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FRASER MILNER CASGRAIN S.E.N.C.R.L.

LES DÉPASSEMENTS DE COÛTS :


QUI EN ASSUME LE RISQUE ET LA RESPONSABILITÉ?

Jean-Pierre Dépelteau
Christian J. Brossard
GROUPE CONSTRUCTION
(514) 878-8814
(514) 878-8848
j-p.depelteau@fmc-law.com
christian.brossard@fmc-law.com
Novembre 2004

Texte remis dans le cadre de la Superconférence sur la construction


organisée par l’INSTITUT CANADIEN
LES DÉPASSEMENTS DE COÛTS :
QUI EN ASSUME LE RISQUE ET LA RESPONSABILITÉ ?

INTRODUCTION

Trois facteurs permettent d’évaluer le succès d’un projet de construction : la qualité de l’ouvrage,
l’échéancier d’exécution et le coût de réalisation. Ces trois piliers constituent par le fait même
les trois causes principales des difficultés et problèmes qui se transforment souvent en litiges
entre les divers intervenants. Les dépassements de coûts, tributaires tant de l’envergure de
l’ouvrage que de l’échéancier requis, sont quant à eux monnaie courante, on le sait, tant sur les
projets privés que publics. Certains dépassements plus importants dans le cadre de projets
impliquant les deniers publics continuent à faire l’actualité dans nos médias – que l’on pense au
prolongement de la ligne de métro à Laval, à la construction du complexe de la Caisse de dépôt
et placement du Québec ou à la tentative de relance de l’usine Gaspésia.

Le titre du présent texte soulève la question suivante : Qui assume le risque et la responsabilité
des dépassements de coûts sur les projets de construction? Évidemment, le premier élément de
réponse trouve sa source dans les événements propres à chaque projet : quelles sont les causes
des dépassements de coûts et quelles sont les parties responsables dans les faits pour ces
dépassements de coûts? Chaque projet doit donc être analysé dans son contexte factuel
particulier. En ce sens, il n’est pas dans notre intention de traiter de projets spécifiques ou de
porter un jugement sur des cas précis.

Cela étant dit, le but du présent texte est d’adresser le second élément de réponse. Une fois les
causes potentielles ou effectives des dépassements de coûts identifiées, l’assomption des risques
et la responsabilité des intervenants pour les dépassements de coûts doivent s’analyser en
fonction du cadre juridique délimité par les termes des contrats entre les parties et par les
dispositions législatives applicables.

En résumé, la responsabilité pour les dépassements de coûts dépendra de l’identification des


parties ayant assumé, aux termes des contrats et de la loi, les risques qui sont associés au projet et
qui peuvent en influencer les coûts. Ces risques incluent ceux reliés aux erreurs de conception,

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aux inconnus du site, aux modifications apportées en cours de route, aux difficultés propres à
l’échéancier, aux particularités du projet, aux événements imprévisibles, etc.

Cette assomption des risques et la responsabilité pour les dépassements de coûts varieront
notamment selon le mode de réalisation adopté pour le projet : par exemple, fait-on appel à la
structure traditionnelle d’une réalisation séquentielle de la conception, puis de la construction,
s’agit-il au contraire d’un projet clé en main dans lequel une seule et même partie se voit confier
la charge à la fois de la conception et de la construction, parlons-nous plutôt d’un projet réalisé
en mode gérance ou IAGC ou encore d’un projet BOT ou BOOT impliquant l’exploitationde
l’ouvrage par l’entrepreneur, ou est-ce un projet réalisé en partenariat entre le public et le privé ?

L’assomption des risques pouvant affecter les coûts de construction et la responsabilité pour
ceux-ci varieront également selon le mode de rémunération prévu aux contrats de construction :
s’agit-il par exemple d’un contrat à forfait, absolu ou relatif, à prix unitaires, à prix coûtant
majoré, à prix maximum garanti, avec ou sans partage des économies, à prix estimé ?

Nous examinerons la situation dans le cadre d’un projet faisant appel à la structure traditionnelle
tri-partite maître de l’ouvrage – professionnels – entrepreneur(s), puis nous discuterons de l’effet
que la modification de structure contractuelle peut avoir sur l’assomption des risques et sur la
responsabilité pour les dépassements de coûts. Nous aborderons cependant d’abord les facteurs
de risque pouvant entraîner des dépassements de coûts de façon générale et les moyens de
contrôler ces facteurs et réduire ces risques.

1. LES FACTEURS DE RISQUE ET LES MOYENS DE LES CONTRÔLER

1.1 LES FACTEURS DE RISQUE

Les facteurs de risque qui peuvent entraîner des dépassements de coûts peuvent être catégorisés
et résumés comme suit :

− Les risques reliés à la phase développement ou aux activités précédant la construction


incluent le risque que les études préliminaires, comme les études environnementales,
comportent des erreurs ou que les permis, droits d’accès ou autorisations nécessaires ne
soient pas obtenus.
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− Les risques reliés à la conception incluent le risque que la conception générale soit
déficiente ou que les plans et devis contiennent des erreurs ou soient incomplets.

− Les risques reliés à la construction incluent le risque que les conditions d’exécution
soient modifiées, que des conditions géologiques inattendues se présentent ou que des
conditions climatiques imprévues soient rencontrées, que les coûts des ressources
nécessaires soient plus élevés que prévus, que l’échéancier ne soit pas respecté, etc.

1.2 LE BUDGET DE RÉFÉRENCE DU MAÎTRE DE L'OUVRAGE

Avant cependant de parler de risques pouvant entraîner des dépassements de coûts, il faut
s’arrêter quelques instants au point de référence du point de vue du maître de l'
ouvrage. Le
maître de l'
ouvrage analysera ses dépassements de coûts par rapport au budget qu’il s’est fixé au
départ. Par conséquent, le premier moyen d’éviter des « dépassements de coûts » est de s’assurer
que le budget n’est pas sous-évalué. Ainsi, le maître de l'
ouvrage doit établir le budget en tenant
compte notamment de la complexité inhabituelle du projet, de ses objectifs d’innovation et des
contraintes particulières d’exécution.

Le maître de l'
ouvrage doit être celui qui, par rapport à l’entrepreneur, assume le risque de sous-
évaluation du budget. La portion sous-évaluée du budget par rapport aux soumissions qui sont
reçues et aux contrats qui sont octroyés doit être à sa charge et l’on ne peut certes parler de coûts
additionnels dont l’entrepreneur devrait assumer la responsabilité puisque cet excédent de départ
n’est aucunement le résultat de la réalisation de l’ouvrage.

1.3 LES MOYENS DE CONTRÔLE DE PREMIER NIVEAU

La mise en œuvre de moyens de contrôler et réduire les risques peut et doit nécessairement
débuter avant la phase exécution du projet. Ainsi, elle requiert nécessairement, dans un premier
temps, que chacune des parties impliquées analyse et identifie, de son point de vue et au-delà des
risques habituels définis de manière générale, les risques propres au projet auquel elle est appelée
à participer, chaque projet étant unique.

Du point de vue du maître de l'


ouvrage, une analyse préliminaire des risques et de divers autres
facteurs l’amènera à choisir le mode de réalisation du projet et le mode de rémunération des
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professionnels et entrepreneurs qui soient le plus appropriés en fonction des objectifs recherchés
et à décider quels risques il assumera et quels risques il laissera ou transférera entre les mains
d’autres intervenants.

Du point de vue des autres intervenants, le mode de réalisation du projet et le mode de


rémunération prévu à leurs contrats respectifs, ainsi que les clauses contractuelles, leur
permettront de connaître une partie importante des risques dont ils doivent assumer la
responsabilité.

Bref, la première étape dans le contrôle et la réduction des risques pouvant entraîner des
dépassements de coûts est le choix approprié de structure contractuelle, tant au niveau du mode
de réalisation du projet qu’au niveau du mode de rémunération. La seconde étape est la
rédaction, par ou pour le maître de l'
ouvrage, de documents contractuels qui soit la plus claire et
complète possible notamment au niveau de la répartition des risques, ainsi que, en contrepartie,
la bonne compréhension par les autres intervenants, en temps opportun, de leurs obligations et
responsabilités aux termes des documents contractuels. En d’autres termes, les parties doivent
savoir qui, selon les clauses contractuelles, assume quels risques.

1.4 LA RÉDACTION DES DOCUMENTS CONTRACTUELS

Par ailleurs, de façon plus générale, la qualité de la rédaction des documents contractuels est
certainement un élément qui peut affecter les coûts par rapport à ce que l’un ou l’autre ou les uns
et les autres prévoyaient et qui assumera les dépassements de coûts, puisque, au Québec, le
contrat est en principe ce qu’il est convenu d’appeler la loi des parties et que c’est donc celui-ci
qui sera la base de toute analyse comparative de la réalité de l’exécution de l’ouvrage et du projet
par rapport à ce qui était convenu entre les parties et à ce qui devait ou pouvait être prévu par
chaque intervenant. Le Code civil du Québec (« C.c.Q. ») n’est en effet que supplétif de la
volonté des parties, c’est-à-dire que les règles qui y sont énoncées ne s’appliqueront que lorsque
les parties au contrat auront choisi ou omis de ne pas traiter de certains aspects de leur relation
contractuelle. Au surplus, il faut savoir qu’au Québec, un contrat comporte non seulement les
conditions qui y sont expressément énoncées, mais également des obligations implicites
auxquelles les parties peuvent être tenues même si elles n’ont pas été rédigées dans le contrat

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(Art. 1434 C.c.Q. 1). Par conséquent, les parties, si elles souhaitent éviter toute ambiguïté quant
à ce qui est inclus ou non dans les obligations respectives des parties, ont intérêt à insérer les
précisions appropriées au contrat.

