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Cours de M. THIOYE
Chapitre introductif
Droits subjectifs
Coexistence de la théorie générale des contrats et du droit des contrats spéciaux. Afin
de donner plus de sécurité juridique aux parties ou pour édicter des principes impératifs, le
législateur est venu préciser la manière dont se concluent et s’exécutent les principaux
contrats.
De ce fait, il existe d’abord un corps de dispositions générales applicables à tous les
contrats, dispositions contenues dans les articles 1101 et suivants du Code civil (formation :
consentement, forme, cause, objet, ordre public, etc. ; exécution : en nature, résolution,
risques, dommages-intérêts, etc.). En effet, selon l’article 1107, alinéa 1er, du Code civil,
« les contrats (…) sont soumis à des règles générales… ». En d’autres termes, les contrats
font tous l’objet dispositions communes constitutives de ce qu’il est convenu d’appeler la
théorie générale des contrats.
Mais l’alinéa 2 du même article 1107 du Code civil ajoute immédiatement que « les règles
particulières à certains contrats sont établis sous les titres relatifs à chacun d’eux ».
Autrement dit, les contrats font l’objet, chacun, de dispositions spécifiques destinées à
appliquer, adapter, compléter voire remplacer le régime général.
Grande place de la théorie générale fondée sur l'autonomie de la volonté. Le Code civil
de 1804 est le reflet d’une société rurale et ambitieuse qui, pour la première fois, se libère
d’une emprise religieuse pour atteindre un sommet de l’autonomie de la volonté, d’où une
primauté de la théorie générale des contrats. La loi des parties, en l’occurrence le contrat,
devient une norme dotée d’une puissance aussi puissante que celle de la loi étatique. Elle
est obligatoire tant pour les parties que pour le juge. Parallèlement, apparaît une idée selon
laquelle l’action en justice permet de défendre tout droit contractuel, peu important que le
contrat soit nommé ou non. Tout contrat est assuré d’une sanction légalement organisée,
d’une sanction judiciaire, et ce sauf exception (voir l’article 1965 du Code civil à propos des
dettes de jeu). La liberté contractuelle permet aux parties d’échapper aux qualifications tirées
de certains contrats.
Grande place du droit des contrats spéciaux fondé sur la sécurité juridique. Malgré les
règles précitées, le Code civil préserve la sécurité juridique en énonçant des contrats
spéciaux traditionnels pour donner plus de commodité à la vie juridique. La réglementation
du Code civil n’est pas, en général, impérative mais, au contraire, supplétive. Ainsi, les
parties doivent ou peuvent prévoir l’essentiel du contenu et du régime de leur contrat mais,
grâce aux dispositions supplétives, elles n’ont pas à tout prévoir. En cas de difficultés, le juge
interviendra pour résoudre les questions non prévues par les contractants.
Depuis le Code civil, il s’est produit une nette évolution du droit des contrats, avec le constat
de deux phénomènes particuliers.
Les contrats du Code civil sont apparus inadaptés aux sociétés néo-libérales. On a, en effet,
constaté l’apparition de nouveaux phénomènes de consommation et de production de
masse, tant sur le plan interne que sur le plan international. Ainsi, grâce notamment à la
liberté conventionnelle, l’évolution du droit des contrats s’est traduite par un phénomène de
spécialisation conduisant à l’apparition constante de nouveaux contrats ou de nouvelles
variétés de contrats déjà connus. Dans certains cas, elle a conduit à l’adoption de contrats
anciens et, dans d’autres cas, à l’adoption de contrats d’origine étrangère (contrat de crédit-
bail ou leasing, contrat de franchise ou franchising, contrat de parrainage publicitaire ou
sponsoring, contrat d’affacturage ou factoring). De même, en matière de distribution, sont
apparus des contrats jusque-là inédits dans le cadre de réseaux ou circuits de distribution,
des contrats qui, difficilement gérables par le Code civil, ont dû faire l’objet de nouvelles
règles (contrat d’approvisionnement, contrat de concession, contrat de distribution sélective,
contrat de franchise). En outre, sont apparus de nouveaux outils juridiques pour protéger les
inventions (brevets, licences…).
La diversification des contrats qui s’est opérée s’est accompagnée, inévitablement, d’une
démultiplication des sources (origines et fondements) du droit existant en la matière. Ces
sources sont, de nos jours, d’autant plus riches et nombreuses qu’au droit interne, est venue
s’ajouter la réglementation d’origine européenne ou internationale, et que les créations de la
pratique jouent un rôle fort important.
1°) La jurisprudence
Ce sont des organes administratifs et collégiaux créés par des lois assez récentes. Ils
ont pour mission de contrôler certaines règles contractuelles et, parfois, de publier des règles
générales. C’est le cas du Conseil de la concurrence qui pourra dire d’un contrat valable en
droit civil qu’il ne l’est pas au regard des règles du droit de la concurrence. C’est aussi le cas
de la Commission des clauses abusives. A l’origine, elle n’était pas une source du droit
puisqu’elle n’avait qu’un rôle de conseil.
La pratique contractuelle est très riche, variable, difficile mais essentielle. Elle ne peut
se développer que si la loi est dispositive, c’est-à-dire lorsqu’elle la permet (solution contraire
si la loi est impérative). Cette pratique se manifeste par l’établissement de contrats
prérédigés (contrats-types) faits en beaucoup d’exemplaires et adressés aux particuliers
(contrats d’adhésion).
Aujourd’hui, beaucoup de milieux professionnels ont tendance à établir et à publier
ces formulaires. Ceux-ci ont un intérêt évident dans certaines professions (notariat par
exemple), mais demeure la question de savoir dans quelle mesure le juge peut-il considérer
que ces pratiques contractuelles sont assimilables à des usages contractuels.
Des textes ont été adoptés à l’échelle internationale pour certains types de contrats et
intégrés, dès lors qu’ils ont été ratifiés par le législateur français et entrés en vigueur, au droit
positif.
1°) L’influence des conventions dans les secteurs de la distribution et des services
Deux secteurs sont notamment concernés par les traités internationaux : d’une part,
celui de la vente et celui de la distribution, avec, notamment, la Convention de Vienne du 11
avril 1980 sur la vente internationale de marchandises (ratifiée par la France où elle est en
vigueur depuis 1988) ; d’autre part, celui du louage d’ouvrage et des prestations de services
où des contrats comme le transport international de marchandises font l’objet depuis
longtemps d’un encadrement par des textes spécifiques.
C- Le droit anational
Sens. La qualification est l’opération juridique par laquelle l’on précise la nature et l’institution
d’un contrat pour déterminer le régime juridique applicable. Il existe en effet une variété
infinie de contrats, que l’on range traditionnellement dans diverses catégories : contrats
nommés ou innomés ; contrats simples ou complexes ; contrats uniques ou... ensembles
contractuels ; contrats aléatoires ou commutatifs ; contrats translatifs de droits ou non
translatifs de droits ; contrats à titre gratuit ou intéressés...
Les parties auront le désir de qualifier elles-mêmes leur contrat pour fixer son régime
juridique. Cette démarche est bien possible, mais cette qualification peut renfermer une
erreur ou être le résultat d’une simulation.
Le législateur qualifie aussi, quelquefois, les contrats. C’est le cas, par exemple, du contrat
de promotion immobilière qui est légalement qualifié de mandat d’intérêt commun.
Les juges du fond ne sont pas liés par la qualification juridiques données par les parties à un
contrat, ce qui leur permet, le cas échéant, de procéder à des disqualifications suivies de
requalifications. Mais la Cour de cassation contrôle leurs décisions à ce propos et sanctionne
ainsi, s’il y a lieu, la dénaturation de l’écrit, par application de l’article 1134 du Code civil.
Dans l’hypothèse où la qualification est impossible, les juges sont tentés de dire que le
contrat est sui generis, c’est-à-dire propre en son genre, ce qui entraîne l’application d’un
régime juridique original.
La qualification doit traduire la volonté réelle des parties. Elle est parfois inexacte, soit du fait
des parties (erreur ou simulation), soit du fait du juge (la jurisprudence a ainsi pu qualifier de
location le contrat de coffre-fort alors qu’il s’agit en réalité d’un contrat de garde), soit du fait
du législateur (le législateur a qualifié inexactement d’ « acte à titre gratuit » la convention
d’entraide agricole alors qu’il n’y a pas de véritable intention libérale, mais plutôt une
réciprocité d’obligations).
Lorsque la qualification retenue par les parties est erronée, les juges du fond ont le
pouvoir de requalifier le contrat. Néanmoins, la qualification juridique est une question de
droit qui relève du contrôle de la Cour de cassation (celle-ci ne porte toutefois son contrôle
que sur la nature juridique du contrat).
La liste des types de contrats, si tant est qu’il y en ait une, est une liste infinie parce que le
principe de l’autonomie de la volonté (voir infra) implique une liberté de création des
techniques ou montages contractuels. Cela dit, il semble qu’il y ait des genres ou moules
communs ou génériques, dont le nombre est plus ou moins limité. C’est ainsi que l’on
procède à ce qu’il est convenu d’appeler la classification des contrats, distincte de l’opération
de qualification (voir infra).
Cette classification est d’abord l’œuvre des articles 1102 à 1106 du Code civil, mais cette
démarche législative a été complétée par la jurisprudence, la doctrine et la pratique
contractuelle.
2°) Contrats à titre onéreux et contrats à titre gratuit ou de bienfaisance (art. 1105 et
1106 C. civil)
Le contrat à titre onéreux est celui dans lequel chaque partie trouve dans
l’opération, en contrepartie de son engagement, un avantage corrélatif (article 1106 du Code
civil). C’est le cas, par exemple, de la vente, du bail ou du contrat d’entreprise...
Par opposition, le contrat à titre gratuit (ou de bienfaisance selon le Code civil) est
celui dans lequel une partie ne retire aucun avantage palpable de l’opération, alors pourtant
qu’elle fournit une prestation à son cocontractant (article 1105 du Code civil). C’est le cas,
par exemple, de la donation ou du commodat.
Certains contrats peuvent tantôt être onéreux, tantôt gratuits : mandat, prêt d’argent,
dépôt, etc.
Cette distinction correspond à une subdivision au sein des seuls contrats à titre
onéreux.
Le contrat est commutatif lorsque les prestations de chacune des parties sont d’ores
et déjà connues et certaines, tant dans leur existence que dans leur portée, alors qu’il est
aléatoire lorsque tout ou partie de ces prestations dépend d’un événement hypothétique
(article 1104 du Code civil).
Comme exemple de contrat commutatif, on peut citer la vente ordinaire, au comptant
notamment (mais si la vente est, en principe, commutative, elle peut, dans certains cas,
devenir aléatoire : ainsi lorsqu’il y a vente ou traité « à forfait », il n’y a aucune certitude
quant à l’existence ou aux qualités de la chose vendue).
Comme exemple de contrat par nature aléatoire, on peut évoquer le contrat
d’assurance.
Traditionnellement, une distinction est faite entre, d’une part, les contrats à
exécution instantanée et, d’autre part, les contrats à exécution successive.
Le contrat est à exécution instantanée si cette exécution se fait en une prestation
unique, qui n’est pas nécessairement immédiate (en effet, la prestation unique peut être
différée : livraison d’un bien par exemple).
Par opposition, le contrat à exécution successive est celui dans lequel la ou les
prestations entières se renouvellent dans le temps. Le bail en est l’exemple sans doute le
plus classique.
L’intérêt de cette distinction réside dans le régime des difficultés spécifiques
consécutives à l’étalement du contrat des prestations contractuelles dans le temps : faculté
de résiliation, imprévision, renouvellement, etc.
Est nommé le contrat qui rentre dans un genre ou moule connu, répertorié et dont le
régime ou statut est textuellement ou coutumièrement établi (l’article 1107 parle de contrats
ayant « une dénomination propre). C’est le cas de tous les contrats réglementés dans le
Code civil : vente, échange, louage de choses ou bail, louage d’ouvrage ou contrat
d’entreprise, prêt, etc.).
En revanche, le contrat est innommé lorsqu’il ne correspond à aucune des
catégories spécialement réglementées. Il s’agit plutôt d’une construction sur mesure,
originale, sui generis (de son propre genre). Parce qu’il ne connaît pas de statut
spécialement prévu pour lui, le régime du contrat innommé dépendra beaucoup, en cas de
contentieux, de l’esprit d’imagination des tribunaux. Mais il faut avouer que, très souvent, les
juges s’inspirent (par un raisonnement par analogie) des statuts connus pour déterminer les
règles applicables au contrat sui generis.
Le contrat de gré à gré est celui qui est librement, effectivement et égalitairement
négocié entre les parties.
Quant au contrat d’adhésion, c’est celui dans lequel le contrat est, en réalité, le fait
d’une seule partie qui en tient la plume, l’autre ne faisant qu’adhérer à l’acte préexistant
établi par son cocontractant.
Le critère de distinction réside ici, non plus dans la teneur du contrat, mais dans la
qualité (professionnelle) des contractants.
Entre commerçants agissant ès-qualité, le contrat est commercial, ce qui donne lieu
à l’application de règles particulières généralement destinées à faciliter la rapidité des
transactions (liberté de la preuve, présomption de solidarité des codébiteurs, validité de
certaines clauses normalement interdites comme les clauses attributives de compétence
juridictionnelle, etc.).
Entre de simples particuliers, le contrat est civil et les règles qui lui sont applicables
sont généralement plus strictes parce que plus soucieuses de sécurité juridique (règles
légales de preuve, solidarité non présumée, etc.).
Entre un commerçant et un particulier, le contrat est mixte, ce qui conduit
généralement à une application distributive des règles relatives aux contrats civils et aux
contrats commerciaux (par exemple, la preuve sera libre contre le commerçant, mais
soumise aux règles civilistes contre le particulier).
Les distinctions classiques demeurent certes vivaces, mais elles ne sont pas toujours
opérationnelles, ne serait-ce que parce qu’elles se recoupent, de sorte qu’il a fallu aller à la
recherche de nouvelles classifications. Ainsi, la tendance dominante a consisté à s’attacher
à l’objet et au rôle des contrats pour dégager cinq catégories essentielles de contrats
spéciaux :
les contrats ayant pour objet le transfert de propriété d’une chose (comme la vente,
l’échange…) ;
les contrats ayant pour objet le transfert de la jouissance d’une chose (comme le bail,
le commodat ou prêt de choses) ;
les contrats ayant trait à des prestations de services matériels ou intellectuels
(comme le contrat d’entreprise, le mandat, le dépôt) ;
les contrats qui ont pour objet le crédit (comme le prêt d’argent, les locations
financières comme le crédit-bail…) ;
les contrats qui ont pour objet des événements incertains, et qu’on nomme contrats
aléatoires (comme le contrat de rente viagère, les jeux et paris, la transaction).
Plan :
Partie 1 : Les contrats translatifs : avec l’exemple de la vente
Partie 2 : Les contrats de mise à disposition : avec l’exemple du bail
Partie 3 : Les contrats ayant trait à des prestations de services matériels ou intellectuels:
avec l'exemple du contrat d’entreprise
Partie 4- Les contrats de représentation: le mandat et les contrats voisins
Première partie – Les contrats translatifs: le cas du contrat de vente
Le plus usuel des contrats. La vente est, qui compte parmi les contrats translatifs (c' est-à-
dire qui opèrent transfert de la propriété d' un bien), est traditionnellement qualifiée de
« contrat le plus classique » de tous, « le plus usuel des contrats », l’opération économique
dans laquelle « l’homme sent […] le plus intensément l’acte de contracter ».
Définition textuelle. En vertu de l’article 1582 du Code civil, « la vente est une convention
par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer ». Cette définition pèche par
une certaine imprécision, de sorte qu’elle mérite d’être précisée. En effet, la « livraison »
dont parle le texte désigne, en vérité, le transfert de la propriété de la chose objet du contrat
(à ne pas confondre avec la délivrance dont la livraison ne constitue qu' une variante).
En outre, il faut préciser que, en principe, le paiement considéré doit ordinairement se faire
en monnaie, puisque le paiement en nature – par un service ou un autre bien – ne relèverait
plus de la vente, mais plutôt de l’échange (troc) ou d’un autre type de contrat. En effet, la
vente est essentiellement liée à la monnaie, à la notion d’argent.
Au-delà des conditions ordinaires nécessaires à tout contrat (consentement, capacité, cause,
objet) et qui seront examinées à propos de la formation de la vente (v. infra), il est deux
éléments qui sont indispensables à l’existence même d’une vente :
d’une part, le transfert de la propriété d’une chose et,
d’autre part, le paiement d’un prix.
Ce critère permet de distinguer la vente d’autres contrats comme, par exemple, le contrat de
louage d’ouvrage (contrat d’entreprise) et le contrat de louage de choses (bail ou location).
L’article 1709 du Code civil définit le louage de choses comme « un contrat par lequel l’une
des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant une certain temps, et moyennant
un certain prix que celle-ci s’oblige à lui payer ».
Pour distinguer la vente du bail, l’on utilise un critère matériel en fonction de la nature des
droits susceptibles d’être exercés sur la chose. Dans la vente, il y a transfert définitif de la
propriété de tout ou partie d’une chose, quel que soit le moment dudit transfert. En revanche,
le bail n’attribue au locataire qu’un droit de jouissance temporaire de la chose louée. Il n’y a
pas de transfert de propriété car la location implique une restitution en fin de contrat. Pour
cette raison, le bail est inconcevable lorsque la chose est consomptible (disparaît par
l’usage) : « il ne peut y avoir de louage lorsque le preneur consomme la substance même de
la chose objet du contrat ». Dans ce cas, il y a plutôt vente (cas du « contrat de foretage » ou
« bail de carrière » qui est une vente mobilière entre les parties, mais immobilière au regard
des tiers et ainsi soumise à la publicité foncière).
L'article 894 du Code civil définit la donation comme le contrat par lequel « le donateur se
dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui
l'
accepte », avec une intention libérale et donc sans contrepartie (avec une réserve
concernant les donations avec charges).
Le paiement d’un prix permet ainsi de distinguer notamment la vente de la donation parce
que dans la donation le donataire n' est tenu à aucune contrepartie. Le prix constitue donc le
repère à partir duquel s' apprécie la nature gratuite ou onéreuse du contrat : ce qui différencie
la donation de la vente, c' est que cette dernière opère un transfert à titre onéreux, alors que
la première opère le même type de transfert mais à titre gratuit. La distinction apparaît ainsi
assez aisée : la vente suppose un prix, contrairement à la donation.
Toutefois, des difficultés de différenciation peuvent surgir dans certains cas : il peut arriver,
tout d'abord, que la donation ait été faite à charge pour le donataire de verser, par exemple,
une rente viagère au gratifiant ; dans ce cas, les arrérages s' analysant comme un prix, la
qualification réelle du contrat peut alors être très délicate. Pour surmonter la difficulté, la
Cour de cassation considère qu' il faut « rechercher si la rente viagère reconstitue la valeur
du bien ». Si tel est le cas, le contrat doit être regardé comme une vente étant donné que le
caractère onéreux de l’acte juridique ne fait aucun doute, malgré les apparences de gratuité ;
dans le cas contraire, il s' agit d'
une véritable donation (qui suppose une animus donandi) car
le prix vil ou dérisoire correspond en réalité à une absence de prix.
L’apport en société consiste dans les valeurs que chaque associé fournit à l’entreprise
commune pour constituer le capital social. Il peut porter sur des biens en nature (apport en
nature), sur une somme d’argent (apport en numéraire) ou sur une activité (apport en
industrie). En contrepartie de son apport, l’apporteur ne reçoit pas un prix, mais des parts
sociales ou des actions qui lui donnent vocation à participer aux bénéfices (voire à retrouver
ses apports après dissolution). Cela donne à l’opération un caractère aléatoire car la
rémunération dépendra finalement du succès de la société.
L’apport en société se distingue ainsi de la vente qui suppose un prix et qui n’est pas, en
règle ordinaire, un contrat aléatoire. Cela dit, vu que l’apport en société réalise un transfert
de propriété de l’apporteur à la société, il est soumis à certaines règles de la vente : garantie
d’éviction et des vices cachés. Néanmoins, il y a des différences notables de régime :
le transfert de propriété (et des risques) ne peut pas se faire solo consensu, mais est
nécessairement retardé jusqu’à l’immatriculation de la société (naissance de la
personnalité morale) ;
la rescision pour lésion semble exclue, même si l’apport porte sur un immeuble ;
les droits de préemption suivent un régime disparate : certains sont écartés (ceux des
locataires), à la différence d’autres (ceux des SAFER, des personnes publiques).
Titre 1- Les éléments constitutifs de la vente
Selon l’article 1583 du Code civil, « la vente est parfaite entre les parties et la propriété
acquise de droit à l’acheteur dès qu’on est convenu de la chose et du prix ». De ce texte, il
résulte clairement que deux éléments spécifiques essentiels caractérisent ainsi la vente :
d’une part, le transfert d’une chose et, d’autre part, le paiement d’un prix. Il s’agit là des deux
piliers sans lesquels un contrat ne peut recevoir la qualification de vente.
Le contrat de vente est soumis, pour l’essentiel, au droit commun quant à ses conditions de
formation et de preuve. Par conséquent, tout ce qui concerne les règles de consentement,
de capacité, de cause, de forme ou encore de preuve s’identifie avec la théorie générale des
contrats, à de rares exceptions près. Néanmoins, pour mettre en lumière la grande
importance usuelle de la vente ainsi que la grande diversité des choses sur lesquelles elle
est susceptible de porter, il conviendra de voir successivement trois points essentiels :
la liberté contractuelle et ses limites (chapitre 1) ;
les actes préparatoires à la vente (chapitre 2) ;
les ventes conditionnelles et les ventes avec droit de repentir (chapitre 3) ;
Chapitre 1- La liberté contractuelle et ses limites
La liberté contractuelle est élevée au rang de principe, mais cette règle ordinaire fait l’objet
de certaines restrictions dont les motivations et la portée sont variables.
Aux termes de l’article 1594 du Code civil, « tous ceux auxquels la loi ne l’interdit pas
peuvent acheter ou vendre ». Le principe, ainsi clairement posé, est que quiconque est libre
d’acheter ou de vendre, pourvu qu’il s’agisse de biens « dans le commerce » (article 1598 du
Code civil).
C’est le simple rappel du principe général de la liberté contractuelle, qui se manifeste ici
de trois manières :
- liberté de vendre ou de ne pas vendre,
- liberté du vendeur de choisir son acquéreur et inversement,
- liberté de déterminer le contenu du contrat de vente, à savoir ses conditions et
modalités.
Classification des atteintes selon leurs sources. Comme tout contrat, la vente est,
en règle ordinaire, régie par la liberté contractuelle précédemment décrite. Cela dit, ce
principe souffre diverses atteintes dont certaines sont d’origine légale et d’autres d’origine
volontaire.
En effet, un certain nombre de textes sont venus, au nom d’un intérêt et d’un ordre
publics, interdire certaines ventes ou, à l’inverse, imposer des cessions non voulues.
De même, à l’instar des lois, des actes de volonté privée de nature variable (contrat,
testament, statuts de personnes morales, règlements de copropriété, etc.) viennent
quelquefois restreindre la liberté de vendre, soit de manière absolue, c' est-à-dire dans son
principe même, soit de manière relative, c' est-à-dire dans ses modalités de mise en œuvre
(notamment dans le choix du cocontractant).
La vente étant le type même de l’acte de disposition, nul ne peut vendre un bien s’il
n’a pas la capacité de disposer.
Cette restriction s’applique d’abord aux incapables proprement dits, en l’occurrence
les mineurs non émancipés ainsi que les majeurs sous tutelle ou en curatelle (adultes qui
subissent une altération de leurs « facultés personnelles » ou qui compromettent leur
situation personnelle ou familiale par « prodigalité, intempérance ou oisiveté » sont soumis à
un régime de protection (art. 488 C. civ.) : sauf pour les opérations courantes de petite
valeur, le régime d’incapacité s’applique pleinement, c' est-à-dire que le majeur en curatelle
doit être assisté du curateur tandis que le mineur ou le majeur sous tutelle doivent être
représentés par leur administrateur légal ou leur tuteur, lequel doit lui-même être autorisé
(selon les cas par l’autre parent, le conseil de famille ou le juge des tutelles).
La restriction au droit de vendre s’applique également aux situations de quasi-
incapacité résultant de régimes limitant les pouvoirs de certaines personnes, tels que ceux
des procédures collectives de redressement ou de liquidation judiciaire des entreprises
(organisant avec minutie les opérations de vente, avec dessaisissement du débiteur en cas
de liquidation mais lui laissant des pouvoirs contrôlés en cas de redressement), celui du
redressement judiciaire civil (interdisant au débiteur surendetté de vendre des biens sans
l’accord du juge ou de ses créanciers : art. L. 332-3 et 333-2 du Code de la consommation),
ou celui des régimes matrimoniaux (interdisant à un époux d’aliéner seul le logement familial
et ses meubles, même s’il en est seul propriétaire et permettant au juge de lui interdire tout
autre acte de disposition en cas de crise : art. 215 et 220-1 du Code civil).
Mécanisme. Au-delà des biens et des droits qui sont incessibles par nature, comme les
créances alimentaires ou certains droits fondamentaux de la personne (droits de vote, droit
moral d’un auteur, etc.), il arrive que des biens qui peuvent normalement être vendus soient
frappés d’inaliénabilité dans le patrimoine de leur titulaire actuel, lequel ne peut donc pas les
vendre. C’est le cas, notamment, lorsqu’une clause conventionnelle d’inaliénabilité a été
stipulée dans une libéralité (donation ou legs). Une telle clause restreint ainsi le droit du
propriétaire (gratifié : donataire ou légataire) de disposer du bien considéré et, partant, de le
vendre.
Validité sous bénéfice d’inventaire. Les clauses d’inaliénabilité ne sont certes pas
interdites, mais leur validité est soumise à la réunion de deux conditions posées par l’article
900-1 du Code civil (introduit par la loi du 3 juillet 1971) qui n’a fait que consacrer et
compléter la jurisprudence antérieure :
- elles doivent être temporaires ;
- elles doivent être « justifiées par un intérêt sérieux et légitime ». L’intérêt
considéré peut aussi bien être celui du gratifié qu’on protège contre lui-même que
celui du disposant qui entend, par exemple, garantir l’exécution des charges de la
libéralité, ou encore celui de tiers (bénéficiaires de charges). En tout état de
cause, même lorsque les deux conditions sont réunies, le propriétaire pourra agir
en justice pour demander la levée judiciaire de l’inaliénabilité du bien lorsque
l’intérêt qui la justifiait a disparu ou lorsque cet intérêt initial est supplanté par un
intérêt plus fort.
Sanctions. Sous cette réserve, lorsque la clause est valable, elle pourra entraîner une
action en nullité de la vente qui aurait été conclue en violation de l’incessibilité
conventionnelle. Il s’agit d’une nullité relative qui n’est ouverte qu’à la personne protégée, en
l’occurrence le vendeur en cas d’incapacité ou celui dont les intérêts sont en cause en cas
d’inaliénabilité (gratifiant ou tiers).
En revanche, lorsque la clause est illicite, elle serait nulle d’une nullité absolue, comme
portant atteinte au principe d’ordre public de libre disposition de ses biens ou encore au
principe de la liberté du commerce ou de l’industrie.
Parce que le droit de propriété a un caractère absolu ou presque (article 544 du Code
civil), l’article 545 du Code civil en déduit que « nul ne peut être contraint de céder sa
propriété », sauf l’exception de l’expropriation. Cependant, outre l’expropriation, ce principe
fait l’objet de certaines restrictions.
Dans certains cas prévus par la loi, le droit de ne pas vendre cède le pas à des impératifs
supérieurs.
- En cas d’expropriation pour cause d’utilité publique. Celle-ci désigne la
cession forcée (à l’Etat ou à d’autres collectivités publiques), pour des motifs
d’utilité publique, de tout ou partie d’immeubles ou de droits immobiliers (le terme
sert aussi à désigner la procédure à laquelle est soumise cette cession).
L’expropriation donne lieu à une procédure déterminée et à une juste
indemnisation minutieusement organisées par le Code de l’expropriation.
- En cas de saisie exécutoire. La saisie exécutoire d’un bien saisissable mobilier
ou immobilier est une procédure par laquelle un créancier immobilise ledit bien
appartenant à son débiteur défaillant afin de le faire vendre pour se faire payer sur
le prix de la vente ou de se le faire attribuer personnellement si le débiteur persiste
dans sa récalcitrance. Les saisies exécutoires sont pour certaines mobilières et
pour d’autres immobilières, mais il existe un régime général.
Comme la vente dont il est pourtant l’inverse, l’acte d’achat est considéré comme
étant un acte de disposition, puisqu’il emporte aliénation d’une somme d’argent (prix). Ainsi,
pour les acquisitions importantes ou à crédit, les incapacités générales (mineurs non
émancipés, majeurs incapables, entreprise en faillite) s’appliquent comme en matière de
vente, l’objectif étant de protéger les incapables eux-mêmes.
De la sorte, sauf pour les opérations courantes de petite valeur payées au comptant
avec des fonds dont dispose l’acquéreur incapable, le régime d’incapacité s’applique
pleinement, c' est-à-dire que le majeur en curatelle doit être assisté du curateur tandis que le
mineur ou le majeur sous tutelle doivent être représentés par leur administrateur légal ou
leur tuteur, lequel doit lui-même être autorisé (selon les cas par l’autre parent, le conseil de
famille ou le juge des tutelles).
Au-delà des incapacités générales, l’acte d’acquisition fait l’objet, dans certains cas,
l’objet d’incapacités spéciales, l’objectif étant de protéger les vendeurs ou assimilés contre
certaines personnes. Ces incapacités sont le plus souvent liées aux fonctions de l’acquéreur,
fonctions dont il pourrait abuser pour satisfaire ses propres intérêts au détriment de ceux du
vendeur.
En vertu de l’article 1596 du Code civil, le tuteur ne peut se porter acquéreur des
biens (de l’incapable) qu’il a pour mission de gérer, de même que le mandataire ne peut
acheter les biens qu’il est chargé de vendre au nom et pour le compte de son mandant (on
lui interdit, sauf accord exprès du mandant, de se porter contrepartiste, même au prix fixé
par le mandant).
Sinon, l’acte passé est frappé de nullité relative, seule la personne protégée pouvant
agir dans le délai quinquennal.
L’article 1597 du Code civil interdit aux magistrats (du siège comme du Parquet), à
leurs suppléants, aux greffiers, aux avoués ou avocats, aux défenseurs officieux et aux
notaires d’acquérir des droits litigieux qui sont de la compétence du tribunal dans le ressort
duquel ils exercent leurs fonctions.
S’il est passé outre cette incapacité, l’acte conclu est nul, sans préjudice des dépens
et des dommages-intérêts.
L’article 1125-1 de Code civil (tel qu’il résulte de l’article 3 de la loi du 3 janvier 1968)
interdit aux personnes travaillant dans un établissement psychiatrique ou un établissement
hébergeant des personnes âgées (maison de retraite notamment) de se porter acquéreur
d’un bien (ou cessionnaire d’un droit) appartenant à l’un des pensionnaires.
L’incapacité peut toutefois être levée par une autorisation judiciaire.
Sinon, l’acte passé est frappé de nullité (quels que soit, du reste, les liens affectifs ou
familiaux unissant les parties).
Celui qui veut vendre ou, plus rarement, celui qui veut acheter un bien se voient
parfois imposer leur cocontractant, soit par des règles légales qui poursuivent un intérêt
public, soit par le jeu d’engagements contractuels qu’ils ont précédemment prix ou acceptés.
Les techniques sont assez variées, mais nous n’en examinerons que quelques-unes :
les clauses d’exclusivité, le pacte de préférence, les clauses d’agrément, les droits de
préemption.
Modalités. L’exclusivité peut, en premier lieu, être promise et due par le distributeur,
qui s’engage à ne pas vendre des produits concurrents : il s’agit alors d’une exclusivité
d’achat souvent dite clause d’approvisionnement exclusif, ou de fourniture exclusive. La
durée d’une telle clause est cependant limitée à dix ans par l’article L. 330-1 du Code de
commerce afin de prévenir toute dépendance perpétuelle.
L’exclusivité peut ensuite, en sens inverse, être consentie par le producteur, qui
concède au distributeur un secteur déterminé. On parle d’exclusivité de vente ou de revente
ou, plus particulièrement, de concession exclusive, par laquelle un fabricant s’engage à ne
fournir qu’un seul distributeur dans un secteur délimité).
L’exclusivité peut, enfin, être réciproque, lorsqu’elle bénéficie et pèse en même temps
sur chaque partie.
Validité. Au prime abord, ces accords paraissent être de nature à porter atteinte au
droit de la concurrence, mais ni les pouvoirs publics ni les juges ne leur ont voué une
hostilité particulière, en raison sans doute de l’intérêt que de telles techniques présentent
tant pour les producteurs que pour les distributeur.
Mécanisme. Le pacte de préférence (en cas de vente) est le contrat conclu entre le
propriétaire d’un bien (promettant) et un bénéficiaire par lequel le premier s’engage, en cas
de mise en vente de ce bien, à donner la préférence (priorité) au second, à prix égal et
conditions identiques. Le pacte fait donc naître un droit de préférence ou droit de priorité au
profit du bénéficiaire, lequel droit constitue un simple droit de créance (droit personnel ou
obligation) contre le promettant et non un droit réel (droit de propriété ou autre). Vu sous
l’angle du promettant, il s’agit d’un droit potestatif puisque la réalisation de la vente
proprement dite dépend de la volonté de celui-ci (de transformer la priorité d’offre de vente
éventuelle conférée par le pacte en offre de vente certaine). En effet, une double condition
doit être réunie pour que le bénéficiaire devienne propriétaire (acquéreur) du bien : d’une
part, que le promettant décide de vendre le bien à un tiers et, d’autre part, que le bénéficiaire
exerce sa priorité en se substituant (aux mêmes prix et conditions) audit tiers.
Sanctions. Cela dit, lorsque la clause est valable, la sanction de sa violation réside
dans l’inopposabilité de la vente à celui dont l’agrément était requis. Entre les parties, la
vente reste valable (sauf si les parties avaient fait de cet agrément une condition suspensive)
mais sera, faut d’utilité pratique, résolue (l’article 1184 du Code civil n’exigeant pas que
l’impossibilité d’exécution soit imputable à la faute d’une partie
« Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des
champs naturels d' expansion des crues et d' assurer la sauvegarde des habitats naturels »,
le département a la faculté de délimiter des zones de préemption pour la mise en œuvre de
la politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles,
boisés ou non (C. urb., art. L. 142-1, dernière rédaction issue de la loi n° 2003-699 du 30
juillet 2003). Pour la réalisation de cette politique l’article L. 142-3 du Code de l’urbanisme
dispose que le conseil général peut créer des zones de préemption.
Zones susceptibles de mise en œuvre du DPU. Jusqu’à une date récente, le droit
de préemption urbain ne pouvait être institué que sur le territoire de communes possédant
un plan local d’urbanisme approuvé (ou, avant la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000
relative à la solidarité et au renouvellement urbain, un plan d’occupation des sols). Mais le
nouvel article L. 211-1 (rédaction issue de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003, de la loi nº
2003-699 du 30 juillet 2003 et de la loi nº 2004-806 du 9 août 2004) a mis fin à cette
exclusivité en élargissant le champ d’application du DPU, d’une part, aux communes
couvertes par un plan de prévention des risques technologiques et à celles sur lesquelles il
existe des périmètres visant à prévenir les risques d’inondation (C. urb., art. L. 211-1, al. 1er)
et, d’autre part, aux communes dotées d’une carte communale, sous certaines conditions (C.
urb., art. L. 211-1, al. 2).
Par son article 58-I, la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et
moyennes entreprises vient de créer dans le Code de l’urbanisme un nouveau chapitre,
regroupant les articles L. 214-1 à L. 214-3, visant à instituer un droit de préemption
concernant les cessions de fonds de commerce, de fonds artisanaux ou de baux
commerciaux. En effet, par délibération, les conseils municipaux peuvent désormais
instaurer des périmètres de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité, espaces
au sein desquels les communes pourront exercer un droit de préemption sur les cessions de
fonds de commerce, de fonds artisanaux ou de baux commerciaux.
Confiné dans un domaine déterminé et soumis à des conditions strictes, ce droit de
préemption trouve une limite supplémentaire dans le fait que la commune qui l’exerce est
tenue, dans le délai d’un an à compter de la prise d’effet de la cession, de rétrocéder le
fonds ou le bail à une entreprise immatriculée au RCS ou au répertoire des métiers.
La pratique des prix conseillés est tout à fait licite, à la condition de rester de
simples recommandations facultatives et ne pas révéler une entente illicite ou un abus de
position dominante. En d’autres termes, le prix conseillé doit rester exclusivement indicatif,
sans le moindre caractère contraignant. L’ordonnance de 1986 qui n’évoque pas
expressément l’hypothèse des prix conseillés n’en a pas moins reconnu implicitement la
validité notamment en supprimant le pouvoir jadis attribué par le texte de 1945 au ministre
de l’Economie d’interdire l’indication aux détaillants de prix conseillés.
L’imposition d’un prix – ou d’une marge – simplement maximal est tout à fait
licite, à condition bien évidemment que cette obligation n’aboutisse pas à des pratiques de
revente à perte ou de prix abusivement bas.
Certaines formes de vente sont interdites en droit français, le plus souvent dans un
objectif de protection des consommateurs.
D’autres variétés de ventes, bien que non prohibées, font l’objet d’un encadrement
particulier (généralement sous forme d’autorisation administrative) :
Les ventes aux enchères. Elle constitue un système permettant la mise en
concurrence de plusieurs acquéreurs. En droit commun, la vente aux enchères est régie et
rigoureusement encadrée par de très vieux textes, en l’occurrence les lois du 25 juin 1841,
du 28 mai 1858 et du 3 juillet 1861. Entre autres dispositions, le premier de ces textes,
modifié en 1943, (article L. 320-1 du Code de commerce) pose, comme principe, que nul ne
peut en faire « un procédé habituel de l’exercice de son commerce ».
Les ventes en soldes. L’article L. 310-3, al. 1er, du Code de commerce définit les
ventes en soldes comme « les ventes accompagnées ou précédées de publicité et
annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l’écoulement accéléré de
marchandises en stock ». Il est à remarquer que la seule différence avec les liquidations
réside dans le fait qu’il n’y a guère ici de décision de cessation, de suspension saisonnière,
de changement d’activité ou de modification substantielle des conditions d’exploitation. Le
législateur de 1996 a opéré une simplification de la réglementation en supprimant la
catégorie ancienne des soldes occasionnels qui étaient soumis à une autorisation municipale
et celle des soldes dits permanents. Ne sont alors maintenus que les soldes saisonniers,
lesquels ne peuvent être réalisés, selon l’article L. 310-3, alinéa 2, du Code de commerce,
« qu’au cours de deux périodes par année civile d’une durée maximale de six semaines dont
les dates sont fixées dans chaque département par le préfet […] et ne peuvent porter que
sur des marchandises proposées à la vente et payées depuis au moins un mois à la date du
début de la période de soldes considérée ». Ces dernières précisions sont destinées à
contrer les réapprovisionnements de marchandises tardivement effectuées en vue d’être
vendues en soldes.
