Soyons sérieux !
Il est illusoire de croire que les dirigeants de nos PME
et leurs experts comptables soient capables de s’associer pour créer de
la valeur. Ils n’en ont ni la volonté, moins encore la culture et les moyens.
C’est sur ce ton péremptoire, cassant, voire offensant
qu’un interlocuteur, apparemment bien informé, a mis
un terme à une conversation sur la création de valeur qui
constitue le thème central du congrès des experts
comptables de l’Uemoa, qui se tiendra à Dakar les 20 et
21 septembre 2018. Les grandes entreprises locales ou
internationales installées au Sénégal pouvant se passer
des services des experts comptables en matière de
création de valeur, nous le présupposons, en raison des
ressources humaines et financières dont elles disposent
ou peuvent disposer en la matière, la conversation
précitée n’a concerné que les PME. Il en sera de même
dans la suite de cet exposé. Il commence par la définition
contextuelle de ce qu’il faut entendre par « PME », par
« experts comptables » et « création de valeur », pour
s’achever sur la réponse à l’allégation ci-dessus et sur les
modalités de création de valeur susceptibles de résulter
de l’association dirigeants de PME-Experts comptables.
Les experts comptables, cabinets ou individus, visés dans
le présent exposé sont, cela va de soi, plus ceux qui
« conseillent » que ceux qui « vérifient »!
La PME (Petite et moyenne entreprise), un concept
familier, mais non définissable, tout au plus
caractérisable.
Les chercheurs et spécialistes ont tenté dans tous les
pays du monde de définir ce qu’est une PME. Les
recherches et études approfondies des uns et des autres
n’ont abouti qu’à des approximations plus ou moins
heureuses, à des théories quelques fois divergentes et à
des particularités valides ici, inopérantes ailleurs.
L’auteur n’ayant aucune qualification en la matière,
autre que son vécu, ne retiendra aucune des données ni
définitions en vigueur, officielles ou non, fondées sur
des mesures quantitatives comme le total du bilan, le
chiffre d’affaires ou l’effectif (Il semblerait que sur de
telles bases, il y en aurait près de 20 000 au Sénégal.
Pour plus de détails sur les données chiffrées, le lecteur
est invité à lire le rapport d’enquête sur les PME menée
en 2013 par de l’ANSD).
Notre propos requiert une « définition » structurelle
qualitative, élaborée du point de vue du praticien, à
partir de certaines caractéristiques intrinsèques aux
PME. Dans un tel ordre d’esprit, ce concept élargi de
PME englobe autant les entreprises habituellement ainsi
désignées, mais également toutes celles qui en sont
habituellement exclues ou classées ailleurs et qui
présentent les caractéristiques précitées. Par
conséquent, il y a lieu de considérer comme une
« PME », l’intégralité des entreprises de nature
extrêmement variées, petites ou grandes, privées,
publiques ou nationales, locales ou étrangères qui : a)
interviennent dans toutes les activités économiques, y
compris celles qui relèvent des systèmes financiers
décentralisés ou du secteur à but non marchand (ONG,
hôpitaux, établissements d’enseignement, etc.), b)
occupent la place prédominante dans le tissu
économique national, c) ont la particularité de présenter
un positionnement intermédiaire dans l’économie et d)
fonctionnent avec des organisations, des modes de
gestion et des comportements typiques faibles,
notamment en matière d’organisation, de direction, de
gestion, de financement et d’exposition aux risques
d’affaires. Les précisions et indications nécessaires à
cette définition, au nombre de 12, sont listées ci-après.
La présence des 3 premières est impérative pour
présumer de la présence d’une PME. Si deux ou trois
autres indications parmi celles qui suivent, notamment
les n° 10 et 12, sont établies, il y a alors, du point de vue
adopté ci-dessus, confirmation de la présomption
précitée.
