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Collection « Pratiques d’entreprises »

Contract management
Outils et Méthodes
Jean-Charles SAVORNIN

17 rue des Métiers


14123 CORMELLES-LE-ROYAL
© 2016. EMS Editions
Tous droits réservés.
www.editions-ems.fr
ISBN : 978-2-84769-917-3
(Versions numériques)
SOMMAIRE
Remerciements
Préface
Avant-propos
Chapitre 1. Concepts de base
1. Contract management ou project management ?
2. De la qualité au retour sur investissement
3. Le besoin d’un contrat écrit
4. Le contract management
5. Le contract management dans le process de project management
6. Les acteurs du contract management
7. Les limites du contrat
8. La particularité des grands projets export
9. Une particularité française : la loi de maîtrise d’ouvrage publique
10. Les quatre piliers du contract management
Chapitre 2. Le premier pilier : la gestion du contrat
1. Le processus de gestion du contrat
2. Le contrat, tout le contrat et rien que le contrat
3. Connaître son contrat
4. La revue de contrat
5. La lecture croisée avec l’équipe
6. Traiter les écarts au contrat
7. La traçabilité des communications
8. Le transfert de projet
Chapitre 3. Le deuxième pilier : la gestion du résultat
1. La gestion des délais
2. La gestion du périmètre
3. La gestion de la performance
4. Les obligations client
Chapitre 4. Le troisième pilier : la gestion de la relation client
1. La leçon de Richard Branson
2. De l’importance de la connaissance client
3. La matrice de communication
4. L’importance de la communication dans les projets
5. Les règles d’une bonne réunion
6. La gestion des courriels dans les projets
7. Les niveaux de communication dans un projet
Chapitre 5. Le quatrième pilier : la gestion des réclamations
1. Le contract management et l’analyse de risques et opportunités
2. Réclamation, contentieux, litige ou contestation ?
3. Les catégories de réclamations
4. La réclamation, un sujet financier et d’anticipation
5. Détecter une réclamation
6. Le processus de réponse à une réclamation
7. Le processus d’émission d’une réclamation
8. Structure d’une réclamation
9. Les méthodes d’identification des points portant à réclamation
10. L’évaluation des impacts en délai et en argent
11. L’arbre de décision
12. Bonnes pratiques relatives aux réclamations
13. La négociation
14. Les possibilités de résolutions de désaccord
Chapitre 6. L’organisation de la fonction contract management dans
l’entreprise
1. L’organisation de l’entreprise
2. Le poids des projets et du juridique
3. Comparaison des modes de rattachement du contract manager
4. La fiche de poste du contract manager
5. Conduire le changement
Messages clés et conclusion
Liens utiles
REMERCIEMENTS
Je remercie pour leurs apports et leurs soutiens tous mes clients, mes
collègues ainsi que les professionnels m’ayant aidé à compléter ce livre de
leurs citations et conseils : Thierry, Daniel, Nicolas, Thierry, François, Pierre,
Jean-Michel, David-Alexandre. Avec mes remerciements tous particuliers à
Daniel et Thierry pour leur relecture et leurs conseils précieux, et à Xavier
pour avoir accepté de préfacer cet ouvrage.
Merci également à mon épouse Christelle, pour son soutien sans faille.
PRÉFACE
L’heure n’est malheureusement plus à la relation de confiance dans les
contrats, a fortiori dans un contexte international.
Les contrats de fourniture souffrent fréquemment de dépassements de délais
et presque systématiquement de réclamations, souvent apurées en fin de
projet (claims et counterclaims). Mais, on s’aperçoit aussi, dans maintes
situations, que des clients préparent des « billes » à éventuellement échanger
dans le temps en fonction des aléas du projet (ce qu’on peut appeler le claim
d’atmosphère). Ces réclamations portent essentiellement sur le périmètre
technique, les retards de livraison, la maîtrise des interfaces, les non
conformités et la mobilisation des moyens.
Les contrats de fourniture appellent donc une gestion active et rigoureuse
des risques en amont (en phase de négociation) mais aussi tout au long de la
phase de réalisation après la signature du contrat, en premier lieu pour limiter
les risques de pénalités, quelle qu’en soit la nature (retard, fiabilité,
performance, etc.).
La gestion d’un contrat doit porter sur l’intégralité de son périmètre de
responsabilité, à la fois côté client et côté fournisseur.
Dans l’enchevêtrement des relations contractuelles, il y a un impératif à la
fois pour le client et pour le fournisseur d’effectuer un suivi opérationnel de
toute la phase d’exécution.
La qualité d’exécution du contrat fait donc l’objet d’une attention
grandissante des entreprises, les dérapages de marges ayant souvent pour
origine des déficiences dans le management des contrats. La gestion active de
ces contrats s’inscrit dans un contexte de renforcement du management des
risques, impulsé par les évolutions réglementaires. Renforcer la gestion de
contrats est un investissement à fort effet de levier : la performance en
matière de gestion de contrats peut être évaluée par la conjonction de deux
indicateurs : la protection de la marge (gestion des réclamations) et la
réduction du niveau de risque.
Dans la tradition des groupes de génie civil anglo-saxons, un métier
nouveau de professionnel expérimenté de la gestion de contrats complexes
s’est développé, celui de « Contract Manager ».
Les compétences requises sont d’ordre technique, bien sûr, mais aussi
rédactionnelles, tactiques, de négociation et de forte résistance à la pression.
Ces compétences sont distinctes de celles du responsable de projet.
Nombreux sont les exemples où le responsable de projet n’est pas
nécessairement un professionnel de la gestion de contrat et où, inversement,
le contract manager ne disposerait pas nécessairement de toutes les
compétences d’un responsable de projet.
Ces compétences sont aussi distinctes de celles requises pour assurer la
partie juridique. Mais souvent c’est le chef de projet qui réunit les deux
casquettes, celles de responsable du projet et de contract manager.
Enfin, la préservation des intérêts contractuels ne doit pas conduire à tuer la
relation client/fournisseur et à dériver vers une logique contentieuse. Cela
étant, les risques opérationnels et les incidences financières ne peuvent pas
être sous-estimés. Ils n’autorisent aucun angélisme dans la relation
contractuelle.
Pour ce faire, les clauses contractuelles doivent être connues et appliquées.
Les concessions financières doivent être dûment valorisées. Les événements
du projet qui sont multiples et quotidiens doivent être tracés et analysés. Les
défaillances d’exécution doivent être relevées et mises en perspective par le
biais d’un suivi quasiment quotidien et d’une administration de contrat
extrêmement rigoureuse.
Il est donc essentiel que la gestion de contrat soit un véritable processus du
management de projet, et non pas simplement une activité d’ordre tacite dans
les organisations.
Il ne faut pas aussi succomber à la tentation de penser qu’on finit toujours
par s’arranger plus tard et que le plus important est de faire avancer le projet !
C’est le syndrome de beaucoup de chefs de projet qui ont du mal à
s’affranchir de la pression du client et à rentrer avec assiduité dans les
méandres des clauses contractuelles et de leur gestion future.
Il y a donc pour l’entreprise à définir et à mettre en œuvre une stratégie
contractuelle adaptée pour consolider ses marges, limiter les risques, et in
fine, pérenniser la relation client/fournisseur. Cela peut être la mission du
Contract Manager que de trouver ce point d’équilibre. D’autres solutions sont
possibles mais il conviendra dans tous les cas de tirer vers le haut les
compétences des équipes en matière contractuelle.
Tout le mérite revient donc ici à Jean-Charles Savornin, spécialiste de la
gestion de projets internationaux, de proposer aujourd’hui un ouvrage
synthétique destiné à appréhender tous ces aspects de l’exécution d’un
contrat dans le cadre d’un projet industriel.
L’auteur conduit le lecteur par un cheminement éclairant, adossé à une
boîte à outils rigoureuse et didactique, en un style concret et aéré, tout en
prodiguant de nombreux et judicieux conseils, aidant ainsi l’actuel ou le futur
contract manager, qu’il soit chef de projet ou déjà es qualité, dans le choix de
la stratégie à adopter et des décisions à prendre au cours de l’exécution d’un
projet.
Le contract management au travers de cette approche est ainsi
naturellement ancré dans l’opérationnel.
Les outils proposés par l’auteur permettront de :
•sécuriser la phase de réalisation des contrats et, en particulier, la conformité
de l’exécution des prestations par rapport aux obligations contractuelles ;
•identifier et prévenir les risques de dérapage en matière de coûts et de délais
susceptibles d’avoir des répercussions critiques (pénalités de retard, etc.) ;
•disposer d’une traçabilité précise des événements de la vie du contrat pour
limiter les risques de réclamations (claims) et se prémunir contre leur
impact ;
•assurer la documentation et la valorisation des risques à leur juste valeur ;
•développer un cercle vertueux dans la relation client/fournisseur, fondé sur
une culture de responsabilité et de respect mutuel.
Tout cela est accompagné d’une démarche préventive et d’anticipation, qui
alimente les phases de négociation parfois difficiles, et qui permet en même
temps de « préparer le terrain » dans l’hypothèse de recours juridiques ou en
arbitrage.
Jean-Charles Savornin grâce à sa formation et son expérience
internationale, analyse pleinement tous les problèmes qui se posent dans le
cadre de l’exécution d’un contrat de fournitures. Son livre contient les outils
indispensables à la gestion contractuelle d’un projet et restera un ouvrage de
référence pour la fonction de contract manager. Le lecteur, qu’il soit novice
ou averti en la matière ne pourra qu’être satisfait d’avoir consulté un tel
ouvrage à moins qu’il ne préfère s’adresser à son auteur directement qui saura
lui prodiguer les meilleurs conseils.
Xavier de Lavallade
Directeur juridique Industrie ferroviaire
18 février 2016
AVANT-PROPOS
Pourquoi ce livre ?
Ce livre est né de la pratique et de l’observation des métiers de l’industrie et
des grands projets d’infrastructures, dans différents secteurs comme la
construction, l’énergie, l’aéronautique, le spatial ou encore le ferroviaire, à la
fois en France et à l’export.
Les grands projets ont vu leur fonctionnement fortement évoluer. Tout
d’abord par la mise en place d’organisations, méthodes, bonnes pratiques et
outils de gestion de projet. Cela s’est traduit par une professionnalisation du
métier de chef de projet qui, s’entourant d’expertises pour toujours mieux
délivrer son projet, a concouru au développement de métiers connexes,
comme le planificateur, l’estimateur, le contrôleur, ou encore le contract
manager.
Si la littérature existe sur les autres rôles, le métier de contract manager et
plus largement les compétences en contract management sont peut
développées. L’angle sous lequel elles sont principalement abordées est celui
de la passation de contrats à des fournisseurs1 : gestion de l’appel d’offres,
choix du contrat, suivi des prestataires et fournisseurs. L’angle opposé, dans
la position du fournisseur ou prestataire, est encore peut présent dans les
ouvrages traitant du sujet.
Ainsi, le contract management tel qu’il existe et s’est développé sur les
grands projets d’infrastructures s’attache à gérer la relation avec un client
représentée par le contrat. Les contract managers sont de véritables supports
aux chefs de projet, comme le sont les autres membres de l’équipe, dans la
gestion de la relation contractuelle avec le client et dans la gestion des écarts
(quelle qu’en soit l’origine) entre exécution et contrat. Cette compétence s’est
fortement professionnalisée, suffisamment en tout cas pour lui dédier un
livre ; ce livre.
Pourquoi cette compétence a-t-elle émergé ? D’où est venu le besoin ? En
quoi le contract management est une aide au projet ? Quels en sont les
contours et prérogatives ? Quels outils, méthodes et bonnes pratiques un chef
de projet peut-il développer au sein de son équipe ?
Tant de questions auxquelles nous allons répondre dans les pages qui
suivent.
1 Le terme « fournisseur » sera utilisé tout au long du livre par soucis de
simplicité, pour désigner les fournisseurs, prestataires, sous-traitants,
contractants… toute entreprise fournissant un produit ou un service dans le
cadre du contrat. L’autre partie, acheteuse, sera appelée de façon générique
« client ».
CHAPITRE 1. CONCEPTS DE BASE
1. CONTRACT MANAGEMENT OU PROJECT MANAGEMENT ?
La notion de contract management est liée à l’existence d’un contrat entre
un client et un fournisseur et trouve tout son sens dans le cadre d’un projet
défini comme un ensemble d’activités temporaires établies pour créer un
produit, service ou résultat unique1.
Lieu de complexité, notamment de part son unicité, le projet est devenu au
fil des ans un mode de travail fortement répandu dans les organisations. A la
fois les organisations dont le métier de base est le projet (les entreprises de
construction par exemple), mais aussi les autres organisations qui traitent des
projets internes ou de façon épisodique.
Cet ouvrage est focalisé sur le cas de projets vendus à un client, cas où un
contrat, sinon moral ou écrit, du moins légal existe2. Néanmoins, les
préceptes présentés sont également applicables dans le cas de projets internes,
sous réserve qu’un contrat soit établi entre les différents acteurs de
l’entreprise. Le contrat n’a alors pas de valeur juridique et n’est en général
pas signé entre deux entités légales cliente et fournisseur, mais entre le chef
de projet et la direction de l’entreprise qui lui confie cette mission.
Ainsi, le contrat est en général unique – pour refléter l’unicité du projet – à
ressources limitées – comme le projet – et avec une durée de vie calée sur ce
même projet.
Un contrat correspond souvent à un projet et vice versa. Il existe néanmoins
des schémas contractuels plus complexes, intégrant plusieurs clients pour un
même fournisseur, ou plusieurs contrats entre un fournisseur ou un client.
Exemple : Deux contrats et deux clients pour un même projet
Le Client A s’associe à un Client B pour remporter un gros marché de
conception, fabrication et fourniture de systèmes complexes. Cette
association prend la forme d’une relation client-fournisseur, et le partage
des responsabilités amène le Client B à être responsable de la conception,
fabrication et fourniture d’un équipement du système, chose qu’il délègue
au Fournisseur C. Le Fournisseur C conçoit les équipements pour le
compte du Client B, et en fournit une partie au Client B et le reste au
client A.
Le Fournisseur C a donc deux clients, avec deux contrats séparés, pour un
seul et même projet.
Figure 1.1. Exemple d’organisation : 2 contrats et 2 clients pour un
même projet

Exemple : Quatre contrats avec un seul client pour le même projet


Les grands projets internationaux nécessitent souvent des montages
contractuels reflétant le montage fiscal et répondant aux devoirs des pays
concernés.
Ainsi, un projet peut nécessiter plusieurs contrats entre deux entreprises
pour respecter des taux de taxes différents entre les services, la fourniture
de matériels, et les travaux de construction. C’est par exemple le cas en
Inde.
Si en plus le fournisseur est une société étrangère, la mise en place d’un
Etablissement Stable peut être obligatoire. Les montages les plus
complexes impliquent également des entités légales locales et étrangères
d’un même groupe.
Figure 1.2. Exemple d’organisation : 4 contrats avec un seul client pour
le même projet
2. DE LA QUALITÉ AU RETOUR SUR INVESTISSEMENT
Jusqu’au XXe siècle, les grands projets d’infrastructures et de transport
étaient principalement financés par les deniers publics : centrales nucléaires,
autoroutes, lignes TGV, Concorde, conquête de l’espace … Des bijoux
technologiques, composés de produits, répondant à un besoin à travers des
fonctionnalités.
Dans ce contexte de développement des technologies, souvent par la force
publique, et dans un contexte économique plus favorable, l’important était
d’arriver au résultat. D’un point de vu « projet », nous disons que les projets
étaient alors pilotés par la Qualité.
Figure 1.3. Organigramme-type des grands projets jusque dans les
années 80 – Pilotage par la qualité
L’objectif était clairement d’aboutir à un système fonctionnel, sûr, utile,
répondant aux exigences techniques et normatives, quitte à alourdir la note et
à dépasser les délais. Les contrats passés aux fournisseurs sont alors des
contrats de produits et de services, et les retards s’accumulent en remontant
vers le client qui en porte la responsabilité.
Figure 1.4. Le triangle d’or de la gestion de projet

Connus depuis l’Antiquité3, les financements privés, dont les PFI anglo-
saxons (Private Finance Initiative), cousins des Partenariats Publics-Privés
français, ont connu un changement profond dans les années 80 suite à
plusieurs crises.
Des investisseurs privés, et non plus étatiques, financent de grands projets
avec une forte attente de retour sur investissement dans un contexte
économiquement complexe. Quels impacts cela a-t-il eu sur l’industrie, sur le
monde des projets ?
Les investisseurs attendent un retour sur investissement pour faire fructifier
leur argent et celui de leurs partenaires et clients. Dès lors, les fonds sont
limités, les projets ne doivent pas dépasser les budgets, ne doivent pas
déraper en délais, et doivent assurer la rentabilité attendue. De quels projets
s’agit-il ? Peu importe, du moment que des Conseils aient validé la pertinence
marché, le choix technologique, et le montage juridique. Le produit n’est plus
la finalité. Les aspects financiers prennent le pas.
Figure 1.5. Organigramme-type des grands projets après les années 80
– Pilotage par le retour sur investissement

