-
portant par les lignes de métiers. C’est d’autant plus vrai
7
rateurs, la Bank of New York avait repris à JP Morgan le mé-
que Bâle II modifie la détermination de la rentabilité des
tier de Global Custodian – soit le gardiennage de titres au
lignes de métiers en fonction des returns et des risques:
niveau mondial ainsi que ses services annexes (tax reclaims,
bien maîtriser les concepts qui sont derrière revêt donc
corporate actions, etc.). A son arrivée, en février 2000, elle
une importance stratégique. »
occupe quelque 500 personnes et Bruxelles représente déjà
Le rôle du CFO est également d’apporter les informa-
le deuxième centre opérationnel du groupe, hors Etats-Unis.
tions et analyses pertinentes qui peuvent permettre au
Adjoint du CFO, il intègre une équipe d’une dizaine de colla-
business de prendre les bonnes décisions. A ce niveau,
borateurs employés à un gros chantier: accompagner et sou-
Michaël Point identifie un potentiel de progrès impor-
tenir cette croissance spectaculaire.
tant. « Les départements financiers passent encore trop de
Son baptême de feu: faire face à un contrôle de l’administration
temps dans la production pure et pas assez dans l’analyse
fiscale, aussi pénible que long puisqu’il s’est étendu sur quasi
et le conseil. C’est en partie dû à des systèmes d’information
trois années. « Mon expertise est venue à point car l’aspect taxe
complexes, disparates et qui communiquent ensemble de
avait besoin d’être davantage professionnalisé dans la maison, re-
façon imparfaite. Or, le CFO est assis sur une mine d’or en
connaît-il. Si le contrôle n’a finalement débouché sur aucune cor-
termes d’informations. Les exploiter représenterait un bé-
rection sensible, il a eu le mérite de montrer que la succursale belge
néfice pour tout un chacun dans l’entreprise. »
avait besoin de plus de discipline et d’autocontrôle plus poussés.
Comment y parvenir? « Nous devons œuvrer à industria-
Comme quoi, un contrôle sévère, voire même tatillon, peut être
liser plus nos productions pour nous permettre de nous
porteur de valeur ajoutée si on en tire les bonnes leçons. »
consacrer à l’analyse et au contrôle, mais de façon bien
C’est que, dans les banques encore plus qu’ailleurs, le dé-
plus intelligente qu’on ne le fait. Aujourd’hui, la finance
partement financier constitue l’interface d’énormément
est devenue un peu pieds et poings liés à l’IT. On est par-
de contrôles. « Entre les auditeurs externes, les contrôleurs
fois allé un peu trop loin, ce qui a permis d’immenses
fiscaux et les autorités de contrôle prudentiel, être contrôlé
économies d’échelle et la réduction de la taille des dépar-
devient en quelque sorte une seconde nature pour nous, ex-
tements. Mais les outils sont devenus à ce point comple-
plique Michaël Point. A ce titre, il faut s’efforcer d’être im-
xes qu’ils ne sont plus assez au service des financiers. La
peccable, ce qui implique un volet communication interne
technologie doit être une aide, pas une contrainte ou un
important car on ne sera jamais impeccable tout seul! C’est
obstacle. Un gros défi consiste à mettre plus de sens dans
pourquoi il est important que les collègues qui préparent les
la production d’informations. »
états financiers soient mis en contact avec les auditeurs ex-
ternes et les questions des régulateurs. C’est une façon de

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A LA UNE : MICHAËL POINT

mieux comprendre les problèmes et de les amener à proposer Fruit de la fusion en 2000 de Paribas et de la Banque Natio-
d’eux-mêmes des actions correctrices. » nale de Paris (BNP), deux institutions assez différentes, son
Autre chantier de taille auquel il contribue à la Bank of New nouvel employeur a encore été renforcé en 2006 suite au
York: la reprise en main du Management Information System rachat de la Banca Nazionale del Lavoro (BNL), la sixième
avec deux objectifs: d’une part, fournir des packages statisti- banque italienne. « L’ensemble a été fortement réorganisé ces
ques aux clients sur la manière dont ils fonctionnaient avec derniers mois dans un mouvement bien plus large qui traverse
la banque et, de l’autre, communiquer des données opéra- tout le monde bancaire depuis quinze ans. Les banques se sont
tionnelles fiables et détaillées vers le management. « Quand rendu compte qu’elles sont des industries au même titre que les
je suis arrivé, les informations étaient produites à partir de autres entreprises, devant fournir des produits et des services à
Bruxelles au moyen d’une application obsolète qui nécessitait moindre coût. Ce qui nécessite de refondre l’offre et de recher-
jusqu’à une journée pour sortir un seul package qu’on ne pou- cher une plus grande efficacité organisationnelle. »
vait qu’imprimer. Avec l’aide de développeurs IT très ‘business-
minded’ et une équipe dévouée, nous avons étoffé le contenu CHANGEMENT DE PARADIGME
et transformé radicalement l’outil en créant une interface web- En Belgique, BNP Paribas emploie 700 personnes et, avec une
based, accessible de partout dans le monde, par laquelle chaque dizaine d’entités différentes – dont Arval, Cardif, Cetelem, Cortal
manager peut générer ses propres packages et les transmettre Consors, Banque Privée, BPSS, UCBEL, Lease Group ou Atisreal
par voie électronique. » Un outil devenu ensuite un standard –, joue le rôle d’avant-poste commercial du groupe dans notre
dans le groupe pour l’activité de Custody. pays. Lorsqu’il intègre l’entreprise en mars 2007, Michaël Point
a pour mission de réorganiser la finance en créant un départe-
OREILLE FAVORABLE ment à la hauteur des exigences fortes du groupe en termes de
A son actif également: la responsabilité financière de la fi- qualité, d’efficacité et de compétences.
liale ouverte au Luxembourg ou encore la participation à la Dans une banque, le département financier se situe au confluant
création d’une succursale bancaire proposant des services de quatre activités: la comptabilité générale, le contrôle de ges-
aux fonds communs de placement belges (accounting, de- tion, l’activité taxe et le reporting régulatoire. « Or, ces quatre
8 pository, custody, etc.). « J’y ai aussi vécu une première expé- postes ont connu des bouleversements ces dernières années: la
rience de management dans un contexte motivant de forte compta avec un changement de paradigme lié aux IFRS, la régu-
croissance, mais également caractérisé par une pénurie et lation avec la révolution ‘Bâle II’ ou encore la fiscalité avec les inté-
certains conflits de ressources. Ce qui ne facilite pas la gestion rêts notionnels, de nouvelles dispositions en matière de précompte
en pratique. » Il y apprend sur le tas des compétences es- mobilier, la fin de la double imposition sur le paiement des divi-
sentielles – organisation, délégation, fixation des priorités, dendes et la création de la commission de ruling, par exemples. »
gestion des conflits, négociation, recrutement, évaluation, Avec de tels virages qui n’avaient pas tous été suffisamment
etc. – dans la gestion de sa propre équipe qui passe de deux anticipés, il a donc fallu rattraper le temps perdu, ce qui a en
à douze personnes dans un département lui-même gonflé partie occupé l’équipe financière cette année. « Le département
pour atteindre 25 collaborateurs. a été refondu avec un nouvel organigramme et une nouvelle ré-
partition des tâches, tout en continuant bien sûr à ‘produire’ en
même temps, raconte Michaël Point. Nous avons choisi la spé-

« L’emprise régulatoire est telle cialisation par grands types de sujets: vu que ce qui est mis en
chantier demande des compétences de plus en plus poussées, on
que conserver de bonnes relations ne peut plus se permettre d’avoir des gens qui font un peu de

avec les régulateurs est désormais tout dans chaque domaine. C’est ainsi que 25% des tâches ont
été réallouées dans une équipe qui compte dix personnes et qui
perçu comme très important par s’est révélée très réceptive à la nouvelle stratégie. »

les lignes de métiers. » Un des objectifs importants fixés cette année sera précisé-
ment le développement de la qualité des compétences de
chacun dans son domaine propre. « Nous disposons de bonnes
Après sept ans, Michaël Point prend néanmoins la décision fondations, il faut maintenant construire », résume-t-il. Autres
de quitter le navire. Dans une structure assez jeune, ses défis clés: la mise en place d’un contrôle de gestion capable
perspectives d’évolution lui apparaissent bouchée et, à 36 d’apporter plus de valeur ajoutée au business et l’amélioration
ans, il ressent le désir de découvrir d’autres facettes de la fi- de l’information et des analyses liées aux différents métiers.
nance bancaire. D’autant plus, qu’entre-temps, il a complété « Nous allons également procéder dans les deux ans à venir au
son bagage d’une maîtrise en finance décrochée à Solvay. regroupement physique dans un même building des différentes
Lorsqu’il se voit approché par un chasseur de têtes, il prête entités du groupe actuellement réparties en sept endroits. L’ob-
donc une oreille favorable à la proposition de rejoindre BNP jectif est d’accroître notre visibilité et d’améliorer le cross-selling
Paribas en tant que directeur financier. afin de consolider nos positions en Belgique. »

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LE BLOC-NOTES DU FINANCIER

Fiscalité

La FEB défend
les intérêts notionnels
Pour la énième fois, les intérêts notionnels – à savoir la déduction
fiscale du capital à risque – a déclenché une tempête politique, regrette
la Fédération des Entreprises de Belgique (FEB). « Il est manifeste que
certains responsables politiques rivalisent désormais en saisissant
Rudi Thomaes: « Enterrer les
la moindre occasion de tension politique, comme la préparation du intérêts notionnels dans l'état
budget, pour attaquer de front cette mesure essentielle au climat actuel des choses équivaut à un
suicide économique. »
d'investissement en Belgique », relève la fédération patronale.

P our le monde des entreprises, cette série d’atta-


ques en règle à l’encontre des intérêts notionnels
est extrêmement dommageable car elle pourrait
définitivement miner une confiance – déjà très
gravement entamée par six mois de crise – envers le monde po-
litique belge et notre image de marque à l’étranger.
Pour la FEB, toutes les données macroéconomiques confirment
par rapport à une moyenne de 2,5%;
6. Cette excellente croissante s’est particulièrement illustrée par
la vigueur des créations d’emplois (respectivement 52.700 et
68.100 nouveaux emplois en 2006 et 2007) et par le recul du
chômage (8,4% en 2005, 8,2% en 2006 et 7,6% en 2007);
7. Le ratio de solvabilité des entreprises s’est renforcé et, selon
l’enquête du Centre de Connaissances du Financement des
9
que les intérêts notionnels ont rempli leur mission bien au-delà de PME (CEFIP) sur le financement des PME en 2007, tel est
toute attente. A cet égard, elle a répertorié dix arguments qui poin- déjà le cas en 2006 pour pas moins de 46% des micro-en-
tent en leur faveur: treprises et 58% des petites et moyennes entreprises (mais
1. La baisse de l’impôt des sociétés a fortement contribué à aug- 25% des sociétés sont toujours en pertes et 16% d’entre el-
menter les recettes fiscales: pour l’année 2007, la croissance les ont des fonds propres négatifs);
s’est élevée à 6,5% alors que la croissance moyenne annuelle 8. Il est également clairement établi que le régime des intérêts
était de 3,39% pour les années 1999-2007; notionnel a permis de consolider l’ancrage en Belgique de
2. Les fonds propres des entreprises se sont renforcés de maniè- grands groupes industriels, de la finance et des services;
re significative grâce à la mesure: les entreprises ont procédé 9. Il en va de même pour les activités de R&D et le nombre sans
à des augmentations de capital pour plus de € 114 milliards cesse croissant d’emplois de la connaissance qu’elles génè-
en 2006 (une croissance de 250% par rapport à 2005); rent dans notre pays (ce qui est particulièrement sensible
3. Les investissements directs étrangers se sont renforcés (un dou- dans le secteur pharmaceutique);
blement en valeur en 2006), la Belgique occupant à nouveau en 10. Outre les investissements étrangers, ce sont également tous
2006 une place très appréciable au vu de sa taille dans les pal- les autres investissements qui, selon la Banque Nationale, se
marès mondiaux (4ème place avant la Chine dans le classement sont significativement renforcés en 2007 en Belgique. Le CE-
établi par le World Investment report de la Cnuced). Ces chiffres FIP a également révélé que 75% des PME interrogées avaient
sont corroborés par l’étude réalisée par la société IBM-PLI qui mené des projets d’investissement dans les 12 derniers mois.
attribue à la Belgique 216 nouveaux projets d’investissement « Nous invitons tous les partis politiques à prendre connaissance
en 2006 (une hausse de 46% par rapport à 2005, soit un record de ces faits et de ces chiffres, commente Rudi Thomaes, adminis-
jamais égalé auparavant) et qui classe notre pays également au trateur délégué de la FEB. L’organisation d’un débat politique sur
4ème rang en Europe; cette base est beaucoup plus honorable que l’agitation qui prévaut
4. Les activités des centres de coordination ont aussi été largement actuellement. Enterrer les intérêts notionnels dans l’état actuel des
préservées (alors que ces centres avaient massivement pris la choses équivaut à un suicide économique. En ces temps d’incerti-
décision de quitter la Belgique en 2004) et de nouveaux centres tude économique que nous vivons aujourd’hui, notre pays a plus
de financement intragroupes ont été localisés en Belgique; que jamais besoin de tels instruments politiques. C’est pourquoi la
5. Nonobstant toutes les évolutions conjoncturelles, la FEB demande instamment aux responsables politiques belges de
croissance économique belge est restée largement supé- rassurer une fois pour toute les investisseurs sur la stabilité et la
rieure à celle de la moyenne de l’Eurozone: 2,7% en 2007 pérennité du régime des intérêts notionnels. »

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LE BLOC-NOTES DU FINANCIER

Financement
L’octroi de crédit aux entreprises s’infléchit
Pour la première fois en trois ans, le montant de crédit octroyé aux s’élève pour les indépendants à € 13,56 milliards (8,1% du total) alors
indépendants et aux sociétés a diminué (-1,9%) durant le troisième qu’il est de € 49,57 milliards pour les petites sociétés (29,4% du total).
trimestre 2007, révèle le Centre de Connaissances du Financement La croissance annuelle du montant de crédit octroyé aux indépen-
des PME (www.cefip.be). Cette tendance touche aussi bien les indé- dants et aux sociétés connaît cependant encore une forte dynami-
pendants (-0,48%) que les sociétés moyennes (-0,98%) et grandes que (+10,5%). Cette dynamique est également présente auprès des
(-4,9%). Les petites sociétés enregistrent une croissance trimestrielle indépendants (+1,6%) et des petites sociétés (+ 10,2%), bien entendu
positive (+0,58%). Sur base des prévisions économiques actuelles grâce à la forte croissance enregistrée pendant les trimestres précé-
pour l’année 2008, cette croissance trimestrielle négative est proba- dents. Le CeFiP constate également qu’au cours du troisième trimes-
blement le signe avant-coureur d’une croissance annuelle négative tre 2007, le recours au crédit de caisse de la part des sociétés moyen-
du montant de crédit accordé. nes et grandes a augmenté de respectivement 12,3% et 17,2%. De
A la fin du troisième trimestre 2007, le montant de crédit accordé aux manière générale, on peut en conclure que les plus grandes entrepri-
indépendants et aux sociétés s’élève à € 168,41 milliards. Ce montant ses font de plus en plus appel au crédit à court terme.

Croissance trimestrielle (%) du montant de crédit accordé aux


indépendants et aux sociétés

15%

10%

10 5%
Indépendants
Petites sociétés
0%
Sociétés moyennes
Grandes sociétés
-5%

-10%

-15%
2002 Q3

2002 Q4

2003 Q1

2003 Q2

2003 Q3

2003 Q4

2004 Q1

2004 Q2

2004 Q3

2004 Q4

2005 Q1

2005 Q2

2005 Q3

2005 Q4

2006 Q1

2006 Q2

2006 Q3

2006 Q4

2007 Q1

2007 Q2

2007 Q3

Image
Qui a dit que la finance, c’est ennuyeux?
La finance, c’est passionnant. Les « spécialistes nombres.be) consiste à arriver le plus rapide-
des chiffres » semblent satisfaits de la variété ment possible à un nombre final donné, en
des tâches, des horaires et des responsabilités utilisant différents chiffres et signes arith-
de leurs fonctions, à en croire une étude réali- métiques. Toujours dans la lignée du credo
sée par Financial Forces. Et, pourtant, l’image « Who says working with numbers is boring »,
d’un secteur financier « ennuyeux » subsiste Financial Forces organisera en avril prochain
et freine les candidatures. C’est pour vain- la deuxième édition de son « Financial For-
cre les a priori que ce spécialiste en recrute- ces Trophy »: 100 équipes de quatre à six ex-
ment de personnel pour le secteur financier perts financiers pourront s’affronter lors de ce
a lancé une campagne intitulée « Chiffres et concours, dans le cadre d’une dizaine d’épreu-
Nombres ». Elle s’inspire du jeu populaire du ves. L’événement rassemble d’une manière ori-
début des années ‘90: « Des chiffres et des ginale des profils financiers et des partenaires
lettres ». L’objectif du jeu (www.chiffreset- du secteur (www.financialforcestrophy.be).

