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Mémoire N°…………………/
Présenté par
Monsieur YIMOU NASSANDJA Lamoussa
Mémoire N°…………………/
Présenté par
Monsieur YIMOU NASSANDJA Lamoussa
I
Dédicace
II
REMERCIEMENTS
Au Professeur Cheik Abdou Wakhab NDIAYE de l’UCAD, pour nous avoir recommandé
plusieurs institutions lors de nos recherches sur la pratique des sociétés en commandite
simple au Sénégal ;
Aux membres du jury pour avoir accepté apprécier le résultat de nos recherches ;
A notre chère sœur ainée, Viviane KOMBATE et à notre camarade et frère K. Mawupemo
AZAKPO, pour leur participation à la mise en forme du présent document ;
III
LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES, ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS
Al. : Alinéa
Arch. Ph. dr. : Archives de Philosophie du Droit
Art. : Article
AU : Acte uniforme
AUS : Acte Uniforme portant organisation des Sûretés
AUSCGIE : Acte Uniforme relatif au droit des Sociétés Commerciales et du
Groupement d’Intérêt Economique
C/ : Contre
CA : Cour d’Appel
Cass. : Cour de Cassation française
Cass. civ. : Chambre civile de la Cour de cassation française
Cass. com. : Chambre Commerciale de la Cour de cassation française
C. civ. : Code civil
C. com. : Code de commerce
Cf. : Confère
CJCE : Cour de Justice de la Communauté Européenne
CREDA : Centre de Recherche sur le Droit des Affaires (de la Chambre de
commerce et d’industrie de Paris)
KG : Kommditgeselschaft (société en commandite simple en allemand)
D. : Recueil Dalloz
Dir. : Sous la direction
Ed. : Edition
Gaz. Pal. : Gazette du palais
GmbH & Co : Geselschaft mit beschränkter Haftung und Compagnie Kommanditges
KG (Société en commandite à responsabilité limitée de droit allemand)
Ibid. : Ibidem (au même endroit)
In. : Dans
Infra : Ci-dessous, plus bas
LGDJ : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence
L. : Loi
LPA : Les Petites Affiches
Mél. : Mélanges
N° : Numéro
OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
Ohadata : Banque numérique de données juridiques de l’OHADA
Op. cit. : Opere citato (dans l’ouvrage précité)
P. : Page
Pp. : Pages
Préc. : Précité
IV
RCCM : Registre du Commerce et du Crédit Mobilier
Rev. : Revue
S. : Et suivant
SA : Société Anonyme
SAS : Société par Actions Simplifiée
SARL : Société à Responsabilité Limitée
SCS : Société en Commandite Simple
SNC : Société en Nom Collectif
Spéc. : Spécialement
Supra : Ci-dessus, plus haut
T. : Tome
UCAD : Université Cheick Anta Diop de Dakar
V. : Voir
Vol. : Volume
V
SOMMAIRE
VI
INTRODUCTION ..................................................................................................................... 1
CONCLUSION GÉNÉRALE..................................................................................................... 77
VII
INTRODUCTION
1
L’économie de toute Nation, aujourd’hui, repose sur les activités commerciales exercées par
les personnes qui la composent. Ces personnes, connues comme des commerçants, sont de
plus en plus des entités juridiques communément appelées « les sociétés commerciales ».
Dans sa mission d’harmonisation du droit des affaires, le législateur de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)1 a prévu plusieurs Actes
uniformes dont l’Acte Uniforme portant organisation des Sociétés Commerciales et du
Groupement d’Intérêt Economique (AUSCGIE). Cet Acte Uniforme traite des règles relatives
aux différentes formes de sociétés commerciales. Parmi les sociétés pouvant être créées dans
l’espace OHADA se trouve la société en commandite simple, objet du présent mémoire.
La « société » est définie comme une création « de deux ou plusieurs personnes qui
conviennent par un contrat, d’affecter à une activité des biens en numéraire ou en nature, ou
de l’industrie, dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui peut en
résulter »2. Le législateur reconnait la possibilité pour une seule personne de créer une société
commerciale obéissant à l’une des formes prévues3. Le législateur français l’appréhende
comme « une entité instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat
d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice
ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter ». Elle « peut être instituée, dans les cas
prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne »4.
Cette définition a été l’objet de plusieurs théories sur la nature de la société. Sur cette question
qui était de savoir si la société est un contrat ou une institution, il est vain d’espérer une vue
moniste de la notion. La création de la société relève de la rencontre de plusieurs volontés.
Mais elle peut être aussi l’émanation d’une seule volonté. Pour une partie de la doctrine, la
permanence de l’aspect contractuel de la société est incontestable5. Au départ, la société
n’était qu’une variété de contrat, les associés réglant librement le cadre de leur action
commune. Certes, dans la société unipersonnelle, il n’y a pas de contrat, mais plutôt un acte
1 Le Traité relatif à l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) fut signé à
Port-Louis (Ile Maurice) le 17 octobre 1993. Il est entré en vigueur le 18 septembre 1995. Le Traité a été révisé
au Québec le 17 octobre 2008 puis entré en vigueur le 21 mars 2010. Depuis le 31 décembre 2014, dix-sept (17)
États composent désormais l’espace OHADA.
2 AUSCGIE, art. 4.
3 AUSCGIE, art. 5.
4 C. civ. français, art. 1832, al. 1 et 2.
5 C. CHAMPAUD « Le contrat de société existe-t-il encore ? » in Le Droit contemporain des contrats,
Economica, 1987, p. 125.
2
unilatéral, ce qui constitue toujours une manifestation de la volonté6. Mais la nature de la
société va au-delà de son aspect contractuel. La rigidité du régime juridique de certaines
sociétés de capitaux illustre le côté institutionnel de cette entité. Certains auteurs sont
également favorables à la thèse institutionnaliste de la société7.
6 M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY, Droit des sociétés, Litec, 33ème éd., 2018/2019 p. 49.
7 V. G. FLORES et J. MESTRE, « Brèves réflexions sur l’approche institutionnelle de la société », LPA, 14 mai
1986.
8 P. LE CANNU et B. DONDERO, Droit des sociétés, LGDJ, 7e éd. 2018, p. 933, n°1415, note 76.
9 AUSCGIE, art. 293.
10 AUSCGIE, art. 293-1. En droit français, c’est l’article 25 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 devenu article
L. 222-2 du Code de commerce, qui prévoit expressément l’application des dispositions relatives de la société en
nom collectif à la société en commandite simple.
11 AUSCGIE, art. 270 à 292.
12 AUSCGIE, art. 309 à 384.
13 AUSCGIE, art. 385 à 853.
14 AUSCGIE, art. 853-1 à 853-3.
15 AUSCOOP, art. 1er à 397.
16 Il s’agit de l’Acte Uniforme du 10 décembre 2010 relatif au droit des Sociétés Coopératives entré en vigueur
le 15 mai 2011.
3
en commandite simple a une origine fort ancienne et son avènement en droit OHADA est
indissociable de son histoire en droit français. Elle a connu son apogée sous l’ancien régime17.
Cette forme sociale est l’émanation du « contrat de command » pratiqué au Moyen Age,
principalement dans les villes italiennes et pour le commerce maritime. Command vient du
mot latin commendare qui signifie « confier ». La commandite, jadis, s’écrivait
« commendite ». Le commandité était souvent appelé le « complimentaire »18. Ce contrat
permettait aux nobles et à certains ecclésiastiques d’exercer le commerce. Il s’agissait pour un
capitaliste de mettre à la disposition d’un navigateur ou d’un négociant : un bateau, des
marchandises ou une somme d’argent pour entreprendre une expédition maritime. Le
« contrat de command » sera étendu au commerce terrestre19.
L’institution de la commandite simple dans l’espace OHADA aujourd’hui ne signifie pas que
cette forme sociale eut l’assentiment de tous les législateurs nationaux de par le passé. Parmi
les Etats de l’Afrique Occidentale Francophone (AOF) qui ont réceptionné le droit français
d’avant les indépendances pour en faire le leur, certains28 avaient supprimé la société en
commandite simple de leurs législations commerciales. C’est donc l’Acte Uniforme portant
organisation des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique qui a
réintroduit la société en commandite simple dans la législation de ces États par le biais du
droit de l’espace OHADA. Toutefois, dans l’espace OHADA, la société en commandite
simple peine à se faire une existence pratique réelle. Elle provoque aussi la méfiance dans le
cercle des opérateurs économiques29 par sa quasi-absence dans les pays membres de
24 V. l’ordonnance de 1673 sur le commerce, encore connue sous le code Savary, titre IV, art. 2, disponible sur
www.legifrance.gouv.fr, consulté le 18 mars 2021, à 22h 04’.
25 V. loi française, n° 66-537 du 24 juillet 1966, art. 23 à 33, disponible sur www.legifrance.gouv.fr, consulté le
23 mars 2021, à 23h 217’.
26 C. com. français, éd. Dalloz, 2019, art. L. 222-1 à 222-12, ces textes reprennent exactement les dispositions
de la loi du 24 juillet 1966.
27 P. MERLE, op. cit., n° 173, p.197.
28 En Guinée Conakry, la SCS fut supprimée par la loi N° 66-22 du 1er septembre 1962, art. 3 et au Mali,
l’ordonnance n° 58 du 14 octobre 1975 portant sur la règlementation de la profession de commerçant, art. 15,
cette ordonnance a été rendue applicable par le décret N° 189 du 14 novembre 1975 ; V. G. MEISSONNIER
(dir.), « Droit des entreprises » in Encyclopédie juridique de l’Afrique, Les Nouvelles Editions Africaines, 1982,
Abidjan, Dakar, Lomé, p. 102 ; la SCS fut retirée de la règlementation commerciale du Sénégal par la loi n°8540
du 29 juillet 1985 portant quatrième partie des obligations civiles et commerciales, art. 1080.
29 Aux termes de l’article L. 1220-1 du Code de la commande publique en vigueur en France depuis le 1er avril
2019, « est opérateur économique toute personne physique ou morale, publique ou privée, ou tout groupement
de personnes doté ou non de la personnalité morale, qui offre sur le marché la réalisation de travaux ou
d’ouvrages, la fourniture de produits ou la prestation de services » ; V. CJCE, 23 avril 1991, Höfner, aff. C-
41/90, disponible sur http://www.marche-public.fr, consulté le 22 février 2021, à 20h 23’.
5
l’OHADA30. La société en commandite simple est une société dont l’espèce est menacée de
disparition selon certains auteurs en France31.
En droit positif marocain, elle est régie au articles 20 à 31 de la loi n° 5-96 portant sur la
société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par
actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation. Cette loi a été
promulguée par le Dahir n° 1-97-49 du 13 février 1997. L’article 20 de ladite loi dispose
expressément que les associés commandités ont le statut des associés en nom collectif et que
les commanditaires, sans possibilité d’être apporteur en industrie, répondent des dettes
sociales seulement à concurrence du montant de leur apport.
Depuis l’institution de cette forme sociale dans l’espace OHADA, la société en commandite
simple peine à se faire une place dans la sous-région. L’AUSCGIE révisé en 2014, prévoit
désormais que les dispositions relatives à la société en nom collectif sont applicables à la
30 Les investigations que nous avons menées dans certains pays nous ont permis de retenir ce qui suit : Dans les
pays comme le Togo, le Benin, le Burkina-Faso, le Niger, il n’existe pas de trace de création d’une SCS. Au
Mali, il semble que deux SCS auraient été constituées au cours des années 2010 et seraient dissoute entre 2012 et
2014. Mais la vérification de telles ne nous a pas été possible du fait des difficultés d’accès aux documents
administratifs. En Côte d’Ivoire, entre 2005 et 2017, plus de 10 sociétés en commandite simple ont été créées
soit par modification d’une autre forme sociale soit par acte de constitution, Cf https://business.abidjan.net,
consulté le 12/04/2020 à 23h 16 et récemment en date du 19/05/2021 à 13h 45’.
31 A. VIANDIER (dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, La société en commandite entre son passé
et son avenir, op. cit., n° 1.
32 V. Code civil québécois (C.c.Q.), art. 2237, le Code civil du Québec est disponible sur
http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/pdf/cs/CCQ-1991.pdf, consulté le 12/02/2021, à 11h 47’.
33 H. LAINÉ, « La société en commandite à responsabilité limitée de droit allemand (GmbH & Co KG) :
aspects juridiques et fiscaux », in Revue dossier d’information thématique juridique et fiscale allemande, Janvier
2005, N° 1, p. 2, disponible sur : www.avolegal.de, dans GmbH interne, consulté le 12/02/2020, à 22h 56’.
6
société en commandite34. Cette réforme s’était inscrite dans la dynamique de rendre plus
attractifs les instruments juridiques relatifs aux sociétés commerciales du droit OHADA dont
la commandite simple.
Nonobstant la portée significative des avantages qu’offre la société en commandite simple, les
opérateurs économiques dans l’espace OHADA ont tendance à choisir d’autres formes
sociales comme la société à responsabilité limitée, les sociétés par actions et quelques fois la
société en nom collectif. La SCS n’a jamais été créée dans certains Etats membres de l’espace
OHADA.
