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MOOC Les partenariats qui changent le monde

Épisode 2 : Objectifs et enjeux de ces alliances: pourquoi travailler ensemble?

Dans notre première séquence “Allons plus loin”, nous vous avons présenté les acteurs en jeu et les
différentes alliances qui peuvent les unir.
Nous allons maintenant creuser ensemble la question des enjeux de ces partenariats, pour les
entreprises tout d’abord, puis pour les associations.

1) Intérêt pour les entreprises

Etudions tout d’abord le cas des entreprises.


Après de nombreuses années d’étude des alliances entre entreprises et associations, Le RAMEAU a
distingué trois grandes approches des partenariats par les entreprises :

● Premièrement, celles qui sont dans une logique de “Give Back”, c’est à dire de “rendre” : ce
sont souvent des dirigeants ou dirigeantes d’entreprises qui ont réussi, et souhaitent
maintenant rendre à la société. C’est une posture proche de la philanthropie classique, et
qui prend souvent la forme de mécénat. Les associations aidées ne sont pas nécessairement
liées au coeur de métier de l’entreprise car il s’agit moins ici d’enjeux stratégiques que de
soutenir des causes auxquelles l’entrepreneur(e) adhère.

● Deuxièmement, les entreprises qui souhaitent développer des pratiques plus responsables
au travers de leur politique RSE, de responsabilité sociétale de l’entreprise. La RSE peut être
définie comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la
société »1 selon L’ORSE qui est l’Observatoire de la RSE. La RSE, c’est l'intégration volontaire
par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités
commerciales et leurs relations avec les parties prenantes. L’ORSE distingue 7 grandes
approches de la RSE :
- l’approche éthique : ne pas collaborer avec des entreprises travaillant dans le tabac ou la
pornographie par exemple.
- l’approche environnementale : essayer de réduire l’impact carbone de sa structure
- l’approche sociale, qui peut consister à apporter une attention particulière aux droits de
l’homme
- l’approche citoyenne, qui va veiller à lutter contre les discriminations en termes de genre ou
d’origine au sein de l’entreprise par exemple
- l’approche développement durable, qui va privilégier un équilibre entre développement
économique, social et environnemental
- l’approche “stakeholder”, c’est à dire parties prenantes, qui va chercher à prendre en
compte les attentes de toutes les parties prenantes de l’entreprise
- et enfin l’approche financière, qui va prendre en compte des facteurs sociétaux pour
augmenter la valeur de l’entreprise

1
Définition de la RSE par la Commission Européenne, 2011 http://www.developpement-
durable.gouv.fr/Qu-est-ce-que-la-responsabilite.html
Quelle que soit leur approche de la RSE, les entreprises vont devoir développer des partenariats avec
des associations expertes dans le secteur concerné pour développer des pratiques plus
responsables. C’est ainsi que l’entreprise Restoria, dont les dirigeants accordent une importance
particulière au développement durable, avait développé depuis longtemps un partenariat avec
l’ADAPEI 49 afin d’embaucher des personnes handicapées dans leurs établissements “classiques”.

● Enfin, certaines entreprises développent des pratiques partenariales pour s’ouvrir à de


nouveaux marchés, ou en tout cas ne pas perdre les opportunités que ces marchés peuvent
constituer. Pour ouvrir de nouveaux marchés, les entreprises vont en général adopter une
démarche d’économie inclusive. Il s’agit là de vendre ou de mettre à disposition des biens
ou services adaptés aux besoins et au pouvoir d’achat des secteurs de la population à faible
revenu. Ces démarches incluent les approches Base of the Pyramid (BOP). Si ce concept et
cette approche vous intéressent je vous invite à vous reporter à la présentation vidéo que
j’ai réalisée sur le protocole BOP et qui est disponible sur You Tube ; J’y présente la joint -
venture Grameen Veolia Water, entre la célèbre banque Grameen et le grand groupe de
distribution d’eau Veolia pour assurer la desserte en eau potable de populations rurales au
Bangladesh Eau.

Parfois les entreprises ne cherchent pas à développer de nouveaux marchés mais à conserver leurs
marchés actuels en gérant mieux les risques relatifs à leur impact sociétal. C’est ce qu’on appelle le
“Licence to operate”, que l’on peut traduire grossièrement comme la “permission de fonctionner”.
En effet une entreprise peut être amenée à renoncer à s’implanter dans un territoire ou même être
obligée de le quitter si elle est mal acceptée par la population locale, ou si elle se retrouve
confrontée à de graves problèmes politiques ou environnementaux.2 Cet enjeu est particulièrement
crucial dans les pays en développement ou c’est même une condition de survie pour l’entreprise.
Développer des partenariats avec des associations locales va ainsi leur permettre de mieux cerner
les enjeux du territoire dans lequel elles s’implantent. Cela est d’autant plus important que la
mondialisation amène de nombreuses entreprises à rechercher des relais de croissance dans les
pays émergents afin d’y assurer le développement de leurs marchés. Pour approfondir cette
question je vous invite à vous reporter au site Novethic.fr