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LE BLOC-NOTES DU FINANCIER

Recrutement
Les profils qui ont la cote…
et ceux qui l’ont moins
L’année 2007 a été un cru positif en matière de recrutement financier, relève le site spécialisé
eFinancialCareers qui fait le bilan de l’année écoulée et balise les tendances de 2008. Si les
signaux demeurent au vert, quelques nuages pourraient venir assombrir le ciel…

En vogue en 2007 En recul en 2007


Auditeur interne: le profil vedette. « La crise financière actuelle Les farmers: dans le secteur de la banque privée, les profils de
et le renforcement des réglementations ont accentué la demande type « farmer » sont en perte de vitesse, indique le site emploi.
pour cette fonction et pour toutes celles liées à la transparence Le commercial autodidacte unilingue: « Dans les banques généra-
financière (compliance officers) », relève eFinancialCareers. listes, la restructuration du réseau d’agences entraîne une chute li-
Risk management: sous les feux de la rampe depuis de la crise bre de la demande en personnel retail. Les départs à la pension sont
des subprimes, c’est le domaine star de l’année 2007. Le discours remplacés par des profils commerciaux expérimentés ou des univer-
des recruteurs est unanime: « Une demande continue sur les ris- sitaires qui ont le sens du contact commercial. Pour intéresser les
ques crédits et marchés, avec un pic à compter de septembre, et un banques, une formation universitaire et au bas mot le bilinguisme,
déficit structurel des profils recherchés… ».
Consultance: le secteur a le vent en poupe. Les Big Four prévoient
voire le trilinguisme, sont aujourd’hui les minima demandés. »
Gestion de trésorerie (hors devises): difficile d’optimiser la ges-
11
actuellement « plusieurs centaines d’embauches » chacun, tous tion de trésorerie à court terme en période de risques et de
profils confondus. manque de liquidité. « Les trésoriers ont connu une année 2007
Comptable trilingue: « Il ne suffit plus de maîtriser la technique, difficile, avec des marges affectées. D’où pas de créations d’emploi
les langues s’avèrent un atout précieux pour les profils financiers », significatives et des perspectives pour les professionnels du cash
note eFinancialCareers. management qui s’assombrissent. »

En vogue en 2008
Gestion de patrimoine: pour la banque privée, tout va bien. Se- risque et de contrôle devraient continuer leur ascension en 2008, à la
lon une étude récente de PriceWaterhouseCoopers, ce secteur fois en termes d’offres d’emplois et de progression salariale.
devrait bénéficier d’une croissance de 22 % au cours des trois Actuaires: le « mouton à cinq pattes », le profil presque introu-
prochaines années. « Démographie et vieillissement de la popula- vable qui devrait connaître un grand succès en 2008? L’actuaire
tion aidant, de plus en plus de propriétaires de PME vendent leurs doté d’une expérience en marketing…
affaires et se retrouvent à la tête d’un joli capital qu’ils cherchent à
faire fructifier. Cette clientèle devrait augmenter en 2008 et dans En recul en 2008
les prochaines années. » Les agences de notation qui pourraient payer leur myopie à voir
Product managers: « Les banques généralistes belges réduisent venir la crise des subprimes.
leur réseau d’agences et encouragent les clients privés à passer du Real Estate: la température du secteur pourrait descendre d’un
guichet aux transactions en ligne, pointe eFinancialCareers. Cela cran en 2008 en raison d’un marché immobilier moins porteur et
représente des opportunités croissantes pour les product mana- d’un durcissement des conditions de crédit.
gers ou segment managers, familiers des technologies Internet. Auditeur interne et financial controller: « Si la demande ne semble
De même, les profils IT continueront d’être à l’honneur en 2008. » pas devoir faiblir en 2008 pour ces métiers, les plus grosses structu-
Compliance: parmi les compétences rares et très demandées par res commencent tout doucement à faire le plein de compétences.
les recruteurs en 2008 figurent les compliance managers, qui Toutefois, celles-ci intéressent désormais les plus petites sociétés »,
veillent à la conformité de l’entreprise avec une législation euro- relève eFinancialCareers
péenne sans cesse plus complexe – comme la Stock Compliance L’approche dilettante: « Le marché de l’emploi sera probablement moins
pour les entreprises cotées à Wall Street. euphorique en 2008 qu’il ne l’était en 2007. Et même dans un contexte
Fonctions support: les métiers de middle-back office, de gestion du de pénurie de compétences, tout ne sera plus permis aux candidats… »

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LE BLOC-NOTES DU FINANCIER

Conjoncture
La croissance de l’économie à son plus
faible niveau depuis 2003
Le constat ressort du rapport d’analyse sur les risques dans nucléaire en Iran restera à la une de l’actualité et la situation au
le monde que l’assureur-crédit Euler Hermes vient de publier. Moyen-Orient sera la plus explosive. »
D’après ce dernier, la croissance de l’économie mondiale en La Belgique n’échappe pas au ralentissement, mais la croissan-
2008 devrait avoisiner les 3%, contre 3,8% en 2007. Il s’agit du ce devrait malgré tout atteindre 1,9% (contre 2,7% en 2007).
plus faible niveau depuis 2003, avec une croissance d’à peine L’année dernière, le principal moteur était les investissements
1,5% aux Etats-Unis (2,2% en 2007), de 1,5% au Japon (1,9% en (+ 5,2%) dans la construction et les biens d’équipement. En rai-
2007) et de 2% pour la zone euro (2,6% en 2007). « Aux Etats- son du climat incertain, Euler Hermes prévoit un recul à 2,2%.
Unis, la crise frappant le secteur de l’immobilier va entraîner une En raison de la croissance économique plus faible, l’assureur-
augmentation du taux d’épargne et une baisse de la consommation. crédit s’attend par ailleurs à une augmentation du nombre de
Le recul boursier et la hausse du prix des matières premières ne faillites en 2008. En 2007, elles avaient déjà augmenté de 5%
viendront certainement pas renforcer la confiance du consomma- dans le monde et l’on prévoit le même chiffre en 2008. En Bel-
teur, y lit-on. L’Europe va également en subir indirectement les gique, les faillites ont à nouveau augmenté de 0,3% à 7.772,
conséquences négatives, mais c’est surtout l’euro cher qui mine sa soit quelques unités en dessous du record de 2004 (7.910). Les
position concurrentielle. » perspectives belges ne sont pas bonnes en raison de la crois-
Par ailleurs, les risques sont beaucoup plus défavorables sance économique plus lente, mais aussi à cause du nombre

12 aujourd’hui, estime Euler Hermes. « La crise du subprime a


créé une grande méfiance entre institutions financières et,
record de nouvelles entreprises créées en 2006 et 2007 avec
respectivement 67.600 et 75.500 unités. En effet, au début, les
partant, les marges sur les prêts interbancaires ont fortement jeunes entreprises sont très vulnérables en raison d’un man-
augmenté jusqu’à 100 pb. Ce resserrement monétaire pour- que de moyens financiers et aussi parce que les jeunes chefs
rait nuire considérablement à l’économie. On peut dès lors d’entreprise sont moins expérimentés. Pour cette raison, Euler
s’attendre à nouveau à une politique monétaire plus souple Hermes prévoit que la barrière psychologique des 8.000 failli-
de la part des banques centrales, mais dont la portée sera li- tes sera franchie pour la première fois en Belgique cette année,
mitée par la pression inflationniste. Le principal risque réside puisque leur nombre devrait s’élever à 8.200 (+ 5%).
d’ailleurs dans les effets de deuxième tour, où la hausse des
prix fait naître une impression de baisse du pouvoir d’achat
comme ce fut le cas dans les années 1970. La pression pour
une hausse des salaires peut alors se faire plus grande et
déclencher une spirale salaires-prix néfaste. Une hausse des
taux d’intérêt n’est pas à exclure au moment d’une reprise de
la croissance. Malgré tout, la pression inflationniste devrait
diminuer du fait de la baisse du prix des matières premières,
même si les chocs relatifs à l’approvisionnement énergétique
restent une menace. »
Quant à la croissance du commerce mondial, elle restera li-
mitée entre 5 et 6% (contre une moyenne de 8,1% entre 2004
et 2007). « D’une manière générale, les économies émergentes
sont mieux positionnées pour faire face à une récession par rap-
port au passé et elles pourront faire office de tampon. Néanmoins,
elles ne sont pas encore autonomes puisque le marché de consom-
mation local n’y est pas encore suffisamment développé. L’on doit
s’attendre à ce que la politique économique et la stabilité gou-
vernementale fassent l’objet d’un suivi minutieux dans le cadre
de l’évaluation des risques-pays. Sur le front politique, le dossier Source : Euler Hermes

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COMPTABILITÉ
FISCALITÉ

TEXTE : CHRISTOPHE LO GIUDICE

L’abandon des comptes


annuels pour les PME?
Une fausse bonne idée!
Abandonner la publication des comptes annuels et alléger les formalités comptables
pour une grande partie des entreprises en Belgique: voici qui pourrait en réjouir plus
d’un. C’est ce que propose la Commission européenne aujourd’hui sous couvert de
la simplification administrative. Mais, derrière cette intention se cache une foule de
conséquences à ne pas négliger. A l’analyse, l’idée se révèle bien moins bonne qu’il n’y
paraît. Explications.
13

L e 10 juillet dernier, la Commission européenne


publiait une Communication visant à simpli-
fier l’environnement des entreprises au niveau
du droit des sociétés, de la comptabilité et du
contrôle des comptes annuels. Un objectif louable en soi, tout
le monde en conviendra. Mais, derrière cet effort qui apparaît
à première vue séduisant, la mesure porte en germe des effets
pervers, comme l’ont rappelé l’Institut Professionnel des Comp-
tables et Fiscalistes agréés (IPCF), l’Institut des Réviseurs d’En-
treprises (IRE) et l’Institut des Experts-comptables et Conseils
fiscaux (IEC), à l’occasion d’une journée d’études à l’intitulé plu- Pierre Berger (IRE), Roland Smets (IPCF), Bruno Colmant (CNC, Conseil Su-
tôt frappant: « L’Europe va-t-elle démanteler le système belge périeur des Finances) et André Bert (IEC): « Quelle sera encore la crédibilité
d’information financière? » des PME vis-à-vis de leurs banquiers, fournisseurs, travailleurs, clients si elles
ne produisent plus d’information financière rigoureuse sur elles-mêmes? »
DE LA DISCIPLINE
Le ton est posé d’emblée: il n’y a aucun réflexe corporatiste comptes, et des simplifications en matière de consolidation,
à chercher, mais bien la volonté de bien mesurer toutes les d’impôts différés, etc. »
conséquences de ce projet sur la comptabilité, la fiscalité et le Quels en seraient les effets sur le terrain? « Dans de nom-
droit des sociétés. Que propose-t-on? Notamment, l’abandon breux Etats membres de l’Union européenne dont la Belgique,
pur et simple de la publication des comptes ainsi que l’allège- les PME représentent une partie essentielle de l’économie, rap-
ment des formalités comptables pour les ‘micro-entreprises’. pelle Pierre Berger, président de l’IRE. Les mesures envisagées
« Ces dernières sont définies comme employant moins de dix conduiront 75% des entreprises à ne pas établir de comptes an-
personnes et ayant un total bilantaire et un chiffre d’affaires nuels et 95% à ne pas publier leurs comptes en Belgique. Quelle
respectivement inférieurs à 500.000 et un million d’euros, ca- sera encore la crédibilité des PME vis-à-vis de leurs banquiers,
dre Bruno Colmant, revêtant sa casquette de membre de la fournisseurs, travailleurs, clients… si elles ne produisent plus
Commission des Normes Comptables (CNC) et du Conseil d’information financière rigoureuse sur elles-mêmes? »
supérieur des Finances. D’autres mesures sont encore prévues La proposition va en réalité à l’encontre même du système
par la Commission, à savoir des exemptions de publicité des belge. « Dans les années ’60, la Belgique a procédé à une im-

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COMPTABILITÉ
FISCALITÉ

bancaires de déterminer la solvabilité et le sérieux de l’entre-


prise. « En Belgique, nous connaissons ainsi un coût du crédit
aux entreprises beaucoup plus bas que dans d’autres pays, préci-
se Bruno Colmant. Notre système participe en outre à soutenir
le modèle belge de concertation en associant les travailleurs à
l’information financière, par le biais du conseil d’entreprise. »

CONFRONTATION DE CONCEPTIONS
« Le modèle belge s’est inspiré de la comptabilité continentale
– allemande et latine – qui privilégie ce que l’on appelle les
stakeholders, c’est-à-dire les travailleurs, les fournisseurs, les
clients, les pouvoirs publics, les syndicats, bref toutes les par-
ties qui entrent d’une manière ou d’une autre en contact avec
l’entreprise, commente Roland Smets. A l’inverse, la tendance
anglo-saxonne, très libérale, privilégie quant à elle la protection
de l’actionnaire. Avec la proposition de la Commission euro-
péenne, nous nous inscrivons en quelque sorte à la confronta-
tion de deux conceptions différentes de l’économie. »
En Europe, chaque pays s’est en fait organisé un peu à sa
manière: des pays comme la France, l’Espagne ou l’Italie
ont aussi leur centrale des bilans. A l’inverse de ce courant
comptable en « coûts historiques » visant à protéger les
créanciers, les pays anglo-saxons et scandinaves font une
distinction entre les sociétés cotées et les autres. « Au ni-
14 veau européen, plusieurs impulsions ont été données ces
dernières années pour s’inspirer du modèle américain où ce
système de centrale des bilans n’existe pas, reprend Bruno
Colmant. Il porte sur deux niveaux avec, d’une part, des so-
ciétés cotées sur lesquelles pèsent énormément d’obligations
Bruno Colmant: « Le système anglo-saxon n’est pas comptables et, de l’autre, la grande masse des sociétés non
transposable tel quel. Attention à ne pas désosser le cotées qui ne doivent pas déposer de comptes. »
squelette de l’entreprise sous couvert de simplification
Aujourd’hui, la proposition de la Commission porte en elle
administrative! »
l’augmentation de la pression sur les sociétés cotées avec, par
exemple, les nouvelles normes IFRS qui exigent énormément
portante réforme fiscale qui a refondu l’impôt des sociétés sur d’informations. « C’est certainement une bonne chose pour
base de la décision de relier la comptabilité et la fiscalité entre un marché européen unifié, mais la diminution de la charge
elles, explique Bruno Colmant. L’effort a abouti à une harmoni- comptable des entreprises au niveau inférieur se révèlerait bien
sation du droit comptable avec le droit fiscal, créant une stabi- plus hasardeux », ajoute-t-il. « Une information financière fia-
lité désormais bien maîtrisée par les différents intervenants et ble facilite la transmission d’entreprises et l’accès au capital à
par le fisc. Ce choix avait également pour avantage de diminuer coût réduit, notamment dans le cadre des emprunts bancaires,
le coût administratif, en n’ayant pas à tenir deux comptabilité, illustre Roland Smets. Elle favorise aussi les échanges trans-
l’une comptable, l’autre fiscale. » frontaliers et peut renforcer la position concurrentielle des en-
C’est dans ce contexte qu’a été créée la Centrale des bilans, treprises européennes. »
avec pour mission de rassembler l’information comptable par
la collecte des comptes annuels de la quasi totalité des socié- SOURCE DE PLUS-VALUE
tés exerçant une activité en Belgique, leur traitement et leur Une réduction des exigences comptables et du contrôle
mise à disposition de toute personne intéressée. En 2006, plus des comptes conduira inévitablement à une augmentation
de 323.000 comptes annuels ont ainsi été déposés par 304.000 sensible des charges administratives pour les entrepri-
entreprises. « Notre Centrale des bilan est, à ce titre, une des ses et pour les tiers qui utilisent ces données financières,
meilleures, si pas la meilleure, au monde », estime-t-il. puisqu’ils devront chercher d’autres moyens pour obtenir
Les avantages du système sont évidents. Tout d’abord, disci- des informations fiables, estiment encore ces experts. « Cet-
pliner les entreprises, obligées de s’organiser en la matière. te même réduction annihilerait la connexion entre la comp-
D’autre part, la transparence qu’il engendre contribue à une tabilité et la fiscalité qui a fondé l’impôt des sociétés depuis
diminution des coûts du crédit en permettant aux institutions plus de trente ans, appuie André Bert, Président de l’IEC. Si,

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d’aventure, les obligations comptables des entreprises étaient tentielles de l’adoption des mesures préconisées par la Com-
relâchées, cela réduirait les moyens de contrôle du fisc, tout mission, selon une analyse non seulement des coûts mais
en créant une incertitude dans le chef des entreprises quant à aussi des avantages liés à une information financière de qua-
leurs obligations fiscales. » lité. Il convient plutôt d’envisager des mesures alternatives de
Pour Roland Smets, la publication des comptes est une source simplification véritable. « L’intervention d’un professionnel du
de plus-value, car il s’agit là de critères objectifs permettant chiffre devrait par exemple permettre aux entreprises utilisa-
des mesures fiscales en faveur des PME. Leur disparition re- trices de ces services de bénéficier de mesures de simplification
présenterait une perte à ce niveau. Autres soucis, en germes administrative », plaident-ils.
dans ce projet: la remise en question de la politique anti- Les trois instituts ont également initié un groupe de travail,
blanchiment, une approche plus difficile de la prévention des réunissant les interlocuteurs professionnels et institution-
faillites ou encore un risque accru pour les administrateurs nels chargé d’examiner les différentes obligations en matière
qui vont très probablement devoir supporter des primes d’as- comptable et financière qui incombent aux sociétés et de
surances supérieures. dresser un inventaire des mesures de simplification de ces
obligations. Ce travail sera soumis aux ministres compétents.
GROUPE DE TRAVAIL Appel est fait aux entreprises pour contribuer au débat avec
Quels impacts cette proposition de la Commission européen- leurs suggestions et propositions.
ne pourrait-elle avoir pour les professions du chiffre? Pierre Quelle alternative imaginer? « Peut-être un système à trois
Berger les estime limités: « On dénombre aujourd’hui un bon étages, avec des obligations IFRS lourdes pour les sociétés co-
millier de réviseurs. Si le système devait vivre la refonte envi- tées, une publication complète des comptes pour les grandes
sagée, on n’en aurait plus besoin que de 250. Mais on assiste- sociétés non cotées – environ 18.000 seraient concernées – et
rait à un glissement vers d’autres types de services, les sociétés un schéma simplifié, par exemple en termes d’annexes comp-
d’audit ayant déjà largement diversifié leurs activités. Le Ca- tables, pour les autres, suggère Bruno Colmant. Il serait plus
nada est passé d’un système à l’autre il y a quelques années inspiré et plus logique de, par ailleurs, travailler à l’harmonisa-
déjà et l’expérience montre qu’il n’y a pas eu de diminution tion des obligations – TVA, impôts des sociétés – que de penser
considérable des activités d’audit, désormais plus inscrites dans à résoudre un problème en en créant d’autres, comme c’est le
15
un cadre contractuel. » cas ici. Le système anglo-saxon n’est pas transposable tel quel.
Pour autant, les trois instituts n’en estime pas moins néces- Attention à ne pas désosser le squelette de l’entreprise sous
saire de procéder à une étude d’impact des conséquences po- couvert de simplification administrative! »
APOLLO-COMMUNICATIONS.BE

Objectif : présenter l’évolution de la plus


grande Ecole de Management
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Quand? : le JEUDI 21 FEVRIER 2008 - 19h
Où? : au SAP Lounge
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1030 Bruxelles

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avant Paris le 17 mars, HEC-ULg
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Infos et programme détaillé :
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GESTION
FISCALITÉ

TEXTE : CHRISTOPHE LO GIUDICE

Les indicateurs financiers des PME


sont globalement dans le vert
La moitié des PME belges a réalisé en 2006 un rendement opérationnel d’au
moins 13% et un rendement net de 6% ou plus, montre le dernier Baromètre
pour les PME récemment publié par Deloitte Fiduciaire. Pour huit des dix
indicateurs clés pris en considération, la PME médiane obtient de meilleurs
résultats en 2006 que les deux années précédentes.

