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Contract management
Outils et Méthodes
Jean-Charles SAVORNIN
Connus depuis l’Antiquité3, les financements privés, dont les PFI anglo-
saxons (Private Finance Initiative), cousins des Partenariats Publics-Privés
français, ont connu un changement profond dans les années 80 suite à
plusieurs crises.
Des investisseurs privés, et non plus étatiques, financent de grands projets
avec une forte attente de retour sur investissement dans un contexte
économiquement complexe. Quels impacts cela a-t-il eu sur l’industrie, sur le
monde des projets ?
Les investisseurs attendent un retour sur investissement pour faire fructifier
leur argent et celui de leurs partenaires et clients. Dès lors, les fonds sont
limités, les projets ne doivent pas dépasser les budgets, ne doivent pas
déraper en délais, et doivent assurer la rentabilité attendue. De quels projets
s’agit-il ? Peu importe, du moment que des Conseils aient validé la pertinence
marché, le choix technologique, et le montage juridique. Le produit n’est plus
la finalité. Les aspects financiers prennent le pas.
Figure 1.5. Organigramme-type des grands projets après les années 80
– Pilotage par le retour sur investissement
« Intégralement » signifie que tout le produit et/ou service doit être livré : le
périmètre du projet doit être respecté – ni plus, ni moins.
Parole d’expert
Le contract management, c’est « concevoir et réaliser ce qui est
demandé, tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé » –
Daniel, Directeur, Construction.
Exemple : Faire mieux que le besoin, est-ce bien ?
Sur un projet industriel, un équipement livré au client surperformait par
rapport au besoin : plus rapide, plus puissant, donc meilleur…
Le client l’a intégré dans son système et a demandé à dégrader les
performances de cet équipement qui était trop rapide et trop puissant par
rapport aux autres équipements de la chaîne.
« En temps et en heure » signifie selon les engagements contractuels.
Exemple : Pourquoi ne pas livrer plus vite
Lors d’un projet de construction, des équipements ont été livrés en avance
sur le chantier. Un vrai succès pour le fournisseur, mais pas pour son
client dont l’entrepôt de stockage n’était pas prêt et qui ne pouvait pas
entreposer ces équipements sensibles en extérieur.
Nous retrouvons ici 2 des 3 sommets du triangle de la gestion de projet
(voir figure 1.4. Le triangle d’or de la gestion de projet) : les délais et la
qualité (composée elle-même du périmètre et de la performance).
Le contract management vise à s’assurer que l’équipe projet gère les délais
et le périmètre et délivre la performance attendue au regard du contrat.
1. LA GESTION DES DÉLAIS
Là où une relation de confiance existait lors d’une co-définition de produit,
une relation de défiance et de suivi des engagements contractuels doit
s’instaurer dans un marché de la fonctionnalité. Les clients suivent les retards
de leurs fournisseurs ; les fournisseurs rappellent leurs obligations à leurs
clients et réclament des extensions de délais.
Qu’est-ce que livrer à l’heure ? Peut-on livrer à l’heure en étant en retard ?
A quoi servent les pénalités de retard ?
Dans le cadre des contrats, une date de livraison doit être stipulée et devient
engageante. Un élément crucial de compréhension de la gestion contractuelle
avec le client intervient alors dans la réflexion : la date est engageante pour
toutes les parties. Le fournisseur n’est pas le seul à s’engager à respecter cette
date, le client aussi !
Le client doit tout mettre en œuvre (dans les limites fixées au contrat) pour
garantir cette date. Ainsi, si le client donne des informations cruciales pour le
fournisseur tard, le fournisseur ne pourra pas tenir la date prévue initialement
et pourra se prévaloir auprès du client d’une extension de délai (comment
livrer une maison à l’heure si le client ne précise pas le nombre de pièces ?).
Le fournisseur ne livrera pas à la date prévue (initialement au contrat), mais
livrera à l’heure (car non responsable du retard). Le client ne pourra ainsi pas
appliquer de pénalités de retard.
Le retard concomitant : quand le client est en retard, le fournisseur peut
être en retard.
Bien évidemment, le client niera avoir eu un impact sur le délai, et aussi
bien fournisseur que client devront longuement échanger sur ce point ce qui
retardera d’autant le projet.
L’astuce ici est donc de suivre méticuleusement toutes les dates importantes
du contrat, y compris les dates du client.