Dans la rédaction d’un contrat, le principe est celui de la liberté des formes, mais cette
règle souffre nombre d’exceptions ou de tempéraments.
A- Le principe du consensualisme
Quant au contenu du contrat, il est déterminé non seulement par ce dont les parties
ont expressément convenu, mais également par ce à quoi elles se sont tacitement engagées
(art. 1135 C. civ.).
A partir du moment où les parties expriment librement leur volonté, il appartient au
juge de découvrir celle-ci, quand bien même elle ne se serait pas exprimée avec clarté.
Cette recherche de la volonté est l’interprétation du contrat. Elle est l’œuvre du juge qui jouit
en la matière d’un pouvoir souverain, sous réserve de na pas dénaturer les termes clairs et
précis de la convention. La directive générale de l’interprétation, précisée par des articles
indicatifs du code civil (arts. 1156 et s.) est que le juge ne doit pas s’arrêter aux termes de la
convention mais rechercher quelle a été la véritable intention des contractants. En effet, les
termes employés n’ont aucun caractère sacramentel et n’ont d’intérêt que s’ils correspondent
à la volonté des parties.
Il faut toutefois noter que pour certaines dispositions contractuelles, telle les
sanctions conventionnelles de l’inexécution, la Cour de cassation limite le pouvoir
d’interprétation des juges et impose ainsi, dans une certaine mesure, un formalisme.
Ce formalisme touche les contrats dits solennels, c’est-à-dire ceux pour lesquels des
formes précises sont imposées à titre de condition de validité. Son objectif est très souvent
d’ordre protecteur, ce qui pourrait, a priori, faire douter de son utilité ou de son existence
dans les contrats d’affaires qui mettent en présence des professionnels, personnes
physiques ou morales censées être expérimentées, averties et compétentes. Cet état de
choses justifie d’ailleurs l’existence, en particulier dans les relations privées internationales,
d’une présomption de compétence professionnelle des acteurs du commerce.
Ces remarques sont exactes et pertinentes, mais il ne faudrait toutefois pas perdre de vue
le fait que le formalisme rédactionnel met parfois en avant, non les contractants, mais
l’opération contractuelle elle-même.
C’est ainsi que certains contrats, qu’ils soient d’affaires ou non, font toujours l’objet de
solennités : vente de navires, vente de fonds de commerce, contrat d’assurance, contrat
d’édition, transmission ou licence de brevet d’invention, donations, contrats réels,
cautionnement, contrat de mariage, etc.
Le fait qu’ils soient conclus entre professionnels exclusivement ne les soustrait pas aux
conditions impératives de forme pouvant aller de l’exigence d’un acte authentique à celle de
mentions obligatoires sans oublier les éventuelles dispositions relatives à la langue de
rédaction.
Les parties sont ainsi vivement invitées à observer ce formalisme dont les sanctions sont
très souvent chirurgicales : nullité absolue (formalisme ad solemnitatem) ou relative
(formalisme ad validitatem) du contrat dans son intégralité ou en partie (avec, parfois, la
technique de la clause réputée non écrite). Mais il arrivera parfois que la sanction soit moins
destructrice, parce qu’elle consistera seulement en une correction autoritaire de la
défaillance (par exemple, un taux d’intérêt non précisé sera remplacé par le taux d’intérêt
légal).
Il convient, enfin, de constater que les règles légales relatives à la preuve (des
contrats) sont rarement impératives, les parties pouvant alors, pour les droits dont elles ont
la libre disposition, conclure valablement des accords dérogatoires. Elles pourront ainsi
renforcer les exigences légales (par exemple, en posant la nécessité de la preuve
systématique par écrit) ou, au contraire, les assouplir (par exemple, en écartant l’exigence
légale d’un écrit, au profit de modes plus flexibles).
A côté du formalisme direct qui est intrinsèque à l’acte contractuel, il faut ajouter le
formalisme atténué ou indirect fait de formalités fiscales ou administratives (publicité,
enregistrement, homologation...). Ce dernier formalisme frappe, par exemple, bon nombre
de contrats (translatifs de droits) portant sur les fonds de commerce, les navires, les
brevets, les marques, etc.
Mais il s’agit d’un formalisme qui n’apparaît pas intrinsèquement dans l’instrumentum
(d’où le nom de formalisme indirect), ce qui explique qu’il n’intéresse pas de façon pertinente
la technique contractuelle : le contrat reste valable entre les parties, même si celles-ci n’ont
pas procédé, par exemple, à la publicité requise. Cela dit, ces démarches extérieures sont
très importantes parce qu’il peut y aller de la pleine efficacité (notamment opposabilité aux
tiers) du contrat.
Chapitre 2- Le processus de formation de la vente: pourparlers, avant-contrats et
contrats-cadre
Par définition, le contrat ne se forme que par l’échange des consentements, c’est-à-dire par
la rencontre des volontés concordantes de chacun des contractants, par la rencontre d’une
offre ferme et précise et d’une acceptation pure et simple. Parce qu’il est créé par la volonté
des intéressés, le contrat suppose naturellement une volonté saine émanant de personnes
capables. Par conséquent, les vices de la volonté, que l’on appelle vices du consentement,
empêchent la formation valable du contrat.
Cela dit, dès que ces conditions sont réunies, le principe est celui de la formation
instantanée ou immédiate et définitive de la vente par le seul fait de la rencontre des
volontés des parties sur la chose et le prix. C’est ce qui ressort de l’article 1583 du Code civil
aux termes duquel la vente « est parfaite entre les parties (…) dès qu’on est convenu de la
chose et du prix quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
Ce principe est néanmoins de plus en plus battu en brèche, sous l’influence de certains
phénomènes nouveaux comme l’importance des biens vendus, la complexité des opérations
de financement, l’interventionnisme des pouvoirs publics… En effet, au schéma simple de la
rencontre des consentements, viennent aujourd’hui s’ajouter toute une série de
perturbations. Il y a de plus en plus souvent succession de plusieurs étapes avant que la
vente ne soit définitivement formée. Les intéressés peuvent mener des pourparlers, au cours
desquels ils vont discuter du contrat définitif envisagé, sans s’engager sur celui-ci (Section
1). Les intéressés peuvent aussi, plus formellement, conclure des avant-contrats pour fixer
les termes essentiels du contrat envisagé (Section 2). Il arrive même, entre professionnels,
que les ventes trouvent leur support dans des contrats-cadre de distribution commerciale
(Section 3).
Quant à son déroulement, la négociation s’engage par une invitation faite par une personne
à une ou plusieurs autres à se rapprocher en vue d’un éventuel accord. C’est une simple
invitation à la discussion ou aux pourparlers (terme que les juristes préfèrent d’ailleurs, à la
différence des économistes). Cette invitation ne vaut pas encore offre au sens du droit des
obligations ou des contrats, car une offre ou pollicitation n’existe, juridiquement, que
lorsqu’on est en présence d’une proposition ferme et précise qui exclut tout possibilité de
discussion. Parce que l’objectif de la négociation est seulement, pour celui qui la déclenche,
d’explorer les possibilités de conclure éventuellement un contrat, son initiateur n’exprime pas
encore une volonté arrêtée. Aucun consentement définitif n’est encore donné soit parce que
les éléments essentiels du contrat ne sont pas encore connus, soit parce que, tout
simplement, la proposition comporte des réserves, réserves du reste souvent présumées
dans les relations commerciales. En définitive, entendu au sens de la technique
contractuelle, le terme « négociation » désigne seulement des pourparlers, des discussions,
des préparatifs... Autant dire alors que, dans l’échelle ou pyramide des actes antérieurs à la
conclusion d’un contrat, la négociation aura une valeur moindre que celle d’une véritable
offre, laquelle exclut d’emblée toute possibilité de discussion et n’attend qu’une acceptation
pure et simple.
Le recours à la négociation est très fréquent dans le monde des affaires où la conclusion des
contrats exige très souvent du temps, malgré le besoin de célérité propre à la vie
économique et financière. Avant l’échange des consentements qui les engage
définitivement, les parties sont amenées à examiner des propositions et des contre-
propositions, à discuter des éléments qui doivent « innerver » le contrat, jusqu’à ce qu’elles
parviennent à un terrain d’entente (ou de mésintelligence d’ailleurs).
Cet état de choses pourrait d’abord s’expliquer par le fait que des sommes importantes
voire astronomiques sont ordinairement en jeu, les opérateurs ayant alors tout intérêt à mûrir
leur réflexion et éviter les engagements à la légère ou à la va-vite.
Le recours à la négociation s’expliquerait aussi, parfois, par des raisons que l’on pourrait
qualifier de « culturelles ». En effet, dans certaines régions du monde, le marchandage
constitue une véritable institution, presque un rituel. De ce point de vue, l’exemple
sénégalais est plus que parlant, le « Waxaalé » étant, au pays de Senghor, quasi
incontournable pour la plupart des contrats, qu’ils soient domestiques ou d’affaires.
En outre, le recours à la négociation pourrait tenir à de pures raisons juridiques, les parties
éventuelles à un « grand contrat » ou à un contrat international ayant tout intérêt à faire
précéder sa signature d’une préparation minutieuse et de pourparlers. D’ailleurs, étant donné
l’augmentation vertigineuse et la complexification sans cesse grandissante des règles
juridiques qui concernent l’entreprise, celle-ci doit y porter une attention vigilante et, pour
éviter de sombrer dans l’illégalité ou l’inefficacité, serait bien inspirée de s’entourer de
négociateurs. Les Américains l’ont compris depuis très longtemps, car il ne semble pas y
exister d’entreprise qui n’ait pas son équipe de négociation, gage d’efficacité, de sérieux...
voire de prestige.
Enfin, il convient de souligner qu’en certaines matières, des procédures obligatoires de
négociation sont prévues par des textes : ainsi, par exemple, s’agissant des procédures
d’offres publiques d’achat (OPA), d’offres publiques d’échange (OPE) ou encore de
garanties de cours.
A- Le support de la négociation
La négociation peut être « informelle », c’est-à-dire avoir lieu hors de tout encadrement ou
intervenir en exécution d’accords préalables en ce sens, autrement dit avoir des fondations
conventionnelles.
Ces accords peuvent avoir été prévus dans des clauses particulières stipulées dans des
contrats liant déjà les parties à la négociation. C’est ainsi, par exemple, le cas lorsque les
parties à un contrat de distribution y ont inséré une clause de sauvegarde ou de hardship qui
les oblige à se rencontrer pour négocier les aménagements à apporter à leur accord si
certaines données dont elles ont tenu compte pour s’engager venaient à se modifier au point
de rompre l’équilibre initialement réalisé.
Plus formellement, les opérateurs peuvent avoir prévu, pour le temps des discussions, des
contrats autonomes et isolés engendrant principalement voire exclusivement des obligations
de négocier. Il s’agit pour l’essentiel de ce que l’on appelle les avant-contrats, catégorie large
incluant les contrats de promesse (unilatérale), le pacte de préférence ou encore l’accord de
principe. Mais seul ce dernier constitue, nous semble-t-il, un véritable accord de négociation
parce qu’il oblige les parties, non pas à conclure, mais à négocier un second contrat dont les
éléments essentiels (et, a fortiori, accessoires) restent généralement indéfinis dans le contrat
de négociation. En cela, il se distingue du contrat de promesse unilatérale dont la validité
suppose que les éléments essentiels du contrat projeté y soient déterminés).
L’accord de principe se distingue aussi du contrat projeté, puisque celui-ci ne sera pas formé
tant qu’il n’y aura pas eu un accord spécifique.
L’accord de principe présente deux intérêts. D’une part, chaque partie, si elle ne peut exiger
la conclusion du contrat par l’autre, peut au moins exiger qu’il négocie loyalement, à moins
de dommages et intérêts. D’autre part, l’accord de principe permet d’organiser
contractuellement les négociations. Il peut comporter en outre diverses clauses, relatives à la
confidentialité, aux études antérieures et aux frais qu’elles suscitent, etc.
B- L’issue de la négociation
Au terme des pourparlers, les parties doivent prendre leur décision sur la conclusion
effective et définitive du contrat. Deux issues sont alors possibles : ou bien la négociation
aboutit, ou bien elle échoue.
1°) La réussite
Parce que la négociation implique une dépense d’énergie, de temps et d’argent, sa fin
naturelle réside ordinairement dans la conclusion du contrat souhaité. A un moment donné,
les pourparlers sont appelés à être naturellement clôturés parce que les partenaires sont
parvenus à accorder leurs volontés réciproques. En vertu de la règle individualiste de
l’autonomie de la volonté, le contrat est en principe réputé formé, automatiquement et
instantanément, dès la rencontre des consentements mutuels. La négociation s’efface,
cédant ainsi le pas à la formation même du contrat avec les effets qui vont en découler.
2°) L’échec
En dépit des efforts financiers ou physiques qu’elle suppose, la négociation ne sera pas
toujours suivie d’accord, elle ne sera pas systématiquement réussie. L’échec est en effet
possible pour diverses raisons pouvant aller d’une incapacité partagée de s’entendre au
retrait unilatéral d’une partie de la négociation. Il en résulte que l’objet de la négociation – en
l’occurrence la conclusion, la liquidation, la prorogation ou... l’adaptation d’un contrat – ne
sera pas concrétisé. Se pose dès lors la question de savoir si des conséquences pourraient
être juridiquement tirées de l’avortement spontané ou provoqué des négociations ?
Les promesses unilatérales de vente (encore appelées pacte d’option) sont celles par
lesquelles une seule des parties s’engage à vendre ou à acheter tel bien à telles conditions
(prix, délai…), tandis que l’autre conserve le choix de conclure ou non : celui qui s’engage
est le promettant, l’autre est le bénéficiaire et le choix qui lui est conféré s’appelle une option.
Elles sont couramment pratiquées tant en matière immobilière qu’en matière mobilière
(cessions de fonds de commerce, de parts sociales ou d’actions).
L’intérêt d’une promesse unilatérale pour le bénéficiaire est qu’il est en principe assuré de
voir le contrat conclu s’il accepte et qu’il jouit d’une exclusivité, le promettant ne pouvant pas,
toujours en principe, conclure avec quelqu’un d’autre.
La promesse unilatérale contient deux éléments majeurs : d’une part, l’accord des parties qui
fait naître un contrat de promesse (de vente ou d’achat) ; d’autre part, le droit donné au
bénéficiaire de dénouer l’affaire soit en levant l’option, soit en s’abstenant.
La promesse unilatérale n’est pas un acte unilatéral, une simple offre de contracter, mais un
véritable contrat issu d’un accord de volontés, de la rencontre d’une offre (de promesse) et
d’une acceptation (de la promesse). L’acceptation donnée par le bénéficiaire porte sur la
promesse elle-même et non point encore sur la vente (qui ne se formera, le cas échéant,
que par la levée de l’option). Elle a toutefois pour conséquence de faire naître un contrat,
celui de promesse unilatérale, lequel a un caractère obligatoire.
Formalisme parcellaire. Malgré ses avantages incontestables, tout n’est pas rose dans les
suites du consensualisme. Des inconvénients certains voire de véritables dangers lui sont
parfois inhérents. En effet, dans les contrats complexes, un trop grand libéralisme dans les
formes peut constituer une porte ouverte à des incertitudes sur les stipulations précises
voulues par les contractants. L’accomplissement de rites obligatoires, telle une boussole,
serait alors une soupape de sécurité contre les risques de fourvoiement ou de naufrage de
l’opération contractuelle. En outre, lorsque le contrat est surveillé ou réglementé, pour un
motif quelconque, l’absence de formes précises pourrait avoir pour conséquence une
impossibilité pratique pour les autorités administratives ou judiciaires d’exercer leur contrôle.
Le formalisme serait alors un moyen public d’intendance du contrat.
Pour ces diverses raisons loin d’être limitatives, il y a parfois des limites du principe du
consensualisme. On parle de formalisme qui consiste à encadrer autoritairement
l’expression de la volonté dans des formes déterminées, tantôt dans un but de protection,
tantôt dans un but de surveillance. Les formalités exigées le sont souvent pour la simple
efficacité pratique des accords (ad probationem), mais il peut arriver qu’elles le soient pour
leur validité même (ad validitatem). A ce titre, le législateur rend solennelle la promesse
unilatérale de vente dans certains secteurs.
Formalisme né de l’article 1589-2 du Code civil (ancien article 1840 A du Code
général des impôts). Pour lutter contrer les fraudes fiscales, la loi dispose que la promesse
unilatérale de vente sous seing privé (qui n’est pas passée par acte authentique) doit, dans
certaines hypothèses, faire l’objet d’un enregistrement au bureau des hypothèques, dans les
dix jours de son acceptation (par le bénéficiaire), sous peine de nullité absolue (article 1589-
2 du Code civil, inséré par l'
ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, en
remplacement de l'
ancien article 1840 A du CGI alors intégré par l’article 7 de la loi de
finances de 1963). Les hypothèses concernées sont celles des promesses de vente
afférentes à des immeubles, des fonds de commerce, à un droit au bail portant sur tout ou
partie d’un immeuble, ou des titres droits sociaux dans des sociétés immobilières.
Bien que le même formalisme soit encore légalement exigé en cas de cession d’une
promesse portant sur de les biens visés (ainsi que pour les promesses conditionnelles ou
comportant une faculté de substitution), la jurisprudence interprète restrictivement le
domaine d’application de l’article 1589-2 du Code civil ou ancien article 1840 A du CGI. Ce
texte est, en effet, inapplicable :
aux promesses unilatérales d’achat ;
aux promesses synallagmatiques ;
à la promesse unilatérale de vente contenue dans un accord constituant une
transaction entre les parties qui est un accord comportant un ensemble d’obligations
contractuelles réciproques.
Formalisme né de la loi « Carrez ». Une autre forme de formalisme a été intégrée par
la loi Carrez du 18 décembre 1996 ajoutant un nouvel article 46 à la loi du 10 juillet 1965 sur
la copropriété : le vendeur doit impérativement informer l’acquéreur de la superficie du lot
vendu et d’en garantir la contenance (ordre public de protection). La promesse unilatérale de
vente doit, à peine de nullité relative (que seul l’acheteur peut exciper), contenir cette
mention. Néanmoins, la conclusion de la vente définitive avec la mention requise supprimera
l’irrégularité initiale affectant la promesse (sorte de confirmation).
Formalisme informatif sur l'état de l'immeuble et les risques qu'il peut présenter
pour la santé ou la sécurité de ses occupants: le dossier de diagnostic technique. Tout
d’abord, un ensemble de textes plutôt récents obligent le vendeur à fournir à l'
acquéreur des
informations, éventuellement certifiées par des organismes agréés, portant sur l'
état de
l'
immeuble et les risques qu'
il peut présenter pour la santé ou la sécurité de ses occupants.
Les diagnostics techniques portent, notamment, sur l'
amiante (article L. 1334-7 du Code de
la santé publique), le plomb ou saturnisme (article L. 1334-5 du Code de la santé publique),
les termites et autres insectes xylophages (article 8 de la loi n° 99-471 du 9 juin 1999), le gaz
naturel (article 17 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003), la performance énergétique (article
41-II de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004), les risques technologiques ou naturels
(article L. 125-5 du Code de l'
environnement), etc. Ces textes qui protègent les acquéreurs
d’immeubles sanctionnent, pour la plupart, l’absence d’état annexé à l'
acte en informant
l’acheteur (ou parfois le locataire) à cet égard dans les zones à risques par l’impossibilité
pour le vendeur de s’exonérer d’un tel vice caché.
Puisque la promesse unilatérale de vente est, comme son nom l’indique, un contrat
unilatéral, elle ne crée ordinairement pas d’obligations à la charge du bénéficiaire.
Seulement, il peut arriver que la promesse prenne un caractère onéreux et, incidemment, un
peu synallagmatique. En effet, si la promesse est en principe gratuite, il arrive fréquemment
que le vendeur exige du bénéficiaire, en contrepartie de son engagement d’immobiliser son
bien, le versement d’une somme d’argent représentant une fraction du prix vendu. On parle
d’indemnité d’immobilisation dont l’objet est de compenser l’immobilisation du bien durant le
délai d’option. Elle constitue, d’après la Cour de cassation, le prix de l’exclusivité accordée
au bénéficiaire (il ne s’agit pas d’arrhes, accordant une faculté de dédit, puisque le
bénéficiaire n’est pas encore acheteur avant la levée de l’option ; il ne s’agit pas non plus de
clause pénale, révisable sur le base de l’article 1152, al. 2, du Code civil, puisqu’elle ne vient
pas sanctionner la violation d’un engagement contractuel).
Avec la stipulation d’une indemnité d’immobilisation, la question se pose parfois de savoir si
la promesse unilatérale de vente ne deviendrait pas une promesse synallagmatique de
vente. L’onérisation de la promesse (existence d’un prix) ne la rendrait-elle pas
synallagmatique (réciprocité d’obligations) ?
En principe, la promesse avec indemnité d’immobilisation reste unilatérale car, si le
promettent s’est engagé à vendre, le bénéficiaire, lui, ne s’est pas corrélativement obligé à
acheter. Néanmoins, encore faut-il que ce dernier ait gardé une totale liberté d’option, ce qui
ne serait plus le cas si l’indemnité représentait une fraction trop importante du prix de vente :
en pratique, le montant est considéré comme exorbitant lorsqu’il dépasse 10% du prix de
vente. Dans cette hypothèse, la promesse, qui est unilatérale de nom, sera requalifiée en
promesse synallagmatique de vente ou en vente pure et simple (la volonté d’acheter du
prétendu bénéficiaire étant déduite du montant de l’indemnité).
En tout état de cause, lorsqu’une indemnité d’immobilisation a été convenablement prévue,
son sort dépendra de l’issue de la promesse. En effet, en cas de levée de l’option, elle
s’imputera sur le prix de vente (et constituera ainsi, a posteriori, une forme d’acompte ou
d’avance sur le prix). En revanche, si l’option n’est pas levée (renonciation à la vente) par
pure convenance personnelle du bénéficiaire l’indemnité sera définitivement acquise au
promettant (du fait du des conditions suspensives et résolutoires nées du principe
d’interdépendance posé, en matière de crédits affectés, par le droit de la consommation,
l’indemnité sera restituée en cas d’avortement ou d’anéantissement final de l’opération).
Il n’y a pas non plus de difficulté dans ce cas. Le contrat envisagé n’est pas formé, les
volontés ne s’étant pas rencontrées. La promesse va simplement devenir caduque. Le
bénéficiaire n’encourt aucune responsabilité lorsqu’il ne lève pas l’option. Il n’est en effet pas
obligé de conclure l’opération promise, seul le promettant ayant donné son consentement au
contrat envisagé. Le bénéficiaire, lui, ne s’est aucunement engagé à conclure. C’est pour
cette raison que l’on parle de promesse unilatérale, laquelle se distingue, faute
d’engagement des deux parties, de la promesse synallagmatique.
Tout au plus, si une indemnité d’immobilisation avait été convenue, le bénéficiaire de la
promesse qui ne lève pas l’option va, en principe, la perdre au profit du promettant.
Certaines décisions ont néanmoins pu accueillir, contrairement à d’autres, une demande en
remboursement partiel de l’indemnité d’immobilisation (réduction) si le bénéficiaire a renoncé
à la promesse avant l’expiration du délai lorsque son montant a été fixé en fonction de la
durée de l’immobilisation.
Mais, surtout, la conservation de l’indemnité par le promettant ou son remboursement au
bénéficiaire qui n’a pas levé l’option est de plus en plus souvent subordonné au jeu de
conditions suspensives. En particulier, la condition d’obtention d’un prêt est très courante.
D’ailleurs, elle est rendue obligatoire par le droit de la consommation qui contient des
dispositions protectrices des emprunteurs immobiliers. En effet, depuis la loi « Scrivener » du
13 juillet 1979, s’il est indiqué que le bénéficiaire a l’intention de financer son achat
directement ou indirectement, totalement ou partiellement, à l’aide d’un ou de plusieurs
prêts, la promesse est conclue sous la condition suspensive d’obtention du ou desdits prêts.
La durée de cette condition ne peut être inférieure à un mois à compter de la signature de
l’acte ou, le cas échéant, de son enregistrement (art. L. 312-15 et L. 312-16 du Code de la
consommation). Ainsi, en cas de défaillance de la condition suspensive, le bénéficiaire qui
renonce à l’achat aura droit au remboursement intégral (sans retenue, ni indemnité) de
l’indemnité d’immobilisation initialement versée.
Les modalités de la promesse synallagmatique de vente ont pour but de retarder soit
l’effectivité, soit la formation de la vente en attendant une autorisation administrative, le
résultat d’un contrôle, etc.
Lorsque c’est la seule prise d’effets de la vente (exécution) qui est différée jusqu’à
l’accomplissement de certaines formalités, la promesse synallagmatique de vente vaut
vente. Par exemple, les parties vont prévoir que le transfert de propriété du bien immobilier
ne se produira qu’au jour de la signature de l’acte notarié. On parle de clause de réitération
ou de régularisation, laquelle, valable, s’explique le plus souvent par le fait que le paiement
du prix se fera le jour de la signature de l’acte authentique entre les mains du notaire
rédacteur.
Le contrat étant d’ores et déjà formé, le refus de l’une des parties de se prêter à la formalité
requise l’expose à des sanctions dont l’exécution forcée (le cas échéant, un jugement pourra
tenir d’acte authentique de vente).
La formation de la promesse est évidemment soumise aux conditions de formation de la
vente elle-même : les parties doivent avoir la capacité de vendre et d’acheter au jour de la
promesse ; la chose doit être désignée et exister à cette date ; le prix doit être déterminé et
c’est à ce jour qu’on appréciera la valeur pour sanctionner une lésion…
Les parties peuvent prévoir dans la promesse que la formation de la vente sera subordonnée
à la signature de l’acte authentique avant une certaine date. Dans ce cas, seul l’acte notarié
pourra valoir vente. Ainsi, puisque la promesse synallagmatique de vente ne vaut pas vente,
elle ne constitue, en réalité, qu’un simple projet non obligatoire ou, selon certains, une vente
sous condition suspensive (qualification contestable puisque, d’une part, le consentement ne
peut faire l’objet d’une condition et, d’autre part, une telle condition serait de toute façon
purement potestative et donc nulle).
Définition. Le pacte de préférence (en cas de vente) est le contrat conclu entre le
propriétaire d’un bien (promettant) et un bénéficiaire par lequel le premier s’engage, en cas
de mise en vente de ce bien, à donner la préférence (priorité) au second, à prix égal et
conditions identiques.
Nature juridique. En tant que contrat innommé (n’étant réglementé par aucun texte
particulier, sauf dans le domaine des droits d’auteur où il fait l’objet de l’article L. 132-4 du
Code de la propriété intellectuelle), la nature juridique du pacte de préférence a été discutée.
Elle a été rapprochée de notions voisines, essentiellement de la promesse unilatérale de
vente (voir infra). Il faut dire que trois rapprochements peuvent être faits entre les deux
contrats :
ce sont tous des contrats unilatéraux en ce sens que, dans les deux cas, seul le
promettant est engagé (de vendre dans la promesse unilatérale de vente et d’accorder
une préférence dans le pacte de préférence) ;
exigence d’une chose déterminée (mais ni la détermination du prix, ni la stipulation
d’un délai ne sont des conditions de validité du pacte de préférence) ;
cessibilité aux tiers (sauf clause d’incessibilité) et transmissibilité aux héritiers des
deux institutions.
Ces rapprochements ne tolèrent toutefois pas la confusion puisque, à la différence de la
promesse unilatérale de vente, le promettant dans le pacte de préférence ne s’est pas
engagé à vendre mais seulement à accorder la priorité en cas de vente éventuelle.
Nature du droit de préférence. Le pacte fait donc naître un droit de préférence ou droit de
priorité au profit du bénéficiaire, lequel droit constitue un simple droit de créance de nature
mobilière (droit personnel ou obligation) contre le promettant et non un droit réel (droit de
propriété ou autre).
Transmissibilité du droit de préférence. Ainsi, comme tout droit de créance (article 1122
du Code civil), le bénéfice de la promesse est, en principe, transmissible aux ayants droit du
bénéficiaire.
En tant que contrat innommé, le pacte de préférence n’est, en principe, réglementé par
aucun texte (sauf dans le domaine des droits d’auteur où il fait l’objet de l’article L. 132-4 du
Code de la propriété intellectuelle). Il est donc soumis au droit commun des contrats (articles
1101 et suivants du Code civil). En particulier, il doit remplir deux conditions de validité :
il faut que son objet soit suffisamment déterminé, c' est-à-dire que le bien considéré
soit désigné avec précision et que, en outre, soit indiquée la nature de l’acte projeté
(vente ici) ;
il faut, en second lieu, que les modalités de mise en œuvre prévues (notamment
quant au délai éventuellement, prix, cas dans lesquels la priorité serait exclue comme en
cas de vente à un parent, etc.) laissent au promettant la possibilité de traiter avec un
autre acquéreur si le bénéficiaire décline l’offre de vente.
Hypothèse de mise en œuvre. La préférence ne peut jouer que si l’acte projeté par le
souscripteur du pacte est identique à celui pour lequel la priorité a été réservée. Ainsi, une
préférence pour une vente ne peut jouer en cas de donation. Il convient cependant de
respecter l’esprit du pacte plutôt que sa lettre, conformément au droit commun. C’est la
raison pour laquelle le souscripteur ne doit pas, sous peine d’engager sa responsabilité,
passer un acte qui, sans méconnaître lui-même le pacte, plonge subséquemment celui-ci
dans l’impossibilité d’être honoré (comme, par exemple, consentir sur le bien un bail rural
qui, en cas de vente, ouvrira un droit de préemption au preneur).
Procédure de mise en œuvre. Le pacte de préférence peut prévoir une procédure (forme
de la proposition, délai octroyé au bénéficiaire pour y répondre…) par laquelle le promettant
devra informer le bénéficiaire de la vente qu’il envisage de réaliser en en précisant les
conditions (dans une offre). Sinon, il suffira que l’offre soit établie et que le bénéficiaire
dispose d’un délai raisonnable pour l’exercer ou la décliner. Etant entendu que si le
bénéficiaire a décliné l’offre de vente à lui faite, le promettant devient libéré de son
engagement et peut librement contracter avec un tiers aux même conditions.
Solution nouvelle. Un arrêt d’une chambre mixte en date du 26 mai 2006 vient de remettre
en cause la jurisprudence traditionnelle. : « si le bénéficiaire d'
un pacte de préférence est en
droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et
d'obtenir sa substitution à l' acquéreur, c'
est à la condition que ce tiers ait eu connaissance,
lorsqu' il a contracté, de l'
existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de
s'en prévaloir » (mais, dans cette affaire, la Cour de cassation a refusé la substitution en
raison de l’absence de preuve que le tiers acquéreur connaissait l’intention du bénéficiaire
de se prévaloir du pacte).
Ainsi, la substitution au tiers est désormais possible même si, en pratique, elle risque de se
heurter à des difficultés de preuve de la mauvaise foi du tiers.
Textes. La vente d’immeubles à construire (vente sur plan) a été créée et réglementée par
une loi du 3 janvier 1967 (modifiée par une autre du 7 juillet 1967) complétée par un décret
du 22 décembre 1967 et par certains textes postérieurs. L’ensemble de ces dispositions se
trouve aujourd’hui intégré au CCH en ses articles L. 261-1 à L. 261-22 et R. 261-1 à R. 261-
33 (cf. aussi les art. 1601-1 et suivants du Code civil).
Aux termes de l’article 1601-1, alinéa 1er, du Code civil (dont les dispositions ont été reprises
par l’article L. 261-1 CCH), « la vente d’immeuble à construire est celle par laquelle le
vendeur s’oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat ». Comme
éléments caractéristiques, la vente d’immeuble à construire suppose donc une vente
immobilière (il s’agit d’une vente de chose future dérivée de l’article 1130, alinéa 1er, du Code
civil) mais cette vente génère des obligations particulières (l’article 1601-1 du même code
inclut, dans la définition du contrat, l’obligation pesant sur le vendeur d’édifier un immeuble
convenu dans un délai déterminé, obligation particulière à laquelle s’ajoute celle spécifique
de garantie des vices et des malfaçons : vices apparents, cachés et d’isolation phonique).
Avant la conclusion du contrat de vente d’immeuble à construire proprement dit, les parties
passent habituellement par une phase préparatoire à laquelle un avant-contrat servira de
support. En effet, pour de multiples raisons, juridiques comme pratiques (tester le marché,
fixer le client une fois la construction engagée, servir d’acte préparatoire à la vente
définitive), le contrat de vente d’immeuble à construire proprement dit est généralement
précédé d’un contrat préliminaire.
Dans le secteur protégé du logement (immeubles d’habitation ou mixtes d’habitation et
professionnels), la loi de 1967 a entendu encadrer un tel acte en instaurant un avant-contrat
spécifique et impératif : le contrat préliminaire de réservation. Aux termes de l’article L. 261-
15 CCH, la vente d’immeuble à construire du secteur protégé « peut être précédée d’un
contrat préliminaire par lequel, en contrepartie d’un dépôt de garantie, le vendeur s’engage à
réserver à un acheteur un immeuble ou une partie d’immeuble ». Toute autre forme d’avant-
contrat (promesse unilatérale, promesse synallagmatique…) est nulle (art. L. 261-15, al. 4,
CCH), le contrat préliminaire étant le seul permis (si les parties entendent formaliser la phase
préparatoire) avec un contenu déterminé. Toute clause contraire est réputée non écrite (art.
L. 261-15, al. 5, CCH).
2°) Les règles de fond : les obligations des parties au contrat préliminaire
En contrepartie de la réservation faite à son profit, le réservataire doit effectuer dans certains
cas un dépôt de garantie à un compte spécial au moment même de la signature du contrat
préliminaire. Ce dépôt de garantie est soumis, dans un souci de protection du réservataire, à
une réglementation stricte. Il est d’abord limité dans son montant qui ne doit pas excéder 5%
du prix prévisionnel si le délai de réalisation de la vente est inférieur ou égal à un an et 2% si
ce délai excède un an mais ne dépasse pas deux ans. Tout dépôt de garantie est interdit si
la période de réalisation excède deux ans (article R. 261-28 CCH), ce qui n’arrive jamais en
pratique.
Le dépôt de garantie est, en outre, limité en ce que les fonds sont, jusqu’à la conclusion du
contrat de vente, indisponibles, incessibles et insaisissables et doivent être déposés sur un
compte spécial ouvert dans une banque, chez un notaire ou un établissement spécialement
habilité à cet effet.
Lorsque la vente définitive est conclue, le dépôt de garantie s’impute sur le prix de vente de
l’immeuble futur. En revanche, si le contrat définitif n’est pas passé, une distinction s’impose.
Les fonds déposés sont intégralement perdus par le réservataire (au profit du réservant)
lorsque celui-ci est à l’origine de la rupture. En revanche, le législateur a prévu leur
remboursement intégral dans cinq cas qui se chevauchent d’ailleurs en partie (art. L. 261-15
et R. 261-31 CCH) : par exemple, si le contrat de vente définitif n’est pas conclu du fait du
vendeur, si la condition suspensive d’obtention du prêt défaille ou si le contrat fait apparaître
une différence anormale par rapport aux prévisions du contrat de réservation.
Chapitre 3- Les ventes conditionnelles et les ventes avec droit de repentir
La condition désigne un événement futur et incertain dont les parties à un contrat entendent
faire dépendre l’efficacité voire l’existence même de celui-ci. La vente conditionnelle,
pourtant définitivement formée, risque de disparaître purement et simplement si la condition
ne survient pas (lorsque c’est une condition suspensive) ou si elle se réalise (lorsque c’est
une condition résolutoire).
Valable en principe, la condition est nulle (en entraînant dans son sillage la nullité du contrat
tout entier) dans deux cas :
lorsqu’elle est impossible, immorale ou illicite (par exemple, la clause de célibat dans
un contrat de travail) ;
lorsqu’elle est purement potestative (de « potestas » d’une partie, synonyme de
pouvoir), c’est-à-dire lorsque sa réalisation dépend de la seule volonté du débiteur qui,
ainsi, est finalement libre d’échapper comme bon lui semble à l’exécution du contrat
(article 1174 du Code civil).
En revanche, sont valables la condition casuelle, c’est-à-dire celle dont la réalisation
dépend totalement du hasard (article 1169 du Code civil), la condition dont la réalisation
dépend de la volonté du créancier (article 1170 du Code civil), la condition mixte, c’est-à-dire
celle dont la réalisation dépend partiellement du hasard (article 1171 du Code civil)
A- Le mécanisme ou fonctionnement
On parle de condition suspensive lorsqu’elle a pour effet de geler l’exécution du contrat tant
que l’événement considéré ne se sera pas accompli (il existe, avant la réalisation de la
condition, un droit éventuel ou conditionnel).
La réalisation de la condition produit un effet rétroactif, c’est-à-dire que le contrat prend effet
non pas au jour de cette réalisation, mais depuis le jour de conclusion du contrat : lorsqu’elle
survient, la vente est réputée conclue dès le jour de l’acte et l’acquéreur est réputé avoir été
propriétaire depuis ce jour (mais si la chose a péri par cas fortuit dans l’intervalle, les risques
sont demeurés à la charge du vendeur : l’acheteur ne peut être contraint d’en payer le prix
et, si la perte est partielle, il peut le faire diminuer : article 1182 du Code civil).
La défaillance de la condition entraînera quant à elle la caducité du contrat, sauf si cette
défaillance trouve sa source dans des circonstances imputables au débiteur ou encore
lorsque la partie dans l’intérêt exclusif de laquelle la condition a été stipulée y a renoncé.
B- Les manifestations
Selon le droit commun, la liberté contractuelle permet tout d’abord aux parties de
subordonner la vente à une condition suspensive choisie par elles, sous la seule limite de
l’interdiction des conditions potestatives.
Exemple : l’achat d’un terrain subordonné à la condition de délivrance d’un permis de
construire.
Il arrive que la loi organise elle-même des ventes sous condition suspensive, celle-ci
y étant présumée.
Ainsi en est-il, par exemple, dans les ventes à l’essai (article 1588 du Code civil).