16
E n 2006, la PME belge médiane a réalisé de bons
résultats, révèle un benchmark que vient de
publier Deloitte Fiduciaire sur base d’un échan-
tillon de 2.200 entreprises représentatif du pay-
sage entrepreneurial belge. Dix indicateurs caractérisant la posi-
tion financière et opérationnelle sont utilisés dans l’évaluation:
structure financière et capacité de remboursement, liquidité et
valeur ajoutée de 45 € sur une vente de 100 €, la moitié des
PME obtiennent en 2006 une marge de valeur ajoutée de 47 €
ou plus. Concrètement, cela équivaut à un accroissement de
2% de la productivité. Les raisons de cette progression sont
une offre de produits innovante et la recherche constante
d’un financement plus efficace.
Cette progression de la productivité s’est en outre traduite
gestion du fonds de roulement, valeur ajoutée et intensité du par un accroissement opérationnel et net des rendements,
travail et du capital, rentabilité opérationnelle et financière et de 1% à chaque fois pour la PME belge médiane, par rapport
enfin, le rendement des fonds engagés. à 2004. Concrètement, la moitié des PME belges a réalisé en
Pour huit des dix indicateurs clés pris en considération, la 2006 un rendement opérationnel d’au moins 13% et un ren-
PME médiane obtient de meilleurs résultats en 2006 qu’en dement net de 6% ou plus. Les meilleures performances sont
2004 et 2005. Alors qu’en 2004 la PME médiane générait une réalisées dans les secteurs des services, des matières plasti-

Les jeunes entreprises présentent une productivité et un rendement supérieur

Les entreprises de moins de dix ans livrent d’excellentes per- familiales se financent grâce à leurs fonds propres, à leurs
formances en matière de productivité et de rentabilité. Pour comptes courants et aux avances des actionnaires et des ad-
chaque tranche de 100 € de chiffre d’affaires, la moitié des ministrateurs/gérants, à concurrence de 60% minimum.
jeunes entreprises créent 54 € de valeur ajoutée. Pour les en- Par ailleurs, la PME familiale se distingue par une produc-
treprises de plus de 25 ans d'existence, ce chiffre retombe tivité et un rendement opérationnel très élevés. Toutefois,
à 36 €. Cette valeur ajoutée élevée donne en outre un ren- le rendement net d’une PME familiale est moins élevé. La
dement opérationnel et financier plus fort chez les jeunes moitié des entreprises familiales réalisent un rendement de
entreprises. La moitié des jeunes entreprises réalise ainsi un maximum 6%, contre 7% pour les entreprises non familiales
rendement net de 11% ou plus. Pour les entreprises de plus et 9% pour les filiales internationales. Ce rendement net in-
de 25 ans d’existence, ce chiffre retombe à 6%. férieur est imputé à un taux d’autofinancement trop impor-
Par contre, au fil des ans, les plus anciennes entreprises ont tant (capital, réserves et comptes courants) par rapport aux
eu l’occasion de se constituer des fonds propres plus confor- résultats enregistrés.
tables grâce aux bénéfices réservés, ce qui profite bien en- Conclusion: les PME familiales sont souvent « surcapitalisées ».
tendu à leur indice de solvabilité. Les anciennes sociétés Dans ce contexte, une partie des moyens mis à la disposi-
jouissent également d’une meilleure position de liquidité tion de la société par les actionnaires/administrateurs se
que leurs jeunes homologues. voit souvent investie dans des secteurs non productifs tels
Autre constat: les entreprises familiales se caractérisent par que l’immobilier. Ce dernier ne manquera pas de créer des
un niveau élevé de solvabilité. En effet, la moitié des PME problèmes lors de la vente ultérieure de l’entreprise.

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ques et de la chimie et dans l’industrie de transformation du
métal. Le secteur du textile reste par contre à la traîne. La rémunération des
LONG FEU? administrateurs des PME familiales
Ce rendement opérationnel élevé influence directement la n’est pas astronomique
valeur de l’entreprise pour les actionnaires de l’entreprise.
On peut par conséquent affirmer que la valeur de l’entreprise Seuls 37% des mandats d’administrateur au sein des PME belges
pour les actionnaires des PME belges a également progressé sont rémunérés. La rémunération brute de l’administrateur s’élève
en 2006. Les principaux bailleurs de fonds pour les PME bel- en moyenne à 55.072 € par mandat rémunéré (sur une base an-
ges restent les actionnaires et les administrateurs. L’étude nuelle). Dans le cadre l’étude de Deloitte Fiduciaire, outre les char-
montre que la solvabilité réelle (les fonds propres auxquels ges salariales totales des ouvriers, des employés et des cadres, les
on ajoute les comptes courants et les emprunts subordon- coûts du travail intérimaire et les rémunérations des administra-
nés octroyés par les actionnaires et les administrateurs) des teurs sont également considérés comme des frais réels de person-
PME belges atteint en moyenne 56%, par rapport à 55% en nel. Il convient de noter qu’au sein des PME familiales, les rémuné-
2005. Elle est composée comme suit: capital et réserves 39%, rations des administrateurs représentent 24,8% du total des frais
comptes courants et avances 17%. Ces comptes courants de personnel ainsi calculé, ce qui traduit le haut degré d’implica-
constituent en effet une alternative financière avantageuse tion des administrateurs dans cette catégorie d’entreprises.
d’un point de vue fiscal pour le capital-actions, mais aussi, et Néanmoins, l’administrateur de telles entreprises ne s’octroie pas
surtout pour les PME familiales, une source de financement un salaire astronomique: en moyenne 53.905 €. À mesure que
permanente par les actionnaires. l’entreprise grandit, non seulement le nombre moyen de mandats
Faut-il le rappeler? A dater de l’exercice d’imposition 2007, un d’administrateurs croît, mais la rémunération moyenne des admi-
nouvel incitant fiscal est entré en vigueur: la déduction des nistrateurs progresse également. Les entreprises, réalisant un chiffre
intérêts notionnels. En instaurant cette mesure, le gouverne- d’affaires inférieur à 6.250.000 € sur une base annuelle, nomment
ment belge souhaite récompenser les sociétés qui affectent en moyenne 2,36 administrateurs. Pour autant qu’ils soient rému- 17
leurs fonds propres à la consolidation de la structure de leur nérés, ceux-ci reçoivent une rémunération moyenne de 50.786 €
capital. Concrètement, les entreprises peuvent désormais par an. Dans les grandes entreprises réalisant un chiffre d’affaires
déduire des intérêts fictifs sur leurs fonds propres (corrigés annuel supérieur à 25.000.000 €, 3,41 administrateurs sont dési-
le cas échéant) de leur base d’imposition. Jusqu’à l’exercice gnés en moyenne. La rémunération moyenne des administrateurs
d’imposition 2006, elles ne pouvaient déduire que la charge peut alors atteindre 94.476 € bruts sur une base annuelle.
d’intérêt de la dette de leur résultat. Désormais, cette déduc-
tion est aussi possible pour les fonds propres corrigés.
L’an dernier, 4% seulement des entreprises du groupe de réfé- ment indique dans quelle mesure l’entreprise est capable de
rence étudié ont procédé à une augmentation de capital de remplir ses obligations financières dans l’année au moyen du
25.000 € ou plus. Chez 23% d’entre elles, les comptes courants cash-flow net (après impôts) provenant de ses activités. C’est la
ont été simultanément apurés de plus de 25.000 €. Par consé- condition sine qua non de sa santé financière.
quent, depuis l’instauration de la déduction des intérêts no- Par ailleurs, la position de liquidité moyenne des PME belges
tionnels, seul un nombre restreint de chefs d’entreprises ont a également progressé en 2006. En étudiant la position de
choisi de consolider leurs fonds propres comptables par un liquidité, Deloitte pointe dans quelle mesure une entreprise
apport supplémentaire de capital. La déduction des intérêts peut libérer à court terme suffisamment de moyens finan-
notionnels a-t-elle fait long feu? Il est peut-être encore trop ciers pour remplir ses obligations à court terme à l’égard des
tôt pour donner une réponse univoque à cette question. banques, des fournisseurs, de son personnel, etc. Comme
lors des années précédentes, le fossé entre les meilleures
FOSSÉ IMPORTANT entreprises et les plus faibles reste toutefois important.
Néanmoins, pour de nombreux chefs d’entreprise, l’octroi d’in- Les entreprises ayant une vision forte, dont la stratégie
térêts plus élevés sur les comptes courants constitue certaine- est caractérisée par l’innovation, réalisent en moyenne de
ment une solution plus avantageuse que la déduction des in- meilleurs résultats. Se reposer sur les lauriers des succès
térêts notionnels. Par ailleurs, la hausse de la solvabilité réelle passés se traduit d’ordinaire par de moins bonnes perfor-
est bel et bien un indicateur de la mise en réserve (en hausse) mances financières aujourd’hui…
des bénéfices dans l’entreprise. Cette mise en réserve des bé-
néfices a certainement été encouragée par l’instauration de
la déduction des intérêts notionnels. Par rapport aux années Le benchmark de Deloitte Fiduciaire offre aux dirigeants de
précédentes, la PME belge médiane a légèrement accru sa ca- PME la possibilité d’évaluer la position de leur entreprise, sur
pacité de remboursement en 2006. La capacité de rembourse- www.barometrepme.be

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°14 - FEVRIER 2008


MANAGEMENT
FISCALITÉ

TEXTE : CHRISTOPHE LO GIUDICE

Des femmes au comité de direction:

ça rapporte!
18

Les entreprises ayant une plus forte représentation de femmes dans leur
comité de direction ou dans leurs équipes de management sont aussi les plus
performantes. Une plus grande mixité à ce niveau peut vous faire gagner un
point de rentabilité des fonds propres, cinq points en résultat opérationnel et
dix-huit points de croissance du cours de bourse!

A u sein des entreprises en Europe, les femmes


demeurent encore très sous-représentées dans
les fonctions de management et les organes
de décision. En moyenne, 11% seulement des
membres des instances dirigeantes sont des femmes. Même
si la situation se révèle inégale selon les pays: en Norvège, plus
de 32% des membres de ces instances sont des femmes, contre
neuf critères déterminants: leadership, vision, environnement de
travail et valeurs, responsabilité, coordination et contrôle, compé-
tences, motivation, innovation et ouverture sur l’extérieur.
Après l’avoir appliqué à 115.000 collaborateurs issus de 231 en-
treprises privées, publiques et du non-marchand, ses experts
ont pu démontrer le lien entre l’excellence des entreprises sur
ces neuf dimensions et leur performance financière: en moyen-
seulement 1% au Luxembourg, 6% en Belgique et 7% aux Pays- ne, les entreprises les mieux notées sur ces critères sont aussi
Bas. Erreur, révèle l’étude Women Matter réalisée dans le cadre celles qui ont une marge opérationnelle et une valorisation plus
d’un partenariat noué entre McKinsey et le Women’s Forum for de deux fois supérieures à celles qui sont les moins bien notées.
the Economy & Society et présentée dernièrement à Deauville.
D’après ses résultats, les entreprises qui ont une plus forte repré- SCORE PLUS ÉLEVÉ
sentation de femmes dans leurs comités de direction ou dans L’équipe conduite sous la direction de Sandrine Devillard, di-
leurs équipes de management sont aussi les plus performantes. recteur associé, et Georges Desvaux, directeur associé senior,
Comment McKinsey about-il au constat? Un premier outil de dia- tous deux basés au Bureau de Paris, a ensuite sélectionné dans
gnostic mesure l’excellence organisationnelle des entreprises sur cet outil les 101 organisations qui publient la composition de

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°14 - FEVRIER 2008


leurs instances de direction et a analysé les réponses de 58.240
collaborateurs de ces entreprises sur les neuf critères. En les
mettant en perspective avec la proportion des femmes pré- Les 100 premiers jours d’un CFO
sentes dans les instances dirigeantes, il ressort que les entre-
prises ayant plusieurs femmes dans les fonctions de direction Durant les cent premiers jours dans leur nouvelle fonc-
recueillent un score moyen plus élevé sur chacun des dimen- tion, les CFO disent passer l’essentiel de leur temps
sions que celles qui n’en ont aucune. L’écart devient sensible à au budget (79%), au reporting de gestion (73%) et au
partir d’une masse critique d’au moins trois femmes sur une reporting financier (53%). C’est ce que révèle une en-
moyenne de dix personnes. quête menée par McKinsey à l’automne dernier. Si l’on
Sur base de ce constat, McKinsey a alors cherché à savoir demande aux mêmes quelles devraient être leurs prio-
si les entreprises comptant des femmes dans leurs instan- rités pendant cette période, le décalage est flagrant:
ces de direction étaient aussi plus performantes financière- 56% déclarent qu’ils devraient œuvrer à comprendre ce
ment. Une deuxième étude a ainsi été réalisée avec Amazo- qui guide le business de l’entreprise. Et 46% sont d’avis
ne Euro Fund parmi l’ensemble des entreprises européennes qu’ils devraient déjà pouvoir fournir des informations
cotées affichant une capitalisation boursière supérieure à utiles pour soutenir l’implémentation de la stratégie
150 millions d’euros et ayant la plus forte mixité dans leurs et bâtir leur équipe financière. Il n’en reste pas moins
postes de direction. Les entreprises ont été sélectionnées que, durant ces cent premiers jours, les CFO sont rela-
sur base de plusieurs critères: le nombre et la part des fem- tivement peu enclins à opérer des changements fon-
mes présentes au comité exécutif, leur fonction – un CEO ou damentaux dans la composition de leur équipe: 76%
un directeur financier ayant plus de poids dans les décisions n’en font aucun ou très peu, et 10% s’y hasardent de
qu’un directeur de la communication – et, dans une moin- façon modérée. Autre constat interpellant de l’étude:
dre mesure, la présence de plus de deux femmes au conseil si une grande majorité des CFO sondés affirment re-
d’administration ainsi que la publication de données sur la cevoir soutien et accompagnement de leur CEO pen-
mixité dans le rapport annuel. dant cette période, ils sont bien moins nombreux à
La performance financière des 89 entreprises retenues juger avec autant d’enthousiasme l’accueil fait par leur
19
a ensuite été analysée par rapport à la moyenne de leur nouvelle équipe. Les membres de celle-ci sont moitié
secteur de référence. Résultat? De façon nette et incontes- moins nombreux que les CEO à considérer la fonction
table, ces entreprises ont en moyenne une performance de leur nouveau responsable comme contribuant à la
supérieure à leur indice de référence en matière de renta- performance de l’entreprise ou impactant sa stratégie.
bilité des fonds propres (11,4% versus 10,3%), de résultat D’après les CFO sondés, leur équipe s’attend même à ce
opérationnel (EBIT de 11,1% versus 5,8%) ou de croissance qu’ils jouent un rôle beaucoup plus traditionnel: s’as-
du cours de bourse (64% de 2005 à 2007 versus 47%). Une surer que la fonction financière tourne efficacement.
analyse dont on peut contester le lien de cause à effet, ad- Sans plus…
met-on chez McKinsey, mais qui ne peut que plaider en fa-
veur d’une plus grande mixité…

Source : Base de données Amazone Eurofund; Amadeus; Research insight; Datastream; Bloomberg; McKinsey

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°14 - FEVRIER 2008


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N°14
1 4 - FEVRIER
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2008
08
> EN PRATIQUE
SOMMAIRE
N°14 FÉVRIER 2008

Dossier
Audit interne
Longtemps, le rôle des auditeurs in-
ternes s’est surtout cantonné à une
attitude quelque peu défensive qu’on
peut qualifier de « gendarme » interne.
Aujourd’hui, les entreprises attendent
de la fonction qu’elle participe plus acti-
vement à la création de valeur. Enquête
sur un métier en pleine mutation.
21
21

32 « La transmission influence la performance des PME familiales »


Docteur en sciences de gestion et assistant au service Comptabilité et gestion à l’Université
de Mons-Hainaut, Olivier Colot a décroché le « CeFiP Academic Award » pour sa thèse sur
la transmission des PME familiales non-cotées: approche de la transmission en Wallonie et
impact sur la performance des entreprises. Il nous livre les grandes lignes de sa recherche.

36 Acquisition d’une entreprise: l’importance du due diligence fiscal


Le « due diligence fiscal » constitue une condition sine qua non d’une acquisition réussie.
Il permet d’appréhender la cible et son environnement, de négocier le transfert des ac-
tions de celle-ci et de procéder si nécessaire à de l’optimisation fiscale post acquisition.
En tant que tel, il représente une opportunité unique de gérer la situation fiscale passée,
présente et future de la cible.

39 Assistance financière: quoi de neuf?


L’article 23 de la directive 77/91/EEC (telle que modifié par l’article 6 de la directive euro-
péenne 2006/68/EC du 6 septembre 2006) donne la possibilité – mais non l’obligation
– aux Etats Membres de permettre aux sociétés de fournir une assistance financière (avan-
cer des fonds, faire crédit ou donner des sûretés) en vue de l’acquisition de leurs actions par
des tiers sous certaines conditions.

42 Faciliter l’accueil des enfants des travailleurs: pistes possibles


La garde des tout-petits est devenu un réel problème pour les travailleurs. Les places disponibles
dans les crèches sont insuffisantes et les listes d’attente de plus en plus longues. Investir dans
l’accueil des enfants de ses travailleurs rend l’entreprise plus attractive, contribue à fidéliser le
personnel et constitue une jolie manière de concilier politique de l’emploi et qualité de vie.

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DOSSIER
FISCALITÉ

TEXTE : CHRISTOPHE LO GIUDICE

L’auditeur interne:
du gendarme au
consultant interne
Longtemps, le rôle des auditeurs internes s’est surtout cantonné à une
attitude quelque peu défensive qu’on peut qualifier de « gendarme »
interne. Objectif premier: éviter et contribuer à résoudre les problèmes.
Aujourd’hui, les entreprises attendent de la fonction qu’elle contrôle la
bonne conformité aux réglementations en tous genres, qu’elle examine
une plus large gamme de risques et qu’elle participe plus activement
22 à l’amélioration des performances de l’organisation. Rien de moins!
Enquête sur un métier en mutation.

L es nombreuses enquêtes très récemment pu-


bliées autour de la fonction díaudit interne ne
laissent planer aucun doute: le monde de líen-
treprise attend de plus en plus des auditeurs
internes. Pour mieux cerner les missions et les rôles de líaudit
interne, líétat de la pratique dans les entreprises ainsi que sa va-
leur ajoutée pour le conseil díadministration, le CEO et le direc-
états financiers, conformément à un cadre de reporting défini,
et pour garantir aux actionnaires que les chiffres publiés reflè-
tent une image correcte et juste de l’état des affaires de la socié-
té et du bénéfice – ou de la perte – constaté à la fin de l’exercice.
L’audit interne donne quant à lui un type de garantie différent
au Conseil d’administration et/ou au comité d’audit. Il est plus
impliqué dans les processus opérationnels, d’un point de vue
teur financier, líInstitut des Auditeurs internes (IIA Belgium) et de l’efficience, de l’efficacité, de l’opportunité, de la conformité
Finance Management ont réunis pour une table ronde plusieurs et de l’exhaustivité des informations. Son approche n’est donc
responsables de líaudit interne en entreprise. pas uniquement celle des états financiers. En d’autres termes, là
LíIIA Belgium représente plus de 1.300 membres et 350 organisa- où les commissaires aux comptes se concentrent sur les consé-
tions en Belgique, avec une place prépondérante occupée par le quences financières des processus et regardent donc plutôt le
secteur bancassurance, le seul à comporter des obligations légales passé, les auditeurs revoient tous les processus d’activités et les
en la matière. Elle représente donc un excellent observatoire de la risques impliqués, avec un regard vers le futur dans une démar-
pratique, tant dans notre pays qu’à l’international de par ses liens ses che de recherche d’amélioration continue. »
homologues répartis dans 165 pays! Autour de la table: Pascale Van-
denbussche, Chief Staff Officer de l’IIA Belgium, Michel Weber, direc- Comment décrire la fonction à son origine?
teur de l’audit chez Recticel, Philippe Dangre, directeur de l’audit chez Pascale Vandenbussche: « Lorsque j’ai fait mes premiers pas dans
Base, et Atila Kas, responsable de l’audit chez Generali Belgium. l’audit interne il y a une quinzaine d’années, je sortais moi-même
de l’audit externe. Sans trop schématiser, je résumerais ce qu’était
En quoi la mission d’audit interne se distingue-t- la fonction en la qualifiant de ‘gendarme interne’. En ce sens, elle
elle de celle des auditeurs externes? pouvait être plutôt mal considérée dans l’organisation. »
Pascale Vandenbussche: « L’auditeur externe est légalement Philippe Dangre: « Au départ, la fonction d’auditeur interne a,
requis pour émettre une opinion concernant l’élaboration des en partie, été créée parce que le coût des auditeurs externes

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°14 - FEVRIER 2008


ral Deposit Insurance Corporation Improvement Act réagis-
sait aux faillites bancaires aux Etats-Unis, le Sarbanes-Oxley
Act résultait de la faillite d’Enron. Les autorités américaines
ont obligé les entreprises à mettre en place un système de
contrôle interne qui puisse raisonnablement garantir l’inté-
grité des comptes et le respect des lois et règlements. »

Comment se positionne la fonction dans les entreprises?


