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LE CONTROLE DE GESTION : 1

LE CONTROLE DE GESTION :

Pour un pilotage intégrant stratégie,


cognition et finance

Sophie MIGNON
Robert TELLER
LE CONTROLE DE GESTION : 2

Introduction
Cet ouvrage développe une vision intégrée du contrôle de gestion qui a pour but
un pilotage des organisations intégrant stratégie, cognition et finance. Cette
intégration stratégie-cognition-finance semble être, en effet, une piste prometteuse
pour redonner du sens à des pratiques managériales « écornées » par une
orientation trop centrée sur la valeur actionnariale et l’optimisation uniquement
financière. Comme toute pratique, le contrôle de gestion subit les effets des crises
et des mutations qui bouleversent les économies globalisées d’aujourd’hui. Le
développement de la globalisation et de la financiarisation accentue, en effet, la
pression des critères financiers comme éléments décisifs des choix stratégiques.
La crise financière récente vient questionner la légitimité des soubassements
théoriques jugés jusqu’alors quasi incontestables et notamment l’efficience des
marchés financiers et son corpus issu de la théorie micro-économique. D’un autre
côté, la prise de conscience de la rareté des ressources et des impacts de la
compétition mondiale sur les équilibres de notre planète suppose un
renouvellement des enjeux stratégiques de long terme et plaide pour une approche
intégrant mieux les diverses parties prenantes. Par ailleurs, le développement de
l’économie de la connaissance et l’explosion des ressources liées à l’internet
remettent au premier plan la question des stratégies d’acteurs dans la gestion des
organisations. Ces lames de fond impactent fortement la structure, les stratégies et
les modes d’organisation des entreprises dans le monde. Une telle situation
bouscule forcément les approches managériales ainsi que le contrôle de gestion et
notamment l’utilisation de certains de ces outils. Il convient de réfléchir à un
système de contrôle adapté qui puisse faire l’interface entre les besoins de la
planification stratégique et les exigences de plus en plus rigoureuses des
contraintes financières ou des budgets opérationnels.
A l’origine, le contrôle de gestion prend sa source dans le domaine stratégique
mais son rôle peut varier considérablement en fonction de l’environnement et du
modèle théorique sous-jacent. Sur la base d’une approche classique de la stratégie
fondée sur l’avantage concurrentiel, on assiste à un développement des pratiques
de contrôle de gestion à logique stratégico–fonctionnelle. Ce sont des outils de
déploiement de la stratégie en actions opérationnelles. L’entreprise est divisée en
centres d’activités à partir d’une analyse des processus. L’accent est mis sur la
performance globale qui inclut, outre la dimension financière, des aspects non-
financiers tels que la qualité, les délais, la valeur pour le client … Il s’agit de
contribuer à animer la structure, à accroître la réactivité globale de l’entreprise, à
définir un système d’information permettant de comprendre la performance
globale de l’entreprise. Son cadre conceptuel est plutôt de type partenarial dans la
mesure où il dépasse la vision purement financière de la performance et de
l’organisation.
Sous la pression de la financiarisation des économies, on assiste à une progression
sensible du contrôle de gestion à logique purement financière. Ce mode de
contrôle suppose une définition préalable d’un objectif financier global qui est
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ensuite diffusé dans la structure de l’organisation qui est divisée en centres de


profit. La logique d’action est tournée vers la responsabilité individuelle et le
contrôle a posteriori des acteurs sur des résultats financiers traduits en termes de
création de valeur actionnariale. Le contrôle de gestion à dominante financière est
centré sur la création de valeur. Il utilise l’approche financière qui considère que
la valeur de l'entreprise dépend de la pertinence des décisions internes et de
l’appréciation du marché financier. Son cadre conceptuel est celui de la théorie
contractuelle de la firme dans une vision de type « shareholder ».
Deux tendances se dégagent alors: une conception asservie aux besoins des
marchés financiers d’une part, et une vision plus centrée sur la performance
globale et la capacité cognitive des acteurs d’autre part.
La première conception, le contrôle de gestion asservi à la finance, résulte de la
financiarisation induite par le mouvement de globalisation des échanges. Cette
transformation du capitalisme financier a pour origine les mouvements d’OPA
menés sur les sociétés qui n'exploitaient pas efficacement leur base d’actifs pour
les actionnaires. Ces pratiques ont fourni une visibilité externe à la « discipline du
marché » qui a incité les dirigeants à faire plus attention à la création de valeur et
à replacer l’actionnaire au centre de la stratégie. L’objectif ultime est la
maximisation de la valeur pour l‘actionnaire. La norme est fixée a priori par la
direction financière qui encadre le contrôle de gestion. Cette application stricte de
la discipline de la valeur a pour principal avantage de mettre systématiquement le
coût des capitaux utilisés en regard des modalités d’appréciation de la
performance. On a, alors, assisté à un glissement significatif du contrôle
stratégico-fonctionnel vers le contrôle à logique financière. Ce mouvement a
bénéficié du succès des concepts associés à la création de valeur. Popularisés par
les cabinets de consultants, les concepts de valeur ajoutée économique (EVA) ou
de valeur ajoutée de marché (MVA) se sont largement diffusés dans les grands
groupes et ont contribué à la financiarisation des outils du contrôle de gestion
stratégique. Ce glissement du contrôle de gestion stratégico-opérationnel a pu
aller jusqu’à ce que l’on a appelé le contrôle de gestion asservi à la finance.
Toutefois, ce mouvement n’a pas été un franc succès même si les outils de
management par la valeur financière restent incontournables. On peut parler, à cet
égard, d’un succès relatif de ces outils qui restent tout à fait indispensables dans
un univers financiarisé mais dont l’utilité reste limitée notamment dans les
entreprises où la composante « capital humain » est importante. Il est clair, en
effet, que si les outils du contrôle de la valeur financière sont très utiles pour
éclairer et modéliser les impacts sur la création de valeur, ces outils ne sont guère
pertinents pour aider à la compréhension et à la formalisation des véritables
inducteurs de la valeur (innovation, compétence, image de marque, fidélisation et
gestion du portefeuille client, …). Par ailleurs, les limites liées à la pertinence du
coût du capital et à l’hypothèse de rationalité basée uniquement sur l’incitation
financière sont apparues comme une évidence avec la généralisation de la dernière
crise financière. De même, les nombreux scandales financiers (Enron, Worldcom
…) ont mis en lumière les limites de l’information financière et les effets des
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incitations uniquement axées sur la valeur de l’action. On peut même parler d’un
mouvement « politique » de contestation du soubassement conceptuel d’un
capitalisme trop financiarisé…
Ce constat permet de mettre l’accent sur l’intérêt du concept de contrôle de
gestion intégré. Cette approche repose sur une logique qui reconnaît l’importance
de la création de valeur mais l’analyse comme le résultat d’une intégration de la
valeur financière et stratégique. Cette dernière dépend étroitement de la valeur
organisationnelle et concurrentielle. Elle met en avant des concepts comme ceux
de compétences fondamentales, de savoir-faire, d’avantage compétitif. Elle
suppose une intégration de la comptabilité de gestion comme cadre conceptuel de
la valeur stratégique à partir d’une gestion de la base de processus. Le contrôle de
gestion a, dans cette optique, un rôle majeur de conception du système
d’information et d’aide à l’évaluation de l’ensemble des facteurs de la
performance globale (voire sociétale). Le concept de contrôle de gestion intégré
n’a pas de périmètre bien stabilisé. Il peut se concevoir comme un mode
complémentaire du contrôle à logique financière ou comme un mode alternatif à
ce dernier. Ces deux conceptions ont chacune leur logique et leur légitimité. Elles
impliquent, toutefois, une déclinaison spécifique des référentiels mis en œuvre qui
peut conduire à repenser les fondements du contrôle de gestion ou à proposer un
réaménagement de ses outils.
La conception du contrôle de gestion intégré en tant que mode complémentaire au
contrôle de gestion à logique financière présente l’avantage de rappeler la
contrainte de la « gestion par la valeur » qui apparaît aujourd’hui difficilement
contournable. Il semble, en effet, difficile de se passer du financement, de l’apport
des marchés de capitaux, des mécanismes assurantiels et de couverture des
risques. De plus, sous réserve d’une meilleure régularisation et d’un contrôle plus
strict, la plasticité et la réactivité des marchés financiers restent un facteur
indispensable du développement de l’innovation et donc de la croissance.
Le mode alternatif du contrôle de gestion intégré insiste sur l’autonomie de
« l’entité – entreprise » dans le cadre d’un réseau de parties prenantes. Il est plus
ouvert aux nouvelles préoccupations liées aux aspects sociétaux du management:
prise en compte du développement durable et de l’ensemble des relations
partenariales, développement d’outils spécifiques tels que le « stakeholder’s
report » ou les mesures d’impact environnemental, gestion spécifique du capital
humain … L’approche alternative remet en cause de façon explicite la pertinence
du dogme de la « Shareholder Value » et propose, d’emblée, des concepts
alternatifs autour de la « Stakeholder Value ». L’orientation stratégique du modèle
intègre le fait que la valeur est d’abord construite par les acteurs avant d’être
donnée par le marché. Elle est systématiquement orientée vers l’innovation quitte
à ne pas se conformer aux standards du marché pour être correctement valorisé à
court terme.
La période qui s'ouvre s'avère donc particulièrement intéressante puisque la thèse
soutenue par les partisans d’un contrôle de gestion asservi à la finance est
largement remise en cause en raison des nombreux effets pervers produits par
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l’excès de financiarisation. On voit, par ailleurs, émerger une approche alternative


que l’on peut regrouper sous le vocable de contrôle de gestion intégré et dont
l’avenir dira jusqu’où peut aller sa portée opérationnelle.

Les concepts que nous venons d’évoquer sont développés dans quatre chapitres.

CHAPITRE 1 LE CONTROLE DE GESTION : CONCEPTS ET TERRITOIRES


CHAPITRE 2 LE CONTROLE DE GESTION STRATEGIQUE
CHAPITRE 3 LE CONTROLE DE GESTION ASSERVI A LA FINANCE
CHAPITRE 4 LE CONTROLE DE GESTION INTEGRE
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CHAPITRE 1 – LE CONTROLE DE GESTION :


CONCEPTS ET TERRITOIRES
Le concept de contrôle de gestion a beaucoup évolué au cours de cette dernière
décennie. Le but est, ici, de donner une définition du concept de contrôle de
gestion, et de tenter de cerner son champ d’application. Le contrôle de gestion
peut se définir comme un processus d’aide à la décision permettant une
intervention avant, pendant et après l’action. C’est un système global
d’information interne à l’entreprise qui permet la centralisation, la synthèse et
l’interprétation de l’ensemble des données figurant les performances de chacune
des activités ou fonctions de l’entreprise. Outre le fait qu’il contribue à la
« reconfiguration » de l’entreprise, le contrôle de gestion remplit une fonction
d’interface, notamment en donnant des éléments d’arbitrage entre le référentiel
interne et le marché. On peut résumer cette approche sur le tableau suivant:

PERFORMANCES PRODUITS RESSOURCES PORTEFEUILLE PRODUITS MARCHES


 
COUTS PRIX

ROLE D’INTERFACE – ARBITRAGE STRATEGIQUE
 
EVALUATION INTERNE DES PROCESSUS ET PROCESSUS DE VALORISATION PAR LE
DES ACTIVITES MARCHE DES PRODUITS ET DES SEGMENTS
STRATEGIQUES
 
COMPTABILITE DE GESTION ANALYSE STRATEGIQUE

SYSTEME D’INFORMATION DU CONTROLE DE GESTION

Dès 1965, Robert N. Anthony définit le contrôle de gestion comme le processus


par lequel les managers s’assurent que les ressources sont obtenues et utilisées
avec efficacité et efficience dans l’accomplissement des objectifs de
l’organisation. Il affinera, ensuite, cette définition en faisant de manière explicite
le lien entre contrôle de gestion et stratégie dans la mesure où il indique que le
contrôle de gestion est le processus par lequel les managers influencent d’autres
membres de l’organisation pour appliquer les stratégies. Cette conception du
contrôle induit deux types de mécanismes :
- un mécanisme de coordination de la décision qui cherche à rendre le
système plus performant ar une meilleure coordination des processus
d’allocation des ressources.
- un mécanisme d’animation qui pour objectif d’agir sur les comportements
des acteurs dans le sens attendu par l’organisation. Il concerne les aspects
humains (motivation, rétributions, incitations, apprentissage, culture ...).
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SECTION 1 : QUELQUES PRINCIPES GENERAUX DU


CONTROLE DE GESTION
1- LE CONTROLE DE GESTION A UN ROLE D’INTERFACE ENTRE LA
PLANIFICATION STRATEGIQUE ET OPERATIONNELLE:
La décomposition du contrôle organisationnel en trois sous-systèmes de contrôle
permet de préciser le rôle du contrôle de gestion. Le contrôle de gestion s’insère
entre les choix stratégiques et les actions de routine ; il en constitue en quelque
sorte l’interface.
CONTROLE STRATEGIQUE CONTROLE DE CONTROLE OPERATIONNEL
GESTION
La planification stratégique consiste à Les tâches répétitives sont

CONTROLE DE GESTION
définir les buts de l’organisation et les organisées et gérées par le contrôle
ressources qui lui sont nécessaires. opérationnel, ou contrôle des tâches
Les politiques sont ensuite mises en œuvre INTERFACE qui permet d’avoir l’assurance que
et concernent l’acquisition, l’usage, la de telles tâches sont effectuées de
cession de ces ressources. Ces politiques manière efficace et efficiente. Ce


sont traduites dans des plans et des budgets contrôle définit des procédures de
qui font l’objet d’une analyse de cohérence routine et, le plus souvent, des
et d’un suivi dans le temps. automatismes permettant d’optimiser
des tâches répétitives.

On distingue, traditionnellement, trois phases au sein du processus de contrôle.


La première phase intervient avant l’action. Elle consiste à définir les finalités et à
les traduire en objectifs quantifiés sur un horizon déterminé (le plus souvent
l’année). Cette fixation d’objectifs est associée à la détermination des moyens
jugés nécessaires pour réussir, à la définition des rôles des différents intervenants
et à celle des critères et normes qui serviront à évaluer la qualité des résultats
atteints. Il est possible de parler de phase de finalisation. La deuxième phase est
celle du déroulement de l’action. Il s’agit d’en assurer le pilotage, d’organiser le
suivi du déroulement, d’anticiper et d’entreprendre les actions correctives
éventuelles pour arriver au but fixé. La troisième phase intervient une fois
terminée l’action planifiée. Il s’agit d’en mesurer les résultats afin de sanctionner
positivement ou négativement les responsables et les objets de leur gestion. On
parle de mesure de performance ou de post-évaluation. H. Bouquin identifie trois
domaines d’évaluation : l’économie, l’efficacité et l’efficience. L’économie est le
fait de se procurer au juste coût les ressources nécessaires, l’efficacité est la
capacité à atteindre les objectifs fixés et l’efficience la capacité à les atteindre en
consommant les moyens prévus. Au niveau des décisions stratégiques, en se
fondant sur des études prospectives, il s’agit de définir des objectifs qui se réfèrent
essentiellement aux notions de rentabilité des capitaux, de développement et de
sécurité. Au niveau des décisions tactiques prises dans des directions ou centres
de responsabilité, chaque responsable établit un budget et des programmes
séquentiels dans le cadre du plan et de l’enveloppe annuelle résultant des
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hypothèses précisées au niveau des objectifs généraux. On peut résumer ces


différents points sur le tableau suivant:
Les interfaces du contrôle de gestion
Source: D’après H. BOUQUIN : Le contrôle de gestion, PUF, 4° édition, Paris, 1998, p. 72.
CONTROLE CONTROLE DE CONTROLE
STRATEGIQUE GESTION D’EXECUTION
EFFICACITE Réalisme des Pertinence des Cohérence des modèles
(capacité à atteindre les objectifs) hypothèses critères de mesure décisionnels
EFFICIENCE Pertinence de Adéquation et suivi Pertinence des modèles
(capacité à atteindre les objectifs l’évaluation des de la relation moyens décisionnels
en consommant les moyens atouts de l’entreprise objectifs
prévus)
ECONOMIE Développement au Surveillance des Adéquation des
(Se procurer au juste coût les moindre coûts des plans et budgets procédures
ressources nécessaires) compétences
distinctives

2- LE CONTROLE DE GESTION EST BASE SUR UNE VISION ELARGIE DU


CONTROLE:
Le contrôle n’est pas seulement l’action de vérification dans un but plus ou moins
coercitif, c’est aussi la volonté de maîtrise de soi ou d’une organisation. La
gestion n’est pas simplement un ensemble de « recettes » visant à maîtriser un ou
plusieurs objectifs généralement financiers, c’est aussi, selon le mot de Pierre
Lassègue, l’application des sciences à la conduite des organisations.

DU CONTROLE CLASSIQUE AU CONTROLE CYBERNETIQUE


Source : d’après R.A. THIETARD : Le management, que sais-je, N°1860, PUF, Paris , 1980.
Contrôler signifie: vérifier, surveiller, évaluer et maîtriser. Le contrôle fait partie intégrante du processus de
gestion des organisations. La planification donne des indications sur les objectifs poursuivis par l’organisation
ainsi que sur la mise en œuvre des stratégies qui sont adoptées pour les atteindre. L‘organisation permet de
fournir le support structurel nécessaire à la réalisation des objectifs. L’activation fait vivre cette structure et
anime les hommes. Le contrôle, quant à lui, a vocation de vérifier que tous les efforts déployés concourent à la
réalisation de l’objectif. Ainsi conçu, le contrôle peut permettre :
 de vérifier si tout est conforme aux ordres et aux principes ,
 de surveiller d’une façon permanente le déroulement des opérations,
 d’évaluer les écarts de réalisation par rapport aux objectifs,
 et enfin de maîtriser par des mesures de correction les différents processus de gestion,
 tout ceci à travers une structure donnée de l’organisation.
Selon l’approche classique, une « bonne » organisation doit rechercher la simplicité dans les structures et
favoriser le contrôle. Pour ce faire, la parcellisation des tâches, combinée à un système formel d’autorité et de
responsabilité, doit permettre un suivi précis du travail à accomplir. Dans cet esprit, une attention particulière est
portée à la détection des erreurs et à leur correction une fois qu’elles sont apparues. Le support de ce contrôle -
le système d’information comptable - va trouver ses sources dans les seules observations chiffrées disponibles
supposées sans biais et par conséquent perçues comme étant « objectives ». Le contrôle « classique » est,
ainsi, certain, rationnel, et espère disposer d’une information suffisante pour associer le résultat à son
responsable. » Le contrôle de type « cybernétique » fait largement appel à la théorie des systèmes et
notamment au concept de régulation par rétroaction (feed-back). Ce type d’approche implique une utilisation
plus rapide des informations et débouche sur la notion de contrôle en temps réel. Une telle conception suppose
évidemment un système d’information approprié basé sur un support informatique. L’approche cybernétique du
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contrôle fait également référence à trois notions importantes, le contrôle proactif (feed-forward control),
l’autocontrôle, l’interconnexion planification-organisation-contrôle.

3- LE CONTROLE DE GESTION A POUR OBJET LA REDUCTION DE


L’INCERTITUDE:
Réduire l’incertitude, est devenu un des points forts du contrôle de gestion. Cette
orientation suppose une intervention du contrôleur de gestion dans la définition
des facteurs de risque qui doivent être pris en compte aux différents niveaux
(risque stratégique, risque d’exploitation, risque financier).
ANALYSE DU RISQUE ET CONTROLE DE GESTION
L’analyse du risque reste un des points fondamentaux du contrôle de gestion. L’objectif est de mesurer les
risques associés aux différentes décisions issues de la politique envisagée.
NIVEAUX TYPE DE RISQUE OUTIL OU FONCTION
D’ANALYSE
Diversification, choix d’investissements
Niveau Risque de portefeuille détection de la défaillance
Stratégique Risque de ruine risque majeur
Risque de structure financière diagnostic financier

(Risk management) Risk management traditionnel


Niveau contrôle de gestion et
du contrôle Risque d’audit Risque inhérent - contrôle interne

Production (ordonnancement) Risque commercial + risque sur les coûts =


Niveau Stock (politique de stockage) Risque d’exploitation
Opérationnel Ventes Risque d’exploitation + risque sur les décalages
Coûts = Risque financier d’exploitation
bénéfices Risque de couverture
crédit client Gestion de la trésorerie
crédit fournisseur
exportation : importation

LE RISQUE D’EXPLOITATION
Le risque d’exploitation concerne la probabilité de couvrir les charges d’exploitation avec les recettes
d’exploitation. La décision d’exploitation est généralement basée sur un ensemble de prévisions relatif aux
variables essentielles : prix, coûts, quantités produites et vendues.
LE RISQUE FINANCIER
Le risque financier reste un paramètre fondamental du contrôle de gestion notamment par les effets rapides
qu’il peut provoquer sur la survie de l’entreprise. Le risque financier présente deux aspects distincts: un risque
financier d’exploitation qui est l’aptitude d’une entreprise à couvrir ses décaissements avec les encaissements
d’exploitation et un risque de structure financière qui concerne la part relative des fonds propres et empruntés
ainsi que la nature de la dette. Ce risque de structure financière est lui-même décomposable en risque de
déséquilibre et en risque de taux et risque de change. Les deux risques peuvent être de sens contraire. Cela
peut permettre de compenser provisoirement un déséquilibre financier ou de même sens ce qui est excellent
dans le cas d’indicateurs favorables et catastrophique dans le cas contraire. On peut schématiquement résumer
la problématique ainsi:

Situations types Risque d’exploitation Risque de structure Risque financier global


Cas 1 TE > 0 TN > 0 RFG << 0
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Cas 2 TE > 0 TN < 0 RFG > ou < 0


Cas 3 TE < 0 TN > 0 RFG < ou > 0
Cas 4 TE < 0 TN < 0 RFG >> 0

NB: On a : Encaissements - Décaissements d’exploitation = TE et Fonds de Roulement Global moins Besoins


en fonds de Roulement = TN (trésorerie nette). Cette approche permet de faire un premier tri dans la gravité du
risque financier éventuel. Les cas 1 ( très favorable) et 4 (très défavorable) ne posent pas de problèmes
majeurs d’interprétation. Les cas 2 et 3 qui peuvent, par ailleurs, aboutir au même niveau de trésorerie
apparente sont fondamentalement différents. Ils sont tous les deux transitoires dans la mesure où l’effet de
compensation de l’un sur l’autre ne peut durer indéfiniment mais, surtout, ils sont de nature différente. Le cas 2
révèle un potentiel de liquidités satisfaisant contrarié par une mauvaise structure financière. Une amélioration
des ressources stables doit permettre de corriger le problème si le gap de l’effet de structure financière n’est
pas trop important. Le cas 3 révèle un mauvais potentiel de liquidités plus ou moins compensé par une bonne
structure financière. Il est donc utile de disposer d’instruments de mesure du risque financier de façon à pouvoir
détecter, rapidement, les limites acceptables pour l’entreprise.

4- LE CONTROLE DE GESTION CONTRIBUE A L’ELABORATION DU


SYSTEME D’INFORMATION DE GESTION ET A L’INGENIERIE DES
STRUCTURES
Le système d’information est un élément essentiel du processus de gestion et à ce
titre une composante fondamentale du système de contrôle de gestion. De façon
classique, cette contribution au système d’information doit fournir une description
précise d’une évolution passée et permettre un diagnostic sérieux. Elle doit
éclairer les décisions, faire apparaître les écarts et permettre d’en expliquer les
causes. Dans ce cadre, le contrôle de gestion contribue à l’élaboration des normes
adaptées aux différents types de responsabilité, c’est-à-dire des référentiels
d’évaluation de la performance. Cette conception conduit à faire intervenir
largement le contrôleur de gestion dans l’organisation du système comptable et
l’établissement des tableaux de bord. Du point de vue du contrôle de gestion, la
conception du système d’information pose, compte tenu de la turbulence actuelle
de l’environnement, deux types de problèmes essentiels: la définition des facteurs-
clés de succès qui sont à surveiller étroitement et la mise au point d’un système
d’alerte précoce qui assure la réactivité de l’organisation dans des délais
acceptables. Le contrôle de gestion a, aussi, la mission de contribuer à la
conception de la structure de l’entreprise sur la base d’une décentralisation
efficace de l’autorité. Pratiquement, la surveillance permanente de la relation :
objectifs – décisions - performances est un des points clés du système de contrôle
de gestion. Si l’on admet que la recherche du profit n’est qu’une motivation parmi
d’autres, on doit tenir compte du rapport de force entre les partenaires animés par
des motivations différentes et les contraintes liées à l’évolution de
l’environnement, au degré de concurrence et aux ressources dont l’entreprise peut
disposer. La mise en place d’un système de contrôle de gestion suppose une
structuration de l’entreprise et notamment un découpage en centres de
responsabilité. Le centre de responsabilité est un outil permettant de structurer
l’organisation et d’inciter les responsables à gérer conformément à la stratégie de
l’entreprise et permettant notamment d’évaluer la performance de chaque centre.
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C’est une unité organisationnelle bénéficiant d’une délégation d’autorité en


matière de moyens à mettre en œuvre et de choix des objectifs. On distingue
différents types de centres de responsabilités: les centres de coût, les centres de
frais, les centres de chiffre d’affaires, les centres de profit et les centres de
rentabilité (ou d’investissement).
5- LE CONTROLE DE GESTION EST UNE AIDE AU PILOTAGE
OPERATIONNEL ET A LA DECLINAISON DES OBJECTIFS DANS LE CADRE
DE LA PLANIFICATION STRATEGIQUE:
Pour assurer une évolution se rapprochant de la trajectoire prévue dans la limite
des écarts admissibles, il est nécessaire de mettre en place un système de pilotage
dont le rôle essentiel consistera à apprécier les déviations et effectuer les
corrections. Un des problèmes délicats restant à résoudre est celui de l’évaluation
des objectifs et du seuil d’alerte à partir desquels le système de pilotage doit réagir
en déclenchant des opérations de réaction.
LE CONCEPT DE PLAGE DE FONCTIONNEMENT
L’idée centrale sur laquelle il convient d’insister est la suivante : à partir du moment où l’incertitude perturbe
gravement la signification des données (notamment prévisionnelles), il serait dangereux de surveiller des
objectifs à partir d’une seule évaluation. Il est préférable de concevoir une plage de fonctionnement à l’intérieur
de laquelle les variations par rapport à l’objectif ou aux prévisions sont considérées comme normales et ne
déclenchent aucun processus particulier de régulation. Par contre, tout écart, situé significativement en dehors
de cette plage de fonctionnement, doit déclencher des actions correctrices immédiates.
En notant CA1 et CA2 les hypothèses optimiste et pessimiste relatives aux encaissements et D1 et D2 les
hypothèses optimiste et pessimiste relatives aux décaissements, on peut définir une plage de fonctionnement
du point-mort d’encaisse (donc du risque financier d’exploitation) qui est délimitée par la zone ABCD. La partie
située à droite du point C est une zone à faible risque, celle située à gauche du point A est une zone à haut
risque. Les hypothèses extrêmes du tableau sont celles qui figurent sur le graphique ci-après et qui donnent les
bornes qu’il conviendra de surveiller avec attention. Ce tableau de bord financier extrêmement simple peut
s’avérer fort utile pour surveiller globalement l’évolution du risque financier d’exploitation. En. On peut montrer
de façon simple qu’il est possible de décomposer l’analyse du risque financier d’exploitation en trois zones :
GRAPHIQUE DES ZONES DU RISQUE FINANCIER D’EXPLOITATION

CA1 CA2
Plage de fonctionnement

D1
C

B
D2

A
D

Chiffre d'affaires
a1
a2

Zone Zone 2: Zone 3


1
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La zone 1 est une zone à risque élevé qui montre une situation de défaillance et de non viabilité de l’entreprise
sauf amélioration des paramètres clés (délais, taux d’encaissement et de décaissement et volume d’activités).
La zone 3, par opposition, est la zone “ saine ” qui ne devrait pas poser de problèmes au niveau du risque
financier d’exploitation. La zone 2, par contre, reste une zone à risque potentiel qui est difficile à interpréter
mais qui illustre bien les difficultés actuelles du diagnostic d’entreprise. En effet, cette zone peut engendrer
des situations de trésorerie positive ou négative, pour un même volume d’activités, en fonction des
configurations réelles de délais et de coûts. Plus cette zone est “ étendue ” et plus le diagnostic est
problématique.
Le pilotage d’une entreprise suppose la connaissance d’une destination, d’un
chemin vers lequel il faut tendre. La détermination de ce chemin implique une
étude approfondie des interrelations entre les contraintes de l’environnement, les
finalités de l’entreprise, ses structures, son système de communication et
d’information. Le cadre formel de cette réflexion est le plan stratégique. L’objectif
est susciter la création ou le renforcement d’atouts particuliers qui doivent être
protégés contre les attaques concurrentielles sur une longue période de temps.1
Ces atouts concurrentiels défendables sont des forces ou des actifs de l’entreprise
que tout concurrent - présent ou potentiel - ne pourra recréer lui-même que
moyennant la mise en œuvre de ressources et d’un calendrier tels que ce
concurrent ne peut plus gagner à moyen terme. Le contrôle de gestion est
impliqué dans le travail d’identification et de planification des atouts
concurrentiels défendables. On retrouve ici la notion de facteurs-clés de succès
d’une part et de segmentation des activités d’autre part. Le système de contrôle de
gestion devrait, également, contribuer à localiser les activités de l’entreprise en
tenant compte du cycle de vie des produits et de la position concurrentielle pour
chaque métier. Enfin, sans aller jusqu’à postuler que la stratégie sociale doit
conditionner la stratégie économique basée sur les couples produits - marchés, le
contrôleur de gestion devra s’assurer de la bonne concordance de deux
composantes de la stratégie globale de l’entreprise2. Ce point est essentiel car il
conditionne aussi certains aspects de la performance liés à la motivation du
personnel et à la réduction des coûts cachés tels que l’absentéisme.
6- LE CONTROLE DE GESTION CONTRIBUE A OPERATIONALISER ET A
MODELISER LES PROCESSUS DE CREATION DE VALEUR:
A partir du moment où la finalité de création de valeur tend à devenir commune à
toutes les entreprises, le contrôle de gestion ne peut qu’intégrer cette contrainte.
L’approche en termes d’activités, aussi bien au niveau des coûts (Activity based
costing, ABC) que des décisions de gestion (Activity based management, ABM)
permet cette intégration. Le cadre conceptuel de cette analyse est celui de la
chaîne de valeur de PORTER. Dans l’approche par activité, on ne centre plus le
processus d’attachement des coûts sur les centres de responsabilité mais sur des
activités souvent transfonctionnelles qui définissent la configuration de l’offre que

1 Voir sur ce point : P. JOFFRE et G. KOENIG : Gestion stratégique, l’entreprise, ses partenaires – adversaires et leur univers, Editions
EMS, 1992.
2 Voir sur ce point : A.C. MARTINET : Planification stratégique, Encyclopédie de gestion, 2° édition, tome 2, pages 2249 et sq. Economica,
1997.
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l’entreprise a retenue pour satisfaire aux besoins des clients. Le raisonnement


devient alors: la manière de faire les choses cause les activités, chaque activité
cause les coûts qui la concernent, et le produit consomme des activités. Cette
vision de l’attachement des coûts permet à l’entreprise de mener une réflexion
stratégique cruciale sur les activités existant en son sein: activités principales ou
secondaires; activités avec valeur ajoutée ou sans valeur ajoutée.
FORCES CONCURRENTIELLES
 
SATISFACTION DU CLIENT MARGE DE L’ENTREPRISE

PRIX
 
CREATION DE VALEUR
 
ACCROISSEMENT DE LA DIFFERENCIATION BAISSE DES COUTS RELATIFS
 
SAVOIR- FAIRE SAVOIR-FAIRE PRODUCTIVITE COUT DES
MARKETING TECHNOLOGIQUES FACTEURS
   
SAVOIR FAIRE MANAGERIAUX

CONTROLE DE GESTION
ANALYSE DES PROCESSUS ET DES VALORISATION DES COMPETENCES
ACTIVITES DISTINCTIVES
En comparant leurs coûts internes, avec les coûts dans d’autres entreprises
( benchmarking), il est possible d’agir sur les coûts par l’intermédiaire des
activités, en simplifiant, en réduisant la charge d’une activité, ou en supprimant
l’activité.

SECTION 2 EVOLUTION DU CONTROLE DE GESTION:


TERRITOIRES ET PROBLEMATIQUES
Initialement, le problème est strictement de nature comptable. L’évolution du
contrôle de gestion suit celle du système comptable. Après ses heures de gloire du
siècle passé, la comptabilité a connu une période moins faste. Le moindre
développement des grandes entreprises et des marchés financiers en France (par
rapport à la Grande Bretagne et aux Etats Unis) semble être responsable d’une
partie du retard de la pensée comptable à partir du XX° siècle. Les insuffisances
d’une approche trop technicienne de la comptabilité sont soulignées et notamment
le fait que la prééminence accordée à la production d’information (l’offre) aboutit
nécessairement à négliger les besoins des utilisateurs. Les approches trop souvent
« normatives », sans enquête préalable sur le terrain, sont fréquentes. A cet égard,
l’approche anglo-saxonne apparaît, dans le domaine comptable beaucoup plus
ouverte. Les années 1970 marquent un tournant important avec la modernisation
de l’appareil financier, le développement de l’audit, la mise ne place de la 4°
LE CONTROLE DE GESTION : 14

Directive Européenne, la généralisation et les progrès de l’informatisation


comptable. La prise en compte des besoins des utilisateurs devient un critère
pertinent et les réflexions sur l’utilisation des chiffres comptables sont
nombreuses (courant positiviste, nouvelles réflexions sur les coûts, méthodes de
type « Juste à temps », normalisation et comparaisons internationales). La remise
en cause des méthodes classiques en comptabilité de gestion des années 1980 et
les nouveaux modes d’évaluation des performances marquent le renouveau de la
comptabilité de gestion. Ce renouveau peut-être caractérisé dans les années 2000
par une approche plus constructiviste, processuelle et multidimensionnelle. Un
certain nombre de critiques sur l’inadéquation des démarches budgétaires
traditionnelles peu adaptées à un environnement instable (N. BERLAND, 2004)3
ont justifié le développement de nouvelles approches fondées « sur des périodes
de prévisions plus courtes, sur des processus stratégiques de création de valeur,
sur l’autonomie des décideurs, sur l’apprentissage organisationnel, sur le
développement de stratégies émergentes » (P-L BESCOS et alii ,2004, p. 177)4 .
Parallèlement la prise de conscience du caractère multidimensionnel de la
performance a contribué au développement de balanced scorecard5 venant pallier
les insuffisances budgétaires. L’informatisation des systèmes d’information via
les ERP6 a également contribué à généraliser une approche transversale des
organisations (couplage des SI marketing, production, comptable….) et à remettre
en cause la vision prédominante du contrôle de type top-down. Les nouvelles
conceptions du contrôle de gestion accordent aussi une importance particulière
aux ressources humaines : dotées d’autonomie cognitive et politique, ces dernières
contribuent à l’apprentissage organisationnel. La gestion des compétences se
retrouve ainsi au cœur de la dynamique de création de valeur et de développement
d’un avantage concurrentiel. Le contrôle de gestion se doit donc d’être repensé
dans des organisations transversales et apprenantes7.
1- LE TERRITOIRE DU CONTROLE DE GESTION
Le modèle A.M.I proposé par H. BOUQUIN résume bien les acquis et les
problèmes8. Selon lui, le contrôle de gestion devrait rester à la conjonction de trois
territoires : A pour acteur (agir sur les comportements des acteurs),M pour
modéliser les relations Ressources – finalités, I pour faire l’interface entre la
stratégie et l’opérationnel. Cette conception implique nécessairement un flou
quant au champ disciplinaire. D’ailleurs, le contrôle de gestion n’est pas le seul
mécanisme de contrôle des comportements. Il utilise à des titres divers le contrôle

3 N. BERLAND (2004), « La gestion sans budget : évaluation de la pertinence des critiques et interprétation théoriques », CCA , vol 7, n° 4,
pp 37-58 .
4 P-L. BESCOS, E. CAUVIN, P. LANGEVIN, C. MENDOZA (2004), « Critiques du budget : une approche contingente », CCA, Tome 10,
vol, 1, pp 165-185 ;
5 D. CHOFFEL, F. MEYSSONNIER (2005), « Dix ans de débats autour du Balanced Scorecard », CCA , Tome 11, vol 2, pp 61-81.
6 F. MEYSSONNIER et F. POURTIER (2004), « Les ERP changent-ils le contrôle de gestion », CCA , Tome 12, pp 45-64.
7 G. NARO (1999). « Compétitivité, rentabilité, productivité, emploi….contrôle de gestion et GRH », Document interneERFI, Université
Montpellier I.
8 H. BOUQUIN: Pourquoi le contrôle de gestion existe-t-il encore ? Gestion 2000, volume 21, N°3, septembre 1996, pages 97 et sq.
LE CONTROLE DE GESTION : 15

par la hiérarchie, par la bureaucratie, par le marché et par la culture. On peut


résumer ces aspects dans le tableau suivant :
Les autres aspects du contrôle
Source: d’après A. BURLAUD et C. SIMON : Le contrôle de gestion, 123 pages,
La Découverte, 1997).
Il s’agit d’un pilotage direct réduisant au maximum l’autonomie formelle des acteurs. Il n’a pas
Le contrôle par la

que des aspects négatifs car il remplace l’incertitude par une certitude (par exemple, la certitude
d’avoir appliqué des directives venues de la hiérarchie). Bien utilisé, le contrôle par la hiérarchie
hiérarchie

apporte un équilibre entre l’initiative individuelle qui ne peut jamais totalement disparaître et une
coordination évidemment nécessaire. Le contrôle de gestion ne se substitue pas complètement au
contrôle par la hiérarchie, mais vient en atténuer certaines caractéristiques : allégement des
contrôles a priori, accélération des processus de prise de décision, meilleure motivation,
responsabilisation des personnels.
De type bureaucratique, ce contrôle correspond à un pilotage mécanique. Il s’impose dans
Le contrôle par le règlement et

certaines formes d’organisations notamment publiques, mais il existe aussi dans toutes les
entreprises ayant des procédures de contrôle interne qui évitent aussi bien les erreurs que les
tentations de fraude. Les limites de ce mode de contrôle tiennent au fait qu’il ne porte pas sur
les procédures

l’action elle-même mais sur la procédure par laquelle chaque acteur définit la substance de son
action. Il résulte une rigidité peu compatible avec la flexibilité requise par une concurrence active
et une mobilisation des capacités de création du personnel. Le règlement a, par contre, d’autres
qualités: en formalisant le savoir-faire, il permet sa capitalisation dans l’organisation; en
dépossédant les individus de l’exclusivité du savoir-faire, il permet des substitutions dans le
personnel et par conséquent, une certaine flexibilité. L’audit est une forme de contrôle par le
règlement.
Il suppose le découpage de l’organisation en entités autonomes ayant chacune un compte
d’exploitation ou de résultat. Chaque entité peut s’approvisionner ou vendre librement à l’intérieur
Le contrôle par le marché.

du groupe ou en dehors du groupe. La société holding gère un portefeuille de participations et se


défait des filiales les moins rentables pour en acquérir d’autres. Sous peine de sanction, dans
chacune des filiales le coût doit ainsi nécessairement rester inférieur au prix du marché. Ce type de
contrôle est souple, clair et efficace, mais il ne peut traduire une stratégie industrielle ou
commerciale à long terme pouvant amener à supporter pendant plusieurs années des déficits en vue
d’un avantage ultérieur parfois déterminant. Les perpétuels changements de frontières du groupe
s’opposent aussi à un apprentissage organisationnel parfois long mais source de gains de
productivité. Les effets de synergie sont minimes. Il permet une mise sous tension du personnel et
une flexibilité maximale.
Il s’appuie sur un ensemble de valeurs généralement partagées par le personnel d’une organisation.
Le contrôle par la

Ces valeurs émergent et se construisent progressivement au sein de la collectivité mais elles


peuvent être modelées par l’entreprise. Ainsi, les différents projets d’entreprise cherchent à
culture

expliciter et développer certaines d’entre elles ou à en réduire d’autres. La communication interne


(journaux d’entreprise, etc.) peut avoir les mêmes objectifs. La création d’un langage commun
mettant à la mode certaines expressions (orales mais aussi gestuelles ou vestimentaires) est un
instrument essentiel de contrôle de la culture.

Le contrôle de gestion tel que nous le connaissons n’est qu’un mode parmi d’autre
de contrôle organisationnel. W. OUCHI9 note dès 1977 que les mécanismes de
contrôle organisationnel ne s’appuient pas uniquement sur le contrôle des

9 W. OUCHI (1977), “The relationship between organizational structure and organizational control”, Administrative Science Quaterly, vol
22, pp 95-113.
LE CONTROLE DE GESTION : 16

comportements (règles) ou des résultats (standards budgétaires par exemple) mais


aussi sur des contrôles de type clan (intériorisation de valeurs). Plus récemment,
un courant de recherche portant sur les aspects comportements du contrôle
budgétaire s’est posé la question de l’application du contrôle de gestion à des
organisations pour lesquelles il n’avait pas été créé à l’origine10. Les résultats de
ces travaux montrent que les systèmes classiques de contrôle par les résultats ou
les règles ne sont pas efficaces dans des organisations mouvantes et complexes.
Comme le souligne G. NARO (1998)11, « le contrôle classique peut dans ces cas
être complété par un ensemble de processus informels faisant appel au
management des hommes : développement de valeurs et de buts partageables,
intériorisation des buts organisationnels par le développement d’une culture
organisationnelle, standardisation des qualifications, autocontrôle et implication
des acteurs etc…».
2- LES LIMITES DES SYSTEMES ACTUELS DE CONTROLE DE GESTION:
G. Hofstede a montré, dès le début des années 80, que les outils de contrôle
généralement utilisés n’étaient utilisables que dans des cas très particuliers
supposant le caractère non ambigu des objectifs, la possibilité de mesurer les
résultats, la connaissance des effets prévisibles des actions correctives et la
répétitivité de l’activité. L’approche traditionnelle du contrôle de gestion basée sur
la séquence plan - programme – budget – suivi – contrôle – sanction –
récompense ne fonctionne correctement que dans des hypothèses très restrictives.
2/1 LES FACTEURS DE REMISE EN CAUSE DU CONTROLE GESTION:
Les principales critiques susceptibles de remettre en cause le contrôle de gestion
peuvent semble-t-il être regroupées autour de trois thèmes: la question des
ruptures liées à la crise, les problèmes liés à la visibilité de la planification
stratégique, une nouvelle formalisation de la chaîne de création de valeur. On
parle depuis les années 1980 de l’impact des crises récurrentes et de la remise en
cause du contrôle de gestion. La crise actuelle des années 2008 vient confirmer
cette problématique. Elle montre que les entreprises se trouvent de plus en plus
souvent confrontées à des situations d’ignorance partielle. L’essentiel n’est plus,
dès lors, de détecter des écarts grâce à un outil (comptable) sophistiqué. Ce qui
domine, c’est la recherche des impacts qu’ils auront, le diagnostic qu’il faut en
tirer, les ajustements à effectuer dans les plans d’action. Une telle perspective
remet en cause la vision traditionnelle du contrôle de gestion et son champ
d’action. Il ne s’agit plus seulement de s’assurer que les ressources sont utilisées
conformément aux objectifs généraux de l’organisation, mais de fournir aux
décideurs le moyen de gérer les risques de toutes natures qui sont la conséquence
d’une incertitude plus étendue. R. MAEDER s’interroge sur l’apparition de

10 M.A. ABERNERTY, P. BROWNELL (1997) « Management Control Systems in Research and Development Organizations : the Role of
Accounting Behavior and Personnel Control », Accounting, Organizations and Society, vol. 2, n°3-4, pp 233 -248.
11 G. NARO (1998), « La dimension humaine du contrôle de gestion : La recherche anglo-saxonne sur les aspects comportementaux de la
gestion budgétaire », Comptabilité, Contrôle, Audit, Tome 4, vol 2, pp 45-69.
LE CONTROLE DE GESTION : 17

nouvelles missions pour le contrôle.12 Il note que l’univers de référence du


contrôle reste celui d’un univers stable et qu’il est difficile de formaliser des
processus de contrôle dans un univers changeant. R. SIMONS (1995), comparant
les anciens objectifs des systèmes de contrôle aux nouveaux, établit le tableau de
synthèse suivant :13
Ancien Nouveau
Stratégie top/down Stratégie centrée sur le consommateur et le marché
Standardisation Personnalisation
Suivi des plans Processus d’innovation continu
Maîtriser l’activité Satisfaction des besoins du consommateur
Pas de surprise Empowerment (responsabilisation).
Le rôle du contrôle de gestion est à cet égard essentiel dans la mesure où il doit
faciliter le recyclage rapide des informations pertinentes. Admettre que le
problème central est celui des champs de turbulence, c’est déjà orienter la
procédure du plan et des budgets. Ph. LORINO rappelle que deux hypothèses
servent de fondement aux systèmes de contrôle : l’hypothèse de simplicité et de
stabilité. La simplicité permet la décomposabilité de l’organisation en centres
autonomes. Cette décomposition fait que la performance globale résulte de la
somme des performances locales et peut donc être contrôlée par délégation.
Simplicité et stabilité fondent la pertinence de la norme pour servir de référentiel
stable sur lequel on peut concevoir un modèle de contrôle. Malheureusement, la
complexité croissante des organisations et de leurs activités liées à l’instabilité des
mécanismes de performance débouchent sur des systèmes sociaux peu
prédictibles et incontrôlables au sens classique du mot contrôle. La maîtrise de ces
systèmes nécessite le passage du paradigme du contrôle au paradigme du
pilotage.14
Paradigme du contrôle Paradigme du pilotage
Ressources Modes opératoires et compétences
Allocation, transactions Diagnostic
Décisions Activités
Séquences d’événements discrets Déroulements continus
Clivage plan/contrôle Changement continu
Décomposition hiérarchique Intégration
Le plan et la prévision ne sont pas inconciliables avec la réactivité à court terme
dans la mesure où l’on conçoit une stratégie d’évolution qui vise à réduire
l’incertitude grâce à une meilleure prévision et à une amélioration de la réactivité
globale de l’entreprise en développant des capacités d’adaptation des hommes et
des structures. De telles pratiques supposent que l’on puisse évaluer les facteurs-
clés de succès et configurer l’organisation de façon à tirer parti des opportunités
stratégiques. Force est de constater que les pratiques actuelles au niveau du
contrôle de gestion sont loin d’offrir un cadre adapté à ce discours théorique.

12 R. MAEDER: De nouvelles missions pour le contrôle, Revue Française de Gestion, Janvier Février 1991.
13 Source: R. Simons (1995) :Levels of control, Boston, Harvard Business School Press.
14 D’après Ph. LORINO : Méthodes et pratiques de la performance, Les éditions d’organisation, Paris, 1997.
LE CONTROLE DE GESTION : 18

Henri Bouquin propose une explication plus générale de la limite des modèles de
contrôle de gestion en rappelant qu’ils reposent sur trois hypothèses de base: le
cloisonnement des centres de décision, l’articulation du court et du long terme et
l’hypothèse culturelle. Ces trois hypothèses sont fortement remises en cause et
limitent de ce fait le modèle classique. L’hypothèse de cloisonnement renvoie à la
notion de centre de responsabilité donc à un certain type de structuration de
l’organisation (la prolifération des réseaux, des alliances et des relations de
partenariat réduit l’indépendance du centre). L’évaluation de la performance
suppose que l’on puisse définir une articulation entre court terme et long terme
mais celle-ci est de plus en plus difficile à assurer. Enfin, le modèle classique
repose sur une hypothèse culturelle forte, celle de l’optique contractuelle
privilégiant la post-évaluation basée sur des résultats chiffrés. Or, d’autres voies
existent et peuvent se montrer, dans certains cas, aussi pertinentes.
2 / 2 LES DIFFICULTES LIEES A LA CRISE DE LA REPRESENTATION
COMPTABLE DE L’ORGANISATION
Le contrôle de gestion reste lié au système d’information comptable. Ce dernier
ne donne une image correcte de la performance et de la structure d’une entreprise
que dans un environnement relativement stable et peu perturbé.15 L’information de
gestion reste en grande partie figée lorsqu’il s’agit de rendre compte des situations
de crise ou de rupture. Ces insuffisances peuvent être aggravées par une vision
abusivement financière du contrôle de gestion. Les autres facteurs potentiels
d’obsolescence de l’information comptable sont identifiés, qu’il s’agisse de
l’inversion de la pyramide des coûts, de la réduction des coûts industriels, de
l’accroissement de la part des services dans la création de valeur, de l’importance
du savoir-faire et de la connaissance, de la dématérialisation de l’entreprise et de
sa production, de la globalisation et de la financiarisation de l’économie, ou
encore de l’impact considérable des nouvelles technologies de l’information. Le
paradigme de l’entreprise patrimoniale n’assure plus forcément la meilleure
représentation comptable des structures actuelles des organisations dès que celles-
ci sont complexes. Les mutations actuelles de l’économie, sous l’impact
notamment de la globalisation et de la financiarisation des échanges, accentuent
les phénomènes de transformation des entreprises (dématérialisation, hiérarchies
plates). Dans ce contexte, le système de contrôle de gestion se heurte à la
difficulté de mesurer les actifs immatériels puisque les outils mis à sa disposition
sont imprégnés de l’approche traditionnelle où les relations entre la production et
les coûts sont stables. L’ampleur des actifs immatériels du fait de la tertiarisation
de l’économie apparaît comme une limite forte de la représentation comptable et,
à travers elle, de la pertinence du contrôle de gestion qui lui est associé.
3- LES PROBLEMES LIES A LA MODELISATION DU PROCESSUS DE
CREATION DE VALEUR:

15 D. LECLERE : Configurations structurelles hybrides et hétérogénéité du contrôle de gestion, Actes du XVI ème congrès de l’AFC, Mai
1995, volume 2, pages 1103 et sq M. SAKURAI : Past and future of japanese management accounting, Journal of cost management, volume
9, N°3, fall 1995, pages 21 et sq.
LE CONTROLE DE GESTION : 19

Il semble admis que la modélisation du processus de création de valeur devrait


sous-tendre le système d’information de gestion. La principale mission du
contrôleur de gestion relève de l’ingénierie. Il s’agit de mettre en place les
conditions nécessaires à la bonne fin du processus assurant le contrôle et de
contribuer à une représentation opératoire de la chaîne de création de valeur dans
l’entreprise. Cette représentation utilise l’outil comptable comme instrument non-
exclusif de modélisation. La mesure et le suivi d’un indicateur de performance de
période (l’exercice comptable par exemple) sont restés longtemps la base du
contrôle. A partir du moment où le contrôle porte sur la performance globale de
l’organisation plusieurs questions surgissent. La performance globale est aussi une
performance « hors-prix », le système de mesure ne peut négliger sa composante
principale, (le potentiel humain, mais comment le mesurer ?). La rentabilité de
l’entreprise peut-elle faire apparaître, à côté de l’effet de levier classique de
l’endettement, un effet de levier des ressources humaines ? La création d’un rating
social permet-elle une meilleure allocation des fonds par une meilleure
appréhension du risque social ? Le contrôle social s’oppose-t-il au contrôle de
gestion classique parce qu’il s’opère dans un environnement différent: les
hommes, leurs activités, les rapports des groupes, l’ensemble des relations établies
autour de la production ? La gestion des rémunérations est au cœur d’une stratégie
d’organisation et d’incitation. Elle conditionne l’implication des acteurs. Mais les
crises et la multiplication des plans sociaux ont très nettement provoqué un retour
en arrière qui s’est traduit par une perte de confiance à l’égard des dirigeants et
par une diminution de l’adhésion aux valeurs collectives de l’entreprise.16
Les mutations de l’entreprise et de son environnement tendent à faire émerger des
problématiques liées à la création de valeur. Ces problématiques sont forcément
plus complexes car elles impliquent une vision à plus long terme, elles mobilisent
des représentations plus globales de l’organisation (implication des acteurs,
qualité des structures, état des ressources, création de potentiels..). Cela soulève
plusieurs questions. Ce type d’approche peut-il être formalisé par le système
d’information de gestion ? L’approche en termes de processus, aussi bien au
niveau des coûts (ABC) que des décisions de gestion (ABM), est une réponse
possible. Le cadre conceptuel de cette analyse des activités est-il bien celui de la
chaîne de valeur de PORTER? Si oui, il est clair que le renouveau des méthodes
d’analyse des coûts (et donc des performances) tient une place privilégiée mais
non exhaustive (importance des approches qualité créativité). La question centrale
res celle de la place relative de la valeur financière et de la valeur stratégique.
G. NARO (1999, op cit.)17 apporte à ce titre un éclairage intéressant en proposant
deux configurations de systèmes de contrôle de gestion :
- un système de contrôle de gestion « orienté client » à travers la relation coût-
création de valeur client. Il place l’implication des acteurs, la fidélité des salariés,

16 M. LACOMBE SABOLY et B. SIRE: ESUG Toulouse, 1995.


LE CONTROLE DE GESTION : 20

la promotion de l’apprentissage organisationnel au cœur des processus de


compétitivité de long terme.
- un système de contrôle de gestion « orienté actionnaire » centré sur la maîtrise
de la rentabilité pouvant conduire dans certains cas à des politiques de
désinvestissement, d’externalisation ou de délocalisation. Celui-ci place la
recherche de performance à court terme au centre des préoccupations et répond
aux exigences externes de globalisation des marchés.
Entre ces deux configurations extrêmes, un continuum de systèmes de contrôle
« social » peut-être envisagé. Ainsi, B. MARTORY montre que le contrôle social
diffère très profondément du contrôle de gestion classique parce qu’il s’opère
dans un environnement différent.

Le contrôle de gestion sociale


Par contre le modèle global, sous-jacent au contrôle de gestion classique et au Contrôle de gestion social est
identique. 18
Le contrôle social face aux nécessités Le contrôle social face au hasard
Les règles de droit s’imposent dans toutes les unités : D’un autre côté, il faut prendre en compte la variété
elles règlent la détermination des rémunérations, le du jeu des acteurs, les aléas des comportements,
calcul des cotisations patronales, la fixation des temps l’importance de l’intuition et du talent des décideurs,
et des rythmes de travail. C’est aussi la prise en des effets d’apprentissage et le rôle primordial de
compte d’un certain nombre de règles arithmétiques l’expérience. Le champ de la mesure et de l’analyse
du comportement des évolutions de la masse dépasse alors celui de la quantification objective; on
salariale, d’analyse des écarts, de consolidation des entre dans le domaine de l’appréciable où la
budgets. Ces approches relèvent du chiffre: c’est le modélisation devient impossible: c’est le domaine du
domaine de la nécessité. hasard.
Les points communs Les divergences
La mise sous tension de l’organisation sous les formes Les différences apparaissent dans les outils, leur
les plus diverses dont le contrôle budgétaire mise en œuvre et les acteurs concernés. Elles
Le besoin de création de cohérence, notamment entre rendent les approches irréconciliables. Dans le
l’économique et le social, C.G.S, la part du hasard dans le jeu des acteurs, les
Le partage des représentations entre chaque acteur et modes de mesure des performances, les modalités
les différents groupes de l’organisation, d’exercice du pouvoir prennent souvent le pas sur la
nécessité d’une mise sous tension plus strictement
pilotée.

4- LA QUESTION DE LA CONTINGENCE DES SYSTEMES DE CONTROLE


DE GESTION
L’idée générale est qu’il n’y a aucun système de contrôle universellement
approprié pour s’appliquer dans toutes les circonstances. L’applicabilité des
mécanismes de contrôle est donc contingente. Elle dépend des circonstances et du
contexte auquel est confrontée l’organisation. La littérature sur le contrôle
contingent a connu d’importants développements. Elle est devenue un des
paradigmes dominants pour la recherche sur les systèmes (design) de contrôle de
gestion. Une des faiblesses majeures de ces recherches est l’aspect fragmentaire

18 B. MARTORY : Le contrôle de gestion sociale - Ed. Vuibert, Paris, 1990.


LE CONTROLE DE GESTION : 21

de l’approche. Par exemple, beaucoup d’études n’examinent qu’un seul facteur


contingent relié à un attribut du contrôle, or l’analyse est plus complexe et devrait
examiner les relations entre les multiples facteurs de contingence simultanés et
leurs relations avec le système de contrôle. Henri Bouquin note que si l’on ne
dispose pas d’une théorie générale de la contingence, il apparaît désormais
pertinent de poser la question des différents types de coordination qui doivent être
assurés dans les organisations pour obtenir leur performance et leur survie. La
contingence apparaît alors comme une façon d’appréhender la différenciation des
modèles de contrôle, en raison des contraintes culturelles, techniques,
environnementales d’une part, et en raison de la variété des stratégies qui doivent
être mises en œuvre d’autre part.

