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BBS

SEMINAIRE
DE
GOUVERNANCE D’ENTREPRISE
ET MANAGEMENT DES RISQUES

Année universitaire 2020-2021

Master Professionnel 2 Comptabilité-Contrôle-Audit


Master Professionnel 2 Finance

Par

Eustache S. MEBIAME-TOUTOUME
Economiste Industriel
Docteur ès Sciences de Gestion
DECS d’Expertise Comptable
Université Omar Bongo, Faculté de Droit et de Sciences Economiques, Libreville
Université de Lorraine, Laboratoire CEREFIGE, Nancy

1
SOMMAIRE

REMARQUES INTRODUCTIVES
CHAPITRE 1. L’ENTREPRISE CONTEMPORAINE : UN CROISEMENT DE REGARDS
ACCREDITANT LA NECESSITE D’UNE GOUVERNANCE RIGOUREUSE
1.1 L’entreprise comme organisation
1.2 L’entreprise : une entité multidimensionnelle en management stratégique
1.3 La vision systémique : l'entreprise comme un système ouvert
1.4 L’entreprise comme une entité soumise à une exigence éthique : la responsabilité sociale de l’entreprise
CHAPITRE 2. LA PERFORMANCE ET SA MESURE
2.1 La performance : un concept polysémique
2.2 La mesure de performances
CHAPITRE 3. LA STRATEGIE : VUE D’ENSEMBLE
3.1 Qu’est-ce que la stratégie ?
3.2 Pourquoi élaborer une stratégie ?
3.3 Comment élaborer une stratégie ?

CHAPITRE 4. RISQUES DE L’ENTREPRISE ET MODALITES DE GESTION


4.1 Du concept de risque
4.2 Typologie des risques
4.3 Du management des risques
4.4 Gestion des risques stratégiques, économiques et financiers
CHAPITRE 5. GOUVERNEMENT D’ENTREPRISE : DES GARANTIES PRESUMEES DE
FIABILISATION DE LA RELATION ACTIONNAIRES-DIRIGEANTS
5.1 Gouvernance et gouvernement : remarques d’ensemble
5.2 Définitions du GE
5.3 Les modèles de GE
5.4 L’agence comme mode de formalisation de la relation actionnaires-dirigeants
CHAPITRE 6. LA RECTITUDE COMPORTEMENTALE DES DIRIGEANTS CONTESTEE
6.1 Asymétrie d’information et opportunisme de l’agent : les espoirs déçus du principal
6.2 Les comportements d’enracinement des dirigeants
6.3 Identification des domaines fonctionnels conflictuels
CHAPITRE 7. RÉSORPTION DES RISQUES DE GOUVERNANCE : DE QUELQUES LEVIERS
MOBILISABLES
7.1 Les mesures disciplinaires des actionnaires
7.2 Les initiatives spontanées des dirigeants : la théorie du signal
7.3 Autres leviers de gouvernance
CONCLUSION GENERALE
ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE
* * *
*

2
REMARQUES INTRODUCTIVES :
Les ennuis judiciaires actuels de Carlos Ghosn1, l’illustre ex-président-directeur général de Nissan puis de
Renault-Nissan, ont remis au goût du jour la lancinante question du gouvernement d'entreprise qui a trait
grosso modo - nous y reviendrons un peu plus en détail dans nos développements - à l’exercice du pouvoir
par les dirigeants au sein de l'entreprise et aux mécanismes de contrôle connexes (Pastré, 1994 ; Charreaux,
1997 ; Shleifer & Vishny, 1997 ; Bessire & Meunier, 2001).

La forte médiatisation de cet événement était du reste à la mesure de l'étoffe du personnage. Un individu
qui s'est patiemment forgé une solide réputation de manager et de bâtisseur aux yeux des Japonais, au point de
devenir, au Japon même, le tout premier dirigeant non japonais d'une grande firme nippone, avant de connaître
- et c'est là tout le contraste - une telle vertigineuse descente aux enfers. D’un côté, c’est l’histoire d’un brillant
dirigeant dont la page Renault-Nissan se tourne brusquement de façon mitigée. De l’autre, c’est l’histoire des
entreprises concernées dont la vie continue sans l’homme qui aura tant su marquer de son empreinte leur
histoire individuelle et commune.

Objectivement, pour être au cœur de la vie économique et sociale et corrélativement source de bien des
enjeux (économiques, sociaux, culturels et politiques), l'entreprise ne cessera jamais de cristalliser l’attention
et de faire parler d'elle. Producteur de biens et services, l'entreprise construit à ce titre une offre appelée à
rencontrer sur le marché une demande solvable et satisfaire ainsi les désirs des consommateurs. Pourvoyeur
d'emplois eux-mêmes générateurs de revenus à leurs bénéficiaires, l'entreprise est un indéniable facteur de
valorisation sociale des individus, participant activement, du même coup, à leur structuration identitaire.
Mieux elle se porte, mieux l’entourage respire. Qu’elle en vienne à s’enliser dans des difficultés, c’est le
chômage parti de ses rivages qui va ensuite exporter et répandre ses méfaits dans l’écosystème social.

C’est donc à juste titre que l’entreprise est perçue comme étant « une affaire de société » (Sainsaulieu,
1990), une institution de socialisation secondaire apte à prendre le relais des institutions de socialisation
primaire comme la famille ou la religion désormais défaillantes au plan de la préservation de la stabilité sociale
(Sainsaulieu, 1990, 1998).

Dans le même ordre d’idées, il est légitime que l’entreprise suscite, dans son entourage, préoccupations,
interrogations, doutes et inquiétudes quant à son mode de fonctionnement, dès lors que ses dirigeants ont des
coudées franches. Les tracasseries judiciaires évoquées plus haut émargent précisément à ce registre de
scepticisme managérial et partant gouvernemental.

Ces précisions étant faites, jeter un regard sur le gouvernement (ou la gouvernance) d’entreprise revient
pour l’analyste à se situer à un niveau hiérarchique très élevé dans l’entreprise ; celui des décisions

1
Incarcéré au Japon le 19 Novembre 2018 et inculpé d’abus de confiance et de dissimulation de revenus, Carlos Ghosn,
Président de Renault depuis plusieurs années, a bénéficié, en Mars 2019, d’une mesure de libération sous contrôle
judiciaire le privant de la possibilité de quitter le Japon, et ce dans l’attente de son procès prévu pour 2020. Il a malgré
tout réussi à quitter clandestinement et spectaculairement le Japon le 29 décembre 2019 pour rejoindre le Liban où il
séjourne depuis lors.
3
stratégiques dont la caractéristique majeure est d’impacter fortement l’avenir de l’entreprise et de comporter
pour elle, en dernière analyse, un enjeu majeur de pérennité.

Or, à cet égard, l'avantage concurrentiel censé être le critère déterminant de la prise de telles décisions
(Ansoff, 1965 ; Porter, 1985) ne le demeure apparemment plus qu’en théorie. Il n’a plus, en quelque sorte,
qu’une teneur purement académique. Toujours professé dans les "Business Schools", l’avantage concurrentiel
- à acquérir, maintenir ou renforcer par une entreprise face à une opportunité intéressante de développement
ou un péril grave à conjurer - a énormément perdu de sa substance, de son épaisseur empirique. Il s’affiche
davantage dans la vie des affaires comme une simple vue de l’esprit, tant il voit son rôle voué à n’être qu’un
argument de cosmétisation des "business plans" propres à recueillir l'adhésion des actionnaires,
administrateurs et banquiers. Il n’est désormais plus, pour ainsi dire, qu’un alibi brandi par des dirigeants
habiles pour extorquer aux actionnaires, réunis en conseil d'administration ou en assemblée générale, des
résolutions en faveur de telle ou telle manœuvre stratégique : fusion-acquisition, diversification, alliance,
partenariat, etc. C’est là en particulier que le bât blesse aujourd’hui dans le chapitre des grandes manœuvres
stratégiques.

A l’évidence, les prévisions contenues dans un "business plan"2 ne sont que des chiffres inscrits dans des
tableaux et graphiques. A l'épreuve des faits, c'est la désolation, le désenchantement, l’amertume. Les
synergies promises aux actionnaires dans tel projet de fusion-acquisition ne sont pas toujours au rendez-
vous. Ainsi s’explique, à titre d’illustration, la perte colossale de plus de 500 millions d'euros, la première
depuis plus de dix ans, subie en 2005 par le groupe automobile allemand Daimler-Benz, propriétaire de
Mercedes, quelques années après le rachat du constructeur automobile américain Chrysler3. Du coup,
l'emblématique étoile de Mercedes, avec la métaphore de la brillance qui lui est si connexe, avait fortement
pâli. C'est que la motivation profonde d'une telle acquisition était, dans l’esprit des dirigeants allemands,
ailleurs que dans la quête véritable de synergies. Et ce n’est pas la moindre des déceptions enregistrées par les
actionnaires des FMN dans leur relation aux dirigeants.

Cela dit, d'un côté, on voit ces dirigeants de sociétés faillir à leurs missions de mandataires légaux,
l’obligation d’information – mieux de bonne information - en étant un aspect important. De l'autre, des entités
extra-organisationnelles de contrôle comme les auditeurs et les commissaires aux comptes sur lesquels le
législateur, soucieux des intérêts des actionnaires, compte tant pour fiabiliser l'information comptable et
financière en provenance des entreprises et dénoncer éventuellement les faits délictueux dont ils auraient eu
connaissance pendant leurs investigations, voient leur crédibilité entachée par les connivences avec des équipes
dirigeantes déviantes. Le désormais historique triste cas du cabinet d’audit Arthur Andersen, empêtré dans les
scandales comptables de son client Enron, courtier américain en énergie, est ici éloquent. Ce fâcheux
évènement a été le déclencheur notamment en France des nouvelles régulations économiques (NRE) et de la
loi sur la sécurité financière (LSF)4.

2
Les étudiants désireux d’approfondir leur connaissance des business-plans pourront se reporter avec profit à l’excellent
ouvrage de Pic J. C. (2007), A chaque enjeu, son business plan, Paris, Vuibert.
3
Cf sur ce point l’article intitulé « Délié de Chrysler, Mercedes accélère, in Revue Challenges, n°102, 29 Novembre 2007,
pages 56 à 58.
4
Cf notamment, sur ce point, Parrat F. (2003), Le gouvernement d’entreprise, Paris, Dunod, pp. 70-93.
4
Il n’était dès lors plus déraisonnable d’exciper d'une crise du gouvernement d'entreprise affectant un
système capitaliste qui « perd la tête », pour paraphraser Stiglitz (2003)5 et doit se ressaisir. Comme le
soutient Edgar Morin, toute crise porte en elle un risque et une chance. Le risque de voir le phénomène déploré
s'amplifier voire empirer. La chance pour les victimes de se faire violence, se refonder, se réinventer. C’est
bien du reste à cette réinvention qu’appellera Stiglitz (2006) dans un ouvrage ultérieur au titre tout aussi
évocateur que le précédent : " Un autre monde".

L’objet de ce séminaire est de repérer et analyser les problèmes qui entourent le gouvernement d’entreprise
puis d’examiner quelques axes pertinents de leur résolution. Un gouvernement d’entreprise qui est par
définition, ainsi que nous le verrons, indissociable du management des risques. La multiplicité des acteurs
concernés et partant des intérêts en cause inscrit cette problématique dans une logique de jeux d’acteurs
(Crozier & Friedberg, 1977)6, avec la complexité qui la caractérise généralement. D’où le registre conceptuel
inévitablement pluridisciplinaire7 de ce séminaire.

Nos réflexions procéderont d’une triple interrogation. Tout d’abord, qu’est-ce que le gouvernement
d’entreprise ? Ensuite, à quels types de risques entourant l’exploitation de l’entreprise fait-il face ? Enfin,
comment peut-il contribuer à les conjurer ?

Nos développements seront structurés en 7 chapitres. Le premier concerne en fait un exercice classique en
management, à savoir : donner une lecture théorique de l’entité au centre des préoccupations : l’entreprise.
Le second s’attachera à la question de la performance et de sa mesure. Un troisième chapitre traitera de la
stratégie, suivi dans un quatrième chapitre du management des risques qui entourent l’exploitation de
l’entreprise. Le chapitre 5 tentera d’apporter des éclairages sur le concept de gouvernement d’entreprise,
l’occasion étant alors donnée de relever les difficultés que pose la contextualisation de certains phénomènes,
autrement dit l’adaptation à un contexte donné de phénomènes ou concepts conçus dans un contexte spatial
différent. Dans le sixième chapitre, il s’agira de pointer, à la lumière de faits, les atteintes aux idéaux
(juridiques, économiques) connexes aux modèles de gouvernement d’entreprise. Le dernier chapitre sera alors
consacré à l’examen de quelques axes de solutions aux dérives comportementales des dirigeants.
* * *
*

5
L’économiste et prix Nobel américain Joseph E. Stiglitz consacre aux pratiques répréhensibles d’Enron le chapitre 10
d’une quarantaine de pages dans son ouvrage. Cf Stiglitz J. E. (2003), Quand le capitalisme perd la tête, Librairie Arthème
Fayard, pp. 410-450.
6
Crozier M. & E. Friedberg (1977), L’acteur et le système, Paris, Editions du Seuil.
7
Une douzaine de champs disciplinaires et corrélativement de registres conceptuels sont mobilisables dans ce séminaire,
à savoir : management des organisations, management stratégique et contrôle de gestion, finance d’entreprise et théorie
financière, théorie des organisations, histoire des affaires (Business History), économie, droit des sociétés et droit pénal
des sociétés, psychologie des organisations, sociologie des organisations.
5
CHAPITRE 1. L’ENTREPRISE CONTEMPORAINE : UN CROISEMENT DE REGARDS
ACCREDITANT LA NECESSITE D’UNE GOUVERNANCE RIGOUREUSE
Nous ne reviendrons pas sur la vision économique classique de l’entreprise : producteur, investisseur, etc.
Précisons tout simplement que l’entreprise apparaît, dans la théorie économique néo-classique, comme étant
une simple « boîte noire »8 hélas jamais ouverte par les théoriciens concernés, inféodée au marché, donc à un
système de prix. Bref, elle est une simple composante de l’axiomatique de l’équilibre général walraso-parétien.

Les problèmes de gouvernance d’entreprise objet de notre séminaire concernent avant tout ses instances
dirigeantes, son état-major (direction générale, assemblée d’actionnaires), lieu de prise des décisions
stratégiques. C’est donc au niveau stratégique qu’il est pertinent de se situer, lequel a trait à la politique
générale. Aussi, mettrons-nous en lumière la vision que le management stratégique a de l’entreprise-là même
dont les comportements de l’équipe dirigeante vont être étudiés. Du reste, cette nouvelle vision démarque bien
de celle économique précédente dès lors qu’il s’agit d’une vision plutôt multidimensionnelle de l’entreprise,
entité avant tout organisationnelle.

1.1 L’entreprise comme organisation


De façon générale, en management l’entreprise est perçue comme étant une organisation. Ce concept est
polysémique (Desreumaux, 2000)9 puisqu’il désigne tout à la fois :
- une entité humaine finalisée : un lieu de vie, un groupe d’individus dotés d’une culture, d’un système de
valeurs et ayant des objectifs à atteindre dans la vie sociale10. Surtout, il s’agit d’un groupe d’individus aux
motivations variées. D’où la potentialité de conflits ;
- un mode d’agencement : une architecture, un construit, une façon d’être constituée, organisée, structurée.
Cette deuxième acception de l’organisation renvoie à la structure ;
- un processus d’agencement : des organes en train de se mettre en place, de se (re)structurer
(« Organizing »). Il s’agit là d’une vision dynamique de la structure qui contraste avec celle statique exprimée
dans la deuxième acception qui précède. On est ici devant une organisation en mutation, un changement
organisationnel. Du coup, cette troisième acception suggère que la façon dont une entité humaine donnée est
structurée un moment donné n’est pas forcément donnée une fois pour toutes, mais au contraire en permanence
modifiable, remodelable en fonction du contexte et de la stratégie adoptée.

1.2 L’entreprise : une entité multidimensionnelle en management stratégique


Discipline structurante du management des organisations, la stratégie a fait son apparition dans le champ
de la gestion dans les années 1960, à la faveur des travaux de Chandler (1962), Ansoff (1965)11, Learned &

8
Edith Tilton Penrose écrivait à cet égard que « la firme n’est pas la firme ». Cf Penrose E. T. (1959), The Theory of the
Growth of the Firm, Oxford, Basil Blackwell, Reprinted January 1963, pp.9-11.
9
Cf sur ce point Desreumaux A. (2000), « Théories des organisations : un état des lieux », in Amann B., Y. Dupuy, J. J.
Rigal (2000) (Direct.), Recherches et pratiques en gestion, Instituts d’Administration des Entreprises, XVèmes Journées
Nationales, Bayonne-Biarritz.
10
Autres types d’organisations : l’Etat, une collectivité locale, une école, une université, un hôpital, une église, un club
de foot-ball, une association, etc.
11
Ansoff I. (1965), Corporate Strategy. Traduction Française : Stratégie du développement de l’entreprise, Paris, Les
Editions d’Organisation, 1989.
6
alii (1965)12. Quelle vision ce corpus disciplinaire a-t-il de l’entreprise ? Autrement dit, quel est le statut de
l’entreprise en management stratégique ?

