Vous êtes sur la page 1sur 5

MOOC Les partenariats qui changent le monde

Episode 3 : Modalités des alliances : comment développer des partenariats


socialement innovants ?

Aujourd’hui en France, environ 8,5 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté. 1Il
ne s’agit donc plus d’une minorité mais d’un phénomène de masse pour lequel il convient d’inventer
et de mettre en place des solutions de grande ampleur. Voici un défi majeur pour notre société
puisqu’en moyenne la richesse a augmenté. Il y a donc une difficulté majeure pour la résolution de
laquelle il faut innover et le faire à grande échelle.

Nous l’avons vu, les partenariats entreprise-association peuvent justement permettre de développer
ces solutions à grande échelle. Mais dans la pratique, beaucoup d’entreprises se concentrent sur la
création de projets innovants et encore peu d’acteurs aident ces projets à passer l’étape délicate du
changement d’échelle.
Dans cette partie, allons donc vous donner quelques pistes pour choisir le type de partenariat qui
vous convient, puis nous partagerons avec vous les étapes clés pour mettre en place une forme
d’alliance particulièrement adaptée au changement d’échelle : l’innovation sociétale.

I) Comment choisir le type de partenariat qui vous correspond ?

Tout d’abord, comment choisir le type de partenariat qui vous correspond, entre mécénat, pratiques
responsables, coopération économique et innovation sociétale ?
Eh bien il n’y a malheureusement ou heureusement pas de réponse standard à cette question ! Tout
dépend bien sûr des enjeux et des caractéristiques de chacune des parties prenantes ainsi que du
contexte dans lequel elles évoluent.

On peut cependant souligner que pour une première coopération entre une entreprise et une
association, le mécénat ou les pratiques responsables sont les portes d’entrée les plus accessibles.
En effet la coopération économique, et surtout l’innovation sociétale touchent aux enjeux
stratégiques de chaque structure et demandent des investissements très importants de la part des
acteurs impliqués, qu’il s’agisse de temps ou de financement. La confiance que requièrent de tels
partenariats est souvent loin d’être innée, et se construit au fil du temps. Il faut d’abord apprendre à
se connaître, à se comprendre, et à travailler ensemble !
Il est donc souvent plus prudent d'amorcer une coopération par des formes de partenariats plus
“classiques” et demandant une implication moindre, comme le mécénat ou les pratiques
responsables, et d’évoluer ensuite vers des partenariats plus innovants une fois que l’on sent que le
“couple” fonctionne et que les premiers partenariats ont porté leurs fruits !

La nature du partenariat est également définie par la maturité des structures impliquées, et leurs
besoins. Ainsi le soutien dont ont besoin les associations dépendra de l’étape à laquelle se trouve
l’innovation sociétale qu’elles portent. Qu’est-ce qu’une innovation sociétale? Pour répondre à cette
question, nous allons reprendre la définition qui figure dans la loi du 31 Juillet 2014 sur l’économie
sociale et solidaire :

1
http://www.inegalites.fr/spip.php?article270
« Est considéré comme relevant de l’innovation sociale le projet d’une ou de plusieurs entreprises
consistant à offrir des produits ou des services présentant l’une des caractéristiques suivantes :
-Soit répondre à des besoins sociaux non ou mal satisfaits, que ce soit dans les conditions actuelles
du marché ou dans le cadre des politiques publiques;
-Soit répondre à des besoins sociaux par une forme innovante d’entreprise, par un processus
innovant de production de biens ou de services ou encore par un mode innovant d’organisation du
travail. Les procédures de consultation et d’élaboration des projets socialement innovants
auxquelles sont associés les bénéficiaires concernés par ce type de projet ainsi que les modalités de
financement de tels projets relèvent également de l’innovation sociale. »

C’est donc une solution nouvelle à un problème de société, plus efficace et plus durable que les
solutions existantes, qui marche ainsi que l’exprime Geoof Mulgan de la Young Foundation,
organisme anglais très en pointe sur ces questions, ou l’Atelier, qui est le centre de ressources pour
l’ESS de la région Ile de France.

Le RAMEAU définit donc 4 grandes catégories de stratégies d’innovation sociétale :


-la stratégie d’invention, qui vise à inventer de nouveaux produits ou service
-la stratégie de transformation, qui vise transformer des processus existants afin de proposer de
nouvelles réponses
-la stratégie d’extension, qui permet d’adapter des produits ou services afin d’en étendre le champ
d’action
-et enfin la stratégie d’optimisation des processus existants.

