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Dalā’il al-Khayrāt [Guide des bonnes actions] d’al-Faquih al-Jazouli de la

psalmodie à la réception du texte mystique

Dalā’il al-Khayrāt [Guide to Good Deeds] by al-Faquih al-Jazouli from


psalmody to reception of the mystical text

Dr. El Mostafa Chadli


Ex. Professeur de l’Université Mohammed V de Rabat
Professeur vacataire à l’ISIC de Rabat
Directeur de la revue scientifique Sēmēion Med.

E.g. Professor of Mohammed V University in Rabat, PhD


Temporary Professor at the ISIC in Rabat
Director of the scientific journal Sēmēion Med.

chadli_elmostafa@yahoo.fr

Abstract
La question de la réception de l’œuvre de Dalā’il al-Khayrāt [Guide des bonnes actions] d’al-
Faquih al-Jazouli se pose pour un lecteur ou un audient d’aujourd’hui et ce, pour deux raisons
au moins : la première est sa pérennité comme pratique mystique. Le texte est toujours en
vigueur, non seulement dans les zaouïas ou confréries de la Jāzoulya ou de ses consœurs
Chādiliya et Tijāniya, mais dans les autres ordres confrériques où il est psalmodié dans les
mausolées, mosquées et sanctuaires de piété lors des fêtes religieuses, surtout durant les mois
sacrés de Rajab, de Chaabane et de Ramadan.
La seconde raison est son statut de patrimoine spirituel majeur dans l’ensemble des milieux
soufis à travers le Royaume marocain et le Maghreb.
Mots-clés : Dalā’il al-Khayrāt, al-Jazouli, psaumes/louanges, Prophète Mūhammad, réception
textuelle.

Abstract
The question of the reception of the work of Dalā’il al-Khayrāt [Guide to Good Deeds] by al-
Faquih al-Jazouli arises for a reader or a listener of today for at least two reasons : the first is
its durability as a mystical practice.
The text is still in force, not only in the zaouïas or brotherhoods of the Jāzoulya or his sisters
Chādiliya and Tijāniya, but in the other brother hood orders where it is chanted in the
mausoleums, mosques and sanctuaries of piety during religious festivals, especially during the
holy months of Rajab, Chaabane and Ramadan.
The second reason is its status as a major spiritual heritage in all Sufi circles throughout the
Moroccan Kingdom and the Maghreb.
Keywords : Dalā’il al-Khayrāt, al-Jazouli, Psalms/Praises, Prophet Mūhammad, Text
reception.

3
Texte intégral
Nous sommes en présence d’un livre bien connu de l'héritage mystique marocain, écrit
par Mūhammad ben Souleiman al-Jazouli, dans lequel il a condensé des psaumes et des
louanges relatifs à la prière sur le Messager de l'Islam Mūhammad [Bénédictions et Paix soient
sur lui].
Mon intérêt pour ce livre remonte à mes premières recherches universitaires sur le conte
populaire et puis mes travaux sur le conte merveilleux marocain1 où je rencontrais souvent,
dans nombre de récits, le motif du héros en quête muni, entre autres dispositifs essentiels de
voyage (cheval, arme, pécule, provisions de route, …), du livret de Dalā’il al-Khayrāt que je
présumais être un texte arabe de préceptes de bonne conduite. Je n’eus le plaisir de voir le
recueil entre les mains et de le feuilleter qu’en 2003, lors du lancement officiel de la nouvelle
mouture du livre par le Ministère des Habous et des Affaires islamiques2. Par la suite, j’ai fini
par acquérir une réédition classique en papier et une autre en format numérique.
Dalā’il al-Khayrāt est un Kitāb (ouvrage) de Salawāt [bénédictions] sur le bien-aimé
Prophète. Il est considéré comme l’œuvre la plus célébrée et la plus populaire parmi les œuvres
de prières et d’invocations de par le monde musulman. Etat de choses qui a fait de cette
composition singulière le centre de l'attention de nombreux érudits, anciens et modernes, et en
particulier parmi les soufis. Le recueil a attiré l'attention tout à la fois des élites dirigeantes
musulmanes, des savants et des chercheurs universitaires, qui ont déployé de grands efforts
pour le transcrire, le copier et le distribuer entre les pays et les régions du Maghreb,
d’Andalousie, d’Afrique du Nord et du Sahel ouest-africain avec l’appui bienveillant des
sultans marocains.

Dalā’il al-Khayrāt, éléments textuels d’approche


Ce livre a été divisé en huit sections, selon le nombre de jours de la semaine (sept + 1),
et pour chaque jour, il est édicté une forme de prière sur le Prophète. Quant à l’introduction de
ce livre, al-Jazouli a confectionné une supplication avec les noms et attributs divins d’Allah et
en mentionnant aussi les divers noms du Messager de l'Islam Mūhammad ibn ‘Abd Allāh ibn
‘Abd al-Muttalib ibn Hāshim al-Qoraychi.
La structure de l’œuvre est la suivante :
- Jour 1 Invocation d’ouverture

1
El Mostafa Chadli (2000), Le conte merveilleux marocain. Sémiotique du texte ethnographique.
2
Réimpression luxueuse de l’ouvrage, avec coffret en bois. Imprimé par ADEVA, à Graz, en Autriche.

