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SEMINAIRE
DE
GOUVERNANCE D’ENTREPRISE
ET MANAGEMENT DES RISQUES
Par
Eustache S. MEBIAME-TOUTOUME
Economiste Industriel
Docteur ès Sciences de Gestion
DECS d’Expertise Comptable
Université Omar Bongo, Faculté de Droit et de Sciences Economiques, Libreville
Université de Lorraine, Laboratoire CEREFIGE, Nancy
1
SOMMAIRE
REMARQUES INTRODUCTIVES
CHAPITRE 1. L’ENTREPRISE CONTEMPORAINE : UN CROISEMENT DE REGARDS
ACCREDITANT LA NECESSITE D’UNE GOUVERNANCE RIGOUREUSE
1.1 L’entreprise comme organisation
1.2 L’entreprise : une entité multidimensionnelle en management stratégique
1.3 La vision systémique : l'entreprise comme un système ouvert
1.4 L’entreprise comme une entité soumise à une exigence éthique : la responsabilité sociale de l’entreprise
CHAPITRE 2. LA PERFORMANCE ET SA MESURE
2.1 La performance : un concept polysémique
2.2 La mesure de performances
CHAPITRE 3. LA STRATEGIE : VUE D’ENSEMBLE
3.1 Qu’est-ce que la stratégie ?
3.2 Pourquoi élaborer une stratégie ?
3.3 Comment élaborer une stratégie ?
2
REMARQUES INTRODUCTIVES :
Les ennuis judiciaires actuels de Carlos Ghosn1, l’illustre ex-président-directeur général de Nissan puis de
Renault-Nissan, ont remis au goût du jour la lancinante question du gouvernement d'entreprise qui a trait
grosso modo - nous y reviendrons un peu plus en détail dans nos développements - à l’exercice du pouvoir
par les dirigeants au sein de l'entreprise et aux mécanismes de contrôle connexes (Pastré, 1994 ; Charreaux,
1997 ; Shleifer & Vishny, 1997 ; Bessire & Meunier, 2001).
La forte médiatisation de cet événement était du reste à la mesure de l'étoffe du personnage. Un individu
qui s'est patiemment forgé une solide réputation de manager et de bâtisseur aux yeux des Japonais, au point de
devenir, au Japon même, le tout premier dirigeant non japonais d'une grande firme nippone, avant de connaître
- et c'est là tout le contraste - une telle vertigineuse descente aux enfers. D’un côté, c’est l’histoire d’un brillant
dirigeant dont la page Renault-Nissan se tourne brusquement de façon mitigée. De l’autre, c’est l’histoire des
entreprises concernées dont la vie continue sans l’homme qui aura tant su marquer de son empreinte leur
histoire individuelle et commune.
Objectivement, pour être au cœur de la vie économique et sociale et corrélativement source de bien des
enjeux (économiques, sociaux, culturels et politiques), l'entreprise ne cessera jamais de cristalliser l’attention
et de faire parler d'elle. Producteur de biens et services, l'entreprise construit à ce titre une offre appelée à
rencontrer sur le marché une demande solvable et satisfaire ainsi les désirs des consommateurs. Pourvoyeur
d'emplois eux-mêmes générateurs de revenus à leurs bénéficiaires, l'entreprise est un indéniable facteur de
valorisation sociale des individus, participant activement, du même coup, à leur structuration identitaire.
Mieux elle se porte, mieux l’entourage respire. Qu’elle en vienne à s’enliser dans des difficultés, c’est le
chômage parti de ses rivages qui va ensuite exporter et répandre ses méfaits dans l’écosystème social.
C’est donc à juste titre que l’entreprise est perçue comme étant « une affaire de société » (Sainsaulieu,
1990), une institution de socialisation secondaire apte à prendre le relais des institutions de socialisation
primaire comme la famille ou la religion désormais défaillantes au plan de la préservation de la stabilité sociale
(Sainsaulieu, 1990, 1998).
Dans le même ordre d’idées, il est légitime que l’entreprise suscite, dans son entourage, préoccupations,
interrogations, doutes et inquiétudes quant à son mode de fonctionnement, dès lors que ses dirigeants ont des
coudées franches. Les tracasseries judiciaires évoquées plus haut émargent précisément à ce registre de
scepticisme managérial et partant gouvernemental.
Ces précisions étant faites, jeter un regard sur le gouvernement (ou la gouvernance) d’entreprise revient
pour l’analyste à se situer à un niveau hiérarchique très élevé dans l’entreprise ; celui des décisions
1
Incarcéré au Japon le 19 Novembre 2018 et inculpé d’abus de confiance et de dissimulation de revenus, Carlos Ghosn,
Président de Renault depuis plusieurs années, a bénéficié, en Mars 2019, d’une mesure de libération sous contrôle
judiciaire le privant de la possibilité de quitter le Japon, et ce dans l’attente de son procès prévu pour 2020. Il a malgré
tout réussi à quitter clandestinement et spectaculairement le Japon le 29 décembre 2019 pour rejoindre le Liban où il
séjourne depuis lors.
3
stratégiques dont la caractéristique majeure est d’impacter fortement l’avenir de l’entreprise et de comporter
pour elle, en dernière analyse, un enjeu majeur de pérennité.
Or, à cet égard, l'avantage concurrentiel censé être le critère déterminant de la prise de telles décisions
(Ansoff, 1965 ; Porter, 1985) ne le demeure apparemment plus qu’en théorie. Il n’a plus, en quelque sorte,
qu’une teneur purement académique. Toujours professé dans les "Business Schools", l’avantage concurrentiel
- à acquérir, maintenir ou renforcer par une entreprise face à une opportunité intéressante de développement
ou un péril grave à conjurer - a énormément perdu de sa substance, de son épaisseur empirique. Il s’affiche
davantage dans la vie des affaires comme une simple vue de l’esprit, tant il voit son rôle voué à n’être qu’un
argument de cosmétisation des "business plans" propres à recueillir l'adhésion des actionnaires,
administrateurs et banquiers. Il n’est désormais plus, pour ainsi dire, qu’un alibi brandi par des dirigeants
habiles pour extorquer aux actionnaires, réunis en conseil d'administration ou en assemblée générale, des
résolutions en faveur de telle ou telle manœuvre stratégique : fusion-acquisition, diversification, alliance,
partenariat, etc. C’est là en particulier que le bât blesse aujourd’hui dans le chapitre des grandes manœuvres
stratégiques.
A l’évidence, les prévisions contenues dans un "business plan"2 ne sont que des chiffres inscrits dans des
tableaux et graphiques. A l'épreuve des faits, c'est la désolation, le désenchantement, l’amertume. Les
synergies promises aux actionnaires dans tel projet de fusion-acquisition ne sont pas toujours au rendez-
vous. Ainsi s’explique, à titre d’illustration, la perte colossale de plus de 500 millions d'euros, la première
depuis plus de dix ans, subie en 2005 par le groupe automobile allemand Daimler-Benz, propriétaire de
Mercedes, quelques années après le rachat du constructeur automobile américain Chrysler3. Du coup,
l'emblématique étoile de Mercedes, avec la métaphore de la brillance qui lui est si connexe, avait fortement
pâli. C'est que la motivation profonde d'une telle acquisition était, dans l’esprit des dirigeants allemands,
ailleurs que dans la quête véritable de synergies. Et ce n’est pas la moindre des déceptions enregistrées par les
actionnaires des FMN dans leur relation aux dirigeants.
Cela dit, d'un côté, on voit ces dirigeants de sociétés faillir à leurs missions de mandataires légaux,
l’obligation d’information – mieux de bonne information - en étant un aspect important. De l'autre, des entités
extra-organisationnelles de contrôle comme les auditeurs et les commissaires aux comptes sur lesquels le
législateur, soucieux des intérêts des actionnaires, compte tant pour fiabiliser l'information comptable et
financière en provenance des entreprises et dénoncer éventuellement les faits délictueux dont ils auraient eu
connaissance pendant leurs investigations, voient leur crédibilité entachée par les connivences avec des équipes
dirigeantes déviantes. Le désormais historique triste cas du cabinet d’audit Arthur Andersen, empêtré dans les
scandales comptables de son client Enron, courtier américain en énergie, est ici éloquent. Ce fâcheux
évènement a été le déclencheur notamment en France des nouvelles régulations économiques (NRE) et de la
loi sur la sécurité financière (LSF)4.
2
Les étudiants désireux d’approfondir leur connaissance des business-plans pourront se reporter avec profit à l’excellent
ouvrage de Pic J. C. (2007), A chaque enjeu, son business plan, Paris, Vuibert.
3
Cf sur ce point l’article intitulé « Délié de Chrysler, Mercedes accélère, in Revue Challenges, n°102, 29 Novembre 2007,
pages 56 à 58.
4
Cf notamment, sur ce point, Parrat F. (2003), Le gouvernement d’entreprise, Paris, Dunod, pp. 70-93.
4
Il n’était dès lors plus déraisonnable d’exciper d'une crise du gouvernement d'entreprise affectant un
système capitaliste qui « perd la tête », pour paraphraser Stiglitz (2003)5 et doit se ressaisir. Comme le
soutient Edgar Morin, toute crise porte en elle un risque et une chance. Le risque de voir le phénomène déploré
s'amplifier voire empirer. La chance pour les victimes de se faire violence, se refonder, se réinventer. C’est
bien du reste à cette réinvention qu’appellera Stiglitz (2006) dans un ouvrage ultérieur au titre tout aussi
évocateur que le précédent : " Un autre monde".
L’objet de ce séminaire est de repérer et analyser les problèmes qui entourent le gouvernement d’entreprise
puis d’examiner quelques axes pertinents de leur résolution. Un gouvernement d’entreprise qui est par
définition, ainsi que nous le verrons, indissociable du management des risques. La multiplicité des acteurs
concernés et partant des intérêts en cause inscrit cette problématique dans une logique de jeux d’acteurs
(Crozier & Friedberg, 1977)6, avec la complexité qui la caractérise généralement. D’où le registre conceptuel
inévitablement pluridisciplinaire7 de ce séminaire.
Nos réflexions procéderont d’une triple interrogation. Tout d’abord, qu’est-ce que le gouvernement
d’entreprise ? Ensuite, à quels types de risques entourant l’exploitation de l’entreprise fait-il face ? Enfin,
comment peut-il contribuer à les conjurer ?