A notre connaissance, les Centres de Formalités des Entreprises (CFE) de certains Etats
membres de l’OHADA35 n’ont pas encore enregistré de dossier de constitution d’une SCS. Au
Mali, l’existence d’aucune société en commandite simple ne peut être confirmée jusqu’à nos
jours36. Au Sénégal, la SCS connait une existence difficile à confirmer en pratique. Toutefois,
la constitution d’une commandite simple a été signalée sur un site d’annonces légales
sénégalais37. Le seul Etat francophone membre de l’OHADA, sur le territoire duquel la
pratique de la SCS serait réelle, est la Côte d’Ivoire38. La SCS ne parvient toujours pas à
connaitre une pratique effective dans l’espace OHADA malgré l’amélioration qu’a connue
son régime juridique dans l’Acte Uniforme révisé.
D’où la nécessité de s’interroger sur la véritable raison d’être de cette forme sociale dans
l’AUSCGIE. En d’autres termes, la société en commandite simple a-t-elle une utilité en droit
OHADA ?
Pour mieux répondre à ces interrogations, il est important de préciser que la société en
commandite simple présente divers inconvénients. Ces inconvénients sont inhérents à son
régime juridique. Que ce soit à l’interne ou à l’externe, les associés en commandite simple ne
sont pas traités avec égalité. Des règles gouvernant sa constitution jusqu’aux règles régissant
Toutefois, le manque de pratique de la SCS n’est en aucune manière la preuve de son inutilité
absolue. Les inconvénients dont il est fait mention précédemment ne sont qu’apparents. La
société en commandite simple offre divers avantages qui sont ignorés des acteurs
économiques de l’espace OHADA. Elle permet de combiner les efforts de l’entrepreneur et du
bailleur de fonds. Sa constitution est facile du fait de la non exigence d’un capital social
minimum. Les règles relatives à sa gestion sont gage d’une efficacité inédite.
L’intuitu personae qui caractérise la SCS, permet aux associés de limiter l’entrée de nouvelles
personnes, y compris des commanditaires, d’où une sécurité de l’activité sociale et l’intérêt
des associés. Même s’il y’a lieu de réviser son régime, ce serait de façon superficielle eu
égard à certains principes des sociétés de personnes. Les principes qui gouvernent les sociétés
de personnes et en particulier la commandite simple connaissent une légère révolution. Les
sociétés pérennes sont celles dont les régimes juridiques s’assouplissent de plus en plus grâce
à l’emprunt de principes initialement prévus pour d’autres formes sociales.
Mener une réflexion sur la société en commandite simple en droit OHADA aujourd’hui
revient à analyser le régime juridique de cette société. Il ne s’agira pas de présenter
littéralement les conditions de constitution ou les règles qui régissent le fonctionnement de
cette société. Il s’agira de relever, au regard des dispositions de l’AUSCGIE, les
inconvénients qui semblent justifier la non création de la SCS puis de démontrer que ces
défauts ne peuvent pas occulter les atouts que représente la commandite simple au sein de
l’espace OHADA.
Ce thème permet d’exposer les raisons qui expliquent l’extrême rareté de la société en
commandite simple dans l’espace OHADA. Sur le plan théorique, il permet de constater que,
même bien avant l’avènement du droit OHADA, certains États de l’espace OHADA,
aujourd’hui membres de l’OHADA s’étaient déjà interrogés sur l’utilité de cette forme de
société dans leurs législations respectives. La conclusion qu’elle ne servait à rien avait justifié
sa suppression, ensemble avec la société en commandite par actions, des législations
8
malienne, guinéenne39 puis de la législation sénégalaise40. Lors de l’adoption de l’AUSCGIE,
ces Etats, même s’ils avaient l’intention de s’opposer à l’introduction de la SCS, leurs voix
auraient été minoritaires face à celles des autres pays signataires du Traité de l’OHADA.
Ainsi, la réflexion sur la société en commandite simple permet de se rendre compte que le
renvoi aux dispositions relatives à la SNC ne comble pas suffisamment le régime juridique de
la SCS. C’est aussi l’occasion de relever que la doctrine accorde moins d’écrits à la société en
commandite simple et cela est dû au désintérêt suscité par cette forme de société. Les auteurs
sont tous préoccupés à débattre des sociétés existantes en pratique et offrant de réels intérêts
économiques comme la SARL, la SA, la SAS et la Société coopérative apparue en 2014.
39 G. MEISSONNIER (dir.), « Droit des entreprises » in Encyclopédie juridique de l’Afrique, Les Nouvelles
Editions Africaines, 1982, Abidjan, Dakar, Lomé, p. 102 ; en Guinée, V. Loi N° 66-22 du 1er septembre 1962,
art. 3 et au Mali, V. Ordonnance n° 58 du 14 octobre 1975 portant sur la règlementation de la profession de
commerçant, art. 15, cette ordonnance a été rendue applicable par le décret N° 189 du 14 novembre 1975. Ces
deux premiers Etats avaient supprimé les sociétés en commandite simple et en commandite par actions de leurs
législations.
40 La SCS fut retirée de la règlementation commerciale du Sénégal par la loi n°8540 du 29 juillet 1985 portant
quatrième partie des obligations civiles et commerciales, art. 1080.
41 Les deux sociétés de personnes de référence en droit OHADA sont la SNC et la SCS.
9
PARTIE I.
UNE SOCIÉTÉ AUX INCONVÉNIENTS APPARENTS
10
La rareté de la SCS est une réalité incontestable reconnue par certains acteurs de la recherche
scientifique42. Même en droit français où elle avait atteint son apogée jadis, elle y tend
désormais à relever de l’histoire. Nonobstant les efforts qui ont été consentis par le législateur
OHADA pour rendre plus attractif le régime juridique de la société en commandite simple
lors de la réforme de 2014, cette forme sociale reste rare.
La SCS serait la première société commerciale qui n’est pratiquement pas pratiquée dans
l’espace OHADA. Qu’il s’agisse de leurs droits politiques ou financiers, les associés de la
société en commandite simple ne sont pas traités avec égalité. Les commandités ont plus de
prérogatives que les commanditaires en ce qui concerne la gestion sociale et la prise de
certaines décisions collectives.
Au regard de tout cela, il faut donc dire que la société en commandite simple se caractérise
par des inégalités entre ses associés (chapitre I) et sa législation par renvoi souffre
d’incomplétude (chapitre II).
42 Selon le Professeur CHEICK Abdou Wakhab Ndiaye, « la société en commandite simple n’est pas
pratiquée dans l’espace OHADA malgré les efforts du législateur qui a complété le régime de cette société par
les règles de la SNC depuis la réforme de 2014 », propos recueillis du Professeur en personne, le 09 mars 2020 à
l’Université Cheick Anta Diop de Dakar lors de notre enquête sur l’existence des sociétés en commandite simple
au Sénégal.
11
CHAPITRE I.
Les associés de la société en commandite simple ne sont pas traités de la même façon. Les
commanditaires et commandités ont des statuts différents qui ne voilent pas des situations de
traitements inégalitaires. Tout comme en droit public43, le droit des sociétés privilégie une
appréciation souple de la notion d’égalité44. C’est ce qu’exprime la doctrine lorsqu’elle
affirme que l’égalité entre associés s’apprécie in concreto et non in abstracto45. Amplement
démontrée par Jean-Marc Moulin dans sa thèse46, cette relativité fait partie des rares sujets
ayant fait l’unanimité en doctrine47.
Aucune règle absolue n’impose d’accorder les mêmes droits à tous les associés se trouvant
dans des situations identiques48. Les sociétés disposent donc d’une grande marge de liberté
dans leur utilisation, même si, généralement, leur attribution repose sur une différence de
situations49 ou un souci de servir l’intérêt social50. Pour le Professeur NDIAYE Momath,
« pour qu’il y ait inégalité, il faut tout d’abord qu’il existe une différence de traitement qui ne
peut s’obtenir que par l’attribution ou l’imposition à certains associés de prérogatives ou
charges dissemblables à celles qui auraient émané d’un partage proportionnel »51.
L’inégalité dans certaines formes sociétaires comme la SCS constitue une source de
complications52, donc un véritable inconvénient. La société en commandite simple, au regard
de son régime juridique, présente plusieurs situations d’inégalité, les unes inhérentes aux
obligations des associés (Section I) et les autres tenant à leurs droits (Section II).
43 S. SCHILLER, « L’égalité en droit des sociétés », in L’égalité, Arch. phil. dr., t. 51, Dalloz, éd. 2008, p. 119,
spéc. n°13, p. 125.
44 S. TORK, « Le rachat par les sociétés cotées de leurs propres actions (article L225-209 du Code de
commerce) et le principe d’égalité des actionnaires », Bull. Joly Bourse, 2002, p. 509, spéc. n°4.
45 J. MESTRE, « L’égalité entre associés, (aspects de droit privé) », Rev. Sociétés, 1989, p. 399 et s.
46 J.-M. MOULIN, Le principe d’égalité dans la société anonyme, th., Université d’Aix-Marseille, 1999, p. 14.
47 P. COPPENS, L’abus de majorité dans les sociétés anonymes, th. Paris, 1945, n°45, p. 69.
48 S. SCHILLER, op. cit., p. 119, spéc. n°15.
49 P. CORDONNIER, De l’égalité entre actionnaires, thèse, Paris, 1924, p. 19.
50 Ibid. n°15, pp. 49 et 50.
51 M. NDIAYE, L’inégalité entre associés en droit des sociétés, thèse de doctorat, Université Paris I, Panthéon
Sorbonne, juillet 2017, p. 136.
52 M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY, Droit des sociétés, 31ème éd., Paris, 2018, p. 661.
12
SECTION I. LES INÉGALITÉS RELATIVES AUX OBLIGATIONS DES ASSOCIÉS
Les associés en commandite simple subissent une différence de traitement dans leurs
obligations à la dette sociale (§ I). Parallèlement, il faut y adjoindre leur obligation de ne pas
concurrencer la société (§ II).
La dette est dite sociale lorsqu’elle a été contractée au nom et pour le compte de la société.
Elle se distingue des pertes53. La responsabilité du commandité pour la dette sociale est
objective (A) tandis que celle du commanditaire est subjectivement nuancée (B).
Ainsi, le commandité est dans une situation inconfortable et son sort dépend directement du
destin de la société. C’est à sa qualité de commerçant, tout comme l’associé en nom, que
s’attache cette obligation au passif social59. L’ampleur des effets de la qualité de commerçant
du commandité a fait dire à certains auteurs, dans un exercice de comparaison entre la
société à risque limité et la société à risque illimité60, que « la société à risque limité, c’est la
croisière sur un paquebot ; la société à risque illimité, c’est toujours un plaisir nautique, mais
sur un voilier, en participant aux manœuvres et en courant le risque du dessalage ».
Pour l’associé commandité, il n’y a pas une véritable séparation de son patrimoine personnel
avec celui de la société. Même n’étant plus membre de la société, le commandité reste
toujours tenu au paiement de la dette sociale pour le montant de la position débitrice du
compte courant de la société à la date de la publication de la cession de ses droits sociaux,
sous réserve des remises postérieures61.
L’obligation solidaire et indéfinie n’épargne ni le nouvel associé commandité qui entre dans
la SCS en cours de vie sociale, ni le commandité sortant. Le premier est tenu du passif social,
même antérieur à son entrée62. Le second, reste tenu à l’égard des tiers de la totalité du passif
antérieur à son départ63. Cet aspect sévère de la responsabilité du commandité est de près la
principale raison qui explique la répulsion que suscite cette société. Personne ne voudrait être
dans la situation de celui-ci.
L’autre type d’associé sans lequel la SCS passerait pour une SNC est le commanditaire, Cet
associé est parfois assimilé à un bailleur de fonds pour marquer qu’il n’est pas commerçant65.
C’est en cela que son obligation au passif social est subjective. Le commanditaire est l’associé
de la SCS qui ne répond des dettes sociales qu’à concurrence de ses apports. Celui-ci ne doit
pas courir le risque de voir s’ouvrir des poursuites contre sa personne, au point de faire l’objet
d’une procédure de liquidation.
Mais, le commanditaire est-il absolument à l’abri de toute poursuite sur ses biens personnels ?
Certes, son obligation aux dettes sociales est limitée à ses apports. Mais, il y a une nuance. Sa
responsabilité peut être étendue en fonction de sa faute personnelle. En outre, dans la pratique,
le banquier à qui s’est présenté un commanditaire qui sollicite un prêt au nom de sa société ne
renverra pas ce dernier sous prétexte que ce dernier n’est pas gérant. Il lui sera demandé des
garanties fortes afin de bénéficier du prêt. Un tel commanditaire resterait tenu à l’instar d’un
commandité gérant.
A défaut de libération de son apport, le commanditaire n’est pas à l’abri des poursuites par les
créanciers sociaux. C’est la première exception à la règle de la limitation de son obligation.
Dans ce cas, les créanciers pourraient le poursuivre en initiant une action oblique68. La
jurisprudence reconnait de plus en plus cette action aux créanciers et au syndic en France
depuis 188769.
65 G. RIPERT et R. ROBLOT, Traité de Droit commercial, L.G.D.J., 17ème éd. Paris, 1998, p. 942 ; J.
HAMEL, G. LAGARDE, A. JAUFFRET, Droit commercial, t. I, 2e vol., Sociétés, groupements d’intérêt
économique, entreprises publiques, par G. LAGARDE, Dalloz, 2e éd. 1980, p. 193, n°501.
