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SHAYKH AL-DABBÂGH :
Paroles d’or (Kitâb al-Ibrîz),
traduit et présenté par Zakia Zouanat.
Editions Le Relié, Collection : “Témoins spirituels”,
Gordes, 2001, 350 pages.
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sont toutefois exclusives d’autres significations que le 29. Futûât, Vol. 2, p. 644. Cf. également M.
terme ummî porte en lui-même en arabe. Sans vouloir Chodkiewicz, Un Océan sans rivage, pp. 52-54.
entrer dans de longs développements, puisqu’une 30. Coran, 18, 65.
étude détaillée sur la notion de ummiyyah sera 31. Cf. par exemple, Bukhârî, Kitâb al-‘ilm,
chap. 44.
prochainement publiée dans cette revue, nous
signalerons tout d’abord, comme l’a justement fait
Mme. Zouanat, que pour le Cheikh al-Akbar « la
ummiyyah ne s’oppose pas avec le fait d’être
“gardien” du Coran (afî) ou d’être détenteur des !"
traditions prophétiques, mais elle consiste à renoncer
à user de la spéculation et du jugement de la raison , -.
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% &' ( ) *+
pour faire surgir les significations et les secrets […] 2$. 345 [...] ! . /%0 &$ (1
Lorsque le cœur (qalb) échappe à la science
spéculative, tant sur le plan de la Loi que sur celui de 6 8
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7 9 ( * 2$ :$
l’intellect, il est alors ummî et se dispose à recevoir @A [...] #; < =$ 8
7 +> 6 7?
l’illumination divine […] il est alors nourri de la
Science ladunnî en toute chose » 29. Selon le Coran, le B#9 C6
/$ 2$%
détenteur par excellence de cette Science qui procède
d’Allâh directement et sans intermédiaire, et désignée
littéralement comme “science de chez Nous” (min
ladunnâ ‘ilm) 30 est le mystérieux personnage que
rencontre Moïse, et que la tradition prophétique
désigne sous le nom d’al-Khadir 31. Il est ainsi
l’archétype spirituel auquel tout être ummî s’identifie
par nature et dont le Cheikh al-Dabbâgh est une
saisissante figure.
D’autre part, interrogé au sujet de la ummiyyah
du Prophète, qui représente, sous un certain rapport,
un aspect “Khidrî”, le Cheikh ‘Abd al-‘Azîz apporte
un précieux témoignage : « [L’Envoyé] ne connaissait [+] G5 % 6 & D #E! F
5
pas l’écriture de manière conventionnelle et par
apprentissage de la part des hommes, mais du côté de = GK ? L 2$% H8IJ+
l’Illumination seigneuriale, il en était Connaissant et M6 G N6? 2$% G'$%5 /+
même plus encore. Comment non ? Quand les Saints
non-lettrés (al-Awliyâ’ al-ummiyyûn) de sa commu- 2G$ H0 O &? B
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langue maternelle), c’est-à-dire, symboliquement, la 36. René Guénon, « Nouveaux aperçus sur le
langue qui sert de véhicule à la tradition, et qui peut, langage secret de Dante », repris dans Aperçus sur
sous ce rapport, s’identifier à la langue primordiale et l’ésotérisme chrétien, p. 84.
37. Cf. Paroles d’or, p. 203.
universelle. Ceci touche de près, comme on le voit, à
la question de la mystérieuse “langue syriaque”
(loghah sûryaniyah) » 36. L’enseignement de René
Guénon sur cette langue “maternelle” nous apporte
un autre éclairage sur la transmission initiatique
évoquée au début de ce compte rendu : la fonction
du Cheikh ummî apparaît à l’évidence comme
“maternelle” lorsqu’il enseigne à son “fils” spirituel
les principes de ce langage universel.
Afin de montrer les liens étroits qui unissent
les enseignements de René Guénon et du Cheikh al-
Dabbâgh sur la Langue primordiale, nous donnons
un court extrait du chapitre 2 d’al-Ibrîz qui lui est
consacré. Le passage qui suit, en partie traduit par
Mme Zouanat 37, illustrera les considérations
précédentes : il est consacré à l’état d’“enfance” qui
est la trace, dans notre cycle d’existence individuelle,
de cet état primordial. Le Cheikh dit à ce propos :
« quiconque médite sur le langage des bébés trouvera
dans celui-ci des termes syriaques en grand nombre, U K !b P86 Cc
ceci en raison du fait qu’enseigner à un enfant est
B#O 2$% ? T3 :. 2G86
7dN6
comme graver dans la pierre. En effet, Adam
parlait à ses enfants en bas-âge en syriaque, et les gh PQ 5 ea
f
6 b
consolait en cette langue. Il leur nommait les variétés i? 2< #'U j 2GU b
)Q?
de nourritures et de breuvages. Puis ils grandissaient
dans cette langue et l’enseignaient à leur tour à leurs k'$ G$ cO5 j `!O0 C6l0
enfants, et ainsi de suite. Lorsque des altérations G5 C m> '$5 K 2$k 2kQ?
apparurent et qu’ils finirent par l’oublier, rien ne
subsista plus de cette langue dans les propos des plus 2G86
B#9 ! G n o.
grands, tandis que les tout-petits gardèrent le dépôt.