Dans une telle catégorie de vente, l’acheteur potentiel est autorisé pendant un délai
déterminé à utiliser le bien pour en tester la spécificité objective recherchée (puisque la
qualité recherché est objective, l’acheteur ne pourra pas refuser le produit si les
performances sont atteintes). S’il le conserve à l’expiration du délai, il est censé l’avoir agréé
et le contrat est formé depuis le jour du premier accord puisque la condition réalisée opère
rétroactivement. En revanche, si l’acquéreur potentiel restitue le bien avant l’expiration du
délai, le contrat sera censé n’avoir jamais existé.
Il en va de même, en outre, dans les ventes à la dégustation (article 1587 du Code
civil). Dans un tel type de vente, l’acquéreur reste entièrement maître de sa décision, la
qualité recherchée étant subjective. De ce fait, une telle vente est qualifiée de promesse
unilatérale de vente puisqu’un droit d’option discrétionnaire est reconnu au bénéficiaire.
Il en va de même, par ailleurs, dans les ventes d’immeubles destinés à
l’habitation lorsque le consommateur (de logement) entend faire appel à un crédit pour
financer son acquisition. En effet, dans ce cas, le contrat de vente (y compris la promesse
unilatérale de vente) est, sauf clause contraire manuscrite, réputé conclu sous la condition
suspensive de l’obtention du ou des prêts qui en assurent le financement (article L. 312-16
du Code de la consommation). Cela signifie que si l’acquéreur n’obtient pas les prêts
nécessaires dans un délai qui ne peut être inférieur à un mois, la vente est caduque et il sera
en droit d’obtenir remboursement immédiat des sommes qu’il aurait versées « sans retenue
ni indemnité à quelque titre que ce soit ».
Il en va encore de même dans les ventes soumises à autorisation administrative
(cession d’office ministériel, vente d’établissement bancaire ou d’une entreprise
d’assurance…).
On parle de condition résolutoire quand le contrat produit immédiatement ses effets mais
que, si l’événement prévu survient, le contrat sera résolu (anéantissement rétroactif, qui
entraînera alors des restitutions, un retour au statu quo ante).
La condition résolutoire est beaucoup plus rare que la condition suspensive, mais on en
trouve quelques applications plutôt théoriques.
C’est le cas dans les ventes où il est prévu que l’acquéreur restituera ce dont il ne
s’est pas servi, en particulier les produits qu’il n’a pas lui-même revendus. Ainsi analyse-ton
parfois le contrat des vendeurs de journaux, prévoyant la restitution des invendus.
Il y a aussi la vente à réméré qui est celle par laquelle le vendeur, lors de la
conclusion du contrat, se réserve la faculté de reprendre la chose vendue, moyennant le
remboursement du prix principal et de certains frais (articles 1659 et suivants du Code civil).
Il s’analyse en une vente sous condition résolutoire potestative, avec toutefois des
particularités indéniables. C’est une technique assez ancienne qui servait autrefois à garantir
un prêt d’argent consenti au vendeur par l’acquéreur, celui-ci se faisant, grâce au réméré,
consentir la meilleure des garanties, en l’occurrence le transfert d’un bien (immobilier). La
pratique est devenue marginale mais elle semble susciter un regain d’intérêt dans certaines
opérations portant sur les valeurs mobilières et pourrait ainsi, peut-être, encore intéresser le
monde des affaires.
Une fois le contrat formé, il est en principe définitif, obligatoire et irrévocable. Cette règle
fondamentale du droit des obligations conventionnelles, souvent exprimée par l’adage
canoniste « pacta sunt servanda », est traduite par l’article 1134 du Code civil : « les
conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites (al. 1er). Elles
ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi
autorise (al. 2). Elles doivent être exécutées de bonne foi (al. 3) ».
Il existe cependant diverses exceptions à ce principe, d’origines conventionnelles ou
légales. Elles permettent à une partie de rétracter son consentement, bien que le contrat soit
formé. Cette faculté de rétractation, encore appelée droit de repentir, a notamment pour but
de permettre à une personne qui a peut-être donné trop rapidement son consentement de
revenir sur celui-ci.
L’idée générale qui anime les facultés de rétractation est que le consentement ne
devient définitif qu’une fois écoulé le délai prévu. Par conséquent, dans le cours de ce délai,
le bénéficiaire de la faculté de rétractation peut, discrétionnairement, renoncer au contrat. En
principe, cette renonciation n’engage pas sa responsabilité, puisqu’elle n’est que l’exercice
d’un droit qui lui a été conféré. La jurisprudence admet toutefois que celui qui exerce le dédit
de mauvaise foi, engage, en raison de celle-ci, sa responsabilité civile.
Il s’agit de la vente à réméré qui s’analyse en une vente sous condition résolutoire (voir
supra).
Le contrat de vente, comme la plupart des contrats, porte sur des choses, lesquelles
désignent des biens (objets matériels) ou des droits (biens incorporels).
La chose objet du contrat doit répondre à certaines conditions : exister, être déterminée ;
être licite (dans le commerce).
Chapitre 1- Le caractères existant et déterminé de la chose objet de la vente
Sous peine de nullité absolue, la chose objet de l’obligation doit en principe exister au
moment de la conclusion du contrat. Si les choses vendues ont péri (animal mort,
marchandises ayant brûlé…) ou ont perdu ce qui en faisait la valeur (matériel brisé…) au
moment de la formation du contrat de vente, celui-ci est nul (art. 1601 du Code civil). Mais
lorsque la perte n’est que partielle, l’acheteur a le choix entre la nullité et la réduction
proportionnelle du prix (article 1601, al. 2, du Code civil).
L’existence est ainsi appréciée au moment même de la formation du contrat, et non au
moment de la livraison. Dès lors, si la chose existait au moment de la formation du contrat
mais a péri avant la livraison, le contrat n’en reste pas moins valable et l’impossibilité de
livrer intéresse seulement l’exécution du contrat (voir infra théorie des risques).
A- La vente aléatoire
En présence d’un contrat aléatoire, l’existence de la chose n’est pas nécessaire puisque
l’incertitude dont elle fait l’objet constitue précisément l’aléa. Mais encore faut-il que le
contrat soit véritablement aléatoire (par exemple, achat à ses risques et périls d’un lot de
marchandises en cours de transport par mer) et qu’aucune des parties ne soit de mauvaise
foi (le contrat pourrait être annulé pour vice du consentement si, dans l’exemple précédent,
le vendeur sait que la marchandise a déjà péri).
La nécessité de l’existence de l’objet n’interdit pas les contrats portant sur des choses
futures (vente de meubles à fabriquer, vente d’immeubles à construire, vente de récolte à
venir, vente d’un animal à naître…). En effet, l’article 1130 du Code civil admet
expressément le principe de validité du contrat portant sur une chose future, mais celui-ci
devient caduc si la chose ne vient pas à existence (alors que le contrat n’était pas aléatoire),
sans faute de part et d’autre.
Selon l’article 1601-1, al. 2, du Code civil (art. L. 261-1, al. 2, CCH), la vente d’immeuble à
construire peut revêtir deux formes : « elle peut être conclue à terme ou en l’état futur
d’achèvement ».
Aux termes de l’article 1601-3 (art. L. 261-3 CCH) : « la vente en l’état futur d’achèvement
est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le
sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la
propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution ; l’acquéreur est tenu d’en
payer le prix à mesure de l’avancement des travaux (al. 1er). Le vendeur conserve les
pouvoirs de maître de l’ouvrage jusqu’à la réception des travaux (al. 2) ». La VEFA est ainsi
un contrat à exécution successive, que ce soit au niveau du transfert de propriété que du
paiement du prix.
Le transfert de propriété. Le transfert des droits sur le sol (droit de propriété, mais aussi
tous les droits temporaires conférés par des contrats comme le bail à construction…) et celui
de la propriété des constructions existantes (quel que soit l’état de leur avancement) au
moment de la vente s’opèrent immédiatement à la conclusion du contrat. Quant aux
constructions à venir, le transfert de leur propriété à l’acquéreur s’opère progressivement, au
fur et à mesure de l’achèvement des travaux, par accession à l’immeuble.
b) La vente à terme
Selon l’article 1601-2 du Code civil (art. L. 261-2 CCH), « la vente à terme est le contrat par
lequel le vendeur s’engage à livrer l’immeuble à son achèvement, l’acheteur s’engage à en
prendre livraison et à en payer le prix à la date de livraison. Le transfert de propriété s’opère
de plein droit par la constatation par acte authentique de l’achèvement de l’immeuble ; il
produit ses effets rétroactivement au jour de la vente ».
Le transfert de propriété et le paiement du prix n’ont lieu qu’au jour de l’achèvement de
l’immeuble (au sens de l’article R. 261-1 CCH).
Jusqu’à cette date, le vendeur ne peut donc percevoir aucune rémunération de la part de
l’accédant. Il peut, tout au plus, exiger des dépôts de garantie mais ceux-ci sont incessibles,
insaisissables et indisponibles (sauf pour le paiement du prix) ; ils sont faits à un compte
spécial ouvert au nom de l’acquéreur par un organisme habilité (art. L. 261-12 CCH) et
l’échelonnement des paiements des dépôts ne peut dépasser les seuils fixés par l’article R.
261-14 CCH).
Sous peine de nullité absolue, l’article 1108 du Code civil exige un « objet certain ». Lorsqu’il
s’agit d’une chose (bien ou droit), cette exigence de détermination implique son identification
précise s’il s’agit d’un corps certain ou son individualisation (spécification de la nature et de
la quantité, cette précision se faisant « au poids, au compte ou à la mesure ») s’il s’agit d’une
chose de genre.
L’article 1129 du Code civil réitère l’exigence, mais admet, outre la détermination proprement
dite, la simple déterminabilité (selon des critères objectifs, d’après les indications mêmes du
contrat, sans nouvel accord des parties) de la chose (par exemple, la cession de toutes les
créances qu’on détiendra sur telle personne à telle date).
Notons aussi que le Code civil admet la possibilité des obligations alternatives (art. 1189 et
suiv.) : par exemple, la vente pourra être exécutée par la délivrance de tel objet ou de tel
autre, tous préalablement identifiés.
Chapitre 2- Le caractère cessible ou aliénable de la chose objet de la vente
D’après l’article 1128 du Code civil, « il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui
puissent être l’objet de convention ». Il s’agit là d’un principe général qui est, en matière de
vente, spécialement repris par l’article 1598 du même code : « tout ce qui est dans le
commerce peut être vendu, lorsque des lois particulières n’en ont pas prohibé l’aliénation ».
En règle ordinaire, toute chose (bien ou droit, meuble ou immeuble, corps certain ou chose
de genre, corporel ou incorporel) est donc dans le commerce juridique, présente un
caractère patrimonial, étant entendu que le mot « commerce » doit être entendu dans le
sens romain de commerce juridique, c’est-à-dire de la possibilité de créer des relations
juridiques (contrats) au sujet d’une chose.
Néanmoins, il existe d’importantes exceptions tirées des impératifs de respect de l’ordre
public et des bonnes mœurs.
Pour des raisons tirées des impératifs de respect de l’ordre public et des bonnes mœurs,
certains biens sont légalement exclus du commerce juridique :
le domaine public, parce que non appropriable ;
la drogue, les choses toxiques, malsaines ou couvertes par un monopole étatique ;
les autorisations administratives personnelles (il en va ainsi de certaines cartes
professionnelles comme celle d’agent immobilier) ;
les droits fondamentaux de la personne (droit de vote ; droit moral d’un auteur…) ;
droits alimentaires ;
le corps humain et ses produits (sang) ou organes. Ainsi, est nulle la convention de
« maternité de substitution » (ou de « mère porteuse »), par laquelle une femme s’engage à
porter un enfant pour le transférer à la naissance, et ce, même si c’est à titre gratuit.
Néanmoins, pour tenir compte des progrès et des besoins médicaux, le don de sang et
certains prélèvements d’organes sont admis (article 16-5 et 16-6 du Code civil et article L.
665-13 du Code de la santé publique, issus de la loi « bioéthique » du 29 juillet 1994).
Nous avons vu, en étudiant les restrictions à la liberté de vendre, qu’il arrive que des biens
qui peuvent normalement être vendus soient conventionnellement frappés d’inaliénabilité
dans le patrimoine de leur titulaire actuel, lequel ne peut donc pas les vendre. C’est le cas,
précisément, lorsqu’une clause conventionnelle d’inaliénabilité a été stipulée dans une
libéralité (donation ou legs). Une telle clause restreint ainsi le droit du propriétaire (gratifié :
donataire ou légataire) de disposer du bien considéré et, partant, de le vendre. Les clauses
d’inaliénabilité ne sont certes pas interdites, mais leur validité est soumise à la réunion de
deux conditions posées par l’article 900-1 du Code civil (introduit par la loi du 3 juillet 1971)
qui n’a fait que consacrer et compléter la jurisprudence antérieure :
elles doivent être temporaires ;
elles doivent être « justifiées par un intérêt sérieux et légitime ». L’intérêt considéré
peut aussi bien être celui du gratifié qu’on protège contre lui-même que celui du
disposant qui entend, par exemple, garantir l’exécution des charges de la libéralité, ou
encore celui de tiers (bénéficiaires de charges). En tout état de cause, même lorsque les
deux conditions sont réunies, le propriétaire pourra agir en justice pour demander la
levée judiciaire de l’inaliénabilité du bien lorsque l’intérêt qui la justifiait a disparu ou
lorsque cet intérêt initial est supplanté par un intérêt plus fort.
Sous cette réserve, lorsque la clause est valable, elle pourra entraîner une action en nullité
de la vente qui aurait été conclue en violation de l’incessibilité conventionnelle. Il s’agit d’une
nullité relative qui n’est ouverte qu’à la personne protégée, en l’occurrence le vendeur en cas
d’incapacité ou celui dont les intérêts sont en cause en cas d’inaliénabilité (gratifiant ou
tiers).
En revanche, lorsque la clause est illicite, elle serait nulle d’une nullité absolue, comme
portant atteinte au principe d’ordre public de libre disposition de ses biens ou encore au
principe de la liberté du commerce ou de l’industrie.
Constat. La vente de la chose d’autrui est beaucoup moins rare que l’on ne pourrait le
croire, et elle n’implique pas toujours une mauvaise foi du vendeur. En effet, à côté du
vendeur indélicat qui cède un bien qui lui a été seulement confié (délit d’abus de confiance)
ou qui vend deux fois le même bien (le conflit entre les deux acquéreurs successifs est réglé
différemment selon que l’on est en matière mobilière ou en matière immobilière), on trouve le
cas du vendeur qui disposait lors de la vente d’un titre, lequel s’est toutefois trouvé
ultérieurement annulé ou résolu (la rétroactivité de cette sanction faisant de toutes les
reventes du bien des ventes de la chose d’autrui).
Nullité de la vente et fondement de celle-ci. L’article 1599 du Code civil dispose que « la
vente de la chose d’autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts, lorsque
l’acheteur a ignoré que la chose fût à autrui ». La raison en est très simple : puisque la vente
est destinée à transférer immédiatement et automatiquement un droit de propriété, elle n’est
valable que si le vendeur est bien titulaire de ce droit (est bien propriétaire). A défaut, tout
transfert est impossible en vertu de la fameuse règle « Nemo plus juris ad alium transferre
potest quem ipsem habet » (nul ne peut transférer plus de droit qu’il n’en a).
Régime de la nullité. D’après la jurisprudence, la nullité édictée par le Code civil est une
nullité relative dont seul l’acheteur de la chose d’autrui peut se prévaloir (et non le vendeur ni
le véritable propriétaire) dans le délai de cinq ans à partir du moment où il a découvert « le
pot aux roses ». Peu importe néanmoins que cet acheteur ait connu ou ignoré le défaut de
propriété du vendeur (mauvaise ou bonne foi, vice du consentement ou non) pour se
prévaloir de la nullité, mais son ignorance lui permettra, outre l’annulation du contrat, de
demander des dommages-intérêts.
Puisqu’il s’agit d’une nullité relative, l’acheteur peut la couvrir par une confirmation de la
vente, c' est-à-dire en renonçant à agir en nullité. Il peut aussi se produire une consolidation
de la vente lorsque le vendeur, qui n’était pas propriétaire au moment de la vente, l’est
devenu avant que l’acheteur n’ait demandé la nullité (ce dernier étant désormais à l’abri de
tout risque d’éviction, il ne peut plus agir en nullité).
Sous-titre 3- L’objet pécuniaire du contrat de vente : le prix
L’existence d’un prix dans les contrats à titre onéreux constitue une condition de validité et
un critère essentiel de qualification de ces contrats. Il ne saurait ainsi y avoir de vente sans
prix. Pourtant, il peut arriver et il arrive fréquemment que cette existence ne soit que
théorique ou, en d’autres termes, qu’elle ne corresponde pas à la réalité, généralement
parce que les parties ont entendu procéder à un « montage » artificiel. On dit alors que le
prix est fictif ou qu’il est simulé.
La simulation peut en réalité prendre deux aspects : soit il est convenu, dès la conclusion du
contrat, que le prix ne sera jamais versé – auquel cas il y a véritablement absence voulue de
prix et l’on parle alors de donation déguisée –, soit les parties se sont entendues pour que le
prix stipulé soit majoré (ou diminué) clandestinement pour le versement supplémentaire d’un
« dessous-de-table » – auquel cas il n’y a guère plus de donation mais une dissimulation de
prix. Dans cette dernière hypothèse, le prix existe bel et bien, seulement son montant
exprimé dans l’acte ostensible ne correspond pas à la réalité, laquelle n’est traduite que
dans la contre-lettre.
B- Les moyens mis en œuvre pour assurer la réalité du prix : les sanctions de la
simulation
Il faut distinguer selon que la simulation a porté sur la nature du contrat (1°) ou, plus
modestement, sur la portée du contrat c’est-à-dire, plus précisément, sur le montant exact du
prix (2°).
A la différence de ce que l’on pourrait croire au prime abord, le principe demeure celui de la
validité des donations déguisées, principe qui est admis tant en jurisprudence qu’en doctrine.
Mais pour cela, encore faudrait-il que soit rapportée la preuve d’une intention libérale du
« vendeur », sinon l’accord est nul de nullité absolue voire même inexistant.
En tout état de cause, une exception essentielle au principe de validité des donations
déguisées est posée par l’article 911, alinéa 1er, du Code civil aux termes duquel toute
disposition au profit d’un incapable sera nulle lorsqu’on la déguise sous la forme d’un contrat
à titre onéreux (ou lorsqu’on la fait sous le nom de personnes interposées). Sont aussi nulles
les libéralités dissimulées sous un acte à titre onéreux faites au bénéfice de certaines
personnes dans les conditions visées à l’article 909 du Code précité.
Dans tous ces cas où la donation déguisée est expressément interdite, la nullité encourue
est une nullité d’ordre public.
Il faut aussi noter que, outre les cas de nullité encourue sur le plan civil, la donation
déguisée, même valable aux yeux des civilistes, n’en constitue pas moins, sous l’angle
fiscal, un abus de droit sanctionné par une amende de 80%.
La simulation par dissimulation partielle du prix est distincte, souvent par son but et surtout
par son objet, de la donation déguisée : il n’y a guère ici une dispense clandestine de payer
le prix stipulé, mais seulement majoration (ou minoration) dans la contre-lettre du prix qui
sera effectivement versé. Mais quoique le « mensonge » ne porte ici que sur le montant réel
du prix, les sanctions prévues à cet effet sont plus sévères et sont de divers ordres, en dépit
de la neutralité affichée par l’article 1321 du Code civil reconnaissant inter partes l’efficacité
des contre-lettres.
S’agissant d’abord des sanctions civiles, l’article 1321-1 du Code civil (ancien article 1840 du
Code général des impôts), déclare que « est nulle et de nul effet toute contre-lettre ayant
pour objet une augmentation du prix stipulé dans le traité de cession d' un office
ministériel et toute convention ayant pour but de dissimuler partie du prix d'
une vente
d'
immeubles ou d' une cession de fonds de commerce ou de clientèle ou d' une
cession d' un droit à un bail ou du bénéfice d'
une promesse de bail portant sur tout ou
partie d'un immeuble et tout ou partie de la soulte d' un échange ou d' un partage
comprenant des biens immeubles, un fonds de commerce ou une clientèle ». En
revanche, la vente demeure valable et se trouve ainsi écarté tout argument qui serait tiré de
l’indivisibilité entre la contre-lettre et l’acte ostensible.
A la nullité de l’acte secret, s’ajoutent des sanctions fiscales très sévères (procédure de
répression des abus de droits: redressement fiscal).
Il est usuel chez les auteurs de définir le prix « sérieux » en des termes négatifs, c’est-à-dire
en disant ce qu’il n’est pas. Ainsi, écrit-on qu’ « un prix est sérieux lorsqu’il n’est pas
dérisoire » et qu’ « il est dérisoire lorsqu’il est inexistant (zéro euro) ou ridiculement bas… ».
On assimile fréquemment le prix dérisoire au « vil prix » alors pourtant qu’il faudrait, en
rigueur des termes, bien distinguer ces deux notions. En effet, le terme « dérisoire » viendrait
du latin « derisio » qui signifie « moquerie » et, de ce fait, l’on considère que le prix est
dérisoire lorsqu’il « est trop faible », « trop minime pour être sérieux », quantitativement
« insignifiant et juridiquement insuffisant ». Quant au mot « vil », il trouverait son étymologie
dans le terme latin « vilis », lequel est le contraire de « cher » ou « estimable ». Ici, il n’est
plus question d’assimiler le prix non sérieux au prix inexistant, car le prix vil est bel et bien
considéré comme réel, même s’il est manifestement inférieur à la valeur de la chose.
Cela dit, en dépit de ces nuances terminologiques certaines, les prix dérisoire et vil sont tous
les deux logés à la même enseigne, celle d’une absence de prix réel et sérieux qui rappelle,
en certains aspects, la théorie de la lésion au point que la doctrine parle de « superlésion »
ou encore de « lésion énormissime ».
Quant à la nature des sanctions de l’absence de prix réel et sérieux, la jurisprudence retient
la nullité absolue voire l’inexistence, ce qui permet, entre autres, de distinguer ce
déséquilibre de la lésion telle que connue dans les textes. En effet, le domaine de cette
nullité est de loin beaucoup plus large que celui de la lésion, car cette nullité pourrait être
poursuivie dans tous les contrats et à l’égard de toutes les personnes. En outre, cette nullité
a un caractère absolu (si ce n’est pas l’inexistence qui est retenue), ce qui est à bien des
égards beaucoup plus sévère que la rescision (délai de prescription, impossibilité de
confirmation…). Par ailleurs, la nullité suppose un déséquilibre considérable qui n’est pas a
priori quantifié, comme c’est le cas dans les textes admettant la rescision. Enfin, le rôle du
juge est sans doute plus déterminant ici puisqu’il lui faudra ici faire jouer sa sagesse et son
pouvoir souverain d’appréciation, sans avoir à suivre les règles particulières de procédure
prévues en matière de lésion.
Quant à son fondement, la nullité absolue pour absence de prix réel et sérieux a été
construite et assise sur la théorie de la cause. En effet, l’on considère que le contrat conclu à
prix dérisoire ou vil – sans aléa ni animus donandi ou autres raisons particulières comme
lorsque le déséquilibre est suppléé par des engagements sociaux – manquerait d’objet pour
l’un des contractants et, corrélativement, de cause pour l’autre.
Fondement. L' exigence d' un prix déterminé dans la vente est un principe posé par
l'
article 1591 du Code civil qui dispose clairement que « le prix de la vente doit être
déterminé et désigné par les parties », exigence qui a été analysée comme répondant à une
nécessité d' ordre structurel de formation du contrat, nécessité posée dans le but de
sauvegarder la justice contractuelle et, incidemment, de prévenir les contentieux.
Prix déterminé. Le prix est dit déterminé si son chiffrage, c' est-à-dire la précision de
son quantum, est immédiat au jour de la vente, ce qui est la coutume dans une économie
traditionnelle, celle du commerce qui ne fait pas de prévisions à long terme, le « petit
commerce de boutiquiers ». La sévérité originelle de cette règle de détermination immédiate
a cependant dû être édulcorée par la jurisprudence pour tenir compte de la modernisation et
de l'amplification des contrats de vente qui, de plus en plus, reposent sur la durée, comme
c'est généralement le cas dans le cadre de ce que l' on appelle les réseaux de distribution.
Prix déterminable. De cette réalité que le droit ne pouvait raisonnablement pas
ignorer, la jurisprudence a déduit qu' il ne convenait pas de prendre l' article 1591 au pied de
la lettre en ce sens que la quotité du prix n' a pas à être impérativement fixée au jour de
l'
échange des consentements, ce qui aurait, en raison de l' instabilité économique et
monétaire, rendu difficile voire impossible la quasi-totalité des contrats à terme. Ainsi, la
vente est également valable si le prix est simplement déterminable, c' est-à-dire si le contrat
renferme une stipulation qui permet de le déterminer ultérieurement de manière objective.
Cette faculté est particulièrement utile en matière de cessions de droits sociaux, car il est
rare que le prix puisse être d’ores et déjà précisément fixé, au moment de la conclusion
d'une cession de titres, les opérations d' évaluation ne pouvant être exécutées en un trait de
temps. Toujours en est-il que, ainsi nécessaire, la déterminabilité du prix est néanmoins
suffisante pour parfaire la vente (entre autres exigences). D' ailleurs, l'article 1592 du Code
civil confirme l' exactitude et la licéité de cette solution bienveillante, en reconnaissant
expressément aux parties la possibilité de laisser à un tiers, coutumièrement dénommé
« arbitre » ou « expert », le soin d' arrêter le prix à leur place, ce qui, à l' évidence, est
simplement et seulement une clause rendant le prix déterminable par la suite.
Pour des raisons et des motifs divers et variables, les parties peuvent ainsi décider
de différer la détermination de la quotité du prix, à condition toutefois de prendre la
précaution et la peine de convenir des modalités objectives de son calcul ultérieur, ce qui
constitue une première borne à l' indulgence des tribunaux. Mais ce n' est pas la seule limite
car, lorsque viendra le moment d' exécuter la clause, la liberté des parties sera encore
surveillée. En effet, comme la jurisprudence applique strictement la règle selon laquelle la
vente suppose un accord des parties sur le prix, elle retient seulement les clauses qui font
échapper sa détermination future à la volonté unilatérale de l' un quelconque des
contractants. Cette règle est constamment rappelée par la jurisprudence : la vente n' est
valable que lorsque la fixation ultérieure du prix doit se faire « en vertu des clauses du
contrat, par voie de relation avec des éléments qui ne dépendent plus de la volonté, ni de
l'
une ni de l'autre des parties », formule devenue célèbre depuis la première moitié du siècle.
Mais encore faut-il que le « marché » soit désigné avec sérieux et précision, que ce
marché existe vraiment pour que l’objectivité requise soit réalisée (marché pertinent). Il en
est ainsi normalement lorsque le bien vendu fait l' objet d'
un « cours » sur un marché
organisé tel qu' une Bourse. Mais des marchés officiels comme ceux-là n' existent pas
toujours, et c'
est dans ce cas habituel que les difficultés de se convaincre de la réalité du
marché se présentent.
Il est courant, surtout en certaines matières, que l' une des parties, en général un
vendeur ou un bailleur, désire être associée à la rentabilité de la chose objet de l' accord. Se
pose alors la question de savoir si, lorsque le prix stipulé au moment de la formation du
contrat est lié à la rentabilité de la chose vendue ou louée, il est encore déterminé et
déterminé objectivement, collectivement par les parties.
En effet, il peut s' avérer difficile de fixer le prix lorsque la vente (pour raisonner
d'abord dans ce type de contrat) porte sur un bien dont la valeur dépend de sa rentabilité
plutôt que de son usage direct. Il en va, notamment, ainsi pour les brevets d' invention, les
cessions de fonds de commerce, de droits sociaux ou encore de droits d’auteur avec l’article
L. 131-4 du Code de la propriété intellectuelle disposant que toute cession portant sur de tels
droits « doit comporter au profit de l’auteur la participation proportionnelle aux recettes
provenant de la vente ou de l’exploitation », etc.
Dans de tels cas, il est opportun de pouvoir lier la détermination du prix à ce que le
bien acquis rapporte à l' acheteur. Cela permet en effet au vendeur de se prémunir contre les
conséquences d' une éventuelle dépréciation monétaire, tout en calquant le prix sur la
rentabilité effective du bien vendu et sur les facultés de l' acheteur, d’où le nom de système
de “ prix proportionnel ”. Ce faisant, le prix est déterminable, mais sa fixation définitive
dépend essentiellement de l' activité de l'acheteur. D' où la question de savoir si cette
dépendance à l' activité cache une dépendance à la volonté de l' acquéreur. La jurisprudence
a été partagée entre la rigueur et l' indulgence pour répondre à l' interrogation ainsi posée.
En général, les tribunaux admettent, dans le principe, que le prix soit déterminé
par référence à la rentabilité du bien. La vente est valable parce que le vendeur n' est pas
à la merci de l' acheteur, mais seulement d' un aléa commercial qu' il a accepté. Si l'
acheteur
veut diminuer le prix qu' il doit au vendeur, il doit en même temps diminuer son activité, et
commettrait ainsi un « suicide commercial » en limitant ses ventes et ses profits. Cette
solution de principe se justifie par le fait que l' acheteur a un intérêt évident à ce que le bien
soit le plus rentable possible, le plus productif faisable et, par conséquent, à ce que le prix
qu' il payera au vendeur soit d' autant plus élevé. Il y a donc convergence des intérêts des
parties, un intérêt commun. Certes, l' acheteur conserve théoriquement « la liberté de ne pas
faire d' affaires », mais, en pratique, sa volonté, « contrainte par son intérêt » ne lui permet
pas de faire varier le prix de façon arbitraire : le prix est donc suffisamment déterminable au
regard de l’exigence d’objectivité.
La clause de prix à dire de tiers au sens strict du terme est la clause dite à dire
d'
expert ou d' arbitre. L' article 1592 du Code civil énonce expressément la validité d' une
vente dont le prix est fixé par un tiers, indifféremment appelé « arbitre » ou « expert ». Ces
deux termes n' ont évidemment pas ici le même sens technique que celui qu' on leur donne
en procédure. Malgré la lettre du texte, il ne s' agit pas d'arbitrage, car un arbitre au sens
propre du terme a pour mission de trancher un litige, ce qui n' est pas le cas ici. Pas
davantage il ne s' agit d'une expertise entendue strictement, bien que ce soit parfois la
terminologie des arrêts, des parties voire des textes, car un expert au sens propre a pour
office de donner au juge des avis consultatifs tandis qu' ici l'
évaluation faite par le tiers est
définitive et obligatoire pour les parties (en principe). En réalité, le tiers est un mandataire
commun des deux parties qui, en leur nom et pour leur compte, doit parfaire la vente en
déterminant le prix. Il ne peut être révoqué que par leur consentement mutuel.
La détermination du prix faite par un tiers est licite parce qu' aucune des parties n' est à la
discrétion de l' autre. Mais elle est aussi irrévocable en principe, c' est-à-dire que les
contractants deviennent tous deux soumis à la discrétion dudit tiers convenu, à condition
bien sûr que ce dernier n’ait pas outrepassé ses fonctions en prenant en compte dans son
calcul des éléments que les parties auraient expressément exclus.
Quelques atténuations à la rigueur de ce principe sont cependant envisageables. Il
faut bien sûr relever le cas de fraude, en particulier l' hypothèse d' une collusion entre le tiers
expert et l'une des parties au contrat. La neutralité de l' arbitre étant la garantie du caractère
désintéressé de la détermination du prix, la validité du procédé est évidemment subordonnée
à l'impartialité de l'expert. De ce fait, la sujétion du tiers à l' une quelconque des parties
constitue la traduction d' un lien de dépendance, dépendance qui est sanctionnée par la
nullité pour indétermination du prix.
Un autre tempérament à l' irrévocabilité de la décision du tiers réside dans l' hypothèse
d'un vice du consentement de l' expert mandataire.
Il y a également l' hypothèse d' un abus de pouvoir commis par l' arbitre qui peut lui
aussi permettre de remettre en cause le caractère définitif de la décision de celui-ci.
Pour terminer, il est à relever un assouplissement, fort original et d' origine
prétorienne, qui serait également susceptible de venir remettre en question l' autorité de la
décision du tiers : il s'agit de la notion d' « erreur grossière » commise par l' intéressé. La
notion peut laisser penser à un simple vice du consentement, mais un regard plus attentif
permet de mieux l' appréhender. La Cour de cassation précise que lorsque « l' expert désigné
contractuellement par les parties pour fixer le prix de vente d' un bien a commis une « erreur
grossière », lesdites parties sont fondées à demander en justice une nouvelle expertise en
vue de déterminer le prix ».
Il est à constater, enfin, que la clause à dire de tiers rencontre quelque peu l' hostilité
des praticiens qui n' apprécient qu' avec parcimonie d' être soumis à la discrétion d' une autre
personne pour arrêter le prix de leur opération économique. Cela explique peut-être la
technique contractuelle consistant pour les parties, dans le but de réduire l’aléa attaché au
recours à l’expert, à préciser dans la convention les modalités de détermination du prix que
devra obligatoirement suivre ce dernier.
Le prix « taxé » désigne celui qui est fixé par voie réglementaire. Il peut arriver en effet
que les parties, par une clause un peu proche de la clause d' arbitrage, fassent référence à
« des normes gouvernementales qui s' imposaient aux parties » aux fins de mettre leur
contrat à l’abri de la nullité. L’éventualité d’une telle clause n' apparaît aujourd' hui que pour
les contrats portant sur des marchandises dont l' autorité publique fixe encore –
exceptionnellement depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre
1986 (actuels articles L. 410-1 et s. du Code de commerce) – le prix au stade de la formation
de l' accord ou à un autre stade tout en déterminant les marges des professionnels
intervenant dans le circuit : si la loi fixe le prix de vente au consommateur et prévoit la marge
du détaillant, la clause de prix taxé est utilisable dans le contrat entre le grossiste et ce
détaillant. De même, quand un prix plafond est seulement fixé par l' autorité administrative,
on peut se référer à cette limite pour en faire le prix du contrat.
Cette formule de détermination du prix par référence au prix taxé dans les contrats de
moyenne et longue durée peut poser problème le jour où cessera la tarification à laquelle se
référait le contrat. Il semble que le contrat va devenir caduc, c' est-à-dire que la nullité ne
jouera qu' à compter de cette modification, d' où l'
intérêt pour les parties qui opteraient pour
une telle clause de prévoir une stipulation pour le cas où la taxation cesserait.
En tout état de cause, la fixation du prix par l' autorité administrative est en principe
tombée dans la marginalité depuis l’entrée en application de l' ordonnance du 1er décembre
1986 (actuels articles L. 410-1 et s. du Code de commerce) qui a solennellement proclamé
« la liberté des prix et de la concurrence ». Il n' en reste pas moins que des exceptions
structurelles et conjoncturelles à ce principe ont été prévues, hypothèses dans lesquelles la
tarification peut encore se révéler comme ce fut le cas lors de la « guerre du Golfe ». Sans
oublier les matières qui échappaient à l' ordonnance de 1945 et qui, par conséquent, ne sont
pas incluses dans le domaine de l' ordonnance de 1986 (actuels articles L. 410-1 et s. du
Code de commerce) qui a abrogé son aînée d' après-guerre. La fixation du prix par voie
réglementaire dans ces matières reste encore possible. Des contractants pourraient alors
valablement décider, dans ces matières, de se référer à des normes réglementaires pour
déterminer structurellement le prix de leur accord.
La notion de révision suppose que l’on prenne en considération le facteur temps, ce qui
peut laisser croire que seuls les contrats à exécution successive, les contrats de longue
durée, peuvent être intéressés et que, par conséquent, l'
étude de telles techniques sous la
rubrique des conventions instantanées telles que la vente pourra être taxée de curieuse
voire d'inopportune. Certes, de telles clauses sont surtout utiles dans les contrats de longue
durée, mais il faut aussi remarquer que pour des contrats à exécution normalement
instantanée, il se peut que les parties en aient différé l'exécution, notamment le paiement qui
sera alors à terme. Il peut donc arriver qu' entre la formation du contrat et le paiement du prix
s'écoule un temps plus ou moins long, un temps en tout cas suffisant pour que les
circonstances économiques ou monétaires aient eu l' occasion de connaître des mutations
qui influeront sur le prix initialement prévu. Les changements économiques et les
dépréciations monétaires – qui se traduiront par une perte de pouvoir d' achat de la monnaie
– créeront un déséquilibre lors de l' exécution du contrat à exécution différée ou successive.
D' où l'
utilité de prévoir des clauses de révision du prix fixé ab initio.
On vise ici là la clause dite d'échelle mobile qui se définit comme la clause par laquelle
les parties prévoient la révision automatique du prix en fonction de la variation d' un ou de
plusieurs indices convenus comme, par exemple, le cours d' une marchandise ou d' un
service. Plus concrètement, indexer une obligation de somme d' argent, c'
est en faire varier le
montant en fonction de certains indices, c' est-à-dire en fonction de variations qui pourront
affecter, dans le temps, le prix de certains produits ou services. Ainsi par exemple, si le prix
d'un produit choisi comme indice varie de cent à trois cents entre la naissance de la dette
indexée et son échéance, le débiteur, pour se libérer, devra transférer à son créancier trois
fois plus d'
unités monétaires.
Le silence observé par les parties sur le prix est analysé comme traduisant que les
parties ne sont pas parvenues à un accord sur un élément essentiel du contrat. (article 1582
du Code civil). Il en résulte que le juge ne peut, en l’absence de prix, fixer celui-ci par des
éléments extérieurs au contrat ou imposer une méthode de détermination.
Cette clause – par laquelle une partie se réserverait la faculté de fixation ad libitum – a
directement été condamnée sur la base du principe de la nécessité structurelle de commune
détermination du prix, puis de manière sous-jacente sur celle de la nécessité de protection
de l'
une des parties au contrat.
Dans les ventes d' automobiles neuves (de luxe essentiellement), les vendeurs stipulent
très souvent que « le prix appliqué sera celui du tarif en vigueur au jour de la livraison du
véhicule quel que soit le sens de la fluctuation, en hausse ou en baisse », c' est-à-dire que le
prix mentionné est seulement un « prix indicatif ». Cette clause préconise manifestement une
fixation unilatérale du prix (qu' il ne faut certes pas tenir, ipso facto, pour arbitraire).
L’explication est peut-être à trouver dans le fait que les véhicules neufs en question – de luxe
précisément – sont en quelque sorte fabriqués à la commande, et ne pourraient donc être
livrés qu’après un délai plus ou moins long.