L’on comprendra donc l’importance de la rédaction des documents contractuels et la nécessité de


s’assurer qu’ils soient complet et précis. Malheureusement, bien souvent, le contrat sera au
contraire incomplet ou imprécis et des changements, délais et dépassements de coûts, se
transformant en réclamations, résulteront d’erreurs, omissions ou ambiguïtés dans les documents
d’appel d’offres ou dans le contrat. Nous proposons certaines précautions à prendre dans la
rédaction et certaines clauses à prévoir ou à tout le moins considérer :

1. Le projet, l’énoncé des besoins du maître de l'


ouvrage et la description des critères de
performance recherchés doivent être bien définis.

2. Les travaux commandés, les méthodes et matériaux exigés, le cas échéant, et les
exigences du maître de l'
ouvrage, notamment quant aux normes de qualité à être
respectées, doivent être clairement énoncés dans une description complète.

3. Les conditions d’exécution des travaux et les diverses obligations accessoires des parties
doivent être adéquatement définies, par exemple :

Les conditions d’accès au chantier;

Les travaux préparatoires à être réalisés;

Les délais d’émission des plans pour construction et les délais de livraison des
équipements et matériaux fournis par le maître de l'
ouvrage.

4. Les clauses de changement appropriées - clause de modifications, clause de travaux


supplémentaires, clause de variation dans les conditions de site, clause de remplacement
des matériaux spécifiés au devis -, qui permettent de distinguer clairement les situations
constituant des changements et celles au contraire couvertes par l’échéancier et le prix

1
« Le contrat valablement formé oblige ceux qui l'
ont conclu non seulement pour ce qu' ils y ont exprimé, mais
aussi pour tout ce qui en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'
équité ou la loi. » (caractère gras
ajouté)

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contractuels, et qui décrivent clairement le mécanisme permettant de déterminer et de


convenir des ajustements au prix et à l’échéancier rendus nécessaires par les
changements.

5. L’établissement, pour l’ensemble du contrat ou encore pour des phases ou parties


facilement identifiables des travaux ou du contrat, d’échéances précises et réalistes pour
la réalisation des travaux, puis pour la correction des déficiences le cas échéant, ainsi que
de dates charnières ou de contrôle de la progression des travaux.

6. Une clause identifiant les retards excusables – force majeure, etc. - et ceux compensables
– faits du maître de l'
ouvrage, de ses représentants, d’autres entrepreneurs, etc. -, ainsi
que le mode de gestion de ces retards, incluant quant à leur minimisation, et une autre
clause qui traite des conséquences des retards inexcusables. Le cas échéant, une clause
de pénalité et une clause de bonus.

7. L’utilisation cohérente de termes choisis et bien définis : quelles que soient les
expressions privilégiées, - « réception » ou « acceptation » des travaux; « partielle »,
« temporaire » ou « intérimaire »; « achèvement substantiel » ou « fin des travaux »;
« corriger les déficiences », « compléter les travaux » ou les « parachever » -, bien définir
les termes dans le contrat et être constant dans leur utilisation à travers les documents
contractuels, afin d’éviter toute confusion à cet égard.

8. L’établissement d’un mécanisme de contrôle et de règlement des différends.

9. Une clause d’accès aux registres des coûts et autres livres comptables de l’entrepreneur,
afin de faciliter le suivi des coûts et la résolution des différends advenant réclamation
pour coûts additionnels ou dommages-intérêts contractuels.

Avant d’aller plus loin, rappelons que la responsabilité pour la gestion des risques et pour les
dépassements de coûts sera d’abord et avant tout fonction des contrats pertinents et des droits et
obligations prévus dans ceux-ci. Ainsi, les principes que nous analyserons au présent texte
pourraient devoir être nuancés ou pourraient même être contredits par les termes spécifiques des
contrats, qui devront en principe avoir préséance puisqu’ils constituent la loi des parties.

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1.5 LA GESTION DES RISQUES AVANT ET EN COURS DE RÉALISATION

D’une part, il est évident que chaque partie devra assumer la responsabilité pour les
dépassements de coûts qui résultent de son omission de respecter ses obligations aux termes du
contrat ou encore de ses actions en cours d’exécution.

D’autre part, comme nous l’avons vu, chaque partie devra également assumer la responsabilité
pour les dépassements de coûts qui résultent de la réalisation de risques dont elle a assumé la
charge aux termes du contrat ou de la loi.

Chacun doit donc s’assurer de gérer tous les facteurs de risque qui lui sont attribués afin de les
contrôler ou les réduire dans la mesure du possible et afin d’en amoindrir les conséquences,
notamment sur les coûts, dont elle devra assumer la responsabilité. Par exemple :

1. Plus nombreuses et complètes seront les études et investigations préliminaires, plus le


projet pourra être défini avec précision avant même de passer à l’étape de la conception
détaillée.

2. Plus nombreux, complets et exacts seront les informations et renseignements fournis par
le maître de l'
ouvrage, dans le respect notamment de son obligation de renseignement,
plus l’entrepreneur sera à même d’évaluer les risques et l’ampleur de l’ouvrage et
d’estimer les coûts de réalisation.

3. Plus l’entrepreneur estimera ses coûts avec justesse, en faisant une analyse rigoureuse des
facteurs de risques et en tenant compte du mode de réalisation du projet, du mode de
rémunération, des informations connues et inconnues, des exigences du maître de
l'
ouvrage, des critères de performance recherchés, de la complexité du projet, des
objectifs d’innovation et des contraintes d’exécution, moins élevés seront les risques de
dépassement de coûts qu’il devra assumer.

4. Les parties ne doivent pas sous-estimer l’importance et l’utilité des appels d’offres ou de
propositions et de mettre les soumissionnaires en compétition pour aller chercher le
meilleur prix et la plus grande compétence.

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5. Chaque partie, chacune à l’intérieur de ses sphères de responsabilité, doit s’assurer d’une
planification qui soit complète et rigoureuse, tout en assurant une certaine flexibilité pour
faire face tant aux changements possibles qu’aux imprévus, encore une fois en tenant
compte notamment des diverses exigences contractuelles et contraintes propres au projet.

6. Chaque partie doit mettre en place un système de suivi et de contrôle des coûts, des délais
et des changements.

7. Chaque partie doit s’assurer que ses représentants en charge connaissent et comprennent
notamment les diverses échéances au contrat et les mécanismes décrits au contrat
advenant que des modifications soient apportées, que des variations soient rencontrées
dans les conditions de site, que des situations de force majeure surviennent, que des
retards surviennent, que des différends se soulèvent, etc., plus particulièrement quant aux
avis requis et aux délais pour de tels avis.

8. Plus les parties travailleront en collaboration et dans la poursuite d’un objectif commun
de succès du projet pour tous les intervenants et plus elles feront montre de transparence
en cours de réalisation de l’ouvrage, plus il sera facile de régler les différends avant qu’ils
ne dégénèrent en litige ou encore d’assurer une résolution ultérieure satisfaisante des
litiges.

2. LE MODE DE RÉALISATION TRADITIONNEL

Le mode de réalisation traditionnel est celui qui prévoit la réalisation séquentielle de l’ouvrage,
d’abord de la phase conception, puis de la phase construction. La phase conception est d’abord
prise en charge par des architectes et ingénieurs, sous contrat avec le maître de l'
ouvrage. Par la
suite, une fois les plans et devis pour soumission complétés par les professionnels, le maître de
l'
ouvrage, directement ou avec l’assistance d’un gestionnaire ou administrateur externe, passe à
l’étape de l’approvisionnement, c’est-à-dire à l’appel d’offres ou à l’invitation à soumissionner
pour le contrat d’entreprise générale, suivi de l’octroi du contrat pour la réalisation des travaux
(parfois, mais plus rarement lorsque l’on n’est pas en mode gérance de construction (voir 3 ci-
dessous), le maître de l'
ouvrage octroiera plusieurs contrats à divers entrepreneurs spécialisés).
Finalement, une fois le contrat d’entreprise générale octroyé pour la construction, l’entrepreneur

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prendra charge, généralement avec l’assistance de sous-traitants de son choix, de l’exécution de


l’ouvrage sur la base des plans pour construction émis par les professionnels du maître de
l'
ouvrage et résultant de l’accomplissement de la phase conception.

Habituellement, l’une des firmes d’architectes ou d’ingénieurs du maître de l'


ouvrage agira à titre
de représentant de ce dernier auprès de l’entrepreneur général, dont il surveillera également les
travaux. Les communications entre le maître de l'
ouvrage et l’entrepreneur général se feront
alors par l’entremise du professionnel désigné par le maître de l'
ouvrage. Par conséquent, les
faits et gestes, actes et omissions du professionnel, mandataire du maître de l'
ouvrage, seront
imputés au maître de l'
ouvrage par rapport à l’entrepreneur.

2.1 LES DÉPASSEMENTS DE COÛTS ASSOCIÉS AUX RISQUES RELIÉS À LA PHASE

DÉVELOPPEMENT OU AUX ACTIVITÉS PRÉ-CONSTRUCTION ET À LA CONCEPTION

Dans le cas d’un contrat réalisé en mode traditionnel, les risques reliés à la phase développement
ou aux activités pré-construction et ceux reliés à la conception sont en principe à la charge du
maître de l'
ouvrage par opposition à l’entrepreneur. Par conséquent, advenant par exemple que
la découverte d’erreurs dans les études préliminaires ou dans les plans et devis amène le maître
de l'
ouvrage ou ses professionnels à modifier la conception ou à apporter des modifications à
l’ouvrage ou encore oblige l’entrepreneur à changer ses méthodes de travail ou même à faire face
à des conditions de site ou d’exécution qui soient substantiellement différentes de celles qui
avaient pu être prévues, les dépassements de coûts qui en résulteront seront à la charge du maître
de l'
ouvrage plutôt qu’à celle de l’entrepreneur.

