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Introduction
D'une manière générale, les PME peuvent être définies comme des unités à l'échelle
humaine ou familiale souvent dirigées par un seul homme propriétaire du capital qui
assume ou cherche à assumer toutes les fonctions essentielles de l'entreprise. Cette
définition, si elle est générale et peut s'appliquer à l'ensemble des PME, elle nous permet
notamment de souligner deux caractéristiques majeures inhérentes à la manière dont
naissent et fonctionnent les PME camerounaises. La première est relative à la propriété
du capital et au mode de financement de l'activité, la deuxième, à l'organisation et à la
structure de l'entreprise qui en découle. Cette caractérisation permet en effet de
comprendre et de poser les principaux problèmes relevés à l'observation des PME
camerounaises 2 , à savoir :
• la faiblesse de leurs ressources propres et l'importance des coûts financiers que les
PME doivent supporter du fait du recours à des ressources d'emprunt dont les
crédits bancaires
• l'importance des coûts technologiques et des consommations intermédiaires
inhérents aux choix sectoriels et à une mauvaise maîtrise d'une technologie
empruntée et appliquée à l'outil de production
• une organisation sommaire de l'activité et de sa gestion qui aggrave, nous semble-
t-il, l'ensemble des coûts et des charges récurrentes de l'entreprise et dont le
caractère évolutif témoigne des limites de l'effet de levier financier de
l'endettement.
Les appréhensions par rapport à ces problèmes des PME camerounaises se justifient pour
au moins deux raisons : celle liéecaractère structurel des difficultés des PME et celle
attachée à la complexité de l'investissement et que ces problèmes laissent entrevoir.
Certaines des questions qu'il convient alors de se poser se rapportent aux conditions de
création d'un investissement efficient dans ces PME puis à la capacité de ces entreprises à
intégrer suffisamment ces contraintes dans leur décision d'investir.
En effet ce qui caractérise l'investissement c'est le temps long et les étapes successives
nécessaires pour créer une richesse. Cette variable s'apprécie alors sur un double plan
économique et financier :
Cette double nature de l'investissement met en lumière, à notre avis, deux aspects
fondamentaux :
Il peut s'agir aussi bien d'un risque économique que d'un risque financier. Le risque
économique tient à la variabilité possible des résultats due à des modifications pouvant
intervenir dans la concurrence, la technologie, la conjoncture... Quant au risque financier,
il se rapporte au recours à des capitaux d'emprunt pour boucler le financement du projet
ou de l'activité de l'entreprise.
Quelle signification revêt le comportement actif ou passif des entrepreneurs ? Quel est
son impact dans la régulation de l'activité ? Quel rôle y jouent les anticipations ?
Nous allons, pour répondre à ces différentes questions, procéder en deux temps :
Nous ne présentons pas d'étude de cas dans ce document, cela risquerait de rallonger
davantage le texte. Nous l'avons fait dans un travail précédent3 dont nous nous inspirons
ici et qui peut éventuellement compléter de manière avantageuse l'information du lecteur.
Le concept d'investissement est lié à celui de capital et, les économistes s'accordent pour
dire que la notion de capital pose un problème de définition 5. D'une façon générale on
distingue sur ce point deux conceptions opposées :
Ces deux approches ne semblent pas définitivement antagonistes. Elles devraient même
être rapprochées pour une meilleure intelligence de la relation de circularité qui apparaît
entre l'investissement et le capital et une appréhension plus large de la notion sous-
jacente de coût du capital.
Le processus de production se réalise en effet par absorption totale ou partielle d'un
ensemble de biens qui sont par ce fait incorporés dans le produit fabriqué, la distinction
entre capital fixe et capital circulant s'établissant dans la manière dont se réalise cette
incorporation. Ainsi, certains de ces biens appelés capital circulant et comprenant les
matières premières, les consommations intermédiaires disparaissent totalement au terme
du processus de production.
En fait, la notion de capital circulant est d'une grande complexité et ne fait pas toujours
l'unanimité des auteurs qui l'utilisent. L'un des aspects sur lesquels elle permet d'insister
est celui de la prise en compte ou non de paiement du salaire comme élément constitutif
de l'investissement en capital circulant 6.