Chaque innovation sociétale suit plusieurs grandes étapes de développement2 :


1) La conception : on repère et analyse les besoins auxquels on veut répondre et on réfléchir à
des idées de solutions.
2) “L’expérimentation : les solutions imaginées sont testées de manière empirique. Au fur et à
mesure l’association affine et adapte ses réponses, en fonction des réalités rencontrées.
3) La modélisation, où l’on formalise et décrit la solution retenue.
4) L’essaimage, qui correspond à la 1ère phase du déploiement à grande échelle de
l’innovation. C’est un développement porté par l’association, qui va par exemple créer de
nouvelles antennes.
5) Et enfin l’industrialisation : L’innovation sociétale est diffusée largement, en général en
partenariat avec d’autres acteurs.

Le passage de l’essaimage à l’industrialisation est en général l’étape la plus compliquée à franchir,


car l’association doit accepter de se dessaisir de son innovation pour la partager avec le plus grand
nombre d’autres acteurs de l’écosystème.

On peut distinguer deux phases dans ce processus : premièrement l’émergence, qui correspond
grosso modo aux étapes de conception et d’expérimentation et deuxièmement la phase de
déploiement de l’innovation, qui correspond à la modélisation, l’essaimage et l’industrialisation.

2
Référentiel “Le modèle d’investisseur sociétal”, Le RAMEAU
Pour chacune de ces phases, un type de partenariat particulier sera le plus adapté. En effet la phase
d’émergence est en général déficitaire, et l’association doit donc être soutenue par un tiers, au
travers du mécénat par exemple. C’est la logique de don qui prévaut.
Pour la phase de déploiement les subventions ne suffisent plus, et il faut donc privilégier d’autres
types de partenariats plus axés sur une logique d’investissement, comme le modèle d’investisseur
sociétal par exemple. Le but de ce modèle sera justement de permettre aux structures qui en
bénéficient de stabiliser leur modèle économique et de le pérenniser.

Il est donc préférable d’envisager un partenariat du type investisseur sociétal au moment où la


phase expérimentale se termine, car c’est là que les besoins sont les plus importants et que
l’association pourra se prévaloir d’une bonne connaissance des enjeux de la thématique et des
besoins des bénéficiaires. Elle aura ainsi les moyens de convaincre un investisseur de la suivre et de
s’engager avec elle.

II) En quoi consiste un partenariat d’innovation sociétale ?

Le montant et la nature du financement doivent donc être adaptés selon l’étape à laquelle se situe
l’association dans le processus d’innovation.

Mais un projet d’innovation ne requiert pas uniquement des financements.


La structure porteuse aura également des besoins d’accompagnement, au plan technique, juridique
ou en ingénierie financière, par exemple. Il lui faudra également accéder à des compétences
complémentaires et à des réseaux permettant de déployer l’innovation. Enfin, elle devra évaluer et
valoriser l’impact du projet.

Pour répondre à l’ensemble de ces besoins, le soutien de l’entreprise doit s’inscrire sur le long terme
et faire appel à 4 leviers d’actions complémentaires :

1) Un apport financier significatif : c’est un véritable processus de R&D sociétale dans lequel vont
s’engager l’entreprise et l’association, processus ambitieux et qui sera donc nécessairement coûteux
! Vous l’avez entendu dans les témoignages, les sommes investies sont souvent conséquentes, de
l'ordre de centaines de milliers d'euros. Elles ont pour but de permettre un effet de levier sur le
projet plutôt que de financer une activité en particulier.

2) Un accompagnement à la réflexion et à la mise en œuvre de la stratégie : Plusieurs des témoins


que nous avons interrogés ont eu recours à du conseil en stratégie et management. Bien sûr les
associations ont rarement les moyens de faire appel à de tels cabinets, mais il existe de plus en plus
d’entreprises prêtes à financer une étude de faisabilité pour une association. C’est ainsi qu’AG2R la
Mondiale a mis à la disposition de la Fondation Abbé Pierre une équipe de consultants pour
travailler à la mise en place de la SOLIFAP.

3) La mobilisation des compétences et des réseaux de l’investisseur : dans les projets d’innovation
sociétale l’investisseur n’est pas uniquement un financeur, il va également mettre à disposition de
l’association l’expertise liée à son cœur de métier.
Et enfin 4) Une aide à l’évaluation de l’impact social du projet. Nous reviendrons sur cet aspect
dans le quatrième et dernier épisode du MOOC.

III) Quelles sont les étapes de construction du partenariat ?

Vous savez maintenant quelles sont les étapes du développement d’une innovation sociétale ainsi
que les leviers que l’entreprise peut actionner pour soutenir cette innovation.