Notons que, en présence d’un contrat à forfait absolu, c'


est-à-dire ne comportant pas de clauses
de changement ou d’ajustement, le maître de l'
ouvrage ne pourra, sous prétexte de la découverte
d’une erreur de planification préliminaire ou de conception, obliger l’entrepreneur à modifier, à
ses frais, des travaux déjà réalisés ni apporter des changements qui affecteraient l’étendue de
l’ouvrage et entraîneraient des dépassements de coûts pour l’entrepreneur, sans que
l’entrepreneur n’y acquiesce 2.

2
Quant à savoir s’il y a bel et bien changement, l’on peut référer à la discussion à ce sujet dans l’ouvrage de
Thérèse Rousseau-Houle, Les Contrats de construction en droit public et privé, Coéditions Wilson & Lafleur /
Sorej, Montréal, 1982, p.253, et à l’arrêt de la Cour Suprême dans Peter Kiewit Sons’ Co. c. Eakins
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Par contre, en présence d’un contrat à forfait absolu, l’entrepreneur ne peut, de son côté,
prétendre à une augmentation du prix au motif que les travaux ont exigé plus de travail ou lui ont
coûté plus cher que prévu ou encore au motif que les conditions d’exécution auraient été
modifiées. Nous référons à l’article 2109 du Code civil du Québec :

Lorsque le contrat est à forfait, le client doit payer le prix convenu et il ne peut prétendre à une
diminution du prix en faisant valoir que l’ouvrage ou le service a exigé moins de travail ou a
coûté moins cher qu’il n’avait été prévu.

Pareillement, l’entrepreneur ou le prestataire de services ne peut prétendre à une augmentation


du prix pour un motif contraire.

Le prix forfaitaire reste le même, bien que des modifications aient été apportées aux
conditions d’exécution initialement prévues, à moins que les parties n’en aient convenu
autrement.

Dans ce contexte, en principe, même si les coûts additionnels ou les modifications aux conditions
d’exécution résultent d’erreurs dans la planification préliminaire ou dans la conception,
l’entrepreneur qui aurait néanmoins poursuivi les travaux sans entente de rémunération
additionnelle se trouverait à assumer les risques de dépassement de coûts (sous réserve
cependant que le maître de l'
ouvrage ait lui-même rempli ses obligations, plus particulièrement
son obligation de renseignement envers l’entrepreneur – nous reviendrons sur cette question au
titre 2.2.2 ci-dessous).

En présence d’un contrat à forfait relatif, c'


est-à-dire comportant des clauses d’ajustement
d’échéancier et de prix au cas de changement, dans la mesure où le maître de l'
ouvrage apporte
des modifications à l’ouvrage, qu’elles soient requises en raison d’une erreur dans la

Construction Ltd., [1960] R.C.S. 361. Également, rappelons que tout contrat comporte certaines obligations
implicites (art. 1434 C.c.Q.; voir 1.4 ci-dessus) et signalons que toute partie à un contrat, incluant un contrat
d’entreprise ou de construction, a l’obligation, aux termes du Code civil, d’agir de bonne foi en toutes
circonstances :
« Art. 6. Toute personne est tenue d’exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi. »
« Art. 7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et
déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi. »
« Art. 1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de
l’obligation qu’à celui de son exécution ou de son extinction. »

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planification préliminaire ou dans la conception ou pour quelque autre raison que ce soit, c’est le
maître de l'
ouvrage qui assumera les coûts additionnels résultant des modifications.

Ces clauses prévoiront habituellement le droit du maître de l'


ouvrage d’exiger la réalisation de
modifications à l’ouvrage, incluant des ajouts reliés aux travaux déjà inclus au contrat qui soient
compatibles avec l’intention du contrat et n’en modifient pas la portée, et l’obligation pour
l’entrepreneur d’obtempérer. Plus rarement, le contrat permettra au maître de l'
ouvrage d’exiger
la réalisation de travaux supplémentaires ou additionnels, c'
est-à-dire de nouveaux travaux non
prévus au contrat et qui ne sont pas reliés directement à ceux prévus. Plus souvent, le maître de
l'
ouvrage aura le droit contractuel de demander, et non d’exiger, la réalisation de tels travaux.

Le corollaire du droit du maître de l'


ouvrage de requérir des changements est que l’entrepreneur
a droit, le cas échéant, à un ajustement du prix pour tenir compte des coûts additionnels résultant
des modifications, ainsi qu’à une prolongation d’échéancier pour tenir compte de l’effet des
modifications sur la réalisation des travaux.

C’est donc encore une fois le maître de l'


ouvrage qui devra assumer les dépassements de coûts
résultant des modifications et travaux supplémentaires dans le contexte d’un contrat à forfait
relatif.

Pour ce faire cependant, il est essentiel que l’entrepreneur respecte le mécanisme, incluant quant
aux délais d’avis, que les clauses de changement ou d’ajustement édictent normalement afin que
l’ajustement à l’échéancier ou au prix du contrat puisse être apporté. Par exemple, l’entrepreneur
pourra, à certaines conditions, lui-même requérir l’émission d’un avis de changement s’il est
d’opinion qu’une instruction, une directive ou un geste du client ou de son représentant constitue
un changement. Certains avis seront par ailleurs exigés de l’entrepreneur afin de permettre au
maître de l'
ouvrage de prendre connaissance des conséquences monétaires d’un changement
envisagé et de ses effets sur l’échéancier et de décider s’il est opportun d’effectivement procéder
avec le changement. Ces procédures d’écrits et d’avis prévues aux clauses du contrat sont en
principe péremptoires. Il est donc impératif pour l’entrepreneur de suivre le processus établi par
le contrat, faute de quoi il perdra son droit de compensation et sa réclamation sera irrecevable. Il

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sera alors celui qui devra assumer les dépassements de coûts résultant des modifications et
travaux supplémentaires concernés. 3

Il est vrai que la Cour d’appel du Québec a tempéré la rigueur de ces principes, en prévoyant la
possibilité que les agissements du maître de l'
ouvrage ou le comportement des parties permettent
de conclure à une renonciation de la part du maître de l'
ouvrage aux écrits ou avis requis par le
contrat 4. Il n’en demeure pas moins que l’entrepreneur aura intérêt à s’éviter ce lourd fardeau
qu’est la démonstration d’une renonciation du donneur d’ouvrage et de respecter à la lettre le
mécanisme contractuel.

Qu’en est-il des risques associés à la perte de l’ouvrage qui surviendrait une fois l’ouvrage
complété en raison de vices de conception ? Il est vrai que l’article 2118 du Code civil du
Québec crée alors, en faveur du client-maître de l'
ouvrage, une présomption de responsabilité
solidaire de l’entrepreneur général avec l’architecte et l’ingénieur qui ont élaboré les plans et
devis et ceux qui ont dirigé ou surveillé les travaux, advenant qu’il y ait perte de l’ouvrage 5
survenant dans les cinq ans de la fin des travaux et résultant « d'
un vice de conception, de
construction ou de réalisation de l'
ouvrage, ou, encore, d'
un vice du sol » (notre soulignement).
Cependant, l’entrepreneur pourra se dégager de sa responsabilité s’il démontre que le vice résulte
d’une décision imposée par le client dans le choix du sol, des matériaux ou des méthodes de
construction 6 ou encore d’une erreur ou d’un défaut dans les plans et devis de l’architecte ou de
l’ingénieur embauché par le client 7.

3
Voir notamment Corpex (1977) Inc. c. La Reine, [1982] 2 R.C.S. 643, Construction Paval inc. c. Camille
Dionne inc., J.E. 96-1678 (C.A.), et Cianciarelli c. Sawaya-Nassar, J.E. 95-1985 (C.A.) (appel rejeté, 500-09-
001640-952).
4
Voir notamment Morin c. Procureur général du Québec, [1986] R.J.Q. 104 (C.A.), Procureur général du
Québec c. Armand Sicotte & Fils Ltée, [1987] R.R.A. 290 (C.A.), Entreprises P.E.B. Ltée c. Procureur général
du Québec, J.E. 91-672 (C.A.) et Entrepôts Simard Inc. c. Gemini Métré Ltée, J.E. 93-378 (C.A.).
5
Par « perte de l’ouvrage », on entend une détérioration majeure de l’ouvrage ou d’une composante importante
affectant sa solidité, son intégrité, de telle sorte que la perte totale ou partielle soit imminente ou que les vices
soient de nature à compromettre éventuellement la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à son
utilisation ou encore en compromettent la durée (voir notamment Bélanger c. Association provinciale des
constructeurs d’habitation du Québec, J.E. 98-114 (C.S.), Commission de la construction du Québec c.
Constructions Verbois Inc., J.E. 97-2080 (C.S.), et Réfrigération Jules Bienvenue Inc. c. St-Laurent, Jobin Inc.,
J.E. 97-2171 (C.A.)).
6
Art. 2119, al. 3 C.c.Q.
7
Art. 2119, al. 2 C.c.Q.

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L’entrepreneur n’est donc pas celui qui, en dernier ressort, assume la responsabilité pour les
erreurs de conception. À cet égard, notons que l’entrepreneur n’a pas à vérifier les plans et devis
qui lui sont remis au point de refaire le travail des professionnels du maître de l'
ouvrage. Par
contre, il ne peut faire preuve d’aveuglement volontaire et il a l’obligation d’aviser le client s’il
constate une erreur dans la conception ou les plans et devis ou si une méthode d’exécution
prévue au contrat ou des matériaux imposés par le maître de l'
ouvrage ne lui apparaissent pas
appropriés. 8 Il a en effet l’obligation d’agir « au mieux des intérêts » de son client-maître de
l’ouvrage 9 et il doit lui fournir « toute information utile relativement à la nature de la tâche qu'
il
engage à effectuer » 10.
s'

Cela étant dit, la responsabilité ultime pour les erreurs de conception revient donc en principe
aux architectes et ingénieurs qui ont réalisé la conception et les plans et devis pour le maître de
l'
ouvrage et ce dernier pourra tenir ceux-ci responsables des dépassements de coûts qu’il peut
relier aux erreurs dans la conception. Les professionnels pourraient mitiger ou même se
décharger de leur responsabilité, très difficilement cependant, en démontrant que leur client-
maître de l'
ouvrage avait un niveau d’expertise plus élevé pour le type d’ouvrage concerné et
avait « imposé ses vues à son architecte et à son entrepreneur » 11.