66 G. RIPERT et R. ROBLOT, op. cit., p. 946
67 CA Paris, 17 novembre 1902, D. 1903. 2. 496.
68 V. art. 1166 du Code civil en vigueur au Togo ; V. Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris, 27è, 2020 :
l’action oblique est « l’action en justice intentée par un créancier au nom et pour le compte de son débiteur
négligeant et insolvable contre un débiteur de son débiteur ».
69 Cass. civ., 4 janvier 1887, D. 87. 1. 124.
15
l’immixtion du commanditaire dans la gestion externe. La logique voudrait que la charge de
cette preuve pèse sur le tiers créancier qui entend engager la responsabilité solidaire et
indéfinie du commanditaire.
En dehors de la différence des associés de la SCS quant à leurs droits, il faut reconnaître que
certaines fois l’insertion de clause statutaire de non-concurrence à la société peut créer une
inégalité.
74 AUSCGIE, art. 50-1 : « Les apports en industrie sont réalisés par la mise à la disposition effective de la
société de connaissances techniques ou professionnelles ou de services ».
75 C. civ., art. 1843-3, al. 6, préc.
76 Y. SERRA, La non concurrence en matière commerciale, sociale et civile (Droit interne et communautaire),
Dalloz, Paris, 1re éd. 1991, n° 3, p. 2.
17
en industrie, aurait une double portée. D’une part, en vertu de sa qualité d’associé apporteur
en industrie et, d’autre part, en vertu du contrat de travail qui le lie à la société.
Certes, il n’est pas interdit qu’un associé en nom ou un commandité fasse partie d’une autre
société77, même en nom collectif ou en commandite simple, en qualité de commandité ou
d’exploiter personnellement un fonds de commerce. Mais, il s’agit d’un problème
d’exclusivité, car l’activité extra-sociale de l’associé peut être sans rapport avec l’objet social.
De telles pratiques semblent contraires à l’affectio societatis, et, par conséquent, fautives,
même si elles ne constituent pas, en elles-mêmes, une concurrence déloyale78. Toutefois,
l’obligation du commandité de ne pas concurrencer la société, quoique légale, demeure un
facteur d’inégalité car elle porte atteinte à la liberté d’industrie et de commerce du
commandité.
L’interdiction de concurrence qui pèse sur le commandité est considérable, tandis que le
commanditaire serait vraisemblablement libre de cette interdiction vis-à-vis de la société.
18
Néanmoins, le commanditaire peut courir le reproche d’une concurrence déloyale ou illégale.
Aussi, doit-il s’abstenir de toutes pratiques déloyales80. Ce reproche est possible au cas où il
s’installe dans le même espace que sa société, avec pour seul dessein de faire couler celle-ci.
Mais, dans cette situation la preuve de l’intention du commanditaire pourrait être difficile à
rapporter. Par ailleurs, vu qu’il peut toujours faire le commerce par personne interposée, il
serait difficile à la société de savoir si tel ou tel commanditaire respecte réellement
l’interdiction de concurrence à la société.
Au sujet des associés de la SCS, le déséquilibre n’existe pas uniquement quant à leurs
obligations. Ils sont aussi et surtout différemment traités par le législateur quant à leurs droits.
Il existe une différence de traitement des associés de la SCS dans la cession82 des parts
sociales (A) et dans l’exercice du contrôle de la gestion sociale (B).
80 Les pratiques déloyales, créatrices de concurrence déloyale, sont les comportements contraires aux usages
loyaux du commerce, tels que la création d’une confusion entre entreprises ou produits concurrents, le
dénigrement des entreprises et des produits rivaux.
81 Lors des décisions collectives par exemple, V. AUSCGIE, art. 302 à 306.
82 La cession est la transmission des droits entre vifs. Elle est synonyme de la vente.
19
A. L’inégalitaire droit de cession des parts sociales
Les parts sociales83, contreparties des apports84, constituent des biens pour les associés. En
tant que biens, elles devraient conférer à leurs titulaires des droits exclusifs et absolus, avec
une liberté de cession. Cependant, une inégalité assez visible caractérise l’opération de
cession des parts sociales dans la SCS.
Le législateur a posé le principe selon lequel les parts sociales de la SCS ne peuvent être
cédées qu’avec le consentement de tous les associés. Il a aussi indiqué des cas dans lesquels
les associés peuvent prévoir des clauses traitant de leurs droits de cession des parts sociales 85.
Ainsi, la faculté est laissée aux associés de prévoir trois situations possibles.
D’abord, ils peuvent prévoir que les parts des commanditaires sont librement cessibles entre
associés. Ensuite, il est possible de stipuler que les parts sociales des associés commanditaires
ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu’avec le consentement de tous les
associés commandités et de la majorité en nombre et en capital des associés commanditaires.
Enfin, concernant le commandité, les statuts peuvent stipuler qu’un associé commandité peut
céder une partie de ses parts à un commanditaire ou à un tiers étranger à la société avec le
consentement de tous les associés commandités et de la majorité en nombre et en capital des
associés commanditaires86. Certes, de telles dispositions respectent la spécificité de la qualité
des associés tant commanditaires que commandités.
Toutefois, il s’agit d’une sorte de discrimination laissée à la faculté des associés. C’est un
manque de considération à l’égard des commanditaires qui sont des associés au même titre
que les commandités. La discrimination dont il est question consiste à priver les
commanditaires des mêmes pouvoirs de décisions que seuls les commandités détiennent. Ces
pouvoirs sont relatifs à l’autorisation de vente des parts sociales. Non seulement, ils n’ont pas
un pouvoir significatif lors de la cession des parts appartenant aux commandités, mais en plus,
la cession de leurs propres parts sociales dépend du pouvoir de décision des commandités.
83 Les parts sociales, suivant la définition de la notion de société, peuvent être définies comme les droits
attribués aux associés en guise de récompense, proportionnellement aux apports qu’ils ont effectués dans la
société.
84 Les apports sont « tous biens mis en commun par les associés lors de la constitution d’une société », V.
Lexique des termes juridiques, op. cit.
85 AUSCGIE, article 296.
86 AUSCGIE, article 296, préc.
20
Or, si au nom de l’intuitu personae87, il n’est pas permis à tout individu d’acquérir facilement
des parts sociales dans une SCS, le commanditaire ne devrait pas être totalement sous ce
principe. En effet, il ne faut tout de même pas perdre de vue que le commanditaire répond le
mieux au régime juridique d’un associé à risque illimité. Il ne devrait pas être fortement lié
par les impératifs de l’intuitu personae qui sont le propre de la véritable société de personnes.
Le législateur de l’OHADA, tout comme celui français, semble prendre peu en compte la
présence du commanditaire dans la société en commandite simple. Il faut reconnaitre que la
SCS n’est pas totalement une société de personnes. Elle ne devrait plus être considérée
comme une société de personnes, mais comme une société mixte88.
Au-delà de cette inégalité qui caractérise les pouvoirs des associés quant aux décisions portant
sur la cession de leurs parts sociales, l’autre droit individuel dont la répartition est critiquable
est le pouvoir de contrôle de la gestion sociale.
Les associés doivent être tenus informés de ce qui se passe dans la société : c’est le droit de
contrôle de la gestion reconnu aux associés non-gérants. Le déséquilibre de traitement des
associés de la SCS s’étend à ce droit de contrôle de la gestion sociale de façon ambigüe. Une
chose ambigüe est celle qui peut s’interpréter de différentes façons. L’AUSCGIE dispose que
« les associés commanditaires et les commandités non gérants ont le droit, deux fois par an,
d’obtenir communication des livres et des documents sociaux et de poser par écrit des
questions sur la gestion sociale, auxquelles il doit être répondu également par écrit »89.
87 L « intuitu personae » est une locution latine qualifiant un contrat qui est conclu en considération du type ou
de la qualité des relations existant entre les personnes qui le signent, cf. Dictionnaire juridique, disponible sur
https://www.dictionnaire-juridique.com, consulté le 23 mars 2021, à 12h 18’.
88 La nature mixte de la SCS tient à la présence, dans cette société d’un « actionnaire », le commanditaire, et
d’un véritable associé d’une société de personne, le commandité.
89 AUSCGIE, art. 307.
21
Les commandités ont un statut identique à celui des associés de la société en nom collectif.
Or, dans la société en nom collectif, « les associés non gérants ont simplement le droit de
consulter, au siège social, deux fois par ans, tous les documents et pièces comptables ainsi
que les procès-verbaux des délibérations et des décisions collectives »90. S’ils désirent en
faire copies pour emporter, ce serait à leurs propres frais.
Or, pour ce qui est du contrôle dans la SCS, le législateur a accordé aux commandités non
gérants des privilèges dont ne disposent pas les associés non gérants de la société en nom. Il
n’y a pas de justification suffisante pouvant expliquer ce privilège des commandités non
gérants de commandite simple par rapport aux associés non gérants dans la société en nom
collectif. L’attention particulière accordée aux associés non gérants de la société en
commandite simple est justifiée par le fait que dans ce type de société, seule l’assemblée
générale annuelle est obligatoire.
Or, l’information des associés non gérants est indispensable. Pour cela, il est juste, qu’en plus
de leur droit de poser par écrit des questions, qu’ils puissent également obtenir, deux fois par
ans, communication des livres et des documents sociaux91. Mais il y a également lieu
d’interpréter cette disposition comme visant à empêcher des risques d’inefficacité du contrôle
dans la mesure où il n’est pas bien que le gérant soit à la fois son propre contrôleur. Cela
conduirait aussi inévitablement à des conflits d’intérêts entre le gérant qui, conscient de la
mauvaise gestion qu’il aurait faite, voudrait protéger ses arrières à tout prix.
Cependant, l’analyse des règles de la SCS impose un contrôle distributif92, tenant compte, à la
fois du statut des commandités et de celui des commanditaires. Ces derniers devraient
bénéficier du statut des associés de la SARL. Il serait convenable de leur accorder le droit
d’obtenir, deux fois par ans, la communication des livres et des documents sociaux et de poser
par écrit des questions sur la gestion sociale93. Les commandités non gérants, quant à eux,
devraient simplement exercer leur droit de contrôle comme des associés en nom,
conformément à l’article 289 de l’AUSCGIE qui dispose que « les associés non gérants ont le
droit de consulter, au siège social, deux (2) fois par an, tous les documents et pièces
comptables ainsi que les procès-verbaux des délibérations et des décisions collectives. Ils ont
22
le droit d’en prendre copie à leurs frais. Ils doivent avertir les gérants de leur intention
d’exercer ce droit au moins quinze (15) jours à l’avance, par lettre au porteur contre
récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou télécopie. Ils ont le
droit de se faire assister par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes à leurs
frais. »
Pour trancher de manière simple cette question liée au contrôle de la gestion de la SCS, il est
préférable de recourir à la solution du législateur français qui n’a réservé ce droit de contrôle
exclusivement qu’aux commanditaires. Le Code de commerce en précise les modalités94. Pour
ce qui est du contrôle par les commandités, ces derniers doivent exercer ce droit dans les
mêmes conditions que les associés en nom, puisqu’ils ont les mêmes droits que les associés en
nom95. Aussi, en attribuant ce pouvoir de contrôle uniquement aux commanditaires et aux
commandités non gérants, le législateur a-t-il manqué de spécialisation96 ou de prendre en
compte la qualité primaire de chaque gérant dans ces dispositions relatives au contrôle de la
gestion dans la SCS. Les associés peuvent décider que la gestion sera collégialement assumée
soit par un seul commandité, ou au moins deux commandités ou encore, par un commandité et
un tiers, chaque gérant ayant des fonctions spécifiques lui permettant d’agir indépendamment.
Au-delà de ces inconvénients relatifs aux droits individuels des associés de la SCS, il existe
encore bien d’autres situations dans lesquelles des discriminations sont exercées à l’encontre
du commanditaire.
Le commanditaire est discriminé, entre vifs, lors des décisions collectives (A) et même son
décès n’a pas d’incidence sur la vie sociale (B).
94 C. com. français, Dalloz, 2019, art. L. 222-7 : « Les associés commanditaires ont le droit, deux fois par ans,
d’obtenir communication des livres et documents sociaux et de poser par écrit des questions sur la gestion
sociale, auxquelles il doit être répondu par écrit ».
95 J. MESTRE et C. BLANCHARD-SEBASTIEN, Sociétés commerciales, Lamy, Paris, 1997, n°2771 et ss.
96 Ici le manque de spécialisation est le fait pour le législateur de ne pas avoir prévu des règles spécifiques
tenant compte des situations possibles qui peuvent se présenter.
23
En ce qui concerne la défense d’immixtion, ce principe injuste97 est clairement posé par
l’article 299 et suivant de l’AUSCGIE : « L’associé ou les associés commanditaires ne
peuvent faire aucun acte de gestion externe, même en vertu d’une procuration »98. Des
sanctions variables sont même prévues pour dissuader les commanditaires. L’article 300
dispose qu’ « en cas de contravention à la prohibition mentionnée à l’article précédent,
l’associé ou les associés commanditaires sont obligés indéfiniment et solidairement avec les
associés commandités pour les dettes et engagements de la société qui dérivent des actes de
gestion qu’ils ont faits ». Le second alinéa de cet article ajoute : « suivant le nombre et la
gravité de ces actes, ils peuvent être obligés pour les engagements de la société ou pour
quelques-uns seulement ».