Nous n'avons pas voulu intégrer cet élément parmi ceux qui composent le capital
circulant à cause de l'hétérogénéité du salaire dans les PME, objet de notre analyse. La
signification du salaire nous semble différente selon qu'il est payé aux ouvriers locaux ou
aux techniciens étrangers et risquerait de poser un problème d'homogénéité.
Le capital circulant s'oppose ainsi au capital fixe dont le stock demeure présent dans
l'entreprise et est constitué de l'ensemble des biens d'équipements. Certes, ceux-ci ne
disparaissent pas physiquement dans un même processus de production mais à chaque
étape ils subissent une "érosion" due à leur incorporation à la production. Cette forme de
consommation spécifique aux biens de capital se traduit souvent dans l'usure qui est une
dépréciation physique au fur et à mesure de l'utilisation. Mais, elle se manifeste
également dans l'obsolescence qui est plutôt une usure économique due au progrès
technique.
b) En outre, les équipements n'ont pas une durée de vie indéterminée. Leur choix doit
donc tenir compte de leur âge, de l'évolution de la technique et des risques que prend
l'entreprise en terme de coûts de maintenance, d'obsolescence, de compétitivité. Ce
dernier type de problèmes qui résultent de la dépréciation du capital du fait de la
production nous permet déjà de prévoir ou entrevoir les difficultés de fonctionnement
auxquelles devront faire face les PME dont les équipements sont généralement
importés et souvent de seconde ou de troisième main. Il nous introduit également à
un autre type de distinction où seront discutés à un autre niveau les problèmes
d'usure et d'obsolescence.
Ainsi donc, au fur et à mesure du temps, les équipements subissent une double
dégradation physique et technique. La dégradation technique dépend de l'évolution de la
recherche et de son application à la production, tandis que la dégradation physique est
liée à la durée d'utilisation.
Les équipements qui se sont amortis au fur et à mesure de la production demandent à être
renouvelés dans un souci de performance et sans doute de réduction des coûts d'entretien.
L'un des problèmes qui se posent alors est celui de savoir si le renouvellement peut se
faire à l'identique relativement au stock initialement installé. En d'autres termes, le flux
d'investissement induit par la dépréciation modifie-t-il les caractéristiques du capital de
l'entreprise ?
En pratique chaque nouvelle machine incorpore du progrès technique tel que pour des
générations de capital différentes, l'entreprise ne peut pas disposer d'un capital homogène.
Sur le plan purement théorique ce problème est analysé dans les modèles à générations et
repose sur au moins deux idées maîtresses.
L'un des aspects importants de ce rappel théorique est qu'il nous permet de soulever à
travers les changements de techniques, le problème de l'investissement en ressources
humaines indispensables au fonctionnement des différentes strates de capital. Car, le
changement de techniques traduit bien une modification dans le choix effectué parmi des
techniques disponibles à un moment donné et non un simple changement implicite lié à
une innovation ou au progrès technique. Cette précision permet d'insister sur le rôle
capital que joue dans ce cadre la formation des hommes et toutes les implications en
matière de coûts. Sa prise en compte signifie pour l'entreprise une planification de la
formation, une budgétisation des coûts, une comparaison des avantages et des
inconvénients du passage d'une technique à une autre, l'éventualité d'un retour de
techniques7.Si le problème du capital humain se pose d'une manière générale à
l'entreprise, il revêt un caractère particulier dans les PME où les aspects technologiques
ou de gestion par exemple ne sont pas toujours perçus comme faisant essentiellement
appel à la formation et surtout à la qualité de celle-ci. Pourtant sa prise en compte,
s'agissant des choix sectoriels, devrait permettre aux PME d'accorder une attention
particulière à la maîtrise technique pour décider de l'entrée dans une activité donnée,
Cette entrée étant alors subordonnée à l'acquisition des connaissances techniques et
pratiques nécessaires dans la spécialité choisie.
Cette place de choix à accorder à la formation ne se retrouve pas toujours dans les PME
surtout celles du secteur moderne où le chef d'entreprise même lorsqu'il n'a pas les
capacités techniques requises cherche à assumer les principales fonctions de l'entreprise.
