Vous êtes sur la page 1sur 25

MASTER : JURISTE D’AFFAIRES (M1)

SEMESTRE 1
MODULE : Droit des sociétés

Le sort des actionnaires dans la fusion.

Préparé par : Houda CHNAIBI

Sous la direction du Professeur : GUENBOUR Saida

Année universitaire : 2018/2019

1
Sommaire

Chapitre 1 : la participation des actionnaires dans l’opération de fusion

Section 1 : les modalités d’intervention des actionnaires dans l’opération de la fusion

Section 2 : la question d’égalité des votes des actionnaires

Chapitre 2 : le sort des actionnaires dans la fusion

Section 1 : la situation des actionnaires suite à l’opération de la fusion

Section 2 : la protection juridique des actionnaires lors de l’opération de la fusion

2
Introduction
La fusion est définie au droit marocain comme l’opération par laquelle une société peut être
absorbée par une autre société, ou participer à la constitution d'une société nouvelle 1,
autrement dit, la fusion consiste à la réunion de patrimoine de deux ou plusieurs sociétés pour
former une seule.

Le Législateur français définit la fusion de la même manière dans l’article 371 de la loi 66-
537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, sauf que dans la rédaction française,
nous constatons que même les sociétés qui sont en liquidation peuvent être absorbés par une
autre société, la même possibilité a été accordée par le législateur marocain, mais il a posé à
ce sens une condition consistante à ce que la répartition de l’actif de la société en liquidation
entre les associés n'ait pas fait l'objet d'un début d'exécution.

On distingue deux formes de fusion :

- La fusion par la création d’une société nouvelle, qui résulte à la dissolution des
sociétés qui fusionnent au profit d’une nouvelle société recevant l’intégralité de leur
patrimoine.
- La fusion par absorbation d’une société par une autre, qui résulte à la dissolution de la
société absorbée seulement, et l’augmentation du patrimoine de la société absorbante2.

Nous constatons trois résultats juridiques3 communs dans les deux formes de fusion, à
savoir : La dissolution de la société qui disparaît, sans procéder à son liquidation, la
transmission universelle du patrimoine de la société absorbée au profit de la société
bénéficiaire, ou des sociétés fusionnées au profit de la société nouvelle, dans l'état où il se
trouve à la date de la réalisation définitive de l'opération, ainsi que l’échange des actions ou
les parts sociales dites les droit sociaux, dans la mesure où les associés de la société absorbée
deviennent associés de la société absorbante, ou les associés des sociétés fusionnées
deviennent associés de la nouvelle société, et qu’ils se voient attribuer des actions de cette
dernière. Ainsi, il ne peut y avoir fusion que si l’apport net, après déduction du passif pris en
charge par la société bénéficiaire des apports, est rémunéré par des droits sociaux.4

1
Article 222 Al.1 de la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes tel qu’elle a été modifiée et complétée par les
lois 81-99, 23-01, 20-05 et 78-12.
2
Béatrice et Francis Grandguillot, l’essentiel du droit des sociétés, Gualino, 2017, P : 133.
3
Article 224 de la loi n°17-95.
4
Hassania Cherkaoui, la société anonyme, ed. 1997, P : 313.

3
En ce qui concerne la date de la première fusion d’entreprises dans l’Histoire, il semble
difficile de la déterminer, Or, les premières opérations de fusions et acquisitions ont connu
leur premier essor aux Etats-Unis dans les années 1880 en liaison avec le développement des
sociétés par actions et du marché boursier5.

Dans les années 60, les Etats-Unis a commencé la recherche des nouveaux marchés, ce qui les
a poussés à encourager les investissements des sociétés américaines dans les pays de l’Europe
occidentale, notamment dans la France, l’Italie, la Belgique, l’Angleterre et l’Allemagne
occidentale, cette pénétration du marché européen avec des capitaux purement américaines a
résulté en une très forte concurrence devenue menaçante envers les sociétés européennes,
particulièrement dans les domaines des industries électroniques, les produits chimiques,
l’industrie pétrolière et l’industrie automobile6.

Dans une étape défensive contre la dominance des sociétés américaines, les sociétés
européennes ont commencé à procéder à des opérations de fusion visant à concentrer les
capitaux de ces sociétés, cette stratégie a connu un très grand succès qui a résulté en France
par exemple, à avoir plus de 2000 opération de fusions durant l’année 1968 seule, ce choix a
été également motivé par les exonérations fiscales que le gouvernement français a légiféré en
faveur des opérations de fusion7.

Comme prévu, le renforcement des sociétés européennes a résulté dans la réussite à faire face
aux sociétés américaines, qui, face à la nouvelle forte concurrence, a décidé de quitter certains
domaines, dans ce sens, nous citons la société « General Motors » qui a quitté le marché de la
fabrication des réfrigérateurs8.

Lors de la présente recherche, nous allons procéder à analyser un aspect des résultats
juridiques de l’opération de fusion, en étudiant ainsi le sort des actionnaires lors de cette
opération, les modalités de leur participation dans la prise de cette décision, et, le cas échéant,
la protection que la loi leur présente.

5
Jean-Guy Degos, L’entreprise, le chiffre et le droit, 2005, P: 386
6
Boujnan Nassima, ‫اندماج وانفصال الشركات التجارية‬, thèse doctorale, 2017, P : 2
7
Boujnan Nassima, op.cit, P : 3
8
Idem.

4
Chapitre 1 : la participation des actionnaires dans
l’opération de fusion
Si les actionnaires sont appelés à se prononcer et à prendre des décisions périodiquement par
rapport à des questions dites « ordinaires », il paraît logique, voir indispensable qu’ils tiennent
un rôle considérable dans la prise de la décision concernant une opération non seulement
importante, mais qui est également liée au destin de la société, voir son existence, à savoir
l’opération de la fusion.

Pour ce fait, nous allons procéder d’abord à connaitre les modalités d’intervention des
actionnaires dans l’opération de la fusion ( section 1) avant d’analyser la question relative à
l’égalité des votes des actionnaires (section 2), autrement dit, si la décision prise par la
majorité reflète effectivement et littéralement la volonté de la majorité des actionnaires
exerçant leurs droit de vote lors de la prise de la décision relative à l’opération de la fusion.