24
législateur de l’AUSCGIE a expressément toléré une discrimination des commanditaires lors
des assemblées générales.
La loi énonce que « … la réunion d’une assemblée de tous les associés est de droit si elle est
demandée soit par un associé commandité, soit par le quart en nombre et en capital des
associés commanditaires »104. Une telle disposition est répulsive au regard de l’appréciation
des opérateurs économiques. La vie d’une société commerciale reflète parfaitement la vie des
hommes en société. Chacun voudrait détenir le pouvoir. Or, le texte précédemment cité
attribue, même à un seul commandité, le pouvoir de faire convoquer l’assemblée générale,
privilège dont plusieurs commanditaires ne pourraient en jouir que s’ils réunissent le quart en
capital et en nombre des associés de leur catégorie. Il s’agit d’une situation inconfortable qui
n’assure pas aux commanditaires la considération que mérite un associé.
Cette discrimination légale vis-à-vis des commanditaires s’accentue lors des opérations de
modification des statuts. Le législateur OHADA ainsi que le législateur français105 exigent la
majorité en nombre et en capital des associés commanditaires et l’unanimité des associés
commandités pour qu’une décision de révision des statuts puisse passer. En prévoyant que
« les modifications des statuts sont décidées avec le consentement de tous les associés
commandités et la majorité en nombre et en capital des associés commanditaires », sans
aucune possibilité pour les associés d’aménager les conditions de modification des statuts
selon leur gré106, le législateur OHADA s’est immiscé a priori dans l’affaire des parties aux
contrats de société. Il aurait été préférable de laisser aux associés mêmes de prévoir
conventionnellement les conditions de convocation des assemblées et de modification des
statuts. Dès lors qu’il s’agit d’une modification statutaire, il devrait être reconnu aux associés
la liberté d’en fixer les modalités.
Naturellement, le décès d’une personne provoque un profond deuil pour ses proches. C’est un
événement qui ralentit le train de vie de la famille et change le statut des personnes même
25
survivantes107. Le décès entraîne la caducité d’un acte juridique108. Paradoxalement, au sein
d’une SCS, le décès d’un commanditaire est sans incidence. Sa mort n’influence aucunement
l’existence ou la continuité de la société.
En effet, les pratiques ayant abouti à la naissance de la SCS au Moyen Age110 laissent voir
tout l’honneur qui était dévoué au commanditaire. Les commanditaires étaient habituellement
des personnes issues de la noblesse, donc des riches, mais à qui la loi interdisait de faire le
commerce. Cela démontre alors le caractère indispensable du commanditaire pour qu’il y’ait
société en commandite simple. Par ailleurs, c’est grâce à la présence du commanditaire
qu’une société est dite en commandite. Sans le commanditaire, il n’y aurait qu’une société en
nom collectif. Les commandités ne sont donc que des associés chargés d’exécuter la volonté
des premiers, des mandataires sociaux, entendus aussi par-là, les mandataires des
commanditaires.
En outre, la faible considération des effets du décès du commanditaire peut être atténuée à
deux niveaux. D’une part, il suffirait de prévoir expressément qu’en cas de pluralité de
commandités et de commanditaires, le décès d’un seul associé, qu’il soit de l’une ou de l’autre
catégorie, ne peut entraîner la dissolution de la société. D’autre part, il serait plus juste de
prévoir également que si l’associé décédé était seul associé commanditaire et si ses héritiers
sont alors mineurs non émancipés, il doit être procédé à son remplacement par un nouvel
associé commandité ou à la transformation de la société dans un délai d’un an à compter du
décès. A défaut, la société est dissoute de plein droit dans les mêmes conditions que celles
prévues au sujet du décès du seul associé commandité. C’est ainsi que l’associé
commanditaire pourrait véritablement bénéficier d’une considération proche de de celle dont
26
bénéficie le commandité. Ce renouveau ne changerait aucunement la forme sociale de la
commandite simple.
Certes, l’égalité parfaite ne peut exister entre les associés de la société en commandite simple.
Toutefois, il faut reconnaitre que l’écart d’inégalité institué par le législateur entre le
commanditaire et le commandité est un inconvénient qui participe au dédain que suscite la
société en commandite simple dans l’espace OHADA. Il n’y a pas que l’inégalité. Au-delà de
cette analyse, la législation par délégation ou par renvoi de ladite société est de près un autre
facteur répulsif qu’il ne faut pas ignorer.
27
Chapitre II.
Le régime juridique de la société en commandite simple est complété par les règles
applicables à la société en nom collectif. Cette dernière, étant la société de personne de
référence, a un régime compatible avec la SCS. Cela se justifie par la législation de la SCS par
renvoi lors de la réforme de l’AUSCGIE en 2014. Le nouvel Acte uniforme prévoit que : « les
dispositions relatives aux sociétés en nom collectif sont applicables aux sociétés en
commandite simple, sous réserve des règles prévues au présent livre »111. Or, la présence du
commanditaire dans la commandite simple rend inapplicables certaines dispositions de la
SNC à la SCS. D’où l’incomplétude du régime juridique de la société en commandite simple
malgré le renvoi expressément opérée en 2014.
Il faut donc entrevoir l’incomplétude de la commandite simple à deux niveaux. Elle se traduit
par des insuffisances qui caractérisent les règles de fonctionnement (section I) et celles
relatives à la fin de la société en commandite simple (section II).
28
§ I. LE RECOURS IMPRÉCIS AUX RÈGLES DE GESTION DE LA SOCIÉTÉ EN NOM
COLLECTIF
Le statut du gérant non associé de la SCS manque de clarification (A) et, parallèlement, la
défense d’immixtion serait un principe incertain dans cette forme de société (B).
Une idée préliminaire à évacuer porte sur la désignation des gérants associés. L’article précité
comporte une imprudence législative qui aurait pu être évitée. Le seul moyen serait de
prévoir, qu’en cas de pluralité de commandités. S’ils sont deux, le minoritaire devrait être
gérant dans le silence des statuts. S’ils sont plus que deux commandités, leur nomination
statutaire serait impérative ainsi que la répartition individuelle de leurs missions. Dans ce cas
les associés ne peuvent garder silence lors la rédaction des statuts.
Au-delà de tout cela, la plus grande imprécision concerne la désignation du tiers comme
gérant dans la SCS. Certes, concernant la SNC, le législateur a précisé que « les associés
peuvent désigner un ou plusieurs gérants, associés ou non »115. Ce texte prévoit clairement la
possibilité qu’un tiers soit gérant dans une SNC. Cependant, il n’en est pas expressément de
même à la lecture de l’article 298 relatif à la nomination des gérants de la SCS.
L’interrogation qui en découle est de savoir si les associés de la SCS peuvent également
désigner un tiers comme gérant de leur société.
29
Le seul renvoi aux règles de la SNC justifie-t-il l’invitation du tiers dans l’affaire des
associés ? L’article 298, in fine, pose la solution. Ce texte dispose que la nomination du ou
des gérants de la SCS se fait « dans les mêmes conditions et avec les mêmes pouvoirs que
dans une société en nom collectif ». Il s’agit d’une simple reconnaissance implicite de la
vocation du tiers à gérer la SCS tout comme dans la SNC. Ce qui n’est pas interdit par la loi
est autorisé, admet-on communément. C’est l’interprétation d’ailleurs logique qui puisse être
attribuée à cette disposition.
En effet, l’unique interprétation possible et logique est de reconnaitre qu’il s’agit d’une
autorisation tacite du tiers à y être gérant. Dans la SCS, le risque de conflit d’intérêts est
imminent du fait de la dualité des associés. Ainsi, la possibilité pour un tiers d’y conduire les
affaires est donc pour les deux catégories d’associés une issue idéale. L’autorisation du tiers à
y être gérant est la bonne interprétation dans la mesure où il peut arriver qu’au sein des
commandités personne ne se porte candidat au poste de gérant. Par ailleurs, le silence
législatif sur l’autorisation du tiers à gérer une SCS ne doit pas être interprétée comme valant
interdiction. Au cas échéant, la conclusion serait aussi l’inapplicabilité des règles de la SNC à
la SCS.
Pour éviter ce problème lié à l’admission du tiers pour gérer une SCS, le législateur français,
pour sa part, n’a jamais réservé un article traitant du statut des gérants de la société en
commandite simple dans sa législation116. Le renvoi aux dispositions de la société en nom
collectif serait donc interprété comme étant général pour tout vide relatif à la SCS117. Sur cette
question de la gérance, le législateur de l’OHADA a fait un détail qui serait inutile à cause du
renvoi aux dispositions de la SNC118.
Toutefois, cette question du tiers-gérant dans la SCS doit être laissée à la décision des
associés de cette société, puisque la société est aussi le fruit de la volonté des parties. En effet,
les partisans de la thèse contractuelle de la société parmi lesquels on retrouve notamment
116 Aucune disposition de l’AUSCGIE ne traite avec détails les conditions de nomination, des pouvoirs et de la
révocation du gérant de la SCS. Dans les articles L. 222-1 à L. 222-12 du Code de commerce français, il n’existe
pas de texte traitant de la gérance de cette société.
117 Code de commerce français après la loi Macron, art. L. 222-2, préc. : « Les dispositions relatives aux
sociétés en nom collectif sont applicables aux sociétés en commandite simple, sous réserve des règles prévues au
présent chapitre ».
118 L’article 298 de l’AUSCGIE qui traite de la gérance de la SCS n’aurait presque plus sa raison dès lors que le
législateur a renvoyé aux dispositions relatives à la SNC (293-1) et à la gérance de la SNC (298, in fine).
30
MM. HAMEL, LAGARDE et JAUFFRET119, s’appuyaient sur les termes de l’article 1832 du
Code civil qui définit effectivement, dans son alinéa 1er, la société comme un « contrat »120.
Or, dans cette vision de la réalité, il est constant que les associés, responsables indéfiniment et
solidairement, hésiteront le plus souvent à confier la gérance à un tiers, qui pourrait se sentir
moins concerné par la gestion des affaires sociales que l’un d’eux121.
Lorsque la gestion d’une société commerciale devient l’affaire d’une catégorie d’associés, il
n’est pas exclu que la société en devienne la chasse gardée des gérants ou associés
commandités au détriment de ceux à l’encontre de qui la loi martèle une interdiction
d’immixtion dans la gestion, un principe d’ailleurs révolu.
Admettre qu’un tiers puisse gérer la SCS, et jamais le commanditaire, paraît paradoxal. Cela
voudrait dire qu’il est préférable, voire plus rassurant, de confier la gestion au tiers plutôt
qu’au commanditaire. Certes, c’est dans la nature de la SCS que les commanditaires soient
31
écartés de la gestion externe. Cependant, les fondements qui semblent justifier cette règle127
sont moins convaincantes.
Le premier pourrait être la protection du commanditaire. Ce serait pour conserver intact son
pouvoir de contrôle, son indépendance, qu’on le tiendrait éloigné de la gestion. Mais la
prohibition s’applique à la seule gestion externe. Cela n’interdit pas de participer à la gestion
interne de la société. Donc risque, pour le gérant commandité, de perdre autorité et
indépendance existe. Ce premier fondement n’est donc pas assez convaincant.
Le troisième fondement qui semble avoir les faveurs des tribunaux et de la doctrine serait la
protection des tiers. L’impératif n’est plus de protéger les associés commandités ou
commanditaires, mais de sauvegarder les intérêts des tiers130. Les créanciers sociaux
pourraient être abusés par la collaboration du commanditaire à la gestion. En l’imaginant
commandité, les cocontractants pourraient apprécier, en conséquence, le crédit à accorder à la
société. La théorie de l’apparence131 fournirait mieux l’assise de la défense d’immixtion.
En effet, la jurisprudence décidait en ce sens, avant 1966, lorsqu’elle recherchait si les tiers
avaient pu être trompés sur la véritable qualité du commanditaire132. La doctrine présente ce
fondement comme le plus approprié133. C’est cette tendance que le législateur OHADA aurait
Mais en réalité, la logique doit conduire à admettre l’erreur des tiers lorsque la société en
commandite est gérée par un non-associé. Ils ont pu croire à la qualité de commandité de ce
dernier, ce qui impose en conséquence de tenir le gérant non-associé pour un commandité. Or,
il faut rappeler que le gérant non-associé n’a jamais été tenu pour indéfiniment et
solidairement.
RIPERT, 2 vol. L.G.D.J., Paris, t. II, 9e éd., 1981 n° 879 ; R. RODIERE et B. OPPETIT, Droit commercial et
groupements commerciaux, Dalloz, Paris,10e éd., 1980, n° 99.
134 C. civ., art. 1420, al. 2 anc.
135 C. civ., art. 1872-1, al. 3 anc.
136 E. THALLER, Traité élémentaire de droit commercial à l’exclusion du droit maritime, 7e éd., par J.
PEPCEROU, A. ROUSSEAU, Paris, 1925, n° 302.