Dans la littérature stratégique, l’entreprise est soumise à une lecture à l’aune de cinq attracteurs : téléo-
logique, éco-logique, socio-logique, techno-logique et idéo-logique. Ce qui renvoie à autant de visions du
changement organisationnel entrepris par ses managers : planifié, darwinien, politique, recherche de puissance,
mental (Cf Tableau ci-dessous).

Encadré 1. L’entreprise visualisée à l’aune des attracteurs de la pensée stratégique


Brièvement, la vision « téléo-logique » est celle d’une entreprise largement manœuvrable par ses managers.
Ce qui suppose un volontarisme et des compétences de ceux-ci. D’où le caractère planifié du changement associé
à cet attracteur.
A cette vision d’entreprise pilotable l’attracteur « éco-logique » oppose en revanche celle d’une entreprise
entièrement soumise à l’environnement et au marché, avec pour corollaire une étroitesse des marges de
manœuvre de ses managers. D’où le changement de type darwinien qui lui est sous-jacent.
Pour sa part, la rationalité « socio-logique » est celle d’une entreprise inféodée à des jeux d’acteurs. De sorte
que les rapports de pouvoirs entre acteurs comptent beaucoup dans l’orientation de son management.
Envisagée à l’aune de l’attracteur « techno-logique », l’entreprise se décline comme un portefeuille de
ressources de toutes sortes (technologiques, humaines, etc) ; le changement ne peut se départir d’une logique de
développement de tout ce patrimoine.
Enfin, dans l’attracteur « idéo-logique », l’entreprise est une mise en images, un ensemble de représentations
qui déterminent les actes des individus. Ainsi, les actes des managers ont des ressorts cognitifs, perceptuels. De la
sorte, le changement a une inflexion mentale.

Tableau 1. L’entreprise : une lecture à travers les attracteurs de la pensée stratégique


Attracteurs de la Conceptions de l’entreprise Conceptions corrélatives
pensée stratégique par type d’attracteur du changement

L’entreprise comme une unité instrumentalisable, Changement planifié (planification stratégique


1. Téléo-logique pilotable par des dirigeants volontaristes et classique)
compétents.

L’entreprise comme une unité commandée par Changement darwinien, imposé par la sélection
2. Eco-logique l’environnement et par le marché. D’où des marges naturelle du marché. L’entreprise doit se forger
de manœuvre limitées de ses dirigeants dans la une voie hasardeuse, par des « essais/erreurs »,
course à la compétitivité, à l’efficience, etc. des adaptations rapides.

L’entreprise comme une « arène socio-politique » Changement politique : le contexte, la structure,


3. Socio-logique façonnée par des jeux d’acteurs. Les stratégies sont les rapports de pouvoir et leur évolution (ou
avant tout celles des acteurs ; celles de l’entreprise révolution) déterminent la nature, l’orientation et
en émergent ainsi a posteriori. l’ampleur des changements technico-
économiques.

4. Techno-logique L’entreprise comme un patrimoine de technologies, Changement inspiré par une recherche de
de ressources, de compétences fondamentales ou puissance qui tire l’entreprise en permanence et la
périphériques. pousse à développer ses compétences spécifiques

L’entreprise comme une « mise en scène », un Changement des cartes mentales, voire des
5. Idéo-logique scénario…mise en mots, en images, en schémas qui affects intervenant par des opérations de
justifient les décisions et les actes des individus décadrage/recadrage
Source : Adapté de l’article de Claveau N., A. C. Martinet et F. Tannery (1988), « Formes et ingénierie du changement
stratégique », Revue Française de Gestion, n°120, Septembre-Octobre, pp.70-87.

12
Learned E.P., C.R. Christensen, K.R. Andrews, W.D. Guth (1965), Business Policy, Text and Cases, Richard D. Irwin,
Homewood, Illinois.
7
Ainsi, l’entreprise fait l’objet d’une appréhension plurielle dans le champ disciplinaire de la stratégie.

1.3 La vision systémique : l'entreprise comme un système ouvert


L’approche systémique de l’entreprise a ceci d’enrichissant qu’elle est intégrative. Elle fédère les attracteurs
précédents, avec une large domination du tout premier, le téléo-logique : l’entreprise apparaît comme un
système ouvert. Un système (Bertalanffy, 1968)13 est un ensemble d’éléments coordonnés, inter-reliés et
interdépendants conduisant à l’obtention d’un certain résultat. Cette définition recouvre parfaitement celle
donnée par Hall & Fagen (1968)14 : « Un système est un ensemble d’objets et de rapports entre ces objets et
leurs attributs ».
Système ouvert, l’entreprise ne vit pas en vase clos. Elle est en relation permanente avec son environnement
avec lequel elle interagit. Interaction veut dire que l'environnement exerce une influence sur l’entreprise,
laquelle va impacter réciproquement son environnement.

Schéma 1. Interaction entreprise-environnement


Flux d’entrée

ENTREPRISE Interaction ENVIRONNEMENT

Flux de sortie

Inputs, outputs et boucle de rétroaction (« Feed-back ») constituent les caractéristiques essentielles des
systèmes ouverts.

1.3.1 Nécessité d'une identification des acteurs de l’environnement interne et externe de l’entreprise
Les acteurs en question sont des parties prenantes. Le terme anglo-saxon à la mode est « Stakeholders ».
1°) Les parties prenantes comme des porteurs d’enjeux
Les stakeholders sont« tout individu ou groupe d’individus qui peut affecter ou être affecté par la
réalisation des objectifs de l’organisation » (Freeman, 1984, p. 46)15.
On distingue 2 catégories de stakeholders, à savoir :
- les stakeholders internes : actionnaires (« Shareholders » ou « Stockholders ») et employés ;
- les stakeholders externes : concurrents, clients, fournisseurs, banques, État et pouvoirs publics au sens
large, syndicats, etc.
Savoir quel rôle ces différentes entités jouent dans leur relation à l'entreprise est essentiel16.

2°) Les parties prenantes comme des agents de pouvoir


Si le stakeholder et l’organisation s’influencent tant mutuellement, c’est en raison de leurs pouvoirs
respectifs (Mintzberg, 1983)17. Le concept de pouvoir est d’un grand intérêt sociologique et économique.

13
Bertalanffy (von) L. (1968), General System Theory, Foundations, Development, Applications New-York, George
Braziller Inc. Traduction française : Théorie générale des systèmes, Dunod, Paris, 1993.
14
Hall A.D., R. R. Fagen (1968), “Definition of system”, Chap. 10, in Walter Buckley (Edit.), Modern Systems Research
for the Behavioral Scientist, Chicago, Aldine Publishing Company, p.81.
15
Freeman R. E. (1984), Strategic Management: A Stakeholder Approach, Marshfield, Pitman Publishing.
16
Les étudiants seront amenés à interagir en séminaire sur ce point précis.

17
Cf notamment Mintzberg H. (1983), Power In and Out Organizations ; Traduction française : Le pouvoir dans les
organisations, Paris, Les Editions d’Organisation, 1986, Edit. 2003.
8
Au plan sociologique, le concept de pouvoir fait partie des recherches sur les relations interpersonnelles au
sein des organisations (Rojot & Bergmann, 1995, p.148-153)18. Les définitions en sont nombreuses. Pour le
sociologue allemand Max Weber, le pouvoir est « la probabilité qu’un acteur dans une relation sociale soit
en mesure d’imposer sa volonté en dépit de résistances » (Weber, 1947)19. Dans le même ordre d’idées, le
sociologue américain Talcott Parsons voit dans le pouvoir « la capacité d’une personne à influencer une ou
plusieurs autres personnes pour exécuter ses ordres » (Parsons, 1951)20. Pour Dahl (1957)21, le pouvoir d’une
personne A sur une personne B est « la capacité de A d’obtenir de B qu’elle fasse quelque chose qu’elle
n’aurait pas fait autrement ».

Sur un plan plus économique, le pouvoir d’un agent s’apprécie à la capacité de modifier à son avantage les
conditions et les résultats du processus économique (Jacquemin, 1967, p.3522). Ainsi, se caractérise
précisément le « pouvoir de marché » d’une entreprise23. Un tel pouvoir est circonscrit autour de trois éléments :
la capacité, la conscience, l’influence nette (Lhomme, 1966). La capacité indique que le pouvoir est avant tout
une force potentielle qui ne se réalise pas nécessairement. La conscience montre, elle, combien le pouvoir se
différencie de simples mécanismes, combien il a une dimension volontariste. Quant à l’influence nette, elle
s’apprécie au travers du résultat de la négociation ; autrement dit, c’est ce résultat qui permet d’identifier, en
dernier ressort, le véritable détenteur du pouvoir.

Dans l’optique économique comme dans celle sociologique, on le voit, le pouvoir est associé à une relation
potentiellement empreinte de déséquilibre. Il conduit à « un rapport de forces dont l’un peut retirer davantage
que l’autre » (Crozier & Friedberg, 1977, p. 69)24.

1.3.2 Les comportements appropriés aux systèmes ouverts


Comme tout système ouvert, l’entreprise doit être en cohérence avec son environnement, source de bien
des enjeux. La clarification des caractéristiques de cet environnement est cependant essentielle à la
compréhension des comportements à adopter par les managers.

1°) Les caractéristiques de l’environnement


L’environnement présente plusieurs facettes. Il est mouvant, instable, turbulent : les choses changent,
évoluent beaucoup, et parfois très vite. Corrélativement, il est incertain : les choses ne se passent pas
forcément comme on les prévoit. Il est aussi souvent hostile : l’état et l’évolution de l’environnement peuvent
se faire contre les intérêts de l’entreprise, contre sa survie. Un environnement hostile est porteur de menaces,
celles-ci étant des faits ou des phénomènes attentatoires aux performances de toutes sortes de l’entreprise25 et
finalement à son image de marque. Objectivement, ces menaces environnementales ne sauraient faire oublier

18
Rojot J., A. Bergmann (1995), Comportement et organisation, Vuibert, Paris.
19
Weber M. (1947), The Theory of Social and Economic Organization, Free Press, New-York.
20
Parsons T. (1951), The Social System, Free Press of Glenco.
21
Dahl A. R. (1957), “The Concept of Power”¸ Behavioral Science, n° 2, p. 201-215.
22
Jacquemin A. (1967), L’entreprise et le pouvoir économique, Paris, Cujas.
23
Concrètement, le pouvoir de marché d’une entreprise peut s’apprécier à l’évolution de sa part de marché, rapport entre
d’une part la demande de produits qui s’adresse à cette entreprise, et d’autre part la demande totale de ce produit dans le
secteur considéré.
24
Crozier M., E. Friedberg (1977), L’acteur et le système, Editions du Seuil, Paris.
25
Atteinte à l’avantage concurrentiel, au revenu, au patrimoine, à la richesse de l’entreprise.
9
– et c’est la dernière caractéristique - les énormes opportunités que ce même environnement peut procurer à
l’entreprise. Aux managers de les détecter par leur vigilance pour ensuite les saisir. Soulignons que les
opportunités sont plutôt favorables à sa croissance et à son développement.

2°) Les comportements managériaux appropriés aux systèmes ouverts


Deux types de comportement au moins sont propices aux organisations dans leur relation à
l’environnement : l’adaptation et l’anticipation.

1°) L’adaptation
S’adapter à l’environnement, c’est se conformer à son état un moment donné, mais aussi à son évolution.
L’entreprise ne peut se permettre d’être en décalage par rapport à son environnement. Elle doit absolument
intégrer dans sa gestion les mutations qu’elle y observe. Cette attitude relève de la réactivité ou de la
flexibilité.

La flexibilité conduit les organisations à trouver une réponse aux évolutions et bouleversements du moment.
Si l’on ne s’accorde pas toujours sur les modalités de mise en œuvre de la flexibilité, il y a cependant un
consensus sur sa définition. La flexibilité est la capacité d’un système à s’adapter, sous la double contrainte de
l’incertitude et du temps (Batsch, 2002)26.

2°) L’anticipation
L’entreprise, forte de l’expérience passée et tirant les enseignements de l’histoire, de ce qu’elle a déjà vécu
et maintes fois observé, essaie de prévoir ce qui va se passer ou peut se passer dans le futur. L’histoire permet
non seulement de découvrir le passé, mais encore de mieux comprendre le présent et d’anticiper l’avenir. Et
l’on anticipe d’autant mieux l’avenir que l’on a présente à l’esprit l’évolution des choses dans le passé. L’idée
ici est que le passé déjà vécu peut fort bien se reproduire, soit à l’identique, soit avec quelques marges de
différences. Un comportement anticipatif est proactif. Il conduit l’entreprise à extrapoler le futur à partir de
sa bonne connaissance des faits passés. Si l’intelligence économique permet à l’entreprise d’anticiper, la veille
stratégique lui permet de s’adapter.

Au total, les comportements stratégiques de l’entreprise sont fortement motivés par ces préoccupations
d’adaptation et d’anticipation. Voilà pourquoi ils s’appuient sur un diagnostic. L'analyse profonde de la
situation de l'entreprise qui y est sous-jacente s'intègre dans un protocole, dans une démarche méthodologique
rigoureuse conduisant les dirigeants à préciser les grilles de lecture envisagées (économique, industrielle,
commerciale, financière, humaine, organisationnelle, etc) et à bien repérer leurs interdépendances.
Concrètement, ils doivent tout à la fois situer le contexte, repérer les enjeux liés à ce contexte, faire des choix
ad hoc. Des choix censés être précisément la réponse logique à ces enjeux.

26
L. Batsch (2002), Temps et sciences de gestion, Economica, Paris.
10
1.4 L’entreprise comme une entité soumise à une exigence éthique : la responsabilité sociale de l’entreprise27
La question du rôle de l’entreprise dans son environnement suscite un intérêt grandissant dans la littérature
managériale (Capron & Quairel-Lanoizélée, 2007)28 et la presse économique29. Elle interpelle par ailleurs bien
des intellectuels, notamment les philosophes, qui s’émeuvent de la confusion des genres faite aujourd’hui en
matière d’éthique. Qu’attend-on au juste des dirigeants d’entreprises ? Que doivent-ils faire pour que leurs
entreprises aient en quelque sorte de la légitimité, autrement dit pour qu’elles soient acceptées ? La réponse à
ces questions a donné lieu à d’édifiantes contributions qui se résument, on va le voir, à un affrontement entre
deux camps.

1.4.1 Une problématique de la légitimité


Comme concept, la légitimité doit avant tout être définie. Elle trouve cependant sa pleine justification et
puise sa pertinence dans deux notions qui sont au cœur du contexte social où se déroulent les activités de
l’entreprise : l’articulation et l’encastrement.

1°) La légitimité de l’entreprise : reconnaissance et acceptation par la société


La question de la légitimité des acteurs sociaux de toutes sortes est d’un intérêt sociologique évident. Il
s’agit de cette « congruence entre, d’une part les valeurs sociales associées ou impliquées par les activités
organisationnelles et d’autre part les normes de conduite acceptables dans le système social dans son
ensemble » (Dowling & Pfeffer, 1975 ; Parsons, 1960)30. Une entreprise soucieuse de légitimité s’efforce ainsi
de rendre son action acceptable par toutes les parties prenantes. On est ici, on le voit, dans une logique de
dépendance externe (Pfeffer & Salancik, 1978). Le baromètre de la légitimité se trouve en dehors de
l’entreprise. Bref, la légitimité d’un acteur social est extérieure ou bien elle n’est pas.

2°) L’articulation et l’encastrement de l’entreprise : une nouvelle vision de sa relation à la société


Pour Talcott Parsons, « une organisation sera analysée dans les termes d’un système de valeurs
institutionnalisé qui, avant tout, définit et légitime son but et par les mécanismes duquel il est articulé avec le
reste de la société dans laquelle il opère (…) »31. Ce sociologue américain a parlé d’articulation. D’autres
sociologues comme Granovetter (1985)32 et avant lui Polanyi (1944)33 ont parlé, eux, d’encastrement
(« Embeddedness »)34. L’encastrement des phénomènes économiques dans des ensembles sociaux est
d’ailleurs la perspective de la sociologie économique. Celle-ci postule que le management de l’entreprise ne
peut être analysé en termes strictement économiques, mais doit s’enrichir de perspectives et questionnements
beaucoup plus vastes intégrant notamment les dimensions sociales et politiques de l’environnement des

27
Les développements de cette Section sont tirés en grande partie de E. Mebiame-Toutoume (2006), Les représentations
des dirigeants dans la conduite du changement organisationnel des entreprises privatisées gabonaises : nature,
formation, effets, Thèse de Doctorat ès Sciences de Gestion, Université de Nancy 2.
28
Capron M., F. Quairel-Lanoizélée (2007), La responsabilité sociale d’entreprise, Editions La Découverte, Paris.
29
Cf notamment l’article de Richèbe R. (2014), « La responsabilité d’entreprise : un engagement au quotidien »,
L’Expansion, n°793, Avril, pp.90-92.
30
Cité par Suchman M. (1995), « Managing Legitimacy: Strategic and Institutional Approaches », Academy of
Management Review, Vol.20, n° 3, p. 573.
31
Cité par Laufer et Burlaud (1980, p. 25-26). Parsons a été évoqué précédemment à propos de la définition du pouvoir.
32
M. Granovetter, « Economic Action and Social Structure: the Problem of Embeddedness », American Journal of
Sociology, Vol.91, n°3, November 1985, pp.481-510.
33
Cet auteur a fait remarquer que dans les sociétés pré-capitalistes, l’économie était encastrée dans le reste de la société.
34
L’encastrement est cognitif, culturel et politique (Cf les travaux de Cohen, March et Olsen (1972) ainsi que ceux de
Granovetter. L’encastrement politique des actes managériaux est illustré par l’importance du rôle de l’Etat dans la vie
économique et sociale, par le fait que la gestion de l’entreprise subit le cadrage des législations.
11
managers. Et les actions économiques ne prennent leur sens qu’insérées dans des réseaux de relations
interpersonnelles. Il y a là un dépassement des modèles économiques traditionnels qui considèrent les
agents économiques de façon atomisée, indépendamment de tout contexte social, de tout autre groupe et de
l’histoire de leurs propres relations.