Section 1 : les modalités d’intervention des actionnaires dans l’opération de la


fusion 

A- Les types d’actionnaires :

Pour faire la distinction entre les types d’actionnaires, il parait indispensable de distinguer
entre les différents types d’actions, puisqu’ils sont tout simplement définis par les actions
qu’ils portent, en outre, cette distinction aura comme finalité de traiter par la suite la situation
du chaque type face à l’opération de fusion, ainsi que son rôle dans la prise de la décision.

En principe, tous les actionnaires sont égaux, cependant, cette règle n’est pas impérative et la
création d’actions de priorité est tolérée, certains actionnaires peuvent percevoir une part de
bénéfice supérieur à celle attribuée aux autres.9

Le législateur a distingué ainsi entre les différents types d’actions :

1. Les titulaires des actions nominatives et des actions au porteur  :

Selon l’article 245 de la loi n°17-95, les actions nominatives ne sont pas matérialisées et le
droit du titulaire résulte de la seule inscription sur le registre des transferts que la société
émettrice doit tenir, ce titre est transmit aux tiers par le transfert sur ledit registre.

9
M’hamed Motik, Le droit marocain des sociétés commerciales, 2005, P : 124

5
Par contre, les actions au porteur sont matérialisées par un document ou un titre, dans la
mesure où le porteur de titre est considéré son propriétaire, le même article précise ensuite
que ce type de titre est transmis par simple tradition.

Selon le Professeur de droit M’hamed Motik : « le titre au porteur par sa simplicité, assure à
son titulaire l’anonymat. L’anonymat du titre au porteur consiste pour le public un attrait
important. On peut chercher l’anonymat pour des raisons personnelles, familiales ou pour ne
pas apparaitre aux yeux de la société dont le titulaire détient les actions. »10

2. Les titulaires des actions de numéraire et des actions d’apport  :

L’article 246 de la loi n°17-95 définit les actions en numéraire en tant que celles dont le
montant est libéré en espèces ou par compensation avec des créances liquides et exigibles sur
la société et celles qui sont émises par suite d'une incorporation au capital de réserves,
bénéfices ou primes d'émission.

Toutes autres actions, selon le même article, sont des actions d'apport. Ces actions sont
délivrées en contrepartie des apports en nature, en sachant que ces apports sont libérés
totalement lors de leur émission11.

L'action d'apport, à l’exception des sociétés dont les actions sont inscrites à la bourse des
valeurs, reste obligatoirement nominative pendant les deux années qui suivent
l'immatriculation de la société au registre du commerce ou la réalisation de l'augmentation de
capital, selon l’article 248.
Le même article prévoit également qu’à l’exception des sociétés dont les actions sont inscrites
à la bourse des valeurs, l'action d'apport reste obligatoirement nominative pendant les deux
années qui suivent l'immatriculation de la société au registre du commerce ou la réalisation de
l'augmentation de capital.

Enfin, le montant nominal de l'action ne peut être inférieur à cinquante (50) dirhams sauf
dans le cas des sociétés dont les titres sont inscrits à la cote de la bourse des valeurs, le
minimum du montant nominal est fixé à dix (10) dirhams12.

3. Les titulaires des actions à vote double  :

10
Idem.
11
L’article 21 de la loi 17-95
12
L’article 246 de la loi 17-95

6
Selon le principe de l’égalité des actionnaires, le législateur marocain a prévu que le droit de
vote attaché aux actions de capital ou aux actions de jouissance (intégralement amorties) est
proportionnel à la quotité de capital qu'elles représentent, autrement dit, le droit de vote de
chaque actionnaire est proportionnel à sa contribution au capital de la société.

Cependant, ce n’est pas toujours le cas, puisqu’en certains cas, on se trouve devant des
situation où les actionnaires détiennent un droit à vote double, un droit exceptionnel permis
par la loi 17-95 dans son article 257, sous certaines conditions qui consiste à ce que ce droit
ne peut être attribué que par la voie des statuts ou d’une assemblée générale extraordinaire
ultérieure, et que les actions en questions doivent être entièrement libérées, et doivent justifier
d'une inscription nominative, depuis deux ans au moins au nom du même actionnaire.

D’autre part, il paraît indispensable pour notre recherche de mentionner que ce droit est perdu
en cas de transfert de propriété aux tiers ou en cas de conversion en action au porteur, et qu’on
cas de fusion, ces actions conservent leur droit de vote double qui peut être exercé dans le
cadre de la société bénéficiaire de la fusion, à condition que ses statuts le permettent, ce droit
est préservé également en cas de le transfert de propriété des actions par voie de succession13.
A l’exception de droit de vote double, toute émission des actions à vote plural est interdite par
le législateur marocain14 et le législateur français15.

4. Les titulaires des actions à dividendes prioritaires sans droit de vote  :

Visant à orienter l’épargne vers les entreprises16, les actions à dividende prioritaires sans droit
de vote présentent un grand nombre des avantages en plus des droits reconnus aux autres
actionnaires, au moment où elles privent, comme son nom l’indique, leurs titulaires de droit
de vote lors des assemblés générales des actionnaires de la société17.

Les actions à dividendes prioritaire sans droit de vote ne peuvent être crées que par les
sociétés qui ont réalisé au cours des deux derniers exercices des bénéfices distribuables, selon
l’article 261, ainsi, l’article 163 prévoit qu’elles peuvent être créées par augmentation de
capital ou par conversion d'actions ordinaires déjà émises, et qu’elles ne peuvent représenter
plus du quart du montant du capital social.

13
L’article 258 de la loi 17-95
14
L’article 259 de la loi 17-95
15
L’article 176 de la loi Loi 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
16
M’hamed Motik, Le droit marocain des sociétés commerciales, 2005, P : 125
17
L’article 263 de la loi 17-95

7
Même si les titulaires de ces actions sont privés de droit de vote, la loi leur attribut un droit de
contribution dans la prise des décisions lors des assemblés générales, par la voix de
l’assemblée spéciale prévu par l’article 266, une assemblée qui est sensé réunir les titulaires
d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote, elle peut alors émettre un avis avant toute
décision de l'assemblée générale, qui sera consigné à son procès-verbal.

En outre, et selon le même article, toute décision modifiant les droits des titulaires d'actions à
dividende prioritaire sans droit de vote n'est définitive qu'après approbation par l'assemblée
spéciale, une disposition alors qui protège les titulaires de ce type d’actions et présente une
limite à la privation de droit de vote.