Les facteurs de contingence du contrôle de gestion


D’après : Joseph FISHER: Contingency-based research on management control systems : categorization by
level of complexity, Journal of accounting litterature, volume 14, 1995, pp 24-53.)
1. ENVIRONNEMENT EXTERNE
- Incertain contre Certain
- Statique contre Dynamique
- Simple contre Complexe
-Turbulent contre Calme
2. STRATEGIE COMPETITIVE ET MISSION
- Mintzberg : (entreprenant, adaptatif ou planificateur)
- Porter : (domination par les coûts, différenciation ou spécialisation)
- Miles – Snow : (défenseur – prospecteur, ainsi que les formes hybrides l’analyste et le réacteur)
- Cycle de vie du produit : (construire, renforcer, récolter, liquider)
3. TECHNOLOGIE
- Woodward : petite série, grandes séries, production adaptée ou production de masse
- Perrow : nombre d’exceptions. nature du processus de recherche
- Interdépendance des processus : regroupé, séquentiel, réciproque
4. L’ENTREPRISE ET LES VARIABLES de l’industrie
- La dimension de la firme
- La taille des centres de profit
- La diversification: ( produit unique, portefeuille de produits)
- La structure : forme en U, en M ou hybride
5. DEGRE DE CONNAISSANCE DES FACTEURS
- Connaissance des processus de transformation
- Le résultat ou la production
- Le comportement ou l’effort
D’autres auteurs ont mis en évidence le rôle des innovations industrielles comme facteur déterminant les
changements de système de contrôle. Les principales innovations concernent :
 Les modes de production avec l’introduction de nouvelles techniques telles le juste à temps ou la qualité
totale.
 La modification de la structure des coûts.
 L’automatisation des processus de production.
 Le raccourcissement du cycle de production.
 Le développement de la qualité et du coût d’obtention de la qualité.
LE CONTROLE DE GESTION : 22

Les critères de contingence font l’objet de travaux renouvelés comme en témoigne


l’étude de P-L BESCOS et alii (2004)19. La perception de l’outil budgétaire est
testée par les auteurs pour les facteurs de contingence suivant : l’effet taille, la
cotation en bourse, la stratégie poursuivie et le degré d’incertitude de
l’environnement. Il ressort que le degré d’incertitude influence fortement les
attitudes vis-à-vis du processus budgétaire confirmant les études de N.
BERLAND (2004, op. cit.) soulignant l’inadaptation des systèmes budgétaires
traditionnels à des univers changeants. Y. DUPUY et F. VILLESEQUE (2008)20
ont pour la part testé la contingence des pratiques budgétaires au type de stratégie
poursuivie (recherche de domination par les coûts et de différenciation). Les
conclusions de leur étude rappellent que le formalisme budgétaire est plutôt au
service de stratégies défensives et donc de stabilité. Ces résultats s’appuient en
amont sur les travaux de R. SIMONS (1990) 21 constatant que les « dans les
entreprises classées en défenseurs, la préparation des budgets est fortement
déterminée par des objectifs financiers stricts fixés ex ante. En revanche chez les
prospecteurs, le montage des budgets donnerait lieu à des discussions intenses
portant sur les stratégies à suivre » (cité par P-L BESCOS et alii, p 170). Il
convient aussi de souligner que le contrôle de gestion est une pratique « sociale et
institutionnelle »22 : d’une part parce qu’elle est influencée par les caractéristiques
culturelles des pays qui l’ont développée, d’autre part parce que le contrôle de
gestion façonne en retour les sociétés en contribuant à produire leur normes de
fonctionnement23. Annick BOURGUIGNON et alii (2002)24 se sont à ce titre
interrogés sur la dimension culturelle des instruments de gestion en s’appuyant sur
l’exemple des tableaux de bord et des « Balanced Scorecard ». Les principales
différences entre les deux outils (par exemple le fait que le « Balanced scorecard »
s’appuie sur un modèle causal de la performance, et qu’il est utilisé comme
moyen de rémunération des managers alors que ce n’est pas le cas du tableau de
bord français) peut en fait s’expliquer par des différences culturelles. A titre
d’exemple, l’environnement incertain dans lequel évolue le salarié américain peut
expliquer le besoin que l’outil de gestion avec lequel il travaille exprime avec
clarté la stratégie de l’entreprise et les objectifs à atteindre et les actions à mener.
Le goût pour la théorie en termes de traditions philosophiques françaises (par
opposition au pragmatisme américain enclin à consommer des outils prêts à
l’emploi) permet de comprendre que les tableaux de bord français nécessitent un
minimum d’investissement et d’appropriation avant que les premiers résultats
soient visibles. Enfin, la confiance américaine dans les outils de gestion explique

19 P-L. BESCOS, E. CAUVIN, P. LANGEVIN, C. MENDOZA (2004), « Critiques du budget : une approche contingente », CCA , Tome
10, vol 1, pp 165 -185.
20 F. DUBUS-VILLESEQUE, Y. DUPUY (2008), « L’évolution des pratiques budgétaires dans les entreprises : innovation ou
régression ? », Papier de Recherche, CREGOR, Université de Montpellier,
21 Simons R. (1990), « The Role of Management Control Systems in Creating Competitive Advantage : New Perspectives », Accounting,
Organizations and Society, vol. 15, n ° 1-2, pp 127 – 143;
22 G. NARO (1999), op. cit.; A.G. HOPWOOD, P. MILLER (1994), Accounting as social and institutionnal practice, Cambridge University
Press.
23 A. GIDDENS (1984), The constitution of Society, Cambridge, Polity Press, 1984.
24 A. BOURGUIGNON, V. MALLERET, H. NORREKLIT (2002), “L’irréductible dimension culturelle des instruments de gestion:
l’exemple du tableau de bord, op. cité.
LE CONTROLE DE GESTION : 23

que les managers prennent le risque de laisser ces outils déterminer leur
évaluation et rémunération, ce qui n’est pas le cas en France. Au-delà de ces
exemples, « ce dévoilement est utile par qu’il suggère qu’en matière d’importation
d’innovations managériales, la culture agit comme une contrainte : sans accord
minimum entre les représentations implicites des méthodes et la culture locale, on
peut penser que l’innovation ne se diffusera pas, quelles que soient les logiques
institutionnelles à l’œuvre » (p 29).
5- CONTROLE, CRISE OU RUPTURE
Les stratégies de crise ou de rupture oscillent entre deux conceptions. Une
première conception considère qu’une crise n’est qu’un accident entre deux
périodes de croissance. S’il en est bien ainsi, le problème à résoudre est celui de
l’adaptation des outils de gestion traditionnels basés, la plupart du temps, sur une
hypothèse de croissance tendancielle dans un environnement relativement stable.
L‘autre conception de la crise fait l’hypothèse d’un « état de rupture » caractérisé
par une grande instabilité permanente. Le problème est alors celui de la
conception de nouveaux outils de gestion.
CRISE PROVISOIRE RUPTURE A CARACTERE DURABLE

RELATIVE STABILITE DES STRUCTURES INSTABILITE DES STRUCTURES ET DES


ET DES PRODUITS PRODUITS
Les outils traditionnels du contrôle de gestion Les outils sont à repenser ou du moins à remettre
sont adaptables: fortement en cause:
on peut utiliser l’incertain et la linéarité de mettre l’accent sur la discontinuité qui rend
certains modèles reste acceptable, la relative problématique l’extrapolation,
continuité des opérations permet d’extrapoler les réfléchir aux problèmes de rupture des systèmes
tendances et les variables pertinentes, (catastrophes, chaos , non-linéaire et discontinuité des
modèles ), réfléchir à de nouvelles représentations de la
complexité ...
PERTINENCE DE LA PLANIFICATION IMPOSSIBILITE DE PLANIFIER EN RAISON DES
STRATEGIQUE DISCONTINUITES
LE CONTROLE DE GESTION PEUT ETRE LE CONTROLE DE GESTION NE PEUT PLUS
L’INTERFACE DE LA STRATEGIE ET DU DECLINER LA STRATEGIE
CONTROLE OPERATIONNEL
Les approches basées sur la comptabilité de Des critères de marché ou de risque de défaillance
gestion (notamment l’ABC et l’ABM) sont peuvent conduire à une prédominance d’un contrôle
naturellement compatibles avec des critères de purement financier basé sur la rentabilité à court terme
performances à moyen et long terme
Possibilité de reconfigurer l’entreprise sur la base Risque de reengineering « sauvage », logique
d’une évaluation des processus et des activités et d’externalisation systématique voire de liquidation
en cohérence avec les facteurs-clés de succès
Les référentiels internes peuvent s’ajuster sur des Les référentiels externes fournis par le marché risquent
critères de marché (coût-cible par exemple) de prendre le pas sur des critères internes de
performance.
LE CONTROLE DE GESTION : 24

Les années 2000 ont été marquées par un certain nombre de critiques formulées à
l’encontre des budgets (CAM-I, 1999)25 . Parmi les critiques récurrentes, a été
avancé le fait qu’ils enferment les managers dans des contraintes trop fortes,
qu’ils ont souvent construits sans lien avec la stratégie, qu’ils sont constitués par
la reprise des chiffres de l’année passée, qu’ils sont souvent complexes et
uniquement financiers. Ces dysfonctionnements ont été synthétisés par I.
GIGNON-MARCONNET (2003)26 dans le tableau suivant :
MOTIFS D’UTILISATION DYSFONCTIONNEMENTS
La gestion des équilibres financiers
La prévision des équilibres financiers Le manque de fiabilité des prévisions
La communication financière
L’allocation des ressources financières
L’ajustement organisationnel
La déclinaison de la stratégie L’arbitrage à court terme
L’émergence de buts et de stratégies La création de conflits
La résolution des conflits La manipulation des chiffres
La coordination des activités
La communication sur les objectifs

Le pilotage et l’évaluation des performances


Le pilotage de la performance opérationnelle L’incapacité à intégrer les facteurs actuels de
L’évaluation des individus sur, et leur motivation par, performance
le respect du budget pour un contrôle des Le slack négatif
responsabilités L’évaluation non pertinente des individus et la
démotivation qui en découle
L’orientation des comportements
La réflexion, la prise de recul La lourdeur pour les opérationnels
Les résultats comme critère d’allocation des La lourdeur pour les gestionnaires
ressources futures La démotivation en raison d’objectifs trop élevés
La contrainte dynamisante La démarche trop incrémentale
La motivation par des objectifs ambitieux
La motivation par la responsabilisation, la
participation, la valorisation
Le slack positif
La sécurisation des individus
La référence sécurisante
La sécurisation du gestionnaire sur les données qu’il
transmet
La conformation à des rituels de gesiton
Les liens techniques avec d’autres outils
Alimentation par ou d’autres outils Inadaptation ou lourdeur du système budgétaire en
raison de ses liens avec d’autres outils
Source : I. GIGNON-MARCONNET, p 65.
Cette remise en cause a été l’occasion de poser la question suivante : peut-on
gérer sans budget ? (N. BERLAND, 2002)27. Une analyse approfondie d’études de
cas a permis à l’auteur de comprendre et nuancer les critiques formulées par les
praticiens. Ainsi, « les critiques autour du budget semblent se concentrer sur

25 CAM I (1999), Beyond Budgeting, White Paper, May.


26 I. GIGNON-MARCONNET (2003), « Les rôles actuels de la gestion budgétaires en France : une confrontation des perception de
professionnels avec la littérature », CCA, tome 9, vol 1, pp 53-78.
27 N. BERLAND (2002), « Comment peut-on gérer sans budget », in Science de gestion et pratiques managériales, Réseau des IAE,
Economica, 16ème congrès des IAE, pp 411-421 ;
LE CONTROLE DE GESTION : 25

certaines de ses fonctions. C’est lorsqu’il est utilisé comme outil de prévision-
planification qu’il est le moins critiqué. En revanche, dès qu’il sert à évaluer ou à
coordonner les services, il semble que les managers rencontrent des difficultés à
l’utiliser et que des effets pervers apparaissent » (N. BERLAND, 2004, p 55). De
plus, la manière dont certains managers se servent du budget peut être à la source
de dysfonctionnements. En effet, l’absence de différenciation des données peut
conduire à une saturation de l’attention de managers. Au contraire la distinction
de Simons entre un contrôle diagnostic et un contrôle interactif permet de
minimiser les critiques formulés à l’encontre des budgets. Si la tendance semble
être celui d’un recours moins fréquent au système budgétaire au profit de tableaux
de bords stratégiques et à une simplification des données diffusées, d’autres
études réaffirment au contraire la place prééminente des budgets au sein des
systèmes de contrôle. A partir d’un observatoire sur les pratiques budgétaires
d’entreprises en Languedoc Roussillon, Y. DUPUY et F. VILLESEQUE-DUBUS
(2008)28 montrent en effet que les procédures budgétaires semblent encore jouer
un rôle marquant dans le pilotage des organisations. Les systèmes budgétaires
sont ainsi présentés comme un support majeur d’apprentissage (via les révisions
budgétaires) et de l’intégration organisationnelle (car leur élaboration s’avère
concertée). Néanmoins, on n’observe pas de « tyrannie du chiffre » (les écarts sont
peu diffusés aux opérationnels). Il convient aussi de noter que ces budgets
constituent plutôt un outil de diagnostic et servent essentiellement au pilotage
stratégique. Ainsi, les budgets s’avèrent nécessaires mais non suffisants : les
tableaux de bord sont, en effet, utilisés de façon complémentaire pour assurer la
contrôlabilité des organisations. L’importance des budgets est aussi soulignée par
S. GAGO et D. E. PURDY (2007)29 : le test d’un certain nombre d’hypothèses
relatives au degré de négociation du budget avec l’ensemble des managers, à
l’importance perçue de ces budgets, au degré de formation et d’expérience requis
pour les utiliser ….ont permis de souligner les paramètres suivants : Pour être
considérés comme pertinents, les budgets se doivent être négociés, délivrés à
temps et enrichis d’informations complémentaires d’origine non-comptable. Enfin
les managers dont les salaires sont indexés sur la performance ont une conscience
plus aigue de l’importance des budgets. Parallèlement, ceux disposant d’une
formation et d’une expérience d’utilisation sont plus à même d’en apprécier la
portée. Le retour en grâce des systèmes budgétaires est aussi accentué selon Y.
DUPUY et F. VILLESEQUE-DUBUS (2008)30 par la financiarisation des
entreprises relayée par la diffusion des normes IFRS et le pouvoir recouvré des
contrôleurs de gestion dans le processus de diffusion des PGI (progiciels de
gestion intégrés). D’autres facteurs sont avancés par I. GIGNON-MARCONNET
(2003) pour expliquer le maintien de l’outil budgétaire en dépit des critiques dont
il a fait l’objet. Selon l’auteur, « le maintien de la gestion budgétaire tient plus à

28 F. DUBUS-VILLESEQUE, Y. DUPUY (2008), « L’évolution des pratiques budgétaires dans les entreprises : innovation ou
régression ? », Papier de Recherche, CREGOR, Université de Montpellier,
29 S. GAGO, D.E. PURDY (2007), « The importance of budgets », Congrès MCA, Paris.
30 Op. cit.
LE CONTROLE DE GESTION : 26

ses rôles humains (d’orientation des comportements et de sécurisation des


individus) qu’économiques (déclinaison de la stratégie, coordination, pilotage et
évaluation des performances)» (p. 70). En effet, le budget constitue l’occasion
d’établir une réflexion, de responsabiliser les individus sur des objectifs ambitieux
(en particulier lorsqu’il est participatif). Parallèlement, le budget est perçu comme
une « référence sécurisante », « un repère », « un guide » auquel les contrôleurs
restent très attachés. Ainsi, en dépit des critiques dont il a fait l’objet, « on observe
donc paradoxalement une certaine pérennité de cet instrument de contrôle » (F.
VILLESEQUE-DUBUS, 2005, op. cit. p 128) voire même un renouveau de
l’outil.
6 NOUVELLES FORMES ORGANISATIONNELLES ET CONTROLE DE
GESTION
La globalisation des économies, accélère l’apparition de nouvelles formes
d’organisation. Le passage de l’approche patrimoniale à l’entreprise virtuelle ou
en réseau d’une part, la dématérialisation et le poids de plus en lourd des
incorporels d’autre part, posent de redoutables problèmes en matière de
représentation comptable et de contrôle de gestion. On peut, en effet, se poser la
question de l’entité qui, devenant beaucoup plus floue, suscite des interrogations
sur le contrôle de quoi et pour qui ? (quelle organisation, pour quels détenteurs?).
F. Fréry propose une typologie (mais d’autres sont bien sûr utilisables) basée sur
l’opposition intégration - externalisation d’une part et logique de patrimoine ou
logique d’exploitation d’autre part. La situation qui correspond à une logique
d’exploitation et d’externalisation pourrait comprendre les organisations en
réseaux.31 En suivant cette logique, on peut schématiser la problématique du
système d’information et du contrôle de gestion de la façon suivante:
Logique d’exploitation et intégration des opérations Logique d’exploitation et dématérialisation
Comptabilité intégrée, développement de Comptabilité du non patrimonial, de l’immatériel, des
l’information comptable segmentée réseaux et des organisations virtuelles.
Impact significatif de la comptabilité créative Comptabilité de quelle entité, pour quels détenteurs,
Organisation matricielle, selon quelles normes?
Contrôle de gestion décentralisé Contrôle de gestion à définir.

Logique de patrimoine et intégration des opérations Logique de patrimoine et externalisation des


Comptabilité patrimoniale traditionnelle opérations. Comptabilité consolidée
Normalisation nationale Applications des normes internationales,
Impact faible de la comptabilité créative impact fort de la comptabilité créative, utilisation des
Organisation fonctionnelle options offertes par le référentiel international
Contrôle de gestion de type traditionnel Organisation divisionnelle, Contrôle de gestion de
type R.O.I
Cette évolution vers une entreprise dématérialisée remet en question les outils
classiques du contrôle de gestion fondés sur les critères patrimoniaux habituels

31 FRERY F.: « Et si l’entreprise n’était qu’un épisode de l’histoire? » Annales du Management, XII èmes Journées Nationales de IAE,
Montpellier 1994.
LE CONTROLE DE GESTION : 27

tels que le rendement des actifs. Des pistes de renouvellement des outils de
contrôle récemment ont été proposées pour s’adapter aux nouvelles formes de
structures modernes en particulier celle de la firme-réseau. Il s’agit en particulier
des budgets transversaux (ABB : activity based budgeting). L’existence de ces
budgets (58% de l’échantillon) mais aussi leur diversité a été soulignée par F.
VILLESEQUE-DUBUS (2005). Il semble tout d’abord que les budgets
transversaux soient très étroitement liés aux découpages organisationnels par
activités, processus ou métiers. Ils se distinguent des budgets hierarchico-
fonctionnels classiques car leur dimension est fréquemment associée aux produits
et marchés. Cependant, ils sont aussi complémentaires de ces derniers car utilisés
dans une optique de « coordination stratégique » mais aussi de supports de
« rationalité instrumentale » dans la mesure où ils servent au suivi des réalisations
via le calcul des écarts. C’est donc leur complémentarité plus que la substitution
l’un à l’autre qu’il convient de souligner.
R. BEAUJOLIN-BELLET et G. NOGATCHEWSKY (2005) 32 ont synthétisé trois
modes de contrôle prévalant dans le cadre des relations clients-fournisseurs,
conséquence de l’externalisation croissante des activités des entreprises
Trois modes de contrôle client-fournisseur et leurs facteurs de contingence
Contrôle par le marché Contrôle Contrôle par la
bureaucratique confiance
Dispositifs de contrôle Peu de mécanismes Intervention directe du Développement de ce
spécifiques puisque le client : mode de contrôle dans le
marché domine : Mise en temps :
concurrence systématique Le contrôle repose sur Au départ, le contrôle
par appel d’offre sur les l’autorité et les règles repose sur la réputation et
prix. fixées à l’avance ; critères les expériences
de sélection détaillés ; antérieures ; puis les
supervision directe ; contacts réguliers,
revues formelles l’intensification des
communications et
l’action jointe stimulent
la confiance
Contrats incomplets et
peu détaillés
Contrat « complet » mais Contrats incomplets mais
peu détaille détaillés

Objets du contrôle Les résultats (souvent Les résultats et/ou les Les capacités et les
prix, qualité, délais) comportements comportements
(principalement les relationnels
procédés de travail)
Facteurs de contingence Sur les transactions : Sur les transactions : Sur les transactions :
Forte connaissance des Forte connaissance des Faible connaissance des
résultats processus résultats et des processus
Forte répétitivité des Faible à moyenne Faible répétitivité des
transactions répétitivité des transactions
Faible spécificité des transactions Actifs très spécifiques
actifs Actifs modérément Sur l’environnement :
Sur l’environnement : spécifiques Peu d’acteurs sur le

32 R. BEAUJOLIN-BELLET, G. NOGATCHEWSKY (2005), « La rupture du contrôle par la confiance dans les relations clients-
fournisseurs », CCA, Tome 11, vol 2, pp 39-60.
LE CONTROLE DE GESTION : 28

Beaucoup d’intervenants Sur l’environnement : marché


substituables Risques du marché Incertitude sur les
Environnements modérés contingences futures
dynamiques Contingences futures Environnements stables
connues
Environnements stables
Source : R. Beaujolin-Bellet, G. Nogatchewsky, p. 42.

Ouvrant la voie vers une recherche d’un contrôle de gestion des organisations
dématérialisées, plusieurs travaux soulignent l’importance de la confiance pour
gérer les organisations en situation d’incertitude. B. BAUDRY (1995)33, K ;
LANGFIELD-SMITH et D. SMITH (2003)34 montrent que la confiance s’avère
un mode de contrôle efficace des entreprises en réseaux. Cette confiance permet
en effet de réduire l’incertitude et les risques (moins d’asymétries d’information,
de comportements opportunistes), elle favorise l’engagement durable des parties,
la résolution des conflits, la flexibilité, le partage des connaissances. Néanmoins
elle est aussi fragile. Selon J.H. DYER et W. CHU (2000)35 , la confiance inter-
organisationnelle repose sur des relations interpersonnelles. Ainsi, le départ ou le
changement d’individus peut mettre à mal la confiance tissée entre deux
organisations. Rachel BEAUJOLIN-BELLET et Gwenaëlle NOGATCHEWSKY
(2005) se sont appuyées sur une étude des relations clients-fournisseurs pour
montrer les spécificités d’un mode de contrôle par la confiance. Les critères
privilégiés par les donneurs d’ordre étudiés étaient, sur la période considérée, ceux
de la disponibilité, du travail bien fait, « car ils permettaient d’anticiper les
situations critiques et d’assurer la continuité de l’exploitation industrielle » (p 47),
de la proximité géographique (sollicitation de prestataires locaux uniquement), de
la réactivité. En termes de formalisation des contrats, ces derniers étaient peu
précis afin de régler les éventuels conflits, tacitement reconduits d’année et année,
et fondés sur une facturation a posteriori. « Les clients et les fournisseurs
partageaient la même idée : obtenir/délivrer une prestation de qualité dans un
contexte où le prix passait au second plan » (p 48). La direction des grands
groupes engagés dans ce type de relations a décidé de rationaliser et de centraliser
les processus d’achat. Ainsi, le contrôle par la confiance a été remplacé par un
contrôle par le marché (priorité donnée aux résultats et aux prix, mise en
concurrence des fournisseurs par des procédures d’appel d’offre, applications
stricte des contrats). Les conséquences ont été sans appel pour les deux parties :
sentiment d’abandon pour les fournisseurs locaux, perte du slack organisationnel
et perte de flexibilité pour les donneurs d’ordre : « la rupture des relations clients
fournisseurs s’est traduite par un accroissement des situations d’urgence et par
une prise de risque accrue en termes de continuité des exploitations industrielles et
de dégradation des équipements » (p 53). Le contrôle par la confiance, lorsqu’il

33 B. BAUDRY (1995), L’économie des relations interentreprises, La découverte, collection Repères, Paris.
34 K. LANGFIELD-SMITH et D.SMITH (2003), « Management control systems and trust in outsourcing relationships », Management
Accounting Research, vol. 14, pp. 281-301.
35 J.H. DYER et W. CHU (2000), « The determinants of Trust in Supplier-automaker Relationships in the US, Japan and Korea », Journal of
International Business Studies, vol. 31, n°2, pp. 259-285.
LE CONTROLE DE GESTION : 29

n’est pas enrichi par des dispositifs formels, fragilise les relations car « il
n’apporte pas les preuves de sa performance » pourtant indispensable lors de
changements de critères de décision. Il convient donc, comme l’avaient déjà
soulignés N. GUIBERT et Y. DUPUY (1997)36, T.K. DAS et B.S. TENG (1998)37
de trouver un équilibre entre des mécanismes informels de contrôle fondés sur la
confiance et des modes plus formels fondés sur le respect des règles et des
résultats pour gérer les coopérations inter-firmes.
7 LA QUESTION DU MODELE D’ORGANISATION IMPLICITE DU CONTROLE
DE GESTION
Le contrôle de gestion n’est pas un outil neutre. En particulier, le modèle
organisationnel dominant induit un modèle de contrôle. La théorie contractuelle
des organisations permet de faire une certaine lecture des problèmes de contrôle
dans l’entreprise. Cette théorie considère l’entreprise comme un ensemble de
contrats (explicites ou implicites) désignés sous le terme générique de mandat.
Les systèmes de contrôle interne, en particulier par les sécurités mises en place,
sont alors des moyens permettant de réduire les coûts liés à ces contrats (les coûts
d’agence). En garantissant la confiance dans l’information et en réduisant
l’incertitude dans les échanges, ils ont une fonction d’assurance implicite. Le
modèle des shareholders qui sert de fondement aux décisions stratégiques fondées
sur la maximisation de la valeur actionnariale dans les pays anglo-saxons est une
bonne illustration de cette approche. Elle implique une vision du contrôle de
gestion forcément différente de celle fondée sur une approche de type
stakeholders.
7/1 LE CADRE THEORIQUE DE LA VISION DES SHAREHOLDERS :
L’HYPOTHESE DE LA VALEUR FINANCIERE COMME VALEUR ETALON
Cette théorie est fondée sur les travaux de JENSEN et MECKLING (1976,
2000)38 qui dissocient les managers des actionnaires et contractualisent totalement
le droit des sociétés. L’entreprise est un nœud de relations contractuelles, les
dirigeants sont les mandataires des actionnaires (théorie de l’agence) et comme
tels, ils peuvent être tentés de servir plutôt leurs intérêts personnels que ceux des
actionnaires, alors que la théorie financière la plus classique est fondée sur le
postulat selon lequel les dirigeants doivent maximiser l’avoir de leurs actionnaires
à long terme. D’où la nécessité d’assurer la transparence de manière à limiter
l’asymétrie d’information existant entre les actionnaires et les dirigeants et à
obliger ces derniers à rendre des comptes. Il conviendra aussi d’instituer des
contrôles propres à éviter les dysfonctionnements liés à ce conflit d’intérêt
fondamental, que ces contrôles soient a priori ou a posteriori. Ce cadre théorique

36 N. GUIBERT et Y. DUPUY (1997), « La complémentarité entre contrôle formel et contrôle « informel » : le cas de la relation client-
fournisseur », CCA, Tome 3, Vol 1, pp 35-52.
37 T.K . DAS, B.S. TENG (1998), « Between Trust and Control : Developing confidence in partner cooperation in alliances”, Academy of
Management Review, vol. 23, n°3, PP 491-512;
38 M.C. JENSEN et W.H. MECKLING (1976), Theory of the firm : Managerial Behavior, Agency, Cost and Ownership Strucutre, Journal
of Financial Economics, 3 (4), pp 305-360 ,, repris dans : M.C. JENSEN (2000), A Theory of the firm. Governance, Residual Claims and
Organizational Forms, Harvard University Press.
LE CONTROLE DE GESTION : 30

correspond bien aux pays anglo-saxons et s’est développé rapidement en Europe


de sorte que l’on a pu émettre l’hypothèse d’une convergence des modèles de
gouvernance. Cette hypothèse rendrait moins pertinente la distinction classique
entre le capitalisme anglo-saxon (fortement axé sur la prépondérance des marchés
financiers) et le capitalisme rhénan (plutôt orienté sur l’implication des banques et
des actionnaires majoritaires). D’autres auteurs ont mis en doute l’applicabilité du
modèle shareholder en France compte tenu des particularités fortes du système
français. Malgré ces difficultés d’adaptation, il est clair que le développement de
la globalisation de l’économie et la forte croissance des marchés financiers ont
fortement poussé le balancier en faveur du modèle actionnarial. L’impact sur le
contrôle de gestion est difficile à isoler mais il s’est traduit par une emprise plus
grande des critères financiers sur les objectifs de stratégie purement économique.
L’évolution des modèles de gouvernance montre bien qu’il s’agit avant tout de
représenter les processus de création de valeur pour l’actionnaire dans le cadre
d’une structure de pouvoir donnée (G. CHARREAUX, 1997 ; G. CHARREAUX,
P. WIRTZ, 2007). 39 L’approche financière basée sur la propriété privilégie l’idée
que tout actif est assimilable (au moins conceptuellement) à un actif financier dont
la mesure correcte est celle de la valeur actuelle des flux attendus de cet actif,
compte tenu de son risque. Cette mesure peut être instantanée dans le cas des
instruments cotés sur les marchés financiers, elle devrait être fréquente dans les
autres cas. Par analogie avec les actifs financiers, il est possible de vendre ou
d’acheter à tout moment des actifs comparables ou de réinvestir les fonds sur
d’autres opportunités. L’option fait donc partie du choix et constitue un des
facteurs de la flexibilité. Le risque global d’un actif non financier s’analyse de la
même façon que celui d’un actif financier. La richesse créée résulte de la variation
nette de l’ensemble des actifs et des passifs évalués à leur juste valeur (valeur de
marché).
7/2 LA THEORIE DES STAKE-HOLDERS ET LE CONFLIT CREATIVITE SOCIALE
ET VALEUR FINANCIERE
Cette théorie constate qu’au delà des actionnaires, il existe une multitude de
parties (stakeholders) qui ont un intérêt dans le devenir de l’entreprise. La prise en
compte des intérêts d’une catégorie de stakeholders dépend de ses rapports de
force avec l’entreprise et de l’étroitesse des liens qu’elle entretient avec elle.
L’hypothèse qui est faite est alors que les entreprises qui tiennent compte des
intérêts des stakeholders ne le font pas au détriment de leur performance
économique et financière ou plus généralement qu’il existe une compatibilité à
long terme entre les intérêts bien compris des acteurs. La théorie des stakeholders
comporte également un aspect normatif qui réside dans le postulat que l’entreprise
n’existe pas que pour ses seuls actionnaires mais qu’elle remplit également
d’autres fonctions qui ne doivent pas être négligées au seul profit de la satisfaction

39 G. CHARREAUX (1997) , Le gouvernement des entreprises, Corporate governance, théories et faits, Economica, 540 pages.
G. CHARREAUX, P. WIRTZ (2007), Gouvernance des Entreprises : Nouvelles Perspectives, Economica, 395 pages.
LE CONTROLE DE GESTION : 31

de l’intérêt des actionnaires. Ainsi, les notions de productivité, de profitabilité, de


rentabilité, de qualité, de respect de l’environnement peuvent être considérées
comme des composantes du concept de créativité sociale. La notion de « qualité »
- indissociable de celle de « créativité sociale » - apparaît de plus en plus féconde
pour apprécier les résultats de la gestion. Elle apporte aux méthodes
traditionnelles de mesure des performances (du type: ratios de rentabilité
financière) un complément indispensable. Certes la recherche de qualité est
complexe. Elle implique la définition de critères de choix, de jugement, qui
puissent être acceptés par la majeure partie des partenaires sociaux, mais il y a là
un consensus difficile à réaliser. Cette recherche de consensus constitue une
nouvelle opportunité d’intervention du contrôleur de gestion. Elle peut s’intégrer
dans le courant de la culture d’entreprise. Cette optique est basée sur le modèle
des stakeholders. Ce cadre théorique permet de justifier une définition élargie du
système comptable et du contrôle de gestion dans la mesure où on reconnaît la
nécessité de tenir compte d’une diversité d’intérêts dans le devenir de l’entreprise.
On peut, aussi, penser qu’avec les effets liés à la crise financière actuelle, cette
approche partenariale devrait gagner en légitimité théorique. Quoiqu’il en soit, ce
modèle nous servira de support pour proposer le concept de contrôle de gestion
comme vecteur d’intégration des décisions stratégiques et financières.
RESUME
L’approche traditionnelle du contrôle de gestion et notamment l’utilisation de
certains de ces outils est largement remise en cause. Deux tendances se dégagent :
une conception asservie aux besoins des marchés financiers d’une part, une vision
plus centrée sur la performance globale des acteurs, d’autre part. Ces deux
conceptions ont chacune leur logique et leur légitimité. Elles impliquent,
toutefois, une déclinaison pertinente des référentiels mis en œuvre.
OBJECTIFS ET VISION DE L’ENTREPRISE
OBJECTIFS RETENUS VISION DE L’ENTREPRISE
 VISION INDUSTRIELLE VISION FINANCIERE
PERENNITE – Approche basée sur la performance Approche basée sur la performance
COMPETITIVITE des activités physico- financières. d’un portefeuille d’actifs.
DEVELOPPEMENT
CREATION DE VALEUR Centrée sur la valeur stratégique Centrée sur la valeur financière et
sur la valeur actionnariale
TYPE DE CONTROLE Contrôle de gestion centré sur la Contrôle de gestion à dominante
performance des acteurs financière
Modèle implicite Stakeholder Shareholder
Type d’organisation Entreprise individuelle Groupe , conglomérat, réseaux
Dans les deux cas, le contrôle de gestion devra pouvoir faire l’interface entre les
besoins de la planification stratégique et les exigences de plus en plus rigoureuses
des contraintes financières ou des budgets opérationnels. Un large accord des
auteurs semble se faire autour de la conception de la performance proposée par A.
LE CONTROLE DE GESTION : 32

BOURGUIGNON (1995, 1997, 2004) 40. Pour elle, « la performance est en


matière de gestion, la réalisation des objectifs organisationnels; elle dépend d'un
réfèrent: l'objectif, elle est multidimensionnelle, elle n'est pas ponctuelle et ne se
comprend que de façon dynamique, dans le long terme ». Cette approche inclut,
parmi les critères de performance, une nécessaire pérennité de l'organisation
concernée qui apparaît ainsi comme une composante de la performance globale
(S. MIGNON, 2001)41. Pour permettre ce pilotage sur le long terme, le contrôle de
gestion doit donc s’ancrer dans la stratégie de l’entreprise.

40 A. BOURGUIGNON (1995) , Peut-on définir la performance ?, RFG, Juillet Août 1995, pp 61-65. ; A. BOURGUIGNON (1997), « Sous
les pavés, la plage….ou les multiples fonctions du vocabulaire comptable : l’exemple de la performance », CCA, mars 1997, vol 3, n°1, pp
89-101; A. BOURGUIGNON (2004), “The American Balanced Scorecard Versus the French tableaux de bord : the ideological dimension”,
avec V. Malleret, H..Norrekit, Management Accounting Research, vol 15, n°2, pp. 107-134.
41 S. MIGNON (2001), Stratégie de pérennité d’entreprise, collection Entreprendre, Edition Vuibert.
LE CONTROLE DE GESTION : 33

CHAPITRE 2 : LE CONTROLE DE GESTION


STRATEGIQUE
Le contrôle de gestion prend sa source dans le domaine stratégique mais son rôle
peut varier considérablement. E. CAUVIN a montré qu’en fonction des
conceptions que l’on a de la comptabilité de gestion, il est possible de définir trois
options types pour le contrôle de gestion.42 Une version minimaliste considère que
le contrôle de gestion peut être une aide à la formulation de la stratégie. Une
version médiane fait du contrôle de gestion la base du système de mise en œuvre
de la stratégie alors que, dans la version élargie, celui-ci est au cœur de la
conception et de la mise en œuvre des stratégies. Compte tenu des évolutions de la
stratégie et de la comptabilité de gestion, il est clair que l’on s’oriente très
nettement vers la version trois du contrôle de gestion, à savoir vers un contrôle de
gestion qui co-construit la stratégie à partir d’une approche fondée sur les
processus-clés de l’entreprise.43

SECTION 1: LES FONDEMENTS DU CONTROLE DE


GESTION STRATEGIQUE
Ces nouvelles approches sont fondées sur les nouvelles conceptions de la stratégie
et sur l’évolution du système d’information comptable notamment pour ce qui
concerne la comptabilité de gestion.
1- LE PARADIGME STRATEGIQUE CLASSIQUE ET L’APPROCHE PAR LES
RESSOURCES, CONNAISSANCES ET CAPACITES DYNAMIQUES.
Le renouvellement des approches depuis les années 1990 s’opère autour de
quelques idées forces. L’atténuation, sinon le dépassement, de la distinction jugée
artificielle entre l’interne et l’externe : ces deux composantes interagissent et se
coproduisent. La conception de l’entreprise comme un portefeuille d’activités est
abandonnée au projet d’une conception plus enracinée de l’entreprise, articulée
autour de compétences collectives astucieusement combinées et protégées (core
competencies). Cette nouvelle conception est congruente avec l’approche de la
comptabilité de gestion à base de processus. Plus que des barrières à la mobilité
chères au modèle de M. Porter, « les macro-compétences » protègent l’entreprise
de l’imitation et garantissent ses performances dans la durée. Les organisations ne
peuvent être comprises sans faire référence aux structures cognitives de leurs
acteurs et tout particulièrement celles des dirigeants (approche cognitive).44.

42 E. CAUVIN Développement et test du modèle de comptabilité par activités: une application dans les services. Thèse, Aix IAE, 1994.
43 Ph. LORINO, J-C TARONDEAU,(1998), « De la stratégie aux processus stratégiques », Revue Française de gestion, Janvier, p. 5-17.
44 Voir P. AUREGAN, P. JOFFRE et F. LEVIGOREUX (1997), Modèles d’analyse stratégique : contributions récentes, Encyclopédie de
gestion, volume 2, pages 2041 et sq..
LE CONTROLE DE GESTION : 34

APPROCHE CONTINGENTE
Dans l’approche contingente, la stratégie s’inscrit dans une logique d’ajustement des capacités de
l’organisation aux exigences de l’environnement. A des postures stratégiques clairement définies de
domination par les coûts ou de différenciation par la qualité, se substituent des mouvements stratégiques qui
peuvent conduire à une gestion simultanée des coûts, de la valeur et de la réactivité. L’idée centrale est que
l’attitude concurrentielle est nuancée par la capacité d’adaptation de l’entreprise à son environnement.

APPROCHE PAR LES RESSOURCES


L’entreprise projette une intention stratégique fondée sur la vision qu’elle a de sa position en matière de
leadership dans un avenir plus ou moins proche. Cette vision détermine les compétences centrales qui
viendront dans ce cas bouleverser les lois de l’environnement. La stratégie fondée sur les ressources relève
d’une logique radicalement différente de l’approche contingente, celle de la vision. La position du problème
stratégique et la formulation qui en découle ne renvoient plus à ce que les entreprises peuvent espérer faire
sur un secteur, mais à ce qu’elles veulent y faire. Elles doivent alors chercher, à partir de cet instant, les
moyens qui leur permettront de réaliser la vision qu’elles ont de leur avenir dans le système économique
mondial. I1 ne s’agit donc plus de s’adapter à l’environnement, mais bien d’agir sur lui et de le transformer.

1/ 1 LE PARADIGME STRATEGIQUE CLASSIQUE


Le paradigme stratégique classique repose sur le modèle traditionnel de l’analyse
de la performance qui suggère que les organisations augmentent leurs profits
lorsque leurs stratégies savent exploiter les opportunités de l’environnement et
neutraliser les menaces. Dans cette approche, la performance de l’organisation est
expliquée d’abord par celle du secteur d’activité plutôt que par une analyse des
facteurs internes. Ce sont les forces structurelles du champ concurrentiel qui
expliquent le niveau de profitabilité d’un secteur et donc son attractivité. Les deux
grands axes des choix stratégiques restent la différenciation et la domination par
les coûts en raisonnant en termes de chaîne de valeur. On peut résumer cette
approche sur le tableau suivant :45
PERFORMANCE

AVANTAGE COMPETITIF

OUTILS METHODOLOGIQUES

ANALYSE FORCES FAIBLESSES LES CINQ FORCES DU CHAMP ANALYSE DE LA
MENACES OPPPORTUNITES CONCURRENTIEL CHAINE DE VALEUR
Les hypothèses du paradigme classique

1 Les firmes sont homogènes 2 Définition de la stratégie puis des 3 Importance
L’entreprise est un ensemble de ressources nécessaires décisive du secteur et
segments stratégiques. des concurrents

45 C. DEJOUX : Pourquoi les entreprises françaises s’intéressent à la théorie des ressources ? Direction et Gestion , N° 166, 1998.
LE CONTROLE DE GESTION : 35

Dans sa présentation de la chaîne de la valeur, Porter situe la valeur au niveau des


avantages perçus par le client. Un avantage concurrentiel est induit par la valeur
qu’une entreprise est capable de créer pour ses clients. Les outils méthodologiques
de l’analyse stratégique classique sont orientés plutôt sur le pilotage à court terme
( chiffre d’affaires réalisé et anticipé, parts de marché, Return On Investment ROI,
ou Return On Assets ROA) . Ces optiques de court terme peuvent provoquer des
surinvestissements dans le futur. C. DEJOUX note que la réduction des dépenses
telles que la publicité relative à l’image et le développement de nouveaux produits
peut avoir un impact positif à court terme mais entraînera une diminution d’actifs
qu’il faudra payer dans le futur, alors qu’une stratégie fondée sur les ressources
apportera une alternative financière à court terme et procurera des bases pour un
succès à long terme (article cité, page 10) .
1/ 2 LE PARADIGME STRATEGIQUE DES RESSOURCES
Dans le paradigme classique, la performance de l’organisation est supposée
dépendre à la fois des environnements de l’entreprise et de ses ressources. La
théorie des ressources prend le contre-pied de cette prise de position quant à
l’explication des différences de performance entre les entreprises d’un même
secteur d’activité. Elle part de l’hypothèse que les ressources, dont les
organisations ont besoin pour se développer et initier de nouvelles stratégies, ont
pour caractéristiques d’être hétérogènes (spécifiques à chaque entreprise) et que
cette particularité reste stable dans le temps. La théorie des ressources est fondée
sur l’hypothèse que les entreprises sont différentes car elles possèdent des
ressources différentes qui sont hétérogènes et immobiles. La volonté des
contributions « resource-based » (B. WERNERFELT, 198446, 199547 ; R. HALL,
199348 ; D.J. COLLIS, C.A MONTGOMERY, 199549 ; J. BARNEY, 1991,
199650) est de comprendre le processus conduisant à la performance par la
valorisation de ces ressources internes. R.P. RUMELT (1995)51 résume l’esprit de
ce courant d’analyse lorsqu’il avance: « Les chercheurs en stratégie ont développé
ce que l’on nomme maintenant le point de vue « resource-based » d’une firme.
Cette théorie considère les firmes comme un ensemble de ressources et perçoit les
différences de performances comme le reflet des différences de qualité en termes
de ressources. Alors que les théories traditionnelles d’économie industrielle
considèrent que les profits élevés émanent de collusions réduisant le degré
concurrentiel d’un marché ou de barrières à l’entrée, la théorie fondée sur les
ressources considère les profits comme des rentes issues de ressources

46 B. WERNERFELT (1984), « A Resource based Theory of The Firm », Strategic Management Journal, vol 5, pp 171-180
47 B. WERNERFELT (1995), « The Resource-based View of the Firm : Ten Years Later », Strategic Management Journal, vol 16, n° 3, pp
171-174.
48 R. HALL (1993), "A framework linking intangible resources and capabilities to sustainable competitive advantage", Strategic
Management Journal, vol. 14, pp 607-618.
49 D.J. COLLIS, MONTGOMERY C.A. (1995), « Competing on Resources, Strategy in the 1990s », Harvard Business Review, pp 118-143.
50 J. BARNEY (1991), « The Resource-based Model of the Firm : Origins, Implications and Prospects », Journal of Management, vol 17,
n° 1, march; J. BARNEY (1996), « The Resource-based Theory of the Firm », Organization Science, vol 7, n° 5, septembre-octobre, p 469.
51 R.P.RUMELT (1995), « Inertia and Transformation » in C.A. MONTGOMERY (Ed) : Resource-Based and Evolutionary Theories of the
Firm, Harvard Business School, Kluwer Academic Publisher, pp 101-132.
LE CONTROLE DE GESTION : 36

spécialisées, difficiles à imiter ou à répliquer» (R.P. RUMELT, 1995, p 102). Ces


dernières sont à l’origine d’avantages concurrentiels de long terme.
Méthodologie de l’approche ressource.
Source : C. DEJOUX : Pourquoi les entreprises françaises s’intéressent à la théorie des ressources ? Direction et Gestion , N° 166, 1998.
Rentes dans le temps

Avantage compétitif durable

Caractéristiques des ressources stratégiques


ont de la valeur sont rares
sont rares et inimitables
- ne sont pas substituables

RESSOURCES
Tangibles Intangibles
corporelles compétences
financières savoir faire
technologique
image de marque

hypothèses de la théorie des ressources
1. firme = portefeuille de ressources hétérogènes et 2. les firmes sont hétérogènes à l’intérieur du même
non transférables. L’entreprise est un secteur
portefeuille de compétences organisationnelles
fondamentales et non pas un ensemble de segments
stratégiques.
Les principaux concepts concernent les ressources, la compétence
organisationnelle, l’avantage compétitif durable, la rente. La première étape
consiste à identifier les ressources et compétences de l’entreprise puis à
sélectionner les ressources stratégiques. La saturation des marchés suppose une
réactivation de la demande par l’offre. L’avantage concurrentiel est alors fondé
sur la capacité à offrir différemment ce qui est déjà proposé par la concurrence, ou
à inventer de nouveaux marchés par la création de produits. L’unité d’analyse de
la théorie des ressources n’est plus le produit ou le segment stratégique comme
dans le paradigme classique, mais les compétences d’entreprises qui peuvent
concerner toute une gamme de produits ou de services. Une compétence
fondamentale ne s’applique pas uniquement à un produit particulier, elle renforce
la position concurrentielle de l’entreprise dans toute une gamme de produits ou de
services. L’approche fondée sur les ressources ne peut être dissociée de la
conception de la firme fondée sur les processus. Les ressources représentent le
moyen d’exécuter des processus (conçus comme une série d’activités) qui créent
des avantages concurrentiels. L’entreprise accumule des ressources de natures
différentes (internes ou externes) à travers ses choix stratégiques et la
configuration de ses processus. La réputation d’une firme, par exemple, est un
actif externe qui dépend, entre autres, de ses activités marketing et service client.
LE CONTROLE DE GESTION : 37

L’approche fondée sur les ressources complète plus qu’elle ne se substitue aux
approches orientées sur les positions de marché.52
Les deux démarches stratégiques: les modèles LCAG et ISPC
Le modèle LCAG Le modèle ISPC
Modèle traditionnel initié par Learned Modèle intention stratégique – pôle de compétences ou approche
Christensen Andrews et Guth ou modèle par les ressources
SWOT (strength, weakness, opportunity,
threat)

Analyse externe Analyse interne des 4.Choisir une stratégie


de compétences qui permet d’exploiter au 
l’environnement distinctives et des mieux les ressources et  STRATEGIE 
Facteurs-clés de performances passées les capacités de
succès l’entreprise, compte tenu
des opportunités externes

Opportunités et Forces et faiblesses 3. Evaluer le potentiel  AVANTAGE Identifier les


menaces qu’ont les ressources et CONCURRENT insuffisances de
capacités à procurer un IEL ressources à
avantage concurrentiel combler
durable et une rentabilité Investir dans le
correspondante renouvellement et
l’amélioration de la
base de ressources

CHOIX STRATEGIQUES 2. Identifier les capacités  CAPACITES
de l’entreprise: qu’est-
elle capable de mieux 
faire que ses concurrents 
? Identifier les ressources 
sous-tendant chaque
capacité.
POLITIQUES FONCTIONNELLES 
1. Identifier et classer les  
Production ressources de RESSOURCES
Marketing l’entreprise. Evaluer les
Recherche et développement forces et les faiblesses
Finance relativement aux
Ressources humaines concurrents. Repérer des
opportunités de
meilleure utilisation des
ressources.
L’approche fondée sur les ressources complète la démarche adaptative. Les deux
perspectives conduisent à la gestion d’un portefeuille d’activités. Chaque activité
de la chaîne de valeur peut contribuer à la position de la firme en termes de coûts

52 P. AUREGAN, P. JOFFRE et F. LEVIGOREUX (1997), « Modèles d’analyse stratégique » : contributions récentes, Encyclopédie de
gestion, volume 2, pages 2041 et sq. 1997.
LE CONTROLE DE GESTION : 38

ou créer une base de différenciation. C’est à travers ces activités que les
compétences centrales et les capacités organisationnelles s’expriment. La gestion
des activités et la reconnaissance de la plate-forme stratégique se nourrissent d’un
objectif commun, la création de valeur pour le consommateur.
1/3 LE PARADIGME STRATEGIQUE DES CONNAISSANCES
Plusieurs typologies ont été proposées pour cerner ce concept complexe. M.
POLANYI (1995)53 par exemple, a mis en évidence la dimension tacite des
connaissances et souligné le fait que l’on pense plus que ce que l’on peut en dire.
I. NONAKA (1994)54, a mis en évidence les processus de conversion possibles
entre les connaissances tacites et explicites qui renseignent sur les possibilités de
transfert de connaissances dans les organisations. Les connaissances tacites sont
enracinées dans l’action, dans les expériences et sont impliquées dans des
contextes spécifiques. Elles comportent deux composantes (I. NONAKA, 1994),
une composante cognitive et une composante technique. La première se rapporte
aux schémas mentaux des individus tels des cartes mentales, des croyances, des
paradigmes et des points de vue. La composante technique consiste en des savoir-
faire pratiques, des tâches et des métiers applicables dans des travaux spécifiques.
La dimension cognitive des connaissances tacites est difficile à articuler et
façonne la façon dont nous percevons le monde55. Les connaissances explicites
sont plus déclaratives et d’ordre plus général, leur formalisation et leur
codification sont possibles. Certains auteurs56 remettent cependant en cause la
typologie et la distinction tacite-explicite qui revêt, selon eux, un caractère
artificiel voire inutile, car toute connaissance même explicite comporte une part
irréductible de connaissances tacites. C’est le cas par exemple des routines
organisationnelles dont la mise en œuvre et l’utilisation, même lorsqu’elles sont
formalisées, nécessitent la maîtrise de connaissances tacites. Il apparaît donc qu’il
ne s’agit pas tant de distinguer les deux types de connaissances que de
comprendre comment elles se combinent et interagissent (I. NONAKA, H.
TAKEUCHI, 199757). Ces derniers auteurs ont ainsi été les précurseurs du
knowledge management en proposant une théorie de la connaissance construite
autour de l’interaction dynamique entre les deux dimensions du transfert de
connaissances. Quatre modes de conversions de connaissances sont proposés : du
tacite au tacite (socialisation), du tacite à l’explicite (extériorisation), de l’explicite
au tacite (intériorisation) et de l’explicite à l’explicite (combinaison). Enfin, est
aussi envisagé le transfert entre les niveaux ontologiques suivants : individu,
groupe, organisation et inter-organisations. « L’organisation doit mobiliser les

53 M. POLANYI (1995), The Tacit Dimension,London, Routledge-Kegan.


54 I. NONAKA (1994), « A Dynamic Theory of Organizational Knowledge Creation », Organization Science, vol 5, n°1, pp 14-37.
55 I. NONAKA,, N. KONNO (1998), « The Concept of « BA » : Building a Foundation for Knowledge Creation », California Management
Review, Vol 40, N°3, Spring, pp 40-54.
56 D.L. RULKE, S. ZAHEER, M. H. ANDERSEON (2000) « Sources of Managers’ Knowledge of Organizational Capabilities »,
Organizational Behavior and Human Decision Processes, vol 82, n° 1, pp 134-149.
57 I. NONAKA, H. TAKEUCHI (1997), La connaissance créatrice. La dynamique de l’entreprise apprenante, De Boeck Université.
LE CONTROLE DE GESTION : 39

connaissances tacites créées et accumulées au niveau individuel. Les


connaissances tacites mobilisées sont amplifiées de façon organisationnelle au
travers des quatre modes de conversion de connaissances et cristallisées à des
niveaux ontologiques supérieurs. Nous appelons cela la « spirale de
connaissances dans laquelle l’interaction entre connaissances tacites et
connaissances ecplicites gravit les niveaux ontologiques ». (I. NONAKA, H.
TAKEUCHI, 1997, p 95). Les auteurs posent ainsi les jalons du courant
knowledge-based. On note aussi que S.G. WINTER58, dès 1987, aborde aussi de
manière très pertinente le problème du transfert des connaissances. L’auteur
propose une taxonomie des actifs de connaissance suivant cinq dimensions. Il
avance que les connaissances articulables (qui peuvent être communiquées sous
une forme symbolique), articulées, observables à l’usage, simples et
indépendantes sont plus susceptibles d’être transférées. En effet, précise
WINTER, l’enseignement d’un savoir tacite « implique un processus
d’apprentissage par essais et erreurs ou par imitation et requiert l’implication
dans le processus de celui qui la détient »59. D.J. TEECE (1998)60 soulignera
ultérieurement que ces actifs, ne pouvant être achetés, constituent un frein au
développement des firmes et que les recherches doivent porter l’accent sur les
processus d’imitation de connaissances tacites. Néanmoins, une trop grande
explicitation des savoirs, si elle facilite le transfert, contribue aussi à l’imitation et
risque par conséquent d'éroder l'avantage concurrentiel dont elle est la source (R.
REIX, 199561). On touche ici à un paradoxe propre aux théories resource-based: il
convient, en effet, d’opérer un équilibre entre transférabilité (source
d’apprentissage) et inimitabilité (source d’avantage concurrentiel) des actifs -ici
les savoirs- détenus par l’entreprise. Ce point de vue sera repris et renouvelé par
R.M. GRANT62. Au cœur de la théorie de Grant se trouvent les idées suivantes:
les connaissances sont les principales ressources productives d’une firme. Elles
peuvent être explicites ou tacites mais ces dernières sont plus à même de procurer
un avantage concurrentiel du fait de leur transférabilité très limitée. Ces
connaissances tacites sont liées aux savoir-faire de l’entreprise et comme le
soulignaient déjà I. NONAKA, H. TAKEUCHI (1997) l’apprentissage est souvent
réalisé par « l’observation, l’imitation, l’expérience » (M. INGHAM in I.
NONAKA, H. TAKEUCHI, 1997, p 4). Ces connaissances tacites sont acquises et
stockées par des individus. Cependant, en raison des limites cognitives du cerveau
humain, les connaissances sont acquises sous une forme spécialisée. « Une
augmentation de la profondeur de ces savoirs implique une réduction de leur

58 S.G. WINTER S.G. (1987), « Knowledge and Competence as Strategic Assets » pp 159-184 in TEECE D.J. (1987), The Competitive
Challenge : Strategies for Industrial Innovation and Renewal, Balinger.
59 In M. INGHAM, 1995, p 40 (préface I. NONAKA et H. TAKEUCHI, édition française, De Boeck Université)
60 D.J. TEECE (1998), « Capturing Value from Knowledge Assets : The New Economy, Markets for Know-How, and Intangible Assets »,
California Management Review, vol 40, n°3, pp 55-79
61 R. REIX (1995), « Savoir tacite et savoir formalisé dans l’entrerprise », Revue Française de Gestion, n°105, septembre-octobre, pp 17-28
62 R.M. GRANT (1997), « The Knowledge-based View of the Firm : Implications for Management Practice », Long Range Planning, vol
630, n°3, juin; R.M. GRANT (1996),« Knowledge and the Firm : Overview », Strategic Management Journal, vol 17, hiver, pp 5-9; R.M.
GRANT (1996),« Toward a Knowledge-based theory of the firm », Strategic Management Journal, vol 17, hiver, p 109-122.
LE CONTROLE DE GESTION : 40

largeur » (R.M. GRANT, 1996, p 377). Or la production de biens et de services


nécessite une combinaison d’une grande variété de savoirs spécialisés. La firme,
avance Grant, est justement l’institution capable d’intégrer de manière la plus
efficiente ces connaissances spécialisées et les capacités organisationnelles sont la
manifestation de cette intégration. Il définit ces capacités organisationnelles
comme capacité d’une firme à accomplir une tâche productive répétitive ayant un
lien direct ou indirect avec la création de valeur à travers la transformation
d’inputs en outputs. Ces capacités sont structurées et hiérarchisées en fonction de
l’éventail des connaissances qu’elles intègrent. A la base de la pyramide se
trouvent les connaissances individuelles, au premier niveau les capacités ayant
trait à des tâches spécialisées, à un deuxième niveau, celles touchant des fonctions
plus vastes (marketing, production, R&D) …. aux niveaux les plus élevés, celles
nécessitant une intégration cross-fonctionnelle (capacité de développement de
nouveaux produits, capacité de gestion de la qualité etc). Dans la plupart des
entreprises, la pyramide des capacités ne correspond pas parfaitement avec la
structure hiérarchique, de communication, de prise de décision. Cependant,
l’efficacité dans la création et la gestion de capacités très étendues nécessite au
moins une congruence entre les deux. R.M. GRANT cite à cet égard K.B.
CLARK, T. FUJIMOTO (1991)63 mettant en évidence que des capacités
supérieures en termes de développement de produits nouveaux dans le secteur
automobile requièrent la présence de chefs de produits ayant une influence
importante sur la direction et une autonomie en termes de prise de décision. Enfin,
dans un contexte de forte concurrence, souligne R.M. GRANT, ce n’est pas la
connaissance elle-même qui est source d’avantage concurrentiel durable mais bien
la capacité d’intégration des connaissances individuelles. En effet les
connaissances individuelles sont l’apanage des individus et ces derniers peuvent
facilement être transférés d’une firme à l’autre. La capacité organisationnelle à
établir et à pérenniser un avantage concurrentiel :
-1) dépend de l’efficacité de l’intégration des connaissances, c’est à dire de la
capacité à avoir accès et à utiliser les connaissances spécialisées des individus.
Cette efficacité dépend de l’étendue des connaissances communes, entre les
détenteurs de savoirs spécialisés (vocabulaire, concepts, expériences partagées).
La culture organisationnelle par exemple peut être considérée comme une forme
de connaissance commune et faciliter l’intégration des connaissances au sein
d’une firme.
-2) augmente avec l’envergure des connaissances intégrées car la duplication de
ces dernières par d’éventuels concurrents devient dès lors plus difficile. En
particulier, la complexité des mécanismes d’intégration déployés à intégrer une
large variété de connaissances est difficile à imiter. L’auteur donne à cet égard
l’exemple de Federal Express dont l’avantage compétitif, fondé sur la vitesse de
livraison, s’appuie sur un ensemble complexe de routines organisationnelles. En