Le recours à des compétences utiles formées à différents niveaux secondaire, technique et
supérieur n'est pas toujours apprécié par ces PME comme étant un investissement
indispensable. De telles qualifications peuvent même quelques fois être considérées
comme une menace au contrôle de l'entreprise par son propriétaire.
Néanmoins, même lorsque l'entreprise peut envisager de former son personnel à certaines
fonctions techniques ou autres, les conditions de délais de formation et de coûts sont
telles que les PME ne sont pas souvent préparées à les assumer. Cette forme
d'investissement leur semble ainsi trop coûteuse par rapport à la charge financière qu'elle
implique mais aussi par rapport au temps d'absence de l'entreprise, temps pendant lequel
le personnel à former ne sera pas opérationnel.
Nous ne disposons pas de chiffres sur les plannings de formation dans les PME
camerounaises. Mais, d'une manière empirique on peut dire que même lorsque la
formation initiale est acceptée et prise en charge, les PME établissent rarement un
programme de formation continue ou de recyclage permanent de leur personnel.
D'autres distinctions existent sur la forme des investissements. Nous mettrons ainsi
l'accent sur l'aspect capacité ou modernisation.
1.3 - Investissement de capacité et investissement de rationalisation
Les facteurs types d'investissement semblent être, bien plus que le niveau de production,
les évolutions des prix relatifs des facteurs. La distinction qui s'établit ainsi entre
investissement de capacité et investissement de rationalisation semble ignorer l'existence
d'autres facteurs décisifs tels que le risque qui d'ailleurs s'accroît dans les périodes de
crise avec l'importance des variations conjoncturelles et la difficulté à anticiper
efficacement. On ne saurait donc faire l'économie de la prise en compte du risque dans la
mesure où une décision d'investissement et sa réalisation engagent l'entreprise pour une
longue période. Ainsi, si une anticipation de baisse de la demande implique une
suppression des excédents de capacité donc un désinvestissement, il est indispensable
qu'une telle décision soit judicieuse. Il en est de même lorsque l'entreprise anticipant un
marché potentiel ou en développement décide d'accompagner la progression de la
demande en accroissant ses capacités de production. Le risque pris est tel que l'entreprise
pourrait se trouver en situation de sur-capitalisation, de sur-investissement où le volume
des investissements réalisés est supérieur à la capacité de croissance de l'économie. Ce
concept de sur-investissement dû à A. BARRÈRE est donc lié à de mauvaises
anticipations des entrepreneurs sur la rentabilité d'une nouvelle accumulation de capital.
Il importe tout de même de préciser que la frontière entre investissement de capacité et
investissement de rationalisation est difficile à établir, un investissement de
rationalisation pouvant très bien s'accompagner d'un accroissement des capacités de
production et inversement.
Une fois de plus, ces deux formes d'investissement attirent notre attention sur
l'importance des capacités installées au sein des PME camerounaises. En effet, la
manière dont les décisions d'investissement sont prises par ces entreprises et qui est
analysée plus loin à travers les choix sectoriels et choix technologique est telle qu'elle
leur pose à la fois des problèmes de surdimensionnement et de coûts d'oisiveté du capital.
De plus la modernisation de certaines de ces entreprises laisse entrevoir des problèmes de
coût des investissements et de moyens de financement, de capacités d'absorption de la
main-d'oeuvre locale et du coût de formation des ingénieurs et des techniciens constituant
tous des points qu'il serait utile d'apprécier.
En réalité, la résolution de ces problèmes n'est pas toujours évidente pour les PME
camerounaises à cause de leurs difficultés particulières endogènes à leur processus de
création dont essentiellement le caractère exogène du capital.
Les différentes formes d'investissement que nous venons de présenter mettent en relief
l'intérêt de la théorie dans l'explication de la réalité. Et, les distinctions qu'elles
permettent de faire sont importantes et contribuent à notre avis à l'analyse de la
complexité du problème de l'investissement dans les économies sous-développées et plus
précisément dans les PME camerounaises. Elles renforcent ainsi les analyses suivantes
menées directement sur la base de l'observation des faits.