La conversion des actions ordinaires en dividendes prioritaires sans droit de vote n’est pas
permise aux membres du conseil d'administration, du directoire ou du conseil de surveillance,
les directeurs généraux d'une société anonyme et leurs conjoints, ainsi que leurs enfants
mineurs non émancipés.

5. Les titulaires des actions de jouissance  :

Selon l’article 202 de la loi 17-95, les actions de jouissance sont des actions qui ont été
entièrement remboursée et intégralement amorties, après avoir été à l’origine des actions du
capital, et ce suite à l’opération de l’amortissement de capital.

Les titulaires de ces actions perdent le droit au premier dividende et au remboursement de la


valeur nominale, ils préservent toutefois tous leurs autres droits18, y compris le droit de vote.

B- La réalisation de l’opération de fusion :

Cette réalisation de l’opération de fusion exige le passage par deux étapes fondamentales, à
savoir le projet de la fusion, ainsi que le vote résultant à l’exécution de l’opération.

1. Le projet de la fusion  :

Les actionnaires doivent une explication de la part des dirigeants dès même avant de procéder
effectivement à établir le projet de fusion, autrement dit, les dirigeants sont tenu à donner les
raisons qui les ont poussé à « penser » à prendre une décision pareille, et donner « le
pourquoi » de projet de fusion, et ce par la voie d’un rapport écrit présenté aux actionnaires.

18
Article 203 de la loi 17-95

8
Dans son deuxième alinéa, l’article 232 traite l’utilité de ce rapport en précisant que «  Ce
rapport explique et justifie le projet de manière détaillée du point de vue juridique et
économique, notamment en ce qui concerne le rapport d'échange des actions et les méthodes
d'évaluation utilisées, qui doivent être concordantes pour les sociétés concernées ainsi que, le
cas échéant, les difficultés particulières d'évaluation. Il fait également mention expresse et
détaillée de l'existence, le cas échéant, de tous liens d'intérêts existant entre un ou plusieurs
membres du conseil d'administration, du directoire ou du conseil de surveillance, et la ou les
autres sociétés participant à la fusion.  »

Ainsi, l’article est clair dans sa finalité, il s’agit de donner tous les information, qu’elles soient
juridiques ou économiques aux actionnaires, ainsi que leur informer de n’importe quelle
existence d’un lien d’intérêt entre les un membre des entité de gestion, et l’autre société
participante à la fusion, et ce pour mettre à leur disposition tous données nécessaires pour
pouvoir construire un avis non entaché de dol ou de malentendu et ainsi, recevoir des votes
traduisant effectivement la volonté des actionnaires.

Les sociétés participantes dans la fusion sont obligées, selon l’article 226, d’établir un projet
de fusion, ce dernier est « un avant-contrat qui n’est pas un engagement de fusion puisqu’il
n’appartient qu’aux actionnaires de décider la réalisation d’une telle opération »19, ce projet
doit être déposé auprès du greffe du tribunal du lieu du siège des sociétés participantes dans la
fusion et fait l'objet d'un avis inséré dans un journal d'annonces légales, par chacune des
sociétés participant à l'opération ; au cas où l'une au moins de ces sociétés fait publiquement
appel à l'épargne, un avis doit également être inséré au Bulletin officiel20, et ce au moins trente
jours avant la date de la première assemblée générale appelée à statuer sur l'opération.

Ce projet doit contenir impérativement, selon l’article 227 :

 la forme, la dénomination ou la raison sociale et le siège social de toutes les sociétés


participantes ;
 les motifs, buts et conditions de la fusion;
 la désignation et l'évaluation de l'actif et du passif dont la transmission aux sociétés
absorbantes ou nouvelles est prévue ;
 les modalités de remise des parts ou actions et la date à partir de laquelle ces parts ou
actions donnent droit aux bénéfices, ainsi que toute modalité particulière relative à ce

19
M’hamed Motik, op. cit, p : 162
20
Article 226 de la loi 17-95

9
droit, et la date à partir de laquelle les opérations de la société absorbée seront, du
point de vue comptable, considérées comme accomplies par la ou les sociétés
bénéficiaires des apports;
 les dates auxquelles ont été arrêtés les comptes des sociétés intéressées utilisés pour
établir les conditions de l'opération ;
 le rapport d'échange des droits sociaux et, le cas échéant, le montant de la soulte ;
 le montant prévu de la prime de fusion ;
 les droits accordés aux associés ayant des droits spéciaux et aux porteurs de titres
autres que des actions ainsi que, le cas échéant, tous avantages particuliers.

Ensuite, il doit impérativement être mis à la disposition des actionnaires par la société, au
siège social, trente jours au moins avant la date de l'assemblée générale appelée à se
prononcer sur le projet, à coté d’un nombre d’autres documents à savoir :

 le rapport des dirigeants des sociétés participants à l’opération de fusion;


 le rapport du ou des commissaires aux comptes21 ;
 les états de synthèse approuvés ainsi que les rapports de gestion des trois derniers
exercices des sociétés participant à l'opération ;
 un état comptable, établi selon les mêmes méthodes et la même présentation que le
dernier bilan annuel, arrêté à une date qui, si les derniers états de synthèse se
rapportent à un exercice dont la fin est antérieure de plus de six mois à la date du
projet de fusion, doit être antérieure de moins de trois mois à la date de ce projet.
Les actionnaires ont le droit d’avoir accès à des copies de n’importe quel document parmi les
documents cités, ou à leur totalités, et ce par une simple demande et sans aucun frais.
2. Les modalités de prise de la décision de fusion  :

Le rapport des dirigeants, le projet de fusion et les documents mis à la disposition des
actionnaires servent de base aux délibérations des actionnaires.
Dans le cas de la fusion par absorbation, l’opération est décidée par l’assemblée générale
extraordinaire de chacune des sociétés qui participent à l’opération, cependant, cette décision
n’est finale qu’après avoir été soumise à la ratification des assemblées spéciales
d'actionnaires, dans chacune des sociétés qui participent à l'opération, s’elles en existent.