4
Evocation des Noms d’Allah
Evocation des Noms du Prophète
Invocation d’Intention
Partie 1
- Jours Invocation d’Intention
2-7 Evocation d’Allah et de son Prophète
Parties 2, 3 et suivantes
- Jour 8 Evocation d’Allah et de son Prophète
Partie 8
Invocation ultime.

Ce manuscrit transcrit a été imprimé en de nombreuses et successives éditions, puis


mémorisé par cœur dans les confréries et ordres religieux, du Maghreb et d’Orient, jusqu'à
devenir un patrimoine oral en vertu de la transmission verbale et des caractéristiques de cette
oralité prosodique inhérente qui est devenue sienne et qui a été célébrée et chantée, lors des
séances du Dikhr3, dans les diverses régions et localités du Grand Maghreb, de l’Afrique du
Nord et du Sahel ouest-africain et même au-delà de ce cercle géographique et culturel.
Ces séances se pratiquent quasiment de la même manière dans les zaouïas et mausolées
des différents tariqa de la chādiliya et de la jāzoulya à travers tous les pays du Maghreb :
ouverture par la lecture du Coran, récitation des psaumes du Kitab des Dalā’il al-Khayrāt et
clôture par des extraits de chants soufis. À Marrakech, par exemple, selon le Moqqadem du
sanctuaire, les disciples de la jāzoulya se réunissent quotidiennement dans le mausolée dédié à
la mémoire du Faquih al-Jazouli, considéré à raison comme le principal revigorateur au XVème
siècle de la chādiliya au Maghreb, ou dans les autres lieux de sépulture du lieudit des ‘’Sept
Hommes’’, dont certains ont été les disciples directs d’al-Jazouli, pour réciter collectivement,
après une lecture préliminaire de versets coraniques, le recueil des Dalā’il al-Khayrāt.
Aussi, la question de la réception de l’œuvre de Dalā’il al-Khayrāt [Guide des bonnes
actions] d’al-Faquih al-Jazouli se pose-t-elle pour un lecteur ou un audient d’aujourd’hui et ce,
pour deux raisons au moins : la première est sa pérennité comme pratique mystique. Le texte
est toujours en vigueur, non seulement dans les zaouïas ou confréries de la jāzoulya ou de ses
consœurs chādiliya et tijāniya, mais aussi dans les autres ordres confrériques où il est psalmodié

3
Dhikr signifie « évocation », « rappel de Dieu », « répétition rythmée des Noms d’Allah » ou encore « séances
de psalmodie rituelle ».

5
dans les mausolées, mosquées et sanctuaires de piété lors des fêtes religieuses, surtout durant
les mois sacrés de Rajab, de Chaabane et de Ramadan. La seconde raison est son statut de
patrimoine spirituel majeur dans l’ensemble des milieux soufis à travers le Royaume marocain
et le Maghreb.
La réception du texte patrimonial de Dalā’il al-Khayrāt nous impose de tenir compte de
son contexte de production, qui nous est parvenu parcimonieusement par des écrits épars et par
la tradition orale, et de la réception du recueil par les savants et érudits depuis le XVI ème siècle.
Il est indéniable que l’ouvrage et son aura ont dérangé les institutions religieuses en place. En
effet, la position exprimée par maints imams et juristes traditionnalistes4 était défavorable au
texte des bénédictions, car ils considéraient les hadiths présentés par l’Imam al-Jazouli comme
faibles, voire faux, et les formules dans la prière sur le Prophète [Que la Bénédiction et la Paix
soient sur lui], entachées d'exagération excessive et peut-être de polythéisme. Ceci étant,
l’œuvre a eu un tel retentissement dans le monde arabo-musulman qui n’a jamais été démenti
depuis. Au Maroc et au Maghreb en général, il est admis que l’enracinement de l’Islam et sa
perpétuation dans les villes et les campagnes est dû en grande partie à la circulation du Livre
des Bienfaits ou des bonnes actions, d’autant plus que sa récitation est agréable à l’oreille et
qu’elle imprègne profondément l’audient, c’est-à-dire le récepteur du texte psalmodié ou
chanté.

L’auteur de Dala’il al Khayrat


Mūhammad ben Souleimane al-Jazouli est considéré comme un wali [saint homme], né
et décédé au IXème siècle de l’Hégire musulman, mort vraisemblablement située en 1465, dans
la région d’Essaouira où il fut enterré dans le village d’Afoughal. En l’an 1523 ou 1524, le corps
fut transféré à Marrakech, par les Saâdiens, et déposé dans un complexe religieux, comprenant
un mausolée et une mosquée, lesquels vont constituer par la suite la zaouïa de Sidi ben Slimane
al-Jazouli. Durant sa jeunesse, il a été élevé et parrainé par des familles amazighes, bien qu’il
fût issu d’une famille arabe chérifienne. Il a étudié le Coran et les disciplines islamiques
traditionnelles dans le Souss et à Marrakech, avant d’aller suivre des chaires du Fiqh à Fès, au
sein de l’université al-Quaraouiyine, auprès de savants et d’érudits comme Cheikh Ahmad
Zarrouq ou Cheikh Mūhammad ibn ‘Abdullah Amghar qui allait devenir son guide dans la
Tariqa [voie] soufie qu’il a choisie.