Nos développements seront structurés en 7 chapitres. Le premier concerne en fait un exercice classique en
management, à savoir : donner une lecture théorique de l’entité au centre des préoccupations : l’entreprise.
Le second s’attachera à la question de la performance et de sa mesure. Un troisième chapitre traitera de la
stratégie, suivi dans un quatrième chapitre du management des risques qui entourent l’exploitation de
l’entreprise. Le chapitre 5 tentera d’apporter des éclairages sur le concept de gouvernement d’entreprise,
l’occasion étant alors donnée de relever les difficultés que pose la contextualisation de certains phénomènes,
autrement dit l’adaptation à un contexte donné de phénomènes ou concepts conçus dans un contexte spatial
différent. Dans le sixième chapitre, il s’agira de pointer, à la lumière de faits, les atteintes aux idéaux
(juridiques, économiques) connexes aux modèles de gouvernement d’entreprise. Le dernier chapitre sera alors
consacré à l’examen de quelques axes de solutions aux dérives comportementales des dirigeants.
* * *
*
5
L’économiste et prix Nobel américain Joseph E. Stiglitz consacre aux pratiques répréhensibles d’Enron le chapitre 10
d’une quarantaine de pages dans son ouvrage. Cf Stiglitz J. E. (2003), Quand le capitalisme perd la tête, Librairie Arthème
Fayard, pp. 410-450.
6
Crozier M. & E. Friedberg (1977), L’acteur et le système, Paris, Editions du Seuil.
7
Une douzaine de champs disciplinaires et corrélativement de registres conceptuels sont mobilisables dans ce séminaire,
à savoir : management des organisations, management stratégique et contrôle de gestion, finance d’entreprise et théorie
financière, théorie des organisations, histoire des affaires (Business History), économie, droit des sociétés et droit pénal
des sociétés, psychologie des organisations, sociologie des organisations.
5
CHAPITRE 1. L’ENTREPRISE CONTEMPORAINE : UN CROISEMENT DE REGARDS
ACCREDITANT LA NECESSITE D’UNE GOUVERNANCE RIGOUREUSE
Nous ne reviendrons pas sur la vision économique classique de l’entreprise : producteur, investisseur, etc.
Précisons tout simplement que l’entreprise apparaît, dans la théorie économique néo-classique, comme étant
une simple « boîte noire »8 hélas jamais ouverte par les théoriciens concernés, inféodée au marché, donc à un
système de prix. Bref, elle est une simple composante de l’axiomatique de l’équilibre général walraso-parétien.
Les problèmes de gouvernance d’entreprise objet de notre séminaire concernent avant tout ses instances
dirigeantes, son état-major (direction générale, assemblée d’actionnaires), lieu de prise des décisions
stratégiques. C’est donc au niveau stratégique qu’il est pertinent de se situer, lequel a trait à la politique
générale. Aussi, mettrons-nous en lumière la vision que le management stratégique a de l’entreprise-là même
dont les comportements de l’équipe dirigeante vont être étudiés. Du reste, cette nouvelle vision démarque bien
de celle économique précédente dès lors qu’il s’agit d’une vision plutôt multidimensionnelle de l’entreprise,
entité avant tout organisationnelle.
8
Edith Tilton Penrose écrivait à cet égard que « la firme n’est pas la firme ». Cf Penrose E. T. (1959), The Theory of the
Growth of the Firm, Oxford, Basil Blackwell, Reprinted January 1963, pp.9-11.
9
Cf sur ce point Desreumaux A. (2000), « Théories des organisations : un état des lieux », in Amann B., Y. Dupuy, J. J.
Rigal (2000) (Direct.), Recherches et pratiques en gestion, Instituts d’Administration des Entreprises, XVèmes Journées
Nationales, Bayonne-Biarritz.
10
Autres types d’organisations : l’Etat, une collectivité locale, une école, une université, un hôpital, une église, un club
de foot-ball, une association, etc.
11
Ansoff I. (1965), Corporate Strategy. Traduction Française : Stratégie du développement de l’entreprise, Paris, Les
Editions d’Organisation, 1989.
6
alii (1965)12. Quelle vision ce corpus disciplinaire a-t-il de l’entreprise ? Autrement dit, quel est le statut de
l’entreprise en management stratégique ?
Dans la littérature stratégique, l’entreprise est soumise à une lecture à l’aune de cinq attracteurs : téléo-
logique, éco-logique, socio-logique, techno-logique et idéo-logique. Ce qui renvoie à autant de visions du
changement organisationnel entrepris par ses managers : planifié, darwinien, politique, recherche de puissance,
mental (Cf Tableau ci-dessous).
L’entreprise comme une unité commandée par Changement darwinien, imposé par la sélection
2. Eco-logique l’environnement et par le marché. D’où des marges naturelle du marché. L’entreprise doit se forger
de manœuvre limitées de ses dirigeants dans la une voie hasardeuse, par des « essais/erreurs »,
course à la compétitivité, à l’efficience, etc. des adaptations rapides.
4. Techno-logique L’entreprise comme un patrimoine de technologies, Changement inspiré par une recherche de
de ressources, de compétences fondamentales ou puissance qui tire l’entreprise en permanence et la
périphériques. pousse à développer ses compétences spécifiques
L’entreprise comme une « mise en scène », un Changement des cartes mentales, voire des
5. Idéo-logique scénario…mise en mots, en images, en schémas qui affects intervenant par des opérations de
justifient les décisions et les actes des individus décadrage/recadrage
Source : Adapté de l’article de Claveau N., A. C. Martinet et F. Tannery (1988), « Formes et ingénierie du changement
stratégique », Revue Française de Gestion, n°120, Septembre-Octobre, pp.70-87.
12
Learned E.P., C.R. Christensen, K.R. Andrews, W.D. Guth (1965), Business Policy, Text and Cases, Richard D. Irwin,
Homewood, Illinois.
7
Ainsi, l’entreprise fait l’objet d’une appréhension plurielle dans le champ disciplinaire de la stratégie.
Flux de sortie
Inputs, outputs et boucle de rétroaction (« Feed-back ») constituent les caractéristiques essentielles des
systèmes ouverts.
1.3.1 Nécessité d'une identification des acteurs de l’environnement interne et externe de l’entreprise
Les acteurs en question sont des parties prenantes. Le terme anglo-saxon à la mode est « Stakeholders ».
1°) Les parties prenantes comme des porteurs d’enjeux
Les stakeholders sont« tout individu ou groupe d’individus qui peut affecter ou être affecté par la
réalisation des objectifs de l’organisation » (Freeman, 1984, p. 46)15.
On distingue 2 catégories de stakeholders, à savoir :
- les stakeholders internes : actionnaires (« Shareholders » ou « Stockholders ») et employés ;
- les stakeholders externes : concurrents, clients, fournisseurs, banques, État et pouvoirs publics au sens
large, syndicats, etc.
Savoir quel rôle ces différentes entités jouent dans leur relation à l'entreprise est essentiel16.
13
Bertalanffy (von) L. (1968), General System Theory, Foundations, Development, Applications New-York, George
Braziller Inc. Traduction française : Théorie générale des systèmes, Dunod, Paris, 1993.
14
Hall A.D., R. R. Fagen (1968), “Definition of system”, Chap. 10, in Walter Buckley (Edit.), Modern Systems Research
for the Behavioral Scientist, Chicago, Aldine Publishing Company, p.81.
15
Freeman R. E. (1984), Strategic Management: A Stakeholder Approach, Marshfield, Pitman Publishing.
16
Les étudiants seront amenés à interagir en séminaire sur ce point précis.
17
Cf notamment Mintzberg H. (1983), Power In and Out Organizations ; Traduction française : Le pouvoir dans les
organisations, Paris, Les Editions d’Organisation, 1986, Edit. 2003.
8
Au plan sociologique, le concept de pouvoir fait partie des recherches sur les relations interpersonnelles au
sein des organisations (Rojot & Bergmann, 1995, p.148-153)18. Les définitions en sont nombreuses. Pour le
sociologue allemand Max Weber, le pouvoir est « la probabilité qu’un acteur dans une relation sociale soit
en mesure d’imposer sa volonté en dépit de résistances » (Weber, 1947)19. Dans le même ordre d’idées, le
sociologue américain Talcott Parsons voit dans le pouvoir « la capacité d’une personne à influencer une ou
plusieurs autres personnes pour exécuter ses ordres » (Parsons, 1951)20. Pour Dahl (1957)21, le pouvoir d’une
personne A sur une personne B est « la capacité de A d’obtenir de B qu’elle fasse quelque chose qu’elle
n’aurait pas fait autrement ».
Sur un plan plus économique, le pouvoir d’un agent s’apprécie à la capacité de modifier à son avantage les
conditions et les résultats du processus économique (Jacquemin, 1967, p.3522). Ainsi, se caractérise
précisément le « pouvoir de marché » d’une entreprise23. Un tel pouvoir est circonscrit autour de trois éléments :
la capacité, la conscience, l’influence nette (Lhomme, 1966). La capacité indique que le pouvoir est avant tout
une force potentielle qui ne se réalise pas nécessairement. La conscience montre, elle, combien le pouvoir se
différencie de simples mécanismes, combien il a une dimension volontariste. Quant à l’influence nette, elle
s’apprécie au travers du résultat de la négociation ; autrement dit, c’est ce résultat qui permet d’identifier, en
dernier ressort, le véritable détenteur du pouvoir.
Dans l’optique économique comme dans celle sociologique, on le voit, le pouvoir est associé à une relation
potentiellement empreinte de déséquilibre. Il conduit à « un rapport de forces dont l’un peut retirer davantage
que l’autre » (Crozier & Friedberg, 1977, p. 69)24.
18
Rojot J., A. Bergmann (1995), Comportement et organisation, Vuibert, Paris.
19
Weber M. (1947), The Theory of Social and Economic Organization, Free Press, New-York.
20
Parsons T. (1951), The Social System, Free Press of Glenco.
21
Dahl A. R. (1957), “The Concept of Power”¸ Behavioral Science, n° 2, p. 201-215.
22
Jacquemin A. (1967), L’entreprise et le pouvoir économique, Paris, Cujas.
23
Concrètement, le pouvoir de marché d’une entreprise peut s’apprécier à l’évolution de sa part de marché, rapport entre
d’une part la demande de produits qui s’adresse à cette entreprise, et d’autre part la demande totale de ce produit dans le
secteur considéré.