137 L’admission de la négligence du tiers s’apparenterait à une fatalité. Aussi doit-on douter du bien-fondé de
l’explication tirée de l’apparence. En l’espèce, faute d’erreur légitime, un tel recours serait inutile.
33
Le commanditaire est, certes, un associé. Mais c’est un associé passif. Le véritable fondement
de la défense d’immixtion serait bien la division du travail que postule l’idée de commandite.
Des insuffisances des autres fondements, deux arguments légaux peuvent être avancés. En
premier lieu, les articles 299 et 300 concernent la répartition des pouvoirs dans la société et
n’ont aucun lien avec les droits des tiers. En second lieu, l’article 299 interdit les actes de
gestion externe « même en vertu d’une procuration ». Or, la procuration est suffisante pour
prévenir le tiers de la véritable qualité de commanditaire. Malgré cela, la gestion externe
demeure interdite. C’est encore la preuve que la protection des tiers ne constitue pas le
fondement de la défense d’immixtion.
Les membres de la SCS n’ont pas un sort précis devant l’administration fiscale et le service de
la sécurité sociale. Il en résulte une complexité du régime fiscal des membres de la SCS (A)
couplée avec des difficultés liées statut social des associés de cette société (B).
138 R. HOUIN et B. BOULOC, Les grands arrêts de la jurisprudence commerciale, Sirey, Paris, 2e éd., t. I,
1972, p. 226.
34
La SCS n’est pas imposée en tant que telle, mais voit l’impôt139 frapper les associés eux-
mêmes. Le principe en vigueur dans cette société est la transparence140. C’est une
transposition quasiment complète du régime fiscal de la société en nom collectif. Le Code
Général des Impôts (CGI) dispose à cet effet que « …les associés des sociétés en nom collectif
et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés ont opté pour
le régime fiscal des personnes physiques, personnellement soumis à l’impôt sur le revenu
pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société »141.
En effet, pour l’imposition des revenus, le commandité est soumis à un régime identique à
celui des associés en nom. Chaque associé commandité est personnellement passible de
l’impôt sur le revenu tel qu’il a été présenté par la disposition précédemment citée. Ils seront
imposés selon des bénéfices réalisés, tels qu’ils sont définis par les règles fiscales qui fixent
l’assiette de l’impôt142 sur le revenu143 dans la catégorie des bénéfices industriels et
commerciaux144, sans qu’il soit nécessaire de déterminer s’ils ont été, ou non, distribués par la
société et donc appréhendés par les bénéficiaires145. Si le commandité est gérant, sa situation
serait encore plus complexe. Il en faudra rechercher si au titre de ce mandat social, il y cumule
un contrat de travail proprement dit. Au cas échéant, son revenu serait soumis à l’impôt sur
139 G. Jèze, Cours de finances publiques, Paris, LGDJ, 1936, p. 38 ; L'impôt « une prestation pécuniaire,
requise des particuliers par voie d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des
charges publiques » ; selon Olivier NEGRIN, « Une légende fiscale : la définition de l’impôt de Gaston Jèze »,
Revue de droit public, n° 1, 2008, p. 119-131, G. Jèze a également proposé la définition moderne suivante : «
l’impôt est une prestation de valeur pécuniaire, exigée des individus d’après des règles fixes, en vue de couvrir
des dépenses d’intérêt général et uniquement à raison du fait que les individus qui doivent les payer sont
membres d’une communauté politique organisée ».
140 Le principe de la transparence fiscale suppose que chaque associé déclare sa part de bénéfices à laquelle il a
vocation et paie l'impôt y afférant. Concernant l’imposition de ces bénéfices au niveau de ces associés, il n’y a
pas lieu de distinguer selon que les bénéfices sont mis en réserve ou distribués. Les associés sont imposés même
en l'absence de distribution de bénéfices. Cependant, lorsque les bénéfices seront ultérieurement distribués, la
distribution sera totalement exonérée d’imposition.
141 Loi n°2018-024 du 20 novembre 2018 portant Code Général des Impôts du Togo, entrée en vigueur le 1er
janvier 2019, modifiée par la loi de finance gestion 2020 adoptée le 18 décembre 2019 et par la loi de finance
gestion 2021 adoptée le 18 décembre 2020, art. 9.
142 Encore appelée « l’assiette fiscale », l’assiette de l’impôt est constituée de la somme de l’ensemble des
revenus devant servir de base pour le calcul d’un impôt ou d’une taxe. Le montant de l’impôt est obtenu en
application du taux légal à cette somme.
143 Aux termes de l’article 12 du CGI, l’impôt sur le revenu est un prélèvement annuel dû à l’administration
fiscale « à raison des bénéfices ou revenus de source togolaise ou étrangère que le contribuable réalise ou dont
il dispose au cours de la même année ».
144 Les bénéfices industriels et commerciaux sont ceux issus de l’exercice d’une profession industrielle et
commerciale par des personnes agissant pour leur propre compte et poursuivant un but lucratif ou d’opérations
de caractère industriel et commercial conformément aux énumérations de l’article 31 et suivants du CGI.
145 CGI, art. 13.
35
les revenus d’emplois146. C’est donc toute une série de complications et les exemples ne
manqueraient pas.
Quant à la part des bénéfices revenant aux associés commanditaires, c’est un autre régime
fiscal qui s’applique. La société en commandite simple perd, en quelque sorte, sa transparence
pour entrer dans le champ d’application de l’impôt sur les sociétés. Si les bénéfices sont
distribués aux commanditaires, ces derniers sont, à leur tour, imposés sur les revenus ainsi
perçus, soit à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, s’il
s’agit d’une personne physique, soit à l’impôt sur les sociétés, s’il s’agit d’une personne
morale.147 Une telle solution n’est pas pleinement logique.
Qu’il s’agisse de l’imposition des bénéfices ordinaires d’exploitation ou de celle des profits
exceptionnels réalisés par les associés de la SCS, les législations fiscales dans divers Etats
membres de l’espace OHADA prennent totalement en compte la présence des deux catégories
d’associés de la SCS148. La disparité dans l’imposition provoque une différence de revenus
entre les associés de la SCS. En effet, sur la part de bénéfice revenant au commanditaire, par
exemple, la société en commandite simple est passible de l’impôt sur les sociétés au taux de
27% prévu par le CGI149, et ceci dès la réalisation du bénéfice. Si cette part est ensuite
distribuée, elle constitue pour le commanditaire un revenu passible, soit de l’impôt sur le
revenu dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, si le commanditaire est une
personne physique, soit de l’impôt sur les sociétés si le commanditaire est une personne
morale.
Cette différence de régimes fiscaux n’est pas sans conséquence sur l’égalité des associés. En
outre, à l’égard de l’administration publique, le régime juridique de la société en commandite
simple engendre d’autres difficultés liées au statut social des associés.
La société en commandite simple peut être dirigée par un ou plusieurs gérants. Il va se poser
des difficultés relatives au régime social applicable au titre des cotisations sociales. Au plan
36
communautaire, il n’existe pas un droit communautaire de la sécurité sociale150. Il revient à
chaque Etat de prévoir des règles prenant clairement en compte la situation des dirigeants de
sociétés. Il s’agit donc d’une première difficulté qui ne doit pas être ignorée dans certains
Etats membres de l’espace OHADA.
D’abord, si le gérant est associé et rémunéré, il relèvera du régime social des travailleurs
salariés à titre personnel151. Son employeur, personne morale, devra donc veiller à une retenue
à la source de la part de cotisation au titre de la rémunération mensuelle. Or, dans toute
société commerciale, le dirigeant représente l’employeur. Cela revient à dire que le
commandité gérant rémunéré devra procéder à l’immatriculation152 de la personne morale qui
l’emploie puis à sa propre immatriculation en tant personne physique153.
La deuxième situation est celle où le gérant est associé et non rémunéré. Dans ce cas, il est
soumis au régime des travailleurs non-salariés. Il cotise sur la part des bénéfices qui lui
reviennent. Le Code de sécurité sociale ne traite pas de l’obligation pour les associés de payer
des cotisations sociales minimales même en l’absence de bénéfices. Il n’est donc pas question
d’exiger une telle cotisation à partir du moment où il n’y a pas de bénéfices distribuables.
La troisième situation concerne celle où le gérant est non associé et rémunéré en qualité de
salarié. Il bénéficie proprement du régime social des salariés à savoir les cotisations
patronales devant être supportées par la société à hauteur de 17, 5% du salaire154 et la
150 La sécurité sociale est l’ensemble des régimes assurant la protection de l’ensemble de la population contre
les différents risques sociaux : maladie, maternité, invalidité, vieillesse, etc., V. S. GUINCHARD et autre,
Lexique des termes juridiques, Dalloz, Paris, 27è éd. 2020.
151 Loi n° 2011-006 portant Code de sécurité sociale au Togo, art. 3.
152 Loi n° 2011-006 portant Code de sécurité sociale au Togo, art. 7.
153 CGI, art. 9.
154 Décret n° 2012-038/PR du 27 juin 2012 portant révision des taux de cotisation à la caisse nationale de
sécurité sociale, art. 2.
37
cotisation ouvrière à la branche des pensions devant être supportée par l’employé dont le taux
est de 4% du salaire155.
L’imprécision des régimes fiscal et social de la société en commandite se situe donc à la fois
au plan communautaire et national. Les Etats membres de l’OHADA prennent
individuellement des lois fiscales et sociales qui répondent à leurs besoins. Cela crée une
disparité que le législateur communautaire devrait corriger.
Tout ceci participe donc à la complexité de ces différents régimes. Encore, faut-il noter que
l’imprécision n’épargne pas les dispositions relatives à la fin de la SCS.
La société en commandite simple est soumise aux causes de dissolution communes à toutes
les autres des sociétés commerciales. Ces causes ne pas toutes adaptées à la SCS. Elles
influent directement sur l’existence de cette société (§ I) dont le sort est souvent incertain en
cas de défaut de commandité (§ II).
Une équipe dirigée par le Doyen Alain VIANDIER a retracé la vie des sociétés en
commandite en général. Sur les premières lignes de l’introduction du document156 qu’ils ont
155 Décret n° 2012-038/PR du 27 juin 2012 portant révision des taux de cotisation à la caisse nationale de
sécurité sociale, art. 3.
38
produit, il est repris partiellement l’affirmation de Pierre CATALA en ces termes : « Des
espèces en voie de disparition. … Si la suggestion de créer un mouvement d’écologie pour la
survie des espèces juridiques était retenue, l’une des manifestations de ce groupement devrait
être en faveur des sociétés en commandite »157. Cette affirmation fait transparaître l’idée
selon laquelle la commandite simple, première forme de commandite, court le risque de
disparition encore plus accru du fait de son utilisation restreinte158 et de la multiplicité des
causes de sa dissolution. La disparition de la SCS obéit aux causes communes de dissolution
posées par le droit commun des sociétés159.
En dehors de ces causes de dissolution communes à toutes les sociétés, il existe des causes de
dissolution spécifiques à la société en commandite simple. Ainsi, la société est dissoute de
plein droit par le décès de l’associé commandité, sauf stipulation contraire160. Il peut, en effet,
être stipulé dans les statuts que la société pourra continuer avec les héritiers ou successeurs de
l’associé commandité décédé. En outre, dans le cas où les héritiers sont des mineurs
émancipés et que l’associé décédé était l’unique commandité, il faudra procéder à son
remplacement. Si aucun remplaçant n’a été trouvé, la société devra être transformée dans un
délai d’un an, à compter de la date du décès de l’associé commandité. A défaut, la société
prendra fin à l’expiration de ce délai161. De même, la disparition d’une des deux catégories
d’associés entraine la dissolution de la société, dans la mesure où elle est caractérisée par le
seul associé commandité aux commanditaires162.
156 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, op. cit., pp. 19 s., Ce document retrace
de façon claire et pertinente l’évolution des sociétés en commandite en France depuis 1840 jusqu’en 1978.
157 Idem., p. 1, n° 1.
158 L’utilisation restreinte de la société en commandite simple est justifiée par les inconvénients qui
caractérisent cette forme sociale et par l’avènement des sociétés à risque limité.
159 AUSCGIE, Art. 200.
160 AUSCGIE, art. 308, préc. ; B. LE BARS, Droit des sociétés et de l’arbitrage international, Pratique en droit
de l’Ohada, Joly, Paris, 2011, p. 257.
161 A. FENEON, Droit des sociétés en Afrique (OHADA), Issy-les-Moulineaux, LGDJ, 2015, p. 762.
162 N. DIOUF, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E., Bruxelles, Bruylant, 2002, pp.
363-364.
39
B. La transformation comme facteur facile de disparition
La société en commandite simple peut disparaître sous sa forme originaire et renaître sous une
autre forme de société, c’est la transformation. Il s’agit du passage d’une forme de société à
une autre163. La transformation est un facile pour la disparition de la SCS.
L’Acte Uniforme n’a prévu, à cet égard, aucune disposition spécifique pour la transformation
de la société en commandite simple. Il y a donc lieu de se référer aux dispositions communes
de transformation des sociétés commerciales issues de l’article 181, alinéa 2 de l’Acte
uniforme. La transformation ne constitue qu’une modification des statuts et qu’elle est
soumise aux mêmes conditions de forme et délais qu’une modification des statuts. Ainsi, elle
doit être prise à l’unanimité des associés commandités et à la majorité en nombre et en capital
des associés commanditaires164. La transformation permettrait aux associés commandités ne
voulant plus courir le risque permanent d’une responsabilité illimitée de se donner, le statut
d’associés d’une société à risque limité165. Mais, jamais ceux-ci ne pourraient opter pour une
SNC lorsque la cause de la transformation est le défaut d’associé commandité.