1.4.2 Les deux visions de la RSE


Si pour les néo-classiques l’entreprise n’est responsable que vis-à-vis des actionnaires, pour d’autres auteurs
elle est également responsable vis-à-vis des autres acteurs sociaux. Aussi, la RSE doit procéder d’un
équilibrage entre les intérêts des différentes parties prenantes.

1°) La perspective néo-classique de la RSE : une responsabilité limitée à la satisfaction des intérêts des
actionnaires
La théorie économique néo-classique assigne à l’entreprise un objectif de maximisation du profit. Elle
accorde ainsi la priorité aux intérêts des actionnaires. Du même coup, le problème de sa responsabilité sociale
se ramène à l’obtention d’un profit maximum (Friedman, 1970). Là est le baromètre de l’efficacité de l’action
managériale. C’est une vertu managériale. Cette vision des choses semble avoir les faveurs des philosophes
comme Comte-Sponville pour qui l’économie ne s’accommode pas foncièrement de la morale, de l’éthique :
« L’entreprise n’est pas faite pour créer de la vertu, mais de la richesse ».

2°) La vision moraliste de la RSE : un rééquilibrage entre l’économique, le financier et le sociétal


L’entreprise n’est pas seulement un producteur de richesses économiques appelées à être échangées sur
un marché. Elle est aussi un important facteur de cohésion sociale. Elle n’est pas seulement « en marché » ;
elle est aussi « en société » (Martinet & Reynaud, 2001). Dans un contexte de déclin relatif des institutions
sociales « primaires » comme la famille ou la religion (Sainsaulieu, 199035 et 1998 ; Drucker, 200036) dans
leur rôle traditionnel de préservation de la stabilité sociale, c’est l’entreprise qui cristallise les espoirs et
apparaît comme une alternative intéressante. On attend beaucoup d’elle pour prendre la relève, pour devenir
précisément cette institution-relais à même de dispenser une « socialisation secondaire ».

Il n’est pas réaliste de considérer que la gestion de l’entreprise doit se faire dans l’intérêt exclusif des
actionnaires. Sous l’influence des courants d’éthique d’entreprise (Capron, 2000) et du développement
durable (Pasquéro, 1989), des voix s’élèvent pour prôner une démarche plus partenariale des entreprises. Elles
appellent à la nécessité de « légitimer l’action économique et de la rendre citoyenne (« Statemanship ») par
un processus de concertation élargie sur le bien commun »37. Parce que le fossé sans cesse grandissant entre
l’économique et l’éthique devient intenable, il faut précisément se démarquer du paradigme de l’économie
concurrentielle traditionnelle. Il faut « sortir de l’économisme » (Merlant & alii, 2003)38 foncièrement
inégalitaire et procéder à un savant dosage et rééquilibrage, salutaire pour tous, entre l’économique, le financier
et le sociétal.

35
Sainsaulieu R. (Direct.), L’entreprise, une affaire de société, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences
Politiques, 1990.
36
Peter F. Drucker parle, lui, d’institutions « traditionalistes » pour désigner la famille ou la communauté. Elles sont
préservatrices de stabilité, in A propos du management, Editions Village Mondial, 2000, pp.132-133.
37
Cf la tribune de Philippe de Woot, « Rééquilibrer l’économique, l’éthique et le politique », L’Expansion Management
Review, n° 147, Décembre 2012, p. 62-63.
38
Merlant P., R. Passet et J. Robin (Direct.), Sortir de l’économisme. Une alternative au capitalisme néo-libéral, Les
Editions de l’Atelier, Paris, 2003.
12
Du reste, la préférence actionnariale déjà violemment récusée au travers du rejet du postulat de la
maximisation du profit (Penrose, 1959 ; Baumol, 1961), s’est révélée très vite inadaptée dans un monde marqué
à la fois par la montée de la complexité (Thiétart, 2001), l’accentuation des interdépendances, la
multiplication du nombre d’interlocuteurs de l’entreprise, laquelle est devenue véritablement, selon
Sainsaulieu (1990), « une affaire de société ». La notion de stakeholders examinée plus haut témoigne de
cette volonté de repenser le rôle de l’entreprise, d’enrichir le regard porté sur elle, d’élargir les angles d’analyse
de ses problèmes.

Fondamentalement, ce nouveau regard porté sur l’entreprise et le système de valeurs qui doit désormais
être le sien se nourrit et s’émeut du paradoxe entre, d’une part la pluralité des contributeurs à la vie de la firme,
qui sont autant de « partenaires dans le risque », et d’autre part la focalisation excessive sur les intérêts d’une
seule catégorie, les actionnaires, auxquels est loin de se résumer l’entreprise.

Au total, la RSE affirme l’étendue du champ des retombées des actions de l’entreprise. Un champ qui
s’étend désormais à toute la société, dépassant par là même la seule sphère économique et débordant la vision
étriquée de la relation entreprise-actionnaires. Pour terminer et encore une fois, l’entreprise n’est pas
seulement en marché ; elle est aussi en société. Elle mène ses activités dans un contexte social, sociétal et
comme tel supra-économique avec lequel elle interagit. Corrélativement, ni l’entreprise ni la société ne peuvent
s’indifférer mutuellement. D’une part, la société subit l’influence, bonne ou mauvaise, des activités de
l’entreprise. D’autre part, l’entreprise est impactée, à son tour, positivement ou négativement, par la sociét é
dans son ensemble. De la sorte, l’entreprise doit, pour être légitime c’est-à-dire acceptée de la société, se
démarquer de toute nuisance sociétale d’autant qu’elle peut être contre-productive, se retourner contre elle.
Les entreprises dont les produits sont boycottés l’ont appris à leurs dépens.

13
CHAPITRE 2. LA PERFORMANCE ET SA MESURE
L’entreprise est une entité finalisée. Ses instances dirigeantes ont dès lors, par définition, une
responsabilité évaluative. Autrement dit, elles se doivent de porter un jugement sur le fonctionnement de
l’organisation afin de fiabiliser la relation de mandat existant entre gestion et propriété.

Ainsi se trouve posée la question de la mesure des performances. Bien entendu, la définition du concept de
performance s’impose avant tout. Et à cet égard, les travaux effectués sur ce concept soulignent sa polysémie
(Bessire, 1999). Nous examinerons d’abord ce point précis puis celui de la mesure des performances.

2.1 La performance : un concept polysémique


La performance est certainement l’un des concepts les plus usités en management. En fait, elle s’inscrit
comme une fonction-objectif collective à laquelle tous les domaines du management tentent de contribuer,
chacun à sa manière et dans leurs différences irréductibles. La finance, en s’attachant essentiellement au retour
sur les capitaux investis. Le marketing, en faisant de la conquête du marché et de la satisfaction de celui qui
en est le souverain incontestable - le consommateur - son point d’ancrage. La gestion des ressources humaines,
en recherchant, pour sa part, entre autres, ce qui valoriserait mieux le facteur travail. Le management
stratégique, en projetant toujours la firme dans son environnement et en s’efforçant de maintenir une
congruence (« fit ») suffisante avec ce dernier.

Cette pluralité de regards accrédite le caractère fédérateur du concept de performance. Un concept qui peut
être vu comme le résultat de l’action, comme un succès ou comme l’action elle-même.

Les conceptions de la Description


performance

La mesure des performances est « entendue comme l’évaluation ex post des


résultats obtenus » (Bouquin, 1986, p.114), et ce, quels qu’ils soient.
1°) La performance
comme le résultat de Dans cette acception, le type de résultat, autrement dit sa qualité indiffère
l’action l’évaluateur, lequel est pétri d’objectivité.

Cette acception s’inscrit a priori dans le droit fil de la précédente, dès lors
que le succès est bien le résultat d’une action.

Pourtant, elle s’en distingue profondément en ce qu’elle contient un


jugement de valeur. En effet, seule la positivité systématique du résultat de
2°) La performance l’action est significative de performance.
comme un succès La performance est donc directement fonction des représentations que l’on
se fait de la réussite, représentations qui peuvent varier selon les
organisations ou les acteurs évoluant en leur sein.

Le sens exprimé ici est en fait une extension de celui de l’épithète


« performant » dans le langage courant, qui n’est pas sans entretenir la
confusion

3°) La performance Dans cette acception très anglo-saxonne, la performance est un


comme l’action elle-même processus, et « non un résultat qui apparaît à un moment dans le temps »
(Baird, 1986). Elle est « la mise en actes d’une compétence qui n’est qu’une
potentialité ».

Si la polysémie du concept de performance est signe de richesse, elle n’en dénote pas moins une difficulté
de consensus autour dudit concept. Dans cette pluralité d’acceptions, des points de convergence sont toutefois

14
repérables, puisqu’on admet que le concept en cause se réfère à une problématique d’évaluation, qu’il peut
être mis en relation avec la cohérence et la pertinence, et qu’il traduit une tension entre objectivité et
subjectivité (Bessire, 1999).
2.2 La mesure de performances
La mesure de performances est une étape essentielle de la gestion budgétaire et plus généralement du
contrôle de gestion. Pour cela, il importe de connaître les critères de performances. Cette connaissance passe
notamment par un exposé du triangle du contrôle de gestion.

2.2.1 Le triangle du contrôle de gestion


Le « triangle du contrôle de gestion » (Burlaud et Simon, 200339 ; Burlaud et Chatelain-Ponroy, 201540)
s’appuie sur le triptyque objectifs-moyens-résultats.
Objectifs

PERTINENCE EFFICACITE

Moyens Résultats
EFFICIENCE

Ce triangle conduit à analyser les trois éléments (ou pôles) considérés ici (objectifs, moyens, résultats) non
pas isolément, mais dans leurs différentes relations. A chacune de ces relations est associée une série de
questions résumées dans le tableau qui suit.

39
Burlaud A. et C. Simon (2003), Comptabilité de gestion, Vuibert, Paris.
40
Burlaud A. et S. Chatelain-Ponroy (2015), « Le contrôle de gestion dans les organisations publiques : une gageure ? »,
Economie et Management, n° 154, Janvier, pp. 19-23.
15
Axes d’analyse Questions relatives aux préoccupations du manager

1. Relation moyens-objectifs Les moyens ou ressources alloués sont-ils congruents, cohérents avec
les objectifs que l’on s’est fixés ? Sont-ils adaptés à ces objectifs ?

2. Relation résultats-objectifs Les résultats obtenus sont-ils conformes aux objectifs ? Quel est le
degré de réalisation des objectifs ?

Les résultats obtenus sont-ils à la hauteur des moyens déployés par


l’organisation ?

Reflètent-ils une utilisation rationnelle de ces moyens, un non-


3. Relation résultats-moyens gaspillage de ces derniers ?

L’allocation des ressources est-elle la plus économique ?

Existe-t-il éventuellement d’autres moyens plus rentables, moins


consommateurs de facteurs et comme moins coûteux pour atteindre
les résultats escomptés ?

Les critères de performances procèdent de ces préoccupations.


2.2.2 Les critères de performances
Les critères de performances sont nombreux. Toutefois, trois au moins sont couramment utilisés, à savoir :
la pertinence, l’efficacité, l’efficience. Ils se veulent respectivement réponse aux trois questions précédentes.

Critères de performances Définitions

Ce critère pose le problème de l’adéquation des moyens aux objectifs que


l’on s’assigne tout en se préoccupant de l’adéquation de l’action projetée aux
priorités mêmes de l’organisation.
1°) La pertinence
Cette action est-elle bien en phase avec les exigences du moment ? Valait-elle
la peine d’être initiée ?
Tout décalage avec les circonstances suggère a priori une non-pertinence de
l’action envisagée.
Ce critère exprime la capacité d’une organisation à atteindre ses objectifs,
et cela indépendamment de la façon dont elle aura combiné ses moyens.

Ce qui intéresse c’est le degré de réalisation des objectifs.


2°) L’efficacité
Concrètement, la démarche consiste à comparer les résultats et les objectifs,
puis à mettre en évidence l’écart entre ces deux éléments. Il appartiendra au
manager d’apprécier si l’écart ainsi relevé est acceptable ou non.
L’efficience étalonne les résultats réalisés par rapport aux moyens déployés
afin de juger de la qualité d’utilisation des moyens, d’apprécier leur
rendement, celui-ci étant un rapport produit-facteurs.

3°) L’efficience Une organisation efficiente obtient beaucoup d’outputs avec peu d’inputs, ou
autant d’outputs avec beaucoup moins d’inputs.

L’efficience est donc un indicateur de rendement, de productivité, le souci


étant ici d’atteindre les objectifs au moindre coût, de réaliser une économie
de moyens, bref d’éviter le gaspillage (Simon, 1983, p.109 ; p.153-17641 ;
Mintzberg, 1990, p. 589-596)42.

41
Simon H.A. (1957), Administrative Behavior. A Study of Decision-Making Processes in Administrative Organization,
New-York, The Free Press. Traduction française : Administration et processus de décision, Paris, Economica, 1983.
42
Mintzberg H. (1990), Le management. Voyage au centre des organisations, Op. Cit.
16
En matière d’appréciation des projets, outre les trois critères précédents, trois autres critères sont souvent
utilisés en pratique, à savoir : l’impact, la viabilité et la cohérence. Nous allons résumer tous ces critères dans
l’encadré qui suit.

Encadré. Principaux critères d’évaluation des projets 43

L’efficacité : atteinte ou non des objectifs attestée par un calcul des écarts entre une situation réalisée et la
situation projetée initialement.

L’efficience : rapport entre les résultats obtenus concrètement et les moyens engagés.

L’impact : les changements, visibles ou non, consécutifs à l’action menée.

La viabilité : les chances pour que les modifications dans les comportements de vie quotidienne, induites par la
réalisation du projet, perdurent en termes de dynamique une fois les actes extérieurs retirés.

La cohérence : les liens établis entre les activités prévues et les résultats attendus sont justifiés au regard des buts
fixés par les responsables du projet. Il s’agit, en termes stratégiques, de la conformité des activités projetées aux
objectifs ou buts généraux.

La pertinence : outre les éléments exposés plus haut, la pertinence procède de la prise en compte des éléments
extérieurs, liés à l’environnement du terrain d’action, au cours de la préparation puis de la réalisation du projet.

43
Ces critères sont aussi ceux utilisés pour évaluer une action humanitaire. Cf notamment LE COCONNIER M. L. et B.
POMMIER (2009), L’action humanitaire, Presses Universitaires de France, Paris, p. 59.
17
CHAPITRE 3. LA STRATEGIE : VUE D’ENSEMBLE
Savoir comment croît et se développe l’entreprise ainsi que les enjeux sous-jacents est essentiel. Il convient
donc de saisir l’objet de la stratégie (« Quoi ? »), ses motivations profondes (« Pourquoi ?») et les modalités
de son élaboration (« Comment ? »).

3.1 Qu’est-ce que la stratégie ?


La stratégie (ANSOFF, 1965 ; LEARNED, CHRISTENSEN, ANDREWS et GUTH, 1965 ; PORTER,
1980) s’entend des choix44 de toutes sortes (choix des activités, choix de la façon de mener à bien ces activités)
qui conditionnent le développement de l’entreprise dans son environnement, et lui permettent de s’y adapter
ou d’en anticiper l’évolution. Ces choix sont censés lui procurer un avantage concurrentiel45 durable.

Les choix stratégiques concernent prioritairement les secteurs d’activité où une entreprise a l’intention
d’opérer. Aussi ces stratégies sont-elles appelées stratégies de portefeuille. Elles sont à distinguer des
stratégies concurrentielles, qui concernent la manière de s’attaquer à ces domaines d’activité. A côté d’elles,
il existe d’autres grandes manœuvres stratégiques.

3.1.1 Le choix des activités : les stratégies de portefeuille


La première chose qu’une entreprise fait en matière stratégique est de choisir ses activités. Configurer son
portefeuille d’activités la met face à 3 options stratégiques ou stratégies « Corporate », à savoir :
- la croissance horizontale, qui n’est autre que la spécialisation ;
- la croissance verticale : l’entreprise intègre dans son portefeuille des activités complémentaires de celles
actuelles. Intégration possible en amont (activités des fournisseurs) ou intégration en aval (activités des
clients) ;
- la croissance diversifiée. La diversification est à l’opposé de la spécialisation : l’entreprise s’engage
dans des domaines d’activités différents.

Types de stratégies de portefeuille Description


Croissance horizontale (spécialisation) L’entreprise effectue les mêmes activités qu’auparavant.
Elle se spécialise dans un domaine.
Croissance verticale (intégration) L’entreprise se déploie sur des activités complémentaires de
celles actuelles.
Croissance diversifiée (diversification) L’entreprise intègre dans son portefeuille des activités
différentes de ce qu’elle effectuait jusqu’alors.