24
Crozier M., E. Friedberg (1977), L’acteur et le système, Editions du Seuil, Paris.
25
Atteinte à l’avantage concurrentiel, au revenu, au patrimoine, à la richesse de l’entreprise.
9
– et c’est la dernière caractéristique - les énormes opportunités que ce même environnement peut procurer à
l’entreprise. Aux managers de les détecter par leur vigilance pour ensuite les saisir. Soulignons que les
opportunités sont plutôt favorables à sa croissance et à son développement.
1°) L’adaptation
S’adapter à l’environnement, c’est se conformer à son état un moment donné, mais aussi à son évolution.
L’entreprise ne peut se permettre d’être en décalage par rapport à son environnement. Elle doit absolument
intégrer dans sa gestion les mutations qu’elle y observe. Cette attitude relève de la réactivité ou de la
flexibilité.
La flexibilité conduit les organisations à trouver une réponse aux évolutions et bouleversements du moment.
Si l’on ne s’accorde pas toujours sur les modalités de mise en œuvre de la flexibilité, il y a cependant un
consensus sur sa définition. La flexibilité est la capacité d’un système à s’adapter, sous la double contrainte de
l’incertitude et du temps (Batsch, 2002)26.
2°) L’anticipation
L’entreprise, forte de l’expérience passée et tirant les enseignements de l’histoire, de ce qu’elle a déjà vécu
et maintes fois observé, essaie de prévoir ce qui va se passer ou peut se passer dans le futur. L’histoire permet
non seulement de découvrir le passé, mais encore de mieux comprendre le présent et d’anticiper l’avenir. Et
l’on anticipe d’autant mieux l’avenir que l’on a présente à l’esprit l’évolution des choses dans le passé. L’idée
ici est que le passé déjà vécu peut fort bien se reproduire, soit à l’identique, soit avec quelques marges de
différences. Un comportement anticipatif est proactif. Il conduit l’entreprise à extrapoler le futur à partir de
sa bonne connaissance des faits passés. Si l’intelligence économique permet à l’entreprise d’anticiper, la veille
stratégique lui permet de s’adapter.
Au total, les comportements stratégiques de l’entreprise sont fortement motivés par ces préoccupations
d’adaptation et d’anticipation. Voilà pourquoi ils s’appuient sur un diagnostic. L'analyse profonde de la
situation de l'entreprise qui y est sous-jacente s'intègre dans un protocole, dans une démarche méthodologique
rigoureuse conduisant les dirigeants à préciser les grilles de lecture envisagées (économique, industrielle,
commerciale, financière, humaine, organisationnelle, etc) et à bien repérer leurs interdépendances.
Concrètement, ils doivent tout à la fois situer le contexte, repérer les enjeux liés à ce contexte, faire des choix
ad hoc. Des choix censés être précisément la réponse logique à ces enjeux.
26
L. Batsch (2002), Temps et sciences de gestion, Economica, Paris.
10
1.4 L’entreprise comme une entité soumise à une exigence éthique : la responsabilité sociale de l’entreprise27
La question du rôle de l’entreprise dans son environnement suscite un intérêt grandissant dans la littérature
managériale (Capron & Quairel-Lanoizélée, 2007)28 et la presse économique29. Elle interpelle par ailleurs bien
des intellectuels, notamment les philosophes, qui s’émeuvent de la confusion des genres faite aujourd’hui en
matière d’éthique. Qu’attend-on au juste des dirigeants d’entreprises ? Que doivent-ils faire pour que leurs
entreprises aient en quelque sorte de la légitimité, autrement dit pour qu’elles soient acceptées ? La réponse à
ces questions a donné lieu à d’édifiantes contributions qui se résument, on va le voir, à un affrontement entre
deux camps.
27
Les développements de cette Section sont tirés en grande partie de E. Mebiame-Toutoume (2006), Les représentations
des dirigeants dans la conduite du changement organisationnel des entreprises privatisées gabonaises : nature,
formation, effets, Thèse de Doctorat ès Sciences de Gestion, Université de Nancy 2.
28
Capron M., F. Quairel-Lanoizélée (2007), La responsabilité sociale d’entreprise, Editions La Découverte, Paris.
29
Cf notamment l’article de Richèbe R. (2014), « La responsabilité d’entreprise : un engagement au quotidien »,
L’Expansion, n°793, Avril, pp.90-92.
30
Cité par Suchman M. (1995), « Managing Legitimacy: Strategic and Institutional Approaches », Academy of
Management Review, Vol.20, n° 3, p. 573.
31
Cité par Laufer et Burlaud (1980, p. 25-26). Parsons a été évoqué précédemment à propos de la définition du pouvoir.
32
M. Granovetter, « Economic Action and Social Structure: the Problem of Embeddedness », American Journal of
Sociology, Vol.91, n°3, November 1985, pp.481-510.
33
Cet auteur a fait remarquer que dans les sociétés pré-capitalistes, l’économie était encastrée dans le reste de la société.
34
L’encastrement est cognitif, culturel et politique (Cf les travaux de Cohen, March et Olsen (1972) ainsi que ceux de
Granovetter. L’encastrement politique des actes managériaux est illustré par l’importance du rôle de l’Etat dans la vie
économique et sociale, par le fait que la gestion de l’entreprise subit le cadrage des législations.
11
managers. Et les actions économiques ne prennent leur sens qu’insérées dans des réseaux de relations
interpersonnelles. Il y a là un dépassement des modèles économiques traditionnels qui considèrent les
agents économiques de façon atomisée, indépendamment de tout contexte social, de tout autre groupe et de
l’histoire de leurs propres relations.
1°) La perspective néo-classique de la RSE : une responsabilité limitée à la satisfaction des intérêts des
actionnaires
La théorie économique néo-classique assigne à l’entreprise un objectif de maximisation du profit. Elle
accorde ainsi la priorité aux intérêts des actionnaires. Du même coup, le problème de sa responsabilité sociale
se ramène à l’obtention d’un profit maximum (Friedman, 1970). Là est le baromètre de l’efficacité de l’action
managériale. C’est une vertu managériale. Cette vision des choses semble avoir les faveurs des philosophes
comme Comte-Sponville pour qui l’économie ne s’accommode pas foncièrement de la morale, de l’éthique :
« L’entreprise n’est pas faite pour créer de la vertu, mais de la richesse ».
Il n’est pas réaliste de considérer que la gestion de l’entreprise doit se faire dans l’intérêt exclusif des
actionnaires. Sous l’influence des courants d’éthique d’entreprise (Capron, 2000) et du développement
durable (Pasquéro, 1989), des voix s’élèvent pour prôner une démarche plus partenariale des entreprises. Elles
appellent à la nécessité de « légitimer l’action économique et de la rendre citoyenne (« Statemanship ») par
un processus de concertation élargie sur le bien commun »37. Parce que le fossé sans cesse grandissant entre
l’économique et l’éthique devient intenable, il faut précisément se démarquer du paradigme de l’économie
concurrentielle traditionnelle. Il faut « sortir de l’économisme » (Merlant & alii, 2003)38 foncièrement
inégalitaire et procéder à un savant dosage et rééquilibrage, salutaire pour tous, entre l’économique, le financier
et le sociétal.
35
Sainsaulieu R. (Direct.), L’entreprise, une affaire de société, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences
Politiques, 1990.
36
Peter F. Drucker parle, lui, d’institutions « traditionalistes » pour désigner la famille ou la communauté. Elles sont
préservatrices de stabilité, in A propos du management, Editions Village Mondial, 2000, pp.132-133.
37
Cf la tribune de Philippe de Woot, « Rééquilibrer l’économique, l’éthique et le politique », L’Expansion Management
Review, n° 147, Décembre 2012, p. 62-63.
38
Merlant P., R. Passet et J. Robin (Direct.), Sortir de l’économisme. Une alternative au capitalisme néo-libéral, Les
Editions de l’Atelier, Paris, 2003.
12
Du reste, la préférence actionnariale déjà violemment récusée au travers du rejet du postulat de la
maximisation du profit (Penrose, 1959 ; Baumol, 1961), s’est révélée très vite inadaptée dans un monde marqué
à la fois par la montée de la complexité (Thiétart, 2001), l’accentuation des interdépendances, la
multiplication du nombre d’interlocuteurs de l’entreprise, laquelle est devenue véritablement, selon
Sainsaulieu (1990), « une affaire de société ». La notion de stakeholders examinée plus haut témoigne de
cette volonté de repenser le rôle de l’entreprise, d’enrichir le regard porté sur elle, d’élargir les angles d’analyse
de ses problèmes.
Fondamentalement, ce nouveau regard porté sur l’entreprise et le système de valeurs qui doit désormais
être le sien se nourrit et s’émeut du paradoxe entre, d’une part la pluralité des contributeurs à la vie de la firme,
qui sont autant de « partenaires dans le risque », et d’autre part la focalisation excessive sur les intérêts d’une
seule catégorie, les actionnaires, auxquels est loin de se résumer l’entreprise.
Au total, la RSE affirme l’étendue du champ des retombées des actions de l’entreprise. Un champ qui
s’étend désormais à toute la société, dépassant par là même la seule sphère économique et débordant la vision
étriquée de la relation entreprise-actionnaires. Pour terminer et encore une fois, l’entreprise n’est pas
seulement en marché ; elle est aussi en société. Elle mène ses activités dans un contexte social, sociétal et
comme tel supra-économique avec lequel elle interagit. Corrélativement, ni l’entreprise ni la société ne peuvent
s’indifférer mutuellement. D’une part, la société subit l’influence, bonne ou mauvaise, des activités de
l’entreprise. D’autre part, l’entreprise est impactée, à son tour, positivement ou négativement, par la sociét é
dans son ensemble. De la sorte, l’entreprise doit, pour être légitime c’est-à-dire acceptée de la société, se
démarquer de toute nuisance sociétale d’autant qu’elle peut être contre-productive, se retourner contre elle.
Les entreprises dont les produits sont boycottés l’ont appris à leurs dépens.
13
CHAPITRE 2. LA PERFORMANCE ET SA MESURE
L’entreprise est une entité finalisée. Ses instances dirigeantes ont dès lors, par définition, une
responsabilité évaluative. Autrement dit, elles se doivent de porter un jugement sur le fonctionnement de
l’organisation afin de fiabiliser la relation de mandat existant entre gestion et propriété.