Les constructeurs et exploitants ont été les premiers touchés : la société


projet, créée dans le but de construire et exploiter l’infrastructure considérée
(autoroute, pont, aéroport, stade, parc solaire…) se voit porteuse de tous les
risques, qu’elle transfert directement au fournisseur en charge de la
construction. Ce fournisseur, ne pouvant supporter seul les risques de perte
d’exploitation, de retard, et donc de baisse du rendement attendu par les
investisseurs, fait appel à des assureurs et transfert également une forte part
des risques à ses propres fournisseurs.
Que se passe-t-il alors lorsque le projet prend du retard ou que le budget est
dépassé ? Toute cette chaîne de transfert de risque se met en action : les
investisseurs n’investissent plus dans la société projet pour ne pas diminuer le
rendement de leur investissement, la société projet réclame des pénalités de
retard à son fournisseur, qui lui même applique la même recette à ses propres
fournisseurs.
Dans le quotidien des entreprises, cela s’est traduit par le changement de la
relation client-fournisseur, d’un mode de confiance et de co-développement
de la solution, où une part forte de la négociation était reportée après
signature du contrat – quand un contrat était signé – à un mode plus
contractuel, où tout est discuté avant signature du contrat.
Dans l’optique de transférer les risques aux étages inférieurs de la chaîne du
projet, les donneurs d’ordre, intervenant dans cette chaîne comme
fournisseur, ont également changé leurs pratiques d’achat : ils n’achètent plus
des produits définis par leurs bureaux d’études, mais des fonctions, et laissent
à leurs fournisseurs le soin de définir les produits correspondants et de
garantir des performances. Ces donneurs d’ordres se font maintenant appelés
architecte-ensemblier, ou intégrateur pour ne citer que ces deux exemples.
Les services marketing et communication des entreprises l’ont bien
compris : les plaquettes commerciales et sites internet vantent aujourd’hui
leurs capacités à vendre des systèmes, des fonctions, des performances, à
réaliser des projets clé-en-main, mais plus des produits. L’heure est au sur-
mesure pour les clients, à la proposition de valeur spécifique, et au transfert
de risque vers les fournisseurs.
Quels ont été les impacts, les changements dans les entreprises industrielles
de ce passage d’une économie de produits à une économie de
fonctionnalités ? Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Tout d’abord, ce changement de positionnement des entreprises
historiquement manufacturières a été vu comme une amélioration de la
proposition de valeur : passer de « simple » fabricant à systémier ou
intégrateur, capable de réaliser des prestations clé-en-main.
Puis, les clients ont piloté et fait appliquer les contrats, à commencer par les
pénalités de retard. Premier choc pour les fournisseurs, et première érosion de
marge.
Du point de vue global, les retards des projets, et donc le retard de
rentabilité pour les investisseurs, est compensé financièrement par les
assureurs, à travers des assurances « perte d’exploitation », et par les
fournisseurs, payant les pénalités de retard.
Ce changement de fonctionnement dans l’industrie est toujours en cours.
Les entreprises apprennent à se protéger contre leurs clients, qui eux-mêmes
développent leurs compétences à travers la création de la fonction de contract
manager, à mi chemin entre le spécialiste du projet et le spécialiste du droit.
3. LE BESOIN D’UN CONTRAT ÉCRIT
Un contrat peut revêtir différentes formes, notamment en fonction du droit
applicable. Néanmoins, il est toujours recommandé d’établir un contrat écrit,
signé par les parties en autant d’exemplaires que nécessaire. Un original par
signataire est en général de rigueur.
Le besoin d’un contrat écrit repose sur différents éléments.
3.1. La confiance
Au début de la relation, la confiance est de mise pour entamer les
discussions et les négociations. En cas de discussion, litige ou contentieux,
mieux vaut avoir un document écrit.
L’écrit a de plus la vertu, au moment de sa rédaction, d’obliger les parties à
prévoir un certain nombre de cas de figures et de décider les marches à suivre
en cas de désaccord.
3.2. Les rôles et responsabilités
Le contrat permet également de définir et d’établir les rôles et
responsabilités de chacun. A minima : qui achète, et qui vend, quoi, à quel
prix, pour quand, suivant quelles étapes, selon quelles informations, etc.
Le partage des responsabilités, et des risques, est ainsi évoqué dans le
contrat.
3.3. La mesure de la performance
Afin de déterminer si chacun remplit ses obligations, si le contrat est
exécuté correctement, des indicateurs de performances et de mesures sont
définis. Le contrat doit alors répondre à la question : comment être sûr que
vendeur et acheteur respectent leurs engagement ?
Une mesure de la performance de l’exécution du contrat doit être mise en
place.
Concrètement, pour les contrats de grands projets d’infrastructures et
d’équipements, des jalons intermédiaires sont définis, des tests en usine et/ou
sur site sont prévus, des mesures de performances techniques peuvent
également être prévues. Cela ne veut pas dire que tous les critères de tests
sont définis au contrat (même si cela est souhaitable), mais bien que les
parties se mettent d’accord en amont du projet sur les points d’arrêts et les
phases de tests et de validation de la performance du contrat.
3.4. Le manquement
Ainsi, en cas de non respect des performances et obligations de chacune des
parties, le contrat peut définir les moyens à mettre en œuvre. Encore une fois,
la définition des plans d’actions en cas de manquement d’une des parties doit
être faite avant tout désaccord.
Les éléments définis dans les clauses du contrat faisant référence aux
actions à mettre en place sont en général les pénalités de retard (liées à la
mesure de la performance « délais de livraison »), ou encore le taux à
appliquer en cas de retard de paiement de la part du client, parfois
l’autorisation du client de mettre en œuvre les actions curatives et de les
refacturer au fournisseur, ou encore les conditions de terminaison du contrat
et les dispositions applicables en cas de litige.
3.5. Les moyens de contrôle du client
Afin de piloter le contrat, le client peut mettre en œuvre des moyens de
contrôle, que sont par exemple des essais sur des équipements, des visites
dans les usines de son fournisseur, un rapport d’avancement mensuel,…
Encore une fois, cela doit être précisé au contrat pour permettre au
fournisseur de prendre la pleine mesure de ses obligations et du périmètre de
ses actions.
3.6. Le périmètre
Le périmètre est crucial au bon déroulement du contrat : il définit pour le
fournisseur le « quoi faire ». Le fournisseur peut alors livrer le produit,
système, service, ou la performance au prix dont les termes sont définis au
contrat.
La définition du périmètre au contrat doit être claire et précise, pour
permettre au fournisseur de travailler dans de bonnes conditions : planifier
ses activités, anticiper les charges et ses besoins en personnels, séquencer le
projet avec les projets de ses autres clients,…
Même dans le cas de projets de Recherche & Développement, le périmètre
doit être bien précisé ; il peut s’agir par exemple d’une obligation de moyens
et non une obligation de résultats.
Pourquoi a-t-on besoin de contrats écrits ?
–Manque de confiance.
–Etablissement des risques, rôles et responsabilités.
–Caractérisation des moyens de mesure et d’évaluation de la
performance.
–Identification des manquements et détermination des actions
consécutives.
–Définition des moyens de contrôle du client.
–Description claire du périmètre du projet.
Un contrat écrit est un document qui permet d’établir clairement les
risques, obligations et relations entre les parties, et ainsi d’assurer la
performance de ses éléments de façon disciplinée.
Le contrat écrit est donc un document qui :
•montre qu’il y a eu des accords : en effet, après la signature, le projet va
démarrer, avec parfois un chef de projet qui n’a pas ou peu participé aux
négociations ;
•établit les bases de cet accord ;
•définit les limites de chacune des parties.
Le contrat est dont la référence initiale de l’accord, et partant du projet.
Et si le contrat est incomplet ?
Si le contrat semble incomplet et ne précise pas, ou reste flou sur, les
risques, les moyens de contrôles, les obligations de chacun ou
quelqu’autre sujet, le chef de projet doit, avec son équipe, traiter ces sujets
au plus tôt. Même après la signature du contrat cela reste possible.
3.7. Le partage du contrat
Le contrat n’est alors utile que s’il est connu des différents intervenants, et
notamment de l’équipe en charge du développement du produit ou service.
Le chef de projet, en tant que responsable du projet, reste le garant de la
maîtrise du contrat. Le contract manager intervient comme délégataire de
cette responsabilité et assiste le chef de projet et l’équipe dans leur
connaissance et utilisation des éléments contractuels.
Le chef de projet doit avoir à sa disposition, lire et faire lire le contrat à son
équipe.
Imprimer le contrat en format A5 et l’avoir sur son bureau. En
distribuer des exemplaires à son équipe.
3.8. Le contrat peut-il être changé ?
Oui, sous certaines conditions.
Le client peut changer d’avis, le marché peut lui imposer de changer d’avis,
les évolutions technologiques survenant au cours du projet – surtout pour les
projets longs de plusieurs années – peuvent être positives et utilisables, le
fournisseur peut faire une proposition intéressant le client… Autant de
situations pouvant donner lieu à des écarts par rapport au contrat initial. Alors
oui, le contrat peut être changé à condition que les deux parties soient
d’accord et l’écrivent. Il est très important d’insister sur ce dernier point, car
trop de modifications sur projets sont réalisées sans accord formel entre client
et fournisseur, menant à des réclamations et désaccords.
Le contrat est donc la référence, la « Bible » du projet, mais une Bible qui
peut évoluer par avenants.
Cela signifie donc qu’aucun autre accord ne peut prévaloir – et en aucun
cas les accords verbaux, parfois appelés gentleman agreement chez les anglo-
saxons. Toute modification au contrat doit faire l’objet d’un document écrit,
signé par toutes les parties, qui devient partie constituante du contrat ;
l’intégralité des documents (contrat initial et avenants) forme alors la
nouvelle référence contractuelle du projet.
Il est essentiel alors de se référer à cette nouvelle référence contractuelle
lors de toute décision sur le projet afin d’éviter d’agir en désaccord avec le
contrat et de voir l’autre partie réclamer des compensations.
3.9. Que peut-on changer dans un contrat ?
Virtuellement tout peut être changé dans un contrat. Des exceptions existent
néanmoins, notamment en fonction de la méthode d’attribution du contrat (le
code des marchés publics français impose quelques contraintes par exemple,
pour garantir une sélection équitable), ou de la loi applicable (un contrat ne
peut pas être moins stricte que la loi).
3.10. Les différents types d’accords
Dans les grands projets d’investissement, il est fréquent d’avoir plusieurs
types de documents, notamment avant le contrat. Ces documents sont une
lettre d’intention, une instruction d’exécution, ou un protocole d’entente.
Tableau 1.1. Equivalences Français/Anglais des documents
Français Anglais
Lettre d’intention Letter of Intent
Instruction d’exécution Instruction to proceed
Protocole d’entente Memorandum of Understanding
Tous ces documents n’ont pas la même valeur juridique et contractuelle, et
seul le contenu permet d’identifier si oui ou non les parties sont liées par un
quelconque accord.
Le titre d’un document ne permet de présumer de son contenu, tout comme
le titre d’un paragraphe ne présume pas de son contenu. Il s’agit d’une
indication pour guider le lecteur et lui permettre de se repérer dans le
document.
Néanmoins, il existe des usages qui sont :
•la lettre d’intention permet aux parties de déclarer, par écrit, leurs
intentions. Elle n’est en général pas engageante – encore une fois, seul le
contenu permet de le dire – mais témoigne d’un certain nombre de
discussions préalables et d’une volonté de continuer ;
•l’instruction d’exécution sécurise en général des dates de livraison, et est
donc souvent engageante pour les parties ;
•le protocole d’entente est un document présentant un état des lieux de
situation entre les parties, souvent au démarrage d’une négociation.
Certains ne voient en ce document qu’un compte-rendu de réunion signé.
Encore une fois, seule la lecture détaillée du contenu permettra de préciser
l’objet réel du document.
Tableau 1.2. Les types de documents
Objet Engageant ou non
Lettre d’intention Déclarer une intention Non
Instruction d’exécution Sécuriser des dates de livraison Oui
Protocole d’entente Etat des lieux de relations Non
Un email vaut-il contrat ?
En droit français, s’il y a accord réciproque sur le prix et sur la chose, il y
a contrat entre les parties. Ainsi, un email d’une personne à une autre
acceptant une offre peut valoir contrat.
Attention donc aux écrits sortant de l’entreprise.
3.11. La loi applicable
La loi applicable est un élément crucial pour comprendre les contours de
l’applicabilité d’un contrat. En effet, la relation entre deux entreprises, surtout
lorsqu’elles sont de nationalités différentes, doit être gérée selon une loi
applicable et une seule. Cela est en général précisé dans le contrat.
Ce droit applicable est celui servant de référence pour juger de la légalité
d’un acte.
Certains pays imposent que le droit applicable soit le leur dès qu’une
des parties est enregistrée dans ce pays. Le droit applicable cité dans le
contrat, si différent, est alors caduc, car contraire à la loi.
4. LE CONTRACT MANAGEMENT
Le contract management est né de ce besoin de mieux gérer ses contrats.
D’abord avec ses fournisseurs – pour « bien » acheter – puis avec ses clients.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de maîtriser le cycle de vie du contrat, c’est-à-dire, dans bien des
cas et plus particulièrement pour des projets réalisés pour un client tiers, de
maîtriser le projet.
Nous retiendrons dans cet ouvrage que le contract management peut être
défini comme l’ensemble des activités visant à préserver et défendre les
intérêts d’une partie dans une relation contractuelle.
Ainsi, le contract management apparaît comme étant une composante du
project management qui doit être maîtrisée par le chef de projet et ses
équipes.
Parole d’expert
« Le contract management, c’est l’art de s’assurer que toutes les
parties respectent leur engagement contractuel » – Thierry, Directeur
de projet, Oil&Gas.
Si le terme est anglo-saxon, c’est parce que ces pratiques se sont
professionnalisées outre-Atlantique. Une traduction littérale en français serait
« gestion de contrat », mais serait limitante en termes d’interprétation. Nous
préférons utiliser gestion de la relation contractuelle avec le client.
Pourquoi exclure le fournisseur de cette traduction ? D’abord, s’il y a client,
il y a fournisseur ; tous les préceptes et bonnes pratiques présentés dans cet
ouvrage sont applicables tant côté client que côté fournisseur. Ensuite, la
gestion de la relation avec les fournisseurs est en général de la responsabilité
des services achat des entreprises, et le sujet est déjà largement traité dans de
nombreux ouvrages dédiés4.
Quant au terme contract manager, il s’applique aux praticiens du contract
management dont les compétences peuvent se retrouver sous plusieurs
appellations en entreprise : négociateur, responsable d’activité, acheteur,
responsable d’offre, estimateur…5
Dans la suite de cet ouvrage, nous utiliserons contract manager au sens
large, pour englober toute personne ayant et utilisant des compétences de
contract management.
Quid des services ?
Les services, tout comme la fourniture de biens, produits ou équipements,
a suivi cette évolution. Les prestations de services ont glissé d’une
logique de moyens à une logique de résultat.
Dans le premier cas, le client prenait le risque lié à la durée et à la charge
des activités. Dans le second cas, ce risque est supporté par le fournisseur
qui s’engage à fournir une prestation, quels qu’en soient les moyens.
5. LE CONTRACT MANAGEMENT DANS LE PROCESS DE
PROJECT MANAGEMENT
Le cycle de vie des projets se décompose en trois grandes phases : la
réalisation du projet, puis son exploitation/maintenance et sa fin de vie. Le
projet peut regrouper ces trois phases – cas des partenariats public-privés –
ou n’être qu’une d’elles – cas des projets de construction par exemple.
Quel que soit le cas de figure, le même process en trois grandes étapes se
développe : la phase d’offre, la phase d’exécution6, et enfin la phase de
garantie. Le contract management intervient lors de ces trois grandes étapes.
Figure 1.6. Les trois étapes et les phases d’un projet

5.1. Le contract management en phase d’offre


En phase d’offre, l’objectif du client est de sélectionner un fournisseur
selon ses propres critères. L’objectif du fournisseur est d’être sélectionné.
Modes de sélection d’un fournisseur
–Le gré-à-gré : il n’y a pas de mise en concurrence, le client ne négocie
qu’avec un seul fournisseur.
–Le moins-disant : le client sélectionne, parmi les offres techniquement
recevables, celle au prix le plus bas.
–Le mieux-disant : le client sélectionne le fournisseur en fonction de
différents critères (prix, travail local, performances, …) pondérés qui
permettent de classer les fournisseurs potentiels les uns par rapport aux
autres.
L’appel d’offres émis par le client est en général un cahier des charges
technique, accompagné des conditions commerciales, soit sous forme de
conditions générales d’achat, soit sous forme d’un contrat dédié à cette
prestation ou fourniture. Les principes du contract management interviennent
alors pour faire le lien entre les demandes contractuelles du client et la réalité
opérationnelle prévue du projet. Ainsi, le praticien du contract management
regardera le contrat sous l’angle des risques et opportunités potentiels et
établira des recommandations sur les conditions à accepter, à négocier, à
proposer, à refuser, comme par exemple concernant l’Incoterm® à utiliser (se
référer au paragraphe 1.4, chapitre 3 – Les Incoterms®).
Parole d’expert
« La clé d’un contract management efficace est l’implication de la
fonction le plus tôt possible. Certaines entreprises rechignent encore à
impliquer les contract managers avant la signature du contrat et
estiment que la phase d’appel d’offres est l’exclusivité des juristes. Or,
si les rôles sont clairement définis, l’entreprise gagne à faire intervenir
ces deux fonctions, très complémentaires à cette étape » – David-
Alexandre, Directeur du contract management, Eau-Environnement.
Un enjeu majeur est également l’identification et l’énumération des
obligations client (voir chapitre 3, paragraphe 4, les obligations clients), ainsi
que la cohérence du séquençage du projet.
Un projet suit un séquençage pré-défini au contrat, qui doit être cohérent
avec la typologie du projet (plus le produit ou service est innovant, plus la
phase de conception et la phase de tests seront fournies) et les transferts de
responsabilités.
Le contract management vise donc à appréhender les risques et opportunités
pris par l’entreprise (que ce soit le fournisseur ou le client – l’analyse se fait
des deux côtés) au moment de la signature du contrat.
Exemple : Un contrat trop risqué
Une entreprise signe un contrat avec un fournisseur, incluant la fourniture
de matériels et la construction d’une structure en extérieur. Le contrat
prévoit que le fournisseur prenne le risque géologique.
Or, ce risque n’a pas été vu par le fournisseur au moment de la signature
du contrat, le sol est plus meuble que prévu, et le fournisseur doit
consolider les fondations de sa structure à ses frais. Le fournisseur voit
alors son projet passer du statut de « rentable » à « en perte ».
Or, il faut en moyenne 10 projets qui se passent bien pour compenser un
projet qui se déroule mal.
L’analyse fine des risques et opportunités potentiels associés à un projet a
une importance capitale avant la conclusion d’un contrat.
L’objectif n’est pas de limiter la prise de commande par les services
commerciaux, mais de prendre les décisions sur la base d’une analyse des
risques et opportunités pris par l’entreprise.
Parole d’expert
« Il faut dès la phase de négociation avoir des contract managers dans
la boucle et pas seulement des lawyers car après il sera trop tard.
Combien de contrats ont été négociés sans contract manager ! C’est
une grave erreur car ils ont plus d’expérience sur les risques et
opportunités que les commerciaux et les lawyers » – Thierry, Directeur
de projet, Oil&Gas.
C’est durant cette phase d’offre que les outils et les bonnes pratiques
présentés dans cet ouvrage sont mis en place.
5.2. Le transfert de la phase d’offre à la phase d’exécution
Phase cruciale pour le bon démarrage d’un projet, le transfert des équipes
d’offre aux équipes d’exécution du contrat (et donc du projet) doit être réalisé
avec rigueur.
Ce transfert comprend notamment l’engagement, de la part du chef de
projet, de piloter le projet et de le mener aux objectifs assignés, notamment
les objectifs de performances techniques, de performances financières (coûts,
chiffre d’affaires, trésorerie, marge), de maîtrise des risques et des
opportunités, et de respect des délais.
5.3. Le contract management en phase d’exécution
L’intégralité des préceptes de cet ouvrage est applicable lors de cette phase
durant laquelle le projet va se réaliser. L’objectif n’est pas tant de se
demander comment le contrat aurait pu être signé (ou pas – l’histoire ne dit
jamais si en essayant d’avoir un contrat plus favorable, il aurait été signé),
mais plutôt de se demander comment gérer un contrat qui par définition est
incomplet et ne peut être parfait – par définition, car dans le cadre de projets,
c’est-à-dire dans le cadre de réalisations uniques, le contrat et son exécution
sont forcément soumis à des aléas et des écarts par rapport au plan initial. Le
contract management vise alors à gérer les écarts entre l’exécution du projet
et le contrat, quelle qu’en soit l’origine.
Toute la valeur ajoutée du contract management est dans l’anticipation (un
des maîtres-mots de la gestion de projet) des problèmes et contentieux
pouvant éclater, d’abord en phase d’exécution des projets, puis, par retour
d’expérience, dans l’amélioration des pratiques de signature de contrat
(notamment la signature « en connaissance de cause », c’est-à-dire en toute
conscience des risques pris par l’entreprise).
Dans cette phase, le fournisseur devient lui-même client de ses propres
fournisseurs, et peut donc appliquer les principes du contract management à
ses commandes et anticiper les réactions de ses fournisseurs s’ils sont
également initiés à cette démarche. Le fournisseur peut alors transférer une
partie des exigences de son client vers ses propres fournisseurs. Les anglo-
saxons appellent cela le back-to-back ou le flow-down.
Le lecteur a reconnu dans ce transfert une technique de traitement des
risques.
5.4. Le contract management en phase de garantie
En phase de garantie du produit ou service livré vient en général le
règlement des litiges, contentieux et autres problèmes laissés de côté pour ne
pas pénaliser le projet. Vient l’heure alors des réclamations (claims), contre-
réclamations (counter-claims), éventuellement des médiations, arbitrages ou
autres modes de règlements de contentieux.
Les compétences de contract management trouvent alors tout naturellement
leur place dans ce contexte de règlement des différends et de clôture du
contrat.
Figure 1.7. Le champ d’action du contract management
6. LES ACTEURS DU CONTRACT MANAGEMENT
6.1. Quels liens entre contract manager et chef de projet ?
Le contract management est d’abord affaire de mentalité et de mode de
pensée : réaliser non pas un projet, mais un contrat. Le projet n’est que la
résultante de l’existence d’un contrat entre un client et un fournisseur.
Le chef de projet doit alors intégrer les compétences de contract
management nécessaires au déroulement de son projet, et les diffuser dans
son équipe, par des bonnes pratiques, des outils et des méthodes.
Le contract manager, lorsqu’il existe dans une organisation, supporte le
chef de projet pour l’aider à une meilleure maîtrise du contrat objet du projet.
Il intervient donc dans les contrats vendus à une entité extérieure (en général,
le client), par l’entité pour laquelle le projet travaille. Les compétences de
contract management seront détaillées dans les chapitres suivants, et incluent
le process de gestion de contrat ainsi que les outils et techniques utiles.
Parole d’expert
« Tout chef de projet se doit d’être lui-même une sorte de contract
manager car l’interprétation d’un contrat ne porte pas uniquement sur
des clauses commerciales mais aussi techniques, clauses que les
contract managers ne maîtrisent pas forcément. Sur de petits contrats
il ne peut y avoir de contract manager attitré donc le chef de projet
joue ce rôle, sur de plus gros contrats la dualité technique et juridique
entre le chef de projet et le contract manager est essentielle et
primordiale » – Jean-Michel, Directeur de projet, Energie.
La gestion de contrat, au sens « gestion de la relation contractuelle avec le
client », est affaire d’état d’esprit et non de personne. La présence d’un
contract manager dans une équipe n’est pas un gage de respect des
engagements contractuels, que ce soit ceux du client ou ceux du fournisseur.
La gestion du contrat doit être intégrée par toute l’équipe.
L’état d’esprit général à adopter est celui de juger chaque action et chaque
décision à l’aulne du contrat.
Ainsi, le bon réflexe à une demande client est d’en vérifier la légitimité
selon le contrat.
À chaque demande du client, lui demander d’apporter la preuve que sa
requête est légitime, contrat à l’appui.
Ainsi un projet peut tout à fait se dérouler sans contract manager, du
moment que les compétences de gestion de la relation contractuelle avec le
client sont présentes. En général, le chef de projet assume cette
responsabilité.
Dans les cas où un contract manager fait partie de l’équipe projet, il est
fréquent qu’il soit rattaché directement au chef de projet et anime les actions
de connaissance et de partage du contrat.
Organiser régulièrement des séances de lecture d’un chapitre du
contrat avec l’équipe, pour s’assurer que chacun l’a lu au moins une fois,
permettre aux nouveaux membres de l’équipe projet de s’approprier le
contrat, et ainsi limiter le risque de malentendu.
6.2. Le contract manager doit-il être avocat, ou du moins un juriste
d’entreprise ?
Rappelons que le contract management consiste à développer et contrôler le
cycle de vie d’un contrat complexe. Il ne s’agit pas de réduire les activités
liées à la pure maîtrise de la loi et du droit applicable, mais bien d’intégrer
cette expertise juridique dans un cadre plus global : le contrat établi en vu de
produire un résultat (un produit ou un service), acheté par un client et fourni
par un fournisseur.
Le contract manager intervient donc en interface de l’homme du droit et de
l’homme du projet. Avec une connaissance fine des deux domaines
(opérationnels et juridiques) sans être un expert ni de l’un ni de l’autre, le
contract manager met en place les méthodes et outils de pilotage du contrat
tout en sachant quand se rapprocher d’un expert métier (avocat ou chef de
projet).
Parole d’expert
« Le contract management aide le chef de projet à analyser le contrat
dans des termes plus défensifs en cas de contentieux avec le client, c’est
une sorte d’intermédiaire entre le chef de projet et le juriste » – Jean-
Michel, Directeur de projet, Energie.
En théorie, le suivi du contrat est de l’entière responsabilité du chef de
projet ; tout comme toute activité sur un projet.
Le contract manager n’est finalement que délégataire de cette responsabilité
(au même titre qu’un expert technique, qu’un avocat ou qu’un fiscaliste par
exemple), le chef de projet ayant jugé pertinent de recourir à un expert de ce
domaine.
Un bon chef de projet sait qu’il ne sait pas. Il dira « Je ne sais pas ; je
vais demander à un expert du domaine ».
7. LES LIMITES DU CONTRAT
Le contrat est le document définissant les bases même de la relation entre
plusieurs parties, et notamment entre un fournisseur et un client.
Est-ce à dire que le contrat est un garde-fou ? Une protection contre tout
abus ? Evidemment, la réponse tient plus dans le contenu du contrat en lui
même que dans des considérations générales. Rien n’empêchera une des
parties d’agir en total désaccord avec le contrat : ce qui est interdit n’est pas
infaisable.
Il est toutefois recommandé de prêter attention aux paroles et actes de
l’autre partie afin de détecter, d’identifier, tout problème pouvant survenir.
Le contrat n’est finalement qu’un document qui définit les règles de
fonctionnement, dans le but de livrer un produit ou un service à un client.
D’autres règles tacites existent néanmoins – pratiques usuelles, particularités
culturelles… – qu’il faut comprendre et gérer car elle peuvent mener à des
contentieux.
Le contrat, à proprement parler, ne protège pas les parties.
Parole d’expert
« Un grand nombre de facteurs agissant sur la vie des projets, il est bien
rare qu’ils se déroulent en totale conformité avec le contrat initial. Le
contract management n’a donc pas pour objectif le respect du contrat à
tout prix mais c’est plutôt un outil permettant de négocier le plus
favorablement possible les conditions dans lesquelles le projet doit
évoluer » – François, Directeur de projet, Energie.
« Ce n’est pas parce que c’est interdit que l’autre ne le fera pas. »
Il devient de fait un outil d’anticipation et de gestion des risques et
opportunités sur ses projets.
Le contrat est source d’ambiguïté, de malentendus et d’incompréhension
car il ne peut être exhaustif. Dit autrement : le contrat est incomplet. C’est
tout à fait normal : il ne peut pas prendre en compte tous les cas de figures
possibles d’exécution d’un projet qui est par définition unique.
8. LA PARTICULARITÉ DES GRANDS PROJETS EXPORT
Les grands projets export nécessitent plus que les autres un suivi
contractuel rigoureux, notamment en raison du fort risque
d’incompréhensions lié à la langue, aux différences culturelles, à
l’éloignement, à la diversité des localisations géographiques des intervenants,
aux différentes normes et législations à respecter.
Parole d’expert
« Il faut avoir dans un projet un contract manager expérimenté et ne
pas hésiter à investir fort dans ce domaine. J’ai 5 contract managers
sur mon projet dont un britannique qui a le sens de la langue ce qui est
très important car tous les contrats sont en anglais et la langue a ses
susceptibilités qui parfois sont déterminantes » – Thierry, Directeur de
projet, Oil&Gas.
Tous ces points de vigilance, de même que le droit applicable parfois peu
ou pas connu du fournisseur, rendent l’analyse et le suivi du contrat
nécessaires.
9. UNE PARTICULARITÉ FRANÇAISE : LA LOI DE MAÎTRISE
D’OUVRAGE PUBLIQUE
En France, il existe la loi MOP (maîtrise d’ouvrage publique)7 qui régit les
règles de lotissement, d’attribution et de suivi des contrats.
Dans ce contexte, le recourt à une personne expérimentée est vivement
conseillé pour comprendre et maîtriser le processus, et en cas d’attribution ne
pas risquer de voir la procédure attaquée pour vice de forme par les
concurrents évincés.
Encore une fois, l’avocat apportera les éléments juridiques et une lecture
approfondie de la loi et surtout de ses modifications, ramifications et
interactions avec d’autres articles de loi, tandis que le contract manager
(parfois en la personne du chef de projet) apportera une vision pragmatique,
opérationnelle et exécutable du projet pouvant s’intégrer dans le cadre défini
par la loi.
L’avocat permet de comprendre le cadre dans lequel s’intégrer ; le contract
management permet d’adapter le projet à ce cadre.
10. LES QUATRE PILIERS DU CONTRACT MANAGEMENT
Le contrat doit donc être géré, de même que le résultat – produit ou service
– à produire pour le client, tout en gérant les parties prenantes, et en se
préparant à de potentiels contentieux. Nous retrouvons là les quatre piliers de
la gestion de contrat8 : la gestion du contrat, la gestion du résultat, la gestion
de la relation, ainsi que la gestion des réclamations.
Figure 1.8. Les quatre piliers du contract management