Les stratégies « Corporate » se distinguent des stratégies « Business » comme le volume, la différenciation,
la focalisation, la stratégie prix-valeur (HELFER et alii, 2013, p.278)46.

3.1.2 Le choix des modes de réalisation de la croissance : les stratégies concurrentielles


A côté des stratégies de portefeuille, il existe des stratégies concurrentielles, axées sur la manière de
s’attaquer aux différents domaines d’activité. Elles sont essentiellement au nombre de deux, à savoir : la
croissance interne et la croissance externe.

44
Bien entendu, les choix sont des actions, lesquelles sont généralement précédées de décisions.
45
L’on parle indifféremment d’avantage concurrentiel, d’avantage sur les concurrents ou d’avantage compétitif.
46
Helfer J. P., M. Kalika, J. Orsoni (2013), Management stratégique, Paris, Vuibert.

18
1°) La croissance interne : l’entreprise crée et organise elle-même ses différents actifs d’exploitation. Elle
développe une capacité de recherche et d’innovation ; elle acquiert et réorganise des actifs relatifs à l’achat, à
la fabrication (capacité de production) ou à la vente.

2°) La croissance externe : l’entreprise trouve chez les autres, au moyen de diverses formules, sa capacité
de production. Ce sont en principe des actifs déjà organisés et en exploitation dans d’autres entreprises. Des
actifs d’occasion.

Comme formules possibles de croissance externe, citons la fusion (simple ou absorption), les prises de
participations (simples ou majoritaires), l’OPA, l’apport partiel d’actifs, la scission.

Précisons que la croissance interne et la croissance externe n’ont rien à voir avec leurs modes de
financement usuels : le financement interne et le financement externe. Les ressources internes financent
aussi bien la croissance interne que la croissance externe. De même, les ressources externes financent la
croissance tant externe qu’interne. L’origine des ressources de financement de la croissance est donc sans
rapport avec le type de croissance à financer.

3.1.3 Les autres grandes manœuvres stratégiques

On citera ici essentiellement :

- l’externalisation : une entreprise laisse assumer par d’autres entreprises des activités qu’elle exerçait elle-
même jusqu’alors. Ce qui lui permet de bien se recentrer sur ses activités de base ;

- l’internalisation : c’est l’inverse de l’externalisation. L’entreprise intègre en son sein des activités qui étaient
accomplies auparavant à l’extérieur. Ce qui s’apparente à de l’intégration ;

- les alliances et partenariats ;

- l’internationalisation : l’entreprise développe ses activités à l’étranger ;

- les délocalisations : déplacer une unité de production d’un lieu à un autre, notamment pour profiter des
avantages de coûts qu’offre son nouveau lieu d’implantation.

Il convient d’y ajouter les trois stratégies génériques de PORTER (1982), à savoir :

- la domination par les coûts : l’entreprise s’emploie à obtenir les coûts les plus bas dans son secteur,
comparativement à ses concurrents et tout en maintenant la valeur de ses produits. Cette stratégie suppose que
l’entreprise connaisse l’ensemble de ses coûts, choisisse des segments stratégiques durables et mette en place des
actions soutenues pour obtenir et maintenir son leadership ;

- la différenciation : l’entreprise se démarque de ses concurrents en s’appuyant, pour cela, sur une ou plusieurs
caractéristiques de son produit : emballage, fiabilité, esthétique, avantages techniques, délai de livraison, service
après-vente, etc. Sur ces points, l’entreprise considère qu’elle dispose d’un atout, d’un plus, qui, s’il est perçu
comme tel par les clients, représentera une valeur ajoutée ;

- la focalisation (concentration, recentrage) : l’entreprise se concentre sur un segment particulier : clientèle,


secteur géographique, etc. Cette stratégie est souvent le fait d’entreprises qui ne peuvent pas s’adapter à la totalité
d’un secteur pour insuffisance de ressources.

19
3.2 Pourquoi élaborer une stratégie ?
L’entreprise étant un système ouvert doit souvent faire face à bien des enjeux. Elaborer une stratégie47 - a
fortiori l’appliquer - est une question de vie ou de mort pour l’entreprise. La stratégie lui permet en effet :
- de survivre dans un marché, un environnement où la concurrence est âpre ;
- de s’adapter à cet environnement (logique de réactivité) ;
- d’anticiper l’évolution dudit environnement (logique de pro-activité) ;
- d’acquérir, maintenir ou renforcer un avantage concurrentiel sur une base durable ;
- de croître pour atteindre la taille (ou masse) critique. La taille critique est la taille minimale nécessaire
pour résister aux assauts concurrentiels des autres entreprises du secteur. Du reste, la croissance donne du
poids à l’entreprise dans ses relations à d’autres entreprises sur le marché ;
- de bénéficier d’économies d’échelle.

3.3 Comment élaborer une stratégie ?


3.3.1 La connaissance de l’entreprise et de son environnement : le diagnostic stratégique
La connaissance de l’environnement s’impose parce que celui-ci est multi-caractériel. Cette connaissance
passe par un diagnostic stratégique, démarche rigoureuse de collecte et de traitement des données. L'analyse
profonde de la situation de l'entreprise et de son environnement qui y est sous-jacente s'intègre dans un
protocole conduisant les dirigeants à préciser les grilles de lecture envisagées (économique, industrielle,
commerciale, financière, humaine, organisationnelle, etc) et à bien repérer leurs interdépendances.
Concrètement, ils doivent tout à la fois situer le contexte, repérer les enjeux liés à ce contexte, faire des choix
ad hoc. Des choix qui sont précisément la réponse logique à ces enjeux.

Le diagnostic stratégique est donc l'ensemble des investigations menées par les managers pour améliorer
la connaissance de l'entreprise et de son environnement. Puisqu’il est question de connaissance, les
méthodes classiques d'accession à la connaissance comme la déduction et l'induction sont naturellement à
l'œuvre ici. Il est généralement admis que ces méthodes coopèrent dans le moindre de nos jugements
(BESNIER, 2005)48. Induction et déduction donnent lieu à des débats philosophiques entre l'empirisme et le
rationalisme. Les connaissances sont la condition et le produit d’une activité cognitive, laquelle est une
activité analytique faite à la fois d’évaluations, de raisonnements, d’interprétations, de jugements, etc. La
connaissance est cependant sujette à des biais. Trois types de biais cognitifs au moins entachent le diagnostic
stratégique : les erreurs (de jugement et de raisonnement), les émotions et les illusions sociales (Gervais &
Herriau, 2011, p. 98-100).

47
La stratégie est ancienne dans sa pratique puisque dans son contexte militaire d’application originelle, il s’agit de
« conduire une armée » – en grec : « stratos » (armée), « agos » (je conduis) - vers un but précis. Mais, au plan
académique, comme discipline structurée du management des organisations, la stratégie est relativement récente
puisqu’elle remonte seulement aux années 1960, notamment avec les travaux d’Ansoff (1965)47 et de Learned et alii
(1965)47. Et l’ambition du management stratégique est de se préoccuper de tout ce qui procure à l’entreprise un avantage
compétitif « durable » ; avantage à obtenir, sauvegarder ou accentuer.
Cf à cet égard :
- Ansoff I. (1965), Corporate Strategy. Traduction française : Stratégie du développement du développement de
l’entreprise, Paris, Les Editions d’Organisation, 1989.
- Learned E.P, Christensen C.R., Andrews K.R., Guth W.D. (1965), Business Policy, Text and Cases, Richard D. Irwin,
Homewood, Illinois
48
Besnier J. M. (2005), Les théories de la connaissance, Paris, Presses Universitaires de France.
20
3.3.2 La matrice SWOT : concrétisation des diagnostics interne et externe
Le diagnostic stratégique comporte 2 axes essentiels : le diagnostic interne (analyse des forces et faiblesses
de l'entreprise (SW) et le diagnostic externe (analyse environnementale effectuée afin d’identifier et repérer
les opportunités et menaces.

Il débouche sur l'élaboration d'une matrice SWOT ((« Strengths », « Weaknesses », « Opportunities »,
« Threats ») issue des travaux de l'école de Harvard, avec des noms illustres résumés dans LCAG.

Strengths Weaknesses

Opportunities Threats

Cette matrice SWOT donnant le positionnement intra- et extra-organisationnel de l’entreprise à un moment


donné est à ne pas confondre avec d’autres matrices stratégiques comme BCG ou ADL qui sont, elles, des
matrices de portefeuille d’activités.

Notons que Michael PORTER, économiste industriel de l'école de Harvard, a énormément contribué au
diagnostic stratégique en proposant notamment deux modèles, à savoir : le modèle de la « chaîne de valeur »
(diagnostic interne) et le modèle des « 5 forces motrices de la concurrence », pour le diagnostic externe
(PORTER, 1982).

Concernant tout spécialement les menaces (« Threats ») environnementales provenant de divers


stakeholders (clients, fournisseurs, concurrents, technologie, politique étatique, opinion publique, etc), PORTER
(1982)49, en a identifié quelques-unes, notamment celles liées :

- à l’intensité de la rivalité entre entreprises concurrentes ;

- à l’entrée de nouveaux concurrents sur le marché, notamment dans un oligopole ;

- à des produits de substitution ;

- au pouvoir de négociation des clients ;

- au pouvoir de négociation des fournisseurs ;

- à la politique gouvernementale (lois et règlements) 50.

Soulignons que les données traitées dans le SWOT proviennent de plusieurs sources :
- sources d’information intra-organisationnelles : les différents systèmes d’information de l’entreprise :
système d’information comptable, SI marketing, GRH, etc ;
- sources d’information extra-organisationnelles : plusieurs sources extérieures complémentaires, à savoir :
l’intelligence économique, la veille stratégique, les bases de données issues des réseaux relationnels, des
observatoires d’environnements économiques et politiques.

La responsabilité sociale de l’entreprise : une nouvelle variable de la démarche stratégique

49
PORTER M.E. (1980), Competitive Strategy: Techniques for Analysing Industries and Competitors, New York, The
Free Press. Traduction française : Choix stratégiques et concurrence, Paris, Economica, 1982.
50
Si la puissance publique constitue en soi une véritable menace, elle peut aussi être source d’opportunités pour
l’entreprise. On pense ici, par exemple, à une fiscalité incitative pour les entreprises ou aux subventions que l’Etat est
susceptible de leur octroyer.
21
De nouvelles variables pèsent désormais sur l’élaboration des stratégies, qui tiennent à la prise en compte des
considérations environnementales. Et les entreprises doivent désormais s’en accommoder dans leurs choix
stratégiques. Sous les pressions de l’opinion et d’une réglementation plus contraignante, les entreprises
industrielles sont amenées, à coups de sommes colossales, à investir dans des techniques plus propres ou des
équipements destinés à lutter contre la pollution. Dans l’industrie automobile, les constructeurs conçoivent des
modèles de voitures qui soient les moins polluants possibles. Les entreprises doivent donc savoir qu’elles sont,
aujourd’hui plus qu’hier, notées au plan de la citoyenneté, de la responsabilité sociale, bref de l’éthique et doivent
se montrer respectueuses du monde qui les entoure.

Schéma. La démarche stratégique : du diagnostic au contrôle

On peut schématiser ainsi la démarche stratégique.

Finalités
1b. Diagnostic externe
Analyse de 1a. Diagnostic
l’environnement 2. Choix interne
(opportunités & stratégiques (Forces &
menaces) faiblesses)

3. Mise en
oeuvre

4. Résultats
Atteinte des objectifs
(Tableau de bord périodique)

22
CHAPITRE 4. RISQUES DE L’ENTREPRISE ET MODALITES DE GESTION
L’entreprise exerce ses activités dans un environnement empreint d’incertitudes. Il convient donc de définir
le risque (4.1), puis de présenter une typologie des risques qui jalonnent le fonctionnement de l’entreprise
(4.2). Un troisième point sera consacré à l’examen de quelques modalités du management des risques (4.3).

4.1 Du concept de risque


Par risque, on entend « la possibilité que se réalisent des conditions ou se produisent des évènements
empêchant l’entreprise51 d’atteindre un ou plusieurs de ses objectifs » (Demeestère, Lorino et Mottis, 2002,
p.221)52.
Plus généralement, le risque se distingue souvent de l’incertitude. L’incertitude est une situation non
probabilisable. Au contraire, une situation de risque est celle où il est possible d’associer une distribution de
probabilités à différents évènements. Cette distinction a été faite par Knight (1921). Les probabilités résultent
souvent de l’expérience, donc de l’observation des situations passées.

4.2 Typologie des risques


Les organisations de toutes sortes, notamment les entreprises, font face, dans leur exploitation, à plusieurs
types de risques. Plusieurs typologies sont utilisées en pratique.

4.2.1 Risques internes et risques externes


Cette typologie repose sur la distinction entre les risques internes à l’entreprise et les risques externes.

Types de risques Caractéristiques ou exemples


. Imprécisions des tâches
. Incohérences du cahier des charges
Risques internes . Risques techniques divers
. Non-maîtrise intra-organisationnelle du projet
. Conflits sociaux
. Aléas réglementaires ou juridiques
. Obsolescence technique du produit
Risques externes . Non-décollage du marché
. Ressources non disponibles ou de qualité inadaptée
. Evènements financiers ou monétaires

L’importance de chaque risque peut être pondérée en tenant compte :


- de la gravité dudit risque ;
- de sa probabilité d’occurrence ;
- du niveau de maîtrise dont dispose l’organisation face à ce risque.

On peut évaluer l’importance d’un risque en se référant à une échelle graduée en fonction de la perception
que l’on a dudit risque. Exemples : faible (1), moyen (2), élevé (3).

Les risques doivent être révisés périodiquement (au cours de la réalisation d’un projet), afin de maintenir
afin de maintenir la vigilance nécessaire sur l’évolution possible des risques connus ou sur l’émergence
éventuelle de nouveaux risques. En pratique, cette révision périodique s’appuie sur des grilles d’analyse sous
forme de « Check list ».

51
Les auteurs ont raisonné par rapport au risque de projet, donc par rapport à l’environnement d’un projet.
52
Demeestère R., P. Lorino et N. Mottis (2002), Contrôle de gestion et pilotage de l’entreprise », Dunod, Paris.
23
Les politiques de maîtrise des risques mettent l’accent sur la collecte d’informations complémentaires, le
retraitement de l’information, la recherche d’une plus grande réactivité, la mise en place d’indicateurs
précurseurs permettant la détection précoce de certains évènements.

4.2.2 Classification des risques en fonction de leur nature


Dans son ouvrage, DARSA (2016) recense au moins 13 classes de risques. Ces risques sont distingués en
fonction de leur nature, indifféremment de leur origine. Dans cette typologie globale, les risques internes ne
sont plus distingués des risques externes à l’entreprise. De même, il n’est plus fait de distinction entre risques
nationaux et risques internationaux.
Ces 13 classes de risques sont répertoriées dans le tableau ci-après :

Types de risques Illustration


Risque liés, directement ou indirectement, à la présence de l’entreprise à
1°) Risques géopolitiques l’extérieur de ses « frontières naturelles ». C’est notamment ce qu’il est convenu
d’appeler le risque politique ou le « risque-pays ».
NB. La COFACE édite annuellement un Guide Risque Pays.
Risques liés à l’évolution de la conjoncture économique dans laquelle
l’entreprise évolue. Leur étude est élaborée à partir des éléments et données
macroéconomiques sur les marchés locaux de l’entreprise : évolution du PIB, de
2°) Risques économiques l’inflation, du taux de chômage, etc.
Il est essentiel de comprendre et maîtriser les sources de déséquilibre structurel
potentiel des différentes composantes de la chaîne de valeur de l’entreprise.
La notion de risque stratégique s’avère critique à la pérennité de l’entreprise.
3°) Risques stratégiques C’est le risque prioritaire à maîtriser.
Le risque stratégique peut résulter d’une défaillance d’un segment ou d’un
modèle stratégiques.
DARSA (2016, p. 125) dresse une liste non exhaustive des principaux risques
financiers auxquels peut être exposée une entreprise :
- risque de liquidité (risque de trésorerie) : risque de rupture de trésorerie
engendrant potentiellement la cessation des paiements ;
- risque de crédit ;
- risques de pertes financières liés à des décisions peu rationnelles
d’investissement, d’exploitation ou de gestion ;
- risque de taux d’intérêt ;
- risque de taux de change (méthodes de couverture : options, swaps, etc) ;
- risque « marchés financiers » : risques liés aux marchés financiers où
l’entreprise place ses excédents de trésorerie.
4°) Risques financiers NB. En fait, ce risque « marchés financiers » intègre plus généralement ce qu’il est
convenu d’appeler les risques financiers internationaux : risque de prix
(fluctuations des cours de matières premières), risque de taux de change, risque de
taux d’intérêt, etc) ;
- risques comptables ;
- risques fiscaux ;
- risques de prise de contrôle ;
- autres risques financiers : risques fournisseur, de structures de coûts, de haut
de bilan, de sous-investissement, d’erreur d’investissement, de délinquance
financière, d’arrêt d’activité, d’opportunité de délocalisation, de départ des
actionnaires
5°) Risques opérationnels C’est une classe de risque élargie, en prise directe avec l’activité quotidienne de
l’entreprise.
6°) Risques industriels Ces risques sont liés à la mise en œuvre des processus industriels de production,
et partant à la gestion industrielle ou logistique de l’entreprise.
Il s’agit de risques liés à la qualité, l’intégrité et la validité des relations
contractuelles de l’entreprise avec les partenaires : salariés, clients,
fournisseurs, sous-traitants, co-traitants, salariés, instances représentative,
actionnaires, banquiers, etc.