Les dates du client sont les évènements qui sont de la responsabilité du
client. L’importance de ces éléments dans la vie du contrat nous a amenés à y
dédier un paragraphe de cet ouvrage.
Dans le contrat, stipuler des dates relatives (T0 + 2 mois) et non
absolues (27 janvier 2017). Le fournisseur ne peut en effet pas
commencer à travailler tant que le client n’a pas rempli les conditions
pré-requises (paiement d’une avance, émission de données d’entrées
techniques,…).
Si aucune date n’est dans le contrat, définir le planning avec le client
devient une priorité pour l’équipe projet.
1.1. Le suivi des dates du contrat
Point de stratagème particulier ni de recours à des sciences occultes pour le
suivi des délais. Utiliser un planning.
« Utiliser » signifie définir et mettre en place, puis mettre à jour et analyser
le planning. Trop de projets commencent avec un planning qui finit dans un
tiroir ou affiché au mur, et reste ainsi toute la durée du projet sans remise à
jour.
Le planning doit être vivant et se décomposer en deux éléments :
•la référence initiale (éventuellement modifiée des avenants contractuels) ;
•les mises à jour régulières du planning.
Avoir un planning vivant ne suffit pas ; encore faut-il que les évènements
suivis soient pertinents pour le projet. La construction du planning est donc
cruciale.
Ces évènements doivent être :
•les obligations du client ;
•les obligations du fournisseur.
L’inventaire des obligations du client et du fournisseur se fait à la lecture du
contrat. Lors de la lecture croisée par chacun des membres de l’équipe, les
questions à se poser sont :
•Obligations du fournisseur :
–Que dois-je faire ?
–Pour quand ?
–Si je ne le fais pas, suis-je en retard par rapport au contrat ?
•Obligations du client :
–Quels éléments le client s’est-il engagé à réaliser et à quelles dates ?
–Pour faire mon travail, de quoi ai-je besoin venant du client ?
–Quand en ai-je besoin ?
Dans ce process, se poser la question de la date pour tous les évènements
permet de bien suivre les différentes obligations. Il en va ainsi de l’obligation
de paiement des factures par le client : par un suivi rigoureux des dates de
factures et des dates prévisionnelles de paiement, le fournisseur est capable
de relancer son client en cas de défaut.
Le fournisseur doit absolument prévenir le client des éléments dont il a
besoin. En effet, en tant que spécialiste du domaine, le fournisseur est plus à
même de définir ses besoins en termes de données d’entrée. Le client ne peut
pas être tenu responsable pour une omission de donnée d’entrée puisqu’il
paie le fournisseur pour cette expertise. Une clause est d’ailleurs parfois
ajoutée au contrat et est souvent nommée « devoir de conseil ».
Tout retard client doit ensuite être suivi très précisément, car il peut justifier
un retard de livraison par le fournisseur. Nous parlons ici de « délai
excusable ».
Une autre origine de délai excusable est un cas de force majeure. Le contrat
définit très souvent les cas de force majeure.
Exemple : Comment documenter une grève de routiers en cas de
force majeure
–Coupures de presse (date de début, durée, date de fin, étendue
géographique du blocage). Ne pas hésiter à réunir des éléments de
plusieurs media.
–Messages du transporteur indiquant l’impossibilité de convoyer le
matériel.
–Clause(s) du contrat incluant ce cas dans les forces majeures.
1.2. Le diagramme temps-temps1
Un outil pratique et visuel, très connu dans le monde de la gestion de projet
mais trop peu employé, est le diagramme temps-temps. Ce diagramme
représente l’évolution de la date prévisionnelle de survenance de jalons en
fonction du temps.
En abscisse se trouvent les dates auxquelles les ré-estimations de dates sont
faites (dans l’exemple de la , les mois de 0 à 12). En ordonnées, les dates ré-
estimées de survenance des jalons. Ainsi, dans l’exemple de la , le jalon 5
(Milestone 5) était initialement prévu lors du cinquième mois du projet ; il a
ensuite été décalé au mois 6 lors de la ré-estimation du projet qui a eu lieu
lors du deuxième mois.
Figure 3.2. Exemple de diagramme temps-temps
Description de la modification :
Impacts coûts :
Impacts périmètre / performance :
Impacts délais :
Réclamation à un tiers :
Les causes d’un élément réclamé sont les causes racines, ce qui suppose
parfois de remonter assez loin dans le processus de recherche des causes.