La Cour de cassation considère que la vente est valable si le prix dépend d' un tiers
(le constructeur-concédant par exemple) ou de la loi du marché ; en revanche, le contrat est
nul si le tarif relève du pouvoir exclusif et arbitraire du vendeur (concessionnaire). De cette
manière, la Cour suprême décide désormais que lorsque la vente est faite par un
concessionnaire, la référence au tarif du constructeur-concédant est valable pour deux
raisons : le prix est déterminable indépendamment de la volonté du concessionnaire-vendeur
dès lors que, d' une part, le tarif lui est dicté par le constructeur ou sa filiale et, d'
autre part,
dès lors que ce prix-tarif est fixé compte tenu des fluctuations du marché automobile.
On peut observer, concernant la fixation par le concédant, il ne semble pas a priori
que celui-ci puisse être considéré comme un tiers totalement indépendant (désintéressé)
susceptible d' arbitrer – avec la neutralité requise – quant au prix les relations entre l' un de
ses concessionnaires et un acheteur. C' est certainement pour cette raison que la Cour de
cassation avance la seconde raison, la référence au prix du marché pour rendre plus objectif
le prix fixé par le constructeur.
La solution n’a pas donné lieu à trop d’hésitations : lorsque le prix n’est ni déterminé ni
déterminable au sens où l’entend la jurisprudence, non seulement la clause de prix est nulle
de nullité absolue, mais aussi par voie de conséquence tout le contrat qui va ainsi se trouver
gommé.
La nullité du contrat peut être invoquée par toute personne physique ou morale qui y
trouve son intérêt : les parties de toute évidence, mais aussi les ayants cause particuliers, et
même les penitus extranei lorsqu’ils invoquent un droit contraire à celui qui résulte d’un
contrat particulier. Ainsi, lorsque le prix a été fixé unilatéralement par l’une des parties, la
nullité pourrait être demandée par l’autre même si cette dernière n’a subi aucun arbitraire ;
de la même manière, la nullité pourrait être demandée par une partie même si elle a elle-
même commis une faute.
Ensuite la nullité ne peut être couverte ni par une confirmation, ni par une ratification
du contrat. Le seul fait pour un acheteur d’avoir payé le prix facturé par le vendeur selon ses
tarifs sans émettre la moindre protestation ne vaudrait pas ratification de la vente, dit la Cour
de cassation.
Enfin, l’action va se prescrire par trente ans (ou dix ans en matière commerciale), ce
qui laisse le contrat sous la menace durable d’une annulation.
Il faut souligner que la jurisprudence décide parfois que l’absence d’un élément essentiel
rend le contrat « inexistant ». En effet, certains arrêts en sont arrivés à retenir plus ou moins
directement la sanction de l’indétermination du prix par l’inexistence, forme de désaveu ou
déni cinglant de la formation même du contrat.
Toujours est-il que lorsque l’inexistence est retenue, l’action pourrait être exercée
indéfiniment étant donné l’absence de prescriptibilité, ce qui est moins traditionnel et sans
doute beaucoup moins opportun.
La jurisprudence a aussi pu retenir une sanction moins sévère que la nullité absolue
lorsque l’indétermination du prix, qui ne s’est pas manifestée au moment de la conclusion du
contrat, n’est apparue qu’ultérieurement en cours d’exécution de l’accord : ce serait alors la
caducité qui prive le contrat de tout effet pour l’avenir, mais sans rétroactivité. En effet, la
caducité se présente comme la sanction affectant un acte régulièrement formé mais qui
perd, postérieurement à sa conclusion, un élément essentiel à sa validité du fait d’un incident
extérieur.
C’est le cas lorsqu’une clause d’indexation licite ayant été prévue, l’indice a disparu ou est
devenu illicite postérieurement à la conclusion du contrat. Il y a alors disparition d’un élément
essentiel du contrat et caducité de celui-ci.
La sanction par la caducité a comme seul avantage sur la nullité absolue le fait qu’elle
permet d’éluder l’inextricable question des restitutions. Il semble aussi que la caducité joue
de plein droit, de sorte que le juge viendrait ici, non pas la prononcer comme c’est le cas
pour la nullité, mais simplement la constater après coup. Mais comme la nullité absolue, elle
entraîne l’anéantissement du contrat (pour l’avenir).
Subjectivisme. Parce que l’on est obligé que parce qu’on l’a voulu (« solus
consensus obligat ») et que, sauf insanité d’esprit ou « suicide commercial » d’après
l’expression du doyen Carbonnier, la volonté ne saurait être créatrice d’injustices (« volenti
non fit injuria » : « à qui consent il ne fait pas tort »), tout contrat librement conclu est
supposé équilibré et obligatoire du seul fait qu’il a été accepté. En effet, en suivant la
doctrine de l’autonomie de la volonté (ainsi que la théorie économique de l’optimum walreto
paretien), il appartient aux parties, libres et égales, de défendre leurs intérêts au moment de
la conclusion de leur contrat et, partant, de se prémunir contre toute forme de lésion
éventuelle. De surcroît, il semble qu’une généralisation de la lésion serait, dit-on, contraire à
une fin essentielle de tout contrat, en l’occurrence sa stabilité et sa sécurité.
Partant certainement de là, le législateur français, par l’article 1118 du Code civil
(auquel il faut rapprocher l’article 1313 du même Code), a déclaré son indifférence de
principe à l’égard de la théorie de la lésion dans les contrats entre personnes capables : « la
lésion ne vicie les conventions que dans certains contrats ou à l’égard de certaines
personnes… ». Ainsi, ce texte n’admet la prise en compte et la sanction de la lésion que de
manière exceptionnelle. En effet, désireux d’assurer la sécurité des transactions – ou
stabilité des conventions –, les rédacteurs du Code civil n’ont donné à la rescision pour
lésion qu’un domaine très limité.
Cette vision a été réitérée et accentuée par l’article 1134 du même Code faisant du
contrat librement et valablement signé la « loi » des parties.
De son côté, la jurisprudence a officiellement déclaré sa fidélité, notamment en
interprétant assez restrictivement les quelques rares textes admettant de sanctionner le
déséquilibre congénital entre les prestations ou encore en refusant de sanctionner en tant
que telle l’erreur sur la valeur.
Le droit dit économique n’a pas été en reste dans ce mouvement individualiste ou
de « subjectivisation » en proclamant solennellement, par la voie de l’ordonnance du 1er
décembre 1986 (actuel livre IV du Code de commerce), la « liberté des prix et de la
concurrence ».
Objectivisme. Les déclarations et les dogmes – quelque grands qu’ils soient – sont
une chose, et les réalités peuvent en être et en sont effectivement une autre à cause de ce
que la pratique contractuelle peut révéler. En effet, le désintéressement affiché des pouvoirs
publics à propos de la question de la lésion – dont le sens courant et général est celui de
tort, de dommage, d’atteinte à des droits ou à des intérêts – a reçu et reçoit de plus en plus
de très sérieuses nuances de la part tant du législateur que des tribunaux. Bon gré, mal gré
apparemment, on a dû prendre conscience des failles de la théorie de l’autonomie de la
volonté qui – et cela n’est guère étonnant – n’a pas pu permettre d’éviter toutes velléités
d’injustices souvent flagrantes. Très vite en effet, on s’est rendu compte que « la liberté
contractuelle ne réalise nécessairement pas la justice et…(que) la règle morale n’est pas
toujours respectée dans la convention librement formée ».
Ainsi, le législateur a dû multiplier depuis 1804 les hypothèses de consécration et de
rectification de la lésion, alors que, de manière quasi prétorienne, la jurisprudence allait
pratiquement généraliser le domaine de celle-ci en posant l’exigence d’un prix réel et
sérieux.
Puisque la lésion est généralement examinée dans le cadre de la vente immobilière, voyons
cette situation, à laquelle on peut rapprocher la situation de vileté du prix.
Par dérogation au principe posé par l’article 1118 du Code civil (rappr. article 1313 du même
Code), l’article 1674 du Code civil dispose que « si le vendeur a été lésé de plus des sept
douzièmes dans le prix d’un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente,
quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette
rescision, et qu’il aurait déclaré donner la plus-value ».
Il résulte des article 1674 et s. du Code civil que la mise en œuvre de la rescision suppose la
réunion de plusieurs conditions, à commencer par la caractérisation d’une vente immobilière
(même si toutes les ventes immobilières ne seront pas couvertes). En réalité, cette condition
se dédouble puisqu’il faut, d’une part, un contrat de vente et, d’autre part, que ce contrat ait
pour objet un immeuble.
Sont ainsi exclues du domaine de la lésion les contrats proches de la vente – parce que
translatifs de propriété – mais qui ont une nature juridique différente. C’est d’abord le cas de
l’échange (article 1706 du Code civil), puis celui de la donation déguisée, de l’apport d’un
immeuble à une société, même si la contrepartie est constituée, outre par des droits
d’associé, par une somme d’argent. Le crédit-bail immobilier est aussi exclu, bien qu’il
prévoie, au terme de la période de location, la vente au profit du crédit-preneur pour un prix
inférieur à la moitié de la valeur de l’immeuble.
En revanche, bien que la dation en paiement ne soit pas une vente, la jurisprudence la
soumet par analogie à la lésion quand elle a pour objet un immeuble, en raison des points
communs qui rapprochent ces deux conventions.
Les ventes mobilières sont exclues du champ des articles 1674 et s. du Code civil, ce qui
s’explique entre autres, par l’application du vieil adage « res mobilis res vilis ». C’est ainsi le
cas des cessions de parts sociales, même d’une société civile immobilière d’attribution
(donnant droit à l’attribution d’un immeuble), puisque la vente ne porte pas sur l’immeuble
lui-même, mais sur des parts sociales, lesquelles sont des meubles par nature
conformément à l’article 529 du Code civil. Sont aussi écartées les ventes de meubles par
anticipation, étant donné que même si ces derniers sont encore immobiliers lors de la vente,
les parties ont convenu par avance de les traiter comme les meubles qu’ils sont appelés à
devenir dans un avenir proche : n’est pas alors rescindable pour cause de lésion la vente
d’une maison pour la démolir, en ce qu’elle est considérée comme une vente mobilière.
L’exclusion des ventes mobilières peut parfois poser quelques incertitudes, notamment
lorsque la vente porte à la fois sur des meubles et sur des immeubles moyennant un prix
unique. Dans ce cas, la possibilité ou non de rescinder le contrat dépendra de l’importance
de la partie du prix correspondant au coût de l’immeuble, laquelle sera déterminée par
ventilation.
Si le principe veut que la vente soit susceptible d’être rescindée pour cause de lésion, quels
que soient l’immeuble objet de la cession (immeuble par nature, immeuble par destination,
immeuble à construire) ou la nature du droit immobilier (servitude de passage, usufruit), il y a
des cas particuliers dans lesquels ce principe ne joue plus.
Une première exception concerne les ventes aléatoires (cf. article 1964 du Code civil),
lesquelles ne sont donc pas susceptibles d’être remises en question pour cause prétendue
de lésion, étant donné que « l’aléa chasse la lésion ». Par là, la jurisprudence vise surtout les
ventes faites moyennant le service d’une rente viagère au profit du cédant ou encore les
ventes faites sous réserve d’usufruit. Cela dit, lorsque les circonstances permettent plus ou
moins de déterminer la valeur des prestations réciproques au moment de la vente, la
rescision redevient possible faute d’aléa réel. Par exemple, ce sera le cas lorsque le prix
d’une nue-propriété est fixé en capital dans le contrat de vente, puis converti immédiatement
en rente viagère avec faculté pour l’acquéreur de se libérer par le versement d’un capital
destiné à assurer le service de cette rente. Ce sera aussi le cas lorsque la valeur de la
prestation viagère ou de l’usufruit est modique ou lorsque, en raison de l’imminence du
décès du vendeur révélée par son âge très avancé ou par son état de santé trop fragilisé,
l’acheteur ne court aucun risque, etc. Sous réserve donc d’établir que l’acte n’est pas
réellement aléatoire, le vendeur peut faire rescinder le contrat.
En plus des ventes aléatoires, la loi exclut du domaine de la rescision pour lésion « toutes
ventes qui, d’après la loi, ne peuvent être faites que d’autorité de justice » (article 1684 du
Code civil). En effet, l’on considère que le contrôle judiciaire entourant de telles ventes
permet de parvenir autant que possible au « juste prix ». Par ces « ventes judiciaires », on
devrait entendre en principe, selon la lettre du texte, seules les ventes impérativement
soumises à l’autorité de justice, c’est-à-dire qui, d’un côté, ne peuvent être conclues qu’après
une autorisation judiciaire, et qui, d’autre part, doivent se dérouler aux enchères publiques.
Une autre exception à la possibilité de rescision des ventes immobilières est relative les
ventes consécutives à une expropriation. L’annulation redevient néanmoins possible
lorsque la vente se réalise à l’amiable au cours de la procédure d’expropriation.
B- Une « læsio enormis » de plus des sept douzièmes subie par le vendeur
La protection contre la lésion est réservée par les textes au seul vendeur ou à ses
représentants (articles 1674 et 1683 du Code civil), cette restriction trouvant ses justifications
dans l’histoire, notamment dans l’effondrement des assignats qui avait ruiné les
propriétaires.
En outre, l’action en rescision est assujettie à une condition particulière de fond, à savoir
celle d’un déséquilibre substantiel au détriment du vendeur, à savoir une lésion (appréciée
au moment de la vente) excédant les sept douzièmes du « juste prix ». On est ainsi très
proche de la læsio enormis romaine et de la lésion d’outre moitié de l’Ancien droit. Pour
déterminer cette proportion, une procédure particulière est prévue par les articles 1678 à
1680 du Code civil, ce qui suppose que soient invoqués des faits « assez vraisemblables et
assez graves pour faire présumer la lésion » (article 1677), laquelle disproportion est
appréciée suivant l’état et la valeur de l’immeuble au moment de la vente (article 1675, al.
1er).
Rescision. Lorsque toutes les conditions sont réunies – et à supposer qu’il n’y ait pas eu
animus donandi ou renonciation valable du vendeur à se prévaloir de la lésion (V. infra) –,
l’action devra normalement aboutir à la rescision du contrat, c’est-à-dire à une forme de
nullité relative opérant alors rétroactivement. Il se produit un retour au statu quo ante par la
technique du « contrat synallagmatique renversé » : le vendeur rembourse le prix perçu à
l’acheteur qui lui restitue le bien.
Rachat de la lésion par l'acheteur. L’article 1681 a prévu une possibilité de sauvetage du
contrat en permettant à l’acheteur d’éviter la rescision en offrant de verser au vendeur le
« supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total ». Cette déduction
s’expliquerait d’abord par une raison « mathématique », à savoir l’incidence des incertitudes
attachées aux opérations d’évaluation, puis par une raison « morale », en l’occurrence l’idée
que l’acheteur aurait pu tirer cet avantage d’une négociation tout à fait correcte et loyale.
Notions. Au prix « dérisoire » dont on convient que c’est celui qui est totalement
disproportionné au point de n’avoir aucun rapport avec la valeur effective de la chose, on
assimile fréquemment le prix dit « vil ». Pourtant, en rigueur des termes, il faudrait bien
distinguer ces deux notions. En effet, le terme « dérisoire » désigne celui qui est
quantitativement insignifiant et juridiquement insuffisant. Quant au prix « vil », il n’est plus
question de l’assimiler au prix inexistant, car le prix vil est bel et bien considéré comme réel,
même s’il est manifestement inférieur à la valeur de la chose. Mais, en dépit de ces nuances
terminologiques certaines, les prix dérisoire et vil sont tous les deux logés à la même
enseigne, celle du prix non sérieux que la jurisprudence sanctionne, hormis les hypothèses
où l’intention libérale est avérée ou encore lorsque le contrat est aléatoire, par la nullité
absolue voire par l’inexistence.
La vente est un contrat synallagmatique dont l’effet principal et normalement automatique est
le transfert de la propriété et des risques (Chapitre 1). Elle impose des obligations
proprement dites au vendeur (Chapitre 2) et, corrélativement, à l’acheteur (Chapitre 3).
Chapitre 1- Le transfert de la propriété et des risques
S’agissant des corps certains mobiliers ou immobiliers (auxquels on assimile les ventes en
bloc comme, par exemple, la vente de tout un stock), le principe en droit français est le
transfert de plein droit et immédiat de la propriété à l’acquéreur, du seul fait de la formation
de la vente. Peu importe que la chose n’ait pas encore été livrée, ni le prix payé, comme le
précisent expressément l’art. 1583 C. civ. : « elle (la vente) est parfaite entre les parties, et la
propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la
chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
Ce texte spécial ne fait d’ailleurs qu’appliquer au contrat de vente (comme l’article 938 pour
la donation) le principe général énoncé à l’art. 1138, al. 1er, du même Code : « l’obligation de
livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes », solo
consensu.
2°) Transfert retardé de la propriété s’agissant des choses de genre ou des choses
futures
Le principe du transfert solo consensu est exclu dans certaines hypothèses dans lesquelles
la nature des choses vendues implique un retard du transfert.
C’est d’abord le cas lorsque la vente porte sur des choses de genre : selon l’article 1585
(indirectement), le transfert de propriété est lié à leur individualisation par pesage, mesurage
ou comptage (tant qu’on ne sait pas quelles choses sont précisément vendues, aucun
transfert ne peut s’opérer faute d’assiette).
C’est ensuite le cas lorsque la vente porte sur des choses futures.
Il est ainsi traditionnellement admis que la propriété d’un meuble à fabriquer n’est acquise à
l’acheteur que lors de l’achèvement de la fabrication par le vendeur, sans qu’il soit besoin
d’en attendre la délivrance effective, à moins que telle ait été l’intention des parties. En effet,
même si une chose future peut parfaitement être l’objet d’une obligation (art. 1130, al. 1er, C.
civ.), il n’en reste pas moins que le transfert de la propriété d’une telle chose n’est
concevable et faisable que si sa fabrication est achevée.. Or, tant que la confection n’a pas
abouti, il n’y a pas de « chose » vendue, mais un simple « commencement de chose »,
même si le contrat est, lui, déjà formé. Mais une fois la chose venue à existence, le transfert
de propriété ainsi devenu possible doit, en principe, avoir lieu dès cet instant-là, sauf si les
parties ont convenu de le repousser à une date ultérieure (jour de la livraison par exemple).
Lorsque la vente d’immeuble à construire se présente sous la forme d’une vente à terme, le
transfert de propriété et le paiement du prix n’ont lieu qu’au jour de l’achèvement de
l’immeuble (au sens de l’article R. 261-1 CCH).
En revanche, lorsque la vente d’immeuble à construire se présente sous la forme d’une
vente en l’état futur d’achèvement, le transfert des droits sur le sol (droit de propriété, mais
aussi tous les droits temporaires conférés par des contrats comme le bail à construction…)
et celui de la propriété des constructions existantes (quel que soit l’état de leur avancement)
au moment de la vente s’opèrent immédiatement à la conclusion du contrat. Quant aux
constructions à venir, le transfert de leur propriété à l’acquéreur s’opère progressivement, au
fur et à mesure de l’achèvement des travaux, par accession à l’immeuble.
Remarque : s’agissant de la vente en libre-service, la jurisprudence de la chambre criminelle
conduit à retarder le transfert de la propriété (et des risques) jusqu’au moment du paiement,
cela dans le but de pouvoir qualifier de voleur celui qui passe la caisse en dissimulant son
achat (Crim., 30 mai 1958, D. 1958, p. 513, note R. P.).
Le principe de l’art. 1583 C. civ. n’est pas d’ordre public, mais supplétif. Ainsi, il est possible
d’apporter, notamment dans les ventes mobilières, des dérogations conventionnelles à la
règle du transfert solo consensu de la propriété. Les aménagements conventionnels du
transfert de propriété sont assez fréquents dans les contrats d’affaires, du fait notamment du
développement du crédit et de la multiplication quasi exponentielle des procédures de faillite.
Remarque. Ne jouissant d’aucune absoluité, le principe souffre même, à l’époque
contemporaine, plusieurs exceptions légales tellement nombreuses que l’on en est venu à se
demander s’il ne faudrait pas, comme dans d’éminents systèmes juridiques étrangers,
« retarder le transfert de propriété ». Loin d’être une gratuite « provocation faite aux
juristes », l’interrogation a été jugée pertinente parce qu’il existerait de « bonnes raisons »
pour « remplacer l’art. 1583 C. civ. (vente formée lors de l’échange des consentements) par
un transfert de la propriété ‘‘lorsque le prix est payé’’ ».
Le terme désigne un événement futur qui arrivera nécessairement, soit à une date d’ores et
déjà connue (terme certain), soit à une date qui ne peut encore être connue (terme incertain,
l’incertitude en question affectant la seule date de survenance de l’événement). Cet
événement futur peut notamment être pris comme point de départ de l’exigibilité (et non de la
naissance) de tout ou partie des obligations nées du contrat. On parle alors de terme
suspensif, mécanisme qu’il appartient aux parties d’activer si elles souhaitent échapper à la
règle d’applicabilité immédiate du contrat ou d’exigibilité instantanée des effets qu’il génère.
On peut assortir d’un terme suspensif le transfert de propriété, et ce même si le prix est payé
comptant. Ce procédé est couramment employé dans les ventes immobilières, lorsque le
« compromis » (promesse synallagmatique de vente valant vente), par une clause de
réitération, reporte le transfert de propriété à la signature de l’acte notarié (voir supra).
La clause de réserve de propriété est celle par laquelle le vendeur, tout en livrant la chose,
en retient la propriété jusqu’à complet paiement du prix, ce qui suppose que ce paiement ne
soit pas comptant, mais au contraire différé ou échelonné.
En présence d’une telle clause, valable en elle-même, le transfert de propriété ne s’opère
pas immédiatement, mais seulement au jour du paiement intégral du prix. Son but est de
protéger efficacement le vendeur contre une éventuelle insolvabilité ou faillite de l’acheteur,
en lui permettant de reprendre, le cas échéant, la chose qui est restée dans son patrimoine.
L’efficacité pratique du procédé suppose néanmoins que la chose vendue ait conservé son
individualité, sans préjudice des contraintes particulières posées par la loi lorsque l’acheteur
est sous le coup d’une procédure collective de redressement ou de liquidation judiciaire.
Les clauses avançant le transfert de propriété sont beaucoup plus rares puisqu’elle
supposent que le transfert de plein droit ne s’effectue qu’après la vente, seul cas où il peut
être avancé. Ces clauses sont fréquentes dans les contrats de vente de navires à construire
où le transfert de propriété n’a lieu, en principe, qu’à l’achèvement de la fabrication. Mais,
dans le but de protéger l’acquéreur contre une éventuelle faillite du chantier naval (en lui
permettant, par exemple, de prendre des mesures conservatoires), la loi permet la stipulation
d’une clause avançant le transfert de propriété à une date antérieure à l’achèvement de la
fabrication (art. 6 de la loi du 3 janvier 1967).
La mise en demeure de livrer que l’acheteur fait au vendeur met, en principe, les risques à la
charge de ce dernier (articles 1138, al. 2 ; 1302, al. 1).
Le transfert des risques est dissocié de la date de conclusion du contrat, chaque fois qu’est
retardé le transfert de propriété : vente de choses de genre (sauf ventes en bloc), clause de
réserve de propriété.
Le vendeur supporte les risques s’il accepte de reprendre la marchandise qui ne convient
pas à l’acheteur.
Quoique devenu propriétaire, l’acquéreur d’un immeuble à construire n’a pas la charge des
risques, justement parce qu’il n’assure pas la maîtrise de l’ouvrage. Le vendeur ayant cette
qualité, il supporte les risques de l’opération, par une application implicite de l’adage res perit
debitori, jusqu’à la livraison ou, du moins, jusqu’au jour où l’acquéreur aura été mis en
demeure de prendre livraison.
Dans les ventes internationales, on dissocie très souvent le moment de transfert de propriété
(réalisé par l’échange des consentements) de celui du transfert des risques (réalisé par la
livraison effective de la marchandise). Ainsi, la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur
les contrats de vente internationale de marchandises lie le transfert des risques à la
délivrance (art. 67).
Chapitre 2- Les obligations du vendeur
Aux termes de l’article 1603 du Code civil, « il (le vendeur) a deux obligations principales,
celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend ».
Cette formule laisse supposer qu’en dehors des obligations de délivrance et de garantie, le
vendeur peut être tenu par des obligations accessoires. Le Code civil en énumère une en
prévoyant que si la livraison de la chose n’intervient pas immédiatement après la conclusion
de la vente, le vendeur, comme tout débiteur d’une obligation de donner, doit en assurer la
conservation (art. 1136 et, implicitement, 1614).
La jurisprudence et des textes postérieurs au Code civil ont ajouté des obligations
complémentaires à la charge notamment des professionnels : obligations de renseignement
et de conseil, obligation de sécurité…
Enfin, les parties ont toute liberté pour ajouter aux obligations légales les obligations les plus
diverses : par exemple, le vendeur peut s’engager à installer le matériel vendu ou à former le
personnel de l’acheteur s’il s’agit de biens d’équipement de haute technologie.
La délivrance de la chose vendue constitue, cela va sans dire, une obligation essentielle à la
charge du fournisseur. C’est une notion dont l’entendement n’est pas le même dans le
langage juridique et dans le langage courant, et l’ambiguïté est accentuée par la définition
assez maladroite qu’en donne l’article 1604 du Code civil (d’après ce texte, « la délivrance
est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur »). Cela dit,
l’on s’accorde habituellement à considérer que la délivrance consiste pour le vendeur à
mettre matériellement la chose vendue à la disposition de l’acheteur afin qu’il puisse en
prendre livraison et en jouir à son gré.
La délivrance prend des formes diverses selon la nature du bien vendu, l’idée générale étant
que l’acheteur doit être mis en mesure de prendre possession du bien. Le Code civil fournit
quelques précisions indicatives.
Pour les immeubles, la délivrance se fait par la remise des titres de propriété et
éventuellement des clefs (la remise des titres suffit puisqu’elle permet d’obtenir les clefs) (art.
1605).
Pour les meubles corporels, la délivrance se fait par la remise matérielle (tradition) ou par la
fourniture d’un moyen d’accès au lieu où ils se trouvent (art. 1606).
Pour les biens incorporels (créances, droits sociaux, droits de brevet ou de marque…), la
délivrance se fait par la remise des titres qui permettraient à l’acquéreur d’effectuer les actes
de publicité éventuellement nécessaires.
B- Le lieu de délivrance
Le lieu de délivrance est, en principe, celui où se trouvait la chose lors de la vente (art. 1609
du Code civil), puisque c’est à partir de ce moment que l’acquéreur est devenu propriétaire,
ce qui explique qu’il appartienne normalement à celui-ci de la retirer et de payer le port dans
les ventes à distance. S’il s’agit de choses de genre, le lieu de délivrance est celui de leur
individualisation. Dans les cas où la délivrance s’effectue par une remise de titres, c’est au
domicile du vendeur que cette remise doit avoir lieu.
Il convient toutefois de noter que ces règles ne sont que supplétives et que, partant, elles
peuvent être écartées par des clauses contraires : ainsi, en cas de vente à livrer ou de
clause franco, la prise en charge de la livraison pesant sur le vendeur.
Remarque : la Convention de Vienne sur la VIM prévoit trois solutions pour déterminer le
lieu de délivrance (art. 31 a, b et c) :
si la marchandise fait l’objet d’un transport, le lieu de délivrance est celui de la remise
de la marchandise au premier transporteur pour transmission à l’acquéreur ;
si l’acheteur veut prendre livraison de la marchandise et si au moment de la
conclusion du contrat les parties connaissaient le lieu de situation, de fabrication ou de
production de celle-ci, c’est à cet endroit que la marchandise est mise à la disposition de
l’acheteur ;
dans les autres cas, les marchandises sont à la disposition de l’acheteur là où le
vendeur a son établissement lors de la conclusion du contrat.
C- La date de délivrance
A- La chose convenue
Par la condition d’identité, l’on entend que la délivrance doit porter très exactement sur la
chose vendue, telle que définie au contrat. Le vendeur doit délivrer cette chose dans son
identité même, et ne peut effectuer une substitution quand bien même ce remplacement ne
paraîtrait pas dommageable.
Cette règle vaut évidemment pour les ventes de corps certains. Mais, même pour les choses
de genre, celles qui sont délivrées doivent avoir les mêmes caractéristiques, la même
origine, être du même type, de la même marque, de la même quantité que celles qui ont été
commandées.
Remarque : pour les ventes immobilières, tout un ensemble de précisions sur la contenance
sont exigées par les articles 1616 et suivants du Code civil. De même, depuis la loi
« Carrez » du 18 décembre 1996, toute vente d’un lot de copropriété doit indiquer la
superficie, à peine de nullité (à demander pat l’acquéreur dans le délai d’un mois). Si un
excès de superficie ne donne droit à aucun supplément de prix, un manquant de plus d’un
vingtième ouvre à l’acheteur pendant un an une action en réduction proportionnelle du prix
(art. 46 nouveau de la loi du 10 juillet 1967).
a) La notion de conformité
La délivrance doit porter sur la chose vendue, telle que celle-ci a été définie par les parties.
Le vendeur est donc tenu de délivrer une chose rigoureusement conforme aux prévisions
contractuelles, avec ses divers accessoires (V. infra). Il s’agit là d’une conformité matérielle
ou objective de la chose à laquelle doit s’ajouter une conformité fonctionnelle ou subjective
en ce sens que le bien délivré doit également être adapté ou apte à sa destination (usage
pour lequel il a été acheté).
Pour faire la part des choses entre le vice caché et la non-conformité, une distinction d’ordre
chronologique a pu être proposée sans succès, au profit d’une distinction d’ordre
« individualiste » : le vice caché suppose que la chose livrée soit matériellement conforme à
la commande, mais qu’elle soit atteinte d’un défaut qui la rend impropre à sa destination
normale, entendue comme son usage habituel ou son utilité standard ou générique. En
revanche, la non-conformité implique que la chose livrée soit sans défaut, tout en étant
matériellement différente de la commande qui contenait des spécifications précises rendant
l’usage de la chose spécial, inhabituel, exceptionnel, sur mesure...
La délivrance doit porter sur la chose vendue avec ses divers accessoires, matériels comme
juridiques : par exemple, les objets nécessaires ou opportuns à l’utilisation de la chose
comme, par exemple, un éventuel dispositif de sécurité d’un engin ; documents privés ou
administratifs susceptibles d’accompagner ou de permettre l’utilisation du bien selon sa
nature comme un titre de propriété, un certificat de garantie, un mode d’emploi, des
documents douaniers, une carte grise, etc. (l’on remarquera, de ce dernier point de vue, le
chevauchement existant entre l’obligation de délivrance et celle d’information).
En cas de contestation, c’est au vendeur de prouver qu’il a mis le bien vendu à la disposition
de l’acheteur. L’obligation de délivrance est, en règle ordinaire, analysée comme une
obligation de résultat de sorte que seule la preuve de l’existence d’une cause étrangère
pourrait décharger le vendeur défaillant de sa responsabilité. De la sorte, l’acheteur auquel
la chose n’a pas été délivrée n’aura pas, le cas échéant, à prouver la faute du fournisseur
pour engager sa responsabilité.
En revanche, une fois la délivrance établie, c’est à l’acquéreur qu’il incombera, s’il y a lieu,
de prouver un défaut de conformité, car on est en présence d’une obligation de moyens.
Ainsi, s’agissant de la capacité d’une chose acquise – ou louée – à satisfaire les besoins de
l’utilisateur, l’on dit volontiers qu’il ne s’agit pas d’une obligation de résultat.
L’obligation de délivrance est, en règle ordinaire, analysée comme une obligation de résultat
de sorte que seule la preuve de l’existence d’une cause étrangère pourrait décharger le
vendeur défaillant de sa responsabilité (voir infra). De la sorte, l’acheteur auquel la chose n’a
pas été délivrée n’aura pas, le cas échéant, à prouver la faute du vendeur pour engager sa
responsabilité.
A supposer le défaut de délivrance conforme établi, le créancier se voit reconnaître diverses
voies de droit contre le vendeur défaillant.
L’acheteur qui n’a pas encore payé l’intégralité du prix peut, au regard du caractère
synallagmatique du contrat de fourniture, opposer l’exception d’inexécution au débiteur
ayant failli à son obligation exigible de délivrer une chose conforme. C’est une simple
mesure provisoire car elle n’entraîne que la suspension du contrat, de sorte que sitôt une
chose conforme sera délivrée par le fournisseur, l’acquéreur devra immédiatement payer le
prix.
L’exception d’inexécution peut être rapprochée d’une autre solution, celle du « laissé pour
compte » par laquelle, au cas de non-conformité, l’acheteur d’une chose refuse d’en prendre
livraison et demande au vendeur de la lui échanger contre une autre bien conforme.
L’acheteur peut aussi demander la résolution du contrat pour inexécution, c’est-à-dire son
anéantissement rétroactif qui entraîne des restitutions réciproques : le fournisseur ayant livré
une chose non conforme devra la reprendre et rembourser à l’acquéreur le prix perçu.
Enfin, dans les ventes commerciales, lorsque la délivrance est seulement défectueuse (en
quantité ou en qualité), la jurisprudence permet à l’acheteur de demander une réduction du
prix, c'
est-à-dire ce que l’on appelle une réfaction du contrat. Cette modalité est d’ailleurs
prévue par la loi dans le cas particulier de la délivrance d’un immeuble à contenance
minorée (art. 1616 et suiv. du Code civil).
L’action contractuelle en indemnisation est transmissible avec la chose, dont elle forme
l’accessoire, dans la mesure où le sous-acquéreur souffre de la défaillance initiale. Il en
résulte que le recours contre le vendeur originel ne pourra pas être soumis aux règles de la
responsabilité civile délictuelle. En outre, lorsqu’un fournisseur-revendeur est condamné en
réparation pour délivrance d’une chose non conforme, par exemple parce que la capacité
promise n’est pas atteinte, il dispose d’une action récursoire en garantie contre son propre
fournisseur.
NB: par une loi du 9 décembre 2004, la transposition de la directive du 25 mai 1999 « sur
certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation » a été faite dans
le Code de la consommation.
Littéralement, l’éviction consiste à chasser, à mettre dehors. Ainsi, l’acheteur évincé est celui
qui est « chassé » du bénéfice de la chose acquise, qui est privé de sa possession paisible,
qui est privé de ses droits sur la chose.
L’éviction peut prendre plusieurs formes selon son étendue, sa nature juridique ou son
auteur :
Selon l’étendue ou la portée de l’éviction, une première distinction est faite entre l’éviction
totale et l’éviction partielle. Il y a éviction totale si l’acquéreur est dépouillé de tout droit sur la
chose achetée. Il y a éviction partielle si l’acheteur n’est dépouillé que de certains
avantages : c’est ainsi la cas, par exemple, lorsqu’il doit supporter certaines charges qui
n’avaient pas été déclarées (servitudes au profit de tiers, occupation par des locataires, etc.).
Selon la nature juridique de l’éviction, une deuxième distinction est faite entre l’éviction de
droit et l’éviction de fait. Il y a éviction de droit si la privation (dépouillage) de l’acheteur
provient de l’exercice par un tiers d’un droit (revendication, exercice d’une servitude, etc.). Il
y a éviction de fait si l’acheteur subit des atteintes purement matérielles (vol, dégradation,
etc.).
Selon l’auteur de l’éviction, une troisième distinction est faite entre l’éviction émanant du
vendeur lui-même, qui trouble son acheteur, et l’éviction par des tiers qui portent atteinte aux
droits de cet acheteur.
Pour protéger l’acquéreur contre ces perturbations, l’article 1625 et les articles 1626 et
suivants mettent à la charge du vendeur une obligation de garantie contre l’éviction de son
cocontractant. Cette garantie, encore appelée garantie de la possession paisible, qui peut
être invoquée indépendamment de toute éviction, consiste pour le vendeur à protéger
l’acheteur contre les troubles qui sont apportés à sa possession. Comme ces troubles
proviennent soit du vendeur lui-même, soit des tiers, on distingue la garantie du fait
personnel et la garantie du fait des tiers.
Au titre de la garantie, le premier devoir qui pèse sur le vendeur est de s’abstenir de porter
atteinte par son fait personnel au droit qu’il a transmis à l’acheteur. Selon l’adage, « qui doit
garantie ne peut évincer », ce qui est une règle d’évidence qui découle de l’économie même
de la vente : le vendeur ne saurait reprendre, par une voie détournée, le profit de ce qu’il a
vendu à l’acheteur. La règle de garantie du fait personnel est expressément consacrée par
l’article 1628 du Code civil.
La garantie couvre tous les troubles émanant du vendeur, aussi bien les troubles de droit
que les troubles de fait.
Le trouble de droit suppose que le vendeur prétende à un droit sur la chose vendue, qu’il
s’agisse d’un droit réel (droit de propriété, servitude, etc.) ou d’un droit personnel (bail par
exemple). La garantie de droit due par le vendeur de son fait personnel signifie qu’il s’interdit
de contester le droit qu’il a transmis à l’acquéreur. Cela dit, la garantie du fait personnel
n’interdit pas au vendeur de remettre en cause la vente, si elle irrégulière ou inexécutée par
l’acheteur, par une action en nullité (vice du consentement) ou en résolution. De même, la
garantie du fait personnel n’interdit pas au vendeur de discuter la portée exacte de la vente,
notamment dans le cas où il n’a vendu qu’une partie du bien ou s’est réservé un droit sur le
bien au moment de la vente (par exemple un vendeur qui se réserve un droit de passage sur
le terrain vendu).
Le trouble de fait désigne tout acte ou fait de nature à perturber l’acheteur dans la
jouissance du bien vendu. L’illustration principale (mais non exclusive) concerne la vente de
fonds de commerce : le vendeur de fonds de commerce qui, en se réinstallant à proximité de
son ancien fonds vendu, fait une concurrence déloyale à l’acquéreur en détournant la
clientèle du fonds cédé. La garantie du fait personnel du vendeur lui impose de s’abstenir de
tout acte de nature à troubler l’acheteur dans la jouissance du bien vendu.
Caractère indivisible. Comme toute obligation de ne pas faire, la garantie du fait personnel
est indivisible. Ainsi, lorsqu’il y a plusieurs héritiers, chacun serait tenu pour le tout.
Caractère impératif ou d’ordre public. Selon l’article 1628 du Code civil, toute clause
libérant le vendeur de son obligation de garantie du fait personnel serait nulle car l’acheteur
serait à la merci de l’arbitraire du vendeur. Il s’agit là d’une application de l’idée générale
selon laquelle est nulle toute clause vidant un contrat d’une de ses obligations principales.
Le régime de la garantie d’éviction du fait de tierces personnes est moins rigoureux que celui
de la garantie du fait personnel. Toutefois, cette garantie n’en existe pas moins même s’il est
cantonné dans un domaine précis et soumis à des conditions déterminées pour produire ses
effets.