4
On peut citer, au niveau des oulémas hostiles, les positions du mauritanien Mohammed Lakhdar Chinguetti
(1868-1935), du saoudien Abdellah Ben Mohammed Ben Ahmed Douwiych (1954-1989) et du marocain
Mohammed Abderrahmane al-Maghraoui (né en 1948).

6
Aussi son chemin spirituel, de par son enseignement et la popularité de son recueil de
bénédictions sur le Prophète, ont-ils attiré autour de lui des milliers de disciples qui allaient
parcourir le pays, répandre son enseignement et insuffler une influence énorme sur la société
marocaine et maghrébine.

La légende de l’origine de Dalā’il al-Khayrāt


La légende populaire, non attestée par ailleurs, rapporte le fait suivant : parvenu dans
une contrée qu’il ne connaissait pas, l’Imam al-Jazouli s’en est allé chercher de l’eau pour faire
ses ablutions. S’approchant d’un puits des alentours, il ne trouva nul instrument pour ramener
en surface l’eau du puits. Dépité, il regarda autour de lui ou s’assied au bord du puits (dans une
autre version orale) et voilà que surgit une jeune fille qui lui cria dessus : « Ô toi l’alem
comment tu peux être loué partout où tu passes et que tu n’arrives pas à extraire l’eau du
puits ? ».
Sans attendre sa réponse, elle cracha dans le puits et l’eau jaillit aussitôt débordant sur
les côtés et arrosant la terre sèche. L’Imam lui dit : « dis-moi jeune fille, comment tu as pu
atteindre ce niveau-là ? ». Elle répondit que c’est grâce aux louanges et aux bénédictions sur
Celui que Dieu a béni et élu comme Messager [Qu’Allah le bénisse et lui apporte la paix].
C’est la raison pour laquelle l’Imam al-Jazouli, rapporte la tradition orale, a décidé de
composer le livre des Bénédictions sur le Prophète, connu sous le nom de Dalā’il al-Khayrāt
ou « Guide des bonnes actions ». La question, dès lors, est de savoir dans quelle mesure les
psaumes peuvent être considérées comme des prières surérogatoires et apporter le bonheur à
ceux et à celles qui les pratiquent.

Les prières surérogatoires


Il est attesté dans la pratique soufie, au-delà des obédiences d’ordre spirituel ou de
confrérie, de considérer les prières préconisées par le Dalā’il al-Khayrāt comme faisant partie
intégrante des prières surérogatoires, car elles sont fort utiles pour le croyant et elles peuvent
être multipliées, à bon escient, et participer ainsi à la purification des âmes et à leur grandeur.
Cela montre que les prières surérogatoires comptent parmi les actes sincères d’humilité et
d’obéissance et qu’elles sont un moyen efficient de parvenir aux plus hauts degrés d’élévation
de l’âme du croyant.
Il est à rappeler que la prière surérogatoire est de quatre types :
▪ Celle qui n’est liée à aucun motif, ni à un temps déterminé, ni à un acte obligatoire.

7
▪ Celle, par contre, qui est liée à un temps précis comme les prières du Witr et d’ad-
Dohā.
▪ Celle qui est liée, au demeurant, à un acte obligatoire, comme celles qui
accompagnent les cinq prières obligatoires (ar-Rawātib).
▪ Celle qui est liée à un motif particulier comme la prière de salutation à la mosquée
ou après l’accomplissement des ablutions.
Il est avéré, dans les milieux soufis, que les prières surérogatoires génèrent de nombreux
bienfaits parce qu’elles complètent les prières obligatoires tout en aidant à leur bon
accomplissement. Elles favorisent le désir et le besoin spirituel de se rapprocher d’Allah et de
prétendre faire partie de la communauté des al-Muqarrabîn [Gens proches d’Allah], à l’opposé
de la majorité des croyants [Gens de Droite] qui se contente d’accomplir les prescriptions et
d’éviter les interdits.

Bienfaits de la récitation du Dalā’il al-Khayrāt


Ces bienfaits et bénéfices pour la communauté des croyants sont nombreux et
bienfaisants. On peut les regrouper, selon les exégètes musulmans, dans ce qui suit :
▪ Obéissance à Allah
Obéir à Dieu selon le précepte coranique contenu dans la sourate d’al-Aḥzāb.
▪ Gratification d’Allah
Quiconque prie sur le Prophète une fois, Allah le gratifie dix fois.
▪ Fin des soucis et inquiétudes du croyant
Le Prophète [saw] a dit : « Celui qui est troublé par un problème devrait prier davantage
sur moi, cela enlèvera ses inquiétudes, ses chagrins et ses soucis, augmentera sa provision et
tous ses besoins seront satisfaits. »
▪ Requêtes à Dieu mieux reçues
Les demandes et requêtes adressées à Dieu, en toute sincérité, sont susceptibles d’être
mieux agréées.
▪ Pardon des péchés
Allah dans toute sa générosité peut absoudre les fautes commises et les péchés du
croyant.
▪ Obtention des bienfaits du paradis
Le Prophète a dit : « Celui qui occulte délibérément de prier sur moi a manqué le chemin
du Paradis, la route du Paradis est barrée au négligeant alors qu'elle est ouverte à celui qui prie
sur moi. »

8
"Et il a ajouté : « Plus vous priez sur moi, plus vous obtiendrez de bienfaits au Paradis ».