. Au point de vue économique, les 5 identificateurs
majeurs de la PME sont 1) l’absence de prise sur
l’environnement économique, 2) son instabilité ou
extrême sensibilité aux variations de l’économie, 3) la
prédominance des concours bancaires dans son
financement caractérisé par un endettement important
et des capitaux propres faibles ou insuffisants, 4) les
relations particulières ou étroites entretenues avec les
acteurs politiques et sociaux et, enfin, 5) une certaine
fatalité qui condamne la plupart d’entre elles à avoir une
durée de vie courte (de 3 à +/- 20 ans), et pour celles qui
survivent à rester toujours dans la catégorie des PME.
Au point de vue interne, ces marqueurs sont au nombre
de sept. La très grande majorité de ces entreprises
doivent 6) leur existence à un entrepreneur, souvent le
propriétaire-dirigeant, ou à une nomination d’essence
politico-sociale du directeur général dans le cas des
entreprises nationales et organismes à but non
marchand (ONG et autres). 7) La fonction de directeur
général y est centrale, qui détient la quasi exclusivité du
pouvoir décisionnel et centralise autour de sa personne
l’essentiel de l’information produite par 8) un système
d’information fait pour l’essentiel de progiciels de
facturation, de comptabilité et de paie.
. Dans la PME, 9) l’organigramme repose sur une
fonction finance qui se résume généralement à un
responsable comptable et financier, une direction
administrative qui se confond avec un secrétariat
général et un service paie, associée quelque fois à un
responsable juridique. 10) Les principaux « consultants »
auxquels la PME fait appel sont ponctuellement les
avocats, régulièrement les experts comptables (appui
comptable et fiscal et une fois l’an les commissaires aux
comptes), 11) tous choisis par affinité. Dans la PME, où
les audits et diagnostics contractuels de gestion
résultant d’une initiative interne sont
exceptionnellement rares, les commissaires aux comptes
qui refusent de fournir des « conseils » (ce qui leur est
interdit) ou qui tiennent à préserver leur intégrité ou leur
indépendance sont proprement remplacés. Enfin, la PME
est 12) la catégorie d’entreprises qui fait le plus l’objet
de contentieux, plus particulièrement bancaires, et de
procédures de redressement amiables ou judiciaires
(règlement préventif, redressement judiciaire) et de
liquidation de biens.
Il est probable qu’une telle caractérisation de la PME ne
fasse pas l’unanimité, comme d’ailleurs c’est le sort de
toute catégorisation, y compris celles qui reposent sur
les définitions officielles et statistiques. Mais elle a
l’avantage de ne pas être technique ni fluctuante, de
reposer sur une représentation réaliste du
fonctionnement, du mode de gestion et des faiblesses
des PME. Elle et sert donc parfaitement notre propos,
en faisant mieux passer le message à ses destinataires :
les lecteurs, les dirigeants des PME et les experts
comptables, plus précisément à ceux parmi ces derniers
qui leur offrent des prestations d’assistance-conseil.
Peut-être qu’en définitive, la qualification
D’ENTREPRISES STRUCTURELLEMENT INSTABLES (ESI)
serait plus appropriée que celle, élargie, de PME.
La grande majorité des dirigeants de PME a toujours eu
une connaissance limitée de ce qu’est et de ce que
peut leur apporter un expert comptable.
Pour paradoxale qu’elle puisse être, une telle assertion
est conforme à une réalité qui ne se dément pas,
d’ailleurs généralement reconnue par les dirigeants eux-
mêmes. Confiné, pour l’essentiel, à une offre de services
comptables et de paie, d’assistance en matière fiscale et
de droit des sociétés, et aux mandats de commissariat
aux comptes, le recours aux experts comptables par les
PME s’est rarement étendu à des aspects de la gestion
INDISPENSABLES à celle-ci, et pourtant largement à la
portée d’une partie significative de ces professionnels et
de leurs collaborateurs. A savoir, au moins certains
services pourtant parmi les plus élémentaires comme
l’interprétation dynamique des états financiers, l’analyse
des performances financières, l’analyse de la structure
des coûts d’exploitation, les études préalables aux
décisions d’investissements et de financement, la
gestion du fonds de roulement et de la trésorerie, etc.