Troubles de droit seulement. En premier lieu, la garantie n’est due que pour les troubles
de droit émanant de tiers, troubles que le vendeur est, s’il y a lieu, censé connaître. Ces
troubles existent d’abord lorsqu’un tiers conteste le droit de propriété de l’acheteur (ainsi en
cas de vente de la chose d’autrui), et l’on parle de garantie d’éviction au sens strict. Ces
troubles existent ensuite lorsque l’acheteur découvre des charges non déclarées dont l’effet
est seulement d’entraver la jouissance de la chose (usufruit, servitude, droit au bail au profit
de tiers), et l’on parle spécialement de garantie des charges non déclarées (parce qu’elles
sont rattachées par le Code civil à la garantie d’éviction, celles-ci ne constituent pas des
vices cachés au sens des articles 1641 et suivants).
En revanche, les troubles de fait émanant de tiers (vol, dégradations, détournement par
exemple) ne sont pas couverts par la garantie du vendeur. Ce dernier n’est pas ici tenu de
prendre fait et cause pour l’acheteur qui, devenu propriétaire, doit lui-même assurer la
défense de son bien et de ses droits contre les perturbations purement factuelles émanant
de tiers.
Troubles dont la cause juridique est antérieure à la vente (faute du vendeur). L’origine
du trouble de droit dont est victime l’acheteur se situe, en principe, antérieurement à la
vente. En effet, si l’acheteur laisse lui-même se créer un droit contraire au sien après la
vente (par exemple en laissant un tiers usucaper), il ne pourrait prétendre mettre en jeu la
garantie du vendeur. Il en va de même lorsque l’acheteur subit un droit postérieur tel qu’une
confiscation ou une expropriation par l’autorité publique.
Cela dit, il arrive que le vendeur doive garantie pour des troubles de droit dont l’origine est
postérieure à la vente. C’est d’abord le cas lorsque le droit du tiers, quoique né après la
vente, trouve sa source dans un événement antérieur à cette vente : par exemple, si le bien
vendu fait l’objet d’une confiscation après la vente mais pour des raisons antérieures, de
sorte que le bien était déjà grevé en germe). C’est ensuite le cas lorsque le droit du tiers,
bien que né postérieurement à la vente, procède du vendeur lui-même : par exemple,
lorsque le vendeur a revendu le bien à un second acquéreur devenu prioritaire pour des
raisons de publicité (foncière notamment) ou parce que mis en possession le premier (en
matière mobilière). Il convient toutefois de dire que, dans ce dernier cas, l’on se trouve plus
dans le cadre de la garantie du fait personnel (voir supra) que dans celui du fait d’un tiers.
Absence d’aléa. La garantie du fait des tiers est totalement exclue lorsque l’acheteur
connaissait le risque d’éviction (acceptation d’un aléa) ou a expressément déclaré le prendre
en charge en achetant à ses risques et périls (art. 1629 du Code civil). Dans ces cas, la
vente prend un caractère aléatoire qui « chasse la garantie » : c’est, par exemple, le cas en
présence d’une cession globale à forfait d’une entreprise « en faillite ». Néanmoins, le jeu
d’une telle cause d’exclusion de la garantie suppose que les deux parties aient été
clairement et également informées, d’où son inefficacité en présence d’un vendeur de
mauvaise foi (laquelle a tendance à être présumée, au rebours de ce que dicte l’article 2268
du Code civil, en présence d’un vendeur professionnel tel qu’un promoteur-vendeur
immobilier).
Qualité pour agir. L’action est reconnue à l’acheteur contre son vendeur direct, mais l’on
admet que la même action peut aussi être exercée par un sous-acquéreur (lequel exerce
l’action de son propre vendeur, ce qui signifie qu’il ne peut obtenir restitution que du prix de
la première vente et non celui de la revente, sauf à compléter par des dommages-intérêts).
En outre, pour exercer l’action, l’acheteur doit être de bonne foi (voir supra : acceptation d’un
aléa ou d’une clause de non-garantie).
Modalités d’exercice de l’action en garant. L’acheteur dispose d’une option pour mettre
en œuvre la garantie du vendeur.
La première forme procédurale est celle d’un appel incident en garantie : l’acheteur appelle
au procès son vendeur après qu’il eut été lui-même principalement assigné en justice par le
tiers qui prétend à un droit sur la chose. On parle de garantie incidente parce qu’elle donne
lieu à un « incident » qui vient s’agréger sur le procès principal.
La deuxième forme procédurale est celle d’une action principale et indépendante en
garantie contre le vendeur : plutôt que d’appeler le vendeur en garantie incidente (voir
supra), l’acheteur peut préférer agir seul en garantie principale contre le vendeur après avoir
été (judiciairement ou amiablement) évincé ou menacé d’éviction par un tiers. L’action en
garantie principale est recevable (sauf si elle est prescrite, mais le délai ne court que de
l’éviction et non de la vente elle-même), mais l’acheteur court néanmoins un risque : si le
vendeur prouve qu’il disposait de moyens de défense qui lui auraient permis d’éviter
l’éviction, de sorte que la demande du tiers eût été rejetée, il n’est plus tenu à garantie (art.
1640 du Code civil).
Selon l’article 1939 du Code civil, le droit commun des obligations ne s’applique ici qu’en
l’absence de dispositions spéciales. Or, le code a prévu en la matière des règles
particulières qui sont différentes selon que l’éviction est totale ou partielle.
L’acquéreur qui subit une éviction partielle ou doit supporter des charges non déclarées
dispose d’une option :
Il peut demander la résolution de la vente (le Code civil parle malencontreusement
de « résiliation ») s’il établit que son consentement avait été déterminé par l’objet de
l’éviction, c'
est-à-dire qu’il n’aurait pas acheté compte tenu de l’éviction partielle ou des
charges.
Il peut demander une indemnité, qui équivaut à une diminution du prix.
Curieusement, cette indemnité est librement appréciée par le juge pour les charges non
déclarées (art. 1638), mais réglementée pour l’éviction partielle : ce n’est pas une fraction
proportionnelle du prix de vente, mais la valeur actuelle de la seule partie dont il est
évincé.
Héritée du droit romain, la garantie des vices cachés dans la vente trouve aujourd’hui son
siège dans les articles 1641 à 1649 du Code civil. Les bases de cette garantie légale sont
jetées par le premier de ces textes : « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts
cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui
diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné
qu’un moindre prix, s’il les avait connus ». A priori, ce texte semble viser deux catégories
distinctes de défauts cachés : d’une part, ceux rendant la chose vendue « impropre à l’usage
auquel on la destine » et, d’autre part, ceux diminuant tellement cet usage « que l’acheteur
ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».
Toutefois, la portée de cette formulation ne devrait pas être exagérée car, en réalité, le texte
n’exprimerait qu’une seule exigence, à savoir celle d’un vice nuisible à l’usage de la chose,
quel que soit le degré de cette nuisibilité (diminution ou suppression de l’utilité de la chose).
- Une première réside dans la nécessité d’un vice rendant la chose vendue « impropre à sa
destination normale » (cette précision « normale » a été apportée par la jurisprudence). En
d’autres termes, le défaut doit être suffisamment sérieux pour que l’usage habituel de la
chose en soit affecté et perturbé (un vice véniel ou n’atteignant que les qualités secondaires
ne serait pas pris en considération). L’on remarquera que, à la différence de la responsabilité
du fait des produits défectueux qui suppose un dommage procédant d’une atteinte à la
sécurité d’une personne ou d’un bien autre que le produit défectueux lui-même, la garantie
des vices cachés n’implique qu’une inadaptation de la chose à l’usage auquel on la destine
ou un dommage subi par cette chose en raison de son défaut (ex : grue incapable d’élever
quelque chose).
- La deuxième condition de fond réside dans le fait que le vice doit être occulte,
conformément aux art. 1641 (parlant de « défauts cachés ») et 1642 (qui exclut
expressément de l’empire de la garantie les « vices apparents (...) dont l’acheteur a pu se
convaincre lui-même »).
- Enfin, il faut, comme dernière condition de fond, un rattachement du vice à la chose
vendue, ce qui sous-entend que le vice doit, d’une part, être inhérent ou consubstantiel à la
chose vendue et, d’autre part, être antérieur ou concomitant à la conclusion du contrat.
D’abord, celui qui veut actionner la garantie des vices cachés doit avoir la qualité pour agir,
ce qui est le cas de l’acquéreur comme du sous-acquéreur de la chose qui dispose d’une
action directe de nature contractuelle.
Ensuite, le demandeur doit apporter une double preuve, celle de l’existence d’un vice
inhérent à la chose qui rend celle-ci impropre à son usage normal et celle de l’existence de
l’antériorité de ce vice à la vente. Cela, à charge pour le vendeur qui veut se libérer de
démontrer que le vice n’était pas caché, soit parce qu’il était apparent, soit parce qu’il était
connu de l’acheteur.
Enfin et surtout, le demandeur devait, jusqu’à une époque récente, exercer l’action en
garantie dans un « bref délai » dont le point de départ et la durée étaient laissés à
l’appréciation des juges du fond (six mois à un an environ à compter de la découverte
effective du vice généralement située à la date de reddition d’un rapport d’expertise). Cette
exigence – qualifiée d’ « archaïsme » – a été à la source d’une très vive controverse
puisqu’elle « empoisonn(ait) le débat judiciaire, en multipliant les procès [...] et les pourvois
malicieux ». Et c’est pour remédier à cela que l’ordonnance du 17 février 2005 est, entre
autres, intervenue. Désormais, le délai prévu par l’article 1648 est quantifié : il s’agit d’un
délai de deux ans (durée calquée sur celle retenue par la directive du 25 mai 1999 sur les
garanties dans la vente de biens de consommation) qui court à compter de la découverte du
vice par l’acquéreur (règle inspirée de la jurisprudence traditionnelle).
Une fois toutes ces conditions tant de fond que de procédure réunies, l’article 1644 dispose
que l’acheteur a le choix entre deux types de sanctions : la résolution du contrat par
l’exercice de l’action rédhibitoire ou la réduction proportionnelle du prix par l’exercice de
l’action estimatoire (parce que ces voies ne conviennent toujours pas à l’acquéreur, la
jurisprudence admet qu’il puisse obtenir du vendeur professionnel la remise en état ou le
remplacement de la chose).
Cela, sans préjudice des dommages-intérêts dus par le vendeur de mauvaise foi qui
connaissait l’existence du vice caché. A ce propos, notons que le vendeur professionnel,
qu’il soit fabricant ou simple revendeur, est irréfragablement présumé de mauvaise foi.
Toutefois, une certaine jurisprudence fait cesser la présomption entre cocontractants
professionnels de la même spécialité.
Pour terminer, notons qu’en matière de garantie des vices cachés, les clauses élusives ou
limitatives de responsabilité ne sont admises que très restrictivement puisqu’elles ne sont
efficaces que dans les rapports entre professionnels de la même spécialité (voir ci-dessous).
Les stipulations relatives à la garantie des vices cachés sont très fréquentes pour ne pas dire
systématiques dans les contrats de vente, tant en matière mobilière qu’immobilière (clauses
de style). Cette prolifération des clauses de garantie s’explique en premier lieu par la rigidité
de la garantie légale. En deuxième lieu, la garantie du Code civil (conçue pour des vices
d’une certaine gravité) n’est pas toujours adaptée à la vente contemporaine : dans les
contrats de consommation, ce qui intéresse l’acquéreur, c’est d’obtenir à l’amiable et très
rapidement la réparation ou le remplacement de la chose, vœu auquel répond la garantie
conventionnelle. En troisième lieu, des raisons commerciales conduisent à généraliser les
clauses de garantie.
Ces clauses peuvent être divisées en deux catégories : d’une part, celles qui étendent,
limitent ou excluent la garantie légale et, d’autre part, celles qui suivent un régime purement
conventionnel qui ne se réfère pas aux dispositions du Code civil.
Les clauses extensives sont naturellement valables bien très rares en pratique (on les
rencontre néanmoins dans certains secteurs de luxe, comme celui de la haute joaillerie, qui
bénéficient d’une garantie à vie de la part des fabricants).
Les clauses exonératoires ou exclusives sont plutôt fréquentes. Ainsi, dans les ventes
immobilières, les notaires ont tendance à faire de la clause de non-garantie des vices cachés
une clause de style ; dans les ventes d’objets d’occasion, il n’est pas rare que le vendeur se
décharge de toute obligation de garantie.
Mais le plus souvent, il y a seulement limitation (et non plus exclusion) de la garantie, la
clause restrictive énumérant, par exemple, les défauts pour lesquels la garantie est admise
ou restreindre les droits de l’acheteur en cas de découverte d’un vice (par exemple,
exclusion de toute indemnité pour seulement une remise en état ou un remplacement de la
chose viciée).
La validité de principe des clauses exclusives ou limitatives est certes posée par l’article
1643 du Code civil. Toutefois, ce principe comporte d’importantes exceptions.
Tout d’abord, un ensemble de textes plutôt récents obligent le vendeur à fournir à l' acquéreur
des informations, éventuellement certifiées par des organismes agréés, portant sur l' état de
l'immeuble et les risques qu' il peut présenter pour la santé ou la sécurité de ses occupants.
Les diagnostics techniques portent, notamment, sur l' amiante (article L. 1334-7 du Code de
la santé publique), le plomb ou saturnisme (article L. 1334-5 du Code de la santé publique),
les termites et autres insectes xylophages (article 8 de la loi n° 99-471 du 9 juin 1999), le gaz
naturel (article 17 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003), la performance énergétique (article
41-II de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004), les risques technologiques ou naturels
(article L. 125-5 du Code de l' environnement), etc. Ces textes qui protègent les acquéreurs
d’immeubles sanctionnent, pour la plupart, l’absence d’état annexé à l' acte en informant
l’acheteur (ou parfois le locataire) à cet égard dans les zones à risques par l’impossibilité
pour le vendeur de s’exonérer d’un tel vice caché.
En outre, le vendeur ne peut pas se prévaloir de telles clauses s’il connaissait les vices lors
de la vente, c' est-à-dire s’il est de mauvaise foi. Or, les vendeurs professionnels sont
présumés connaître les vices des choses qu’ils vendent, ils sont irréfragablement présumés
de mauvaise foi. Il s’ensuit que les clauses élusives ou limitatives de garantie ne sont
admises que très restrictivement et ne sont efficaces que dans les rapports entre
professionnels de la même spécialité (notion interprétée strictement : il faut que les
professionnels concernés aient une compétence technique comparable parce que leurs
activités sont proches). En revanche, ces clauses sont nulles et inefficaces lorsqu’elles sont
prévues dans des contrats de consommation ou dans les contrats conclus entre
professionnels de spécialité différente. Entre particuliers, les clauses sont valables mais
tombent devant la preuve (plus de présomption !) d’une mauvaise foi du vendeur.
Les conditions générales de vente sont des contrats-types qui, limitant la négociation du
contenu des contrats individuels ou particuliers, sont élaborés par les fabricants pour la
commercialisation de leurs produits fabriqués en série (inverse des conditions générales
d’achat). Et dans ces conditions générales, l’on trouve des stipulations consacrées aux
garanties. Celles-ci ne se limitent pas à étendre ou restreindre la garantie légale, puisqu’elles
établissent un ensemble cohérent qui établit un système de garantie assez éloigné du Code
civil. Ce système est, en effet, autonome par rapport à la garantie légale qui devient
subsidiaire, tout au moins en pratique.
L’acquéreur va y trouver un intérêt puisque le fabricant, relayé par tous les membres de son
réseau de distributeurs, va étendre la garantie légale en s’engageant à prendre en charge
tous les défauts. La garantie conventionnelle va alors jouer automatiquement sous la forme
d’un service-après-vente (le plus souvent fourni tant par le vendeur que par tous les
distributeurs de la marque), pour tous les vices qui apparaissent et qui sont dénoncés au
vendeur. Sont toutefois exclus les dysfonctionnements de la chose qui sont dus à une faute
de l’acheteur (comme, par exemple, un non-respect de la notice d’entretien) ou à une
réparation qui n’a pas été faite par un prestataire agréé.
Le fabricant trouve aussi un intérêt dans l’opération puisque la garantie n’est accordée que
pour une certaine durée (six mois, un an…) différente du délai biennal (ancien « bref délai »)
de l’article 1648 du Code civil. Ce délai de garantie joue, à la différence de celui de l’article
1648, à compter de la vente ou de la livraison. En outre, l’intérêt du vendeur se trouve dans
le fait que les droits de l’acheteur sont limités puisqu’il ne peut prétendre qu’à la remise en
état ou au remplacement de la chose viciée, sans pouvoir demander des dommages-
intérêts.
L’article 1614 du Code civil dispose que « la chose doit être délivrée dans l’état où elle se
trouve au moment de la vente ». Le moment de la vente est celui de la conclusion du contrat
si la chose est un corps certain ou celui de son individualisation s’il s’agit d’une chose de
genre ou enfin celui de son achèvement s’il s’agit d’une chose future.
Si la délivrance n’intervient pas à cet instant, le vendeur doit assurer la conservation de la
chose afin qu’elle soit remise à l’acheteur dans l’état voulu. Il est astreint à entretenir la
chose ou la faire entretenir, les frais exposés étant à la charge de l’acheteur.
Suivant l’article 1137 du Code civil, l’obligation de conservation « soumet celui qui en est
chargé à y apporter tous les soins d’un bon père de famille ». Elle apparaît comme une
obligation de moyens : l’acheteur qui veut mettre en cause la responsabilité du vendeur est
ainsi tenu de prouver que la dégradation ou la perte de la chose est due à son fait personnel.
Si la perte de la chose est due à un cas fortuit, c’est la théorie des risques qui s’applique. La
Convention de Vienne met à la charge du vendeur une obligation de conservation qui
s’analyse en une obligation de moyens.
La mise en garde (ou avertissement) est une information ou un conseil orienté de manière
négative dont l’objet est d’attirer l'
attention du cocontractant (éventuel) sur un aspect risqué
du contrat ou de la chose qui en fait l’objet : il s’agit de prévenir un risque de dommage ou
d’inefficacité en suscitant la vigilance de l’autre partie sur les précautions à prendre. Par
exemple, c’est au titre d’une obligation de mise en garde que le vendeur ou le loueur doit
informer l’acheteur ou le preneur des dangers liés à l’utilisation de la chose ou de l’inaptitude
de celle-ci à lui donner la satisfaction escomptée.
Remarque : Malgré cette différenciation théorique, il est, dans la pratique, très peu aisé de
distinguer l'
obligation de renseignement stricto sensu de l' obligation de conseil ou de mise en
garde. Il est, en effet, très difficile de déterminer le seuil ou niveau à partir duquel le devoir
d’informer céderait le pas au devoir de conseil ou à celui de mise en garde. De ce fait, et
même s’il est certaines décisions qui tentent, au moins implicitement, de bien faire le
distinguo, la jurisprudence, en les évoquant de manière interchangeable, ne sépare pas
vraiment ces diverses obligations qui constituent les différentes manifestations d’une
obligation unique et générale (désignée par le terme d’obligation d’information).
B- L’obligation d’information, une obligation contractuelle (quel que soit le moment de
son exigibilité ou de son exécution)
L’information au sens large (renseignement, conseil et mise en garde) peut être due non
seulement au moment des pourparlers ou de la formation du contrat (le but étant d’éclairer
l’éventuel client sur l’opportunité et les conditions du contrat de fourniture projeté), mais
encore au moment de son exécution (l’objectif étant d’éclairer le cocontractant sur les
conditions d’emploi, de fonctionnement, etc. de la chose acquise ou louée). Dès lors, en
suivant un critère chronologique, l’on fait parfois une distinction entre, d’une part, l’obligation
d’information qui n’est que précontractuelle ou délictuelle (parce que s’exécutant avant et
dans la perspective de la conclusion du contrat) et, d’autre part, l’obligation d’information qui
est contractuelle (parce que relative à l’exécution du contrat).
Mais cette différenciation théorique pose, dans les faits, de grandes difficultés d’application
de sorte que la jurisprudence considère, dès l’instant où une convention est passée, que ces
différents objets participent finalement d’une obligation unique d’information, de nature
contractuelle. En effet, les tribunaux ont très souvent tendance à se passer de cette
distinction abstraite et à considérer que l’information, même exigée ou donnée
antérieurement à la passation du contrat, n’en est pas moins due au titre de la bonne
exécution de ce contrat et sanctionnée en tant que telle.
C’est surtout la jurisprudence qui, de la même manière qu’elle a découvert, dans certains
contrats, une obligation accessoire de sécurité analysée comme une des « suites » du
contrat (article 1135 du Code civil), a découvert et élaboré une obligation générale
d’information à la charge des parties, notamment professionnelles.
Le domaine de cette obligation jurisprudentielle d’information – que le législateur a
quelquefois reprise en la précisant ou en la nourrissant – est très étendu. Même si aucune
décision n’en aurait jamais posé la règle en termes absolus, la jurisprudence tend, dans
l’ensemble, à considérer cette obligation comme un principe général et autonome applicable
dans la plupart des contrats (V. infra). En effet, malgré l’existence de certaines dispositions
législatives ou réglementaires spéciales, les articles 1134 et, surtout, 1135 du Code civil,
(contenus dans le Titre III du Code civil intitulé « Des contrats et des obligations
conventionnelles en général ») sont analysés comme la base et la source générales de toute
obligation d’information. Celle-ci constitue, quelle qu’elle soit, un effet accessoire du contrat
fondé le plus souvent sur l’équité voire sur l’exigence de bonne foi.
Par. 1- Généralités
L'obligation légale de sécurité est édictée dans les articles 1386-1 à 1386-18 du Code civil,
textes qui constituent l’actuel titre quatrième bis, du Livre troisième du Code civil intitulé « De
la responsabilité du fait des produits défectueux ».
Cette obligation légale de sécurité a été instituée par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998,
transposant la directive européenne n° 85/374 du 25 juillet 1985 (directive relative au
« rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats
membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux », JOCE, n° L. 210, 7
août).
Produits mis en circulation depuis le 23 mai 1998. La loi du 19 mai 1998 est entrée en
vigueur le 23 mai 1998. Selon son article 21, elle s'applique exclusivement aux produits mis
en circulation depuis cette date. Il en résulte que tous les produits (nombreux sans aucun
doute) mis sur le marché avant cette date ne relèvent pas de l'obligation légale de sécurité.
L’article 1386-5, alinéa 1er, du Code civil dispose qu’ « un produit est mis en circulation
lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement ». De ce texte, il résulte que la mise
en circulation suppose, en premier lieu, un élément matériel, à savoir le « dessaisissement »,
c’est-à-dire un acte de transfert de la détention. Ce qui importe, c’est la remise matérielle du
produit à une autre personne et pas nécessairement le transfert de sa propriété (ex : en cas
vente ou de location suivie de délivrance, de remise à un dépositaire, de remise à un
consignataire, de remise à un transporteur, etc.).
En second lieu, la mise en circulation implique un élément intentionnel, en l’occurrence la
« volonté » de dessaisissement : il n’y aura pas de mise en circulation juridiquement
caractérisée lorsqu’il sera établi que le producteur n’a pas voulu se dessaisir spontanément
du produit en direction notamment des acteurs du marché (ex : en cas de vol, de réquisition,
de détournement, etc.).
Il convient de faire remarquer que le texte ne parle pas de « mise sur le marché » ou de
« commercialisation » du produit, de sorte que tout acte de dépossession volontaire, quelle
que soit sa forme juridique particulière (vente, location, prêt, etc.), est a priori pris en
considération. Cela dit, l’on verra que l’article 1386-11-3° écarte la responsabilité du
producteur si le produit n’est pas « destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution »
(V. infra).
La mise en circulation repose sur un dessaisissement unique par le fabricant producteur qui
a pris l’initiative et le risque de mettre le produit sur le marché (article 1386-5, alinéa 2, du
Code civil).
Dessaisissements successifs. Même s’il y a eu des dessaisissements successifs de
plusieurs professionnels à chaque phase du processus de distribution, seule devrait compter
celui réalisé par le producteur au sens strict (fabricant).
Produit composé de différents éléments. Lorsque le produit est le fruit d’une intégration
de plusieurs éléments composants, le texte n’est guère clair mais, dans un objectif de
simplification, seul devrait compter le dessaisissement réalisé par le producteur du produit
d’ensemble.
De manière générale, la loi nouvelle s’applique aux « produits défectueux » (titre de la loi).
Or, aux termes du nouvel article 1386-3, « est un produit tout bien meuble, même s’il est
incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l’élevage, de la chasse et de
pêche... ».
On remarquera avant tout que seuls les biens mobiliers sont concernés (que ce soit des
meubles par nature ou des meubles par anticipation, des meubles corporels ou incorporels,
naturels ou industriels, en l’état ou transformés), à l’exclusion, par conséquent, des
immeubles (par nature).
On remarquera aussi que la loi nouvelle vise expressément mais non exhaustivement les
produits naturels, tels que les produits du sol, de l’élevage, de la pêche, etc. Par conséquent,
les « produits du terroir » (qui sont, selon toute vraisemblance, des produits agricoles ou
agro-alimentaires), qu’ils soient naturels ou industriels, en l’état ou transformés, sont visés.
Les « producteurs » sont placés en première ligne par l’article 1386-1 du Code civil aux
termes duquel « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son
produit… ». Or, selon l’article 1386-6, alinéa 1er, du Code civil, « est producteur, lorsqu’il agit
à titre professionnel, le fabricant d’un produit fini, (…) le fabricant d’une partie composante ».
Sous réserve de l’exclusion des non-professionnels, la notion de producteur responsable,
comme celle de produit, est ainsi entendue de manière large par le législateur (sous réserve
des dispositions du dernier paragraphe de l’article 1386-6). Mais le dernier paragraphe de
cet texte ajoute quasi immédiatement que « ne sont pas considérés comme producteurs (...)
les personnes dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des articles 1792
à 1792-6 et 1946-1 ». La loi écarte ainsi, expressément, de son domaine les constructeurs et
vendeurs d’immeubles à construire qui sont déjà soumis aux responsabilités biennale et
décennale. Toutefois, cette exclusion ne vaut guère pour les fabricants de matériaux
incorporés à la construction ou de meubles incorporés aux immeubles (cf. art. 1386-8).
L’exclusion ne joue pas non plus pour les sous-traitants qui ne figurent pas parmi les
« personnes dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des articles 1792 à
1792-6 et 1946-1 », sauf bien sûr s’ils sont fabricants d’EPERS.
NB : Il est important de souligner que l’obligation légale de sécurité pèse sur ces
fournisseurs quelle que soit leur position dans la chaîne économique (ex : fournisseur
proprement dit, distributeur initial, distributeur intermédiaire ou distributeur final…).
De même, leur qualification juridique précise est indifférente étant donné que sont visés non
seulement les vendeurs de produits, mais également les bailleurs classiques (formule
fréquente en matière de manutention). La loi étend même la règle à « tout autre fournisseur
professionnel », ce qui inclut sûrement des mandataires comme les agents commerciaux.
On peut même se demander si les commerçants qui, dans le cadre de leurs activités,
prêteraient à leurs clients des engins de manutention comme des élévateurs ne seraient pas,
au titre de la loi, tenus responsables des dommages causés par un défaut de sécurité de ces
appareils (malgré sa gratuité, le prêt à usage ou commodat se rencontre quelquefois dans le
monde des affaires en tant que moyen de favoriser les activités principales du prêteur).
Les recours des fournisseurs contre les producteurs. Le fournisseur condamné dispose,
selon l’article 1386-7, alinéa 2, d’un recours subrogatoire contre le producteur qui a pris
l’initiative et le risque de mettre le produit en circulation. Cette action récursoire est fondée
sur le nouveau régime (et non sur le droit commun), encore que le fournisseur doit l’exercer
dans un délai réduit d’un an à compter du jour de sa propre assignation en justice par la
victime directe (les autres conditions et limites de l’action étant maintenues). En d’autres
termes, la responsabilité du fournisseur (vendeur, bailleur…) ne constitue qu’une
responsabilité-relais, le poids définitif de la condamnation devant être supporté par le
producteur.
Il résulte des dispositions de l’article 1386-1 du Code civil que toutes les victimes sont a
priori (car il y a des causes d’exonération) protégées quel que soit le caractère ou la nature
de leur dommage (V. infra), qu’elles soient ou non liées par un contrat au responsable du
dommage, qu’elles soient professionnelles ou non.
a) Un dommage réparable
La mise en jeu de la responsabilité du fait des produits défectueux suppose, d’après l’article
1386-2 du Code civil, un « dommage qui résulte d’une atteinte à la personne ou à un bien
autre que le produit défectueux lui-même ».
Couverture des dommages procédant d’une atteinte illégitime à la sécurité des biens
autres que le produit défectueux lui-même, qu’ils soient affectés à un usage privé ou
professionnel. Sont réparables tant les préjudices matériels directs (destruction, dégradation
ou altération de biens tels que les marchandises lors de leur chargement ou de leur
déchargement) que toutes leurs suites patrimoniales (frais additionnels, perte de jouissance,
pertes d’exploitation, etc.).
b) Un défaut de sécurité
L’appréciation de l’existence du défaut de sécurité sera faite par le juge, de manière abstraite
ou objective. L’article 1386-4, alinéa 2, du Code civil donne quelques critères non limitatifs
d’appréciation du défaut de sécurité : par exemple, « la présentation du produit » : le juge
s’intéressera notamment à l’existence ou non d’avertissements ou de précisions particulières
concernant certaines manipulations ou utilisations, données éventuellement portées sur
l’emballage du produit, dans sa notice d’accompagnement, sur le produit lui-même, etc. (à
cet égard, l’appréciation du défaut de sécurité passera par une analyse de la bonne
exécution de l’obligation d’information voire de conseil du professionnel).
D’après l’article 1386-9 du Code civil, la preuve doit être rapportée par le demandeur (la
victime ou le demandeur sur action récursoire) de l’existence de trois éléments constitutifs de
la responsabilité civile que sont :
un fait générateur résidant ici dans le défaut de sécurité du produit (ce qui n’est pas
exigé dans le cadre de la responsabilité du fait des choses, articles 1384, alinéa 1er, et 1385
du Code civil) ;
un dommage résultant d’une atteinte à la personne ou à un ou plusieurs biens autres
que le produit défectueux lui-même ;
un lien de cause à effet entre le défaut de sécurité et le dommage. En effet, même si la
loi parle de « responsabilité de plein droit » (art. 1386-11, al. 1er), la participation d’un produit
à la réalisation d’un préjudice ne suffit pas à établir ou à faire présumer son défaut de
sécurité. En réalité, la responsabilité en question ne constitue qu’une responsabilité objective
(c’est-à-dire que la preuve de la faute du producteur ou assimilé n’est pas nécessaire) mais
sans présomption de causalité.
La charge de la preuve paraît ainsi assez écrasante a priori. Cela dit, cette lourdeur sera
sans doute atténuée par le fait que, en pratique, l’existence des éléments de preuve requis
procédera des résultats d’une expertise. En outre, il convient de souligner que la victime
n’aura pas à supporter la charge de la preuve de l’antériorité ou de la concomitance du
défaut par rapport à la mise en circulation, cette antériorité étant présumée par l’article 1386-
11-2° du Code civil (le professionnel pouvant toutefois rapporter la preuve contraire, celle de
la postériorité, dans le but de s’exonérer de sa responsabilité, V. infra).
Le délai d’extinction de la responsabilité est prévu par l’article 1386-16 du Code civil.
- Durée décennale. La responsabilité du professionnel est enfermée dans un délai préfix de
dix ans (en principe non susceptible ni d’interruption ni de suspension).
- Point de départ fixe et unique. Le délai décennal de péremption de la responsabilité court,
une bonne fois pour toutes, à compter de la mise en circulation du produit défectueux à
l’origine du préjudice.
L’instauration de ce délai extinctif des droits substantiels des victimes tient, à n’en pas
douter, à la prise en compte par le législateur du fait que l’écoulement du temps et l’usage
s’accompagnent normalement d’une usure progressive du produit et, par conséquent, d’une
altération croissante de la sécurité initialement assurée (après une dizaine d’années, il serait
laborieux de prouver que le défaut ne résulte pas de la simple vétusté du produit). A cela,
d’aucuns ajoutent que la limitation de la responsabilité du producteur dans le temps rendrait
plus aisée sa couverture par une assurance.
- Cas d’exclusion de la prescription décennale. L’effet extinctif du délai décennal est mis à
l’écart dans deux hypothèses : lorsqu’il y a, en sus du défaut de sécurité, une faute du
producteur (que la victime devra, ici, exceptionnellement établir de manière distincte pour
écarter les effets de l’arrivée du terme décennal) ou lorsque la victime a déjà engagé une
action recevable avant l’expiration des dix ans (c’est-à-dire que celle qui agit dans le délai de
forclusion, même à l’extrême veille de l’expiration du délai décennal, pourra aller jusqu’au
bout de son procès, y compris si celui-ci se prolonge au-delà dudit délai décennal).
1°) Le caractère optionnel du nouveau dispositif légal : maintien des actions de droit
commun
Aux termes de l’article 1386-18, al. 1er, les dispositions de la loi nouvelle « ne portent pas
atteinte aux droits dont la victime d’un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la
responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d’un régime spécial de
responsabilité ». D’après ce texte, les dispositions de la loi nouvelle laissent subsister les
actions contractuelles ou délictuelles de droit commun dès lors que les conditions d’exercice
en sont réunies (au titre de la responsabilité contractuelle, la victime pourrait invoquer,
qu’elle soit acquéreur ou sous-acquéreur, la garantie des vices cachés ou le manquement à
une ou plusieurs obligations nées du contrat telles que les obligations accessoires de
renseignement ou de sécurité ; dans le cadre de la responsabilité extracontractuelle, le tiers
victime pourrait fonder son action sur les articles 1382 et suivants du Code civil).
Le fait qu’un droit d’option soit reconnu à la victime fait que les nouveaux textes sont privés
de tout caractère exclusif pour les dommages relevant pourtant de leur domaine matériel
d’application. Ce qui amène à s’interroger sur leur effectivité. En effet, il apparaît que les
voies traditionnelles pourraient se révéler plus attrayantes pour la victime du défaut de
sécurité, notamment parce que le risque de développement n’y est pas exonératoire, que les
délais de prescription voire les règles de preuve y sont sans doute plus favorables…
Le recours au droit commun sera d’ailleurs la seule issue possible pour la victime ne pouvant
se prévaloir des nouveaux textes, soit parce que le produit à l’origine du préjudice a été mis
en circulation antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, soit parce qu’il s’agit de
dommages subis par le produit lui-même en raison du défaut de sécurité qui l’affecte
(rappelons que la responsabilité du fait des produits défectueux ne couvre que les
dommages procédant d’une atteinte à la sécurité des personnes ou des biens autres que le
produit défectueux lui-même, V. supra).
Pour ces produits ou dommages, la victime, qui ne pourra pas être indemnisée sur le
fondement des articles 1386-1 et suivants du Code civil, aura tout intérêt à se prévaloir
notamment de l’obligation de sécurité (contractuelle ou extracontractuelle) du professionnel
découverte par la jurisprudence. Il pourrait même, à condition d’en respecter les exigences,
placer son action sur le terrain de la garantie des vices cachés, que le produit ait été loué
(article 1721 du Code civil) ou acheté (articles 1641 et suivants du Code civil)…
Dans une décision du 25 avril 2002, la CJCE a condamné la France pour transposition
infidèle de la directive de 1985 sur trois points :
parce que la loi de 1998 a inclus dans le champ des réparations les dommages
matériels inférieurs à 500 € ;
parce qu’elle a étendu la responsabilité aux fournisseurs et distributeurs dans les
mêmes conditions que les producteurs ;
parce ce qu’elle exclut l’exonération au titre du risque de développement lorsque le
producteur n’a pas respecté son obligation de suivi.
A cette condamnation expresse, la doctrine en déduit une condamnation implicite de la
jurisprudence française ayant consacré l’obligation de sécurité des vendeurs professionnels.
Désormais, d’après la CJCE, l’objectif d’uniformisation (allant au-delà de la seule
harmonisation) fait que seul devrait être applicable le système de la loi de 1985, quand bien
même ce système serait moins favorable aux victimes que celui institué par les droits
nationaux (loi de 1998 et jurisprudence). On ne peut qu’être surpris de voir la France
condamnée parce qu’elle a réalisé des ajouts destinés à assurer une plus grande protection
des consommateurs, alors même que l’article 153 du Traité CE prévoit que les Etats peuvent
« maintenir et établir des mesures de protection plus strictes » en faveur des
consommateurs.
Parmi les obligations de l’acheteur, il en est une qui est essentielle et ne peut jamais être
écartée sous peine de priver la vente de sa qualification : il s’agit de l’obligation de payer le
prix.
Les autres obligations sont accessoires en ce qu’elles dépendent des stipulations ou des
silences du contrat.
Aux termes de l’article 1583 du Code civil, la vente « est parfaite entre les parties, et la
propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la
chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé » (rappr. article
1138 du même Code). Ainsi, le paiement effectif du prix ne participe nullement de la
formation de la vente. Cela dit, l’article 1650 du Code civil dispose que « la principale
obligation de l’acheteur est de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente ». Le
paiement du prix du prix relève ainsi de l’exécution du contrat de vente, en tant qu’obligation
centrale de l’acquéreur vis-à-vis du vendeur.
Le paiement porte naturellement sur le prix qui a été convenu et, éventuellement, sur des
intérêts qui seraient dus dans les conditions de l’article 1652 du Code civil. « L'acheteur doit
l'
intérêt du prix de la vente jusqu'au paiement du capital, dans les trois cas suivants :
S'il a été ainsi convenu lors de la vente ;
Si la chose vendue et livrée produit des fruits ou autres revenus ;
Si l'acheteur a été sommé de payer.
Dans ce dernier cas, l' intérêt ne court que depuis la sommation ».
A- Le destinataire du paiement
Quant à son destinataire, le paiement bénéficie au vendeur et doit se faire, en principe, entre
les mains de celui-ci ou de son mandataire (exceptionnellement, la vente peut prévoir un
acquittement auprès d’un tiers déterminé, tel un propre créancier du cédant).
Mais, afin de se mettre à l’abri du droit de suite dont bénéficie tout créancier privilégié ou
hypothécaire inscrit sur l’immeuble acquis (droit pour le vendeur impayé, par exemple, de
suivre le fonds en quelque main qu’il passe et en quelque lieu qu’il se trouve), le notaire
rédacteur conseillera à l’acheteur de verser la totalité du prix dans sa comptabilité (V. infra).
B- L’auteur du paiement
Quant à l’auteur du paiement, l’obligation pèse naturellement sur l’acquéreur ou, en cas de
décès avant règlement, sur ses héritiers qui seront ordinairement tenus chacun pour le tout
puisque les dettes de la succession sont indivisibles vis-à-vis du créancier (articles 870 et s.
du Code civil).