21
Prévu par l’article 233 de la loi 17-95

10
Nous rappelons, d’une part, que les assemblées spéciales ne réunissent que les titulaires d'une
même catégorie d'actions, selon l’article 107, alinéa 2, elles sont compétentes pour statuer sur
toute décision intéressant la catégorie d’actions dont leurs membres sont titulaires, elles
approuvent alors les décisions des assemblées générales qui modifient les droits relatifs à une
catégorie d’actions.
D’autre part, il parait nécessaire de rappeler que les assemblées générales extraordinaires
statuent à la majorité des deux tiers des voix des actionnaires présents ou représentés, et que
Les statuts peuvent prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la
majorité, les actionnaires qui participent à l'assemblée par des moyens de visioconférence ou
par des moyens équivalents permettant leur identification22.
L'assemblée générale extraordinaire de la société absorbante statue sur l'approbation des
apports en nature, selon l’article 235.
Dans le cas de la fusion par création d’une nouvelle société, l’assemblée générale
extraordinaire de chacune des sociétés participantes dans l’opération approuve la fusion, mais
elle est tenue également d’approuver le projet de statuts de la société nouvelle, au vu des
rapports des commissaires aux comptes23 établis dans les conditions prévues par l’article 233
dans son 5ème alinéa24.
Le projet est également soumis aux assemblées d’obligataires des sociétés absorbées, à moins
que le remboursement des titres sur simple demande de leur part ne soit offert aux
obligataires.

Section 2 : la question d’égalité des votes des actionnaires

Le droit au vote constitue une protection des actionnaires par la loi, il est considéré également
un droit d’ordre public, c’est ainsi la cause pour laquelle le législateur a prévu des sanctions
pénales envers un certain nombre des mesures touchantes à ce droit, qui sont susceptibles de
manipuler la volonté réelle des actionnaires ou de donner lieu à des décisions « fausse » qui
ne reflètent pas cette volonté.
Dans ce sens, l’article 387 prévoit que :

22
L’article 110 de la loi 17-95, Complété par l'article 1er de la loi n° 20-05 promulguée par le dahir n° 1-08-18
du 23 mai 2008 - 17 joumada I 1429 ; B.O. n° 5640 du 19 juin 2008
23
Hassania Cherkaoui, op. cit. p : 318
24
Le rapport du ou des commissaires aux comptes indique la ou les méthodes suivies pour la détermination du
rapport d'échange proposé, si elles sont adéquates en l'espèce, et les difficultés particulières à l'évaluation s'il en
existe , les commissaires aux comptes vérifient notamment si le montant de l'actif net apporté par les sociétés
absorbées est au moins égal au montant de l'augmentation de capital de la société absorbante ou au montant du
capital de la société nouvelle issue de la fusion.

11
« Seront punis d'un emprisonnement de un à six mois et d'une amende de 8 000 à 40 000
dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement :
1- ceux qui, sciemment, auront empêché un actionnaire de participer à une assemblée
d'actionnaires ;
2- ceux qui, en se présentant faussement comme propriétaires d'actions, auront participé
au vote dans une assemblée d'actionnaires, qu'ils aient agi directement ou par
personne interposée ;
3- ceux qui se seront fait accorder, garantir ou promettre des avantages pour voter dans
un certain sens ou pour ne pas participer au vote, ainsi que ceux qui auront accordé,
garanti ou promis ces avantages. »
Cependant, il existe plusieurs moyens plus ou moins "légales" qui peuvent toucher à droit, ces
moyens souvent utilisés par les actionnaires détenteurs de la majorité des actions, sont censé à
servir l’intérêt de ces derniers, dans la mesure où elles servent à manipuler la finalité des votes
d’une manière à ce que les décisions des assemblées générales seraient prises dans le sens que
la majorité désire et préfère25.

A- Les conventions de vote

La convention de vote est un engagement pris par des associés à voter dans un sens déterminé
ou à ne pas participer au droit de vote26.
Une convention de vote signifie l’accord par lequel les actionnaires détenant la minorité des
actions s’engagent à voter en faveur des mesures que la majorité préfère, et ce dans le conseil
de l’administration comme dans les assemblées générales, elle peut servir également à
garantir la représentation des minorités parmi les entités de gestion et d’administration.
Certes, le législateur a donner la possibilité aux actionnaires à avoir des conventions avec
d’autres actionnaires ou avec des tiers sur les conditions de cession des droits sociaux, selon
l’article 257 dans son premier alinéa, toutefois, nous constatons dans la pratique que ces
conventions ont dépasser la limite de déterminer les conditions de cession des droits sociaux
vers d’autres accords servant à préserver le contrôle de la société 27, y compris les conventions
de vote.

25
Abderrahman ellamtouni, ‫اندماج الشركات بين حتمية التركيز اإلقتصادي والحاجة إلى الحماية القانونية‬, première édition ,2013,
p 193.
26
www.le-droit-des-affaires.com.
27
Abderrahman ellamtouni, op. cit, p : 194.

12
D’une part, les conventions de vote sont acceptées par la jurisprudence, nous constatons alors
que la cour d’appel a validé, par la voie de l’arrêt du 4 décembre 2012, les conventions de
vote.
La cour a considéré par la voie de l’arrêt que la convention de vote est valide tant qu’elle
respecte des « critères de régularités » qui sont, selon la cour:
 Elle doit « reposer sur un consentement éclairé des actionnaires », ce qui signifie que le
dessaisissement de leur droit de vote ne doit pas être trop large ;
 Elle doit respecter les dispositions d’ordre public, ce qui suppose, précise la cour, qu’elle
n’emporte pas cession du droit de vote, ni ne s’oppose au principe de libre révocabilité
des dirigeants sociaux ;
 Elle ne doit pas être contraire à l’intérêt social.
D’autre part, la doctrine considère que ce genre de conventions, voir leur concept même, est
entièrement contradictoire à la finalité que le législateur a prévu par sa protection de ce droit,
autrement dit, que c’est totalement inacceptable qu’un nombre d’actionnaire s’engagent à
voter en faveur de la fusion juste parce que ça va dans le sens de la décision de la majorité, si
le loi a bien organisé et précisé les modalités de vote et de la prise de la décision final
concernant cette opération.
En conséquence, la doctrine considère que tout engagement d’un actionnaire ou associé de ne
pas voter, ou de voter en faveur d’une décision déterminée est réputé nul, puisqu’il viole le
droit et la liberté de vote de l’actionnaire ou de l’associé, un droit fondamentale pour le
fonctionnement de la société et qui représente un droit de l’ordre public28.
Ainsi, les conventions de vote peuvent servir à faire accélérer la prise de la décision de la
fusion, une décision stratégique qui est susceptible d’être à l’intérêt de la société et des
actionnaires, or, ces décisions représentent une violation grave aux droits des actionnaires, qui
sont privés de leur liberté de dire « non » et ainsi protéger leurs intérêts et défendre leurs
propres avis et opinions sur la question de la fusion, dans ce sens, le juge peut considérer ses
conventions comme nuls, s’il l’estime29.
B- Les titulaires des actions à vote double