Des outils classiques utilisés par les qualiticiens peuvent venir au secours
de l’équipe projet, notamment le diagramme en arête de poisson, ou
Ishikawa, également appelé arbre des causes.
Exemple : Pourquoi pousser la recherche des causes
Un client et son fournisseur sont en négociation à propos de défauts lors
de l’exploitation des équipements fournis. La recherche des causes
racines, de premier niveau, fait ressortir des fautes côté fournisseur
(erreurs de conceptions, ajustements à réaliser,…) mais également côté
client (erreurs en exploitation et en maintenance) – toutes impactant les
performances d’exploitation.
Une analyse plus approfondie a montré que le client avait changé ses
spécifications fonctionnelles après la livraison de l’équipement ; il
reprochait donc à son fournisseur d’avoir livré un produit non conforme à
un besoin exprimé après.
Dans ce cas de figure, aller cherche la cause originelle permet de
dédouaner le fournisseur de tout défaut et d’imputer l’entière
responsabilité des malfaçons au client.
Les conséquences sont des éléments factuels, opérationnels, qui sont
survenus en raison de la présence de la cause. Ces conséquences ont en
général un impact sur les objectifs du projet (Q-C-D), impact qui doit être
chiffré en temps et en impact financier.
Le contenu d’un dossier de réclamation est :
•une lettre expliquant la réclamation :
–la référence au contrat ou au droit autorisant la réclamation,
–une description des faits, avec une comparaison des performances réelles
et des performances contractuelles,
–les raisons pour les déviations ou sous-performances,
–les effets et conséquences des déviations et sous-performances,
–les impacts chez l’émetteur de la réclamation,
–les compensations demandées (argent, délai),
–un résumé de tous les éléments réclamés,
–une date buttoir pour répondre ;
•un ensemble de pièces annexes supportant les dires de la lettre principale.
Chaque document sera référencé dans le corps de la lettre.
Doit-on tout réclamer tout de suite et présenter toutes les preuves dès
le premier envoi ?
Cette question trouve sa réponse dans la stratégie que l’émetteur de la
réclamation veut adopter. S’il veut gagner du temps sur le projet en en
faisant perdre à l’autre partie dans l’analyse de la réclamation, une
réclamation partiellement documentée peut suffire. A l’inverse, s’il s’agit
d’une position dure prise par l’émetteur, en réponse par exemple à une
réclamation déjà reçue de l’autre partie, alors l’ensemble des pièces
justificatives est pertinent.
En règle générale, le premier à émettre une réclamation ne dévoile pas ses
atouts tout de suite.
9. LES MÉTHODES D’IDENTIFICATION DES POINTS PORTANT À
RÉCLAMATION
L’identification des points portant à réclamation est une activité plus aisée
et efficace si elle est réalisée à plusieurs.
Un groupe de personnes variées et pluridisciplinaires se réunit pour environ
une heure. Ce groupe n’est pas forcément constitué des membres de l’équipe
projet. Le premier quart d’heure est dédié à un brainstorming (ou remue-
méninge) pour identifier les points de réclamation.
Puis, trente minutes sont dédiées à une réflexion guidée par un diagramme
Ishikawa, une check-list (ou liste type), ou encore le premier niveau de
l’organigramme des tâches.
9.1. Le Brainstorming
Le brainstorming doit être limité dans le temps (environ 10 à 15 minutes) et
suivre la règle CQFD :
•Censure abolie : les participants ne jugent pas les idées ;
•Quantité souhaitée : la sélection en fonction de la qualité sera fait ensuite ;
•Farfelu : être créatif et favoriser les idées farfelues ;
•Démultiplier : rebondir sur les idées des autres.
9.2. Le diagramme d’Ishikawa
Il consiste à se poser la question des éléments de réclamation selon cinq
axes que sont les 5M : Méthodes, Main d’œuvre, Milieu, Matière, Machine.
Cela se représente sur un diagramme en forme d’arête de poisson pour
toujours chercher les causes racines de chacun des points.
Figure 5.6. Principe du diagramme d’Ishikawa
9.3. La check-list
Une liste de points portant à réclamation peut être établie dans une
entreprise par le retour d’expérience des projets précédents et être utilisée
pour les projets suivants pour évaluer la possibilité d’émettre (ou recevoir)
une réclamation sur un sujet connexe.