Le secret de cela est que l’enfant ne reste pas
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éternellement à l’état de nourrisson. Durant cette
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PQ p
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q p r o> T3
]$ B80+ période, l’esprit du nourrisson est attaché au Plérôme
suprême (al-Malâ’ al-a‘lā) 38. Le nourrisson en a ainsi
T3
H 2 $b `s d k! la vision dans son sommeil. Si un adulte l’apercevait,
n. > d ]$ qs 2 $t o> il “fondrait” 39 sous l’emprise du pouvoir de l’Esprit
(al-Rû), ainsi que sous celle de l’Essence (al-ât).
q3 ? '6 U #k H! qb ? Nous avons précédemment dit que la langue des
H $ 2a
+U q0 r p Esprits est le syriaque. De même que l’essence du
bébé voit en rêve [le Plérôme], il s’exprime par des
H $ 2a . uc+ nI > Ts5 mots syriaques, et le pouvoir en revient à l’Esprit. Il
j nI v w? &* _% &Vx? '5 F> dit aussi : parmi les noms du Très-Haut, le mot
“areu” (a) 40 que prononce le nourrisson signifie la
$% %5 ]$ F 2. k mE p grandeur, l’élévation, la douceur et la tendresse. Et il
m5! #$ F
zy G5 a MI$ est au rang de celui qui dit ô Très-Elevé ! ô Très-
Haut ! ô Très-Doux ! ô Tout-Affectueux !
'U )'I5 3Y p r MI Considère le tout-petit quand il est sevré. On
iE k ++ *$+ {'a F CN & l’appelle, à l’instar du nom de la fève ou du pois
chiche par le mot bûbû, qui exprime en syriaque la
(N & ]'U s F6c0 $|$ U
douceur de l’aliment. C’est pourquoi ce terme
p Q!? 3Y 7}? 2. sj & mE (s désigne aussi le téton du sein qui allaite le bébé.
Lorsque l’enfant veut aller à la selle, il avertit
iE k i i F> &? 2$? Rb ? sa maman en disant ‘eu ! ‘eu ! qui renvoie en syriaque
& ]'U p qs ~" , " U à l’idée de “sortie des déchets du corps”.
Le petit enfant appelle celui plus jeune que lui
iE k $+ & bJ? " pJ par le mot mûmû, qui en syriaque désigne une chose
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L’Illumination solaire
Selon René Guénon, « la loghah sûryâniyah
est proprement, suivant l’interprétation qui est
donnée de son nom, la langue de l’“illumination
solaire”, shems-ishrâqyah ; en fait Sûryâ est le nom
sanscrit du Soleil » 42. Cet enseignement capital nous
permet de saisir le lien unissant l’Illumination du
Cheikh al-Dabbâgh et sa conséquence, qui est la
compréhension intuitive de la langue primordiale.
Intéressons-nous à l’expression mûmû al-‘ayn,
mise ici en relation par le Cheikh avec la pupille de
l’œil, qui renvoie, à n’en pas douter, à une pure réalité
initiatique. Afin d’en mieux saisir l’importance, nous
citons cette note de « L’Œil qui voit tout » 43 : « la
forme de la mandorla […] évoque aussi celle du
“troisième œil” ; la figure du Christ glorieux, à son 41. Ce terme comprend également les sens de
intérieur, apparaît comme s’identifiant au “Purusha “puissant”, “fort”, “rare” et “cher”. N’oublions pas
dans l’œil” de la tradition hindoue ; l’expression que le Cheikh est le serviteur (‘abd) du Nom divin
insânul-‘ayn, employée pour désigner la pupille de Al-‘Azîz.
l’œil, se réfère également au même symbolisme ». Cet 42. Il poursuit : « …et ceci semblerait indiquer
que sa racine sur, une de celles qui désignent la
“homme de l’œil”, traduction littérale d’insân al-‘ayn, lumière, appartenait elle-même à cette langue
n’est autre qu’al-Insân al-Kâmil, l’Homme Universel, originelle » (« La Science des Lettres »).
présent dans l’œil du cœur (‘ayn al-qalb). Il illumine, 43. Symboles fondamentaux, chap. 72.
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sk F> G$6 BK i'ey ) * regarderait avec son œil sensible. Son regard
s’effectue avec la totalité des parties. Cela est exclusif
&1 (s gb &+ % CK Y à un homme “unique” (wâid) qui est le Secours
(aw) en dessous duquel se trouvent les 7 pôles
%U `I> (aq âb) » 52.