Toutefois, au cas où la voudrait se transformer en une société en nom collectif, les associés
commandités doivent se prononcer à l’unanimité166. Néanmoins, en cas de transformation de
la société en commandite simple en une société à risque limité, les créanciers sociaux
conservent leurs droits contre la société et ses associés167. Ces derniers, « pour autant qu’ils
appartiennent à la catégorie des commandités, restent alors indéfiniment et solidairement
responsables des dettes contractées par la société antérieurement à sa transformation »168.
Tout compte fait, pour les associés commandités, l’intérêt de la transformation de la SCS en
une société à risque limité est de ne plus être tenu solidairement et indéfiniment des futures
dettes sociales. C’est ce mobile phare qui justifie la tentation constante de faire disparaître la
SCS pour une forme sociale plus avantageuse. D’où la fragilité de l’existence des sociétés en
commandite simple. Leur quasi-inexistence dans l’espace OHADA se justifie par le fait que
les entrepreneurs préfèrent constituer les sociétés à risque limité.
163 J. ISSA-SAYEGH, P-G POUGOUE et F. M. SAWADOGO (dir.), Traité et Actes uniformes annotés
OHADA, Juriscope, 2018, op. cit., p. 448.
164 N. DIOUF, « Les sociétés de personnes », in Sociétés commerciales et G.I.E, op. cit., p. 363.
165 La société à risque limité est celle dans laquelle les associés ne sont tenus des dettes sociales qu’à
concurrence de leurs apports.
166 AUSCGIE, Art. 186, al. 3.
167 Ibidem
168 A. FENEON, op. cit., p. 762.
40
Les inconvénients émanant de la fin de la SCS vont au-delà de la fragilité de l’existence de
cette forme sociale pour s’accentuer davantage sur l’incertitude du sort de cette société du
seul défaut de l’associé commandité.
Une SCS sans un associé commandité ne peut continuer qu’en cas de mention préalable d’une
continuation avec les héritiers de celui-ci (A), à défaut, la société doit être dissoute (B).
Ensuite, la dissolution pour manque d’une clause de continuation pourrait ne pas être en phase
avec la réelle volonté des associés survivants. En effet, il peut arriver que le décès soit
survienne au moment où la société commence par réaliser de bonnes affaires de sorte que les
associés souhaitent en profiter longtemps. Par ailleurs, en évoquant la possibilité de
continuation avec les héritiers, le législateur OHADA s’est limité au cas du défaut d’associé
commandité pour cause de mort.
Le législateur n’a pas prévu une possibilité de continuation avec les descendants du
commandité lorsque ce dernier est frappé d’une incompatibilité, d’une incapacité ou d’une
interdiction. Concernant les cas d’incompatibilité et d’incapacité, la continuité avec ces ayant-
droits ne poserait aucune difficulté. Le problème se poserait lorsque le commandité est frappé
d’une interdiction, la question étant de savoir si la sanction empêche qu’il soit remplacé par sa
41
propre descendance. Il faut dire que la sanction doit se limiter à sa personne et laisser la
possibilité à ses ayants-droits de le substituer.
Enfin, les associés de la SCS peuvent avoir prévu une modification des statuts en vue d’y
insérer la clause de continuation pour éviter le risque de dissolution. Or, la mort de l’associé
commandité peut survenir pendant la période de convocation de l’AG et la date prévue pour
sa tenue. Dans ce cas, devra-t-on prononcer la dissolution d’une telle SCS sans commandité et
dont les statuts ne comportent pas de clause de continuation ou devra-t-on faire constater
qu’avant sa mort, le de cujus170 était partant pour l’insertion d’une clause de continuation dans
les statuts ? L’important est que les associés survivants parviennent à trouver une entente avec
les héritiers du de cujus ou avec un éventuel candidat pour combler la catégorie d’associé
manquante.
Mais, l’incertitude du sort de la SCS sans commandité ne se justifie pas uniquement par le
défaut tiré des impératifs de la clause de continuation. La dissolution qui en est la
conséquence directe est une source d’insécurité juridique à ne pas ignorer.
La sécurité juridique est un principe de droit selon lequel les particuliers et les entreprises
doivent pouvoir compter sur une stabilité minimale des règles de droit et des situations
juridiques171. Or, la dissolution d’une société commerciale n’est souvent pas le moment d’une
joie partagée entre associés et créanciers.
Dans la situation d’une société en commandite simple, la dissolution pour quelque cause que
ce soit ne garantirait pas le désintéressement de tous les créanciers. Au surplus, la dissolution
pour défaut de commandité172 est moins un gage de sécurité juridique tant pour les tiers que
pour les commanditaires. En cas de défaut de commandité en cours de vie sociale, les
créanciers ne devraient pas rechercher la dissolution de la SCS.
42
dont la famille du de cujus173 se précipite habituellement sur les éléments de son actif justifie
cette action. Il faut donc éviter que les propres héritiers de commandité décédé dilapident ses
biens avant de venir réclamer, en qualité de créanciers, la valeur des parts que détenait leur
auteur dans le capital social de la SCS.
Une fois les biens du commandité sauvegardés, les commanditaires pourront donc décider,
d’un commun accord, s’ils doivent continuer l’activité sociale ou non. Ainsi, s’ils décident de
continuer, ils devront donc pourvoir un remplaçant commandité pour rétablir la nature
véritable de la commandite simple.
173 L’expression latine dont la formule entière est « is de cujus successione agitur » désigne celui de la
succession duquel on débat.; V. 1ère Chambre civile 15 juin 2017, pourvoi n°16-21874, Legifrance ; 3e
Chambre civile 27 avril 2017, pourvoi n°15-23440, Legifrance.
43
PARTIE II.
44
La société en commandite simple, telle que régie174 par l’AUSCGIE, ne présente pas que des
inconvénients. Son régime juridique comporte un certain nombre de particularités qui sont
autant des qualités. Les avantages qu’offre son régime juridique ont très vite été négligés à
cause des sociétés de capitaux. Ces dernières ont pu donc occulter, par leur image
apparemment bien attrayante, les atouts que présentent les sociétés de personnes et en
particulier la société en commandite simple.
En effet, les sociétés de capitaux, étant caractérisées par la limitation de la responsabilité des
associés à leurs apports, ont semblé gagner l’approbation des acteurs économiques. Ces
derniers n’ont donc plus cherché à découvrir l’utilité réelle de la SCS. La seule image qui en
est retenue est qu’elle est une société de personnes dans laquelle les associés peuvent être
responsables indéfiniment et solidairement des dettes sociales. Or, au-delà de la responsabilité
solidaire et indéfinie qui ne concerne d’ailleurs qu’une catégorie d’associé au sein de la SCS,
cette dernière possède diverses potentialités.
Parmi les sociétés commerciales prévues par le législateur OHADA, la SCS est l’une des
sociétés qui offrent assez de liberté et de souplesse aux associés après la société par actions
simplifiées (SAS). Les règles régissant sa constitution et son fonctionnement en convainquent
suffisamment. La SCS a cette particularité avantageuse de garantir du crédit à la société, par
la responsabilité solidaire et indéfinie des commandités tout en protégeant les tiers175. De
même, le problème de l’incapacité, des interdictions ou des incompatibilités ne se posent pas
en ce qui concerne l’associé commanditaire. Aucun capital social minimum176 n’est exigé et
les associés peuvent assouplir le régime de cession de leurs parts sociales177. Ce sont quelques
éléments qui traduisent l’intérêt de la SCS. Il existe autant d’avantages dans le régime
juridique de cette forme sociale, mais ils sont simplement méconnus dans l’espace OHADA.
Pour mieux répertorier les qualités de la SCS, il faut distinguer selon qu’elles sont juridiques
(chapitre I) ou économiques (chapitre II).
174 Par rapport à la société en nom collectif et à toutes les sociétés de capitaux telles que la SARL, la SA, à
l’exception de la SAS, la société en commandite simple est la forme sociale la plus souple en ce qu’elle regroupe
à la fois les commerçants et les noms commerçants d’où sa nature hybride.
175 La responsabilité illimitée des associés commandités fonde la confiance des tiers créanciers.
176 Répondant, à titre supplétif, du régime de la société en nom collectif, la commandite simple peut également
se constituer sans capital social minimum.
177 C’est une société de grande liberté et la formulation de la majorité des clauses statutaire relève du bon plaisir
des associés.
45
Chapitre I.
La SCS présente plusieurs avantages sur le plan juridique. L’appréciation de ces qualités
mérite d’être faite par rapport à d’autres formes sociales. Il s’agit d’analyser les difficultés
qu’éprouvent souvent les utilisateurs des autres formes de sociétés178 par rapport à la
commandite simple.
En effet, tout entrepreneur qui nourrit un intérêt particulier pour les sociétés de personnes,
mais qui hésite, du fait de la responsabilité illimitée des associés, trouverait mieux satisfaction
avec la société en commandite simple. Celui-ci y prendra la qualité de commanditaire et
prendra part à la vie sociale tout en étant à l’abri d’éventuelles poursuites de la part des
créanciers sociaux.
La liberté contractuelle des associés est mieux protégée dans la société en commandite simple
que dans n’importe quelles autres sociétés. La liberté contractuelle consiste en « la liberté de
contracter ou de ne pas contracter, la liberté de choisir son partenaire et également la liberté
de façonner le contenu du contrat »179. Les qualités juridiques de la commandite simple sont
multiples, elles peuvent être regroupées en deux grandes séries suivant leurs fonctions.
Ainsi, le régime juridique de la SCS constitue, d’une part, un gage de respect de la volonté
des associés (Section I) et d’une gestion efficace de la société, d’autre part (Section II).
178 La constitution et le fonctionnement de la SA, par exemple, exigent certaines conditions strictes qui
n’offrent pas de choix aux acteurs économiques. La désignation du Commissaire aux comptes est, par exemple
une obligation lors de la constitution de la SA, alors qu’il n’est toujours pas le cas dans la SCS.
179 M. PEDAMON, Le contrat en droit allemand, LGDJ, Paris, 2e éd., 2004, n° 22, p. 17.
46
SECTION I. UN GAGE DE RESPECT DE LA VOLONTÉ DES ASSOCIÉS
Le respect de la volonté des parties au contrat de société est manifeste dans le régime
juridique de la commandite simple prévue dans l’AUSCGIE. Il suffit de le parcourir pour se
rendre compte de la promotion qui est faite de la liberté des associés (§ I). Mais, il faut
distinguer la liberté de la souplesse. La liberté, en matière civile, suppose le droit de faire tout
ce qui n’est pas défendu par la loi. Le législateur a assoupli certaines conditions applicables
aux commanditaires de la société en commandite simple (§ II).
En ce qui concerne la SNC, les dispositions relatives à la participation des associés dans le
capital social prévoient simplement que le capital social est divisé en parts sociales de même
valeur nominale181. Il n’y a donc aucune contrainte légale en matière de capital social. Il en
résulte une liberté des associés quant à la détermination du capital social.
En outre, le législateur n’a pas fixé non plus la réelle valeur nominale minimale d’une part
sociale. Que ce soit dans le régime juridique de la SNC que celui de la SCS, aucune
disposition ne précise le montant en deçà duquel il n’est pas possible de retenir la valeur
nominale des parts sociales. Même dans les mentions obligatoires que doivent contenir les
statuts de la SCS, aucune référence n’est faite sur la valeur nominale exacte d’une part
sociale. Les exigences qui y sont faites portent sur le montant ou la valeur des apports de tous
les associés ; la part dans ce montant ou cette valeur de chaque associé commandité ou
180 Le cas de la constitution des sociétés de capitaux telles que la SARL, SA et SAS justifie cet argument.
181 AUSCGIE, art. 273.
47
commanditaire ainsi que la part globale des associés commandités et la part de chaque associé
commanditaire dans la répartition des bénéfices et dans le boni de liquidation182.
Ce silence signifie-t-il que la valeur nominale des parts sociales dans la SCS peut ne pas
atteindre la valeur minimale de 5000 F CFA fixée par le législateur en ce qui concerne la
société à responsabilité limitée183 ? Le silence du législateur prête à une réponse affirmative et
c’est en cela que les sociétés de personnes prévues dans l’AUSCGIE offrent plus de liberté
que les sociétés de capitaux. Le régime juridique de la SCS a donc cet avantage de n’imposer
aux associés ni un capital minimum, ni une valeur nominale minimale. Tout est laissé à la
libre fixation par les associés.
En effet, après avoir posé que les parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec le
consentement unanime de tous les associés commandités comme commanditaires, le
législateur a ajouté un tempérament important signe de liberté. Il a disposé que les statuts
peuvent fixer des règles différentes en prévoyant que les parts de commanditaires sont
48
librement cessibles entre associés ou à des tiers étrangers avec le consentement unanime de
tous les associés commandités et de la majorité des associés commanditaires.