Comme nous avons mentionner supra, le droit de vote double est un droit exceptionnel permis
par la loi 17-95 dans son article 257, sous certaines conditions qui consiste à ce que ce droit
ne peut être attribué que par la voie des statuts ou d’une assemblée générale extraordinaire

28
Abderrahman ellamtouni, op. cit, p : 196.
29
Idem.

13
ultérieure, et que les actions en questions doivent être entièrement libérées, et doivent justifier
d'une inscription nominative, depuis deux ans au moins au nom du même actionnaire.

Ce droit a été conféré également par le législateur français, par la voie de l’article 175 de la loi
66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, sauf que la loi française a prévu la
possibilité de réserver le droit de vote double aux actionnaires de nationalité française et à
ceux ressortissant d'un Etat membre de la communauté économique européenne, une
disposition inexistante dans le cas de Maroc.

D’un premier regard, il paraît que l’existence même d’un droit pareil présente une violation
claire et directe au principe de l’égalité des actionnaires, sauf que le législateur détient une
réalité des justifications raisonnables qui consistent à encourager l’investissement à long
terme dans les sociétés des capitaux, dans ce sens, nous constatons que l’actionnaire « fidèle »
qui détient des actions nominatives dans la même société, entièrement libérées, pour une
durée minimale de deux ans, est motivée par la loi pour détenir ces actions plus longtemps par
un nombre importants des avantages.

La volonté de législateur de pousser les actionnaires à préserver leurs actions le plus long
possible, et ainsi préserver la stabilité de capital, est clairement comprise si nous rappelons
que le titulaire de ces actions perd le droit de vote double le transfert de propriété des actions
aux tiers ou en cas de conversion en action au porteur.

Le titulaire conserve, par contre, son droit en cas de fusion, dans la mesure où il peut même
être exercé dans le cadre de la société bénéficiaire de la fusion, à condition que ses statuts le
permettent, une disposition prévu également par le législateur français.

Cependant, le problème se pose lorsque ces actions sont détenues par des actionnaires
titulaires d’un nombre important des actions, par exemple, il suffit qu’un seul actionnaire
détienne le tiers des actions de la société, avec le droit de vote double, pour qu’il puisse guider
les décisions des assemblés générales dans le sens qui lui plait.

C- Les actionnaires sans droit de vote

Dans le cadre des atteintes à l’égalité des actionnaires dans la prise de la décision de fusion,
nous constatons qu’au moment où certains actionnaires peuvent détenir des actions à double
vote, d’autres peuvent être privé de ce droit, et ce pour plusieurs raisons.

14
D’une part, le législateur a prévu dans l’article 127 qu’il est possible que les statuts exigent un
nombre minimum d'actions, sans que celui-ci puisse être supérieur à dix, pour ouvrir le droit
de participer aux assemblées générales ordinaires, à condition que ce nombre ne soit pas
supérieur à dix actions.
Or, puisque la décision de la fusion est prise par la voie de l’assemblée générale
extraordinaire, cette catégorie des actionnaires ne peut être considérée comme touchée par un
préjudice.
D’autre part, nous trouvons une autre catégorie des actionnaires dont leurs droit de vote est
mise en question, ce sont évidemment les actionnaires titulaires des titres à dividendes
prioritaires sans droit de vote.
Cette catégorie a le droit de se présenter dans les assemblés générales, notamment les
assemblés générales extraordinaires, mais elle n’a pas le droit de vote proprement dit, elle
peut néanmoins présenter son avis lors de l’assemblée mais elle n’affecte pas son décision,
cependant, cette règle n’est prise en considération lorsque les décisions en questions peuvent
modifier les droits des titulaires de ces actions, dans ce cas, cette décision n'est définitive
qu'après approbation par l'assemblée spéciale qui réunit ces actionnaires, et qui est prévu par
l’article 266 dans son premier alinéa.
C’est ainsi, le cas de l’opération de la fusion, qui est soumise, selon l’article 231, à la
ratification des assemblées spéciales d'actionnaires.
Cela implique que même les actionnaires privés de leur droit de vote, conserveraient le droit
de s’exprimer pour les décisions tendant à modifier leur situation.
Nous trouvons par contre, que dans le cas du législateur belge, les titulaires de ces actions
retrouvent l’exercice de leur droit de vote entièrement dans lors des assemblés générales
extraordinaires statuant sur la décision de la fusion30.

Chapitre 2 : le sort des actionnaires dans la fusion


Lors de l’opération de la fusion, plusieurs questions se posent concernant les droits des
actionnaires et leurs obligations, autrement dit, de leur sort dans la société bénéficiaire de la
fusion (section 1), or, une question relative à la protection que la loi offre à ces actionnaires se
pose également (section 2).

Section 1 : la situation des actionnaires suite à l’opération de la fusion

30
Article 240 de code des sociétés belge.

15
Le législateur marocain, comme le législateur français, a bien prévu le destin des actionnaires
après l’opération de la fusion : les actionnaires des sociétés qui disparaissent deviennent
actionnaires ou associés des sociétés absorbantes ou nouvellement créées.

Toutefois, selon l’article 223, dans son 3ème alinéa, la fusion ne peut avoir pour effet une
modification de la répartition des droits des associés ou une augmentation de leurs
engagements, sauf leur accord unanime.