Cet objectif ne semble pas réalisé. Et, cet investissement produit plutôt un effet d'éviction
au détriment des PME qui elles, n'accèdent ni directement ni indirectement aux marchés
publics. De prime abord l'envergure des contrats semble si importante qu'elle ne devrait
mettre en compétition que de grandes entreprises de production de services dotées
d'importants moyens financiers. Manifestement, l'observation révèle aujourd'hui qu'au
démarrage de l'activité, la surface financière de ces entreprises n'est guère plus solide que
celle des PME locales.
La création des unités industrielles locales dans ce contexte s'appuie donc sur ce marché
interne dans une perspective de parts de marchés croissantes de manière à substituer leur
production aux importations.
L'entreprise est dans ce cas souvent amenée à produire en deçà de son seuil de
rentabilité.
o celui de créer des débouchés aux produits extérieurs par la destruction des
formes locales de production;
o celui d'ouvrir des sources d'approvisionnement en matières premières par
la détermination de secteurs de production bénéficiant prioritairement de
flux d'investissement.
iii) Enfin l'investissement d'expansion dont les effets dans les économies en
cause se situent à l'opposé du rôle fondamental qu'on leur a reconnu dans la
croissance des économies industrialisées. L'impact négatif de cet
investissement est similaire et même plus amplifié que celui de
l'investissement de modernisation du fait de l'objectif d'élargissement de la
base productive qui le caractérise.
La plupart des traits ainsi relevés peuvent aider à préciser la spécificité que les
investissements revêtent dans la mise en place et l'évolution des PME
Camerounaises. Leur particularité peut être saisie à plusieurs niveaux :
Nous avons dit que l'investissement des entreprises suppose à la fois un arbitrage entre le
présent et le futur puis la décision d'engager son capital dans une activité productive. Il
serait actuellement intéressant de savoir ce qui incite un entrepreneur à un
comportement d'investissement et ce qui détermine son choix pour un type
d'investissement donné.
L'investissement est une opération qui se matérialise dans une dépense immédiate ou
étalée sur une période donnée, alors que la récupération du capital engagé devra
s'effectuer progressivement sur plusieurs périodes. Le profit attendu d'une telle opération
semble donc constituer la base essentielle de la décision d'entreprendre.
L'entrepreneur qui anticipe ainsi des profits le fait sur la base des coûts qu'il devra
supporter.
Pour l'analyse économique, les prévisions que fait un investisseur quand à son activité
puis au niveau de son profit s'appuient sur l'observation de la réalité telle qu'elle s'est
déroulée au fur et à mesure du temps.
La tendance habituelle est de réduire le coût du capital au taux d'intérêt. Mais, même
lorsqu'on y inclut d'autres composantes tels que le coût des fonds propres, les définitions
proposées sont généralement orientées vers la détermination du seuil de rentabilité de
l'investissement 12. Le coût du capital doit alors être compris comme le seuil minimum
de rentabilité d'un projet d'investissement.
Une meilleure appréhension de cette notion de coût du capital nécessite une explication
de son contenu. F. POULON situe une telle définition à trois niveaux.
ii) Comme l'acquisition d'un capital suppose que celui-ci sera mis en exploitation,
l'entreprise doit en plus du coût d'accès au capital supporter la charge
d'amortissement, celle qui assure le maintien du potentiel de production.
c = d.q' + rq
Ainsi le coût du capital, se ramène souvent au seul coût d'usage du capital, qui est
donc à la fois :
On distinguera alors :
D'une manière générale ces trois types de facteurs influent considérablement les uns sur
les autres et s'imbriquent dans la réalisation des objectifs de profit de l'entreprise.
La maîtrise de chacun d'eux est donc une nécessité pour l'entrepreneur. Toutefois, l'un
d'eux semble être placé au point de départ et au coeur de l'activité, occupant à ce titre une
place privilégiée dans la décision d'investir. Il s'agit des déterminants financiers dont
nous tenterons de montrer l'importance dans le développement de l'entreprise en
général et de la PME en particulier.
Le problème est même plus ardu puisque l'entreprise doit décider auparavant de
l'affectation des bénéfices et de la distribution des dividendes selon des critères propres.