Un exemple d’une telle liste est présenté en figure 5.2.Figure 5.2. Les
principales catégories de réclamations ou encadré : Les principaux éléments
donnant lieu à réclamation. La liste des obligations client est également un
bon outil (voir Tableau 3.3.)
9.4. L’organigramme des tâches
Les lots ou tâches du premier niveau de l’organigramme des tâches peuvent
servir de base à une réflexion guidée, en répondant à la question : « sur ce
premier lot, que pouvons-nous réclamer au client ? Qu’est-ce que le client
peut nous reprocher et réclamer ? ».
Ces différentes techniques peuvent être mixées, en organisant par exemple
un Ishikawa par lot de premier niveau de l’organigramme des tâches.
10. L’ÉVALUATION DES IMPACTS EN DÉLAI ET EN ARGENT
Les impacts temps et argent sont ensuite évalués pour compléter le dossier
de réclamation.
Les méthodes classiques d’estimation sont valables, notamment l’approche
analytique qui consiste à décomposer les coûts et les délais induits et
imputables à l’autre partie.
Les chiffres avancés doivent être plausibles, réalistes, car en cas d’arbitrage
ou de procédure en justice ils seront analysés par des experts.
Cette étape d’analyse est appelée dans le jargon « Forensic », qui se définit
comme la science d’évaluer les impacts coûts et délais des défaillances des
parties d’un contrat. Elle est proche d’une analyse post-mortem en ce sens
qu’elle ne vise pas à prévenir les défaillances, mais à les analyser à posteriori.
Une fois l’ensemble des éléments générateurs de sur-coûts ou de délais
identifiés (via un brainstorming, un diagramme d’Ishikawa, une check-
list…), chacun des points est analysé pour définir la partie responsable et
évalué.
Il est souvent aisé de se rapporter aux dommages pour calculer – et justifier
– l’impact coût. Ces dommages sont catégorisables en deux grandes
familles :
•les dommages directs : ce qui découle directement du fait générateur. Ils
sont identifiés en répondant aux questions : « que devons-nous dépenser de
plus que nous n’avions pas à faire avant ? », « quelles entrées d’argent
n’aurons-nous pas que nous devions avoir ? » ;
•les dommages indirects : ce qui est une conséquence indirecte, ou par effet
de « ricochet » d’un dommage direct. Des exemples de dommages indirects
sont :
–la perte d’opportunité : l’allongement des délais du projet de la faute du
client empêche le fournisseur de signer un contrat avec un autre client,
–l’application de pénalités de retard d’un autre client, ou d’une réclamation
d’un autre fournisseur, suite à un problème d’exécution du contrat.
Certains contrats excluent les dommages indirects des réclamations. En
outre, par l’application de pénalités libératoires, des dommages directs ne
sauraient être réclamés par le client.
Une fois les coûts estimés, les frais de structures, marges et autres sont
ajoutés, comme lors d’un chiffrage de projet.
Rappel
Une estimation n’est pas uniquement une valeur. C’est un ensemble
composé de :
–un corps d’hypothèses ;
–une valeur ;
–une incertitude.
L’important est de garder à l’esprit que les montants présentés doivent être
vérifiables par un expert. Cela signifie que l’entreprise doit disposer de
suffisamment de preuves : extraits du système d’information de l’entreprise
(ERP), des feuilles de présence des salariés, des notes de frais relatives au
projet, des factures fournisseur, des règles financières, … Les applications de
bonnes pratiques et de pratiques de l’industrie sont également des éléments
pris en compte par les experts.
11. L’ARBRE DE DÉCISION
Dans les cas les plus compliqués, un point de réclamation peut avoir
plusieurs causes racines imputables soit au client soit au fournisseur. De plus,
en fonction de la réaction estimée de l’autre partie, de l’appréciation estimée
d’un juge éventuel ou de tout autre élément, la décision de soumettre une
réclamation sera positive ou négative.
Plusieurs scenarii sont alors élaborés pour estimer la valeur attendue de la
réclamation ainsi que le montant maximum possible. Chaque scenario se voit
attribuer un montant et une probabilité d’occurrence.