Philippe Dangre: « Pour l’avoir exercé dans plusieurs entre-
prises différentes et en avoir observé beaucoup d’autres, je
peux vous dire qu’il en existe autant de déclinaisons que de
secteurs et d’entreprises ou presque! Ce qui peut avoir des
conséquences très importantes sur son efficacité. »
Pascale Vandenbussche: « Il existe néanmoins des standards,
d’ailleurs assez généraux que pour pouvoir s’appliquer à tous. Je
pense notamment à la question de l’indépendance des auditeurs
internes. Pour que l’évaluation soit réalisée de façon profession-
nelle, impartiale, sans pression ni conflit d’intérêts, la fonction
doit s’inscrire dans un positionnement adéquat au sein de l’orga-
nisation. Cela n’est possible que lorsque le lien fonctionnel est fait
au comité d’audit – ou, en son absence, au conseil d’administra-
tion –, le lien avec le CEO ou, le cas échéant, avec le CFO n’étant
qu’administratif. Or, dans un certain nombre d’entreprises, l’audit
interne rapporte au CFO, ce qui n’est pas recommandé. »
Atila Kas: « Dans le secteur des assurances, l’audit interne est 23
une fonction obligatoire et réglementée depuis 1999. La Com-
mission Bancaire, Financière et des Assurances (CBFA) a émis
différentes circulaires qui s’alignent sur ces standards. Aucune
activité, ni aucun département, d’une compagnie d’assurances
ne peuvent être exclus du champ d’application du département
d’audit interne. Et l’indépendance de la fonction est en effet
bien garantie. La CBFA veille par ailleurs qu’un rapport de suivi
reprenant les recommandations de l’auditeur interne soit trans-
Philippe Dangre: « On entre de plus en plus dans l’appré- mis par le comité de direction à son conseil d’administration. »
ciation de systèmes extrêmement complexes. L’auditeur Pascale Vandenbussche: « Cette indépendance ne peut être
interne est ainsi parfois amené à mettre en évidence garantie que pour autant que l’audit interne rapporte à
l’écart entre l’assurance attendue d’un audit et le niveau quelqu’un qui n’est pas opérationnel dans la structure. C’est
réel de vérifiabilité des processus audités. » à cela que l’on peut vérifier que cette indépendance est réelle
et pas uniquement formelle. »
était jugé fort élevé. Son rôle était de préparer le travail des Philippe Dangre: « Si l’on pousse le raisonnement à l’extrême,
responsables financiers et d’anticiper sur l’intervention des le fait même d’être sur le payroll de l’entreprise ou les perspec-
auditeurs externes. Par ailleurs, l’audit interne a vu son rôle tives de carrière dans celle-ci posent des questions en matière
formalisé et étendu à la suite de législations promulguées en d’indépendance. Il y a donc nécessairement un certain prag-
réaction à des scandales financiers: le Foreign Corrupt Practi- matisme à avoir tout en l’assortissant de balises claires. »
ces Act trouve sa source dans l’affaire du Watergate, le Fede-
Comment a évolué le rôle de l’audit interne, au-
delà de celui de « gendarme » déjà évoqué?
Pascale Vandenbussche: « Petit préalable: l’audit interne n’est

« Dans un certain nombre pas responsable des procédures et du contrôle interne, mais
bien du fait de vérifier que ceux-ci soient bien mis en place et
d’entreprises, l’audit interne fonctionnent effectivement. Vous me direz: pourquoi a-t-on

rapporte au CFO, ce qui n’est besoin des auditeurs s’ils n’opèrent que cette ‘vérification’?
Notre rôle consiste à fournir au conseil d’administration une
pas recommandé. » assurance indépendante et objective d’une personne autre

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°14 - FEVRIER 2008


DOSSIER

que le CEO et/ou le CFO, ainsi qu’à fournir la même assurance l’élargit encore également aujourd’hui à l’évaluation de la ges-
à ces derniers de la part d’une personne autre que les mana- tion des risques, incluant la notion d’opportunités opération-
gers qui leur rapportent directement. » nelles à prendre ou non. »
Philippe Dangre: « Le contrôle interne ne peut se limiter aux Michel Weber: « Un terrain qu’il faut bien qualifier de difficile. Si
contrôles de la comptabilité, ni se réduire aux rapports fi- la méthodologie des auditeurs permet effectivement d’explorer
nanciers. Il couvre également les aspects de respect des lois tous ces champs-là, encore faut-il disposer des moyens néces-
et règlements – ‘compliance with laws and regulations’ –, la saires et du temps pour relever l’ensemble de ces missions! »
fiabilité des informations financières et opérationnelles, le fait Pascale Vandenbussche: « Il faut également évoquer tous les
que les processus en place – dépassant d’ailleurs la finance – développements des sujets concernant la gouvernance d’en-
soient rationnels et efficaces, la protection des actifs, etc. On treprise et l’éthique qui ont des impacts sur notre métier… »
Philippe Dangre: « … et on peut dire qu’on aboutit ainsi à des at-
tentes de la part des actionnaires qui sont démesurées par rapport
aux possibilités réelles que nous avons. Si, dans les banques et les
« 57% des responsables de assurances, les départements d’audit interne s’inscrivent dans un
rapport de un à cent vis-à-vis de l’ensemble de l’organisation, il
l’audit interne disent rapporter se situe plutôt dans un rapport de un à mille dans les autres sec-
au comité d’audit et 14% seu- teurs, même si certaines entreprises sortent du lot avec une pro-
portion un peu plus favorable. Il faut donc nuancer quelque peu
lement ont une fonction pure- la capacité d’apporter réponse à toutes ces questions. Et ce n’est
ment de type support. » pas seulement un problème d’effectifs. On entre de plus en plus

24 Evolution des activités d’audit interne

La proportion de temps consacré à l’audit des processus nologies de l’information sont en progression significative
financiers, aux investigations en matière de fraude et aux sur les trois dernières années. En ce qui concerne la gouver-
audits liés au management apparaît relativement stable au nance et l’IT, cette progression devrait encore se marquer au
cours des sept années sur lesquelles porte l’étude. A l’inver- cours des années à venir. Par contre, les audits de confor-
se, le pourcentage de temps passé dans un rôle de conseil, mité et les audits opérationnels devraient prendre moins de
sur des audits relatifs à la gouvernance ainsi qu’aux tech- temps à l’agenda des auditeurs.

2,6
Autre 2,9
5,3

7,7
Audits de management 6,8
7,3

24,5
Audits opérationnels 28,9
30,6

12,1
Audits IT 10,9
8,9

7,7
Gouvernance 5,9
4,4

4,5
Enquêtes sur les fraudes 3,8
5,1
Il y a 3 ans
11,6
Audits des processus financiers 11,7
Aujourd'hui
10,7

12,4 Dans 3 ans


Conseil 12,3
9,1

15,7
Audits de conformité 17,3
17,2

0 5 10 15 20 25 30 35

Source : IIARF

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°14 - FEVRIER 2008


dans l’appréciation de systèmes extrêmement complexes, avec des
questions auxquelles les gens du business eux-mêmes ne sont pas
forcément capables de répondre. L’auditeur interne est ainsi parfois
amené à mettre en évidence l’écart entre l’assurance attendue d’un
audit et le niveau réel de vérifiabilité des processus audités. »

« Les problèmes se situent moins


dans les départements qu’aux
frontières de ceux-ci »

Avant de rejoindre Recticel, Michel Weber a pratiqué


l’audit interne chez Exxon, dans une approche que l’on
pouvait déjà qualifier, il y a dix ans, de très avant-gar-
diste dans le domaine. Démarrant la fonction d’audit
interne chez Recticel en 1998, il était clair pour lui que
« la mission de l’audit interne ne devait pas se limiter à
la (re)vérification de l’intégrité des comptes. Cette problé-
matique était déjà couverte par d’autres fonctions et par
l’audit externe avec bien plus de moyens. La maximalisa-
tion de la valeur ajoutée de l’audit interne était à trouver
essentiellement dans l’amélioration du contrôle interne
d’autres processus – achats, ventes, trésorerie, etc. »
25
Recticel est un groupe belge fortement implanté en
Europe et actif dans le monde entier, avec plus de cent
établissements répartis dans vingt-six pays. « Mon ex-
périence m’a appris que les problèmes sur lesquels il faut
mettre le doigt ne se situent pas tant dans les départe-
ments qu’aux frontières de ceux-ci. Nous mettons donc
l’accent sur les audits de processus pour sortir de l’ap-
proche par silos, mais aussi pour mieux faire fonctionner
Michel Weber: « L’essentiel des risques ne sont pas liés à la comp-
ces différents départements ensemble. Pour l’efficience
tabilité, mais se logent dans le business – achats, production,
de l’audit interne, il est également important de sollici-
ventes, etc. La comptabilité, c’est ce que le public voit et elle doit
ter l’avis des ‘business owners’ quant aux processus les
être intégré à la démarche, mais s’y limiter serait aléatoire. »
plus risqués et, à l’intérieur de ces processus, leur opinion
quant aux risques les plus importants. Ceci garantit non
seulement une meilleure exhaustivité et priorité des mis- Comment faire face à la situation que vous décrivez?
sions d’audit interne mais, de par leur implication, une Michel Weber: « Si l’on parle d’évaluation des risques, et sachant
réponse plus positive des ‘business owners’. » qu’on dispose d’assez peu de moyens, l’enjeu est d’aller à l’essentiel.
Sur ces bases, Recticel isole chaque année un processus Le destinataire de notre information n’est, à ce titre, pas unique-
clé et procède à des audits dans différentes organisa- ment le CEO ou le CFO – auquel la fonction a pu historiquement
tions. « Au cours de ces audits, des points de contrôle rapporter – mais l’ensemble du business. A-t-on plus de valeur
importants sont identifiés et mesurés. Ayant réalisé cet ajoutée pour le CFO? Ma réponse est plutôt négative: l’essentiel
exercice, nous sommes en mesure – grâce à la centrali- des risques ne sont pas liés à la comptabilité, mais se logent dans
sation de notre ERP et l’utilisation d’un logiciel d’audit – le business – achats, production, ventes, etc. La comptabilité, c’est
de répéter trimestriellement ces mesures et, partant, de ce que le public voit et elle doit être intégré à la démarche, mais s’y
mieux identifier les organisations à risque nécessitant limiter serait aléatoire. »
plus d’attention et éventuellement un audit de terrain. Ce Philippe Dangre: « La valeur ajoutée n’en est pas moins impor-
benchmarking entre les organisations du groupe est évi- tante pour le CFO car les risques que l’audit interne va décou-
demment très utile à l’identification et à la dissémination vrir dans les autres départements vont être évalués financiè-
des meilleures pratiques. » rement et vont permettre des ajustements. »
Michel Weber: « C’est clair. Du fait des systèmes ERP, la fonc-

FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°14 - FEVRIER 2008


DOSSIER

tion financière se trouve de plus en plus décentralisée dans


le business avec des impacts sur la comptabilité. Il en résulte
que le CFO est de plus en plus intéressé par l’audit interne et
le retour qu’il peut en avoir. »
Pascale Vandenbussche: « On peut également a priori parler de
relation privilégiée avec le CFO du fait que l’on parle le même
langage et que la compréhension mutuelle est plus grande. »

Quel est l’état de la pratique, aujourd’hui, sur le terrain?


Pascale Vandenbussche: « Nous venons de finaliser une en-
quête menée dans le cadre de l’IIARF, l’Institute of Internal
Auditors Research Foundation, auprès de responsables de
l’audit interne. Celle-ci couvre quelque 12.000 répondants,
dont 102 en Belgique. On peut notamment constater que
87% des répondants belges se déclarent en conformité avec
les standards de l’IIA, pour 82% au niveau mondial. La prati-
que en Belgique est donc plutôt favorablement positionnée.
L’enquête révèle également que la profession a connu un dé-
veloppement important tant dans ses champs d’intervention
que dans sa sophistication et que les choses évoluent encore
(cfr. graphique). Il ressort aussi de cette observation un bon ni-
veau d’indépendance de la fonction puisque 57% des respon-

26
« Attention de ne pas vivre
avec l’illusion que l’audit
Pascale Vandenbussche: « L’audit interne n’est pas res-
ponsable des procédures et du contrôle interne, mais bien
interne, avec l’aide de
du fait de vérifier que ceux-ci soient bien mis en place et l’audit externe, apporte une
fonctionnent effectivement. »
assurance sur tout. »

« On ne peut évaluer les obligations de SOX en termes de coûts/bénéfices »

Filiale à 100% de l’entreprise néerlandaise KPN, l’opérateur l’audit rapporte en direct au CEO alors que l’audit se référant
de téléphonie mobile Base est, par ce biais, soumis aux obli- à SOX m’amène beaucoup plus à interagir avec l’audit groupe.
gations Sarbanes-Oxley (SOX). Historiquement présente au Le champ d’action est également très différent: au niveau
niveau du groupe, la fonction d’audit interne a été créée groupe, l’accent est quasi exclusivement mis sur l’intégrité
dans la filiale belge en 2002, d’abord dans cette perspec- des comptes, peut-être même au détriment de ce que pourrait
tive de « compliance ». « Les obligations liées à SOX étant apporter une approche plus large en matière d’audit interne
importantes et extrêmement formalisées avec des contrôles comme nous la menons sur un plan local. »
fréquents au niveau groupe, la fonction d’audit a de la sorte Certains vont jusqu’à dire que les obligations SOX sont coû-
acquis une visibilité importante en interne », confie Philippe teuses et ne servent à rien ou, du moins, pas à grand-chose.
Dangre, directeur de l’audit interne de Base. Une opinion que ne partage pas complètement Philippe
Au-delà de ce champ spécifique, il a également été chargé Dangre. « On ne peut évaluer SOX en termes de coûts/bé-
de développer une fonction d’audit interne au spectre plus néfices, estime-t-il. Il y a, d’une part, des effets positifs qu’il
large qui, celle-là, jouit d’une plus grande liberté d’action, faut détecter et sur lesquels capitaliser et, d’autre part, certai-
d’exécution, de durée de ses missions, etc. « Nous touchons nes lourdeurs du processus qu’il faut essayer d’optimiser ou
là à l’efficacité, à l’efficience des processus, à la conformité des d’écarter, en mettant de côté ce qui est superflu, voire dom-
actions prises avec la stratégie de l’entreprise. Cette facette de mageable pour la société. »

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sables de l’audit interne disent rapporter au comité d’audit et Atila Kas: « Il est toujours important de trouver l’équilibre entre
14% seulement ont une fonction purement de type support. les notions de conformité et de performance. La première est
Dans la quasi totalité des entreprises étudiées, l’objectivité et assez bien suivie. Mais notre valeur ajoutée essentielle viendra
l’indépendance sont par ailleurs reconnues comme des élé- du fait de réellement contribuer à l’amélioration de l’efficacité
ments clés de la fonction. » et à la minimisation du niveau de risques. C’est à ce niveau que
Philippe Dangre: « Un des défis consiste aujourd’hui à nuancer la pratique doit évoluer sur le terrain, au quotidien. »
le niveau d’assurance que l’audit est à même de produire tant
pour le conseil d’administration que pour le comité de direc- Quand on parle de susciter des améliorations, en-
tion. Quand on lit les rapports d’audit externe, le nombre de pa- core faut-il que les managers et leurs équipes soient
ges de ‘disclaimers’ pourra bientôt concurrencer le nombre de convaincues de leur bien-fondé. Votre fonction im-
pages pour le contenu du rapport lui-même. Attention dès lors plique-t-elle sinon une dimension de « vente » ou, à
de ne pas vivre avec l’illusion que l’audit interne, avec l’aide de tout le moins, une démarche de marketing vis-à-vis
l’audit externe, apporte une assurance sur tout. Il y a une expli- de vos recommandations?
cation à fournir à ce niveau. En termes d’analyse de risques, par Philippe Dangre: « Ce n’est pas ma philosophie et je trouve
exemple, nous pouvons fournir une photographie: c’est ensuite même l’idée d’une sorte de marketing interne assez malsai-
au conseil d’administration ou au comité de direction d’avaliser ne. Si l’entreprise décide de mettre en place l’audit interne,
le niveau de risque résiduel jugé acceptable. On le voit dans le il n’y a pas de raison que les recommandations aient à être
cadre des banques qui souffrent actuellement le plus de la crise ‘vendues’. Le fait d’avoir capté une déficience n’implique pas
des subprimes: je pense à une grande institution bancaire amé- qu’elle doive disparaître: nous mettons à disposition une pho-
ricaine où l’audit interne est extrêmement poussé, complète- tographie que nous devons être à même de défendre mais,
ment indépendant et très actif en matière d’analyse de risques ensuite, il en va de la responsabilité du management de met-
et, malgré ça, elle subit la crise de plein fouet! » tre en œuvre ou non nos recommandations en fonction de

27

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DOSSIER

ses priorités, de ses moyens, etc. Je suis responsable de ce qui


se trouve dans mes rapports et de la réalité de leur contenu.
Mais l’utilisation de ces rapports dépend aussi de la culture
de l’entreprise: dans certains groupes, une recommandation
de l’audit interne équivaut à un ordre formel… »
Atila Kas: « Le marketing interne ne porte pas exclusivement
sur les recommandations mais aussi sur le suivi de celles-ci
au sein de l’entreprise. On peut dire que c’est quasiment le
cas dans notre secteur de l’assurance, lorsque le processus
d’audit est clairement assimilé. Il y a véritablement un suivi
qui s’opère. Dans ce cas, il n’y a rien à ‘vendre’: la vente in-
terne s’opère toute seule… »

« La Roll’s Royce va bientôt s’offrir


un turbo »