Dans l’hypothèse où un bien a été acquis conjointement par plusieurs personnes et pour un
prix unique, chaque co-acquéreur est, sauf clause contraire, tenu pour le tout puisque le prix
du bien ne se divise pas à l’égard du vendeur (article 1244 du Code civil).
Cela dit, l’obligation de paiement du prix de vente initiale n’est pas, s’il y a lieu, transmissible
aux ayants cause à titre particulier du vendeur, comme le sous-acquéreur.
Sauf stipulation contraire dans le contrat de vente, « l’acheteur doit payer au lieu et dans le
temps où doit se faire la délivrance » (articles 1650 et 1651 du Code civil). En d’autres
termes, lorsque les parties n’ont pas prévu des modalités particulières de règlement du prix
(comme, par exemple, un terme précis, un échelonnement avec un nombre déterminé
d’échéances successives, un paiement sous forme d’arrérages…), celui-ci doit se faire au
moment de la délivrance (définie par l’article 1604 du Code civil comme « le transport de la
chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur ») effective, sans risque
d’éviction, et complète.
On parle alors de vente au comptant ou de paiement comptant (NB : les parties peuvent
néanmoins convenir d’un paiement immédiat, c’est-à-dire dès la conclusion de la vente,
avant même que le bien vendu n’ait été délivré à l’acquéreur, lequel doit alors s’exécuter
sans pouvoir exciper, pour justifier un retard éventuel, des délais nécessaires à
l’accomplissement de formalités).
Le paiement effectif doit aujourd’hui être réalisé, s’agissant des opérations internes, en euros
(V. remarque infra), et ce même si ce paiement intervient entre deux ressortissants étrangers
(au cas où les parties auraient libellé le prix dans une monnaie de compte différente, la
conversion doit en être faite en euros pour les besoins du règlement effectif).
Les paiements de sommes d’argent doivent, en règle ordinaire, se faire en numéraire (la
monnaie fiduciaire ayant, seule, cours forcé), l’acquéreur ne pouvant contraindre le vendeur
à un autre mode de paiement (chèque, virement, lettre de change, etc.).
Néanmoins, il est des cas dans lesquels il existe une interdiction de paiement en espèces
(articles L. 112-6 et s. du Code monétaire et financier) : c’est ainsi que, en principe, « tout
règlement d' un montant supérieur à 3000 euros effectué par un particulier non commerçant,
en paiement d' un bien ou d' un service, doit être opéré soit par chèque, répondant aux
caractéristiques de barrement d' avance et de non-transmissibilité par voie d' endossement
(…), soit par tout autre moyen inscrivant le montant réglé au débit d' un compte tenu chez un
établissement de crédit, une entreprise d' investissement ou une institution mentionnée à
l'article L. 518-1. Toutefois, les dispositions du présent alinéa ne font pas obstacle au
paiement d' un acompte, réglé par tout moyen, dans la limite de 460 euros. » (article L 112-8
du Code monétaire et financier).
Etant entendu que lorsque le paiement a eu lieu par chèque, seul l’encaissement libérera
l’acquéreur (la seule remise du chèque ne produisant pas cet effet extinctif, il est
recommandé de demander à l’acquéreur un paiement par chèque certifié ou par chèque de
banque). Lorsque le paiement est fait par virement bancaire, l’effet libératoire ou extinctif
résultera de l’inscription effective de son montant au compte du vendeur. De même, le
règlement par mandat n’a de pouvoir libératoire que si ce mandat est effectivement perçu.
S’agissant de la charge de la preuve du paiement, que l’article 1315, al. 2, du Code civil
dispose que « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit
l’extinction de son obligation ». Ainsi, la charge de la preuve du règlement pèse sur
l’acquéreur quel que soit le moyen employé .
S’agissant du mode de preuve, les articles 1341 et s. du Code civil exigent, s’agissant de
contrats civils, la production d’un écrit au-delà de 1500 €, sauf impossibilité de l’écrit et sauf
commencement de preuve par écrit.
Dans une vente immobilière, le système de preuve du règlement consiste très souvent en
une quittance de prix délivrée par le vendeur dans l’acte notarié de cession. Le pouvoir
probant d’un tel « reçu » varie selon que le prix a été ou non payé par le biais de la
comptabilité du notaire rédacteur. Dans le premier cas, la quittance fait foi jusqu’à inscription
de faux alors que, dans la seconde hypothèse, il sera possible au vendeur ou à ses ayants
cause de rapporter la preuve contraire de la quittance qui s’est bornée à relater, selon les
parties, que le paiement a été fait mais « hors la vue du notaire ».
Le défaut de paiement du prix de vente peut donner lieu à diverses sanctions. Le vendeur
peut ainsi user de son droit de rétention (articles 1612 et 1613 du Code civil) en refusant de
délivrer la chose à l’acquéreur qui n’est encore entré en possession. Notons que ce droit de
rétention n’est que l’application de l’exception d’inexécution de droit commun.
En outre, le vendeur a une option entre, d’une part, l’inscription de son privilège (immobilier :
article 2103-1° du Code civil ; mobilier : article 2103-4° du Code civil) et l’exécution forcée y
attachée (articles 1654 et 2108 du Code civil) de la vente et, d’autre part, la résolution
(judiciaire ou, le cas échéant, par application d’une clause résolutoire) de celle-ci (articles
1654 et s. du Code civil).
Seul le paiement du prix constitue une obligation essentielle de l’acheteur. Les autres
obligations qui peuvent peser sur l’acheteur relèvent de la liberté contractuelle : la loi les
présume, mais il est parfaitement loisible aux parties de les écarter.
Remarque. Réciproquement, la liberté contractuelle leur permet de créer à la charge de
l’acheteur des obligations supplémentaires qui consistent en des restrictions à l’usage de la
chose (par exemple, clause de réserve de propriété).
De manière générale, l’article 1593 du Code civil dispose que « les frais et autres
accessoires à la vente sont à la charge de l’acheteur » (TVA, droits de mutation, frais de
transport, etc.). Mais ce texte n’étant pas d’ordre public, l’acquéreur pourrait valablement être
déchargé de ces sommes par voie de clauses contractuelles contraires. Fréquemment
d’ailleurs, la question ne sera en pratique résolue qu’en se référant aux stipulations des
parties, expresses ou tacites, voire aux usages dans certains secteurs…
S’agissant spécialement des ventes mobilières, l’article 1712 du Code général des impôts
fait supporter à l'acquéreur, sauf stipulations contraires, la charge de l’impôt de mutation. Le
rôle de la volonté est aussi très déterminant lorsqu’il s’agit de déterminer la partie à la charge
de laquelle vont se trouver les frais de transport et de douane. Pour ceux-ci, il faut encore se
référer aux clauses du contrat et c’est ainsi, par exemple, qu’une vente « franco » stipulera
une intégration du coût de transport dans le prix. Mais, en cas de silence de l’acte juridique
sur cette question, il semble que le problème sera résolu par recherche de la commune
intention des parties ou, à défaut, par référence aux usages, auquel cas le lieu de délivrance
de la marchandise constitue généralement un élément très important : en effet, si cette
délivrance doit avoir lieu chez le vendeur, il est habituellement admis que les frais de
transport incomberont à l’acheteur.
Dans le cas de la vente immobilière, les frais – variés et substantiels – sont généralement à
la charge de l’acquéreur et, de ce fait, ne sont pas intégrés dans le prix proposé, lequel prix
est donc dit stipulé « net vendeur ». Cela étant dit, il arrive parfois que le contrat soit conclu
pour un prix « acte en mains » incluant tous les frais accessoires, faisant ainsi que l’acheteur
n’aura rien d’autre à débourser en plus de la somme stipulée dans l’accord. En tout état de
cause, l’intérêt de déterminer les éléments qui sont entrés dans la détermination du prix est
très important en pratique, notamment pour une éventuelle mise en œuvre d’une action en
rescision pour cause de lésion. Dans ce cas en effet, il faudrait tenir compte de tous les
éléments susceptibles de majorer ou de minorer le prix de vente.
Dans certaines ventes, portant sur des biens de haute technicité, informatiques notamment,
devant être adaptés aux besoins de client, la jurisprudence a mis à la charge de l’acheteur
un devoir de collaboration qui s’applique à deux niveaux :
lors de la conclusion du contrat, afin de permettre au vendeur de fournir la chose
adaptée aux circonstances ;
lors de l’exécution du contrat, en aidant à la mise en place et à l’adaptation de la
chose et en respectant les conditions d’utilisation.
Deuxième partie – Le louage de choses ou bail
L’article 1709 du Code civil définit le louage de choses ou bail comme « le contrat par lequel
l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et
moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige à lui payer ». Plus habituellement, ce qui
caractérise le bail réside dans l’obligation du bailleur d’assurer la jouissance de la chose en
contrepartie du paiement par le locataire d’un loyer (parfois dénommé redevance).
Le Code civil emploie la notion, un peu vieillie, de louage de choses, mais l’on parle plus
usuellement de bail (surtout lorsque le contrat porte sur des immeubles), de location (surtout
lorsque le contrat porte sur des meubles ou des immeubles meublés).
Le verbe « louer » est assez équivoque puisqu’il désigne l’opération tant sous l’angle du
bailleur (on dit que le propriétaire loue un bien au locataire) que sous l’angle du locataire (on
dit que le locataire loue le bien au bailleur). Pour davantage de précision, l’on préfère dire
que le bailleur « donne en location » tandis que le locataire « prend en location ».
Remarquons que le propriétaire est désigné bailleur ou loueur, alors que le locataire est
encore appelé preneur.
Remarquons aussi que le bail est l’un des contrats ayant subi la plus forte évolution
juridique, notamment en matière immobilière. On a, d’une part, les dispositions originelles du
Code civil, c'est-à-dire le droit commun qui n’a presque pas été réformé depuis (il s’applique
aux baux de droit commun et, en particulier, aux locations mobilières). Mais, d’autre part, se
sont multipliés des statuts spéciaux pour régir les baux les plus importants : baux
d’habitation, baux commerciaux, baux ruraux, locations de fonds de commerce.
Ces règles spéciales ont considérablement réduit l’impact des règles initiales contenues
dans le Code civil, mais ces dernières restent en vigueur en tant que droit commun appelé à
s’appliquer à chaque fois que des dispositions dérogatoires n’ont pas été prévues.
Autrement dit, il y a une superposition de règles, les unes communes et, le cas échéant, les
autres spéciales.
Chapitre 1- La qualification du bail : éléments caractéristiques
A- Le principe
Aux termes de l’article 1713 du Code civil, « on peut louer toutes sortes de biens meubles ou
immeubles ».
Les choses louables comprennent d’abord des biens corporels mobiliers ou immobiliers :
terres, bâtiments, matériels divers, véhicules, animaux, plantes, etc.
Les choses louables comprennent aussi des biens incorporels ou immatériels : fonds de
commerce (on parle de location gérance de fonds de commerce, celui-ci étant un meuble
incorporel qui ne comprend jamais des immeubles), droit de brevet ou de marque (on parle
de « licence »), parts sociales de SARL ou actions (articles L. 239-1 à L. 239-5 du Code de
commerce, réd. issue de la loi nº 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des PME, de les
donner en location).
Le bail peut donc, en principe, porter sur toutes sortes de biens, à la condition toutefois (qui
résulte de l’objet du bail) qu’il soit possible d’user de la chose considérée (il est ainsi
impossible de louer un droit de nue-propriété).
B- Les restrictions
La loi interdit de louer des biens ou des droits hors du commerce juridique : droits
essentiellement personnels (droit d’autorité parentale par exemple) ; domaine public. Une
personne peut donner en location ses services, ce qui correspond, selon les cas, au contrat
de travail ou contrat d’entreprise. Il est aussi possible de « louer » du personnel comme le
font habituellement les entreprises de travail intérimaire (mais l’on ne peut plus donner en
location la personne d’autrui en tant que telle, comme l’on pouvait jadis louer un esclave).
Le bail ne se conçoit que pour assurer au locataire la jouissance de la chose louée, ce qui
implique que la chose soit mise à sa disposition, pour qu’il puisse en tirer profit, avant de la
restituer.
Le locataire acquiert sur la chose un simple droit personnel, un droit de créance, celui de
jouir de la chose. Ce droit de jouissance lui donne le droit de tirer profit de la chose mise à sa
disposition et d’en percevoir les fruits (récoltes dans un bail rural).
A contrario, le locataire n’acquiert pas sur la chose un droit réel puisque la jouissance de la
chose doit se faire sans en altérer la substance. Le bail implique une obligation de restitution
en fin de contrat. Il est donc inconcevable lorsque la chose est consomptible par le premier
usage (c' est-à-dire qui disparaît par le premier usage que l’on en fait). En effet, du fait de son
obligation de restitution à l’identique de la chose louée en fin de contrat, le locataire ne peut
pas extraire de cette chose des produits. C’est la raison pour laquelle les contrats de fortage
ou d’exploitation de carrières ou de mines ne sont pas considérés comme des baux, mais
comme des ventes.
Notons toutefois que le renforcement des droits des locataires et, corrélativement,
l’affaiblissement de ceux des bailleurs dans les baux spéciaux (baux d’habitation, baux
commerciaux, baux ruraux, baux de fonds de commerce…) font douter certains de
l’inexistence de tout droit réel au profit des preneurs. Avec la reconnaissance d’un droit au
renouvellement (qui donne vocation à la perpétuité, notamment dans les baux ruraux et
commerciaux où l’on parle même de « propriété culturale ou commerciale »), avec
l’opposabilité du droit du locataire à l’acquéreur de la chose louée (transfert automatique du
bail à l’acquéreur nouveau propriétaire), on a l’impression que le locataire aurait acquis une
sorte de droit réel : il serait propriétaire du domaine utile, alors que le bailleur ne serait plus
propriétaire que du domaine éminent.
Malgré ces considérations pragmatiques, il convient de retenir que, en définitive, le droit du
locataire reste un droit personnel, un simple droit de jouissance, le bail n’étant pas un contrat
translatif mais un simple contrat de mise à disposition.
Il arrive que des baux soient combinés avec la reconnaissance d’un véritable droit réel
temporaire au locataire, originalité telle que la doctrine qualifie ces baux particuliers de
« baux réels » ou de « faux baux ».
C’est d’abord le cas des baux emphytéotiques dont la durée est comprise entre 18 et 99
ans et qui confèrent au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque sur le bien occupé).
C’est ensuite le cas des baux à construction dont la durée est également comprise entre
18 et 99 ans, et qui confèrent aussi au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque (il
présente la particularité d’être destiné à permettre au locataire de construire des immeubles
qui, en principe, reviennent au bailleur à l’expiration du bail).
C’est encore le cas, quelque part, de la concession immobilière dont la durée minimale
est de vingt ans, et qui confère des droits très étendus au concessionnaire, en particulier le
droit d’aménager et d’affecter librement le local à toute exploitation commerciale qui lui
convient. Ce régime comporte l’interdiction de versement de tout « droit d’entrée » ou « pas-
de-porte » (et l’obligation pour le propriétaire, à l’expiration de la concession, de modifier
l’affectation du local). En contrepartie, le preneur ne bénéficie pas de droit au
renouvellement.
Le dépositaire n’acquiert pas un droit de jouissance sur la chose déposée par le déposant
(détenteur qui est habituellement le propriétaire) ; il se contente de la garder en vue d’une
future restitution (art. 1915 du Code civil).
Alors que la vente est un contrat translatif d’un droit réel de propriété, elle se distingue du
bail qui ne confère au locataire qu’un droit personnel de jouissance. Cela dit, il arrive parfois
qu’un même contrat organise la succession d’une location et d’une vente.
La location-vente. La location-vente est d’une nature juridique assez incertaine
puisqu’elle sert à désigner des réalités variables : en effet, elle désigne tantôt un contrat
de longue durée où l’occupant verse une redevance périodique supérieure au montant
« normal » d’un loyer et acquiert la propriété au terme de la période de jouissance, tantôt
un banal contrat de louage de choses assorti d’une promesse de vente (faculté
d’acquérir la propriété au cours ou à la fin du contrat).
La location-accession. C’est un montage original par lequel un accédant à la
propriété d’un immeuble d’habitation ou mixte d’habitation et professionnel dispose d’une
option d’achat à l’expiration d’une période de jouissance à titre onéreux ; il y a deux
éléments : d’une part, une période de jouissance à titre onéreux (la redevance étant plus
qu’un banal loyer avec deux parties, la contrepartie de l’occupation et un acompte sur le
prix de vente) et, d’autre part, une promesse unilatérale de vente moyennant le paiement
fractionné ou différé du prix de vente (là se trouve la différence avec la location-vente qui
est, en réalité, une vente avec transfert de propriété différé dans le temps).
Le crédit-bail. C’est une opération par laquelle un établissement de crédit achète un
bien afin de le louer à un utilisateur. Ce dernier paye des redevances périodiques
pendant la durée du contrat et, à l’expiration de celui-ci, il a une option d’achat pour un
prix résiduel contractuellement fixé dès le début de l’opération.
Alors que le bail ne confère qu’un droit personnel, l’usufruit est un droit réel viager, plus
précisément un démembrement de la propriété. L’usufruitier reçoit l’usus et le fructus du
bien, tandis que le nu-propriétaire en conserve l’abusus. L’usufruitier, comme le locataire,
perçoit les fruits du bien et il peut même donner le bien en location. Toutefois, la conclusion
d’un bien de longue durée (bail rural ou commercial par exemple) est subordonnée à
l’autorisation du nu-propriétaire (ou du juge, en cas de refus illégitime du nu-propriétaire)
sous peine de nullité, nullité que le nu-propriétaire pourrait faire prononcer sans attendre la
fin de l’usufruit.
Le bail est par nature un contrat à exécution successive, ce qui implique un élément de
durée : la durée de la jouissance est un élément constitutif et de validité du bail (art. 1709 c.
civ.).
Ce n’est pas tellement la longueur du temps convenu qui fait l’élément de durée puisqu’un
bail peut être d’une durée très brève, mais la sécurité de cette durée. En effet, même brève,
le durée convenue assure au locataire une certaine stabilité car le bailleur ne peut lui enlever
la jouissance pendant ce temps. Lorsque le contrat est à durée indéterminée, la résiliation du
contrat ne peut intervenir qu’après observance d’un délai de préavis ou de prévenance.
La stabilité ou sécurité de la durée permet notamment de distinguer le bail de la convention
d’occupation précaire. La convention d' occupation précaire reconnaît au bénéficiaire le
droit d’occuper les lieux pendant une certaine durée moyennant un certain prix et à certaines
conditions. A ce propos, elle se rapproche du bail. Mais elle s’en écarte par le fait qu’elle est
caractérisée par la précarité du droit de jouissance conféré à l’occupant (le propriétaire du
local a le droit d’exiger à tout moment, avec ou sans préavis, le départ de l’occupant),
précarité qui doit être expressément indiquée dans la convention. L’on considère que cette
précarité (qui résulte de la fragilité de l’occupation, non de sa durée nécessairement) est
incompatible avec la qualification de bail qui implique un minimum de stabilité et de sécurité.
Pour limiter les prérogatives quasi régaliennes du propriétaire du local, la jurisprudence a été
amenée à poser des conditions à la validité de ces conventions. Ainsi, il ne faut pas que la
précarité procède d’un désir de fraude. En pratique, la convention ne sera considérée
comme légitime que lorsqu’elle est affectée d’une précarité objective qui tient à une
circonstance particulière telle que la survenance d’un événement prévu à l’avance (vente ou
démolition prochaine, menace d’expropriation…). Pour la jurisprudence, l’absence de
circonstances particulières justificatives de la fragilité fait présumer la fraude au statut légal
des baux commerciaux. Etant entendu qu’une convention d' occupation précaire frauduleuse
sera disqualifiée et requalifiée en bail soumis au statut si les autres conditions sont réunies.
Il est bien connu que les contrats à titre onéreux (ou « intéressés » selon l’expression
d’Aubry et Rau) sont ceux dans lesquels les parties « recherchent un avantage » ou encore
« font des affaires ». En d'autres termes, dans ces contrats, chaque contractant ne s'oblige
que moyennant une contrepartie offerte par l'autre. La cause de l'
obligation de chaque partie
réside dans l' échange (au sens économique) envisagé, ce qui fait que le but spécifique du
contrat à titre onéreux consistera en l'
accomplissement de ce sunallagma. La stipulation d'un
prix – qui constituera la valeur, monétaire ou non, en permutation de quoi on fournit une
autre chose, un service ou un travail, c'est-à-dire la contrepartie – fait donc du contrat une
convention à titre onéreux dont le but est ainsi de parvenir à un échange de valeurs
économiques. Parmi les contrats à titre onéreux, figure par exemple le bail qui nécessite un
prix appelé loyer et, parfois, redevance. En effet, à l’instar de la vente sur ce point, le bail
n'est jamais gratuit. Le défaut de stipulation d'un loyer – ou d' un loyer sérieux – emporte
normalement la nullité du contrat, mais il peut arriver que soit effectuée, par exemple, la
requalification de la convention en convention d’hébergement ou en commodat.
Chapitre 2- Le régime général du bail (droit commun)
Le régime général du bail, contenu dans le Code civil, est toujours applicable puisqu’il a
vocation à compléter ou suppléer les statuts spéciaux en cas de silence de ceux-ci.
En particulier, le droit commun est celui qui régit certaines locations hors du domaine des
dispositions spéciales :
toutes les locations mobilières (sauf celles de fonds de commerce) ;
les locations d’immeubles d’habitation qui, parce que ne répondant pas tout à fait ou
pas suffisamment à l’idée de droit au logement ou de droit à l’habitat, sont exclues du
domaine des lois spéciales : résidences secondaires, locations saisonnières, baux
consentis à des personnes morales, locations en meublé ;
les locations professionnelles (baux des professions libérales) ;
les locations rurales qui échappent au statut du fermage (petites parcelles, jardins,
etc.).
Le bail de droit commun n’est soumis à aucune condition de forme, le principe étant celui du
consensualisme (pas de formalisme direct ou intrinsèque). Il y a toutefois d’importantes
conditions de fond auxquelles s’ajoutent certaines règles de preuve et de publicité
(formalisme indirect ou extrinsèque).
A- Le consentement et la cause
Ces deux éléments ne font pas l’objet de règles singulières en matière de bail. Il suffit donc
de rappeler sommairement le droit commun des contrats.
1°) Le consentement
2°) La cause
La notion de cause est une notion complexe dont l’analyse a pu donner lieu à d’intenses
débats doctrinaux.
Dans une vision simplificatrice, on peut dire la notion de cause tend à chercher la raison pour
laquelle le contrat a été conclu, le pourquoi du contrat, la fin poursuivie par les contractants
(tandis que objet répond à la question à quoi on s’est engagé, la cause répond à la question
pourquoi s’est-on engagé).
Dans une vision plus subtile, il convient, pour saisir la cause dans le contrat, de distinguer la
cause de l’obligation (contre-prestation), qui permet d’apprécier l’existence de la cause, et la
cause du contrat (mobile impulsif et déterminant), qui permet d’apprécier la licéité de la
cause.
S’agissant de la cause dans le bail, on applique là aussi le droit commun, c' est-à-dire que le
bail serait nul pour absence de cause ou pour cause illicite ou immorale, par exemple s’il
n’était conclu que pour permettre l’exercice dans les lieux d’une activité illicite.
B- L’objet du bail
Le principe. Sous peine de nullité absolue, la chose objet du bail doit exister au moment de
la conclusion du contrat. L’existence est appréciée au moment même de la formation du
contrat, et non au moment de la livraison (si la chose existait au moment de la formation du
contrat mais a péri avant la livraison, le contrat n’en reste pas poins valable et l’impossibilité
de livrer intéresse l’exécution du contrat – théorie des risques –, non sa validité).
Exceptions..
En présence d’un contrat aléatoire, l’existence de la chose n’est pas nécessaire
puisque l’incertitude dont elle fait l’objet constitue précisément l’aléa. Mais encore faut-il
que le contrat soit véritablement aléatoire et qu’aucune des parties ne soit de mauvaise
foi.
La nécessité de l’existence de l’objet n’interdit pas le bail portant sur une chose future
(bail d’une maison en construction par exemple), mais celui-ci ne pourrait prendre effet
qu’au moment où la chose vient à exister et est susceptible de jouissance. En effet,
l’article 1130 du Code civil admet expressément le principe de validité du contrat portant
sur une chose future, mais celui-ci devient caduc si la chose ne vient pas à existence,
sans faute de part et d’autre.
Sous peine de nullité absolue, l’article 1108 du Code civil exige un « objet certain ». Lorsqu’il
s’agit d’une chose (bien ou droit), cette exigence de détermination implique son identification
précise s’il s’agit d’un corps certain ou son individualisation (spécification de la nature et de
la quantité par pesage ou comptage) s’il s’agit d’une chose de genre.
L’article 1129 du Code civil réitère l’exigence, mais admet, outre la détermination proprement
dite, la simple déterminabilité (selon des critères objectifs, d’après les indications mêmes du
contrat, sans nouvel accord des parties) de la chose.
D’après l’article 1128 du Code civil (et 1598 en matière de vente), « il n’y a que les choses
qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet de convention ». En règle ordinaire, toute
chose (bien ou droit) est dans le commerce juridique, présente un caractère patrimonial.
Ainsi, nous avons vu précédemment que, selon l’article 1713 du Code civil, « on peut louer
toutes sortes de biens meubles ou immeubles ». Le bail peut donc, en principe, porter sur
toutes sortes de biens, à la condition toutefois (qui résulte de l’objet du bail) qu’il soit possible
d’user de la chose considérée (il est ainsi impossible de louer un droit de nue-propriété). Il y
a néanmoins quelques restrictions déjà rencontrées et tirées des impératifs de respect de
l’ordre public et des bonnes mœurs. Rappelons ainsi que, par exemple, ne sont pas louables
des biens ou des droits hors du commerce juridique : droits essentiellement personnels (droit
d’autorité parentale par exemple) ; domaine public.
Puisque le bail ne confère pas au preneur un droit absolu dans la jouissance de la chose,
mais seulement le droit de l’utiliser dans l’usage convenu, celui-ci doit aussi être déterminé.
Parfois, cette destination résulte de la nature même de la chose qui n’a qu’une seule fonction
possible (un fonds de commerce par exemple, n’est fait que pour être exploité).
Mais, généralement, les choses peuvent être employées à plusieurs usages de nature
différente. L’exemple type est celui de l’immeuble qui peut être affecté à usage d’habitation,
à usage commercial, à usage professionnel, à usage mixte… Il convient dès lors, en cas de
location d’une chose avec possibilité d’usage polyvalent de déterminer conventionnellement
la ou les destinations convenues. Ainsi, s’agissant d’immeubles, il peut être question d’un
bail d’habitation, d’un bail commercial, d’un bail professionnel, d’un bail mixte… Pour un bail
d’habitation, la destination peut être renforcée par la stipulation d’une clause d’habitation
bourgeoise qui exclut l’exercice de certaines activités professionnelles. Un bail commercial
peut être stipulé « tous commerces » ou pour un commerce déterminé. Dans ce cas, la
déspécialisation partielle (addition aux activités initiales d’activités connexes ou
remplacement par ces dernières) est un droit pour le locataire, mais la déspécialisation
plénière (changement radical d’activité) est soumise à l’autorisation du bailleur.
Remarque. Il est interdit de changer l’affectation de locaux d’habitation sans autorisation
administrative (art. L. 637-1 CCH), et tout accord contraire des parties au bail est nul.
Contrat à durée indéterminée. La durée du bail est un élément essentiel du contrat (voir
supra). Il n’est toutefois pas nécessaire, en droit commun, que cette durée soit déterminée.
En cas de silence des parties sur la durée du contrat, celui-ci est réputé à durée
indéterminée. On applique alors la règle générale selon laquelle chaque partie pourra, à tout
moment, y mettre fin unilatéralement par un congé, pourvu qu’elle avertisse l’autre en
respectant un délai de préavis ou de prévenance. Cette faculté constitue une application de
la règle à valeur constitutionnelle d’interdiction des engagements perpétuels.
6°) Le loyer
Comme le prix de vente, le loyer doit être objectivement déterminé ou déterminable par les
parties, d’après les clauses du contrat. Cette exigence est sanctionnée par la nullité du
contrat, sans que le juge puisse suppléer la carence des parties.
Comme pour le prix de vente, le loyer doit être réel et sérieux sous peine de nullité ou de
requalification du contrat (voir supra).
Capacité requise pour les actes graves. Néanmoins, la conclusion de baux de longue
durée (plus de plus de neuf ans) ou de baux qui donnent au preneur un droit au
renouvellement est analysée, sinon comme un acte de disposition, du moins comme un acte
grave dépassant le cadre des simples actes d’administration. Il s’ensuit qu’un tel acte sera
en toutes hypothèses soumis à l’autorisation du juge des tutelles (même si les deux parents
sont d’accord). Sinon, le contrat n’est pas nul, mais sa durée est ramenée au maximum de 9
ans (art. 1718 du Code civil qui renvoie à l’article 595 du même code relatif aux baux passés
par les usufruitiers) et il n’ouvre pas droit au renouvellement (art. 389-6 et 456 du Code civil).
La théorie de l’apparence semble être exclue en la matière.
Puisque le bail ne confère au locataire qu’un droit personnel (et non un droit réel), le droit
français considère que le bail de la chose d’autrui (par un simple possesseur par exemple)
n’est pas nul (à la différence de la vente de la chose d’autrui). Autrement dit, il est valable
inter partes et, de la sorte, produit ses effets entre le bailleur non propriétaire et le preneur
(force obligatoire).
Néanmoins, en vertu du principe de l’effet relatif des conventions, ce bail est inopposable au
propriétaire qui pourra ainsi revendiquer le bien libre de location, c' est-à-dire demander
l’expulsion du locataire.
Cette inopposabilité est toutefois exclue dans deux hypothèses :
exception légale : si, au moment du bail, le bailleur jouissait d’un titre qui a été
ensuite rétroactivement anéanti (annulé ou résolu), le bail fait par lui sans fraude reste
efficace (la règle, prévue par l’article 1673, al. 2, du Code civil pour la vente à réméré, a
été étendue à toutes les hypothèses d’annulation ou de résolution dont on sait que, d’une
façon générale, elles laissent subsister les actes d’administration).
Exception jurisprudentielle : les tribunaux appliquent la théorie de l’apparence lorsque
le bailleur pouvait légitimement apparaître aux yeux des tiers comme propriétaire.
L’indivision est une situation juridique qui existe jusqu’au partage d’une chose ou d’un
ensemble de choses entre des personnes appelées copropriétaires ou coïndivisaires.
Chacun des copropriétaires dispose d’une quote-part de l’indivision, sans encore disposer
d’un droit privatif sur une partie de la ou des choses.
Le bail de la chose indivise requiert l’unanimité des coïndivisaires, sauf dans le cas où ils ont
confié à l’un d’entre eux (ou à un tiers) un mandat spécial. En outre, si l’un des coïndivisaires
fait obstacle sans raison à la conclusion du bail, les autres peuvent se faire autoriser en
justice à passer outre son opposition (intérêt commun oblige).
Sous ces réserves, le bail conclu sans mandat par un indivisaire seul constitue une forme de
bail de la chose d’autrui soumis au même régime, c' est-à-dire qu’il est inopposable aux
autres coïndivisaires qui peuvent demander l’expulsion du preneur, sans devoir attendre le
partage. Cela sous réserve toutefois du jeu de la théorie de l’apparence.
L’usufruitier dispose en principe du droit de donner à bail la chose, puisque c’est un moyen
pour lui d’en tirer le fructus inclus dans son droit (voir supra).
Mais, puisque le nu-propriétaire doit retrouver la pleine propriété du bien à l’extinction de
l’usufruit (décès de l’usufruitier), il ne faut pas que la disposition de la chose soit altérée par
des baux trop longs ou conférant un droit au renouvellement au preneur. C’est la raison pour
laquelle l’article 595 du Code civil limite les droits de l’usufruitier de deux manières :
Baux ordinaires : l’usufruitier peut les passer seul, mais la durée de ceux-ci ne peut
excéder 9 ans : au-delà, le contrat reste valable mais ne sera opposable au nu-
propriétaire, à l’expiration de l’usufruit, que pour la période de 9 ans en cours (il y a une
réduction de la durée convenue au maximum de 9 ans) ;
Baux commerciaux ou ruraux (ouvrant un droit au renouvellement) : leur conclusion
suppose le consentement du nu-propriétaire ou, en cas de refus injustifié de celui-ci, une
autorisation judiciaire. Sinon, le bail est nul (et pas seulement inopposable), sous réserve
du jeu de la théorie de l’apparence.
Les personnes qui se marient sans contrat de mariage sont automatiquement soumis au
régime matrimonial légal qui est, depuis 1965, le régime de la communauté réduite aux
acquêts. Ainsi, l’actif de la communauté se compose seulement des acquêts, c’est-à-dire de
tous les biens, meubles ou immeubles, acquis par les époux pendant le mariage (ensemble
ou séparément) grâce à leur travail ou à leur épargne (art. 1401 C. civ.). On y trouve ainsi,
par exemple, les biens acquis à titre onéreux après la célébration du mariage grâce aux
économies réalisées sur les revenus professionnels des époux ou sur les revenus de leurs
biens propres.
Chacun des époux a le pouvoir de donner à bail un bail de la communauté sous à peu près
les mêmes conditions que l’usufruitier.
Les baux ordinaires peuvent être conclus par un époux seul, mais pas pour plus de 9 ans,
sous peine de réduction comme en matière d’usufruit (gestion concurrente).
Les baux ruraux et commerciaux (ou de fonds de commerce ou artisanal) nécessitent le
consentement des deux époux mais l’opposition injustifiée de l’un pourra être supplée par
une autorisation judiciaire. Sous cette réserve, le contrat irrégulier est frappé de nullité
ouverte à l’autre conjoint. Cette nullité peut être couverte par une ratification, expresse ou
tacite, mais la jurisprudence refuse ici le jeu de la théorie de l’apparence.
D- Le choix du locataire
En principe, le choix du locataire par le bailleur est libre, le bail étant quelque part un
« contrat de confiance » (quoique le caractère intuitu personae ne soit pas un obstacle à la
transmission à cause de mort ou en cas de vente de la chose louée).
Les articles 225-1 et 225-2 du Code pénal sanctionnent, entre autres, les refus
discriminatoires de fournir un bien ou un service à des personnes physiques (ou, mutatis
mutandis, à des personnes morales) à raison de leur origine, de leur sexe, de leurs mœurs,
de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de
santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur
orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales,
de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une
nation, une race ou une religion déterminée.
Il manque néanmoins à cette énumération la situation financière de la personne, en
l’occurrence sa solvabilité. Le propriétaire peut donc refuser la location en se fondant sur
l’impécuniosité du candidat au bail.
Le texte a ainsi modifié l’article 1er, afin de sanctionner les discriminations dans le choix
des locataires : « Aucune personne ne peut se voir refuser la location d' un logement en
raison de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation de
famille, son état de santé, son handicap, ses mœurs, son orientation sexuelle, ses opinions
politiques, ses activités syndicales ou son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou
supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
En cas de litige relatif à l'
application de l' alinéa précédent, la personne s' étant vu refuser la
location d'un logement présente des éléments de fait laissant supposer l' existence d'une
discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie
défenderesse de prouver que sa décision est justifiée. Le juge forme sa conviction après
avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d' instruction qu'il estime utiles ».
Le texte n’ayant pas précisé la sanction encourue, seule l’attribution de dommages-intérêts
paraît possible (il y a aussi les sanctions pénales prévues par l’article 225-1 du Code pénal).
Le texte a aussi adjoint un nouvel alinéa à l’article 22-1 de la loi de 1989, interdisant de
refuser le cautionnement offert par une personne étrangère. Sous l’empire de la législation
antérieure, il avait été jugé que le fait pour un bailleur de réclamer une caution à un locataire
étranger non ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ne constituait pas une
pratique discriminatoire dès lors que le locataire n’établissait pas que lui seul s’était vu
réclamer cette garantie pour l’unique raison de son appartenance à un groupe ethnique.
Le texte a également créé, au sein de la loi de 1989, un nouvel article 22-2 interdisant un
certain nombre de justificatifs au candidat locataire. « En préalable à l' établissement du
contrat de location, le bailleur ne peut demander au candidat à la location de produire les
documents suivants :
- photographie d' identité ;
- carte d'assuré social ;
- copie de relevé de compte bancaire ou postal ;
- attestation de bonne tenue de compte bancaire ou postal ».
Le but des mesures préconisées est de proscrire toute demande de pièces pouvant être
utilisées à d’autres fins que l’appréciation de la solvabilité du candidat locataire, notamment
discriminatoires.
Le texte est d’interprétation stricte, la liste dressée doit être considérée comme limitative : il
reste donc possible d’exiger du locataire la production de :
ses bulletins de salaire
de son contrat de trava,il ou attestation d’emploi,
d’une pièce d’identité (avec ou sans photographie ?!)
avis d’imposition,
dernières quittances de loyer…
Cela dit, même si l’interdiction ne s’applique à la lettre qu’au bailleur, le mandataire de celui-
ci est aussi concerné.
A- la charge de la preuve
On applique les règles du droit commun de la preuve : la charge de la preuve peut ainsi
peser sur l’une quelconque des parties, en l’occurrence celle qui invoque le contrat contre
l’autre :
il peut s’agir du locataire qui veut faire reconnaître son droit pour ne pas restituer la
chose,
il peut aussi s’agir du bailleur qui veut, par exemple, obtenir paiement des loyers.
S’agissant des moyens de preuve, le droit commun de la preuve est écarté au profit de
règles plus sévères prévues par les articles 1715 et 1716 du Code civil. Ces moyens
diffèrent selon que le bail a ou non reçu un commencement d’exécution.
Dans ce cas, l’article 1716 assouplit la règle précédente (art. 1715) tout en continuant de
déroger au droit commun.
Une distinction est faite selon que le contenu à prouver intéresse le loyer ou la durée du bail.
Concernant le loyer, la loi écarte la preuve par témoins. Cette preuve doit se faire, d’après le
texte, par les quittances délivrées par le bailleur, sinon par le serment (décisoire) du bailleur
ou, en cas de contestation, par expertise si le locataire le préfère.
Concernant la durée du bail, sa preuve ne peut être rapportée que par écrit. A contrario, tout
bail verbal est réputé à durée indéterminée (il est donc résiliable unilatéralement à tout
moment, sauf le jeu des durées minimales fixées impérativement par les statuts spéciaux).
Remarque : Toutes les règles précitées ne concernent que les rapports entre les parties au
bail. A l’égard des tiers, il faut distinguer :
Si c’est le tiers qui entend prouver l’existence du bail, il peut le faire par tous moyens
selon le doit commun (le contrat est, pour le tiers, analysé comme un fait juridique).