Le législateur permet de stipuler dans les statuts qu’une partie des parts sociales d’un associé
commandité pourraient être cédées à un associé commanditaire ou à un tiers avec le
consentement unanime des associés commandités et un consentement majoritaire des
commanditaires186. Il revient donc aux fondateurs de déterminer de quelle façon se feront les
cessions des parts sociales.
Ce n’est qu’à défaut d’une clause statutaire que le régime légal de la cession des parts des
sociétés de personnes pourrait être appliqué. Les associés ont donc la faculté de prévoir des
conditions de cession plus complexes ou très simples. Ils peuvent même convenir qu’aucun
associé ne pourra céder ses parts à une personne étrangère à la société.
Par ailleurs, les rédacteurs des statuts jouissent d’une très grande liberté187 quant à la
détermination des modes de consultation des associés. Les associés n’ont plus à se plier aux
impératifs et restrictions légaux tels qu’il en est des conditions de consultation dans la société
à responsabilité limitée188. L’alinéa 2 de l’article 302 de l’AUSCGIE dispose : « les statuts
fixent les modalités de consultation, en assemblée ou par consultation écrite, ainsi que les
règles de quorum et de majorité ». Cette disposition est l’un des grands traits caractéristiques
de la société en commandite simple par rapport aux sociétés de capitaux telles que la société à
responsabilité limitée189 et la société anonyme190. Dans ces deux dernières sociétés, les
associés n’ont pas totalement cette liberté de fixer toutes les modalités de consultation et dans
le silence des statuts, la loi a prévu des règles relatives au quorum et à la majorité dans ces
sociétés.
En dehors de ces cas de liberté laissée au bon vouloir des associés, le régime juridique de la
société en commandite simple se caractérise également par une très grande souplesse lors de
la constitution, quant à la qualité du commanditaire.
Le législateur a rompu avec la rigueur de la forte commercialité qui caractérise les sociétés de
personnes. La SCS accepte les incapables (A) sans laisser les personnes dont la profession est
incompatible avec toute activité commerciale (B).
Dans une société de personnes comme la société en nom collectif, la capacité est envisagée
relativement aux personnes physiques et aux personnes morales. En cela, c’est le plus souvent
la capacité générale qui est recherchée, c’est-à-dire la capacité contractuelle192. Le futur
associé devra, s’il entend porter le statut d’associé en nom ou de commandité, avoir la
capacité commerciale193, c’est-à-dire la capacité qui lui permet de faire des actes de
commerce.
De fait, le mineur non émancipé ne peut avoir la qualité de commerçant ni effectuer des actes
de commerce. De même, le conjoint du commerçant n’a la qualité de commerçant que s’il
accomplit les actes de commerce à titre de profession et séparément de ceux de l’autre
conjoint. Sont concernés par l’exigence de la capacité commerciale, l’associé en nom collectif
et l’associé commandité dans une société en commandite simple. C’est encore la capacité de
jouissance ou d’exercice requise des associés personnes physiques.
Or, le régime juridique de la société en commandite simple assouplit toutes ses exigences en
ce qui concerne l’associé commanditaire. Il suffit d’avoir la capacité contractuelle pour
devenir commanditaire et coassocié avec les commerçants sans pour autant en être un.
Le mineur non émancipé, sous administration légale est incapable, mais peut participer à la
constitution d’une société et les apports peuvent être faits par l’administrateur légal194. Les
majeurs en tutelle ou sous curatelle peuvent faire partie de la SCS en qualité de
commanditaires. Il suffit simplement que les personnes se retrouvant dans ces catégories se
fassent représenter ou assister.
Mêmes les faillis non réhabilités195 ou les personnes placées sous le régime d’interdiction de
l’article 10 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général196 y ont leurs places. Les
époux, même mariés sous le régime de la séparation des biens, à qui il est formellement
interdit d’être associés dans une société où ils seraient tenus infiniment et solidairement des
dettes sociales197, peuvent être associés de la SCS. Ils pourront y être tous les deux associés,
soit en qualité de commanditaires soit avec la possibilité qu’un soit commandité et l’autre
commanditaire. La société en commandite simple passe ainsi pour la meilleure société de
personnes appropriée aux couples mariés qui ne désirent pas partager les bénéfices de leurs
activités avec une autre personne.
La capacité commerciale n’est pas exigée pour être associé commanditaire de la SCS. Cette
forme sociale est ainsi ouverte à de différentes entités mêmes n’ayant pas la capacité
commerciale. Celles-ci peuvent y acquérir des parts sociales en qualité d’associés
commanditaires dès lors qu’elles jouissent d’une véritable personnalité juridique. Il s’agit
précisément des sociétés civiles198, les associations199, les groupements d’intérêt économique
Le législateur n’a pas seulement levé l’exigence de la capacité vis-à-vis des commanditaires,
il a également fait de la société en commandite simple, une société particulièrement attractive
en rompant la règle des incompatibilités en faveur des commanditaires.
Sans définir la notion d’incompatibilité, le législateur a posé le principe selon lequel « nul ne
peut exercer une activité commerciale lorsqu’il est soumis à un statut particulier établissant
une incompatibilité »203. L’incompatibilité désigne, pour un auteur, l’impossibilité ou les
situations de cumul de deux ou plusieurs professions inconciliables par une même
personne204. Cette règle des incompatibilités a été instituée afin d’éviter les conflits d’intérêts.
Les dispositions de l’AUDCG permettent de déduire une telle analyse : « l’exercice d’une
activité commerciale est incompatible avec l’exercice des fonctions ou professions suivantes :
-fonctionnaires et personnels des collectivités publiques et des entreprises à participation
publique ; -officiers ministériels et auxiliaires de justice :avocat, huissier, commissaire-
priseur, agent de change, notaire, greffier, administrateur et liquidateur judiciaire ; - expert-
199 L’association est une « convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une
façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de se partager des bénéfices. Elle
est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit appliqué aux contrats et aux obligations », V.
art. 1er de la loi française n° 40-484 du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association en vigueur au
Togo, disponible sur http://jo.gouv.tg/node/10084, consulté le 30 mars 2021 à 18h 04’.
200 V. AUSCGIE, art. 869 : « le groupement d’intérêt économique est celui qui a pour but exclusif de mettre en
œuvre pour une durée déterminée, tous les moyens propres à faciliter ou à développer l’activité économique de
ses membres, à améliorer ou à accroître les résultats de cette activité ».
201 Les personnes morales de droit public sont : l’Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics.
202 SANTOS (P. A.) (dir.) et al., OHADA, Droit commercial général, Juriscope, Paris, 1re éd., 2020, n°255, p.
65.
203 AUDCG, art. 8, al. 1er.
204 V. S. BRAUDO, Dictionnaire juridique, disponible sur www.dictionnaire.juridique.com, op. cit.
52
comptable agrée et comptable agréé, commissaire aux comptes et aux apports, conseil
juridique, courtier maritime ; - plus généralement, toute profession dont l’exercice fait l’objet
d’une réglementation interdisant le cumul de cette activité avec l’exercice d’une profession
commerciale »205. Cette disposition est bien respectée en ce qui concerne les sociétés de
personnes. Mais pour les sociétés à risque limité, une telle disposition n’a pas d’importance
dans la mesure où ce n’est pas l’intuitu personae qui est prisé dans ce genre de société.
Or, dans la société en commandite simple, les commanditaires répondent du régime juridique
des associés des sociétés à risque limité. Ils ne doivent donc pas se voir appliquer cette règle
d’incompatibilité dans la mesure où ils ne prennent pas part à la vie sociale en qualité de
commerçants. Cela implique que la commandite simple, tout comme la société à
responsabilité limitée et la société anonyme, offre la possibilité à toute personne de participer
à la vie d’une société commerciale, quelle que soit sa profession, sans y être commerçant.
C’est un véritable avantage de pouvoir collaborer avec des commerçants, partager des
bénéfices de leurs exploitations sans en être un.
Il est même admis que le commanditaire puisse être un commerçant dans une structure mais
participer dans l’autre structure en qualité de commanditaire, option impossible aux associés
commandités206. Les commanditaires sont donc libres de tout mouvement, contrairement au
commandités.
L’efficacité d’une société commerciale se résume à sa gestion et à son contrôle par les
associés qui ne doivent pas être impliqués dans la gestion sociale. Il n’est pas normal qu’un
dirigeant d’une société commerciale pluripersonnelle ait encore la charge de se contrôler. Le
risque d’abus de diverses natures serait éminent. Le régime juridique de la commandite
53
simple garantit l’efficacité de sa gestion par le biais des qualités remarquables qui
caractérisent le statut de la gérance (§ I) ainsi que celles issues du rôle des associés non
gérants (§ II).
La gérance de toute société commerciale a ses particularités. Les règles qui régissent la
gérance de la commandite simple constituent un gage de stabilité des fonctions du gérant (A)
et favorisent le renforcement des pouvoirs de celui-ci (B).
D’une part, la loi ne fixe aucune durée maximale du mandat du ou des gérants de la
commandite simple. Cette situation « épargne donc aux intéressés les affres d’une
réélection »208 et sauf décision contraire des associés, le gérant de la SCS est nommé pour
toute la durée de la société, ses fonctions sont très stables209.
D’autre part, la révocation du gérant par les associés est difficile à obtenir dans la société en
commandite simple. En effet, dans cette société, la révocation doit être décidée dans les
mêmes conditions que dans la société en nom collectif210. Ainsi, l’unanimité des associés
commandités et la majorité des associés commanditaires en nombre et en capital social sont
les deux conditions cumulatives exigées pour mettre fin aux fonctions du gérant statutaire211.
Ces conditions résultent de l’application combinée des articles 279 et 305 de l’AUSCGIE,
puisque la révocation du gérant statutaire est une opération dont la conséquence serait la
modification des statuts. Aux termes du premier texte, « si tous les associés sont gérants, ou
207 Dans la société à responsabilité limitée, le législateur a expressément prévu à l’article 324 que dans le
silence des statuts, le mandat du gérant est de 4 ans.
208 A. VIANDIER (dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, La société en commandite entre son passé et
son avenir, op. cit. p. 213, n° 272.
209 Y. GUYON, Droit des affaires : Droit commercial et sociétés, op. cit., p. 236.
210 F. LEFEBVRE, Sociétés commerciales, Mémento Pratique Francis Lefebvre, 2016, n°27001, p. 375.
211 J. MESTRE et C. BLANCHARD-SEBASTIEN, op. cit., p. 1148, n° 2614.
54
si un gérant associé est désigné par les statuts, la révocation de l’un d’eux ne peut être faite
qu’à l’unanimité des autres associés »212.
Toujours en ce qui concerne la révocation, même lorsque le gérant n’est pas associé et n’est
pas statutaire, le législateur OHADA tout comme français ont institué la règle générale de la
révocation pour juste motif213. Cette règle est susceptible de dissuader les associés d’un
éventuel projet de révocation du gérant, dès lors que ce dernier n’aurait commis aucune faute
et que les premiers ne voudraient pas courir le risque d’une condamnation au paiement de
dommages et intérêts214.
En outre, la révocation de l’unique commandité gérant peut avoir des conséquences négatives
sur la vie future de la société. Ainsi, les associés peuvent craindre de révoquer un tel gérant
dès lors qu’il n’existe dans les statuts aucune clause de continuation pouvant épargner la
société de la dissolution.
La stabilité des fonctions du gérant de la SCS est telle qu’il ne doute de rien dans l’exercice
de ses pouvoirs, car ses pouvoirs sont également renforcés.
Selon qu’ils sont exercés vis-à-vis des associés ou à l’égard des tiers, les pouvoirs du ou des
gérant de la SCS sont renforcés. Certes, le caractère supplétif de la loi est indéniable dans le
régime juridique de la société en commandite simple. Les associés sont libres de prévoir telle
ou telle autre clause. Cela a été démontré215.
Les statuts définissent les pouvoirs. Lorsque les associés ont désigné plusieurs gérants, ils
peuvent fixer les pouvoirs de chacun dans les statuts. Mais si les statuts ne prévoient rien à cet
effet, chaque gérant peut faire tous les actes de gestion dans l’intérêt de la société et chaque
gérant a le droit de s’opposer à toute opération projetée par un autre216. Le législateur renforce
ainsi les pouvoirs du gérant en cas de silence des statuts sur leur étendue. C’est un moyen
55
pour éviter l’inaction des gérants sous prétexte que les statuts n’auraient pas déterminer leurs
pouvoirs.
Dans les rapports avec les tiers, le gérant de la SCS, à l’instar de celui de la SNC, engage la
société pour tout acte entrant dans l’objet social217 et les clauses restreignant ses pouvoirs ne
sont pas opposables aux tiers218. Il faut donc dire que ses pouvoirs envers les tiers sont encore
plus étendus qu’à l’interne219. La société devra donc exécuter les obligations que le gérant a
contractées en son nom dès lors que ces obligations se situent dans l’objet social.
Le caractère obligatoire des clauses statutaires limitatives de pouvoirs implique que la société
se retrouve engagée à l’égard des tiers, même si le gérant a accompli un acte entrant dans
l’objet social mais qui lui était interdit par les statuts220. La société est également engagée par
les actes qui entrent dans l’objet social, même s’ils sont contraires à l’intérêt social.