Ces trois approches : Give back, création de nouveaux modèles de RSE et création de nouveaux
marchés, sont autant de façons de se positionner face aux 4 grands objectifs des partenariats, le
fameux “carré magique”. Je suis sûr que vous devez maintenant connaître ses 4 éléments par coeur,
mais nous allons tout de même les approfondir ensemble :

- Premier objectif : les enjeux de management ou de RH. Les salariés d’entreprise sont de plus
en plus à la recherche de sens dans leur travail, et de tels partenariats permettent de
motiver les équipes et de développer leur fierté d’appartenance à l’entreprise. Les actions
collectives au bénéfice d’une association, le mécénat de compétence par exemple, sont une
excellente opportunité de fédérer les équipes et de diversifier leurs compétences.

2
http://www.novethic.fr/lexique/detail/licence-to-operate.html
- Deuxième objectif, le dialogue avec les parties prenantes. Ces partenariats permettent à
l’entreprise de mieux comprendre et d’impliquer l’ensemble de son écosystème, des clients
aux collectivités territoriales, en passant par les médias. L’entreprise va ainsi développer une
meilleure connaissance des enjeux de son territoire, et pouvoir mieux anticiper les situations
de crise. C’est la raison pour laquelle les PME exportatrices à l’international choisissent
souvent de s’allier avec des associations locales! Les grandes multinationales font également
ce choix pour être mieux acceptées.

- Troisième objectif, la performance économique : à première vue, on pourrait penser que la


coopération avec une association représente uniquement un poste de dépenses pour
l’entreprise, surtout dans le cas du mécénat. Pourtant, ces partenariats peuvent avoir un
impact positif sur la performance économique de l’entreprise :
1) En lui permettant d’optimiser ses coûts, à travers une baisse de sa consommation d’énergie ou
une meilleure gestion des invendus par exemple
2) En ouvrant l’accès à de nouveaux marchés ou de nouveaux clients plus difficiles à atteindre,
comme nous l’avons vu.
3) En lui permettant de répondre plus efficacement à des appels d’offre comportant des clauses
sociales ou environnementales, notion que je vous ai présentée dans la séquence “Allons plus loin”
du premier module de ce MOOC.

- Enfin, dernier des 4 objectifs de ce carré magique : l’innovation. Selon l’INSEE, innover c’est
introduire de la nouveauté dans un produit, dans un procédé, dans l’organisation ou dans le
marketing.3
Or la force de ces alliances, c’est justement de confronter des façons de penser et de fonctionner
différentes. C’est cela qui va être source d’innovation, générer de nouvelles idées et de nouvelles
pratiques. Un partenariat va donc permettre d’innover et de faire évoluer les pratiques de
l’entreprise, sa création de produits et de services, ou encore sa chaîne de valeurs. Pour rappel, une
chaîne de valeurs est constituée de l'ensemble des entreprises qui interviennent dans le processus
de fabrication, de la matière première au produit final. 4

Ces 4 objectifs auront une importance plus ou moins prépondérante selon la posture de l’entreprise
: s’il s’agit de Give back, les enjeux de management seront souvent privilégiés, pour mettre en avant
les valeurs de l’entreprise auprès des salariés. Les entreprises qui souhaitent créer de nouveaux
modèles de RSE vont mettre l’accent sur le dialogue avec les parties prenantes, et enfin celles axées
sur la création de nouveaux marchés vont porter une attention particulière à la performance
économique ainsi que l’innovation.

Les enjeux des partenariats pour les entreprises sont donc devenus des enjeux très stratégiques, et
pour la plupart il ne s’agit plus de “green ou social washing”, comme on a pu le leur reprocher par le
passé. Bien sûr l’impact de ces alliances sur leur image reste un enjeu important pour 69% d’entre
elles, mais aujourd’hui les entreprises communiquent plus sur ces partenariats en interne (76%)
qu’en externe (67%) !

3
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/innovation.htm
4
http://www.lesechos.fr/finance-marches/vernimmen/definition_chaine-de-valeur.html
2) Intérêt pour les associations

Penchons-nous maintenant sur les enjeux que représentent ces enjeux pour les associations.

Il existe une certaine tendance à percevoir les associations comme des acteurs passifs de ces
partenariats : elles seraient dans une posture de demandeur, sans avoir grand- chose à apporter.

Nous avons commencé à tordre le cou à ces préjugés : en effet les structures d’intérêt général ont
elles aussi de nombreux éléments à apporter à ces partenariats.