Un premier calcul est effectué pour chaque scénario sans tenir compte des
probabilités d’occurrence. Cela permet d’identifier le montant maximum
possible.
Puis, chaque scenario est pondéré par sa probabilité d’occurrence, les
sommes ainsi obtenues sont additionnées pour obtenir la valeur attendue.
Cette valeur devient alors un objectif de négociation. En clair, si l’autre
partie, lors de la négociation, est d’accord pour un montant plus élevé, il est
recommandé d’accepter. A l’inverse, si le montant proposé par l’autre partie
est plus faible il est recommandé de continuer.
Exemple : L’arbre de décision
Le client envisage d’appliquer des pénalités de retard au fournisseur. Les
éléments pris en considération sont :
–le fournisseur est capable de prouver que la moitié du retard est
imputable au client (retard excusable), avec une probabilité d’occurrence
de 75% ;
–la limite de pénalités de retard est atteinte (pour 2,2 M€) ;
–des pénalités pour un autre motif avaient déjà été acceptées et payées par
le fournisseur pour 500 K€ ;
–la limite de responsabilité totale du contrat (2,5 M€) pourrait limiter le
montant de pénalités de retard, mais il y a un historique de 5% des cas
où la Cour juge que cette limite ne s’applique pas ;
–il y a une chance sur deux (50%) que la Cour déclare que la réclamation
arrive trop tard dans le processus et est invalide.
La figure 5.7. page suivante représente l’arbre des décisions.
Ainsi, le montant maximum que le client peut espérer est de 2,2 M€, ce
qui surviendrait dans le cas où le fournisseur ne peut pas prouver de retard
excusable et où la Cour n’appliquerait pas la limite totale. Ce scenario a :
50% x 25% x 5% = 0,6% de chance de survenir.
A l’inverse, il existe un scenario où le client ne toucherait rien. Ce
scenario a 50% de chance de survenir.
Enfin, le calcul de la valeur attendue est réalisé en multipliant le montant
de chaque scenario par sa probabilité d’occurrence, soit :
(1,1 x 35,6%) + (1,1 x 1,9%) + (2 x 11,9%) + (0 x 50%) = 0,65 M€ ou
650 K€.
Ce montant est alors un élément de plus dans la décision. Les chiffres à
prendre en compte dans la négociation sont :
–minimum = 0 € avec 50% de probabilité ;
–maximum = 2,2 M€ avec 0,6% de probabilité ;
–valeur attendue : 650 K€.
Dit autrement, tout accord de l’autre partie sur un montant supérieur à
650 K€ est accepté.
Figure 5.7. L’arbre des décisions
Les méthodes d’estimation des coûts et des probabilités sont cruciales dans
cette aide à la décision.
Une des façons de procéder est d’interroger les membres de l’équipe projet
sur ces valeurs et de moyenner leurs retours en utilisant un tableau
d’estimation.
Tableau 5.1. Tableau d’estimation
Réclamation Fournisseur peut prouver un La limite est
valide retard excusable applicable
M. Dupond 50% 100% 100%
Mme Durant 75% 50% 100%
Mme 40% 50% 100%
Beauchamps
M. Renaud 30% 100% 80%
Moyenne 50% 75% 95%
12. BONNES PRATIQUES RELATIVES AUX RÉCLAMATIONS
Les entreprises gagnent à suivre quelques règles liées aux réclamations :
•considérer que chaque fois que le client parle, il pourrait y avoir un avenant
en vue ;
•notifier une réclamation potentielle aussi tôt que possible (« mettre la
réclamation dans le budget du client ») ;
•intégrer une provision pour risques dès que le client communique sur une
réclamation potentielle, et prévenir l’équipe projet pour une traçabilité sans
faille tout en restant vigilant ;
•traiter les problèmes dès qu’ils se présentent ;
•avoir une stratégie claire de réclamation ;
•réclamer en cas de :
–changement de séquence d’exécution du projet imposé par le client : le
client impose un séquençage différent des pratiques du secteur (par
exemple, livrer les équipements avant de les tester en usine, ou encore de
lancer l’exploitation avant d’avoir fini les tests),
–abus de privilège : le client abuse d’une ou plusieurs clauses du contrat
pour en tirer avantage (par exemple, ne pas valider la conception du
fournisseur pour demander des modifications même après les livraisons
des équipements),
–instructions contradictoires,
–… tout ce qui peut être expliqué (pas forcément prouvé) ;
•tracer les décisions, demandes, modifications, communications avec le
client ;
•la réclamation doit raconter une histoire ;
•porter une attention toute particulière aux éléments clés des pénalités de
retard – vérifier tous – TOUS – les chiffres avancés par le client ;
•CONNAÎTRE SON CONTRAT.