Si c’est l’une des parties qui entend prouver le bail contre un tiers, certains arrêts
affirment parfois la règle de la liberté de la preuve. Cette solution n’en reste pas moins
très incertaine voire très contestable : les parties devraient établir le bail de la même
manière qu’elles le font entre elles.
En principe, le bail de droit commun n’est soumis à aucune exigence de publicité à l’attention
des tiers (parce qu’il n’est pas créateur de droits réels).
Néanmoins, cette publicité peut s’avérer opportune, notamment pour le bailleur (par
exemple, pour informer les créanciers du locataire que ce dernier n’est pas, malgré
l’apparence créée par la possession matérielle, propriétaire de la chose louée).
Nécessairement à titre onéreux, le bail est aussi un contrat synallagmatique, c' est-à-dire
créateur d’obligations réciproques entre les parties. Ces obligations sont, par ailleurs, à
exécution successive et interdépendantes.
Les règles régissant l’obligation de délivrance conforme en matière de bail présentent une
analogie certaine avec celles de la vente (V. supra), de sorte que les développements qui
suivent ne seront consacrés qu’à certaines questions spécifiques.
La délivrance de la chose louée est triple : mise à disposition, conformité et bon état
de la chose. Comme en matière de vente, l’obligation de délivrance en matière de bail
recouvre d’abord trois obligations distinctes mais complémentaires : d’une part, le bailleur
doit mettre la chose louée à la disposition du preneur (article 1719, alinéa 1er du Code civil) ;
de deuxième part, cette délivrance doit porter sur un bien conforme à la destination stipulée
dans le bail ; de troisième part, cette délivrance doit porter sur un bien sain, c'
est-à-dire apte
à l’usage auquel il est destiné.
1°) L’obligation de délivrance proprement dite
Sens. Le bailleur doit mettre la chose louée à la disposition du locataire pour qu’il puisse en
jouir. Le bien doit évidemment être libre de toute occupation. L’obligation de délivrance se
poursuit pendant toute la durée du bail, ce qui implique que le bailleur ne peut « changer la
forme de la chose » (art. 1724), ni supprimer un élément de la chose, ni a fortiori la détruire.
Sens. A la différence des règles de la vente, la délivrance du bien loué s’entend, sauf
stipulation contraire (la règle légale étant supplétive), d’une « chose en bon état de
réparations de toute espèce » (article 1720 du Code civil). Autrement dit, le bailleur est tenu,
de manière large, à toutes les réparations nécessaires (aussi bien les grosses réparations
que les réparations dites locatives qui, en cours de contrat, seront à la charge du preneur)
pour rendre le bien loué apte à satisfaire à l’usage auquel il est destiné dans le contrat.
La délivrance peut notamment se faire par la remise matérielle de la chose louée ou, le cas
échéant, par remise de clés.
La délivrance doit avoir lieu au moment convenu par les parties mais, en l’absence de
volonté particulière exprimée sur ce point, il appartiendra aux juges du fond de le préciser en
tenant compte des circonstances.
S’agissant du lieu de la délivrance, il revient, en principe, aux parties de le déterminer mais,
en cas de silence sur ce point, la question sera réglée par référence aux usages locaux ou,
en l’absence de tels usages, à l’endroit où la chose se trouve.
Le manquement du loueur à son obligation de délivrer une chose conforme peut donner lieu,
lorsque cette défaillance n’est pas due à un cas de force majeure, à l’application de toutes
les sanctions prévues par le droit commun. C’est ainsi que, notamment :
- il pourra refuser de prendre livraison d’une chose différente de celle convenue au contrat
(article 1243 du Code civil) ;
- il pourra même, en cas de manquement assez grave, se prévaloir de l’exception
d’inexécution et, de la sorte, refuser de payer le loyer ;
- il pourra demander l’exécution forcée de l’obligation qui ne présente aucun caractère
personnel ;
- il pourra agir en résolution ou résiliation sur la base de l’article 1184 du Code civil, avec
ou sans dommages-intérêts ;
- il pourra agir en responsabilité contractuelle et indemnisation ;
- le preneur pourra aussi, en cas de délivrance d’une chose en mauvais état, se faire
autoriser par le juge (y compris en référé s’il y a urgence) à effectuer lui-même les travaux
de réparations aux frais de loueur récalcitrant (article 1144 du Code civil). En l’absence
d’une telle autorisation judiciaire, la jurisprudence dominante considère que le preneur n’est
pas bien fondé à exiger du bailleur le remboursement des frais exposés.
A- Le contenu de l’obligation.
B- La portée de l’obligation
L’obligation d’entretien n’est pas d’ordre public : les clauses mettant à la charge du preneur
certaines réparations sont valables et très fréquentes (elles sont toutefois réglementées
dans les statuts spéciaux). Cela dit, comme pour les clauses de « location en l’état », les
clauses relatives à l’obligation d’entretien sont interprétées par les tribunaux avec beaucoup
de rigueur, de manière à éviter qu’elles n’aboutissent à porter atteinte à l’essence ou à
l’économie générale du contrat : le bailleur ne pourrait ainsi se dispenser des travaux de
réparation indispensables pour que le chose louée soit apte à son usage (par exemple,
travaux de réfection d’une toiture ; travaux de sécurité imposés par l’administration), sauf
négligence antérieure du locataire.
Le manquement du bailleur à son obligation d’entretien peut donner lieu, lorsque cette
défaillance n’est pas due à un cas de force majeure, à l’application de sanctions prévues par
le droit commun. C’est ainsi que, notamment :
- il pourra demander l’exécution forcée de l’obligation qui ne présente aucun caractère
personnel ;
- il pourra agir en résolution ou résiliation sur la base de l’article 1184 du Code civil, avec
ou sans dommages-intérêts ;
- il pourra agir en responsabilité contractuelle et indemnisation ;
- le preneur pourra aussi se faire autoriser par le juge (y compris en référé s’il y a urgence) à
effectuer lui-même les travaux de réparations aux frais de loueur récalcitrant après mise en
demeure, (article 1144 du Code civil). En l’absence d’une telle autorisation judiciaire, la
jurisprudence dominante considère que le preneur n’est pas bien fondé à exiger du bailleur
le remboursement des frais exposés.
Le bailleur doit garantir le locataire contre les troubles de droit émanant de tiers (l’article
1726 du Code civil prévoit une réduction proportionnelle du loyer en cas d’éviction partielle
et, en cas d’éviction totale, une extinction du bail sans préjudice des dommages-intérêts dus
par le bailleur de mauvaise foi).
En revanche, les troubles de fait émanant de véritables tiers (penitus extranei) ne sont
pas garantis par le bailleur (vol par exemple), sauf négligence prouvée. Cela dit, les troubles
de fait émanant de colocataires (et non de copropriétaires qui sont des tiers absolus) du
même bailleur donnent lieu à garantie, à condition toutefois d’être rattachables au bail.
Texte. C’est l’article 1721 du Code civil qui prévoit la garantie des vices cachés du bailleur :
« Il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en
empêchent l’usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail (alinéa 1er).
S’il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de
l’indemniser (alinéa 2) ».
Proximité d’avec le régime de la garantie des vices cachés dans la vente : renvois. La
garantie des vices cachés mise à la charge du loueur est assez voisine de celle qui est due
par le vendeur (V. supra). Elle ne couvre que les défauts ou vices non apparents et inconnus
du locataire (mais peu importe que le bailleur les ait connus ou non), existant au moment de
la formation du contrat, et qui rendent la chose louée impropre à la jouissance du preneur.
Cela dit, tous les dommages en résultant sont couverts, y compris ceux résultant d’atteintes
corporelles. S’agissant de garantie, l’obligation qui pèse sur le loueur est une obligation de
résultat dont il ne peut s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère. Il suffit alors que
le locataire établisse qu’un défaut de la chose est à la source du préjudice pour obtenir une
indemnisation voire la résiliation du contrat.
Comme en matière de vente (voir supra), la jurisprudence a déjà reconnu l' existence de
l’obligation d’information dans le bail. En effet, l’obligation d’information au sens large a
également pris une importance très significative dans la location de choses, en particulier
lorsque le contrat considéré porte sur des meubles tels que des équipements ou engins dont
le maniement est complexe ou dangereux. En effet, à l’instar de ce qui est exigé du vendeur,
le bailleur est tenu non seulement de renseigner objectivement et efficacement son client,
mais encore de l’orienter positivement dans son choix (conseiller) et de le mettre en garde
contre les difficultés ou risques d’utilisation de la chose louée pour lui permettre d’en user
correctement et efficacement.
En se fondant sur l’article 1135 du Code civil, la jurisprudence a découvert dans certains
contrats des obligations considérées comme accessoires (dont l’obligation de sécurité) ou
comme des « suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ».
Rencontrée en matière de vente (voir supra), la règle vaudrait pour le contrat de louage de
choses étant donné que le bien mis à la disposition du preneur doit être exempt de tout
défaut compromettant la sécurité. D’ailleurs, dans le bail immobilier, la jurisprudence a
clairement reconnu l’existence d’une obligation autonome de sécurité (distincte de la
garantie des vices) à la charge du bailleur.
Lorsque le bail porte sur des meubles et que le bailleur est un professionnel, celui-ci est
tenue de l' obligation légale de sécurité édictée par les articles 1386-1 à 1386-18 du Code
civil, textes qui constituent l’actuel titre quatrième bis, du Livre troisième du Code civil intitulé
« De la responsabilité du fait des produits défectueux » (voir supra).
Rappelons que cette obligation légale de sécurité a été instituée par la loi n° 98-389 du 19
mai 1998, transposant la directive européenne n° 85/374 du 25 juillet 1985 (directive relative
au « rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats
membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux »).
La première des obligations du locataire est de payer le prix du bail aux termes convenus. Le
montant du loyer et sa date d’exigibilité (sauf délai de grâce) relèvent de la volonté des
parties, en application du droit commun.
En garantie, le bailleur ne dispose d’un privilège que dans le cas précis d’un bail immobilier
(privilège mobilier spécial sur les meubles garnissant les lieux : art. 2102-1° du Code civil).
Aussi exige-t-il souvent des sûretés contractuelles : cautionnement (sûreté personnelle),
dépôt de garantie (sûreté réelle consistant en un nantissement ou gage d’espèces quoique
la pratique emploie improprement le terme de « cautionnement »).
Puisque le locataire devra, en fin de bail, restituer à l’identique la chose louée, il doit en faire
un bon usage et en assurer la conservation.
Le locataire doit user du bien « en bon père de famille », ce qui implique un double respect :
respect de la destination convenue dans le contrat (voir supra) : il doit se garder de
tout abus de jouissance, sous peine de résiliation du bail (mais le bailleur peut se
contenter de demander le respect de la destination convenue).
respect de la substance de la chose : sauf autorisation du bailleur, il doit se garder de
toute modification de la chose louée, même si celle-ci apporte une plus-value au bien
(cette rigueur est toutefois tempérée par le jeu de la théorie de l’abus de droit et le droit
spécial des baux d’habitation autorise certaines améliorations). La sanction peut
consister dans la remise en état de la chose (sans besoin que le bailleur subisse un
dommage) et même dans la résiliation du bail, sans que la tolérance du bail pendant un
certain temps ait effet.
B- La conservation de la chose
Cette obligation existe parce que le locataire devra, en fin de bail, restituer la chose louée.
Pour réaliser cette restitution, l’on comparera l’état du bien au moment de l’entrée en
jouissance avec son état au moment de la sortie du locataire. A cette fin, est dressé un état
des lieux d’entrée et un état des lieux de sortie. Etant entendu que, en l’absence d’un tel
acte, les locaux sont présumés avoir été délivrés en bon état (présomption simple).
Le locataire est responsable des dégradations de la chose louée. Cette responsabilité est
assez lourde et elle donne lieu à une présomption, puisque c’est au locataire de prouver que
les dégradations « ont eu lieu sans sa faute » (obligation de résultat atténué).
La sanction peut consister dans l’exécution forcée des travaux de réparation, dans la
résiliation du bail ou dans la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle du locataire.
Incendie. Cette responsabilité est aggravée en cas d’incendie puisque, dans cette
hypothèse, le locataire ne peut pas s’exonérer en prouvant qu’il n’a pas commis de faute. Il
ne peut le faire qu’en prouvant :
soit que l’incendie est dû à la force majeure,
soit qu’il est dû à un vice de construction,
soit qu’il a été communiqué par une maison voisine ou, plus généralement, par un
élément extérieur.
En présence d’un immeuble collectif occupé par plusieurs locataires, leur responsabilité en
cas d’incendie est collective sans être solidaire (chacun ne serait tenu que pour une part
proportionnelle à la valeur locative du local occupé). Néanmoins, chacun pourra se libérer
totalement en prouvant que l’incendie ne s’est pas déclaré chez lui.
Colocataires. Notons, enfin, qu’en présence de colocataires (d’un même bien), leur
responsabilité est normalement conjointe (chacun n’étant alors tenu que pour sa part), mais
elle peut être solidaire lorsque l’obligation en cause est indivisible (par exemple respect de
l’usage convenu) ou lorsqu’une solidarité a été stipulée ou prévue par un texte.
Par. 2- La sous-location
La sous-location constitue une nouvelle location qui vient se greffer sur la location principale,
cette dernière étant maintenue. Elle est consentie par le locataire principal à un sous-
locataire.
Comme la cession de bail, la sous-location est en principe permise en droit commun par
l’article 1717 du Code civil. Elle souffre toutefois les mêmes réserves précédemment vues.
Lorsqu’elle est irrégulière, le bailleur peut mettre en branle contre le locataire les sanctions
classiques de l’inexécution contractuelle, notamment la résiliation du bail principal (avec ses
répercussions sur la sous-location).
La sous-location régulière produit ses effets inter partes (le locataire principal jouant le rôle
de bailleur vis-à-vis de son sous-locataire). Bien qu’il y ait aucun rapport contractuel entre le
bailleur principal et le sous-locataire, l’article 1753 ouvre au propriétaire non payé par le
locataire principal une action directe contre le sous-locataire, mais dans la limite des
sommes dues par ce denier en vertu de la sous-location. Pour le reste, les rapports entre le
bailleur principal et le sous-locataire sont régis, s’il y a lieu, par les règles de la responsabilité
délictuelle.
Les dispositions les plus significatives semblant déroger en matière de baux d’habitation à
l’article 1165 du Code civil résident dans l’article 1751, alinéa 1er, du même code, qui rend
indivis le bail servant effectivement et exclusivement à l’habitation des deux époux, même s’il
n’a été consenti qu’à un seul, ou avant le mariage. D’après ce texte, le conjoint du signataire
du bail bénéficie automatiquement de la qualité de locataire, et cette règle s’impose au
bailleur quel que soit le régime matrimonial des époux. Ces derniers deviennent ainsi
cotitulaires du droit au bail ou, en d’autres termes, copreneurs, nonobstant toute stipulation
contraire et peu important que la conclusion du louage soit antérieure ou postérieure au
mariage.
Cette règle emporte évidemment plusieurs conséquences très importantes. D’une part, les
époux sont solidairement et indivisément redevables, entre autres, du paiement des loyers
jusqu’à la mention du jugement de divorce en marge des actes de l’état civil. D’autre part,
chaque époux ayant personnellement la qualité de preneur, le bail ne peut prendre fin à
l’initiative des deux époux que si chacun d’eux donne congé au bailleur ; en sens inverse, le
congé – ou, en général, tout acte – signifié par le loueur doit l’être distinctement à chacun
des conjoints, sous peine d’inopposabilité à l’un du congé qui n’a été délivré qu’à l’autre.
Parce qu’en général les obligations ne s’éteignent pas par la mort de l’une des parties au
rapport juridique, l’article 1122 du Code civil prévoit, s’agissant des obligations
conventionnelles, leur transmissibilité, active ou passive, en cas de décès de l’un des
contractants. Et parce que la loi ne considère pas le louage d’immeuble comme étant
naturellement marqué d’intuitus personae, l’article 1742 du même code fait une application
de cette règle au contrat de bail. Dès lors, le décès d’une partie n’entraîne pas, sauf
stipulation contraire, la fin du bail qui continue au profit des héritiers ou légataires universels
ou à titre universel du de cujus qui acceptent la succession.
Cette conception des codificateurs est néanmoins tempérée par les statuts spéciaux,
notamment par la loi « Mermaz » du 6 juillet 1989 qui, dans son article 14 interprété a
contrario, pose en principe la fin (résiliation de plein droit) du bail d’habitation en cas de
décès du preneur. C’est seulement dans certaines conditions bien définies que le louage est
« transféré », en vertu d’une succession anomale, à des personnes comprises dans une liste
limitative comprenant : le conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de
l'article 1751 du Code civil ; les descendants ou ascendants, le concubin notoire ou les
personnes à charge qui vivaient effectivement avec le défunt preneur depuis au moins un an
à la date du décès ; le partenaire lié au preneur par un pacte civil de solidarité, depuis la loi
n° 99-944 du 15 novembre 1999. L’article 14 de la loi de 1989 – qui prévoit aussi la
« continuation » du contrat dans l’hypothèse d’abandon de domicile du locataire – entend
ainsi, sur ce point, déroger à la conception retenue en droit commun, mais il n’en conserve
pas moins, pour de légitimes raisons essentiellement d’ordre familial ou affectif, une bonne
dose d’atteinte au principe individualiste de la relativité des conventions. Le décès (ou
l’abandon de domicile) du locataire entraîne, dès lors que les conditions légales sont réunies,
le « transfert » (ou la « continuation ») de plein droit du contrat initial à l’une des personnes
exhaustivement énumérées.
Aux termes de l’article 1743, al. 1er, du Code civil, « si le bailleur vend la chose louée,
l’acquéreur ne peut expulser [...] le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est
certaine ». De toute évidence, il y a là un texte consacrant, dans un but de stabilité des droits
du preneur, « une exception flagrante à l’article 1165 (étant donné que) l’acquéreur (d’un
immeuble loué) est tenu de plein droit d’obligations qu’il n’a pas assumées », en l’occurrence
l’exécution, même s’il exprime une volonté contraire, des baux en cours à la conclusion
desquels il « est (pourtant) resté tiers ». Il ne s’agit pas d’une simple question d’opposabilité
mais, plus exactement, d’une question de force obligatoire du contrat : le nouveau
propriétaire, pourtant simple ayant cause à titre particulier du vendeur, est personnellement
tenu – à compter de la cession – en tant que partie au contrat de bail ainsi transmis.
Il faut toutefois tenir compte, au-delà du formalisme destiné à éviter les fraudes éventuelles,
des dispositions de l’alinéa 2 du même article en vertu duquel le vendeur « peut, toutefois,
expulser le locataire de biens non ruraux, s’il s’est réservé ce droit par le contrat de bail ». En
d’autres termes, la règle exprimée par l’alinéa 1er est supplétive (pour les parties au louage
initial), ce qui permet ainsi d’éviter, dès la conclusion du bail non rural, que la vente du local
en question ne s’accompagne de plein droit de la transmission de la qualité de bailleur au
cessionnaire de la chose louée. Par conséquent, il convient de relativiser un peu le degré
d’atteinte au principe de la relativité du contrat de bail dont l’article 1743, alinéa 1er, serait le
vecteur, étant donné que la volonté contractuelle (des parties au contrat de bail) peut
valablement empêcher le jeu de la transmission légale du contrat, certes moyennant une
possible indemnisation du preneur.
Chapitre 3- Les régimes spéciaux de bail
Les statuts spéciaux concernent trois secteurs : les baux d’habitation, les baux commerciaux
et les baux ruraux.
Quant à leur force, ces statuts sont tous d’ordre public (de protection du preneur).
Quant leurs finalités, ces statuts poursuivent tous la protection du locataire sur deux plans :
la stabilité de l’occupation : avec une durée minimale du bail (3 ou 6 ans pour
les baux d’habitation ; 9 ans pour les baux commerciaux ou ruraux) ; avec un droit au
renouvellement en fin de bail ; avec une limitation des possibilités de résiliation en cours
de bail (notamment avec une réglementation des clauses résolutoires) ;
le contrôle des prix avec des possibilités légales de révision en cours de
contrat ou lors du renouvellement.
Pour des raisons de temps, nous nous contenterons de survoler on ne peut plus
sommairement ces réglementations particulières en insistant exclusivement sur l’un de leurs
traits majeurs : le contrôle des prix.
Le texte essentiel de droit positif réglementant de nos jours les baux d’habitation (et mixtes)
est évidemment la loi “ Mermaz ” n° 89-462 du 6 juillet 1989 “ tendant à améliorer les
rapports locatifs… ”. Ce texte est venu modifier profondément la loi “ Méhaignerie ” n° 86-
1290 du 23 décembre 1986 qui avait consacré le principe de liberté du prix des loyers. Pour
combattre les dangers des hausses des loyers générées par la loi de l’offre et de la
demande dans certains secteurs urbains, le législateur de 1989 s’est notamment engagé sur
la voie d’une réglementation très dirigiste des loyers, lesquels sont placés sous haute
surveillance tant en ce qui concerne le contrat initial qu’en ce qui concerne le contrat
renouvelé ; il a même prévu une possibilité d’intervention directe des pouvoirs publics au
moyen de décrets. Seul un domaine résiduel de liberté est prévu par l’article 17-a.
En dehors du secteur libre dont le domaine est très étroit et quasiment illusoire, le loyer du
contrat initial doit être déterminé suivant un système de “ références ” qui exclut la liberté des
parties au profit de l’application de la valeur locative du logement. En effet, selon l’article 17-
b, en dehors des cas visés à l’article 17-a, “ le loyer des logements vacants ou faisant l’objet
d’une première location [...] est fixé par référence aux loyers habituellement constatés dans
le voisinage pour des logements comparables dans les conditions définies à l’article 19, s’il
est supérieur au dernier loyer exigé du précédent locataire ”.
Par ailleurs, l’interventionnisme étatique s’étend à la détermination du prix du bail renouvelé.
A ce propos, l’article 17-c pose un principe simple, à savoir la stabilité du loyer du contrat
renouvelé (ou tacitement reconduit conformément à l’article 10), à la différence de ce que
permettrait la liberté contractuelle en droit commun. Sans doute que le maintien du loyer
d’origine n’est pas incompatible avec le jeu d’une clause d’indexation, encore que l’article 17-
d, alinéa 2 (rédaction issue de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005), limite les effets d’une
telle stipulation en disposant que la majoration du loyer pouvant en résulter ne pourra pas
excéder un certain seuil fixé en fonction d’un indice de référence des loyers dont les
modalités de calcul (et de publication), fixées par décret en Conseil d' Etat (n° 2005-1615 du
22 décembre 2005), « s' appuient notamment sur l' évolution des prix à la consommation, du
coût des travaux d' entretien et d'amélioration du logement à la charge des bailleurs et de
l'
indice du coût de la construction »..
Le principe de la sauvegarde du loyer d’origine posé, la loi introduit néanmoins une
possibilité exceptionnelle de réévaluation de ce prix, lorsqu’il est « manifestement sous-
évalué ». En effet, sous cette condition, le bailleur peut proposer au locataire, au moins six
mois avant le terme du contrat et dans les conditions de forme prévues à l' article 15
(précisant les conditions et certaines conséquences du congé), un nouveau loyer fixé par
référence aux loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements
comparables dans les conditions définies à l’article 19 ”. Le locataire peut alors accepter le
nouveau loyer, et le contrat sera renouvelé avec ces nouvelles données de prix. En
revanche, en cas de désaccord ou de défaut de réponse du locataire quatre mois avant le
terme du contrat, l’une quelconque des parties peut saisir la Commission de conciliation
(article 17-c, alinéa 5). En l’absence d’accord constaté par celle-ci, s’engage alors une phase
judiciaire à l’issue de laquelle le juge va fixer le loyer (article 17-c, alinéa 6) dont d’ailleurs la
hausse éventuelle sera étalée (article 17-c, alinéas 7 et 8).
Définition. Le contrat d'entreprise est la convention par laquelle une personne s'oblige
contre une rémunération à exécuter pour l' autre partie un travail déterminé, sans la
représenter et de façon indépendante.
Diversité des prestations couvertes. Ce travail peut être de toute nature: le contrat
d'entreprise s'applique aussi bien à des travaux portant sur des choses matérielles, qu' il
s'agisse d'immeubles (construction, rénovation, entretien, gardiennage) ou de bien mobiliers
(conception, organisation, études, conseils, assistance, soins, etc.).
Ce qui caractérise ce contrat est ainsi son extrême diversité : il est le moyen par lequel
s'effectuent la plupart de ce qu' on appelle « les prestations de services » fournies par les
professions artisanales et libérales (lesquelles prennent de plus en plus souvent des formes
commerciales): le médecin, l' architecte ou le « conseil » en tous genres conclut avec son
client un contrat d' entreprise tout comme le garagiste, le décorateur, le teinturier, le
menuisier, l'aubergiste, l'
entrepreneur de spectacles ou l' organisateur de voyages, sans
compter toutes les professions relatives à la construction et au bâtiment.
Chapitre 1- Le droit commun du contrat d'entreprise
Trois éléments. La prestation caractéristique du contrat d' entreprise concerne l' obligation
mise à la charge de l ' entrepreneur. La définition déjà fournie (voir supra) fait ressortir trois
éléments essentiels dont la réunion est nécessaire au contrat d' entreprise et qui permettent
de le distinguer de contrats voisins. Il faut toutefois conserver à l'
esprit que ces distinctions,
tout en étant très claires dans leur principe, sont parfois rendues d' application délicate par
l'
existence d'obligations multiples dans des contrats complexes.
Ces trois éléments sont les suivants:
en premier lieu, l'
entrepreneur contracte nécessairement une obligation de faire, par
opposition aux obligations de donner;
en deuxième lieu, cette obligation porte sur des actes matériels ou intellectuels,
par opposition à l'
obligation d'accomplir des actes juridiques (mandat);
en troisième lieu, l'
entrepreneur conserve, dans l' accomplissement de sa tâche, son
indépendance juridique, par opposition à celui qui agit en se plaçant dans un rapport de
subordination (préposé).
A- Une obligation de faire, critère de distinction d'avec les contrats translatifs, de mise
à disposition ou de conservation
Opposition aux obligations de ne pas faire et de donner. L' obligation que contracte
l'
entrepreneur est nécessairement une obligation de faire consistant dans l' exécution d' un
travail.
Cela exclut tout d' abord les obligations de ne pas faire. Il est vrai que celle ci n' est le plus
souvent qu' un élément accessoire d' un contrat dont la qualification se trouve donnée par
l'
élément principal: à ce titre, une obligation de ne pas faire peut se rencontrer dans un
contrat d' entreprise lorsqu'elle n'est que l'
accessoire d' une obligation principale de faire( par
exemple une obligation de secret insérée dans un contrat d' études ou de recherches). Mais,
lorsque l'obligation de ne pas faire constitue l' élément principal du contrat, celui-ci ne peut
pas recevoir la qualification de contrat d' entreprise: par exemple, l' obligation souscrite par le
propriétaire d' un terrain de ne pas construire ou d' un agent économique de ne pas faire
concurrence à un autre ne caractérise pas un contrat d' entreprise, même si elle est
contractée en contrepartie d' une rémunération.
Mais c' est surtout à l'obligation de donner que s' oppose la prestation caractéristique du
contrat d' entreprise. C'est en quoi il se distingue des contrats dont l' objet principal porte sur
une obligation de donner, distinction qui est cependant difficile lorsque le contrat emporte à
la fois des obligations de faire et de donner.
Cet élément permet de distinguer du contrat d' entreprise à la fois de la vente, du dépôt et du
bail.
Moins nombreux qu' en ce qui concerne la vente, les enjeux de la distinction n' en sont pas
moins importants:
quant à la validité du contrat : alors que le bail exige la détermination structurelle d'
un
prix, il n'en est pas de même du contrat d' entreprise;
quant aux garanties et à la responsabilité: le bailleur doit garantir la jouissance de la
chose, mais non le résultat comme l' entrepreneur;
quant aux risques: la perte de la chose est régie par l' article 1722 du Code civil en
cas de location (résiliation à compter de la perte seulement, les loyers antérieurs restant dus)
et par l' art 1788 en cas de contrat d' entreprise (rien n'est dû à l'entrepreneur);
quant aux garanties de paiement: l' entrepreneur sous-traitant dispose de la protection
de la loi de 1975 qui ne profite pas à celui qui donne seulement du matériel en location à
l'
entrepreneur principal.
Termes du problème. La question du critère entre ces deux contrats ne se pose que
lorsque le client confie un objet corporel à son cocontractant .
Le critère réside alors dans la mission de ce dernier: s'il doit exécuter un travail, il y a contrat
d'entreprise ; s' il est simplement chargé de conserver la chose en vue de sa restitution, le
contrat est un dépôt: ainsi du garagiste selon qu' il doit simplement abriter le véhicule ou le
réparer.
Si nette qu'elle apparaisse ainsi dans le principe, la distinction n'
en devient pas moins parfois
délicate à raison de deux types de circonstances:
d'
une part, il est des cas où le dépositaire n' est pas purement passif, mais doit
dispenser des peines et soins pour assurer son obligation de conservation, ce qui le
rapproche d' un entrepreneur (par exemple, celui qui prend un animal en pension );
d'
autre part il arrive souvent que l' entrepreneur chargé d' une réparation doive
conserver la chose avant et après l' exécution de son travail: ainsi du garagiste, du bijoutier
ou du teinturier.
Qualification unitaire. Lorsque le contrat est unitaire et indivisible, il doit recevoir une
qualification unique. Celle-ci se détermine d'après l'objet essentiel de la tâche confiée. Ainsi,
la mise en pension simple d' un cheval est-elle un dépôt de sorte qu' en cas d'accident, le
dépositaire doit prouver son absence de faute. Mais si le cheval est confié en vue d' un
dressage ou d' un entraînement, le contrat est un contrat d' entreprise ne créant qu' une
obligation de moyens de sorte que, en cas d' accident, l'entraîneur ne répond que de sa faute
prouvée. La conservation de l' animal n'
est que l'accessoire nécessaire à la réalisation de la
mission de l' entrepreneur.
De même, dans le contrat de restauration, la garde des vêtements du client ne donne pas
lieu à un contrat de dépôt annexe, mais constitue seulement une obligation accessoire au
contrat d' entreprise, qui n'
est pas l'
essence de celui-ci et peut donner lieu à une clause de
non-responsabilité. Il en va autrement si le vêtement est confié au restaurateur car il se
forme alors un contrat de dépôt à côté du contrat d' entreprise et indépendant de celui-ci.
Double qualification successive. Lorsqu' on peut discerner deux phases dans l' exécution
du contrat, celui-ci n'apparaît plus comme indivisible et un certain courant jurisprudentiel
décompose alors l' opération. Ainsi en est-il du garagiste qui reçoit un véhicule aux fins de
réparation et le conserve avant et après l' intervention, du teinturier, du bijoutier, du fourreur,
etc.
La Cour de cassation a énoncé que « l' existence d' un contrat d' entreprise portant sur une
chose remise à l' entrepreneur n' exclut pas que celui-ci soit aussi tenu des obligations du
dépositaire »: le contrat conclu avec le garagiste comporterait alors « une phase de dépôt ».
Certains auteurs critiquent ce « dépeçage » du contrat ou trouvent « insolite » cette double
qualification, proposant plutôt d'inclure dans le contrat d' entreprise lui-même une obligation
accessoire de garde .
On a fait remarquer que l' intérêt pratique de cette discussion est faible, car la responsabilité
du dépositaire et de l'entrepreneur est pareillement traitée en jurisprudence: dans les deux
cas, la conservation de la chose confiée donne lieu à une obligation de résultat atténuée
dont le débiteur peut se libérer par la preuve de son absence de faute .
Cela n'est cependant pas tout à fait exact, car on relève quelques différences : par exemple
quant à la portée de l' obligation de sécurité ou quant à la possibilité d' une clause
d'
exonération .
Toutefois, on peut penser que l' identité de régime pourrait se trouver consacrer par un arrêt
du 22 janvier 1991 qui étend le régime du dépôt à « toute personne tenue d' une obligation
qui s'apparente à celle du dépositaire de garder et de restituer », ce qui peut très bien
s'
appliquer à l'entrepreneur.
Restent néanmoins des enjeux accessoires, comme par exemple le jeu d' une police
d'
assurance.
B) Une obligation portant sur des actes matériels et l’absence de pouvoir de
représentation, critères de distinction d'avec le contrat de mandat
Cumul d'un contrat d'entreprise et d'un mandat. Contrat d' entreprise et contrat de mandat
peuvent exister conjointement en présence d' une mission complexe comportant à la fois des
actes matériels et des actes juridiques (ainsi de l' architecte qui, lié par un contrat
d'entreprise, a, en outre, reçu mandat de traiter avec les entrepreneurs et d' effectuer des
paiements au nom et pour le compte du maître d' ouvrage). En principe les deux contrats
demeurent distincts et celui qui prétend que l' entrepreneur a reçu en outre la qualité de
mandataire doit en apporter la preuve. Toutefois le mandat spécial n' exige pas
l'
établissement d' une convention séparée, puisqu' il peut être compris dans la convention de
louage d' ouvrage et peut même être tacite ou résulter de la théorie du mandat apparent. Le
cumul des deux contrats conduit à une application distributive des deux régimes
contractuels. En particulier, la responsabilité du professionnel sera appréciée d' après les
règles de chaque régime appliqué aux différentes parties de sa mission. La loi elle-même l' a
prévue dans le cas particulier où le promoteur immobilier est à la fois mandataire et
entrepreneur (art 1831-1 al.2).
Distinction fondée sur la nature des actes. L' obligation de faire que contracte
l'
entrepreneur porte sur les actes matériels, par opposition aux actes juridiques qu' accomplit
un mandataire. En effet, le mandataire est investi d’un pouvoir de représentation dans la
passation d’un ou de plusieurs actes juridiques bilatéraux voire multilatéraux (contrats) ou
unilatéraux. En ce sens, il se distingue du locateur d’ouvrage ou entrepreneur qui réalise des
actes matériels ou intellectuels. En particulier, le mandat s’écarte ainsi du simple courtage ou
entremise, précisément parce que le courtier – qui est un entrepreneur – se borne à
rapprocher d’éventuelles parties sans conclure lui-même l’acte (que seules ces parties
pourraient, le cas échéant, conclure directement).
Cela étant, il peut néanmoins arriver – et il arrive souvent – que, de manière accessoire ou
secondaire, le mandataire ait à réaliser des actes matériels en complément des opérations
juridiques qu’il passe (par exemple, le mandataire chargé de conclure un contrat de vente
sera nécessairement amené à faire des démarches matérielles telles que : recherche du
candidat acquéreur, négociation avec celui-ci, transport, etc.). Mais l’accessoire suivant le
principal (« Accessorium sequitur principale »), la qualification de mandat l’emporte dès lors
que les opérations matérielles restent annexes ou secondaires. Cependant, il arrive
fréquemment qu' une mission confiée à un même professionnel porte à la fois sur des actes
matériels et des éléments juridiques, de telle sorte qu'il y a cumul d'un mandat et d' un contrat
d'entreprise.
2°) Les intérêts de la distinction
Bien des intérêts découlent de cette distinction, en particulier le fait que le mandataire sera,
en général, tenu d’une simple obligation de moyens, alors que l’entrepreneur sera, lui, en
règle ordinaire, débiteur d’une obligation de résultat.
Par ailleurs, le maître de l’ouvrage n’a aucun lien contractuel avec les fournisseurs ou avec
les auxiliaires ou sous-traitants de l’entrepreneur.
Soulignons aussi que le maître de l’ouvrage n’a pas à indemniser l’entrepreneur des pertes
qu’il aurait subies dans son travail, à la différence du mandant qui doit, en principe,
rembourser au mandataire les pertes essuyées lors de l’exécution du contrat, dans la
mesure où ces pertes ne lui sont pas imputables (art. 2000 du Code civil).
Soulignons encore que l’entrepreneur n’est pas révocable ad nutum, comme l’est en principe
le mandataire (art. 2004 du Code civil), que les co-mandants sont de plein droit solidaires
(art. 2002 du Code civil), à la différence des co-maîtres ou des co-entrepreneurs (qui sont
conjoints).
Enfin, faisons observer que si le mandat finit par la mort de l’une quelconque des parties, le
louage d’ouvrage, lui, ne cesse en principe que par la mort de l’entrepreneur.
Les contrats de mandat et de louage d’ouvrage connaissent ainsi des caractères et des
régimes très différents ordinairement. Cela dit, des règles similaires leur sont parfois
applicables. Ainsi, par exemple, du pouvoir judiciaire de fixation ou de révision du prix
indéterminé ou mal déterminé, que ce soit dans le mandat ou dans le louage d’ouvrage,
contrats dans lesquels la prédétermination objective de l’objet pécuniaire n’a jamais
constitué une condition de formation (mais seulement d’exécution).
Contrat par essence à titre onéreux. A partir de la définition fournie par l' article 1710 (« le
louage d' ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose
pour l'autre moyennant un prix convenu entre elles »), il est traditionnellement admis que le
contrat d' entreprise est par essence un contrat à titre onéreux et qu'« il n' existe pas de
contrat d' entreprise gratuit ».
Lorsqu' il est convenu qu' aucun prix n'est dû, la convention s' analyse en un contrat de
« services gratuits », appelé encore convention d' entraide ou convention d' assistance
bénévole qui constitue en réalité un prêt d' assistance et dont, à défaut de tout texte, la
jurisprudence élabore progressivement le régime.
Si l'
existence d' une rémunération est un élément essentiel du contrat d' entreprise, il n'
est pas
nécessaire qu' elle soit déterminée lors de la formation du contrat. C'
est là une originalité du
contrat d' entreprise. On peut donc dire que l' élément nécessaire à la qualification d' un
contrat d' entreprise réside dans un principe de la rémunération.
Nature de la rémunération. La nécessité d' une rémunération n' impose pas que le prix
consiste obligatoirement en une somme d' argent. L'entrepreneur peut recevoir en paiement
soit des biens (cas du sponsoring), soit des services (sous réserve de règles déontologiques
propres à certaines professions).
En pareil cas, le contrat présentera alors souvent un caractère hybride, tenant à une double
qualification: ainsi en cas de rémunération par transfert d' un bien, le contrat intégrera à la
fois un contrat d' entreprise et un contrat de vente, puisque la cession de ce bien trouve elle-
même un prix dans la prestation de l' entrepreneur. Cette double qualification entraînera une
application distributive des règles propres à chaque contrat: les obligations de l' entrepreneur
seront celles du contrat d' entreprise tandis que celles du client seront celles d'
un vendeur.