63 K.B. CLARK, T. FUJIMOTO (1991), Product Development Performance : Strategy, Organization and Management in the World Auto
Industry, Harvard Business Shool Press, Boston, MA.
LE CONTROLE DE GESTION : 41

revanche, si la duplication externe doit être freinée, la duplication interne entre


services, filiales ou franchisés doit être encouragée.
-3) nécessite aussi une innovation continue et des structures suffisamment
flexibles capables soit d’étendre les capacités existantes en intégrant de nouvelles
connaissances, soit de reconfigurer les connaissances existantes au sein de
nouveaux schémas d’interaction. En résumé, l’idée principale de R.M. GRANT
consiste à considérer la firme comme l’institution permettant aux individus de
développer des expertises spécialisées, tout en établissant des mécanismes de
coordination intégrant la variété des connaissances sollicitées dans le cadre de la
transformation d’inputs en outputs.
1/4 LE PARADIGME DES CAPACITES DYNAMIQUES
L’approche RBV a été complétée ces dernières années par un courant
complémentaire : celui des « dynamic capabilites » s’intéressant à la manière
dont les managers « intègrent construisent et reconfigurent des compétences
internes et externes afin de faire face à des environnements changeants » (D.J.
TEECE et al, 199764).
Issu du courant RBV (resource-based view), il s’en distingue néanmoins sur trois points principaux:
le fait que les capacités dynamiques soient relativement homogènes (alors que les RBV-theories se fondent sur
l’hétérogénéité des firmes);
le fait que les avantages concurrentiels reposent moins sur les ressources elles-mêmes que sur les
configurations de ces dernières en vue d’adaptations dynamiques.
Enfin le succès provient plus de la capacité à gagner à travers une série d’avantages compétitifs de court terme
qu’à travers de trop rares avantages compétitifs de long terme. C‘est donc plus dans la capacité à changer, à
développer de nouvelles compétences pour faire face à un environnement changeant que résident les
caractéristiques des « dynamic capabilities » plutôt que de maintenir à tout prix une position concurrentielle.
Afin de se maintenir sur le long terme, C.A. O’REILLY et M.L. TUSHMAN
(2004)65 avancent que la plupart des entreprises doivent être capables de
développer conjointement tout un ensemble d’innovations : des innovations
incrémentales (améliorations mineures des procédés et/ou produits permettant
d’améliorer la valeur ajoutée apporté aux clients), des innovations architecturales
(changements fondamentaux des procédés et technologies conduisant à une
modification sensible de son domaine d’activité), enfin des innovations
discontinues rendant obsolètes des produits ou processus de production. En
particulier, les auteurs se sont penchés sur les caractéristiques organisationnelles
permettant d’assurer l’exploitation et l’exploration nécessaires à la pérennité.
L’étude met en évidence la supériorité de la structure ambidextre : celle-ci
combine une intégration du management entre les unités tout en reconnaissant la
spécificité de chaque domaine d’activité. Cette structure permet en effet de
favoriser le transfert de ressources et d’expertise afin de faciliter le débat d’idées
et encourager les synergies tant en respectant l’intégrité des unités (culture,

64 D.J. TEECE, PISANO G. SHUEN A. (1997), “Dynamic Capabilities and Strategic Management”, Strategic Management Journal, vol 18,
n°7, pp 503-533.
65 C.A. O’REILLY et M.L. TUSHMAN (2004), « The Ambidextrous Organization », Harvard Business Review, Avril, pp 74-81.
LE CONTROLE DE GESTION : 42

processus, structure propre). L’entreprise peut simultanément allouer les


ressources au développement de nouvelles activités tout en tirant profit des
activités plus matures, accompagner l’inertie générée par le poids des activités
anciennes sans laisser ces dernières scléroser l’organisation.
En s’appuyant sur le cas d’IBM, J.B. HARRELD et alii, (2007)66 ont montré que le problème de l’entreprise ne
résidait pas dans l’incapacité à saisir les opportunités et menaces de son environnement mais dans la difficulté
à allouer ces ressources et reconfigurer son organisation afin de s’adapter à un contexte changeant. Le défi a
consisté à identifier les opportunités qui s’offraient à elle, à être capable de lancer de nouvelles initiatives
conjointement aux activités plus matures, pour enfin être en mesure de faire bouger ses positions historiques.
Les schémas des capacités dynamiques varient donc suivant le degré de
dynamisme du marché. En effet, dans le cadre d’un environnement stable, les
capacités dynamiques peuvent être assimilées à des routines au sens de R.M.
CYERT et J.G. MARCH (1963)67 et R.R. NELSON et S.G. WINTER (1982)68.
Elles s’appuient fortement sur les connaissances présentes au sein de
l’organisation, et sont souvent codifiées, détaillées. Leur fort ancrage dans les
modes de décisions peut être à l’origine d’une certaine inertie de l’organisation.
En revanche, sur des marchés turbulents, ces capacités présentent des
caractéristiques fort différentes, elles sont expérimentales, instables, simples et
itératives, afin de stimuler rapidement la création de connaissances nouvelles
souvent contextuelles, conduisant à l’adaptation de la firme. Il s’agit plutôt de
règles de décision sommaires indiquant les priorités à suivre. En dépit de ces
marges de manœuvres, ces capacités dynamiques sont dans leur détail des
procédés uniques, contingents, issus de l’histoire des firmes et contraintes par les
aspirations, connaissances et capacités initiales des organisations. Si la stratégie
d’entreprise a été fortement marquée par le développement de ces nouvelles
approches, il reste à savoir de quelle façon ces dernières peuvent conduire à un
renouvellement du contrôle de gestion. Si certains auteurs ont donné quelques
pistes (Ph. LORINO, 199769 et B. EKOKA ESSOUA, 200670 – cf sous-section 4),
l’approfondissement de la réflexion constitue une opportunité à plus de travail
conjoint entre les deux disciplines.
2- LES NOUVELLES APPROCHES DE LA COMPTABILITE DE GESTION
L’entreprise ne peut exister durablement que si elle crée de la valeur ; mais pas
seulement la valeur produite (ou valeur - coût des économistes classiques) mais
aussi une valeur de marché. La firme est évaluée par son marché, il ne peut y
avoir création de valeur que par rapport à la valeur perçue par les clients.
L’approche en termes de chaîne de valeur implique une approche en termes de

66 J.B. HARRELD, C.A. O’REILLY, M.L. TUSHMAN (2007), “Dynamic Capabilities at IBM : Driving Stategy into Action”, vol. 49, n°4,
pp 21-31.
67 R.M. CYERT, J.G. MARCH (1963), A Behavioral Theory of the Firm, Prentice-Hall, Englewood Cliffs, NJ.
68.R.R. NELSON, S.G. WINTER (1982), An Evolutionary Theory of Economic Change, Belkrap Press, Boston, MA.
69 Op. cit
70 B. EKOKA ESSOUA (2006), « Cohérence logique entre le modèle stratégico-opérationnel en contrôle de gestion et la théorie de la firme-
compétence foncière des économistes évolutionnistes », CCA, numéro thématique, octobre, pp 139-161.
LE CONTROLE DE GESTION : 43

processus, donc en termes d’activité. Cette approche doit permettre d’expliciter


les activités qui font émerger un avantage stratégique.
2.1 LA COMPTABILITE DE GESTION : UN CADRE NATUREL DE LA DEFINITION
DES STRATEGIES DE RUPTURE
La comptabilité de gestion fait apparaître actuellement des points de convergence
sur le double objectif fondamental qui demeure l’aide à la prise de décision et la
satisfaction des besoins perçus par les acteurs.71 Elle englobe, aussi, toutes les
informations dont l’acquisition par la concurrence pourrait mettre en danger la
réalisation de la stratégie de la firme. Instrument de modélisation, la comptabilité
de gestion s’insère dans un continuum entre le futur et le passé et son caractère
opérationnel et prospectif l’amène à exploiter des informations aussi bien
monétaires que physiques. Enfin, elle revêt, de plus en plus, un caractère
stratégique, en élargissant son domaine au long terme.72 Ce type d’approche peut
être formalisé par le système d’information de gestion dans le cadre d’une analyse
des activités, aussi bien au niveau des coûts (ABC) que des décisions de gestion
(ABM). Le cadre conceptuel de cette analyse des activités est bien celui de la
chaîne de valeur, l’analyse est centrée sur les processus, elle est transversale et
orientée autour de la satisfaction des besoins des clients. Cette vision de
l’attachement des coûts permet à l’entreprise de mener une réflexion stratégique
cruciale sur les activités avec ou sans valeur ajoutée, en comparant leurs coûts
internes, avec les coûts dans d’autres entreprises.73 Outre le fait que cette approche
contribue à la reconfiguration de l’entreprise, elle peut permettre au contrôle de
gestion de mieux remplir sa fonction d’interface notamment en donnant des
éléments d’arbitrage entre le référentiel interne et le marché. 74
2.2 LA COMPTABILITE DE GESTION : UNE VOCATION A LA FOIS INTERNE ET
EXTERNE
Certains auteurs (SIMMONDS, 1981; PORTER, 1985; SHANK et
GOVINDARAJAN, 1989; BROMWICH, 1990 ; DE RONGE , 1995) défendent
l’idée selon laquelle, la comptabilité de gestion doit procéder d’une vision externe
à la firme75. A côté du rôle incontournable de conception du système
d’information interne, la comptabilité de gestion intègre de plus en plus des
critères externes et notamment l’évaluation des besoins du marché et des capacités

71 M. LEBAS : les défis de la prochaine décennie Revue Française de Comptabilité N° 265 Mars 1995.
LEBAS M. : Les nouveaux modes de management des entreprises : diviser pour régner et intégrer pour créer de la valeur, un défi pour les
comptables, Revue Française de Comptabilité, N° 270 Septembre 1995, pages 46 et sq.
MILKOFF R. : Une double lecture d’ABC, Modèles comptables et modèles d’organisation, Actes du XVI congrès de l’AFC, Montpellier
1995, volume 2, pages 799 et sq.
72 H. BOUQUIN : Les fondements du contrôle de gestion, que sais-je, PUF, Paris, Octobre 1994.
On retrouve la thèse de l'Analyse Stratégique des Coûts (PORTER) ou de la Comptabilité Stratégique (BROMWICH), qui repose sur une
évaluation des coûts des concurrents, des clients et des fournisseurs.
73Ph. LORINO : Le contrôle de gestion stratégique: la gestion par les activités, Paris, Dunod 1991; J.L. MALO : Première approche d'un
cadre méthodologique de recherche en comptabilité, Annales du Congrès AFC, Reims 1989, p.384-420.
74P. PERROT: Coût et stratégie, RFC, septembre 1992.Voir également l’approche de D. BESSIRE : Régulation et systèmes de planification
- contrôle ; 273 pages, Economica , Paris 1995.
75 E. CAUVIN : Développement et test du modèle de comptabilité par activités : une application au secteur des services, Thèse, AIX 1994.
LE CONTROLE DE GESTION : 44

de la concurrence. L’information comptable doit aider l’entreprise à répondre aux


actions de la concurrence et à l’évolution des goûts du consommateur. Alors que
l’analyse des attributs des produits ou des services concourt à la formulation d’une
stratégie de différenciation, la théorie des marchés contestables contribue à définir
la structure de coûts adaptée à une stratégie de domination par les coûts.76 Y. De
RONGE met l’accent sur le développement des systèmes de contrôle de gestion
stratégique à caractère externe. Selon cette approche, la compatibilité de gestion
doit fournir des données pertinentes pour le calcul des coûts. 77 L’orientation
externe modifie sensiblement la perspective sur le type de coûts qu’il faut prendre
en compte. L’accent est mis sur des valeurs relatives permettant une comparaison
avec les données des concurrents, la vision est résolument prospective et moins
historique.78 La méthode CORE, mise au point par MOON et BATES (1993), a
ainsi pour objet d’apprécier la performance stratégique des concurrents sur la base
de l’information publiquement disponible (voir ci-après). La comptabilité de
gestion, à travers ses systèmes de mesure, peut modéliser l’aspect
multidimensionnel de la performance globale et expliciter les sources de
l’avantage concurrentiel basé sur les coûts, la valeur et la réactivité. Il ne s’agit
plus seulement de fournir des données sur le coût d’un produit physique, elle doit
évaluer l’incidence des choix qu’ouvre la notion d’offre globale. L’approche par
les processus permet à la comptabilité de gestion de gérer les coûts et la valeur.
Cette dernière est un critère de compétitivité établi par le marché, le coût est un
critère de profitabilité jugé d’un point de vue interne. La valeur est envisagée sous
les deux aspects de valeur perçue par le client et de valeur créée par l’entreprise79.
Pour l’entreprise, la valeur s’analyse sur chaque activité de la chaîne de valeur en
se demandant si, dans l’absolu, cette activité est vendable aux clients. Si en dehors
de toute considération de coût, la réponse est négative, on se trouve face à une
activité non créatrice de valeur. 80
2.3 LA COMPTABILITE DE GESTION FONDEE SUR UNE APPROCHE
PROCESSUS :
Dans sa vocation à modéliser l’entreprise, la comptabilité de gestion adopte, de
plus en plus, une vision orientée sur les processus.81 Le processus (ou l’activité)
devient le concept fédérateur de la gestion stratégique et opérationnelle.
L’adaptation aux contraintes stratégiques de coût, de valeur et de réactivité, a
conduit de nombreuses entreprises à changer leur mode d’organisation, impliquant

76 Y. DE RONGE : Contrôle de gestion et compétitivité, pages 477 et sq., in M. INGHAM Editeur : Management Stratégique et
compétitivité, De BOECK Université, 1995.
77 P. MEVELLEC , La comptabilité à base d’activités, une double question de sens, Revue Comptabilité Contrôle Audit, N°1 , Mars 1995
p62 et sq.
78 P. MOON et K. BATES : Core analysis in strategic performance appraisal, Management accounting research, N°4, 1993.
79 A. JUGNET : un renouveau de la valeur pour un renouveau de la comptabilité de gestion ; Actes du VXI congrès de l’AFC, Montpellier
1995, volume 1, pages 387 et sq.
80 T. H. JONHSON : Management Accounting in the 21st century, Journal of cost management, volume 9, N°3, fall 1995, pages 15 et sq.
81 Ph. ZARIFIAN : La gestion par activités et par processus à la croisée des chemins, Gérer et comprendre, Mars 1995, N°38, pages 80 et
sq.
B. MARTORY et Y. PESQUEUX : La nouvelle comptabilité des coûts, 295 pages, PUF, Paris 1995.
LE CONTROLE DE GESTION : 45

par ailleurs la modification des mécanismes de mesure des performances. Les


structures horizontales se substituent progressivement aux structures
fonctionnelles et les structures plates sont préférées aux structures hiérarchiques.
L’entreprise n’est plus perçue comme un ensemble de ressources regroupées en
unités administratives dont il suffit de maximiser l’efficience, indépendamment
les unes des autres, pour avoir du succès. Elle est désormais représentée comme
un ensemble d’activités inter-reliées qui forment des réseaux (chaînes d’activités)
appelés processus auxquels clients et fournisseurs peuvent être rattachés.82 Dans
ce contexte, l’entreprise constitue une chaîne de clients où chacun est à la fois
fournisseur et acheteur. Les activités sont alors intégrées, dans le sens où les
relations ne passent plus quasi exclusivement par la voie hiérarchique, et
deviennent directes, de type clients/fournisseurs, introduisant de proche en proche
les impératifs du marché. Cette vision transversale de la firme influe fortement sur
le système de mesure des performances.83
3- LES TROIS VERSIONS DU CONTROLE DE GESTION STRATEGIQUE
Le tableau ci-après, inspiré de la thèse d’E. CAUVIN, résume ces trois
conceptions. Compte tenu des évolutions de la stratégie et de la comptabilité de
gestion, il est clair que l’on s’oriente très nettement vers la version trois du
contrôle de gestion à savoir vers un contrôle de gestion qui co-construit la
stratégie à partir d’une approche fondée sur les processus-clés de l’entreprise.84

LES TROIS VERSIONS DU CONTROLE DE GESTION STRATEGIQUE


VERSION MINIMALISTE : VERSION MEDIANE VERSION ELARGIE

Le contrôle de gestion Le contrôle de gestion stratégique Le contrôle de gestion stratégique


stratégique peut être une aide à peut constituer la base du système de peut être au cœur de la conception et
la formulation de la stratégie. mise en œuvre de la stratégie. de la mise en œuvre des stratégies
par le biais d’une vision rénovée de
la comptabilité de gestion.
Dans ce contexte, son Son rôle est alors d’assurer la Son rôle est alors de mettre en place
orientation est centrée sur des cohérence entre les buts de un système d’information de gestion
critères externes : notamment l’entreprise et sa gestion centré une analyse fine des processus
l’évaluation des besoins du opérationnelle. On retrouve alors le et des compétences. Cette « base de
marché et des capacités de la concept d’interface entre la stratégie processus » exprime le potentiel de
concurrence. et la mise en œuvre. l’entreprise, ses actifs spécifiques,
son savoir-faire etc..

Principaux concepts Principaux concepts Principaux concepts


Gestion conduite par le marché, Déclinaison et Mise en œuvre de la Interdépendance stratégie et contrôle
( Market-Driven Management). stratégie, Régulation par rétroaction Interaction entre positionnement

82 G. SOLLE Guy et T. GARROT : Le processus : une voie de refonte du contrôle de gestion dans les entreprises de services, application
au secteur public non-marchand. Actes du VXI congrès de l’AFC, Montpellier 1995, volume 2, pages 977 et sq
A. BURLAUD , T. SAADA , C. SIMON : Comptabilité analytique et contrôle de gestion, 199 pages, VUIBERT, Paris 1995.
83 H. BOUQUIN : Les fondements du contrôle de gestion, PUF, que sais-je ?, Paris 1994.
84 Ph. LORINO , J-C TARONDEAU : De la statégie aux processus stratégiques. Revue Française de gestion, Janvier 1998, p. 5-17.
LE CONTROLE DE GESTION : 46

Coût-cible à partir d’une de la planification, des objectifs, et stratégique et contrôle de gestion


estimation du prix du marché, du contrôle, Contrôle de gestion stratégique
(Target Cost, Benchmark) Pertinence de la stratégie par rapport comme facteur d’émergence de la
Théorie économique des aux buts de l’organisation, Vision stratégie
attributs d’un produit contingente: le système de mesure Analyse des incertitudes stratégiques
Théorie des marchés diffère selon la stratégie envisagée, Apprentissage organisationnel
contestables Mesure des sources de l’avantage Tableau de bord prospectif
Gestion stratégique des coûts et concurrentiel: coûts, la valeur et la Gestion à base d’activités et
comptablité de gestion réactivité, Caractère Management à base d’activités
startégique (Strategic multidimensionnel de la (Activity based costing et Activity
Management Accounting ) performance, Apprentissage based management)
organisationnel total et continu,
Gestion des coûts et de la valeur
Construction de systèmes de mesure
physique et Diagnostic permanent en
vue du progrès continu. Le processus
(ou l’activité) concept fédérateur de
la gestion stratégique et
opérationnelle.

3/1 LA VERSION MINIMALISTE DU CONTROLE DE GESTION STRATEGIQUE : LE


CONTROLE DE GESTION COMME AIDE A LA FORMULATION DES
STRATEGIES :
L’idée de base est que le contrôle de gestion procède d’une vision externe à la
firme perçue à travers le marché. Selon BROMWICH (1990), l’information
comptable doit aider l’entreprise à répondre aux actions de la concurrence et à
l’évolution des goûts du consommateur. Ce besoin est conditionné par des
pressions externes à la firme. Le modèle japonais de comptabilité de gestion est
assez proche de cette conception dans la mesure où le système d’information
comptable est beaucoup plus étroitement lié à la stratégie et où le processus de
calcul du coût de revient reflète l’optique d’une gestion conduite par le marché
(pratique du coût-cible). BROMWICH (1990) propose un cadre normatif fondé
sur deux concepts de la théorie économique: les attributs d’un produit
(LANCASTER, 1966, 1979) et les marchés contestables (BAUMOL, 1982).
Théorie de la demande de LANCASTER (1966) Théorie des marchés contestables
Les biens ne sont pas désirés pour eux-mêmes, mais Théorie proposée par W. J. Baumol, J. Panzar et B.
plutôt pour les attributs fondamentaux qu’ils offrent Willig - dans un ouvrage paru en 1982 et intitulé
aux consommateurs. Ce sont ces caractéristiques qui Contestable Markets and the Theory of Industry
sont évaluées sur le marché, et qui donnent aux Structure (Harcourt Brace, New York) . Le but est de
produits leur valeur en les différenciant des autres. valider le concept de concurrence lorsqu’il y a un petit
L’objectif de l’entreprise est d’offrir une gamme nombre d’entreprises qui proposent un même bien.
d’attributs plus large et plus riche que celle proposée Cette théorie s’appuie sur l’idée selon laquelle la seule
par les concurrents, à un prix déterminé par le présence de concurrents « potentiels » empêche les
marché. Des économies de coûts sont planifiées afin entreprises en place de tirer parti de leur situation - en
d’assurer le maintien de l’avantage faisant, par exemple, des profits « anormaux ».
Les implications pour le contrôle de gestion de la Les implications pour le contrôle de gestion de la
théorie de LANCASTER concernent la mesure des théorie des marchés contestables concernent l’analyse
interactions entre les coûts, les attributs et les des conditions dans lesquelles une stratégie de
stratégies : estimation de la demande du produit et de domination par les coûts peut être maintenue. L’outil
LE CONTROLE DE GESTION : 47

l’élasticité de la demande par rapport au prix pour principal du contrôle de gestion stratégique est alors
chaque attribut ; suivi de la stratégie des concurrents basé sur l’analyse stratégique des coûts : mesure des
actuels et potentiels ; définition de la structure des coûts des concurrents, de la courbe de demande de
coûts et des technologies utilisées par chacune des l’industrie afin de s’assurer que le volume associé à la
firmes de l’industrie, définition des conditions du domination par les coûts existe, structure de la chaîne
maintien de la longévité du portefeuille d’attributs de valeur par rapport à celle des concurrents, position
des produits. relative face aux facteurs d’évolution des coûts de
chaque activité, analyse des économies de champ, qui
résultent de la production simultanée de plusieurs
produits par une seule entreprise.

3/2 LA VERSION MEDIANE DU CONTROLE DE GESTION STRATEGIQUE: LE


CONTROLE DE GESTION COMME AIDE A LA MISE EN ŒUVRE DES
STRATEGIES
Dans cette conception, le contrôle de gestion opère la déclinaison de la stratégie
en adaptant son système de mesure en fonction des objectifs retenus. Eric Cauvin
note que cette problématique du contrôle de gestion s’organise autour des points
suivants:
Développement des mesures comptables des différentes sources de l’avantage concurrentiel à partir des trois
axes: les coûts, la valeur et la réactivité.
Recherche d’un équilibre entre les mesures financières et non financières de la performance .
Conception d’un modèle de contrôle orienté sur l’analyse des activités constituant la chaîne de valeur. C’est en
éliminant les activités non créatrices de valeur que l’entreprise peut réduire ses coûts, améliorer la qualité et la
flexibilité: « il faut gérer les activités et non les coûts ».
Modification de l’approche comptable fonctionnelle vers une vision plus transversale à partir d’une analyse des
activités et des processus.
Structuration du système d’information comptable à partir de la notion de chaîne. L’entreprise constitue une
chaîne de clients où chacun est à la fois fournisseur et acheteur. Les activités sont intégrées, dans le sens où
les relations ne passent plus quasi exclusivement par la voie hiérarchique, et deviennent directes, de type
clients/fournisseurs, introduisant de proche en proche les impératifs du marché (HERAN, 1990).
Mise en place d’une comptabilité pour une amélioration permanente.
Orientation prioritaire vers le coût des activités et la relation entre ces activités et la valeur apportée aux clients.
Les mesures opérationnelles doivent refléter la satisfaction des clients, la
flexibilité et la productivité. Elles sont regroupées en quatre catégories: qualité,
délai, temps du cycle et coûts. Au niveau opérationnel, le contrôle doit indiquer si
les activités sont accomplies correctement. Les relations doivent être directes. Les
mesures non financières, tels que des indicateurs de performance sur la qualité,
sont plus appropriées que les mesures financières qui constituent seulement une
minorité. Au niveau tactique, les mesures doivent indiquer les changements
nécessaires à la satisfaction des stratégies. Les coûts, dans la mesure où ils
évaluent l’efficacité des tactiques, peuvent fournir de tels signaux. Les managers
doivent sélectionner des mesures qui conduisent à une amélioration de
l’apprentissage ou des opérations de base. Au niveau stratégique, le contrôle doit
indiquer le moment où un changement dans la stratégie se révèle nécessaire pour
atteindre les buts de l’entreprise. Une telle information peut émerger lorsque les
buts financiers ne sont pas atteints malgré la conduite performante d’une stratégie.
LE CONTROLE DE GESTION : 48

3/3 LA VERSION ELARGIE DU CONTROLE DE GESTION STRATEGIQUE: LE


CONTROLE DE GESTION COMME ELEMENT CONSTITUTIF DE LA
FORMULATION DE LA STRATEGIE
L’idée de base est que la formulation et la mise en œuvre de la stratégie sont
interdépendantes et que le positionnement stratégique, la comptabilité de gestion
et la formation de la stratégie s’influencent mutuellement au fur et à mesure de
l’évolution et de l’adaptation de l’entreprise dans le temps. La comptabilité de
gestion n’est plus seulement un outil de contrôle de la mise en œuvre des
stratégies, mais un facteur de définition des stratégies. L’interaction stratégie –
contrôle permet une analyse des incertitudes stratégiques susceptibles de
compromettre la mise en œuvre des intentions stratégiques des dirigeants. Un
système de contrôle interactif amène l’organisation à faire constamment face aux
préoccupations premières des dirigeants. Il permet aussi à toute l’organisation de
savoir dans quelle direction elle doit aligner ses efforts et chercher de nouvelles
opportunités. Cet apprentissage organisationnel engendré par ce dialogue
interactif provoque donc, en retour, l’émergence, au fil du temps, de nouvelles
stratégies. Dès lors, dans un mode interactif, la comptabilité de gestion ne traite
pas de la mise en œuvre de stratégies déjà formulées mais vise plutôt la formation
des stratégies futures. L’approche de COOPER et KAPLAN (1988) et plus
récemment celle de KAPLAN et NORTON sur le tableau de bord prospectif
s’inscrit dans cette logique. En effet, les systèmes de mesure distillent des
indicateurs opérationnels (vision à court terme) et des indicateurs stratégiques
(vision à long terme). La détermination du coût de revient et de la rentabilité
constituent l’aspect stratégique des systèmes de mesure. Ils influencent les
décisions de conception, de mise en marché ou de retrait des produits. Or, ces
décisions ponctuelles accumulées déterminent l’offre de l’entreprise: sa stratégie.
4- PARADIGME DE LA CONNAISSANCE ET CONTROLE DE GESTION
La nouvelle vision du fonctionnement de l’organisation (courant RBV et
« dynamic capabilities ») a conduit à l’émergence d’un nouveau paradigme : le
paradigme de la connaissance ou paradigme de l’apprentissage organisationnel.
Dans le domaine du contrôle de gestion, ce nouveau paradigme s’est traduit par le
renouvellement des méthodes des coûts cibles, de la comptabilité par les activités
et aboutiront à la fin des années 90 au Modèle Stratégico-Opérationnel (Ph.
LORINO, 1997, op.cit.). B. EKOKA ESSOUA (2006, op. cit.) nous donne
quelques pistes de compréhension des similitudes entre la vision stratégique de la
firme vue en tant qu’ensemble de ressources, compétences et capacités
dynamiques et le renouveau du contrôle de gestion à travers le MSO (modèle
strategico-opérationnel).
Représentations de la firme dans le paradigme de la connaissance
Modèle Strategico-opérationnel Théorie de la firme-compétence foncière
Apprentissage collectif continu Apprentissage collectif continu
Pilotage par le couple valeur-coût Marché et organisation
Chaînes de valeur et trajectoires futures anticipées Influence des contraintes de sentier sur le
comportement futur (diversification)
LE CONTROLE DE GESTION : 49

Traduction de la stratégie en règles d’actions Continuum entre les routines statiques et les routines
opérationnelles et capitalisation des expériences des dynamiques
actions opérationnelles
Activités, base de liaison entre ressources et objets de Compétences collectives et routines
marge organisationnelles
Outils de gestion, supports imparfaits de Routines organisationnelles, modèles d’interactions,
l’apprentissage collectif solutions efficaces à des problèmes particuliers
Recherche causale, démarche d’ensemble de Principe de recherche, caractéristique des routines
résolution des problèmes, de pilotage ou de prise de dynamiques (principes d’essais-erreurs, innovation)
décision
Source : B. EKOKA ESSOUA (2006, p 153)

L’auteur donne ainsi quelques exemples des similitudes des deux conceptions. Sur
la similitude « outils de gestion » et « routines organisationnelles », on voit en
effet que, parmi les routines présentés par G. DOSI et R.R. NELSON (1994)85, se
trouvent les « modes opératoires, les processus de choix des investissements et les
processus de délibérations » qui sont en fait des outils de gestion. Sur la similitude
entre « l’activité comme unité de base de l’analyse » et les « compétences
collectives et routines organisationnelles », l’auteur rappelle que l’activité peut
être vue comme la mise en œuvre d’une compétence individuelle ou collective.
Les savoir-faire de l’entreprise se trouvent ainsi au cœur des deux conceptions de
la firme et du contrôle. Sans prétendre à une opérationnalisation précise et
complète des concepts de capacités dynamiques, il apparaît néanmoins que le
contrôle de gestion actuel a réussi à intégrer la logique causale dans la démarche
de pilotage, à concevoir les outils de gestion comme support d’apprentissage
organisationnel et à s’appuyer sur une vision de l’entreprise fondée sur les
processus et les compétences.
Le lien entre contrôle de gestion et apprentissage organisationnel a été également souligné par M.
BOLLECKER (2002)86. En effet, la phase de suivi des réalisations du processus de contrôle de gestion
(régulation budgétaire) est source d’apprentissage organisationnel dans la mesure où elle génère des actions
correctrices conduisant à des modifications de pratiques et de routines des centres de responsabilité.
En effet, des apprentissages « simple boucle » au sens de C. ARGYRIS et D.
SHÖN (1978)87 sont réalisés lorsque les corrections portent sur les moyens
humains (remotiver, rendre plus compétent) ou matériels. Des apprentissages
« double boucle » au sens de C. ARGYRIS et D. SHÖN sont réalisés lorsque les
objectifs même sont amenés à être remis en cause. L’originalité de l’étude de M.
BOLLECKER est d’apporter à une vision classique de l’apprentissage un ancrage
au niveau individuel (et non plus seulement organisationnel) grâce au modèle de I.
NONAKA et H. TAKEUCHI (1997)88.

85G. DOSI et R.R. NELSON (1994), « An introduction to evolutionary theories in economics », Journal of Evolutionary Economics, pp.
153-172;
86 M. BOLLECKER (2002), “Le rôle des contrôleurs de gestion dans l’apprentissage organisationnel : une analyse de la phase de suivi des
réalisations », CCA , Tome 8, Volume 2 , pp 109-126 .
87 C. ARGYRIS, D; SHÖN (1978), Organizational Learning: A Theory of Action Perspective, Addison Wesley, Reading Mass.
88 I. NONAKA, H. TAKEUCHI (1997), La connaissance créatrice. La dynamique de l’entreprise apprenante, De Boeck Université.
LE CONTROLE DE GESTION : 50

En particulier, l’auteur met en évidence l’impact des contrôleurs de gestion dans le processus d’extériorisation,
combinaison, socialisation et intériorisation des connaissances.
l’extériorisation des connaissances - conversion de connaissances tacites en connaissances explicites - se fait
par la mesure périodique des résultats (« formalisation de l’expérience dans des documents comptables »).
La combinaison des connaissances – échanges de connaissances explicites – est réalisée à travers la diffusion
de ces documents comptables agrégés
L’intériorisation – transformation de connaissances explicites en connaissances tacites – se manifeste lorsque
des leçons tirées de l’analyse des documents sont « encodées dans les modèles mentaux individuels »
La socialisation – partage de connaissances tacites – est développée lorsque les discussions dans les réunions
de suivi de réalisation (portant sur les écarts entre objectifs et réalisations) par exemple conduisent à un
« échange d’expériences » entre individus.
Le contrôleur de gestion joue un rôle crucial dans cette dernière phase car, tout
d’abord, il est souvent la tierce personne permettant de lever les freins liés aux
capacités cognitives limitées et aux stratégies défensives individuelles. De plus, il
joue souvent le rôle d’un « traducteur » des informations entre les centres
opérationnels et la hiérarchie et entre responsables opérationnels. « Plus
précisément, ce rôle d’intermédiaire et d’interlocuteur semble nécessaire pour
expliquer à chacun les objectifs et contraintes des différentes centres
opérationnels ainsi que pour la recherche de compromis et de solutions
permettant d’apaiser les conflits mais aussi pour rappeler régulièrement aux
directeurs de centre les objectifs généraux de l’entreprise à atteindre » (p 123).
Or lorsque ces échanges permettent de mettre en œuvre des actions de correction,
on peut constater des apprentissages organisationnels.

SECTION 2: L’APPROCHE EXTERNE DU CONTROLE DE


GESTION STRATEGIQUE OU LE CONTROLE DE GESTION
FONDE SUR L’AVANTAGE CONCURRENTIEL.
Il s’agit d’examiner ici les outils du contrôle de gestion qui sont inspirés par
l’approche externe et dont le but principal est de donner une évaluation de
l’avantage concurrentiel. Du point de vue du contrôle de gestion, cette approche
externe s’exprime à travers l’ensemble des outils comptables et financiers
susceptibles de formaliser l’avantage concurrentiel.
1 L’ANALYSE STRATEGIQUE DES COUTS
D’une façon générale, il existe toujours une relation étroite entre l’analyse des
coûts et la stratégie, même si le modèle comptable et les systèmes de contrôle
n’en appréhendent qu’une part plus ou moins grande. J. SHANK & V.
GOVINDARAJAN proposent un cadre pour l’analyse stratégique des coûts :
Le cadre proposé par J. SHANK & V. GOVINDARAJAN 89
LE CADRE d’ANALYSE DE LA GESTION STRATEGIQUE DES COUTS

89 J. SHANK & V. GOVINDARAJAN , (1993) Strategic Cost Management: The New Tool for Competitive Advantage, New York, The
Free Press
LE CONTROLE DE GESTION : 51

ANALYSE DE LA CHAINE DE VALEUR

ANALYSE DES DETERMINANTS DES ANALYSE DU POSITIONNEMENT STRATEGIQUE


COUTS
Facteurs structurels Facteurs Missions Avantage
d’évolution des coûts d’exécution et concurrentiel
évolution des
coûts
L’ANALYSE DE LA CHAINE DE VALEUR
La démarche que propose PORTER s’articule autour de trois étapes. L’analyse de
l’industrie, qui permet de mieux comprendre les règles de la concurrence et les
causes de la déstabilisation de l’équilibre concurrentiel; les stratégies génériques,
qui définissent les options de référence disponibles suivant le type
d’environnement; la typologie des environnements génériques, qui détermine les
modalités stratégiques envisageables. Selon PORTER, les règles qui régissent le
jeu concurrentiel et les options stratégiques dépendent de la structure de
l’industrie: l’intensité de la concurrence dans un secteur n’est pas le fait du hasard
ou de la malchance. Elle est, au contraire, enracinée dans les structures
économiques qui sous-tendent les secteurs. L’attractivité d’une industrie est liée à
l’intensité des cinq forces structurelles. Plus l’intensité de ces forces est élevée,
moins l’industrie est attractive.
ANALYSE DE LA DYNAMIQUE SECTORIELLE:

ENTRANTS POTENTIELS
Menace de nouveaux entrants

POUVOIR DE L’intensité de la concurrence. POUVOIR DE


NEGOCIATION CONCURRENTS DE L’INDUSTRIE NEGOCIATION
DES DES CLIENTS
FOURNISSEURS

PRODUITS OU SERVICES SUBSTITUABLES


menace des produits ou services de substitution

PORTER (1985) présente les sources de création et de maintien d’un avantage


concurrentiel. Son analyse repose sur la création de valeur; la valeur représentant
la somme que les clients sont prêts à payer pour ce qu’une firme leur offre. C’est à
travers les activités qu’une entreprise accomplit pour concevoir, fabriquer,
commercialiser, distribuer et soutenir son produit, qu’elle crée l’avantage
concurrentiel. Chaque activité peut contribuer à la position relative de la firme en
termes de coûts et créer une base de différenciation. L’analyse des sources de
l’avantage concurrentiel passe donc par l’examen de toutes les activités d’une
firme et de leurs interactions. Cette analyse est le fondement même de l’existence
de l’outil chaîne de valeur, dont l’objectif est de décomposer la firme en activités
pertinentes au sens de la stratégie, dans le but de comprendre le comportement des
LE CONTROLE DE GESTION : 52

coûts et de saisir les sources existantes et potentielles de différenciation.90 La


chaîne de valeur d’une entreprise s’intègre dans un flux d’activités plus large que
PORTER appelle système de la valeur. Elle est liée à la chaîne de valeur de ses
fournisseurs, de ses canaux de distribution et de ses clients. La création et le
maintien d’un avantage concurrentiel nécessitent la compréhension et la gestion
de ces interdépendances.
Infrastructure de la firme
Activités de
soutien

Gestion des ressources humaines

MARGES
Développement technologique
Approvisionnements
Logistique Production Logistique Commercialisati Services
interne externe on
Activités principales
LES ACTIVITES CREATRICES DE VALEUR, NATURE ET IDENTIFICATION :
Les activités créatrices de valeur sont les différentes activités physiques et
technologiques qu’une firme réalise dans le but de créer un produit qui possède
une valeur pour ses clients. Les activités créatrices de valeur sont donc les
éléments de base de l’avantage concurrentiel parce qu’elles sont source de
différenciation ou de réduction des coûts. L’identification des activités créatrices
de valeur est fonction de leur technologie et de leur importance stratégique. I1 faut
subdiviser en activités les grandes fonctions que sont notamment la fabrication et
la commercialisation. Le découpage peut être de plus en plus fin, mais les
activités doivent rester distinctes. Le degré adéquat de désagrégation dépend des
bases économiques des activités et des finalités qui motivent l’analyse de la
chaîne de valeur. Toutefois, on doit séparer les activités lorsque:
- elles reposent sur des mécanismes économiques différents;
- elles ont un impact potentiel élevé sur la différenciation;
- elles représentent une fraction importante ou croissante des coûts.
Les activités principales et de soutien:
Les activités principales: Les activités de soutien :
Ce sont les activités impliquées dans la création Ce sont les activités nécessaires à l’accomplissement des
du produit, sa vente et son transfert au client. activités principales
PORTER distingue cinq activités principales: PORTER en dénombre quatre:
la logistique des entrées: activités liées à la les approvisionnements: activités liées à la façon dont on
réception, au stockage et à la distribution des se procure les divers éléments nécessaires à la
éléments entrant dans la fabrication du produit; fabrication et à la vente du produit;
la production: activités liées à la transformation le développement de la technologie: activités liées à
de ces éléments en un produit fini; l’amélioration du produit ou du processus de production
la logistique des sorties: activités liées au (technologie au sens large: Recherche et
rassemblement, au stockage et à la distribution Développement, informatisation de la gestion de
des produits aux clients; production,...);
le marketing et les ventes: activités liées à la la gestion des ressources humaines: activités liées au
façon par laquelle le client se procure le produit et recrutement, à l’emploi, à la formation, à la promotion et

90 M.E. PORTER , Competitive Advantage: Creating and Sustaining Superior Performance, New York, The Free Press, 1985.
LE CONTROLE DE GESTION : 53

à la façon par laquelle on l’incite à l’acheter; à la rémunération du personnel;


les services: activités liées à la fourniture d’un l‘infrastructure de l ‘entreprise : activités de direction,
service pour augmenter ou maintenir la valeur du planification, comptabilité, finance et gestion de la
produit. qualité.
ANALYSE STRATEGIQUE DES COUTS ET AVANTAGE CONCURRENTIEL:
L’avantage stratégique peut s’appuyer, soit sur une spécificité perçue par le client,
soit sur des coûts relatifs plus bas. La cible stratégique choisie peut être, soit
l’ensemble du secteur, soit un segment particulier. La combinaison de ces choix
conduit PORTER à distinguer les trois stratégies génériques: domination par les
coûts; différenciation et focalisation. Les trois stratégies génériques supposent une
réflexion particulière sur le système d’analyse des coûts à mettre en place. La
stratégie de domination par les coûts correspond à la recherche d’un leadership
absolu en matière de coûts alors que le recours à une stratégie de différenciation
n‘autorise pas l’entreprise à négliger les coûts, mais ces derniers ne constituent
pas une priorité (absence d’économies d’échelle, retard par rapport au leader très
important).

SOURCE DE L’AVANTAGE CONCURENTIEL

Baisse des coûts Différenciation

La stratégie de domination par les coûts La stratégie de différenciation (cible


(cible large) correspond à la recherche d’un large) vise à fournir au secteur un
leadership absolu en matière de coûts. Cet produit ou un service possédant une ou
avantage peut provenir d’une production de plusieurs caractéristiques perçues
LARGE

masse (économies d’échelle, effets comme uniques par le client (image de


Champ des activités

d’expérience,...) ou d’autres facteurs comme marque, technologie, service après


un accès à des ressources rares (matières vente,...).
premières, technologie,...).

Focalisation/spécialisation Focalisation/spécialisation
(sur les coûts) (sur la différenciation)
ETROIT

La stratégie de focalisation (cible étroite) La stratégie de focalisation (cible étroite)


consiste à satisfaire les besoins spécifiques consiste à satisfaire les besoins
d’une cible restreinte (en termes de coût) spécifiques d’une cible restreinte ( en
termes de différenciation)
La stratégie de domination par les coûts consiste à contrôler l’évolution des
générateurs de coûts ou à remodeler la chaîne de valeur, dans le but d’adopter une
façon différente et plus efficiente de concevoir, produire, distribuer ou
commercialiser le produit. L’avantage de domination par les coûts présente un
caractère durable si la concurrence n’est pas en mesure de reproduire ou d’imiter
les sources de l’avantage. La création d’un avantage résulte de l’acquisition d’une
caractéristique unique du produit à laquelle les clients attachent de la valeur. La
démarche d’utilisation de la chaîne de valeur diffère du cas précédent sur deux
éléments. Les facteurs d’évolution des coûts sont remplacés par les facteurs qui
engendrent le caractère unique du produit ou du service associé (services fournis,
intensité d’une activité, les liaisons au sein de sa chaîne de valeur, date de
LE CONTROLE DE GESTION : 54

lancement, localisation). Les autres facteurs concernent les interconnexions: le


partage d’une activité entre plusieurs unités, l’apprentissage et les effets de
diffusion, l’intégration, l’échelle, les facteurs institutionnels. La stratégie de
focalisation repose sur l’hypothèse que l’entreprise est capable de satisfaire un
créneau avec plus d’efficacité et de compétence que les entreprises servant
l’ensemble du secteur. Ce résultat peut être fondé sur une domination par les coûts
ou sur un avantage en termes de différenciation.
2 LES FACTEURS DETERMINANTS DES COUTS
L’apport le plus important est la prise en compte de facteurs autres que le volume
produit et vendu. Pour PORTER, le comportement des coûts dépend de la gestion
de leurs facteurs structurels d’évolution. Cette orientation introduit une rupture
par rapport aux approches antérieures qui relient le comportement des coûts à un
seul facteur explicatif fondamental (à savoir le volume produit et l’effet
d’expérience introduit dès 1968 par le BOSTON CONSULTING GROUP.
PORTER (1985) rationalise et élargit cette vision en proposant d’autres facteurs
structurels.
Les inducteurs de PORTER
Inducteurs de coûts Commentaires
Les économies ou déséconomies d’échelles L’échelle agit favorablement ou défavorablement sur
le coût de l’activité

L’apprentissage Le coût de l’activité décline avec l’apprentissage


La configuration de l’utilisation des capacités Les activités créatrices de valeurs sont vulnérables à la
sous activité
Les liaisons(fournisseurs, clients, ... ) L’exploitation des liaisons peut diminuer les coûts
Les interconnexions Le partage du savoir faire peut diminuer les coûts
L’intégration L’intégration verticale peut réduire les coûts des
Activités.
Le calendrier Des avantages peuvent être obtenus en adoptant une
stratégie de « first-mover » ou « follower »
Les mesures discrétionnaires Elles affectent toujours les coûts
La localisation Le choix de la localisation affecte les coûts de main
d’œuvre et de transport.
Les facteurs institutionnels Effets sur les coûts.
SHANK (1989) fournit un nouveau jeu d’inducteurs de coûts. Il distingue les
inducteurs structurels, en liaison avec la structure de l’unité d’activité stratégique,
et ceux d’exécution en relation avec la capacité de l’entreprise à mettre en œuvre
sa stratégie. Le choix en termes d’inducteurs structurels et d’exécution détermine
la position compétitive d’une entreprise et permet de comprendre sa structure de
coûts.
L’ANALYSE DU POSITIONNEMENT STRATEGIQUE
SHANK et GOVINDARAJAN distinguent ce qui relève de la mission ou des
objectifs et ce qui dépend de l’avantage concurrentiel. On sait que de nombreux
facteurs influent sur le processus de contrôle de gestion (voir ci-avant le concept
de contingence). A partir du moment où des stratégies différentes reposent sur une
hiérarchie des tâches différente et sur des facteurs-clés de succès différents, cette
LE CONTROLE DE GESTION : 55

relation modifie la conception du système de contrôle. Les différentes missions


peuvent se ramener à des catégories types:
Construire Maintenir : Récolter :
L’objectif consiste à accroître la L’objectif est la protection de la L’objectif est de maximiser les
part de marché, même au détriment part de marché de l’unité. Dans bénéfices à court terme et la
des bénéfices à court terme et des une entreprise qui poursuit cet trésorerie, même aux dépens de
flux financiers. Une unité qui se objectif, les sorties seront plus ou la part de marché. L’unité qui
fixe cette mission sera très moins équivalentes aux entrées. choisit cette option présente des
probablement déficitaire en termes C’est généralement la mission flux financiers nets positifs.
de flux financiers nets, dans la qu’adoptent les unités qui C’est la mission qu’adoptent le
mesure où les recettes générées par détiennent une part de marché plus souvent les entreprises
ses opérations courantes seront importante dans des secteurs possédant une forte part de
généralement insuffisantes pour d’activité à forte croissance. marché dans des secteurs
couvrir ses besoins d’activité à faible croissance.
d’investissements.
Ces missions forment un continuum qui commence par l’acquisition d’une
position sur le marché et se termine par la récolte des bénéfices. Pour que la mise
en place de la stratégie soit efficace, la mission choisie et les systèmes de contrôle
utilisés doivent être compatibles. Les systèmes de contrôle de gestion ne peuvent
donc être figés mais doivent, au contraire, être constamment modifiés afin de
contribuer à ce processus d’aide à la décision stratégique.
Construire Maintenir Récolter
Objectifs Accroître la part de marché Protéger la part de marché et Maximiser le bénéfice
au détriment de la rentabilité la position concurrentielle à court terme
à court terme
Situation financière Flux financiers nets Flux financiers nets Flux financiers nets
déficitaires équilibrés positifs
Part de marché Faible Importante Importante
Croissance du Forte Forte Faible
secteur

SECTION 3 : CONTROLE DE GESTION STRATEGIQUE ET


ELABORATION DU TABLEAU DE BORD CONCURRENTIEL
L’approche externe du contrôle de gestion est orientée, à titre principal, vers le
diagnostic de l’avantage concurrentiel de l’entreprise considéré comme la source
première de la performance. Dans cette optique, une des missions fondamentales
du contrôle de gestion est de participer à l’élaboration et au suivi du tableau de
bord concurrentiel qui rassemble les paramètres fondamentaux. L’origine de cette
approche peut se trouver dans les travaux du PIMS qui ont abordé la mesure des
corrélations entre la stratégie et la performance des entreprises.
1- LE PROGRAMME « PROFIT IMPACT OF MARKET STRATEGIES » (PIMS)
Le programme du « Profit Impact of Market Strategy », géré par le « Strategic
Planning Institute », a débuté en 1972 à l’initiative de la General Electric et de la
Harvard Business School. L’objectif de ce programme résidait dans
l’identification des relations entre des variables stratégiques (représentant les
LE CONTROLE DE GESTION : 56

mesures retenues pour caractériser la position stratégique de l’entreprise étudiée)


et la performance de l’entreprise. Ce programme était basé sur des études
empiriques devant induire des lois statistiques. Afin de trouver les corrélations
entre stratégie et rentabilité, la stratégie a dû être décomposée en variables
caractéristiques. Dans le long terme, le facteur le plus important concernant la
performance est la qualité relative des produits ou des services d’une entreprise, et
ce, relativement aux concurrents. Rentabilité et part de marché sont fortement
liées. Le taux de dépenses en marketing par rapport aux revenus des ventes est
faible pour les entreprises à forte part de marché. L’intensité des investissements
est négativement corrélée avec leur rentabilité. La stratégie d’intégration verticale
n’est profitable que pour quelques types d’industries. La plupart des facteurs
dopant le retour sur investissement contribuent aussi à la valeur de l’entreprise
dans le long terme. La référence permanente aux concurrents (part de marché
relative, coûts relatifs, prix relatifs et qualité relative) rappelle la nécessité de cette
confrontation avec la performance réalisée par les entreprises concurrentes.
Les mesures de la position compétitive adoptées par le PIMS
Eléments de la position Mesures de la position compétitive Mesure des changements
compétitive
Politique du produit Part de marché (PM) du SBU Changements dans la PM
Taux de variation de la PM du SBU Changements du taux de PM
index de la qualité relativement aux Changements dans l’index de
concurrents qualité
Pourcentage des nouveaux Changements dans le
produits/services dans les ventes pourcentage
relativement aux concurrents

Politique de Prix Index du prix relatif du SBU Changements dans l’index des
relativement aux concurrents (moyenne prix relatifs
des concurrents = 100)
Programme de Marketing Pourcentage des dépenses de marketing Changements dans ce
dans les ventes pourcentage
Stratégie d’investissements Valeur des usines et des équipements Changements dans les ratios
relativement aux ventes, à la valeur d’investissements
ajoutée et à l’emploi. Changements dans la nouveauté
Nouveauté des équipements et usines Changements dans la
Productivité du travail productivité Changements dans
Pourcentage des stocks / ventes le pourcentage

Intégration verticale Pourcentage de la valeur ajoutée dans les Changements dans le


ventes pourcentage Changements dans
Intégration verticale relativement aux l’intégration verticale relative
concurrents (plus, égal, moins)
Recherche et Développement Pourcentage de R&D dans les ventes Changements dans ce
pourcentage
SBU : Strategic Business Unit ou unité d’activité stratégique ; PM: Part de marché
La comptabilité de gestion s’est jusqu’à présent surtout intéressée au calcul des
coûts, à la mise en place de systèmes d’évaluation basés sur les calculs d’écarts
entre la performance réalisée et standards établis a priori et sans aucune référence
LE CONTROLE DE GESTION : 57

externe. L’optique est, ici, fondamentalement différente et met l’accent sur le rôle
du contrôleur de gestion dans l’élaboration du référentiel concurrentiel. La
connaissance de la tendance des parts de marché, des ventes, des résultats et des
coûts des entreprises concurrentes est d’une grande importance. Ces variables
permettent de juger de la position stratégique d’une entreprise et de son évolution.
Elles forment la base du tableau de bord concurrentiel dont l’objet est de guider
l’entreprise dans sa recherche d’avantages compétitifs. Ces informations doivent
ainsi être recueillies, en valeur relative et réelle.
Part de marché relative et absolue (source: DIXON, 1993, p. 613)
PART DE PART DE MARCHE RELATIVE
MARCHE REELLE
Diminution Stable Augmentation
Perte de terrain par Perte de marché avec le Gain de terrain / concurrent
Diminution rapport à l’ensemble des concurrent principal contre principal
concurrents tous les autres Perte /ensemble concurrents

Stable Perte de terrain / au Aucun changement dans la Gain de terrain / concurrent


concurrent principal Position principal
Perte de terrain / Maintien de la parité / Gain de terrain / concurrent
Augmentation concurrent principal qui Concurrent principal, mais principal qui augmente sa
augmente sa tous deux gagnent / à part de marché
part de marché l’ensemble des concurrents
Les variations de la part de marché absolue et relative pour chaque concurrent
proche, devraient être surveillées afin de connaître non seulement l’évolution de
chaque firme, mais surtout afin de pouvoir estimer la tendance probable des
résultats dans le long terme. Les sociétés japonaises accordent une extrême
attention à cet indicateur (DEMIRAG, 1994).91 En raison de la pertinence de cette
information, SIMMONDS préconise son ajout aux états financiers afin de
permettre aux managers de mieux juger de la position compétitive de leur
entreprise.92
Profits et Marges Prix unitaires
La connaissance des profits réalisés et des Un changement dans les prix pratiqués par la concurrence
marges est importante pour évaluer les peut indiquer une modification de la politique tarifaire. En
capacités des concurrents. Lorsqu’une complétant cette information avec celles de la part de
entreprise réalise des profits conséquents, il est marché et des coûts, l’évolution de la position compétitive
toujours possible de conforter sa position peut être obtenue, autorisant alors l’appréciation des forces
compétitive en diminuant ses prix, en et faiblesses de l’entreprise surveillée.
augmentant la qualité de ses produits, ou bien
en accroissant sa part de marché par des
dépenses de marketing importantes.
Coûts unitaires Liquidités et disponibilités des ressources
Les mutations d’une structure de coûts révèlent La capacité compétitive dépend des ressources et des
l’efficacité relative de la firme (comment liquidités qu’elle peut soulever. La possession de ces

91 L. DEMIRAG (1994) : Management Control Systems and Performance evaluations in Japanese Companies : a British perspective,
Management Accounting, London, vol. 72 n°7, Jul/aug, p 18-20
92 K. SIMMONDS (1986) : The accounting assessment of competitive position, European Journal of Marketing, vol.20, n°l, p 16-31
LE CONTROLE DE GESTION : 58

étudier les coûts d’une entreprise concurrente). données complète excellemment l’évaluation de la
soutenabilité de la stratégie nouvellement engagée par
l’entreprise étudiée.
K. WARD (1993) fournit l’exemple des stratégies de prix des sociétés japonaises.
Les sociétés américaines se sont rendu compte, mais trop tard, que les premières
avaient un réel avantage de coûts, ce qui leur permettait de toujours maintenir leur
stratégie de prix. Les sociétés américaines avaient, en effet, initialement supposé
que les sociétés japonaises fixaient leur prix de vente en-dessous de leurs coûts
dans un but de domination du marché, et ce avant de restaurer des prix de vente
leur garantissant une rentabilité.93 La connaissance des niveaux de coûts aurait
permis d’éviter cette erreur. L’analyse des indicateurs précédents doit être
complétée. En effet, la prévision des stratégies futures (celles que les concurrents
pourraient mettre en œuvre compte tenu de leurs capacités actuelles), doit être
faite. L’ensemble de ces informations forme ainsi un tableau de bord concurrentiel
qui doit être régulièrement mis à jour (voir ci-après).
2- LA METHODE CORE DE MOON ET BATES: EVALUATION DE LA
PERFORMANCE STRATEGIQUE DES CONCURRENTS
MOON et BATES (1993) font partie des auteurs préconisant une orientation externe de la comptabilité de
gestion.94 Elle doit en effet permettre d’évaluer la « performance stratégique » des concurrents. Ils proposent
une méthode permettant d’évaluer cette performance à partir de l’information publiée. Les états financiers sont
analysés à la lueur des éléments stratégiques, pour évaluer le succès de la stratégie mise en œuvre. Cette
méthode, baptisée CORE (Context - Overview - Ratios – Evaluation) , comprend quatre étapes.
1) Mise en scène de l’entreprise au travers de l’étude du contexte interne et externe
La connaissance du contexte dans lequel évolue l’entreprise est obligatoire si l’on veut comprendre ses états
financiers.
Le contexte externe de l’entreprise.
L’objet est de définir tout d’abord les caractéristiques typiques du secteur d’activités (industriel ou de services)
auquel appartient l’entreprise étudiée afin d’apprécier la structure « normale » qu’auraient les états financiers
d’une entreprise typique de ce secteur. Les caractéristiques sont par exemple la proportion d’actifs circulants et
fixes, le type de financement, les caractéristiques du cycle d’exploitation et ses conséquences en termes de
position de trésorerie ... (DE RONGE, 1992). Ensuite, les états financiers doivent être évalués en tenant compte
des changements intervenus dans les conditions générales du marché pendant la période d’analyse de
l’entreprise (MOON et BATES, 1993). Les changements économiques, politiques et juridiques influencent
positivement ou négativement les états de l’entreprise. L’impact de telles influences doit être estimé.
Le contexte interne de l’entreprise.
L’évolution dans le positionnement stratégique de l’entreprise modifie progressivement les états financiers de
l’entreprise. L’analyse de cette évolution sur la période d’analyse est alors essentielle. De même, l’estimation
nécessaire de la soutenabilité de l’avantage compétitif obtenu à la suite de ces changements passe par
l’identification et le suivi des facteurs-clés de succès de la stratégie choisie.
2) Appréciation globale
Après avoir situé l’entreprise dans son contexte, une première analyse des états financiers est proposée par
MOON et BATES. Le but est d’estimer globalement (sans aucun calcul) la performance de l’entreprise à partir
de la tendance des ventes, des profits et des actifs et dettes. Cette analyse peut être complétée par toute

93 K. WARD (1993) : Accounting for a sustainable competitive advantage, Management Accounting, London, vol. 71 n°9, October, p. 36
94 P. MOON & K. BATES (1993) : CORE analysis in strategic performance appraisal, Management Accounting Research, 4, p 139-152
LE CONTROLE DE GESTION : 59

information publiquement disponible. Il doit être tenu compte d’événements intervenus pendant la période
d’analyse tels que grèves, fusions - acquisitions, ... ainsi que des changements dans la politique comptable
utilisée.
3) Utilisation de ratios
Une évaluation de la réalisation des objectifs stratégiques est proposée dans cette troisième phase. L’essentiel
est de choisir des ratios représentatifs des facteurs-clés de succès établis dans la première phase et d’avoir
une certaine constance dans leurs choix. L’interprétation des ratios ainsi calculés est réalisée en étudiant les
ratios sur plusieurs années afin d’évaluer plus profondément la performance de l’entreprise, et en tenant
compte, à titre de norme éventuellement, de la comparaison avec ceux d’entreprises concurrentes et opérant
dans le même secteur.
4) Evaluation globale de l’entreprise
Une évaluation globale de la performance de l’entreprise est enfin réalisée, en se basant sur les trois premières
étapes.