Les bienfaits pathémiques de la Salāt


Il est certain que si la parole est libératrice pour toute personne atteinte d’anxiété, de
peur ou d’angoisse, suite aux aléas et infortunes de la vie, la prière l’est encore plus, car on
s’adresse au Dieu tout-puissant. Allāh est l’Omniscient et l’Omnipotent, Celui qui connaît
parfaitement Sa création et Ses serviteurs. Les tourmentés et les affligés qui placent en Lui, en
toute connaissance de cause, leur confiance et espérance, y trouvent assurément un refuge
indéfectible et un appui incalculable. Aussi, la Salāt devient-elle une rencontre privilégiée entre
le Créateur et la créature, un dialogue profond entre le Protecteur et le protégé. En effet, le
sentiment de pouvoir s’en remettre totalement au Tout-puissant, dont la puissance est illimitée,
à Celui qui délivre de tout mal, à Celui par qui tout bien arrive, octroie à celui qui prie Allāh la
force et la sérénité psychique, dont il a besoin, lesquelles vont se répercuter, indéniablement,
sur sa santé physique et mentale, ainsi que sur son labeur et activité quotidiennes.
Dans le même ordre d’idées, Alexis Karel, Prix Nobel de médecine (1912) témoigne de
l’apport bénéfique de la prière sur la santé par ces mots :
L’histoire des saints, même modernes, relate beaucoup de faits merveilleux. Il n’est pas douteux
que la plupart des miracles attribués, par exemple, au curé d’Ars, soient véridiques. Cet ensemble
de phénomènes nous introduit dans un monde nouveau, dont l’exploration n’est pas commencée
et sera fertile en surprises. Ce que nous savons déjà de façon sûre, c’est que la prière produit des
effets tangibles5.

Dans le même sens, les travaux de Herbert Benson (1975)6, chercheur au HMS de
l’Université d’Harvard, ont mis en évidence le fait que la répétition de la prière, des versets du
Coran ou des invocations, procure une relaxation qui a pour effets immédiats de faire baisser la
pression sanguine et la consommation d’oxygène. Cet état d’apaisement fait ralentir les rythmes
cardiaque et respiratoire.

5
Auteur de l’ouvrage L’Humain, cet inconnu (1935). Citation prise de l’Url :
https://www.dicocitations.com/auteur/850/Alexis_Carrel.php [Consulté le 12/02/202].
6
Médecin et professeur au Harvard Medical School a mis en place un dispositif de relaxation appelé The
Relaxation Response et qui s’articule sur 4 éléments-clés : environnement calme, un objet sur lequel s’attarder,
une attitude passive et une position confortable.

9
Dalā’il al-Khayrāt une énonciation polyphonique
De prime abord, il est frappant de souligner, au niveau des traductions françaises de
l’intitulé du recueil, les nombreuses dénominations sémantiques dudit syntagme nominal. En
voici les occurrences relevées :
- Guide des bienfaits
- Guide des bonnes actions
- Guidance des bonnes actions
- Preuves des bonnes actions
- Signes des bienfaits
- Chemins ou moyens d’être guidé vers le bien
- Marques de chemin des bienfaits (ou avantages)
- Les indices des grâces prophétiques
- Les voies du bonheur et le rayonnement des lumières à travers la prière sur le
Prophète [Traduction complète du titre premier].

Il est évident que ces fluctuations de sens, observées dans la traduction, manifestent des
postures interprétatives. En effet, le terme Dala’il est le pluriel de Dalil qu’on peut traduire
dénotativement par ‘’signe’’, ‘’trace’’, ‘’indice’’, ‘’marque’’ ou ‘’preuve’’, selon le contexte
discursif. Sur le plan connotatif, effectivement, il est recevable d’accepter les termes
correspondants, tels que ‘’chemin’’, ‘’voie’’, ‘’guide’’ ou ‘’guidance’’.
En second lieu, le titre originel, en langue arabe classique, inscrit bien la dimension
énonciative du recueil de prières et de psaumes sur le Prophète Mūhammad [saw] avec le
croisement significatif de deux paradigmes : al-Khayrat et al-Anouār, lesquels sont guidés et
maintenus par Dala’il (Guide ou Guidance) et Macha’riq pour atteindre les bonnes grâces d’un
côté et le rayonnement de l’autre. Et c’est dans le creux de cette double tension, celle de la voie
spirituelle, faite d’humilité, d’abstinence, de charité et celle de l’élévation mystique que se
forgent le corps et l’âme du croyant en quête d’absolu divin.
À ce propos, Jaafar Kansoussi (1994 : 60) commente la démarche de l’Imam par ces
termes :
Lorsque Jazûlî consacra la salât 'alâ an-Nabî, la Prière pour le Prophète comme élément
privilégié de ses dhikrs, il a pu ainsi réactualiser et trancher une question centrale de la
doctrine : le modèle prophétique (al-‘ourwa al-ḥassana). Car le Prophète (Mūhammad) est
le paradigme de toute perfection.