Ce confinement qui, il faut le déplorer et auquel il faut
mettre un terme, a contribué et continue de nos jours à
favoriser, par omission, l’avènement répété des
difficultés économiques et financières qui caractérisent
les PME : organigramme et procédures informels ou de
façade systématiquement contournés, financements
irrationnels, déséquilibrés ou ruineux, arriérés de
salaires et impayés sociaux, redressements fiscaux,
ruptures d’approvisionnements, croissance non
maîtrisée, investissements non productifs, coûts
d’exploitation incontrôlés, personnel pléthorique ou
incompétent, pertes récurrentes, capitaux propres
insuffisants, endettement insupportable, insolvabilité à
court terme, détournements, conflits entre associés,
poursuites judiciaires, redressement judiciaire ou
liquidation pure et simple. Il est établi que si les
premiers « médecins de famille» de la PME que sont
leurs experts comptables avaient pu être sollicités, la
plupart des problèmes ainsi évoqués auraient pu être
anticipés, évités ou à tout le moins atténués.
Mais alors, c’est quoi un expert comptable ?
L’objectivité commande toutefois de préciser que
jusqu’à la fin des années 80, « les experts comptables »
de formations et d’origines hétéroclites à bien des
égards et catégorie parmi d’autres d’un « ordre des
experts agréés » hybride, se sont complus dans ce
confinement et n’ont pratiquement jamais revendiqué
leurs aptitudes ou volonté de s’impliquer dans la gestion
des PME. Selon toute vraisemblance, ils n’avaient nul
besoin de communiquer sur les services de conseil en
gestion susceptibles d’être offerts, puisque les dirigeants
de PME, leur clientèle première, « savaient
exactement », on l’a vu ci-dessus, « qui » ils étaient et
où les trouver. La situation de rente dont ont donc
bénéficié ces praticiens de la comptabilité, notamment
en raison du caractère récurrent, routinier, sans risque
et plutôt rentable, des services pour lesquels on les
sollicitait, exigeait naturellement une attitude
conservatrice. Une telle zone de confort commandait
plutôt discrétion et réserve.
Mais les choses ont beaucoup changé. L’Expert
comptable moderne, celui dont nous situons
l’avènement à la fin des années 90, est non seulement
ce professionnel de haut niveau, détenteur exclusif et
de notoriété publique de l’autorité requise en matière
de production, de vérification et de validation de toute
information comptable ou financière utilisée dans le
monde des affaires, mais également un véritable expert
à vocation multidisciplinaire. D’abord, il est beaucoup
mieux formé, notamment du fait de l’alignement
progressif de son cursus académique sur les standards
internationaux (contenu de formation et exigences plus
sélectives d’obtention du diplôme d’expert). Il est
reconnu que l’Expert comptable diplômé selon le
modèle français a un niveau équivalent à celui d’un
doctorat, au regard des huit ans qu’il a consacrés après
le bac à l’obtention de son diplôme.
Ensuite, d’une part le courant mondial de modernisation
des normes comptables, d’information financière et
d’audit au plan local et international, leur portée directe
ou indirecte résolument financière ou managériale et
leur complexité technique que seuls les experts
comptables sont censés maîtriser, d’autre part
l’affiliation ou l’appartenance des nouveaux ordres
d’experts comptables mis en place à des organismes
internationaux de règlementation et de promotion de la
profession, et enfin les moyens colossaux d’accès à
l’information offerts par l’internet, ont permis à l’Expert
comptable de la nouvelle génération de prendre
progressivement conscience de l’ampleur de ses
qualifications et de son potentiel évolutif. Enfin,
l'expérience acquise par beaucoup d’entre eux dans des
cabinets internationaux d’audit et de conseil ou dans de
grandes entreprises et banques, notamment étrangères,
est un autre signe distinctif qui contribue à valider de
façon significative le nouveau statut de l’expert
comptable, qui mérite largement le titre de Docteur es
sciences comptables et informations financières.