3- UN EXEMPLE DE TABLEAU DE BORD CONCURRENTIEL CONSTRUIT A


PARTIR DES RAPPORTS ANNUELS DES ENTREPRISES:
Ce tableau est issu d’une analyse de C. MICHAILESCO95 qui se sert de cette
grille de lecture pour appréhender les déterminants de la qualité de l’information
comptable des entreprises françaises. On peut voir, à travers cette grille de lecture,
qu’il est possible de constituer un début d’analyse des principaux concurrents en
utilisant, comme matériau de base, les rapports annuels publiés par les entreprises.
Il faut rappeler que, sous l’impulsion des marchés financiers, cette information est
de plus en plus développée. Elle comprend notamment une information segmentée
qui peut s’avérer précieuse.
Présentation de la société ou du groupe.
Exposé des métiers, marchés, produits ou services offerts et principaux sites d’exploitation du groupe,
principaux actionnaires de l’entreprise (pourcentage du capital et droit de vote détenu), présentation des
performances boursières (évolution du cours de l’action (moyennes, cours extrêmes) et capitalisation
boursière).
Eléments sur la situation économique du groupe.
Présentation des éléments du domaine commercial, position compétitive du groupe sur ses marchés (parts de
marché, taux de croissance, atouts quantitatifs et qualitatifs par rapport à la concurrence), présentation des
principaux concurrents (rentabilité, parts de marché, croissance), succès et échecs commerciaux du groupe
(contrats, carnet de commandes, produits nouveaux), présentation des actions d’amélioration des produits au
niveau de la sécurité, des risques de pollution.
Présentation des éléments du domaine industriel
Frais de recherche et développement engagés (globaux, segmentés, partie autofinancée). Description des axes
de recherche et développement.
Résultats obtenus (succès ou échecs) sur les projets de R&D mis en œuvre. Présentation des éléments du
domaine économique. social et politique:
Informations sur des facteurs économiques, sociaux ou politiques ayant influencé les performances.
Présentation des éléments du domaine financier:
Politique financière du groupe au cours des derniers exercices. Voies de financement de l’activité privilégiées
dans le futur.
Présentation des éléments du domaine social : Informations sur les effectifs et leur évolution. Informations sur
les relations sociales (procédures collectives, conflits sociaux, relations avec les instances représentatives).

95 C. MICHAILESCO : Les déterminants de la qualité de l’information comptable, thèse, Paris Dauphine, Septembre1998.
LE CONTROLE DE GESTION : 60

Présentation des actions menées pour l’insertion et l’emploi des minorités, des jeunes, des femmes et des
handicapés sur le territoire national et à l’étranger.
Présentation des éléments du domaine sociétal :
Présentation des actions pour la protection de l’environnement, maîtrise de l’énergie et de leurs impacts.
Présentation purement qualitative et descriptive des divers éléments permettant d’apprécier la continuité
temporelle du groupe (absence d’évaluation économique et financière).
Perspectives et Prévisions
Perspectives du groupe et orientations stratégiques (produits, marchés, choix de développement).
Objectifs chiffrés fixés (rentabilité, croissance du CA, parts de marché, ... Prévisions du chiffre d’affaires et du
résultat d’exploitation futurs. Explications des variations entre prévisions précédentes et réalisations.
Informations segmentées par activités (CA, résultat d’exploitation, éléments d’actifs, effectifs, investissements).
Informations segmentées par zones géographiques (CA, résultat d’exploitation, éléments d’actifs,
investissements, effectifs).
Evaluation des atouts compétitifs du groupe:
Accès aux ressources : réserves ou détention en propre de sources de matières premières, pouvoirs de
négociation auprès des fournisseurs, contrats privilégiés à long terme, intégration en amont;
Unités de production: capacité, flexibilité, productivité, emplacement géographique, spécialisation, certification
aux normes de qualité ;
Maîtrise des coûts : structure des coûts, rentabilité, courbes d’expérience, maîtrise des charges d’exploitation;
Technologie : détention de procédés, importance des innovations annuelles
Qualité du management: organisation interne, maîtrise des diverses fonctions ;
La position sur les marchés de l’entreprise: classement par rapports aux concurrents, possibilité de manœuvre
sur les marchés
L’image de l’entreprise: réputation, marques, prix et distinction, efforts publicitaires, mécénat et sponsoring ;
L’offre des produits : complémentarité de l’offre, étendue et positionnement de la gamme ;
La valeur des produits : norme de qualité, supériorité technique, prix, services accessoires, adaptation à la
demande ;
La distribution des produits : autorisation, partenariat, déploiement du réseau, équilibre géographique,
adaptation du réseau à l’évolution de la demande.

4- CONTROLE DE GESTION ET ANALYSE DU CLIENT :


La relation privilégiée avec le client est la base de la construction d’un avantage
compétitif. La Customer Account Profitability (CAP) ou rentabilité du compte
client peut être définie comme le total des revenus générés par un groupe de
clients diminué des coûts correspondants96. La CAP est une aide à la formulation
stratégique. K. WARD insiste sur l’intérêt de s’intéresser au calcul de la
rentabilité des clients actuels (par opposition aux clients potentiels). En effet, la
rétention des clients actuels a deux avantages. Lors du lancement d’un nouveau
produit, il est moins onéreux de tenter de le vendre aux clients existants, plutôt
que de rechercher une autre clientèle. Ainsi, les dépenses engagées à l’occasion de
la recherche de la première clientèle seront plus vite amorties. Dans un contexte
de concurrence accrue, et surtout lorsque le produit se situe dans la phase de
maturité, l’analyse approfondie des segments de clients est alors essentielle afin
de pouvoir les retenir. La connaissance de la rentabilité d’un groupe de clients
suppose une attribution de revenus et de coûts. La CAP peut être calculée en

96 K. WARD (1992) : Accounting for the Competition, Management Accounting, London,vol.70,n°2, Feb, p 19-20
LE CONTROLE DE GESTION : 61

utilisant les coûts directs d’un niveau particulier d’agrégation. Néanmoins, la


proportion de coûts directs est faible lorsque l’objet d’analyse est le client
individuel. WARD préconise ainsi l’adoption de la notion de coût attribuable
(Attributable Cost). Ce coût pourrait être évité si le produit ou la fonction (c’est-à-
dire le service au client) auxquels il se réfère étaient éliminés, sans modifier la
structure organisationnelle de l’entreprise. Ainsi, ne sont pris en compte que les
changements dans les coûts qui surviendront si la décision stratégique était prise
(Avoidable Cost). Les coûts doivent pouvoir être affectés au niveau le plus petit
possible, niveau auquel ils sont évitables.
Le concept de la valeur économique offerte au consommateur (Economic Value to Consumer)97
La valeur économique offerte au consommateur (EVQ) peut être définie comme la valeur relative qu’un produit
donné offre à un consommateur particulier dans une application particulière, c’est à dire le montant maximum
qu’il serait disposé à payer, en supposant qu’il est parfaitement informé concernant le produit et les offres des
concurrents. (FORBIS et MEHTA, 1981, p.32). L’utilisation de ce concept permet d’associer à la fois une
augmentation de la part de marché, la réalisation de profits pour le fournisseur et la réalisation d’économies de
coûts pour le client. En effet, l’augmentation de la part de marché est permise par l’offre d’un avantage
pécuniaire pour le consommateur, ainsi disposé à modifier ses achats et à acheter le nouveau produit. Le
produit de référence est un produit offrant les mêmes fonctions ou satisfaisant les mêmes besoins pour le
consommateur. L’EVC sera calculé par rapport à ce produit. Le cycle de vie des coûts d’un produit comprend:
Le prix d’achat du produit (somme totale payée par le client à son fournisseur pour acquérir le produit), les coûts
de démarrage, les coûts inhérents à la modification des systèmes du client afin de pouvoir employer le produit
acheté, les coûts subis après l’achat: maintenance, réparations, charges financières liées à son achat.

5- TARGET COSTING ET COUT OBJECTIF


La méthode du coût-cible a fait l’objet de nombreuses définitions. Ph. LORINO,
(1994) la définit comme une démarche qui vise à réduire les coûts des nouveaux
produits sur l’ensemble de leur cycle de vie, tout en satisfaisant aux exigences du
consommateur en matière de qualité, de fiabilité et autres, en examinant toutes les
idées envisageables de réduction des coûts au moment de la planification, du
développement et du prototypage. Ce n’est donc pas une simple technique de
réduction des coûts, mais un système complet de gestion stratégique des profits. 98
Le concept de coût objectif
Démarche 1 Démarche 2
Stratégie Approche Marketing Approche analytique Conception (ingénierie
commerciale = = de la valeur)
Déductive Inductive Standards de
production
Structure affaire / Modèles paramétriques
produit
Exigence externe Solution interne

97 LLFORBIS et N.T. MEHTA (1981) : Value-Based Strategies for Industrial Products, Business Horizons, 24, 3 (May), p 44-52

98 Ph. LORINO (1994) : Target Costing ou gestion par coûts-cibles. Première partie : boîte à outils ou mode d’apprentissage
organisationnel. Qu’est ce que le « Target Costing ? », Revue française de comptabilité, n°255, Avril, p35-45
LE CONTROLE DE GESTION : 62


Coût objectif
Pour une entreprise industrielle, les produits sont les vecteurs privilégiés du profit
et la profitabilité des produits se joue pour l’essentiel dans les phases amont
(planification et conception) du cycle de vie, et non dans les phases aval
(production et distribution). Le constat est désormais bien connu : 80 % des coûts
du cycle de vie d’un produit sont préengagés (prédéterminés par les décisions déjà
prises) lorsque la première unité du produit est lancée en production, alors même
que 80 % de ces coûts ne seront effectivement dépensés qu’après cette date.
La détermination du coût -cible
Prix de vente  Marge = Coût acceptable



Coût-cible Kaizen costing


(objectif au


lancement) Target costing

Conception classique : Technologies maîtrisées Améliorations déjà identifiées Coût dérivé



Soient : PV= Prix de vente / PC= Profit-cible / CC= Coût-cible
Deux formes de calculs de coûts sont possibles selon la méthode traditionnelle
(Ph. LORINO, 1994).
Une première formule selon laquelle: PV = CC + PC Une deuxième formule: PC = PV – CC
Le prix de vente n’est pas considéré comme étant une Le prix de vente est maintenant considéré comme
contrainte lorsque l’environnement de l’entreprise une contrainte de marché (le marché n’est plus un
n’est pas concurrentiel. Ainsi, l’entreprise choisit sa marché d’offreurs, mais les coûts ne sont toujours
politique tarifaire en fonction des coûts constatés et pas malléables et sont acceptés tels quels. Ainsi, le
de la marge désirée. niveau de profit réalisé déterminera l’acceptation des
marchés.
Dans le cadre du coût-cible: ce sont le prix de vente du marché et la stratégie qui
dictent les coûts, et non les ingénieurs. La philosophie de détermination des coûts
est totalement différente. La formule schématisant cette philosophie est la
suivante: CC = PV - PC, où les deux composantes de l’équation sont déterminées
ainsi : le prix de vente est imposé par le marché et le profit-cible est dicté par la
stratégie suivie par l’entreprise. Le coût acceptable (coût plafond, allowable cost)
est la différence entre le prix de vente et la marge désirée. Une bonne conception
doit donc satisfaire le besoin du client et déboucher sur un produit dont le coût est
égal ou inférieur au coût acceptable. Le coût dérivé (drifting cost ) est estimé par
les ingénieurs, compte tenu des processus existants, et des améliorations des
produits actuels comparables. Ce coût est généralement supérieur au coût
acceptable. Le coût-cible est d’abord obtenu en fonction des objectifs fixés lors de
la conception. C’est la réduction continue des coûts ou cost kaizen qui permettra,
lors de la production de masse, d’atteindre le coût acceptable. Le profit-cible est
dérivé de la planification stratégique des profits à moyen terme (3 à 5 ans). Il faut
ainsi imaginer le futur portefeuille de produits et opérer une ventilation du
LE CONTROLE DE GESTION : 63

profit-cible global entre ces différents produits. Ph. LORINO indique deux voies
pour y parvenir.
La décomposition organique La décomposition fonctionnelle
Le coût - cible est éclaté sur les Elle part du marché et du client (les fonctions du produit sont les
sous-ensembles qui composent le besoins du consommateur que le produit doit satisfaire. Il est alors
produit. Il est donc supposé qu’il attribué un degré d’importance de chaque fonction pour le client. Le
existe une continuité dans la degré d’importance de la fonction est déployé entre les composants à
composition organique du produit. l’aide d’outils matriciels, permettant de calculer le degré d’importance
de chaque composant. Une comparaison entre le degré d’importance
du composant et son poids dans le coût total est effectuée. Elle permet
de mettre en évidence une liaison entre le coût d’un composant et sa
valeur pour le client.
L’analyse du produit en panier d’attributs initiée par LANCASTER fonde la
décomposition fonctionnelle qui tient compte du coût des attributs et des
préférences du consommateur. Lors de l’estimation de coûts, plusieurs techniques
sont utilisables.99
Les techniques d’estimation des coûts
Méthodes paramétriques Méthodes analogiques Méthodes analytiques
Basée sur la corrélation statistique entre Le coût du nouveau produit est Fondées sur des analyses très
le coût d’un produit et des dérivé de la comparaison entre techniques du produit qui
caractéristiques physiques (volume, le coût d’un produit similaire dégagent des éléments
poids) afin d’obtenir le coût estimé. existant et le nouveau produit techniques de coûts (nombre
Cette technique grossière peut être (par évaluation différentielle) d’heures d’usinage ... ), valorisés
employée dans les phases amont de la avec les données de la
conception. Cette méthode n’est donc comptabilité analytique.
pas applicable dans le cas d’un produit
dont les caractéristiques ont
radicalement été remises en cause.

RESUME
L’analyse de l’avantage concurrentiel associée à l’analyse stratégique des coûts
forment le socle de l’approche externe du contrôle de gestion stratégique. Cette
approche illustre la version minimale du contrôle de gestion stratégique qui prend
ses racines dans l’approche classique de la stratégie basée sur les déterminants de
l’avantage concurrentiel. Cette approche classique de la stratégie a pour but
principal de mesurer la position compétitive de l’entreprise dans son secteur et par
rapport aux principaux concurrents. Elle sert de support au contrôle de gestion
stratégico-fonctionnel qui va déployer la stratégie dans l’organisation. Les outils
tels que la gestion stratégique des coûts, le tableau de bord concurrentiel ou la
méthode des coûts-cibles sont des apports indispensables aux systèmes actuels de
contrôle de gestion. Le target costing représente bien la philosophie de
l’orientation externe du contrôle de gestion stratégique. La position compétitive
de l’entreprise est assurée, en « indexant » les coûts sur une référence externe, le
prix de vente. Le déploiement des coûts entre les produits tient compte des

99 LORINO Ph. (1994) : Target Costing ou gestion par coûts-cibles. Première partie : boîte à outils ou mode d’apprentissage organisationnel.
Qu’est ce que le « Target Costing ? », Revue française de comptabilité, n°255, Avril, p35-45
LE CONTROLE DE GESTION : 64

préférences des clients (décomposition fonctionnelle). Cette approche externe a


été utilisée par les modèles financiers d’évaluation stratégique qui ont été
développés dans la cadre du management par la valeur actionnariale. On a vu
alors émerger le concept de contrôle de gestion asservi à la finance qui est
développé dans la chapitre suivant. Toutefois, l’approche combinée en termes
d’avantages concurrentiels et de ressources montre, aussi, qu’il est nécessaire
d’élargir cette vision à l’identification et à l’évaluation des compétences
fondamentales. Cela passe par l’examen des aspects liés à la stratégie financière
puis par l’intégration des aspects touchant à la performance globale de
l’entreprise.
LE CONTROLE DE GESTION : 65

CHAPITRE 3 : LE CONTROLE DE GESTION


ASSERVI A LA FINANCE
La conception du contrôle de gestion opérationnel a oscillé entre deux pôles : un
contrôle opérationnel à logique stratégico–fonctionnelle, d’une part, et un contrôle
opérationnel à logique financière, d’autre part.
Ces deux conceptions sont schématisées ci-après :100
Rationalité concurrentielle Rationalité organisationnelle Rationalité financière
En situation concurrentielle La structure de l’organisation est la La légitimité juridico-économique
l’offre de l’entreprise apporte base de la valeur créée et partagée conduit à l’optimisation de sa
une valeur perçue par le par les membres de l’entreprise valeur financière.
marché
Concept dominants : Concept dominants : Concept dominants :
L’avantage concurrentiel, Le savoir faire organisationnel Le marché financier
L’entreprise dans son La structure interne Les relations de gouvernance
environnement, La chaîne de La chaîne d’activités La création de valeur financière
valeur externe, La base de La base de processus La capitalisation boursière
ressources, Les compétences L’apprentissage La stratégie financière
fondamentales, Compétitivité Rentabilité Valeur des actifs existants
Actifs spécifiques Intangibles Ressources humaines Valeur des opportunités de
croissance
  
Contrôle opérationnel à logique
Contrôle opérationnel à logique stratégico – fonctionnelle financière
 
Valeur stratégique Valeur financière
Valeur du portefeuille d’actifs ou de projets Valeur de marché des capitaux
Centrée sur les performances attendues des projets propres et des dettes
Centrée sur le compte de résultat Centrée sur le bilan
La richesse créée résulte de la
variation nette des actifs et des
passifs.
 
Valeur de l’entreprise
Ces deux approches sont fondées sur deux logiques différentes qui ne sont
d’ailleurs pas mutuellement exclusives. En forçant le trait, on peut résumer les
deux approches de la façon suivante :
La logique de financiarisation est a basée sur la prédominance de la valeur
financière dans un modèle de type shareholder. L’approche financière, basée sur
la propriété, privilégie l’idée que tout actif est assimilable (au moins
conceptuellement) à un actif financier dont la mesure correcte est celle de la
valeur actuelle des flux attendus de cet actif compte tenu de son risque. Cette

100 JC. MATHE : Management stratégique concurrentiel, Vuibert, Paris, 2001.


LE CONTROLE DE GESTION : 66

généralisation de « logique financière » aboutit à considérer que le portefeuille de


produits ou d’activités est assimilable à un portefeuille d’actifs financiers.
La logique d’intégration est conçue autour de la mise en relation de la valeur
financière et stratégique sur la base d’un modèle de type stakeholder. Dans ce
modèle, on reconnaît l’importance de la création de valeur mais elle s’analyse
comme le résultat d’une intégration de la valeur financière et stratégique. Cette
dernière dépend étroitement de la valeur organisationnelle et concurrentielle. Elle
met en avant des concepts comme ceux de compétences fondamentales, de savoir
faire, d’avantage compétitif…
La transformation progressive du capitalisme financier a progressivement modifié les rapports de force entre
ces deux conceptions du contrôle de gestion. Le pôle basé sur une vision stratégico – fonctionnelle de
l’organisation s’est fait, progressivement, supplanter par un pôle dominé par une logique principalement
financière. On a vu, ainsi, émerger le concept de contrôle de gestion asservi à la finance, dont le but principal
est de traduire dans les faits la discipline de la valeur.

SECTION 1 LE GLISSEMENT DU CONTROLE


OPERATIONNEL A LOGIQUE STRATEGICO -
FONCTIONNELLE VERS UN CONTROLE DE GESTION A
LOGIQUE PUREMENT FINANCIERE
L’approche traditionnelle du contrôle de gestion à logique stratégico-
opérationnelle est basée sur le concept d’interface entre la planification et les
décisions opérationnelles (voir chapitre 1). Elle est souvent déclinée par une
approche formelle du processus de planification du type Plan, Programme,
Budgets, contrôle. L’objectif est d’examiner comment l’on met en œuvre un
système de contrôle de gestion opérationnel. Sur le plan formel, la procédure
consiste à élaborer les différents budgets qui traduisent les objectifs stratégiques
retenus. Ces différents budgets doivent être mis en cohérence dans le cadre d’un
schéma d’ensemble que l’on peut appeler la gestion budgétaire. Il convient de
maîtriser les mécanismes d’enchaînement de ces différents budgets (on parle
d’articulation budgétaire). Dans ce cadre, les relations entre le contrôle de gestion
et la planification financière sont importantes. Le contrôle opérationnel suppose
aussi une action sur les comportements des acteurs.
1- LE CONCEPT DE CONTROLE OPERATIONNEL A LOGIQUE
STRATEGICO-FONCTIONNELLE
1.1 LE DEPLOIEMENT DE LA STRATEGIE EN ACTIONS OPERATIONNELLES
Le contrôle opérationnel à logique stratégico – fonctionnelle est basé sur une
logique de déploiement de la stratégie en actions. Les axes stratégiques sont
traduits dans les programmes opérationnels et sont diffusés dans la structure de
l’organisation. L’entreprise est divisée en centres d’activités à partir d’une
décomposition basée sur l’analyse des processus. L’organisation est basée sur une
logique de responsabilité et d’apprentissage collectifs. Le contrôle est pour
l’essentiel une analyse des modalités de l’action. L’organisation est structurée sur
LE CONTROLE DE GESTION : 67

une logique de décentralisation et d’autonomie des acteurs. La logique de pilotage


l’emporte sur celle du contrôle. Les managers sont responsabilisés sur la base de
la performance globale (financière et non financière : qualité, délai, valeur pour le
client etc..). Le système doit décliner les modalités du pilotage stratégique à partir
des processus critiques pour l’atteinte des objectifs. Le reporting fait état des
écarts entre les données prévues et données réalisées. La rationalité des acteurs est
procédurale (orientée vers les processus d’obtention des résultats). Les outils du
contrôle ne sont que des supports pour comprendre l’action. La motivation des
acteurs n’est pas essentiellement financière. Chaque centre de responsabilité est en
interaction et l’interdépendance est forte. L’environnement technologique et
stratégique peut être plus instable et les redéploiements sont fréquents. Il est assez
difficile de relier les actions à court terme et les objectifs à long terme. La
segmentation métiers – marchés évolue rapidement. La planification est une base
majeure de l’apprentissage collectif.
1.2 CONTROLE OPERATIONNEL ET STRUCTURATION DE L’ORGANISATION
Dans la logique que l’on vient d’évoquer, l’organisation est structurée en centres
de responsabilité. Un des objectifs de cette approche est de décentraliser
partiellement les responsabilités et de permettre à l’organisation d’exploiter au
mieux des marges de manœuvre locales, ce qui passe notamment par l’élaboration
de contrats entre unités. Cette mise en place d’une gestion par centres de
responsabilité s’appuie sur la notion de contrôlabilité dans l’affectation des coûts
et des performances aux différents responsables. Leur pilotage requiert également
la mise au point de critères financiers spécifiques, notamment pour les centres
d’investissement et de tableaux de bord adaptés qui doivent découler des priorités
stratégiques. Un des points sensibles de cette approche reste l’articulation avec la
stratégie de l’entreprise.
DEFINITION ET TYPOLOGIE DES CENTRES DE RESPONSABILITE
Un centre de responsabilité est une unité organisationnelle définie par un
ensemble de tâches à réaliser, un responsable et des procédures de gestion
(notamment de l’information technique et administrative) clairement identifiés. Le
centre de responsabilité, dans cette perspective, est donc un outil permettant de
structurer l’organisation et d’inciter les responsables à gérer conformément à la
stratégie de l’entreprise et permettant notamment d’évaluer la performance de
chaque centre. C’est une unité organisationnelle bénéficiant d’une délégation
d’autorité en matière de moyens à mettre en œuvre et de choix des objectifs. On
distingue différents types de centres de responsabilités: les centres de coût, les
centres de frais, les centres de chiffre d’affaires, les centres de profit et les centres
de rentabilité (ou d’investissement). La gestion par centres de responsabilité
suppose une cohérence entre la segmentation stratégique et la structure
organisationnelle en centres d’activité. En théorie, le concept de responsabilité est
tout à fait compatible avec les divers modes d’organisation: par Fonctions, par
Produits - Marchés, par Projets, Matricielle (l’entreprise est alors structurée à la
fois par fonctions et par produits ou par projets). En pratique, les divers centres
LE CONTROLE DE GESTION : 68

d’activité constituant l’organigramme de la société ne correspondent pas toujours,


ni même le plus souvent, à de véritables centres de responsabilité, en particulier
lorsqu’ils ne possèdent ni une autonomie ni un pouvoir hiérarchique et fonctionnel
suffisants.
TYPOLOGIE ET CARACTERISTIQUES DES CENTRES DE RESPONSABILITE
Centres de Les centres de coûts correspondent à un département où, pour produire, les actions
coût n’entraînent que des dépenses dont il est possible de mesurer l’efficacité. Le responsable n’a
pratiquement aucun pouvoir sur le niveau des ventes, des investissements ou du profit .
Centres de Les centres de dépenses sont créés lorsque l’efficacité se mesure mal car la liaison entre le
dépenses niveau des coûts engagés et le résultat obtenu est difficile à établir. Les coûts sont donc à la “
discrétion ” du responsable du centre .
Centres de Les centres de recettes sont utilisables pour un certain type d’activité telle qu’une agence
recettes commerciale. Ces centres n’ont ni la maîtrise des prix de vente ni celle des coûts de
distribution. Le suivi des performances est concentré sur le chiffre d’affaires.
Centres de Les centres de profit sont des départements dont le responsable peut combiner au mieux
profit coûts et recettes. Le dirigeant peut être tenu pour responsable d’un résultat net. Cela suppose
qu’il puisse contrôler à la fois le prix de vente, le volume des ventes et les coûts. Si le
responsable ne contrôle pas la quasi totalité des coûts, ses performances seront appréciées
par rapport à une marge (contribution à la couverture des autres frais et au bénéfice)

Centres Les centres d’investissement sont des centres où le dirigeant est responsable de l’importance
d’investissem de certains actifs utilisés: il combine au mieux profits immédiats et investissements tendant à
ent accroître les bénéfices futurs. Le dirigeant dispose d’une large autonomie et son objectif est
de maximiser le rendement de l’investissement (c’est-à-dire un taux de profit) ou le bénéfice
résiduel (le bénéfice net moins le coût d’utilisation du capital).
La mise en œuvre de centres de profit peut présenter des difficultés, notamment
lorsqu’une généralisation de ces centres incite les responsables à donner la priorité
au bénéfice à court terme et à refuser de saisir les opportunités à moyen et long
terme. Choisir entre ces diverses options est une tâche essentielle mais délicate
qui dépend du degré de délégation, de la nature de l’activité, des objectifs
généraux de l’entreprise, du créneau qu’elle cherche à occuper, etc. Gérer par
centres de responsabilité suppose de bien appréhender les différentes facettes de la
notion de responsabilité, d’autant plus que l’équilibre entre centralisation et
décentralisation est souvent difficile à trouver et sujet à de profondes révisions au
cours du temps. Dans cette approche, les contrats passés entre unités jouent un
rôle essentiel. De façon générale, l’un des objectifs de la décentralisation est
d’exploiter au mieux des sources d’informations disparates et disponibles
localement dans des contextes particuliers en déléguant tout ou partie du pouvoir
de décision à différents niveaux de l’organisation. Mais cette décentralisation du
pouvoir suppose une bonne prise de conscience des implications, souvent
contradictoires, du concept de responsabilité, qui comprend deux notions
distinctes: l’engagement et la maîtrise. L’évolution permanente de la technologie,
des marchés sur lesquels l’entreprise se développe et de ses ressources humaines,
LE CONTROLE DE GESTION : 69

pour ne prendre que quelques exemples courants, déplace constamment le point


d’équilibre idéal entre centralisation et décentralisation.101
LA GESTION CENTRALISEE DE CERTAINES FONCTIONS CLES :102
La maîtrise réelle du processus de décentralisation peut aller de pair avec une
centralisation très forte sur quelques points. Ainsi, un programme de globalisation
de la direction d’un grand groupe a décidé de centraliser la finance, l’informatique
et les ressources humaines. Ce programme permet de gérer de façon centralisée la
trésorerie, les taxes et les prix de cessions inter-compagnies, ainsi que d’établir
des outils financiers qui permettent d’harmoniser les différents modes
d’évaluation (gestion des obsolètes, gestion des stocks, règles d’amortissements,
frais généraux), afin de pouvoir comparer les rentabilités, de faire de l’analyse de
la valeur et de transférer les meilleures pratiques. Toutefois, la mise en place d’un
système de reporting standard se heurte à la diversité des métiers des différentes
usines. Par ailleurs, ce programme recherche une gestion sur une base agrégée
(c’est-à-dire maillée) de certaines fonctions qui nécessitent une subtile alchimie de
centralisation / décentralisation. La direction du groupe favorise les synergies ou
les effets de masse par la création de comités internationaux : achat, logistique,
qualité et production. Certaines fonctions sont décentralisées et gérées par le biais
de groupes de travail transversaux. La décentralisation des responsabilités peut
impliquer l’élaboration de contrats entre centres de responsabilité pour cerner les
modalités de l’engagement des acteurs. Il s’agit d’un mode de coordination qui
présente des avantages et des inconvénients.
Les deux contrats types :
D’après : R DEMESTEERE, Ph LORINO N MOTTIS : Contrôle de gestion et pilotage, Nathan, 1997 Pages
47 – 48.
les contrats « objectifs-moyens » les contrats « client-fournisseur »
Ils sont passés entre différents niveaux Ils sont passés entre un service prestataire interne et un
hiérarchiques (contrats « verticaux ») et autre service utilisateur n’ayant pas avec celui-ci de lien
explicitent des objectifs à atteindre. Ils sont hiérarchique (contrats « horizontaux »). Ils portent sur
généralement assortis d’une allocation de moyens un échange de biens ou de service obéissant à des
et d’une analyse des actions permettant critères de coût, délai, qualité, etc. et sont assortis d’une
d’atteindre les objectifs définis. rémunération.
Les avantages du contrat objectifs - moyens: Les avantages du contrat client - fournisseur :
Il affirme l’engagement et facilite la coordination Il incite le fournisseur à s’adapter aux demandes du
en explicitant les résultats attendus. Pour des client; le contrat peut conduire à sensibiliser le client au
acteurs intervenant dans des domaines complexes coût de telle ou telle de ses exigences. Principales
et incertains, il permet de stabiliser les limites : l’adéquation entre les incitations créées et les
compromis élaborés. Principales limites: objectifs d’ensemble de l’entreprise est loin d’être
La stabilité du contrat peut réduire la réactivé car garantie. Le modèle client – fournisseur renforce une
on est prisonnier de ses engagements antérieurs. logique de territoire génératrice de dysfonctionnements .
Notons que le problème plus général de la coordination reste posé.

101 R DEMESTEERE, Ph LORINO N MOTTIS : Contrôle de gestion et pilotage, Nathan, 1997 Page 42.
102 THOMAS C., 1997, « Déterminants et évolution de la hiérarchie au sein des organisations», Thèse de doctorat en Sciences de Gestion,
Université de Nice-Sophia Antipolis.
LE CONTROLE DE GESTION : 70

2- LE GLISSEMENT VERS UN CONTROLE OPERATIONNEL A LOGIQUE


PUREMENT FINANCIERE
2/1 LE CONCEPT DE CONTROLE DE GESTION A LOGIQUE FINANCIERE
Le contrôle opérationnel à logique financière suppose une définition préalable
d’un objectif financier global (en provenance de la planification stratégique) qui
est ensuite diffusé dans la structure de l’organisation par le canal de la procédure
budgétaire. Le déploiement de cet objectif implique une structuration de
l’organisation qui est généralement divisée en centres de profit qui sont autant de
centres de responsabilité. Dans cette organisation, le critère dominant est celui de
la responsabilité individuelle des acteurs qui permet une structuration basée sur la
décentralisation et l’autonomie des acteurs. La logique de contrôle l’emporte sur
la notion de pilotage et le contrôle est pour l’essentiel un contrôle a posteriori sur
les résultats financiers. Les managers sont responsabilisés sur la base de critères
uniquement financiers (du type Return on Investment ROI ou Return on Equity
ROE). Une des missions du contrôle de gestion opérationnel est de décliner les
objectifs stratégiques de façon opératoire et de les traduire en indicateurs de
chiffre d’affaires, coûts, marges et taux de rentabilité par période. Le système de
reporting fait état des écarts entre les données prévues et données réalisées selon
une périodicité qui dépend du degré de risque et du niveau de complexité de
l’organisation. La rationalité des acteurs est de type substantive (orientée vers les
résultats) et la motivation des acteurs est essentiellement financière. Le système
de bonus mis en place doit, en principe, entraîner l’adhésion de chaque participant
de sorte que les outils du contrôle (a posteriori) sont supposés efficaces pour
l’action. Ces outils de contrôle sont jugés satisfaisants pour normaliser les
comportements des acteurs en vue de la réalisation de l’objectif global. Cette
hypothèse de normalisation des comportements est renforcée par le fait que la
structuration de l’entreprise en centres de responsabilité est basée sur la
minimisation des liens d’interdépendance entre chaque centre. Le contexte général
d’application du modèle est celui d’un environnement relativement stabilisé, les
mutations technologiques et concurrentielles sont supposées faibles. Dans ces
conditions, il est assez facile de relier les actions à court terme et les objectifs à
long terme d’autant que la segmentation par métiers et marchés est plutôt bien
maîtrisée. Ce schéma autorise une conception assez formelle du contrôle de
gestion opérationnel basé un processus de planification de type programmation
déterministe.
2.2 LA NORME DE PERFORMANCE FINANCIERE CLE DE VOUTE DU
CONTROLE
Dans la plupart des unités décentralisées ou centres de profit (ou SBU), le
responsable a autorité pour faire opérer des décisions sur le choix des produits, la
demande, le prix, les rapports avec le client, les méthodes de production etc.. Il
détermine aussi le montant et le type d’actifs utilisés dans l’unité. Pour ces
centres, la mesure financière utilisée pour apprécier la performance du
management de l’unité a longtemps été le montant de profit obtenu rapporté au
LE CONTROLE DE GESTION : 71

montant des actifs utilisés (ROI). En mesurant les profits d’une unité par rapport
aux actifs employés, les dirigeants peuvent apprécier si les profits permettent un
retour suffisant adéquat sur le capital investi dans l’unité. Le capital a toujours des
usages alternatifs, et les dirigeants doivent être attentifs à ce que les rendements
des actifs soient supérieurs au coût d’opportunité du capital investi. Sans une
mesure du ROI, il est difficile de motiver les cadres, pendant le processus de
budgétisation et de les inciter à estimer correctement les cash-flows futurs. Cette
approche incite les dirigeants à se concentrer sur la façon de réduire le niveau des
besoins en fonds de roulement utilisés par les unités décentralisées. Cette
approche de la performance financière connaît plusieurs limites et peut provoquer
des distorsions dans le comportement des responsables de centres de profit. De
nombreux travaux académiques ont montré, depuis longtemps, comment réduire
ces inconvénients en utilisant une mesure de la performance alternative, le
bénéfice résiduel. Ce concept réapparaît avec force sous les vocables de
management par la valeur actionnariale.
PORTEE ET LIMITES DU ROI (RETURN ON INVESTMENT)
La méthode DUPONT de NEMOURS a été créée en 1903 lorsqu’il a fallu gérer
plusieurs unités décentralisées et allouer des ressources pour la fabrication, l’achat
et la vente des différentes unités. Pour prendre des décisions sur l’allocation des
fonds d’investissement, les dirigeants appliquaient la règle du coût d’opportunité
du capital et arrêtaient l’investissement dans une unité, dès lors qu’il était possible
d’investir dans une autre unité pour un meilleur rendement. Pour guider leurs
décisions, le critère du ROI a été développé. Donaldson Brown, le directeur
financier de Dupont (puis par la suite de General Motors dans les années 1920), a
étendu considérablement la pratique du R0I en montrant qu’il pouvait être écrit
comme le produit de deux ratios : le profit (P), ou retour sur ventes, et le ratio de
rotation des actifs (turnover) (T) : ROI = P* T = Profit / ventes * Ventes / actifs.
Les ratios P et T pouvaient être décomposés, à leur tour, pour représenter la
formation du revenu et des coûts ainsi que la formation du capital investi.
L’exemple de Matsushita
De façon parallèle et apparemment indépendante, une autre forme d’organisation des centres de profit apparaît
dans les années 1930 chez Matsushita au Japon. La stratégie était de sélectionner une personne convenable
pour chaque segment d’activité et de déléguer le pouvoir à ce directeur. Le rôle du président était de contrôler
les directeurs de la division afin que leurs actions personnelles soient conformes aux objectifs généraux de
l’organisation. Chaque centre d’activité avait un pouvoir indépendant et autonome quant aux fonds générés et à
sa capacité en matière de R&D. Matsushita, à la différence de presque toutes les autres sociétés Japonaises,
n’a pas compté sur la dette pour financer ses opérations. Chaque activité était dotée d’un stock de ressources
financières, matérielles, humaines et technologiques. Chaque responsable de division avait la maîtrise de son
stock de capital. Les directeurs de la division étaient responsables des deux tâches principales: gestion des
profits et gestion des fonds investis. La société a développé son propre système interne d’allocation pour rendre
efficace une gestion des fonds décentralisée. Le capital interne d’une division correspondait à la somme des
actifs fixes et du besoin en fonds de roulement ( capital de fonctionnement). Le BFR était normalisé et rapporté
au franc de vente puis budgété.
Les règles pour l’allocation du capital interne étaient fixées comme suit:
1 Le capital interne = Besoin en fonds de roulement + actifs fixes - réserves.
2 Un intérêt est appliqué sur le capital interne = 1% par mois, (payé à la direction centrale chaque mois)
LE CONTROLE DE GESTION : 72

3 Un impôt de la direction centrale est appliqué pour couvrir les frais généraux = 3% des ventes, payés chaque
mois.
4 Après que ce paiement ait été déduit, le profit net du centre devrait égaler 10% des ventes ( l’objectif cible)
5 Des dividendes et un impôt égaux à 60% du profit du centre est remis au siège dans le mois suivant. Le solde
est conservé pour financer de nouveaux investissements.
6 Si les ressources du centre étaient insuffisantes, il pouvait, temporairement, emprunter au siège. Les fonds
excédentaires pouvaient être déposés dans la Banque Matsushita et rapporter intérêt.
7 Pour les investissements importants exigeant d’importantes sorties de fonds, la proposition devait être
soumise à la direction centrale pour approbation.
A l’origine, le ROI a été utilisé pour augmenter l’efficacité des directeurs qui
étaient surtout des ingénieurs ne pratiquant la gestion que sur le tas. Même dans le
cas de Matsushita qui souhaitait faciliter la décentralisation, le contexte était celui
de la gestion d’activités par divisions qui travaillaient sur des produits, des
processus, des marchés et des clients qui étaient bien connus. Les cadres et les
responsables d’unités étaient encouragés à développer la prise de décision
décentralisée. Après la deuxième guerre mondiale, les entreprises ont commencé
à diversifier leurs activités et à pratiquer la croissance externe en achetant des
entreprises dans d’autres secteurs. Cette augmentation massive des
investissements de diversification impliquait souvent une réduction des
compétences spécifiques au secteur pour la direction générale. Les besoins du
management en matière d’aide à la décision étaient tels qu’ils ne pouvaient plus
être assurés au niveau des centres de responsabilité. Le ROI qui n’était qu’un outil
statistique de mesure de la performance permettant la discussion au niveau des
plans à long terme est devenu une réalité en lui-même. Une norme - cible envoyée
du haut de la hiérarchie vers le bas pour responsabiliser les directeurs des
divisions. Les incitations et promotions devenaient dépendantes de leur capacité à
réaliser l’objectif cible en matière de ROI. Il est clair qu’avec une telle
philosophie, des effets pervers sont à redouter. L’exemple simple ci- après, inspiré
de celui proposé par Kaplan et Atkinson, en montre quelques aspects.103 Les
performances d’une division sur trois périodes de quatre mois consécutives sont
les suivantes :
Période ROI PROFITABILITE ROTATION
1 12.6% 17.1% 0.736
2 13.4 20.2 0.664
3 15.4 22.7 0.679
A première vue, la performance paraît excellente, avec une augmentation du R0I
pour chaque période. Cependant, la décomposition révèle une augmentation de la
rentabilité (retour sur les ventes) qui surcompense une réduction de la rotation
des actifs. Après enquête, la direction a appris que le responsable de la division
avait augmenté la production dans les périodes 2 et 3, avec accumulation de
stocks de produits finis. Une partie des coûts a été absorbée dans les stocks
permettant une amélioration de la marge sur les produits réellement vendus.
L’augmentation du stock est reflétée par la baisse du ratio de rotation des actifs.

103 R. KAPLAN et A. ATKINSON ; Advanced Management Accounting, 3° édition, pages 504 et sq


LE CONTROLE DE GESTION : 73

L’analyse des deux phénomènes montre que le directeur de la division a cherché à


manipuler son évaluation de la performance. Dans de nombreuses entreprises
diversifiées, l’utilisation du ROI a donné l’illusion d’une efficacité du contrôle,
alors qu’en fait, les directeurs prenaient des mesures qui, tout en augmentant le
ROI, diminuaient la valeur à long terme de leurs activités. De plus, des problèmes
surviennent même quand on veut utiliser le ROI pour évaluer la performance à
court terme. Des actions qui augmentent le ROI peuvent réduire la valeur de
l’entreprise et, inversement, des actions qui diminuent le ROI peuvent favoriser la
création de richesse.
Ces effets pervers se produisent chaque fois que la performance est mesurée par un ratio tel que le ROI, pour
lequel le résultat est normalisé par une mesure de l’actif investi. Ainsi, un centre de responsabilité qui dispose
d’un actif investi à hauteur de 90000 et un bénéfice net avant impôts de 20000 a un ROI de 22.2%. Si le coût
du capital du centre est de 15% et s’il doit prendre une décision relative à une nouvelle occasion d’investir à
hauteur de 15000 pour un rendement de 20%, il risque fort de prendre une décision négative alors que le
rendement de cet investissement est bien supérieur au coût du capital de la division. En effet, accepter le projet
implique une baisse du ROI global qui passe à (20000 + 3000) / (90000 + 15000) = 21,9%. La direction de la
division sera incitée à refuser cet investissement bien qu’il crée de la valeur pour l’entreprise. Elle y sera encore
plus incitée si une partie de son bonus dépend du ROI – cible. Ce défaut à lui seul remet en cause le ROI
comme mesure de performance des unités décentralisées104. Un problème semblable survient lorsque deux
centres avec des bases d’investissement différentes sont comparés. Si un deuxième centre a des actifs évalués
à 50000 et un revenu net de 12500 son ROI est de 25%. Ce deuxième centre paraît plus avantageux puis que
son ROI est de 25% contre 22.2% pour le premier. Mais, on peut voir que la base d’investissement du premier
centre est supérieure de 40000 à celle du second. De ce fait, le supplément de bénéfice est de 7500 (20000 -
12500) et donc le ROI marginal du centre 1 est de 7500/40000 soit 18,75% (supérieur au coût du capital de
15%. La situation du centre 1 est plus avantageuse, après imputation du coût du capital. Les dirigeants qui
souhaitent maximiser un ratio peuvent augmenter le numérateur (plus de profits avec les actifs existants) ou
diminuer le dénominateur (en réduisant la base d’investissement). La base d’investissement diminue lorsque les
directeurs renoncent à de nouvelles occasions d’investissement qui sont avantageuses dans la mesure où elles
rapportent plus que le coût du capital du centre.
D’une façon générale, tout projet ou actif dont le retour est au dessous du ROI
moyen du centre risque d’être pénalisé car son inclusion dans la base d’actifs
baisserait le ROI.
LE CONCEPT DE BENEFICE RESIDUEL
Des entreprises telles que General Electric dans les années 1950, et de nombreux
travaux académiques ont montré comment on peut éviter les inconvénients du
ROI en utilisant une mesure alternative de la performance, le bénéfice résiduel.
Cette approche suppose que l’on spécifie aux directeurs des centres de
responsabilité un paramètre supplémentaire, le coût du capital ajusté pour le
risque de la division dont ils sont responsables. Ce coût multiplié par la base
d’investissement des divisions donne le montant à imputer au titre du coût des
capitaux investis (comme dans le système Matsushita). Le coût du capital investi

104 Des problèmes surviennent également avec la vente possible des actifs. Si le centre possède un actif de
20000 qui rapporte 18% par an, elle peut augmenter son ROI en le cédant et, ce, bien qu'il crée de la valeur
pour l’entreprise puisqu’il rapporte plus que le coût du capital. Après la vente le ROI est de : ( 20000 – 3600)/
(90000 – 20000) = 23,4%.
LE CONTROLE DE GESTION : 74

est soustrait au bénéfice net et le solde est appelé bénéfice résiduel. Gardons
l’exemple des deux centres de responsabilités.
Calcul du Revenu Résiduel :
DIVISION 1 DIVISION 2
Capitaux investis 90000 50000
Bénéfice net après impôts 20000 12500
Coût du capital 15% 13500 7500
Bénéfice Résiduel 6500 5000
ROI 22.2% 25%
Le calcul du bénéfice résiduel est à l’avantage de la Division 1.La différence RI
de 1500 est due au rendement en excès du coût de capital de 3,75% (18,75% -
15%) appliqué au supplément de capital investi (40000). Si la Division 1 retient
un projet d’investissement de 15000 qui rapporte 20% son bénéfice résiduel
augmentera, alors que s’il se débarrasse d’un actif de 20000 qui rapporte 18%, le
bénéfice résiduel diminuera.
Options pour le centre de responsabilité 1 :
Situation actuelle OPTION 1 OPTION 2
Nouvel Investissement de Ventre d’un actif de
15000 20000
Capitaux investis 90000 105000 70000
Bénéfice net après impôts 20000 23000 16400
Coût du capital 15% 13500 15750 10500
Bénéfice Résiduel 6500 7250 5900
Le bénéfice résiduel augmente à chaque fois qu’il y a un investissement qui
rapporte plus que le coût du capital. Cet indicateur produit une congruence entre
l’objectif d’évaluation de la division et les actions qui maximisent la richesse
économique de l’entreprise. De ce point de vue, le bénéfice résiduel offre des
avantages considérables sur le ROI. De plus, cette mesure est aussi plus flexible,
puisqu’un coût du capital différent peut être appliqué à investissements de risques
différents. Le coût du capital par centres de responsabilités peut être différent, les
actifs investis dans un même centre peuvent être comparables mais figurer dans
des classes de risque différentes (cas du risque financier sur des comptes clients
ou des actifs fixes très spécialisés durables).105 L’évaluation par le bénéfice
résiduel permet d’identifier pour chaque direction, le coût des capitaux ajustés à
des risques différents alors que le ROI ne le peut pas. Finalement, ce type de
critères financiers - ROI et bénéfice résiduel - présente des avantages indéniables
pour responsabiliser des managers sur la rentabilité du capital investi tout en leur
laissant d’importantes marges de manœuvre. Cependant, il faut absolument tenir
compte du contexte stratégique avant de les mettre en œuvre : privilégiant la
production de cash-flow par les centres de responsabilité, ces indicateurs sont
particulièrement adaptés à des centres « vaches à lait », mais sans doute peu
recommandés pour des centres « dilemmes », dans lesquels la priorité est
d’investir, de développer des produits, de faire de la recherche, donc de sacrifier le

105 Voir toutefois la discussion sur le coût du capital dans la section suivante.
LE CONTROLE DE GESTION : 75

profit immédiat à la croissance et à l’innovation. Quoi qu’il en soit, il convient


souvent de les associer à d’autres éléments non financiers permettant à la fois
d’informer et de fixer des objectifs.
Indicateurs financiers et stratégie :
Source : Henri BOUQUIN : Les fondements du contrôle de gestion, PUF, Que sais-je ?n°2892, Paris 1994,
page 66.
Un exemple peut illustrer la nécessité d’une diversité des contrôles dans une entreprise à produits ou activités
diversifiés. Le Boston Consulting Group a présenté dans les années soixante une matrice d’analyse applicable
au portefeuille des activités d’une entreprise ou à celui de ses produits. Elle distingue quatre situations, selon le
taux de croissance du marché et la part relative de l’entreprise sur ce marché (part de l’entreprise/part du
premier concurrent). Cette typologie repose sur l’hypothèse que la compétitivité résulte de l’abaissement des
coûts, dont le ressort est le volume de la production : l’effet dit d’expérience a souvent fait constater qu’à
chaque doublement du volume cumulé le coût unitaire baisse de 15 à 20 %. Cet effet est d’autant plus rapide
que le taux de croissance du secteur ou du marché est élevé. Dans ce cadre, seuls les produits ou activités «
vaches à lait » relèvent d’un contrôle de gestion typiquement financier : le ralentissement de la croissance
facilite la prévision budgétaire, il consolide la position de leader acquise puisque les effets d’expérience sont
freinés, il est donc possible et souhaitable de viser la rentabilité à court terme. Les « stars » sont rentables,
mais le fort taux de croissance permet encore aux concurrents d’être dangereux, de réduire leurs coûts par
l’effet d’expérience, d’où la nécessité de rester vigilant et de ne pas sacrifier la position concurrentielle au profit
immédiat. Le contrôle de gestion ne peut donc privilégier les seules performances et indicateurs financiers. Les
« dilemmes », eux, sont à traiter comme un véritable investissement, on ne peut en espérer une rentabilité
immédiate, il faut s’efforcer d’accroître leur part de marché pour les transformer en stars. On voit, avec cette
simple grille d’interprétation, quels dégâts pourrait causer l’application indifférenciée de critères de rentabilité
annuelle aux responsables de ces produits et activités. Si le rôle du contrôle de gestion est de fournir la garantie
d’une déclinaison cohérente de la stratégie, notamment en vérifiant que le contrôle opérationnel est cohérent
avec elle, il est aussi de faire remonter vers les dirigeants les phénomènes émergents qui sont à la source de
l’évolution stratégique, et ne peuvent pas être considérés a priori comme de simples facteurs de déviance. C’est
sur ce point qu’existe un risque majeur, la création d’outils et de procédures de gestion formalisés trop
cohérents avec les besoins d’une situation donnée risque d’engendrer la sclérose

SECTION 2 L’EMERGENCE DU CONTROLE DE GESTION


ASSERVI A LA FINANCE : LA DISCIPLINE DE LA VALEUR
En matière financière, les deux approches reconnues considèrent que la valeur de
l’entreprise dépend, soit de la pertinence des décisions internes, soit de
l’appréciation du marché financier. Ces deux approches connaissent toutefois des
limites et les pratiques sont loin d’être « stabilisées ». La stratégie de création de
valeur pour l’actionnaire a connu un succès croissant, sans doute, dû à sa faculté à
synthétiser les courants dominants de la stratégie et de la finance, (G.
HIRIGOYEN, 1997)106. Cette stratégie de création de valeur est au cœur des trois
paradigmes qui demeurent des préoccupations permanentes quelles que soient les
optiques retenues. J.C. MATHE (1995) note que l’optimisation de la valeur
financière amène à rechercher le minimum de coûts liés à la production, à
l’échange (coûts de transaction) ainsi que les coûts de délégation de la décision

106 G. HIRIGOYEN (1997), Stratégie et finances, Encyclopédie Economica, volume 3,page 3064.
LE CONTROLE DE GESTION : 76

(coût d’agence).107 Cette vision du contrôle de gestion financiarisé ou statégico-


financier résulte, principalement, du paradigme de la rationalité économique et
financière. Un des objectifs est de pouvoir répondre à la question suivante : quels
sont les éléments clefs d’une stratégie destinée à créer de la valeur pour les
actionnaires? Cette préoccupation s’explique sans doute par l’émergence de la
valeur financière comme valeur étalon. Les raisons de l’émergence sont à
rechercher, au moins en partie, dans les effets de la globalisation et de la
financiarisation et dans l’influence des fonds de pension et des nouvelles pratiques
de gouvernance.
1- L’EMERGENCE DU CONCEPT DE CONTROLE DE GESTION ASSERVI ET
SON FONDEMENT THEORIQUE:
Le contrôle de gestion asservi à la finance résulte de la financiarisation
progressive des activités elle-même induite par le mouvement de globalisation des
échanges. Cette transformation du capitalisme financier a pour origine les
mouvements d’OPA menés sur les sociétés qui n'exploitaient pas efficacement
leur base d’actifs pour les actionnaires. Ces pratiques ont fourni une visibilité
externe à la « discipline du marché » qui a incité les dirigeants à faire plus
attention à la création de valeur et à replacer l’actionnaire au centre de la stratégie.
Le développement de la globalisation et l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la
communication ont accéléré les processus d’internationalisation des entreprises et la constitution de réseaux
complexes et mondialisés. Il en est résulté une financiarisation de la stratégie basée sur le recentrage sur le
marché principal et la recherche de la taille critique. L’achat de parts de marchés, les options de croissance
externe sont systématiquement privilégiés au détriment du développement endogène de l'entreprise. Les
stratégies de contrôle (prise de participation à vocation majoritaire, fusion, acquisition) dominent les stratégies
de développement. Ce mouvement a poussé les grands groupes à conduire des stratégies de croissance
externe qui ont provoqué une forte concentration. Il en est résulté notamment une importante restructuration
des groupes et de l’actionnariat. Profitant de l'insuffisance de l'épargne française investie sur les marchés
financiers et de l'absence de fonds de pension nationaux, les capitaux étrangers sont entrés massivement dans
les groupes cotés français. Or, pour les investisseurs institutionnels, la capacité d'une entreprise à créer de la
valeur est un critère essentiel d'appréciation.
Enfin, un autre facteur externe qui a « dynamisé » la création de valeur est la
disparition progressive du « cœur financier français » structuré en 1986 lors des
privatisations. Ce modèle reposait sur l'existence de participations croisées dont la
finalité était d'assurer un actionnariat national stable. La globalisation financière a
réduit progressivement l'intérêt d'un tel actionnariat national en rendant moins
essentiels les bouclages en capital qui apportent peu de ressources. La sortie des
principaux groupes de l'organisation en cœur financier s'est alors accélérée. Les
fonds de pension et les investisseurs institutionnels ont pris une importance
croissante qui s’est traduite dans la répartition des pouvoirs au sein des
entreprises. Cette montée en puissance des actionnaires s’est traduite par un mode
de management spécifique (dit management par la valeur financière ou value

107 J-C. MATHE (1995), Rétrospectives et perspectives en stratégie de l’entreprise, Economie et Sociétés, Mai, Tome 29, N°5, pages 31 et
sq.
LE CONTROLE DE GESTION : 77

based management) et par la mise en place, dans le cadre du gouvernement


d’entreprise, de comités divers visant à assurer un poids plus important à
l’actionnaire dans les mécanismes de décision et de contrôle.108 Ce poids de
l’actionnariat a accru la financiarisation de la « corporate strategy » qui a
progressivement imposé comme objectif ultime la maximisation de la valeur pour
l’actionnaire. Dans ce contexte, le contrôle de gestion se trouve placé sous la
coupe de la direction financière qui fixe la norme a priori : en l’occurrence un taux
de rentabilité-cible (le coût du capital). Son rôle est de décliner de façon
opératoire cette stratégie et de concevoir des tableaux de bord adéquats. Il
participe également à la conception des systèmes de motivation des cadres dans la
cadre de la procédure budgétaire (calcul des primes liées au respect de l’objectif
initial (k) et de ses différentes déclinaisons.