A- La situation des actionnaires de la société dissoute dans la société bénéficiaire

Lors de l’opération de la fusion, les actionnaires sont sensés avoir, dans la société nouvelle ou
la société bénéficiaire de la fusion, les mêmes droit qu’il détenait dans la société dissoute,
dans ce sens, ils sont sensés recevoir des parts sociales ou des actions dans la nouvelle société
ou la société absorbante, après la déduction du passif pris en charge par cette dernière.
Il faut noter que, selon l’article 224, c’est le contrat de fusion qui détermine les conditions
d'acquisition par les associés de la société qui disparaît, de la qualité d'associés des sociétés
bénéficiaires, le projet de fusion contient aussi, comme nous avons mentionné supra, le
rapport d’échange des droits sociaux.
Les actionnaires détiennent alors, dès la fusion, les mêmes droits et les mêmes obligations que
les actionnaires ou les associés de la société bénéficiaire selon les statuts de cette dernière, il
faut aussi noter que les droit sociaux que les actionnaires reçoivent dépendent de la forme de
la société absorbante ou de la société nouvellement crée, on ne peut pas alors parler des
actions si la société bénéficiaire est une SARL, ou des parts sociales si c’est une Société
Anonyme.
Cependant, et en ce qui concerne la valeur des droit sociaux, il est possible que les
actionnaires de la société dissoute reçoivent des actions ou des parts sociales dont la valeur est
inférieur31 à celle qu’ils détenaient avant la fusion, et ce lors de l’opération de l’échange des
droit sociaux ou le rapport d’échange, dans ce sens, si l’actionnaire souhaite réserver les
mêmes actions qu’il détenait avant, il doit tout simplement procéder à l’acquisition des
nouvelles actions ou parts sociales dont la valeur est égale à celle qu’il a perdu durant
l’opération de la fusion.
D’autre part, en ce qui concerne le type des actions, notamment celles qui détient un nombre
des avantages à son titulaire, nous se trouvons devant un nombre d’hypothèses32 :

31
Boujnan Nassima, ‫اندماج وانفصال الشركات التجارية‬, thèse doctorale, 2017, P : 146
32
Boujnan Nassima, op. cit., Ps : 147 et 148

16
1- La société bénéficiaire procède à l’émission des actions similaires portant les mêmes
avantages en faveur des actionnaires en question.
2- Dans le cas de la fusion par la création d’une société nouvelle, il est possible de
permettre par la voie des statuts, l’attribution de ces avantages ou privilèges.
3- Dans le cas de la fusion par absorbation, si la société absorbante ne permettait pas ces
avantages avant la fusion, il est possible de modifier les statuts afin d’accorder cette
permission, par la voie, bien sûr, de l’assemblée générale extraordinaire.
4- Dans le cas du refus de cette modification, ou la non possibilité de la société
d’accorder des droits sociaux avantageux, les titulaires de ces actions peuvent se réunir
dans une assemblée spéciale afin d’étudier les solutions possibles, parmi ces solutions,
nous trouvons la possibilité d’abandonner les privilèges que leurs anciennes actions
garantissaient, et ce contre la réception d’une quantité additionnelle des actions
ordinaires de la société bénéficiaire de la fusion.
B- Le choix de départ des actionnaires

Il est possible qu’un nombre des actionnaires de la société absorbée décident de quitter la
société suite à leur mécontentement envers l’opération de la fusion.
Nous constatons dans ce sens, le silence du législateur marocain, qui n’a pas traité le droit de
départ des actionnaires, contrairement à d’autres législations33 comme l’Egypte et l’Italie qui
ont permis les actionnaires non intéressés par la fusion et qui ne désirent pas détenir des
actions dans la nouvelle société, de céder leurs actions à leur société qui doit lui rembourser
après la négociation du prix.
Dans le droit marocain, par contre, la société n’est obligée par aucune disposition d’acheter
les actions de l’actionnaire souhaitant de partir, ce silence alors est expliqué par la liberté
accordée à ces actionnaires de quitter s’ils le souhaitent, ils peuvent ainsi offrir leurs actions à
la société qui peut accepter ou refuser, dans ce dernier cas, l’actionnaire doit alors procéder à
la vente de ces actions à la bourse des valeurs, ou il doit trouver un autre acheteur.

C- La situation des dirigeants de la société dissoute dans la société bénéficiaire :

Selon l’article 44 de la loi 17-95, « Chaque administrateur doit être propriétaire d'un nombre
d'actions de la société …» dans ce sens, nous pouvons déduire que les membres de
l’administration de la société anonyme sont eux-mêmes des actionnaires de cette société, c’est
ainsi qu’il paraît nécessaire de traiter leur situation après l’opération de la fusion.
33
Boujnan Nassima, op. cit., P: 152.

17
En tant qu’actionnaires, les administrateurs gardent les mêmes droits que nous avons
mentionnés supra, ils deviennent ainsi des actionnaires de la nouvelle société et alors ils
détiennent le droit au vote, à la participation aux assemblés, et le droit d’un part de bénéfice
selon la valeur de leurs contribution au capital, ainsi que les autres droits conférés aux
actionnaires.
En tant qu’administrateurs, le législateur marocain leur a donné la possibilité de devenir des
administrateurs de la société bénéficiaire de la fusion, or, une question importante se pose ici
concernant la limite du nombre des administrateurs dans cette société.
En principe, le conseil d’administration ou le conseil de surveillance ne peut pas dépasser
douze membres, quinze membres si les actions de la société sont inscrites à la cote de la
bourse des valeurs.
Cependant, le législateur a fait l’exception en cas de fusion en donnant la possibilité à la
société bénéficiaire de réunir les administrateurs, ou les membres du conseil de surveillance
des sociétés fusionnées dans un organe unique de gestion, et ce pour conserver leur qualité de
gestionnaires et garantir la réussite de la gestion de la société à posteriori de l’opération de
fusion ainsi que la réalisation du but même de la fusion 34, et pour cette raison, il a permis le
dépassement des nombre maximaux mentionnés supra.
Toutefois, le nombre des administrateurs ne peut pas dépasser vingt-quatre, vingt-sept dans le
cas d'une fusion d'une société dont les actions sont inscrites à la cote de la bourse des valeurs
et d'une autre société, trente dans le cas d'une fusion de deux sociétés dont les actions sont
inscrites à la cote de la bourse des valeurs, selon l’article 39 de la loi 17-95. En plus, les
administrateurs en question doivent avoir été en fonction depuis plus de six mois dans les
sociétés fusionnées.
Il faut noter que selon le même article, et à l’exception du cas de nouvelle fusion, il n’est pas
possible d’avoir une nomination d’un nouvel administrateur, en outre, les administrateurs de
la nouvelle société ne peuvent pas être remplacés, même en cas de décès, de révocation ou de
démission, tant que le nombre des administrateurs n'aura pas été réduit à douze ou à quinze,
lorsque les actions de la société sont inscrites à la cote de la bourse des valeurs.
Le problème du nombre maximal n’est pas posé pour les autres formes de sociétés dans
lesquelles la gestion est répartie soit entre tous les associés, soit confiée à un gérant ou plus.
A l’exception des nombres supplémentaires que le législateur marocain a permis au cas où les
actions sont inscrites à la cote de la bourse des valeurs, le législateur français détient les
mêmes dispositions mentionnées supra, à l’article 89 de la loi sur les sociétés.
34
Tahiri Bachir, ‫اندماج الشركات التجارية في القانون الجزائري‬, thèse doctorale, 2016, P :210