Cette prise de conscience et l’entrée dans une
modernité qui a élargi le champ des compétences à des
domaines plus pertinents et proches des processus
décisionnels et managériaux de l’entreprise en général
ont conféré une identité professionnelle distinctive plus
affirmée de l’Expert comptable moderne et accru sa
valeur et son utilité professionnelles, dans le contexte
économique et social où il exerce
. Par conséquent, l’image clé qu’il convient de retenir
n’est pas tant celle du professionnel comptable de haut
niveau détenteur exclusif, pour des raisons d’ordre
public, de certaines exclusivités portant sur l’expertise
comptable des états financiers, l’audit financier, les
commissariats aux comptes et autres missions et
mandats légaux analogues de certification de
l’information comptable et financière, que dans celle de
l’Expert comptable détenteur de compétences variées
et capacités accrues à offrir des prestations de conseil
(mise en place d’outils de gestion, analyse des
performances, contrôle de gestion, trésorerie, système
d’analyse des coûts, budgets, appui-conseil au processus
de prise de décision en matière d’investissement et de
financement, analyse des risques opérationnels et
financiers, diagnostic financier, plans de financement,
audit organisationnel, conseil informatique, mise en
place de systèmes et procédures de contrôle interne,
évaluations financières, fiscalité, droit des affaires, etc.
Il reste toutefois que les PME ont encore une perception
très incomplète de cette image. Chez de nombreux
dirigeants, probablement la majorité, l’image de l’expert
comptable traditionnel fait de la résistance. Ce qui
justifie vraisemblablement les propos empruntés qui
font le titre de cet article. Parmi les diverses raisons à
l’origine d’un tel état de fait, on peut notamment citer
une pauvre culture en matière d’information financière,
l’incompétence des dirigeants ou de leurs principaux
collaborateurs en matière de gestion, la crainte de voir
mises à jour leurs insuffisances et erreurs, un style de
gestion autocratique et non transparent, la peur du
changement, l’inexistence d’une vision et d’objectifs
clairs à long terme, la méconnaissance des risques
propres au modèle d’entreprise, les honoraires
barèmisés jugés élevés, et probablement la faible
disposition des nouveaux experts à être conciliants et à
déroger à une déontologie jugée rigide et inapplicable à
la réalité des PME.
Créer de la valeur : définitions, processus de création et
finalités pour la PME
Dans le monde de l’entreprise, la « valeur » est un
concept multiforme qui se définit par la perspective
adoptée : celle de l’entreprise en tant qu’entité, valeur
pour l’actionnaire, valeur partenariale, valeur pour le
client, celle de la gouvernance de l’entreprise, valeur
d’échange, valeur d’utilité, chaîne de valeur, etc.
La création de valeur, pour et par l’entreprise, dont il
s’agit ici est celle dite globale, pour laquelle il est
généralement admis qu’elle résulte de six sources
fondamentales : le capital financier, les moyens
productifs, le capital naturel, le capital humain, le capital
intellectuel et le capital socio-relationnel. Sous une telle
optique, le processus de création de valeur consiste en
la mise en action d’un système intégré de planification,
de gestion des risques, de budgétisation, de
management des performances, de gouvernance
effective et de communication. « Intégré » faisant
référence à la prise en compte de plusieurs facteurs
(financiers, organisationnels, concurrentiels,
environnementaux, comportementaux, de compétences
distinctives, de styles de management, etc.).
De ce qui précède, par commodité et parce que le
présent article est dédié aux dirigeants des PME à leurs
experts comptables, nous limiterons notre propos et
retiendrons une définition simplifiée mais pratique de la
création de valeur, exclusivement fondée sur une
perspective financière. Dans un tel ordre d’esprit, créer
de la valeur pour la PME consiste, en agissant de façon
pertinente, judicieuse et contrôlée sur les inducteurs de
valeur que sont les coûts, les investissements, le
financement, le pilotage des performances et le contrôle
des risques, à tirer des capitaux investis par les
propriétaires et les créanciers de la PME, un rendement
financier supérieur au coût moyen de ces capitaux, de
manière à accroitre la valeur (financière) réelle globale
de l’entreprise, économie fiscale incluse.