1 Source : PMBoK Guide, Ed. 5, PMI.


2 En droit français par exemple, un accord sur la chose et le prix vaut contrat,
même en l’absence de document signé.
3 2000 ans d’histoire du partenariat public-privé, X. Bezançon, Presses de
l’École Nationale des Ponts et Chaussées.
4 Nous laissons le soin au lecteur de se référer à l’ouvrage ou à l’auteur qui a
sa préférence.
5 Source : Contract Management Body of Knowledge, Ed. 2.
6 Dans le cas des partenariats public-privés, la phase d’exécution comprend
les trois phases que sont réalisation, exploitation/maintenance, fin de vie.
7 Loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et
à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée.
8 A retrouver sur www.projectence-consulting.com
CHAPITRE 2. LE PREMIER PILIER : LA GESTION DU CONTRAT
La gestion du contrat est, comme son nom l’indique, la partie
« administrative » de la gestion de la relation contractuelle avec le client.
C’est un élément crucial et indispensable au bon déroulement des trois autres
piliers (gestion du résultat, gestion de la relation, gestion des réclamations).
Parole d’expert
« Dans bien des cas, le rôle du contract manager est incompris et sa
valeur ajoutée réduite à celle d’un simple gestionnaire ou d’un scribe
quand il devrait être le joker que l’on sort de sa manche quand la
partie semble compromise » – Thierry, Directeur contract
management, Industrie navale.
La gestion du contrat consiste à créer l’environnement dans lequel le projet
va évoluer. Cet environnement étant conditionné par le contrat, l’objectif vise
à partager et faire vivre le document contrat, et à le transformer en données
d’entrées utilisables par tous les intervenants.
1. LE PROCESSUS DE GESTION DU CONTRAT
Le processus de gestion du contrat le suit durant tout son cycle de vie et
consiste à gérer l’intégralité des documents formant le contrat tout au long du
projet.
La création de ces documents commence avant la signature. Cette phase est
souvent vue comme un projet, dont le résultat est le document contrat. Puis,
dès la signature, ce document devient la loi pour le projet, une loi que nulle
n’est censé ignorer et qui peut être amenée à évoluer.
Le cycle de vie du contrat est décomposé en cinq étapes majeures :
•consolider le contrat : vérifier que le chef de projet dispose bien de tous les
documents contractuels signés ;
•archiver les documents contractuels ;
•partager le contrat avec l’équipe projet, lire et faire-lire le contrat ;
•analyser les risques et opportunités du projet à la lumière du contrat, et
l’intégrer dans l’analyse de risques et opportunités du projet ;
•traiter les écarts au contrat, et notamment intégrer tout avenant dans la
documentation contractuelle, qu’il faudra alors repartager avec l’équipe et
recommencer le cycle.
Tout débute par la mise à disposition du contrat – tout le contrat, y compris
annexes, en version signée.
Ce contrat sera ensuite archivé et mis à disposition de l’équipe projet, en
général via un serveur informatique et des versions papier. L’équipe doit
ensuite le lire et l’analyser, et traiter toute déviation comme un avenant
potentiel et l’archiver comme tel une fois signé avec le client.
Les documents contractuels sont également une base solide pour établir une
analyse des risques et opportunités du projet.
Les documents constitutifs du contrat doivent être gérés en accord avec le
processus de gestion documentaire de l’entreprise et/ou du projet. Ce
processus de gestion documentaire est soit un document indépendant, soit
partie intégrante du système de management de la qualité ou du plan de
management du projet. Il couvre toutes les étapes concernant la
documentation :
•validation : cycle de validation, gestion des commentaires ;
•classification : comment sont indexés et regroupés les documents ;
•identification : la mise en place d’un numéro de référence ;
•circulation des documents : qui envoie les documents à quelles personnes ;
•contrôle : comment est effectué le contrôle des documents, à la fois sur leur
contenu et sur le respect du process de gestion de ce document ;
•archivage : sous quel format (papier, électronique) et où sont stockés les
documents ;
•règles de confidentialité : les droits d’accès en lecture et écriture, et les
autorisations de diffusion (restreinte, interne, externe).
Figure 2.1. Le processus de gestion du contrat
2. LE CONTRAT, TOUT LE CONTRAT ET RIEN QUE LE
CONTRAT
La première étape, cruciale, indispensable et souvent négligée, car
considérée comme évidente, est de disposer du contrat. De tout le contrat.
Cela suppose d’avoir tous les documents contractuels et de vérifier qu’il
s’agit bien des versions applicables.
Selon les projets et les entreprises, différents cas de figurent peuvent
nécessiter une recherche plus approfondie du contrat. Ces cas de figure se
répartissent en quatre grandes familles :
•les documents ne sont pas complets ;
•les documents ne sont pas utilisables ;
•les documents contractuels ne sont pas connus ;
•les documents ne sont pas les bons.
Tableau 2.1. Exemples de cas de figure nécessitant une recherche du
contrat
Cas de figure Exemples
Les documents –Le contrat est considéré comme confidentiel et la
ne sont pas direction commerciale ne les diffuse pas.
complets –La direction estime que seule la spécification technique
est utile aux équipes.
–Le fournisseur a renvoyé le contrat signé au client pour
signature, qui ne l’a pas renvoyé en retour.
Les documents –Les scans des documents intégrés au contrat ne sont pas
ne sont pas lisibles, rendant le contrat difficile à déchiffrer.
utilisables
Les documents –Les documents à disposition ne sont signés que par le
contractuels ne fournisseur et pas par le client.
sont pas connus –Seule la version native (word, excel,…) est disponible.
–Des documents cités dans le contrat n’ont pas été
signés.
Les documents –L’équipe projet se réfère à l’offre faite au client et aux
ne sont pas les déviations à la spécification technique initiale, sans
bons vérifier si ces éléments sont au contrat.
–L’équipe dispose des documents natifs qui ne sont pas
les bons.
Le seul moyen de réussir est de disposer des documents signés pour être sûr
de leur applicabilité dans le cadre du contrat, et de les lire pour identifier la
liste des documents cités en référence et vérifier qu’ils sont bien mis à
disposition du chef de projet.
Les chefs de projet ont plusieurs moyens pour identifier et réunir les
documents contractuels signés :
•les demander au service commercial qui les a signés ;
•échanger avec le client pour avoir la certitude que les deux parties disposent
de l’intégralité des documents ;
•les créer, en signant et faisant signer par le client des documents qui
pourraient être manquants, en stipulant qu’ils remplacent toute version
précédente éventuelle.
Pour ce faire, le chef de projet s’appuie sur la liste des documents
contractuels normalement présente dans le contrat. Si cette liste est absente,
elle doit être établie conjointement avec le client.
Un chef de projet qui ne dispose pas de l’intégralité des pièces
contractuelles ne peut pas s’engager sur l’intégralité des résultats du projet.
3. CONNAÎTRE SON CONTRAT
Figure 2.2. Connaître son contrat par cœur
Pour livrer le bon produit ou service à son client, le chef de projet doit
impérativement connaître son contrat et s’y référer régulièrement afin de
vérifier la conformité de ses actions avec les exigences contractuelles, mais
aussi pour rappeler à son client ses propres exigences et en demander
l’exécution le cas échéant.
Une bonne connaissance du contrat passe, c’est évident mais utile de le
rappeler, par une lecture régulière du contrat (régulière veut ici dire que le
chef de projet doit pouvoir s’y référer rapidement et autant que nécessaire).
Cela implique évidemment de disposer de la version intégrale et correcte du
contrat :
•Intégrale : le contrat ne se limite pas à quelques pages de conditions
commerciales. Tous les documents listés au contrat sont des documents
contractuels : conditions commerciales, spécifications techniques, formats
de documents (garantie bancaire, rapport d’avancement, …), instructions
d’emballage et d’expédition, …
•Correcte : seule la version signée par toutes les parties est valable. Tout
document partiellement signé ou sans signature doit être lu avec beaucoup
de circonspection. De même, les documents électroniques considérés
corrects sont des scans du contrat signé ; les formats word ou excel, même
protégés, ne garantissent pas qu’il n’y a pas eu de modification de dernière
minute non sauvegardée.
L’offre fournisseur fait-elle partie du contrat ? Oui et non
Oui, si elle est explicitement citée dans les documents contractuels. Non,
si elle n’est pas citée.
Un client aura tout intérêt à ne pas intégrer l’offre dans les documents
contractuels ; sa spécification, fonctionnelle ou technique, doit être la
référence. Dans les cas où l’offre fournisseur est intégrée au contrat, elle
est généralement moins prioritaire que la spécification client.
Une fois la version correcte et complète du contrat identifiée, elle peut être
scannée, archivée sur le réseau, et imprimée en plusieurs exemplaires, en
format A5 par exemple.
Le format A5 a l’avantage d’être facilement transportable lors de
déplacement, de ne pas prendre trop de place sur un bureau, et de rester
lisible.
En cas de besoin et pour se référer rapidement au contrat, il est
possible de faire des recherches par mots clés dans une version word
ou excel du contrat, puis de vérifier dans la version signée ce qui est
écrit.
4. LA REVUE DE CONTRAT
Le chef de projet et le contract manager réalisent ensuite une revue de
contrat. Cette étape permet de lister dans un même document les éléments
critiques du contrat, ainsi que sa complétude.
Cette revue de contrat permet également de positionner le contrat dans le
contexte de l’entreprise, c’est-à-dire de le rattacher à une typologie de projet
telles qu’elles sont définies dans l’entreprise. Les typologies classiques et
basiques sont : nouveau produit/service, évolution de produit/service existant,
recherche et développement.
Certaines entreprises ont une hiérarchisation des projets selon leur taille (en
chiffre d’affaires), selon leur complexité technique (technologie maîtrisée par
l’entreprise / nouvelle technologie), selon le métier (nouvelle installation /
maintenance), la zone géographique (Europe / Amériques / Asie /…). Autant
de découpages possibles du portefeuille de projet qui apparaissent dans cette
revue de contrat.
Ensuite, en fonction des processus et modes de fonctionnement de
l’entreprise, chaque typologie de projet appelle un certain nombre de
procédures à appliquer pour garantir le maintien de la rentabilité économique
du projet.
Eléments composant un document de revue de contrat
–Nom du projet.
–Nom du client.
–Localisation du projet.
–Devise de facturation.
–Liste et ordre de préséance1 des documents contractuels.
–Offre fournisseur incluse ou non au contrat.
–Entités internes concernées.
–Typologie du projet.
–Toute information pertinente et générale sur le projet.
Ce document sera étoffé par la lecture croisée du contrat, et listera alors
tous les points remarquables du contrat.
5. LA LECTURE CROISÉE AVEC L’ÉQUIPE
La session de partage du contrat avec l’équipe peut alors commencer.
Parole d’expert
« Le contract manager vulgarise le contrat afin de s’assurer que tous les
intervenants du projet connaissent les obligations de chaque partie de
manière synthétique et compréhensible » – Nicolas, Responsable
contract management, Energie.
Le chef de projet, avec l’aide du contract manager, partage le contrat en
thématiques en fonction des compétences des membres de son équipe.
Le responsable financier aura les conditions commerciales, le responsable
technique les éléments techniques, le responsable logistique les instructions
d’emballage et d’expédition,…
Chacun lit le contrat, avec un surligneur, et met en évidence :
•tous les éléments inhabituels dans sa pratique de son expertise ;
•tout élément ambigu ou manquant de clarté ;
•tous les éléments qui ne le concernent pas (et qui peuvent intéresser une
autre personne) ;
•tout point manquant ;
•les obligations du client2.
La réunion de lecture croisée est alors programmée et permet à chacun de
partager avec les autres membres de l’équipe sa lecture de sa partie du
contrat.
Ces éléments permettent alors de mettre à jour l’analyse de risques et
opportunités, et de définir un plan d’action.
Les étapes d’une lecture croisée de contrat
1.Décomposer le contrat en fonction des compétences des membres de
l’équipe.
2.Le distribuer aux membres de l’équipe projet.
3.Faire lire le contrat aux membres de l’équipe avec un surligneur pour
noter :
a.tous les éléments inhabituels dans sa pratique de son expertise ;
b.tout élément ambigu ou manquant de clarté ;
c.tous les éléments qui ne le concernent pas (et qui peuvent intéresser
une autre personne) ;
d.tout point manquant ;
e.les obligations du client.
4.Organiser une réunion de partage.
5.Mettre à jour les risques et opportunités.
6.Etablir un plan d’actions.
A télécharger sur www.projectence-consulting.com
Le partage de contrat peut également se faire par la mise en place
d’une base contenant :
–des fiches synthétiques sur les chapitres du contrat ;
–des questions/réponses.
Les fiches ont l’inconvénient d’être imparfaites, mais il vaut mieux
avoir une équipe qui a lu les fiches imparfaites qu’une équipe qui n’a
pas lu le contrat.
6. TRAITER LES ÉCARTS AU CONTRAT
Le suivi des exigences contractuelles ainsi que des obligations incombant
au client et au fournisseur permet d’établir une liste des écarts au contrat.
Ces écarts doivent être inventoriés puis traités afin de maintenir la relation
client-fournisseur dans le cadre contractuel.
Ainsi, certains écarts sont traités comme une non-qualité, d’autres donnent
lieu à un avenant contractuel, d’autres encore sont acceptés – mais enregistrés
comme tel, c’est-à-dire acceptés en connaissance de cause.
Un tableau de suivi de ces écarts est mis en place (Tableau 2.2.).
Ce tableau reprend :
•le numéro de référence de l’écart ;
•la catégorie de l’écart : technique, contractuel, documentaire,… Cela peut
être mis en correspondance avec l’organigramme des tâches du projet ;
•l’intitulé de l’écart ;
•les impacts sur les objectifs (Qualité – Coûts – Délais) du projet : si un écart
n’a aucun impact sur les objectifs du projet, il n’a pas sa place dans cette
liste ;
•les actions mises en place ;
•les actions à déployer ;
•l’état de cet écart.
Le lecteur notera qu’un écart est un risque ou une opportunité avéré.
Le cas des projets clé-en-main (turnkey ou lumpsum en anglais)
Le monde des projets voit se développer la pratique des contrats clé-en-
main. Le fournisseur (souvent appelé contractant général) doit réaliser un
projet depuis la conception jusqu’au démarrage et à la remise des clés au
client d’un produit installé, testé, et qui fonctionne. Le client fait porter un
maximum de risques à son fournisseur, et le paie pour cela. Le fournisseur
accepte quant à lui de porter les risques, et donc les coûts et dérives
planning associés.
Peut-on alors parler d’écart au contrat dans la mesure où la responsabilité
de la définition du produit final incombe au fournisseur ?
La réponse est oui. Le client ne doit-il pas payer en temps et en heure ? Le
client ne doit-il pas approuver tel ou tel choix ? Le client ne doit-il pas
réceptionner l’installation ? Par ailleurs, rares sont les clients qui ne
commentent pas une décision ou n’imposent pas leur point de vu au cours
du projet (alors qu’ils ont délégué une grande partie des décisions au
fournisseur !).
Ajoutons à cela les retards excusables liés aux conditions extérieures
(climatiques, force majeure,…) et nous voyons que le suivi des
modifications est également possible et même indispensable dans ce
contexte.
Tableau 2.2. Tableau de suivi des écarts
Impacts sur les Actions Actions à
Référence Catégorie Ecart objectifs du mises en déployer Etat
projet place