10
Ainsi, sur le plan énonciatif, deux plans superposés se dégagent et tendent à se confondre
pour ceux et celles qui tendent vers cette voie de l’acquisition des bonnes œuvres :

▪ Plan dénotatif : Prière sur le Prophète Voies du Bonheur


▪ Plan connotatif : Voies du Bonheur Rayonnement des lumières

Dala’il al Khayrat, dans sa simplicité de composition, est construit sur une figure
rhétorique, celle de l’enthymème, composé de prémisses et qui conduit à une conclusion. La
prémisse majeure, qui est en fait un axiome général, de rang supérieur, se déroule ainsi :
‫عله ْي َِّهَّ هو ه‬
ْ ‫سلِمواَّت ه‬
[‫سلِي ًما‬ ‫صلُّواَّ ه‬ َّ‫ي َِّيهاأهيُّههاَّالذ ه‬
‫ِينَّآ همنوا َّ ه‬ َّ ِ‫علهىَّالنب‬ َّ‫صلُّ ه‬
‫ونَّ ه‬ ‫نَّّللاهََّّ هو هم هَلئِ هكتههََّّي ه‬
َّ ِ‫]إ‬
« Certes, Allah et Ses Anges prient sur le Prophète ; ô vous qui croyez priez sur lui et
adressez [lui] vos salutations. » Sourate al-Aḥzāb, verset 56.
D’autre prémisses mineures peuvent être générées, à partir de celle-ci que résume si
bien J. Kansoussi (1994 : ibid.) : « C’est dans le Prophète que se trouve le modèle, la source et
la fin de toute walāya7. »
Projeté sur le carré sémiotique greimassien8, cela donnerait la configuration sémantique
suivante :

Guide Lumière

Voie
Schéma 1

Le parcours initiatique du croyant est ainsi schématisé dans un triangle qui débute par
la guidance spirituelle laquelle mène vers les bonnes actions et donc vers la voie de la piété et
du renoncement aux biens terrestres pour pouvoir s’élever, par la suite, vers le spirituel et la
lumière divine.

7
Walāya ou Wilāya du Faquih, terme du droit musulman qui désigne l’autorité ou la tutelle du chef spirituel ou
d’une instance religieuse.
8
A.J. Greimas (1917-1992), linguiste et sémioticien français, d’origine lituanienne, est considéré comme le
fondateur et le chef de file de l’Ecole de sémiotique de Paris, dont la renommée est mondiale.

11
En d’autres termes, la récitation quotidienne des psaumes sur le Prophète génère
durablement des bienfaits et autant d’attributions au croyant qui vont se multiplier en
rétributions de mérite ou grâces divines. Leur distribution sur le carré sémiotique se déploierait
comme suit :

Attributions Rétributions

Récitation
Schéma 2
La récitation étant l’acte oratoire et prosodique [symbolisé par non-S1] qui médiatise le passage
du pôle des Attributions [S1] à celui des Rétributions [S2] par l’opération sous-jacente de
l’implication, telle que préconisée dans le fonctionnement du carré sémiotique. Cette récitation
présuppose un potentiel déclamatoire propre au chant mystique et une connaissance parfaite du
rituel des séances. Elle implique, tout autant, une tension suffisante du sujet performant pour
faire surgir l’émotionnel et faire partager le pathos à l’ensemble de l’auditoire. Le cheminement
tensif, avec ses dimensions interne et externe, pourrait, éventuellement, expliciter cette fusion
émotionnelle et spirituelle.

A ce propos, on peut relever le fait que le schéma tensif, introduit par C. Zilberberg (2006)9 est
un dispositif expérimental de la sémiotique dite post-greimassienne. Dans le schéma tensif, une
valeur donnée est constituée par la combinaison de deux « valences » (ou dimensions),
l’intensité (vocale et émotionnelle) et l’extensité (ou étendue). L’extensité est l’étendue à
laquelle s’applique l’intensité. En l’occurrence, celle-ci est observable dans le rituel de l’oraison
ou de la prière dans les sanctuaires et mausolées, en termes d’étendue spatiale, de temporalité,
de quantité nombrable et de variété de style. Quant à l’intensité, elle se module en vibrations
prosodiques et émotionnelles, irradiant ainsi l’ensemble de l’auditoire et amenant un état
euphorique exceptionnel d’adhésion collective, comme on pourrait l’observer encore, lors des
fêtes religieuses dans les mausolées réputés du Royaume chérifien, tels ceux du Cheikh el-

9
Éléments de grammaire tensive, publié par les Presses Universitaires de Limoges.

12
Kamel de Meknès, de Sidi Abdellah Ben Hassoun de Salé ou de celui de Sidi Larbi ben es-
Sayeh de Rabat.

Cette adhésion se distribue sur une échelle, allant d’un état diffus (au tout début de la récitation,
lorsque l’assistance suit passivement la séance de psalmodie) à un autre état, moins diffus, mais
néanmoins encore faible (des gens y participent en psalmodiant à voix basse) puis gagnant,
progressivement, des degrés plus élevés (la majorité s’y met et les voix se font plus fortes)
jusqu’à atteindre une symbiose quasi-parfaite entre récitants et audience.

On peut le schématiser de la sorte :


Intensité
- Elevé
- Moyen
- Faible
- Diffus
- Inaudible

Extensité
Schéma 3

Sur le plan sémio-sémantique, nous sommes en phase d’acquisition d’états psycho-affectifs,


empreints d’une réelle teinte spirituelle menant les récitants vers un état de sérénité interne qui
comble leurs attentes et leurs désirs d’élévation et de purification des corps et des âmes.