Pour faire simple, créer de la valeur, dans la perspective
retenue ci-avant, c’est rentabiliser le capital financier
propre et emprunté, c’est réaliser des résultats positifs
REELS qui se traduisent par un enrichissement REEL des
propriétaires de la PME qui favorise sa croissance
(augmentation de la productivité des investissements,
développement durable de ses activités). De façon
générale, la création de valeur profite non seulement à
l’entreprise (actionnaires, investisseurs et créanciers, et
personnel), mais également à l’Etat et à la communauté
nationale (impôts, maintien ou augmentation des
emplois). Son contraire, c’est la destruction de richesse
dans les mêmes termes que ci-avant.
A cet égard, il est important de noter que l’accent
insistant qui est mis sur l’expression REEL a pour objet
d’attirer l’attention sur la nécessité de mesurer la valeur
créée avec des outils fiables. Contrairement à l’idée qui
prévaut tant au niveau des (experts) comptables et
financiers traditionnels et des dirigeants d’entreprises,
des PME en particuliers, ni l’augmentation du chiffre
d’affaires, ni le résultat comptable ou toute autre
mesure qui y est basée, ni les variations positives du
bénéfice ou les dividendes distribués, moins encore les
ratios du type rendements sur capitaux propres ou sur
l’Actif, etc., ne relève de cette catégorie d’outils de
mesures fiables. Tous sont biaisés notamment par les
méthodes et conventions comptables, qui quel que utile
qu’elles soient, dans un cadre purement comptables,
sont peu représentatives des réalités rapportées quand
il s’agit de déterminer la création ou non de valeur. Et
c’est là où l’expert comptable intervient !
L’Expert comptable moderne est incontournable, voire
indispensable, dans le processus de création de valeur
par la PME.
L’Expert comptable ne saurait, en rien en tant que tel,
créer de la valeur dans la PME, en raison notamment du
fait qu’il ne dirige ni ne décide, et dans la plupart des cas
il n’a ni l’esprit ni les talents ou la vocation d’un
entrepreneur. Ce rôle incombe exclusivement aux
dirigeants et au personnel de l’entreprise. En revanche,
il sera, dans la PME, l’un des plus proches et principaux
contributeurs à la création de valeur parce qu’il y est le
professionnel le plus spécialisé, le plus qualifié et donc le
plus crédible pour identifier, collecter, synthétiser,
mettre en forme, valider et interpréter l’information
comptable, financière et de gestion sans laquelle quasi
pratiquement aucune prise de décision en matière
financière ou de gestion ne saurait être prise, et bien
entendu sans laquelle aucune possibilité de mesurer la
création de valeur ou pire la destruction de valeur.
En outre, ce professionnel est indéniablement l’un des
plus qualifiés pour assister ou conseiller la PME à mettre
en place, de façon intégrée, les outils brièvement
énumérés ci-avant de gestion, d’assistance à la prise de
décision, d’information et de contrôle et d’identification
des risques nécessaires à la création de valeur. Dans la
littérature de la création de valeur, on appelle cela en
anglais integrated thinking et integrated reporting. Le
processus de pensée intégrée (integrated thinking)
consiste, dans le cadre d’une prise de décision, à choisir
une option ou une solution à un problème en prenant
conjointement en compte les aspects pertinents, leurs
causes et les relations de causes à effets. Le reporting ou
rapport intégré (integrated reporting) consiste à
informer de façon précise sur la façon dont une
entreprise a créé de la valeur à partir d’une prise en
compte conjointe notamment de la stratégie déployée,
du mode de gouvernance adopté et des performances
réalisées financières ou non. Un tel rapport vient
compléter les rapports financiers notamment ceux
publiés par la direction et les rapports d’audit.