Stratégie globale : logique de la valeur financière  normes de performances financières globales


 gestion du portefeuille d’activités
 cœur de compétences
 définition de la norme de performance globale

Stratégie opérationnelle :
Approche d’une logique de la valeur organisationnelle et
concurrentielle sous contrainte de la norme financière globale

développement des axes produits marchés
Construire et développer un avantage compétitif soutenable

Missions du contrôle de gestion


 Déployer la discipline de la valeur dans les unités décentralisées.
 Définir des normes applicables aux unités décentralisées en matière de rentabilités, de coûts et de
capitaux investis.
 Définir des procédures de contrôle et d’incitation basées sur le respect de la norme

1.2 LES FONDEMENTS THEORIQUES DU MODELE DE CONTROLE DE GESTION


ASSERVI
Le soubassement théorique implicite est celui de la rationalité économique néo-
classique. Il existe une relation d’agence au sein de laquelle se pose le problème
de la maximisation de la valeur de la firme / actionnaire. Ce modèle est issu des
modèles financiers classiques, il est de type « shareholder ». Les individus sont
rationnels, maximisateurs et opportunistes. La relation d’agence explique les
confits dirigeants - managers et actionnaires – propriétaires. L’objectif est la
maximisation de la valeur de l’entreprise (valeur actionnariale). Le contrôle de
gestion repose sur l’hypothèse de gestion déléguée par lignes hiérarchiques
(décomposition en centres de responsabilité), l’articulation court terme, long

108 C. HOARAU ET R. TELLER (2001), Création de Valeur et management de l’entreprise, Vuibert, Paris, pages 49 et sq.
LE CONTROLE DE GESTION : 78

terme à partir du processus formel (plan – budget – contrôle), et sur l’hypothèse


culturelle de la gestion par des contrats d’objectifs basés sur des indicateurs
financiers (supposés être pertinents). Cette vision est cohérente avec l’idée que
l’on peut décliner les objectifs stratégiques de haut en bas en utilisant des
indicateurs financiers du type Return on Investment.
Les effets pervers de la méthode ROI ont débouché sur des approches basées sur la maximisation de la valeur.
La relation d’agence qui lie les propriétaires (les actionnaires) et les dirigeants de l’entreprise (leurs agents)
délimite théoriquement le champ d’action de ces derniers. Leurs décisions doivent s’appuyer sur un objectif de
maximisation de la valeur de l’entreprise et, par conséquent, de la richesse des actionnaires. La stratégie
effectivement mise en œuvre par les dirigeants peut cependant s’écarter de cet objectif initial pour des raisons
telles que le manque de compétence, une recherche du pouvoir au détriment de l’efficacité, ce qui conduit à des
conflits d’agence. Cependant, ces déviations ont certainement, aussi, pour origine un vice originel qui tient à la
conception traditionnelle de la stratégie. Si cette dernière n’écarte pas systématiquement l’objectif de
maximisation de la valeur de l’entreprise et le considère souvent comme implicite, elle n’intègre
qu’exceptionnellement cette dimension dans la définition et la mise en œuvre des stratégies.109
L’apport principal de A. RAPPAPORT (1990) a été de redéfinir une démarche
stratégique où les approches valeur pour l’actionnaire et avantage concurrentiel
sont interdépendantes et complémentaires: l’avantage concurrentiel, matérialisé
par la productivité du capital et du travail, est à l’origine de la création de valeur.
Une logique issue de la théorie financière, en termes de cash-flows actualisés, est
greffée sur le raisonnement stratégique. Cette articulation permet de construire des
modèles financiers d’évaluation stratégique qui concrétisent la réflexion théorique
engagée sur les liens entre la stratégie et la finance. Elle a pour objectif de
permettre, à partir des modèles financiers d’évaluation stratégique, l’identification
des leviers de la création de valeur afin de mettre en évidence les éléments clefs
d’une stratégie destinée à créer de la valeur pour les actionnaires. La démarche
consiste à lier l’approche par la valeur pour l’actionnaire et l’avantage
concurrentiel et à utiliser l’articulation des leviers de la création de valeur au sein
d’une stratégie cohérente. Si l’on admet que la création de valeur pour
l’actionnaire est l’objectif ultime de l’entreprise, sa stratégie doit être reformulée,
si besoin est, de manière à réorienter ses actions dans un sens plus conforme aux
intérêts des actionnaires. L’abandon des critères habituels de mesure de la
performance tels que le retour sur investissement conduit à s’interroger sur les
sources de la création de valeur afin de permettre, au-delà de l’évaluation
stratégique, cette réorientation.
Les facteurs de création de valeur
REVENU DES ACTIONNAIRES
objectifs de dividendes
l’entreprise plus-values

créer de la valeur pour les actionnaires, le personnel, les clients ..


109 J. CABY, M-F. CLERC-GIRARD et J. KOEL : Stratégie d'entreprise et finance: Le processus de création de valeur, REVUE
FRANÇAISE DE GESTION, MARS-AVRIL-MAI 1996.
LE CONTROLE DE GESTION : 79

composant de la Cash flow opérationnel Taux d'actualisation Dette


valeur

  
facteurs de création Croissance des Période de croissance Investissements Coût du capital
de valeur ventes de la valeur BFR Immobilisations
marge
IS
   

décisions Décisions opérationnelles décisions décisions de


managériales d'investissement financement

développement d’une stratégie
L’articulation des leviers de la création de valeur au sein d’une stratégie cohérente
permet d’envisager l’analyse stratégique de façon différente. La cohérence des
stratégies peut être mesurée et améliorée à l’aune de la création de valeur; qu’il
s’agisse d’une stratégie de différenciation, de volume ou de tout autre, celle-ci
devra être mise en œuvre de manière à optimiser la création de valeur en
s’appuyant sur ses leviers potentiels de valeur. Ainsi, la problématique de la
création de valeur ne définit pas de stratégies en tant que telles. Il s’agit plutôt
d’un levier financier pour la mise en œuvre d’une stratégie qui se décline selon
trois axes: l’évaluation, le choix des axes de développement et l’optimisation des
décisions stratégiques. Les dernières années ont montré que les entreprises qui
dépendent du marché financier sont de plus en plus confrontées au défi du
management de la valeur.110 Il s’ensuit des modifications profondes en matière de
pilotage des entreprises. On introduit des objectifs de management de la valeur, ce
qui suppose des outils permettant, d’une part, de suivre constamment la valeur de
l’entreprise et, d’autre part, d’accorder une attention spéciale à la communication
interne et externe.
L’exemple de General electric
Source : D’après J.ALLOUCHE et G. SCHMIDT : Le soutls dela décison statégique, Tome 1, page 91, La
découverte, 1995.
Confronté au défi de l’après-guerre froide synonyme de contraction des dépenses militaires et alors que ses
concurrents se sont diversifiés vers des secteurs non militaires, General Dynamics a adopté une stratégie
orientée vers la création de valeur pour les actionnaires par le biais de réduction d’effectifs, de restructuration et
de cessions partielles d’actifs. En fin d’année 1990, le cours boursier atteint 25,25 dollars, en chute de 68 % en
trois ans, et en relation avec un niveau élevé de pertes à hauteur de 578 millions de dollars. L’impératif de
maximisation de la valeur pour l’actionnaire sous-tend la batterie de mesures mises en œuvre, et combinant :
1. un système d’incitation privilégiant une rémunération indexée sur le cours boursier : les 25 plus importants
dirigeants sont susceptibles de recevoir un bonus en actions chaque fois que le cours boursier augmente
de 10 dollars (bonus équivalent à 100 % du salaire annuel pour les premiers 10 dollars, 200 S pour les
suivants), en juxtaposition avec des stock-options et des aides à l’achat d’actions ,
2. un redimensionnement de l’entreprise : après cession partielle d’actifs (département avions...) et de
nombreux licenciements (plus de 22000 salariés), 1’effectif global de l’entreprise est ramené de 98150

110 J-F. REROLLE: Evaluation d’entreprise, principes et méthodes. Revue fiduciaire Comptable, N°223, 1996, pp 38 et sq .
LE CONTROLE DE GESTION : 80

personnes en 1990 à 35 650 en 1992. Les investissements productifs et les dépenses de R-D sont
considérablement réduits : 419 millions de dollars en 1989, 82 millions en 1991,
3. une redistribution aux actionnaires de la plus grande partie du cash-flow générés par ces mesures.
Cet exemple d’application de la stratégie de maximisation de la valeur pour l’actionnaire a déclenché une
controverse à propos de l’hypothèse d’une focalisation excessive de ce type de stratégie sur les choix à court
terme, controverse amplifiée par la comparaison des gains des actionnaires et des dirigeants salariés avec
l’importance des licenciements mis en œuvre.
Cette approche de l’évaluation devrait se généraliser et devenir une compétence
fondamentale des contrôleurs de gestion en liaison avec la direction générale. De
nombreux auteurs pensent que les approches d’évaluation privilégiées seront
celles qui ont le pouvoir explicatif le plus puissant. Une mesure systématique des
performances économiques des différentes activités devrait permettre de réaliser
une meilleure allocation des ressources de l’entreprise en fonction de l’impact des
projets sur la valeur actionnariale. La valeur apparaît alors comme le
dénominateur commun de la planification stratégique et financière, de la politique
d’acquisition et de désinvestissement. Les dirigeants et les salariés seront incités à
maximiser la valeur à partir de mécanismes de primes ou de bonus liés à
l’enrichissement des actionnaires. La phase essentielle du processus est la
réflexion stratégique. Plus importante que le résultat final, cette étape permet
d’identifier les forces et les faiblesses des différentes activités de l’entreprise, leur
niveau de risque, celles qui créent de la valeur et celles qui en détruisent, les choix
stratégiques qu’il convient d’adopter (désinvestir, maintenir ou alléger, améliorer,
réinvestir, repositionner), les conditions financières du développement de
l’entreprise, les éléments clés de succès et les facteurs d’échec des stratégies
retenues.
2- LA DISCIPLINE DE LA VALEUR (VALUE BASED MANAGEMENT)
Le concept de value based management repose sur l’idée qu’une entreprise doit
réussir à la fois sur le marché des biens réels et sur le marché financier. Négliger
l’un des deux ne manquera pas d’avoir des conséquences dramatiques sur marché
réel. Il convient, dans cette optique, d’aborder l’actionnaire comme un client et de
comprendre quelles sont ses attentes. L’application d’une discipline de la valeur
s’inscrit dans cette volonté de convaincre le marché de sa détermination à créer de
la valeur à long terme pour l’actionnaire. Cette approche implique d’introduire,
dans le contrôle des performances, de nouvelles mesures plus significatives de la
création de valeur. On peut les résumer sur le tableau suivant :
La discipline de la valeur :
Source : J-F.REROLLE, F. QUENTIN, J-M BEGHIN : L’art de la finance, Les Echos, 1998.
ANALYSER ALIGNER CREER
Diagnostic stratégique de la valeur Projet d’implantation Décisions stratégiques
Analyse de marché financier Outils d’analyse Exécution stratégique
Audit des processus clefs de la Tableaux de bord de la valeur Management du risque
création de valeur Processus décisionnel Politique financière
Portefeuille d’améliorations Formation et communication (dividendes, levier, scissions,
Gouvernement d’entreprise rémunérations, rachats d’actions,
signalisation au marché, choix
LE CONTROLE DE GESTION : 81

d’investissement).

Les pratiques observées montrent que deux attitudes extrêmes sont fréquentes.
Dans un cas, la valeur est conçue comme un vecteur de communication,
l’entreprise met en place des indicateurs de création de valeur pour les diffuser
auprès des investisseurs. Dans un autre cas, la valeur est considérée comme le
dogme suprême et l’entreprise déploie des indicateurs qui s’imposent comme des
normes rigides dont l’objectif est d’encadrer les décisions des acteurs et de
rémunérer les managers sur la base du respect des règles financières imposées.
Ces deux attitudes sont certes excessives mais elles montrent bien le risque de
dérive qui peut aboutir à se focaliser sur le court terme et à sous-investir de façon
systématique en privant ainsi l’entreprise des décisions stratégiques susceptibles
de déboucher sur des avantages compétitifs réels et durables. Le fait de faire
primer la rationalité financière dans des choix fondamentaux qui engagent l’avenir
comporte des risques qui ne peuvent être négligés. On peut se demander pourquoi
les entreprises ont mis si longtemps pour adopter cet indicateur qui a l’avantage
d’être capable de surmonter les difficultés pourtant bien connues du ROI introduit
par la société Dupont il y a presque un siècle ?
On peut, avec Kaplan et Atkinson, avancer trois séries d’arguments.111
Les types de dysfonctionnement dus à la concentration sur le bénéfice comptable et le ROI n’ont été
correctement perçus que récemment. La prise de conscience vient probablement de l’influence du leveraged -
buy - out et du Management buy Out dans les années 1980. Ces activités ont été menées par des sociétés qui
n’exploitaient pas efficacement leur base d’actifs pour les actionnaires. Les activités de LBO et de MBO ont
fourni une visibilité externe de l’approche par la discipline du marché et son impact sur les décisions des
entreprises en matière de financement et d’investissement. Cela a encouragé les dirigeants dans les années
1990 à faire beaucoup plus attention à la maximisation de la richesse des actionnaires et à se méfier des
indicateurs basés sur la maximisation des performances purement comptables. La valeur économique ajoutée
exige que les entreprises spécifient un coût du capital, soit globalement pour l’ensemble des activités ou pour
chacune des divisions et activités. Les dirigeants étaient peu disposés à spécifier un coût du capital par
activités, surtout s’ils doivent faire des calculs explicites au sujet des ajustements par classe de risques. Jusqu’à
la diffusion et à la reconnaissance des approches issues du MEDAF (développées dans les milieux de la
finance académique dans le milieu des années 1960), les dirigeants utilisaient des techniques relativement
arbitraires pour estimer le coût du capital ajusté au risque. Dans l’approche EVA, le coût des capitaux propres
est reconnu explicitement. Comme ce coût du capital est soustrait des bénéfices des divisions, le bénéfice net
global de l’entreprise est inférieur à celui de la comptabilité financière fourni aux actionnaires. La plupart des
entreprises souhaitent une cohérence complète entre la comptabilité interne et externe quitte à repousser une
procédure qui n’a que des objectifs internes mais qu’elles ne pourraient pas employer dans les états financiers
publiés. Par contre, les primes d’incitation en faveur des cadres et dirigeants ont souvent été basées sur une
mesure de type EVA. Dans ces plans, la plage de la prime est définie comme un pourcentage (de l’ordre de
10%) de l’excédent des profits réalisés sur un taux préétabli de rendement du capital investi. Cependant, les
deux approches EVA et ROI présentent des problèmes supplémentaires quant il s’agit de les rendre
opérationnelles comme mesure de performance au niveau des divisions ou de centres de responsabilité. A ce
stade il convient de mieux explorer les voies d’une intégration des approches par les processus avec les
approches centrées sur la valeur. Pour améliorer les mesures du ROI ou de EVA, il conviendrait de procéder à

111 R. KAPLAN et A. ATKINSON ; Advanced Managment Accounting, 3° édition, (date ?), pages 508 et sq.
LE CONTROLE DE GESTION : 82

de nombreux ajustements. L’information financière telle qu’elle est publiée est peu utile à des fins de contrôle.
Les correctifs importants concernent l’imputation du coût du capital sur les actifs utilisés, la comptabilisation et
l’identification des investissements immatériels sources de performance (les intangibles tels que la R&D, la
publicité, les actions de formation), le retraitement des actifs loués, la prise en compte de l’inflation, la méthode
d’amortissement, etc. De ce point de vue, la méthode EVA préconisée par Stewart contient une liste de près de
200 ajustements prévus pour opérer le passage du résultat comptable à celui de l’EVA. Relier efficacement la
comptabilité financière publiée à l’extérieur et la comptabilité de gestion utilisée pour formaliser les décisions en
interne est une tâche importante pour le contrôle de gestion. Cette fonction d’intégration est analysée
ultérieurement.

3- LE CONCEPT CENTRAL DE VALEUR AJOUTEE ECONOMIQUE


On sait que le bénéfice résiduel permet une meilleure congruence entre l’objectif
d’évaluation des centres et la valeur financière globale de l’entreprise. En dépit de
tous ces avantages, on peut se demander pourquoi les entreprises n’ont pas utilisé
cet indicateur de façon plus large. Il a fallu attendre la fin des années 1980 et la
publication par plusieurs consultants d’études montrant une forte corrélation entre
les variations du bénéfice résiduel et leur évaluation boursière. Ces corrélations
étaient considérablement plus fortes que pour le ROI.
3.1 LA POPULARISATION DE L’EVA (ECONOMIC VALUE ADDED)
Le mouvement vers la mesure du bénéfice résiduel a bénéficié de l’habileté du
cabinet de consultant Stern Stewart qui a popularisé ce concept sous le nom
d’EVA™ (Economic Value Added).112 Leurs idées ont été rendues publiques dans
un article du Journal of applied corporate finance (1993) intitulé Eva : the real
key to creating wealth. L’article décrit le succès que beaucoup de compagnies ont
eu en utilisant la valeur économique ajoutée pour motiver et évaluer les directions
générales et les responsables d’unités. La valeur économique ajoutée a amélioré le
concept classique de bénéfice résiduel. En premier lieu, il est construit sur les
développements récents de la théorie financière, en particulier sur l’apport central
du modèle d’équilibre des actifs financiers (MEDAF ou Capital Asset Pricing
Model CAPM). Ce modèle permet de dériver un coût du capital fondé sur les
caractéristiques du secteur en matière de risque. Plutôt que d’utiliser un coût
moyen du capital, le MEDAF peut être utilisé pour dériver une évaluation
spécifique du coût du capital tenant compte du risque de marché et du risque
spécifique de l’entreprise ou des unités décentralisées. Ensuite, l’EVA est calculée
après avoir tenu compte des ajustements pour les distorsions introduites par les
principes comptables généralement acceptés (GAAP). L’EVA ou valeur ajoutée
économique est égale à la différence entre le résultat économique après impôt
obtenu et le coût moyen pondéré du capital et la MVA, à la valeur de marché des
capitaux investis [capitaux propres et dettes financières) diminuée de la valeur

112 J. SLYWOTZKY: Value Migration, Harvard Business School Press, 1996. A. RAPPAPORT: Creating

Shareholder Value, The Free Press, New York, 1986, G.B. STEWART, The Quest for Value, Harper Business,
1991; T. COPELAND, T. KOLLER, J. MURRIN, Valuation - Measuring and Managing the Value of Companies,
John Wiley and Sons, 1990.
LE CONTROLE DE GESTION : 83

comptable de ces mêmes capitaux. La MVA est en fait très proche du ratio Q de
Tobinqui est égal au rapport de la valeur de marché des capitaux investis à la
valeur de remplacement des actifs (approximée le plus souvent par la valeur
comptable). L’EVA peut être définie selon la formule suivante:
EVA = RCAI - (Kw x Capitaux investis) ; (RCAI = résultat courant après
impôts et Kw = coût moyen pondéré du capital).
Un dirigeant peut prendre des décisions d’investissement non conformes au
meilleur intérêt des actionnaires parce, d’une part il n’a pas à supporter le coût des
capitaux investi et que, d’autre part, il ne perçoit aucune rémunération en
contrepartie de la valeur créée pour les actionnaires. L’EVA, permet de rémunérer
les dirigeants en fonction des bénéfices générés tout en tenant compte de
l’importance du capital investi. Le résultat courant avant impôts (RCAI) est
considéré comme représentatif du résultat opérationnel, qui est ensuite minoré
d’un montant correspondant au coût du capital, déterminé en considérant que la
valeur économique des actifs existants est représentative du capital mis à la
disposition de l’entreprise ou d’un centre de responsabilité. Du fait de
l’importance des distorsions comptables, le total de l’actif tel qu’il figure au bilan
ne correspond ni à la valeur de réalisation des actifs ni à leur valeur de
remplacement. Le bilan est donc d’un intérêt assez limité lorsqu’il s’agit d’évaluer
la situation nette. S. STEWART procède à plus de 200 ajustements afin d’arriver
à une estimation de la valeur des actifs. Selon TODD T. MILBOURN la plupart
des entreprises estiment que 15 ajustements, au maximum, sont réellement
nécessaires. Parmi ceux-ci, citons la compensation des dettes d’exploitation et des
actifs circulants, l’imputation des écarts d’acquisition bruts sur les réserves, la
neutralisation des provisions pour restructuration, l’imputation au compte de
résultat des frais de recherche et de développement (et éventuellement les frais de
publicité) et la neutralisation des provisions pour dépréciation des stocks calculée
selon la méthode LIFO (last in-first outi). Ces ajustements sont considérés comme
étant assimilables aux fonds propres. Leur impact sur les fonds propres et le
résultat courant avant impôts est présenté ci-après:
Eléments assimilables aux fonds propres
A ajouter aux fonds propres : A ajouter au RCAI
Quasi-fonds propres, Provision pour impôt Augmentation des quasi-fonds propres, Dotations aux
différés , Provision pour dépréciation des stocks provisions pour impôts différés, Dotations à la provision
(méthode Lifo) Amortissements cumulés des pour dépréciation des stocks, Dotation aux
écarts d’acquisition, Ecarts d’acquisition non amortissements des écarts d’acquisition, Augmentation
constatés , Immobilisations incorporelles, des immobilisations incorporelles, Eléments
Eléments exceptionnels cumulés, Autres exceptionnels, Augmentation des autres provisions
provisions (créances douteuses, garantie ).
En outre, l’endettement net est augmenté de la valeur capitalisée des loyers versés
au titre de contrats de location simple. Le but de ces ajustements est d’obtenir un
bilan qui traduise plus fidèlement la valeur économique des actifs que le bilan
social.
Bilan économique (corrigé)
Actif Passif
LE CONTROLE DE GESTION : 84

Actifs circulants (stocks évalués selon la méthode Dettes financières à court terme
FiFo) – Dettes d’exploitation Dettes financières à long terme
Ecarts d’acquisition nets Fonds propres (nets des montants imputés sur les
Immobilisations nettes réserves)
Actif total (valeur économique des capitaux Passif total (montant des sources de financement)
investis)
La principale faiblesse de l’EVA, que la méthode partage avec la plupart des
autres indicateurs de performances financières, concerne l’absence de prise en
compte des évolutions futures, (voir ci-après).
3.2 LES PRINCIPAUX APPORTS DU CONCEPT
Le raisonnement de type EVA permet de sensibiliser les dirigeants sur le rôle des
sources de financement comme facteur de compétitivité et notamment sur
l’impact des taux d’intérêt. D. JACQUET113 rappelle qu’au début des années
quatre-vingt la rentabilité industrielle de constructeurs automobiles japonais
(Toyota et Nissan) était voisine de celle de General Motors (16 % pour les
premiers, 14 % pour GM); mais les taux d’intérêts étaient voisins de 3 % au
japon, alors qu’ils étaient de l’ordre de 13 % aux Etats-Unis. Dans ce contexte,
l’écart entre rentabilité industrielle était pour les japonais de 13 % et pour General
Motors de 1% seulement.
Le coût global du bilan :
Source : D. JACQUET : EVA et MVA, Analyse Financière, septembre 1997, N°112.
Le coût financier des stocks Le coût du crédit client
Un centre de profit qui génère un chiffre d’affaires Une division qui génère un chiffre d’affaires X avec un
d’un milliard de euros, un résultat d’exploitation grand distributeur qui tente de lui imposer un
égal à 7 % du chiffre d’affaires, soit 70 millions, et accroissement des délais de règlement de 2 à 3 mois. Si
dispose d’un niveau de stocks s’élevant à 100 le directeur de la division n’est pas évalué sur le coût de
millions. Le responsable de la division est incité à son actif économique, il sera tenté d’accorder cette faveur
réduire ses stocks mais ne sait pas valoriser cet à son client sans trop résister. Or, le coût sera réel pour
enjeu. Si le coût du capital représente 10 %, une l’entreprise et ses actionnaires. Prenons un coût de
bonne compréhension de l’EVA lui montre que le capital égal à 10 %. Quelle augmentation des prix de
coût financier des stocks est égal à 10 % de 100 vente pourrait compenser l’accroissement des stocks,
millions, soit 10 millions de euros. Pour un taux donc des capitaux engagés ? Le coût financier de
d’impôt de 33 %, cela représente un équivalent de l’augmentation des délais de règlement est égal au coût
15 millions de euros de résultat d’exploitation. de capital multiplié par l’accroissement des capitaux
Ainsi, plus de 20 % du résultat d’exploitation de la investis, soit : 10 %*X* (1 + 20,6 %) / 12 = 0,01X. Le
division sont gaspillés dans le coût financier d’un résultat d’exploitation après impôts doit donc payer ce
actif qui ne génère pas de valeur ajoutée. De plus, surcoût financier: Delta RE x (1 - 33,33 %) = 0,01X. D’où :
une réduction, par exemple, de moitié de ces Delta RE = 0,015X. Une augmentation de prix
stocks générerait une valeur économique de 5 correspondante représente le ratio Delta RE/X et est
millions de euros nets d’impôts, équivalente à un égale à 0,015. Passer le délai de règlement de 2 à 3 mois
accroissement de 7,5 millions du résultat a une incidence financière qui peut être compensée par
d’exploitation, soit une augmentation de 10 % de une hausse des prix de 1,5 %.
ce résultat, ou de 0,75 % des prix de vente.

113 D. JACQUET : EVA et MVA , Analyse Financière / septembre 1997 / N°112


LE CONTROLE DE GESTION : 85

3.3 L’EVA COMME SYSTEME D’INCITATION


T. T. MILBOURN note que la plupart des entreprises ont répondu à l’impératif de
création de valeur en alignant la rémunération des cadres supérieurs sur des
indicateurs de performances financières tenant compte de la création de valeur
pour les actionnaires. L’utilisation des indicateurs traditionnels (ROI, ROE) pour
évaluer les performances peut amener les dirigeants à suivre une politique
d’investissement non conforme aux souhaits des actionnaires. Très souvent les
actionnaires estiment que les fonds propres de l’entreprise sont surdimensionnés
par rapport au niveau optimal du flux des investissements. Lorsque la
rémunération des dirigeants dépend de l’EVA, la propension de ces derniers à
consommer du capital est freinée car il faut en supporter le coût.
Exemple d’impact des systèmes de rémunération basés sur l’EVA sur le choix des projets.
(Source : d’après T. T. MILBOURN : EVA , L’art de la finance, Les Echos, N°5, Avril 1998)
Un dirigeant doit choisir entre trois projets mutuellement exclusifs. La société pourra soit investir 50 M€ dans le
projet A, soit 110 M€ dans le projet B, soit 240 M€ dans le projet C. Les données sont résumées dans le tableau
ci-après. Quel projet le dirigeant choisira-t-il si sa rémunération dépend du taux de rentabilité du projet, si sa
rémunération dépend des bénéfices (soit le RCAI) générés par la vente des produits ou si sa rémunération
dépend de l’EVA? Le coût du capital est de 10 % et on suppose un maintien des capitaux à leur niveau
d’origine tout au long du projet. Les investissements réalisés au cours de chaque exercice sont égaux aux
amortissements de l’exercice concerné et la cession de l’actif s’opère à la valeur nette comptable au cours de la
dernière année de la vie du projet. Cela signifie que le cash-flow excédentaire sera égal au RCAI pour chaque
exercice excepté le dernier, au cours duquel l’actif sera cédé et le capital récupéré. Le taux de rendement
interne (TRI) le bénéfice généré par la vente des produits (RCAI), le cash-flow excédentaire et la VAN
s’établissent comme suit.
Projet Montant RCAI (annuel) (en MF) Cash-flow excédentaire TRI VAN = VA
s Investi Années Années des FTF en
1 2 3 1 2 3 MF
A 50 50 40 0 50 90 0 93% 69,83
B 110 45 70 70 45 70 180 53% 124
C 240 55 75 80 55 75 320 28% 112,4
VA = valeur actuelle FTF = flux de trésorerie Futurs
De toute évidence, le projet B est le plus intéressant en ce qui concerne la création de valeur pour les
actionnaires. Toutefois, si le système de rémunération des dirigeants ou d’affectation des capitaux est fondé sur
le TRI, le choix du dirigeant portera sur le projet A. De même, si la rémunération du dirigeant dépend des
bénéfices générés par la vente des produits, il retiendra le projet C. En revanche, si l’EVA est utilisée comme
base de détermination de la rémunération des dirigeants, B sera choisi, comme le montre le tableau ci-après
selon lequel l’EVA est définie comme étant égale au RCAI - (capitaux investis au début de la période multipliés
par la coût du capital).
Projet EVA VAN = VA des EVA
Années
1 2 3
A 45 35 0 70
B 34 59 59 124
C 31 51 56 112
LE CONTROLE DE GESTION : 86

Cet exemple permet de constater que les systèmes de rémunération basés sur les
résultats peuvent conduire à une consommation excessive du capital, tandis que
ceux basés sur le taux de rentabilité des fonds propres sont susceptibles d’avoir
l’effet inverse. Cela permet d’expliquer pourquoi l’EVA a été choisie par de
nombreuses entreprises comme moyen d’établir un lien entre le choix des projets
et la rémunération des dirigeants.
4- LA LOGIQUE DE FINANCIARISATION : PREDOMINANCE DES MODELES
FINANCIERS D’EVALUATION STRATEGIQUE
La logique du déploiement de la stratégie de la valeur financière à l’ensemble de
l’organisation repose sur les modèles financiers d’évaluation stratégique. Dans ces
modèles, la chaîne des cash-flows futurs attendus détermine la valeur financière
(VF) (G. HIRIGOYEN, 1997).114 Cette valeur (VF) comprend d’une part la valeur
des actifs existants et la valeur des opportunités de croissance. (VF) est donc une
valeur actuelle de flux futurs ou une combinaison de flux constatés (historiques) et
prévisionnels. Cette approche de l’évaluation économique repose sur l’idée que la
valeur d’une entreprise est la somme des valeurs actuelles des composantes
suivantes: la rente perpétuelle (ou non) dégagée par les actifs existant au moment
de l’évaluation, les économies futures d’impôts réalisées grâce à l’endettement (du
fait de la déductibilité des charges financières) et les revenus futurs dégagés par
de nouveaux investissements. Rente et cycle de vie posent des problèmes
complexes liés à la mesure de la performance, à la mesure du risque et donc du
coût du capital et à l’identification des processus de valorisation des produits. Se
pose également le problème du temps et notamment de la détermination des
cycles pendant lesquels les flux attendus créeront de la valeur. Les économies
d’impôts liées à l’endettement peuvent faire l’objet d’une estimation à partir des
documents comptables actuels (notamment l’annexe). Le modèle Growth Share
Matrix du Boston Consulting Group a mis en valeur la dimension financière des
modèles stratégiques. G. HIRIGOYEN propose une présentation critique, qui met
l’accent sur le principal message de la démarche: l’analyse par la valeur fait de
l’actionnaire un arbitre (orientation des choix stratégiques vers la maximisation de
la création de valeur) et un gardien (surveillance des coûts d’opportunité des fonds
propres investis par la société, la performance des investissements s’appréciant
moins en termes de rentabilité qu’en termes de création de valeur). 115
Les modèles financiers d’évaluation stratégique
Source : D’après J.ALLOUCHE et G. SCHMIDT : les outils de la décision stratégique, pages 90 à 92, tome1,
Collection Repères, La Découverte, 1995.
De nombreux modèles financiers d’évaluation stratégique sont aujourd’hui disponibles. Ils se présentent
souvent comme des prolongements des modèles de portefeuille.

114 G. HIRIGOYEN (1997) , Stratégie et finances, Encyclopédie Economica, volume 3,page 3064.
115 G. HIRIGOYEN: Nouvelles approches du lien stratégie - finance. Revue française de gestion, 92, janvier - février 1993, p. 64-73. G.
DEFORTELLE : La valorisation stratégique, Banque - Stratégie, 88, octobre 1992, p. 21-23. CABY Jérôme et KOEHL Jacky : Les modèles
financiers d’évaluation stratégique. Une validation empirique, communication aux XIièmes Journées nationales des IAE, 1991. G.
HIRIGOYEN et J. CABY: La création de valeur de l’entreprise , Economica, Paris, 1997, 117 pages. Ch. HOARAU : Diagnostic financier
et diagnostic de l’entreprise, PUF, Paris, 1996, 319 pages.
LE CONTROLE DE GESTION : 87

Modèle du Strategic Planning Modèle du Marakon Modèle de Fruhan-McKinsey.


Associates. Associates,
Ce modèle associe le ratio Q de Ce modèle relie le ratio Q Ce modèle relie le ratio Q de Tobin à un
Tobin (valeur boursière des capitaux de Tobin à l’écart entre la ratio levier de valeur qui le rapport entre
propres/valeur comptable des rentabilité du capital investi la valeur future de l’entreprise estimée à
capitaux propres) à un ratio levier de et le coût du capital. partir de données historiques et la valeur
valeur défini comme le rapport entre comptable des capitaux propres.
rentabilité des coûts investis et coût
du capital.
Renouvelant ses analyses, le BCG a développé aussi un modèle financier de
valorisation stratégique fondé sur le cash flow return on investment et qui permet
d’évaluer l’influence sur la valorisation financière d’une activité de l’amélioration
des paramètres fondamentaux que sont le cash-flow généré, la rotation des actifs
et la croissance. A partir de ce modèle, le BCG distingue quatre activités :
Les activités qui sont au cœur du Les activités candidates au
projet stratégique et contribuent désinvestissement selon une forme et un
positivement à sa valorisation calendrier définis cas par cas
financière
- priorité d’investissement -
Les activités qui, importantes pour le Les activités périphériques au projet
projet stratégique, contribuent peu ou stratégique qui contribuent positivement à
négativement à la valeur financière la valeur financière de l’entreprise et
- efforts prioritaires d’amélioration doivent de ce fait être traitées comme des
du cash-flow, par croissance externe investissements financiers - ne pas hésiter
ou par maintien au moindre coût des à s’en séparer si le prix de vente est
compétences requises. supérieur à la valeur pour l’actionnaire.
Les différents modèles financiers d’évaluation stratégique sont présentés, le plus
souvent, comme des outils d’aide à la décision stratégique réduisant les tensions
entre les actionnaires et la direction générale de l’entreprise.
Le rôle du contrôleur de gestion dans cette approche porte notamment sur:
- la segmentation appropriée des métiers et surtout des activités et des
processus, (comptabilité segmentée) ;
- le calcul de la rentabilité de ces actifs, (intégrer le risque) ;
- l’estimation de la durée du cycle de vie des produits ou processus qui
définissent ces actifs, (comptabilité de gestion à base de processus);
- la définition du périmètre et des modalités de consolidation si ces actifs
sont gérés dans le cadre d’un groupe (comptabilité consolidée).
5- UN EXEMPLE DE MODELISATION DE LA VALEUR ACTIONNARIALE:
On cherche à modéliser la valeur pour l’actionnaire, sur une période de cinq ans,
d’une activité dont les données sont les suivantes :
Données de base
Taux de croissance des 8.00% Montant des ventes 2.720.000
ventes
MARGE 9.5%
LE CONTROLE DE GESTION : 88

Opérationnelle
Accroissement des 29.5% Dettes 474000
investissements
Accroissement du BFR 16.5% Nombre d’actions 48940
Taux d’impôt 30%
Coût du capital 9.25% Période de prévision 5 ans
Calcul des cash-flows
Année Ventes Marge Résultat Taux d’impôt Impôt Cash-flow
s (B) Opérationnel (D) (000) Net
(000) (000) (E) = D*C (000)
(A) C = (A) x (B) C–E

1 2937.60 0.095 279.07 0.30 83.72 195.35


2 3172.61 0.095 301.40 0.30 90.42 210.98
3 3426.42 0.095 325.51 0.30 97.65 227.86
4 3700.53 0.095 351.55 0.30 105.47 246.09
5 3996.57 0.095 379.67 0.30 113.90 265.77
Valorisation des investissements
Années Croissance Accroissement des Accroissement Accroissement Accroissement
Des ventes Investissements (%) des du BFR du BFR
(A) (B) investissements Fonction des
C = (A)/(B) ventes (E) = (A)*(D)
(D)
1 217.60 0.295 64.19 0.165 35.90
2 235.01 0.295 69.33 0.165 38.78
3 1 253.81 0.295 74.87 0.165 41.88
4 274.11 0.295 80.86 0.165 45.23
5 296.04 0.295 87.33 0.165 48.85
Calcul du free cash-flow
Années Cash-flow net Investissements en Accroissement du Free cash-flow
capital fixe BFR
A B C D = A-B-C
1 195.35 64.19 35.90 95.25
2 210.98 69.33 38.78 102.87
3 227.86 74.87 41.88 111.10
4 246.09 80.86 45.23 119.99
5 265.77 87.33 48.85 129,59
Calcul des free cash-flows actualisés
Années Free cash Facteur Valeur actuelle du Valeur actuelle
flow d’escompte free cumulée des free
(A) (B) Cash-flow Cash-flow
C = (A) x (B)
1 95.25 0.915 87.19 87.19
2 102.87 0.838 86.19 173.38
3 111.10 0.767 85.21 258.59
4 119.99 0.702 84.23 342.82
5 129.59 0.643 83.27 426.08
Calcul de la valeur résiduelle sur la base d’une capitalisation du cash-flow net
LE CONTROLE DE GESTION : 89

Années Cash-flow Net Coût du Bénéfice résiduel Facteur Valeur actuelle de la


(A) capital C = (A)/(B) D’actualisation valeur résiduelle
(B) (D) (E) = C x (D)
1 195.35 0.0925 2,111.90 0.915 1,933.09
2 210.98 0.0925 2,280.85 0.838 1,910.97
3 227.86 0.0925 2,463.32 0.767 1,889.10
4 246.09 0.0925 2,660.38 0.702 1,867.49
5 265.77 0.0925 2,873.21 0.643 1,846.12
Calcul de la valeur des activités
Années Valeur actuelle des free Valeur actuelle de la valeur résiduelle Valeur
cash-flows (B) C = (A) + (B)
(A)
1 87.19 1933.09 2020.28
2 173.38 1910.97 2084.35
3 258.59 1889.10 2147.69
4 342.82 1867.49 2210.31
5 426.08 1846.12 2272.21
Calcul de la valeur actionnariale
Valeur des activités 2272 (milliers)
Moins Dettes 474.00
Valeur Actionnariale 1798 (milliers)
Nombre d’actions émises 48940
Valeur de l’action 36.7
Analyse de sensibilité de la valeur de l’action en fonction d’une variation de 1% des inducteurs
stratégiques :
Inducteurs -1% Valeur de base + 1% Intervalle Sensibilité
Croissance des ventes 358 367 377 19 Basse
Marge opérationnelle 309 367 426 117 Haute
Taux de variation de 369 367 365 4 Basse
l’investissement
Taux de variation du 369 367 365 4 Basse
BFR
Taux d’impôt 375 367 359 16 Basse
Coût du capital 435 367 313 122 Haute
Années de prévision 355 367 380 25 Basse /moyenne
Impact d’une Variation de la marge et / ou du Coût du capital


COUT DU CAPITAL

8.25% 8.75% 9.00% 9.25% 9.50% 9.75% 10.25%


8.50% 370 337 323 309 296 283 261
9.00% 403 368 353 338 324 311 287
MARGES

9. 25% 419 384 368 353 339 325 300


9.50% 435 399 383 367 353 339 313


9.75% 452 415 398 382 367 353 326
10.00% 468 430 413 397 381 367 339
10,50% 501 461 443 426 410 394 366
LE CONTROLE DE GESTION : 90

Cet exemple montre l’importance stratégique des deux paramètres fondamentaux :


le taux de marge (synthèse de la compétitivité) et le coût du capital. Il est clair
qu’un tel modèle reste utile pour la réflexion stratégique (quel que soit le degré de
raffinement) mais on voit bien son aspect réducteur et donc le danger qu’il
pourrait y avoir à utiliser ce cadre de réflexion à l’exclusion de tout autre. Il serait
notamment dangereux d’asservir les décisions stratégiques opérationnelles sur
cette base en raison du nombre restreint de variables prises en compte et de leur
nature exclusivement financière. La valorisation ne peut se faire indépendamment
d’une réflexion sur les sources réelles de la création de valeur telles que les forces
qui structurent l’industrie, la position concurrentielle de l’entreprise et ses
compétences fondamentales. Le danger vient alors de la non explicitation des
hypothèses à l’origine de ces calculs et de l’absence de dialogue entre ceux qui
manient les techniques de valorisation et ceux qui, au sein de l’entreprise,
maîtrisent souvent le mieux les ressorts de l’analyse stratégique. Le cas de la
SNCF est d’ailleurs un exemple d’une volonté d’introduction d’indicateurs de
création de valeur actionnariale sans que ces derniers aient été développés au
service de l’enrichissement de l’actionnaire. A. NABET et G. DAVID (2003)116
ont en effet étudié l’introduction de l’EVA (ou VEA : valeur économique ajoutée)
au sein de SNCF Participations. Leur étude met en exergue que cet outil a
davantage été utilisé au service du pilotage interne qu’au service du marché
financier. Ce nouveau système de gestion par la valeur a donc permis d’améliorer
le contrôle de gestion et de mieux comprendre les ressorts de la performance, et
d’initier un véritable changement organisationnel.

SECTION 3 LES LIMITES DU CONTROLE DE GESTION


ASSERVI A LA FINANCE
Les limites du contrôle de gestion asservi à la finance sont très vite apparues.
Ainsi, dès 1997, l’abandon de l’EVA par le groupe ATT montre que cette pratique
est un exercice stratégique difficile. En 1992, la firme adopte l’EVA et met en
place un plan d’incitation concernant environ 110 000 salariés. Deux ans après,
deux nouvelles mesures non financières de performance, sont ajoutées: la valeur
ajoutée pour le client (customer value added) et la valeur ajoutée pour le
personnel (people value added). En 1997 ce système est abandonné au profit des
ratios comptables traditionnels. La mesure était trop complexe à comprendre pour
la plupart des salariés, malgré un important effort de formation. Le contrôle de
gestion financiarisé à base de création de valeur actionnariale a connu, en France,
un succès significatif mais il n’a semble t’il jamais atteint celui des pays anglo-
saxons. En effet, de nombreux groupes ont souligné qu’une utilisation trop
systématique du management par la valeur financière, comporte aussi des dangers.
L’indicateur EVA peut orienter vers des décisions de court terme, ce qui pourrait

116 A. NABET ., G. DAVID (2003), « L’introduction d’indicateurs de création de valeur actionnariale dans un groupe français : SNCF
participations », CCA, Tome 8, vol 1, pp. 111-128.
LE CONTROLE DE GESTION : 91

pousser certaines entreprises à s’endetter inconsidérément. La réduction du coût


des capitaux utilisés peut constituer un facteur d’accroissement de la richesse
lorsque leur taux de rentabilité économique est stable, mais cette stratégie peut
être dangereuse si les taux repartent à la hausse. Les groupes qui auront adopté
cette stratégie se verront confrontés à une hausse significative de leurs charges
financières et a une sévère diminution de la valeur créée. Par ailleurs, il existe
autant de méthodes de calcul de création de valeur que de cabinets-conseil même
si la méthode EVA reste la technique la plus connue. Les retraitements des
données comptables varient d’une méthode à l’autre. En outre, les entreprises qui
intègrent la création de valeur dans leur reporting adoptent le plus souvent une
méthode spécifique qui peut différer dans des proportions significatives de la
méthode de référence. Les comparaisons seront alors difficiles, voire impossibles.
Des groupes choisissent par exemple de ne pas capitaliser la recherche et
développement alors même que la plupart des autres méthodes de calcul prévoient
ce retraitement. Plus fondamentalement, la crise financière récente et la
« découverte » d’affaires nombreuses (Enron, Worldcom, puis plus récemment
Société Générale et crise des subprime) montrent à l’évidence qu’un système
purement financier d’allocation du capital n’est pas efficient.
1- LES LIMITES TENANT AUX FONDEMENTS THEORIQUES DES MODELES
FINANCIERS D’EVALUATION STRATEGIQUE:
1.1 LES LIMITES DU CADRE THEORIQUE DE LA MICRO-ECONOMIE
FINANCIERE
Les différents modèles financiers qui servent de support au contrôle de gestion
financiarisé sont fondés sur le même cadre théorique, celui de la micro-économie
financière. Ils utilisent une variable commune, le coût du capital investi qui sert de
référentiel pour la mesure de performance. Les hypothèses sont celles des modèles
financiers classiques basés sur la rationalité des acteurs qui sont maximisateurs et
opportunistes. La relation d’agence explique les confits entre les dirigeants, les
managers, et les actionnaires-propriétaires. L’objectif est la maximisation de la
valeur de l’entreprise (donc de la valeur actionnariale). L’entreprise est un nœud
de contrats, les dirigeants sont les mandataires des actionnaires (théorie de
l’agence) et comme tels, ils peuvent être tentés de servir plutôt leurs intérêts
personnels que ceux des actionnaires. D’où la nécessité de trouver des incitations
et d’instituer des contrôles de manière à limiter l’asymétrie d’information existant
entre les actionnaires et les dirigeants et à obliger ces derniers à rendre des
comptes. Cette approche financiarisée du contrôle de gestion présente de
nombreuses limites. On peut avec Christian HOARAU adresser trois critiques
essentielles à cette théorie:117
1 - elle assigne aux dirigeants des firmes un objectif de maximisation de la
richesse des actionnaires qui n’est pas susceptible à lui seul de rendre compte de

117 Ch. HOARAU: Diagnostic financier et diagnostic de l’entreprise, PUF, Paris, 1996, 319 pages.
LE CONTROLE DE GESTION : 92

la complexité des motivations à l’origine des décisions d’investissement et de


financement; ceci conduit à ignorer d’une part l’existence de conflit d’intérêt entre
les dirigeants, les actionnaires ou les prêteurs qui ne partagent pas toujours la
même fonction d’utilité, et d’autre part l’influence des critères stratégiques ainsi
que des actions/réactions des parties prenantes de l’entreprise telles que les
salariés dont les objectifs et les stratégies ne sont pas pris en compte dans la
théorie financière;
2 - elle repose sur des hypothèses de rationalité des investisseurs et d’efficience
des marchés financiers qui laissent dans l’ombre le rôle que joue la psychologie
collective dans la formation des cours boursiers, en particulier les comportements
mimétiques ainsi que les phénomènes d’autoréalisation des croyances;
3 - elle postule, à travers les propositions de MODIGLIANI et MILLER, qu’en
l’absence d’impôt la structure financière d’une entreprise est neutre sur sa valeur
et qu’en présence d’imposition, celle-ci croît avec l’endettement lequel a priori, ne
connaît pas de limite. Ces conclusions sont remises en cause par la prise en
compte des coûts de faillite, des coûts d’agence, de l’asymétrie informationnelle
et enfin du rôle de l’Etat.118
L’existence de conflits entre les dirigeants et les actionnaires et/ou les prêteurs
Dans le prolongement de la théorie économique néo-classique, la micro-économie financière considère la firme
comme une boîte noire dont l’objectif unique est la maximisation de la richesse des actionnaires, mesurée par
la capitalisation boursière de la firme. Cette notion est préférée à la notion de profit dont l’évaluation n’est pas
assurée par le marché. Les transformations du système capitaliste au début du siècle, en particulier le
développement de grandes entreprises, caractérisées par une séparation entre les propriétaires - actionnaires
(de plus en plus dispersés) et les dirigeants (managers professionnels), et l’organisation des salariés, ont attiré
l’attention de chercheurs sur les objectifs et les finalités des entreprises. La théorie managériale et la théorie
béhavioriste notamment, ont depuis longtemps remis en cause la conception néo-classique de la firme reprise
par la théorie financière classique. La théorie de l’agence est à l’origine d’une rénovation de la conception de la
firme en Finance. Prolongement de la théorie des droits de propriété, elle reconnaît l’existence de conflits entre
les dirigeants et les actionnaires.