Generali Belgium, tout comme dans le secteur financier


dans son ensemble (banques et assurances) investit
dans une fonction d’audit interne très structurée. Une
priorité qui s’explique par les dispositions légales en
vigueur. Le service d’audit interne compte ainsi quatre
personnes pour un effectif total d’environ 500 person-
28 nes. « Comparé à d’autres secteurs, la qualification de
Roll’s Royce vient du fait que l’audit interne est une obli-
gation par rapport aux autorités de contrôle, confirme
Atila Kas, responsable de l’audit interne chez Generali
Belgium. Les dispositions européennes vont à terme en-
core rajouter un turbo derrière! » Atila Kas: « Il est important de trouver l’équilibre entre les
L’homme ne s’en cache pas: ce cadre législatif contrai- notions de conformité et de performance. Notre valeur ajoutée
gnant offre une forme de privilège à une équipe qui, essentielle viendra du fait de réellement contribuer à l’améliora-
sans doute, a moins besoin qu’ailleurs de chercher à tion de l’efficacité et à la minimisation du niveau de risques. »
s’affirmer. « L’audit interne permet également des analy-
ses transversales qui ont une grande valeur ajoutée pour Michel Weber: « Pour ma part, j’ai longtemps travaillé avec
le CEO et le CFO, son comité d’audit ainsi que pour l’en- des rapports très formalisés. Six années après que la fonc-
semble du management, ajoute-t-il. En plus des activités tion ait été créée chez Recticel, j’ai procédé à une évaluation
quotidiennes, nous nous intéressons à des questions fon- du suivi des recommandations pour conclure qu’il n’était
damentales et stratégiques comme: où en est l’entreprise pas optimal. La cause étant souvent l’interposition d’autres
aujourd’hui et où veut-elle aller demain. » priorités. Ce n’est pas un problème en soi si l’organisation
Une position privilégiée quand on sait que les audi- concernée est capable de justifier pourquoi elle ne donne pas
teurs, en particuliers externes, ont tendance à surtout le suivi escompté. Malheureusement, ce n’est pas toujours le
regarder le passé: « Ici, nous intégrons également les cas. Dès lors, je me suis distancié de ces rapports formalisés
dimensions de stratégies à moyen et long termes, avec pour adopter une approche plus ‘pragmatique’. D’abord, par
un regard sur les négociations menées au plus haut ni- le contenu: il est important que l’audit interne collationne
veau. L’objectif: analyser dans quelles mesures les options l’ensemble des problèmes de contrôle interne, en ce compris
présentées ou les décisions prises sont adaptées ou non ceux – de plus en plus nombreux – mis en exergue par les
à l’environnement interne de l’organisation. Cette démar- auditeurs externes, mais aussi par d’autres fonctions de Rec-
che permet de prendre du recul et d’intégrer différentes ticel (ICT, comptabilité, etc.). Ceci permet une meilleure prio-
décisions pour en valider la cohérence globale: est-ce que ritisation. Pragmatisme également par l’outil: une base de
tout est bien pris en considération, documenté en âme et données permettant une gestion automatisée de la commu-
conscience professionnelle? Cela rejoint également l’idée nication et des délais permet, sur un mode conversationnel,
de gestion des risques et de conseil interne. » un meilleur suivi. Cette approche, à la limite du consulting,
me semble aujourd’hui essentielle. »

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DOSSIER

TEXTE: CHRISTOPHE LO GIUDICE

L’auditeur interne
confronté à
une inflation
des attentes 29
L’audit interne se trouve dans une phase
charnière de son histoire, à en croire plusieurs
études récentes sur la fonction. Champs d’action
plus larges, inflation des compétences requises,
défis croissants à l’agenda… le tout dans un
contexte de guerre des talents marquée pour le
type de profils requis. Seule solution: anticiper!

L es auditeurs internes font l’objet de toutes


les attentions. Plusieurs enquêtes et livres
blancs viennent ainsi de passer au crible l’état
de la fonction et les évolutions qu’elle vit
aujourd’hui dans les entreprises. Confirmation des propos
échangés par les intervenants à la table ronde organisée par
l’Institute of Internal Auditors (lire les pages qui précèdent):
Cette évolution ne fait pas seulement apparaître de nou-
veaux défis importants, mais aussi de nombreuses diffi-
cultés nouvelles. « L’audit interne devra dorénavant trouver
un équilibre entre les attentes du Comité d’audit – ‘évitez les
problèmes’ – et celles de la direction – ‘faites progresser notre
business’ », résume Inge Boets, Global Business Risk Services
Leader chez Ernst & Young. Traduction: les auditeurs inter-
« Jusqu’ici, la principale tâche des auditeurs internes était nes doivent plus que jamais prouver leur importance straté-
de vérifier que les règles en matière d’établissement de rap- gique au sein de l’entreprise. Mais, pour ce faire, les mana-
port financier étaient respectées, souligne Ernst & Young en gers en audit interne devront penser autrement et surtout
marge de la publication de son étude Global Internal Audit réagir plus rapidement.
Survey. Les entreprises attendent également d’eux qu’ils exa- Même constat posé par KPMG dans son récent Livre Blanc in-
minent une plus large gamme de risques d’entreprise et qu’en titulé The Changing Role of Internal Audit. « La fonction est
plus, ils améliorent ses performances financières. » confrontée à de nouvelles demandes de la part du conseil d’ad-

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DOSSIER

ministration, des leaders de l’organisation et des régulateurs tion avec d’autres fonctions liées à l’audit au sein de l’entre-
bien au-delà des questions traditionnelles de conformité aux prise », confirme l’étude menée auprès de 138 professionnels
régulations, y lit-on. Leur rôle s’élargit pour inclure des activi- de l’audit interne dans 24 pays.
tés liées à la création de valeur, dans une perspective de plus Une coordination qui se révèle bien nécessaire, à en croire
grande performance. » les répondants. Ainsi, seuls 29% d’entre eux déclarent que
l’audit interne interagit et travaille en bon alignement avec
PLUS STRATÉGIQUE les autres fonctions de risk management présentes dans l’or-
Une évolution qui n’est pas sans lien avec l’évolution que ganisation. Dans près d’un cas sur cinq, il n’existe que peu ou
connaît la fonction de CFO dans bien des organisations, pré- pas du tout de partage d’informations.
cise KPMG. « Traditionnellement, le CFO est en charge de do-
maines tels que le risque, le reporting financier, la conformité PÉNURIE DE COMPÉTENCES
aux règlements en vigueur et les infrastructures. Ce qu’on peut Si les défis en termes de champs d’activité ne manquent
qualifier de rôle de ‘préservation de valeur’. Aujourd’hui, ils se pas, le plus sérieux chantier à rencontrer porte, d’après Ernst
voient confier d’autres champs d’action en complément: ils se & Young, sur le fait de trouver des personnes disposant des
trouvent ainsi de plus en plus au centre des processus de déci- compétences adéquates pour identifier et gérer les risques
sion, d’influence et de leadership. On attend d’eux un rôle plus
stratégique et orienté vers le business. »
De même, l’auditeur interne se positionne dans une pers-
pective de ‘création de valeur’, notamment en matière de « L’audit interne doit trouver
connaissances des risques de sorte de participer à l’amélio- un équilibre entre les atten-
ration de leur gestion. « En mettant en œuvre des analyses des
risques au niveau de l’entreprise et en couvrant les principaux tes du Comité d’audit – ‘évi-
domaines à risques, l’audit interne peut améliorer la coordina- tez les problèmes’ – et celles
30 de la direction – ‘faites pro-
« Améliorer la préservation de valeur, gresser notre business’ »
étendre la création de valeur »
d’entreprise croissants. Pas moins de 49% des structures
sondées disent avoir augmenté la taille de leur fonction
d’audit interne au cours des douze derniers mois et 38% des
répondants indiquent qu’ils travaillent à moins de 90% de
leur effectif budgété. De plus, 36% font état d’un taux de
rotation annuel supérieur à 15%.
Les compétences les plus difficiles à trouver sont celles
liées à l’ITC, aux fraudes ainsi qu’aux risques d’entreprise et
opérationnels. Plus d’un tiers des sondés affirment dispo-
ser d’un nombre insuffisant de collaborateurs instruits en
matière de dépistage et prévention des fraudes. Parmi les
autres domaines en déficit de personnel compétent, figu-
rent ceux des transactions et de la taxation. Les résultats
de l’enquête indiquent aussi que les équipes d’audit interne
devront fournir des efforts importants pour élargir leurs
compétences de base au domaine des risques d’entreprise
et opérationnels.
D’après le Livre Blanc publié par KPMG, l’audit interne a pour dou-
ble défi de maintenir et de renforcer ses activités de « préserva- EN PROFONDEUR
tion de valeur » (cercle en bas à droit sur le graphe) et de s’impli- L’aspect international apparaît également comme un défi
quer plus en profondeur dans des activités « créatrices de valeur » important pour les entreprises globalisées. « La plupart des
(cercle en haut à gauche), ce qui implique de la part des auditeurs analyses des risques internationales sont réalisées au niveau
internes de nouvelles compétences en ligne avec cet objectif. des quartiers généraux et tiennent par conséquent trop peu
compte de la langue, la culture et la réglementation locale. El-
Source: KPMG, The Evolving Role of the Internal Auditor, 2007 les ne traitent donc pas les questions suffisamment en profon-
deur », pointe le rapport. Autre chantier de taille: trop peu de

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départements d’audit évaluent le résultat de leur action. La
moitié des répondants ne mesurent pas la valeur que la fonc-
tion d’audit interne apporte à l’organisation, alors que 13%
Une photo de l’audit interne en Belgique
font ce calcul sur base d’économie de coûts générée.
En Belgique, la fonction d’audit interne se porte plutôt bien, révèle
Les metrics utilisés paraissent par ailleurs très rudimentaires:
une enquête menée dans le cadre de l’Institute of Internal Audi-
le pourcentage des audits réalisés comparé au plan d’audit
tors Research Foundation (IIARF) auprès de 12.000 responsables
est utilisé par 89% des répondants, pour 72% mesurant leur
de l’audit interne dans le monde, dont 102 en Belgique. Quelque
efficacité à la durée mise pour sortir leur rapport. « Si elle
57% des répondants belges décrivent leur fonction comme in-
veut renforcer sa pertinence pour les stakeholders, la fonction
dépendante, rapportant au Comité d’audit ou à son équivalent.
d’audit interne se doit d’aligner ses plans d’audit et la mesure
Globalement, il ressort de l’enquête que la fonction est considérée
de leurs performances à l’aide de mécanismes liées à la création
comme suffisamment crédible au sein de l’organisation et qu’elle
de valeur pour le business. »
dispose du statut requis pour être réellement efficace.
Pour un directeur de l’audit interne sur quatre, son service était
EN TEMPS RÉEL
jugé suffisamment staffé au moment de répondre à l’enquête,
De son côté, PricewaterhouseCoopers a également réalisé
mais une proportion identique reconnaît réduire le champ des
une étude visant à identifier les tendances susceptibles de
activités dès lors que les ressources humaines ne sont pas dispo-
dessiner les contours de la profession à l’horizon 2012. A cet-
nibles. Un sur trois déclare faire appel au « co-sourcing » et à l’out-
te fin, un questionnaire a été envoyé à plus de 250 directeurs
sourcing pour compenser le manque de compétences internes.
d’audit interne parmi les entreprises du classement « For-
En moyenne, les répondants ont reçu 58 heures de formation sur
tune », analyse complétée par des entretiens avec certains
l’année. Des formations qui sont plus fréquentes dans les organi-
d’entre eux pour un volet plus qualitatif. Plus de la moitié
sations où l’audit interne est très développé et qui tournent alors
d’entre eux s’attendent ainsi à un champ d’intervention plus
autour de la pratique et des strandards du métier (80% y sont for-
dynamique de l’audit, dans le cadre d’une gestion des risques
més chaque année ou plus souvent), de l’éthique (80%), des com-
« plus en temps réel ». Ce plan sera modifié en cours d’an-
née, de manière bien plus fréquente, sur la base de l’évolution
pétences en communication (80%) et du travail en équipe (40%). 31
Les personnes sondées ont également été confrontées à une liste
d’indicateurs de risques.
de 27 activités touchant à l’audit interne afin d’identifier celles
Se marque par ailleurs une belle unanimité quant au fait que
qu’elles prenaient en charge dans le cadre de leur fonction. Cinq
les outils technologiques, tant dans leur évolution que dans
en ressortent communes à tous les secteurs: administration
leur utilisation, prendront une part croissante dans le quoti-
(plan d’audit, affectation des tâches, etc. – 96%), audits opération-
dien de l’audit interne d’ici 2012. Autre constat: les compé-
nels (92%), testing de contrôle interne et évaluation de systèmes
tences traditionnelles en matière d’audit et de comptabilité
(90%), audit interne pur (87%), évaluation de la conformité aux
devront être complétées par d’autres aptitudes, plus adap-
règlements et codes de gouvernance (64%). Si l’on considère le
tées à une démarche d’analyse par les risques, par exemple
top 10, il ressort certaines différences selon la taille des équipes
l’analyse de données, les technologies de l’information et la
d’audit interne: les plus grandes prennent plus en charge l’évalua-
détection de la fraude, etc.
tion du département IT ainsi que les audits financiers que les peti-
« Au cours des cinq prochaines années, ces tendances vont
tes, plus actives en ERM, audit éthique et problèmes de sécurité.
vraisemblablement impacter de façon structurante de nom-
Si les activités externalisées ou co-sourcées sont relativement
breux départements avec des effets différents en fonction des
rares, certaines tendances peuvent être dégagées. Les forma-
secteurs d’activité, de la culture d’entreprise et des attentes des
tions aux techniques d’audit (30%), les audits financiers (28%)
dirigeants, conclut-on chez PwC. Néanmoins, c’est aujourd’hui
et l’évaluation de la qualité de l’audit interne (24%) sont les plus
qu’il faut s’interroger sur ces grandes questions pour être en
externalisés, alors que l’investigation en matière d’irrégularité ou
mesure de répondre aux enjeux de demain… »
de fraude ou l’évaluation de la conformité aux politiques internes
s’inscrivent plus souvent dans une perspective de co-sourcing.
Un tiers des sondés déclarent que l’audit interne ne joue pas un

« La plupart des analyses des rôle de conseil en matière de développement stratégique, mais
un sur cinq s’attend à voir sa fonction jouer un tel rôle dans les
risques internationales sont trois ans à venir. Un peu moins d’un répondant sur trois prend en

réalisées au niveau des quar- charge des formations de membres du comité d’audit interne et
quatre sur dix jouent un rôle de formateur interne auprès du per-
tiers généraux et ne traitent sonnel de l’entreprise en matière de contrôle interne, de corporate
governance et de conformité. Plus d’un sur cinq s’attend à ce que
pas les questions suffisam- la fonction prenne un tel rôle dans les trois ans à venir.
ment en profondeur. »
FINANCE MANAGEMENT - CFO MAGAZINE - N°14 - FEVRIER 2008
REGARDS ACADÉMIQUES
FISCALITÉ

TEXTE : OLIVIER COLOT - PHOTO : SARAH VANASCHE

« La transmission a une influence


sur la performance
des PME familiales «
Docteur en sciences de gestion et assistant au service Comptabilité et gestion
à l’Université de Mons-Hainaut, Olivier Colot a décroché le « CeFiP Academic
Award » pour sa thèse sur la transmission des PME familiales non-cotées:
approche de la transmission en Wallonie et impact sur la performance des
entreprises1. Il nous livre les grandes lignes de sa recherche.

32
L a santé d’une région, d’un pays se reflète le plus
souvent dans la prospérité et dans le dynamisme
des petites et moyennes entreprises qui s’y dé-
veloppent, y exercent leur activité en fournissant
des emplois directement ou en permettant la création d’em-
plois en amont et en aval de la chaîne économique. Or, chaque
année, de nombreuses entreprises disparaissent ou déposent
Comme la plupart des informations concernant la nature fa-
miliale des entreprises ou leur transmission ne sont pas direc-
tement disponibles, dans aucune base de données préétablie,
nous avons eu recours à une enquête2 par questionnaire por-
tant sur la transmission des PME de manière à pouvoir récolter
ces informations et à constituer notre propre corpus. Outre
l’inexistence de données compilées sur notre thème de recher-
leur bilan en raison d’un problème de transmission. Ainsi, un che, une revue des études empiriques antérieures n'a montré
grand nombre d’emplois sont perdus annuellement avec la fer- que quelques enquêtes.
meture d’entreprises qui n’ont pas su ou pu trouver une solution
au problème de leur transmission. CARACTÉRISTIQUES DES PME FAMILIALES
Selon les estimations d'un groupe d'experts de la Commission Les résultats statistiquement significatifs de l’enquête ont
Européenne, un tiers des entreprises européennes feront l'objet montré que les PME de notre échantillon sont majoritairement
d'une transmission dans les dix prochaines années, soit entre 25 et de nature familiale (81,33%). Rapportée à la population totale,
40% des entreprises selon les Etats membres. Vu l’importance de cette information nous permet d’estimer que sur les 8.917
ces chiffres, le problème de la transmission peut avoir des consé- PME wallonnes en activité depuis quinze ans et occupant
quences dramatiques au niveau macro-économique: disparition au moins deux travailleurs (et représentant 55.284 emplois),
d’entreprises et d’emplois, coût social important, manque à gagner 7.252 seraient de nature familiale. La PME familiale est donc
pour l’Etat et les Régions, détérioration du tissu industriel, etc. bien le type d’entreprises dominant en Wallonie. Ce résultat
Depuis le début des années 1980, de nombreuses recherches confirme les études précédentes. Selon ces mêmes critères
ont été réalisées sur la transmission de l’entreprise et, en par- (quinze ans d’activité et minimum deux travailleurs) appli-
ticulier, de l’entreprise familiale. Cependant, peu de recherches qués à la Belgique (35.356 PME représentant 55.284 emplois),
se sont intéressées aux performances des entreprises familia- il y aurait 28.755 PME familiales. Enfin, si nous appliquons
les lors l’opération de transmission. C’est cette problématique ce pourcentage à l’ensemble des 234.158 PME belges [ONSS,
que nous avons choisi de développer. Notre état de l’art nous a 2002], 190.440 seraient des PME familiales.
conduit à poser trois questions centrales: L’enquête nous a également permis d’observer que les PME
1. Quelles sont les caractéristiques des PME familiales en Wallonie? familiales sont nettement moins représentées dans les sec-
2. Quelles sont les caractéristiques des transmissions de teurs des services et de l’industrie, et qu’elles sont en géné-
PME familiales en Wallonie? ral plus petites que les PME non familiales. Plus de 95% des
3. La transmission d’une PME familiale a-t-elle un impact sur dirigeants sont également propriétaires de leur entreprise
sa performance commerciale, économique et financière? et la structure de l’actionnariat des PME est principalement