Ainsi se trouve posée la question de la mesure des performances. Bien entendu, la définition du concept de
performance s’impose avant tout. Et à cet égard, les travaux effectués sur ce concept soulignent sa polysémie
(Bessire, 1999). Nous examinerons d’abord ce point précis puis celui de la mesure des performances.
Cette pluralité de regards accrédite le caractère fédérateur du concept de performance. Un concept qui peut
être vu comme le résultat de l’action, comme un succès ou comme l’action elle-même.
Cette acception s’inscrit a priori dans le droit fil de la précédente, dès lors
que le succès est bien le résultat d’une action.
Si la polysémie du concept de performance est signe de richesse, elle n’en dénote pas moins une difficulté
de consensus autour dudit concept. Dans cette pluralité d’acceptions, des points de convergence sont toutefois
14
repérables, puisqu’on admet que le concept en cause se réfère à une problématique d’évaluation, qu’il peut
être mis en relation avec la cohérence et la pertinence, et qu’il traduit une tension entre objectivité et
subjectivité (Bessire, 1999).
2.2 La mesure de performances
La mesure de performances est une étape essentielle de la gestion budgétaire et plus généralement du
contrôle de gestion. Pour cela, il importe de connaître les critères de performances. Cette connaissance passe
notamment par un exposé du triangle du contrôle de gestion.
PERTINENCE EFFICACITE
Moyens Résultats
EFFICIENCE
Ce triangle conduit à analyser les trois éléments (ou pôles) considérés ici (objectifs, moyens, résultats) non
pas isolément, mais dans leurs différentes relations. A chacune de ces relations est associée une série de
questions résumées dans le tableau qui suit.
39
Burlaud A. et C. Simon (2003), Comptabilité de gestion, Vuibert, Paris.
40
Burlaud A. et S. Chatelain-Ponroy (2015), « Le contrôle de gestion dans les organisations publiques : une gageure ? »,
Economie et Management, n° 154, Janvier, pp. 19-23.
15
Axes d’analyse Questions relatives aux préoccupations du manager
1. Relation moyens-objectifs Les moyens ou ressources alloués sont-ils congruents, cohérents avec
les objectifs que l’on s’est fixés ? Sont-ils adaptés à ces objectifs ?
2. Relation résultats-objectifs Les résultats obtenus sont-ils conformes aux objectifs ? Quel est le
degré de réalisation des objectifs ?
3°) L’efficience Une organisation efficiente obtient beaucoup d’outputs avec peu d’inputs, ou
autant d’outputs avec beaucoup moins d’inputs.
41
Simon H.A. (1957), Administrative Behavior. A Study of Decision-Making Processes in Administrative Organization,
New-York, The Free Press. Traduction française : Administration et processus de décision, Paris, Economica, 1983.
42
Mintzberg H. (1990), Le management. Voyage au centre des organisations, Op. Cit.
16
En matière d’appréciation des projets, outre les trois critères précédents, trois autres critères sont souvent
utilisés en pratique, à savoir : l’impact, la viabilité et la cohérence. Nous allons résumer tous ces critères dans
l’encadré qui suit.
L’efficacité : atteinte ou non des objectifs attestée par un calcul des écarts entre une situation réalisée et la
situation projetée initialement.
L’efficience : rapport entre les résultats obtenus concrètement et les moyens engagés.
La viabilité : les chances pour que les modifications dans les comportements de vie quotidienne, induites par la
réalisation du projet, perdurent en termes de dynamique une fois les actes extérieurs retirés.
La cohérence : les liens établis entre les activités prévues et les résultats attendus sont justifiés au regard des buts
fixés par les responsables du projet. Il s’agit, en termes stratégiques, de la conformité des activités projetées aux
objectifs ou buts généraux.
La pertinence : outre les éléments exposés plus haut, la pertinence procède de la prise en compte des éléments
extérieurs, liés à l’environnement du terrain d’action, au cours de la préparation puis de la réalisation du projet.
43
Ces critères sont aussi ceux utilisés pour évaluer une action humanitaire. Cf notamment LE COCONNIER M. L. et B.
POMMIER (2009), L’action humanitaire, Presses Universitaires de France, Paris, p. 59.
17
CHAPITRE 3. LA STRATEGIE : VUE D’ENSEMBLE
Savoir comment croît et se développe l’entreprise ainsi que les enjeux sous-jacents est essentiel. Il convient
donc de saisir l’objet de la stratégie (« Quoi ? »), ses motivations profondes (« Pourquoi ?») et les modalités
de son élaboration (« Comment ? »).
Les choix stratégiques concernent prioritairement les secteurs d’activité où une entreprise a l’intention
d’opérer. Aussi ces stratégies sont-elles appelées stratégies de portefeuille. Elles sont à distinguer des
stratégies concurrentielles, qui concernent la manière de s’attaquer à ces domaines d’activité. A côté d’elles,
il existe d’autres grandes manœuvres stratégiques.
Les stratégies « Corporate » se distinguent des stratégies « Business » comme le volume, la différenciation,
la focalisation, la stratégie prix-valeur (HELFER et alii, 2013, p.278)46.
44
Bien entendu, les choix sont des actions, lesquelles sont généralement précédées de décisions.
45
L’on parle indifféremment d’avantage concurrentiel, d’avantage sur les concurrents ou d’avantage compétitif.
46
Helfer J. P., M. Kalika, J. Orsoni (2013), Management stratégique, Paris, Vuibert.
18
1°) La croissance interne : l’entreprise crée et organise elle-même ses différents actifs d’exploitation. Elle
développe une capacité de recherche et d’innovation ; elle acquiert et réorganise des actifs relatifs à l’achat, à
la fabrication (capacité de production) ou à la vente.
2°) La croissance externe : l’entreprise trouve chez les autres, au moyen de diverses formules, sa capacité
de production. Ce sont en principe des actifs déjà organisés et en exploitation dans d’autres entreprises. Des
actifs d’occasion.
Comme formules possibles de croissance externe, citons la fusion (simple ou absorption), les prises de
participations (simples ou majoritaires), l’OPA, l’apport partiel d’actifs, la scission.
Précisons que la croissance interne et la croissance externe n’ont rien à voir avec leurs modes de
financement usuels : le financement interne et le financement externe. Les ressources internes financent
aussi bien la croissance interne que la croissance externe. De même, les ressources externes financent la
croissance tant externe qu’interne. L’origine des ressources de financement de la croissance est donc sans
rapport avec le type de croissance à financer.
- l’externalisation : une entreprise laisse assumer par d’autres entreprises des activités qu’elle exerçait elle-
même jusqu’alors. Ce qui lui permet de bien se recentrer sur ses activités de base ;
- l’internalisation : c’est l’inverse de l’externalisation. L’entreprise intègre en son sein des activités qui étaient
accomplies auparavant à l’extérieur. Ce qui s’apparente à de l’intégration ;
- les délocalisations : déplacer une unité de production d’un lieu à un autre, notamment pour profiter des
avantages de coûts qu’offre son nouveau lieu d’implantation.
Il convient d’y ajouter les trois stratégies génériques de PORTER (1982), à savoir :
- la domination par les coûts : l’entreprise s’emploie à obtenir les coûts les plus bas dans son secteur,
comparativement à ses concurrents et tout en maintenant la valeur de ses produits. Cette stratégie suppose que
l’entreprise connaisse l’ensemble de ses coûts, choisisse des segments stratégiques durables et mette en place des
actions soutenues pour obtenir et maintenir son leadership ;
- la différenciation : l’entreprise se démarque de ses concurrents en s’appuyant, pour cela, sur une ou plusieurs
caractéristiques de son produit : emballage, fiabilité, esthétique, avantages techniques, délai de livraison, service
après-vente, etc. Sur ces points, l’entreprise considère qu’elle dispose d’un atout, d’un plus, qui, s’il est perçu
comme tel par les clients, représentera une valeur ajoutée ;
19
3.2 Pourquoi élaborer une stratégie ?
L’entreprise étant un système ouvert doit souvent faire face à bien des enjeux. Elaborer une stratégie47 - a
fortiori l’appliquer - est une question de vie ou de mort pour l’entreprise. La stratégie lui permet en effet :
- de survivre dans un marché, un environnement où la concurrence est âpre ;
- de s’adapter à cet environnement (logique de réactivité) ;
- d’anticiper l’évolution dudit environnement (logique de pro-activité) ;
- d’acquérir, maintenir ou renforcer un avantage concurrentiel sur une base durable ;
- de croître pour atteindre la taille (ou masse) critique. La taille critique est la taille minimale nécessaire
pour résister aux assauts concurrentiels des autres entreprises du secteur. Du reste, la croissance donne du
poids à l’entreprise dans ses relations à d’autres entreprises sur le marché ;
- de bénéficier d’économies d’échelle.
Le diagnostic stratégique est donc l'ensemble des investigations menées par les managers pour améliorer
la connaissance de l'entreprise et de son environnement. Puisqu’il est question de connaissance, les
méthodes classiques d'accession à la connaissance comme la déduction et l'induction sont naturellement à
l'œuvre ici. Il est généralement admis que ces méthodes coopèrent dans le moindre de nos jugements
(BESNIER, 2005)48. Induction et déduction donnent lieu à des débats philosophiques entre l'empirisme et le
rationalisme. Les connaissances sont la condition et le produit d’une activité cognitive, laquelle est une
activité analytique faite à la fois d’évaluations, de raisonnements, d’interprétations, de jugements, etc. La
connaissance est cependant sujette à des biais. Trois types de biais cognitifs au moins entachent le diagnostic
stratégique : les erreurs (de jugement et de raisonnement), les émotions et les illusions sociales (Gervais &
Herriau, 2011, p. 98-100).
47
La stratégie est ancienne dans sa pratique puisque dans son contexte militaire d’application originelle, il s’agit de
« conduire une armée » – en grec : « stratos » (armée), « agos » (je conduis) - vers un but précis. Mais, au plan
académique, comme discipline structurée du management des organisations, la stratégie est relativement récente
puisqu’elle remonte seulement aux années 1960, notamment avec les travaux d’Ansoff (1965)47 et de Learned et alii
(1965)47. Et l’ambition du management stratégique est de se préoccuper de tout ce qui procure à l’entreprise un avantage
compétitif « durable » ; avantage à obtenir, sauvegarder ou accentuer.
Cf à cet égard :
- Ansoff I. (1965), Corporate Strategy. Traduction française : Stratégie du développement du développement de
l’entreprise, Paris, Les Editions d’Organisation, 1989.