24
Ces risques peuvent impacter l’entreprise, financièrement ou non, directement
ou non, à la suite d’une utilisation impropre d’un ou plusieurs éléments
7°) Risques juridiques contractuels ou relationnels, dans le cadre de ses activités économiques. Citons à
cet égard :
- les coûts financiers, directs et indirects, des procédures initiées et/ou
subies ;
- les pénalités éventuelles ;
- l’impact image (jurisprudence), la notoriété, la crédibilité, la légitimité des
dirigeants.
D’où la nécessité de les traiter avec le plus grand soin.
Un risque juridique nécessite particulièrement de l’attention dans un contexte de
pénalisation croissante du monde des affaires : le risque pénal.
Ces risques résultent de la défaillance d’un ou plusieurs éléments matériels,
physiques ou logiques constituant l’architecture, les outils, les données et/ou les
applications informatiques de l’entreprise.

8°) Risques informatiques Leurs causes : pannes, attaques virales, violation volontaire ou involontaire de la
sécurité physique (vol, incendie, inondation).
Leurs conséquences : indisponibilité temporaire ou plus longue d’applications, de
serveurs, de réseaux, etc.
Les risques ressources humaines intègrent 2 types de risques. D’une part, des
risques sociaux liés à la GRH de l’entreprise. D’autre part, des risques
psychosociaux relatifs à l’individu.

Pour DARSA (2016), les risques sociaux peuvent être appréhendés à travers le
prisme de 3 dimensions distinctes mais interconnectées :
- risque lié au climat social, à la qualité du climat social (on va s’interroger sur
9°) Risques ressources la capacité de l’équipe dirigeante à créer ou maintenir les conditions propices à
humaines : risques sociaux l’émergence d’un climat social serein.
et psycho-sociaux - risques liés au « turn-over » des équipes constitutives de l’entreprise ;
- risques liés à l’application du droit social dans l’entreprise (respect des
obligations légales et sociales des employeurs)
NB. Turn-over : rotation des équipes constitutives des entreprises par suite du
départ non souhaité d’un collaborateur. Ce risque social doit être apprécié à au
moins 3 niveaux :
- turn-over des équipes opérationnelles ;
- turn-over des équipes d’encadrement (« middle management ») ;
- turn-over des équipes de direction (comité de direction, comité exécutif).
Définition et exemples
Le RIR peut être défini comme étant le risque lié à la détérioration directe ou
indirecte, volontaire ou involontaire, provoquée ou subie, de l’image ou de la
réputation de l’entreprise, engendrant un dommage significatif, à court ou moyen
10°) Risques d’image et de terme.
réputation (RIR) Perte de notoriété, pertes de marchés, pertes de clients ou de partenaires,
effondrement des ventes, actions juridiques, tempête médiatique défavorable,
pertes financières majeures sont des concrétisations, des situations génératrices
(ou illustratives) d’un risque d’image ou de réputation, dont l’entreprise ne se
remettra généralement pas, ou avec une très grande difficulté, à échéance longue
et de manière très coûteuse.
Il s’agit de renforcer la pérennité de l’un des actifs essentiels de l’entreprise, à
savoir : ses connaissances et ses compétences. Ce sont là des éléments critiques
de différenciation de l’entreprise.

11°) Risques « Knowledge Il faut se rendre à l’évidence : dirigeants, cadres de direction, responsables,
Management » simples salariés ; chaque salarié détient et met en œuvre, au quotidien, ses
connaissances, talents et compétences dans le cadre de son activité. Le risque de
perdre ces atouts, ces éléments de différenciation devrait conduire l’entreprise à
définir et mettre en œuvre les politiques nécessaires à la pérennisation de la
connaissance dans son organisation.
On peut pointer ici, avec DARSA (2016), au moins 3 types de risques :
- le risque de surqualité ;
- le risque de défaillance du contrôle interne ;
- le risque environnemental.

25
Soulignons que les mécanismes de contrôle interne s’avèrent essentiels dans
la détection des dysfonctionnements opérationnels, financiers ou
organisationnels pouvant impacter la pérennité des organisations.

A cet égard, l’entreprise doit pouvoir disposer de mécanismes d’alerte efficaces


permettant d’identifier en amont tout risque interne ou externe susceptible
12°) Risques « Autres d’impacter l’entreprise : fraude, erreurs, vols, baisse de qualité ou de
risques » performances de processus critiques, malversations, intégrité altérée.

Pour ce qui est du risque environnemental, la crise sanitaire actuelle due au


coronavirus redonne, à l’évidence, de l’actualité à ce risque. Une crise qui modifie
de façon générale la relation entreprise-environnement, et tout spécialement la
relation homme-entreprise, la relation homme-travail, mais aussi la relation
homme-homme.

Ce faisant, cette crise a conduit, comme on le sait, à développer le phénomène de


télétravail, c’est-à-dire un travail à distance utilisation les moyens de
télécommunication modernes, les NTIC. C’est une forme de flexibilité du travail
qui prend en compte à la fois le temps de travail et le lieu de travail.

Le sommet de la pyramide des risques des organisations est constitué pour


DARSA (2016) par le risque d’intégrité. Il s’agit du risque individuel et collectif
ultime. Individuel, en ce sens qu’il est à analyser du point de vue du
comportement d’un acteur individuel de l’organisation : discrimination, injure,
13°) Risques d’intégrité non-respect des règles de l’entreprise, vol, fraude, etc). Mais il peut également fort
bien faire l’objet d’une appréhension collective quand ce sont, cette fois, plusieurs
acteurs de l’organisation voire l’organisation elle-même dont l’exemplarité
déontologique est remise en cause : non-respect des règles, des lois et règlements
en vigueur.

4.3 Du management des risques


Le risque, nous l’avons vu avec Demeestère, Lorino et Mottis (2002, p.221)53, n’existe pas dans l’absolu.
Il présuppose, par définition, un objectif précis, une visée et une attente clairement formulées.
Dès lors, identifier les risques conduit le manager :
- tout d’abord, à recenser avant tout les objectifs visés : coût, qualité, délai, etc ;
- ensuite, à partir de ces objectifs, qui sont visiblement de performances, à rechercher différents
évènements et phénomènes susceptibles d’empêcher leur réalisation.

4.3.1 Le processus d’appréciation du risque


Tout management de l’organisation est orienté vers la prise de décision et l’action. Une action finalisée
qui peut fort bien ne pas aboutir aux résultats escomptés. D’où la nécessité pour tout manager rationnel de
prendre plus avant conscience des risques susceptibles d’entacher la réalisation de ses objectifs afin de
fiabiliser le fonctionnement de l’organisation. Elle suppose des efforts de limitation des risques.

Le processus d’appréciation du risque (LE RAY, 2015, p.105-107 ; DARSA, 2016) conduit ainsi à :
- identifier le risque : dresser une liste exhaustive des risques en mettant en lumière leurs facteurs, c’est-à-
dire les évènements susceptibles de provoquer, stimuler, empêcher, gêner, accélérer ou retarder la réalisation
des objectifs. C’est la cartographie des risques : identifier le risque conduit à en définir et repérer la nature
et en déterminer l’intensité ; toutes choses permettant de classer les risques ;
- l’analyser : comprendre les mécanismes ;

53
Demeestère R., P. Lorino et N. Mottis (2002), Contrôle de gestion et pilotage de l’entreprise », Dunod, Paris.
26
- l’évaluer (il est évalué en termes de vraisemblance et de conséquences) ;
- le traiter.

4.3.2 Un processus de résolution de problème


Objectivement, toute démarche de gestion se ramène à un processus de résolution de problème
(« Problem Solving ») comprenant au moins quatre étapes : définition d’un problème, inventaire des solutions,
choix de la solution, implantation. Et le processus de gestion du risque ne peut s’en abstraire.

Le processus de « Problem Solving » Description


Définir le problème constitue la toute première étape d'un processus de
résolution de problème. On ne peut en effet résoudre qu’un problème
clairement identifié et finement circonscrit.
1°) Définition d’un problème
Définir un problème suppose sa détection, son identification, en clair la
clarification de sa nature et l’appréciation éventuelle de son ampleur.
C'est l'observation qui joue à fond ici, le problème étant généralement
perçu comme une anomalie, un gap factuel, situationnel.
Une situation problématique ne peut laisser le manager insensible.
S’impose alors l’exigence de son élucidation : pourquoi au juste un
problème de telle nature et de telle ampleur ? D’où provient-il ? On
solutionne d'autant mieux un problème qu'on en comprend les causes.
2°) Diagnostic
Diagnostiquer c’est faire un état des lieux, constater, apprécier, porter un
jugement sur l’état, la situation d’un organisme donné : c’est bon, moins
bon, médiocre, préoccupant, inquiétant, remédiable ou réparable donc
réversible, plutôt irrémédiablement compromis.
Un diagnostic clairement posé est immédiatement suivi de la phase
thérapeutique (« Solving »).
Concrètement, on passe au crible toutes les solutions possibles et
3°) Recherche de solutions envisageables en évaluant leurs conséquences possibles, étant entendu que
le manager, parce qu'il n'a pas la science infuse, ne peut tout prévoir sur
tout. Il a une rationalité limitée (Simon, 1947).
Concrètement, le manager procède à l'élimination des solutions
considérées comme peu intéressantes voire irréalisables, puis en choisit
une en précisant le critère de choix.
4°) Sélection : la prise de décision
Ici intervient la prise de décision. Une décision qui est le signal d’une
intention explicite d’agir (Mintzberg, 1982)54. Encore faut-il agir
effectivement.

Au total, gérer le risque, c’est le repérer, l’identifier, autrement dit le caractériser puis en l’intégrant dans
le processus de prise de décision.

4.3.3 Modalités de gestion du risque


La gestion du risque55 conduit généralement à deux types d’approches, à savoir : d’une part, les approches
quantitatives et d’autre part les approches qualitatives.

1°) Les approches quantitatives


Dans ces approches usuelles notamment en matière de projets, on tente d’évaluer le niveau d’un risque
donné en ayant recours à des méthodes probabilistes basées sur l’approche espérance-variance. Il s’agit,
d’un côté de l’espérance mathématique qui est une moyenne, et de l’autre, de la variance qui illustre la
dispersion des résultats autour de ladite moyenne. Elle débouche sur l’écart-type.

54
Mintzberg H. (1982), Structure et dynamique des organisations, Les Editions d’Organisation, Paris.
55
Pour ce qui est par exemple de la gestion du risque de projet, on peut se reporter avec profit à l’ouvrage de Giard V.
(1991), Gestion de projets, Economica, Paris.
27
2°) L’analyse qualitative du risque
Le travail consiste à identifier les facteurs pouvant conduire à ne pas atteindre les objectifs fixés en termes
de coût, délai, qualité/conformité, c’est-à-dire les causes de non-atteinte.

Fondée une sur une analyse causes-effets, la démarche part de l’effet (objectif non atteint) pour
remonter ensuite aux causes possibles, véritables « leviers de risque ». Cette démarche est proche de la
recherche de leviers d’action à partir d’un objectif de performances.

3°) Autres protocoles de traitement des classes de risques


DARSA (2016) propose par exemple une méthodologie en 8 étapes :
- Etape 1 : définition de la classe de risque ;
- Etape 2 : identification des causes probables ;
- Etape 3 : identification des conséquences en cas de survenance de la classe de risque ;
- Etape 4 : mesure des impacts engendrés en cas de survenance ;
- Etape 5 : définition des niveaux de détectabilité, de sévérité et d’occurrence ;
- Etape 6 : actions préventives et correctives ;
- Etape 7 : outils de pilotage et de suivi ;
- Etape 8 : limitation du risque dans le temps.
4.4 Gestion des risques stratégiques, économiques et financiers
Ce séminaire entend mettre un accent particulier sur les risques stratégiques, économiques et financiers.
4.4.1 Risque stratégique
Toute stratégie est censée être mue par un avantage concurrentiel garant de la survie et la pérennité de
l’entreprise. Cet avantage à acquérir, maintenir ou renforcer peut être multiforme : croissance du chiffre
d’affaires, gains de parts de marché, leadership du marché, économies de coûts, etc). Tout évènement
susceptible de nuire à cet objectif est illustratif d’un risque stratégique.

Pour ce qui est par exemple de l’audit et du contrôle interne, le COSO 2 intègre tout spécialement la
gestion des risques. C’est un processus mis en œuvre par le conseil d’administration, les dirigeants et le
personnel d’une organisation, exploité pour l’élaboration de la stratégie de l’entreprise et destiné :
- à identifier les évènements potentiels pouvant affecter l’organisation ;
- à maîtriser les risques afin qu’ils soient dans les limites de l’organisation ;
- à fournir une assurance raisonnable quant à la réalisation des objectifs de l’organisation.

4.4.2 Risque économique


Le risque économique, nous l’avons souligné à la fin du TD 3, est encore appelé risque d’activité
économique ou risque d’exploitation (« Business Risk »). Les aléas y relatifs ont trait uniquement à l’activité
économique de l’entreprise qui, comme on le sait, est largement influencé par les décisions d’investissement
de l’entreprise et son environnement économique. Ces aléas sont indépendants des moyens de financement
utilisés par l’entreprise.

Le risque d’activité économique se définit généralement comme la dispersion relative du résultat


d’exploitation de l’entreprise56.

56
Dans le jargon anglo-saxon, c’est le « Net Operating Income » (NOI).
28
Exemple :
Supposons que les résultats d’exploitation annuels pour les 5 prochaines années de 2 entreprises E1 et
E2 soient des variables aléatoires.
Supposons, en outre :
- que les moyennes de leurs distributions de probabilité 57 soient respectivement de $ 500.000 et $
2.000.000 ;
- et que l’écart-type soit respectivement de $ 200.000 F et $ 600.000.

La valeur de la dispersion relative de ces revenus peut être exprimée par le coefficient de variation, qui
est l’écart-type autour de la moyenne de la distribution de probabilité du résultat net d’exploitation attendu.
Le coefficient de variation est le rapport entre l’écart-type ( ) et la moyenne (l’espérance
mathématique) :
- pour l’entreprise E1, ce coefficient de variation est de : $ 200.000 / $ 500.000 = 0,40 ;
- pour l’entreprise E2, il est de : $ 600.000 / $ 2.000.000 = 0,30.

La dispersion relative du résultat d’exploitation étant plus grande pour l’entreprise E1 que pour
l’entreprise E2, on dira que E1 a, a priori, un degré de risque d’activité économique supérieur.

Le coefficient de variation sert donc de mesure relative du degré de risque d’une entreprise. Nous le
retiendrons tout spécialement. Toutefois, la dispersion de la distribution de probabilités est une mesure, parmi
d’autres, du risque. D’autres mesures comprennent la forme de la distribution ainsi que la relation entre les
résultats d’exploitation attendus et l’environnement futur58. Un environnement futur qui impacte
énormément l’activité économique de l’entreprise et partant ses performances commerciales (chiffre
d’affaires).

4.4.3 Risque financier


Le risque économique tient aux aléas qui entourent la décision d’investissement, notamment lorsque, du
fait des incertitudes environnementales (morosité conjoncturelle), les niveaux de chiffre d’affaires obtenus par
l’entreprise sont en retrait des prévisions et ne lui permettent pas de réaliser ses espérances de cash-flows.

En revanche, le risque financier est un risque inhérent aux moyens de financement auxquels a recours
l’entreprise. C’est donc un risque typique de la décision de financement. Il comprend à la fois le risque
d’insolvabilité et l’éventualité de variations de bénéfices disponibles pour les actionnaires.

Au fur et à mesure qu’une entreprise augmente la part de ses dettes, de ses engagements à bail (exemple :
le « leasing ») et des émissions d’actions dans l’ensemble de ses ressources de financement, ses charges fixes
augmentent elles aussi. Toutes choses égales par ailleurs, la probabilité pour que l’entreprise soit incapable
de faire face à ses engagements, à ses échéances financières augmente. La probabilité d’insolvabilité expose
à terme l’entreprise à un danger de faillite.

57
Il s’agit là de l’espérance mathématique des résultats d’exploitation ou encore des résultats d’exploitation espérés.
58
Le « levier d’exploitation » encore appelé « sensibilité du résultat d’exploitation », est l’élasticité du résultat
d’exploitation par rapport au chiffre d’affaires. Il exprime ainsi la relation entre d’une part les résultats d’exploitation,
et d’autre part le chiffre d’affaires (indicateur de prédilection de l’activité économique d’une entreprise), constitue, de
ce point de vue, une mesure tout à fait pertinente du risque d’activité économique d’une entreprise.
29
Exemple :
1°) Illustration 1 du risque financier
Supposons que 2 entreprises aient des taux d’endettement différents et qu’elles soient identiques dans
tous les autres domaines : coût de l’investissement, taux de rentabilité économique, taux d’intérêt des
emprunts, taux d’impôt sur les sociétés (IS).

Supposons en outre :
- que ces entreprises aient les mêmes prévisions de bénéfices annuels de $ 80.000 avant intérêts et IS ;
- que l’entreprise A n’est pas endettée, alors que l’entreprise B a $ 500.000 d’emprunt obligataire à 6%.