2.2 LES DÉPASSEMENTS DE COÛTS ASSOCIÉS AUX RISQUES RELIÉS À LA CONSTRUCTION

2.2.1 L’assomption des risques par l’entrepreneur général

L’entrepreneur est censé détenir les compétences requises pour réaliser l’ouvrage et est considéré
comme un spécialiste dans son domaine de compétence. Il est donc en principe tenu à une
ouvrage 12. Cela signifie que le maître
obligation de résultat à l’égard de son client, le maître de l'
de l'
ouvrage est en droit d’exiger que l’entrepreneur lui fournisse le résultat convenu, c'
est-à-dire
lui livre l’ouvrage prévu, en respectant les exigences et critères de performance contractuels, à

8
Voir notamment Davie Shipbuilding et al. c. Cargill Grain et al., [1978] 1 R.C.S. 570.
9
Art. 2100 C.c.Q.
10
Art. 2102 C.c.Q.
11
Voir Davie Shipbuilding et al. c. Cargill Grain et al., précité, note 8.
12
Voir notamment Construction Cogerex ltée c. Banque Royale du Canada, J.E.96-497 (C.A.), Ansa
Construction Inc. c. Commission hydroélectrique du Québec, J.E. 87-971 (C.A.), et Communauté urbaine de
Montréal c. Ciment Indépendant Inc., J.E. 88-1127 (C.A.).

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- 14 -

l’intérieur des délais requis et pour le prix convenu. Son défaut de ce faire fait présumer la
responsabilité de l’entrepreneur, qui ne pourra échapper à cette responsabilité en argumentant
qu’il a pris les mesures nécessaires pour chercher à atteindre le résultat, mais en vain (c’est là la
distinction principale entre l’obligation dite de résultat et celle dite de moyens).

Sauf certains moyens d’exonération limités dont nous traiterons au titre 2.2.2 ci-dessous,
l’entrepreneur sera donc responsable pour les retards qu’il encourra dans l’exécution de son
contrat, que l’on qualifiera de retards inexcusables.

Par conséquent, tous les coûts que doit encourir l’entrepreneur pour s’exécuter sont en principe
de sa responsabilité, incluant tout dépassement de coûts qui résulterait d’une sous-estimation de
sa part ou encore, à moins qu’il ne s’agisse d’un contrat à prix coûtant majoré, d’une
augmentation imprévisible des coûts de main d’œuvre, matériaux ou autres.

À cet égard, notons que, en ce qui concerne le mode de rémunération de l’entrepreneur, le


contrat à forfait ou à prix forfaitaire est généralement employé lorsque l'
étendue des travaux est
clairement définie, c’est-à-dire que des plans et devis détaillés sont fournis lesquels renferment
suffisamment de renseignements pour permettre à l’entrepreneur de bien évaluer la nature des
travaux et les exigences particulières de l’ouvrage et donc d'
estimer avec relativement de
précision les diverses composantes de l'
ouvrage. Nous comparerons ci-après (voir titres 2.3 et
suivants ci-dessous) cette situation avec celle du contrat à prix unitaires ou à prix coûtant majoré,
par exemple.

D’autre part, nos Tribunaux ont reconnu de longue date le principe selon lequel l’entrepreneur
est celui qui assume normalement les risques associés aux difficultés d’exécution des travaux.
Ainsi, la Cour Suprême du Canada écrivait, dans l’arrêt Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992]
2 R.C.S. 554 :

(iii) La répartition des risques

Ces contrats d'


entreprise se caractérisent tout d'
abord par la connaissance qu'
ont les parties de
l'
objet du contrat. En effet, dans de telles situations, non seulement l'
entrepreneur mais aussi le
maître de l'
ouvrage possèdent une certaine expertise. Ainsi, ces contrats peuvent être aisément
analysés du point de vue de l'
allocation des risques, car il est vraisemblable que les parties s'
y
soient attardées. Les risques sont généralement assumés par l'
entrepreneur, qui est à même

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d'
évaluer ceux-ci lors de la procédure de soumission. Comme l'
écrit le juge LeBel pour la Cour
d'
appel dans Groupe Desjardins assurances générales c. Société de récupération, d'
exploitation et
de développement forestiers du Québec (Rexfor), précité, aux pp. 34 et 35 de son opinion:

« Dans une économie de type libéral, la notion de risque commercial subsiste. En vertu
des clauses de vérification des lieux et de la situation, le soumissionnaire, qui est souvent
le spécialiste en la matière, assume une obligation de vérification de la teneur et des
problèmes de son engagement et des conditions de réalisation de celui-ci. Elle lui permet
de mesurer son risque de perte et, aussi, ses possibilités de profits. Son application peut
être viciée à l'
occasion par le dol ou la mauvaise foi de son co-contractant. Cela ne fut pas
le cas ici, selon les faits démontrés. Il est regrettable qu'
un entrepreneur d'
expérience,
sans doute excellent, ait vécu une telle catastrophe. Il a été victime d'
une erreur toujours
possible dans l'
évaluation de son engagement et des risques qu'
il comporte. Ceux-ci sont
inhérents aux systèmes d'
adjudication des contrats. Ils doivent être supportés par le
soumissionnaire, à moins que l'
on ne démontre précisément ce dol, ces réticences ou cette
mauvaise foi du co-contractant, qui vicient la mise en œuvre d'
un processus autrement
bien rodé d'
octroi des contrats publics, ou même, parfois privés, ou la violation des
obligations à la charge du donneur d'
ordre. »

Je souscris entièrement à cet énoncé du risque assumé par l'


entrepreneur. Parmi les composantes
de ce risque, il est reconnu que l'
entrepreneur se charge de la nature et des conditions du sol (voir
l'
art. 1688 C.c.B.-C.; Corpex (1977) Inc. c. La Reine, [1982] 2 R.C.S. 643, aux pp. 662 à 666; T.
Rousseau- Houle, Les contrats de construction en droit public et privé (1982), à la p. 265, ainsi
que les art. 2118 et 2119 du nouveau Code civil du Québec).

Il est donc clair que, dans le cadre d’un contrat d’entreprise générale, plus particulièrement à
forfait, l’entrepreneur assume les risques de dépassements de coûts résultant des conditions
d’exécution rencontrées lors de la phase construction.

2.2.2 Le transfert de responsabilité au maître de l'ouvrage

Cela ne signifie pas que l’entrepreneur soit dépourvu de tout moyen de transférer la
responsabilité pour les dépassements de coûts au maître de l'
ouvrage.

1) Fautes contractuelles du maître de l'ouvrage

Ainsi, le maître de l'


ouvrage devra assumer la responsabilité pour les délais et coûts additionnels
que son défaut de respecter ses obligations aux termes du contrat entraîne, par exemple

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Superconférence sur la construction – Novembre 2004
- 16 -

l’émission tardive des plans pour construction, la livraison en retard des matériaux ou
équipements qu’il doit fournir aux termes du contrat, etc., ou encore l’ingérence injustifiée dans
les méthodes d’exécution de l’entrepreneur. Sur ce dernier point, il faut comprendre que, à partir
du moment où l’entrepreneur est tenu au résultat convenu, la contrepartie veut que, sauf
indication contraire au contrat, il ait le libre choix des méthodes de construction, des moyens
requis pour atteindre le résultat recherché 13.

Les retards que le maître de l'


ouvrage causera à l’entrepreneur par ses manquements contractuels
seront considérés être des retards compensables, c'
est-à-dire des retards pour lesquels, non
seulement l’entrepreneur se verra excusé, mais au surplus il pourra être compensé pour les coûts
et autres dommages que ces retards lui causent.

Dans tous les cas, il est essentiel que l’entrepreneur respecte les mécanismes d’avis prévus au
contrat advenant que le maître de l'
ouvrage ou ses représentants causent des retards ou émettent
des directives ou posent des gestes qui, du point de vue de l’entrepreneur, constituent des
changements par rapport au contrat.

2) L’obligation de renseignement du maître de l'ouvrage

L’une des obligations principales du maître de l'


ouvrage dans le cadre d’un contrat d’entreprise
comme le contrat de construction est son obligation de renseignement. Nos Tribunaux ont établi,
au cours des douze dernières années 14, que la contrepartie de l’assomption des risques par
l’entrepreneur et de l’obligation de ce dernier de se renseigner lui-même sur tout ce qui peut
affecter l’exécution des travaux afin de proprement évaluer ces risques, est que le maître de
l'
ouvrage ne doit pas contribuer à dénaturer l’évaluation des risques par l’entrepreneur, que ce
soit par son action ou par son omission, en fournissant de l’information erronée ou en omettant
de fournir de l’information déterminante dont il dispose ou dont il devrait disposer. Ainsi, il doit
remettre à l’entrepreneur toute information déterminante à l’exécution des travaux et à

13
Art. 2099 C.c.Q.
14
Voir notamment Banque de Montréal c. Bail Ltée, précité, Régie d’assainissement des eaux du bassin de La
Prairie c. Janin Construction (1983) Ltée, [1999] R.J.Q. 929 (C.A.), et Walsh & Brais Inc. et al. c.
Communauté urbaine de Montréal et al., [2001] R.J.Q. 2164 (C.A.).

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l’évaluation des risques qu’il a sous son contrôle et cette information ne doit pas être erronée ni
ne doit, de par son caractère incomplet, fausser la réalité.