- Learned E.P, Christensen C.R., Andrews K.R., Guth W.D. (1965), Business Policy, Text and Cases, Richard D. Irwin,
Homewood, Illinois
48
Besnier J. M. (2005), Les théories de la connaissance, Paris, Presses Universitaires de France.
20
3.3.2 La matrice SWOT : concrétisation des diagnostics interne et externe
Le diagnostic stratégique comporte 2 axes essentiels : le diagnostic interne (analyse des forces et faiblesses
de l'entreprise (SW) et le diagnostic externe (analyse environnementale effectuée afin d’identifier et repérer
les opportunités et menaces.
Il débouche sur l'élaboration d'une matrice SWOT ((« Strengths », « Weaknesses », « Opportunities »,
« Threats ») issue des travaux de l'école de Harvard, avec des noms illustres résumés dans LCAG.
Strengths Weaknesses
Opportunities Threats
Notons que Michael PORTER, économiste industriel de l'école de Harvard, a énormément contribué au
diagnostic stratégique en proposant notamment deux modèles, à savoir : le modèle de la « chaîne de valeur »
(diagnostic interne) et le modèle des « 5 forces motrices de la concurrence », pour le diagnostic externe
(PORTER, 1982).
Soulignons que les données traitées dans le SWOT proviennent de plusieurs sources :
- sources d’information intra-organisationnelles : les différents systèmes d’information de l’entreprise :
système d’information comptable, SI marketing, GRH, etc ;
- sources d’information extra-organisationnelles : plusieurs sources extérieures complémentaires, à savoir :
l’intelligence économique, la veille stratégique, les bases de données issues des réseaux relationnels, des
observatoires d’environnements économiques et politiques.
49
PORTER M.E. (1980), Competitive Strategy: Techniques for Analysing Industries and Competitors, New York, The
Free Press. Traduction française : Choix stratégiques et concurrence, Paris, Economica, 1982.
50
Si la puissance publique constitue en soi une véritable menace, elle peut aussi être source d’opportunités pour
l’entreprise. On pense ici, par exemple, à une fiscalité incitative pour les entreprises ou aux subventions que l’Etat est
susceptible de leur octroyer.
21
De nouvelles variables pèsent désormais sur l’élaboration des stratégies, qui tiennent à la prise en compte des
considérations environnementales. Et les entreprises doivent désormais s’en accommoder dans leurs choix
stratégiques. Sous les pressions de l’opinion et d’une réglementation plus contraignante, les entreprises
industrielles sont amenées, à coups de sommes colossales, à investir dans des techniques plus propres ou des
équipements destinés à lutter contre la pollution. Dans l’industrie automobile, les constructeurs conçoivent des
modèles de voitures qui soient les moins polluants possibles. Les entreprises doivent donc savoir qu’elles sont,
aujourd’hui plus qu’hier, notées au plan de la citoyenneté, de la responsabilité sociale, bref de l’éthique et doivent
se montrer respectueuses du monde qui les entoure.
Finalités
1b. Diagnostic externe
Analyse de 1a. Diagnostic
l’environnement 2. Choix interne
(opportunités & stratégiques (Forces &
menaces) faiblesses)
3. Mise en
oeuvre
4. Résultats
Atteinte des objectifs
(Tableau de bord périodique)
22
CHAPITRE 4. RISQUES DE L’ENTREPRISE ET MODALITES DE GESTION
L’entreprise exerce ses activités dans un environnement empreint d’incertitudes. Il convient donc de définir
le risque (4.1), puis de présenter une typologie des risques qui jalonnent le fonctionnement de l’entreprise
(4.2). Un troisième point sera consacré à l’examen de quelques modalités du management des risques (4.3).
On peut évaluer l’importance d’un risque en se référant à une échelle graduée en fonction de la perception
que l’on a dudit risque. Exemples : faible (1), moyen (2), élevé (3).
Les risques doivent être révisés périodiquement (au cours de la réalisation d’un projet), afin de maintenir
afin de maintenir la vigilance nécessaire sur l’évolution possible des risques connus ou sur l’émergence
éventuelle de nouveaux risques. En pratique, cette révision périodique s’appuie sur des grilles d’analyse sous
forme de « Check list ».
51
Les auteurs ont raisonné par rapport au risque de projet, donc par rapport à l’environnement d’un projet.
52
Demeestère R., P. Lorino et N. Mottis (2002), Contrôle de gestion et pilotage de l’entreprise », Dunod, Paris.
23
Les politiques de maîtrise des risques mettent l’accent sur la collecte d’informations complémentaires, le
retraitement de l’information, la recherche d’une plus grande réactivité, la mise en place d’indicateurs
précurseurs permettant la détection précoce de certains évènements.
24
Ces risques peuvent impacter l’entreprise, financièrement ou non, directement
ou non, à la suite d’une utilisation impropre d’un ou plusieurs éléments
7°) Risques juridiques contractuels ou relationnels, dans le cadre de ses activités économiques. Citons à
cet égard :
- les coûts financiers, directs et indirects, des procédures initiées et/ou
subies ;
- les pénalités éventuelles ;
- l’impact image (jurisprudence), la notoriété, la crédibilité, la légitimité des
dirigeants.
D’où la nécessité de les traiter avec le plus grand soin.
Un risque juridique nécessite particulièrement de l’attention dans un contexte de
pénalisation croissante du monde des affaires : le risque pénal.
Ces risques résultent de la défaillance d’un ou plusieurs éléments matériels,
physiques ou logiques constituant l’architecture, les outils, les données et/ou les
applications informatiques de l’entreprise.
8°) Risques informatiques Leurs causes : pannes, attaques virales, violation volontaire ou involontaire de la
sécurité physique (vol, incendie, inondation).
Leurs conséquences : indisponibilité temporaire ou plus longue d’applications, de
serveurs, de réseaux, etc.
Les risques ressources humaines intègrent 2 types de risques. D’une part, des
risques sociaux liés à la GRH de l’entreprise. D’autre part, des risques
psychosociaux relatifs à l’individu.
Pour DARSA (2016), les risques sociaux peuvent être appréhendés à travers le
prisme de 3 dimensions distinctes mais interconnectées :
- risque lié au climat social, à la qualité du climat social (on va s’interroger sur
9°) Risques ressources la capacité de l’équipe dirigeante à créer ou maintenir les conditions propices à
humaines : risques sociaux l’émergence d’un climat social serein.
et psycho-sociaux - risques liés au « turn-over » des équipes constitutives de l’entreprise ;
- risques liés à l’application du droit social dans l’entreprise (respect des
obligations légales et sociales des employeurs)
NB. Turn-over : rotation des équipes constitutives des entreprises par suite du
départ non souhaité d’un collaborateur. Ce risque social doit être apprécié à au
moins 3 niveaux :
- turn-over des équipes opérationnelles ;
- turn-over des équipes d’encadrement (« middle management ») ;
- turn-over des équipes de direction (comité de direction, comité exécutif).
Définition et exemples
Le RIR peut être défini comme étant le risque lié à la détérioration directe ou
indirecte, volontaire ou involontaire, provoquée ou subie, de l’image ou de la
réputation de l’entreprise, engendrant un dommage significatif, à court ou moyen
10°) Risques d’image et de terme.
réputation (RIR) Perte de notoriété, pertes de marchés, pertes de clients ou de partenaires,
effondrement des ventes, actions juridiques, tempête médiatique défavorable,
pertes financières majeures sont des concrétisations, des situations génératrices
(ou illustratives) d’un risque d’image ou de réputation, dont l’entreprise ne se
remettra généralement pas, ou avec une très grande difficulté, à échéance longue
et de manière très coûteuse.
Il s’agit de renforcer la pérennité de l’un des actifs essentiels de l’entreprise, à
savoir : ses connaissances et ses compétences. Ce sont là des éléments critiques
de différenciation de l’entreprise.
11°) Risques « Knowledge Il faut se rendre à l’évidence : dirigeants, cadres de direction, responsables,
Management » simples salariés ; chaque salarié détient et met en œuvre, au quotidien, ses
connaissances, talents et compétences dans le cadre de son activité. Le risque de
perdre ces atouts, ces éléments de différenciation devrait conduire l’entreprise à
définir et mettre en œuvre les politiques nécessaires à la pérennisation de la
connaissance dans son organisation.
On peut pointer ici, avec DARSA (2016), au moins 3 types de risques :
- le risque de surqualité ;
- le risque de défaillance du contrôle interne ;
- le risque environnemental.
25
Soulignons que les mécanismes de contrôle interne s’avèrent essentiels dans
la détection des dysfonctionnements opérationnels, financiers ou
organisationnels pouvant impacter la pérennité des organisations.
Le processus d’appréciation du risque (LE RAY, 2015, p.105-107 ; DARSA, 2016) conduit ainsi à :
- identifier le risque : dresser une liste exhaustive des risques en mettant en lumière leurs facteurs, c’est-à-
dire les évènements susceptibles de provoquer, stimuler, empêcher, gêner, accélérer ou retarder la réalisation
des objectifs. C’est la cartographie des risques : identifier le risque conduit à en définir et repérer la nature
et en déterminer l’intensité ; toutes choses permettant de classer les risques ;
- l’analyser : comprendre les mécanismes ;
53
Demeestère R., P. Lorino et N. Mottis (2002), Contrôle de gestion et pilotage de l’entreprise », Dunod, Paris.
26
- l’évaluer (il est évalué en termes de vraisemblance et de conséquences) ;
- le traiter.
Au total, gérer le risque, c’est le repérer, l’identifier, autrement dit le caractériser puis en l’intégrant dans
le processus de prise de décision.
54
Mintzberg H. (1982), Structure et dynamique des organisations, Les Editions d’Organisation, Paris.
55
Pour ce qui est par exemple de la gestion du risque de projet, on peut se reporter avec profit à l’ouvrage de Giard V.
(1991), Gestion de projets, Economica, Paris.
27
2°) L’analyse qualitative du risque
Le travail consiste à identifier les facteurs pouvant conduire à ne pas atteindre les objectifs fixés en termes
de coût, délai, qualité/conformité, c’est-à-dire les causes de non-atteinte.
Fondée une sur une analyse causes-effets, la démarche part de l’effet (objectif non atteint) pour
remonter ensuite aux causes possibles, véritables « leviers de risque ». Cette démarche est proche de la
recherche de leviers d’action à partir d’un objectif de performances.