Tout bien considéré, le paradigme des bonnes actions et bienfaits rendus, des
attributions dues, des rétributions et grâces reçues ne peut que conduire vers le but suprême ou
al-Falaḥ [Salut], symbolisé par le rayonnement des lumières, seule voie praticable du bon
croyant.
Nous allons examiner, dès lors, le texte de l’Invocation de l’Intention du double point
de vue de sa structuration énonciative, impliquant déictique et modalisation et de son contrat
implicite de communication.

Texte de l’Invocation de l’Intention


« [Au nom d’Allah le Tout-Miséricordieux, le Très-Miséricordieux]
Allahumma, je nourris l’intention de prier sur le Prophète – que la prière d’Allah et son
salut soient sur lui -, obéissant à ton ordre, comme une confirmation véridique de Ton
Prophète Mūhammad – que la prière d’Allah et son salut soient sur lui -, par amour pour
lui et en magnifiant sa valeur et son existence, tant il en est digne. Accepte de moi cette

13
prière, par effet de Ta générosité et de Ta bonté. Ôte de mon cœur le voile de la distraction
et considère-moi comme un de Tes vertueux serviteurs !

Allahumma, accorde davantage de noblesse à celle que Tu lui as accordée, davantage


d’honneur à celui que Tu lui as donné et une lumière à celle à partir de laquelle Tu l’as créé
!

Élève son degré parmi les Envoyés et son rang parmi les rangs des Prophètes !

Je Te demande Ton agrément et le sien, Ô Seigneur des univers, accompagné de la santé


(‘âfiyah) perpétuelle et de mourir en étant fermement « accroché » au Coran, à la pratique
prophétique (Sunnah), au groupe rassemblé (al-jamâ’ah) et aux paroles du témoignage de
foi (chahâdah), selon leur vérité profonde, sans changement ni modification. Pardonne-moi
les pêchés que j’ai commis, par un effet de Ta Grâce, de Ta générosité absolue (jûd) et
particulière (karam), Ô le plus Miséricordieux des miséricordieux.

Que la prière d’Allah et son salut soient sur notre seigneur Mūhammad, Sceau des
prophètes et Imam des envoyés, sur sa famille et tous ses Compagnons. Que la paix soit
sur les Envoyés et louange à Allah, Seigneur des univers. »

Ce texte invocatoire constitue un prélude aux huit chapitres consacrés à la manière de


prier sur le Prophète, répartis sur tous les jours de la semaine (7 jours + 1). Il est composé de 4
paragraphes majeurs, inégalement développés et répartis. Il commence, comme le rituel
musulman l’exige, par la Basmala, formule inchoative liturgique par laquelle on entame la
lecture ou la récitation du Livre saint. Elle se décompose ainsi : « bi-smi-l-lāhi r-Raḥmāni r-
Raḥimi » signifiant : « Au nom de Dieu clément et miséricordieux »
Les deux premiers paragraphes sont entamés par la formule incantatoire « Allahumma »,
non traduite dans le texte et dont le syntagme nominal [vocatif + Nom] se décompose ainsi :
Allah + particule d’appel [ya] servant à invoquer la divinité, remplacée par la consonne
géminée [m] et pouvant être glosée par « Ô Allah [Dieu] … ».
Leur distribution est la suivante :
« Allahumma » + /je/, dans le premier paragraphe :
(1) « Je nourris l’intention de prier sur le Prophète … »
« Allahumma » + /tu/ elliptique, dans le second paragraphe :
(2) « … accorde davantage de noblesse à celle que Tu lui as accordée… ». Le pronom
personnel /lui/ désigne le Prophète.
(3) « … davantage d’honneur à celui que Tu lui as donné … »
(4) « … et une lumière à celle à partir de laquelle Tu l’as créé ! »
(5) « Élève son degré parmi les Envoyés et son rang parmi les rangs des Prophètes ! »
Dans ces énoncés, on constate l’énumération des bienfaits de la prière sur le Prophète
et qui sont autant de jalons importants sur la voie de la piété et de l’élévation de l’âme.

14
Dans les paragraphes 3 et 4, l’entame discursive est différente des précédentes :
(6) « Je Te demande Ton agrément et le sien, Ô Seigneur des univers… »
(7) « Pardonne-moi les pêchés que j’ai commis, par un effet de Ta Grâce, de Ta
générosité absolue (jûd) et particulière (karam) … »
(8) « Que la prière d’Allah et son salut soient sur notre seigneur Mūhammad … »
(9) « Que la paix soit sur les Envoyés et louange à Allah, Seigneur des univers »
Dans l’énoncé (6), la demande d’agrément est accompagnée du souhait de santé
perpétuelle (‘âfiyah), de bonne pratique prophétique (Sunnah), d’appartenance au groupe
rassemblé (al-jamâ’ah) et de témoignage de foi (chahâdah). Elle se termine par la sollicitation
du Pardon divin, telle qu’exprimée dans l’énoncé (7), au nom de la générosité et de la
munificence divines.
En complément à cette invocation, le dernier paragraphe, construit sur 2 énoncés (8) et
(9), constitue une sorte de prière de clôture, avec la prière sur le Prophète, sa Famille et ses
Compagnons et sur les Envoyés de Dieu.
Au niveau énonciatif, le texte de l’invocation est agencé, lexicalement et
prosodiquement10, par la structure de l’énonciation discursive Je/Tu/Il, telle que stipulée par E.
Benveniste (1970)11. Le /il/ étant l’actant absent de la communication. Il renvoie à l’instance
du Prophète. Structure qui génère, comme il se doit, un certain nombre de modalités et de
processus modaux.
Il est à relever que, de prime abord, l’objectif de l’invocation est posé et le contrat
souhaité est clairement établi entre le Destinateur (al-Jazouli) et le Destinataire (Dieu). Les
énoncés suivants le montrent parfaitement :
(10) « Je nourris l’intention de prier sur le Prophète … »
(11) « obéissant à ton ordre, comme une confirmation véridique de
Ton Prophète Mūhammad… »
(12) « Accepte de moi cette prière, par effet de Ta générosité et de Ta Bonté »
(13) « Ôte de mon cœur le voile de la distraction et considère-moi comme un de Tes
vertueux serviteurs !
La suite des énoncés n’est que l’expansion thématique et sémantique de ce vœu de piété
et de droiture asserté et revendiqué depuis l’intitulé du recueil de prières.