L’ampleur de cette obligation de renseignement, qui prend toute son importance dans le cadre
des contrats portant sur les « grands chantiers », variera selon :

l’expertise relative des parties, tenant compte notamment de celle des professionnels dont
le maître de l'
ouvrage s’entoure pour les projets d’importance

la connaissance, réelle ou présumée, par le maître de l'


ouvrage de l’information
déterminante, tenant compte notamment des règles de l’art quant à la nécessité pour le
maître de l'
ouvrage d’obtenir et fournir certaines informations pertinentes et suffisantes,
par exemple en matière de sondages visant à connaître les conditions du sol; et

la vulnérabilité de la position informationnelle de l’entrepreneur, c’est-à-dire la capacité


ou l’impossibilité objectives de l’entrepreneur à lui-même se renseigner et sa confiance
légitime envers le maître de l'
ouvrage et ses experts.

Les clauses imposant à l’entrepreneur l’obligation de se renseigner et de faire les vérifications


nécessaires demeurent applicables.

Cependant, les clauses exonérant le maître de l'


ouvrage de toute responsabilité pour les erreurs
ou inexactitudes dans les informations qu’il fournit aux soumissionnaires seront considérées
invalides et inapplicables par les tribunaux lorsqu’elles sont incorporées à un contrat qualifié
d’adhésion et qu’elles sont inconciliables avec l’obligation de renseignement du maître de
l'
ouvrage.

Le contrat d’adhésion est celui dont les stipulations essentielles ont été imposées ou rédigées par
l’une des parties et ne pouvaient être librement discutées 15. Les tribunaux considèrent
désormais que les contrats de construction conclus avec le gouvernement, les organismes publics
subventionnés et les grandes sociétés publiques ou privées répondent à cette définition et doivent
donc être qualifiés de contrats d’adhésion. Or, l’article 1437 C.c.Q. permet aux tribunaux de
déclarer nulle la clause abusive d’un contrat d’adhésion, c’est-à-dire la clause qui désavantage

15
Art. 1379 C.c.Q.

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l’adhérent « d’une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l’encontre de la bonne foi »,
incluant celle qui est « si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles
gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci ». Dans ce contexte, les clauses
d’exonération mentionnées ci-avant ont été jugées déraisonnables et inconciliables avec
l’obligation de renseignement.

Ajoutons que la Cour Suprême a qualifié le contrat à forfait relatif de contrat « en formation
continue » et a déclaré que l’obligation de renseignement du maître de l'
ouvrage demeurait tout
au long de son exécution.

3) Les cas de force majeure

Selon l’article 2100, al. 2 du Code civil, l’entrepreneur tenu à une obligation de résultat ne pourra
échapper à sa responsabilité pour son défaut autrement qu’en démontrant qu’il a été empêché
d’accomplir son obligation par une cause de force majeure, c’est-à-dire (sujet à ce que prévoit le
contrat) un « événement imprévisible et irrésistible » 16.

La preuve de la force majeure permettra donc de qualifier le délai en résultant de retard dit
excusable et donnera droit en principe à une prorogation d’échéancier. Par contre, à moins de
stipulation contractuelle à l’effet contraire (que l’on ne voit qu’exceptionnellement), la force
majeure ne donnera pas droit à l’entrepreneur à compensation pour les coûts additionnels en
résultant. L’on ne parlera donc pas ici de retards compensables.

Il faut donc conclure que les deux parties, maître de l'


ouvrage et entrepreneur, partagent les
risques associés aux cas de force majeure et que chacune assumera ses propres dépassements de
coûts en résultant.

4) Les clauses d’ajustement

En présence d’un contrat à forfait relatif comportant une clause de variation des conditions de
site ou de sol, l’entrepreneur aura l’opportunité, au contraire du contrat à forfait absolu, de faire
assumer les dépassements de coûts résultant d’une telle variation par le maître de l'
ouvrage, dans
la mesure où les conditions effectivement rencontrées s’avèrent considérablement ou

16
Art. 1470, al. 2 C.c.Q.

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substantiellement différentes de ce qui était indiqué dans les documents d’appel d’offres et de ce
qui pouvait autrement être anticipé.

Ici encore, il est essentiel que l’entrepreneur respecte le mécanisme, notamment quant aux avis à
donner, prévu à la clause de variation s’il veut être en mesure de transférer la responsabilité pour
les dépassements de coûts, dont il assume autrement en principe les risques, au maître de
l'
ouvrage.

Évidemment, de la même manière que pour un contrat à forfait absolu, l’entrepreneur continuera
à assumer les risques associés aux conditions de site dont la différence par rapport aux conditions
prévisibles ne remplirait pas le critère décrit à la clause d’ajustement quant à l’ampleur de la
différence.

2.3 LE CONTRAT À PRIX UNITAIRES

Le contrat à prix unitaires est privilégié lorsque l’ampleur des travaux n’est pas connue à
l’avance, par exemple dans le cadre d’un projet de génie civil, lorsque les quantités précises de
travaux à réaliser sont inconnues et ne peuvent donc être qu’estimées. Des prix unitaires sont
alors établis par unité de travail à réaliser. Dans certains cas, une portion des travaux sera à prix
forfaitaire, les prix unitaires étant réservés pour certaines activités seulement. Le prix total du
contrat ne peut donc être connu avant que les travaux ne soient complétés puisque le prix final
dépendra des quantités de travail qui auront effectivement été accomplies et qui seront alors
multipliées par les prix unitaires correspondants.

Le contrat à prix unitaires assure un certain partage des risques entre le maître de l'
ouvrage et
l’entrepreneur. Pour le maître de l'
ouvrage, les risques de dépassement de coûts s’évalueront par
rapport à son budget total pour le contrat. Pour l’entrepreneur, ces risques s’analyseront en
fonction de son prix unitaire pour chaque unité de travail réalisée.

Pour le maître de l'


ouvrage, les risques de dépassement de coûts par rapport à son budget,
advenant sous-estimation des quantités à réaliser, sont évidemment plus élevés que dans le cadre
d’un contrat à forfait, puisque le prix final ne sera connu qu'
une fois les travaux complétés et que
l’entrepreneur sera assuré, sans être lié par un prix forfaitaire, d’être payé pour les quantités

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Superconférence sur la construction – Novembre 2004
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réelles de travail réalisées indépendamment des quantités rencontrées et quelles qu’aient été les
quantités anticipées à l’origine.

Par contre, les risques d’ajustement au prix en raison d’une variation dans les quantités de
matériaux découvertes sur le site en cours d’exécution de l’ouvrage sont en quelque sorte
éliminés puisque l’entrepreneur s’engage à réaliser les quantités réelles rencontrées, quelles
qu’elles soient, sans ajustement aux prix unitaires convenus, ces derniers étant eux-mêmes
forfaitaires, c’est-à-dire fixes ou invariables. Dans ce contexte, l’entrepreneur est celui qui
assume les risques de dépassement de ses coûts par unité de travail qui pourraient résulter d’une
sous-estimation de ses prix unitaires ou des quantités de travail à réaliser.

Nous devons cependant apporter une réserve à ce qui précède. Les contrats à prix unitaires
d’une certaine envergure comporteront généralement une clause de variation de quantités,
prévoyant les limites, par exemple plus ou moins 15 %, à l’intérieur desquelles les quantités
peuvent varier, à la hausse ou à la baisse, par rapport aux quantités approximatives ou estimées
au contrat sans que les prix unitaires ne puissent être modifiés. Ainsi, bien que les prix unitaires
soient eux-mêmes forfaitaires, ils ne resteront fermes qu’à l’intérieur de cette marge de variation,
de sorte qu’au-delà d’une telle variation, ni l’une ni l’autre des parties ne seront plus liées par le
prix unitaire, lequel devra être renégocié par les parties.

Ainsi, les risques de dépassement de coûts, advenant que les quantités réelles excèdent la marge de
variation contractuelle, seront assumés par le maître de l'
ouvrage. Par contre, cet ajustement au prix
unitaire pourrait en théorie être en plus ou en moins, en fonction des coûts réels de l’entrepreneur et
de la répartition de ses frais fixes couverts par ses prix unitaires.

2.4 LE CONTRAT À PRIX COÛTANT MAJORÉ

Le contrat à prix coûtant majoré (« cost plus ») est celui selon lequel l’entrepreneur est rémunéré
en fonction de ses coûts réels encourus dans l’exécution des travaux – main d’œuvre,
équipements, matériaux, sous-traitants, etc. -, majorés d’un pourcentage pour couvrir les frais
généraux et le profit.

Ce contrat sera choisi, plus rarement sur les projets d’envergure, lorsque les travaux ne sont pas
clairement définis ou encore lorsque le maître de l'
ouvrage ne peut ou ne veut pas attendre
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Superconférence sur la construction – Novembre 2004
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l’élaboration complète des plans et devis avant de débuter les travaux (sans cependant opter pour
la formule en gérance, dont nous traiterons ci-dessous), et que par ailleurs la nature des travaux
impliqués ne s’adapte pas à des prix unitaires. Comme l’entrepreneur, face à une conception
préliminaire, se lance dans l’inconnu et ne peut évaluer à l'
avance les risques particuliers du
projet et les coûts des travaux, requérir des soumissionnaires un prix forfaitaire dans un tel
contexte exposerait le maître de l'
ouvrage à des prix soumissionnés élevés pour tenir compte du
risque important pour l’entrepreneur.

L’entrepreneur étant rémunéré selon le coût réel des travaux qui sont réalisés et comme le maître
de l'
ouvrage ne peut donc connaître à l’avance le coût final du projet, c’est le maître de l'
ouvrage
qui supporte principalement les risques de dépassement de coûts par rapport à son budget.

Ce risque peut être réduit en établissant la majoration, non pas sur la base d’un pourcentage des
coûts, mais plutôt sous la forme d’un honoraire fixe, de manière à éviter que l’entrepreneur ait un
intérêt à gonfler ses coûts afin d’augmenter sa marge de profit.