Pour ce qui est par exemple de l’audit et du contrôle interne, le COSO 2 intègre tout spécialement la
gestion des risques. C’est un processus mis en œuvre par le conseil d’administration, les dirigeants et le
personnel d’une organisation, exploité pour l’élaboration de la stratégie de l’entreprise et destiné :
- à identifier les évènements potentiels pouvant affecter l’organisation ;
- à maîtriser les risques afin qu’ils soient dans les limites de l’organisation ;
- à fournir une assurance raisonnable quant à la réalisation des objectifs de l’organisation.
56
Dans le jargon anglo-saxon, c’est le « Net Operating Income » (NOI).
28
Exemple :
Supposons que les résultats d’exploitation annuels pour les 5 prochaines années de 2 entreprises E1 et
E2 soient des variables aléatoires.
Supposons, en outre :
- que les moyennes de leurs distributions de probabilité 57 soient respectivement de $ 500.000 et $
2.000.000 ;
- et que l’écart-type soit respectivement de $ 200.000 F et $ 600.000.
La valeur de la dispersion relative de ces revenus peut être exprimée par le coefficient de variation, qui
est l’écart-type autour de la moyenne de la distribution de probabilité du résultat net d’exploitation attendu.
Le coefficient de variation est le rapport entre l’écart-type ( ) et la moyenne (l’espérance
mathématique) :
- pour l’entreprise E1, ce coefficient de variation est de : $ 200.000 / $ 500.000 = 0,40 ;
- pour l’entreprise E2, il est de : $ 600.000 / $ 2.000.000 = 0,30.
La dispersion relative du résultat d’exploitation étant plus grande pour l’entreprise E1 que pour
l’entreprise E2, on dira que E1 a, a priori, un degré de risque d’activité économique supérieur.
Le coefficient de variation sert donc de mesure relative du degré de risque d’une entreprise. Nous le
retiendrons tout spécialement. Toutefois, la dispersion de la distribution de probabilités est une mesure, parmi
d’autres, du risque. D’autres mesures comprennent la forme de la distribution ainsi que la relation entre les
résultats d’exploitation attendus et l’environnement futur58. Un environnement futur qui impacte
énormément l’activité économique de l’entreprise et partant ses performances commerciales (chiffre
d’affaires).
En revanche, le risque financier est un risque inhérent aux moyens de financement auxquels a recours
l’entreprise. C’est donc un risque typique de la décision de financement. Il comprend à la fois le risque
d’insolvabilité et l’éventualité de variations de bénéfices disponibles pour les actionnaires.
Au fur et à mesure qu’une entreprise augmente la part de ses dettes, de ses engagements à bail (exemple :
le « leasing ») et des émissions d’actions dans l’ensemble de ses ressources de financement, ses charges fixes
augmentent elles aussi. Toutes choses égales par ailleurs, la probabilité pour que l’entreprise soit incapable
de faire face à ses engagements, à ses échéances financières augmente. La probabilité d’insolvabilité expose
à terme l’entreprise à un danger de faillite.
57
Il s’agit là de l’espérance mathématique des résultats d’exploitation ou encore des résultats d’exploitation espérés.
58
Le « levier d’exploitation » encore appelé « sensibilité du résultat d’exploitation », est l’élasticité du résultat
d’exploitation par rapport au chiffre d’affaires. Il exprime ainsi la relation entre d’une part les résultats d’exploitation,
et d’autre part le chiffre d’affaires (indicateur de prédilection de l’activité économique d’une entreprise), constitue, de
ce point de vue, une mesure tout à fait pertinente du risque d’activité économique d’une entreprise.
29
Exemple :
1°) Illustration 1 du risque financier
Supposons que 2 entreprises aient des taux d’endettement différents et qu’elles soient identiques dans
tous les autres domaines : coût de l’investissement, taux de rentabilité économique, taux d’intérêt des
emprunts, taux d’impôt sur les sociétés (IS).
Supposons en outre :
- que ces entreprises aient les mêmes prévisions de bénéfices annuels de $ 80.000 avant intérêts et IS ;
- que l’entreprise A n’est pas endettée, alors que l’entreprise B a $ 500.000 d’emprunt obligataire à 6%.
Il advient :
- Montant des frais financiers de l’entreprise A : 0
- Montant des frais financiers de l’entreprise B : $ 30.000
Si les bénéfices comptables de ces entreprises venaient à être inférieurs de 75% à ce qui était prévu –
soit $ 20.000 – l’entreprise B ne serait pas en mesure de couvrir ses charges financières avec ses
bénéfices, ceci illustrant le fait que la probabilité d’insolvabilité à court terme augmente avec les charges
financières supportées par l’entreprise. C’était le premier aspect du risque financier.
Supposons que les bénéfices annuels des 2 entreprises A et B pour les 5 prochaines années soient des
variables aléatoires dont les caractéristiques sont les suivantes, à l’identique :
- valeur moyenne attendues de leurs distributions de probabilité, autrement dit l’espérance
mathématique : $ 80.000 ;
- écart-type : $ 40.000.
Supposons en outre, comme précédemment, que l’entreprise A n’a pas de dette, tandis que l’entreprise
B a $ 500.000 d’emprunt obligataire à 6%.
L’écart-type étant le même pour les 2 entreprises, la dispersion relative des bénéfices disponibles pour
les actionnaires est plus grande pour l’entreprise B que pour l’entreprise A :
Coefficient de variation Entreprise A : $ 40.000 / $ 80.000 = 0,50
Coefficient de variation Entreprise B : $ 40.000 / $ 50.000 = 0,80
Une distinction est cependant à faire entre d’une part la dispersion des bénéfices disponibles pour les
actionnaires et d’autre part la dispersion du résultat d’exploitation qui résulte du risque d’activité
économique. Dans l’exemple en cause, chacune des entreprises, on le voit, a le même risque d’activité
économique tel qu’on l’a défini, lequel est mesuré par le coefficient de variation du résultat
d’exploitation :
Coefficient de variation = $ 40.000 / $ 80.000 = 0,50.
30
Les 2 entreprises différaient seulement du point de vue de leur degré de risque financier. Ce qui
s’explique par leurs différences de choix de moyens de financement.
Pour terminer, le risque financier comprend aussi bien la variabilité des bénéfices à la disposition des
actionnaires que la probabilité d’insolvabilité. Ces deux aspects sont directement liés à la dispersion du
résultat d’exploitation prévu, donc au risque économique de l’entreprise.
31
CHAPITRE 5. GOUVERNEMENT D’ENTREPRISE : DES GARANTIES PRESUMEES DE
FIABILISATION DE LA RELATION ACTIONNAIRES-DIRIGEANTS
BERLE et MEANS (1932) sont souvent présentés comme les précurseurs, les promoteurs de la réflexion
sur le gouvernement de l’entreprise (GE) ; réflexion qui aurait été ensuite développée par les théoriciens de
l’agence.
Cette vision des choses est battue en brèche par GOMEZ (2003) sur la base d’un double argument. D’une
part, la littérature sur le GE était déjà abondante depuis le début du 19ème siècle. D’autre part, BERLE et
MEANS, loin d’être les pionniers, sont au contraire les héritiers du courant institutionnel américain puisque
l’on trouve l’essentiel des idées qu’ils ont émises dans la « Theory of Business Enterprise » de VEBLEN
(1904).
Comme on le voit, gouvernement et gouvernance sont deux aspects d’une même réalité intra-
organisationnelle : l’exercice légal du pouvoir par des individus au sein des institutions spécifiques.
5.2 Définitions du GE
Etudier le GE donne lieu à un double constat. D’une part, on assiste à un foisonnement de définitions.
D’autre part, cette question du GE, comme tant d’autres, est marquée par une confusion conceptuelle
« aggravée par l’exercice périlleux consistant à donner un équivalent français à une expression américaine
historiquement et géographiquement datée, la « Corporate Governance » dont la signification elle-même n’est
pas très claire » (BISSARA, 1998).
32
Deux types de définitions sont déclinés en matière de GE. D’une part, des définitions étroites. D’autre part,
des définitions larges.
59
Ce tableau est adapté de Bessire D. et J. Meunier (2001), « Conceptions du gouvernement des entreprises et modèles
d’entreprise : une lecture épistémologique », in H. de La Bruslerie (Coord.), Finance d’Entreprise, Recherches du
CREFIB, Paris, Economica, pp.185-211.
60
Tableau adapté de Bessire et Meunier (2001), Opus cité, pp.185-211.
33
5.2.3 Essai de synthèse du GE
5.
Espace discrétionnaire
des dirigeants
4.
3. Assomption d’obligations
1.
Fonctionnement 2. Exercice d’information et de
des sociétés Direction du pouvoir rémunération des
actionnaires
6.
Mécanismes
disciplinaires : incitation
et contrôle
Le GE postule un fonctionnement fiable de l’entreprise (conjurer les malaises, lever les doutes, dissiper
les craintes, les inquiétudes, les soupçons, etc).
Cette fiabilité passe tout à la fois :
- par une harmonisation et une bonne coordination de 2 niveaux de management : le management
stratégique (état-major, direction générale) et le management opérationnel (départements opérationnels de
61
A cet égard, John Kenneth Galbraith fait état, dans son ouvrage The New Industrial State (1967) d’une véritable
appropriation technocratique du pouvoir.
34
l’entreprise). Harmonisation sur au moins 3 points essentiels. Tout d’abord, harminsation au plan humain :
l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Ensuite, harmonisation en termes de procédures. Enfin, harmonisation
au plan des systèmes d’information ;
- par une mobilisation et une stimulation des équipes managériales dans le cadre de la gestion
stratégique des ressources humaines (GSRH)62. C’est ici que la motivation et les incitations diverses au
personnel jouent énormément par un système cohérent de mesures de performances reposant sur
l’élaboration de tableaux de bord et le reporting ;
- par un management de risques.
Au total, l’on peut objectivement se représenter le GE comme la conjonction d’au moins 5 séries
d’exigences :
a. Fiabiliser la marche de l’entreprise.
b. Coordonner et harmoniser son management (hommes, procédures, systèmes d’information).
c. Mobiliser et stimuler les hommes.
d. Evaluer, mesurer les performances et informer, rendre compte.
e. Gérer les risques.
62
La GSRH est traitée au point 4.3.1 La flexibilité qualitative des ressources humaines, dans le Chapitre relatif à la
résorption des risques de gouvernance.