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Parmi les PME à transmettre dans les dix prochaines années,
44,81% d’entre elles n'ont pas encore effectué de démarches
concrètes pour préparer et planifier la transmission, et 21,57%
pour les transmissions dans les deux ans. Nous avons égale-
ment constaté que 52,78% des dirigeants âgés de plus de 60
ans n’ont pas encore pris de mesures concrètes afin de prépa-
rer la transmission de leur PME familiale. Les principales rai-
sons évoquées au fait qu’ils ne se retirent pas sont soit l’envie
de continuer, le manque de revenus, l’absence de repreneur ou
la volonté d’éviter des conflits familiaux. Par rapport aux résul-
tats des études précédentes, nous constatons néanmoins une
certaine prise de conscience de la part des dirigeants de PME
mais il reste encore du chemin à parcourir pour arriver à un
climat favorable à la transmission. Les besoins en information
des dirigeants concernant la transmission sont nombreux et
touchent principalement les domaines fiscaux.
Parmi les réponses, nous avons identifié 159 PME de seconde gé-
nération (dont 130 à caractère familial), soit un taux de 40,7%.
En moyenne, la durée du processus de transmission est de pres-
que trois ans (34,19 mois). Les trois principaux contextes de
transmission sont le départ à la retraite du dirigeant (dans un
peu plus de 50% des cas), le décès du dirigeant (16,7%) et la re-
distribution du capital (12,3%), qui peut être assimilée dans une
Olivier Colot: « L’accent a jusqu’à présent été mis sur la certaine mesure à la retraite au cas où il y a transfert des actions
création d’entreprises. Or, au regard de la préservation de du dirigeant à ses enfants, ou à d’autres actionnaires existants. 33
l’emploi, la transmission d'entreprises représente égale- A la transmission, l’âge moyen du dirigeant de 59,48 ans, ce
ment un enjeu majeur. » qui est finalement assez jeune et ne nous donne pas de signe
d’enracinement. Néanmoins, la comparaison des PME fami-
composée des membres de la famille. En effet, 87,2% des liales et des PME non familiales montre que les dirigeants de
PME sont détenues majoritairement par la famille et ont PME familiales transmettent leur entreprise plus tard que les
un conseil d’administration composé pour la majorité de dirigeants de PME non familiales. Un profil des repreneurs s’est
membres provenant de la famille. Enfin, l’âge moyen des également dégagé de l’enquête. En effet, 70% des repreneurs
dirigeants de l’ensemble des PME est de 49,21 ans. Cette sont un membre de la famille, très souvent seul repreneur, de
donnée permet d’estimer que 21,9% des PME devraient être genre masculin et ayant acquis une expérience dans le domai-
transmises dans les cinq prochaines années et 36,9% dans ne d’activité de l’entreprise d’une durée de plus de trois ans.
les dix années à venir (en tenant compte d’un départ théori- L’âge moyen est de 34 ans. 67,8% des repreneurs sont issus
que à la retraite à 65 ans). d’une formation de niveau supérieur (dont 27,1% une forma-
tion universitaire, 16,4% une formation de type long et 24,3%
CARACTÉRISTIQUES DES TRANSMISSIONS une formation de type court).
L’enquête nous indique que 55,1% des PME interrogées seront L’enquête a également permis de mettre en évidence des ni-
transmises dans les dix prochaines années, selon les délais de veaux d’éducation plus élevés dans les PME familiales par rap-
transmission prévus par les dirigeants. Ces résultats, extra- port aux non familiales. Enfin, 67,1% des repreneurs avaient
polés à la population des 8.917 PME wallonnes et représen- déjà un pied dans l’entreprise, soit en tant que salariés (35%),
tant 55.284 emplois (notre échantillon étant représentatif), soit en y exerçant déjà des fonctions de direction (32,1%). Les
indiquent qu’un peu moins de 5.000 PME wallonnes seront autres repreneurs étaient, quant à eux, soit salariés dans une
à remettre dans les dix prochaines années, ce qui représente autre entreprise (13,1%), soit chefs d’une autre entreprise
également 31.000 emplois. Les mêmes proportions appliquées (6,6%). La période de transition s’étale en moyenne sur 52,5
aux 35.356 PME en activité depuis quinze ans en Belgique et mois et est nettement plus élevée dans les PME familiales,
occupant au moins deux travailleurs, soit 216.425 emplois même si nous avons constaté qu’un peu plus d’un quart des
mènent à un peu moins de 20.000 PME à transmettre, soit transmissions se réalisent sans période de transition. La majo-
122.400 emplois. L’enquête confirme donc très clairement rité des transmissions de PME s'effectuent par revente (56%),
l’acuité que revêtira la problématique de la transmission au ensuite par succession (23,1%) ou donation (13,4%).
cours de la décennie à venir. La transmission constitue donc un Pour améliorer le taux de préparation à la transmission (et
véritable enjeu économique et humain. donc, le taux de succès des transmissions), il faudrait susciter

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REGARDS ACADÉMIQUES

l’intérêt des chefs d’entreprises, les sensibiliser et veiller à ce


qu’ils reçoivent toutes les informations et les conseils néces- Le « CeFiP Academic Award » est une initiative du Cen-
saires. Il faudrait également intéresser les gouvernements, tre de Connaissances du Financement des PME (CeFiP).
les établissements financiers et les organismes profession- Attribué annuellement, il récompense trois étudiants en
nels spécialisés dans la transmission. Une autre piste pour- possession d’un diplôme de master dont la thèse apporte
rait également résider dans la simplification des procédures une valeur ajoutée en matière de financement des PME
et des outils nécessaires à la transmission. en Belgique. Cette année, c’est donc Olivier Colot, de l’Uni-
Enfin, il faut faciliter l’accès à l’offre et à la demande de reprise versité de Mons-Hainaut, qui a remporté le premier prix
d’entreprises grâce à des bourses d’achats/ventes. En effet, de d’une valeur de 3.000 € grâce à sa thèse de doctorat sur La
plus en plus d’entreprises familiales étant revendues à des per- transmission des PME familiales non-cotées: approche de
sonnes externes à la famille, il est nécessaire de créer un outil la transmission en Wallonie et impact sur la performance
pour les mettre en relation, ce qui est chose faite depuis mai des entreprises. La deuxième lauréate, Dorien Crauwels,
2005 en Flandre avec la bourse virtuelle Overnamemarkt, juin étudiante à l’Université d’Anvers, a travaillé sur le thème
2006 pour la Wallonie avec Sowaccess et octobre 2006 pour la Financiering van de bedrijfsoverdracht binnen familiebedri-
Région de Bruxelles-Capitale avec BruTrade. jven. Le projet de Tine Claeys de la Vlerick Management
School et de Wouter De Maeseneire de l’Erasmus Univer-
IMPACT SUR LA PERFORMANCE sity Rotterdam a obtenu le troisième prix pour un Wor-
Dans cette dernière partie, les informations collectées sur les king Paper intitulé SME’s, Foreign Direct Investments and
transmissions lors de l’enquête ont été complétées par des financial constraints. L’award a été attribué à l’occasion du
indicateurs comptables pour former notre base de données colloque « Financement public de l’économie belge », qui
« Transmission ». Pour analyser l’évolution de la performance a eu lieu le 12 décembre à la Bibliothèque Solvay.
d’une PME familiale après l’opération de transmission, nous
avons choisi de la comparer à une entreprise témoin qui n’a
pas fait l’objet d’une transmission. Nous avons donc travaillé préparées qui ont disparu n’ont pu être interrogées. Les mêmes
34 sur des échantillons appariés de la manière suivante: tests réalisés sur les PME non familiales ont montré que la per-
• entreprise familiale ou non; formance après la transmission varie de manière plus négative
• secteur d’activité: code NACEBEL à 4 chiffres; lorsque l’opération de transmission n’a pas été préparée
• taille : le total de l’actif ne peut pas varier de plus ou moins 20%.
Nous avons ainsi obtenu 102 paires « une PME transmise/une c) Contexte de la transmission
PME non transmise », dont 78 à caractère familial et 24 à ca- La comparaison des deux principaux contextes de transmis-
ractère non familial. sion a montré une influence négative sur les performances,
Les résultats de nos tests ont montré de manière statisti- pendant environ deux ans, des transmissions suite au décès
quement significative que l’opération de transmission a du dirigeant, alors que les performances réalisées par les PME
une influence sur la performance des PME familiales. Notre familiales transmises lors du départ à la retraite du dirigeant
recherche valide la « théorie de sens commun » et confirme s’améliorent directement après la transmission.
les études précédentes ayant mis en évidence une influence
positive de la transmission sur les performances. Cependant, d) Type de repreneur
nous pensons que certains aspects de la transmission peu- Le type de repreneur a également une influence sur les perfor-
vent avoir une influence positive ou négative: mances de la PME familiale. En effet, les résultats ont montré une
chute progressive de la performance lors des années qui suivent
a) Enracinement du dirigeant la transmission en cas de repreneur externe alors que pour les
L’enracinement du dirigeant membre de la famille a une in- PME familiales transmises à un repreneur interne, la tendance
fluence positive sur les performances de l’entreprise tant qu’il inverse a été constatée. Les avantages liés au repreneur interne
reste en place. Cependant, au départ du dirigeant enraciné, sont donc supérieurs à ceux du repreneur externe.
l’évolution de la performance est négative alors qu’elle est en
progression lorsque le dirigeant n’était pas enraciné. e) Technique de transmission
De nettes différences ont été mises en évidence selon que la PME
b) Préparation de la transmission familiale se transmet par donation, par succession ou par revente.
Aucune différence de performance n’a pu être mise en évidence Ainsi, les transmissions par succession subissent une détérioration
entre les PME familiales préparées à la transmission et les non de leur performance pendant les deux années qui suivent la trans-
préparées, ce qui confirme en partie les résultats descriptifs mission. Ensuite, l’évolution des performances montre une amé-
obtenus lors de l’enquête. Une réponse possible à ce constat lioration. Cette période plus difficile peut notamment provenir du
surprenant peut provenir du fait que notre échantillon n’était fait qu’aucune transition n’a pu être réalisée, que le changement
constitué que de PME encore en activité. Dès lors, les PME non est beaucoup plus brutal, ou encore que le nouveau dirigeant n’ac-

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Hypothèses de performance Validée ? Performance des « transmises » par Evolution de la perfor- Autres comparaisons
rapport aux « non transmises » mance après transmission opérées ou observations
La performance d'une PME familiale est OUI*** >
influencée de manière significative par sa
transmission
La performance d'une PME non familiale est ns < Tendance inverse aux
influencée de manière significative par sa (sauf ROE) (sauf ROE) PME familiales transmises
transmission
L’enracinement des dirigeants de la PME Impact positif de
familiale (membres de la famille) influence OUI*** l’enracinement tant que
positivement la performance : le dirigeant reste en
• Dirigeant enraciné *** > place, négatif après le
• Dirigeant non enraciné *** > changement
La performance d'une PME familiale après la • Résultats de l’enquête
transmission varie de manière négative lorsque NON*** similaires
l’opération de transmission n’a pas été préparée: • Pour les PME non
• transmission préparée *** > familiales, évolution
• transmission non préparée *** > plus négative si pas de
préparation
La performance d'une PME familiale varie de maniè- OUI*** Influence négative à
re significative selon le contexte de la transmission: court terme en cas de
• transmission suite au décès du dirigeant *** < transmission suite au
• transmission suite au départ à la retraite *** > décès du dirigeant
La performance d'une PME familiale après sa
transmission varie de manière significative en OUI***
fonction du type de repreneur choisi: (sauf ROE)
• repreneur interne à la PME *** >
• repreneur externe à la PME ns <
La performance d'une PME familiale après sa Influence négative
transmission varie de manière significative en
fonction de la technique de transmission choisie:
OUI*** pendant deux ans de
la transmission par
35
• transmission par succession *** < succession
• transmission par donation ns <
• transmission par revente *** >

*** : résultats statistiquement significatifs


ns : résultats statistiquement non significatifs

quière pas immédiatement les compétences spécifiques pour gé- für Gewerbe-und Handelsforschung, 2002], 96% des trans-
rer l’entreprise convenablement. Par contre, la technique de trans- missions d'entreprises réussies survivent à la période critique
mission par revente a une influence positive sur les performances. des cinq premières années alors que seulement 75 % des
Enfin, le manque de significativité des résultats des transmissions créations passent ce cap!
par donation ne nous permet que d’observer une baisse des perfor- Les pouvoirs politiques belges se sont beaucoup préoccupés
mances lors des années qui suivent la transmission. de la création d'entreprises au cours de la dernière législature.
Même au niveau européen, l'accent a jusqu'à présent été mis
CONCLUSIONS sur la création d'entreprises. Or, au regard de la préservation
Lorsque la transmission familiale est réussie, les repreneurs as- de l'emploi, la transmission d'entreprises représente égale-
surent une certaine innovation, remettant en question les pa- ment un enjeu majeur. Si la création d'entreprises est l'essence
radigmes établis et peuvent, par conséquent, gérer plus habi- même du renouvellement, la transmission d'entreprises per-
lement la performance de l’entreprise et ainsi se montrer plus met de maintenir un réseau existant, voire même de le renfor-
offensifs dans la recherche de nouveaux projets générateurs cer, l'améliorer et de bénéficier de la courbe d’expérience.
de croissance. La combinaison des générations, lorsqu’elle est
harmonieuse, en synergie et maîtrisée, permet de tirer à la fois
parti du dynamisme, de l’impatience et de l’énergie des jeunes 1
Synthèse de la thèse de Doctorat en sciences de gestion soutenue
ainsi que de la sagesse, de l’expérience des plus âgés. et obtenue le 03/05/2007 à l’Université de Mons-Hainaut par Oli-
La Commission Européenne, en 2003, émettait l’avis que la vier Colot et 1er prix du CeFiP Academic Award 2007, récompen-
phase de transmission dans le cycle de vie d'une entreprise sant la recherche sur le financement des PME en Belgique, décerné
méritait davantage d'attention et une action coordonnée. par le CeFiP (Centre de Connaissances du Financement des PME).
Notre étude nous conduit à surenchérir et réclamer autant, 2
L’enquête a été réalisée dans le cadre du projet européen Equal
voire plus, d’attention et de moyens à la transmission qu'à la – QualiCréa et a été financée en grande partie par le Fonds Social
création d'entreprises. Selon une étude autrichienne [Institut européen (FSE).

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FISCALITÉ

TEXTE : GUILLAUME HOLLANDERS ET STÉPHANE JOURDAIN

Acquisition d’une entreprise:


l’importance du due
diligence fiscal
Le « due diligence fiscal » constitue une condition sine qua non
d’une acquisition réussie. Il permet d’appréhender la cible et son
environnement, de négocier le transfert des actions de celle-ci et de
procéder si nécessaire à de l’optimisation fiscale post acquisition. En tant
36 que tel, il représente une opportunité unique de gérer la situation fiscale
passée, présente et future de la cible. Explications.

D ans le cadre de son développement, une so-


ciété (ou un groupe de sociétés) peut être
amené(e) à acquérir une entreprise (ci-après
« la cible »). Une telle acquisition peut par
exemple répondre à un souci de renforcement des activités
existantes (par exemple par la création de synergies), ou s’ins-
crire dans une stratégie de déploiement de nouvelles activités.
rôle que joue le due diligence fiscal. Bien que nous nous limi-
tions dans le cadre de cet exposé au due diligence « classique »
(due diligence pour le compte de l’acheteur), il n’est pas rare
que le due diligence soit effectué pour le compte du vendeur.
Ce dernier utilisera alors le résultat de l’analyse pour la présen-
ter aux acheteurs potentiels. Bien que l’optique soit différente,
certains des principes esquissés ci-après restent néanmoins
A cette occasion, il convient en principe de procéder à une ana- d’application dans ce cas de figure.
lyse de la cible, plus communément appelé « due diligence ».
Cette analyse est une opportunité pour le candidat acquéreur PROCÉDURE
de mieux connaître le fonctionnement de la cible, l’environne- Traditionnellement, le due diligence se déroule après une
ment dans lequel elle évolue ainsi que les éventuels risques ou phase de discussions préliminaires, durant laquelle le ou les
litiges auxquels celle-ci pourrait être confrontée. candidats acquéreurs tentent d’obtenir une période d’exclu-
L’exercice de due diligence peut porter sur des éléments aussi sivité afin d’effectuer le due diligence. Les conclusions du due
variés que les aspects financiers (incluant les prévisions à diligence sont ensuite intégrées dans les négociations relati-
court voire moyen terme), juridiques (droit commercial, droit ves à la convention de cession (« share purchase agreement »
de la concurrence, droit de la propriété intellectuelle,…), in- - ci-après « SPA ») qui mèneront au « signing » (la signature
formatiques (adéquation des systèmes utilisés à l’activité du SPA) puis au « closing » (la clôture de la transaction avec
exercée), environnementaux (respect des normes imposées transfert des actions et, généralement, détermination du
par les différents niveaux de pouvoir, efforts à faire en termes prix définitif). La détermination du prix peut par ailleurs être
de décontamination,…), sociaux (droit du travail, dispositions soumise à une clause de « earn-out ». Dans ce cas, une partie
en matière de sécurité sociale,…) ou fiscaux (impôts sur les du prix est variable en fonction des résultats futurs, sur un
revenus, taxe sur la valeur ajoutée, impôts régionaux,…). nombre d’exercices comptables défini, de la cible.
Nous nous attarderons ici à décrire dans les grandes lignes le Sur le marché belge, la période octroyée classiquement à l’ac-

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Guillaume Hollanders et Stéphane Jourdain: « L’exercice de due diligence peut porter sur des éléments aussi variés
que les aspects financiers, juridiques, informatiques, environnementaux, sociaux ou fiscaux. »

37
quéreur pour effectuer son due diligence est de quatre à huit seules quelques personnes au sein de la cible soient au courant
semaines, selon la complexité de l’acquisition (e.g. nombre et des pourparlers en vue d’une reprise éventuelle.
localisation des entités à auditer). Idéalement, le due diligence Afin de répondre à ce souci de confidentialité, et également en
est initié par une « management presentation » visant à donner vue de faciliter la consultation simultanée par plusieurs person-
un aperçu de la cible, de sa situation actuelle et des projections nes d’un même document, se sont développés des systèmes de
futures. Sur la base de notre expérience, nous recommandons « data room » virtuelle, dans lesquels l’information est stockée
vivement aux différentes parties d’assister, dans la mesure du sur un site internet dont l’accès est sécurisé. Dans un cas comme
possible, à cette présentation. C’est en effet une occasion uni- dans l’autre, des instructions spécifiques peuvent être données
que se forger une première impression quant à la cible et ainsi quant à la possibilité de prendre des copies (pour des raisons
orienter de manière plus efficace la suite des opérations. de confidentialité, certains documents pourraient en effet faire
Le cœur du due diligence est la « data room ». Il s’agit d’une salle l’objet d’une interdiction de duplication – e.g. contrats de tra-
dans laquelle est stockée l’information relative à la cible. Bien vail) ou de poser des questions additionnelles. Typiquement, un
que cette « data room » puisse être localisée dans les locaux de système de questions-réponses est mis en place par voie écrite,
la cible, elle est bien souvent organisée dans les bureaux de ses avec le cas échéant l’une ou l’autre réunion entre spécialistes.
conseillers pour des raisons de confidentialité. Dans le cas, no-
tamment, de petites acquisitions, il n’est en effet pas rare que RÉDACTION DU RAPPORT
Sur la base des informations glanées lors de la « management
presentation », dans la « data room » et via la procédure de
questions-réponses, les conseillers fiscaux de l’acheteur rédi-