Le risque de dépassement de coûts pour le maître de l'


ouvrage peut également être réduit par
l’incorporation au contrat d’une clause de prix maximum garanti qui vient plafonner le montant
total que l’entrepreneur pourra réclamer pour les travaux. Tout dépassement de coûts au-delà du
prix maximum garanti devient donc à la charge de l’entrepreneur.

Le maître de l'
ouvrage peut également motiver l’entrepreneur à réduire ses coûts en intégrant une
clause de partage des économies au contrat, prévoyant que, si le prix maximum garanti n’est pas
atteint, le maître de l'
ouvrage et l’entrepreneur se répartiront la différence entre le prix maximum
garanti et le prix autrement payable (en fonction des coûts majorés) à l’entrepreneur. Du point
de vue de l’entrepreneur, ce partage a l’avantage de lui donner l’opportunité d’accroître sa marge
de profit.

Le Code civil du Québec comprend un article qui traite du contrat à prix coûtant majoré, en
prévoyant l’obligation pour l’entrepreneur, à la demande du client-maître de l'
ouvrage, de « lui
rendre compte de l’état d’avancement des travaux, des services déjà rendus et des dépenses déjà
faites » 17.

17
Art. 2108 C.c.Q.

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- 22 -

Évidemment, dans le contexte d’un tel contrat, les systèmes de suivi et de contrôle des coûts
prévus au contrat et mis en place par les parties, ainsi que la clause d’accès aux registres des
coûts et autres livres comptables de l’entrepreneur, prennent une importance toute particulière.

2.5 LE CONTRAT À PRIX ESTIMÉ

Certains contrats de moindre envergure font l’objet d’une estimation de prix. Sous réserve de
mentions particulières au contrat, le contrat avec estimation est traité, au Code civil du Québec,
distinctement du contrat à prix forfaitaire et du contrat à prix coûtant majoré. Ainsi, bien que le
prix estimé n’ait pas le caractère immuable du prix forfaitaire, il n’a pas non plus le caractère
variable du prix coûtant. En effet, selon l’article 2107 du Code civil, l’entrepreneur doit justifier
toute augmentation du prix par rapport à l’estimation, en faisant la démonstration que cette
augmentation « résulte de travaux, de services ou de dépenses qui n’étaient pas prévisibles par
l’entrepreneur […] au moment de la conclusion du contrat ».

3. LA RÉALISATION EN MODE GÉRANCE

La complexité et l’ampleur des projets, ainsi que les échéances serrées en vue d'
une mise en
exploitation rapide de l’ouvrage, requièrent parfois que le maître de l'
ouvrage confie à un
spécialiste la tâche de le conseiller et d’administrer, organiser et coordonner l’ensemble du projet
ou à tout le moins sa phase construction.

3.1 LA GÉRANCE DE PROJET ET LA GÉRANCE DE CONSTRUCTION

3.1.1 Distinctions par rapport au mode de réalisation traditionnel

La gérance se distingue du mode de réalisation traditionnel à deux égards. D’abord, bien que la
conception et la construction soient maintenues entre des mains distinctes, les deux phases, au
contraire du mode traditionnel, ne sont pas réalisées de manière purement séquentielle, mais
plutôt en parallèle. En gérance, c’est l’ouvrage qui est morcelé en lots qui sont réalisés au fur et
à mesure de la préparation des plans et devis. Ainsi, plutôt que d’attendre que l’ensemble de la
conception détaillée soit complétée avant de passer à l’étape des appels d’offres et de la
construction, la construction de chaque lot est entreprise une fois les plans et devis complétés

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Superconférence sur la construction – Novembre 2004
- 23 -

pour ce lot, les lots se suivant l’un après l’autre en fonction de la planification de l’ensemble du
projet.

L’avantage premier est de condenser l’échéancier global du projet en réalisant la conception et la


construction en parallèle plutôt que l’une après l’autre.

L’on parlera également de « fast-track » ou de réalisation en mode accéléré pour décrire cette
méthode qui consiste à entreprendre les travaux de construction alors même que la conception
n’est pas complétée et à réaliser les deux phases en parallèle.

La seconde distinction est la suivante. Le mode traditionnel laisse entre les mains du maître de
l'
ouvrage la responsabilité pour l’administration, l’organisation et la coordination du projet.
Ainsi, c'
est sous sa gouverne que la conception sera élaborée par les architectes et ingénieurs et
c’est lui qui s’occupera de l’approvisionnement, c'
est-à-dire du processus de sélection et d’octroi
du contrat d’entreprise générale ou des contrats de construction, ainsi que de la coordination
subséquente des travaux, tout en assignant habituellement certaines fonctions précises à un
professionnel sélectionné pour l’assister.

En mode gérance, le maître de l'


ouvrage retient les services d’une personne ou entreprise à
laquelle il confie toutes ces fonctions et à laquelle il octroie le mandat de le conseiller et d’agir
pour et en son nom pour tout ce qui assure la mise en œuvre et la réalisation de tous les aspects
reliés à la construction (gérance de construction) ou même celle de l’ensemble du projet (gérance
de projet).

Le maître de l'
ouvrage continue à contracter directement tant avec des professionnels pour la
réalisation de l’étape de la conception qu'
avec des entrepreneurs pour l'
exécution de la phase
construction. La distinction par rapport à la structure traditionnelle se situe au niveau de la
délégation au gérant des tâches normalement assumées par le maître de l'
ouvrage et de
l'
implication et du rôle du gérant auprès des professionnels et des entrepreneurs. Bien que le
gérant dirige les entrepreneurs et, dans le cas de la gérance de projet, les professionnels, il
n’existe aucun lien contractuel entre le gérant et les entrepreneurs et professionnels, le gérant
agissant toujours à titre de mandataire ou représentant du maître de l'
ouvrage.

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En gérance de projet, le gérant assume la direction de l’ensemble du projet pour le maître de


l'
ouvrage, en commençant bien souvent par les études de faisabilité et les démarches en vue du
financement du projet, puis par l’obtention des services de conception. Il définit et suggère au
maître de l'
ouvrage la nature des divers services professionnels requis, obtient et analyse les
propositions des professionnels et fait ses recommandations à son client-maître de l'
ouvrage
quant au choix des professionnels. Il coordonne et dirige ensuite le travail des professionnels,
tant au niveau de la conception générale qu’au niveau de la réalisation des plans et devis, tout en
faisant de même pour les entrepreneurs chargés de la réalisation des travaux de construction.
Ainsi, agissant à titre de représentant et mandataire du maître de l'
ouvrage, le gérant chapeaute à
la fois les professionnels et les entrepreneurs, qui tous se rapportent à lui.

Tant en gérance de projet qu’en gérance de construction, le gérant assume également la


responsabilité pour la planification et l’élaboration des échéanciers, des budgets, etc. Il définit et
propose au maître de l'
ouvrage les lots en fonction desquels l'
ouvrage sera réalisé, les travaux
répartis et les contrats octroyés, il planifie et procède aux appels d'
offres au moment opportun
pour chaque lot, en fonction de l’échéancier global et de la planification d’ensemble, en intégrant
les plans et devis préparés par les professionnels au fur et à mesure de la progression de la
conception de détail, et il étudie les soumissions, fait ses recommandations au maître de
l'
ouvrage et procède à l'
octroi des contrats, pour et au nom du maître de l'
ouvrage. Les contrats
de construction sont soit signés par le maître de l'
ouvrage soit signés par le gérant à titre de
représentant du maître de l'
ouvrage, donc pour et au nom de celui-ci. Le gérant assure ensuite la
coordination et la surveillance des travaux et assume la responsabilité pour la gestion générale
des travaux, incluant les tâches administratives, - inspection des travaux, vérification et
approbation de la facturation des entrepreneurs, traitement des changements, etc. Dans ses
relations avec les entrepreneurs, il agit toujours à titre de mandataire du maître de l'
ouvrage. Il
n’y a donc pas de liens contractuels entre le gérant et les entrepreneurs.

3.1.2 La responsabilité pour les dépassements de coûts

La réalisation en mode gérance fait diminuer certains risques. Par exemple, les risques d’une
mise en opération tardive de l’ouvrage devraient être réduits par la condensation de l’échéancier.
De même, le recours à un spécialiste pour assumer certaines tâches qui sont généralement celles
du maître de l'
ouvrage et assurer la coordination entre le maître de l'
ouvrage, les divers
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professionnels et les entrepreneurs doit permettre un meilleur contrôle de la planification et de la


gestion des travaux, de l’échéancier et des coûts.

À l’inverse cependant, dans la mesure où l’on procède à la construction, sur certains lots, avant
que la conception de l’ensemble de l’ouvrage ne soit complétée, le risque est accru que le maître
de l'
ouvrage, par l’entremise du gérant, ait à apporter des modifications aux travaux, le projet
étant en quelque sorte évolutif. Les premiers lots seront évidemment plus affectés, puisque la
conception du projet se précisera au fur et à mesure de sa progression. Si les entrepreneurs
peuvent donc s’attendre à de telles modifications, ils ne perdront pas pour autant le droit
d’invoquer les clauses de changement ou d’ajustement qui sont habituellement incluses dans les
contrats de construction conclus dans le cadre d’un projet en mode gérance (les contrats de
construction ne sont alors pas des contrats à forfait absolu).

Le maître de l'
ouvrage, par opposition à l’entrepreneur, est donc en principe celui, tout comme en
mode de réalisation traditionnel, qui assumera les dépassements de coûts causés par les
changements résultant de la précision progressive de la conception ou, plus généralement, par
des erreurs ou des omissions dans la planification préliminaire ou dans la conception.

En fait, de façon plus générale, l’on constatera que, entre le maître de l'
ouvrage et les
entrepreneurs, l’assomption des risques et la responsabilité pour les dépassements de coûts
résultant de la réalisation de ces risques sont essentiellement les mêmes que dans le mode de
réalisation traditionnel. Rappelons à cet égard que, par rapport aux entrepreneurs, le gérant est le
représentant du maître de l'
ouvrage.