63
Le fait que les grandes banques détiennent des participations importantes leur confère un pouvoir de contrôle.
35
5.4 L’agence comme mode de formalisation de la relation actionnaires-dirigeants
L’analyse du concept d’agence ne peut se passer d’une lecture institutionnelle et contractuelle (4.4.1). En
outre, fondamentalement, l’agence illustre une coopération finalisée fondée sur la confiance (4.4.2).
5.4.1 L’institution et le contrat au cœur de l’agence
La réflexion sur les institutions est foisonnante depuis Veblen pour qui les institutions sont des habitudes
mentales, des modèles de comportement partagés et approuvés. Elles définissent des règles du jeu tant
formelles (conventions, codes de conduite, lois, droits de propriété, etc) qu’informelles (tabous, coutumes et
traditions). Guides pour l’action, les institutions sont aussi des contraintes pour faire respecter les règles
régissant la vie économique (North, 199164). Socialement sanctionnées, les normes institutionnelles évitent
l’arbitraire et l’abus de pouvoir des acteurs, réduisant d’autant l’incertitude des transactions (North,
1991 ; Commons, 1990 ; Williamson, 199465).
Dans la même visée régulatrice s’inscrit le contrat, institution essentiellement juridique. Cette notion reste
fortement mobilisée par la théorie de l’agence qui assigne un contenu contractuel à la relation d’agence
(Jensen & Meckling, 1976). Parce que toute coopération entre agents pose les problèmes caractéristiques d’une
relation d’agence, elle est éligible à une lecture contractuelle. Il s’en dégage une représentation de l’entreprise
comme « nœud de contrats ». Bien que définissant les droits et obligations de chaque partie, le contrat ne
peut prévoir tous les états de la nature possibles. Cette incomplétude (Salanié, 1993) est donc l’illustration de
la rationalité forcément limitée (Simon, 1957) des partenaires.
64
North D.C. (1991), « Institutions », Journal of Economic Perspectives, Vol.5, n°1, pp.97-112.
65
Williamson O. E. (1994), Les institutions de l’économie, Paris, InterEditions.
36
CHAPITRE 6. LA RECTITUDE COMPORTEMENTALE DES DIRIGEANTS CONTESTEE
Le management de l’entreprise se fait dans un contexte relationnel de représentation, de mandat,
d’agence. Il est hélas entaché par des dérives comportementales des dirigeants forcément décevantes pour les
actionnaires qui les auront mandatés à leurs différentes fonctions. L’asymétrie d’information (1) et
l’enracinement (2) des dirigeants constituent des déviances classiques. Nous les mettrons d’abord brièvement
en lumière. Puis, nous tenterons d’identifier les domaines fonctionnels marqués par des conflits entre
actionnaires et dirigeants (3).
Pour Williamson (1999), l’opportunisme est responsable des asymétries d’information qui compliquent le
fonctionnement des organisations, avec deux variantes : d’une part, l’opportunisme ex ante, entendu comme
la « volonté délibérée de tromper son partenaire » ; d’autre part, l’opportunisme ex post, qui correspond à
l’« adaptation à une situation non prévisible ».
Une décennie avant les travaux de Jensen & Meckling (1976), l’opportunisme était déjà relevé par des
théoriciens directoriaux de la firme, lesquels s’émouvaient de la prégnance des ambitions personnelles des
managers attestées par leur quête « de prestige, de respect, de succès ou d’une rémunération élevée » (Marris,
1965, p.323). La fonction d’utilité des managers est grevée dans des travaux ultérieurs sur la gouvernance, de
l’extension de leur espace discrétionnaire et d’une longévité en poste leur garantissant une belle fin de
carrière (Wirtz, 2002).
Concernant tout spécialement l’information financière et comptable, l’on assiste à des toutes sortes
d’enjolivures artificielles, de tripatouillages. Les déboires du cabinet d’audit américain Arthur Andersen au
sujet de l’affaire Enron ont illustré avec éloquence la gravité de la tricherie comptable.
Les dirigeants arrivent à neutraliser ces mécanismes et même à les contourner par des artifices divers leur
permettant de se rendre en quelque sorte indispensables dans l’entreprise, de réduire corrélativement les
risques d’une révocation anticipée, donc d’y rallonger leur présence de la façon la plus éclatante possible
et finalement de créer et perpétuer les conditions de s’arroger toujours bien des avantages personnels. Tous
ces artifices constituent pour ces auteurs des mécanismes d’enracinement.
37
Un dirigeant enraciné va prendre des décisions ne maximisant pas (ou peu) la richesse des actionnaires ou
d’autres stakeholders, mais renforçant davantage sa position interne. Il ne peut être pas être révoqué
facilement par les actionnaires ou le conseil d’administration. Facilement, c’est-à-dire sans coût pour
l’entreprise.
Comme exemples de comportements perçus par Shleifer & Vishny (1989) comme étant de l’enracinement,
on note :
- la manipulation des comptes transmis aux actionnaires ;
- la neutralisation des conseils d’administration : les dirigeants y font nommer des administrateurs
complices, c’est-à-dire acquis à leur cause ;
- l’orientation des investissements dans un sens qui leur soit favorable ;
- la multiplication des croisements de mandats ;
- le verrouillage de la structure du capital.
L’opportunisme engendre des conflits dès lors qu’il entraîne un affadissement de l’avantage
concurrentiel dans les manœuvres stratégiques qu’on sait sous-tendues par l’investissement (1). Mais
l’atmosphère relationnelle entre actionnaires et dirigeants est tout aussi viciée concernant le choix des moyens
de financement (2). Ce tableau conflictuel est conforté par la flexibilité quantitative (« downsizing ») en
matière de GRH (3). Enfin, des dérives sont relevées dans la fonction achats où une part belle est faite aux
fournisseurs qui coûtent cher à l’entreprise (4).
L’analyse de la relation profitabilité-diversification a amené Grant & Thomas (1987) à un double constat.
D’une part, la diversification par produits entretient une relation très faible avec la profitabilité. En revanche
et c’est le second constat, le sens de la causalité semble aller plutôt de la profitabilité vers la diversification ;
ce qui témoigne d’une forte propension des dirigeants à destiner les profits au financement des
38
investissements de diversification, nonobstant leur faible rentabilité avérée. Aux yeux de Grant & Thomas
(1987), les managers veulent « se grandir en grandissant leur entreprise ». Les travaux ultérieurs de Wirtz
(2002) sur la thématique de la gouvernance des entreprises montrent combien les fusions internationales
favorisent l’enracinement des dirigeants. Pour cet auteur, la fusion de Chrysler avec Daimler-Benz que le
président de la société allemande appelait de ses vœux, a permis à la fois un accroissement de l’espace
discrétionnaire des dirigeants, un alignement des salaires des dirigeants allemands sur ceux bien plus
substantiels de leurs homologues américains, une longévité des dirigeants dans le grand groupe leur
garantissant une belle fin de carrière, etc.
6.3.2 Les télescopages entre actionnaires et dirigeants dans le choix des moyens de financement
Aux désaccords entre actionnaires et dirigeants concernant la gestion du « free cash-flow » (1) s’ajoutent
des dissonances relatives plus généralement au choix des moyens de financement (2).
C’est Jensen (1986) qui est à l’origine de cette théorie du FCF. Il faut dire que dans la théorie de l’agence
qu’il a élaborée avec M. H. Meckling une décennie auparavant où l’entreprise est perçue comme un nœud de
contrats66, Jensen & Meckling (1976) avaient clairement posé le problème des conflits liés notamment à la
séparation entre propriété et gestion. D’un côté, des conflits entre actionnaires et dirigeants. De l’autre, des
conflits entre la coalition actionnaires-dirigeants d’une part et d’autre part les créanciers (notamment les
obligataires). Ces conflits donnent lieu à des mécanismes disciplinaires qui seront examinés plus loin.
C’est dans cette atmosphère relationnelle conflictuelle que M. C. Jensen a posé en 1986 le problème du
FCF. L’auteur en est venu à se préoccuper des convoitises que des liquidités excédentaires (le « free cash-
flow ») peuvent susciter au sein de l’entreprise (voire hors d’elle) et des conflits d’intérêts subséquents.
66
Contrats entre les actionnaires et les autres parties prenantes : dirigeants, créanciers divers, etc.
39
Il y a conflit d’intérêts parce que les actionnaires et les dirigeants revendiquent ce surplus de liquidités.
D’un côté, les premiers, arguant de leur statut de propriétaires, estiment que ces liquidités devraient leur
revenir sous forme de dividendes ; ce qui leur donnerait alors toute latitude de réinvestir ces fonds à leur guise.
De leur côté, les dirigeants excipent du mandat qui leur a été donné expressément par les actionnaires pour
piloter l’entreprise. De sorte qu’en disposant de ces liquidités, ils pourraient les investir dans des projets dont
ils apprécieraient la rentabilité67. De plus, en gérant un volume plus important de ressources, les dirigeants
conforteraient et étendraient leur pouvoir. Au demeurant, des liquidités excédentaires abondantes permettraient
aux dirigeants d’autofinancer leurs projets, se dispensant ainsi de recourir aux marchés de capitaux et
échappant corrélativement aux contrôles qu’ils sont tentés d’exercer.
Préférences Préférences
des managers des actionnaires
1. Dotation de réserves 1. Dettes
2. Dettes 2. Dotation de réserves
3. Nouvelles émissions 3. Nouvelles émissions
d’actions d’actions
Comme on le voit, l’augmentation de capital par émission de nouvelles actions est la solution la moins
appréciée des uns et des autres.
40
vont recourir à l’augmentation de capital (ADC). Cette hiérarchie des préférences conforte ainsi les
conclusions de Donaldson (1963).
Ainsi, le financement ne se fait pas de manière hasardeuse. Il procède d’une certaine logique. Les choix des
managers vont, ainsi qu’on vient de le voir, des solutions les moins risqués (autofinancement) aux plus
risquées (endettement et ADC). Les managers n’ont recours à ces dernières qu’en tout dernier ressort
lorsqu’ils n’ont plus d’autre alternative. Leur rationalité est véritablement celle d’un « picorage ordonné ».
Dans les démarches de réduction des coûts, le facteur travail reste largement vulnérable dans bien des
entreprises. Il demeure obstinément, pour maints dirigeants, une simple « variable d’ajustement » au travers
de la « flexibilité quantitative », alors même qu’il y a des leviers alternatifs aux compressions d’effectifs
d’une efficacité avérée.