L’adoption de ces deux concepts est parfaitement
concevable dans les PME, ramenés à leurs contextes et
échelles.
On peut donc rejeter, au regard de ce qui précède, le
préjugé qui fat le titre de cet article !
Services fortement contributifs à la création de valeur
que peuvent offrir les experts comptables modernes
aux dirigeants des PME
Cette liste de suggestions qui relèvent toutes et
directement de l’une ou l’autre des 6 sources de
création de valeur ramenées au contexte de la PME
(voir plus haut) n’est bien entendu guère exhaustive :
elle a un caractère purement indicatif.
Le premier de ces services pourrait consister en la
détermination de la valeur économique ajoutée (VAE)
qui est la mesure la plus fiable de la création de valeur.
Elle est égale au produit de la différence entre le
rendement des capitaux investis et du coût moyen de
ces derniers. VAE est la traduction de Economic Value
Added (EVA), également improprement traduit en
français par profit économique. A ne pas confondre avec
la valeur ajoutée obtenue dans le compte de résultat qui
est égal à la différence entre le chiffre d’affaires et les
consommations de biens et services extérieurs.
Un autre service particulièrement utile dans le processus
décisionnel qui a une influence directe sur la création de
valeur est celui de la détermination de la valeur
actualisée nette ( VAN) des projets d’investissements
qui permet d’établir si ces derniers créeront ou
détruiront de la valeur et, par conséquent, d’allouer les
ressources aux investissements créateurs de valeur. Les
deux concepts sont basés sur le concept clé de coût du
capital que toute PME devrait connaître.
Un autre type de services précieux consiste en l’étude
des processus de la PME à l’effet d’identifier les activités
créatrices de valeur et celles qui sont destructrices de
valeur. Les techniques de plus en plus familières aux
professionnels de la comptabilité et aux contrôleurs de
gestion d’analyse des coûts selon la méthode ABC
(Activity-based costing ou comptabilité par activités) et
la méthode ABM (activity-based management ou
management des performances et de la valeur par les
activités) sont en la matière parmi les plus efficaces. La
PME disposerait ainsi d’outils d’évaluation de la
rentabilité des différents produits, clients et circuits de
distribution.
Dans le même ordre d’idée, un processus de création de
valeur ne saurait se concevoir sans la mise en place
d’indicateurs de performances (opérationnelles,
commerciales, financières) associés à une batterie
sélective d’identificateurs de risques (d’exploitation,
financiers, stratégiques, etc.).
Les Experts comptables doivent inciter les dirigeants des
PME à adopter un minimum de bonnes pratiques de
gouvernance effective, par des séances de formation ou
en offrant des services d’appui conseil aux conseils
d’administration et assimilés des PME.
Les PME (d’une certaine taille) de production ou multi
produits, services ou activités devraient s’imprégner de
la nécessité de se doter de systèmes de comptabilité de
gestion qui permettent de mesurer l’activité de
l’entreprise, d’identifier les indispensables coûts
variables et les coûts fixes, d’estimer les seuils de
rentabilité, les effets de levier opérationnels et
financiers et enfin de suivre les budgets, les
performances et les responsabilités attachés aux centres
de coûts et de profit.
La gestion du fonds de roulement et de trésorerie est
également un enjeu majeur dans la création de valeur et
la viabilité même de la PME. La mise en œuvre
périodique d’une analyse financière interprétée et
commenté des états financiers annuels, et d’un
diagnostic financier complet dans les moments
d’instabilité et la communication, au moins annuelle, à
l’échelle de la PME, d’un rapport intégré, sont
également des prestations que les dirigeants de PME
devraient exiger de leurs experts comptables.