7. LA TRAÇABILITÉ DES COMMUNICATIONS


Parole d’expert
« Tout accord verbal doit être immédiatement suivi par une
confirmation écrite. Autant que possible, des avenants contractuels
doivent être établis » – Pierre, Directeur de projet, Energie.
La gestion du contrat s’étend aux documents qui n’ont pas valeur de contrat
mais qui peuvent être utilisés lors des contentieux. Les échanges avec le
client seront donc classés et archivés pour pouvoir s’y référer aisément. Ils
servent à retrouver l’historique de la relation et des décisions ou non-
décisions.
Le chef de projet peut créer un dossier « Communication » sur le
serveur partagé, dans lequel un ficher de type excel reprendra les
échanges entre le client et le fournisseur. Ce fichier aura un onglet pour
les échanges vers le client, et un autre pour les échanges venant du
client.
Les communications seront archivées sous le format :
[Référence]-[Sujet]-[Date]-[Commentaire].
Puis deux sous dossiers regrouperont les documents en eux-mêmes.
Les documents envoyés au client seront archivés en formats natifs
(word, excel,…) et en format non modifiable (PDF par exemple) pour
ne pas risquer de fausses manipulations.
Toutes – toutes – les communications avec le client doivent être archivées,
y compris les courriels.
L’objectif est de pouvoir rapidement retrouver chaque échange pour
prévenir tout litige, ou en cas de litige.
Figure 2.3. Architecture d’archivage des communications
Cet archivage des échanges entre client et fournisseur doit être utilisé pour
toute la documentation projet, à savoir les échanges avec les partenaires et
fournisseurs, afin de :
•permettre le transfert d’une phase du projet à une autre ;
•faciliter le retour d’expérience ;
•documenter aisément des actions défensives ou offensives envers un tiers
(client, fournisseur, partenaire).
8. LE TRANSFERT DE PROJET
Dans un souci de traçabilité et de partage de l’historique de la vie du projet
et du contrat, le chef de projet pourra mettre en place un dossier de transfert
de projet, parfois connu sous le nom de « close-out report ». Ce document a
deux fonctions principales et complémentaires :
1.permettre une bonne passation du projet d’un chef de projet à un autre ;
2.servir de base au retour d’expérience en fin de projet pour améliorer les
projets suivants.
Le dossier de transfert de projet doit donc reprendre les grandes étapes de la
vie du projet, notamment les avenants refusés ou acceptés par le client,
l’arborescence documentaire du projet, les risques et opportunités, … tout
élément pertinent pour le chef de projet qui prendra la suite.
Le sommaire de ce document3 est :
1.Revue de contrat – les éléments clés du projet : nom du client,
localisation,…
2.Recommandations et retours d’expérience
3.Etats financiers du projet : avec historique des variations de marges
4.Risques et opportunités : avec historique
5.Non conformités, problèmes qualités
6.Réclamations et contentieux avec les clients et les fournisseurs
7.Niveau de satisfaction du client : certaines entreprises demandent à ce
qu’un questionnaire soit envoyé au client régulièrement pour évaluer son
niveau de satisfaction
8.Un point par métier du projet impliqué et par grande étape du projet :
correspond au premier niveau de l’organigramme des tâches du projet
9.Performance des fournisseurs
10.
Modifications, avenants
ANNEXE – Liste des fournisseurs avec leurs coordonnées
ANNEXE – Liste des contacts clés du client avec leurs coordonnées
ANNEXE – Tableau de suivi des écarts4
1 Hiérarchisation des documents définissant la prédominance des premiers
documents sur les suivants. En cas de divergence entre deux documents sur
un point particulier, le plus prioritaire s’applique sur ce point.
2 Se référer au chapitre 3, paragraphe 4, Les obligations client.
3 A télécharger sur www.projectence-consulting.com
4 Voir paragraphe 6, Traiter les écarts au contrat.
CHAPITRE 3. LE DEUXIÈME PILIER : LA GESTION DU
RÉSULTAT
Le résultat du projet, un produit ou service, doit être délivré intégralement
en temps et en heure.
Figure 3.1. Les trois composantes de la gestion du résultat

« Intégralement » signifie que tout le produit et/ou service doit être livré : le
périmètre du projet doit être respecté – ni plus, ni moins.
Parole d’expert
Le contract management, c’est « concevoir et réaliser ce qui est
demandé, tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé » –
Daniel, Directeur, Construction.
Exemple : Faire mieux que le besoin, est-ce bien ?
Sur un projet industriel, un équipement livré au client surperformait par
rapport au besoin : plus rapide, plus puissant, donc meilleur…
Le client l’a intégré dans son système et a demandé à dégrader les
performances de cet équipement qui était trop rapide et trop puissant par
rapport aux autres équipements de la chaîne.
« En temps et en heure » signifie selon les engagements contractuels.
Exemple : Pourquoi ne pas livrer plus vite
Lors d’un projet de construction, des équipements ont été livrés en avance
sur le chantier. Un vrai succès pour le fournisseur, mais pas pour son
client dont l’entrepôt de stockage n’était pas prêt et qui ne pouvait pas
entreposer ces équipements sensibles en extérieur.
Nous retrouvons ici 2 des 3 sommets du triangle de la gestion de projet
(voir figure 1.4. Le triangle d’or de la gestion de projet) : les délais et la
qualité (composée elle-même du périmètre et de la performance).
Le contract management vise à s’assurer que l’équipe projet gère les délais
et le périmètre et délivre la performance attendue au regard du contrat.
1. LA GESTION DES DÉLAIS
Là où une relation de confiance existait lors d’une co-définition de produit,
une relation de défiance et de suivi des engagements contractuels doit
s’instaurer dans un marché de la fonctionnalité. Les clients suivent les retards
de leurs fournisseurs ; les fournisseurs rappellent leurs obligations à leurs
clients et réclament des extensions de délais.
Qu’est-ce que livrer à l’heure ? Peut-on livrer à l’heure en étant en retard ?
A quoi servent les pénalités de retard ?
Dans le cadre des contrats, une date de livraison doit être stipulée et devient
engageante. Un élément crucial de compréhension de la gestion contractuelle
avec le client intervient alors dans la réflexion : la date est engageante pour
toutes les parties. Le fournisseur n’est pas le seul à s’engager à respecter cette
date, le client aussi !
Le client doit tout mettre en œuvre (dans les limites fixées au contrat) pour
garantir cette date. Ainsi, si le client donne des informations cruciales pour le
fournisseur tard, le fournisseur ne pourra pas tenir la date prévue initialement
et pourra se prévaloir auprès du client d’une extension de délai (comment
livrer une maison à l’heure si le client ne précise pas le nombre de pièces ?).
Le fournisseur ne livrera pas à la date prévue (initialement au contrat), mais
livrera à l’heure (car non responsable du retard). Le client ne pourra ainsi pas
appliquer de pénalités de retard.
Le retard concomitant : quand le client est en retard, le fournisseur peut
être en retard.
Bien évidemment, le client niera avoir eu un impact sur le délai, et aussi
bien fournisseur que client devront longuement échanger sur ce point ce qui
retardera d’autant le projet.
L’astuce ici est donc de suivre méticuleusement toutes les dates importantes
du contrat, y compris les dates du client.
Les dates du client sont les évènements qui sont de la responsabilité du
client. L’importance de ces éléments dans la vie du contrat nous a amenés à y
dédier un paragraphe de cet ouvrage.
Dans le contrat, stipuler des dates relatives (T0 + 2 mois) et non
absolues (27 janvier 2017). Le fournisseur ne peut en effet pas
commencer à travailler tant que le client n’a pas rempli les conditions
pré-requises (paiement d’une avance, émission de données d’entrées
techniques,…).
Si aucune date n’est dans le contrat, définir le planning avec le client
devient une priorité pour l’équipe projet.
1.1. Le suivi des dates du contrat
Point de stratagème particulier ni de recours à des sciences occultes pour le
suivi des délais. Utiliser un planning.
« Utiliser » signifie définir et mettre en place, puis mettre à jour et analyser
le planning. Trop de projets commencent avec un planning qui finit dans un
tiroir ou affiché au mur, et reste ainsi toute la durée du projet sans remise à
jour.
Le planning doit être vivant et se décomposer en deux éléments :
•la référence initiale (éventuellement modifiée des avenants contractuels) ;
•les mises à jour régulières du planning.
Avoir un planning vivant ne suffit pas ; encore faut-il que les évènements
suivis soient pertinents pour le projet. La construction du planning est donc
cruciale.
Ces évènements doivent être :
•les obligations du client ;
•les obligations du fournisseur.
L’inventaire des obligations du client et du fournisseur se fait à la lecture du
contrat. Lors de la lecture croisée par chacun des membres de l’équipe, les
questions à se poser sont :
•Obligations du fournisseur :
–Que dois-je faire ?
–Pour quand ?
–Si je ne le fais pas, suis-je en retard par rapport au contrat ?
•Obligations du client :
–Quels éléments le client s’est-il engagé à réaliser et à quelles dates ?
–Pour faire mon travail, de quoi ai-je besoin venant du client ?
–Quand en ai-je besoin ?
Dans ce process, se poser la question de la date pour tous les évènements
permet de bien suivre les différentes obligations. Il en va ainsi de l’obligation
de paiement des factures par le client : par un suivi rigoureux des dates de
factures et des dates prévisionnelles de paiement, le fournisseur est capable
de relancer son client en cas de défaut.
Le fournisseur doit absolument prévenir le client des éléments dont il a
besoin. En effet, en tant que spécialiste du domaine, le fournisseur est plus à
même de définir ses besoins en termes de données d’entrée. Le client ne peut
pas être tenu responsable pour une omission de donnée d’entrée puisqu’il
paie le fournisseur pour cette expertise. Une clause est d’ailleurs parfois
ajoutée au contrat et est souvent nommée « devoir de conseil ».
Tout retard client doit ensuite être suivi très précisément, car il peut justifier
un retard de livraison par le fournisseur. Nous parlons ici de « délai
excusable ».
Une autre origine de délai excusable est un cas de force majeure. Le contrat
définit très souvent les cas de force majeure.
Exemple : Comment documenter une grève de routiers en cas de
force majeure
–Coupures de presse (date de début, durée, date de fin, étendue
géographique du blocage). Ne pas hésiter à réunir des éléments de
plusieurs media.
–Messages du transporteur indiquant l’impossibilité de convoyer le
matériel.
–Clause(s) du contrat incluant ce cas dans les forces majeures.
1.2. Le diagramme temps-temps1
Un outil pratique et visuel, très connu dans le monde de la gestion de projet
mais trop peu employé, est le diagramme temps-temps. Ce diagramme
représente l’évolution de la date prévisionnelle de survenance de jalons en
fonction du temps.
En abscisse se trouvent les dates auxquelles les ré-estimations de dates sont
faites (dans l’exemple de la , les mois de 0 à 12). En ordonnées, les dates ré-
estimées de survenance des jalons. Ainsi, dans l’exemple de la , le jalon 5
(Milestone 5) était initialement prévu lors du cinquième mois du projet ; il a
ensuite été décalé au mois 6 lors de la ré-estimation du projet qui a eu lieu
lors du deuxième mois.
Figure 3.2. Exemple de diagramme temps-temps

Cette représentation a l’immense avantage de rappeler l’historique complet


d’un nombre restreint de jalons, contrairement au planning qui présente la
dernière ré-estimation en comparaison de la référence initiale pour toutes les
tâches du projet.
Cela signifie que ce genre de graphique est lisible lorsque l’on garde le
nombre de jalons suivis à un niveau relativement faible – une douzaine est un
bon nombre. Le nombre de jalons à suivre est à définir en fonction de la
réalité et du contexte du projet.
Cet outil est très intéressant car il permet de se poser la question de dérives
relatives des jalons les uns par rapport aux autres : un des premiers jalons est
décalé mais pas les suivants ? Cela requiert une explication.
Créer un diagramme temps-temps avec les jalons du client (issus de
ses obligations) et l’intégrer dans le rapport d’avancement envoyé au
client. C’est là un bon moyen de l’informer.
Certains clients demanderont d’ailleurs ce type de diagramme temps-temps
à leurs fournisseurs, avec les jalons majeurs du projet pour suivre
efficacement et plus lisiblement que sur un planning les éventuelles dérives.
1.3. Les limites des pénalités de retard
La majorité des contrats prévoit une clause de pénalités de retard en cas de
livraison tardive des produits/services résultat du projet.
Les pénalités de retard sont soit libératoires, soit non libératoires. La
différence réside dans la possibilité pour le client de réclamer, en plus des
pénalités, des dommages et intérêts compensant les pertes consécutives au
retard. Ainsi, le fournisseur a tout intérêt à avoir des pénalités de retard
libératoires, alors que le client préférera des pénalités non libératoires.
Une grande majorité des contrats est signée avec des pénalités libératoires –
le cas contraire est un peu double peine pour le fournisseur.
Cette clause est alors utilisée pour dissuader le fournisseur d’être en retard.
En effet, elle compense rarement le montant des pénalités que le client aurait
à payer auprès de son propre client. Leur utilité est donc beaucoup plus
dissuasive que compensatrice.
Les pénalités de retard doivent également être « éducatives », au sens où
elles augmentent au fur et à mesure que le retard du fournisseur s’accroît.
Pour ne pas devenir disproportionnées, elles sont en général limitées en
montant (ce peut être 10%, ou 20% de la valeur du contrat ; chaque entreprise
et chaque secteur d’activité a ses pratiques usuelles à ce sujet).
Néanmoins, un montant trop important de pénalités par jour de retard
amène très souvent à la limite après quelques jours, ce qui supprime l’effet
dissuasif des pénalités de retard : comment, en tant que fournisseur, se
mobiliser et se motiver pour continuer un contrat alors que la limite de
pénalités de retard est déjà atteinte ?
Cette clause doit donc être bien rédigée et les valeurs bien choisies pour que
l’équipe projet du fournisseur se sente motivée et incitée à être à l’heure sur
toute la durée du contrat.
Les clauses de pénalités de retard peuvent ainsi sanctionner les biens et
services à livrer à l’issu du projet, mais également des éléments
intermédiaires : documents, plans, jalons qualité (inspections et réceptions
intermédiaires des biens et services)…
Appliquer des pénalités sur des éléments intermédiaires du projet permet un
suivi plus préventif que curatif, et est donc en ligne avec le caractère dissuasif
des pénalités de retard : l’objet du client doit être d’avoir ses produits ou
services à l’heure, et non d’espérer un retard pour « gagner » de l’argent en
appliquant les pénalités de retard.
Pénalités de retard sur les rapports d’avancement
Certains clients demandent des rapports mensuels d’avancement et les
soumettent à pénalités en cas de retard. C’est inacceptabe d’être en retard
sur ce genre de document. Le client émet une exigence de délai, pas de
performance ; autrement dit, peu importe le contenu tant qu’un document
intitulé « rapport mensuel » est créé…
Exemple d’inefficacité : Pénalités de retard sur un délai de réponse
Un contrat prévoyait que le fournisseur soit sujet à 500 € de pénalités par
jour de retard de réponse à toute demande du client au-delà de 3 jours de
délai. La bonne pratique employée était de ne considérer que les
demandes du client écrites et envoyées à la personne désignée ; le client
avait pour habitude d’envoyer ses demandes le vendredi… et recevait le
lundi invariablement la même réponse « Nous avons bien reçu votre
message et vous répondrons ultérieurement ». Le client n’avait finalement
aucune garantie sur le délai de réponse et faisait perdre du temps au
fournisseur dans des réponses automatiques inefficaces.
1.4. Les Incoterms®
L’expérience tend à montrer que les gestionnaires de projet et leurs équipes
connaissent peu les Incoterms®, en tout cas suffisamment peu pour se
tromper.
Les Incoterms® (International COmmercial TERMS) sont des règles
définies par la Chambre de Commerce Internationale afin de donner un guide
lors des transports internationaux.
Sont définies :
•le point de transfert des coûts ;
•le point de transfert des risques ;
•les documents (douaniers, connaissements,…) que le fournisseur doit
transmettre à son client.
L’erreur à ne pas commettre
L’erreur classique est de croire que les Incoterms® définissent le point de
transfert de propriété : c’est totalement faux.
Pourquoi cette confusion ? Parce que, dans beaucoup de contrats, le
transfert de propriété est défini en fonction de l’Incoterm® utilisé. Cela est
tout à fait possible, mais une autre règle peut être choisie par les parties.
Quand rien n’est précisé au contrat, la loi applicable donne alors des
indications ; ainsi, en principe, en droit français, le transfert de propriété
et le transfert des risques ont lieu dès que le vendeur et l’acheteur se sont
mis d’accord sur la chose et sur le prix, même si le prix n’est pas payé et
si la chose n’est pas livrée. Il y a néanmoins un certain nombre
d’exceptions à cette règle ; le lecteur se retournera alors vers un juriste de
métier ou un avocat pour en connaître toutes les subtilités.
L’utilisation des Incoterms® n’est pas obligatoire, mais cela facilite les
échanges sous réserve de suivre quelques recommandations :
•utiliser une syntaxe claire et complète, faisant référence aux Incoterms®, à
leur version (leur année), suivi du lieu géographique à considérer.
Exemple : DDU – Calais selon Incoterms® 2010 ;
•définir les obligations de chaque partie concernant l’arrimage et la
sécurisation des containers.
Les Incoterms® facilitent donc le commerce international, mais sont
optionnels. Ils ne définissent pas non plus les moyens de résoudre les
différends entre les parties, et certaines lois locales peuvent avoir priorité sur
eux.
Les parties peuvent décider d’utiliser la version des Incoterms® de leur
choix (version 2000, 2010, US…). Il faut que la version soit clairement
précisée au contrat, d’autant plus que le FOB américain est différent du FOB
2010 et du FOB 2000, qui sont eux-mêmes différents.
Encore une fois, les Incoterms® ne régissent pas le transfert de propriété.
2. LA GESTION DU PÉRIMÈTRE
Parole d’expert
« Le contract management permet à une entreprise de s’assurer que
l’ouvrage qu’elle construit pour un client correspond très précisément
aux attentes de ce client et aux obligations règlementaires et de gérer
toute dérive contractuelle ou demande modificative au mieux des
intérêts de l’Entrepreneur » – Daniel, Directeur, Construction.
Le périmètre est intégré au sommet « Qualité » du triangle de la gestion de
projet (Figure 1.4) et doit donc être géré par le chef de projet et son équipe
(l’autre composante de ce sommet est la performance).
2.1. L’origine du périmètre
Le périmètre du projet est défini tout d’abord dans le contrat et répond à la
question : « Que veut le client ? ».
Il doit ensuite être enrichi et approfondi par le fournisseur. A cette étape,
l’équipe projet doit répondre à la question : « Par rapport à ce que le client
veut, que devons-nous faire ? ».
En répondant successivement à ces questions, tout d’abord l’organigramme
des tâches du projet va se construire, ensuite la liste des exigences du contrat
va se dessiner. Lister, suivre et répondre à chacune de ces exigences est
crucial puisque le client jugera le projet selon ses exigences.
Organigramme des tâches
L’organigramme des tâches du projet est une décomposition arborescente,
hiérarchique et non-séquencée du projet.
Le séquençage des tâches du projet donnera naissance au planning.
Les exigences du client doivent ensuite être enrichies par les exigences plus
larges du contrat, notamment celles relatives à la loi en vigueur ou au pays
d’exécution et les réglementations, et par les exigences venant de l’entreprise
et des pratiques du métier (l’« Etat de l’art »). Toutes les exigences de toutes
les parties prenantes2 doivent être répertoriées.
Exemple : Exemple d’exigence non explicitée par le client, non traitée
par la loi en vigueur, imposée par le pays d’exécution
Un projet exécuté par une société française en Inde nécessite un minimum
de couverture par une assurance indienne, même si la société française
dispose déjà d’une assurance auprès d’une compagnie française.
Les exigences peuvent alors être classées en fonction de leur origine, puis
en deux grandes catégories : les exigences implicites et les exigences
explicites.
L’équipe projet construira une matrice de traçabilité des exigences (parfois
également appelée matrice de conformité), qui précisera :
•les exigences avec un code de référence ;
•l’origine de l’exigence ;
•la façon dont le fournisseur compte répondre à cette exigence ;
•une catégorie. Elle permet de préciser si le fournisseur est conforme à
l’exigence, si l’exigence est facultative, si le fournisseur a besoin de
clarification pour comprendre et répondre à l’exigence, si l’exigence n’est
pas applicable, ou si une déviation a été accordée ;
•l’état de l’exigence : « ouverte » quand des actions sont encore en cours
pour y répondre, « fermée » quand elle est atteinte ;
•la personne (et non l’entreprise ou le service !) en charge de faire respecter
cette exigence, et donc du suivi des actions associées ;
•la date « objectif » de réalisation des actions et d’atteinte de l’exigence.
Cette matrice comporte parfois énormément de lignes (c’est-à-dire
d’exigences). Dans ce cas, pour rendre cet outil pertinent et utilisable, les
exigences doivent être classées. Tout d’abord, mettre en avant les exigences
inhabituelles, mais également les exigences habituelles pour cette typologie
de projet et absentes pour ce cas précis, et commencer par les exigences
critiques. Une exigence est considérée critique quand elle a un impact direct
sur l’acceptation du résultat par le client.
Au cours du projet, cette matrice de traçabilité des exigences sera revue,
enrichie, modifiée pour refléter l’avancement du projet et permettra au chef
de projet de suivre son projet et de communiquer avec son client sur
l’avancement.
Tableau 3.1. Matrice de traçabilité des exigences
Catégorie
(I : pour
information
C: Etat
Origine Réponse Personne
clarification (ouverte
Référence Exigence de à en
requise /
l’exigence l’exigence charge
NA : non- fermée)
applicable
D:
déviation)