41
CHAPITRE 7. RÉSORPTION DES RISQUES DE GOUVERNANCE : DE QUELQUES LEVIERS
MOBILISABLES
Un certain nombre de développements relatifs à ces différents points sont en principe déjà sus des étudiants
de Master. Ces connaissances sont issues des cours et séminaires de théorie des organisations et de théorie
financière, notamment les mesures disciplinaires prescrites par les théoriciens de l’agence (Jensen & Meckling,
1976) et la théorie du signal (Ross, 1977). Aussi, nous contenterons-nous, sur ces questions, de brefs rappels.
Le polycopié s’attachera essentiellement à l’utilisation judicieuse que peuvent faire les dirigeants des autres
leviers de gouvernance mobilisables comme la flexibilité qualitative des ressources humaines et la
rationalisation de la politique d’achats.
69
L’actionnariat des salariés en général, et non plus des seuls dirigeants, est un moyen de fidéliser les employés et de les
rendre plus performants.
42
Il s’ensuit un risque de chute des cours des actions et
corrélativement d’OPA, puis d’éviction des managers non
performants.
La publicité fâcheuse faite des piètres résultats et la perspective
4°) Le rôle pacificateur du marché du travail d’une révocation et partant du chômage des dirigeants sont à même
de les discipliner et de positiver leur gestion.
En s’arrogeant des avantages financiers importants, les managers
vont chercher à les compenser par des augmentations de prix des
5°) Le marché des biens et services produits. Il va s’en suivre une baisse de la demande des produits
sur le marché des biens et services. Le spectre d'une perte de
compétitivité et de ses conséquences est en soi un facteur de
positivité managériale.
7.3.1 La flexibilité qualitative des ressources humaines : la gestion stratégique des ressources humaines
La montée du courant de gestion stratégique des ressources humaines (Wright & Mahan 199270 ; Dyer
& Reeves, 199571 ; Guérin & Wills, 1992, 200272) depuis le milieu des années 1980 a contribué à positiver le
regard porté sur le facteur humain et à propulser la « flexibilité qualitative », versus la flexibilité qualitative
devenue obsessionnelle pour bien des dirigeants.
La gestion stratégique des ressources humaines (GSRH) résulte d’un réexamen des liens entre GRH et
stratégie intervenu au milieu des années 1980 en pleine mouvance des enseignements de la RBV 73, tout en
intégrant les apports de la théorie bien plus ancienne du capital humain (Schultz, 196174 ; Becker, 197575).
La GSRH procède d’une affirmation de la dimension stratégique de la fonction GRH consécutive en fait
à une double évolution. D’un côté, on assiste à une mutation de la stratégie, qui lui a permis de retrouver la
facette humaine qui lui faisait généralement défaut. De l’autre, le concept de GSRH dénote une mutation
de la GRH qui a conforté sa dimension stratégique.
Dans cette dernière optique, la GSRH tente de dépasser, compte tenu de leur caractère non stratégique
et de leurs limites, les cadres antérieurs de traitement des questions humaines des organisations que sont
la gestion du personnel, les relations humaines et la GRH. La GSRH procède alors d’une idée simple : le
management stratégique suppose une mobilisation constante de ses ressources internes, notamment
humaines. La conviction sous-jacente est que la fonction ressources humaines contribue à la stratégie,
jouant un rôle clé aussi bien dans son élaboration que dans sa mise en œuvre. Les compétences individuelles
et collectives des individus deviennent des éléments participant à la définition du potentiel de compétitivité
70
Wright P. & G. Mahan (1992), « Theoretical Perspectives for Strategic Human Resource Management », Journal of
Management, Vol.18, n° 2, pp.295-332.
71
Dyer L. & T. Reeves (1995), « Human Resources Strategies and Firm Performance: What Do we Know and Where Do
we Need to Go? », The International Journal of Human Resources Management, Vol. 6, n°3, pp.656-670.
72
Guérin G. & T. Wills (2002), « La gestion stratégique des ressources humaines », Gestion, Revue Internationale de
Gestion, Montréal, Vol. 27, n°2, Eté, pp.14-23.
73
« Resource Based View », la théorie des ressources ou tout simplement la perspective ressources.
74
Schultz T. (1961), « Investment in Human Capital », American Economic Review, Vol.51, n°1, pp.1-17.
75
Becker G. (1975), Human Capital, Chicago, University of Chicago Press.
43
de la firme. Comme le soulignent Mbengue & Petit (2001)76, une gestion stratégique des RH revient à
envisager la relation entre stratégie et ressources humaines de manière diachronique.
Le concept de GSRH s’affine lorsque l’on considère ses objectifs et ses moyens. Pour ce qui est tout
d’abord des objectifs, de par son contenu stratégique, la GSRH vise une amélioration des performances
économiques de l’entreprise, c’est-à-dire le traditionnel avantage concurrentiel recherché sur une base
durable. Ensuite, ancrée tout spécialement dans la perspective humaine, elle vise un développement des
potentiels humains. Ce qui s’entend tout à la fois de la valorisation du potentiel humain existant aux plans
individuel et collectif, et de la création de nouvelles ressources humaines. D’où l’accent mis sur l’implication
(« Involvement »), l’engagement (« Commitment »), la responsabilisation (« Empowerment »), avec ce que
cela implique d’autonomie et de confiance.
Dans ces conditions, une entreprise adepte de la logique de création de valeur va déplacer ailleurs l’accent
mécaniquement mis sur les RH et partant sur les charges de personnel. Elle va s’attacher notamment à
rationaliser ses consommations de charges liées aux achats.
Le premier volet de ce dispositif est de sélectionner plus rigoureusement ses fournisseurs. Une sélection
devant obéir désormais aux critères orthodoxes, à savoir : la qualité des produits, un prix compétitif, une
disponibilité des produits garantie par la rapidité des délais de livraison. Faire jouer la concurrence entre
fournisseurs pour obtenir de meilleures conditions de prix, réduire leur nombre, renégocier les tarifs, nouer des
partenariats, voilà autant d’autres actions concrètes génératrices d'importantes économies que l’on observe des
responsables des achats doués de professionnalisme. Pour cette raison, on les appelle des « Cost Killers ».
76
Mbengue A. & D. Petit (2001), « Stratégie et gestion des ressources humaines », Revue Française de Gestion, Janvier-
Février, pp. 4-10.
44
CONCLUSION GENERALE
Au terme de ce Séminaire, nous voudrions proposer quelques éléments d’interprétation du gouvernement
d’entreprise, à l’aune de la thématique du management des risques, gouvernement étant pris ici dans son
acception structurelle.
Ce séminaire a mis l’accent notamment sur le fait que la direction des entreprises managériales se fait dans
un contexte relationnel de mandat, de représentation, d’agence. Il est apparu qu’une bonne coordination
managériale (management stratégique et management opérationnel, cohérence des procédures et des systèmes
d’information) ainsi qu’une mobilisation des équipes managériales au titre de la flexibilité qualitative
constituent des leviers significatifs du management des risques (identification, limitation) et partant de la
fiabilisation du fonctionnement de l’entreprise.
Il reste que dans la panoplie des risques qui jalonnent l’exploitation de l’entreprise, il y en a qui concernent
précisément et assez paradoxalement, ainsi que nous avons pu le relever, les entités sur lesquelles comptent
tant les actionnaires aussi bien pour gérer l’entreprise (les dirigeants, entités internes) que pour fiabiliser les
informations, les états comptables et financiers (les auditeurs externes). A cet égard, d’une part, on pointe des
risques propres aux dirigeants : affadissement de l’avantage concurrentiel, dérives opportunistes pour
l’assouvissement des ambitions personnelles, prises de risques insuffisantes ou plutôt excessives,
enracinement, comportements irrationnels divers (compressions d’effectifs, donc flexibilité quantitative et
victimisation systématique du facteur travail), affinités relationnelles avec des fournisseurs peu diligents et
financièrement coûteux. D’autre part, ce tableau sombre éclabousse parfois les organes de contrôle, en
l’occurrence les commissaires aux comptes au regard de leur complicité avec les dirigeants. Ce qui entache
bien entendu la crédibilité de ces entités externes.
Dès lors, au total, le sentiment qui émerge de ce Séminaire est finalement celui d’une représentation plutôt
mitigée du GE, celui de l’ambivalence de celui-ci. Une ambivalence confortée par le fait que le GE contribue
d’un côté au management des risques, et de l’autre, soit lui-même précisément générateur de tant de risques
pour l’entreprise.
* * *
*
45
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47
BBS
GOUVERNANCE D’ENTREPRISE ET MANAGEMENT DES RISQUES
Plan indicatif du Séminaire
Année académique 2020-2021
REMARQUES INTRODUCTIVES
48
CHAPITRE 4. RISQUES DE L’ENTREPRISE ET MODALITES DE GESTION
4.1 Du concept de risque
4.2 Typologie des risques
4.2.1 Risques internes et risques externes
4.2.2 Classification des risques en fonction de leur nature
4.3 Du management des risques
4.3.1 Le processus d’appréciation du risque
4.3.2 Un processus de résolution de problème
4.3.3 Modalités de gestion du risque
1°) Les approches quantitatives
2°) L’analyse qualitative du risque
3°) Autres protocoles de traitement des classes de risques
4.4 Gestion des risques stratégiques, économiques et financiers
4.4.1 Risque stratégique
4.4.2 Risque économique
4.4.3 Risque financier
49
7.1.1 Les mesures incitatives
7.1.2 Les mesures contraignantes
1°) Le conseil d'administration
2°) L'endettement, facteur de résolution de conflits
3°) Le rôle dissuasif du marché financier
4°) La perspective du chômage du dirigeant et le rôle pacificateur du marché du travail
5°) Le marché des biens et services : le spectre d'une perte de compétitivité
7.2 Les initiatives spontanées des dirigeants : la théorie du signal
7.3 Autres leviers de gouvernance
7.3.1 La flexibilité qualitative des ressources humaines : la GSRH
7.3.2 La rationalisation de la politique d’achat
CONCLUSION GENERALE
ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
Eustache S. MEBIAME-TOUTOUME
UOB, Faculté de Droit et de Sciences Economiques, Libreville
Université de Lorraine, Laboratoire CEREFIGE, Nancy
50