Il advient :
- Montant des frais financiers de l’entreprise A : 0
- Montant des frais financiers de l’entreprise B : $ 30.000

Si les bénéfices comptables de ces entreprises venaient à être inférieurs de 75% à ce qui était prévu –
soit $ 20.000 – l’entreprise B ne serait pas en mesure de couvrir ses charges financières avec ses
bénéfices, ceci illustrant le fait que la probabilité d’insolvabilité à court terme augmente avec les charges
financières supportées par l’entreprise. C’était le premier aspect du risque financier.

2°) Illustration 2 du risque financier


Le second aspect du risque financier concerne la dispersion relative des bénéfices disponibles pour les
actionnaires. Cette dispersion est appréciée au travers du coefficient de variation.

Supposons que les bénéfices annuels des 2 entreprises A et B pour les 5 prochaines années soient des
variables aléatoires dont les caractéristiques sont les suivantes, à l’identique :
- valeur moyenne attendues de leurs distributions de probabilité, autrement dit l’espérance
mathématique : $ 80.000 ;
- écart-type : $ 40.000.

Supposons en outre, comme précédemment, que l’entreprise A n’a pas de dette, tandis que l’entreprise
B a $ 500.000 d’emprunt obligataire à 6%.

En faisant abstraction de l’IS pour simplifier, il advient :


- Montant des bénéfices prévus pour les actionnaires dans l’entreprise A : $ 80.000 (autrement dit, $
80.000 - $ 0 d’intérêts)
- Montant des bénéfices prévus pour les actionnaires dans l’entreprise B : $ 50.000 (c’est-à-dire $ 80.000
- $ 30.000 d’intérêts)

L’écart-type étant le même pour les 2 entreprises, la dispersion relative des bénéfices disponibles pour
les actionnaires est plus grande pour l’entreprise B que pour l’entreprise A :
Coefficient de variation Entreprise A : $ 40.000 / $ 80.000 = 0,50
Coefficient de variation Entreprise B : $ 40.000 / $ 50.000 = 0,80

Il apparaît donc que :


- le degré de dispersion du montant des bénéfices prévus pour les actionnaires est le même pour les 2
entreprises : $ 40.000 ;
- mais que le montant de ces bénéfices est supérieur pour l’entreprise A ($ 80.000) non endettée, par
rapport à l’entreprise B ($ 50.000) qui est endettée ;
- en conséquence, la dispersion relative des bénéfices, mesurée par le coefficient de variation, est
moindre pour l’entreprise A, l’entreprise B présentant un risque financier élevé, du fait de la présence
d’une dette dans sa structure financière.

Une distinction est cependant à faire entre d’une part la dispersion des bénéfices disponibles pour les
actionnaires et d’autre part la dispersion du résultat d’exploitation qui résulte du risque d’activité
économique. Dans l’exemple en cause, chacune des entreprises, on le voit, a le même risque d’activité
économique tel qu’on l’a défini, lequel est mesuré par le coefficient de variation du résultat
d’exploitation :
Coefficient de variation = $ 40.000 / $ 80.000 = 0,50.
30
Les 2 entreprises différaient seulement du point de vue de leur degré de risque financier. Ce qui
s’explique par leurs différences de choix de moyens de financement.

Pour terminer, le risque financier comprend aussi bien la variabilité des bénéfices à la disposition des
actionnaires que la probabilité d’insolvabilité. Ces deux aspects sont directement liés à la dispersion du
résultat d’exploitation prévu, donc au risque économique de l’entreprise.

31
CHAPITRE 5. GOUVERNEMENT D’ENTREPRISE : DES GARANTIES PRESUMEES DE
FIABILISATION DE LA RELATION ACTIONNAIRES-DIRIGEANTS

BERLE et MEANS (1932) sont souvent présentés comme les précurseurs, les promoteurs de la réflexion
sur le gouvernement de l’entreprise (GE) ; réflexion qui aurait été ensuite développée par les théoriciens de
l’agence.
Cette vision des choses est battue en brèche par GOMEZ (2003) sur la base d’un double argument. D’une
part, la littérature sur le GE était déjà abondante depuis le début du 19ème siècle. D’autre part, BERLE et
MEANS, loin d’être les pionniers, sont au contraire les héritiers du courant institutionnel américain puisque
l’on trouve l’essentiel des idées qu’ils ont émises dans la « Theory of Business Enterprise » de VEBLEN
(1904).

5.1 Gouvernance et gouvernement : remarques d’ensemble


Gouverner a plusieurs synonymes : exercer l’autorité et le pouvoir, commander, administrer, appliquer les
règles, diriger, orienter, conduire, maîtriser le fonctionnement, la marche, le cheminement. Bien entendu, pour
que cela soit possible, deux éléments sont indispensables. D’un côté, il faut un cadre structurel formel et
explicite intégrant des institutions, c’est-à-dire des lieux d’exercice du pouvoir ainsi que des individus
expressément responsabilisés à cette fin. De l’autre, il faut un protocole méthodologique à appliquer par ces
individus, autrement dit des modes d’exercice du pouvoir et d’application des règles. Là réside et passe la ligne
de démarcation entre gouvernement et gouvernance.

5.1.1 Le gouvernement : une acception structurelle


Gouvernement a une acception davantage structurelle et configurationnelle, Il concerne l’ensemble des
organes investis de la responsabilité d’exercer le pouvoir, l’autorité. C’est l’ensemble des institutions et des
individus investis du pouvoir de décision au sein des organisations et des liens qui les unissent.

5.1.2 La gouvernance : une acception procédurale et comportementale


Gouvernance peut s’entendre de la façon de se comporter des individus responsabilisés dans une
organisation, une structure gouvernementale pour y exercer de l’autorité et conduire son destin. Ce terme
renvoie donc à un mode d’exercice du pouvoir, à une philosophie d’administration, avec tout ce qui est sous-
jacent, à savoir : la coordination, la prise de décision, l’application des règles de bonne conduite d’une
organisation, le respect des normes, l’orthodoxie, l’intensité du contrôle. La vision est donc ici essentiellement
procédurale, intégrant des aspects méthodologiques et comportementaux.

Comme on le voit, gouvernement et gouvernance sont deux aspects d’une même réalité intra-
organisationnelle : l’exercice légal du pouvoir par des individus au sein des institutions spécifiques.

5.2 Définitions du GE
Etudier le GE donne lieu à un double constat. D’une part, on assiste à un foisonnement de définitions.
D’autre part, cette question du GE, comme tant d’autres, est marquée par une confusion conceptuelle
« aggravée par l’exercice périlleux consistant à donner un équivalent français à une expression américaine
historiquement et géographiquement datée, la « Corporate Governance » dont la signification elle-même n’est
pas très claire » (BISSARA, 1998).

32
Deux types de définitions sont déclinés en matière de GE. D’une part, des définitions étroites. D’autre part,
des définitions larges.

5.2.1 Les conceptions étroites du GE


Ces définitions sont étroites parce qu’elles se limitent juste à l’étude de la relation actionnaires-dirigeants
au sein des grandes sociétés cotées en Bourse. Examinons-en quelques-unes, auteur par auteur.

Auteurs Conceptions du gouvernement d’entreprise59


1. Michel ALBERT La GE consiste à « ne plus donner aux dirigeants des entreprises qu’un
seul et unique but : maximiser le profit et les dividendes ».
Une vision très pragmatique du GE. Dans sa lettre de mission, il avait
2. Alain JUPPE, inscrit une double exigence au cœur du GE, à savoir :
alors Premier Ministre - la clarification des règles de fonctionnement internes ;
- l’information des actionnaires dans les sociétés faisant appel public à
l’épargne.
3. MARINI, sénateur français, auteur d’un La GE recouvre l’étude du « fonctionnement des organes sociaux et des
Rapport à Alain Juppé sur « la relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres ».
modernisation du droit des sociétés ».

5.2.2 Les conceptions larges du GE


Ici, le champ d’application du GE est vaste. En effet, les auteurs prennent en compte à la fois l’ensemble
des parties prenantes et l’ensemble des entreprises, quelle que soit leur taille et qu’elles soient ou non
cotées. Les questions de pouvoir, de direction, d’espace discrétionnaire, de contrôle et de responsabilité sont
au cœur de la plupart des définitions. Mais, le dosage, le poids de tels facteurs (ou variables) et leurs
articulations varie avec les auteurs.

Auteurs Conceptions du gouvernement d’entreprise60


1. PASTRE (1994) Le GE est défini comme étant « l’ensemble des règles de fonctionnement et de contrôle
qui régissent, dans cadre historique donné, la vie des entreprises ».
« Le GE recouvre l’ensemble des mécanismes qui ont pour effet de délimiter les pouvoirs et
2. CHARREAUX (1997) d’influencer les décisions des dirigeants, autrement dit qui « gouvernent » leur conduite et
définissent leur espace discrétionnaire ».
3. SHLEIFER et VISHNY Le « Corporate Governance » traite « des moyens avec lesquels les pourvoyeurs de fonds
(1997) s’assurent de percevoir une rémunération convenable de leur investissement ».
4. CHARKHAM (1994) Le GE consiste à « équilibrer le pouvoir avec la responsabilité ».
5. GOMEZ (1996) L’objet d’étude du GE se situe à la frontière de 2 plans : « la liberté des individus et
l’obéissance aux règles de la production collective ».
6. MARINI (1996) Le « Corporate Governance » est le système par lequel les sociétés sont dirigées et
contrôlées.
L’auteur se réfère à une théorie de l’agence. Il présente le GE comme l’ensemble des
dispositifs visant à résoudre en partie le problème de l’agence, soit en donnant des
7. CHARLETY (1994) incitations pour aligner leurs objectifs sur ceux de leurs mandants, soit en améliorant
l’information des actionnaires, soit en incitant ces derniers (le conseil d’administration)
à mieux surveiller et orienter la gestion de l’entreprise.

59
Ce tableau est adapté de Bessire D. et J. Meunier (2001), « Conceptions du gouvernement des entreprises et modèles
d’entreprise : une lecture épistémologique », in H. de La Bruslerie (Coord.), Finance d’Entreprise, Recherches du
CREFIB, Paris, Economica, pp.185-211.
60
Tableau adapté de Bessire et Meunier (2001), Opus cité, pp.185-211.
33
5.2.3 Essai de synthèse du GE

1°) Les principales préoccupations du GE


Grosso modo, le GE peut se résumer à au moins 6 séries de préoccupations.
Préoccupations du GE Description
1. Fonctionnement des sociétés Les sociétés doivent réaliser leur objet social et pour cela
fonctionner.
Pour que ce fonctionnement soit effectif, elles doivent être
2. Direction dirigées. Aussi, leurs propriétaires, les actionnaires, se
choisissent-ils des mandataires, les managers, qui vont tout
organiser.
3. Exercice du pouvoir Les dirigeants sont investis de la responsabilité de gérer
l’entreprise. Ils ont autorité pour cela61.
Mandataires, les dirigeants doivent informer et rémunérer
correctement leurs mandants : les actionnaires.
4. Assomption d’obligations diverses Des obligations qui sont du reste le reflet de 2 types de droits dont
jouissent les actionnaires : les droits pécuniaires (droit aux
dividendes) et non pécuniaires (droit de communication).
Aux commandes de l’entreprise, les dirigeants disposent d’un
5. Espace discrétionnaire des dirigeants grand espace discrétionnaire souvent générateur d’abus, de
comportements déviants. D’où la nécessité de garde-fous.
Ces mécanismes sont de 2 types, à savoir :
6. Nécessité de mécanismes disciplinaires - des mécanismes d’incitations ;
- des mécanismes de contrôle.
Pour l’essentiel, ces mécanismes sont traités dans le cadre de la
théorie de l’agence.

Il en résulte un modèle d’ensemble de la structuration du GE.

5.
Espace discrétionnaire
des dirigeants

4.
3. Assomption d’obligations
1.
Fonctionnement 2. Exercice d’information et de
des sociétés Direction du pouvoir rémunération des
actionnaires

6.
Mécanismes
disciplinaires : incitation
et contrôle

2°) Pour une appréhension des attributs du GE

Le GE postule un fonctionnement fiable de l’entreprise (conjurer les malaises, lever les doutes, dissiper
les craintes, les inquiétudes, les soupçons, etc).
Cette fiabilité passe tout à la fois :
- par une harmonisation et une bonne coordination de 2 niveaux de management : le management
stratégique (état-major, direction générale) et le management opérationnel (départements opérationnels de

61
A cet égard, John Kenneth Galbraith fait état, dans son ouvrage The New Industrial State (1967) d’une véritable
appropriation technocratique du pouvoir.
34
l’entreprise). Harmonisation sur au moins 3 points essentiels. Tout d’abord, harminsation au plan humain :
l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Ensuite, harmonisation en termes de procédures. Enfin, harmonisation
au plan des systèmes d’information ;
- par une mobilisation et une stimulation des équipes managériales dans le cadre de la gestion
stratégique des ressources humaines (GSRH)62. C’est ici que la motivation et les incitations diverses au
personnel jouent énormément par un système cohérent de mesures de performances reposant sur
l’élaboration de tableaux de bord et le reporting ;
- par un management de risques.

Au total, l’on peut objectivement se représenter le GE comme la conjonction d’au moins 5 séries
d’exigences :
a. Fiabiliser la marche de l’entreprise.
b. Coordonner et harmoniser son management (hommes, procédures, systèmes d’information).
c. Mobiliser et stimuler les hommes.
d. Evaluer, mesurer les performances et informer, rendre compte.
e. Gérer les risques.

5.3. Les systèmes de GE contemporains


Modèle de GE anglo-saxon de type actionnarial Modèle germano-nippon de GE de type partenarial
Un modèle anglo-saxon ouvert et orienté marché Un modèle germano-nippon fermé et orienté réseau
(banque) et fermé
1°) Un capital des firmes très ouvert, et comme tel
dispersé. En Allemagne :
1°) Un actionnariat très concentré, donc un capital
2°) Corrélativement, un actionnariat diffus, épars, des entreprises très peu dispersé dans le public.
éclaté.
2°) Un capital constitué en gros blocs souvent
3°) Un contrôle des dirigeants exercé par des détenus par d’autres entreprises dans le cadre de
investisseurs institutionnels. Ils n’interviennent pas participations croisées ou de holdings familiales.
dans le processus décisionnel et se contentent de
sanctionner l’entreprise sur les marchés financiers. 3°) Une forte implication des banques dans
l’actionnariat autorisée par la réglementation.
4°) Une faible présence des banques et institutions
financières dans le capital, car les entreprises 4°) Une faible prégnance des marchés financiers dans
américaines s’endettent essentiellement sur le le financement de l’économie.
marché financier.
5°) Corrélativement, la rareté des prises de contrôle
5°) Une prégnance des marchés boursiers. Des hostiles.
marchés actifs et très liquides.
Au Japon :
6°) La récurrence des OPA. 1°) Un actionnariat très contrôlé.

2°) Un réseau d’entreprises organisées organisé


autour d’une grande banque, le « Keiretsu », par le
biais d’un ensemble de participations croisées.

3°) Une banque chef de file est chargée de suivre au


plus près la gestion des entreprises du groupe63. Les
petits actionnaires sont moins influents qu’aux USA.

4°) La rareté des OPA sur les marchés financiers

62
La GSRH est traitée au point 4.3.1 La flexibilité qualitative des ressources humaines, dans le Chapitre relatif à la
résorption des risques de gouvernance.
63
Le fait que les grandes banques détiennent des participations importantes leur confère un pouvoir de contrôle.
35
5.4 L’agence comme mode de formalisation de la relation actionnaires-dirigeants
L’analyse du concept d’agence ne peut se passer d’une lecture institutionnelle et contractuelle (4.4.1). En
outre, fondamentalement, l’agence illustre une coopération finalisée fondée sur la confiance (4.4.2).
5.4.1 L’institution et le contrat au cœur de l’agence
La réflexion sur les institutions est foisonnante depuis Veblen pour qui les institutions sont des habitudes
mentales, des modèles de comportement partagés et approuvés. Elles définissent des règles du jeu tant
formelles (conventions, codes de conduite, lois, droits de propriété, etc) qu’informelles (tabous, coutumes et
traditions). Guides pour l’action, les institutions sont aussi des contraintes pour faire respecter les règles
régissant la vie économique (North, 199164). Socialement sanctionnées, les normes institutionnelles évitent
l’arbitraire et l’abus de pouvoir des acteurs, réduisant d’autant l’incertitude des transactions (North,
1991 ; Commons, 1990 ; Williamson, 199465).

Dans la même visée régulatrice s’inscrit le contrat, institution essentiellement juridique. Cette notion reste
fortement mobilisée par la théorie de l’agence qui assigne un contenu contractuel à la relation d’agence
(Jensen & Meckling, 1976). Parce que toute coopération entre agents pose les problèmes caractéristiques d’une
relation d’agence, elle est éligible à une lecture contractuelle. Il s’en dégage une représentation de l’entreprise
comme « nœud de contrats ». Bien que définissant les droits et obligations de chaque partie, le contrat ne
peut prévoir tous les états de la nature possibles. Cette incomplétude (Salanié, 1993) est donc l’illustration de
la rationalité forcément limitée (Simon, 1957) des partenaires.