2.2. Les évolutions du périmètre


Parole d’expert
« Le contract management consiste à proprement évaluer et traiter les
écarts pouvant affecter, de manière positive ou négative, la bonne
exécution du contrat. En ce sens plus un projet pourra être soumis à
des aléas et variations plus il nécessitera un bon contract
management » – Thierry, Directeur contract management, Industrie
navale.
Dans la majorité des projets le périmètre est amené à évoluer. L’origine
peut être variée : proposition du fournisseur, demande du client, évolution de
la réglementation, amélioration technologique, proposition d’un sous-traitant
du fournisseur,…
Quelle qu’en soit l’origine, la modification doit être traitée avec
professionnalisme et tracée dans l’historique du projet. Un point crucial est
notamment l’accord du client – dans le cas où il est nécessaire.
Parole d’expert
« Le contract management est un outil majeur de la direction de projet
car c’est grâce à sa mise en œuvre qu’on protège les intérêts des
parties sur les modifications demandées par le client, les retards, la
force majeure, les positions abusives du client… » – Thierry, Directeur
de projet, Oil&Gas.
Les bonnes pratiques à mettre en œuvre sont de garder traces écrites de la
demande de modification, des raisons de cette demande, de son origine, ainsi
que de la décision prise.
Cela peut être notifié dans une fiche de demande de modification et suivre
un processus défini.
Comment savoir si l’accord du client est nécessaire ?
– Relire son contrat !
Ce processus comme cette fiche peuvent être discutés lors des négociations
et intégrés au contrat. Dans le cas contraire, le chef de projet et son équipe
doivent aborder ce sujet le plus tôt possible avec le client pour éviter des
demandes intempestives et désordonnées, notamment venant d’un membre de
l’équipe client à un membre de l’équipe fournisseur. Ce même processus peut
également être utilisé en interne, à moins que ce ne soit le processus standard
interne du fournisseur qui ne soit proposé au client.
Le suivi de ces modifications doit être précis et rigoureux.
2.3. Le processus de demande de modification
Tout commence par une demande de modification. Le contenu de cette
demande peut être varié : technologie, périmètre, ajout de prestation,… En
fait, tout ce qui sort du cadre initial du projet.
La demande doit arriver au chef de projet, qui est le premier filtre de
l’instruction de cette demande. Dans certains cas, le chef de projet pourra être
amené à refuser directement cette demande, s’il juge par exemple qu’elle sort
des compétences de l’entreprise ou qu’elle représente un autre projet à traiter
par l’équipe commerciale de son entreprise. Ou bien encore que l’analyse de
cette demande est trop lourde en temps et en argent ; le chef de projet peut
alors demander au client de financer l’analyse de la modification. Le client
acceptera ou pas. En cas d’acceptation, le chef de projet ne mettra pas son
projet en péril et aura les fonds nécessaires au recrutement de ressources
supplémentaires (soit internes, soit externes).
Un autre avantage d’avoir ce premier filtre en la personne du chef de projet
est de définir un point d’entrée unique : toute demande non validée par le
chef de projet ne sera pas étudiée par l’équipe projet. Ainsi, lorsque le client
émettra une proposition de modification à un membre de l’équipe du
fournisseur, il saura qu’il la transmettra directement au chef de projet sans se
poser plus de question… l’optimum étant qu’il réponde au client « pour toute
demande de ce type, merci de vous adresser directement au chef de projet,
comme précisé dans la matrice de communication ».
En cas de décision de procéder plus avant, l’équipe peut alors analyser les
impacts de la modification sur les trois dimensions du triangle magique de la
gestion de projet : la qualité, le coût, le délai. En d’autres termes : comment
cette modification peut impacter la qualité du projet telle que prévue
initialement, comment elle va modifier les coûts (et le prix de vente) du
projet, et quel délai supplémentaire prévoir pour implémenter cette
modification.
Nous comprenons bien ici le filtre précédent du chef de projet : l’équipe
projet ne peut pas analyser toutes les demandes venant de l’interne ou de
l’externe.
Une fois la consolidation de ces données effectuée, l’équipe projet doit se
demander si une validation du client est nécessaire ou non, et le contacter le
cas échéant. En cas de refus du client, le chef de projet peut tout de même
être amené à décider d’implémenter la modification. C’est le cas par exemple
d’amélioration que le client ne refuse pas mais pour laquelle il ne veut pas
payer, alors qu’elle permet au fournisseur d’économiser sur d’autres postes
de coûts.
Exemple : Exemple de modification implémentée bien que le client ne
voulait pas payer
Le contrat spécifiait un type de technologie obsolète pour un équipement
précis (cela arrive sur certains contrats qui sont négociés sur plusieurs
années). Le fournisseur a proposé au client d’utiliser une technologie plus
moderne et mature. Le client ne s’y est pas opposé sous réserve que cela
ne lui coûte pas plus cher. Comme le fournisseur y voyait un intérêt
économique (plus gros volume d’achat négocié sur plusieurs projets), le
chef de projet décida d’implémenter la modification sans surcoût pour le
client.
Enfin, en cas d’approbation, la modification est mise en place.
Et en cas de réduction du périmètre ?
Une réduction du périmètre, donc des produits et/ou services à livrer dans
le cadre du projet, donne en général droit au fournisseur de signifier un
coût supplémentaire. Ce coût supplémentaire se justifie par une
modification du travail déjà réalisé, une réorganisation du projet
(prévisions de charges, réorganisation de la production en cas de produits,
stocks, …), ainsi qu’une baisse de la capacité de négociation de
l’entreprises vis-à-vis de ses fournisseurs. D’ailleurs, si le périmètre avait
été initialement restreint dès l’appel d’offres, le prix proposé par le
fournisseur n’aurait pas été simplement une réduction liée à la partie
enlevée !
Figure 3.3. Exemple de process de gestion des modifications
2.4. La fiche de modification
Une fiche de modification doit être mise en place et être le document
unique utilisé tout au long du processus. Elle reprendra les grandes étapes,
notamment :
•origine de la demande ;
•description de la demande ;
•analyse qualité / coût / délai ;
•analyse de risques et opportunités ;
•validations ;
•dates.
Sans oublier le formalisme nécessaire en précisant le nom du projet et/ou sa
référence, les destinataires aux différentes étapes, et l’état de la modification :
en cours / validée / rejetée.
Tableau 3.2. Exemple de fiche de modification
Référence du projet : Nom du projet :
Autre référence Date :
Destinataire : Expéditeur :
Distribution :

Description de la modification :

Signature (rédacteur) : Date :

Décision du chef de projet

Modification approuvée : Modification rejetée :


Signature : Date :

Décisions du client (le cas échéant)

Modification approuvée : Modification rejetée :


Signature : Date :

Impacts coûts :
Impacts périmètre / performance :
Impacts délais :
Réclamation à un tiers :

Et si le client refuse de remplir une fiche de modification car il


estime que c’est inclus au contrat ?
Lui demander à quels paragraphes et articles précis du contrat il fait
référence ; ne pas se contenter d’un « vous devriez connaître votre
contrat ». Ne jamais s’engager à vérifier dans le contrat à sa place. Le
client doit aussi le connaître et être capable de s’y référer. Si le client
refuse toujours de se référer au contrat, l’ouvrir avec lui et regarder
ensemble. Cela désamorcera un désaccord potentiel futur.
2.5. L’archivage des fiches de modification
Les fiches de modification doivent en parallèle du process être archivées et
mises à disposition de l’équipe projet.
Créer dans l’arborescence réseau du projet – ce qui suppose d’avoir
un serveur partagé au sein de l’équipe projet, c’est un minimum pour le
travail collaboratif – un dossier intitulé « MODIFICATIONS ».
Dans ce dossier, créer des sous-dossiers pour chaque modification, en
commençant par son numéro de référence qui doit être un numéro à
suivre (01, 02, 03….), le nom de la modification, et son état – EN
COURS / ACCEPTE / REFUSE. Cela permettra d’appréhender quasi-
instantanément le nombre et l’état des modifications, et est beaucoup
moins fastidieux que l’utilisation d’un fichier de type « excel ».
Une « saisie écran » (ou print-screen sur certains claviers
d’ordinateurs) permet alors de réaliser un reporting des modifications.

Utiliser 2 ou 3 chiffres pour le numéro de référence de dossier, en


incluant le « 0 », car sinon certains systèmes classeront le « 2 » après le
« 19 », alors que « 02 » sera bien positionné.
3. LA GESTION DE LA PERFORMANCE
Les clients demandent – achètent – de plus en plus une réponse au besoin,
ce qui s’est transformé en une conception pour l’usage prévu – le fameux fit
for purpose que l’on retrouve dans beaucoup de contrats anglo-saxons.
Cette notion de conception pour l’usage prévu est détaillée dans les
exigences. Le besoin du client doit être défini clairement en termes de
fonctionnalités, voire de performances, mais aussi d’usage prévu. L’usage
prévu doit être détaillé, car s’il est trop vague le fournisseur ne peut
véritablement pas réaliser sa part du contrat.
Le contrat peut ainsi prévoir un engagement de performance. Le fournisseur
en garantit alors un certain niveau que le client doit réceptionner. Cette
réception doit suivre un programme d’essai et d’acceptation : le protocole de
réception.
Ce protocole doit être défini le plus en amont possible ; l’idéal est qu’il soit
déjà précisé lors de l’appel d’offres afin que le fournisseur le prenne en
compte dans sa proposition et qu’il soit intégré au contrat.
Le fournisseur, sur la base de ces performances demandées par le client et
de leur mesure, pourra alors orienter ses décisions lors de l’exécution du
projet.
Bonnes pratiques de gestion de la performance
–Comprendre les indicateurs de performance.
–S’accorder très en amont avec le client sur les moyens de mesurer les
performances.
–Définir en amont le protocole de réception des livrables et les critères
d’acceptation.
–Éviter les ambiguïtés et imprécisions – ne jamais supposer.
–Communiquer ; rechercher des clarifications.
Les maîtres-mots sont COMMUNICATION – ANTICIPATION
D’un point de vu contractuel, le chef de projet prêtera une attention toute
particulière au transfert de propriété, au démarrage de la période de garantie,
ainsi qu’au transfert de responsabilité.
En cas de litige, le juge posera au chef de projet deux questions :
•Où sont les bons de livraison ? Preuve que le produit/service a été livré.
•Où sont les certificats de conformité ? Preuve que le client a accepté le
produit/service.
4. LES OBLIGATIONS CLIENT
Un contrat est signé entre plusieurs parties. Un client et un fournisseur
signent ce document définissant les règles de fonctionnement du projet, le
périmètre, le délai et le prix.
Les deux parties s’engagent donc à respecter les termes du contrat. S’il est
évident d’identifier bon nombre d’obligations du fournisseur (délai,
fonctions, performances, …), les obligations du client sont souvent négligées
par le fournisseur, mais également par le client lui-même.
Il est très important pour les deux parties de les suivre. D’abord pour le
client, pour ne pas se mettre en défaut par rapport au contrat. Ensuite pour le
fournisseur, qui ne pourrait pas tenir ses engagements sans cela.
Les obligations du client semblent limitées. Le premier réflexe dans bon
nombre d’industries est de penser que le client n’a qu’une seule obligation,
celle de payer en temps et en heure.
En y regardant de plus près, le client, en signant le contrat, s’engage à plus
que cela.
Exemples d’obligations client :
•payer en temps et en heure ;
•mettre en place une lettre de crédit ;
•participer aux inspections et aux revues qualité prévues au contrat ;
•lever les options contractuelles avant la date limite ;
•commenter et/ou valider les documents émis par le fournisseur ;
•spécifier ses exigences en termes de livraison (type d’emballage, marquage,
adresse de livraison) ;
•clarifier et compléter les données d’entrée ;
•valider le protocole d’essai et de réception ;
•fournir un accès au site (dans le cas des projets de construction par
exemple) ;
•…
Cette liste doit évidemment être établie par l’équipe projet, à la fois à la
lecture du contrat, mais également en fonction des besoins spécifiques du
projet en répondant à la question « Qu’est-ce que le projet a besoin que le
client fasse pour que tout se déroule au mieux ? ».
Il n’est évidemment pas question d’attendre que le client soit en retard pour
le prendre en défaut, notamment en ce qui concerne les données d’entrées
dont le fournisseur a besoin ; en effet, le spécialiste est le fournisseur – raison
pour laquelle il a obtenu le contrat pour ce projet – et le client peut être une
entité qui n’a aucune expérience dans ce genre de projet et qui ignore
totalement ce dont le fournisseur a besoin. Dans ce cas, la négligence du
fournisseur serait invoquée s’il ne prévenait pas le client tôt dans le projet de
ses besoins.
Ainsi, la liste des obligations client peut, dans certains cas – à définir en
fonction notamment de l’expérience de l’équipe projet, du client et des
relations entre eux – être établie conjointement.
Tableau 3.3. Exemple de tableau de suivi des obligations client
Date Date
Référence
Obligation contractuelle prévisionnelle
contractuelle
ou initiale ou réelle
Paiement des factures
Lettre de crédit
Participation à l’inspection en
usine
Participation à l’inspection sur
site
Levée de l’option 1 :
commande complémentaire de
10 éléments
Levée de l’option 2 : couleur
spécifique
Validation des plans de
conception
Instructions d’emballage
Instructions de marquage
Adresse de livraison
Plans d’interface physique
Plans d’interface software
Accès au site pour travaux