D’ailleurs, même si la conception de l’ensemble du projet n’est pas complétée lorsque la


construction débute, il n’en demeure pas moins que la construction d’un lot spécifique est
entreprise une fois les plans et devis complétés pour ce lot, de sorte que les travaux couverts par
ce lot devraient en principe être bien définis, à tout le moins à partir d’une certaine étape dans la
réalisation du projet.

Il pourra arriver cependant sur certains projets que certains travaux débutent avant même que
toutes les études préliminaires ne soient complétées. Les risques d’imprévus sont donc plus
élevés. Rappelons que, en principe, c’est l’entrepreneur qui assume de tels risques, mais qu’il

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pourrait être en mesure d’invoquer la clause de variation dans les conditions de site si les
conditions rencontrées sont substantiellement différentes de ce qui pouvait être prévu. Un
élément clé sera de savoir si, dans les circonstances, le maître de l'
ouvrage s’est déchargé de son
obligation de renseignement, notamment en prenant les précautions appropriées quant aux
informations qu’il fournissait et quant à celles manquantes, par exemple en adressant les
questions suivantes : le maître de l'
ouvrage a-t-il laissé croire à l’entrepreneur que les
informations limitées fournies étaient représentatives des conditions sur le site ou même
complètes et l’entrepreneur a-t-il eu l’opportunité de faire ses propres vérifications avant de
soumissionner ou de procéder aux travaux.

Notons que le maître de l'


ouvrage, qui bénéficie de la compétence et de l’expérience à la fois
d’un gérant de projet ou de construction et d’architectes et ingénieurs, sera certes présumé avoir
un degré d’expertise encore plus élevé aux fins de la détermination de l’ampleur de son
obligation de renseignement.

L’on comprendra l’importance accrue, dans le cadre d’un projet réalisé en mode gérance, que les
parties mettent en place des systèmes de suivi et de contrôle des changements, des délais et des
coûts fiables.

Cela étant dit, tout comme dans le mode de réalisation traditionnel, la responsabilité ultime pour
les erreurs de conception revient en principe aux architectes et ingénieurs qui ont réalisé la
conception et les plans et devis pour le maître de l'
ouvrage et ce dernier pourra tenir ceux-ci
responsables des dépassements de coûts qu’il peut relier aux erreurs dans la conception. Par
contre, reprenant ce que nous avons déjà écrit 18 dans le contexte de la structure conventionnelle
au sujet du niveau d’expertise du maître de l'
ouvrage par rapport à celui des professionnels à qui
le maître de l'
ouvrage aurait imposé sa conception, il faut ici noter que l’expertise du gérant, qui
travaille de pair avec le maître de l'
ouvrage et les professionnels, qu’il fait bénéficier de ses
connaissances notamment en matière de méthodes et de matériaux de construction, sera imputée
au maître de l'
ouvrage, au nom de qui il agit.

18
Voir titre 2.1 ci-dessus.

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Superconférence sur la construction – Novembre 2004
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Par ailleurs, dans la mesure où le maître de l'


ouvrage choisit de procéder en mode fast-track, il
prend le risque d’entreprendre la construction alors même que la conception est en quelque sorte
préliminaire, de sorte qu’il lui sera difficile de tenir ses professionnels responsables des
modifications requises et des coûts additionnels qui en résultent du fait que la conception se
précise en cours de route et pourrait requérir des modifications à des travaux déjà entrepris.

Pour ce qui est de la responsabilité du gérant envers le maître de l'


ouvrage pour les dépassements
de coûts, il faut s’en remettre d’abord et avant tout à leur contrat pour connaître les obligations
du gérant de manière précise. En principe, il pourra être difficile de prétendre que le gérant est
tenu à une obligation de résultat, plutôt qu’à une obligation de moyens 19, pour ce qui concerne le
respect de l’échéancier de réalisation ou du budget, puisque le succès du projet à cet égard
dépend principalement d’autres intervenants, à savoir les entrepreneurs et même les
professionnels pour ce qui est des plans et devis.

Ainsi, si le maître de l'


ouvrage veut faire assumer la responsabilité pour les dépassements de
coûts à son gérant de projet ou son gérant de construction, il devra faire la preuve que ce dernier
a manqué à des obligations contractuelles spécifiques ou qu’il n’a pas pris les moyens
nécessaires pour contrôler l’échéancier et les coûts et mener à bien son mandat.

3.2 INGÉNIERIE-APPROVISIONNEMENT-GÉRANCE DE CONSTRUCTION (IAGC OU EPCM)

Le mode Ingénierie-Approvisionnement-Gérance de construction (IAGC) ou, en anglais, EPCM


(pour « Engineering-Procurement-Construction Management »), est une forme de gérance dans
laquelle le gérant prend cette fois également charge de la réalisation de la conception. En
d’autres termes, la conception, l’approvisionnement et la gérance de construction sont entre les
mains d’une seule et même personne et seule la construction est confiée à d’autres, en
l’occurrence aux entrepreneurs.

L’on verra cette formule plus souvent employée dans le cadre de projets industriels, par
opposition aux projets commerciaux ou institutionnels par exemple, en raison vraisemblablement
d’une plus grande sophistication technique requise par l’installation de pièces d’équipement et

19
Pour la distinction entre l’obligation de résultat et l’obligation de moyens, voir le titre 2.2.1 ci-dessus.

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qui appelle à une meilleure intégration des différentes composantes et phases de réalisation de
l’ouvrage.

Le gérant EPCM s’occupera donc de la conception et préparera lui-même, ou fera préparer sous
sa responsabilité, les plans et devis, tout en voyant aux appels d’offres et, après approbation par
le maître de l'
ouvrage, à l’octroi des contrats de construction pour les divers lots, ainsi qu’à leur
administration, planification et coordination.

En l’occurrence, le fait de mettre entre les mains d’un seul et même intervenant l’étape
conception et celles de l’approvisionnement et de la gérance de construction réduira les risques
associés à une mauvaise planification ou coordination.

Évidemment, dans le cadre d’un contrat IAGC, les erreurs dans la conception, dont le maître de
l'
ouvrage devra assumer la responsabilité envers les entrepreneurs, deviendront en dernier ressort
la responsabilité du gérant EPCM, qui devrait alors être plus facilement redevable des
dépassements de coûts envers son client-maître de l'
ouvrage.

4. LES PROJETS CONCEPTION-CONSTRUCTION

Les donneurs d’ouvrage vont souvent privilégier les modes de réalisation qui appellent la prise
en charge, par une seule et même partie, tant de la conception que de la construction. Ces
contrats de conception-construction sont également appelés « design-build » ou, particulièrement
dans le cas des projets industriels impliquant généralement l’installation d’équipements
spécialisés, « clé-en-main ». Les contrats Ingénierie-Approvisionnement-Construction (IAC) ou,
en anglais, EPC (pour « Engineering-Procurement-Construction ») sont de cette catégorie.

L’on fera souvent appel aux contrats clé-en-main ou EPC pour la réalisation d’un ensemble
industriel qui inclut l’élaboration et la mise sur pied de procédés, l’installation de pièces
d’équipement, la mise en service de l’usine et la réalisation d’essais de performance avec le
personnel de l’entrepreneur ou celui du maître de l'
ouvrage.

Le concepteur-entrepreneur assume donc la responsabilité pour la réalisation de l’ensemble de


l’ouvrage. Il élaborera la conception, soit en utilisant ses propres professionnels soit en confiant
cette tâche à des architectes et/ou ingénieurs dont il retiendra les services par contrat de service,

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puis procédera aux travaux de construction, en les confiant en tout ou en partie en sous-traitance
à des entrepreneurs spécialisés, le tout, à partir d’un énoncé d’exigences fourni par le maître de
l'
ouvrage. Tout comme en gérance, les travaux débuteront habituellement avant que tous les
plans et devis ne soient finalisés pour l’ensemble du projet.

Vu l’ampleur des responsabilités qui sont assumées par le concepteur-entrepreneur, la


complexité croissante des projets et l’évolution des technologies, il est courant, à tout le moins
dans les projets industriels, que les entreprises, jugeant qu’elles ne disposent pas des
compétences et de l’expérience requises pour prendre charge de l’ensemble du projet, se
regroupent ensemble aux fins du projet, en mettant leurs compétences, expérience et ressources
en commun, dans le cadre d’une société par actions, d’une société en nom collectif ou en
participation, d’une entreprise conjointe ou « joint venture » ou d’une simple association.

Dans tous les cas, à moins que chacun des membres du regroupement ne soit signataire de la
convention avec le maître de l'
ouvrage et que celui-ci ait accepté une responsabilité distincte et
non solidaire de ceux-ci à son égard, le maître de l'
ouvrage, juridiquement, traite avec un seul
cocontractant, quelle que soit la répartition des tâches entre ses membres et quels que soient les
droits et obligations régissant les relations entre eux.

Le fait d’ainsi confier à un seul intervenant (qu’il s’agisse d’une seule entreprise ou d’un
regroupement) les deux étapes charnières du projet, d’une part, peut raccourcir le délai de
réalisation, tout en permettant certaines économies résultant de l’intégration des deux phases, et,
d’autre part, peut réduire certains risques, tandis que d’autres risques sont transférés au
concepteur-constructeur.

L’entrepreneur doit donc fournir un ouvrage complet dont le résultat final, indépendamment des
moyens pour y arriver, soit conforme aux attentes du maître de l'
ouvrage, plus particulièrement à
l’énoncé de ses exigences quant au produit final ou quant aux performances recherchées. Dans
un tel contrat, l’entrepreneur cumule donc les obligations de résultat relatives à tout ce qui
concerne la réalisation de la conception et la construction de l’ouvrage : il doit fournir un
ouvrage qui réponde à l’énoncé d’exigences du donneur d’ouvrage et son fardeau est d’autant
plus lourd en présence d’un devis de performance qui précise la capacité ou le rendement que
l’installation doit pouvoir atteindre.