L'appréciation de l'efficacité des choix financiers de l'entreprise pose ainsi le problème du
choix d'un taux d'intérêt permettant de déterminer le coût des capitaux d'emprunts, celui
de l'évaluation du coût des capitaux propres et de la détermination d'un taux
d'actualisation des dividendes. Le problème se complique encore lorsque l'on introduit
d'autres aspects de la contrainte du financement dont le rationnement des capitaux, les
délais longs de mise à disposition des fonds l'importance des garanties exigées, les coûts
implicites des transactions.
L'importance du problème peut être saisie ex-ante, au moment de l'évaluation des projets,
ou ex-post, au fur et à mesure de l'exploitation.
Nous ne ferons pas ici une analyse exhaustive des critères couramment utilisés et qui sont
la valeur actualisée nette, le taux de rendement interne, le délai de récupération du capital
investi. Ces critères sont certes d'une grande importance mais, nous chercherons
davantage à souligner ici les critères qui se rapportent étroitement à la décision d'investir
dans la PME camerounaise.
Nous avons en effet plusieurs fois rappelé la faiblesse des capitaux propres et la nécessité
du recours à l'endettement pour la création et le développement des PME en général et
des PME camerounaises en particulier.
L'un des critères les plus significatifs pour l'appréciation de l'impact du financement sur
la rentabilité des investissements est celui relatif à l'évaluation des flux de trésorerie
attendus de l'exploitation. Les prévisions de flux de trésorerie peuvent utiliser la valeur
actuelle nette.
i est le taux d'actualisation qui peut être égal au coût du capital ou généralement au taux
d'intérêt annuel moyen du marché;
VAN = S R p (1+i) -p - I o
p=1
Cette formule de la valeur actualisée nette encore appelée Goodwill ou quasi rente
actualisée signifie que "la valeur de tout bien de capital est donnée par la somme des
valeurs actualisées des revenus monétaires que la détention et la mise en valeur de ce
bien de capital permettent de réaliser" 14 .
Ce concept comme les précédents semble d'un grand intérêt pour l'entreprise qui peut
ainsi prévoir l'évolution de son exploitation. Mais, plus que les deux autres la valeur
actuelle nette renseigne sur le mouvement au fur et à mesure du temps de la trésorerie
permettant à l'entreprise de prendre à temps les décisions ou les corrections qui
s'imposent pour une activité plus rentable. Mais ce problème déjà posé revient ici, celui
du choix du taux d'intérêt, du taux d'actualisation applicable pour les PME. Car, à notre
avis, les difficultés de trésorerie souvent signalées dans les PME ont au moins une double
signification.
ii) On pourrait aussi penser à une autre explication, celle d'une absence totale
d'évaluation aidée par la complexité des techniques classiques généralement
utilisées. C'est ce qui se passe apparemment dans les PME du secteur informel où
les conditions d'entrée et d'installation dans le secteur sont différentes de celles de
l'entrepreneur du secteur moderne. Toutefois cette absence d'évaluation
évoquée ici ne peut être qu'apparente. Et, il nous semble bien que les PME
informelles font à leur manière une appréciation du risque qu'elles prennent
même si celui-ci peut paraître moins important à cause du faible coût
d'installation.
Il nous semble qu'elles procèdent à une forme d'évaluation particulière, mais logique et
circonstanciée du risque où les critères ne sont plus uniquement le taux d'intérêt mais un
ensemble d'éléments plus complexes.
On peut ainsi à partir de ce constat réécrire pour les PME Camerounaises la VAN.
VAN = S R p (1+i) -p - I o
p=1
Nous avons déjà fait un certain nombre d'observations s'agissant du taux à appliquer pour
les PME Camerounaises. Nous avons en particulier dit :
• qu'il n'y a pas de marché financier conventionnel et donc pas de taux d'intérêt
moyen du marché;
• que ce taux d'intérêt même s'il était défini, serait insuffisant pour rendre compte
des conditions de crédit des PME Camerounaises;
• que d'autres facteurs technologiques et de gestion influent énormément sur les
résultats de l'activité des PME et peuvent avoir un impact tout aussi grand que
celui du taux d'intérêt.
