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Octobre 2009
Publié par :
Senervert
SARL au capital de 1 000 000 FCFA. RC : SN DKR 2008 B878.
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Date de publication : octobre 2009
Un autre entrepreneuriat
Le présent document se veut un manifeste en faveur de ce qu’il convient d’appeler l’entrepre-
neuriat durable. Il repose sur la conviction que la création d’un réseau de petites et moyennes
entreprises de développement durable constitue un axe central d’une stratégie de développement
véritable de l’Afrique.
Le rôle des PMEs locales est déjà largement reconnu dans les stratégies officielles de dévelop-
pement1. Certes des actions sont requises dans plusieurs secteurs (infrastructures, éducations,
santé, etc.), mais en définitive ce sont essentiellement les entreprises qui créent la richesse et
des emplois, et qui génèrent des revenus fiscaux pour l’Etat. Les pays industrialisés doivent
d’ailleurs leur croissance à la vigueur de leurs entreprises.
Cependant l’histoire a aussi démontré que lorsque la recherche du profit est la seule raison
d’être des entreprises, alors la croissance ne s’accompagne pas de la distribution équitable des
richesses dans l’ensemble de la société, conduit inévitablement à l’enrichissement et au
contrôle abusifs d’une minorité, et engendre une dangereuse dégradation de l’environne-
ment.
Pour contrer ces méfaits, des initiatives ont été lancées dans le monde visant à concilier les
impératifs de la rentabilité économique avec ceux de l’équité sociale et de la préservation de la
nature. Ces initiatives ont notamment pour nom « entrepreneuriat social », « responsabilité
sociale des entreprises », « économie solidaire », ou en anglais, « social business », « social
capitalists », « triple bottom line ».2
A l’heure où quantité d’entrepreneurs africains ambitionnent d’apporter leur passion et leur
talent à la création d’un tissu d’entreprises prospères, l’opportunité s’offre à eux de ne pas
recopier la voie d’un capitalisme primaire, et plutôt rejoindre et enrichir ce mouvement inter-
national vers un autre type d’entrepreneuriat. Ils peuvent dès le départ se positionner comme
des entrepreneurs sociaux, déterminés à combiner l’exigence de profitabilité avec le souci de
l’impact le plus déterminant et la plus durable sur le développement économique, social et
environnemental de leurs pays et du continent. Et cette approche n’est-elle pas la plus natu-
relle dans le contexte de la culture de solidarité qui prévaut en Afrique?
Encore faut-il avoir les idées claires et pouvoir déterminer, de façon objective, comment et
dans quelle mesure une entreprise quelconque peut prétendre se qualifier ainsi de sociale et
de durable. Cela doit pouvoir se faire avec une évidence aussi nette que les résultats financiers
déterminent la profitabilité d’une entreprise. Tel est l’objet du présent document, qui propose
aux entrepreneurs africains comme aux organisations qui les appuient, une vision et des
critères de l’entrepreneuriat durable, adaptés au contexte particulier d’entreprises africaines.
Terminologie
Quand une idée est bonne et à l’ordre du jour, elle éclôt simultanément dans plusieurs
milieux. Ainsi en est-il de l’idée d’un entrepreneuriat, d’une entreprise ou d’un entrepreneur
alliant la rentabilité financière au souci d’un bien-être économique et environnemental global.
Rien d’étonnant donc à la diversité des expressions utilisées pour désigner le phénomène,
cette multiplicité étant d’ailleurs l’indice de différences dans les conceptions. .
Le terme « social » est probablement le plus utilisé, mais aussi le plus confus. Des organisa-
tions à but non lucratif qualifient d’entrepreneur social un leader humanitaire exerçant une
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activité subventionnée sans aucun souci pour la rentabilité économique. Ailleurs l’entrepre-
neuriat social est défini comme du « social business », dont la condition est que les projets
d’affaires visent essentiellement les couches les plus pauvres de la population. Un exemple est
la « Grameen Danone Foods », projet aussi associé à la mise en oeuvre de la politique de
responsabilité sociale d’une entreprise multinationale.
Le terme « sociétal » est moins familier que « social ». La responsabilité sociétale d’entreprise
viserait le bien-être de la communauté externe où se situe l’entreprise, tandis que la responsa-
bilité sociale désignerait la vie interne de l’entreprise.
Le terme « solidaire » est utilisé par les promoteurs de l’ « économie solidaire » dont les
acteurs principaux sont généralement des coopératives et des organisations de service auto-
financés mais sans nécessairement une ambition de rentabilité.
L’adjectif « durable » a pour origine le mouvement international en faveur de la prise en
compte de l’environnement dans l’activité humaine. Le développement durable est défini
comme celui qui répond « aux besoins du présent sans compromettre la capacité des généra-
tions futures à répondre aux leurs ». Par le respect de l’environnement, c’est la notion d’une
solidarité inter-générationelle qui est avancée. Cependant la durabilité est une notion essen-
tiellement temporelle et elle est en réalité autant économique et sociale qu’environnementale.
Rarement, certains se risquent au néologisme de « développemental ». Il peut paraître plus
exact dans un contexte des pays en développement, puisqu’en dernière analyse, ce qu’on
cherche, ce sont des entreprises qui contribuent au développement du pays. L’inconvénient
est que ce terme sonne un peu trop abstrait pour une expression qui doit pouvoir faire l’objet
d’une utilisation large et propre à soulever les enthousiamses.