5.4.2 L’agence : une coopération finalisée fondée sur la confiance


La coopération au cœur de l’agence vise des résultats précis et présuppose une confiance entre partenaires.
1°) Une coopération motivée par la quête de performances
Selon Charreaux (1999), la théorie de l’agence est une théorie de la coopération « efficace ». L’efficacité,
on l’a vu plus haut, est la capacité d’une organisation ou d’un manager est sa capacité à atteindre ses objectifs.
Au contraire, l’efficience, autre notion au cœur de la dynamique relationnelle, étalonne les résultats obtenus
par rapport aux moyens déployés, permettant ainsi de juger de la qualité de l’utilisation de ces derniers, de leur
rendement. C’est bien cette quête de performances qui a valu aux managers la consécration face aux
actionnaires dans les entreprises managériales. Toutefois, ont largement concouru à l’appropriation
technocratique du pouvoir au sein des firmes (Berle & Means, 1932 ; Galbraith, 1967) d’une part l’instabilité
chronique du capitalisme illustrée par ses crises récurrentes, et d’autre part son gain en complexité. Tout cela
comporte des exigences technocratiques que seuls peuvent assumer les managers. Des managers que Veblen
(1904) appelait du reste des « ingénieurs de l’efficience ».

2°) Une délégation de responsabilités fondée sur la confiance


La délégation décisionnelle suppose la confiance. Le mandant est convaincu de l’aptitude du mandaté à
atteindre l’objectif assigné. Institution invisible (Arrow, 1972), la confiance ne devient un sujet de
préoccupation, et partant visible que lorsqu’elle n’existe déjà plus. Or, les espoirs nés de la relation d’agence
sont souvent déçus au regard des dérives opportunistes de l’agent.

64
North D.C. (1991), « Institutions », Journal of Economic Perspectives, Vol.5, n°1, pp.97-112.
65
Williamson O. E. (1994), Les institutions de l’économie, Paris, InterEditions.

36
CHAPITRE 6. LA RECTITUDE COMPORTEMENTALE DES DIRIGEANTS CONTESTEE
Le management de l’entreprise se fait dans un contexte relationnel de représentation, de mandat,
d’agence. Il est hélas entaché par des dérives comportementales des dirigeants forcément décevantes pour les
actionnaires qui les auront mandatés à leurs différentes fonctions. L’asymétrie d’information (1) et
l’enracinement (2) des dirigeants constituent des déviances classiques. Nous les mettrons d’abord brièvement
en lumière. Puis, nous tenterons d’identifier les domaines fonctionnels marqués par des conflits entre
actionnaires et dirigeants (3).

6.1 Asymétrie d’information et opportunisme de l’agent : les espoirs déçus du principal


Les espoirs nés de la relation d’agence sont souvent déçus au regard de l’opportunisme de l’agent, de
sa propension à exploiter la relation contractuelle à son profit par la ruse, la tricherie, l’épuisement, de bonne
foi, toutes les possibilités d’interprétation des contrats » (Koenig, 1997) ou la divulgation d’informations
inco5plètes ou dénaturées. Toutes choses qui exposent son cocontractant à la sélection adverse ou au risque
moral (Williamson, 1994).

Pour Williamson (1999), l’opportunisme est responsable des asymétries d’information qui compliquent le
fonctionnement des organisations, avec deux variantes : d’une part, l’opportunisme ex ante, entendu comme
la « volonté délibérée de tromper son partenaire » ; d’autre part, l’opportunisme ex post, qui correspond à
l’« adaptation à une situation non prévisible ».

Une décennie avant les travaux de Jensen & Meckling (1976), l’opportunisme était déjà relevé par des
théoriciens directoriaux de la firme, lesquels s’émouvaient de la prégnance des ambitions personnelles des
managers attestées par leur quête « de prestige, de respect, de succès ou d’une rémunération élevée » (Marris,
1965, p.323). La fonction d’utilité des managers est grevée dans des travaux ultérieurs sur la gouvernance, de
l’extension de leur espace discrétionnaire et d’une longévité en poste leur garantissant une belle fin de
carrière (Wirtz, 2002).

Concernant tout spécialement l’information financière et comptable, l’on assiste à des toutes sortes
d’enjolivures artificielles, de tripatouillages. Les déboires du cabinet d’audit américain Arthur Andersen au
sujet de l’affaire Enron ont illustré avec éloquence la gravité de la tricherie comptable.

6.2 Les comportements d’enracinement des dirigeants


Pour Shleifer & Vishny (1989), les mécanismes de contrôle prévus par la théorie de l’agence (Jensen &
Meckling, 1976) pour discipliner les dirigeants ne sont pas d’une efficacité absolue ; ils ne garantissent pas
toujours des comportements managériaux conformes aux intérêts des actionnaires.

Les dirigeants arrivent à neutraliser ces mécanismes et même à les contourner par des artifices divers leur
permettant de se rendre en quelque sorte indispensables dans l’entreprise, de réduire corrélativement les
risques d’une révocation anticipée, donc d’y rallonger leur présence de la façon la plus éclatante possible
et finalement de créer et perpétuer les conditions de s’arroger toujours bien des avantages personnels. Tous
ces artifices constituent pour ces auteurs des mécanismes d’enracinement.

37
Un dirigeant enraciné va prendre des décisions ne maximisant pas (ou peu) la richesse des actionnaires ou
d’autres stakeholders, mais renforçant davantage sa position interne. Il ne peut être pas être révoqué
facilement par les actionnaires ou le conseil d’administration. Facilement, c’est-à-dire sans coût pour
l’entreprise.

Comme exemples de comportements perçus par Shleifer & Vishny (1989) comme étant de l’enracinement,
on note :
- la manipulation des comptes transmis aux actionnaires ;
- la neutralisation des conseils d’administration : les dirigeants y font nommer des administrateurs
complices, c’est-à-dire acquis à leur cause ;
- l’orientation des investissements dans un sens qui leur soit favorable ;
- la multiplication des croisements de mandats ;
- le verrouillage de la structure du capital.

6.3 Identification des domaines fonctionnels conflictuels


Les dérives opportunistes des managers visant à les enraciner dans l’entreprise sont notamment observables
dans les grandes manœuvres stratégiques. Toute stratégie vise le développement de l’entreprise, donc sa
croissance dont est censé dériver en dernier ressort un avantage concurrentiel. La croissance de la firme
suppose des investissements. Et le domaine des investissements plus généralement celui de la finance est celui
le plus indexé lorsqu’il est question d’opportunisme et d’enracinement des managers.

L’opportunisme engendre des conflits dès lors qu’il entraîne un affadissement de l’avantage
concurrentiel dans les manœuvres stratégiques qu’on sait sous-tendues par l’investissement (1). Mais
l’atmosphère relationnelle entre actionnaires et dirigeants est tout aussi viciée concernant le choix des moyens
de financement (2). Ce tableau conflictuel est conforté par la flexibilité quantitative (« downsizing ») en
matière de GRH (3). Enfin, des dérives sont relevées dans la fonction achats où une part belle est faite aux
fournisseurs qui coûtent cher à l’entreprise (4).

6.3.1 L’affadissement de l’avantage concurrentiel dans les manœuvres stratégiques


La sphère stratégico-financière constitue un terrain propice à l’assouvissement des ambitions personnelles
des dirigeants. Sont indexées à cet égard aussi bien des insuffisances que des excès de prise de risque,
comparativement au niveau souhaité par les actionnaires. Des recherches montrent que les managers initient
certaines fusions-acquisitions aux seules fins de maximiser le chiffre d’affaires et non les bénéfices, de
s’octroyer des hausses de salaires et de légitimer leur présence dans l’entreprise, tandis que les synergies et
économies d’échelle promises aux actionnaires sont finalement un leurre (Grant & Thomas, 1987 ; OCDE,
1996). Ce cliché préoccupant est aisément transposable à l’acquisition de Chrysler faite à l’époque par le
groupe allemand Daimler-Benz-Mercedes.

L’analyse de la relation profitabilité-diversification a amené Grant & Thomas (1987) à un double constat.
D’une part, la diversification par produits entretient une relation très faible avec la profitabilité. En revanche
et c’est le second constat, le sens de la causalité semble aller plutôt de la profitabilité vers la diversification ;
ce qui témoigne d’une forte propension des dirigeants à destiner les profits au financement des

38
investissements de diversification, nonobstant leur faible rentabilité avérée. Aux yeux de Grant & Thomas
(1987), les managers veulent « se grandir en grandissant leur entreprise ». Les travaux ultérieurs de Wirtz
(2002) sur la thématique de la gouvernance des entreprises montrent combien les fusions internationales
favorisent l’enracinement des dirigeants. Pour cet auteur, la fusion de Chrysler avec Daimler-Benz que le
président de la société allemande appelait de ses vœux, a permis à la fois un accroissement de l’espace
discrétionnaire des dirigeants, un alignement des salaires des dirigeants allemands sur ceux bien plus
substantiels de leurs homologues américains, une longévité des dirigeants dans le grand groupe leur
garantissant une belle fin de carrière, etc.

En définitive, l’affadissement de l’avantage concurrentiel se nourrit de la prégnance des ambitions


personnelles des dirigeants. Les situations illustratives d’avantage concurrentiel sont diverses : augmentation
de la part de marché, économies de coûts, amélioration de la qualité du produit, différenciation du produit,
synergies technologiques, économiques, commerciales et financières liées à une fusion-acquisition, etc. elles
sont favorables aux intérêts des actionnaire. Or, l’injection des ressources financières dans des activités
improductives est un moyen pour les dirigeants d’éluder la rémunération des actionnaires. Ces dérives
comportementales des dirigeants trouveraient leur explication dans le fait que leurs marges de manœuvre sont
limitées, contrairement à celles des actionnaires. Tandis que ceux-ci peuvent facilement diversifier le risque
de leur portefeuille, il n’en va pas de même pour les dirigeants dont tout le capital humain est investi dans
l’entreprise (Caby & Hirigoyen, 1997).

6.3.2 Les télescopages entre actionnaires et dirigeants dans le choix des moyens de financement
Aux désaccords entre actionnaires et dirigeants concernant la gestion du « free cash-flow » (1) s’ajoutent
des dissonances relatives plus généralement au choix des moyens de financement (2).

1°) Les désaccords spécifiques autour du « free cash-flow »


Le « free cash-flow » (FCF) est cette part de liquidités qui se trouve « sans emploi » dans l’entreprise et
comme telle précisément « libre » de tout emploi – d’où l’épithète anglo-saxon « free » - après que tous les
projets d’investissement à VAN positive aient été financés. C’est donc un flux de liquidités excédentaires.

C’est Jensen (1986) qui est à l’origine de cette théorie du FCF. Il faut dire que dans la théorie de l’agence
qu’il a élaborée avec M. H. Meckling une décennie auparavant où l’entreprise est perçue comme un nœud de
contrats66, Jensen & Meckling (1976) avaient clairement posé le problème des conflits liés notamment à la
séparation entre propriété et gestion. D’un côté, des conflits entre actionnaires et dirigeants. De l’autre, des
conflits entre la coalition actionnaires-dirigeants d’une part et d’autre part les créanciers (notamment les
obligataires). Ces conflits donnent lieu à des mécanismes disciplinaires qui seront examinés plus loin.

C’est dans cette atmosphère relationnelle conflictuelle que M. C. Jensen a posé en 1986 le problème du
FCF. L’auteur en est venu à se préoccuper des convoitises que des liquidités excédentaires (le « free cash-
flow ») peuvent susciter au sein de l’entreprise (voire hors d’elle) et des conflits d’intérêts subséquents.

66
Contrats entre les actionnaires et les autres parties prenantes : dirigeants, créanciers divers, etc.
39
Il y a conflit d’intérêts parce que les actionnaires et les dirigeants revendiquent ce surplus de liquidités.
D’un côté, les premiers, arguant de leur statut de propriétaires, estiment que ces liquidités devraient leur
revenir sous forme de dividendes ; ce qui leur donnerait alors toute latitude de réinvestir ces fonds à leur guise.
De leur côté, les dirigeants excipent du mandat qui leur a été donné expressément par les actionnaires pour
piloter l’entreprise. De sorte qu’en disposant de ces liquidités, ils pourraient les investir dans des projets dont
ils apprécieraient la rentabilité67. De plus, en gérant un volume plus important de ressources, les dirigeants
conforteraient et étendraient leur pouvoir. Au demeurant, des liquidités excédentaires abondantes permettraient
aux dirigeants d’autofinancer leurs projets, se dispensant ainsi de recourir aux marchés de capitaux et
échappant corrélativement aux contrôles qu’ils sont tentés d’exercer.

2°) Les dissonances relatives au choix des moyens de financement


Des divergences de vue sont également observables entre dirigeants et actionnaires au sujet des moyens de
financement en général, le FCF qui est lui aussi un moyen de financement étant un cas particulier.
Deux publications séparées par deux décennies sont, à cet égard, remarquables, à savoir :
- d’une part, les travaux de Donaldson (1963) 68 dont le titre est en soi évocateur ;
- d’autre part, les travaux de Myers & Majluf (1984) ayant donné lieu à la théorie du « Pecking Order ».

a. Les travaux de Donaldson (1963)


Les préférences financières comparées des dirigeants et des actionnaires sont résumées dans ce tableau.
Elles sont ordonnées, hiérarchisées.

Préférences Préférences
des managers des actionnaires
1. Dotation de réserves 1. Dettes
2. Dettes 2. Dotation de réserves
3. Nouvelles émissions 3. Nouvelles émissions
d’actions d’actions

Comme on le voit, l’augmentation de capital par émission de nouvelles actions est la solution la moins
appréciée des uns et des autres.

b. La théorie du « Pecking Order »


La théorie du « Pecking Order » (« picorage ordonné ») formulée par Myers & Majluf (1984) s’inspire
largement des travaux de Donaldson (1963). Cette théorie encore appelée du « financement hiérarchique »
est une théorie, parmi d’autres, de la structure financière de l’entreprise. Elle considère que les choix des
managers en matière de financement sont hiérarchisés ; que les managers « picorent » en quelque sorte dans
lesdits choix en procédant par tâtonnements successifs. En clair, il y a des choix qui emportent
systématiquement leurs préférences, tandis que d’autres occupent une place très secondaire voire marginale.

Concrètement, en matière de financement, les dirigeants préfèrent largement l’autofinancement. Si celui-


ci n’est pas possible, leur choix se porte alors sur l’endettement. Après avoir épuisé ces deux solutions, ils

Il devrait s’agir ici de projets à faible rentabilité ou à rentabilité nulle.


67
68
Donaldson G. (1963), « Financial Goals: Management versus Stockholders », Harvard Business Review, Vol. 41, n°3,
May-June, pp.116-129.

40
vont recourir à l’augmentation de capital (ADC). Cette hiérarchie des préférences conforte ainsi les
conclusions de Donaldson (1963).

Ainsi, le financement ne se fait pas de manière hasardeuse. Il procède d’une certaine logique. Les choix des
managers vont, ainsi qu’on vient de le voir, des solutions les moins risqués (autofinancement) aux plus
risquées (endettement et ADC). Les managers n’ont recours à ces dernières qu’en tout dernier ressort
lorsqu’ils n’ont plus d’autre alternative. Leur rationalité est véritablement celle d’un « picorage ordonné ».

6.3.3 La flexibilité quantitative (« downsizing ») en matière de GRH : l’exaspérante victimisation


systématique du facteur travail

Dans les démarches de réduction des coûts, le facteur travail reste largement vulnérable dans bien des
entreprises. Il demeure obstinément, pour maints dirigeants, une simple « variable d’ajustement » au travers
de la « flexibilité quantitative », alors même qu’il y a des leviers alternatifs aux compressions d’effectifs
d’une efficacité avérée.

6.3.4 Les légèretés observables dans la fonction achats


Les achats représentent une part importante des charges d’exploitation des entreprises. Or, le management
de la fonction achats est bien souvent gangrené par les affinités relationnelles des dirigeants. Cette fonction est
en proie à un favoritisme nocif dans la mesure où le choix des fournisseurs – et l’expérience gabonaise le révèle
- n’obéit pas toujours aux critères classiques de qualité, de prix et de respect des délais. Il y a cette forte
propension des dirigeants à passer leurs commandes aux entreprises dont ils connaissent les propriétaires,
quand bien même leurs prix seraient plus élevés que ceux des entreprises concurrentes, leurs produits de
moindre qualité et leurs conditions de livraison particulièrement déplorables. Ce qui explique que la fonction
achats soit désormais en ligne de mire des managers du changement.

41
CHAPITRE 7. RÉSORPTION DES RISQUES DE GOUVERNANCE : DE QUELQUES LEVIERS
MOBILISABLES
Un certain nombre de développements relatifs à ces différents points sont en principe déjà sus des étudiants
de Master. Ces connaissances sont issues des cours et séminaires de théorie des organisations et de théorie
financière, notamment les mesures disciplinaires prescrites par les théoriciens de l’agence (Jensen & Meckling,
1976) et la théorie du signal (Ross, 1977). Aussi, nous contenterons-nous, sur ces questions, de brefs rappels.
Le polycopié s’attachera essentiellement à l’utilisation judicieuse que peuvent faire les dirigeants des autres
leviers de gouvernance mobilisables comme la flexibilité qualitative des ressources humaines et la
rationalisation de la politique d’achats.