Rappelons tout d’abord les 3 principales fonctions du secteur associatif, mises en avant par le
RAMEAU :
1) Les associations sont le lieu d’incarnation de l’engagement bénévole,
2) Elles sont opératrices dans des domaines où ni acteurs publics, ni acteurs privés lucratifs ne
peuvent intervenir,
3) Elles sont porteuses d’innovation, grâce à leur proximité, avec les personnes et les territoires, qui
leur permet de capter des “signaux faibles”.

Leur capacité d’innovation est particulièrement recherchée par les entreprises, qui apprécient leur
démarche empirique : les associations partent en effet des besoins du terrain et sont capables de
développer des réponses adaptées avec peu de ressources, et sans nécessairement avoir besoin de
modéliser la solution avant de l’expérimenter. Une souplesse d’action que les entreprises n’ont pas
toujours !

Malgré tout la principale faiblesse des associations réside dans leur modèle économique : la plupart
ont des modèles de financement hybrides, mais qui dépendent en général en grande partie de
subventions publiques ou de dons privés, comme nous l’avons vu en première partie. La raréfaction
de ces ressources économiques se couple à une évolution de leurs pratiques de gestion de
ressources humaines : d’un côté le nombre global de bénévoles est en augmentation, mais leur
action est souvent plus limitée dans le temps qu’auparavant. De l’autre les associations recherchent
des salariés aux profils de plus en plus pointus, sans pouvoir proposer des rémunérations aussi
attractives que le secteur privé.

Il devient donc essentiel pour les associations d’optimiser leur fonctionnement et de s’allier avec
d’autres acteurs, ou de mutualiser les moyens, afin de « n’investir » que là où la valeur de
l’association est la plus forte. “Lorsque des synergies sont possibles, entre 10 et 30% des coûts
peuvent en moyenne être réduits, sans impact sur le cœur de l’activité de l’association.”5

Si l’on reprend le carré magique du RAMEAU, quatre objectifs motivent la recherche de partenaires
privés par les associations :
1) Disposer de ressources humaines ou de compétences complémentaires: le mécénat de
compétences est particulièrement utile sur les fonctions support, comme l’informatique, ou
les compétences techniques, comme la logistique en situation d’urgence. Les salariés
peuvent également être mobilisés pour des actions ponctuelles, telles qu’une course

5
référentiel “Le modèle d’investisseur sociétal”, Le RAMEAU
solidaire ou le ré-aménagement de locaux. Ils peuvent même devenir de futurs bénévoles
réguliers !

2) Obtenir des ressources financières bien sûr ! Il faut souligner qu’un partenariat privé peut avoir un
effet de levier et d’entraînement sur d’autres partenaires financiers comme d’autres entreprises de
leur réseau ou les pouvoirs publics par exemple.

3) L’implication des parties prenantes : un partenariat va permettre à l’association d’accroître la


portée de son message en mobilisant les réseaux de l’entreprise. Elle va également améliorer sa
compréhension des enjeux économiques du territoire.

4) Déployer son innovation. Oui les associations sont des ferments d’innovation, mais ces
innovations restent souvent cantonnées à une échelle très locale car les associations n’ont pas les
ressources pour les déployer à grande échelle. Les entreprises vont donc permettre d’industrialiser
ces solutions innovantes grâce à leurs ressources financières, mais aussi grâce à leur expertise et à
leurs réseaux.

Les partenariats privés représentent donc pour les associations de véritables leviers stratégiques leur
permettant de développer et de pérenniser leur action.

Chaque acteur de ces partenariats va donc partager sa valeur ajoutée avec l’autre : l’entreprise
responsable va apporter sa capacité d’industrialisation des solutions, et l’association son expertise
dans l’accompagnement des fragilités.

Ces partenariats entre secteur privé lucratif et secteur privé d’intérêt général ne pourraient pas se
faire sans un troisième acteur : le secteur public. C’est en effet la puissance publique qui détient le
pouvoir de régulation, et qui va créer les conditions nécessaires au développement de ces
partenariats. Enfin, comme nous l’avons signalé, les financements publics viennent souvent
compléter les financements privés à destination des associations.

Vous l’aurez compris, ces partenariats consistent à faire converger les compétences de chacun plutôt
que de se mettre en concurrence. Ils répondent à un triple objectif : “servir les intérêts de
l’association en contribuant à son action d’intérêt général, permettre à l’entreprise de répondre à
ses propres enjeux, et avoir un impact réel et mesurable sur le bien commun.”6 Ces alliances
innovantes ont donc pour objectif de répondre aux enjeux de chacun, mais surtout de faire face
ensemble aux défis sociétaux et environnementaux du 21ème siècle.

6
référentiel “Le modèle d’investisseur sociétal”, Le RAMEAU

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