Contrats privés ou publics. On laissera de côté le cas des marchés publics, qui ont la
nature de contrats d' entreprise, mais dont la conclusion est soumise à des règles
particulières définies au Code des Marchés Publics mettant souvent en jeu une procédure
d'appel d' offres. On rappellera simplement que tout marché public et qu' il peut s'agir d'
un
contrat de droit privé qui est alors soumis au droit privé.
Selon le droit commun, il faut distinguer les règles de formation de contrat et les règles de
preuve.
Le marché à forfait (marché à prix fait). Le marché à forfait, encore connu sous le nom
de « marché à prix fait », est une technique mieux adaptée aux travaux d’importance
considérable, même si le procédé n’est pas sans risques d’imprévision en matière de
construction immobilière, la conclusion d’un tel contrat suppose, d’après l’article 1793 du
Code civil, la réunion de trois séries de conditions).
Le marché sur séries de prix (marché sur devis ou au métré). Dans ce type de
marché, encore connu sous les appellations de « marché sur devis » ou de « marché au
métré », le prix est fixé lors de la conclusion du contrat, mais il n’est pas déterminé
globalement dans le contrat, mais article par article. Le prix global et définitif ne sera connu
qu’à la fin des travaux, d’après la quantité et l’importance des prestations effectuées.
Ici encore, le droit de la consommation vient tempérer la règle, sans y apporter toutefois une
dérogation directe sur le plan civil. En effet, aux termes de l' article L. 113-3 du Code de la
consommation, « tout prestataire de services doit... informer le consommateur sur les prix »
selon les modalités fixées par un arrêté général du 3 décembre 1987 (article 13 : « le prix de
toute prestation de services doit faire l'
objet d'un affichage dans les lieux où la prestation est
proposée au public »). De nombreux arrêtés plus précis sont consacrés à certaines
professions (blanchisseries, bar et restaurants, hôtels, salons de coiffure, garages, auto-
écoles, dépannages électroménager, taxis, etc.). Il en résulte que, dans tous ces domaines,
le prix doit être fixé par cette information préalable. Mais ce n' est pas pour autant une
condition de validité du contrat : cette obligation d'
information n'est, en effet, assortie que de
sanctions pénales (article 33 du décret du 29 décembre 1986 : contravention de 5ème
classe). Par conséquent, si cette information n' a pas été donnée et si l' accord du client n'a
donc pas pu porter sur le prix, le contrat n' en restera pas moins valable civilement et le juge
aura à fixer le prix manquant.
Contrat consensuel en droit commun. Le contrat d' entreprise est un contrat consensuel:
aucune formalité spéciale n' est exigée pour la validité de la convention. L' établissement d'un
devis estimatif n'est pas nécessaire.
Si certains textes particuliers exigent un écrit, on refuse souvent d' y voir une condition de
forme: ainsi l'
article 5 de la loi du 3 janvier 1967 exige un écrit pour le contrat de construction
de navires ainsi que pour les modifications, en précisant « à peine de nullité » pour ces
dernières, mais on y voit souvent une règle de preuve ; de même, si le code des devoirs
professionnels des architectes imposent l' établissement d' un écrit, il ne s'
agit que d'une règle
déontologique n' écartant pas le principe du consensualisme.
Phase préparatoire : pourparlers, projets et devis. Lorsque les travaux sont d' une
certaine importance, la conclusion du contrat est souvent précédée d' une phase préparatoire
au cours de la quelle interviennent certains actes dont la nature juridique est parfois difficile à
dégager.
Trois analyses juridiques sont en effet possibles.
Il peut s'agir de simples pourparlers : au lieu de succomber au coup de foudre
contractuel, les parties peuvent engager des négociations. Aucune partie n' est encore
engagée, sous la réserve de droit commun d' une rupture fautive, par exemple lorsque le
maître d' ouvrage demande abusivement des devis sans intention sérieuse d' exécuter les
travaux ou si des négociations importantes sont rompues brutalement sur simple coup de
téléphone (en effet, même pendant la période pré-contractuelle, un devoir de loyauté doit
présider aux rapports entres les parties à la négociation, qu’elle soit informelle ou a fortiori
formalisée, de sorte qu’une rupture fautive ou abusive peut engager la responsabilité de son
auteur).
Il peut s'agir d'une promesse unilatérale de contrat : c' est le cas des devis par
lesquels l' entrepreneur s'oblige seul, le client conservant sa liberté et ne devant, en principe,
aucune rémunération pour l' établissement du devis.
Il peut s'agir, enfin, d'
un véritable contrat préparatoire créant d' ores et déjà des
obligations à la charge des parties : c' est le cas lorsqu'
il est convenu que le devis lui-même
sera payant, ce qui ne se présume pas.
Contrat définitif: gré à gré ou concours. Pour les marchés importants, notamment dans le
domaine immobilier mais aussi dans celui de la conception des campagnes publicitaires, le
maître de l’ouvrage peut choisir entre plusieurs types de formules de liaison contractuelle. Il
peut d’abord traiter de gré à gré avec l’entrepreneur de son choix.
Il peut aussi organiser une procédure de concours même s’il n’est pas légalement tenu de le
faire. Deux procédés sont pour l’essentiel utilisables ou utilisés.
Il s’agit, d’une part, de l’appel d’offre de soumission qui est la procédure par laquelle
le maître de l’ouvrage établit un cahier des charges définissant l’ouvrage projeté et où il
s’engage à traiter avec le soumissionnaire le moins-disant (moins cher), sous peine de payer
une indemnité prévue par l’article 1794 du Code civil. L’appel d’offre peut être ouvert (à toute
entreprise intéressée), mais il est généralement restreint, c’est-à-dire adressé seulement à
certains entrepreneurs présélectionnés. Chaque entrepreneur fait ensuite ses soumissions
par lettre cachetée afin d’éviter tout risque de fraude. L’ouverture des propositions se fait en
présence des candidats, le marché étant attribué, par signature d’un procès-verbal, à celui
d’entre eux dont le prix est le moins élevé.
Outre l’appel d’offre, le maître de l’ouvrage peut, d’autre part, recourir à la procédure
de l’adjudication. Dans cette hypothèse, le marché est offert aux enchères publiques et
conclu avec l’entrepreneur enchérisseur qui a proposé le prix le moins élevé.
Mise en oeuvre du droit commun. La preuve du contrat est soumise, en matière civile, au
droit commun des articles 1341 et suivants du Code civil et, en matière commerciale, au
libéralisme posé par l’article L. 110-3 du Code de commerce. Un régime particulier de preuve
est toutefois prévu par l’article 1793 du Code civil dans le cas des marchés à forfait compris
dans son domaine : les travaux supplémentaires doivent être autorisés par écrit.
Comme tout contrat synallagmatique, le contrat d' entreprise engendre des obligations à la
fois à la charge de l'
entrepreneur et à celle du maître d'
ouvrage.
Contenu. L' entrepreneur est tenu d' une obligation de respecter les délais
expressément convenus ou un délai raisonnable (d' après les usages et la nature de la
prestation) en cas d’imprécision du contrat sur ce point. Du reste, l'
article L. 114-1 du Code
de la consommation rend cette indication obligatoire. Cependant, si le client demande des
modifications ou des travaux supplémentaires, le délai prévu se trouve prorogé, au moins
tacitement.
La première question qui se pose est celle de savoir si l' entrepreneur doit exécuter lui-même
la prestation ou peut la faire exécuter par des collaborateurs ou des sous-traitants. Il faut
rappeler ici la règle générale posée par l' article 1237 du Code civil : « l'
obligation de faire ne
peut être acquittée par un tiers contre le gré du créancier, lorsque ce dernier a intérêt qu' elle
soit remplie par le débiteur lui-même ». La réponse varie donc selon le degré d' intuitus
personae qui marque le contrat. On peut, à cette égard, proposer une classification tripartite.
Dans certains cas, l' intuitus personae est si fort que toute exécution par autrui doit
être exclue : l'artiste ou le chirurgien ne saurait se faire remplacer ni par un sous-traitant, ni
par un collaborateur, ni par un associé, mais seulement se faire assister. Il en est de même
de l'architecte ou de l' avocat.
Dans d' autres cas, ceux où le contrat est conclu avec une entreprise, l' exécution par
des collaborateurs ou des salariés de l' entrepreneur sera donc possible (elle est même
indispensable lorsque le travail est confié à une personne morale). Mais la sous-traitance ne
sera pas pour autant nécessairement admise, car il y aura changement d' entreprise.
Enfin, lorsque l' intuitus personae est moins marqué, l' entrepreneur pourra recourir à
la sous-traitance, pour tout ou partie du travail confié. Mais le recours à la sous-traitance ne
constitue pas, en droit privé, un droit acquis pour le cocontractant du maître de l’ouvrage (cf.
article 1237 du Code civil). La conclusion d’un sous-traité implique donc que l’entrepreneur
principal demande et obtienne l’accord exprès ou tacite du maître ainsi que l’agrément des
modalités de paiement du sous-traitant (article 3, alinéa 1er, de la loi de 1975).
1°) Les sanctions relatives au destin du contrat d'entreprise inexécuté ou mal exécuté
a) L'exécution forcée
Le maître de l' ouvrage peut toujours poursuivre, devant le tribunal compétent, l’exécution
forcée du contrat dans les conditions initialement convenues (faire, refaire ou parfaire le
travail non fait, le travail incomplètement ou mal fait), et ce même s’il ne subit aucun
préjudice du fait de l’inexécution (cette faculté est un droit qu’il peut toujours exercer sous la
seule réserve de l’abus de droit). Et, aux fins d’obtenir cette exécution, le créancier dispose
de moyens de contrainte (moyens comminatoires) comme les saisies, les astreintes, etc.
b) L’exception d’inexécution
Mais encore faut-il que certaines conditions, au nombre de deux, soient réunies.
D’abord, il faut que l’on soit en présence d’un contrat synallagmatique où il y a des
prestations réciproques.
Ensuite, il faut que l’obligation inexécutée soit exigible (ne soit pas à terme), car si un
terme comme un délai de paiement a été prévu, le vendeur par exemple ne pourrait pas
refuser la livraison avant d’être payé intégralement.
Une fois ces conditions réunies, l’exception d’inexécution peut être mise en œuvre comme
un moyen de justice privée, c' est-à-dire sans autorisation du tribunal. Elle présente ainsi des
avantages de rapidité et d’efficacité, mais aussi quelques risques. En effet, en tant que
légitime défense contractuelle, l’exception d’inexécution suppose une riposte mesurée et
proportionnée, modération sans laquelle son auteur s’expose lui-même à des sanctions.
Le maître de l' ouvrage peut se faire autoriser par le juge à faire exécuter l' ouvrage par un
autre que l'entrepreneur défaillant et aux frais de ce dernier, et ce même en dépit de l' offre
de l'
entrepreneur de reprendre lui-même les travaux, faute de garantie sérieux .
Depuis la loi du 9 juillet 1991, il peut faire condamner le défaillant à faire l'
avance des frais
nécessaires .
d) Le « laissé-pour-compte »
Lorsque le travail a été mal exécuté et qu' au moment de la réception de l' ouvrage le maître
s'aperçoit des vices que présente la chose, il peut ou bien exiger des réfections ou bien
abandonner la chose à l' entrepreneur: c' est la pratique du « laissé-pour-compte » applicable
au contrat d'entreprise sauf s'il porte sur une chose appartenant au client. Naturellement, ce
maître ne doit pas le prix mais peut en plus exiger des dommages et intérêts, par exemple si
la même commande ne peut être refaite qu' à un prix plus fort.
Critère fondé sur la volonté des parties. Le premier critère se situe donc dans la
recherche de l' intention des parties. Si le contrat précise que l' obligation est de moyens ou
de résultat, cette stipulation s'
impose au juge avec la force de l' article 1134 du Code civil. Et
même à défaut de stipulation expresse, les juges doivent au premier chef rechercher la
volonté des parties. Ainsi, ne peut-on retenir la responsabilité d' un entrepreneur chargé de
déboucher les canalisations sans rechercher s' il avait promis le résultat. Inversement, une
société de conseil, normalement tenu de simples moyens, peut répondre du résultat s' il
résulte de l'analyse des circonstances que c' est la direction effective des opérations de
démolition des bâtiments qui lui avait été confiée.
Critère fondé sur la nature des prestations. Pour les prestations intellectuelles, l'
obligation
est le plus souvent de moyens, alors qu'
elle est le plus souvent de résultat (parfois atténué)
si le travail porte sur une chose.
Objet du renseignement et du conseil. Si l' on veut tenter de dégager des lignes générales,
on peut dire que le devoir de renseignement et de conseil de l' entrepreneur, en toutes
matières, doit s'
exercer dans quatre directions :
la régularité du travail demandée, au regard des normes légales, administratives ou
professionnelles ;
l'
utilité du travail, au regard du résultat recherché par le client, tant sur le plan
technique que sur son rapport avec son coût ;
l'
efficacité du travail, au regard de son mode d'
emploi et des précautions nécessaires
pour lui faire produire les avantages attendus ;
les conséquences du travail, en particulier quant aux risques de toute nature qu' il
peut engendrer.
Preuve du renseignement ou du conseil donné. L' exécution de son devoir de conseil doit
être établie par l'
entrepreneur : conformément à l' article 1315, alinéa 2, c'est à lui
qu'incombe la charge de la preuve en cas de contestation, preuve qu'
il peut rapporter par
tous moyens.
Caractère impératif. Parce qu' elle protège l' intégrité corporelle, cette obligation est d'
ordre
public: aucune clause ne peut venir l'
écarter, l'atténuer ou limiter ses conséquences.
Par. 3- Les obligations propres au contrat d'entreprise portant sur une chose
corporelle
Risques et garanties. Lorsque le contrat porte sur une chose corporelle, deux questions
spécifiques se présentent à deux stades successifs de l' exécution du travail. Tout d'
abord,
en cours d'exécution du contrat, se pose la question de risque de la chose: qui doit
supporter sa « perte » (au sens juridique du terme incluant toute disparition, destruction,
dégradation) rendant impossible l' exécution du travail ? Ensuite, après cette exécution et
une fois la chose reçue par le maître, se pose la question d'
une éventuelle garantie des vices
cachées. Dans les deux cas, nous verrons que la réponse diffère selon que l' entrepreneur
est intervenu sur une chose appartenant déjà à son client ou non , ce que le Code civil
exprime en distinguant « le cas où l' ouvrier fournit la matière » et celui « où il fournit
seulement son travail » (articles 1788 et 1789 ).
Régime à trois degrés. Les articles 1788 et 1789 du Code civil précisent l' application au
contrat d' entreprise des règles générales concernant les obligations relatifs à des corps
certains (articles 1137, 1245 et 1302 ) : si l' entrepreneur « fournit la matière », la perte est à
sa charge (art. 1788); s' il ne fournit que son travail, il répond seulement de sa faute (art.
1789) .
Cependant, cette opposition bipartite ne rend plus exactement compte du droit positif. Une
lecture attentive de la jurisprudence, qui s' est développée surtout au sujet de cas
d'incendies, révèle aujourd' hui plutôt un régime à trois degrés : le cas où l' entrepreneur
fournit la matière, le cas où il travaille sur une chose qui lui a été confiée par le maître et
celui où il intervient sur un bien appartenant à celui-ci sans en avoir reçu la garde.
1°) Lorsque la chose « travaillée » est fournie par l'entrepreneur : risques à sa charge
Perte à sa charge. L' article 1788 pose en ce cas une règle très claire: si la chose périt
avant d' être livrée, la perte est entièrement à la charge de l' entrepreneur, même si elle est
due à la force majeure. En effet, dans l’hypothèse où l’entrepreneur fournit à la fois la
matière et son travail et que l’ouvrage périt, il supportera l’ensemble des pertes, c’est-à-dire
qu’il ne pourra demander ni la rémunération convenue (res perit debitori), ni le prix des
fournitures (res perit domino).
Responsabilité. Cette charge des risques qui pèse sur l' entrepreneur n' est pas une
responsabilité: il perd seulement ce qu'il a fourni et doit donc refaire les travaux pour honorer
son contrat, mais ne doit pas pour autant ipso facto des dommages-intérêts au maître pour
le préjudice qui en résulte (par exemple, pour le retard d' exécution ou pour les autres biens
du maître qui ont pu être endommagés, notamment en cas d' incendie ). Pour obtenir
réparation de ce préjudice, le maître peut engager la responsabilité contractuelle de
l'
entrepreneur : mais il devra alors prouver sa faute.
3°) Lorsque la chose « à travailler » n'est ni confiée à l'entrepreneur, ni fournie par lui:
responsabilité de droit commun pour faute prouvée
Il arrive que l' entrepreneur intervienne sur place sans acquérir la garde de la chose: c' est
surtout le cas des immeubles, mais pas seulement (par exemple le vétérinaire sur un
animal). En ce cas la présomption attachée par la jurisprudence à l' article 1789 n' a plus de
fondement, puisque l' entrepreneur n'assume pas l'obligation de restitution. Tel est le cas, par
exemple, de l' installateur de chauffage, de l'
entrepreneur qui travaille en coopération avec le
maître, de l' entrepreneur qui n' effectue pas un travail sur le bien lui-même, mais est
seulement chargé de la surveillance.
C' est alors la responsabilité contractuelle de droit commun de l' entrepreneur qui peut être
engagée. Il incombe alors au maître de l' ouvrage de rapporter une double preuve, celle de la
faute volontaire ou involontaire de l' entrepreneur (ou de son personnel: article 1797) et celle
du dommage qui s' est ensuivi.
1°) Entre les parties: la garantie des vices absorbée par l'obligation principale
d'exécution
En dehors des cas particuliers où des textes organisent la garantie due par l' entrepreneur (
article 1792 et suivants pour la construction, article 9 de loi du 3 janvier 1957 pour la
réparation navale ), la question se pose de savoir si l' entrepreneur doit la garantie des vices
cachés. En guise de réponse, il faut, en réalité, distinguer selon que la chose lui a été fournie
ou non par son client.
Si le travail porte sur une chose appartenant au client, l' entrepreneur ne doit garantie
des vices cachés que s' ils dus à son intervention. Mais c' est alors la mauvaise exécution de
son travail qui en cause, appréhendée par l' obligation de résultat qui pèse sur lui dans ce
type de travaux. Pour les vices cachés dont la chose était déjà atteinte lors de l' intervention,
l'
entrepreneur ne peut en répondre, mais sa responsabilité pourra néanmoins être retenue
au titre du devoir de conseil s' il pouvait les déceler et n'
en a pas averti son client.
Si, au contraire l' entrepreneur a fourni la matière en même temps que son travail, il
est normal qu' il soit tenu à la même garantie des vices qu' un vendeur mais, le plus souvent,
la jurisprudence sanctionne ces défauts par le jeu de l' obligation de résultat de
l'
entrepreneur.
Si ces deux obligations font l' objet d'une réglementation précise dans les contrats de
construction, elles s'appliquent à tous les contrats d'entreprise portant sur une chose.
La prise de livraison est l’acte matériel par lequel le maître de l’ouvrage prend
possession de l’ouvrage, ce qui a pour conséquence de lui en transférer la garde au sens de
l’article 1984, alinéa 1er, du Code civil.
Quant à la réception, elle désigne l’acte juridique unilatéral, contradictoire et, en
général, écrit (le législateur n’impose un écrit qu’en matière de construction de maisons
individuelles : art. L. 231-6 CCH), par lequel le client déclare accepter l’ouvrage avec ou
sans réserves (article 1792-6 Du Code civil). Elle s’écarte de la prise de livraison qui ne
constitue, nous l’avons déjà dit, qu’un acte matériel. Ce n’est pas non plus une convention,
mais un acte unilatéral de volonté, et ce malgré son caractère contradictoire. Elle intervient à
la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit, à défaut d’accord spontané,
judiciairement. En principe, elle doit être expresse (dans un écrit ou oralement), mais la
jurisprudence admet la réception tacite lorsque la seule prise de possession et/ou le seul
paiement du prix manifestent une volonté non équivoque du maître d’accepter l’ouvrage.
Du point de vue de ses effets, la réception a pendant longtemps eu une conséquence
essentiellement exonératoire, l’entrepreneur étant libéré concernant les vices et défauts de
conformité apparents et non réservés. Aujourd’hui, un autre effet essentiel est attaché à la
réception, à savoir qu’elle constitue le point de départ des fameux trois délais de garantie et
de responsabilité connus en matière de construction immobilière : délai d’un an pour la
garantie de parfait achèvement des seuls entrepreneurs ; délai (au moins) biennal et délai
décennal de responsabilité de plein droit de tous les constructeurs.
Exécution complète. Le contrat d' entreprise prend normalement fin par l' exécution
complète des obligations qu'
il a engendrées: réalisation et réception du travail et règlement
intégral du prix .
Décès de l'entrepreneur. Aux termes de l' article 1795 du Code civil, le contrat d'
entreprise
« est dissous par la mort de l'
ouvrier, de l'architecte ou de l'
entrepreneur ». Cette règle n'est
que l' application du droit commun des contrats conclus intuitu personae. Ce fondement
apporte une limite à la règle : si le contrat ne comporte pas d' intuitus personae parce que
c'est l'
entreprise plus que la personne qui est prise en compte, le contrat se poursuivra. Si
l'
entrepreneur est une personne morale, la règle précitée se transpose au cas de liquidation.
A l'inverse, le décès du maître de l' ouvrage ne met pas fin au contrat, sauf si celui-ci
prévoyait à sa charge des obligations de collaboration qui deviennent inexécutables, ou
encore sauf si ce décès prive le contrat d'objet (par exemple si le contrat portait sur une
assistance à apporter au maître dans une tâche interrompue par son décès).
Résolution pour perte de la chose. Lorsque l' objet du travail périt par cas fortuit et qu'il est
impossible de le recommencer, le contrat est résolu . On a vu que les articles 1788 et 1789
règlent la question des risques de la chose. Mais, dans tous les cas, l' entrepreneur supporte
le risque de la rémunération: l' article 1790 précise qu' il « n'
a point de salaire à réclamer à
moins que la chose n' ait péri par le vice de la matière » .
Il en est de même lorsque le contrat ne portait pas sur un objet corporel mais sur une
prestation immatérielle qui perd sa raison d' être, comme par exemple un contrat de direction
de travaux qui ne peuvent être réalisés faute de permis de construire ou encore un contrat
d' entretien ou de gardiennage devenu sans objet par suite de la disparition du bien : sauf s' il
y a faute du maître de l' ouvrage, l' entrepreneur n' a droit qu' à la rémunération des services
déjà fournis, mais ne peut prétendre ni à la rémunération qu' il aurait obtenue ultérieurement,
ni à une indemnisation pour le gain manqué. C' est le jeu de la théorie des risques du droit
commun : « res perit debitori ».
Facultés de résiliation unilatérale. Plusieurs règles ouvrent aux parties une faculté de
résiliation unilatérale, en dehors même de toute idée de faute. Cette faculté est ouverte :
au profit des deux parties lorsque le contrat est à exécution successive et que la
durée n' en a pas été fixée (contrats d' entretien par exemple): c' est l'
application du droit
commun de la prohibition des engagements perpétuels ;
au profit de l' entrepreneur lorsque son travail constitue une oeuvre protégée par le
droit d' auteur : il lui est alors ouvert un « droit de repentir » qui lui permet de reprendre son
oeuvre, mais à charge d' indemniser préalablement son client (article L. 121-4 du C.P.I.) ; la
théorie de l'abus de droit vient toutefois contrôler l' exercice de cette faculté ;
au profit du maître de l' ouvrage dans le cas précis du marché à forfait : l' article 1794
lui permet de résilier le contrat à tout moment, à charge de rembourser à l' entrepreneur ses
dépenses et de l' indemniser du gain manqué.
Récemment, la Cour de cassation a semblé poser pour principe la possibilité de résiliation
unilatérale des contrats à durée déterminée : « la gravité du comportement d’une partie à un
contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls,
peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non ». Cette faculté ébranle la force
obligatoire du contrat en permettant à une partie de ne pas respecter son engagement sans
recours préalable au juge. Certes, la partie agit à ses risques et périls mais, s’il y a lieu, les
juges se contenteront d’accorder des dommages-intérêts (et non l’exécution forcée) qui ne
redonnent pas une efficacité au contrat.
Quatrième partie- Les contrats de représentation
Au sein des techniques de représentation volontaire, on peut distinguer entre, d’une part,
celle qui réalise une représentation directe, transparente ou parfaite (chapitre 1) et, d’autre
part, celles qui se contentent d’une représentation indirecte, plus ou moins opaque ou
imparfaite (chapitre 2).
Chapitre 1- Technique de représentation parfaite : le contrat de mandat
Nous verrons les éléments constitutifs ou conditions de formation (A) et les caractères du
mandat (B).
Nature générale des actes : actes juridiques. Le mandataire est investi d’un pouvoir
de représentation dans la passation d’un ou de plusieurs actes juridiques bilatéraux – voire
multilatéraux – ou unilatéraux.
En ce sens, il se distingue du locateur d’ouvrage ou entrepreneur qui réalise des actes
matériels. En particulier, le mandat s’écarte ainsi du simple courtage ou entremise,
précisément parce que le courtier – qui est un entrepreneur – se borne à rapprocher
d’éventuelles parties sans conclure lui-même l’acte (que seules ces parties pourraient, le cas
échéant, conclure directement).
Cela étant, il peut néanmoins arriver – et il arrive souvent – que, de manière accessoire
ou secondaire, le mandataire ait à réaliser des actes matériels en complément des
opérations juridiques qu’il passe (par exemple, le mandataire chargé de conclure un contrat
de vente sera nécessairement amené à faire des démarches matérielles telles que :
recherche du candidat acquéreur, négociation avec celui-ci, transport, etc.). Mais
l’accessoire suivant le principal (« Accessorium sequitur principale »), la qualification de
mandat l’emporte dès lors que les opérations matérielles restent annexes ou secondaires.
Pour que l’on puisse parler vraiment de représentation au sens entier du mot, on a vu
qu’il fallait, entre autres, que le représentant prenne une part active et effective dans la
gestation des droits ou obligations dont le représenté sera appelé à profiter ou à pâtir. Au
minimum, la volonté du représentant doit préciser ou compléter celle du représenté. Il arrive
même parfois que la volonté du représentant demeure seule en face de celle du tiers
cocontractant : ainsi lorsque le représenté n’est pas en mesure d’exprimer directement une
volonté consciente ou supposée comme telle (mais on rentrerait là dans le cadre d’une
représentation institutionnelle ou d’un quasi-contrat comme la gestion d’affaires).
Bref, quelle que soit la situation, la représentation implique que le représenté dispose
d’une marge de manœuvre certaine, partielle ou intégrale. En d’autres termes, il ne doit pas
y avoir de subordination pure du représenté au représentant. Le mandataire, en tant
qu’archétype du représentant, doit jouir d’une certaine indépendance sinon dans la conduite
de sa mission, du moins dans le choix des moyens pour la réaliser.
Si le prétendu représentant se borne à reproduire la déclaration de volonté de son
prétendu mandant, sans aucune marge d’initiative ou de manœuvre, il faudrait considérer
qu’il constitue, en réalité, un simple employé ou préposé. Cette absence d’autonomie
explique que la qualification de salarié soit reconnue par le droit social aux gérants de
succursales (article 781-1 et suivants du Code du travail ; article L. 241-1 du Code de la
Sécurité sociale) ou encore aux voyageurs représentants placiers (à la différence des agents
commerciaux qui disposent, selon le législateur, d’un mandat d’intérêt commun).
1- De par les obligations réciproques qu’il crée à la charge des parties (voir infra), le
mandat constitue toujours un contrat synallagmatique (réciprocité d’obligations), même s’il
peut être à titre gratuit.
2- C’est aussi un contrat consensuel, du moins en principe, car il peut arriver qu’il soit
directement ou indirectement formaliste. En effet, certains mandats spéciaux sont
légalement soumis à l’exigence d’un écrit : c’est le cas du mandat des agents immobiliers,
celui des agents commerciaux (même si l’absence d’écrit n’est plus une condition
d’application du statut), celui des agents de publicité, celui des promoteurs immobiliers, celui
de recouvrement de créances, celui donné entre copropriétaires pour voter à une
assemblée.
En outre, tout mandat peut indirectement devenir formaliste du fait de l’application de la
règle dite du parallélisme des formes qui veut qu’il emprunte la même forme que l’acte à
accomplir : ainsi, par exemple, le mandat de faire une donation ou de constituer une
hypothèque est nécessairement notarié, parce que la donation suppose elle-même une telle
formalité (NB : même s’il doit être exprès (art. 1988 du Code civil), le mandat de vendre un
immeuble n’est pas nécessairement notarié car la forme notariée n’est pas exigée pour la
validité mais seulement pour la publicité de l’acte de vente immobilière).
Ajoutons que, en pratique, les règles civiles de preuve aboutissent toujours à l’exigence
d’un mandat écrit (sous seing privé ou authentique), puisque telle est la règle ordinaire (sauf
exception) dès lors que la chose (immeuble en l’occurrence) est d’une valeur supérieure à
1500 € (article 1341 du Code civil).
3- Le mandat est, en outre, un contrat intuitu personae puisqu’il repose sur la confiance
entre les parties. Cette qualification produit des effets s’agissant notamment des causes de
cessation du contrat : ainsi, le principe est celui de la révocation ad nutum du mandataire
(art. 2004 du Code civil), sauf exceptions conventionnelles (clause contraire) ou
institutionnelles (mandats d’intérêt commun) ; le caractère intuitu personae pose aussi
quelques problèmes de compatibilité avec le principe de transmission universelle du
patrimoine en cas de décès d’une personne physique ou de fusion-absorption d’une
personne morale. Le caractère personnel du mandat aurait dû normalement avoir pour
conséquence l’impossibilité pour le représentant de conclure des sous-mandats sans
l’accord du mandant. Pourtant, la jurisprudence retient le contraire en posant que, en
principe, il « est loisible au mandataire de se substituer un tiers lorsque la loi ou la
convention n’en disposent pas autrement ».
4- Sans souci d’exhaustivité, soulignons, pour clore cette étude des caractères du
mandat, qu’il peut être à titre onéreux (chaque partie trouvant dans l’opération, en
contrepartie de son engagement, un avantage corrélatif) ou à titre gratuit (une partie, en
l’occurrence ici le mandataire, ne retirant aucun avantage palpable de l’opération, alors
pourtant qu’elle fournit une prestation à son cocontractant). Aux termes de l’article 1986 du
Code civil, « le mandat est gratuit, s’il n’y a convention contraire ». Autrement dit, ce texte
pose le principe de gratuité du mandat, sans doute par égard pour les racines historiques de
ce contrat. En effet, « à ses origines romaines, le mandat supposait un rapport d' amitié entre
mandant et mandataire : pas de confiance sans amitié ; pas d’amitié sans gratuité ». Cette
conception subsistera malgré l’épreuve du temps, même si le principe de gratuité sera de
plus en plus battu en brèche.
Déjà, à partir du Haut-Empire (1er siècle), les impératifs du commerce et les exigences
des affaires, inconnus dans la Rome primitive (où le mandat était essentiellement gratuit, le
mandataire ne devant jamais être rétribué), allaient, sans abandonner le principe de gratuité,
introduire une certaine idée de rémunération au moyen d’honoraires dont on permettait le
recouvrement forcé. L’étymologie de cette notion en dit beaucoup sur la particularité de ce
« prix » qui n’était pas, stricto sensu, assimilable au salaire. La tradition romaine sera
partiellement reprise dans l’Ancienne France. Le Code civil n’a pas été en reste dans ce
mouvement de prise en compte des origines – marquées par la gratuité – de ce contrat
(article 1986 précisément) que Pothier qualifiait de « pur office d’amitié ». Seulement, la
théorie est une chose, la pratique en est une autre.
En effet, même si le mandat gratuit subsiste encore dans certains domaines, notamment
dans les relations familiales et entre particuliers, cette gratuité est passée à l’arrière-plan
avec « le développement contemporain du commerce, la professionnalisation
(« américanisation ») croissante des relations humaines, la multiplication des sociétés
gérées par des mandataires (des « administrateurs ») et le recul de l’amitié dans les rapports
sociaux… ». Le caractère « salarié » du mandat a pris le pas sur sa gratuité originelle, tant et
si bien que, malgré la disposition laconique de l’article 1986 du Code civil, la jurisprudence a
dû faire preuve de plus de réalisme en décidant que le mandat est présumé salarié en faveur
des personnes qui font profession de s’occuper des affaires d’autrui. De son côté, le
législateur est intervenu à plusieurs reprises pour réglementer le statut de divers
mandataires professionnels (salariés), tantôt dans un but de contrôle de la profession, tantôt
dans un dessein de protection du professionnel. Tout cela pour se rendre à l’évidence que le
mandat est aujourd’hui, malgré le principe maintenu dans le Code civil, un contrat
essentiellement salarié, contrairement à ce qui se passait dans la Rome ancienne. Il
suppose un prix dont l’existence va alors apparaître, dès lors qu’il n’y a pas intention libérale,
comme une condition de formation du contrat.
NB : En matière de gestion du patrimoine, on verra que les représentants seront
généralement des professionnels naturellement animés d’intuitus pecuniae.
Au-delà des conditions essentielles pour la validité de toutes conventions (art. 1108 du
Code civil : consentement, capacité [voir infra], cause, objet), les règles de droit commun de
conclusion du mandat sont prévues par les articles 1985 et suivants du Code civil.
S’agissant de la capacité, le mandant doit disposer de la capacité requise pour
passer l’acte pour la conclusion duquel il donne mandat (il ne pourrait valablement
surmonter une incapacité juridique en faisant recours à un mandataire). Ainsi, pour conférer
un mandat de vendre un immeuble, le mandant doit avoir l’aptitude juridique nécessaire de
passer en personne le contrat de vente. Sinon, le mandat donné est nul et cette nullité
entraîne dans son sillage celle de la vente qui serait conclue sur son fondement. En
revanche, la capacité du mandataire est indifférente quant à la validité tant du mandat que
de l’acte qu’il conclut au nom du mandant (article 1990 du Code civil). Un mineur peut ainsi
être choisi pour mandataire mais, ce faisant, le mandant prend un risque évident puisqu’il
sera lié par l’acte fait pour lui sans pouvoir se retourner contre son représentant en
responsabilité ou en restitution.
Obligations du mandataire envers les tiers. A l’égard des tiers, le mandataire n’est, en
principe, guère tenu personnellement (art. 1997) : principe de l’effet relatif des conventions. Il
pourrait néanmoins, s’il s’est rendu coupable d’agissements fautifs envers eux, engager sa
responsabilité délictuelle (souvent recherchée, assurance professionnelle aidant).
Les causes de cessation du mandat sont prévues par les articles 2003 et suivants du
Code civil. Elles sont tantôt volontaires (renonciation du mandataire ; révocation par le
mandant), tantôt subies (décès d’une partie, sous réserve des mandats post mortem, qui
peuvent néanmoins être révoqués par les héritiers ; déconfiture d’une partie…).
Chapitre 2- Techniques de représentation imparfaite
La représentation est dite « démembrée » parce que, même si l’acte est passé pour
le compte d’autrui, il ne l’est pas en son nom. Il y a opacité du représentant, mais cette
opacité ne relève d’aucune volonté de clandestinité ou de simulation.
Selon l’article L. 132-1 du Code de commerce, « le commissionnaire est celui qui agit en
son propre nom ou sous un nom social pour le compte d’un commettant. Les devoirs et les
droits du commissionnaire qui agit au nom du commettant sont déterminés par le titre XIII du
livre III du Code civil (relatif au mandat) ».
Il résulte de la lecture de ce seul texte que l’analogie avec le mandat est patente.
Pourtant, le rapprochement ne devrait aucunement conduire à la confusion entre les deux
institutions. En effet, si le commissionnaire agit pour le compte d’autrui – à l’instar du
mandataire –, il le fait toutefois en son nom personnel – à la différence du mandataire –. La
commission est marquée par l’idée d’opacité du représentant car les relations entre le
commettant et le commissionnaire sont ficelées de telle sorte que ce dernier n’ait pas à
révéler l’identité du premier au tiers cocontractant.
Cette opacité ne procède néanmoins pas d’une volonté de fraude ou de clandestinité ;
elle correspond, le plus souvent, à l’indifférence du tiers envers la qualité et l’identité du
donneur d’ordre. Cela explique sans doute que la technique de la commission se rencontre
surtout en matière de distribution de biens ou de services ou encore en matière de transport.
Dans les rapports entre commettant et commissionnaire de marchandises, les règles
applicables sont celles du droit commun du mandat, sauf que le commissionnaire bénéficie
de garanties particulières de paiement, en l’occurrence un privilège sur les marchandises
vendues ou achetées (mais cette différence n’est guère décisive puisque le mandataire s’est
vu reconnaître un droit de rétention). A l’égard des tiers, le commissionnaire est
personnellement tenu de l’exécution du contrat : paiement du prix pour une acquisition,
délivrance et garanties pour une vente. Il disposera néanmoins, s’il venait à être condamné,
d’une action récursoire contre le commettant sur le fondement du contrat de représentation.
A la cessation de celui-ci, contrairement à ce qui se passe dans le contrat de mandat, la
clientèle éventuelle est attachée au commissionnaire de sorte que c’est le commettant qui va
éventuellement souffrir de la rupture puisque les clients ne le connaissent pas. Aussi, le
commissionnaire ne pourra réclamer aucune indemnité de fin de contrat (il lui suffira, par
exemple, de retrouver un commettant ayant des produits similaires à diffuser).
Pour terminer, notons que le commissionnaire de transport est responsable, comme le
transporteur lui-même : il est garant de l’arrivée des marchandises, des avaries et pertes et
du fait des sous-commissionnaires (appelés « commissionnaires intermédiaires » par l’art. L.
132-6 du Code de commerce) qu’il a choisis.
Comme le mandat, la déclaration de command est une opération par laquelle une
personne – appelée command ou donneur d’ordre – fait réaliser un acte juridique par une
autre – dénommée le commandé –. Seulement, à la différence de ce qui se passe en
matière de mandat, le commandé ne dévoile l’identité du command que postérieurement à la
conclusion de l’acte juridique, dans un bref délai (le droit fiscal exige que ce délai soit de 24
heures, à défaut de quoi il considère qu’il y a double mutation: art. 686 CGI). A l’expiration
dudit délai, le commandé révèle alors le nom du command et il y a ainsi rétroactivement
mandat de sorte que seul le command est alors tenu. C’est pourquoi certains parlent, à
propos de la déclaration de command, de « mandat optionnel » ou de « mandat
conditionnel ». Mais à défaut de révélation du nom du command dans le délai, le commandé
demeurera personnellement obligé par les actes accomplis.
Le procédé peut être utilisé pour toutes sortes de contrats, mais il est essentiellement
usité dans les ventes aux enchères. L’intérêt est qu’il permet à l’enchérisseur véritable de
garder provisoirement l’anonymat pour une quelconque raison.