« Il convient d'identifier gent un rapport dans lequel ils décrivent la situation fiscale
de la société ainsi que les risques pour le passé (et éventuel-
les opérations de lement pour le futur).

réorganisation passées qui Situation fiscale de la société


imposent des contraintes Ceci inclut:

sur les possibilités de - une revue du respect des formalités fiscales (récapitulatif
des déclarations fiscales et autres fiches et formulaires
restructuration future. » introduits et restant à introduire);

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FISCALITÉ

- un résumé des contrôles fiscaux ayant eu lieu. Ceci per- montrer que les biens ont quitté le pays et que ceux-ci
met notamment d’évaluer certains risques. Le fait par sont bien arrivés dans un pays déterminé;
exemple qu’une position prise par la cible ait déjà été ac- - l’application/la récupération de la TVA sur certains services. Il
ceptée (ou au contraire refusée) lors d’un contrôle fiscal existe en effet des prestations de services pour lesquelles, se-
antérieur constitue un élément favorable (ou défavora- lon que certaines conditions sont remplies ou pas (e.g. leasing
ble) dans l’appréciation du risque y relatif; immobilier), la TVA doit ou être appliquée à la sortie (et peut
- une description d’éventuels accords fiscaux (« rulings ») corrélativement faire l’objet d’une récupération à l’entrée).
dont la cible pourrait bénéficier ; Ceci peut également inclure la description d’éventuels risques
- un inventaire des déductions reportables (pertes fisca- qui seraient liés à des opérations concomitantes au « closing »
les, etc.). Celles-ci peuvent en effet engendrer des éco- (e.g. abandon de créance sur un prêt intragroupe auquel il doit
nomies fiscales futures et peuvent dès lors, en tant que être mis fin en raison du changement d’actionnaire).
telles, être valorisées lors de la détermination du prix;
- une validation des montants de provisions fiscales re- IMPLICATIONS
prises dans les comptes. Ceci vise à s’assurer que les Les conclusions tirées dans le cadre du due diligence fiscal
provisions en question sont suffisantes pour couvrir les peuvent être prises en compte de diverses manières dans le
impôts restant à payer; cadre de la négociation de la convention de cession:
- une analyse de la composition fiscale des réserves de la - dans le cas le plus simple, le risque fiscal en question
société. En effet, il peut être intéressant, voire nécessaire peut être couvert par les indemnités génériques tradi-
pour l’acquéreur, de réorganiser les fonds propres de la tionnellement incluses dans un SPA. Il s’agit en l’occur-
société après l’acquisition. rence de risques ayant une probabilité de survenance
faible et portant sur des montants peu élevés;
Risques éventuels pour le passé (et éventuellement pour le futur) - si le risque a une probabilité de survenance plus élevée et/
Cette partie du rapport vise à identifier les éventuels risques fis- ou porte sur des montants plus importants, le SPA peut
caux relatifs à des prises de position de la société. Le droit fiscal prévoir une indemnité spécifique à charge du vendeur dans
38 reste en effet une matière complexe dont l’application pratique le cas où le risque se matérialise (généralement l’octroi de
est souvent sujette à interprétation. En fonction du profil de ris- l’indemnité sera soumis à certaines conditions et fera l’ob-
que de la société cible et de son «appétit fiscal», il se peut donc jet d’un plafond). Alternativement, si le risque est encore
qu’elle ait par le passé appliqué (ou utilisé) les règles fiscales de plus probable (par exemple en cas de litige porté devant les
manière plus ou moins agressive. instances judiciaires), les parties peuvent se mettre d’ac-
Il convient par ailleurs d’identifier les opérations de réorganisa- cord sur une réduction du prix ab initio (avec le cas échéant
tion passées qui imposent des contraintes sur les possibilités de une clause selon laquelle un complément de prix sera payé
restructuration future. Traditionnellement, un due diligence fis- par l’acquéreur si, au final, le risque ne se réalise pas);
cal porte au moins sur les aspects d’impôts sur les revenus et de - enfin, en cas d’identification d’un risque fiscal d’une telle im-
taxe sur la valeur ajoutée. Les risques classiquement identifiés portance que celui-ci ne peut ni être couvert par une indemnité
incluent notamment: ni donner lieu à une réduction de prix, il peut être envisagé de
- le non-respect des obligations formelles (introduction des ne pas procéder à la transaction (« deal breaker »). Il s’agit bien
déclarations fiscales, de certains formulaires, de fiches fis- entendu d’un cas extrême qui reste assez rare en pratique.
cales, etc.); Par ailleurs, les conclusions du due diligence fiscal peuvent être
- la manière dont sont pris en compte les principes appli- utilisées en vue d’optimiser la structuration fiscale lors de l’ac-
cables en matière de prix de transfert. Dans ce contexte, il quisition (e.g. choix du véhicule d’acquisition) et après celle-ci.
convient de lister les relations que la cible entretient avec
des entités liées et d’évaluer, dans la mesure du possible, si CONCLUSION
ces transactions sont effectuées à des conditions « de mar- Le due diligence fiscal constitue une condition sine qua non d’une
ché » et si la documentation y afférente (contrats, études acquisition réussie. Il permet en effet d’appréhender la cible et son
de comparables, factures,…) semblent suffisantes afin de environnement, de négocier le transfert des actions de celle-ci et de
supporter la rémunération appliquée; procéder si nécessaire à de l’optimisation fiscale post acquisition.
- la non-application du régime d’auto-liquidation. Dans En tant que tel, il représente une opportunité unique de gérer la si-
certains cas, c’est en effet le preneur du service (et non tuation fiscale passée, présente et future de la cible. Il convient par
le prestataire) qui est tenu de déclarer et d’acquitter lui- conséquent d’y accorder une attention toute particulière.
même la TVA sur les services qui lui sont procurés;
- la disponibilité des documents de transport. Lorsque des Cette rubrique a pu être
biens sont transportés et quittent le pays, l’assujetti qui réalisée grâce à
effectue la livraison de biens doit être à même de dé- la collaboration de

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DROIT

TEXTE: ANTOINE GREINDL

Actualités en matière
d’assistance financière
L’article 23 de la directive 77/91/EEC (telle que modifié par l’article 6 de la
directive européenne 2006/68/EC du 6 septembre 2006) donne la possibilité
– mais non l’obligation – aux Etats Membres de permettre aux sociétés de
fournir une assistance financière (avancer des fonds, faire crédit ou donner
des sûretés) en vue de l’acquisition de leurs actions par des tiers sous
certaines conditions.

E n vertu de l’article 629 du Code des Sociétés, « une


société anonyme ne peut avancer des fonds, ni ac-
corder des prêts, ni donner des sûretés en vue de
l’acquisition de ses actions ou de ses parts béné-
ficiaires par un tiers (…) ». Des dispositions similaires sont prévues
pour les autres types de sociétés à responsabilité limitée.
Cette règle est inspirée de la réglementation européenne, et
conséquent autorisé, pour autant que d’autres règles
légales ne soient pas violées à cette occasion (montants
non distribuables, intérêt de la société et objet social…).
- Les notions d’avances de fonds, de prêts et de sûretés
doivent par contre être interprétés largement, de sorte
que le concept de « sûretés » est par exemple censé en-
glober non seulement les sûretés traditionnelles telles
39

des variantes plus ou moins strictes existent dans la législa- qu’un gage ou une hypothèque, mais aussi toute forme
tion des autres pays membres de l’Union Européenne. Elle de garantie ou toute autre opération grevant les actifs
vise notamment à protéger les intérêts des créanciers de la de la société. Une sûreté sur les actions de la société
société, dont les intérêts pourraient être lésés par de telles tombera par exemple en dehors du champ d’application
opérations (le capital de la société est en effet le premier de la réglementation, dans la mesure où l’on ne peut as-
« buffer » de ceux-ci). similer les actions d’une société aux actifs de celle-ci.
Bien qu’il s’agisse de réglementations différentes, la matière - La société fournissant l’assistance financière (i.e. son
entretient des liens étroits avec les problèmes d’intérêts so- conseil d’administration) doit avoir su, ou n’avoir pu rai-
cial (i.e. une opération déterminée bénéficie-t-elle réellement sonnablement ignorer que l’assistance contribuerait ou
à la société?), et la jurisprudence publiée traite d’habitude les faciliterait l’acquisition de ses actions. Ce lien causal n’est
deux questions de manière parallèle. pas interprété strictement, et une situation présentant un
Cette disposition a notamment un intérêt dans le cadre du décalage dans le temps (même important) est également
financement de l’acquisition d’une société, dans la mesure susceptible de tomber dans le champ d’application de la
où elle limite les possibilités pour un acheteur éventuel de réglementation (la société ne pourrait ainsi pas refinancer
financer l’acquisition en donnant des sûretés sur les actifs de la dette découlant de l’acquisition de ses propres actions).
la société visée (gage sur fonds de commerce par exemple). - L’article 629 du Code des Sociétés concerne l’assistance accor-
dée par une société pour l’acquisition de ses propres actions.
1. DESCRIPTION L’assistance financière accordée pour l’acquisition des actions
D’un point de vue juridique, les remarques suivantes peuvent d’une société (directement ou indirectement) liée est en prin-
être faites: cipe permise. A ce propos, il importe de souligner qu’un tribu-
- L’énumération de l’article 629 est exhaustive et cette dis- nal sera enclin à juger particulièrement sévèrement ce type
position doit être interprétée de manière stricte. Tout de situations, particulièrement si l’assistance est accordée
autre type d’ « assistance » (diminution ou rembourse- pour l’acquisition des actions d’une société mère ou sœur et
ment de capital, distribution de dividendes …) est par que la société ne titre aucun bénéfice réel de l’opération.

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DROIT

- Un certain nombre d’exceptions sont prévues par le


Code des Sociétés, et excluent l’application de l’article
(a) aux opérations conclues par les établissements de
crédits et (b) aux avances, prêts et sûretés consentis à
des membres du personnel (ou, dans certaines condi-
tions, à une société contrôlée par ceux-ci) de la société
pour l’acquisition d’actions de celle-ci.
Une violation de l’article 629 du Code des Sociétés est suscepti-
ble d’entraîner l’annulation des actes juridiques concernés (tels
que le prêt ou la sûreté accordés), mais également la respon-
sabilité civile et pénale des membres de l’organe d’administra-
tion, mais aussi de tiers, tels la banque ayant financé l’opéra-
tion et obtenu une sûreté sur les actifs de la société cible.
Typiquement, une responsabilité dans le cadre d’une violation
de l’article 629 du Code des Société sera mise en jeu par le
curateur dans le cadre d’une faillite de la société ayant fourni
l’assistance financière. Un arrêt de la Cour d’Appel de Gand du
Antoine Greindl: « La compétition entre législateurs aidant, il est possi-
5 avril 2005 a en particulier interprété de manière extrême-
ble qu’à plus ou moins long terme le prescrit légal soit modifié dans le
ment large le concept d’assistance judiciaire, en l’appliquant
sens suggéré par la directive européenne. »
au cas suivant: une partie tierce acquiert une société ano-
nyme et finance cette acquisition par un emprunt consenti
par une banque belge. Il est entendu que cet emprunt sera 2. VERS UNE MODIFICATION
remboursé via la distribution d’un dividende par la société ci- LÉGISLATIVE?
ble. La situation de celle-ci n’évoluant pas favorablement, la L’article 23 de la directive 77/91/EEC (telle que modifié par
40 distribution projetée s’avère impossible. l’article 6 de la directive européenne 2006/68/EC du 6 sep-
La banque va alors consentir un prêt à la société, afin de lui tembre 2006) donne la possibilité – mais non l’obligation -
permettre de procéder à la distribution de dividende proje- aux Etats Membres de permettre aux sociétés de fournir une
tée. Ce nouveau prêt sera garanti par un gage sur fonds de assistance financière (avancer des fonds, faire crédit ou don-
commerce accordé par la société. Suite à la faillite de celle-ci, ner des sûretés) en vue de l’acquisition de leurs actions par
l’affaire est portée devant les tribunaux par le curateur, et la des tiers sous certaines conditions:
Cour d’Appel décidera finalement que l’opération est à qua- - La transaction aura lieu sous la responsabilité de l’or-
lifier d’assistance financière au sens de l’article 629 du Code gane d’administration dans des conditions normales de
des Sociétés, dans la mesure où l’opération toute entière ne marché. Le texte de la directive insiste (de manière non
tendait, du point de vue de la société, qu’à faciliter l’acquisi- limitative) sur les critères devant guider l’interprétation
tion de ses propres actions par un tiers. de la notion de « conditions normales de marché » : il
La position de la Cour d’Appel de Gand semble en tout cas s’agit particulièrement du taux d’intérêt accordé à la
limiter les figures envisageables en matière de financement société, des éventuelles sûretés données en garantie
d’acquisitions (notamment concernant la technique dite du du prêt ou de l’avance. La solvabilité (‘credit standing’)
debt push down) Il n’est cependant pas certain que cet arrêt de l’emprunteur devra en tous les cas être dûment exa-
soit de nature à être suivi par d’autres juridictions. Cette ap- minée, et permettra sans aucun doute entre autres de
proche est d’ores et déjà critiquée dans la doctrine, du fait de s’assurer du respect des autres conditions (taux d’inté-
son caractère particulièrement large. rêt et sûretés). L’on imagine sans peine que cette dispo-
sition est de nature à donner lieu à de nombreux cas
de responsabilité de l’organe d’administration, en cas
d’insolvabilité du bénéficiaire de l’assistance et de non
remboursement de l’avance ou du prêt ou d’exécution
« Le législateur européen de la sûreté. Lorsqu’une partie tierce souscrit des ac-
tions d’une société et reçoit pour ce faire une assistance
semble lier de manière financière de celle-ci, le prix de souscription devra être
indissociable les questions ‘fair’. Le législateur européen semble ainsi lier de ma-
nière indissociable les questions d’intérêt social (une
d’intérêt social et les problèmes transaction donnée est-elle dans l’intérêt de la société)
d’assistance financière. » et les problèmes d’assistance financière.

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- L’opération sera soumise par l’organe d’administration à rations d’assistance financière, ce qui affectera sans
l’approbation préalable de l’assemblée générale de la so- conteste les distributions futures de dividendes par la
ciété (statuant à une majorité spéciale). A ce propos, un société ayant accordé l’assistance financière. Au cas
rapport écrit doit être rédigé par l’organe d’administration où l’assistance financière prendrait la forme d’une sû-
et soumis à l’assemblée générale, mentionnant les raisons reté, il est permis de se demander de quelle manière
sous-jacentes à la transaction, l’intérêt de la société à pro- le montant à réserver sera déterminé. Au cas où des
céder à la transaction, les conditions auxquelles la transac- membres de l’organe d’administration de la société
tion est conclue, les risques posés par la transaction pour (ou de sociétés qui lui sont liées), ou des individus
la liquidité et la solvabilité de la société, ainsi que le prix agissant pour leur compte, bénéficient de l’assistance
auquel l’emprunteur acquiert les actions de celle-ci. Ce financière accordée par la société, les Etats Membres
rapport devra être publié. A ce sujet, l’on peut se demander doivent prendre des mesures adéquates afin de s’as-
si cette obligation de publication ne se heurtera pas aux surer que cette transaction n’entre pas en conflit avec
obstacles posés par la divulgation d’informations commer- l’intérêt social de la société. A ce sujet, l’on pense no-
ciales confidentielles (par exemple les éléments de déter- tamment à une application particulière qui pourrait
mination du prix des actions d’une société). être faite des règles de conflit d’intérêt.
- Le total des montants dévolus à des opérations d’as- La compétition entre législateurs aidant, il est par conséquent
sistance financière ne peut en aucun cas avoir pour possible qu’à plus ou moins long terme le prescrit légal soit
effet de causer une réduction de l’actif net en dessous modifié dans le sens suggéré par la directive.
du montant du capital libéré, ou, si ce montant est
supérieur, du capital appelé, augmenté de toutes les
réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de Cette rubrique a pu être
distribuer. Une réserve indisponible sera constituée, réalisée grâce à
d’un montant égal au montant total affecté aux opé- la collaboration de

41

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COMPENSATION & BENEFITS (11)

TEXTE : PATRICIA WEBER (PARTENA)

Faciliter l’accueil
des enfants des travailleurs:
quelques pistes possibles
La garde des tout-petits (de 0 à 3 ans) est devenu un réel problème pour les
travailleurs. Les places disponibles dans les crèches sont insuffisantes et les
listes d’attente de plus en plus longues. Investir dans l’accueil des enfants de ses
travailleurs rend l’entreprise plus attractive, contribue à fidéliser le personnel
et constitue une jolie manière de concilier politique de l’emploi et qualité de vie.

Le sujet du présent article porte sur les possibilités qui exis- curité sociale. L’Office National de sécurité sociale admet que
tent pour une entreprise de favoriser l’accueil des enfants de l’accès gratuit (ou à un prix anormalement bas) à une crèche
42 ses travailleurs. d’entreprise peut constituer un complément à la branche de la
sécurité sociale des allocations familiales. A ce titre, cet avan-
I. L’ENTREPRISE SOUHAITE CRÉER tage est exclu de la notion de rémunération au sens du droit
À SES FRAIS UNE CRÈCHE DESTINÉE de la sécurité sociale et n’est donc, en principe, pas soumis aux
EXCLUSIVEMENT AUX ENFANTS DE cotisations (personnelles et patronales) de sécurité sociale.
SES TRAVAILLEURS
Créer une crèche d’entreprise destinée à accueillir unique- 2. ASPECT FISCAL
ment les enfants des travailleurs (à l’exclusion donc des en- 2.1. DANS LE CHEF DU TRAVAILLEUR
fants de personnes tierces à l’entreprise) n’est possible que Le Code des impôts sur les Revenus (CIR) prévoit que les avan-
si l’employeur déclare l’existence de celle-ci à l’organisme tages qualifiés « d’avantages sociaux » sont exonérés d’im-
Kind en Gezin. En effet, ce dernier qui est chargé de contrôler pôts (et ne sont donc pas soumis à une retenue de précompte
les structures d’accueil néerlandophones (situées en région professionnel) dans le chef du travailleur (3). La mise à dispo-
néerlandophone et à Bruxelles) semble être le seul organisme sition gratuite ou à un prix anormalement bas d’une crèche
à accepter ce type de crèche (1) (en ce qui concerne les struc- d’entreprise est considérée comme un avantage social pour le
tures d’accueil francophones dépendant de l’Office de la Nais- travailleur et n’est donc pas imposable dans son chef (4).
sance et de l’Enfance: voir infra point II,1). Si le travailleur doit payer un montant à son employeur pour
Les frais liés à l’installation et au fonctionnement d’une crèche bénéficier des services de la crèche d’entreprise, il pourra dé-
d’entreprise destinée exclusivement aux enfants des travailleurs duire cette participation financière à l’impôt des personnes
sont entièrement à la charge de l’employeur. Il fixe lui-même le physiques si la crèche d’entreprise est placée sous la sur-
montant de l’éventuelle contribution due par les parents.