10
Je fais référence ici au texte psalmodié de Dalā’il al-Khayrāt. On peut l’écouter sur You Tube.
11
Texte intitulé « L’appareil formel de l’énonciation » in Langages, 1970/17, p. 12-18.

15
Quant aux modes et processus modaux, il est à signaler que le mode grammatical
dominant est l’indicatif, suivi du subjonctif, avec deux occurrences seulement (exemples (8) et
(9), en plus de la formule usuelle de prière sur le Prophète). Au niveau de l’énonciation de
phrase, nous avons relevé l’usage de l’injonctif, lequel exprime une doléance ou un souhait de
contrition, avec 6 occurrences : exemples (2), (5), (7), (12) et (13).
En ce qui concerne l’énonciation d’énoncé, nous pouvons relever les modalités
suivantes, de type aléthique, épistémique, déontique, appréciatif et intersubjectif :
▪ Modalité aléthique qui regroupe les vérités logiques et les fondamentaux de l’ordre
du vivant, du spirituel et de la nature ; en somme, tout ce qui relève du certain, du nécessaire et
du possible. En fait, tout le texte de l’Intention est traversé par cette modalité du certain et du
nécessaire : « nourrir l’intention de prier sur le Prophète … », « obéir à ton ordre … », « par
amour pour lui… », « magnifier sa valeur et son existence … », « leur [Communauté des
premiers croyants] vérité profonde … »
▪ Modalité épistémique qui est la marque de la connaissance du monde, en termes
de croyances et d’opinions, est bien présente dans notre extrait, surdéterminant souvent les
autres modalités de type aléthique, déontique ou axiologique. On peut donner comme exemples
toutes les doléances exprimées : « santé perpétuelle… », « mourir accroché au Coran… »,
« appartenir au groupe de la Tradition prophétique… », « Faire acte de foi avec la
Chahādah… ».
▪ Modalité déontique avec l’injonction, les verbes modaux, semi-modaux et tout ce
qui exprime l’obligation et la prescription ou l’interdiction : « obéissant à ton ordre… », « Ôte
de mon cœur le voile de la distraction… ».
▪ Modalité intersubjective avec la structure énonciative du Je/Tu qui cimente tout
le réseau conceptuel et prosodique de la prière-ci.
▪ Modalité axiologique est bien actualisée, depuis le titre du recueil jusqu’aux
prières journalières de la semaine, car elle relève de l’ordre du jugement et de l’appréciation et
elle est souvent rendue, voire confondue, par la modalité appréciative.
Dans ce contexte, on peut postuler, à l’instar de P. Charaudeau (2015 : 2)12, l’existence
d’un contrat de communication qui lie énonciateur (siège de l’argumentation et de l’ethos) et
énonciataires virtuels (visée du discours et du pathos, lequel se dessine par les affects et les
croyances communes). Ce contrat de communication, selon l’auteur, se décline ainsi :

12
Patrick Charaudeau, « Le contrat de communication dans la situation classe » in Inter-Actions, J.F. Halté,
Université de Metz, 1993, [consulté le 22 février 2022sur le site] de Patrick Charaudeau - Livres, articles,
publications. Url : http://www.patrick-charaudeau.com/Le-contrat-de-communication-dans.html

16
Le contrat de communication est ce qui structure une situation d’échange verbal en
conditions de réalisation des actes de langage qui s’y produisent pour que ceux-ci soient
reconnus valides, c’est-à-dire correspondent à une intentionnalité du sujet communiquant
et puissent être interprétés par le sujet recevant-interprétant.