Quelle est la meilleure façon de désigner cet entrepreneuriat que l’on veut différent? Par
convention, la proposition ici est d’utiliser l’expression d’« entreprise de développement
durable ». En effet cette expression évite les ambiguïtés du mot social qui exclut habituelle-
ment le souci de rentabilité. Le « développement durable » est une expression largement
répandue, qui a le mérite d’associer l’activité entrepreneuriale au but visé qui est le dévelop-
pement, et on peut convenir facilement d’élargir la durabilité aux aspects économiques et
sociaux en plus de l’aspect environnemental. « Entreprise durable » peut-être considéré
comme un raccourci.
« Entrepreneuriat durable » désigne le phénomène social relatif à la création d’entreprises de
développement durable.
Quant aux entrepreneurs, on ne peut pour des raisons linguistiques que se rabattre sur le
terme d’« entrepreneur sociaux », quitte à rappeler au besoin leur souci de rentabilité et
d’enrichissement qui demeure.
Mais plus important que le nom, est la chose elle-même.
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apparaissent à deux niveaux : le fonctionnement interne de l’entreprise, et son impact externe
sur le développement.
Pour le fonctionnement interne, les critères concernent deux aspects, la façon dont les déci-
sions sont prises (le gouvernement de l’entreprise), et l’équité dans les conditions de travail et
le partage de la richesse créée par l’entreprise.
Les critères relatifs à l’impact sur le développement se regroupent selon que l’impact est de
nature économique, social ou environnemental.
Pour chaque critère, un ou des indicateurs permettent d’apprécier, de la façon la plus factuelle
possible, la mesure dans laquelle une entreprise particulière rencontre le critère.
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Fonctionnement Interne :
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Équité Niveau et écart Les rémunérations appliquées par l’entreprise de développement durable respectent les minima impo- Pourcentage du salaire
maximum des sés par la loi et ne vont pas en-dessous des niveaux moyens en usage sur son marché. Elle cherche à d’entrée de base de
revenus dépasser ces niveaux autant que possible. l’entreprise par rapport
Elle applique un écart maximum entre le revenu total avant impôt de l’employé le mieux payé (généra- au salaire minimum légal
lement le dirigeant principal) et celui de l’employé le moins bien rémunéré. Les rémunérations peuvent ou moyen local.
évoluer vers le haut ou vers le bas, mais elles le font toutes ensemble. Taux d’écart maximum
pratiqué (de 1 à entre 5 et
10).
Conditions de Travail décent, conforme aux lois et conditions de travail équitables (formation, santé/sécurité, égalité Mesures prises pour
travail des chances hommes-femmes). assurer les bonnes condi-
tions de travail.
Partage des Sans négliger les dividendes aux actionnaires, l’entreprise de développement durable réinvestit une Taux de répartition équi-
bénéfices part de ses profits pour assurer sa continuité au bénéfice des générations futures. En situation de pros- libré des bénéfices entre
périté, elle partage son succès avec ses employés et partenaires sociaux. les dividendes, le réinves-
tissement et le partage
avec les partenaires.
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Impact sur le développement :
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Ces critères d’une entreprise de développement durable ne visent pas l’établissement d’un
mécanisme de certification. L’entrepreneuriat durable est d’abord affaire de volonté et un
combat permanent pour aller dans cette direction. Dans la réalité, une entreprise sera plus ou
moins près de l’idéal, peut-être en avance sur certains aspects, résistante sur certains autres.
L’intérêt de la grille est de fournir une direction et de démarquer l’entreprise de développe-
ment durable. L’important est que l’entreprise exprime clairement sa volonté, et sur ce point il
y a un indice simple : l’entreprise produit-elle oui ou non son document de triple bilan
annuel?
L’entrepreneur social
Comme pour toute entreprise, une entreprise de développement durable existe parce qu’un
jour, un ou des individus qu’on appelle entrepreneurs, ont décidé de créer une telle organisa-
tion économique. Sans entrepreneur, pas d’entreprise, et la promotion de l’entrepreneuriat a
justement pour but d’amener des entrepreneurs à se révéler et à réussir. Les traits psychologi-
ques de tout entrepreneur sont largement connus (indépendance, sens de l’initiative,
recherche permanente d’opportunités, acceptation du risque, etc.).
Mais qu’est-ce qui distinguerait spécifiquement un entrepreneur social, c’est-à-dire le créateur
d’une entreprise de développement durable? En fait il est difficile de concevoir une entreprise
durable autrement que créée et gérée par des hommes et des femmes adhérant implicitement
ou explicitement à certaines valeurs distinctives, et remarqués par certains comportements
découlant de ces valeurs. Ces valeurs, au nombre de trois, et comportements révélateurs, que
peuvent d’ailleurs partager aussi des dirigeants d’entreprises qu’il serait difficile de qualifier
de durables, apparaissent dans ce tableau.
Ici aussi, personne ne décernera à quiconque son diplôme d’entrepreneur social. Ces critères
ne sont qu’une invitation à la réflexion et à l’effort.
En résumé, une entreprise de développement durable est une entreprise formelle pratiquant
une gouvernance responsable, participative et transparente, traitant avec équité son
personnel et ses partenaires, et produisant un impact économique, social et environnemental
documenté dans un triple bilan annuel. Elle est dirigée par des entrepreneurs sociaux respon-
sables, intègres et humbles.
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