• le taux d'intérêt qui serait compris entre le taux bancaire et le taux effectif sur le
marché informel. Il serait plus proche du taux bancaire pour les PME modernes
éligibles au crédit bancaire et plus proche du taux sur le marché informel pour les
PME qui se financent uniquement sur l'autre marché. Ce taux d'intérêt, nous
l'écrirons i' parce qu'il a une signification différente de celle de i dans la
formule précédente.
• Mais comme ce taux d'intérêt tout seul ne suffit pas pour traduire les difficultés
des PME à se financer à crédit, on lui adjoindra un taux d'intérêt implicite que
nous appelerons i''. Ce taux s'élèvera avec le durcissement des conditions
bancaires de terme et de garanties d'une part et l'importance des coûts
technologiques et de gestion liés à la mauvaise maîtrise des équipements et à
une faible expérience industrielle des entrepreneurs d'autre part.
V A N = S R p (1+i'+i") -p - I o
p=1
Le taux d'actualisation sera donc plus élevé pour les entreprises qui ont à faire face à un
environnement économique et financier hostile, pour celles dont les conditions
technologiques ou techniques sont précaires et pour celles enfin dont la gestion est
essentiellement atone. Nous verrons par la suite, avec des exemples concrets que i''
occupe une place prépondérante dans la vie et le développement des PME et que
l'on peut établir une relation entre i' et i" de telle sorte que l'on peut encore écrire :
V A N = S R p (1+&i') -p - I o
p=1
Une bonne détermination du taux d'actualisation nous semble être une opération
indispensable pour l'établissement des comptes prévisionnels d'exploitation et de
trésorerie plus réalistes par une appréciation plus judicieuse d'un projet d'investissement
dans une PME. Elle confirme une fois de plus l'existence d'une relation étroite entre la
valeur d'une entreprise et les choix financiers qu'elle peut effectuer.
Le recours à l'emprunt peut ainsi constituer une réponse aux problèmes de financement
des PME qui peuvent par ce biais desserrer la contrainte du financement interne et
réaliser leur projet de création ou de développement. Toutefois, l'effet de levier financier
ne se réalise pas de façon automatique, il n'est donc pas acquis du fait du seul
endettement. Sa réalisation dans les PME camerounaises nous semble en particulier
subordonnée à la maîtrise technologique analysée à travers la manière dont s'opèrent les
choix sectoriels et se définit la politique industrielle.
Dans les PME camerounaises, le choix de s'établir dans un secteur d'activité donné ou
dans une branche donnée semble souvent être le fait du hasard. L'appréciation des
difficultés et des exigences particulières de l'activité industrielle, l'opportunité même de
la décision d'investir ne semblent pas toujours être une préoccupation majeure pour les
dirigeants. La structure légère dans laquelle elles fonctionnent montre que l'importance
du choix sectoriel n'est pas toujours bien saisie de même que la nécessité de la maîtrise
technique requise pour l'exercice de certaines tâches de l'entreprise. D'ailleurs,
l'engorgement rapide de certaines branches telles que la menuiserie, la boulangerie
témoigne davantage d'une tendance à une copie facile de ce qui existe déjà que d'une
opération motivée et maîtrisée 16 .
Et l'observation des faits montre que l'installation de nouvelles unités n'entraîne pas
forcément une amélioration dans la qualité des produits par rapport à ceux des
entreprises existantes. Cette situation est tout à fait compréhensible dans la mesure
où bon nombre de PME naissent à l'occasion de Forum internationaux. Ceux-ci sont
des lieux où des constructeurs d'équipements industriels ou leurs représentants
commerciaux font connaître leur matériel. Mais c'est aussi le lieu où les choix
d'équipements sont effectués faute d'une participation plus avantageuse à ce marché. Ces
équipements sont généralement de seconde main. Ils sont alors réformés surévalués, leur
technologie étant dépassée dans les pays d'origine. Les problèmes vont être inévitables, le
choix des équipements se situant en amont et déterminant le choix du projet 17 lui-même.
Les différentes étapes se juxtaposent pour s'achever dans des essais d'adaptation des
machines au contexte et aux besoins nationaux 18 .