18
Section 2 : la protection juridique des actionnaires lors de l’opération de la
fusion

A- Protection à priori des actionnaires :

Nous parlons de la protection juridique à priori de l’opération de la fusion si et seulement si


l’assemblée générale extraordinaire n’a pas encore approuvé l’opération, il s’agit alors d’un
nombre de mesure que les actionnaires, notamment la minorité des actionnaires, peuvent
prendre afin de garantir leur droit ou de bloquer l’opération en attendant le règlement d’un
problème35.
La première mesure de protection que le législateur a prévu dans ce sens est celle du droit de
l’information accordé aux actionnaires, ce droit couvre un nombre important des documents et
d’informations qui doivent être, sous peine des amendes de 8 000 à 40 000 dirhams 36, mises à
la disposition des actionnaires, nous constatons, par exemple, que tout actionnaire a le droit
de prendre connaissance personnellement, au moins pendant les quinze jours qui précèdent la
date de l'assemblée générale ordinaire annuelle, de plusieurs documents importants, entre
autres :

 du texte et de l'exposé des motifs des projets de résolutions présentés par le conseil
d'administration ou le directoire et, le cas échéant, par les actionnaires
 de la liste des administrateurs au conseil d'administration, des membres du directoire
et du conseil de surveillance, ainsi que, le cas échéant, des renseignements concernant
les candidats à ces organes,
 de l'inventaire, des états de synthèse de l'exercice écoulé, arrêtés par le conseil
d'administration ou le directoire, et, le cas échéant, des observations du conseil de
surveillance.
 du rapport de gestion du conseil d'administration ou du directoire soumis à
l'assemblée, ainsi que, le cas échéant, des observations du conseil de surveillance, en
plus du rapport du ou des commissaires aux comptes.
Ce droit couvre également l’opération de la fusion, dans le sens où les actionnaires détiennent,
comme nous avons traité supra, le droit d’accès, sans frais, aux documents relatifs à
l’opération, notamment le rapport des dirigeants des sociétés participants à l’opération de

35
Abderrahman ellamtouni, op.cit, p : 183
36
Article 392 de la loi 17-95.

19
fusion, et le projet de la fusion, qui présentent l’ensemble des informations que l’actionnaire
doit savoir afin de formuler un avis vis-à-vis ladite opération.
La possibilité accordée aux actionnaires minoritaires, représentant au moins le dixième du
capital social, de demander au juge des référés de désigner un mandataire servant à ordonner
en urgence l’assemblée général ordinaire sur la base de l’article 161 peut être considéré
également comme mesure protective aux actionnaires par le législateur37.
D’autre part, les actionnaires peuvent ester en justice en raison de la violation de la procédure
de la fusion par la société, notamment si l’entité de gestion n’a pas respecté les formalités de
la publicité ou si le commissaire ou compte ne remplit pas les conditions prévu par la loi, ou si
le rapport d’échange est considéré non équilibré et susceptible d’apporter un préjudice à ces
actionnaires, dans le cas de la dernière hypothèse, les actionnaires prennent des mesure
protectrices sur la base de l’article 157, qui permet aux actionnaires représentant au moins le
dixième du capital social de demander au président du tribunal, statuant en référé, la
désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs
opérations de gestion, ce rapport peut être utilisé ultérieurement comme preuve afin de
demander au juge, la nullité de la décision de la fusion.
Plus exceptionnellement, la jurisprudence marocaine a accordé aux actionnaires minoritaires
la possibilité de procéder à la demande au juge des référés d’ordonner le report de l’assemblée
général extraordinaire sur la base de l’article 21 de la loi des tribunaux de commerce 38, dans
ce sens, nous citons l’arrêt du 4 janvier 2000 39, qui a constitué une base protective des
actionnaires dans la mesure où :
- Il a permis aux actionnaires de demander le report de l’assemblée générale
extraordinaire, afin de protéger leurs intérêts contre l’abus de la majorité.
- Il a permis aux actionnaires minoritaires de faire une demande au juge des référés
quelque soit la part du capital qu’ils représentent, contrairement à ce qui a été prévu
par les articles 157 et 161 qui exigent la possession d’une part minimum de dixième
du capital social afin de procéder à une telle demande40.

37
Fahim Ibtissam, ‫النظام القانوني الندماج الشركات التجارية على ضوء الفقه والقضاء‬, première édition, 2013, page : 180
38
Selon l’article 21 de la loi 53-95 : «  Le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la
compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne font l'objet d'aucune contestation sérieuse.
Lorsque le litige est soumis à la cour d'appel de commerce, lesdites attributions sont exercées par son premier
président. Le président du tribunal de commerce peut, dans les mêmes limites et même en cas de contestation
sérieuse, ordonner toutes les mesures conservatoires ou la remise en état, soit pour prévenir un dommage
imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite »
39
Arrêt de la cour d’appel commercial de Casablanca, dossier n° 1/99/2946.
40
Fahim Ibtissam, op.cit. page : 182

20
Enfin, nous constatons que le législateur marocain n’offre pas en réalité une protection
suffisante et effective aux actionnaires avant la prise de la décision de fusion, et que les
mesures qu’il a mis entre les mains des actionnaires ne sont en réalité qu’un outil qui peut
servir dans le cadre d’une action en justice postérieure à la prise de la décision de fusion, et ce
afin de demander la nullité de cette dernière.