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Il arrivera même que l’entrepreneur soit tenu de garantir le résultat escompté, auquel cas la
nature de son obligation passera d’obligation de résultat à obligation de garantie et il ne lui sera
alors plus permis même d’invoquer la force majeure pour s’exonérer de sa responsabilité
advenant que les performances requises ne soient pas atteintes.

Ainsi, le constructeur étant celui-là même qui a réalisé la conception de l’ouvrage, il sera
également celui qui, contrairement au mode traditionnel, devra assumer le risque associé aux
erreurs de conception découvertes pendant la phase construction.

De la même manière, le concepteur-constructeur aura également en principe la charge d’une


partie importante de la planification préliminaire et la responsabilité pour les erreurs à cet égard.

Ces risques sont donc transférés à l’entrepreneur, qui assumera la responsabilité pour les
dépassements de coûts en résultant.

Le concepteur-constructeur étant celui-là même qui décidera des modifications à apporter aux
travaux, le cas échéant, il ne pourra, au contraire du mode de réalisation traditionnel, faire
assumer les coûts en résultant par le maître de l'
ouvrage.

Les seuls dépassements de coûts dont il pourrait faire assumer la responsabilité par le maître de
l'
ouvrage sont ceux qui résulteraient d’un changement dans l’énoncé des exigences de celui-ci.

Le concepteur-constructeur devra également assumer le plein risque des conditions de site


rencontrées, à moins qu’il ne démontre que le maître de l'
ouvrage lui a caché de l’information
déterminante ou lui a fourni de l’information qui s’est avérée erronée. Cela étant dit, même si le
maître de l'
ouvrage demeure tenu à son obligation de renseignement, l’on peut s’attendre à ce
que l’entreprise qui soumissionne sur un projet clé-en-main soit considérée comme disposant
d’une expertise qui pourrait être plus grande que celle du maître de l'
ouvrage.

5. LES PROJETS ALLIANT CONCEPTION, CONSTRUCTION ET


EXPLOITATION

Au-delà des structures contractuelles qui couvrent la réalisation, par une seule et même partie
cocontractante, de la conception et de la construction, il existe d’autres structures qui prévoient

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également l’exploitation de l’ouvrage, pendant une période de temps plus ou moins longue, par
l’entreprise qui l’a conçu et construit. Les acronymes pour ces modes de réalisation sont
nombreux, incluant BOT (pour « Build-Operate-Transfer »), BOOT (pour « Build-Own-Operate-
Transfer »), DBOOT (pour « Design-Build-Own-Operate-Transfer », DBFO (pour « Design-
Build-Finance-Operate ») ou DCMF (pour « Design-Construct-Maintain-Finance »).

L’entrepreneur finance tout ou partie du projet. À l’expiration de la période d’exploitation par


l’entrepreneur, au cours de laquelle il récolte les revenus d’exploitation à même lesquels il peut
ainsi rembourser les emprunts contractés aux fins du projet, l’ouvrage est remis au maître de
l'
ouvrage. Souvent, la propriété de l’ouvrage sera celle de l’entrepreneur durant la période
d’exploitation, propriété qui sera ensuite transférée au maître de l'
ouvrage.

L’on comprendra que, dans le contexte d’un tel contrat, c’est l’entrepreneur qui assume la
presque totalité des risques et qui devra donc assumer les dépassements de coûts, le cas échéant,
à moins que le maître de l'
ouvrage n’ait modifié ses besoins en cours de route ou encore ait
fourni une partie de l’équipement et que ce soit celui-ci qui soit la cause des problèmes à la
source des dépassements de coûts.

Ces risques incluent évidemment ceux reliés à la période de démarrage, de découverte des
défauts de performance et d’ajustement, ainsi que les risques reliés à toute exploitation d’une
usine ou d’un autre ouvrage.

6. LES PROJETS EN PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ

Le mode de réalisation qui allie conception, construction et exploitation, suivi d’un transfert
entre les mains du maître de l'
ouvrage, est particulièrement privilégié dans le contexte des
partenariats public-privé ou PPP (aussi connus sous le nom de « 3P »). Souvent, le partenaire
privé sera également appelé à prendre charge du financement et il aura la propriété de l’ouvrage
jusqu’à la fin de son contrat, alors que la propriété sera transférée au secteur public. Lorsque le
partenaire privé ne finance pas le projet, la propriété de l’ouvrage demeurera celle du secteur
public.

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Les ententes de PPP sont en principe basées sur les résultats attendus et la rémunération du
partenaire privé est souvent établie en fonction de la performance atteinte. Les critères de
performance reliés à la rémunération doivent donc être clairement spécifiés.

La rémunération du partenaire privé prendra la forme d’honoraires contractuels perçus du


partenaire public pour la prestation du service ou encore de droits versés par les usagers de
l’ouvrage.

Les deux participants au projet ont intérêt à ce que l’ouvrage entre en service le plus rapidement
possible. Le secteur public, parce que son objectif ultime est de répondre aux besoins de la
population et des contribuables. Le partenaire privé, parce qu’il tirera des revenus de
l’exploitation de l’ouvrage ou encore percevra des honoraires du partenaire public liés à
l’exploitation.

Le mode de réalisation dont il s’agit ici assure la réalisation du projet sur une période plus courte,
étant bien compris cependant que la phase de planification est plus complexe et peut nécessiter
plus de temps. Les risques de retard par rapport à l’échéancier global que les partenaires se
seront fixés sont en principe réduits.

Ce mode réduit également la possibilité, pour le secteur public, que surviennent d’importantes
augmentations imprévues de coûts.

L’objectif principal recherché par les gouvernements et autres donneurs d’ouvrage publics en
faisant appel aux PPP, outre le fait d’y voir une solution à leur incapacité de financer les besoins
énormes en infrastructures, est d’assurer un partage optimal des risques entre le secteur public et
les partenaires privés en faisant assumer les risques par le partenaire le plus apte à les gérer.

Évidemment, plus le niveau d’engagement du partenaire privé est élevé, plus nombreux sont les
risques qu’il assume.

Essentiellement, l’on peut conclure que c’est le partenaire privé qui devra assumer les
dépassements de coûts par rapport à la rémunération dont les parties auront convenu.

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CONCLUSION

L’on doit donc constater que la prise en charge des risques, et la responsabilité pour les
dépassements de coûts qui pourront en résulter, dépendront du mode de réalisation choisi pour le
projet et du mode de rémunération des participants à la conception, la construction et même
l’exploitation de l’ouvrage.

Il ne faut cependant pas oublier que ce sont d’abord et avant tout les clauses des contrats qui
dicteront les obligations de chacun et que les principes généraux propres aux modes de
réalisation et de rémunération viendront pallier aux lacunes des contrats.

Il faut également retenir que tous et chacun ont un intérêt, sinon une obligation, à mesurer les
risques auxquels eux-mêmes, ainsi que leurs cocontractants, pourraient devoir faire face et à
mettre en place des systèmes de gestion de ces risques, incluant des systèmes de suivi et de
contrôle des coûts, des délais et des changements, de manière à contrer les risques ou, à tout le
moins, à en réduire les impacts.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION .......................................................................................................................... 1
1. LES FACTEURS DE RISQUE ET LES MOYENS DE LES CONTRÔLER........................ 2
1.1 LES FACTEURS DE RISQUE .................................................................................................. 2
1.2 LE BUDGET DE RÉFÉRENCE DU MAÎTRE DE L'
OUVRAGE ...................................................... 3

1.3 LES MOYENS DE CONTRÔLE DE PREMIER NIVEAU ............................................................... 3


1.4 LA RÉDACTION DES DOCUMENTS CONTRACTUELS ............................................................. 4
1.5 LA GESTION DES RISQUES AVANT ET EN COURS DE RÉALISATION....................................... 7
2. LE MODE DE RÉALISATION TRADITIONNEL ............................................................... 8
2.1 LES DÉPASSEMENTS DE COÛTS ASSOCIÉS AUX RISQUES RELIÉS À LA PHASE
DÉVELOPPEMENT OU AUX ACTIVITÉS PRÉ-CONSTRUCTION ET À LA CONCEPTION ............... 9

2.2 LES DÉPASSEMENTS DE COÛTS ASSOCIÉS AUX RISQUES RELIÉS À LA CONSTRUCTION ...... 13
2.2.1 L’assomption des risques par l’entrepreneur général ........................................ 13
2.2.2 Le transfert de responsabilité au maître de l'
ouvrage......................................... 15
1) Fautes contractuelles du maître de l' ouvrage ............................................ 15
2) L’obligation de renseignement du maître de l' ouvrage............................. 16
3) Les cas de force majeure........................................................................... 18
4) Les clauses d’ajustement........................................................................... 18
2.3 LE CONTRAT À PRIX UNITAIRES ....................................................................................... 19
2.4 LE CONTRAT À PRIX COÛTANT MAJORÉ............................................................................ 20
2.5 LE CONTRAT À PRIX ESTIMÉ ............................................................................................. 22
3. LA RÉALISATION EN MODE GÉRANCE........................................................................ 22
3.1 LA GÉRANCE DE PROJET ET LA GÉRANCE DE CONSTRUCTION ........................................... 22
3.1.1 Distinctions par rapport au mode de réalisation traditionnel ............................. 22
3.1.2 La responsabilité pour les dépassements de coûts ............................................. 24
3.2 INGÉNIERIE-APPROVISIONNEMENT-GÉRANCE DE CONSTRUCTION (IAGC OU EPCM) .... 27
4. LES PROJETS CONCEPTION-CONSTRUCTION ............................................................ 28
5. LES PROJETS ALLIANT CONCEPTION, CONSTRUCTION ET EXPLOITATION ..... 30
6. LES PROJETS EN PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ........................................................ 31
CONCLUSION............................................................................................................................. 33

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