L’équipe projet du fournisseur pourra utiliser un tableau de suivi des
exigences client qui listera les obligations, fera référence au document
contractuel ou à la clause contractuelle prévoyant cette obligation ou
l’induisant, précisera une date initiale ou contractuelle, ainsi qu’une date
prévisionnelle ou réelle.
Dans les cas où une date n’est pas définie dans le contrat, le fournisseur doit
absolument, et ce le plus tôt possible lors de l’exécution du projet, définir
avec le client une date qui deviendra date contractuelle et au-delà de laquelle
le fournisseur ne pourra pas s’engager à fournir le résultat du projet tel
qu’attendu par le client.
1 A télécharger sur www.projectence-consulting.com
2 Personne ou entité pouvant retirer un bénéfice positif ou négatif des
résultats du projet.
CHAPITRE 4. LE TROISIÈME PILIER : LA GESTION DE LA
RELATION CLIENT
1. LA LEÇON DE RICHARD BRANSON
Richard et Necker Island
La première offre de Richard Branson pour acquérir Necker Island
s’élevait à $100 000, pour un prix de vente de $5 000 000. Le vendeur,
Lord Cobham, l’a évidemment rejetée.
Richard Branson se met alors en quête des fonds nécessaires, tout en
augmentant légèrement son offre pour ne pas casser la relation.
Richard appris alors que Lord Cobham avait un besoin urgent d’argent ; la
vente sera alors prononcée pour $180 000.
Source : http://www.virgin.com/entrepreneur/how-richard-branson--
bought-necker-island
Quelles leçons tirer de cette histoire dans la thématique de la gestion de la
relation contractuelle avec le client ?
Tout d’abord, avoir une relation avec l’autre partie. Richard n’a pas
abandonné et a maintenu un relationnel avec le vendeur.
Ensuite, ce que demande le client n’est pas forcément son besoin
profond, mais peut être un moyen de répondre à son besoin : Lord Cobham
n’a pas besoin de vendre son île, c’est un moyen de répondre à son besoin
urgent de liquidité.
Enfin, cela a pu être possible car Richard a eu connaissance du besoin du
vendeur.
2. DE L’IMPORTANCE DE LA CONNAISSANCE CLIENT
Les trois leçons tirées de l’histoire de Necker Island et de son achat par
Richard Branson sont également cruciales dans les projets et la gestion de la
relation contractuelle avec le client, et peuvent être retranscrites en plusieurs
règles :
•connaître son client ;
•connaître son environnement ;
•connaître ses besoins ;
•connaître l’environnement du projet ;
•connaître le client de son client.
Tout cela peut être résumé en une phrase : connaître son client. Au sens
large. Le chef de projet doit avoir la vision globale de son client, ce que les
anglo-saxons appellent la big picture.
Comment faire pour connaître son client ? Enormément de sources sont
utilisables :
•l’actualité du secteur d’activité ;
•l’actualité du client ;
•le site internet du client, avec son rapport financier et parfois son
organigramme ;
•les offres d’emploi ouvertes chez le client : quels profils le client recrute-
il ? Cela peut donner une idée sur ses projets en cours, ses difficultés ou
besoins grandissants ;
•les sites des clients du client, des autres fournisseurs.
Bien sûr, rien ne remplace le contact physique : le chef de projet doit donc
rencontrer régulièrement son client – à la fois son contact privilégié, mais
également d’autres intervenants sur le projet – visiter ses bureaux, ses sites
industriels,… autant que faire se peu. Le fournisseur gagnera ainsi en
connaissance de son client et de son environnement.
Figure 4.1. Exemple d’organisation d’un projet d’infrastructure
A minima, l’équipe projet devrait disposer d’un organigramme projet côté
client, afin d’identifier qui fait quoi, qui est le contact pour quel sujet,
comment l’information circule entre le client et le fournisseur.
Tout cela doit ensuite être présenté dans un document généralement appelé
« Plan de communication du projet », qui inclut une matrice de
communication.
3. LA MATRICE DE COMMUNICATION
La matrice de communication doit établir les noms, rôles, responsabilités et
thématiques couvertes pour chacun des acteurs du projet – côté client et côté
fournisseur – et les règles de communication.
Une règle cruciale permettant la traçabilité des échanges et l’archivage des
communications est de tout écrire. Il doit donc y avoir un maximum de
communication écrite, ce qui n’empêche pas des communications verbales,
bien au contraire. Elles sont indispensables dans certains cas (résolution
rapide de problèmes, questions rapides,…), mais doivent toujours
s’accompagner d’un message écrit reprenant ce qui a été dit.
Le plan de communication
Le plan de communication du projet peut contenir les éléments suivants :
–une description du projet : client, pays, contexte, organisation, enjeux,
périmètre, dates clés… ;
–les exigences des parties prenantes en termes de communication,
notamment le processus de soumission et de validation des documents,
ou les exigences relatives à des rapports d’avancement ;
–les informations à communiquer et le format (langue, contenu, niveau de
détail) ;
–les raisons de communication de ces informations ;
–la fréquence de communication et les accusés de réception le cas
échéant ;
–la personne en charge d’émettre la communication ;
–la personne autorisant l’émission d’informations confidentielles ;
–la personne ou le groupe de personnes recevant l’information ;
–les méthodes et technologies utilisées pour transmettre l’information
(réunions, mémos, courriel, …) ;
–les ressources allouées aux activités de communication, incluant le
temps et le budget ;
–le processus d’escalade pour la gestion de problèmes ne pouvant pas être
traités au niveau inférieur de l’entreprise ;
–la méthode de mise à jour du plan de communication pour tenir compte
de l’évolution du projet ;
–un glossaire ;
–une représentation des flux de communication ;
–les contraintes de communication : souvent liées à des obligations
légales (information des instances représentatives par exemple) ou
technologiques (utilisation d’un outil de suivi des flux,…).
Source : Adapté du PMBoK, ed.5, PMI
La communication entre le client et le fournisseur doit donc être définie et
quelques règles sont à mettre en place, à la fois en interne (au sein du
fournisseur comme au sein du client) et en externe (entre le client et le
fournisseur).
Les règles de communication peuvent être précisées dans le contrat, ou par
ailleurs. Néanmoins, si le client ne propose pas de flux de communication, la
responsabilité incombe au fournisseur.
Exemple
Le client n’est pas toujours un professionnel des projets. Le fournisseur
doit donc l’accompagner dans le suivi et la gestion de son projet en
proposant des règles de fonctionnement, comme la communication et les
procédures d’essais.
Cela est notamment vrai pour les municipalités qui peuvent être amenées
à acheter des projets (usines de traitement d’eau, nouveaux lotissements,
…), activité bien éloignée de l’administration d’une ville.
La communication interne au fournisseur doit être claire et diffusée à tous
les intervenants du projet. Un véritable pouvoir de délégation doit être donné
au chef de projet dans la gestion de la relation client, au risque de voir le
projet dériver en raison d’accords entre le client et d’autres personnes de
l’entité fournisseur.
Notamment, au démarrage du projet ou à la nomination du chef de projet, il
n’est pas inhabituel que le chef de projet demande à ce que toute
communication passe par lui. Cela ne traduit pas un manque de confiance,
mais une étape d’observation des relations entre le client et le fournisseur.
Cette relation fait référence au bow-tie de la gestion des grands-comptes1
(Figure 4.2).
Figure 4.2. Le bow-tie appliqué aux projets
Puis, au fur et à mesure que le projet avance et qu’un lien est créé entre les
différents acteurs du projet, le chef de projet pourra modifier les règles de
fonctionnement, notamment autoriser les discussions directes entre les
experts du client et les experts du fournisseur, sous réserve de respecter
quelques conditions :
•toute communication verbale doit faire l’objet d’un écrit ;
•toute communication écrite sera transmise au chef de projet en copie ;
•tout élément relatif au prix, à une modification du périmètre ou au délai sera
renvoyé vers le chef de projet.
Cette relation fait référence à la diamond team de la gestion de grands-
comptes2 (Figure 4.3).
Figure 4.3. La diamond team appliquée aux projets
Que répondre quand un client parle de délai, de modification de
périmètre ou de coût, à un membre de l’équipe projet ?
« Pour ce sujet-là, je vous demanderais de prendre contact directement
avec le chef de projet comme convenu dans la matrice de
communication. »
Il ne faut surtout pas s’engager à faire suivre la demande. Cela fait
perdre du temps à quelqu’un qui a une expertise à mettre en œuvre sur
le projet, et est contraire à la règle de communication établie. D’où
l’importance d’établir les règles en début de projet.
Tableau 4.1. Exemple de matrice de communication
En copie En copie
Sujet Expéditeur Destinataire
(fournisseur) (client)
Conception (sans Nom de la Nom de Nom du chef Nom du
implication coût, personne l’homologue de projet responsable
périmètre ou coordonnant la côté client achat du
délai) conception client
Invitation aux Nom du chef de Nom du … …
inspections projet responsable
achat du
client
Délais Nom du chef de Nom du … …
projet responsable
achat du
client
Périmètre Nom du chef de Nom du … …
projet responsable
achat du
client
Autre Nom du chef de … … …
projet
Livraisons … … … …
Factures … … … …
Cette matrice sous forme de tableau peut être complétée par une
représentation plus visuelle des flux d’échanges comme présentée dans le
tableau 4.2.
Tableau 4.2. Exemple de flux de communication
Cette représentation permet de préciser les contacts principaux ainsi que les
contacts secondaires qui se substituent au contact principal en cas d’absence.
La facturation
Les factures sont partie-intégrante de la relation contractuelle avec le
client. La décision d’émission de factures doit être approuvée par le chef
de projet, qui doit en (faire) suivre les délais de paiement pour rappeler
ses obligations au client si nécessaire.
4. L’IMPORTANCE DE LA COMMUNICATION DANS LES
PROJETS
Un projet est réalisé par des personnes et nécessite la mise en commun de
diverses expertises qui doivent être coordonnées dans le but de produire le
résultat du projet. La communication est donc cruciale au bon déroulement
d’un projet.
Elle fait partie des écueils habituels des projets ; un manque de
communication est classiquement cité comme un problème perturbateur du
bon fonctionnement d’un projet – quel que soit le type de projet. Or, établir
une communication aisée et fluide dans un projet est délicat. Cela est facilité
par un langage commun qui permet de mieux se comprendre et de se focaliser
sur le message en lui-même et réduire les risques de malentendus.
La communication est cruciale sur les projets
La communication est la cause de beaucoup de sous-performances de
projets.
Les bonnes techniques de communication et un vocabulaire partagé sont
essentiels pour développer un esprit d’équipe et se focaliser sur
l’essentiel.
La communication est parfois déjà difficile dans un environnement
familial et amical, alors que dans un projet :
–les membres sont souvent des inconnus ;
–les membres viennent de cultures, passés, langues et vocabulaires
différents.
4.1. Quelques rappels pour une bonne communication
La communication passe par la parole et par la gestuelle, également appelée
non-verbal. Nous pouvons établir 5 niveaux de communication, suivant le
degré de partage, de la tonalité et de la gestuelle :
Le premier niveau est le face-à-face. Il est de loin le plus efficace, et permet
un échange synchrone (en même temps), à double sens (chacun des
interlocuteurs peut s’exprimer), à la fois du message, de l’intonation et de la
gestuelle.
Ensuite vient la visio-conférence, très proche du face-à-face, mais limitant
parfois le non-verbal au visage.
La conversation téléphonique, quant à elle, est toujours un mode de
communication synchrone à double sens, mais sans non-verbal.
Le message vocal est une communication à sens unique, asynchrone (le
destinataire écoute le message en décalé et ne pourra répondre que plus tard)
permettant néanmoins au destinataire de percevoir l’intonation.
Enfin, le message écrit – courrier, fax, courriel – est le mode de
communication le plus pauvre, asynchrone, à sens unique sans intonation et
sans gestuelle.
Evidemment, plus la communication est riche, plus la compréhension peut
être aisée et les malentendus évités.
Le meilleur moyen pour communiquer est, comme bien souvent dans le cas
d’options multiples, de mixer les moyens de communications. Ainsi, un écrit
permet de poser sa penser, au lecteur d’avoir du temps pour réfléchir, et
servira de trace à l’échange. Une conversation téléphonique fera ensuite le
lien entre rédacteur et lecteur pour clarifier certains points et répondre aux
questions.
Les membres de l’équipe projet doivent utiliser tous les niveaux de
communication pour s’assurer que leur message passe efficacement. Et dans
un souci de traçabilité, garder une trace écrite de ces communications.
Les 5 niveaux de la communication
5. LES RÈGLES D’UNE BONNE RÉUNION
La réunion est un moyen de faciliter la communication entre différentes
personnes.
Divers types de réunions existent, diverses finalités, et nous retrouvons,
dans les projets :
•la réunion de lancement ;
•la réunion d’avancement ;
•la revue de projet ;
•le comité de pilotage ;
•la réunion de travail ;
•la réunion de chantier ;
•la signature de contrat ;
•la réunion avec le client ;
•la réunion de négociation ;
•…
Chaque réunion a ses propres objectifs, ses propres protagonistes, son
déroulé défini.
Il existe quelques règles de base applicables à tout type de réunion, et
indispensables quant au suivi de la relation contractuelle avec le client. Ces
règles comportementales sont :
•écouter : ne pas écouter le client ne permet pas de comprendre son point de
vue ni ses arguments ;
•être factuel : ne pas succomber à ses émotions ;
•ne pas conclure trop vite : rechercher des clarifications, rephraser pour être
sûr de bien comprendre ;
•ne pas chercher à se faire aimer : le professionnalisme est la clé ;
•garder trace de ce qui est dit : prévoir dans l’ordre du jour un temps en fin
de réunion pour rédiger et signer le compte-rendu. Ce compte-rendu pourra
d’ailleurs être co-rédigé en séance en le projetant sur un écran ;
•ne pas être pressé : réserver le train ou l’avion d’après.
Réserver le billet d’après
Le chef de projet réservera le train/avion de 21h, mais annoncera à son
client avoir une réservation pour celui de 18h. Cette limite de 18h est
alors dans l’esprit de tous sauf du chef de projet qui ne voit pas cette
échéance comme la fin de la réunion et est, de fait, psychologiquement
plus détendu.
Si la réunion se prolonge légèrement, le chef de projet n’a pas à se
soucier de disponibilité de place dans le train/avion de 21h ; si la
réunion se termine à l’heure, le chef de projet pourra tenter de changer
son billet et rentrer plus tôt.
Dans le cas de déplacements internationaux, il est recommandé de
réserver un avion le lendemain de la réunion, pour finir tard si cela est
utile – ou modifier le billet et rentrer le soir même.
6. LA GESTION DES COURRIELS DANS LES PROJETS
La communication se fait souvent par courriel qui présente l’avantage de
pouvoir être envoyé à plusieurs personnes, de tracer l’échange, et d’être en
mode asynchrone pour permettre aux récipiendaires de le consulter
ultérieurement.
La masse de courriels échangés sur les projets nécessite la mise en place de
règles de fonctionnement simples et pourtant efficaces pour s’y retrouver au
besoin.
Ainsi, un « compte email » projet peut être créé. C’est une boîte
électronique du projet qui est en copie de tous les échanges et qui permet de
garder la trace de tous les échanges électroniques. Cette boîte nécessite un
nettoyage fréquent pour classer les messages par thématiques (selon
l’organigramme des tâches du projet par exemple), mais aura l’immense
avantage de conserver tous les messages, même en cas de changement de
chef de projet et de suppression par l’équipe informatique du compte du
prédécesseur.
La communication est également facilitée par une structure établie des titres
de messages. La structure de l’objet du courriel est : [NOM DU PROJET] –
Sujet
Utiliser comme structure d’objet des courriels :
[NOM DU PROJET] – Sujet
Les membres de l’équipe projet travaillant sur plusieurs projets ne peuvent
alors pas se tromper. Cela suppose de n’avoir qu’un seul projet par email.
Il est également efficace de n’avoir qu’un seul sujet traité par courriel et
surtout de ne pas utiliser un message précédent et cliquer sur « répondre »
pour écrire sur un sujet différent.
Enfin, dans le cas d’échanges avec le client, les outils standard de
messagerie permettent en général de définir des formats de courriels. Cette
trame standard pour son client – avec formule de politesse – rend l’envoi du
message plus aisé et plus rapide. Elle permet également de s’assurer de
n’oublier personne en copie ou comme destinataire – les adresses
électroniques sont déjà renseignées dans la trame et modifiées en cas de
changement d’interlocuteur.
Définir une trame standard de courriel avec son client.

Les bonnes pratiques de la gestion de projet et de la communication


préconisent la définition d’un nom pour chaque projet, qui sera utilisé
dans les communications. Il est judicieux d’utiliser le même nom en
interne et en externe (notamment avec le client).
7. LES NIVEAUX DE COMMUNICATION DANS UN PROJET
La communication dans les projets se retrouve selon trois niveaux, que sont
le niveau organisationnel, le niveau projet, et le niveau humain.
Le niveau organisationnel est simple à appréhender. Deux entreprises
contractualisent leurs relations : le client et le fournisseur. C’est ainsi que
l’entreprise X devient fournisseur de l’entreprise Y.
A ce niveau relationnel le projet seul ne compte pas mais d’autres éléments
entrent en compte dans la gestion de la relation : les projets passés, les projets
futurs, les offres commerciales en discussion, les contentieux en cours. Ce
niveau est souvent géré par la direction de l’entreprise qui le délègue parfois
à la direction commerciale (pour le fournisseur) ou à la direction des achats
(pour le client).
Le niveau projet représente les liens entre X et Y dans le cadre d’un projet
en particulier, tout au long de la vie du projet. Il existe par la signature d’un
contrat entre les deux entreprises. C’est à ce niveau que le chef de projet et
son équipe (dont le contract manager s’il existe) gèrent le projet.
Le dernier niveau est le niveau individuel, ou comment communiquer entre
personnes. Ce niveau existe car un projet est, par définition, exécuté par des
femmes et des hommes qui interagissent dans un environnement
(l’organisation et son monde extérieur) dans un but précis (le projet).
Il n’y a pas de projets sans les personnes qui les font.
Ces trois niveaux sont en constante interaction et doivent être pris en
compte dans toute décision.
Le relationnel projet est souvent perturbé par les objectifs individuels de
chacun – comme un quota d’émission de réclamations par exemple. Le
relationnel entre les organisations pourra faire basculer une négociation d’un
côté ou de l’autre ; les enjeux du projet ne sont pas les seuls éléments à
prendre en compte, une signature d’un nouveau contrat peut être une
contrepartie intéressante. Encore une fois, le chef de projet doit avoir une
vision globale de la situation, à la fois au niveau projet, au niveau entreprise
et au niveau individuel, et défendre au mieux les intérêts de son projet.
Figure 4.4. Les niveaux relationnels dans les projets
1 D’après Peter Cheverton, Global Account Management, Editions Kogan
Page, 2008 et Malcolm McDonald, Beth Rogers, Key Account Management:
Learning from the supplier and customer perspectives, Editions Butterworth-
Heinemann, 1998.
2 D’après Cheverton P. (2008), op.cit. et McDonald M. et Rogers B. (1998),
op.cit.
CHAPITRE 5. LE QUATRIÈME PILIER : LA GESTION DES
RÉCLAMATIONS
1. LE CONTRACT MANAGEMENT ET L’ANALYSE DE RISQUES
ET OPPORTUNITÉS
Parole d’expert
« Le contract manager pilote le process des Risques & Opportunités
afin de s’assurer que les impacts potentiels sur la marge soient connus
et anticipés. Que les risques et les plans d’actions associés soient
communiqués et compris par tous les intervenants du projet. » –
Nicolas, Responsable contract manager, Energie.
Le contrat contient la base de l’accord entre le client et le fournisseur. Il
représente la loi du projet et doit régir le déroulé du projet. Il est la référence
et doit donc être utilisé comme base dans l’analyse des risques et
opportunités du projet. Le process de pilotage des risques et opportunités n’a
pas besoin d’être adapté pour mettre en place le contract management dans
une entreprise.
Le contrat devient une donnée d’entrée, à la fois pour l’identification mais
également pour l’analyse quantitative : le montant des pénalités de retard
permet par exemple de quantifier un risque impactant les délais de livraison ;
ou encore une pénalité pour performance permet de quantifier un risque sur le
périmètre du projet.
Figure 5.1. Le processus de pilotage des risques et opportunités d’un
projet
Source : PMBoK, ed 5, PMI
Dans le cas où l’identification des risques et opportunités est
difficile, ne pas hésiter à commencer une session collective par un
exercice de créativité. Cela permet d’ouvrir son esprit et de penser
différemment, et est extrêmement utile pour l’identification des
opportunités en particulier.
Par exemple, demander aux participants d’écrire en vert/vers/verre/…
avec un stylo rouge. Certains vont écrire la phrase « j’écris en vert avec
un stylo rouge » en vert tout en tenant un stylo rouge dans l’autre main,
d’autres vont mimer un vers de terre en écrivant avec un stylo rouge,
d’autres encore vont écrire un vers (une poésie) en rouge…
Cette analyse de risques et opportunités, en se focalisant sur les écarts
possibles entre le contrat et l’exécution, doit permettre de faire apparaître les
sujets susceptibles de devenir des points durs entre le client et le fournisseur.
Ces points durs peuvent alors mener à des réclamations.
Parole d’expert
« Le contract management consiste à identifier et analyser les écarts
contractuels au cours de la vie du projet, afin de diminuer les risques
et de générer les opportunités qui en découlent » – François, Directeur
de projet, Energie
2. RÉCLAMATION, CONTENTIEUX, LITIGE OU
CONTESTATION ?
Différents mots coexistent dans le monde des projets, notamment :
contentieux, réclamation, litige ou encore contestation.
Le Larousse1 nous donne les définitions correspondantes.
•Réclamation : action de réclamer quelque chose auquel on estime avoir
droit.
•Contentieux : ensemble de conflits passés non résolus existant entre des
personnes ou des groupes et pesant sur la situation présente.
•Litige : contestation donnant lieu à procès ou à arbitrage.
•Contestation : action de contester, de ne pas admettre quelque chose.
Cet ouvrage part du principe qu’il existe un ordre pratique dans lequel les
évènements ont lieu. Une partie émet ainsi une réclamation, qui peut être
contestée par l’autre partie ou acceptée si elle l’estime parfaitement légitime.
En cas de contestation, la réclamation devient un litige ou contentieux.
Le monde des affaires anglo-saxon utilise communément le terme de claim,
traduisible par réclamation en français, mais ayant surtout une connotation
négative, c’est-à-dire représentant une réclamation contestée.
Devant la multitude des définitions et acceptions propres à chaque
entreprise, le lecteur se réfèrera au référentiel de son organisation pour
identifier les termes idoines.
Cet ouvrage utilisera le terme « réclamation » en lieu et place du claim
anglo-saxon.
Tous les concepts présentés dans cet ouvrage sont valables pour une
réclamation acceptée par l’autre partie.
3. LES CATÉGORIES DE RÉCLAMATIONS
Même si tout est fait pour limiter les réclamations (à commencer par la
mise en place d’un cadre contractuel), les projets, de part leur nature unique,
y sont souvent soumis.
Les causes de réclamations sont classées en trois catégories : les
réclamations sur les faits, les réclamations sur le droit, et les réclamations
liées au facteur humain.
3.1. Le fait
Les réclamations portant sur le fait sont liées à tout ce qui, factuellement, ne
s’est pas déroulé comme prévu, ce qui n’a pas été fait, ou fait différemment
par rapport à l’accord (la spécification). Les causes de ce genre de
réclamation sont multiples : spécifications peu claires, mauvaise
interprétation de points techniques, performance insuffisante, points d’arrêt
« qualité » non respectés, critères d’acceptation ambigus…
Figure 5.2. Les principales catégories de réclamations
Tous ces facteurs de réclamation sont donc autant de risques à analyser et à
prendre en compte durant la vie du projet.
3.2. Le droit
Les réclamations portant sur le droit sont liées à tout ce qui a attrait aux
conditions contractuelles et au droit applicable. Cette catégorie regroupe
notamment : les interprétations différentes des conditions contractuelles,
l’incomplétude des conditions contractuelles, des omissions de définitions,
des positions juridiques divergentes, le non respect du droit du travail local...
Là encore, tant de points à surveiller lors de l’exécution du projet.
3.3. Le facteur humain
Nous l’avons dit, les projets sont réalisés par des personnes, avec leurs
compétences, leurs passés, leurs histoires, leurs cultures. Cette diversité fait la
richesse de l’équipe projet et est indispensable à l’atteinte de l’objectif,
néanmoins elle peut créer quelques points de discordes pouvant donner lieu à
des réclamations, notamment : des incompréhensions linguistiques liées à une
mauvaise traduction, un manque de communication, des différences
interpersonnelles, des interprétations différentes du contrat.
Plus pragmatiquement et au-delà de la catégorisation des réclamations, les
éléments le plus communément réclamés sont présentés dans l’encadré ci-
après.
Les principaux éléments donnant lieu à réclamation
Principaux éléments donnant lieu à réclamation du client :
–retard de livraison : documentation, prestation, produits ;
–sous-performance ;
–assistance au fournisseur pour compenser la sous-performance ;
–toute réclamation reçue de son propre client ;
–avenants non finalisés.
Principaux éléments donnant lieu à réclamation du fournisseur :
–extension de délai, incluant retard concomitant et force majeure (avec
frais afférents) ;
–changement de périmètre ;
–retards de paiements de factures ;
–enlèvement/réception tardif des produits ;
–bureaux occupés par le personnel du client ;
–toute réclamation reçue de ses propres fournisseurs ;
–réorganisations des équipes et des plannings de livraison des autres
clients.
La limite est l’imagination de chacun
– dans le respect de la réalité opérationnelle et des faits –
4. LA RÉCLAMATION, UN SUJET FINANCIER ET
D’ANTICIPATION
Dans le cadre de relations commerciales entre deux entités, l’une achetant,
l’autre vendant, les réclamations portent très souvent sur un impact financier,
des travaux supplémentaires (ce qui se traduit par un impact financier), ou
des modifications de délais ce qui est également traduisible en impact
financier.
Ainsi, le principal élément réclamé par le fournisseur est une augmentation
du prix de vente, tandis que le client demandera des dédommagements
financiers pour diverses raisons.
La réponse classique à ce type de risque est de prévoir une allocation
budgétaire qui peut prendre la forme d’une provision pour risque ou une ligne
budgétaire spécifique.
Si le client procède ainsi, cela signifie qu’il « met de l’argent de côté pour
payer la réclamation ». La marge de négociation et la capacité du client à
libérer des fonds sont ainsi plus importantes que si le client n’a pas
provisionné de réclamation dans ses états financiers.
En conclusion, un fournisseur a tout intérêt à notifier une potentielle
réclamation le plus tôt possible pour augmenter la capacité du client à
débourser de l’argent.
Mettre le claim dans le budget du client / du fournisseur.
A l’inverse, le fournisseur fera le nécessaire lors de l’analyse des risques
pour provisionner ce qui doit l’être.
La pratique industrielle montre néanmoins que le fournisseur, mais
également le client, tarde souvent à notifier une potentielle réclamation,
rendant les relations plus difficiles après coup. Les conséquences peuvent être
dramatiques, notamment si le contrat prévoit un délai de notification et de
résolution des différends et que ce délai n’est pas respecter.
Les raisons invoquées sont légions, mais quelques unes le sont
régulièrement :
•le retard ou le montant global est en cours d’évaluation et ne pourra être
connu qu’à la fin du projet ;
•la performance du produit/service est privilégiée pour ne pas détériorer les
relations avec le client – « d’abord on fait que ça marche, après on
discutera » ;
•l’équipe projet ne peut pas traiter à la fois le quotidien et les réclamations ;
•les deux entreprises sont en négociation pour d’autres contrats et personne
ne veut détériorer les relations commerciales ;
•la relation client-fournisseur est une relation de confiance et les
réclamations n’ont pas leur place dans le projet ;
•la culture d’entreprise du fournisseur est une culture de mauvaise exécution
des projets – « nous sommes toujours en retard » ;
•la validation d’une notification ou réclamation en interne est un processus
long et personne ne veut en prendre la responsabilité.
Toutes ces raisons sont évidemment pertinentes, mais cachent bien souvent
une peur du client et de le décevoir, et une culture d’entreprise orientée vers
la technique et moins vers le respect des engagements de chacun. Or, un
fournisseur rigoureux, qui rappelle à son client ses obligations pour le bien du
projet et qui délimite sa prestation à ce qui est contractuellement prévu, est un
fournisseur qui agit en professionnel.
5. DÉTECTER UNE RÉCLAMATION
Parole d’expert
« Client et fournisseur doivent régulièrement se réunir pour revoir et
résoudre les conflits, différends et contentieux » – Pierre, Directeur de
projet, Energie.
L’anticipation des réclamations est nécessaire et passe par une connaissance
fine de l’environnement du projet, de son interlocuteur, de son client.
Quelques signes sont annonciateurs de réclamations en préparation et doivent
alerter l’équipe projet qui mettra en place un plan d’actions dédié.
Exemples de signes annonciateurs de réclamations
Changement de ton dans les échanges. Les courriers se font plus fréquents
là où l’oral était présent, ou bien les courriers se font plus juridiques en se
référant au contrat.
Nombreuses notifications (de retards, malfaçons, sous-performance,…).
Présence inhabituelle de nouveaux acteurs du projet, comme un contract
manager ou un juriste d’entreprise.
Refus de reconnaître ses manquements au contrat.
Approbation lente des documents soumis contractuellement à visa.
Le plan d’actions est défini par une analyse du risque de recevoir une
réclamation, et reprend les étapes de réponse à une réclamation et de
préparation d’une réclamation – la différence étant qu’il faut dans ce cas
anticiper les réclamations potentielles du client ce qui suppose d’être
pertinent sur ses manquements vis-à-vis du contrat.
Rappel : le plan d’actions
Le plan d’actions liste des actions définies, qui seront réalisées par
quelqu’un (et non un service ou un département de l’entreprise), dans un
délai donné.
Une action commence par un verbe d’action.
Exemple de ce qui n’est pas une action : « guêter le retour du client ».
Exemple d’action : « appeler M.Smith chez le client (au +49.12.34.56.78),
pour lui demander où il en est et quand nous pouvons espérer un retour de
sa part ».
6. LE PROCESSUS DE RÉPONSE À UNE RÉCLAMATION
Dans le cas où l’entreprise, cliente ou fournisseur, reçoit une réclamation,
elle doit être traitée avec efficacité et suivre un processus bien précis.
Tout d’abord, et à moins que la réclamation ne soit bien documentée et
étayée, l’entreprise recevant la réclamation demande des compléments
d’informations et d’explications avant d’analyser la réclamation. Ensuite, la
position de la partie demanderesse est étudiée attentivement, sans a priori. La
partie défenderesse commence alors, en interne, à définir sa position par
rapport à la réclamation. En cas d’accord et de reconnaissance de la légitimité
de la demande, un accord est recherché. En cas de désaccord, la partie
défenderesse réfute formellement les demandes en expliquant, pour chaque
point de la réclamation, son point de vu étayé par des preuves.
Les preuves utilisées peuvent être aussi multiples que des courriels
échangés, des comptes-rendus de réunion (sous réserve qu’ils aient été
acceptés par les deux parties), des saisies d’écran des états de l’outil de
reporting de l’entreprise, des factures de fournisseurs, …
En parallèle, un processus de contre-réclamation est lancé (Figure 5.3).
Quelques règles sont à respecter pour garder traces et preuves des échanges
de réceptions et réponses aux réclamations. Un courriel peut être envoyé pour
sa rapidité, mais un courrier postal, en recommandé avec accusé de réception
est également envoyé en parallèle, ou bien un fax dont le rapport d’émission
vaut preuve de la réception par le destinataire.
La partie recevant une réclamation doit en accuser réception et y
répondre, faute de quoi, en cas de litige porté devant la Cour, le juge peut
estimer que cette partie n’était pas de bonne foi et ne recherchait pas la
résolution du conflit.
Figure 5.3. Le processus de gestion des réclamations
7. LE PROCESSUS D’ÉMISSION D’UNE RÉCLAMATION
Une réclamation est émise dans deux cas de figure : soit en envoi premier
(claim en anglais), soit en réponse à une autre réclamation qu’elle viendrait
compensée (counter-claim en anglais).
Quel que soit le cas de figure, le processus de définition de la réclamation
est le même, seules les contraintes temporelles diffèrent. Dans le premier cas,
l’entreprise est maître de son choix d’envoi ou non, et donc du temps alloué à
la préparation de la réclamation. Dans le second cas, l’entreprise doit
répondre en quelques semaines et donc monter son dossier dans ce délai plus
contraint.
Tout repose sur l’anticipation, la traçabilité des écarts et des échanges entre
client et fournisseur.
La gestion de la réclamation commence donc dès la mise en place de la
gouvernance de la gestion de projet et le démarrage du projet.
Comme tout part du contrat, son analyse est la première étape. Puis
viennent deux grandes thématiques à analyser : les obligations client d’un
côté, et les écarts par rapport au contrat de l’autre. Nous retrouvons dans la
première thématique les éléments traités au paragraphe 3 du chapitre 3, dans
la seconde les retards excusables et les changements par rapport au contrat
(changements non formalisés par un avenant bien évidemment).
Exemples de retards classés selon les trois catégories
Exemples de retards non excusables :
–la réponse à appel d’offres était erronée ;
–l’entreprise pilote mal ses fournisseurs ;
–des malfaçons et problèmes qualité retardent la livraison ;
–les ressources allouées au projet sont insuffisantes.
Exemples de retards excusables, non compensables :
–cas de force majeure (se référer au contrat) ;
–épidémies et pandémies ;
–guerre ;
–terrorisme ;
–grèves.
Exemples de retards excusables, compensables :
–retard imputable à l’autre partie ;
–accélération du planning demandée par l’autre partie ;
–problème d’accès au site ;
–co-activité avec d’autres fournisseurs du même client ;
–spécifications initiales incomplètes ou erronées ;
–abus de pouvoir : inspections abusives, rétentions d‘approbations
documentaires… ;
–nouvelles normes et régulations ;
–retards de paiements.
Puis, pour chaque élément de chacune des thématiques commence le travail
méticuleux de retracer la réalité opérationnelle et de compiler les preuves
associées.
Ainsi, pour les obligations client, l’équipe projet s’attache à lister les points
sur lesquels le client n’est pas conforme, les instructions imprécises ou
divergentes venant du client, et les compléments d’information donnés par le
client (partant du principe que si le client a besoin de compléter le contrat,
c’est soit parce que la spécification n’était pas claire et empêchait le
fournisseur de réaliser le projet correctement, soit que le client y est autorisé
dans une certaine limite de temps pour que le fournisseur puisse respecter son
engagement de délai).
Figure 5.4. Processus de préparation d’une réclamation
8. STRUCTURE D’UNE RÉCLAMATION
Parole d’expert
« Quand les problèmes surviennent, il est crucial que les éléments
soient présentés de façon compréhensible et acceptable. Concision et
précision sont de mise » – Pierre, Directeur de projet, Energie.
Après avoir identifié les éléments permettant de monter une réclamation
vient le moment de la rédiger. La structure d’une réclamation suit plusieurs
principes :
•Rester très factuel ;
•Suivre un séquençage de pensée partant des éléments permettant la
demande (le « droit »), puis les faits (le « fait »), ensuite les causes, les
conséquences et l’impact, et enfin un chiffrage financier et temporel ;
•Respecter cette logique sur chacun des éléments prêtant à réclamation.
Figure 5.5. Structure d’une réclamation