Mesures d’accompagnement et autres préalables à la
création de valeur
Nous nous limiterons celles que nous suggérons et que
nous considérons comme essentiels à la mise en œuvre
de ce qui précède à ce qui suit :
- Les dirigeants des PME devront mieux s’informer sur
les experts comptables en générai, notamment en
s’approchant de leur Ordre, et renégocier avec leurs
experts comptables les possibilités d’intégrer dans leurs
prestations un appui à la création de valeur, selon des
modalités à arrêter
- La création de valeur justifiant fondamentalement
leurs fonction et les pouvoirs associés, les dirigeants des
PME devront formellement s’initier à la création de
valeur et se remettre en cause afin d’aligner ladite
fonction et les pouvoirs susvisés aux exigences de cette
dernière.
- Les dirigeants de PME doivent substituer leur mentalité
de managers (gestionnaires, administrateur,
responsables de la direction, etc.) essentiellement court-
termiste et monétaire, par celle de propriétaires, plus
préoccupée par l’accroissement de la valeur de
l’entreprise dans la durée. Un code de conduite et
d’éthique, ou à défaut une déclaration d’intention sur
l’honneur, seraient de sérieux gages de ce changement
de paradigme et de leur engagement.
- Les dirigeants des PME devront également inciter l’Etat
à supprimer les commissariats aux comptes mal compris
et dont ni l’utilité générale, ni en matière de création de
valeur n’est ni établie. La faculté de recourir à de tels
mandats doit être laissée à l’appréciation des
actionnaires ou des créanciers.
- En revanche, il est fortement recommandé à l’Etat de
les remplacer, selon des modalités tout aussi
obligatoires et légales, dans l’intérêt des PME au sens
défini ci-avant et dans l’intérêt général, par des mandats
annuels de commissariats à la gestion et à la création
de valeur, qui incluront un rapport intégré, à l’échelle de
chaque PME.
- Les dirigeants des PME devraient être plus sélectifs
dans le recrutement de leur personnel comptable et de
gestion. La priorité doit porter non pas sur les
exécutants, mais sur des candidats capables de
comprendre la création de valeur et de travailler
étroitement avec les experts comptables de l’entreprise.
- L’Etat doit veiller de façon plus rigoureuse sur les
écoles de gestion qui offrent des masters en
comptabilité/finance/gestion, et les autres diplômes
supérieurs professionnels permettant d’entrer dans la
profession d’expert comptable. Les premiers constituant
le personnel de gestion clé des PME et les seconds
préparant à la profession d’experts comptables, il
convient de s’assurer que la formation offerte et les
diplômes délivrés confèrent le niveau déclaré. Ce qui, à
notre avis, n’est pas le cas à 90 %.
Comment peut-on délivrer des diplômes supérieurs de si
haute portée, notamment professionnels, avec une note
de 10/20 et quelques fois même moins. Dans de tels cas,
on peut présumer que les titulaires de tels diplômes ne
peuvent tout au plus que se prévaloir de la moitié des
connaissances ou qualifications requises. Ce n’est pas
sérieux : la création de valeur requiert un capital
humain de haut niveau et non des exécutants
insuffisamment formés et sans envergure.
- L’Ordre des experts comptables doit revoir, en
profondeur, sa stratégie de formation et de
renforcement des capacités pour reprendre une
expression consacrée, en développant, notamment avec
l’Etat et les organismes internationaux de support, des
stratégies afin de trouver les ressources pertinentes et
en suffisance (humaines et documentaires et
électroniques) pour répondre aux exigences de
compétences en matière d’offres de services créateurs
de valeur.
. Les Experts comptables à titre personnel, leur Ordre à
titre institutionnel, devront arrêter des stratégies
effectives et directes de communication de leur image
de fournisseurs de prestations créatrices de valeur par
des campagnes promotionnelles, intelligibles et
soutenues vers les dirigeants de PME. Il est à cet égard
suggéré de créer, à l’intérieur de l’Ordre, une
commission « Développement des Services de Conseil »,
ou mieux encore une section « Conseil » où s’inscriront
les membres désireux de se spécialiser et d’orienter leur
offre de services vers plus de conseil et la création de
valeur.
P.K. eca/mba
paumadko@orange.sn