1.2 LES PROBLEMES LIES AU COUT DU CAPITAL


Le coût du capital exprime un coût d’opportunité. Il correspond au taux de
rendement susceptible d’être obtenu si un montant équivalent avait été placé en
bourse dans des titres comportant un niveau de risque similaire à celui du projet et
dont l’échéance est comparable à la durée du projet. On peut distinguer plusieurs
approches en ce qui concerne l’évaluation du coût du capital mais l’outil le plus
couramment utilisé reste le modèle de valorisation des actifs financiers (MEDAF
ou CAPM). Deux méthodes sont présentées comme une amélioration du
MEDAF:
- le modèle de valorisation des opérations d’arbitrage qui peut être considéré
comme une version plus complète car il intègre de multiples sources de risque et
de rendement

118 Voir G. CHARREAU : Finance d’entreprise. Les Essentiels du Management, EMS, 227 pages, 1997
LE CONTROLE DE GESTION : 93

- le modèle de valorisation des options qui peut permettre d’évaluer des projets
d’investissement dont certaines caractéristiques sont similaires à celles des
options. 119
D’autres méthodes sont utilisées par les praticiens. Le modèle fondé sur la
croissance des dividendes présente l’inconvénient de reposer sur une hypothèse
de croissance continue des dividendes et ne tient pas compte du niveau de risque
attaché à l’investissement. Certaines entreprises utilisent des approches
comptables pour évaluer le coût du capital. Parmi ces méthodes, on peut citer:
1. - La méthode de la capitalisation des dividendes, qui a tendance à conduire à
une sous-évaluation du coût du capital car elle ne tient pas compte des plus-
values ;
2. - La méthode fondée sur le ratio, cours/bénéfice, ou son corollaire, le taux de
rendement des bénéfices, méthode qui ne tient pas compte de la croissance
attendue des résultats de l’entreprise ;
3. - Le taux de rentabilité des capitaux investis. Certaines entreprises utilisent
cette approche mais il est peu réaliste d’évaluer un faible coût du capital
simplement parce que l’activité présente un faible taux de rendement comptable;
4. - Le taux de rentabilité des projets marginaux. Certaines entreprises classent les
projets en fonction de leur taux de rentabilité, donnant le feu vert à ceux offrant le
taux le plus élevé ;
5. - Le coût de financement. Si les projets sont évalués en fonction du taux
d’intérêt payé par l’entreprise sur ses emprunts, le taux d’actualisation ne tient pas
compte du risque total attaché à l’investissement ;
6. - Le rendement historique des actions de l’entreprise.
Dans l’ensemble, il apparaît que le modèle issu du MEDAF reste très utilisé en
pratique malgré les controverses auxquelles il donne lieu régulièrement. Dans la
mesure où il n’y pas de réel consensus sur l’estimation de du coût du capital, il
apparaît qu’un des piliers du contrôle de gestion financiarisé est fragilisé (voire
inexistant) ce qui peut conduire à sa remise en cause. On touche, là, à un point
central car le coût du capital reste la donnée fondamentale pour mesurer la
création de valeur. Sa mesure exerce une influence déterminante sur la valeur
attendue donc sur la stratégie. Une sous-estimation du coût du capital peut se
traduire par des investissements insuffisamment rentables et un gaspillage des
ressources financières. Une surestimation du coût du capital, peut priver
l’entreprise d’opportunités de croissance. De plus, le recours systématique au coût
du capital conduit les entreprises à étalonner ses performances internes sur des
indicateurs externes volatils déterminés sur des marchés financiers dont l’horizon
temporel est généralement plus court que celui des activités économiques.120
2- LES DIFFICULTES DE MISE EN ŒUVRE DU CONTROLE DE GESTION
ASSERVI A LA FINANCE

119 G. CHARREAUX : Gestion financière, Litec, 1996, 810 pages.


120 C. HOARAU et R. TELLER, Création de valeur et management des entreprises, op. cité, page 110.
LE CONTROLE DE GESTION : 94

2.1 UN CHAMP D’APPLICATION LIMITE


Le contrôle de gestion asservi à la finance n’est pas d’un usage universel. En
particulier, il n’est pas bien adapté aux activités bancaires et financières car le
montant des capitaux investis est déterminé en partie par la réglementation
prudentielle. La crise financière actuelle montre bien la limite des pratiques trop
centrées sur la maximisation à court terme de la valeur financière et les dangers
des incitations financières trop centrées sur la création de valeur (stocks options).
De même, dans les entreprises en démarrage (start-up), les flux de revenus
prévisionnels sont trop incertains pour être utilisables. Enfin, la valorisation des
entreprises de haute technologie n’est pas fondée sur l’optimisation des capitaux
employés mais plutôt sur la vitesse de réaction ou la capacité à imposer une
innovation technologique ou encore sur l’aptitude à gérer des options pour le
développement futur, en particulier dans les technologies de l’information.
D’autres auteurs ont mis en avant une difficulté liée à sa relative inefficacité face
aux nouvelles formes d’organisations basées sur les réseaux, la connaissance,
l’information ou l’innovation. Il est un fait que les nouvelles formes
d’organisations impliquent des structures et des rapports de pouvoir beaucoup
plus complexes. La problématique n’est pas « seulement » l’incitation financière,
il faut aussi assurer la coopération, l’adhésion, la fidélisation des compétences
rares. Dans ces entreprises en réseau où le capital humain joue un rôle
fondamental, la création de valeur ne se décrète pas, elle ne peut pas, non plus,
faire l’objet d’une appropriation exclusive dès que certains acteurs développent
des compétences spécifiques telles que des savoirs ou des pratiques très
particulières et non duplicables de façon simple.
2.2 DES NORMES DE PERFORMANCE IRREALISTES
Il est apparu également que les objectifs de rentabilité des capitaux propres de
15% annoncés par certains dirigeants de grands groupes sous la pression de leurs
actionnaires institutionnels (notamment les fonds de pension) ne pouvaient pas
être atteints et, surtout, maintenus dans la durée. On pu, en effet, constater
statistiquement que la norme des 15 % de retour sur capitaux propres demeurait,
dans les faits, une exception. Ce « culte des 15 % » qui reposait sur une
arithmétique simple permettant de doubler le capital investi au bout de cinq ans
présente forcément une limitation technique dans des économies qui progressent,
sauf exception temporaire, au rythme moyen de 2 à 3 % par an. Générer de tels
taux de croissance et de rentabilité ne peut se faire qu'en sacrifiant des forces
vives, en clair des capacités de production et des emplois (réengéniering assorti de
créativité financière). Dans le cas français, en partant des 280 plus grandes
entreprises présentant des données financières et boursières sur dix ans, moins de
trente entreprises ont été créatrices nettes de valeur pour leurs actionnaires sur la
période. Parmi ces trente entreprises, on trouve une majorité de groupes dominés
par l'esprit entrepreneurial et l'innovation, très centrés sur un ou deux métiers et
peu représentatifs d’une logique purement financière.
LE CONTROLE DE GESTION : 95

2.3 LA FOCALISATION SUR LE COURT TERME


Un pilotage de l’entreprise fondé uniquement sur la maximisation de la création
de valeur pour l’actionnaire risque de freiner la croissance et l’innovation et de
favoriser le court terme au détriment d’une vision stratégique à long terme. De
nombreux travaux montrent que les entreprises multicentenaires ont valorisé
conjointement capital humain et capital financier. La priorité donnée à
l’amélioration du rendement des capitaux investis a conduit de nombreuses
entreprises à se recentrer sur les activités les plus rentables. Une entreprise qui
dégage sur ses activités existantes un taux de rentabilité des capitaux employés
élevé peut être tentée de réduire sa croissance et ses investissements faute de
projets présentant au moins une rentabilité comparable.
2.4 L’OPTIMISATION ET LES MANIPULATIONS DES INDICATEURS DE
CREATION DE VALEUR
Dans un groupe, la question du levier d’endettement et du coût du capital est
généralement traitée au niveau du siège et relève de la stratégie financière. En
revanche, lorsque les rémunérations des managers (notamment sous forme de
bonus) sont liées en partie à des indicateurs de création de valeur, des risques de
manipulation de ces indicateurs apparaissent. Ce risque est bien réel comme l’a
montré l’affaire Enron. Les manipulations peuvent concerner les deux éléments
du taux de rentabilité (augmentation apparente du résultat et réduction artificielle
des capitaux employés). La filialisation ou la déconsolidation comptable des actifs
d’exploitation, la titrisation des créances commerciales, le financement par des
structures spécifiques non consolidées sont des pratiques qui ont été
abondamment constatés. Outre les limites liées à la « fragilité » des concepts de la
théorie financière (notamment le coût du capital), un autre aspect du problème a
éclaté, notamment, avec l’affaire Enron. Celle de la pertinence des chiffres
comptables et plus généralement de l’information financière utilisée par les
marchés, les analystes et les stratèges. De ce point de vue, l’affaire Enron est
exemplaire car elle illustre parfaitement l’ensemble des problématiques qui
viennent d’être évoquées à propos des limites de ce mode de contrôle de gestion :
la relation d’agence, l’opportunisme des acteurs et la prise d’intérêt (le
financement des partis politiques, les auditeurs consultants, les analystes
intéressés…) ;
2.5 LA NEGLIGENCE DE LA COMPLEXITE DES MOTIVATIONS ET DU
COMPORTEMENT DES ACTEURS :
Le contrôle de gestion asservi à la finance postule qu’il est possible de faire
converger les comportements d’acteurs à partir des seules incitations financières.
Cette conception est compatible avec l’idée que le contrôle de gestion est un
processus par lequel les managers s’assurent que les ressources sont obtenues et
utilisées avec efficacité et efficience. Par contre, si l’on conçoit le contrôle de
gestion comme le processus par lequel les managers influencent les autres
membres de l ‘organisation pour appliquer les stratégies, on met en avant la
dimension managériale, psychosociale du contrôle de gestion. Cette conception
LE CONTROLE DE GESTION : 96

renvoie à des aspects comportementaux, socio-politiques et organisationnels,


mettant en jeu des problématiques de gestion des ressources humaines. Il est alors
probable que l’outil de l’incitation financière sera, à lui seul, insuffisant pour
couvrir la complexité du champ de la motivation des acteurs. Il semble, en effet,
assez clair que si l’on veut traiter le contrôle de gestion comme un système
d’animation, il convienne d’intégrer la dimension humaine et sociologique des
organisations121. Chris Argyris, a été l’un des premiers à révéler les problèmes
humains introduits par la gestion budgétaire. A partir d’interviews auprès de
responsables opérationnels et fonctionnels, il révèle quatre types de problèmes
humains liés à la pratique budgétaire:
1- La pression budgétaire peut conduire les employés à s’unir contre le
management et créer une tension chez l’agent de maîtrise, source pour ce dernier
de manque d’efficacité.
2- Les contrôleurs budgétaires ne peuvent acquérir un sentiment de réussite qu’en
dénonçant les fautes des opérationnels, cela serait source de difficultés dans les
relations humaines.
3- L’utilisation des budgets comme aiguillon conduirait les agents de maîtrise à ne
s’intéresser qu’aux seuls problèmes de leur département, et non à l’usine en
totalité.
4- Les agents de maîtrise utiliseraient les budgets comme moyen d’exprimer leur
style de direction.
De même, se référant au concept de « slack organisationnel » introduit par Cyert
et March, plusieurs auteurs ont montré les biais introduits dans la pratique
budgétaire par la tendance des responsables de budget à créer une forme
particulière de slack : le « slack budgétaire », défini comme la tendance parmi les
managers à formuler intentionnellement des demandes excessives de ressources
dans le budget ou à sous-estimer volontairement leurs capacités productives. Les
directeurs de divisions créent du slack dans leur budget en sous-estimant la
croissance de leurs revenus et en surestimant leurs coûts mais ce slack n’est pas
nécessairement indésirable. Il peut permettre d’assurer plus de stabilité à
l’organisation face aux variations de l’environnement. Les excédents de
ressources accumulés durant les périodes favorables sont alors utilisés
lorsqu’intervient une baisse conjoncturelle. Cela permet alors d’amortir les
variations d’activité. Enfin, lorsque l’information budgétaire est utilisée comme
base d’allocation des récompenses, on obtient des attitudes défensives. En
revanche, lorsque le processus est participatif, les attitudes défensives sont
réduites ainsi que la tendance au slack. Un budget qui inclut des demandes de
justification sur les écarts et qui détermine les récompenses est facteur de slack.
Pour les managers, une forte implication dans leur travail est associée avec une
faible propension à créer du slack. Pour ceux qui ont un faible niveau

121 H. BOUQUIN : Le contrôle de gestion, PUF, 4° édition, Paris, 1998, p. 272.


LE CONTROLE DE GESTION : 97

d’implication organisationnelle, l’implication dans le travail est associée à une


plus forte tendance au slack.
RESUME :
Ce chapitre insiste sur le glissement du contrôle de gestion strategico-opérationnel
vers un contrôle à logique financière. On a vu, ainsi, émerger le concept de
contrôle de gestion asservi à la finance qui suppose la définition préalable d’un
objectif financier global qui est ensuite diffusé dans l’organisation structurée en
centres de profit. Le contrôle est, pour l’essentiel, un contrôle a posteriori sur les
résultats financiers où la logique de contrôle l’emporte sur la notion de pilotage.
Cette vision du contrôle de gestion financiarisé résulte principalement du
paradigme de la rationalité économique et financière et intègre la valeur financière
comme valeur étalon. La globalisation et la financiarisation d’une part, l’influence
des fonds de pension et des nouvelles pratiques de gouvernance d’autre part,
peuvent expliquer l’émergence de ce contrôle de gestion asservi. L’objectif ultime
est la maximisation de la valeur pour l‘actionnaire. La norme est fixée a priori par
la direction financière qui encadre le contrôle de gestion. Cette application stricte
de la discipline de la valeur a pour principal avantage de mettre systématiquement
le coût des capitaux utilisés en regard des modalités d’appréciation de la
performance. Elle présente le risque d’un appauvrissement de la vision stratégique
car les modèles d’évaluation stratégique qui lui servent de support sont limités
dans leur prise en compte des facteurs-clés de la performance. Par ailleurs, s’ils
mettent bien en lumière l’impact financier des drivers de valeur, ils sont limités
sur la question de la mise en œuvre concrète des facteurs-clés de succès. Cette
approche suppose, également, un environnement technologique et stratégique
relativement stable ce qui est loin d’être le cas à l’heure actuelle. Une vision plus
intégrée du contrôle peut s’avérer sur ce plan plus prometteuse. Il ne faut
cependant pas négliger l’apport du concept de contrôle de gestion asservi car la
« gestion par la valeur » apparaît aujourd’hui difficilement contournable. Il
semble difficile de se passer du financement, de l’apport des marchés de capitaux
et des autres institutions légales financières ou comptables. De plus, la plasticité et
la réactivité des marchés financiers sont un facteur indispensable du
développement de l’innovation et donc de la croissance. Le développement des
grandes entreprises n’a pu se faire que par l’accès au marché des capitaux seul
capable de financer les grands projets. Plus récemment les avancées (puis les
déboires) de la nouvelle économie, le financement des start-up n’ont pu se faire
que grâce à la souplesse de l’approche financière et au fait qu’elle peut couvrir des
risques importants en les transformant en instruments financiers. Cependant, le
management par la valeur financière est limité dans ses fondements et sa mise en
œuvre comme en témoigne l’émergence des modes de management alternatifs ou
complémentaires qui prennent en compte le capital humain et sa capacité
d’innovation ou la responsabilité sociétale de l’entreprise. Des limites pratiques
liées à la mise en œuvre concrète dans l’entreprise sont très vite apparues. Une
telle approche suppose, en effet, une implication lourde de tout le management,
LE CONTROLE DE GESTION : 98

une politique de formation, la mise au point des contrats d’incitation, une


reformulation de tout ou partie des systèmes d’information existants. Des limites
théoriques sont aussi apparues. Elles sont liées à la pertinence du coût du capital,
aux hypothèses de rationalité basée uniquement sur l’incitation financière et aux
limites de l’information financière, comme l’ont montré les scandales Enron,
Worldcom et autres. Enfin, d’autres limites de nature plus « politiques » sont de
plus en plus avancées. Elles remettent en cause la pertinence du dogme de la
« Shareholder Value » et proposent des concepts alternatifs autour de la
« Stakeholder Value » ou encore de la valeur sociétale et du développement
durable. Cela semble montrer que, sous-jacent au débat sur la valeur financière
donnée par le marché et la valeur substantielle construite par les acteurs, on
retrouve une question de nature stratégique: faut-il se «conformer» aux standards
du marché pour être correctement apprécié (valorisé) au risque de créer peu de
valeur ou faut-il se positionner autrement pour réaliser des combinaisons de
ressources que le marché ne peut assurer ? Le besoin vital d’innovation laisse
penser que l'entreprise créatrice de valeur est celle qui bouscule le marché et qui
finit par lui faire accepter le résultat de ses propres conventions. Dans ce type de
configuration, l'atout de l'entreprise, sa supériorité sur le marché, c'est sa capacité
d’innovation. On retrouve les arguments de l'approche par les ressources et les
compétences et des méthodes fondées sur le management de la connaissance.
La période qui s'ouvre s'avère donc particulièrement intéressante puisque la thèse
soutenue par les partisans d’un contrôle de gestion asservi à la finance est
largement remise en cause en raison des nombreux effets pervers produits par
l’excès de financiarisation. On voit, ainsi, émerger une approche alternative que
l’on peut regrouper sous le vocable de contrôle de gestion intégré.
LE CONTROLE DE GESTION : 99

CHAPITRE 4:LE CONTROLE DE GESTION INTEGRE


Le concept de contrôle de gestion intégré, au sens d’intégration des liens entre la
stratégie financière et la stratégie globale de l’entreprise, s’appuie sur « la version
forte » du contrôle de gestion qui place cet outil au cœur de la conception et de la
mise en œuvre des stratégies par le biais d’une vision rénovée de la comptabilité
de gestion. Cette approche élargie cherche à faire du contrôle de gestion un
vecteur d’intégration de la stratégie financière et opérationnelle. Contrairement à
une approche centrée sur la financiarisation des stratégies qui amène à consacrer,
à titre quasi-exclusif, la « shareholder theory », le contrôle de gestion intégré tient
compte d’autres préoccupations relevant de la thèse du capital humain, de la
théorie de l’innovation voire de la responsabilité sociétale. Cette approche
intégrée cadre mieux avec la « stakeholder theory » et insiste sur l’aspect global et
multicritères de la performance de l’entreprise. L’approche du contrôle de gestion
intégré respecte la complémentarité des paradigmes de création de valeur. Il est
clair que l’approche externe fondée sur l’avantage concurrentiel (décrite au
chapitre 2) ne peut suffire à décrire la totalité de missions imputables au contrôle
de gestion. L’opposition interne - externe n’est utile qu’à des fins pédagogiques
mais elle ne permet pas de mettre en valeur la nécessaire complémentarité des
approches. C’est pourquoi on peut préférer la notion de contrôle stratégique
intégré qui prend d’emblée en compte la complémentarité des deux approches et
qui se base sur la version élargie du contrôle de gestion. Cette vision en fait un
système qui co-construit la stratégie à partir d’une approche fondée sur les
processus-clés de l’entreprise. Dans cette optique, le contrôle de gestion peut être
au cœur de la conception et de la mise en œuvre des stratégies. Son rôle est alors
de mettre en place un système d’information de gestion centré une analyse fine
des processus et des compétences. Cette base de processus exprime le potentiel de
l’entreprise, ses actifs spécifiques, son savoir-faire etc. Cette approche cherche à
concilier la logique du contrôle opérationnel à caractère financier avec une
logique de pilotage du déploiement de la stratégie. L’accent est mis sur la
décentralisation et l’autonomie des acteurs qui ont en charge l’exploitation du
potentiel de compétences fondamentales et qui sont responsabilisés sur la base de
la performance globale (financière et non financière : qualité, délai, valeur pour le
client etc..). Cette performance globale est au cœur de la valeur stratégique qui
garantit la valeur financière et donc la valeur actionnariale. L’approche est centrée
sur l’identification des processus critiques pour atteindre les objectifs. Le
processus de planification et de contrôle est conçu comme un mécanisme essentiel
de l’apprentissage collectif avant d’être un outil de normalisation. La rationalité
économique n’est plus le seul critère de décision. On reconnaît, aussi, une
rationalité plus procédurale des acteurs dans la mesure où les processus
d’obtention des résultats font partie des mécanismes d’évaluation. Cette approche,
compatible avec un environnement technologique et stratégique plus instable,
LE CONTROLE DE GESTION : 100

semble être une perspective intéressante dans la recherche d’une refondation des
pratiques managériales trop souvent perverties par un excès de financiarisation.

SECTION 1 PERIMETRE ET CADRE THEORIQUE DU


CONTROLE DE GESTION INTEGRE
La mise en œuvre est souvent le cimetière de la stratégie. Cette boutade exprime
assez bien la faiblesse des liaisons entre pensée stratégique et finance comme le
montre le tableau ci-après.
Analyse stratégique Analyse financière
Comprend une large palette de variables, internes Se concentre sur assez peu de variables, surtout internes
et externes
Analyse les secteurs tangibles et moins tangibles Concerne surtout les secteurs tangibles de la valeur
de la valeur
Implique davantage des mesures qualitatives Implique davantage des mesures quantitatives
A une vision à long terme Porte sur le court terme (avec des exceptions)
Concerne la pensée créative Concerne le processus de contrôle
Traite des incertitudes diverses Mesure des risques spécifiques.
Cependant ces divergences sont en voie de réduction car il est devenu difficile
d’évaluer un programme de changement stratégique en séparant les points de vue
stratégique et financier. La recherche d’une valeur financière a forcément un
contenu stratégique. On a vu, au chapitre précédent, également, les limites d’un
contrôle de gestion excessivement financiarisé. La comptabilité de gestion à base
de processus peut fournir un élément d’amélioration puisqu’elle offre une
structure intégrée de la prise de décision stratégique et financière. Elle permet de
plus une interprétation plus large des performances de l’entreprise en tenant
compte des aspects financiers, des processus opérationnels et de l’avantage
compétitif.
1- CONCEPT ET PERIMETRE DU CONTROLE DE GESTION INTEGRE
Le concept de contrôle de gestion intégré n’a pas de périmètre bien stabilisé. Il
peut se concevoir comme un mode complémentaire du contrôle à logique
financière ou comme un mode alternatif à ce dernier. Le tableau ci-après montre
qu’un continuum est possible entre les différentes conceptions du contrôle de
gestion.
Contrôle de gestion Ce système suppose une définition préalable d’un objectif financier global qui est
à logique financière ensuite diffusé dans la structure de l’organisation. Division de l’entreprise centres de
profit. Logique de responsabilité individuelle. Contrôle a posteriori sur les résultats
financiers.
Contrôle de gestion Ce système est basé sur une logique de déploiement de la stratégie en actions.
à logique stratégico Division de l’entreprise en centres d’activités à partir d’une analyse des processus.
– fonctionnelle Logique de responsabilité et d’apprentissage collectifs. Performance globale
(financière et non-financière : qualité, délai, valeur pour le client etc..).
Contrôle de gestion La logique d’intégration reconnaît l’importance de la création de valeur mais l’analyse
intégré comme le résultat d’une intégration de la valeur financière et stratégique. Cette
dernière dépend étroitement de la valeur organisationnelle et concurrentielle. Elle met
en avant des concepts comme ceux de compétences fondamentales, de savoir-faire,
LE CONTROLE DE GESTION : 101

d’avantage compétitif. Elle suppose une intégration de la comptabilité de gestion


comme cadre conceptuel de la valeur stratégique. Le contrôle de gestion a, dans cette
optique, un rôle majeur de conception du système d’information.

Les principales missions identifiables dans le cadre d’un contrôle de gestion


intégré peuvent se résumer ainsi:
- Etre un vecteur d’intégration au sein des unités décentralisées et vis à
vis de la direction centrale
- Rechercher des outils permettant de déployer une discipline de la valeur
dans les unités décentralisées compatible avec les attentes de l’ensemble
des parties prenantes (modèle de type stakeholder)
- Contribuer à la formation du système d’information intégré en
nourrissant la base de processus
- Enrichir la base de processus par intégration de la comptabilité
financière et de gestion.
Les principes de base de l’intégration portent sur la façon « d’équilibrer » les
ingrédients stratégiques et financiers pour diriger la « Stratégie de la valeur ».
A titre d’exemple, les trois principes de base de l’intégration souvent avancés sont
les suivants :
Le principe d’égalité Le principe de Le principe d’intégration
développement conjoint
L’analyse stratégique et l’analyse L’analyse financière et Le concept d’intégration repose sur une
financière ont une importance égale l’analyse stratégique approche élargie aux stakeholders.
dans le processus d’élaboration des peuvent être utilisées pour La valeur d’une stratégie d’activités ou
choix stratégiques. Les deux formes aider à formuler le cadre des projets stratégiques ne peut être
d’analyse sont complémentaires du développement ramenée uniquement à des indicateurs
pour évaluer des décisions stratégique. financiers. En particulier, le
stratégiques telles que les développement des ressources
acquisitions, les projets communs et intangibles suppose une approche qui
les investissements sur de nouveaux comprend des éléments non financiers.
marchés ou produits.
Par contre, si le périmètre du contrôle de gestion intégré reste assez flou, son
cadre conceptuel est clairement celui d’une approche par les processus, prenant en
compte la théorie des ressources et des compétences.
2- APPROCHE PAR LES RESSOURCES ET RECONNAISSANCE EXPLICITE
DU LIEN PROCESSUS - COMPETENCES
L’approche fondée sur les ressources est étroitement associée à la conception de la
firme fondée sur les activités. Les ressources ne sont qu’un moyen d’exécuter, à
travers des processus, des activités qui créent des avantages concurrentiels. Cette
étroite relation entre les ressources et les activités milite pour une approche
intégrée du contrôle. L’entreprise accumule des ressources de natures différentes
(internes ou externes) à travers ses choix stratégiques et la configuration de ses
activités. Cette configuration des activités peut s’exprimer dans la base des
processus de l’entreprise. Cette approche permet de faire émerger des actifs tels
que la réputation qui dépend, entre autres, de l’accomplissement de processus
LE CONTROLE DE GESTION : 102

internes (activités marketing et service client). L’approche fondée sur les


ressources complète la démarche adaptative. Les deux perspectives conduisent à
la gestion d’un portefeuille d’activités. C’est à travers ces activités que les
compétences centrales et les capacités organisationnelles s’expriment. 122 La
gestion des activités et la reconnaissance de la plate-forme stratégique se
nourrissent d’un objectif commun, la création de valeur pour le consommateur. G.
HAMEL et C.K. PRAHALAD abordent la stratégie à travers le concept de
compétences fondamentales mais leur propos s’inscrit dans l’approche théorique
plus générale du paradigme des ressources.123 C’est pourquoi, il est généralement
admis que l’unité d’analyse de la théorie des ressources n’est plus le produit ou le
segment stratégique mais les compétences qui peuvent concerner toute une
gamme de produits ou de services. Une compétence fondamentale ne s’applique
pas uniquement à un produit particulier, elle renforce la position concurrentielle
de l’entreprise. Une compétence fondamentale dépend donc, sur le plan
fonctionnel, de la base de processus.
L’approche ABC – ABM, conçue comme la recherche d’une architecture de processus en vue de l’obtention
d’avantages compétitifs, s’inscrit parfaitement dans cette logique. L’entreprise est envisagée plus comme un
portefeuille de compétences organisationnelles fondamentales que comme un ensemble de segments
stratégiques.
La théorie des ressources repose sur un fondement économique énoncé par
Ricardo : les entreprises sont dans la possibilité de capturer des rentes si elles ont
à leur disposition des ressources rares, difficiles à imiter et non substituables.
L’actualisation de ces rentes donne la valeur de l’entreprise.
2.1 LE CONCEPT DE RESSOURCE :124
A l’origine, une ressource est un actif matériel ou immatériel ou, encore, une
force ou une faiblesse rattachée à l’entreprise.
les ressources immatérielles classées comme des les ressources classées comme des compétences
actifs
Invention, brevets, image de marque, copyright, Savoir faire des employés, des distributeurs, des
contrats, « secrets du marché », bases de données, fournisseurs, les attitudes collectives, la culture de
carnet d’adresses, réseau, etc.) l’organisation, etc.
Une autre approche considère les ressources comme un ensemble d’actifs, de
capacités, de processus organisationnels, d’informations et de savoirs que
l’entreprise contrôle.
Les ressources physiques : Les ressources humaines Les ressources organisationnelles
la technologie, l’usine, les la formation, l’expérience, le le contrôle de gestion, les systèmes
équipements, la localisation jugement, l’intelligence, les de coordination, les systèmes de
géographique, l’accès aux relations sociales, les prévisions planification formels et informels.
matières premières des managers

122 Voir sur ce point G.KOENIG : Management Stratégique, paradoxes, interactions et apprentissages, Nathan, (date ?), 534 pages,
notamment, Chapitre 4.
123 G HAMEL et CK PRAHALAD : La conquête du futur, Inter-Editions, 325 pages, 1995.
124 C. DEJOUX : Pourquoi les entreprises françaises s’intéressent à la théorie des ressources ? Direction et Gestion, N° 166, 1998.
LE CONTROLE DE GESTION : 103

Chaque ressource peut avoir des composantes financières, physiques, humaines,


organisationnelles, technologiques ou immatérielles. Cette approche donne un
fondement théorique stable à la problématique de la reconnaissance et de
l’évaluation des actifs immatériels. Dans la mesure où il s’agit de ressources qui
procurent à l’entreprise un avantage compétitif soutenable dans le temps, ces
actifs créent de la valeur. Une capacité organisationnelle peut devenir une
« valuable resource » dès lors qu’elle est rare, peu ou mal imitable, difficile à
remplacer et qu’elle procure de la valeur aux yeux des clients. L’aspect
stratégique d’une ressource peut être lié au fait qu’elle est immobile, c’est-à-dire
qu’elle ne peut pas être facilement transférée d’une entreprise à une autre. C’est le
cas de la culture d’entreprise, des routines organisationnelles, de l’image de
marque, etc.)125. La notion de capacité organisationnelle est l’extension du concept
de ressources (savoir-faire) à une dynamique de changement acquise par
l’organisation. Elle représente la capacité managériale à améliorer en permanence
l’efficacité et l’efficience de la firme: la création de nouveaux processus de
production.
Parmi les capacités organisationnelles, cinq sont présentées comme essentielles (G. MILAN, 1991): 126
1. la capacité à réduire le temps de réponse.
2. l’acuité qui consiste à voir clairement son environnement, tel qu’il est et non tel que l’on souhaiterait qu’il
soit;
3. la qualité, qui accroît la satisfaction des clients;
4. la multivalence qui concerne la « capacité d’une entreprise à gérer des équipes et à se développer sur des
marchés de sensibilité et de culture différentes »;
5. la capacité d’innovation qui permet de créer de nouvelles valeurs par convergence d’éléments existants ou
par la découverte de nouveautés.
On voit que ces capacités constituent autant d’éléments du processus qu’il s’agit
de représenter et d’évaluer. La plate-forme stratégique peut se définir comme
l’ensemble des expertises et capacités organisationnelles dont la combinaison
assure la compétitivité à long terme de l’entreprise et sur lesquelles prennent
appui les différentes activités de son portefeuille. Les compétences de base sont
les « racines » de l’entreprise qui supportent les domaines d’activités stratégiques
composés de produits. Le lien entre les produits et les compétences de base se fait
par l’intermédiaire des produits de base qui sont la matérialisation d’une ou
plusieurs compétences de base. Ceux-ci peuvent donc être des composants des
produits finals.
2.2 LE LIEN COMPETENCES COMPETITIVITE ET PROCESSUS
« L’entreprise s’efforce aujourd’hui de transformer des actifs et des ressources en
profit à travers des compétences spécifiques » (T. DURAND, 2006, p261)127. La
combinaison de ressources conduit à des développements de compétences qui
peuvent s’avérer centrales lorsqu’elles sont pertinentes (c'est-à-dire permettant de

125 Voir sur ces points : G. KOENIG : Management Stratégique, 544 pages, Nathan, 1996, notamment Chapitre 7.
126 G. MILAN "La plate-forme stratégique dans un environnement instable", Revue Française de Gestion, Novembre-Décembre 1991.
127 T . DURAND (2006), « L’alchimie de la compétence », Revue Française de Gestion, n° 160, pp 261-292.
LE CONTROLE DE GESTION : 104

saisir une opportunité ou de contrer une menace), rares, et difficiles à imiter (par
exemple enracinées dans des relations sociales ou historiques complexes). De
nombreuses théories ont articulé le concept de compétences autour de la notion de
savoirs et savoir-faire (ou connaissances tacites et explicites). Ainsi I. NONAKA
et H. TAKEUCHI (1997)128 ont bâti leur théorie autour de l’interaction
dynamique entre ces deux dimensions du transfert de connaissances. Les
connaissances tacites sont liées au savoir-faire de l’entreprise et se diffusent par
l’observation, l’imitation et l’expérience. Elles sont enracinées dans l’action, dans
les routines et dans un contexte spécifique. Les savoirs explicites sont au contraire
codifiés, transmissibles en un langage formel et systématique.
Quatre modes de conversion des connaissances sont proposés par I. NONAKA (1994): du tacite au tacite
(socialisation), du tacite à l’explicite (extériorisation), de l’explicite au tacite (intériorisation), et de l’explicite à
l’explicite (combinaison). Enfin, est aussi envisagé le transfert entre les niveaux ontologiques suivants :
individus, groupe, organisation et inter-organisations. Le passage du niveau individuel à organisationnel renvoie
au processus de capitalisation et d’apprentissage organisationnel (C. ARGYRIS et D. SCHÖN, 1978129).
Thomas DURAND (2000) va plus loin que cette distinction classique entre
savoirs tacites et explicites en soulignant la dualité cognitif/comportemental du
savoir. « La théorie de la compétence semble s’être jusqu’ici plus préoccupée des
capacités cognitives, telles que le savoir, le savoir-faire, les brevets ou les
technologies, que des questions de comportement des individus ou des groupes
sans parler de la culture et de l’identité d’une organisation ». L’auteur avance que
« le comportement et l’identitaire » constituent une dimension importante de la
compétence et propose un modèle de la compétence articulé autours de trois
dimensions : les connaissances (savoirs), les pratiques (savoir-faire) et les
attitudes (savoir-être).
Tableau 1 : Les trois types de savoirs, dimensions fondamentales des compétences
organisationnelles
Connaissances (savoirs) Ensemble structuré d’informations assimilées et intégrées dans des
cadres de référence qui permettent à l’entreprise de conduire ses
activités et d’opérer dans un contexte spécifique, en mobilisant pour
ce faire des interprétations différentes, partielles et pour partie
contradictoires.
Techniques (savoir-faire) Capacité à agir d’une façon concrète selon un processus ou des
objectifs prédéfinis.
Attitudes (savoir-être) Combinaison de différentes sous-dimensions telles que le
comportement, la culture, l’identité avec un dose certaine de
volonté, d’engagement et de motivation.
Source : T. Durand (2000), p. 278
Ces trois dimensions interagissent de façon dynamique et contribuent à
l’évolution de l’organisation à travers l’apprentissage qu’elles génèrent. En effet,
l’apprentissage par « le faire », l’apprentissage par « l’apprendre » et

128 I. NONAKA, H. TAKEUCHI (1997), La connaissance créatrice. La dynamique de l’entreprise apprenante, De Boeck Université.
129 C. ARGYRIS, D. SHÖN (1978), Organizational Learning : A Theory of Action Perspective, Addison Wesley, Reading Mass.
LE CONTROLE DE GESTION : 105

l’apprentissage par « l’échange » (action, information et interaction) sont les


moteurs du processus d’expérimentation, d’essais erreurs, d’avancées puis de
replis qui caractérisent le cheminement difficile vers la construction de
compétences organisationnelles. C’est donc à travers une véritable « alchimie
organisationnelle » que de simples ressources (par exemple des équipements, des
logiciels, des marques) se transforment en savoirs, savoir-faire et processus
(entendus par T. DURAND comme des « mécanismes de coordination dans
l’organisation combinant les actions individuelles dans les opérations
collectives »). C. PRAHALAD et G. HAMEL (1990) ont ainsi suggéré de
repenser la stratégie non plus en termes de SBU (Strategic Business Unit) mais
bien plutôt en termes de construction et de valorisation de compétences-clés,
transversales aux SBU.
Le lien compétences et compétitivité :
Source : C.PRAHALAD et G.HAMEL, 1990, « The core competencies of the corporation »,
Harvard Business Review, Mai/Juin, p 81.
PRODUITS
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
   
Activité 1 Activité 2 Activité 3 Activité 4
     
Produit de base 2
 
Compétence 1 Compétence 2 Compétence 3 Compétence
4
 
Produit de base 1
On peut noter l’étroite parenté de cette approche avec l’analyse ABC - ABM en
termes de processus.
3- MODELE DES STAKEHOLDERS ET CONCEPT DE VALEUR
PARTENARIALE
Les fondements théoriques de l’approche intégrée sont à rechercher d’une part
dans le modèle de référence qui est celui des stakeholders et d’autre part dans le
concept élargi de valeur partenariale.130 G. Charreaux et Ph. Desbrières proposent
ce concept de valeur partenariale en partant du constat que la valeur actionnariale
est, d’une part incomplète car les décisions de la firme entraînent des
conséquences pour l’ensemble des stakeholders et d’autre part ne permet pas
d’identifier de façon satisfaisante les mécanismes de création de valeur, en liaison
avec certaines des représentations théoriques récentes de la firme (notamment
avec la théorie contractuelle élargie aux différents partenaires, actionnaires, mais
également, créanciers, salariés, dirigeants, clients, fournisseurs, pouvoirs publics).

130 G CHARREAUX et P DESBRIERES : Gouvernance des entreprises : valeur partenariale contre valeur actionnariale, Revue Finance
Contrôle Stratégie, N° 2, Juin 1998, pp 57 - 88.
LE CONTROLE DE GESTION : 106

Dans l’approche financière traditionnelle, la valeur créée est égale à la rente reçue
par les actionnaires. Elle correspond à l’excédent de leur rémunération par rapport
au rendement attendu estimé, habituellement, à partir du modèle d’équilibre des
actifs financiers et en supposant un marché des capitaux efficient. La
rémunération des créanciers financiers étant égale à leur coût d’opportunité -
c’est-à-dire au coût de la dette risquée sur un marché présumé efficient -, les
actionnaires sont les seuls créanciers résiduels.
3.1 VALEUR PARTENARIALE ET VALEUR ACTIONNARIALE :
Valeur partenariale contre valeur actionnariale
Source : G. Charreaux et Ph. Desbrières Gouvernance des entreprises : valeur partenariale contre valeur
actionnariale, Finance Contrôle Stratégie, N° 2, Juin 1998, pp 58).
Valeur actionnariale Valeur partenariale
Les mesures telles que l’Economic La valeur partenariale s’appuie sur une mesure globale de la rente
Value Added (EVA) ou la Market créée par la firme en relation avec les différents Stakeholders non les
Value Added (MVA), reposent sur seuls actionnaires. Elle repose sur la logique de mesure de la rente sur
l’hypothèse traditionnelle que tous la base de l’analyse de la chaîne de valeur proposée par M. E. Porter.
les apporteurs de facteurs de En considérant la chaîne de valeur la plus simple, à savoir une firme
production - à l’exception des qui ne dispose que d’un seul fournisseur et d’un seul client, la valeur
actionnaires - sont rémunérés à leur créée, du côté du fournisseur, est égale à la différence entre le prix
coût d’opportunité (supposé le plus payé par la firme (le coût explicite) et le coût d’opportunité, soit le
souvent égal au prix du facteur prix minimum requis par le fournisseur pour entreprendre ou
établi sur un marché concurrentiel). poursuivre la transaction. La généralisation de cette démarche à
Les actionnaires, créanciers l’ensemble des clients et des différents partenaires apporteurs de
résiduels exclusifs, étant les seuls ressources (dont les salariés, les dirigeants, les actionnaires, conduit à
apporteurs de ressources à recevoir mesurer la valeur créée par différence entre les ventes évaluées au prix
la rente créée par la firme, la valeur d’opportunité et la somme des coûts d’opportunité pour les différents
créée n’est alors que la mesure de la apporteurs de ressources. Le résidu non affecté peut s’interpréter
rente qu’ils perçoivent. comme le « slack » managérial, c’est-à-dire l’excédent représentant la
latitude dont dispose le dirigeant dans ses négociations avec les
différents Stakeholders; ce slack, non partagé est réinvesti (notamment
sous la forme d’investissements de remplacement ) ou conservé sous
forme de liquidités.
L’exemple suivant donné par G. CHARREAUX illustre bien ce propos :
Considérons la chaîne de valeur la plus simple, à savoir une firme qui ne dispose
que d’un seul fournisseur et d’un seul client. Supposons que le fournisseur soit
disposé à contracter avec la firme pour un prix minimum de 100 égal à son coût
d’opportunité, et qu’en raison de l’asymétrie d’information ou d’un rapport de
pouvoir favorable au fournisseur, la transaction se soit conclue après négociation
au prix de 200, représentant le coût explicite pour la firme. Du côté du client, une
négociation a conduit la firme à conclure au prix de 900 alors que le client était
disposé à payer un prix limite de 1000. La valeur créée est égale à: prix
d’opportunité - coût d’opportunité = 1 000 - 100 = 900. La répartition de cette
valeur est la suivante :
fournisseur: 200 - 100 = 100 firme: 900 - 200 = 700 client: 1000 - 900 = 100
La part de la firme est égale au prix perçu diminué du coût explicite des
ressources. La répartition finale dépend des pouvoirs respectifs de négociation de
LE CONTROLE DE GESTION : 107

la firme, du client et du fournisseur et de leurs perceptions respectives des prix et


coûts d’opportunité. La valeur partenariale présente principalement un intérêt
théorique car elle permet de revisiter le problème de la création et du partage de la
valeur dans une perspective enrichie qui ne se limite pas aux seuls actionnaires.
En particulier, l’exemple ci-dessus montre que la connaissance (même
approximative) de la valeur partenariale s’avère un instrument-clé de la réflexion
sur la construction et la pérennité de l’avantage concurrentiel. Il interpelle
également le mécanisme de répartition entre les partenaires et l’éventuelle
captation de l’intégralité de la rente par les actionnaires. Cette optique donne aussi
un éclairage intéressant pour le concept de contrôle de gestion intégré. 131
3.2 UNE DISCIPLINE DE LA VALEUR ELARGIE AUX STAKEHOLDERS
Deux évolutions se conjuguent pour rendre la notion de valeur plus complexe à
déterminer: la montée en puissance d’une économie de l’immatériel et l’apparition
de la loi des rendements croissants. L’approche financière ne peut plus se
contenter des performances passées ou des informations comptables pour prendre
ses décisions. Pouvoir prendre en compte des aspects aussi complexes que
l’immatériel suppose que l’on accorde davantage d’attention aux éléments non
financiers de l’entreprise. Les progrès de l’économie de l’immatériel font que la
valeur devient de plus en plus volatile et de moins en moins maîtrisable. Ils
rendent également très problématiques les méthodes d’analyse traditionnelles de
la valeur.
JF REROLLE, F. QUENTIN et JM BEGHIN rappellent que la valeur de marché de Microsoft est égale à plus de
16 fois sa situation nette et qu’une part essentielle de la valeur n’apparaît pas dans les comptes puisqu’il s’agit
du capital intellectuel et humain de la société et du potentiel de croissance que lui assure sa part de marché.
Pour juger de la valeur d’une l’entreprise, l’investisseur doit avant tout mesurer la
capacité de cette dernière à créer des avantages compétitifs. Cela suppose une
transformation assez profonde du contenu de la communication financière. Il
s’agit de transmettre au marché des messages correspondant aux problématiques
stratégiques de l’entreprise. Il s’agit d’introduire dans le contrôle des
performances de nouvelles mesures plus significatives de la création de valeur. La
valeur est créée avant tout par des décisions stratégiques qui permettent de
construire des avantages compétitifs à long terme. Cette création est le fruit de
l’effort concerté de l’ensemble des partenaires. Elle sera d’autant plus durable que
les contrats entre les parties prenantes respectent l’intérêt de chacun tout en
rémunérant la prise de risque de l’actionnaire. L’application d’une « discipline de
la valeur » (Value Based Management) constitue un outil très utile pour
convaincre le marché de sa détermination à créer de la valeur à long terme. On
peut résumer cette démarche ainsi :
Source : Adapté de JF REROLLE, F QUENTIN, JM BEGHIN
La discipline de la valeur, Les Echos, l’art de la finance, N°7, Avril 1998

131 Voir aussi : Michel CAPRON et Françoise QUAIREL: Contrôle de gestion et pilotage des performances sociétales, Actes du XIX°
Congrès AFC, tome 2, Nantes, 1998.
LE CONTROLE DE GESTION : 108

ANALYSER Diagnostic stratégique de la valeur. Analyse de marché financier. Audit des processus-
clefs de la création de valeur . Portefeuille d’améliorations
ALIGNER Projet d’implantation. Outils d’analyse.Tableaux de bord de la valeur
Processus décisionnel. Formation et communication. Gouvernement d’entreprise
CREER Décisions stratégiques.Exécution stratégique. Management du risque.Politique
financière, (dividendes, levier, scissions, rémunérations, rachats d’actions, signalisation
au marché, choix d’investissement).
INTEGRER Prise en compte des stakeholders. Développements de la base de compétences, Gestion
de l’immatériel. Activation et évaluation des incorporels, Apprentissage
Le cadre théorique qui vient d’être esquissé repose sur la notion de base de
processus.
3.3 VERS UNE MESURE OPERATIONNELLE DE LA VALEUR PARTENARIALE
G. CHARREAUX (2007)132 a proposé une mesure opérationnelle de la valeur
partenariale. Abandonnant l’hypothèse traditionnelle selon laquelle les
actionnaires seraient les seuls créanciers résiduels, l’auteur inclut dans son modèle
l’ensemble des parties prenantes: clients, fournisseurs, financiers, salariés …. afin
d’appréhender plus correctement comment se forme et se répartit la valeur dans
une perspective partenariale. La valeur créée se calcule à partir des notions de prix
et coût d’opportunité. Le prix d’opportunité est « le prix au-delà duquel l’intérêt
de transaction disparaît pour le client ». Le coût d’opportunité représente « le prix
minimum qu’un fournisseur serait disposé à accepter pour effectuer la
transaction ». La valeur créée représente la différence entre le prix et le coût
d’opportunité. Il est à noter qu’une hypothèse du modèle est que la marge de
négociation est nulle vis-à-vis du concurrent le plus performant (c'est-à-dire qu’il
y a, pour ce concurrent, identité entre les éléments opportunistes et les éléments
explicites).
Concernant les ventes, la différence entre les ventes d’opportunité (évaluées en fonction du ratio ventes
explicites/ressources mobilisées) et les ventes explicites représente la valeur partenariale appropriée par les
clients. Concernant les charges, la différence entre les charges explicites et les charges d’opportunité (évaluées
en fonction du ratio charges explicites/ressources mobilisées) constitue la valeur partenariale respectivement
appropriée par les salariés, les fournisseurs et les financiers.
Le tableau ci-dessous retrace l’évaluation de la valeur partenariale créée par les
principaux constructeurs du secteur automobile européen en 2004.
Tableau : Evaluation de la valeur partenariale créée par les différents constructeurs (2004 en K€)
Peugeot Renault Fiat Volkswagen BMW
Ventes d’opportunité 59 658 527 40 715 000 52 443 059 102 035 521 45 790 987
Charges d’opportunité 50 972 978 34 787 396 44 807 994 87 180 401 39 124 382
- Consommations 40 039 011 27 325 320 35 196 448 68 479 755 30 732 000
externes d’opportunité
- Salaires d’opportunité 7 245 290 4 944 674 6 369 000 12 391 806 5 561 132
- Charges financières 3 688 677 2 517 402 3 242 546 6 308 840 2 831 250
d’opportunité
Valeur partenariale 8 685 549 5 927 604 7 635 065 14 855 119 6 666 605

132 G. CHARREAUX (2007), « La valeur partenariale : vers une mesure opérationnelle…. », CCA, tome 13, volume 1, juin, pp 7-47.
LE CONTROLE DE GESTION : 109

VP=VO-CO
Répartition de la valeur partenariale
Peugeot Renault Fiat Volkswagen BMW
Clients 40,9% 0% 57,8% 56,8% 9%
Fournisseurs 21,8% 14% 46,7% 22,6% 0%
Financiers 0% 13,6% 3% 6% 24,9%
Salariés 14,6% 8 ,1% 0% 11,2% 23,9%
Total valeur répartie 77,3% 35,7% 107,4% 96,6% 57,8%
aux partenaires
Valeur non répartie 22,7% 64, 3% -7,4% 3,4% 42,2%
(appropriée par la
firme)
Elément d’ajustement -7,1% -13% -13,4% -1,6% -15,1%
Valeur non répartie 15,6% 51,3% -20,8% 1,8% 27,1%
ajustée
Source : Extrait de G. Charreaux (2007, p 24 et 25)
« La valeur partenariale représente la valeur créée pour l’ensemble des acteurs de
la chaîne de valeur, compte tenu de ce que seraient disposés à payer les clients et
des rémunérations minimales que seraient prêts à accepter les apporteurs de
ressources. Pour la firme, il s’agit donc d’une valeur potentiellement appropriable
via l’amélioration de son pouvoir de négociation vis-à-vis de ses partenaires. » (p
24). L’intérêt de la démarche partenariale est qu’elle permet de réaliser un
diagnostic sur les différences de rentabilité des firmes d’un secteur en fonction de
leur position relative par rapport à leurs partenaires et à leurs concurrents. On peut
montrer, par exemple chez Volkswagen, qu’en raison d’un faible pouvoir de
négociation de la firme à l’égard de ses clients, la valeur partenariale revenant à
ces derniers est de 56,8%, tandis que la part que s’approprie la firme n’est que de
1,8%. A l’inverse, Renault parvient à s’approprier 51,3% de la valeur partenariale
ne laissant aucune part aux clients. Les différences de performances peuvent donc
s’expliquer par des différences de pouvoir de négociation vis-à-vis des clients,
fournisseurs ou financiers mais aussi par ses interactions avec ses concurrents.
« Une firme, par ses actions, modifie certes la valeur qu’elle crée et s’approprie
mais également, les valeurs créées et appropriées par ses concurrents et le secteur
tout entier » (p 36). Au-delà du diagnostic, cette valeur partenariale peut aussi
s’entendre de façon dynamique et permettre de saisir l’évolution de ces
interactions dans le temps. Enfin, l’auteur montre que la part revenant à
l’entreprise constitue un slack, une marge de manœuvre pour les dirigeants. Ces
éléments viennent ainsi renouveler l’approche patrimoniale classique de la
création de valeur.

SECTION 2 : LE DEVELOPPEMENT DE LA BASE DE


PROCESSUS COMME VECTEUR D’INTEGRATION
Il s’agit d’examiner, ici, l’apport des méthodes ABC - ABM comme outil de
représentation des bases de compétences
LE CONTROLE DE GESTION : 110

1- LE CADRE GENERAL DE LA METHODE


Les principes de base portent sur l’utilisation des méthodes d’analyse des coûts
pour modéliser le portefeuille de processus de l’entreprise. Cette approche
suppose une cartographie des activités, une modélisation des coûts et la recherche
de l’amélioration continue de la performance.
1.1 L’EVOLUTION DES SYSTEMES DE COUTS
Les entreprises ont besoin d’acquérir la maîtrise d’assemblage d’activités de plus
en plus complexes et hétérogènes. Il leur faut, du même coup, maîtriser de
nouveau leviers d’action, et donc faire appel à de nouvelles représentations. La
gestion stratégique des activités de l’entreprise à partir du modèle ABC - ABM
peut aider à développer les compétences et savoir-faire, de façon à s’assurer un
avantage compétitif durable par rapport aux concurrents. Les facteurs décisifs sont
des compétences distinctives, des facteurs-clés de succès, des avantages
compétitifs. Ces avantages sont le résultat de l’utilisation spécifique et stratégique
des ressources interconnectées dans les activités de l’entreprise. L’approche ABC
- ABM peut élaborer une représentation conforme à cet objectif. Dans ce cas, la
modélisation comptable des activités doit partager les mêmes références que la
modélisation stratégique. Cela implique qu’il y ait compatibilité entre un
découpage stratégique des activités, celui approprié à la modélisation comptable,
et l’agencement effectif des activités dans les firmes. Les systèmes de coûts
peuvent ou doivent s’adapter aux typologies que proposent les analyses
stratégiques. On peut relier ces analyses à des typologies reconnues dans l’analyse
structurelle des organisations. Ces différentes relations sont exprimées dans le
tableau synthétique présenté ci-dessous.

Modèle Environneme Stratégie Entreprise = Organisation Process Coût


nt Portefeuille
de

Standardis Stable Coût Produits Fonctionnelle Masse Produit


ation (domination)
Perturbé Différenciation Activités Matricielle Petites séries Activités
Variété
Instable Focalisation Compétences Par projets Unité Process
Flexibilité

Le tableau suivant est inspiré des travaux de P. PERROT et de P MEVELLEC :


Systèmes de coûts et typologies stratégiques
Les découpages inspirés des Les découpages inspirés des chaînes Les méthodologies opérationnelles
matrices traditionnelles de valeur fonctionnelle
d’activités
La segmentation est effectuée Cette représentation débouche sur Les expériences récentes sont
en typologies de métier, deux catégories extrêmes de dérivées des travaux
LE CONTROLE DE GESTION : 111

(Strategic Business Unit ou comportements. Dans une vision d’implantation de la méthode


Domaine d’Activité fonctionnelle de la chaîne de valeur A.B.C. La modélisation
Stratégique). Dans ces matrices il s’agit de faire coïncider les d’ensemble repose sur trois phases.
les activités correspondent à des activités de l’entreprise aux supports Recenser les activités élémentaires,
couples produits – marchés. Les des attributs de la valeur chez le Identifier les consommations de
comportements stratégiques qui client. Cette approche s’opère ressources correspondantes par
y sont associés utilisent les indépendamment des systèmes famille de causes, et définir les
effets volumiques des comptables, accusés de ne pas se inducteurs sur la base des
comportements de coûts : soucier de savoir si le coût est comportements identiques de
échelle, expérience, envergure. stratégiquement justifié. Dans une consommation, permettant de
Ces découpages sont bien vision structurelle, les activités sont relier les activités aux objets de
adaptés pour: identifiées sur la base de l’existence coûts retenus. L’identification des
- les stratégies globales de de critères externes de façon à activités suppose un modèle du
conquête de vastes marchés comparer les performances. Cette fonctionnement de l’entreprise.
avec des produits standards, très logique de « benchmarking », bute C’est à ce stade qu’intervient la
peu différenciés, sur la difficulté à collecter les faculté d’orienter ce découpage en
- les stratégies de partenariats informations de façon concrète. Le fonction d’une plus ou moins
afin de répartir le partage des découpage d’activités se restreint à la grande sensibilité aux impératifs
risques sur des activités qui reconstruction des paramètres de stratégiques. Suivant que l’on
exigent des investissements coûts permettant les comparaisons, cherche un outil à caractère
lourds irrécupérables à moyen indépendamment des découpages stratégique ou opérationnel on ne
terme: activités en réseaux, comptables en vigueur dans les retiendra pas le même découpage
Recherche. entreprises. en activités, (MEVELLEC P.).
En reprenant une typologie de l’économie industrielle pour caractériser les états
des systèmes productifs, P. MEVELLEC, entreprend de distinguer trois systèmes
de coût selon trois «âges dans les systèmes de production : la standardisation, la
variété et la flexibilité.133

Systèmes de coûts et systèmes de production :


Basé sur la conception taylorienne de l’organisation, ce modèle est associé à un système de
coût par produit, (coûts directs ou complets). Ce système correspond bien à une organisation
de production de masse faiblement différenciée, avec une stratégie de domination par les coûts
standardisation
Le modèle de

et avec une structure hiérarchique fonctionnelle. Ce système permet de vérifier que


l’accroissement des charges indirectes est régulièrement absorbé par les économies d’échelle et
d’expérience, entretenant malgré tout la baisse du coût unitaire moyen. Son rôle est ainsi tout
à fait conforme à l’objectif de la firme qui est de rechercher la plus grande productivité du
travail au moyen de la division des tâches dans la spécialisation fonctionnelle. Dans le modèle
de la standardisation, l’entreprise est assimilée à la gestion d’un portefeuille de produits.

133 Pierre MEVELEC/ De la nature des systèmes de coûts, Actes des XIVèmes Journées Nationales des IAE, volume I, pages 391 et sq.,
Nantes 1998, Presses Académiques de l’Ouest.
LE CONTROLE DE GESTION : 112

La production est différenciée autour de segments particuliers d’attributs. L’accent est mis sur
l’évolution du contenu du produit et l’importance des activités. L’entreprise bénéficie des
économies d’envergure sur certaines ressources communes et des économies de variété. La
Le modèle de variété

production conjointe de deux produits est obtenue à un coût moindre que pour la production
séparée. La méthode comptable repose sur la méthode A.B.C. Ce sont les inducteurs de coûts
qui permettent de regrouper les imputations de ressources en combinant les activités entre
elles. Le coût devient un construit complexe qui privilégie la recherche de l’exactitude.
La recherche du coût de produit n’est plus l’objectif fondamental. La notion de produit devient
de plus en plus tertiaire (accroissement de la part d’immatériel). La méthode laisse entrevoir la
possibilité de relier les coûts des activités aux attributs du produit, source de sa différenciation.
Dans le modèle de la variété, l’entreprise est assimilée à la gestion d’un portefeuille
d’activités.

Il ajoute au modèle précédent l’adaptation permanente à la demande du client ou au marché.


L’organisation doit effectuer en permanence un travail de recomposition de ses activités
Le modèle de flexibilité

(amélioration permanente). Ce travail aboutit à une reconfiguration simultanée de


l’organisation et de son offre. La définition des activités n’est plus figée (mécanique) mais
correspond à une vision organique de l’organisation. La structure organisationnelle évoque une
formalisation matricielle. Les ressources sont déployées en processus transversaux recomposés
en fonction des besoins ou des projets. La notion de produit disparaît au profit d’une relation
plus contractuelle avec le client. Les coûts deviennent par nature intraçables au produit.
Les critères de performance et de compétitivité, l’évaluation des compétences, les décisions
stratégiques requièrent des séries d’indicateurs plus qualitatifs que les seuls indicateurs de
coûts, auxquels ils viennent s’ajouter (tableaux de bord). L’entreprise est assimilée à la gestion
d’un portefeuille de compétences.

Selon P. PERROT, il convient pour adapter le cadre d’analyse aux différentes


modélisations, d’élargir les concepts utilisés. La notion de produit est englobée
dans le concept d’objet de coût. La notion de responsable doit être enrichie pour
dépasser le seul aspect hiérarchique trop couplé au modèle standardisé, et évoquer
la sphère des acteurs réels et de leurs comportements à l’origine de l’engagement
des ressources. Dans une organisation flexible pilotée par l’aval c’est bien le
client qui engage le processus (cause) ; il pourra donc être considéré comme
responsable. Enfin, la notion de processus, qui évoque toutes les combinaisons
d’activités diversifiées, constitue la base du modèle.
1.2 LA CARTOGRAPHIE DES ACTIVITES
La base du raisonnement de l’A.B.C. est l’enchaînement logique des activités en
processus conduisant à la réalisation d’un produit. 134 Pour l’A.B.C., les produits
consomment les activités et les activités consomment les ressources. L’entreprise
est représentée comme un ensemble de processus. L’A.B.C. permet l’analyse et la
maîtrise des coûts directs et indirects, et leurs rattachements aux produits via la

134 Ph. LORINO Le contrôle de gestion stratégique, Dunod, 1991


LE CONTROLE DE GESTION : 113

décomposition de l’organisation en processus et en activités. Elle s’efforce


d’imputer les ressources au fur et à mesure de leur utilisation par les activités.
Une activité est un ensemble de tâches ayant un Un processus est un enchaînement logique d’activités
objectif et un résultat commun. menant à la réalisation d’un produit (intermédiaire ou
final, objectif global et commun) pour l’entreprise.
Par exemple, l’activité « Paie » regroupe des Un processus est donc une combinaison de faire et de
tâches comme la définition des règles de savoir-faire distincts, permettant de fournir un résultat
valorisation des heures travaillées, le calcul de la matériel ou immatériel précis, objectif global commun à
paie, son contrôle, l’établissement et la diffusion toutes les activités qui le composent.
des bulletins de paie, l’échange d’informations Le processus de la « Paie » compte deux activités :
avec les autres services (contrôle de gestion, l’activité Pointage, saisie et contrôle des temps et
comptabilité ... ) mais aussi toutes les tâches l’activité Paie. Ses deux clients sont: les demandeurs
administratives de l’activité. L’activité d’informations de gestion (contrôleurs de gestion et
correspond à l’analyse fine de l’organisation. responsables opérationnels) et les salariés de
C’est elle qui rassemble les différents coûts : l’entreprise. Son objectif est de compter les heures
main d’œuvre, matières, énergie, matériel... travaillées et de les valoriser.

Par rapport aux autres méthodes classiques, l’A.B.C. procure une analyse
transversale (et non verticale) de l’organisation hiérarchique et des grandes
divisions de l’entreprise (études, méthodes, production, contrôle qualité,
logistique, administration, système d’information). Chaque activité peut
contribuer à la position relative de la firme en termes de coûts et créer une base de
différenciation. Pour analyser les sources de l’avantage concurrentiel, il est
indispensable d’examiner de façon systématique toutes les activités qu’exerce la
firme et leurs interactions. La chaîne de valeur est l’instrument fondamental pour
y parvenir. Elle décompose la firme en activités pertinentes au plan de la stratégie,
dans le but de comprendre le comportement des coûts et de saisir les sources
existantes et potentielles de différenciation (voir le Chapitre 2).
1.3 LES TROIS GENERATIONS DE LA METHODE ABC / ABM
Les trois générations de la méthode ABC / ABM
D’après : P BARANGER et P MOUTON : Comptabilité de gestion, Hachette ,
pp 200 et suivantes, Paris, 1997.
Les systèmes de Les premiers systèmes de coûts par activités ont été mis en œuvre aux Etats-Unis.
coûts de la L’objectif essentiel était d’obtenir des coûts plus fiables en faisant disparaître les
première subventionnements croisés entre produits. L’ABC ne se limitait pas uniquement au calcul
génération des coûts et permettait aussi d’améliorer les activités (mais séparément) en réduisant leur
consommation de ressources ou en éliminant certaines activités sans valeur. Mais cette
méthode n’impliquait alors aucun changement organisationnel, ni aucune préoccupation
managériale.
Les systèmes de Les systèmes de coûts ne se limitent plus à l’obtention de coûts plus fiables et à des
coûts de la améliorations isolées des activités. Ils s’appuient sur une tout autre vision de l’entreprise,
seconde beaucoup plus transversale qui conduit à remettre en cause les traditionnels centres de
génération responsabilité. Ils sont résolument orientés vers le client et les processus destinés à le
servir. On identifie d’abord les processus, puis ensuite les activités qui permettent la
réalisation du processus. L’analyse débouche sur des améliorations continues ou des
reconfigurations de processus. La mesure de la performance (par l’intermédiaire des
inducteurs de coût et de performance) est primordiale pour orienter les actions. On parle
LE CONTROLE DE GESTION : 114

d’ABM (Activity Based Management).


Les systèmes de Les systèmes de coût de la troisième génération se concentrent sur l’horizon stratégique,
coûts de la jusque-là négligé et où pourtant se situent les principaux enjeux (les systèmes de coûts
troisième des première et seconde générations se préoccupaient avant tout des phases
génération opérationnelles et tactiques). Le problème n’est plus d’attribuer le coût des activités aux
objets, ni même d’améliorer les processus, mais d’étudier comment elles peuvent être
utilisées pour créer ou conforter un avantage concurrentiel ou bien comment les
inducteurs peuvent être utilisés pour accroître la compétitivité à long terme. Ils débordent
les limites traditionnelles de l’entreprise et doivent prendre en compte la chaîne de la
valeur globale du segment stratégique concerné.

Après plus de quinze années de mise en œuvre, les développements actuels


portent donc sur les tentatives d’élargissement du périmètre de calcul de coûts au
niveau spatial et temporel.
- Au niveau spatial135, il s’agit de prendre en compte l’impact des
consommateurs (« customer-driven ABC »), l’impact des concurrents
(« benchmarking-driven ABC »), de l’environnement (« Environment-
driven ABC ») ou du réseau (« interorganizational Cost Management »)
dans le calcul de coûts
- Au niveau temporel, les nouvelles avancées de la méthode consistent à
combiner l’ABC avec les méthodes de calcul de coût lié au cycle de vie
(Life-cycle Costing) ou avec le target costing : il s’agit du Time-driven
ABC (R.S. KAPLAN, S.R. ANDERSON, 2007)136.
Le recul sur la mise en œuvre et les conditions de succès de ces nouvelles
méthodes depuis ces quinze dernières années laissent de nombreuses questions en
suspens. Concernant l’adoption des modèles de comptabilité et de gestion par
activité (CGPA) et l’évaluation du succès de leur implantation, M. GOSSELIN et
C. PINET (2002)137 réalisent la synthèse suivante. Les principaux facteurs
influençant l’adoption du système sont la taille de l’entreprise, la complexité du
processus de production, la présence de technologies de l’information de qualité
mais aussi « le désir d’imiter des pratiques fructueuses des autres organisations »
(p 139). Les facteurs influençant le succès de la mise en œuvre de l’outil sont
essentiellement : le support de la direction, la cohérence du système de
rémunération et d’évaluation de la performance (mises à pied, degré de
récompense attendue d’une bonne performance), la formation, la disponibilité des
ressources et de façon plus générale le temps et l’importance accordés au projet.
Néanmoins, il reste que les liens entre les différentes variables sont encore peu
explicités et que globalement les facteurs influençant la pertinence et l’utilité des
systèmes de CGPA n’ont pas encore donné lieu à une représentation unifiée.