On peut donc comprendre que, pour les utilisateurs, ces équipements posent d'énormes
problèmes. L'outil de production est souvent mal connu et surdimensionné, les pannes
sont fréquentes à cause de la vétusté des machines et les recours au constructeur se
multiplient. Les délais de réaction de celui-ci, ceux de la livraison des pièces de rechange
causent de nombreuses ruptures dans le rythme de la production. Des solutions sont
souvent recherchées dans des essais d'adaptation de pièces fabriquées localement ou alors
dans le dépannage par des techniciens "de fortune".
Ces surcapacités effectives peuvent être gérées de deux manières; soit les entreprises
supportent des coûts implicites de sous utilisation du capital soit elles sont confrontées à
la question des débouchés. Elles s'obligent dans ce dernier cas à la prospection et à la
conquête de marchés extérieurs dans les autres pays africains, dans ceux de la sous-région
UDEAC ou ceux de l'occident. La conquête d'autres marchés est souvent la seule solution
pour assurer la survie donc couvrir les charges fixes et assurer le développement des
PME. Mais les conditions de participation à ces marchés ne sont pas favorables aux PME
que la qualité des produits et les coûts de production rendent peu compétitives.
• d'abord, du fait du choix sectoriel qu'elle effectue, la PME créée devient fortement
dépendante des consommations intermédiaires, pièces de rechange, assistance
technique, matières premières que renchérit la dévaluation du F CFA;
• ensuite et toujours compte tenu de ce choix, elle se contraint à l'exportation de ses
produits vers des marchés qu'elle maîtrise mal.
En fait, le problème ici ne se situe pas dans la recherche de débouchés mais dans le fait
que celle-ci n'ayant pas été pensée au départ s'impose par la suite à ces entreprises comme
une contrainte supplémentaire sans doute difficile à desserrer.
Ainsi, tels qu'ils sont effectués, les choix sectoriels sont à l'origine d'énormes problèmes
de capacité, de marchés et bien entendu de gestion causant aux entreprises de nombreux
préjudices. Si ces préjudices n'ont pas toujours été suffisamment bien appréhendés par les
dirigeants des PME, ils ne l'ont pas plus été ni par les institutions et organismes chargés
de la promotion des PME ni par les autorités économiques elles-mêmes.
En effet, les définitions de la PME telles qu'elles sont formulées par les institutions et
organismes de promotion privilégient de manière explicite les aspects liés au financement
des PME. Le côté technologique n'est pratiquement évoqué nulle part.
Il semble même que les chiffres se soient davantage détériorés dans les périodes de forte
activité économique. Il en est ainsi des soldes des périodes de 1981 à 1986-1987, ils se
sont ensuite améliorés depuis 1988 jusqu'aux derniers chiffres disponibles et qui
correspondent à une période de très faible activité. Les PME se créent et se développent
dans cet environnement. Les matières premières, l'assistance technique sont fournis de
l'extérieur. Pourtant certains des coûts liés à cette dépendance auraient pu être évités.
Dans la situation de crise que traverse le Cameroun à l'heure actuelle, de jeunes cadres
perdent leurs emplois dans les grandes entreprises privées ou publiques. D'autres sortent
de grandes écoles d'enseignement technique locales ou étrangères, constituant d'énormes
potentialités dans des champs de spécialités variés. Mais la question de l'exploitation
judicieuse de ce "capital-matière grise" demeure. Elle amène de plus en plus à s'interroger
sur le bien fondé des espoirs d'une meilleure maîtrise technologique et d'un
développement industriel placé dans les PME au Cameroun.
Ce problème technologique soulevé ici ne nous semble d'ailleurs circonscrit ni au cas des
PME ni à celui de l'économie camerounaise du fait de la manière simpliste dont il y est
traité. Il semble être le problème général de l'économie sous-développée. Les politiques
industrielles et les stratégies d'industrialisation n'ont pas accordé à la composante
technologique la place qu'elle mériterait d'avoir.
Et, ainsi que le dit G. CORM "en règle générale, ces théories du développement à la base
des idéologies d'Etat dans les PVD ont toutes contribué à déclencher une course à
l'investissement aux fins de modernisation, l'investissement induisant donc des
importations massives et brutales d'équipements productifs de l'extérieur et introduisant
en profondeur le Tiers-Monde dans les circuits de commerce de technologie animé par
les firmes multinationales" 19
Les objectifs d'industrialisation visés dans ces stratégies n'ont pas toujours été garantis.