Les causes d’un élément réclamé sont les causes racines, ce qui suppose
parfois de remonter assez loin dans le processus de recherche des causes.
Des outils classiques utilisés par les qualiticiens peuvent venir au secours
de l’équipe projet, notamment le diagramme en arête de poisson, ou
Ishikawa, également appelé arbre des causes.
Exemple : Pourquoi pousser la recherche des causes
Un client et son fournisseur sont en négociation à propos de défauts lors
de l’exploitation des équipements fournis. La recherche des causes
racines, de premier niveau, fait ressortir des fautes côté fournisseur
(erreurs de conceptions, ajustements à réaliser,…) mais également côté
client (erreurs en exploitation et en maintenance) – toutes impactant les
performances d’exploitation.
Une analyse plus approfondie a montré que le client avait changé ses
spécifications fonctionnelles après la livraison de l’équipement ; il
reprochait donc à son fournisseur d’avoir livré un produit non conforme à
un besoin exprimé après.
Dans ce cas de figure, aller cherche la cause originelle permet de
dédouaner le fournisseur de tout défaut et d’imputer l’entière
responsabilité des malfaçons au client.
Les conséquences sont des éléments factuels, opérationnels, qui sont
survenus en raison de la présence de la cause. Ces conséquences ont en
général un impact sur les objectifs du projet (Q-C-D), impact qui doit être
chiffré en temps et en impact financier.
Le contenu d’un dossier de réclamation est :
•une lettre expliquant la réclamation :
–la référence au contrat ou au droit autorisant la réclamation,
–une description des faits, avec une comparaison des performances réelles
et des performances contractuelles,
–les raisons pour les déviations ou sous-performances,
–les effets et conséquences des déviations et sous-performances,
–les impacts chez l’émetteur de la réclamation,
–les compensations demandées (argent, délai),
–un résumé de tous les éléments réclamés,
–une date buttoir pour répondre ;
•un ensemble de pièces annexes supportant les dires de la lettre principale.
Chaque document sera référencé dans le corps de la lettre.
Doit-on tout réclamer tout de suite et présenter toutes les preuves dès
le premier envoi ?
Cette question trouve sa réponse dans la stratégie que l’émetteur de la
réclamation veut adopter. S’il veut gagner du temps sur le projet en en
faisant perdre à l’autre partie dans l’analyse de la réclamation, une
réclamation partiellement documentée peut suffire. A l’inverse, s’il s’agit
d’une position dure prise par l’émetteur, en réponse par exemple à une
réclamation déjà reçue de l’autre partie, alors l’ensemble des pièces
justificatives est pertinent.
En règle générale, le premier à émettre une réclamation ne dévoile pas ses
atouts tout de suite.
9. LES MÉTHODES D’IDENTIFICATION DES POINTS PORTANT À
RÉCLAMATION
L’identification des points portant à réclamation est une activité plus aisée
et efficace si elle est réalisée à plusieurs.
Un groupe de personnes variées et pluridisciplinaires se réunit pour environ
une heure. Ce groupe n’est pas forcément constitué des membres de l’équipe
projet. Le premier quart d’heure est dédié à un brainstorming (ou remue-
méninge) pour identifier les points de réclamation.
Puis, trente minutes sont dédiées à une réflexion guidée par un diagramme
Ishikawa, une check-list (ou liste type), ou encore le premier niveau de
l’organigramme des tâches.
9.1. Le Brainstorming
Le brainstorming doit être limité dans le temps (environ 10 à 15 minutes) et
suivre la règle CQFD :
•Censure abolie : les participants ne jugent pas les idées ;
•Quantité souhaitée : la sélection en fonction de la qualité sera fait ensuite ;
•Farfelu : être créatif et favoriser les idées farfelues ;
•Démultiplier : rebondir sur les idées des autres.
9.2. Le diagramme d’Ishikawa
Il consiste à se poser la question des éléments de réclamation selon cinq
axes que sont les 5M : Méthodes, Main d’œuvre, Milieu, Matière, Machine.
Cela se représente sur un diagramme en forme d’arête de poisson pour
toujours chercher les causes racines de chacun des points.
Figure 5.6. Principe du diagramme d’Ishikawa

9.3. La check-list
Une liste de points portant à réclamation peut être établie dans une
entreprise par le retour d’expérience des projets précédents et être utilisée
pour les projets suivants pour évaluer la possibilité d’émettre (ou recevoir)
une réclamation sur un sujet connexe.
Un exemple d’une telle liste est présenté en figure 5.2.Figure 5.2. Les
principales catégories de réclamations ou encadré : Les principaux éléments
donnant lieu à réclamation. La liste des obligations client est également un
bon outil (voir Tableau 3.3.)
9.4. L’organigramme des tâches
Les lots ou tâches du premier niveau de l’organigramme des tâches peuvent
servir de base à une réflexion guidée, en répondant à la question : « sur ce
premier lot, que pouvons-nous réclamer au client ? Qu’est-ce que le client
peut nous reprocher et réclamer ? ».
Ces différentes techniques peuvent être mixées, en organisant par exemple
un Ishikawa par lot de premier niveau de l’organigramme des tâches.
10. L’ÉVALUATION DES IMPACTS EN DÉLAI ET EN ARGENT
Les impacts temps et argent sont ensuite évalués pour compléter le dossier
de réclamation.
Les méthodes classiques d’estimation sont valables, notamment l’approche
analytique qui consiste à décomposer les coûts et les délais induits et
imputables à l’autre partie.
Les chiffres avancés doivent être plausibles, réalistes, car en cas d’arbitrage
ou de procédure en justice ils seront analysés par des experts.
Cette étape d’analyse est appelée dans le jargon « Forensic », qui se définit
comme la science d’évaluer les impacts coûts et délais des défaillances des
parties d’un contrat. Elle est proche d’une analyse post-mortem en ce sens
qu’elle ne vise pas à prévenir les défaillances, mais à les analyser à posteriori.
Une fois l’ensemble des éléments générateurs de sur-coûts ou de délais
identifiés (via un brainstorming, un diagramme d’Ishikawa, une check-
list…), chacun des points est analysé pour définir la partie responsable et
évalué.
Il est souvent aisé de se rapporter aux dommages pour calculer – et justifier
– l’impact coût. Ces dommages sont catégorisables en deux grandes
familles :
•les dommages directs : ce qui découle directement du fait générateur. Ils
sont identifiés en répondant aux questions : « que devons-nous dépenser de
plus que nous n’avions pas à faire avant ? », « quelles entrées d’argent
n’aurons-nous pas que nous devions avoir ? » ;
•les dommages indirects : ce qui est une conséquence indirecte, ou par effet
de « ricochet » d’un dommage direct. Des exemples de dommages indirects
sont :
–la perte d’opportunité : l’allongement des délais du projet de la faute du
client empêche le fournisseur de signer un contrat avec un autre client,
–l’application de pénalités de retard d’un autre client, ou d’une réclamation
d’un autre fournisseur, suite à un problème d’exécution du contrat.
Certains contrats excluent les dommages indirects des réclamations. En
outre, par l’application de pénalités libératoires, des dommages directs ne
sauraient être réclamés par le client.
Une fois les coûts estimés, les frais de structures, marges et autres sont
ajoutés, comme lors d’un chiffrage de projet.
Rappel
Une estimation n’est pas uniquement une valeur. C’est un ensemble
composé de :
–un corps d’hypothèses ;
–une valeur ;
–une incertitude.
L’important est de garder à l’esprit que les montants présentés doivent être
vérifiables par un expert. Cela signifie que l’entreprise doit disposer de
suffisamment de preuves : extraits du système d’information de l’entreprise
(ERP), des feuilles de présence des salariés, des notes de frais relatives au
projet, des factures fournisseur, des règles financières, … Les applications de
bonnes pratiques et de pratiques de l’industrie sont également des éléments
pris en compte par les experts.
11. L’ARBRE DE DÉCISION
Dans les cas les plus compliqués, un point de réclamation peut avoir
plusieurs causes racines imputables soit au client soit au fournisseur. De plus,
en fonction de la réaction estimée de l’autre partie, de l’appréciation estimée
d’un juge éventuel ou de tout autre élément, la décision de soumettre une
réclamation sera positive ou négative.
Plusieurs scenarii sont alors élaborés pour estimer la valeur attendue de la
réclamation ainsi que le montant maximum possible. Chaque scenario se voit
attribuer un montant et une probabilité d’occurrence.
Un premier calcul est effectué pour chaque scénario sans tenir compte des
probabilités d’occurrence. Cela permet d’identifier le montant maximum
possible.
Puis, chaque scenario est pondéré par sa probabilité d’occurrence, les
sommes ainsi obtenues sont additionnées pour obtenir la valeur attendue.
Cette valeur devient alors un objectif de négociation. En clair, si l’autre
partie, lors de la négociation, est d’accord pour un montant plus élevé, il est
recommandé d’accepter. A l’inverse, si le montant proposé par l’autre partie
est plus faible il est recommandé de continuer.
Exemple : L’arbre de décision
Le client envisage d’appliquer des pénalités de retard au fournisseur. Les
éléments pris en considération sont :
–le fournisseur est capable de prouver que la moitié du retard est
imputable au client (retard excusable), avec une probabilité d’occurrence
de 75% ;
–la limite de pénalités de retard est atteinte (pour 2,2 M€) ;
–des pénalités pour un autre motif avaient déjà été acceptées et payées par
le fournisseur pour 500 K€ ;
–la limite de responsabilité totale du contrat (2,5 M€) pourrait limiter le
montant de pénalités de retard, mais il y a un historique de 5% des cas
où la Cour juge que cette limite ne s’applique pas ;
–il y a une chance sur deux (50%) que la Cour déclare que la réclamation
arrive trop tard dans le processus et est invalide.
La figure 5.7. page suivante représente l’arbre des décisions.
Ainsi, le montant maximum que le client peut espérer est de 2,2 M€, ce
qui surviendrait dans le cas où le fournisseur ne peut pas prouver de retard
excusable et où la Cour n’appliquerait pas la limite totale. Ce scenario a :
50% x 25% x 5% = 0,6% de chance de survenir.
A l’inverse, il existe un scenario où le client ne toucherait rien. Ce
scenario a 50% de chance de survenir.
Enfin, le calcul de la valeur attendue est réalisé en multipliant le montant
de chaque scenario par sa probabilité d’occurrence, soit :
(1,1 x 35,6%) + (1,1 x 1,9%) + (2 x 11,9%) + (0 x 50%) = 0,65 M€ ou
650 K€.
Ce montant est alors un élément de plus dans la décision. Les chiffres à
prendre en compte dans la négociation sont :
–minimum = 0 € avec 50% de probabilité ;
–maximum = 2,2 M€ avec 0,6% de probabilité ;
–valeur attendue : 650 K€.
Dit autrement, tout accord de l’autre partie sur un montant supérieur à
650 K€ est accepté.
Figure 5.7. L’arbre des décisions