135 G. WEGMANN (2007), « Developments around the Activity-based Costing method: A state of the art », Congrès MCA, Paris.
136 R.S. KAPLAN, S.R. ANDERSON (2007), « Time driven Activity-based Costing: A simpler and More Powerful Path to Higher Profits,
Harvard Business School Press, Boston.
137 M. GOSSELIN, C. PINET (2006), « Dix ans de recherche empirique sur la comptabilité par activités : Etat de la situation actuelle et
perspective », Comptabilité, Contrôle, Audit,Tome 8, Vol. 2, p 127 à 146.
LE CONTROLE DE GESTION : 115

2- L’ENTREPRISE VUE COMME UN PORTEFEUILLE DE PROCESSUS


L’activité est une notion intéressante, mais elle est limitée. Le processus est
composé de plusieurs activités. C’est une macro-tâche qui conduit à la production
d’un output informationnel, physique ou immatériel. Le calcul des coûts peut se
faire aisément car il suffit de croiser la liste des activités (placées sur des lignes
horizontales) avec les processus à valoriser.
Activité A Activité B Activité C Activité D
Processus 1 Xa 0 0 Xd
Processus 2 Ya Yb Yc
Ici les X et les Y désignent les quantités d’activités consommées par les processus
1 et 2. De même, si nous voulons évaluer le coût d’autres éléments différents d’un
processus, cela est tout à fait faisable à la condition que cet objet de coût
consomme des activités produites par l’entreprise. L’organisation des processus
participe à décloisonner les métiers, favorisant ainsi la confrontation entre des
représentations souvent divergentes dont on peut espérer qu’elle suscite une forme
de créativité. On peut distinguer trois grandes familles de processus.138
1. Les processus centraux de l’entreprise, qui participent directement a la
réalisation du produit, depuis sa conception jusqu’à sa mise à disposition auprès
du client.
2. Les processus de support, nécessaires au fonctionnement des processus
centraux, et dont la finalité, si elle n’est pas directement apparente dans la
réalisation du produit, doit clairement être l’accroissement de l’efficacité des
processus centraux.
3. Les processus de management dont l’objet est la conduite du progrès et le
pilotage du changement ; pour cela ils doivent produire les informations, les
analyses et les projections nécessaires a la conduite de l’entreprise.

Processus de support :
formation, informatique, ressources humaines, etc.

Processus centraux
Conception  Production  Commercialisation  Valeur Client

Processus de management
administration, finances, contrôle de gestion, organisation, etc.

Cette classification globale recouvre toutes les fonctions de l’entreprise. Les


processus centraux, concrètement reliés à la production finale de l’entreprise, sont
généralement ceux qui se définissent le plus naturellement. Les processus de
support, dont l’importance ne cesse de croître, en nombre de collaborateurs et par
leur contribution croissante à la compétitivité, sont plus délicats à cerner, du fait

138 P. JOCOU et P. MEYER : La logique de la valeur, Dunod, PARIS, 1996, p.51.


LE CONTROLE DE GESTION : 116

de l’aspect moins concret de leur production. Le processus élémentaire constitue


la plus petite unité qu’il est pertinent de considérer dans le cadre de la relation
client - fournisseur. Par définition, tout processus, aussi élémentaire soit-il, doit
produire pour un client. Cette représentation systématique de toutes les
fonctionnalités de l’entreprise dans des processus met en évidence les clients de
chacun et précise les produits attendus. De plus, elle met en évidence les
productions inutiles, les redondances, les omissions, les déviations etc. Cette
approche se distingue de l’organisation en métier :
METIERS PROCESSUS
L’organisation par métier favorise le Dans un processus, la contribution de chaque métier
perfectionnement du savoir-faire technique au sein de n’est plus valorisée par sa performance intrinsèque,
l’entreprise. Elle ne garantit pas que ce progrès va mais par son apport et son intégration à la
aller dans le sens du progrès de l’entreprise. performance totale. Le savoir-faire qui se développe
Le management métier classique est impuissant à au sein des processus est ainsi beaucoup plus proche
répondre à ces attentes, car il focalise l’attention des du savoir-faire de l’entreprise. Dans un processus,
hommes sur la valeur produite par leur métier, qui est plusieurs métiers sont regroupés pour participer a un
loin de contribuer intégralement à la valeur finale. résultat unique.
Le découpage en processus des activités relève d’un savoir-faire organisationnel,
propre à l’entreprise, savoir-faire aujourd’hui déterminant dans le développement
de la compétitivité et qui est encore trop souvent sous-estimé par rapport au
savoir-faire métier. L’exemple suivant concernant le découpage organisationnel
suivant les processus réalisés par IBM France sur le site de Montpellier à partir de
2003
A partir de 2003 a été mise en place une cartographie des processus chez IBM.
Actuellement 36 processus ont été identifiés chez IBM (un processus étant entendu comme un enchaînement
d’activités générant une valeur ajoutée attendue d’un client). Ces processus ont été formalisés avec une
documentation standardisée :
Plusieurs acteurs dans le BPM (Business Process Management) :
Le Process Champion (PC) : Chaque processus sera sous la responsabilité d’un « champion ». Il s’agit d’un
consultant interne qui aura plusieurs missions :
Définir les processus end to end (du début à la fin)
Définir les liens entre le processus dont il est responsable et les autres processus de l’organisation
Faire les revues de processus : liste des acteurs/clients du processus. Travail sur la documentation des
processus.
Etre l’interlocuteur des différents acteurs du processus
Créer des plans d’action afin d’améliorer les processus.
S’assurer que ces plans d’actions sont bien mis en œuvre
Le Business Process Owner : responsable des performances du processus et des ressources financières du
processus.
Le Program Manager (PM) : gestionnaire d’un programme qui sera en interaction directe avec les différents
processus de l’organisation. Ici, 12 programmes transversaux ont été identifiés avec notamment les
certifications ISO et Sarbanes Oxley. Il s’agit d’experts qui assisteront de façon transversale les champions
dans leur domaine de compétence

PC 1
PC 2
PC 3

LE CONTROLE DE GESTION : 117

PM 1 PM 2 PM3 PM4 …
Gestion des tâches attribuées aux acteurs : Les tâches sont réparties entre les acteurs des différents
processus de façon à limiter les risques de fraudes et de malversations. La répartition effective des rôles
dépend du respect de règles de compatibilité et de validation en place dans le système. Une application
nommée SOD (« Separation Of Duties ») permet de vérifier de façon informatique la cohérence des rôles
attribués à un acteur.
Documentation des processus : elle repose sur 11 fiches pour chaque processus :
Fiche d’identification du processus
Liens amont/aval avec les autres processus
Charte d’organisation : compétences consommées pour les métiers (skills and roles)
Cartographie du processus (« Qui fait quoi ») : représentation graphique du chaînage des activités sur un axe
temporel
Points de contrôles. 2 types différents de points de contrôle à mentionner : ISO (si le point de contrôle concerne
les contrôles qualités) / BC (Business Control : si le contrôle ne concerne que l’entreprise, en interne)
Mesure des résultats : dashboard
Compliance test : vérification que les points de contrôle ont bien été effectués (Sarbanes Oxley)
Liste des applications clés et databases qui supportent les processus
Description du système d’archivage des documents liés au processus
La checklist des contraintes légales et réglementaires (en lien direct avec les Program Managers)
Applications supports des processus :
Les entreprises qui n’utilisent que SAP sont très rares
SAP définit 65 profils (1 seul par personne)
SAP est asservi aux processus et non pas le contraire : seules les fonctions basiques du PGI seront utilisées.
Tout est coordonné par les workflows (afin de gérer les « qui fait quoi »)
Librario enterprise : logiciel de récupération des informations dans les bases de données pour générer des
reporting.
Actuellement, sur les 36 processus, Les 6 plus complexes sont modélisés de façon informatique
(workflow).(Extrait d’entretien avec un responsable du site de Montpellier, octobre 2007)

3- L’UTILISATION DE LA BASE DE PROCESSUS POUR GERER LA


PERFORMANCE
3.1 LA MODELISATION DES COUTS
Le chiffrage des objets de coûts comporte trois étapes (voir tableau suivant).
Modélisation des coûts
Attribution des Il est beaucoup plus facile de « tracer » la consommation de ressources par les activités
ressources que par les centres d’analyse ; la plupart des charges sont en effet directes par rapport
consommées aux activités. Dans le cas contraire, on utilisera un inducteur de ressources (resource
aux activités driver). La connaissance des ressources disponibles (hommes, matériels, information)
permet d’estimer la capacité théorique d’une activité. La comparaison avec la capacité
utilisée met en évidence les ressources inemployées et favorise leur redéploiement.
Le modèle peut s’adapter au calcul du coût d’une grande diversité d’objets :
Détermination des produits, clients, projet, commande, centre de responsabilité, élément de la chaîne de
objets de coûts valeur. Pour les produits, on dispose en général d’une nomenclature des activités
nécessaires à leur conception, leur fabrication et leur commercialisation (et du volume de
chaque activité) qu’il suffit alors de valoriser. Pour chaque type de clientèles (détaillants,
grossistes, export, anciens, nouveaux, etc.), on peut constituer une liste des activités
consommées (et de leur volume). Pour chaque projet, on peut comptabiliser les activités
utilisées pour sa réalisation et effectuer par la suite des comparaisons.
L’inducteur d’activité est l’unité de mesure de l’activité, permettant le rattachement aux
Attribution du objets de coûts. On peut distinguer: les inducteurs liés au volume( l’heure-machine,
LE CONTROLE DE GESTION : 118

coût des activités l’heure de main-d’œuvre directe, le kilogramme de matière consommée) ; les inducteurs
aux objets liés à l’organisation ( réglage pour une production par lots, nombre de commandes,
nombre d’ordres de fabrication, de livraisons, de lignes de facture); les inducteurs liés à
l’existence du produit (maintenance des dossiers techniques, modifications techniques,
conception des produits, nombre de références entrant dans la composition du produit);
les inducteurs liés à l’existence d’une capacité (éclairage, chauffage, assurance) .

Cette modélisation des coûts peut déboucher :


 sur des analyses de marge par produit, par client ou par couple produit – client
 sur la confection des budgets traditionnels: il suffit de partir des volumes
d’objets prévisibles, d’en déduire les activités nécessaires et de les regrouper
par centre budgétaire,
 sur l’estimation des éléments de la chaîne de la valeur en additionnant toutes
les activités afférentes à un même processus (conception, logistique interne,
fabrication, ..),
 sur des regroupements d’activités en centre d’activités, correspondant soit à un
processus, à un projet, à une action sensible (par exemple, la réduction des
délais),
Les activités peuvent être hiérarchisées en fonction des objectifs stratégiques. On
peut distinguer :
Les activités « critiques », c’est-à-dire indispensables pour la réalisation des
priorités stratégiques (amélioration de la qualité, réduction de la mise sur le
marché, augmentation de la variété, etc..)
Les activités principales ou primaires qui correspondent au métier de l’entreprise
et qu’elle ne saurait abandonner sans perdre son identité ;
Les activités « secondaires » que l’entreprise doit posséder mais qu’elle pourrait
très bien sous-traiter : (entretien des locaux, gestion de la paie, restauration)
Les activités sans valeur ajoutée pour le client dont il faut envisager la
suppression.
Ainsi, lors de l’évaluation de toutes les activités, un soin particulier pourra être
apporté à l’examen des activités critiques: quel est le niveau de service requis par
le client interne ou externe et quels sont les principaux inducteurs de la
performance (qualité, coût, délai, flexibilité)? La référence retenue doit être si
possible extérieure à l’activité (benchmarking). Se rapproche-t-on des meilleurs
(analyse de la tendance) ?
Dans l’optique de la valeur pour le client se demander si l’output de l’activité
Eliminer les activités concernée présente pour lui un intérêt . Si tel n’est pas le cas, il faut songer, au moins
sans valeur à terme, à son élimination ; en réexaminant tout le processus. Des activités ajoutant
de la valeur mais trop coûteuses peuvent aussi disparaître.
Rechercher des améliorations potentielles au niveau des tâches qui composent
Améliorer les activités l’activité; Gagner de l’efficience par rapport à des compétiteurs externes ou internes ;
créatrices de valeur Partager les activités ce qui conduit à des économies d’échelle ou d’apprentissage ,
Penser les activités situées en aval dès la phase de conception.
Reconfigurer les Agir sur les activités, mais aussi sur les processus dans lesquels elles s’inscrivent ;
processus (reengineering), Réduction de la complexité; de la bureaucratie, des niveaux
hiérarchiques etc..
LE CONTROLE DE GESTION : 119

Sous-traiter certaines Les activités secondaires peuvent être sous-traitées si leur coût est trop élevé.
activités ( restauration d’entreprise, entretien des locaux, gestion de la paie , établissement des
documents comptables)
Dimensionner correctement les activités, Redéployer les surcapacités et les
Equilibrer les activités ressources libérées par la suppression d’activités, Développer la formation pour
stimuler la créativité, Résoudre les goulets d’étranglement sur les activités critiques.
Réduire le temps de réponse aux demandes des clients.
L’approche par les processus montre que le coût est causé par de nombreux
facteurs liés par des interactions complexes. Pour comprendre le comportement du
coût, il faut donc comprendre les interactions entre ces facteurs. Chaque
déterminant implique des choix de la part de l’entreprise (par exemple, produire à
petite ou à grande échelle) qui pilotent le coût unitaire. La complexité de la ligne
de produit est un déterminant structurel des coûts. Un autre déterminant important
est l’engagement à l’égard de la qualité. Cette approche qualité est aujourd’hui
largement reconnue comme un atout concurrentiel clé. Cette approche se situe
dans une optique d’ingénierie simultanée et d’ingénierie de la valeur, mais peut
s’analyser selon la méthodologie ABC - ABM en termes de processus.
L’analyse de la valeur est une méthode pour concevoir un produit de manière qu’il assure au moindre coût
toutes les fonctions que le client désire, et qu’il est prêt à payer, et seulement celles-là, avec toutes les
exigences requises et pas plus. Elle vise à extraire les coûts inutiles d’un produit et à en améliorer la qualité par
la remise en cause du produit lui-même dans sa conception. Le cœur de l’analyse de la valeur est constitué par
la notion de fonction. En réponse à un certain nombre de besoins, un produit assure un certain nombre de
fonctions. Ces fonctions ont plus ou moins de valeur aux yeux du client, on leur attache plus ou moins de prix,
on est prêt à payer plus ou moins pour les obtenir. Cette démarche s’applique aux produits et à tout objet,
ouvrage, service, ou système. L’analyse de la valeur est un effort organisé combinant un ensemble de
techniques, le travail en équipe et la créativité, pour rendre plus fonctionnels et plus économiques les produits,
les procédés, les systèmes de production, d’exploitation ou d’organisation. L’idée essentielle est de recenser et
décrire avec précision les différentes fonctions du produit, puis de rechercher comment elles peuvent être le
mieux remplies au moindre coût. C’est un support pratique de l’innovation. Cette analyse s’applique, avec des
variantes, aux produits existants et aux produits nouveaux. Dans les deux cas, il s’agit d’identifier les fonctions
que doit remplir un produit (pour satisfaire des besoins ou des goûts) de déterminer leur coût spécifique (par
l’analyse des opérations), d’apprécier l’utilité et la valeur de chacune d’elles. Parfois, la découverte d’une
fonction inutile conduit à l’éliminer et provoque une économie de coût. Parfois, l’utilité se révèle d’ajouter une
nouvelle fonction au produit et l’étude peut aboutir à la conclusion que cela est possible pour un coût minime.
Alors que pour un produit existant on ne doit faire qu’un effort limité pour la recherche de nouvelles idées de
fonctions, au contraire, pour un produit nouveau, il peut être très utile de rechercher de nouvelles fonctions.

3.2. METHODE DE CALCUL DU COUT DE LA QUALITE


L’analyse du coût de la qualité prend en compte l’ensemble des coûts supportés
par l’entreprise lorsqu’elle produit sans se conformer aux spécifications. On
distingue :
Coûts de prévention: Coûts d’évaluation:
Ce sont les coûts inhérents aux activités menées Ce sont les coûts entraînés par la mesure du niveau de
pour planifier le processus de production de qualité atteint par le système :
manière à éviter tout défaut : coûts liés à la mise coûts des contrôles effectués pour s’assurer que le
en place d’un procédé de fabrication sans défaut, produit répond aux besoins du client. Par exemple, les
à la création d’un produit stable, à la formation et frais de contrôle et d’essai des prototypes, de
au développement des employés, aux activités des vérification et d’essai à la réception, de contrôle en cours
LE CONTROLE DE GESTION : 120

cercles de qualité, à la maintenance préventive et de fabrication, et le coût des audits qualité à la fin du
à la gestion des relations avec les fournisseurs processus de production.
dans le but d’améliorer la qualité de leurs
livraisons de matières premières.
Coûts des défaillances internes: Coûts des défaillances extérieures:
Ce sont les coûts occasionnés par la rectification Ce sont les coûts inhérents à la livraison de produits
des produits défectueux avant qu’ils ne défectueux au client :
parviennent au client : coûts d’interventions sous garantie, d’analyse des
Coût des rebuts, des retouches, des réparations, défauts, des retours, des rappels de produits, des
de la modification structurelle des produits, de poursuites au titre de la responsabilité produit et de la
contrôle des retouches, d’immobilisation des perte de clientèle.
machines et le coût du manque à gagner en raison
du moindre volume des produits mis en vente.
La mesure des coûts de la qualité est complétée par des informations spécifiques
sur les mesures non-financières de la qualité.
3.3 METHODES ABC - ABM ET VALEUR AJOUTEE ECONOMIQUE
Le déploiement du management par la valeur (approches EVA ou ROI) pose des
problèmes délicats quant il suppose des outils opérationnels de mesure de
performance par divisions ou centres de responsabilité. Il est nécessaire de
procéder à de nombreux ajustements pour que l’information financière puisse être
utilisée à des fins de contrôle. Les correctifs importants concernent l’imputation
du coût du capital sur les actifs utilisés, la comptabilisation et l’identification des
investissements immatériels sources de performance (les immatériels tels que la
R&D, la publicité, les actions de formation), le retraitement des actifs loués, la
prise en compte de l’inflation, la méthode d’amortissement, etc. De ce point de
vue, la méthode EVA préconisée par Stewart et ses nombreux ajustements prévus
pour opérer le passage du résultat comptable à celui de l’EVA constitue un apport
indéniable. Cet apport n’est cependant pas suffisant. L’utilisation de la base de
processus comme fonction d’intégration peut permettre de relier efficacement la
comptabilité financière publiée à l’extérieur et la comptabilité de gestion utilisée
pour formaliser les décisions en interne. On peut considérer qu’il s’agit d’une
mission centrale du contrôleur de gestion. Un des leviers majeurs pour améliorer
le pilotage en interne des indicateurs ROI ou EVA est sans doute à rechercher
dans l’approche en termes de processus. L’analyse aux niveaux des activités et
des processus (produits, clients, marchés, qualité, délais, variété, cash-flows, )
peut faciliter la prise de décision au niveau des centres de profits ou des SBU.
Cette approche permet d’abord d’identifier les actifs qui sont en relation avec les
charges encourues. Les dépenses en immobilisations sont des actifs temporaires
qui s’intègrent dans les produits et charges. La quasi-totalité des actifs
représentent des dépenses à incorporer dans les charges en fonction d’un cycle
donné. Le fait de pouvoir suivre l’ensemble des processus aboutissant aux
produits facilite considérablement l’évaluation du capital investi par activités.
L’exemple de calcul des besoins en fonds de roulement par activités, proposé par
LE CONTROLE DE GESTION : 121

Henri BOUQUIN, illustre bien ce propos.139 R. KAPLAN et A. ATKINSON


proposent l’exemple suivant d’intégration d’ABC et EVA. 140
On suppose qu’un centre de profit présente les caractéristique suivantes:
Ventes 1000000 100%
Coût des produits vendus 480000 48
Marge brute 520000 52
Frais commerciaux 210000 21
Frais divers 116000 12
Frais généraux 108000 11
Bénéfice d’exploitation 86000 9
Capital investi 840000 84
Coût du Capital (12%) 100800 10
Valeur ajoutée Economique -14800 -1%
Le taux de marge est de 9% des ventes pour un coût du capital de 12%. Il s’en suit une destruction de valeur
économique sur l’exercice. La réaction initiale des cadres peut être de chercher les moyens d’augmenter la
marge, (à travers des augmentations de prix et des réductions de coût) ou de réduire la base investie. Ces
actions générales conçues pour enlever la graisse et chasser les gaspillages peuvent aussi finir par entamer
mes muscles et les os. Supposons que le centre gère deux lignes de produits distinctes.
La ligne A est bien établie, la production est bien gérée et les processus sont efficients, les clients sont fidèles
et stabilisés de longue date.
La ligne B a été développée pour pénétrer de nouveaux marchés et capter une nouvelle clientèle plus
exigeante, à la recherche d’une production personnalisée et variée. Les délais de livraison sont courts et les
frais commerciaux élevés.
Une approche ABC pourrait, par exemple montrer les résultats suivants:
Total Ligne A Ligne B
Ventes 1000000 100 600000 100 400000 100
Coût des produits vendus -480000 48 240000 40 240000 60
Marge brute 520000 52 360000 60 160000 40
Frais commerciaux 210000 21 90000 15 120000 30
Frais divers 116000 12 36000 6 80000 20
Frais généraux 108000 11 48000 8 60000 15
Bénéfice d’exploitation 86000 9 186000 31 -100000 -25
Capital investi 840000 84 420000 70 420000 105
Coût du Capital (12%) 100800 10 50400 8 50400 13
Valeur ajoutée Economique (14800) -1% 135600 23% (15400) -38%
Aucun problème n’existe pour la ligne A. Ses processus effectifs et la base client permettent de réaliser des
marges et de créer de la valeur. Toute tentative pour réduire les coûts ou augmenter les prix pourrait
compromettre l’avenir de cette activité. Les problèmes proviennent de la ligne B sur laquelle il conviendrait de
focaliser l’attention des dirigeants. L’EVA renforce le message au-delà de l’analyse de la rentabilité seule.

139 Voir aussi l’approche de H. BOUQUIN : ABC et BFR Revue française de comptabilité, 1996.
140 R. KAPLAN et A. ATKINSON ; Advanced Management Accounting, 3° édition, pages 521 et sq
LE CONTROLE DE GESTION : 122

L’analyse ABC des actifs investis révèle que la ligne A exige seulement 0.70 d’actifs par euros de vente, alors
que la ligne B en exige 1.05. Cette différence vient du fait que sur la ligne A, les dirigeants ont établi des
contacts étroits avec les fournisseurs, les livraisons sont gérées en juste à temps, la production s’ajuste plus
facilement à la demande qui est plus stable etc.. De plus , les bons rapports avec les clients réduisent l’en-cours
au minimum.
Pouvoir mener une réflexion en termes de valeur au niveau des activités et des
processus par le biais d’une approche ABC - ABM semble être un facteur clé de
cette approche. Le fait d’affecter des actifs aux produits et aux processus ne pose
pas de problèmes majeurs. Certains tels les stocks sont déjà affectés ou
affectables. Les actifs dédiés, tels que le matériel de production spécialisé,
l’outillage, le matériel de conception peuvent être affectés à des gammes de
produits qui utilisent ces ressources. D’autres actifs dépendent probablement de
plusieurs gammes de produits et une répartition est envisageable sur la base des
inducteurs de coût pertinents. L’approche EVA encourage aussi les entreprises à
capitaliser les dépenses telles que la recherche et développement, les frais de
publicité et de promotion, et à les amortir sur leur durée de vie spécifique.
L’affectation de ces actifs incorporels aux produits et processus est donc possible.
Elle suppose une segmentation fine du système d’information et une reconception
permanente de ces systèmes. Comme en matière de charges, il est probable que
certains actifs ne pourront pas être affectés à des produits ou à des processus.
Certains peuvent concerner des clients (cas des en-cours clients ou du stockage
des produits pour leur compte) et devraient leur être affectés pour permettre une
analyse de la valeur par segments de clientèle etc.. L’intégration ABC et EVA
peut ainsi paraître naturelle. La méthode ABC avait pour objectif de corriger
certaines allocations arbitraires de charges aux produits. L’approche EVA cherche
à corriger la non-imputation du coût du capital sur les résultats comptables et
financiers. L’utilisation conjointe des deux méthodes ABC et EVA peut fournir
aux dirigeants une carte plus claire des inducteurs de rentabilité économique et de
création de valeur.

SECTION 3: BASE DE PROCESSUS ET RECONNAISSANCE


DES COMPETENCES FONDAMENTALES
Une des limites fortes des modèles de contrôle de gestion financiarisés est leur
faible pertinence dans les « entreprises à base de connaissances ou de savoir-faire
spécifiques ». Dans ce type d’entreprise, la problématique centrale est de faire
émerger les compétences, les identifier, les évaluer et les gérer. Le concept de
compétence fondamentale apporté par la théorie des ressources et la notion de
valeur partenariale montrent l’intérêt d’une identification et d’une évaluation du
rôle joué par les ressources humaines. La conception élargie de la performance
organisationnelle va d’ailleurs dans le même sens.
Les quatre dimensions de la performance organisationnelle 141

141 E.M. MORIN, A. SAVOIE, G. BEAUDIN: L’efficacité de l’organisation, théories, représentations et mesures, Gaetan Morin, 1994.
LE CONTROLE DE GESTION : 123

Valeur des ressources humaines Efficience économique


Elle concerne les effectifs de l’organisation et Elle s’exprime par le rapport entre la quantité produite
représente la valeur ajoutée par la qualité de la et les ressources utilisées pour engendrer cette
main-d’œuvre dans le rapport avec le travail et production. La stabilité de la mesure pose un problème
l’organisation. du fait qu’elle est reliée à la période de temps qu’elle
Mobilisation du personnel, Moral du personnel représente.
Rendement du personnel, Développement du Economie des ressources, Productivité
personnel
Légitimité de l’organisation auprès des groupes Pérennité de l’organisation
externes Elle reflète le degré de stabilité et de croissance dans
Elle renvoie au jugement que portent les principaux le temps. Elle renvoie à la protection et au
constituants externes de l’organisation. développement des ressources financières (rentabilité),
Leurs attentes et intérêts sont toujours différenciés à la protection et au développement du marché
et très souvent paradoxaux. (compétitivité), à la protection et au développement de
Satisfaction des bailleurs de fonds la qualité du produit ou service. Ces critères
Satisfaction de la clientèle fournissent des indications sur la capacité d’adaptation
Satisfaction des organismes régulateurs de l’organisation à son environnement.
Satisfaction de la communauté Qualité du produit, Rentabilité financière,
Compétitivité.
Des préconisations plus anciennes s’inscrivent dans cette optique en proposant
une multitude de critères pour évaluer les différentes dimensions de la
performance organisationnelle, (voir ci-après la notion dans le concept de tableau
de bord prospectif).
1- LE PROBLEME DES MECANISMES D’INCITATIONS
Les mécanismes traditionnels d’incitation sont nombreux et variés. Outre la
participation aux résultats (ordonnance n° 67693 du 17 août 1967), on peut penser
au mécanisme des primes basé sur l’idée qu’il convient de créer, à l’intérieur de
l’entreprise, des groupements autonomes ayant entre eux des relations de
fournisseurs à clients. Ces unités autonomes sont dotées d’un budget particulier
comportant des allocations de dépenses et une évaluation de recettes. On a
également cherché à intégrer cette problématique de l‘incitation dans la
comptabilité des ressources humaines.142 On a vu que l’instauration des méthodes
de gestion de la valeur impliquent une rémunération indexée sur la valeur créée. Il
est évident que les difficultés et les méthodes d’approche ne seront pas les mêmes
suivant le niveau de hiérarchie et de compétence envisagé; dirigeants, cadres
supérieurs, maîtrise employés, ouvriers... Devant cette diversité pourra-t-on
mesurer et capitaliser les coûts et les avantages pour se faire une idée comptable,
même approximative, de l’effet, positif ou négatif, de tel ou tel type d’action? Il
faudrait - comme en matière de coûts standards - disposer de normes déduites de
comparaisons dans le temps et dans l’espace.
Les problématiques liées au contrôle des rémunérations :

142 C-H.D‘ARCIMOLES : Diagnostic financier et gestion des ressources humaines, Economica, 1995, pages 59 à 65. Voir aussi : J-C.
MATHE et Al. RIVET : Valeur et rentabilité : l’effet de ressources humaines, Analyse financière, N° 102, Mars 1995.
LE CONTROLE DE GESTION : 124

(Source: D’après M. LACOMBE SABOLY et B; SIRE : L’apport du système comptable à la gestion des
rémunérations, Papier de Recherche, ESUG Toulouse, 1995)
Les gestionnaires des rémunérations ont, de longue date, eu recours aux outils du contrôle de gestion pour
étudier l’évolution de la masse salariale, l’analyse de sa répartition et des disparités de salaires. De façon plus
récente, les spécialistes des rémunérations se tournent également vers les outils et concepts du contrôle de
gestion pour résoudre des questions d’avantages liées à la stratégie des rémunérations face aux nouveaux
modes d’organisation du travail. Les organigrammes “plats” induisent un relâchement du contrôle hiérarchique
alors que les changements fréquents de production ou de projets diminuent la pertinence des référentiels qui
servent de base à la fixation des objectifs et à l’évaluation des performances. Ces deux conséquences
renforcent les phénomènes d’asymétries d’information et les risques qui en découlent (risque moral et risque de
sélection adverse). La première réponse des managers a été celle de l’implication organisationnelle ( projets et
chartes d’entreprise). Beaucoup d’entreprises se trouvent face à un dilemme: comment garantir l’efficacité
économique de l’organisation sans revenir à un contrôle hiérarchique plus étroit, alors même qu’on vient de le
rejeter à cause des coûts de structure et du manque de flexibilité qu’il engendre. Pour réconcilier le point de vue
des salariés et celui des responsables de centres de profits, la voie la plus prometteuse apparaît aujourd’hui
comme devant passer par une amélioration des modes de reconnaissance individuels et collectifs de la
performance. Cette focalisation sur la reconnaissance par les rémunérations s’explique en partie par le fait que
les possibilités de reconnaissance par la carrière se sont estompées. La réflexion est donc fortement axée sur
la recherche de modes de fixation des objectifs et d’évaluation des performances qui soit acceptable par tous,
c’est-à-dire qui réconcilient l’impératif de rentabilité avec les comportements et les aspirations des salariés. Le
rapprochement des responsables des rémunérations avec les spécialistes de la comptabilité et du contrôle de
gestion trouve dans ce contexte toute sa pertinence. La difficulté de mise en œuvre des systèmes de
rémunération variable provient des biais qui peuvent apparaître dans l’évaluation des performances. Ils se
situent à plusieurs niveaux. Les outils traditionnels fournis par le système comptable présentent des faiblesses
tout particulièrement pour l’évaluation des performances des cadres dirigeants. Le contrôle hiérarchique est
biaisé par l’asymétrie d’information qui résulte des organigrammes plats car ils rendent moins pertinents les
référentiels utilisés pour la fixation des objectifs et l’analyse des résultats. L’évaluation par les acteurs eux-
mêmes est biaisée par le manque d’informations sur l’environnement et le positionnement stratégique de
l’entreprise. Le premier biais peut être réduit par la mise en place de mesures de la valeur créée affranchies des
défaillances évoquées de l’information comptable. La réduction des deux autres biais peut se faire dans le
cadre d’un jeu coopératif. Cependant, son émergence a peu de chance de se réaliser par de simples
incantations à la solidarité collective. L’application du principe de subsidiarité dans le partage des
responsabilités appuyé sur des procédures cohérentes de rémunération des performances est la condition
d’une réconciliation des intérêts individuels et collectifs, sous la condition qu’il y ait une réelle cohérence entre
les modes d’évaluation globaux de la performance et les modes appliqués localement aux différents niveaux de
responsabilité.

2- L’APPROCHE PAR LES PROCESSUS COMME MODE DE COORDINATION


ET D’APPRENTISSAGE
L’environnement concurrentiel oriente les entreprises vers une recherche de
flexibilité dynamique qui implique un développement de sa capacité
d’apprentissage. Ce type de flexibilité est obtenu grâce à des ajustements internes
d’ordre fonctionnel ou organisationnel; c’est-à-dire, par une autonomie accrue,
une intensification des communications et de la participation. Une coordination de
type procédurale paraît possible car elle ne porte pas sur ce que les acteurs doivent
faire mais sur la procédure par laquelle chaque acteur définit son action. Dans la
mesure où un environnement instable impose que les choix se fassent le plus tard
et le plus en aval possible, une coordination procédurale semble donc plus
pertinente. Ce type de coordination renverse les idées reçues car elle admet que
LE CONTROLE DE GESTION : 125

l’incomplétude des règles est la solution. Accepter un contrôle incomplet et une


connaissance imparfaite de l’état de nombreuses variables est la seule façon de
maîtriser un système complexe.143 Une coordination procédurale efficace, résulte
alors de la mise en place d’une régulation conjointe entre d’une part la régulation
de contrôle (règles officielles édictées par l’encadrement et nécessairement
incomplètes) et la régulation autonome (capacité des salariés qui doivent les
mettre en œuvre, à se les approprier, les adapter et les redéfinir). L’approche par
les processus peut faciliter le maillage transversal de l’entreprise et développer
une variété de coordination permettant de faire face à un environnement de plus
en plus complexe. La question est alors posée des capacités des systèmes de
contrôle de gestion à évoluer de manière à répondre aux besoins décisionnels
d’une coordination de type procédurale. Une telle évolution implique un
développement des pratiques d’autocontrôle et d’apprentissage.
La littérature sur l’apprentissage et la connaissance organisationnelle a exploré le
rôle des organisations dans l’acquisition, le stockage et l’application des
connaissances144. Une grande part des recherches concernant l’intégration des
différents types de connaissances spécialisées a été réalisée parmi celles ayant trait
au développement de nouveaux produits145. En particulier est développée l’idée
essentielle selon laquelle l’innovation peut aussi provenir de la reconfiguration de
connaissances existantes, ce que B. KOGUT, U. ZANDER (1992, 1996)146
désignent comme des « capacités combinatoires».
De manière plus générale, nombre d’auteurs ont insisté sur l’ancrage de l’innovation dans les routines
organisationnelles : « Aussi radical puisse être le résultat d’une innovation, nous pensons qu’il ne peut être
compris que dans le contexte du fonctionnement routinier de l’organisation» nous rappellent S.J. MEZIAS, M.A.
GLYNN (1993, p 78)147. « La plupart des changements dans les organisations ne résultent ni de processus ou
forces extraordinaires, ni de capacités imaginatives hors du commun mais de processus relativement stables
qui relient les organisations à leur environnement» (J. MARCH , 1981, p 654)148. Rappelons la définition que
donnent au terme « routine » les figures emblématiques du courant évolutionniste (G. DOSI, D. TEECE, et S.
WINTER, 1991, p 243)149 : « Les routines sont des modèles d’interactions qui constituent des solutions
efficaces à des problèmes particuliers. Ces modèles d’interactions sont propres au comportement de groupe
quoique certaines routines inférieures puissent être propres au comportement individuel. En raison de la
complexité d’un tel comportement, la connaissance incarnée dans des routines ne peut pas être pleinement
codifiée, c’’est à dire qu’elle a une dimension tacite qui souvent ne peut être clairement énoncée. Par voie de

143 Voir sur ce point le thèse de C. THOMAS : « Déterminants et évolution de la hiérarchie au sein des organisations», Thèse de doctorat en
Sciences de Gestion, Université de Nice-Sophia Antipolis (date ?)
144 C. ARGYRIS, D; SHÖN (1978), Organizational Learning : A Theory of Action Perspective, Addison Wesley, Reading Mass.
145 K.B. CLARK, T. FUJIMOTO (1991), Product Development Performance : Strategy, Organization and Management in the World Auto
Industry, Harvard Business Shool Press, Boston, MA.
146 B. KOGUT, U. ZANDER(1996), « What Firms Do ? Coordination, Identity and Learning », Organization Science, vol 7, n°5.
B. KOGUT, U. ZANDER (1992), « Knowledge of the Firm, Combinative Capabilities, and the Replication of Technology », Organization
Science, vol 3 , pp 383-397.
147 S.J. MEZIAS, M.A. GLYNN (1993), « The Three Faces of Corporate Renewal : Institution, Revolution and Evolution », Strategic
Management Journal, vol 14, pp 77-101.
148 J.G. MARCH (1981), « Footnotes to Organizational Change », Administrative Science Quaterly, n°26, pp 563-577.
149 G. DOSI, D. TEECE, S. WINTER (1991), « Les frontières des entreprises : vers une théorie de la cohérence de la grande entreprise »,
Revue d’Economie Industrielle, n°51, 1er trimestre, pp 238-254.
LE CONTROLE DE GESTION : 126

conséquence, ce sont les routines elles-mêmes, et la capacité du management à amener l’organisation à les
mettre en œuvre, qui constituent une capacité essentielle de l’organisation ».
L’analyse de J. MARCH se centre sur les processus d’«exploration » et
d’« exploitation » :
« L’essence de l’exploitation réside dans le raffinement et dans l’extension de
compétences, technologies et paradigmes existants. La rentabilité de tels
investissements s’avère toujours positive, de court terme et prévisible.
L’exploration puise dans l’expérimentation d’alternatives nouvelles. Le retour sur
investissement s’avère ici beaucoup plus incertain à long terme et souvent négatif
à court terme», (J. MARCH, 1991, p 85150). J. MARCH s’intéresse au contexte
social de l’adaptation des organisations. Il examine la façon dont les croyances
individuelles et les règles organisationnelles s’influencent mutuellement. Par
ailleurs, il se penche sur une deuxième caractéristique majeure formée par le
contexte concurrentiel (« competitive ecology ») au sein duquel l’apprentissage a
lieu et les connaissances sont utilisées. Les organisations stockent les
connaissances dans des procédures, normes, règles et accumulent cette
connaissance sur le long terme en puisant dans les connaissances individuelles. En
même temps, ces mêmes individus sont socialisés par l’adhésion aux valeurs
organisationnelles. Cet apprentissage mutuel conduit à une convergence entre les
croyances organisationnelles et individuelles. Cependant, le risque, selon J.
MARCH, est que « les individus s’adaptent aux règles organisationnelles avant
que ces dernières n’aient pu « apprendre » d’eux » (p 85). Cette convergence
érode par conséquent les potentialités de progrès et donc d’adaptation des firmes
et tend à substituer l’exploitation à l’exploration d’alternatives inconnues. Selon J.
MARCH, les facteurs permettant de contrer cette dégradation du processus
d’adaptation sont : une socialisation lente et un léger « turn-over ». En effet, une
socialisation lente dans une nouvelle organisation favorise le maintien d’une
certaine diversité des croyances individuelles propices à l’exploration, et donc à
une évolution des connaissances sur le long terme, de même un faible « turn
over » (en particulier lorsque l’environnement est turbulent) constitue un moyen
d’introduire de la diversité, et donc de retarder l’intériorisation par les individus
des codes organisationnels.
Un élément important est le contexte concurrentiel. L’auteur montre en effet que le rôle des connaissances
dans le cadre d’une « course pour le leadership » est ambigu. Les performances induites par la production de
nouvelles connaissances (« returns to changes in knowledge ») sont dépendantes de la position de la firme eu
égard à ses concurrents. Parfois, les processus d’apprentissage augmentent à la fois la performance moyenne
et sa variance. L’auteur donne l’exemple de l’adoption d’une nouvelle technologie à l’égard de laquelle le
manque d’expérience peut conduire à une plus grande disparité des performances. Néanmoins, l’apprentissage
peut aussi conduire à diminuer la variance dans le mesure où la fiabilité (concernant la qualité et la vitesse
d’exécution d’une tâche) augmente avec l’expérience.
On retrouve là un argument central du knowledge management selon lequel cette
expérience est génératrice de capacités organisationnelles. Néanmoins, le revers

150 J.G. MARCH (1991), « Exploration and Exploitation in Organizational Learning », Organization Science, vol 2, N)1, pp 71-87.
LE CONTROLE DE GESTION : 127

de cette fiabilité est le risque d’éroder les chances de prééminence à l’égard des
concurrents sur le marché. G.P. HUBER (1991)151lui aussi s’est penché sur le
processus d’apprentissage en se focalisant sur quatre éléments du processus :
l’acquisition de connaissances, la distribution d’informations, l’interprétation de
ces données et la mémoire organisationnelle. Sa définition de l’apprentissage est
la suivante « une organisation réalise un apprentissage lorsque l’une de ses
composantes acquiert un savoir qu’elle estime potentiellement utile à
l’organisation» (G.P. HUBER, op. cit. , p 89). Celle-ci rejoint celle donnée
ultérieurement par C. O’DELL et D.J. GRAYSON (1998, p 6)152 « Le
management des connaissances est une stratégie consciente consistant à procurer
au moment opportun les savoirs appropriés aux personnes concernées et à les
aider à partager et transformer l’information en action, de façon à améliorer la
performance organisationnelle». En revanche, l’apprentissage ne conduit pas
forcément un changement de comportement. Il peut dans un premier temps
essentiellement modifier les cartes cognitives des membres d’une organisation.
L’argument principal de Huber est que l’apprentissage efficace doit être d’une
grande envergure, c’est à dire qu’un nombre important de composantes doit être
convaincu de l’utilité des connaissances en jeu. En outre, cet apprentissage est
stimulé par la variété des interprétations. Ce souci d’expérimentation, voire de
désapprentissage a été aussi pointé par W.H STARBUCK., A. GREVE, B.L.T.
HEDBERG (1978)153, P.C. NYSTROM, W.H. STARBUCK (1984)154 et T.
DURAND (2000)155. Enfin, les différentes unités doivent être capables de
développer une compréhension uniforme de ces interprétations divergentes. En
revanche, ces représentations partagées peuvent laisser la part belle à une certaine
ambiguïté « l’ambiguïté facilite l’accord sur des actions communes dans la
mesure où elle autorise chaque composante d’un groupe à croire en tout ce qui
est nécessaire pour atteindre un consensus» (G.P. HUBER, 1991, p 103). On
retrouve là l’idée de Grant selon laquelle les membres d’une organisation ou d’un
groupe ne sont pas tenus de connaître les spécialités de chacun mais que leur
efficacité collective émane d’une habitude de travail en commun. En outre, est
mise en avant la distinction intéressante entre les sources de l’apprentissage
congénital, fondé sur l’expérience d’une part, et celles fondées sur l’acquisition
(dans le cadre de recrutements ou plus largement d’opérations de
fusions/acquisitions, alliances..), l’imitation et la veille stratégique d’autre part.

151 G.P. HUBER (1991), « Organizational Learning : The Contributing Processes and the Literatures, Organization Science, vol 2, n°1, pp
88-115.
152 C. O’DELL , D.J. GRAYSON (1998), If Only We Knew What We Know, New York, The Free Press.
153 STARBUCK W.H., A. GREVE, B.L.T. HEDBERG (1978), "Responding to Crisis", Journal of Business Administration, vol 9, n° 2
154 P.C. NYSTROM, W.H. STARBUCK (1984), "To Avoid Organizational Crises, Unlearn", Organizational Dynamics, spring, pp 323-
332.
155 T . DURAND (2006), « L’alchimie de la compétence », Revue Française de Gestion, n° 160, pp 261-292.
LE CONTROLE DE GESTION : 128

L’objectif est d’inscrire les différents outils du contrôle de gestion dans les
différents processus d’apprentissage organisationnel.156
3- KNOWLEDGE MANAGEMENT ET CREATION DE VALEUR157
Afin de cerner les différentes facettes de la connaissance et de rendre compte de
sa complexité, il convient de distinguer le statut de la connaissance comme actif
ou stock et le statut de la connaissance comme processus. Une première école
découle du courant stratégique de l’analyse des ressources: les connaissances sont
des ressources uniques, non imitables, difficilement transférables, et sources
d’avantages concurrentiels. Les organisations sont conceptualisées comme
mécanismes de création et d’utilisation de connaissances. La connaissance
possèderait donc une valeur propre, de par sa rareté, sa qualité, son caractère
fondamental ou « core-competence » au sens du modèle « resource-based ».
Précisons cependant comme le souligne E. PENROSE (1959)158, que les
ressources n’ont pas de valeur intrinsèque, mais qu’elles en prennent lorsqu’elles
permettent de délivrer des services à haute valeur ajoutée. Les démarches
managériales consistent alors à stocker des connaissances valorisées, afin de les
mettre à disposition et de les diffuser au sein des organisations, notamment par le
biais de bases codifiées (M.T. HANSEN et alii, 1999159).
Ces approches normatives et fonctionnalistes (L. EMPSON,2001160) fondent le statut de la connaissance
comme objet unanimement reconnu, parfaitement identifiable et indépendant de tout contexte individuel ou
organisationnel. Or les connaissances se situent à un niveau individuel, elles sont souvent indissociables d’un
contexte, d’une action. De plus la mobilisation de connaissances s’appuie souvent sur un ensemble
d’interrelations intra-organisationnelles (entre acteurs, entre pairs) et inter-organisationnelles (entre l’entreprise
et ses clients par exemple).
Une deuxième approche considère que les connaissances sont mobilisées dans des
processus et ne peuvent être appréhendées qu’en tant que telles. Ce n’est pas le
stock des connaissances qui donne à la firme son avantage compétitif mais la
façon dont elles sont utilisées dans le processus de création de valeur (B.
LOWENDAHL et alii, 2001161). Cette création de valeur se construit tout au long
d’un processus pouvant être décomposé en quatre phases (M. ALAVI, D.
LEIDNER, 2001162) : la création, le stockage et la mémorisation, le partage et le
transfert, l’application. Cette approche permet de représenter à la fois la nature
cognitive et sociale des connaissances organisationnelles, leur enracinement dans

156 Voir C.THOMAS: thèse citée pages 238 et sq.


157 C. JANICOT, S. MIGNON (2004), « La chaîne de valeur du processus de gestion des connaissances », in P. Baranger (Ed), La chaîne de
valeur : un concept démodé ? , Presses Universitaires de Rennes, 2004, pp 149-183.
158 E.T. PENROSE, (1959), “The Theory of the Growth of the Firm”, Oxford: Blackwell.
159 M.T. HANSEN,. N. NOHRIA, T. TIERNEY (1999), “What’s Your Strategy for Managing Knowledge?”, Havard Business Review,
mars-avril, p. 106-116.
160 L. EMPSON, (2001 a), “Introduction: Knowledge management in professional service firms”, Human Relations, Vol. 54 (7), pp 811-
817.
161 B. LOWENDAHL, O. REVANG, S.M. FOSSTENLOKKEN, (2001), “Knowledge and Value Creation in Professional Service Firms: A
framework for analysis”, Human Relations, New York, Vol. 54, Iss. 7; p. 911-931.
162 M. ALAVI, D. LEIDNER (2001), « Knowledge Management and Knowledge Management Systems: Conceptual Foundations and
Research Issues », MIS Quaterly, vol 25, n° 1, pp 107-137.
LE CONTROLE DE GESTION : 129

les pratiques et les modèles cognitifs des individus, mais aussi dans la culture ou
les pratiques collectives. La première phase dans le processus de management des
connaissances est la création de connaissances qui se fait selon des échanges entre
connaissances tacites et explicites, entre connaissances individuelles et
connaissances partagées au sein d’un groupe.
3.1. LES ACTIVITES D’ACQUISITION ET DE CREATION
I. NONAKA (1994)163 a mis en évidence un processus en spirale liant les
différents types de connaissances et a défini quatre modes de création de
connaissances : la socialisation et l’internalisation à l’origine de la création de
connaissances implicites, et l’explicitation et la combinaison comme étant un
processus de création de connaissances explicites. Les dimensions tacite et
explicite peuvent s’enrichir des notions de processus individuel et processus
collectif de création de connaissances. La socialisation se réfère à la conversion de
connaissances tacites en de nouvelles connaissances tacites à travers des échanges
sociaux et collectifs et des expériences partagées par les membres de
l’organisation (M. ALAVI, D. LEIDNER, 2001, op. cit.). La socialisation passe
par la compréhension en commun d’un problème, facilitée par le partage des
mêmes valeurs et de la culture organisationnelle. I. NONAKA et N. KONNO
(1998)164 ont mis en évidence le concept de « BA » qui fournit une plate-forme ou
espace partagé au sein duquel on trouve les fondations pour la création de
connaissances et où les échanges de connaissances se font de façon transcendante
entre des individus. La socialisation suppose de capter des connaissances tacites
lors de travaux communs au travers d’une « proximité physique » : les individus
partagent des valeurs communes, sont confrontés aux mêmes problèmes, ils
partagent également du temps professionnel et parfois extra-professionnel. Selon
l’auteur, les organisations ont ainsi intérêt à privilégier l’émergence de ces lieux,
(le concept de « BA » étant équivalent à « place » en anglais) et à créer des
conditions favorables à leur développement. Les connaissances se créent
également de façon plus explicite notamment par combinaison. La combinaison
des connaissances consiste à créer des connaissances explicites en classant,
regroupant, synthétisant des connaissances explicites déjà existantes (M. ALAVI,
D. LEIDNER, 2001, op. cit.).
La combinaison peut être un processus individuel ou collectif, elle a trait notamment aux travaux sur les bases
de données, aux travaux statistiques. Bien que la création de données soit artificielle, leurs combinaisons et
représentations peuvent être source de création de valeur et constituer une aide à la décision. Par exemple les
techniques de data mining ne créent pas a priori de connaissance, mais permettent de mettre en évidence des
liens entre données qui peuvent s’avérer très instructifs pour l’action. Selon I. NONAKA et N. KONNO (1998), il
est important de considérer la communication et la diffusion des processus ainsi que la systématisation et la
dissémination de ces connaissances dans l’organisation.