Aussi, dans ce type d’argumentation, trouve-t-on, en filigrane, des arguments éthiques


(le bien l’emporte sur le mal), épistémiques (le vrai l’emporte sur le faux), aléthiques (la vie
spirituelle surpasse la vie terrestre), pragmatiques (la prière conduit vers le bien, et le bien
éloigne du mal), esthétiques (la récitation et la psalmodie réjouissent l’ouïe et apaisent les
cœurs).
D’ailleurs, tout le recueil de prières et d’oraisons incantatoires est sous-tendue par cette
prescription coranique :
‫عله ْي َِّهَّ هو ه‬
ْ ‫سلِمواَّت ه‬
[ ‫سلِي ًما‬ ‫صلُّواَّ ه‬ َّ‫ي َِّ هياأ ه ُّيههاَّالذ ه‬
‫ِينَّآ همنواَّ ه‬ َّ ‫علهىَّالن ِب‬ َّ‫صلُّ ه‬
‫ونَّ ه‬ ‫ّللاَّ هو هم هَلئِ هكتههََّّي ه‬
َّ‫نَّ ه‬
َّ ‫] ِإ‬
« Certes, Allah et Ses Anges prient sur le Prophète ; ô vous qui croyez priez sur lui et
adressez [lui] vos salutations. » Sourate al-Aḥzāb, Verset 56.
Ce précepte qu’on peut considérer comme un principe essentiel du rituel de la Salāt sur
le Prophète [saw] guide toute la pratique du croyant, son présent et aussi son devenir. Son
observance stricte et permanente, ouvre la voie à la rétribution divine.
De manière générale, on peut considérer que les séances rituelles de psalmodie
de psaumes ou de chants religieux, tels que le Samā’ [audition spirituelle] ou l’Inchād
de type andalou, relèvent d’un dispositif de scénarisation, selon H. Parret (1989)13,
philosophe du langage, qui permet au sens de se construire sur quelque chose qui serait
de l’ordre de :
la théâtralisation généralisée de la vie communautaire, le jeu quotidien des simulacres,
consciemment ou inconsciemment assumés, le partage des rôles, la métaphorisation et la
figuration de nos paroles…

En effet, il est de tradition de tenir, dans le cadre de la Tariqa chādiliya du Maroc et du


Maghreb en général des rencontres régulières et ouvertes au public de prières et de lecture
collective des Dalā’il al-Khayrāt du Cheikh al-Jazouli. La lecture se fait selon des modalités
préétablies, et propres à chaque pays ou région, sur une durée de temps déterminée. Elle se
termine souvent par la récitation ou le chant de quelques strophes choisies, de poèmes de grands
maîtres soufis de la zaouïa, notamment de la qasida al-Burda ou de celle al Mūhammadiya de
l’Imam Abū Abdallah Mohammed al-Busirî [Qu’Allah le bénisse].

13
H. Parret (1989) « La communication et les fondements de la pragmatique », revue Verbum, T.XII, Presses
Universitaires de Nancy, [s.p], cité par P. Charaudeau (1993), op.cit.

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Pour conclure brièvement, on peut avancer quelques éléments d’appréciation de la
réception de l’œuvre de l’Imam al-Jazouli :
- Dalā’il al-Khayrāt demeure encore, de nos jours, un texte soufi de grande
importance. Il est lu, récité et psalmodié, voire chanté dans toutes les confréries et voies de la
chādiliya à travers l’ensemble des pays du Maghreb, d’Orient et d’Afrique musulmane.
- Sa popularité exceptionnelle tient à sa simplicité même et à son potentiel de
mémorisation. De plus, les séances rituelles de récitation collective avec prosodie et rythme lui
confèrent un halo d’enchantement et de magie incomparable.
- Il est indéniable que le corpus de prières et de louanges sur le Prophète Mūhammad
[saw] est en réalité un hymne de beauté et d’adoration envers l’Elu et le Sceau des prophètes.
- Dans la prière sur le Prophète, médiatisée par l’Invocation et l’Eloge, le plus
important n’est pas le message en lui-même, mais l’effet produit sur le récitant (dimensions
conative et pathémique), ainsi que sur l’ensemble de la communauté réunie dans la louange du
Prophète et l’adoration du Dieu unique. La prière devient ainsi un vecteur puissant de lien
ontologique, de paix et d’harmonie au sein de la communauté des croyants et au bénéfice de
celle-ci.

Bibliographie
Benveniste, E. (1970), « L’appareil formel de l’énonciation » in Langages, 1970/17, p. 12-18.
Chadli, M. (2000), Le conte merveilleux marocain. Sémiotique du texte ethnographique. Rabat,
Publications FLSH de Rabat.
Charaudeau, P. (1993), « Le contrat de communication dans la situation classe » in Inter-
Actions, J.F. Halté, Université de Metz, 1993, publié sur le site de Patrick Charaudeau - Livres,
articles, publications. Url: http://www.patrick-charaudeau.com/Le-contrat-de-communication-
dans.html [consulté le 22 février 2022].
Dalâil el-Khayrât (traduction) – Imâm Jazulî – Le Porteur...
Url : https://leporteurdesavoir.fr/dalail-el-khayrat-imam-jazuli [Consulté le 02/02/2022].
Kansoussi, J. (1994), « Al Jazûlî, auteur des Dalâ'il al-Khayrât » in Horizons Maghrébins - Le
droit à la mémoire, N°23-24, 1994. Marrakech – Seuil/Lectures, p. 56-61.
doi : https://doi.org/10.3406/horma.1994.1501 [Consulté le 12/02/2022].
Karel, A. (1912), L’Humain, cet inconnu. Paris, Librairie Plon.
Url :https://www.dicocitations.com/auteur/850/Alexis_Carrel.php [Consulté le 12/02/2022].
Zilberberg, C. (2006), Eléments de grammaire tensive. Limoges, Presses Universitaires de
Limoges.

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