Si l’idée de “pluie” est associée au Pôle (Qu b),
conformément à l’étymologie de son attribut
principal (al-aw), l’ aspect complémentaire qui lui
est attaché est la “lumière” (al-nûr). René Guénon
enseigne à propos de ces deux aspects, lesquels
représentent les influences spirituelles du Pôle à
l’égard du monde, qu’ils ne doivent pas être
rapportés seulement au ciel, « mais plus spécialement
au soleil » 53. Cette précieuse indication permet
d’entrevoir les raisons profondes de la présence
constante dans l’enseignement initiatique du Cheikh
‘Abd al-‘Azîz du nombre 366 54, dont le symbolisme
éminemment solaire et eschatologique est manifeste.
Au regard des citations qui précédent, ce
nombre 366 représente, dans une de ses applications,
l’irradiation lumineuse, au centre de notre monde, de
la fonction polaire permanente à laquelle le Cheikh
eut accès en tant que pur héritier muhammadien 55.
52. Paroles d’or, p. 303. L’indication doctrinale qui évoque l’âge biblique du patriarche (365 ans, Gen., 5, 23) et la
donnée ici par le Cheikh vient appuyer les remar- sphère solaire dont il est le recteur ». Sur les liens étroits qui unissent
ques de M. Patrick Geay à propos d’Hénoch/Idris le nombre 366 à son “voisin” 365, cf. Science sacrée, nos 1-2, p. 78.
(Hermès trahi, Paris, 1996, p. 216), mises justement D’autre part, sur la définition technique du Pôle ou Secours, cf.
en relation avec l’Illumination du Cheikh al- l’article de Muhammad Vâlsan, « Saint Bernard Vivant » dans ce
Dabbâgh par ses collaborateurs Philippe Parois et numéro.
Elie Aoun (article cité, LRA n° 5, p. 8) et auxquelles 53. « La lumière et la pluie », Symboles fondamentaux, chap. 60.
nous renvoyons le lecteur. Voici en outre un extrait 54. Cf. Paroles d’or, pp. 55, 125, 128, 157, 235-236, 267-268, 303, 308.
significatif : « Ce dévoilement du regard constitue 55. A titre d’exemple, le Cheikh dit à propos du Diwân (Conseil des
une phase importante de l’angélomorphose hiérarchies spirituelles présidé par le Pôle) : « Qu’est ce que le Conseil
d’Hénoch où celui-ci se voit attribuer, en plus des Saints, quand tous ceux qui y participent se tiennent dans ma
d’une taille immense, 72 ailes et 365 000 yeux, ce poitrine ? » (Paroles d’or, p. 259).
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61. Qâshânî, Šar Fuû al-ikam, Le Caire, 1996, effective, de la doctrine akbarienne dans le Kitâb al-
p. 59. Cf. le commentaire de Ch.-A. Gilis sur le Ibrîz. Sous un certain rapport, c’est Ibn ‘Arabî lui-
Chaton de Shîth, Ibn ‘Arabî, Le Livre des Chatons même qui est “présent” dans l’enseignement du
des Sagesses, Vol. 1, Beyrouth, 1997.
62. Cf. Fuû al-ikam, p. 62, édition de ‘Afîfî.
Cheikh al-Dabbâgh. En tant que Sceau de la Sainteté
63. Il s’agit d’une interprétation ésotérique du ha- muhammadienne, le Cheikh al-Akbar, détenteur par
dîth :
! " excellence de la “Sainteté solaire” (Wilâyah šam-
En vérité, ce Coran est descendu selon sept siyyah) 61, occupe “la Niche du Saint qui scelle”
lectures (aruf), alors lisez ce qui en est facile (Mikâh al-Walî al-âtim) 62 à laquelle les saints
(Bukhârî, Tawîd, chap. 53 ; Faâ’il al-Qur’ân, muhammadiens tirent leur lumière. La conformité du
chap. 5). nombre 366, valeur numérique du nom “Ibn al-
64. Paroles d’or, p. 128. ‘Arabî”, à la réalité initiatique qu’il recouvre, est révé-
latrice de la fonction du Cheikh al-Akbar, Sagesse et
Intériorité du Prophète, mais aussi du Coran dont
Muhammad est l’expression par excellence. Inter-
rogé au sujet des 7 lectures du Coran 63, le Cheikh
‘Abd al-‘Azîz Dabbâgh scelle son enseignement
. V'N$ )sk C6 #5 initiatique en déclarant : « il y a dans chacune de ces
lettres 366 aspects ; si je les expliquais dans chaque
C6
&K )sk o 9 7GK . lettre et si je les démontrais dans chaque verset, alors
L$ &+ G* C6
o+ apparaîtrait aux hommes l’intériorité du Prophète ,
aussi éclatante que le Soleil, mais cela relève du secret
&'6 : (s U & 'O !G qu’il faut taire » 64.
THOMAS BOUDIGUET
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