7.1 Les mesures disciplinaires des actionnaires


Feront l’objet d’une synthèse les points figurant dans l’encadré suivant :
7.1.1 Les mesures incitatives
Face aux manœuvres dolosives, aux dérives comportementales des managers, la théorie de l’agence
préconise des incitations financières comme moyen d’alignement des managers sur les intérêts de leurs
actionnaires. Ces incitations prennent des formes diverses : bonus, révisions de salaire, « stock-options »
(LELAND & PYLE, 1977 ; JENSEN & MURPHY, 1990). Il est évident que quand le dirigeant devient aussi
actionnaire, il compte désormais sur une double rémunération : son salaire et ses dividendes. Dès lors, il est de
son intérêt d’œuvrer pour la réalisation des bénéfices dont dépendent précisément ses dividendes. La détention
d’actions de l’entreprise par des dirigeants69 constitue une incitation financière d’autant plus forte qu’elle lie
directement le patrimoine des dirigeants à la valorisation de l’action.

7.1.2 Les mesures contraignantes


Les mesures contraignantes sont une sorte d’épée de Damoclès pendue sur les dirigeants. Ce sont des
mécanismes par nature dissuasive, à savoir :
- le pouvoir de révocation des dirigeants dont dispose le conseil d'administration ;
- le rôle auto-régulateur de l'endettement ;
- le rôle dissuasif du marché financier ;
- la perspective du chômage du dirigeant et le rôle éminemment pacificateur du marché du travail ;
- le marché des biens et services : le spectre d'une perte de compétitivité.
Ces mesures sont décrites dans le tableau ci-dessous.

Leviers de gouvernance Rôle disciplinaire


ou types de mesures contraignantes
1°) Le conseil d'administration Le pouvoir de révocation des dirigeants
L’endettement fait peser sur les dirigeants une obligation de
résultat.
2°) L'endettement, facteur de résolution de
conflits L’obligation de rembourser le capital emprunté et de payer les
intérêts de la dette conduit les dirigeants à être performants, au
risque d’entacher l’image de marque de l’entreprise et la leur propre.
L’action est un titre financier négociable. Et des actionnaires
exaspérés par les insuffisances managériales (manœuvres
machiavéliques diverses) peuvent fort bien, en représailles à ces
3°) Le rôle dissuasif du marché financier insuffisances, céder leurs titres en Bourse.

69
L’actionnariat des salariés en général, et non plus des seuls dirigeants, est un moyen de fidéliser les employés et de les
rendre plus performants.
42
Il s’ensuit un risque de chute des cours des actions et
corrélativement d’OPA, puis d’éviction des managers non
performants.
La publicité fâcheuse faite des piètres résultats et la perspective
4°) Le rôle pacificateur du marché du travail d’une révocation et partant du chômage des dirigeants sont à même
de les discipliner et de positiver leur gestion.
En s’arrogeant des avantages financiers importants, les managers
vont chercher à les compenser par des augmentations de prix des
5°) Le marché des biens et services produits. Il va s’en suivre une baisse de la demande des produits
sur le marché des biens et services. Le spectre d'une perte de
compétitivité et de ses conséquences est en soi un facteur de
positivité managériale.

7.2 Les initiatives spontanées des dirigeants : la théorie du signal


Des éléments de la théorie du signal seront exposés directement aux étudiants en Séminaire.

7.3 Autres leviers de gouvernance


Il est généralement admis, de nos jours, que la gestion stratégique des ressources humaines et la
rationalisation de la politique d’achat apportent beaucoup aux entreprises soucieuses d’optimiser leur gestion.

7.3.1 La flexibilité qualitative des ressources humaines : la gestion stratégique des ressources humaines
La montée du courant de gestion stratégique des ressources humaines (Wright & Mahan 199270 ; Dyer
& Reeves, 199571 ; Guérin & Wills, 1992, 200272) depuis le milieu des années 1980 a contribué à positiver le
regard porté sur le facteur humain et à propulser la « flexibilité qualitative », versus la flexibilité qualitative
devenue obsessionnelle pour bien des dirigeants.

La gestion stratégique des ressources humaines (GSRH) résulte d’un réexamen des liens entre GRH et
stratégie intervenu au milieu des années 1980 en pleine mouvance des enseignements de la RBV 73, tout en
intégrant les apports de la théorie bien plus ancienne du capital humain (Schultz, 196174 ; Becker, 197575).

La GSRH procède d’une affirmation de la dimension stratégique de la fonction GRH consécutive en fait
à une double évolution. D’un côté, on assiste à une mutation de la stratégie, qui lui a permis de retrouver la
facette humaine qui lui faisait généralement défaut. De l’autre, le concept de GSRH dénote une mutation
de la GRH qui a conforté sa dimension stratégique.

Dans cette dernière optique, la GSRH tente de dépasser, compte tenu de leur caractère non stratégique
et de leurs limites, les cadres antérieurs de traitement des questions humaines des organisations que sont
la gestion du personnel, les relations humaines et la GRH. La GSRH procède alors d’une idée simple : le
management stratégique suppose une mobilisation constante de ses ressources internes, notamment
humaines. La conviction sous-jacente est que la fonction ressources humaines contribue à la stratégie,
jouant un rôle clé aussi bien dans son élaboration que dans sa mise en œuvre. Les compétences individuelles
et collectives des individus deviennent des éléments participant à la définition du potentiel de compétitivité

70
Wright P. & G. Mahan (1992), « Theoretical Perspectives for Strategic Human Resource Management », Journal of
Management, Vol.18, n° 2, pp.295-332.
71
Dyer L. & T. Reeves (1995), « Human Resources Strategies and Firm Performance: What Do we Know and Where Do
we Need to Go? », The International Journal of Human Resources Management, Vol. 6, n°3, pp.656-670.
72
Guérin G. & T. Wills (2002), « La gestion stratégique des ressources humaines », Gestion, Revue Internationale de
Gestion, Montréal, Vol. 27, n°2, Eté, pp.14-23.
73
« Resource Based View », la théorie des ressources ou tout simplement la perspective ressources.
74
Schultz T. (1961), « Investment in Human Capital », American Economic Review, Vol.51, n°1, pp.1-17.
75
Becker G. (1975), Human Capital, Chicago, University of Chicago Press.
43
de la firme. Comme le soulignent Mbengue & Petit (2001)76, une gestion stratégique des RH revient à
envisager la relation entre stratégie et ressources humaines de manière diachronique.

Le concept de GSRH s’affine lorsque l’on considère ses objectifs et ses moyens. Pour ce qui est tout
d’abord des objectifs, de par son contenu stratégique, la GSRH vise une amélioration des performances
économiques de l’entreprise, c’est-à-dire le traditionnel avantage concurrentiel recherché sur une base
durable. Ensuite, ancrée tout spécialement dans la perspective humaine, elle vise un développement des
potentiels humains. Ce qui s’entend tout à la fois de la valorisation du potentiel humain existant aux plans
individuel et collectif, et de la création de nouvelles ressources humaines. D’où l’accent mis sur l’implication
(« Involvement »), l’engagement (« Commitment »), la responsabilisation (« Empowerment »), avec ce que
cela implique d’autonomie et de confiance.

7.3.2 La rationalisation de la politique d’achat


La flexibilité qualitative qui vient d’être examinée devrait en principe contribuer à faire retomber la pression
constamment subie par le facteur travail dans les démarches de réduction des coûts connexes aux
restructurations.
Il y a alors forcément des relais. L’un d’eux réside, entre autres initiatives, dans la montée en puissance,
lors des restructurations, des fonctions antérieurement marginalisées voire éclipsées comme la fonction
achats. Cette dernière fonction est désormais reconnue comme étant précisément un important gisement
d’économies dans l’entreprise, ceci accréditant son caractère éminemment stratégique.

Dans ces conditions, une entreprise adepte de la logique de création de valeur va déplacer ailleurs l’accent
mécaniquement mis sur les RH et partant sur les charges de personnel. Elle va s’attacher notamment à
rationaliser ses consommations de charges liées aux achats.

Le premier volet de ce dispositif est de sélectionner plus rigoureusement ses fournisseurs. Une sélection
devant obéir désormais aux critères orthodoxes, à savoir : la qualité des produits, un prix compétitif, une
disponibilité des produits garantie par la rapidité des délais de livraison. Faire jouer la concurrence entre
fournisseurs pour obtenir de meilleures conditions de prix, réduire leur nombre, renégocier les tarifs, nouer des
partenariats, voilà autant d’autres actions concrètes génératrices d'importantes économies que l’on observe des
responsables des achats doués de professionnalisme. Pour cette raison, on les appelle des « Cost Killers ».

76
Mbengue A. & D. Petit (2001), « Stratégie et gestion des ressources humaines », Revue Française de Gestion, Janvier-
Février, pp. 4-10.

44
CONCLUSION GENERALE
Au terme de ce Séminaire, nous voudrions proposer quelques éléments d’interprétation du gouvernement
d’entreprise, à l’aune de la thématique du management des risques, gouvernement étant pris ici dans son
acception structurelle.

Ce séminaire a mis l’accent notamment sur le fait que la direction des entreprises managériales se fait dans
un contexte relationnel de mandat, de représentation, d’agence. Il est apparu qu’une bonne coordination
managériale (management stratégique et management opérationnel, cohérence des procédures et des systèmes
d’information) ainsi qu’une mobilisation des équipes managériales au titre de la flexibilité qualitative
constituent des leviers significatifs du management des risques (identification, limitation) et partant de la
fiabilisation du fonctionnement de l’entreprise.

Il reste que dans la panoplie des risques qui jalonnent l’exploitation de l’entreprise, il y en a qui concernent
précisément et assez paradoxalement, ainsi que nous avons pu le relever, les entités sur lesquelles comptent
tant les actionnaires aussi bien pour gérer l’entreprise (les dirigeants, entités internes) que pour fiabiliser les
informations, les états comptables et financiers (les auditeurs externes). A cet égard, d’une part, on pointe des
risques propres aux dirigeants : affadissement de l’avantage concurrentiel, dérives opportunistes pour
l’assouvissement des ambitions personnelles, prises de risques insuffisantes ou plutôt excessives,
enracinement, comportements irrationnels divers (compressions d’effectifs, donc flexibilité quantitative et
victimisation systématique du facteur travail), affinités relationnelles avec des fournisseurs peu diligents et
financièrement coûteux. D’autre part, ce tableau sombre éclabousse parfois les organes de contrôle, en
l’occurrence les commissaires aux comptes au regard de leur complicité avec les dirigeants. Ce qui entache
bien entendu la crédibilité de ces entités externes.

Dès lors, au total, le sentiment qui émerge de ce Séminaire est finalement celui d’une représentation plutôt
mitigée du GE, celui de l’ambivalence de celui-ci. Une ambivalence confortée par le fait que le GE contribue
d’un côté au management des risques, et de l’autre, soit lui-même précisément générateur de tant de risques
pour l’entreprise.
* * *
*

45
ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE :

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* * *
*

47
BBS
GOUVERNANCE D’ENTREPRISE ET MANAGEMENT DES RISQUES
Plan indicatif du Séminaire
Année académique 2020-2021

REMARQUES INTRODUCTIVES

CHAPITRE 1. L’ENTREPRISE CONTEMPORAINE : UN CROISEMENT DE REGARDS


ACCREDITANT LA NECESSITE D’UNE GOUVERNANCE RIGOUREUSE
1.1 L’entreprise comme organisation
1.2 L’entreprise : une entité multidimensionnelle en management stratégique
1.3 La vision systémique : l'entreprise comme un système ouvert
1.3.1 Nécessité d’une identification des acteurs de l’environnement interne et externe de l’entreprise
1°) Les stakeholders internes
2°) Les stakeholders externes
1.3.2 Les comportements appropriés aux systèmes ouverts
1°) L’adaptation
2°) L’anticipation
1.4 L’entreprise comme une entité soumise à une exigence éthique : la responsabilité sociale de l’entreprise
1.4.1 Une problématique de la légitimité
1°) La légitimité de l’entreprise : reconnaissance et acceptation par la société
2°) L’articulation et l’encastrement de l’entreprise : une nouvelle vision de sa relation à la société
1.4.2 Les deux visions de la RSE
1°) La perspective néo-classique de la RSE : une responsabilité limitée à la satisfaction des intérêts des
actionnaires
2°) La vision moraliste de la RSE : un rééquilibrage entre l’économique, le financier et le sociétal

CHAPITRE 2. LA PERFORMANCE ET SA MESURE


2.1 La performance : un concept polysémique
2.2 La mesure de performances
2.2.1 Le triangle du contrôle de gestion
2.2.2 Les critères de performances
1°) La pertinence,
2°) L’efficacité
3°) L’efficience
CHAPITRE 3. LA STRATEGIE : VUE D’ENSEMBLE
3.1 Qu’est-ce que la stratégie ?
3.1.1 Le choix des activités : les stratégies de portefeuille
1°) Croissance horizontale (spécialisation)
2°) Croissance diversifiée (diversification)
3°) Croissance verticale (intégration)

3.1.2 Le choix des modes de réalisation de la croissance : les stratégies concurrentielles


1°) La croissance interne
2°) La croissance externe
3.1.3 Les autres grandes manœuvres stratégiques
3.2 Pourquoi élaborer une stratégie ?
1°) Exigence de survie et de pérennité
2°) Exigence d’adaptation à l’environnement (logique de réactivité) ;
3°) Exigence d’anticipation de l’évolution de l’environnement (logique de pro-activité) ;
4°) Exigence d’obtention, de maintien ou de renforcement d’un avantage concurrentiel
5°) Exigence de croissance et de taille critique.
6°) Nécessité d’économies d’échelle.
3.3 Comment élaborer une stratégie ?
3.3.1 La connaissance de l’entreprise et de son environnement : le diagnostic stratégique
3.3.2 La matrice SWOT : concrétisation des diagnostics interne et externe

48
CHAPITRE 4. RISQUES DE L’ENTREPRISE ET MODALITES DE GESTION
4.1 Du concept de risque
4.2 Typologie des risques
4.2.1 Risques internes et risques externes
4.2.2 Classification des risques en fonction de leur nature
4.3 Du management des risques
4.3.1 Le processus d’appréciation du risque
4.3.2 Un processus de résolution de problème
4.3.3 Modalités de gestion du risque
1°) Les approches quantitatives
2°) L’analyse qualitative du risque
3°) Autres protocoles de traitement des classes de risques
4.4 Gestion des risques stratégiques, économiques et financiers
4.4.1 Risque stratégique
4.4.2 Risque économique
4.4.3 Risque financier

CHAPITRE 5. GOUVERNEMENT D’ENTREPRISE : DES GARANTIES PRESUMEES DE


FIABILISATION DE LA RELATION ACTIONNAIRES-DIRIGEANTS
5.1 Gouvernance et gouvernement : remarques d’ensemble
5.1.1 La gouvernance comme un mode d’exercice du pouvoir
5.1.2 Le gouvernement comme l’ensemble des organes exerçant le pouvoir
5.2 Définitions du GE
5.2.1 Conceptions étroites du GE
5.2.2 Conceptions larges du GE
5.2.3 Essai de synthèse du GE
1°) Les principales préoccupations du GE
2°) Pour une appréhension des attributs du GE
5.3 Les systèmes de GE contemporains
5.3.1 Un modèle anglo-saxon orienté marché et ouvert
5.3.2 Un modèle germano-nippon orienté réseau et fermé
5.4 L’agence comme mode de formalisation de la relation actionnaires-dirigeants
5.4.1 L’institution et le contrat au cœur de l’agence
5.4.2. L’agence : une coopération finalisée fondée sur la confiance témoignée à l’agent
1°) Une coopération motivée par la quête de performances
2°) Une délégation de responsabilités fondée sur la confiance

CHAPITRE 6. LA RECTITUDE COMPORTEMENTALE DES DIRIGEANTS CONTESTEE


6.1 Asymétrie d’information et opportunisme de l’agent : les espoirs déçus du principal
6.2 Les comportements d’enracinement des dirigeants
6.3 Identification des domaines fonctionnels conflictuels
6.3.1 L’affadissement de l’avantage concurrentiel dans les manœuvres stratégiques
1°) Excès de prise de risques d’investissement
2°) Insuffisances de prise de risques d’investissement
6.3.2 Les télescopages entre actionnaires et dirigeants dans le choix des moyens de financement
1°) Les désaccords spécifiques autour du « free cash-flow »
2°) Les dissonances relatives au choix des moyens de financement
a. Les travaux de Donaldson (1963)
b. La théorie du « Pecking Order »
6.3.3 La flexibilité quantitative (« downsizing ») en matière de GRH : l’exaspérante victimisation
systématique du facteur travail
6.3.4 Les légèretés observables dans la fonction achats

CHAPITRE 7. RÉSORPTION DES RISQUES DE GOUVERNANCE : DE QUELQUES LEVIERS


MOBILISABLES
7.1 Les mesures disciplinaires des actionnaires

49
7.1.1 Les mesures incitatives
7.1.2 Les mesures contraignantes
1°) Le conseil d'administration
2°) L'endettement, facteur de résolution de conflits
3°) Le rôle dissuasif du marché financier
4°) La perspective du chômage du dirigeant et le rôle pacificateur du marché du travail
5°) Le marché des biens et services : le spectre d'une perte de compétitivité
7.2 Les initiatives spontanées des dirigeants : la théorie du signal
7.3 Autres leviers de gouvernance
7.3.1 La flexibilité qualitative des ressources humaines : la GSRH
7.3.2 La rationalisation de la politique d’achat
CONCLUSION GENERALE
ELEMENTS DE BIBLIOGRAPHIE

Eustache S. MEBIAME-TOUTOUME
UOB, Faculté de Droit et de Sciences Economiques, Libreville
Université de Lorraine, Laboratoire CEREFIGE, Nancy

50

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