B- Protection à posteriori  :

Selon l’article 344 de 17-95, il est possible de demander au juge de prononcer la nullité de la
fusion, sauf que cette nullité ne peut résulter que de la nullité de la délibération de l’une des
assemblées qui ont décidé l’opération, cependant, s’il est possible de porter remède à
l'irrégularité susceptible d'entraîner la nullité, le tribunal saisi de l'action en nullité d'une
fusion ou d'une scission accorde aux sociétés intéressées un délai pour régulariser la situation.
Nous comprenons alors que, la loi n’a pas précisé la qualité des actionnaires qui peuvent faire
une demande pareille, contrairement à l’article 157 qui détermine la valeur minimale des
actions que leurs titulaires peuvent faire une demande à la justice, nous pouvons déduire ainsi
que le législateur n’a pas fait la même chose dans l’article 344 en raison de la sensibilité de
l’opération de la fusion et de son effet sur les droits des actionnaires, ce choix est également
issu du fait que la nullité fait partie de l’ordre public.
Dans ce sens, chaque actionnaire quelque soit sa contribution, et même s’il n’a pas le droit de
vote, nous parlons notamment des titulaires des actions à dividendes prioritaires sans droit de
vote, peut soulever l’exception de la nullité de l’assemblée générale extraordinaire devant le
tribunal41.
Cependant, le problème se pose dans le fait que l’actionnaire est tenu, non seulement
d’informer le tribunal de l’irrégularité, mais surtout de la prouver, et en plus, de prouver que
cette irrégularité n’est pas remédiable, sachant que cette preuve est libre si nous rappelons
que, selon l’article 5 de la loi 53-95 relative aux tribunaux commerciaux, les litiges entre les
associés dans la société sont des différends commerciaux, et la preuve est libre dans la matière
commerciale.
Dans ce sens, nous citons un extrait d’un arrêt42 de la cour de cassation française du 7 juillet
1980, qui par la voie duquel la cour a rejeté la demande d’un actionnaire minoritaire (Deboute
Mamelle) de déclarer la nullité de la fusion pour son incapacité de prouver un abus de la
majorité lors de l’assemblée générale extraordinaire qui a décidé l’opération.
41
Abderrahman ellamtouni, op.cit, p : 190
42
Arrêt n°79-10.543

21
« …Attendu que la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir souverain en relevant que
Mamelle n'avait pas rapporté la preuve que la décision critiquée avait été prise dans l'unique
dessein de favoriser la société actionnaire majoritaire au détriment des membres de la
minorité ; qu'abstraction faite de tout autre motif, surabondant, elle a ainsi justifie sa
décision ; qu'il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi forme contre l'arrêt rendu le 16 octobre 1978 par la cour d'appel de
paris.  ».

Conclusion
Le législateur marocain a consacré un nombre important des dispositions visant à régulariser
l’opération de la fusion, ainsi que les étapes qui précèdent la prise de cette décision, et ce à
cause de l’importance et la gravité d’une telle décision sur la société absorbée en premier lieu.

22
Nous avons constaté que tous les actionnaires n’ont pas les mêmes droits de vote, et ainsi, la
décision prise ne reflète pas littéralement la volonté réelle des actionnaires, d’autre part, nous
avons constaté que la législation marocaine préserve le droit de départ pour un actionnaire qui
est mécontent envers la décision de la fusion, mais ne présente aucune garantie ou
récompense pour lui, dans la mesure où il n’oblige en aucun cas la société d’acquérir les parts
de l’actionnaire souhaitant quitter, contrairement à d’autres législations que nous avons
mentionné supra.

Enfin, le législateur a consacré plusieurs mesures visant à protéger les actionnaires,


notamment minoritaires, avant, durant, et après la prise la décision de la fusion, cependant,
cette protection reste limitée et sans efficacité réelle, dans la mesure où elle ne présente que
des solutions temporaires aux problèmes posés, ainsi qu’elle demande de la part des
actionnaires lésés de prouver certains faits, alors qu’en réalité il est très difficile à en apporter
la preuve.

Bibliographie
Ouvrages  :
1. Abderrahman ellamtouni, ‫ة إلى‬ƒƒ‫ والحاج‬ƒ‫ادي‬ƒƒ‫اندماج الشركات بين حتمية التركيز االقتص‬
‫الحماية القانونية‬, première édition ,2013.

23
2. Béatrice et Francis Grandguillot, l’essentiel du droit des sociétés,
Gualino, 2017.
3. Fahim Ibtissam, ‫اء‬ƒƒ‫ه والقض‬ƒƒ‫وء الفق‬ƒƒ‫ة على ض‬ƒƒ‫ركات التجاري‬ƒƒ‫دماج الش‬ƒƒ‫انوني الن‬ƒƒ‫ام الق‬ƒƒ‫النظ‬,
première édition, 2013.
4. Hassania Cherkaoui, la société anonyme, éd. 1997.
5. M’hamed Motik, Le droit marocain des sociétés commerciales, 2005.
Thèses  :
1. Boujnan Nassima, ‫اندماج وانفصال الشركات التجارية‬, thèse doctorale, 2017.
2. Tahiri Bachir, ‫اندماج الشركات التجارية في القانون الجزائري‬, thèse doctorale, 2016.

Table des Matière

Sommaire...................................................................................................................................2

Introduction...............................................................................................................................3

24
Chapitre 1 : la participation des actionnaires dans l’opération de fusion...........................5

Section 1 : les modalités d’intervention des actionnaires dans l’opération de la fusion. 5
A- Les types d’actionnaires :.............................................................................................5
B- La réalisation de l’opération de fusion :.......................................................................8

Section 2 : la question d’égalité des votes des actionnaires.............................................11


A- Les conventions de vote.............................................................................................12
B- Les titulaires des actions à vote double......................................................................13
C- Les actionnaires sans droit de vote.............................................................................14

Chapitre 2 : le sort des actionnaires dans la fusion.............................................................15

Section 1 : la situation des actionnaires suite à l’opération de la fusion........................15


A- La situation des actionnaires de la société dissoute dans la société bénéficiaire.......16
B- Le choix de départ des actionnaires...........................................................................17
C- La situation des dirigeants de la société dissoute dans la société bénéficiaire :.........17

Section 2 : la protection juridique des actionnaires lors de l’opération de la fusion....19


A- Protection à priori des actionnaires :..........................................................................19
B- Protection à posteriori :..............................................................................................21

Conclusion...............................................................................................................................23

Bibliographie...........................................................................................................................24

Table des Matières..................................................................................................................25

25

Vous aimerez peut-être aussi