Les éléments clés de l’application de pénalités de retard
–Les dates servant de base au calcul des pénalités de retard.
–La base de calcul du montant des pénalités de retard (totalité du contrat,
par ligne de commande,…).
–Le pourcentage des pénalités de retard.
–L’éventuelle période de grâce (exemple : « les pénalités de retard
s’appliqueront après une période de grâce d’une semaine »).
–La base de calcul temporelle des pénalités : par jour (calendaire,
travaillé, ouvré), par semaine, ou tout autre période de temps.
–Le plafond des pénalités applicables.
–Le caractère libératoire ou non des pénalités de retard.
Tous ces éléments doivent être suivis durant le projet et analysés avec
soin en cas de réclamation venant du client.
13. LA NÉGOCIATION
Parole d’expert
« Le contract manager doit s’adapter à son environnement – maîtriser
la langue du client se révèle souvent être une réelle valeur ajoutée
pour négocier » – David-Alexandre, Directeur du Contract
Management, Eau-Environnement.
La négociation ne commence pas toujours après le premier envoi d’une
réclamation, et il faut être deux pour négocier. Si l’autre partie ne veut pas
négocier, il n’y a pas d’issue autre que la saisie de la justice.
C’est par exemple le cas lorsque le fournisseur a déjà tout livré et transmet
une réclamation. Le client n’a pas forcément intérêt à négocier rapidement.
De même, le fournisseur n’est pas pris par le temps si son client lui passe une
commande additionnelle pour son propre client.
Tout est affaire de « timing », et le bon moment pour envoyer une
réclamation doit être remis en perspective avec les relations globales entre les
deux entreprises, les relations au niveau du projet, et les relations humaines.
Le mieux positionné dans la négociation est celui qui n’est pas pressé par le
temps. L’autre doit alors trouver une raison de l’amener à la table de
négociation.
Cela doit s’intégrer dans une stratégie globale de négociation qui dépasse le
cadre de la réclamation. Ce qui suppose d’avoir une stratégie de négociation.
Il n’y a pas de négociation gagnante sans stratégie.
Différentes tactiques de négociation existent. Le lecteur pourra se référer à
des ouvrages dédiés. Nous listerons les exemples suivants, qui peuvent être
rencontrés et auxquels les chefs de projets doivent être préparés :
•attaque personnelle – insulte ;
•le gentil / le méchant ;
•la date buttoir – « notre offre est valide jusqu’à … » ;
•le mensonge ;
•la limitation de pouvoir – « je dois obtenir l’approbation de … » ;
•l’absent – « il n’est pas au bureau aujourd’hui, je reviendrai vers vous
demain » ;
•le « juste et raisonnable » ;
•retarder les discussions sur les sujets importants pour l’autre partie ;
•la corruption.
En tout état de cause, la préparation de la négociation est primordiale.
Les bases d’une négociation
–Connaître le contexte global – avoir la vision globale.
–Se reposer sur des faits – la traçabilité est clé.
–Avoir un objectif – avoir un « chiffre » et des marges de négociation.
–Connaître toute l’histoire.
–Connaître la culture de l’autre partie.
–Avoir la bonne personne (avec le pouvoir de décision) en face.
–Construire une histoire.
–Avoir un seul et unique négociateur (avec un mandat clair de sa
direction).
–Faire une pause si nécessaire.
–Anticiper les réactions de l’autre partie.
–Se serrer la main – physiquement – à la fin.
–Ecrire l’accord.
–Garder à l’esprit le résultat, pas le process.
–Se préparer – se préparer – se préparer.
Le négociateur s’aidera d’outils simples, comme un tableau listant les
points de discussion et les positions de chacun, avec une note sur le niveau de
criticité – qui varie souvent en fonction de la partie concernée (Tableau 5.2).
Tableau 5.2. Exemple de matrice de préparation à une négociation
Niveau Client Fournisseur
de
Point en blocage
discussion (majeur,
modéré,
mineur) Importance Position Intérêts Importance Position