Leur réalisation a même très vite buté contre les inerties des défaillances technologiques
et des problèmes de gestion qu'elles induisent. La transmission de la technologie
généralement attendue de l'extérieur n'a pas pu se concrétiser pour cette raison que, en
réalité, il n'existe pas de transfert de technologie. La "technogénie" d'un pays n'est pas
transmissible par le seul biais de l'achat de ses équipements industriels, une technologie
industrielle s'acquiert par une création technique nationale sérieuse 20.
Il se pose avec beaucoup d'acuité aux PME et même à de grandes entreprises industrielles
dans les économies non encore industrialisées préoccupées par la mise en place d'un tissu
économique articulé.
Une voie dans la recherche d'une véritable intégration du tissu industriel a été
ouverte par les analyses sur les stratégies de filières de production 22 . On définit une
filière de production comme l'ensemble des stades aboutissant à la fabrication d'un ou de
plusieurs produits finis à partir de produits bruts. La filière est donc établie sur une vision
verticale du processus de production mettant en valeur des mécanismes de décision liés
23 Elle est donc axée sur un secteur de biens d'équipement qui tire les secteurs de biens
intermédiaires et de biens de consommation 24 pour une plus grande indépendance vis à
vis des mouvements conjoncturels internationaux. Elle s'appuie donc sur une approche du
type Input-Output encore appelée analyse fonctionnelle pour laquelle les liaisons entre les
différents secteurs d'une économie sont fondamentales. Wassily LEONTIEF a présenté
sur ce sujet une matrice des relations appelée matrice des coefficients techniques
permettant de définir un multiplicateur matriciel.
La concrétisation d'une telle démarche n'est pas évidente, parce que lente et coûteuse.
Car, le temps de la politique industrielle est le temps long, tout comme celui de
l'investissement de la recherche et de la formation des équipes 25 . Et, on est souvent
obligé de choisir entre d'une part ces délais importants mais incontournables dans la mise
en place d'un tissu industriel propre dont les effets multiplicateurs jouent à l'intérieur du
pays et d'autre part des solutions faciles qui exposent à des risques de technologisme 26.
Conclusion
Nous avons fait ici une analyse globale sans tenir compte des spécificités (que nous ne
relèverons pas dans ce document) qui pourraient exister d'une PME à une autre. Une telle
présentation dégage une impression d'uniformité et d'homogénéité qui n'existe pas dans la
réalité. Il s'agit en effet d'un ensemble hétérogène d'entreprises vivant chacune à sa
manière ces problèmes technologiques et autres que nous venons de décrire.
Ainsi donc, nous avons vu que les choix sectoriels et les choix de projets d'investissement
dans les PME n'intègrent pas suffisamment les variables fondamentales de
l'investissement dont notamment le surdimensionnement des usines, le faible taux
d'utilisation des capacités, le coût d'une technologie empruntée, la difficulté à garantir
une formation continue du personnel et celle de sa gestion dans le sens d'une affectation
prioritaire aux générations nouvelles. Cette défaillance a des accointances avec la
manière dont les choix sont opérés et qui semblent prioritairement liés aux opportunités
de financement et d'une manière générale à des déterminants financiers. Le problème
même de l'emploi que les PME sont supposées résoudre devient alors secondaire.
Il s'agit là de points qui ne sont pas toujours pris en compte ou qui ne le sont pas assez.
L'une des résultantes de cette omission est la rapidité avec laquelle les équipements se
déprécient ou deviennent obsolètes lorsqu'ils ne le sont pas déjà au moment même de leur
acquisition du fait du phénomène de la délocalisation.
Le mode d'intégration de l'investissement dans les PME agit négativement sur l'efficacité
marginale du capital et fragilise les entreprises sur les plans financier et technique les
préparant mal à la concurrence des produits importés et à l'élargissement de leur part du
marché. Cette fragilité débouche nécessairement sur la stagnation de l'investissement au
sein de ces unités de production, la réduction des marges bénéficiaires, l'aggravation du
pilotage à vue de l'activité, le ralentissement et même le risque de blocage du processus
d'accumulation.
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