Nous allons maintenant étudier plus en profondeur les étapes du partenariat en lui -même.
Nous vous conseillons avec Le RAMEAU de suivre un processus très structuré, et de formaliser avec
votre partenaire le déroulement des étapes suivantes :

1) La phase de sélection
L’association peut bien sûr aller démarcher l’entreprise, mais c’est souvent l’investisseur qui va
chercher à identifier les projets innovants. Pour cela il doit d’abord définir les problématiques
auxquelles il souhaite s’adresser, afin de définir son aire d’intervention. AG2R La Mondiale cherchait
par exemple une solution pour investir dans des initiatives innovantes dans le domaine de l’habitat.
Une fois ces projets détectés, il va les sélectionner selon trois critères : “la forte utilité sociale
attendue de l'innovation, la capacité de l’association à construire un modèle économique viable à
l'issue du partenariat, et enfin une synergie avec ses propres enjeux”.3

2) La phase de qualification
Dans un partenariat d’innovation sociétale, l’entreprise ne va pas uniquement financer une action
mais chercher à la développer. Pour cela, après avoir sélectionné des structures agissant dans le
champ d’action déterminé, l’entreprise va demander à ces structures d’identifier, ou encore de
qualifier, leurs besoins de développement à 3-5 ans.
Cette réflexion stratégique dure en moyenne 9 mois, et se conclut en général par une étude de
faisabilité des plans de développement et la présentation d’une proposition de valeur. Comme nous
l’avons mentionné précédemment, il est nécessaire de donner à l’association les moyens de mener
cette réflexion, en finançant le salaire d’une personne dédiée à cette étude par exemple. On appelle
parfois cette étape la “due diligence” de l’association, c’est à dire un ensemble de vérifications qui
va permettre de se faire une idée plus précise de sa situation.

Au terme de cette due diligence, un dialogue va s’établir dans lequel chaque structure doit partager
en toute transparence ce qu’elle attend du partenariat. L’investisseur va ensuite étudier les
éléments présentés par l’association selon trois dimensions : la dimension technique, la dimension
stratégique et la dimension politique.

Vous pouvez étudier la dimension technique du projet autour de 5 questions structurantes : “la
réponse sociétale proposée par l’association via son projet d’innovation semble-t-elle pertinente ?
L’association est-elle crédible pour proposer cette solution ? Le développement semble-t-il faisable
et réaliste ? L’initiative est-elle économiquement viable à terme ? L’organisation est-elle bien
calibrée pour la porter ?”4

3
Référentiel “Le modèle d’investisseur sociétal”, Le RAMEAU
4
idem
Au niveau stratégique, l’investisseur va ensuite définir sa réponse aux besoins exprimés par
l’association. Comment définir un niveau d’engagement qui soit à la fois cohérent pour l’entreprise
et efficace pour l’association ? Comment le décliner en termes financiers, d’accompagnement, de
compétences et d’aide à l’évaluation ?

“Enfin, au plan politique la décision d’engagement doit finalement être prise sur la base de la
proposition de partenariat de l’association et de l’impact attendu pour l’ensemble des parties
prenantes de l’entreprise. Cela revient à répondre à la question suivante : « Est-il pertinent de nous
engager dans un véritable exercice de co-construction avec ce projet ? ».”5

Après la phase de sélection et celle de qualification vient la troisième phase : celle de


l'investissement.
La durée moyenne de ces projets de co-construction est de trois à cinq ans. Il s’agit donc de nourrir
la relation avec le partenaire pendant toute cette durée !
Pour cela, il faut mettre en place un suivi opérationnel régulier du partenariat et une gouvernance
du partenariat, qui réunit les responsables décisionnaires de l’entreprise et ceux de l’association et
définit les responsabilités et champs d’intervention de chacun. Il est donc souhaitable de créer un
Comité de partenariat spécifique qui sera en charge de son pilotage, fera des points réguliers et
procédera aux évaluations, a minima annuelles, qui permettront de mesurer la valeur ajoutée créée
par le partenariat, pour le bien commun mais également pour chacun des partenaires.
Ce dispositif est nécessaire pour éviter que les partenaires ne s’éloignent de leur objectif initial et
pour ne pas renoncer à ses ambitions de départ, malgré les difficultés qu’ils vont peut-être
rencontrer.

Enfin, point essentiel : il convient de formaliser ce dispositif par des accords formels et validés par les
partenaires afin d’éviter toute zone de flou propice à des incompréhensions. Cela peut paraître
évident, mais aujourd’hui seul un partenariat sur trois fait l’objet d’une convention ! Pensez donc à
signer une convention juridique qui définisse les objectifs et engagements de chacun. Elle sera votre
cadre de référence ! Cette convention sera complétée par un plan d’actions opérationnel qui
définira les étapes permettant aux partenaires de faire évoluer leur alliance.

5
idem

Vous aimerez peut-être aussi