163 I. NONAKA (1994), « A Dynamic Theory of Organizational Knowledge Creation », Organization Science, vol 5, n°1, pp 14-37.
164 I. NONAKA,, N. KONNO (1998), « The Concept of « BA » : Building a Foundation for Knowledge Creation », California Management
Review, Vol 40, N°3, Spring, pp 40-54.
LE CONTROLE DE GESTION : 130

Un meilleur accès aux données ainsi qu’une présentation adéquate (schémas,


arbres de décision), vont permettre aux organisations de faire des avancées
concrètes et pratiques. L’intériorisation permet de créer des connaissances tacites
à partir de connaissances explicites comme des procédures, des méthodes de
calculs, et fonde également la création de connaissances. L’intériorisation est un
processus de création que l’on peut qualifier d’individuel bien qu’il découle
d’échanges de connaissances explicites, cependant la conversion et l’appropriation
de ces connaissances sont intimement liées aux capacités cognitives des individus,
à la faculté de discerner les connaissances pertinentes. L’extériorisation consiste à
convertir des connaissances tacites en nouvelles connaissances explicites comme
par exemple la conception de nouvelles procédures ou de nouveaux processus de
production. La portée de cette création est collective puisqu’il s’agit, comme le
souligne I. NONAKA et N. KONNO (1998), de transcrire ces connaissances
tacites dans une forme compréhensible par les autres. « La somme des intentions
et des idées individuelles fuse et devient intégrée au monde mental du groupe ».
La théorie de I. NONAKA cherche ainsi à expliquer comment les connaissances
détenues par les individus, les organisations, peuvent être simultanément élargies
et enrichies au travers d’une spirale qui amplifie de façon interactive les
connaissances explicites et tacites en favorisant leurs échanges. Selon l’auteur, les
connaissances sont ancrées intimement chez les individus mais ce sont les
organisations qui font émerger, notamment par les processus de socialisation et
d’extériorisation, les connaissances tacites et favorisent leur conversion en
connaissances explicites. Ces processus organisationnels, ayant pour objet le
passage de connaissances individuelles à des connaissances collectives ou
organisationnelles, sont au centre des processus d’apprentissage, de transfert et de
partage des connaissances qui sont source de création de valeur. Afin de faciliter
le transfert de connaissances entre individus, les processus de stockage et de
mémorisation des connaissances sont d’une grande importance et peuvent venir
amplifier la valeur créée.
3.2 LES ACTIVITES DE STOCKAGE ET DE MEMORISATION
Pour M. GIROD (1995)165, la mémoire organisationnelle se définit comme un
« stock de connaissances et une structure de rétention ».
Les problèmes de mémorisation des connaissances sont multiples ; ils ont trait :
- aux problèmes de stockage et formatage sous forme notamment de bases de données, mais
également aux problèmes de conception de procédures, règles de gestion, routines organisationnelles,
- aux problèmes de mise à jour et d’actualisation des données et des connaissances
- aux problèmes de disponibilité et d’accessibilité des données et des connaissances au sein de
l’organisation
Dès que les organisations créent des connaissances, il paraît indispensable de les
mémoriser car la perte et l’oubli sont très rapides, inévitables et quelquefois
irréversibles. Aussi le stockage, l’organisation, l’accès aux connaissances

165 M. GIROD (1995), « La mémoire organisationnelle », Revue Française de Gestion, n° 105, septembre-octobre, pp 30-57.
LE CONTROLE DE GESTION : 131

organisationnelles et la constitution d’une mémoire organisationnelle constituent


des aspects importants du management des connaissances (M. ALAVI, D.
LEIDNER, 2001, op. cit.).
Pour S.S. TAN et ali (1998)166, la mémoire organisationnelle comporte les connaissances résidant dans
plusieurs composants :
- la documentation écrite
- les informations structurées et stockées dans des bases de données informatiques
- les connaissances humaines codifiées et stockées dans des systèmes experts
- les procédures organisationnelles documentées, les processus
- les connaissances tacites acquises par des individus ou des réseaux d’individus
La mémoire organisationnelle peut se décliner en mémoire individuelle et
mémoire collective. La mémoire individuelle se développe à partir des
observations, des expériences et des actions des individus167, la mémoire
collective ou organisationnelle se définit comme les moyens par lesquels les
connaissances, les expériences et les évènements passés influencent les activités
organisationnelles présentes168. Il apparaît ainsi que les leçons de l’expérience sont
stockées dans des routines, règles ou procédures de travail ; ce qui permet de
structurer et de mémoriser les apprentissages passés et de préparer les acquisitions
futures du savoir (J.C. TARONDEAU 1998)169. La mémorisation des savoirs qui
se fait par la formalisation de connaissances, notamment lors de la conception de
procédures, contribue de façon déterminante au partage de connaissances entre
individus. Cependant les problèmes d’accès, mais surtout la motivation, la
recherche pertinente de connaissances et l’exploitation du contenu de la mémoire
sont propres à chaque individu et vont dépendre de ses schémas de pensée. La
consultation et surtout l’utilisation des connaissances mémorisées mobilisent une
part non négligeable de connaissances individuelles tacites, qui ne sont ni
formalisées, ni stockées. L’utilisation d’une mémoire organisationnelle ne peut
créer de la valeur sans la mise en œuvre de connaissances sur les contextes
d’utilisation des connaissances mémorisées. Les difficultés d’énonciation de
connaissances peuvent être de véritables freins à l’utilisation de systèmes à base
de connaissances. Une véritable ingénierie des connaissances doit se mettre en
place pour mettre en évidence des « méta-connaissances », portant sur le contexte
d’énonciation qui viennent compléter la description d’une procédure. Les aspects
sémantiques, le langage, le vocabulaire sont des éléments centraux dans la
conception d’outils de mémorisation de connaissances. Ces connaissances
implicites font partie de ce que certains appellent la mémoire épisodique, qui se
réfère aux connaissances situées dans un contexte spécifique, alors que l’autre

166 S.S. TAN, H.H. TEO, K.K. WEI (1998), « Developping a Preliminary Framework for Knowledge Management in Organizations », In
Proceeding of the Fourth Americas Conference on Information Systems, E. Hoadley and I. Benbasat (eds), Baltimore, MD, August, pp 629-
631.
167 C. ARGYRIS, D; SHÖN (1978), Organizational Learning : A Theory of Action Perspective, Addison Wesley, Reading Mass.
168 E.W. STEIN, V. ZWASS (1995), « Actualizing Organizational Memory with Information Systems », Information Systems Research, vol
6, n°2, pp 85-117.
169 J.C TARONDEAU (1998), Le management des savoirs, Que sais-je N°3407, Puf
LE CONTROLE DE GESTION : 132

partie de la mémoire, appelée sémantique, se compose de connaissances


générales, explicites et formalisées.
Les technologies de mémorisation des connaissances sont disponibles et nombreuses. Les technologies de
base de données permettent de stocker mais aussi d’exploiter, trier, formater, représenter des données et ainsi
de les transformer en connaissances. Par exemple les technologies de datawarehouse permettent de constituer
des « entrepôts de données » qui intègrent toutes les données disponibles dans une organisation et les rendent
accessibles à l’ensemble des membres. L’exploitation de ces données peut se faire grâce à des outils de data
mining qui permettent de mettre en évidence des relations statistiques entre variables, de façon purement
descriptive mais aussi d’élaborer des modèles prédictifs.
La création de valeur peut être importante si le modèle retenu est efficace (bonne
prédiction des ventes, impact positif d’une action publicitaire simulée par le
modèle…). Cependant c’est la pertinence du choix des paramètres, des variables
explicatives, des regroupements de variables qui détermine la qualité du modèle et
son adéquation au réel. Seuls l’expérience, l’excellente connaissance du domaine
et le bon discernement du modélisateur, permettent de tirer parti des potentialités
techniques de ce type d’outil. L’utilisation de ces technologies contribue à la
création technique de la valeur. En effet, la volonté d’intégration des données
d’une organisation dans une seule et même base de données est motivée par la
nécessité de mémoriser et de rendre accessible toute donnée susceptible
d’améliorer le travail et surtout le niveau de connaissances des membres d’une
organisation. Comme nous l’avons souligné précédemment, l’exploitation des
bases de données n’est valorisée que lorsque les gestionnaires mobilisent des
connaissances tacites, issues de leurs expériences passées, pour créer des modèles
en adéquation avec le phénomène réel étudié. Il s’agit alors d’une création
cognitive de la valeur, complémentaire et indissociable de la création technique de
la valeur. Les technologies de l’information et de la communication (TIC) jouent
un rôle de plus en plus important dans la mémorisation et la diffusion des
connaissances en facilitant les échanges. Les messageries, les bases de données
mais aussi les groupware vont permettre de créer une mémoire intra-
organisationnelle formée d’informations à la fois structurées et non structurées et
de partager cette mémoire dans le temps et dans l’espace170. Deux technologies
sont utilisées pour codifier les connaissances : les technologies intégratives
permettant la dissémination en réseau de connaissances sous forme de bases de
données, et les technologies interactives consistant à développer des espaces de
travail collaboratifs171. Parmi les facteurs influençant la fréquence d’utilisation des
connaissances, S. WATSON et K. HEWETT (2006)172 distinguent des facteurs
techniques comme la facilité d’accès à la technologie, ainsi que des facteurs
cognitifs tels la confiance dans les sources de connaissances, la valeur des
connaissances, l’entraînement à l’utilisation de connaissances stockées

170 B. VANDENBOSCH, M.J. GINZBERG (1996), « Lotus Notes and Collaboration : Plus ça change, », Journal of Management
Information Systems, vol 13, n°3, pp 65-82.
171 M.H. ZACK (1999), “Managing Codified Knowledge”, Sloan Management Review, Vol. 40(4), pp 45-58.
172 S. WATSON et K. HEWETT (2006), “A Multi-Theorical Model of Knowledge Transfer in Organisations: Determinants of Knowledge
Contribution and Knowledge
LE CONTROLE DE GESTION : 133

formellement. Le facteur technologique joue un rôle majeur dans le succès des


systèmes de knowledge management. Ainsi, de nombreuses entreprises ont mis en
place des technologies orientées knowledge comme les réseaux « lotus note », les
intranets…. Un autre volet de l’infrastructure technologique est relatif aux
possibilités de communication électronique permettant aux personnes d’échanger
très facilement des documents. Par exemple, la firme Hewlett Packard a baptisé
son système « environnement opérationnel commun ». Ce dernier est perçu, par
les managers knowledge comme un outil important pour partager des
connaissances (T.H. DAVENPORT et alii)173.
Selon les travaux de M.T.HANSEN, MR. HAAS (2007)174 on peut distinguer trois indicateurs critiques de la
productivité du travail fondée sur les connaissances : le temps gagné en mobilisant les ressources cognitives
des organisations (valeur temps), l’amélioration de la qualité du travail et l’habileté à envoyer des signaux de
compétence à destination des clients comme résultats de la levée de connaissances (valeur cognitive)175.
L’effet temps peut être simultanément appréhendé par une baisse des coûts lié notamment à l’existence d’effets
d’apprentissage (L. ARGOTE et alii, 1990)176 et par une diminution des temps de réalisation de services
(M.T.HANSEN, M.R. HAAS, 2007). Si nous reprenons le concept de courbe d’apprentissage, développé
traditionnellement en analyse stratégique, nous pouvons l’adapter au contexte du management des
connaissances.
Des recherches centrées sur le KM ont mis en évidence les effets d’apprentissage
et d’expérience pouvant se mesurer par la baisse du coût unitaire au fur et à
mesure de l’augmentation de la production. L. ARGOTE, E.D. DARR, D. EPPLE
(1995)177, en étudiant un secteur de service de restauration rapide composé de
plusieurs réseaux de franchise de service, ont mis en évidence une courbe
d’apprentissage et une baisse significative du coût de production. Malgré une
dépréciation des connaissances acquises par « learning by doing » principalement
en raison d’un fort turn over (plus de 300% dans le cas étudié), l’existence d’un
apprentissage spécifique à l’activité de services facilite le transfert des
connaissances entre magasins d’un même réseau de franchise. Du point de vue
cognitif, l’amélioration de la valeur du service a trait au transfert de connaissances
et à leur réutilisation dans d’autres contextes.
3.3 LES ACTIVITES DE PARTAGE ET DE TRANSFERT
La problématique du transfert de connaissances a été abondamment étudiée dans
les recherches sur le knowledge management (M. ALAVI, D. LEIDNER, 2001,
op. cit). L. ARGOTE, P. INGRAM (2000)178 définissent le transfert des
connaissances comme « le processus à travers lequel une unité (groupe,

173 T.H. DAVENPORT, DE LONG D.W., BEERS M.C. (1998), “Successful Knowledge Management Projects”, Sloan Management
Review, Winter, pp 43-56.
174 M.T.HANSEN, M.R. HAAS, (2007), “Different Knowledge, Different Benefits: Toward a Productivity Perspective on Knowledge
Sharing in Organizations”, Strategic Management Journal, Vol. 28 (11), p. 1133-1153.
175 C. JANICOT, S. MIGNON, Vers un modèle de codification des connaissances : nature et perspectives, SIM, A paraître.
176 L. ARGOTE, L. SARA, D. EPPLE (1990), « The Persistence and Transfer of Learning in Industrial Settings », Management Science,
Vol 36 (2), pp. 140-154
177 L. ARGOTE, ED DARR, D. EPPLE, (1995), “The Acquisition, Transfer, and Depreciation of Knowledge in a Service Organizations:
Productivity in Franchises”, Management Science, Vol. 41(11), pp 1750-1763.
178 L. ARGOTE, P. INGRAM (2000), Knowledge Transfer : A Basis for Competitive Advantage in Firms”, Organizational Behavior and
Human Decision Processes, vol 82, n°1, pp 150-169.
LE CONTROLE DE GESTION : 134

département, division) est affectée par l’expérience d’une autre ». Plusieurs


modes, niveaux et conditions de transfert peuvent être distingués. Les modes de
transmission des connaissances (M. ALAVI, D. LEIDNER, 2001) peuvent être
informels (réunions improvisées, pause café…) : les risques encourus sont ceux
d’une dissémination limitée et d’une altération du contenu en l’absence de codage
des informations. Les modes de transmission peuvent également être formels
(congrès, formations) : le problème est qu’ils peuvent inhiber la créativité des
membres bénéficiaires. Les connaissances peuvent être transmises par des
personnes ou être transférées via des supports dépersonnalisés (cf. stockage et
mise à disposition des connaissances par des datawarehouse179).
Dans le cadre de la problématique de la codification des connaissances, le transfert des connaissances est
intimement lié au problème de la confiance dans l’outil informatique (bases, échanges électroniques). De
même, la confiance dans le contenu des connaissances transférées par voie électronique est au cœur d’un
transfert réussi. Une fois le transfert de connaissances réalisé, leur réutilisation dans d’autres contextes n’est
pas immédiate et demande, dans certains cas de profondes adaptations (L. MARKUS, 2001)180.
Ce transfert, rappellent M. ALAVI, D. LEIDNER (2001), peut se faire à plusieurs
niveaux : d’un individu à un autre, d’un individu à un groupe, d’un groupe à un
autre, d’un groupe à l’organisation toute entière. Il convient de souligner que les
individus sont un moyen puissant de transfert de connaissances « dans » et
« entre » les organisations : P. ALMEIDA, B. KOGUT (1999)181 montrent à cet
égard que la mobilité des ingénieurs entre firmes contribue au transfert de
connaissances sur les innovations dans le secteur des semi-conducteurs. J.
BROWN, P. DUGUID (1998)182 évoquent par exemple le rôle de médiateurs
(« translators » ou « boundary spanners », M. GITTELMAN et B. KOGUT,
2003183) permettant de traduire les connaissances, c’est-à-dire d’exprimer « les
intérêts d’une communauté en termes de perspectives pour l’autre communauté »,
et celui des « knowledge brokers », personnes liées à plusieurs communautés et
facilitant les flux de connaissances entre ces dernières. En effet, les individus sont
capables de transférer à la fois des connaissances tacites et explicites et adaptent
leurs connaissances au nouveau contexte. On peut faire le parallèle avec les
travaux sur les contrôleurs de gestion (M. BOLLECKER, 2002)184 et leur rôle de
« traducteur » dans les réunions de suivi des réalisations des opérationnels
consistant à « rendre compréhensible la vision de chacune des parties prenantes »
(p 123). En effet « l’homme du marketing s’exprime uniquement dans le langage
de cette profession, et l’homme de la production utilise la langage de la

179 L’objet du datawarehouse est de centraliser les informations externes et internes de l’entreprise.
180 L. MARKUS (2001), « Toward a Theory of Knowledge Reuse: Types of Knowledge Reuse Situations and Factors in Reuse Success »,
Journal of Management Information Systems, Vol. 18 (1), pp 57-93.
181 P. ALMEIDA, B. KOGUT (1999), « Localization of Knowledge and the Mobility of Engineers in Regional Networks », Management
Science, vol 45, pp 905-917.
182 J. BROWN, P. DUGUID (1998), « Organizing Knowledge », California Management Review, vol 40, n°3, pp 90-111.
183 M. GITTELMAN et B. KOGUT (2003), « Does Good Science Lead to Valuable Knowledge ?, Biotechnology Firms and the
Evolutionary Logic of Citation Patterns », Management Science, vol 49, n°4, pp 366-382.
184 M. BOLLECKER (2002), “Le rôle des contrôleurs de gestion dans l’apprentissage organisationnel : une analyse de la phase de suivi des
réalisations », CCA , Tome 8, Volume 2 , pp 109-126 .
LE CONTROLE DE GESTION : 135

fabrication, ce qui nécessite un intermédiaire » p (123). Le rôle du contrôleur de


gestion est donc d’aider les différents participants à une réunion à se comprendre.
Au-delà de son impact sur les transferts de connaissances (socialisation au sens de
I. NONAKA), les activités de traduction « facilitent également la mise en œuvre
d’actions de correction décidées lors des réunions » (p 125). Elles contribuent
donc à l’apprentissage organisationnel. D’après L. ARGOTE, P. INGRAM (op.
cit. 2000), les processus de formation, socialisation, communication rendent les
personnes plus semblables, homogènes au sein d’une firme qu’entre les firmes.
Par conséquent, les sous-réseaux incluant des personnes sont plus susceptibles
d’être compatibles avec d’autres sous-réseaux appartenant à l’organisation
qu’avec des sous-réseaux externes. Le transfert inter-organisationnel incluant des
personnes est donc plus problématique que le transfert intra-organisationnel. Les
implications managériales sont les suivantes : en encastrant la connaissance dans
ces sous-réseaux, une organisation pourra limiter les transferts externes (condition
de maintien de l’avantage compétitif) tout en préservant les transferts internes.
La quatrième et dernière étape du processus de gestion des connaissances
concerne l’application des connaissances, créées et transférées, dans des situations
de décision et de gestion. En effet, l’émergence et la création de connaissances et
leur mémorisation ne constituent pas les seuls processus de management de la
connaissance. Les connaissances ainsi créées et stockées ne seront valorisées que
lorsqu’elles pourront être transférées dans le temps et dans l’espace et lorsqu’elles
seront mobilisées dans des applications nouvelles.
3.4. LES ACTIVITES D’APPLICATION
Les applications générées par les transformations de données en connaissances
sont de deux ordres :
- d’un point de vue très large, on peut mettre en évidence la création de
capacités organisationnelles
- d’un point de vue plus restrictif, ont peut s’intéresser à la manière dont
les connaissances créées permettent d’améliorer la valeur apportée au client et se
centrer sur les retombées de ce processus sur un plan marketing.
La transformation des connaissances en capacités organisationnelles a été mise en
évidence par les tenants du courant knowledge-based. L’intégration des
connaissances individuelles en vue de créer des capacités se fait de diverses
manières. Concernant les connaissances explicites, l’intégration pose peu de
problèmes en raison de leur communicabilité. En revanche, concernant les
connaissances tacites, les principaux mécanismes sont le transfert, les
réglementations, les routines et le séquençage, (R.M. GRANT, 1996, 1997, op.
cit). Le transfert de connaissances d’un individu à un autre au sein d’une
organisation semble a priori la forme la plus simple d’intégration des
connaissances. Elle n’en est pas pour autant la plus efficiente dans la mesure où
elle compromet le principe de spécialisation. L’auteur donne l’exemple de la
collaboration entre Steve Jobs et Steve Wozniac lors de la création d’Apple,
laquelle s’est développée non pas tant grâce au transfert des connaissances de l’un
LE CONTROLE DE GESTION : 136

vers l’autre mais grâce à la combinaison des connaissances individuelles des deux
protagonistes. Un autre procédé consiste à coder les connaissances tacites sous
forme de règles et procédures, directives ou systèmes-experts. Ce moyen
d’intégration est efficace lorsque l’activité à accomplir est complexe et les
spécifications des performances précises.
L’auteur donne l’exemple de Mc Donald chez qui il est apparu plus ingénieux de créer un manuel couvrant tous
les aspects de la gestion d’un restaurant plutôt que de former chaque responsable en cuisine, nutrition,
marketing, comptabilité, production, gestion des ressources humaines etc.
Les technologies de l’information permettent justement de stocker, mettre à
disposition, mettre à jour et transmettre ces directives (par exemple mise sur
l’intranet d’une firme de maintenance de la politique, des manuels et standards de
réparation) et contribuent ainsi à développer la mémoire organisationnelle et à
accélérer l’intégration des connaissances par l’automatisation des routines. Par
exemple, la création d’une base de données des « meilleures pratiques » peut
nourrir les routines organisationnelles (lorsque l’environnement est relativement
stable) (M. ALAVI et D. LEIDNER, 2001). Ces règles et instructions, constituent
bien un moyen de coordonner des individus dont les spécialités sont toutes
distinctes les unes des autres mais, dès lors que les connaissances tacites sont en
partie inexprimables, ce procédé implique aussi une perte substantielle des
connaissances développées au niveau organisationnel. Les routines en revanche
permettent de coordonner des connaissances tacites sans qu’il soit nécessaire de
les expliciter. A l’instar de J.G. MARCH, H.A. SIMON (1958, p 142)185, R.M.
GRANT considère que « des activités sont devenues routinières lorsque la
décision a été simplifiée par le développement de réponses fixes à des stimuli
définis ». Grant donne l’exemple très éclairant des équipes chirurgicales en bloc
opératoire. La performance de leurs prestations vient de l’habitude de travailler en
commun, de l’expérience, générant des réflexes, des comportements adéquats,
sans que chaque individu ait besoin d’expliciter, de communiquer ses
connaissances individuelles. Cette coordination, ces schémas d’interaction fondés
sur une compréhension mutuelle des rôles de chacun sont déclenchés par une série
de signaux explicites et implicites. Grant précise également que la coordination
d’opérations moins complexes peut être réalisée par un simple respect des
séquences d’une chaîne d’activités.
Un autre type d’application des transformations des données en connaissances
touche à l’interaction client/entreprise. Les TIC en particulier permettent de
collecter, diffuser, analyser des informations du marché, à fin de les transformer
en connaissance et apporter de la valeur à leur clients. 186 La création de
connaissances marketing (grâce aux techniques de data mining (réseaux

185 J.G. MARCH, H.A. SIMON (1958), Organizations, New York, John Wiley & Sons.
186 A. DUFOUR(1997), Le Cybermarketing, Presses Universitaires de France.
J-J RECHEMANN (2000), L’internet et le marketing, Editions d’Organisation.
LE CONTROLE DE GESTION : 137

neuronaux, arbres de décision, techniques graphiques…)187 prend tout son sens


dès lors qu’elle est appliquée et diffusée auprès des preneurs de décisions, mais
aussi partagée avec les clients et fournisseurs tout au long de la chaîne de valeur.
M.J. SHAW et alii (2001)188 donnent trois applications en exemple :
- la mise en évidence des profils de chaque consommateur permettant de cerner de très près
l’efficacité des programmes marketing ;
- l’analyse des déviations (rendue possible grâce à des outils tels que réseaux de neuronaux) :
information aussi précieuse que les comportements « dans la norme ». Si cette dernière résulte d’une fraude,
des actions correctives seront mis en place ; si cette dernière résulte d’un changement du comportement
d’achat (à la suite d’une modification de la situation du consommateur : perte d’emploi, achat d’une maison, par
exemple) la collecte d’information sera poursuivie et les connaissances sur le consommateur mises à jour.
- la mise en évidence de tendances à long terme permettant d’une part de juger de l’efficacité passée
et future des stratégies marketing.
L’un des principaux apports de ces technologies est donc de permettre aux
entreprises d’affiner les connaissances des attentes des clients, de reconnaître leur
variété en segmentant très finement leur marché, de différencier en conséquence
leur offre afin de répondre aux besoins individuels de chacun d’entre eux
(marketing one to one).
M.J. SHAW et alii (2001) qualifient de « knowledge-based marketing » le
processus itératif permettant d’intégrer de façon systématique les connaissances
générées sur les consommateurs aux décisions marketing. Toutes ces pratiques ont
en fait pour objet de fidéliser les clients et de maximiser à long terme la valeur de
la relation établie avec eux. On passe ainsi d’un marketing transactionnel
(maximiser le nombre de clients réalisant une transaction avec l’entreprise) à un
marketing relationnel (maximisation de la relation client, S. BROWN, 2001189).
K. B. MONROE (1991)190 définit la valeur perçue par le client comme le ratio entre le bénéfice perçu et le
sacrifice perçu : Ce dernier correspond « au coût de l’achat qui comprend le prix d’achat, le coût de transport,
d’installation, de manipulation, de réparation en maintenance, de risque de faible performance… » (p 23). Le
bénéfice retiré de l’achat résulte de la sensation de pouvoir profiter de la durabilité, de la performance, de la
qualité, de l’originalité d’un produit. La valeur attribuée à un produit résulte ainsi d’une perception subjective et
propre à chaque consommateur.
A. RAVALD, C. GRÖNROOS (1996)191 proposent d’intégrer la « relation client »
dans la mesure de cette valeur. En effet, ce dernier peut être amené à comparer
non seulement des produits/services d’entreprises concurrentes mais aussi le type
de relation qu’elles entretiennent avec les consommateurs, c’est à dire leur
capacité et bonne volonté à s’adapter à leurs besoins. Si, à court terme, améliorer
la qualité des produits, leur image de marque ou les services associés permettent

187 « Le data mining consiste à extraire et à analyser par des méthodes statistiques, un large volume de données puisées dans le data
warehouse de l’entreprise, en vue de découvrir des tendances ou des règles qui s’avéreront utiles pour définir la stratégie marketing » (R.
Lefébure, G. Venturi, 2001)
188 M.J. SHAW, C. SUBRAMANIAM, G.W. TAN, M.E. WELGE (2001), “Knowledge Management and Data Mining for Marketing”,
Decision Support Systems, vol 31, n°1, May, pp 137-137.
189 S. BROWN (2001), CRM : La gestion de la relation client, Village Mondial.
190 K. B. MONROE (1991), Pricing-Making Profitable Decisions, Mc Graw Hill, New York, NY.
191 A. RAVALD, C. GRÖNROOS (1996), “The Value Concept and Relationship Marketing”, European Journal of Marketing, vol 30, n°, 2,
pp 19-30.
LE CONTROLE DE GESTION : 138

immanquablement d’améliorer la valeur perçue, ces éléments ne sont pas pour


autant les critères essentiels d’une relation de long terme. A long terme, en effet,
ce sont plutôt les sentiments de « sécurité, crédibilité, sécurité, continuité », c’est-
à-dire de confiance qui contribuent à la réduction du sacrifice perçu et conduisent
par conséquent à la fidélité du consommateur (A.P. MASSEY et alii et alii,
2001)192. Plusieurs études empiriques ont comme objet l’illustration d’initiatives
de promotion de la relation de long terme avec le client. A.P. MASSEY et alii
exposent par exemple l’expérience de re-engineering des processus de CRM
menée par IBM.
Le re-engineering des processus de CRM menée par IBM.
Source : A.P. MASSEY M.M. MONTOYA-WEISS, K. HOLCOM (2001), “Re-engineering the costumer
relationship : leverage assets at IBM”, Decision Support Systems, vol 32, pp 155-170
L’objectif affiché de l’opération est d’améliorer la « part de client » (et non de marché), c’est à dire « de générer
plus d’activité avec les clients actuels en prenant mieux en compte leur spécificité et l’unicité de chacun ».
Concrètement, l’entreprise s’est attelée à améliorer l’accessibilité et la diffusion des connaissances entre
l’entreprise et ses clients, car, les connaissances ne sont créatrices de valeur qu’à partir du moment où elles
sont utilisées. Une première étape a consisté à identifier les points faibles de la relation IBM/clients et
parallèlement à identifier les attentes et facteurs de satisfaction de ces derniers. L’enquête a révélé que les
clients privilégiaient les conseils d’utilisation des technologies proposées par l’entreprise par rapport à la
technologie elle-même, que leur satisfaction découlait de la capacité d’IBM à répondre à leur besoin (au delà de
la simple vente). Leur principales revendications et plaintes résidaient justement dans la difficulté à accéder aux
informations et aux experts. En conclusion, l’enquête a révélé l’existence de ressources knowledge-based mais
l’impossibilité pour les utilisateurs d’utiliser ces ressources, cette méconnaissance ayant d’ailleurs des
répercussions sur leur propre réactivité et efficacité à l’égard de leurs clients. Pour pallier ces problèmes, IBM a
mis en place un prototype appelé « Inside IBM » permettant aux consommateurs via internet de se connecter à
l’intranet d’IBM et par conséquent d’avoir directement accès aux ressources « knowledge based » de
l’entreprise. Tout d’abord, l’entreprise a créé une base de données clients et créé des profils mis à jour au fur et
à mesure des interactions du client avec le système. Ensuite, IBM a mis en place une base de données produit
permettant d’acquérir automatiquement toute information utile. Ces informations ont été associées à des
systèmes experts de diagnostic et de propositions de solutions, ainsi qu’à des techniques de data-mining
permettant d’anticiper les problèmes susceptibles de survenir sur du hardware ou du software. Globalement, les
enquêtes de satisfaction ont souligné que le dispositif « Inside IBM » permettait justement aux clients
« d’accéder aux informations, connaissances, expériences, conseils au moment où ils en avaient besoin », et
qu’il permettait donc une diffusion plus rapide et directe (sans intermédiaire) des connaissances. Au total, les
auteurs identifient trois facteurs principaux de satisfaction : « l’uniformité et la précision des informations,
l’accessibilité des ressources knowledge-based, et un processus de communication opportun. p 166» d’où la
nécessité de développer des standards de représentation des connaissances et de promouvoir une meilleure
intégration des technologies (ex : call centers connectés aux bases de données clients, connectés aux système
de dispatching des services et de commandes de produits) (Davenport et Klahr, 1998).

4- LE TABLEAU DE BORD PROSPECTIF : UN EXEMPLE D’APPLICATION


DU CONTROLE DE GESTION INTEGRE 193

192A.P. MASSEY M.M. MONTOYA-WEISS, K. HOLCOM (2001), “Re-engineering the costumer relationship : leverage assets at
IBM”, Decision Support Systems, vol 32, pp 155-170.
193 R S KAPLAN ET D.P. NORTON : Le tableau de bord prospectif , Les éditions d’Organisation, 1997, 311p
LE CONTROLE DE GESTION : 139

R.S. Kaplan et D.P. Norton justifient le tableau de bord prospectif par la nécessité
de bâtir un potentiel concurrentiel à long terme en créant de la valeur.
Le tableau de bord prospectif
L’axe financier L’axe clients
Le TBP s’appuie toujours sur les indicateurs Les segments de marché et les indicateurs de
financiers pour évaluer efficacement les effets performance concernent la satisfaction et la fidélité
économiques quantifiables des actions passées. Ils des clients existants, l’extension de la base de
permettent de déterminer si les intentions et la mise clientèle, la rentabilité par catégorie de clients, la
en œuvre de la stratégie contribuent à améliorer le part de marché sur les segments ciblés. Mais l’axe
résultat financier. En général, les objectifs financiers clients doit aussi comporter des indicateurs
portent sur la rentabilité, mesurée par exemple par le spécifiques qui représentent les déterminants de la
bénéfice d’exploitation, le retour sur les capitaux fidélité des clients. Ils permettent de formuler la
engagés , la valeur ajoutée économique. Ils peuvent stratégie de marché qui produira la performance
aussi viser une croissance rapide du chiffre d’affaires financière optimale dans le futur.
la génération de liquidités, la gestion du risque
L’axe processus internes L’apprentissage organisationnel
Il s’agit d’identifier les processus-clés de l’entreprise, Il a trois composantes, les hommes, les systèmes, les
qui permettent d’offrir une prestation qui attire et procédures. Les axes financiers, clients et processus
fidélise les clients tout en assurant aux actionnaires le internes révéleront le fossé entre les capacités
rendement financier qu’ils attendent. Ces indicateurs actuelles des hommes et des systèmes et celles qui
se focalisent sur les processus qui auront la plus forte sont nécessaires à une véritable avancée dans la
incidence sur la satisfaction des clients et la performance. Pour combler ce fossé, les entreprises
réalisation des objectifs financiers de l’entreprise. doivent investir afin de donner de nouvelles
Les indicateurs « processus internes » révèlent les compétences à leurs salariés et d’améliorer les
processus qui jouent un rôle-clé dans la performance systèmes d’information et les procédures. Des
stratégique de l’entreprise. Noter l’incorporation des indicateurs génériques de résultats – satisfaction,
processus d’innovation dans cette catégorie fidélité, formation et compétence des employés -
d’indicateurs sont associés à des déterminants de la performance
propres à l’activité.
Source: d’après R S KAPLAN et D.P. NORTON : Le tableau de bord prospectif, Les éditions
d’Organisation, 1997, pages36 et sq.

Ce système conserve les indicateurs financiers classiques (qui expriment la


performance passée) mais ils sont complétés par des indicateurs sur les
déterminants de la performance future. Les objectifs et les mesures de ce système
sont établis en fonction du projet de l’entreprise et de sa stratégie. Ils permettent
d’apprécier la performance dans quatre domaines : les résultats financiers, la
satisfaction des clients, les processus internes, l’apprentissage organisationnel.
Tout en gardant un œil, grâce aux indicateurs financiers, sur la performance à
court terme, le tableau de bord prospectif met en évidence les déterminants de
l’amélioration de la performance financière et concurrentielle à long terme. Le
modèle d’analyse basé sur les processus permet de passer des relations classiques
du type profit - coût - volume à une modélisation de l’ensemble des facteurs
complexes de la performance.
En particulier, elle rend possible la réintégration des aspects qualitatifs et de la performance hors - prix. Il s’agit
de relier la performance à un vecteur du type : prix, coût, quantité, qualité, délais, variété, service etc..
Cette approche s’inscrit dans la perspective du management stratégique de la
performance globale comme l’illustre le tableau ci-après :
LE CONTROLE DE GESTION : 140

LA VISION   
APPROCHE FINANCIERE 
Leader sur le marché
Comment Croissance à fort potentiel
aborder la Profit Croissance Valeur Profitabilité
relation avec les financière
actionnaires
 APPROCHE CLIENT 
Comment améliorer la Délais Qualité Service Innovation ,Faible taux de défaillance
valeur de l’offre pour et Livraison en temps réel, Responsabilisation
les clients cycles
 APPROCHE INTERNE 
Quels sont les Délais Qualité Productivité Time to market
processus citriques  et Gestion opérationnelle des cycles,
pour satisfaire les cycles Process fiables
clients Ingénierie de la valeur
 APPRENTISSAGE 
ORGANISATIONNEL Développement
Participer à l’amélioration des nouveaux
des processus  Innovation Amélioration Actifs produits
organisationnels permanente intellectuels, Amélioration
savoir –faire continue
Compétences
fondamentales

D. CHOFFET et F. MEYSONNIER (2005)194 caractérisent trois étapes


d’évolution du « balanced scorecard » (tableau de bord prospectif):
- une première étape au cours de laquelle celui-ci a été présenté comme un
outil de gestion multidimensionnel sans que sa mise en place pratique soit pour
autant explicitée,
- une deuxième étape au cours de laquelle a été introduite la notion de
causalité : la traduction de la stratégie sous forme d’inducteurs puis d’indicateurs
se place au cœur du principe de conception du balanced scorecard,
- enfin une troisième étape a été marquée par une volonté de raffinement
du modèle favorisant son appropriation par les acteurs.
Selon J. MERIC (2003)195, l’introduction du balanced scorecard tient de
l’innovation managériale pour trois raisons : il représente d’abord une rupture
avec les pratiques centrées sur les aspects purement financiers de la performance,
et se distingue par sa simplicité et son caractère synthétique. Il apporte, ensuite, un
avantage à ses utilisateurs en termes de représentation, diffusion et implication des
acteurs à l’égard de la stratégie. Il présente, enfin, l’avantage d’être reproduit dans
d’autres contextes, même si nombre d’auteurs soulignent sa contingence à la

194 D. CHOFER, F. MEYSONNIER (2005), « Dix de débat autour du Balanced Soorecard », CCA, tome 11, vol 2, pp 61-81.
195 J. MERIC (2003), « L’emergence d’un discours de l’innovation managériale : le cas du Balanced Scorecard », CCA, numéro spécial,
mai, pp 129-145.
LE CONTROLE DE GESTION : 141

culture, (A. BOURGUIGNON et alii, op. ci., 2002), à l’environnement, au cycle


de vie des produits, à la technologie, au degré de centralisation de la structure….
Les différents débats sur la conception, la mise en œuvre du tableau de bord
prospectif son rôle dans le système d’incitation se caractérisent par les questions
suivantes : « le tableau de bord est-il l’outil de mise en œuvre d’une stratégie
déterminée ex ante ou intervient-il dans une démarche collective favorisant les
stratégies émergentes ?» (p 64), « Le tableau de bord doit-il être articulé à une
évaluation et une rémunération individuelle ou collective des managers ? Cette
évaluation (à partir d’indicateurs qui ne sont pas toujours contrôlables) n’est-elle
pas source de démotivation ? »(p 68) Enfin « convient-il de privilégier un nombre
limité ou détaillé d’indicateurs ? » (p 72).
D. CHOFFET et F. MEYSONNIER (op. cit., 2005)196 synthétisent les débats
théoriques en proposant trois idéaux-types: la gestion centralisée sans budget, la
gestion décentralisée fondée sur une culture partagée, la gestion avec budget, avec
pilotage des processus ou des projets. Ces trois idéaux correspondent
respectivement aux balanced scorecard anglo-saxon, aux tableaux de bord « à la
française » et au Navigator scandinave.
Tableau 1 : Classification des propositions issues de la littérature
Ideal type 1 : Gestion Idéal type 2 : Gestion Idéal type 3 : Gestion
centralisé sans budget décentralisée peu avec budget mais
instrumentalisée fondée évolutive avec pilotage
sur une culture partagée de processus ou des
projets
Tableau de bord et Délinaison de la stratégie Coconstruction de la Coconstruction de la
stratégie stratégie et du tableau de stratégie et du tableau de
bord bord
Déploiement du tableau Démarche top-down et Démarche bottom-up et Modélisation et
de bord alignement coordination alignement
Tableau de bord et Le tableau de bord est un Le tableau de bord est un Le tableau de bord est un
budgets système central de outil parmi d’autres outil parmi d’autres
pilotage
Système d’incitation Evaluation individuelle Pas de couplage Evaluation collective sur
des indicateurs agrégés
Facteurs de contingence Début de cycle de vie des
produits, Technologie
ERP, Pouvoir centralisé
Nombre d’indicateurs Incateurs nombreux Indicateurs nombreux Indicateurs en nombre
limité
Flexibilité des indicateurs Flexibilité des indicateurs Flexibilité des indicateurs
adaptée à un adaptée à un
environnement turbulent environnement turbulent
Source : D. Choffet et F. Meysonnier, op. cité, p 74.
LE CONTROLE DE GESTION : 142

Si certains auteurs ont privilégié des typologies théoriques, d’autres ont privilégié
les études de terrain. E. MISIASZEK, F. ORIOT, D. OTTLEY (2007) ont en
particulier étudié les caractéristiques des balanced scorecard dans des PME
françaises. Il apparaît sur la base des études de cas approfondies réalisés par les
auteurs, que les tableaux de bord sont essentiellement réalisés par et pour la
direction générale. Une caractéristique appréciée des tableaux de bord prospectifs
est leur aspect multidimensionnel : les indicateurs non-financiers y occupent une
place de choix. En effet, dans les entreprises de petites taille, les tâches du
dirigeant sont plus diversifiées et les indicateurs non financiers (touchant à la
production, au marketing, au RH) sont mieux à même de servir un dirigeant
polyvalent. De plus, le contrôle de ces entreprises souvent familiales privilégie
aussi une performance plus globale et à plus long terme. Les indicateurs
développés sont souvent au service d’un stakeholder dominant (actionnaire,
client…) et sont complétés par des relations informelles (visant par exemple à
développer la confiance entre les employés) concernant les autres parties-
prenantes.
Concernant le lien entre ces tableaux de bords et la stratégie, il convient de souligner que les intentions
stratégiques sont clairement identifiées dans les PME faisant usage de cet outil (il peut s’agir d’améliorer la
profitabilité, d’éliminer les produits non rentables, d’améliorer le cashflow, etc) et que ces objectifs clés (KSO :
Key Strategic Objectives) sont adroitement traduits sous forme d’indicateurs clés (KPM : Key Performance
Measures). Néanmoins, la décomposition en (KSF : Key Strategic Factors) et leur traduction sous forme de
KPM (Key Performance Measures) apparaît moins systématique. Les KSF récurrents concernent la
productivité, la diversification en dehors de la niche initiale, la satisfaction du consommateur, la relation avec les
employés (promouvoir plus de flexibilité, améliorer la motivation et la compétence). Lorsque ces derniers ne
sont pas suivis grâce à des indicateurs formalisés (KPM) ils le sont grâce à des mécanismes de contrôle plus
informels. C’est le cas par exemple de l’écoute des besoins clients davantage ressentis grâce aux réunions
organisées et facilitées par la proximité géographique des entités que par des indicateurs précis présents dans
les tableaux de bord des dirigeants. Ces indicateurs sont ensuite analysés collectivement et périodiquement
afin que l’information véhiculée par les indicateurs soit comprise par les personnes concernées, qu’elle puisse
générer des actions correctrices, voire conduire à revisiter la stratégie en s’appuyant sur les boucles de
l’apprentissage organisationnel.
Globalement, les études sur l’utilisation de tableaux de bord, y compris dans les
entreprises de petite taille montrent que les modes de gestion très intuitifs laissent
aujourd’hui la place à des représentations plus formelles des logiques sous-tendant
la performance d’une entreprise.
5- LES NOUVELLES MISSIONS DU CONTROLEUR DE GESTION
Comme le souligne M. BOLLECKER (2006),197 quatre tâches majeures sont actuellement confiées au
contrôleur de gestion : la surveillance des activités, le pilotage (élaboration des budgets, suivi des réalisations,
reporting ), la coordination verticale et horizontale et la mission de changement. « Le socle commun à ces
quatre missions réside dans le rôle central de pourvoyeur d’information au service des responsables de centre
et ou de la direction générale » (op. cit. p 90). Néanmoins, en dépit de ce dénominateur commun, les deux
dernières missions ont conduit à un renouvellement de la fonction de contrôleur. En effet, celui se voit

197 M. BOLLECKER (2006), « La recherche sur les contrôleurs de gestion : état de l’art et perspective », CCA, tome 13, volume 1, juin,, pp
87-106.
LE CONTROLE DE GESTION : 143

aujourd’hui doté d’une mission pédagogique de traduction des objectifs de la direction auprès des opérationnels
(coordination verticale) et d’optimisation des relations entre les unités (coordination horizontale). En plus des
compétences techniques, les qualités relationnelles et la capacité d’explication des connaissances font
désormais partie des caractéristiques requises pour exercer ces fonctions. Plus globalement les qualités « de
contact, de souplesse et de dynamisme » (op. cit. p96) sont de plus en plus exigées par les entreprises. Ensuite
le contrôleur devient aussi accompagnateur voire même initiateur de changement lorsqu’il participe par exemple
à la mise en place d’un ERP (Entreprise Resource Planning). Libérés de tâches routinières, il peut se consacrer
de façon plus approfondie aux tâches de conseil auprès de la direction stratégique. En effet, les effets positifs
attendus de l’intégration des informations comptables, productives, commerciales dans le cadre d’un ERP sont
multiples : promotion d’une vision transversale et processuelle de l’entreprise, évolution du rôle des contrôleurs
de gestion (moins de gestion des données et plus de conseil), autonomie accrue des cadres intermédiaires,
développement de mesures de la performance moins strictement financières... Néanmoins, les études de
terrain menées sur l’impact des ERP sur le contrôle de gestion font cependant état de conclusions plus
nuancées. Selon, F.MEYSSONNIER et F.POURTIER (2006)198, la mise en place des ERP a eu un impact
limité sur les concepts et les modélisations du contrôle de gestion. En effet, leur introduction dans les
entreprises n’a été que rarement l’occasion de mettre en place des systèmes de calcul de coûts basés sur les
activités (ABC), les utilisateurs des ERP se satisfaisant le plus souvent des systèmes classiques de calculs de
coûts structurés par centres de responsabilités. De plus, l’informatisation transversale des systèmes
d’information s’avère en fait partielle, avec le développement d’applications locales (sous Excel, Acess, Visual
Basic) permettant aux contrôleurs de retrouver leurs usages antérieurs. Les conséquences de la mise en place
des ERP se situent plus au niveau de la répartition des tâches entre managers de terrain et contrôleurs.
D’après R. SCAPENS et M. JAZAYERI (2003)199, les ERP permettent quatre évolutions en matière de contrôle
de gestion :
« - L’élimination des tâches routinières (paye, une partie de la budgétisation etc.)
le transfert de connaissances comptables aux managers de terrain (au lieu d’être dépendants des contrôleurs
de gestion pour l’établissement des documents historiques, ils peuvent les établir de façon directe en temps réel
sous des formes adaptées et modulables en fonction de leurs besoins.
l’utilisation d’indicateurs avancés plus nombreux (éléments physiques précurseurs des performances plutôt que
des mesures financières les constatant)
un rôle plus large des contrôleurs de gestion. » (cité par F. MEYSSONNIER et F. POURTIER, op. ci., p 49).
L’étude empirique des auteurs, à partir d’études de cas, nuance l’impact des ERP
sur les outils et sur le rôle des contrôleurs. Sur les outils, ils confirment que
l’introduction des ERP génère une amélioration de la forme des outils
« automatisation, rapidité d’obtention des informations, finesse de découpage »
mais que sur le fond les innovations restent périphériques. L’automatisation
complète des outils de contrôle s’avère d’ailleurs souvent peu compatible avec les
spécificités des processus industriels. Sur le rôle du contrôleur, si la théorie met
l’accent sur de nouvelles missions (de conseil auprès des décisionnaires et de
participation à l’élaboration de systèmes de pilotage) dévolues au contrôleur, la
réalité présente une autre facette de cette évolution. En effet, ces derniers restent
pour l’instant fortement impliqués dans des tâches de paramétrage et de mise en
route des ERP et de vérification des données et ne voient que pas leur rôle évoluer
à des niveaux plus stratégiques. Le rôle du contrôleur de gestion n’est donc pas

198 F. MEYSONNIER, F. POURTIER. (2006), « Les ERP changent-ils le contrôle de gestion ? », Comptabilité, Contrôle, Audit, Tome 12,
Volume1, mai, pp 45-64.
199 R. SCAPENS ., M. JAZAYERI (2003), “ERP Systems and Management Accourting Change : Opportunities or Impacts ? A Research
Note “, European Accounting Review, vol 12, n° 1, pp 201-233.
LE CONTROLE DE GESTION : 144

radicalement transformé par la mise en place des ERP mais ces derniers
contribuent de façon incrémentale à son évolution. L’évolution du rôle du
contrôleur se doit aussi d’être nuancée en fonction de la taille de l’organisation et
la position hiérarchique du contrôleur. M. BOLLECKER (2006) souligne en effet
que les entreprises de petite taille ont plus tendance à développer un contrôle de
gestion autour de dimensions techniques alors que les organisations de grande
taille accordent aux contrôleurs des missions plus stratégiques. Les facteurs de
contingence sont aussi culturels (implication dans l’opérationnel au Royaume Uni,
implication dans la formulation de la stratégie en Allemagne). En dépit de ces
nuances, on assiste globalement à une évolution de leur pouvoir d’influence:
détenteurs d’informations transversales, conseillers, acteurs de changement
stratégique, c’est aujourd’hui l’image traditionnelle des contrôleurs qui semble
voler en éclat.

RESUME
Le contrôle de gestion intégré est fondé sur une approche combinée de la stratégie
classique et de l’approche par les ressources. Il prend appui sur la version rénovée
de la comptabilité de gestion à base de processus et s’inscrit dans le contexte de la
« stakeholder theory ». Ce modèle fourni par la base de processus permet le
pilotage stratégique et contribue à la reformulation de la stratégie dans une
philosophie d’amélioration continue. 200 Cette approche de la base de processus
comme vecteur prioritaire de l’information permet de faciliter l’intégration entre
le contrôle de gestion d’une part et la stratégie financière d’autre part. Elle fait de
la base de processus un point focal de la réconciliation entre la valeur financière et
stratégique. Elle prend en compte la complexité des relations, des motivations et
des rationalités. Elle sert de support au développement de l‘apprentissage et des
savoir-faire collectifs. La base de processus est construite en liaison avec les
acteurs et en fonction des priorités stratégiques. Ce processus de construction
suppose une vision adaptative du Management à base d’activités centrée sur l’idée
d’amélioration continue (l’ABM de l’architecte est préférée à l’ABM du
mécanicien). Il permet d’identifier, puis d’évaluer, les compétences qui génèrent
des actifs immatériels sources de valeur. Le contrôle de gestion intégré ne peut,
pour autant, négliger les aspects liés à la création de valeur pour l’actionnaire. A
cet égard, il participe à l’identification des « inducteurs de valeur » et surtout il
cherche à intégrer les deux visions de la valeur stratégique et financière.
L’importance prise par la valeur financière oblige, de plus en plus, les entreprises
à communiquer, non seulement avec le marché mais aussi, avec l’ensemble de ses
partenaires financiers. Ce signal sera d’autant plus efficace qu’il est adossé de
façon crédible à la valeur stratégique. Les mécanismes de reconnaissance et de
valorisation des compétences fondamentales issus de la base de processus sont, à
cet égard, un facteur important de crédibilité. L’adossement de la valeur financière

200 M. LEBAS : Comptabilité de gestion, les défis de la prochaine décennie, Revue Française de Comptabilité, N° 265, Mars 1995.
LE CONTROLE DE GESTION : 145

sur la base du modèle comptable de la valeur est un autre outil susceptible de


contribuer à renforcer cette nécessaire confiance entre les différents partenaires.
LE CONTROLE DE GESTION : 146

Conclusion générale
UNE EVOLUTION PROBABLE DU CONTROLE DE GESTION ASSERVI A LA
FINANCE
Les multiples scandales financiers suivis d’une crise financière sans précédent ont
fini par ébranler le socle de l’efficience des marchés et des paradigmes de la
micro-économie financière. La toute puissance du dogme exclusif de la
maximisation de la valeur actionnariale débouche finalement sur un échec relatif.
Contrairement aux attentes, les incitations financières indexées sur le cours de
l’action n’ont pas réduit les asymétries informationnelles et les comportements
opportunistes. Elles semblent, au contraire, les avoir aggravés en produisant des
effets pervers liés à la difficulté de mise en œuvre des indicateurs et à leur
caractère hautement manipulatoire. De nombreux travaux empiriques convergent
pour montrer que statistiquement et sur une période suffisamment longue, les cas
de réussite des stratégies de création de valeur sont beaucoup plus faibles que les
cas d’échec. Ainsi, l’étude de Bain and company, dans son survey de 2005, a
montré que moins de 10% seulement des 8400 grandes sociétés du G7 ont
couvert le coût du capital et créé de la valeur sur une période de 10 ans. Sur le cas
français, partant des 450 plus grandes, 28 seulement sont créatrices nettes de
valeur pour leurs actionnaires.201 Surtout, il semble que ce soit sur le fond, même
que le management par la valeur financière soit limité. Ce mode de management
serait limité par sa relative inefficacité face aux nouvelles formes d’organisations
basées sur les réseaux, la connaissance, l’information ou l’innovation. Ces
nouvelles structures impliquent des configurations et des rapports de pouvoir
beaucoup plus complexes. La problématique n’est pas « seulement » l’incitation
financière, il faut aussi assurer la coopération, l’adhésion, la fidélisation des
compétences rares. Dans ces entreprises en réseau où le capital humain joue un
rôle fondamental, la création de valeur ne se décrète pas, elle ne peut pas, non
plus, faire l’objet d’une appropriation exclusive dès que certains acteurs
développent des compétences spécifiques telles que des savoirs ou des pratiques
très particulières et non duplicables de façon simple. Un autre mode de
management paraît, alors, nécessaire.
UN DEVELOPPEMENT NECESSAIRE D’UN MODELE DE CONTROLE DE
GESTION INTEGRE COMPLEMENTAIRE AU CONTROLE DE GESTION
ASSERVI A LA FINANCE.
On a vu que le contrôle de gestion intégré complémentaire au contrôle de gestion
à logique financière présente l’avantage de rappeler la contrainte, difficilement
contournable, de la « gestion par la valeur » tout en offrant des perspectives
stratégiques et managériales plus larges : prise en compte des ressources et des
compétences distinctives, gestion à base de connaissance, développement de

201 http://www.bain.fr/bainweb/LocalOffices/our_work.asp?office_id=125&language=3&menu_id=126
LE CONTROLE DE GESTION : 147

l’innovation et du capital immatériel, recherche des sources de la création de


valeur, mise en place de relations durables avec les partenaires ... Ce modèle
permet une synthèse de la valeur stratégique et de la valeur financière en
cherchant à intégrer la valeur perçue par le marché et la valeur construite par
l’ensemble des acteurs. L’approche fondée sur les ressources complète, alors, les
approches orientées sur les positions de marché.
« L’entreprise - portefeuille d’activités » est complétée par une conception plus
enracinée, articulée autour des compétences collectives astucieusement combinées
et cachées du regard des autres (core competencies). Sur le plan conceptuel, cette
approche permet de revoir le cadre étroit de la théorie financière (théorie de
l’agence et gouvernance actionnariale). Le modèle de contrôle intégré est, en
effet, compatible avec des supports théoriques pluriels (théorie de l’agence
généralisée, théorie des équipes, resource based view, knowledge based view,
gouvernance partenariale et cognitive, théorie de la légitimité …).
La souplesse de ce cadre théorique est un début de réponse au problème de la
performance globale. Celle-ci résulte d’une alchimie de facteurs complexes:
création individuelle, travail en équipe, savoirs spécifiques, apprentissage,
connaissance … Il est pratiquement impossible d’isoler la performance
individuelle et donc de calculer et de répartir la rente en fonction de la
productivité marginale des facteurs … Il est aussi illusoire de trouver un
mécanisme d’incitation optimal (au sens de la théorie des contrats complets) mais
il faudrait permettre aux acteurs de développer des actifs spécifiques
(compétences) sans être soumis aux risques de hold-up de la part des autres
partenaires. Le modèle de contrôle de gestion intégré cherche à prendre en compte
cet ensemble de paramètres dans la durée à partir d’une approche reliant
processus, ressources et compétences. Le processus est conçu comme une
combinaison coopérative d'activités élémentaires qui mobilise des ressources et
des compétences. Parmi les multiples processus observables, certains sont
stratégiques et doivent être agencés selon une logique de création de valeur. Les
outils tels que le balanced scorecard, l’arbre du capital intellectuel, le
workonomics Index du BCG, le Navigator de Skandia illustrent bien cette
démarche.

UN ESSOR SOUHAITABLE DU CONTROLE DE GESTION INTEGRE CONÇU


COMME UN MODELE ALTERNATIF AU CONTROLE DE GESTION ASSERVI
A LA FINANCE.
Conçu comme un mode alternatif à la logique strictement financière, ce modèle de
contrôle de gestion intégré fait référence à la théorie de l’entité. L’entreprise y est
conçue comme une entité autonome distincte de ses propriétaires et encastrée dans
un réseau élargi de parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs, Etat et
collectivités, société civile ...). Ce mode de contrôle est, par nature, plus ouvert
aux nouvelles préoccupations liées aux aspects sociétaux du management: prise en
compte du développement durable et de l’ensemble des relations partenariales,
développement d’outils spécifiques tels que le « stakeholder’s report » ou les
LE CONTROLE DE GESTION : 148

mesures d’impact environnemental, gestion spécifique du capital humain … Cette


approche alternative remet en cause de façon explicite la pertinence du dogme de
la « Shareholder Value » et propose, d’emblée, des concepts alternatifs autour de
la « Stakeholder Value ». On peut penser qu’avec les remises en cause des excès
de la financiarisation, cette approche présente des pistes intéressantes à condition
qu’elle ne soit pas simplement conçue comme une technique de communication
visant à dédouaner l’entreprise vis-à-vis des autres parties prenantes.

POUR UN DEVELOPPEMENT DU CONCEPT DE « STAKE-OPTIONS »


La crise financière a mis en évidence les effets pervers d'un management fondé
uniquement sur la valeur financière à court terme et la généralisation de situations
de conflits d'intérêts entre les dirigeants, les auditeurs, les banques et les analystes
financiers. Elle a aussi montré les limites des mécanismes financiers du
gouvernement d'entreprise. Sur le plan économique, les mécanismes d’incitation
basés uniquement sur la valeur financière (stocks-options basées sur la création de
valeur) ont fait apparaître des effets pervers en poussant à la manipulation de
l’information ou à la créativité comptable. La limitation de ces incitations
financières ne doit pas faire oublier qu’un système d’incitation – motivation reste
indispensable. Nous pensons, ici, qu’un système de « stake-options » pourrait
compléter ou remplacer le système actuel des stocks-options. Un modèle de
contrôle de gestion intégré est, en effet, compatible avec la mise de plans de
« stake-options ».202 Ces plans pourraient être conçus sur une période pluri-
annuelle (5 ans par exemple) et sur la base d’un « scorecard » prenant en compte :
la pérennité de l’organisation, la valeur des ressources humaines, l’efficience
économique et la légitimité de l’organisation auprès des groupes externes. Sur le
plan social, on peut penser que des modèles d’incitation plus partenariaux
pourraient avoir des effets bénéfiques notamment en suscitant l’adhésion des
cadres et salariés qui ont des compétences ou des connaissances qui constituent de
véritables actifs stratégiques qu’il s’agit de pérenniser pour accroître le capital
intellectuel ou immatériel de l’organisation. Sur le plan sociétal, enfin, la capacité
de prise en compte des aspects liés à l’environnement et à l’éthique fait partie du
capital de notoriété de la firme et constitue, à la fois, un facteur de création de
valeur et de développement durable. Il s’agit là d’une piste à explorer et l’on peut
formuler le vœu que de nouvelles recherches viennent, rapidement, conforter ou
infirmer cette hypothèse de travail.

202 HOARAU C. et TELLER R., Création de valeur et management de l’entreprise, op. cité, pages 199 et sq.
LE CONTROLE DE GESTION : 149

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LE CONTROLE DE GESTION : 155

Table des matières


LE CONTROLE DE GESTION : 1
Pour un pilotage intégrant stratégie, cognition et finance 1
Sophie MIGNON 1
Robert TELLER 1
Introduction 2
CHAPITRE 1 – LE CONTROLE DE GESTION : CONCEPTS ET
TERRITOIRES 6
SECTION 1 : Quelques principes généraux du contrôle de gestion 7
1- Le contrôle de gestion a un rôle d’interface entre la planification
stratégique et opérationnelle: 7
2- Le contrôle de gestion est basé sur une vision élargie du contrôle: 8
3- Le contrôle de gestion a pour objet la réduction de l’incertitude: 9
4- Le contrôle de gestion contribue à l’élaboration du système d’information
de gestion et a l’ingenierie des structures 10
5- Le contrôle de gestion est une aide au pilotage opérationnel et à la
déclinaison des objectifs dans le cadre de la planification stratégique: 11
6- Le contrôle de gestion contribue à opérationaliser et à modéliser les
processus de création de valeur: 12
SECTION 2 Evolution du contrôle de gestion: territoires et problématiques 13
1- Le territoire du contrôle de gestion 14
2- Les limites des systèmes actuels de contrôle de gestion: 16
3- Les problemes liés à la modélisation du processus de création de valeur: 18
4- la question de la contingence des systemes de contrôle de gestion 20
5- Contrôle, crise ou rupture 23
6 Nouvelles formes organisationnelles et contrôle de gestion 26
7 La question du modèle d’organisation implicite du contrôle de gestion 29
CHAPITRE 2 : LE CONTROLE DE GESTION STRATEGIQUE 33
SECTION 1: Les fondements du contrôle de gestion stratégique 33
1- Le paradigme stratégique classique et L’approche par les ressources,
connaissances et capacites dynamiques. 33
2- Les nouvelles approches de la comptabilité de gestion 42
3- Les trois versions du contrôle de gestion stratégique 45
4- Paradigme de la connaissance et contrôle de gestion 48
SECTION 2: L’approche externe du contrôle de gestion stratégique ou le
contrôle de gestion fondé sur l’avantage concurrentiel. 50
1 L’analyse stratégique des coûts 50
2 Les facteurs déterminants des coûts 54
SECTION 3 : contrôle de gestion stratégique et élaboration du tableau de bord
concurrentiel 55
1- Le programme « Profit Impact of Market Strategies » (PIMS) 55
LE CONTROLE DE GESTION : 156

2- La méthode CORE de MOON et BATES: évaluation de la performance


stratégique des concurrents 58
3- Un exemple de tableau de bord concurrentiel construit à partir des rapports
annuels des entreprises: 59
4- contrôle de gestion et analyse du client : 60
5- Target costing et coût objectif 61
CHAPITRE 3 : LE CONTROLE DE GESTION ASSERVI A LA FINANCE 65
SECTION 1 Le glissement du contrôle opérationnel à logique stratégico -
fonctionnelle vers un contrôle de gestion à logique purement financière 66
1- Le concept de contrôle opérationnel à logique stratégico-fonctionnelle 66
2- le glissement vers un contrôle operationnel a logique purement financiere
70
SECTION 2 L’émergence du contrôle de gestion asservi à la finance : la
discipline de la valeur 75
1- L’émergence du concept de contrôle de gestion asservi et son fondement
théorique: 76
2- La discipline de la valeur (Value Based Management) 80
3- Le concept central de Valeur ajoutée économique 82
4- La logique de financiarisation : prédominance des modeles financiers
d’evaluation strategique 86
5- Un exemple de modélisation de la valeur actionnariale: 87
SECTION 3 Les limites du contrôle de gestion asservi à la finance 90
1- Les limites tenant aux fondements théoriques des modèles financiers
d’évaluation stratégique: 91
2- les difficultés de mise en œuvre du contrôle de gestion asservi à la finance
93
CHAPITRE 4:LE CONTROLE DE GESTION INTEGRE 99
Section 1 Périmètre et Cadre théorique du Contrôle de gestion Intégré 100
1- Concept et périmètre du contrôle de gestion intégré 100
2- Approche par les ressources et reconnaissance explicite du lien processus -
compétences 101
3- Modèle des stakeholders et concept de valeur partenariale 105
SECTION 2 : Le développement de la base de processus comme vecteur
d’intégration 109
1- Le cadre général de la méthode 110
2- L’entreprise vue comme un portefeuille de processus 115
3- L’utilisation de la base de processus pour gérer la performance 117
SECTION 3: Base de processus et reconnaissance des compétences
fondamentales 122
1- Le probleme des mécanismes d’Incitations 123
2- L’approche par les processus comme mode de coordination et
d’apprentissage 124
3- Knowledge management et creation de valeur 128
LE CONTROLE DE GESTION : 157

4- Le tableau de bord prospectif : un exemple d’application du contrôle de


gestion intégré 138
5- Les nouvelles missions du controleur de gestion 142
Conclusion générale 146
Une évolution probable du contrôle de gestion asservi à la finance 146
Un développement nécessaire d’un modèle de contrôle de gestion intégré
complémentaire au contrôle de gestion asservi à la finance. 146
Un essor souhaitable du contrôle de gestion intégré conçu comme un modèle
alternatif au contrôle de gestion asservi à la finance. 147
Pour un développement du concept de « Stake-options » 148
Eléments de bibliographie 149
Table des matières 155

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