Les méthodes d’estimation des coûts et des probabilités sont cruciales dans
cette aide à la décision.
Une des façons de procéder est d’interroger les membres de l’équipe projet
sur ces valeurs et de moyenner leurs retours en utilisant un tableau
d’estimation.
Tableau 5.1. Tableau d’estimation
Réclamation Fournisseur peut prouver un La limite est
valide retard excusable applicable
M. Dupond 50% 100% 100%
Mme Durant 75% 50% 100%
Mme 40% 50% 100%
Beauchamps
M. Renaud 30% 100% 80%
Moyenne 50% 75% 95%
12. BONNES PRATIQUES RELATIVES AUX RÉCLAMATIONS
Les entreprises gagnent à suivre quelques règles liées aux réclamations :
•considérer que chaque fois que le client parle, il pourrait y avoir un avenant
en vue ;
•notifier une réclamation potentielle aussi tôt que possible (« mettre la
réclamation dans le budget du client ») ;
•intégrer une provision pour risques dès que le client communique sur une
réclamation potentielle, et prévenir l’équipe projet pour une traçabilité sans
faille tout en restant vigilant ;
•traiter les problèmes dès qu’ils se présentent ;
•avoir une stratégie claire de réclamation ;
•réclamer en cas de :
–changement de séquence d’exécution du projet imposé par le client : le
client impose un séquençage différent des pratiques du secteur (par
exemple, livrer les équipements avant de les tester en usine, ou encore de
lancer l’exploitation avant d’avoir fini les tests),
–abus de privilège : le client abuse d’une ou plusieurs clauses du contrat
pour en tirer avantage (par exemple, ne pas valider la conception du
fournisseur pour demander des modifications même après les livraisons
des équipements),
–instructions contradictoires,
–… tout ce qui peut être expliqué (pas forcément prouvé) ;
•tracer les décisions, demandes, modifications, communications avec le
client ;
•la réclamation doit raconter une histoire ;
•porter une attention toute particulière aux éléments clés des pénalités de
retard – vérifier tous – TOUS – les chiffres avancés par le client ;
•CONNAÎTRE SON CONTRAT.
Les éléments clés de l’application de pénalités de retard
–Les dates servant de base au calcul des pénalités de retard.
–La base de calcul du montant des pénalités de retard (totalité du contrat,
par ligne de commande,…).
–Le pourcentage des pénalités de retard.
–L’éventuelle période de grâce (exemple : « les pénalités de retard
s’appliqueront après une période de grâce d’une semaine »).
–La base de calcul temporelle des pénalités : par jour (calendaire,
travaillé, ouvré), par semaine, ou tout autre période de temps.
–Le plafond des pénalités applicables.
–Le caractère libératoire ou non des pénalités de retard.
Tous ces éléments doivent être suivis durant le projet et analysés avec
soin en cas de réclamation venant du client.
13. LA NÉGOCIATION
Parole d’expert
« Le contract manager doit s’adapter à son environnement – maîtriser
la langue du client se révèle souvent être une réelle valeur ajoutée
pour négocier » – David-Alexandre, Directeur du Contract
Management, Eau-Environnement.
La négociation ne commence pas toujours après le premier envoi d’une
réclamation, et il faut être deux pour négocier. Si l’autre partie ne veut pas
négocier, il n’y a pas d’issue autre que la saisie de la justice.
C’est par exemple le cas lorsque le fournisseur a déjà tout livré et transmet
une réclamation. Le client n’a pas forcément intérêt à négocier rapidement.
De même, le fournisseur n’est pas pris par le temps si son client lui passe une
commande additionnelle pour son propre client.
Tout est affaire de « timing », et le bon moment pour envoyer une
réclamation doit être remis en perspective avec les relations globales entre les
deux entreprises, les relations au niveau du projet, et les relations humaines.
Le mieux positionné dans la négociation est celui qui n’est pas pressé par le
temps. L’autre doit alors trouver une raison de l’amener à la table de
négociation.
Cela doit s’intégrer dans une stratégie globale de négociation qui dépasse le
cadre de la réclamation. Ce qui suppose d’avoir une stratégie de négociation.
Il n’y a pas de négociation gagnante sans stratégie.
Différentes tactiques de négociation existent. Le lecteur pourra se référer à
des ouvrages dédiés. Nous listerons les exemples suivants, qui peuvent être
rencontrés et auxquels les chefs de projets doivent être préparés :
•attaque personnelle – insulte ;
•le gentil / le méchant ;
•la date buttoir – « notre offre est valide jusqu’à … » ;
•le mensonge ;
•la limitation de pouvoir – « je dois obtenir l’approbation de … » ;
•l’absent – « il n’est pas au bureau aujourd’hui, je reviendrai vers vous
demain » ;
•le « juste et raisonnable » ;
•retarder les discussions sur les sujets importants pour l’autre partie ;
•la corruption.
En tout état de cause, la préparation de la négociation est primordiale.
Les bases d’une négociation
–Connaître le contexte global – avoir la vision globale.
–Se reposer sur des faits – la traçabilité est clé.
–Avoir un objectif – avoir un « chiffre » et des marges de négociation.
–Connaître toute l’histoire.
–Connaître la culture de l’autre partie.
–Avoir la bonne personne (avec le pouvoir de décision) en face.
–Construire une histoire.
–Avoir un seul et unique négociateur (avec un mandat clair de sa
direction).
–Faire une pause si nécessaire.
–Anticiper les réactions de l’autre partie.
–Se serrer la main – physiquement – à la fin.
–Ecrire l’accord.
–Garder à l’esprit le résultat, pas le process.
–Se préparer – se préparer – se préparer.
Le négociateur s’aidera d’outils simples, comme un tableau listant les
points de discussion et les positions de chacun, avec une note sur le niveau de
criticité – qui varie souvent en fonction de la partie concernée (Tableau 5.2).
Tableau 5.2. Exemple de matrice de préparation à une négociation
Niveau Client Fournisseur
de
Point en blocage
discussion (majeur,
modéré,
mineur) Importance Position Intérêts Importance Position

14. LES POSSIBILITÉS DE RÉSOLUTIONS DE DÉSACCORD


En cas d’échec des négociations directes entre le client et le fournisseur,
différents recours existent :
•l’escalade : remonter le désaccord plus haut dans son organisation ;
•la conciliation : faire appel à un conciliateur (un tiers) qui aidera dans le
process de résolution du conflit ;
•la médiation : faire appel à un médiateur (formé et certifié) qui aidera dans
le process de résolution du conflit ;
•l’arbitrage : demander l’arbitrage d’une entité extérieure (chambre de
commerce par exemple) qui analysera les faits et prendra une décision ;
•la court de justice : aller en justice. Le conflit est alors publiquement connu.
Tous ces recours ont bien évidemment leurs avantages et inconvénients,
catégorisables selon cinq critères :
•la durée du processus ;
•le coût du processus ;
•l’impartialité de la décision ;
•le caractère exécutoire de la décision ;
•l’intimité du processus.
Tableau 5.3. Possibilités de résolutions de conflits
1 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais
CHAPITRE 6. L’ORGANISATION DE LA FONCTION CONTRACT
MANAGEMENT DANS L’ENTREPRISE
La mise en place de la fonction de contract manager dans l’entreprise doit
répondre à des besoins clairement identifiés et exprimés afin de choisir le
meilleur positionnement.
Ce positionnement de la fonction dépendra de l’organisation de l’entreprise,
des poids des projets et du juridique dans l’entreprise, de l’organisation des
projets concernés, et de la typologie des projets au regard de l’entreprise.
Quatre reports hiérarchiques des contract managers sont alors
envisageables.
•un report au service Juridique ;
•un report au service Projets ;
•un positionnement en direction indépendante, à égal niveau avec les
directions Juridiques et de Projets ;
•un report de chaque contract manager à chaque chef de projet.
Le dernier type de report doit s’accompagner d’une organisation
transversale pour s’assurer de la cohérence et de l’harmonisation de la
fonction au sein de l’entreprise, en ligne avec la stratégie Ressources
Humaines.
De fait, une entreprise ayant un recours récurrent à des contract managers
souhaitera se structurer différemment d’une entreprise ayant ponctuellement
et épisodiquement besoin de cette fonction.
1. L’ORGANISATION DE L’ENTREPRISE
L’organisation générale de l’entreprise doit évidemment être prise en
compte. L’entreprise est-elle très décentralisée, ou au contraire centralisée
avec un corporate puissant ? Quelles sont les marges de manœuvres des
business unit de l’entreprise ?
La mise en place de la fonction contract management peut refléter
l’organisation actuelle de l’entreprise, ou marquer la volonté de faire évoluer
l’entreprise dans une nouvelle direction.
Ainsi, une entreprise fortement décentralisée peut vouloir centraliser la
fonction contract management afin d’harmoniser les pratiques entre les
business units en ce domaine, et créer un réel contre-pouvoir face aux
business units. Ou encore décider de laisser aux business units le soin de
définir leurs besoins et les modes de montée en compétences dans le domaine
du contract management.
Bien évidemment, l’organisation des Ressources Humaines et la stratégie
de gestion des forces vives de l’entreprise doivent également être prises en
compte lors de la décision.
2. LE POIDS DES PROJETS ET DU JURIDIQUE
Le contract manager a un rôle d’appui opérationnel aux acteurs du projet et
de lien avec la direction juridique. Le contract manager est donc à l’interface
entre ces deux métiers aux objectifs souvent divergents, bien que
complémentaires : le « Projet » doit répondre aux besoins du client (le
contrat) dans des contraintes fixées par le management (suivi de processus,
maintien de la rentabilité financière, …) ; le service Juridique doit protéger
les intérêts de l’entreprise vis-à-vis de l’extérieur (clients, fournisseurs,
compétiteurs, partenaires…).
Le contract manager, en tant qu’interface entre ces deux fonctions (la
délivrance de projets d’un côté, et la protection des intérêts de l’entreprise de
l’autre) fluidifie les relations et intervient comme un traducteur entre les deux
langages de ces métiers.
Le contract manager trouve donc parfaitement sa place au sein d’une
direction juridique, comme au sein d’une direction des projets. Le choix du
rattachement hiérarchique permet de rééquilibrer les pouvoirs entre les
métiers ; un rattachement au service juridique est privilégié lorsque les
Projets sont « forts » par exemple, ou que les contract managers ne sont pas
forcément dédiés à un projet en particulier.
Un rattachement aux Projets est envisagé lorsque la relation entre les
Projets et le Juridique sont déjà bien établies, le contract manager n’étant
alors qu’un fluidifiant supplémentaire, avec des compétences
complémentaires, permettant d’être plus efficace globalement pour
l’entreprise.
3. COMPARAISON DES MODES DE RATTACHEMENT DU
CONTRACT MANAGER
Le tableau 6.1. propose une analyse des rattachements hiérarchiques du
contract manager.
Tableau 6.1. Analyse des rattachements hiérarchiques du contract
manager
Points forts Points de vigilance
Report à la –Positionne la direction –Créer un contact avec les acteurs
direction juridique comme un Projets pour ne pas avoir une
juridique acteur des projets et un fonction inutilisée ou actionnée
« business partner » uniquement en cas de problème (en
des chefs de projet. curatif et non en préventif).
–Positionnement –Prendre en considération le
souvent centralisé dans penchant naturel à privilégier la
l’entreprise, permettant « voix du juridique » par le
une harmonisation des contract manager dans cette
pratiques. organisation.
–Crée un contre-pouvoir
par rapport aux Projets.
Report à la –Positionnement dans –Vérifier la prise de recul nécessaire
direction des l’action des projets, au à la mise en place d’actions de
Projets plus près du business. prévention et ne pas intervenir
–Le contract manager uniquement en mode « pompier ».
devient un acteur du –Eviter l’éloignement avec le
projet, et non pas une service juridique.
fonction support.
Direction –Véritable contre –Limiter la lourdeur administrative
indépendante pouvoir décisionnel d’une direction supplémentaire.
aux Projets et au –Eviter l’éloignement avec le
Juridique. service juridique et avec la réalité
opérationnelle des projets.
Report aux –Au cœur de l’action et –Le contract manager n’a en général
projets des projets. pas de contre pouvoir face au
projet et au juridique et n’intervient
pas ou peu dans les prises de
décision.
–Animer la communauté des
contract managers pour créer un
sentiment d’appartenance, une
légitimité de la fonction et susciter
des vocations pour le métier.
4. LA FICHE DE POSTE DU CONTRACT MANAGER
Parole d’expert
« Mon rôle consiste à présenter les meilleures options contractuelles et
à conseiller sur la meilleure façon d’agir face aux difficultés
rencontrées avec clients et fournisseurs. Je travaille aussi activement à
minimiser les risques et à accroître les opportunités pour soutenir la
réalisation des objectifs financiers. » – Nicolas, Responsable contract
management, Energie.
Syntec-Ingénierie donne un descriptif du métier de contract manager1 :
Autres appellations en français Autres appellations en anglais
Juriste de projet Contract manager
Gestionnaire de contrat
Mission
Le contract manager rédige et suit l’application du contrat tout au long du
projet. Il met en œuvre et coordonne des moyens et processus nécessaires à
la maîtrise des risques financiers et juridiques encourus.
Activités
Activités principales
–Analyser, étudier et comprendre le projet dans sa globalité.
–Rédiger, revoir et négocier le contrat et ses évolutions (changement de
périmètre, litiges, pénalités...) en se basant sur l’analyse de la proposition
technique et commerciale. Assurer la cohérence des clauses contractuelles.
–Identifier les risques (contractuels, juridiques, commerciaux, financiers...)
et en proposer des mesures de couverture tout en respectant les règles
fixées par le client ainsi que les clauses administratives et légales en
vigueur.
–Conseiller l’équipe de projet dans le choix et le déroulement des
procédures administratives et d’achat liées à la réalisation du projet.
–Évaluer les opportunités pour améliorer la performance du contrat : générer
et négocier les amendements correspondants.
–Tracer les changements aux marchés, conserver et actualiser les documents
contractuels.
–Intervenir en cas de conflits ou de crise.
Activités complémentaires
–Préparer les dossiers de contentieux et participer aux expertises juridiques.
–Participer aux négociations avec les assureurs et les financeurs.
–Assurer une veille juridique active.
Compétences Niveau
Descriptif
transverses attendu
Leadership et Promouvoir sa vision auprès des décideurs
esprit ˜˜˜™ internes et externes, et encourager la prise
d’entreprise d’initiative de ses équipes.
Adapter et re-prioriser ses activités et son
Adaptabilité et
˜˜™™ organisation face aux évolutions et aux
flexibilité
contraintes.
Identifier les informations / sources nécessaires à
la réalisation des activités de l’entreprise et
Analyse et
˜˜˜™ conduire une analyse critique. Présenter
synthèse
l’essentiel sur un sujet donné dans une logique de
préconisation.
Communiquer de façon habile et fine dans des
Communication
˜˜˜˜ situations complexes (message sensible, public
orale et écrite
difficile, situation imprévue...).
Identifier et décrypter les positions des différents
Conviction et interlocuteurs stratégiques internes et externes,
˜˜˜™
influence repérer et toucher les bons relais d’influence
auprès des personnes à convaincre.
Créativité, sens Proposer et appliquer des solutions déjà
˜˜™™
de l’innovation éprouvées à des contextes nouveaux ou différents.
Gestion de Gérer un projet indépendant ou un lot au sein
˜˜™™
projet d’un programme plus important.
Gestion de la ˜™™™ Suivre des indicateurs de performance sur son
performance activité. Détecter et reporter des problèmes dans
son périmètre d’activité.
Être force de proposition par rapport au besoin
Orientation
˜˜˜™ exprimé tout en mobilisant les parties prenantes
client
nécessaires (internes – externes).
Rigueur et Prioriser et planifier sa propre charge de travail,
˜˜™™
organisation évaluer et corriger les activités réalisées.
Adapter son comportement et son attitude en
Sens relationnel ˜˜™™ fonction de l’interlocuteur pour maximiser la
qualité des échanges.
Travail et Collaborer avec les membres de l’équipe de façon
animation ˜™™™ ouverte en communiquant ses retours et
d’équipe impressions sur les travaux.
Compétences cœur de métier
–Analyser la demande du client, le besoin, les risques et
Assistance à opportunités du projet.
maîtrise –Analyser les caractéristiques fonctionnelles,
d’ouvrage en environnementales et techniques relatives au type d’ouvrage
cadrage ou produit à réaliser (règlementations, organisations,
projet contraintes d’assemblage, de fabrication, d’exploitation,
sécurité).
–Cartographier les risques techniques et fonctionnels et
estimer leur criticité.
Gestion des –Piloter les risques projets (qualitatifs, budgétaires,
risques contractuels et de planning).
–Assurer le niveau de couverture des risques d’une entreprise,
d’un projet... (assurances, plans d’actions...).
–Analyser une situation problématique dans un
environnement complexe.
Résolution –Élaborer et déployer une méthodologie de résolution.
de problèmes
complexes
–Élaborer des préconisations, proposer des solutions et
scénarii d’amélioration.
Gestion
budgétaire,
–Connaître la fiscalité, les assurances et la comptabilité.
financière et
économique
–Connaître les réglementations en vigueur dans sa spécialité
Gestion ou son secteur.
réglementaire –Assurer la gestion administrative et économique d’un
et contrat.
contractuelle –Gérer des litiges commerciaux.
–Rédiger ou vérifier la conformité d’un contrat.
Maîtrise des –Maîtriser les logiciels de bureautique (traitement de texte,
logiciels tableur, présentation...).
–Converser en anglais en contexte professionnel.
–Utiliser un vocabulaire technique en anglais.
Anglais –Comprendre de la documentation technique en anglais.
–Écrire en anglais les livrables, notes, e-mails... nécessaires à
la réalisation des activités.
Prérequis d’accès au métier
Années
d’expérience 5 à 10 ans.
requises Une expérience confirmée en ingénierie, industrie ou
Commentaire et construction est requise.
conditions
Formations Certifications
Bac +5 (École d’ingénieurs Master...) avec éventuellement Sans objet
une formation complémentaire en gestion de projet et/ou
en droit, économie.
Variabilité du métier en
Variabilité du métier en fonction du
fonction de la taille
projet
d’entreprise
Sans objet Le contract manager peut prendre en
charge un ou plusieurs projets selon leurs
tailles.
Liaisons – Relations
Liaisons – Relations internes
externes
–Clients –Équipe projet
–Fournisseurs –Services juridiques (fiscalité, assurance...)
–Partenaires –Comptabilité
–Assureurs –Directeur commercial
–Cabinets d’avocat
Déplacements
Sédentaire
Ce descriptif de fonction sera bien évidemment adapté par les entreprises.
5. CONDUIRE LE CHANGEMENT
La mise en place du contract management en entreprise doit être vue
comme un projet en soi. C’est un projet de conduite du changement, qui
touche aux modes de fonctionnement et de pensées des gens, car le contract
management est avant tout un état d’esprit ; celui de la gestion de la relation
contractuelle avec son client.
Sa mise en place doit donc être insufflée et portée par la direction, selon un
besoin exprimé par les différents intervenants du projet dans l’entreprise. Ce
besoin est soit né de lui-même, par un constat du nombre de réclamations
reçues des clients, soit présenté par l’entreprise de façon tout à fait
rationnelle : 1 euro donné à un client dans une réclamation est 1 euro de
marge en moins, et vice-versa.
Exemple
Une entreprise réalise 1 milliard d’€ de chiffre d’affaires à travers ses
projets, avec une marge nette de 10% (100 M€). Ses clients réclament en
moyenne 80 M€ par an.
Si cette entreprise veut compenser ces 80 M€ par de la prise de
commande, à 10%, cela représente 800 M€ soit 80% de son chiffre
d’affaires.
Dans ces conditions, investir dans un projet de mise en place du contract
management et ouvrir quelques postes est largement amorti.
Une façon de permettre aux salariés de s’approprier le sujet est de mener
des sessions de partage de lecture. Des documents sur le contract
management sont distribués en interne, et des personnes se retrouvent pour
échanger sur leurs impressions après lecture. Cela crée une appropriation du
sujet et surtout des échanges sur les possibilités d’application de tel ou tel
concept ou outil dans le contexte de l’entreprise.
1 Source : http://www.syntec-ingenierie.fr/lingenierie-et-ses-
metiers/referentiel-metiers/coordination-projet/contract-manager/
MESSAGES CLÉS ET CONCLUSION
Parole d’expert
« C’est grâce au contract management qu’on peut reconstruire les
marges d’un projet et se protéger des risques » – Thierry, Directeur de
projet, Oil&Gas.
En guise de mot de la fin, l’auteur recommande ces messages clés.
•CONNAÎTRE SON CONTRAT, le faire appliquer – en interne comme en
externe.
•Le contrat est la référence – il peut être changé sous réserve que le client et
le fournisseur soient d’accord et l’écrivent.
•Ce n’est pas parce que quelque chose est interdit que l’autre partie ne le fera
pas.
•Ne jamais supposer.
•Avoir la vision globale – connaître son client.
•Enregistrer et tracer tous les documents, toutes les communications, toutes
les décisions et non-décisions.
•Mettre sa réclamation dans le budget du client.
•Anticiper les risques, explorer les opportunités.
•Chaque fois que le client s’exprime, il peut y avoir un avenant en vue.
•Se préparer avant de négocier.
•Développer et conserver de bonnes relations avec son client.
•Ne pas sous-estimer les risques : tout risque non géré est un problème
potentiel.
•Être rationnel, factuel, méthodique, et créatif.
•Tracer l’historique du contrat.
•Contractualiser les modifications de périmètre avant leur réalisation.
•Remonter au niveau adapté les informations sur les événements pouvant
avoir un impact significatif sur le projet (coûts / délais) pour une prise de
décision pertinente.
•Impliquer son équipe projet pour élaborer des stratégies de résolutions de
problèmes et de négociations gagnantes.
•Suivre les obligations client.
•Répondre « rapidement » à tous les courriers à impact contractuel.
•Lors de la reprise d’un projet, repartir de la base : le contrat ; ne pas se
laisser distraire par les dires des autres membres de l’équipe.
•Transférer les exigences de son client à ses fournisseurs (flow-down ou
back-to-back en anglais).
•Ne pas viser l’excellence ; « être moins mauvais que le client » suffit.
Si les compétences de gestion de projet se diffusent largement dans les
entreprises, les compétences de contract management, au sens de la gestion
de projet par la maîtrise du contrat, sont encore à développer.
Surtout, cela marque la fin du client-roi : le client peut tout demander avant
de signer le contrat, et après, seul le contrat s’applique et « tout ce que le
client peut dire après donne lieu à un avenant au contrat ».
Ce livre veut apporter sa pierre à l’édifice pour permettre aux chefs de
projet de mieux maîtriser la marge de leurs projets.
LIENS UTILES
Association nord américaine du contract management : www.ncmahq.org
Association internationale du contract management : www.iaccm.com
Association française du contract management : www.afcm-asso.fr
Projectence, conseil en organisation et mode projet : www.projectence-
consulting.com
Premier blog francophone du contract management : www.contractence.fr

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