1. ASPECT SOCIAL
La notion de rémunération soumise aux retenues de sécurité « Le fisc accepte la déductibilité
sociale est extrêmement large. Elle est cependant tempérée par
certaines dispositions légales qui excluent expressément de des frais dans la mesure où
cette notion certains avantages alloués par l’employeur au tra-
vailleur. Parmi ces avantages, on trouve notamment les indem-
ils dépassent le montant
nités, payées directement ou indirectement par l’employeur, qui que les travailleurs auraient
doivent être considérées comme un complément aux avantages
accordés par les diverses branches de la sécurité sociale (2).
normalement dû payer à une
Les allocations familiales constituent une branche de la sé- crèche ordinaire. »

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veillance de Kind en Gezin. Dans cette hypothèse, ledit orga- 1.1.3. Milieux d’accueil concernés
nisme délivre à l’employeur une attestation de surveillance Des places peuvent être réservées dans tous les types de milieux
qui certifie que la crèche d’entreprise répond à un certain d’accueil collectifs subsidiés par l’ONE (crèches, maisons commu-
nombre de conditions minimales en matière de qualité d’ac- nales d’accueil de l’enfance) et non subsidiés (maisons d’enfants).
cueil (exemple : sécurité, hygiène, personnel qualifié). La réservation porte soit sur des places déjà existantes dans un
La contribution financière du travailleur est déductible à concur- milieu d’accueil, soit sur des places créées via une extension de
rence d’un montant maximum de 11,20 € (revenus 2008, exer- capacité ou via la création d’un nouveau milieu d’accueil (7).
cice d’imposition 2007) par jour de garde et par enfant.
1.1.4. Exigence minimale quant au nombre d’employeurs re-
2.2. DANS LE CHEF DE L’EMPLOYEUR quis pour réserver des places
En principe, les avantages sociaux ne constituent pas des Un seul employeur peut réserver une ou plusieurs places pour
frais professionnels déductibles dans le chef de l’employeur. son personnel dans un milieu d’accueil existant. Cependant,
En conséquence, les frais résultant de l’installation et de il faut au moins deux employeurs qui réservent des places
l’utilisation de la crèche d’entreprise ne sont en principe pas lorsqu’il y a création d’un nouveau milieu d’accueil ou exten-
déductibles dans le chef de l’employeur. Cependant, cette sion de capacité d’un milieu d’accueil existant.
règle doit être nuancée. En effet, le fisc accepte que soit
déductible au titre de frais professionnel la partie des frais 1.1.5. Nombre de places pouvant faire l’objet d’une réservation
susmentionnés dans la mesure où ils dépassent le montant par l’employeur
que les travailleurs auraient normalement dû payer à une Les employeurs ne peuvent réserver la totalité des places dis-
crèche ordinaire (5). ponibles dans le milieu d’accueil. En effet, un certain nombre
de places doivent rester accessibles au public.
43
II. LA RÉSERVATION PAR L’EMPLOYEUR
DE PLACES D’ACCUEIL AU PROFIT DES 1.1.6. Participation des travailleurs
ENFANTS DE SES TRAVAILLEURS Quel que soit le milieu d’accueil avec lequel la collaboration est
1. RÉSERVATION AU SEIN DE STRUCTURES D’ACCUEIL établie, la participation financière des travailleurs/parents tient
FRANCOPHONES OU LE PLAN SEMA compte de la hauteur de leurs revenus, selon les barèmes définis
Face au manque de place d’accueil pour les enfants de 0 à 3 par l’ONE. Cette participation est déductible à l’impôt des person-
ans, le Gouvernement de la Communauté française a adopté le nes physiques, à concurrence d’un montant de 11,20 € par jour de
plan SEMA, Synergie Employeurs-Milieux d’accueil (6). Ce plan garde et par enfant (revenus 2008, exercice d’imposition 2007).
permet à un employeur ou association d’employeurs de réser-
ver des places d’accueil pour les enfants de 0 à 3 ans de leurs 2. RÉSERVATION AU SEIN DE STRUCTURES D’ACCUEIL
travailleurs dans un milieu d’accueil collectif situé à proximité NÉERLANDOPHONES
de l’entreprise. Les travailleurs bénéficient ainsi d’un accès Selon les informations publiées sur le site internet de Kind en
prioritaire pour leurs enfants dans un milieu d’accueil. Gezin, un employeur a la possibilité de louer ou d’acheter des
places d’accueil dans des milieux d’accueil néerlandophones. A
1.1. MODALITÉS PRATIQUES cet effet, une convention devra être établie entre l’entreprise et
1.1.1. Conclusion d’une convention de collaboration le milieu d’accueil. Les termes de cette convention sont libre-
L’employeur qui souhaite réserver des places dans un milieu ment fixés entre les deux parties (8).
d’accueil collectif pour les enfants de ses travailleurs est tenu
de conclure une convention de collaboration avec l’ONE (orga- Sources: (1) kinderopvang voor je personeel, http://www.kindengezin.be; (2)
nisme compétent pour les structures d’accueil francophones article 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémuné-
situées à Bruxelles et en région francophone) et un milieu d’ac- ration; (3) article 38, § 1er, 11°CIR 1992; (4) Com IR 92 n° 38/27,22°; (5)
cueil agréé par l’ONE. Q.P.n°90/050 du 20.07.1990, Q & R., Chambre, 10365; (6) arrêté du Gouver-
nement de la Communauté française du 27 février 2003, portant réglemen-
tation générale des milieux d’accueil, tel que modifié le 9 décembre 2005 et
1.1.2. Intervention financière de l’employeur paru au M.B. du 6 janvier 2006; (7) brochure intitulée « Comment réserver
L’employeur verse un montant annuel forfaitaire de 3.000 des places d’accueil en crèches pour les enfants des travailleurs? Réponses
€ par place d’accueil réservée au Fonds créé à cet effet par aux employeurs » publiée par le Cabinet de la Ministre de l’Enfance; (8) kin-
l’ONE. Ce montant est déductible pour les employeurs sou- deropvang voor je personeel , http://www.kindengezin.be.

mis à l’impôt des sociétés. Il fait l’objet d’une réduction de 6%


pour les employeurs qui ne sont pas soumis audit impôt. http://payroll.partena.be

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LA CARRIÈRE DU FINANCIER
FISCALITÉ

TEXTE : STEF SWINNEN

L’erreur humaine
vous coûte cher
L’erreur est humaine, dit l’adage bien connu. Mais balayer d’un revers de
la main la masse des petites fautes du quotidien serait en soi… une erreur,
affirme John Evans. Ce Britannique qui s’est imposé en tant que « Human Error
Specialist » décode les mécanismes à l’œuvre et les moyens d’y faire face.

44
L ’histoire se passe au sein d’un service hospita-
lier où sont pris en charge les patients en phase
terminale. « Il est apparu que l’impression des
étiquettes destinées à certains médicaments était
quasiment illisibles, raconte John Evans. Résultat: les doses qui
s’y trouvaient mentionnées n’étaient pas compréhensibles pour
l’infirmier en charge de les administrer. Je ne vous explique pas à
portements, notre nonchalance ou le fait d’avoir la mémoire
courte. » Et notre interlocuteur de poursuivre son diagnos-
tic avec un petit film percutant mettant en évidence à quel
point l’on peut être aveugle aux circonstances changeantes
de notre environnement. Plusieurs protagonistes ont été in-
vités à participer à l’expérience. Ceux-ci devaient visiter une
entreprise déterminée et demander à s’entretenir avec une
quelles conséquences ce dysfonctionnement pouvait aboutir! » personne y travaillant, mais avec la mission particulière de
Un tour de table est alors organisé pour comprendre les cau- prêter attention à ce tout qui pouvait leur arriver d’étrange.
ses du problème. « Au bout du compte, on s’est rendu comp-
te que l’infirmier en charge de l’impression de ces étiquettes AVEUGLÉ PAR SA MISSION
n’avait pas changé la cartouche d’encre et, plus étonnant, que Ce que ces « cobayes » devaient percevoir survient dès leur
ce fait était considéré comme allant de soi. Il se justifiait après arrivée à la réception. La personne qui les accueille leur de-
l’envoi d’une note interne émanant du chef de service et disant mande un instant de patience, le temps de prendre un papier.
que chaque département devait s’engager à réaliser des écono- Elle plonge derrière la réception et une autre réceptionniste –
mies. Lorsque ce dernier a été informé de la chose, il a évidem- au look de surcroît complètement différent – prend sa place,
ment réagi en soulignant qu’il n’avait jamais été question de la papier recherché à la main, et poursuit l’échange comme
ce type d’économies! » si de rien n’était. Bien qu’il apparaisse à l’écran que la plu-
Conclusion: commettre des erreurs fait partie de notre natu- part des candidats remarquent quelque chose, il ressort des
re, souligne John Evans. « Nous ne pensons même pas aux dé- entretiens menés ensuite que 75% des personnes relèvent
gâts collatéraux que peuvent ainsi avoir certains de nos com- d’autres phénomènes « étranges » plutôt que de pointer ce-
lui-là, le plus évident.
Que retenir de l’expérience? « Elle dit beaucoup sur la manière
dont les individus réagissent à une tâche spécifique, confie John
Evans. Chacun de ces protagonistes avait pour mission de poin-
« Nous ne pensons pas aux ter ce qui leur advenait de bizarre, mais c’est précisément cette

dégâts collatéraux que mission qui les empêche de voir ce qui se déroule sous leur nez!
Ils s’attachent à des détails, cherchent l’endroit où quelque chose
peuvent ainsi avoir certains de pourrait bien survenir. Mais ce qui se passe juste devant eux leur

nos comportements ou notre échappe quasi complètement. » Un constat qui, selon lui, expli-
que déjà bon nombre d’erreurs humaines au quotidien…
nonchalance. » Mais comment diable devient-on « Human Error Specialist »?

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Par accident, se plaît-il à répondre, non sans humour. John
Evans a démarré sa carrière en tant qu’ingénieur chez British
Telecom, avant de devenir ingénieur qualité chez ITT. C’est là
qu’il entre en contact avec Phil Crosby, le gourou de la qualité
totale, celui-là même qui a établi le principe Doing It Right the
First Time (DIRFT) et, en 1979, il décide suite à cela de quitter
l’entreprise pour fonder sa propre société de consultance.

RÔLE PEU COMMUN


« C’est l’époque où des gens comme Crosby ont commencé à
montrer aux entreprises que la qualité pouvait également si-
gnifier rentabilité et gains, reprend-il. La qualité est gratuite,
disait toujours Crosby parce qu’il estimait que celui qui met-
tait en oeuvre les quatorze programmes qu’il avait développés
allait ensuite réaliser des économies dépassant de loin leur
coût. » Mais plutôt que de se suivre les conseils de ceux qui
lui suggéraient de se lancer dans un MBA, John Evans s’est
mis à étudier la psychologie qu’il trouvait plus utile. Et c’est
la combinaison de son background d’ingénieur avec ce regard
psychologique, la mise en parallèle de son expérience et de
l’observation des nombreuses erreurs humaines constatées
en entreprise qui l’ont conduit à jouer ce rôle peu commun de
« Human Error Specialist ». John Evans: « Un des problèmes que l’on constate en
Depuis lors, John Evans a mené et analysé une série de recher- entreprise, c’est qu’on n’y budgétise pas le coût des er-
ches académiques sur les erreurs humaines et a développé son reurs humaines. Or, ce dont on ne connaît pas le coût 45
propre modèle permettant de mieux comprendre les mécanis- est vite oublié. »
mes à l’œuvre. Les erreurs considérées peuvent apparaître de
prime abord comme bénignes: envoyer un mail par erreur, don- venants concernés autour d’un projet concret de sorte de
ner un ordre inconsidéré, fixer un objectif mais ne pas le ren- leur apprendre à identifier et à corriger les erreurs humai-
contrer, ne pas terminer une tâche entamée, mal comprendre nes. « Chacun peut avoir ses limites, mais même les meilleurs
une instruction, éteindre la lumière dans une pièce où celle-ci continuent à commettre des erreurs. Celles-ci surviennent
doit rester allumée, égarer un document, oublier d’effectuer un d’autant plus lorsqu’on est sous stress, en état de fatigue ou
contrôle… ou ne pas bien imprimer une étiquette. de maladie, quand on manque de temps ou, simplement, si
« Un des problèmes que l’on constate en entreprise, c’est qu’on l’on est dans un mauvais jour. »
n’y budgétise pas le coût des erreurs humaines, explique-t-il. Une autre catégorie de risques concerne l’environnement de
Or, ce dont on ne connaît pas le coût est vite oublié. Nous avons travail. « Une mauvaise luminosité des écrans d’ordinateur, des
ainsi développé un instrument permettant de définir ce que chaises de bureau causant des maux de dos ou une stratégie
coûte à l’entreprise un ‘parcours’ normal d’erreurs, d’identifier d’entreprise mal implémentée sont ainsi des sources fréquen-
là où elles interviennent le plus souvent et comment il est pos- tes de petites erreurs du quotidien. Ce que nous apprenons aux
sible de réagir. » Intitulé « Error Risk Survey », il consiste en un gens, c’est à reconnaître ce genre de facteurs de risques. Il ne
questionnaire détaillé comportant soixante items permet- s’agit pas d’apprendre à tirer leçon de petites erreurs précises,
tant de mettre rapidement le doigt sur les problèmes. mais bien plus largement de sensibiliser au fait que l’addition
de ces petites erreurs peut provoquer un grand chaos. »
POINT DE DÉPART Pour notre « Human Error Specialist », la problématique des er-
« Il en découle par exemple ce constat: 20% des entreprises reurs humaines va même devenir la prochaine étape du contrô-
utilisent entre une et deux heures par semaine pour corriger le de qualité. « Depuis les années ’70, tous les systèmes connus
les erreurs commises, illustre-t-il. Quelque 17% y consacrent comme la norme ISO n’ont cessé d’être perfectionné, conclut-il.
même plus de quatre heures! Cela vous donne une idée de ce Je pense que, maintenant, nous en sommes à un point où tout
que cela peut représenter pour l’entreprise en termes de coûts ce que ces systèmes peuvent résoudre a presque été abordé. Mais
et… l’intérêt de prendre la peine de les calculer dans votre pro- ils n’ont toutefois pas pu empêcher qu’un chauffeur fatigué se
pre organisation. Le plus grave serait de continuer à n’opérer trompe dans une livraison ou qu’un médecin prescrive un mé-
aucun reporting à ce niveau. » dicament inadéquat. Or, ce sont ces erreurs là qui coûtent beau-
Pour John Evans, l’Error Risk Survey n’est toutefois qu’un coup d’argent aux organisations. Il est donc temps de porter son
point de départ. Sur base de cette étude, il réunit les inter- attention plus en profondeur sur le facteur humain… »

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REGARDS

TEXTE : JEAN-PAUL ERHARD

L’heure des choix


C’est un vrai changement de paradigme. A la fin de l’année, la Flandre
n’aura plus de dette. Or, la règle vaut pour l’autorité publique comme pour
n’importe lequel d’entre nous: il ne sert à rien de conserver sous son matelas
son excédent de trésorerie. Il faut investir et la question qui se pose donc:
quels sont les domaines dans lesquels placer l’argent public disponible?

P remier scénario, celui qui est privilégié pour le mo-


ment: la santé. Nous serons bel et bien contraints
de nous occuper de nos vieux et de veiller au finan-
cement de leurs allées et venues auprès des méde-
cins et spécialistes qui prolongent leur calvaire. Cynique, non?
Deuxième hypothèse: l’environnement? Quel plafond le baril
société. C’est un réflexe naturel, assez facile à comprendre. Les
moyens sont là. Pourquoi n’en profiterais-je pas alors qu’une
proportion sans cesse croissante d’individus quittent la vie
active pour prendre du bon temps. Des loisirs, de la qualité de
vie, de la sécurité… j’en veux encore et encore!
Quatrième hypothèse: la croissance. En clair, réinsuffler le
46 de brut devra-t-il atteindre pour que nous prenions cette pro- fruit de l’activité dans l’activité elle-même afin de pouvoir
blématique à bras le corps? La vraie question n’est pas celle thésauriser davantage… Sans doute l’option la plus vertueu-
du coût du pétrole. Celle qu’il faut poser actuellement devrait se mais aussi la moins populaire.
nous permettre de savoir à quel moment nous allons décider Cinquième hypothèse… Cette liste pourrait se poursuivre
de laisser la voiture à maison et opérer, enfin, un vrai choix sans fin… Quelle attitude adopter finalement dans cette si-
responsable. Des investissements significatifs en la matière tuation de richesse, quoi qu’on en dise? Commencer par se
seront à n’en point douter de réels incitants à suivre la voie réjouir de disposer de marges de manœuvre que beaucoup
concrète du développement durable. nous envient à travers le monde et, ensuite, faire confiance –
Troisième hypothèse: le bien-être. Qui dit haute conjoncture le plus difficile! – à celles et ceux qui auront la responsabilité
économique dit menace sur la valeur Travail au sein de notre d’opérer les choix les plus adaptés à l’intérêt général.

Second degré?
Satanée guerre des talents! Un des enseignements des en- cash dormant sur les comptes épargne auprès des banques
quêtes les plus récentes concernant les rémunérations: les qui squeezent l’emploi et augmentent les frais de gestion
salaires augmentent plus vite que l’inflation. Une conclusion pour un service famélique,… Bref, nous participons à l’expan-
s’impose: les Belges tous trop bien payés en comparaison de sion d’une économie sans vision citoyenne aux dépens d’une
la valeur ajoutée qu’ils dégagent vraiment! Il faut réagir… et approche éthique et engagée pour les générations futures.
vite! Parce que le problème n’est pas tellement dans les mon- Plus de loisirs, plus de « qualité de vie » (ou de lifestyle, c’est
tants qu’ils perçoivent sans le mériter réellement mais bien pareil!), plus de détente… Nous contribuons à diluer la valeur
dans l’utilisation de l’argent qui leur est généreusement oc- du travail et de l’effort dans notre société à l’heure où nous
troyé par leur employeur ou par leurs actionnaires. manquons cruellement d’entrepreneurs, de leaders et de
Plus grosse maison, plus grosse voiture, plus grosse télévision, champions de la performance! Et qu’il n’y en ait pas pour jouer
plus lointaines vacances, etc. Bref, chacun augmente son em- les étonnés lorsque son employeur décidera d’alléger la masse
preinte écologique et puise sans retenue dans notre patrimoi- salariale et que son contrat durement négocié ainsi que ses
ne de ressources naturelles. Plus d’investissements en bourse revenus passeront à la trappe. Il sera alors parfaitement pré-
(en misant sur les sociétés les plus rentables à court terme, paré à jouir de ses biens, de ses rentes et de son temps libre.
souvent les moins responsables sur le plan sociétal), plus de Allez, il est encore temps de réagir!

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J’ai le reporting des Anglais ;
vous penserez à récupérer
Avons-nous celui des autres filiales.
la situation consolidée
de notre poste clients ?

Les délais de paiement


en Espagne et au Portugal
Où en est ont diminué de combien
la trésorerie du Benelux de jours ?
et de l’Allemagne ?
Crédit photo : Monty Rakusen/GettyImages

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