L’autre aspect du renforcement efficace de la gérance de la SCS que les acteurs ignorent est
de favoriser la transmission du pouvoir et d’assurer ainsi la continuité de la gérance. Pour
certains auteurs, le moyen juridique existe, c’est l’organisation d’une gérance « héréditaire »
217 L’objet social d’une société commerciale est constitué par l’activité qu’elle entreprend et qui doit être
décrite dans les statuts de cette société, V. art. 19 de l’AUSCGIE.
218 AUSCGIE, art. 177-1.
219 D. MARTIN, « Les pouvoirs des gérants de sociétés de personnes », RTD com. 1973, n° 185.
220 Il s’agit ici d’une faute du gérant, susceptible d’aboutir à des sanctions internes, mais elle n’a aucun impact
sur l’engagement de la société à l’égard du cocontractant dès lors que l’acte accompli entre dans l’objet social.
221 AUSCGIE, art. 293 relatif à la définition de la SCS et l’art. 270 concernant les associés en nom.
222 Ph. MERLE, op. cit., n°157, p.180.
223 V. Supra., p. 12 s.
224 A. VIANDIER (dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, op. cit., p. 213, n° 271.
56
par les statuts, qui désignent les futurs titulaires du poste, qui seront, par exemple, les héritiers
du gérant commandité225.
§ II. LES QUALITÉS FONDÉES SUR LE RÔLE DES ASSOCIÉS NON GÉRANTS
Deux aspects du rôle des associés non gérants de la SCS permettent d’apprécier un autre
aspect de l’efficacité des règles régissant la gestion de la SCS. Il s’agit démontrer l’utilité
résiduelle de la défense d’immixtion (A) et du mode de contrôle de la gestion sociale (B).
Les commanditaires de la commandite simple ont un statut similaire à celui des associés de la
SARL puisque leur responsabilité est limitée au montant de leurs apports226. La conséquence
logique aurait été de permettre à ceux-ci d’être éligibles aux fonctions de gérants tout comme
les associés de la SARL. Mais une telle autorisation aurait été un danger pour la société,
puisque n’ayant pas forcément les aptitudes d’un commerçant, le commanditaire ne saurait
gérer efficacement. Si le principe de la défense d’immixtion peut être vu comme l’un des
facteurs d’inégalité au sein de la SCS, il n’y a pas de raison de méconnaitre à ce principe une
importance résiduelle.
Il faut éviter qu’un dirigeant profane cause un préjudice à la société par ses éventuels actes
d’imprudence qui fonderaient la croyance légitime du tiers. C’est pour épargner la société de
ce risque que le législateur interdit formellement aux commanditaires d’exercer des fonctions
de gérant. Les commanditaires « ne peuvent faire aucun acte de gestion externe, même en
vertu d’une procuration »227. Cette règle, également vue comme une discrimination228 à
l’égard du commanditaire, s’avère être une qualité qui participe à la gestion saine de la SCS.
Il s’agit de l’utilité résiduelle du principe de la défense d’immixtion.
225 J. HEMARD, F. TERRE, P. MABILAT, Sociétés commerciales, 3 vol., t. II, Paris, 1972-1978, n°1323.
226 Suivant la définition légale de la société en commandite donnée à l’article 293 de l’AUSCGIE.
227 AUSCGIE, art. 299, préc.
228 V. supra., p. 12 s.
57
En effet, en interdisant l’immixtion directe des commanditaires sous forme de participation
ostensible229 à la gérance ou leur immixtion indirecte donc occulte230, le législateur OHADA
vise trois finalités. D’abord, l’interdiction d’ingérence du commanditaire dans la gestion
externe vise à protéger les tiers contre les manœuvres par lesquelles les associés cherchent à
leur donner l’illusion d’un gage important. Un gage qui serait offert en confiant la gérance à
un commanditaire mieux nanti financièrement et en laissant dans l’ombre les commanditaires
dont la situation ne saurait inspirer confiance aux créanciers.
Ensuite, la défense d’immixtion tend à protéger la société elle-même contre les imprudences
et les hardiesses d’un commanditaire gérant, d’autant enclin à aggraver le passif social pour
lequel il sait que personnellement sa responsabilité est limitée.
Enfin, cette règle est un avantage, à la fois, pour la société et pour le tiers dans la mesure où
ils sont « protégés contre la gérance occulte »231 faite par les commanditaires. Dans cette
même optique de présentation de l’intérêt de la défense d’immixtion, certains auteurs232
affirment que la gestion occulte est aussi dangereuse que la gestion ostensible. Pour eux, il est
à craindre que des associés, disposant de capitaux importants, mais désireux de diminuer leurs
risques, ne « s’abritent derrière un commandité de pacotille, simple homme de paille sans
surface réelle, car lorsque la signature est aux mains du commanditaire, les créanciers
peuvent être induits en erreur et se figurer qu’ils ont affaire à l’associé principal, responsable
du passif social sur tous ses biens »233.
229 La gestion ostensible est celle qui est faite au vu de tous sans intention de se cacher.
230 L’immixtion indirecte concerne les actes d’ingérence. Les actes dont l’accomplissement par le
commanditaire pourrait induire le tiers en erreur.
231 P. PIC, « La défense d’immixtion des commanditaires dans la gestion des sociétés et la crise actuelle »,
Dalloz Recueil Hebdomadaire, 1933, n°10, Chronique, p. 21.
232 Ch. LYON-CAEN et L. RENAULT, Traité de Droit commercial, Editions F. Pichon et Durand-Auzias,
1922, Paris, tome V, n° 487, p. 433.
233 P. PIC, op. cit., p. 22.
58
dirigeants »234. La sanction du commanditaire fautif outrepassant la défense d’immixtion par
l’extension de sa responsabilité correspond avec exactitude à cette affirmation.
Il est donc clair que les règles gouvernant la gestion de la société en commandite simple
revêtent une grande utilité relativement à la défense d’immixtion du commanditaire. Il faut
par ailleurs ajouter que les qualités des règles de gérance de la société en commandite simple
concernent le mode de contrôle de cette société.
Le contrôle est effectué par les commanditaires et les commandités non gérants dans la phase
de nomination du gérant ou des gérants. Une fois que les fonctions du gérant prennent effet, la
loi leur donne pouvoir de poursuivre leur rôle de contrôleurs.
En tant qu’associés, les commanditaires et commandités désignent d’un commun accord celui
qui va assurer la gérance de la SCS. Au cours de cette opération de désignation, chaque
associé, qu’il soit commanditaire ou commandité, exerce son droit de contrôle par son vote.
La loi donne le pouvoir à ceux-ci d’obtenir, deux fois par an, communication des livres et des
documents sociaux et de poser par écrit des questions sur la gestion auxquelles il doit être
répondu également par écrit.
L’article 307 AUSCGIE qui est le siège de ce pouvoir de contrôle des associés non gérants,
offre aux commandités les mêmes pouvoirs que les commanditaires. Le législateur a donc
choisi de donner aux commandités des pouvoirs qu’ils n’auraient pas eus s’ils étaient dans
une SNC, puisque dans cette forme sociale, la loi a expressément prévu que « les associés non
gérants ont le droit de consulter, au siège social, deux fois par an, tous les documents et
pièces comptables ainsi que les procès-verbaux des délibérations et des décisions
collectives235. Cette disposition précise que s’ils décident d’en prendre copies, ce serait à leurs
frais236. Cela implique qu’ils n’ont qu’un simple droit de consultation. L’accroissement
234 M. A. FOLLY, Le statut des dirigeant sociaux en droit de l’OHADA, thèse de Doctorat, Université de
Montpellier, 2014, n° 83, p. 51.
235 AUSCGIE, art. 289, préc.
236 AUSCGIE, art. 289, préc.
59
particulier du droit de contrôle des commandités non gérants au côté des commanditaires dans
la SCS renforce l’efficacité du contrôle de la gestion.
Par ailleurs, ces dispositions sont efficaces en ce qu’elles ne restreignent pas la nature des
sanctions applicables au gérant en cas de faute de gestion. Ce silence législatif sur la sanction
signifie que les associés peuvent engager la responsabilité personnelle du gérant qui ne
s’acquitte pas de cette obligation légale. Etant donc averti de la possibilité que sa
responsabilité soit à tout moment engagée, le gérant va veiller à l’assainissement de la
gestion, qu’il soit un associé commandité ou un tiers. En cas de faute de gestion, la décision
de révocation, tout comme celle de nomination du gérant ou de modification des statuts,
constitue un des aspects de l’exercice du contrôle par les associés commanditaires et
commandités non gérants237.
En outre, dans la société en nom collectif, le législateur a expressément prévu les cas dans
lesquels les associés doivent procéder à la désignation d’un commissaire aux comptes pour le
contrôle238. Les règles relatives à la société en commandite simple n’ont pas expressément
prévu le contrôle de la société par le commissaire aux comptes au-delà d’un seuil, mais le
recours global au régime juridique de la société en nom collectif239 induit l’applicabilité des
dispositions de l’article 289-1 à la société en commandite simple.
Les qualités juridiques que regorge la société en commandite simple sont immenses. Elles
concernent aussi bien les règles relatives à sa constitution qu’à son fonctionnement. En dehors
de cette utilité juridique de règle régissant la commandite simple, cette forme sociale présente
d’autres qualités qui sont d’ordre économiques.
60
CHAPITRE II.
Les sociétés commerciales sont créées pour un but, celui de faire des bénéfices et de se les
partager. Elles participent progressivement à la stabilité économique des personnes qui les
créent. Ces dernières ont besoin des législations qui offrent de possibilités de créer des
sociétés commerciales avec peu de ressources. Le régime juridique de la société en
commandite simple est de près un gage de faveurs économiques à la portée des porteurs de
projets commerciaux.
240 Aucune des dispositions n’exige un capital social minimum pour la constitution de société en commandite
simple.
241 La transmissibilité du patrimoine sociétaire ou la continuation avec les héritiers est possible suivant l’article
308 et suivant.
242 La SCS a l’avantage de réunir des professionnels et des non professionnels au sein d’une même pour des
intérêts communs. Ni la SARL ni les sociétés par actions (SA et SAS) et non plus la SNC ne permettent assez
suffisamment cette collaboration.
243 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, La société en commandite simple entre son
passé et son futur, op. cit., n°1, p. 1.
244 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, La société en commandite simple entre son
passé et son futur, p. 219, n° 282.
61
SECTION I. LES POTENTIALITÉS DE LA COMMANDITE SIMPLE POUR
L’ENTREPRENEUR
Les avantages économiques de la SCS pour les petites entreprises sont la facilité de réunion et
de maintien du capital social (A) et l’avantage lié à sa gestion économique (B).
Pour tout entrepreneur, il n’y a pas de plus grand souci que celui de trouver les fonds
nécessaires pour le démarrage de son activité. Une fois les fonds recueillis, dans le cas d’une
société commerciale, il faut veiller à ce que le contrôle de la société ne bascule pas entre les
mains d’une personne indésirable. Autrement dit, il faut s’assurer que le capital social ou la
majorité des parts est détenue par les associés qui manifestent vraiment l’intention d’être
ensemble, des personnes qui ne décident donc pas contre l’intérêt social248.
245 C. PUIGELIER, Dictionnaire juridique, Larcier, Bruxelles, éd. 2015, disponible sur www.larciergroup.com,
consulté le 03 janvier 2021, à 16h 25’.
246 Ibidem.
247 OHADA, Traité annoté des acte uniformes, op cit., AUPC, art. 1-3 après la révision du 10 septembre 2015.
248 Cf. Lexique des termes juridiques, op. cit. : « Pour certains l’intérêt social est l’intérêt de l’entreprise et
englobe donc non seulement l’intérêt des associés mais aussi celui des tiers concernés (créanciers, fournisseurs,
clients, administration fiscale…). Pour d’autres, c’est l’intérêt collectif des associés. »
62
Or, dans certaines sociétés telles que la SARL249 et la SA250, l’exigence légale251 d’un capital
social minimum constitue habituellement le premier handicap pour tout entrepreneur. Devant
une telle situation, les sociétés de personnes s’avèrent généralement les mieux adaptées pour
l’avantage qu’elles offrent à travers la non exigence du capital social minimum. Toutefois,
toutes les sociétés de personnes ne sont pas désirées par les entrepreneurs. Du fait de la
responsabilité solidaire et indéfinie, la société en nom collectif, par exemple, n’est pas
souvent préférée d’une personne qui désire financer l’activité de l’entrepreneur en qualité
d’associé sans engager son patrimoine personnel. Il en résulte donc des difficultés pour
l’entrepreneur de choisir la SNC.
Ainsi, la seule société dont les avantages économiques sont très bénéfiques à tout
entrepreneur ne disposant pas de fonds nécessaires à la constitution du capital social est la
commandite simple. Pour la constitution de la SCS, le législateur OHADA, tout comme le
législateur français, n’exige pas un capital social minimum. Elle garantit donc à tout
entrepreneur la possibilité de création d’une société de personne même avec un franc,
l’important étant de trouver une personne qui en serait commanditaire.
La société en commandite simple émet, en contrepartie des apports effectués par ses associés,
des parts sociales de valeur identique252. Ces parts sociales qui reviennent aux associés
intègrent en réalité le patrimoine individuel de chacun d’eux. Il faut éviter à ceux-ci de perdre
le contrôle de la société. Cette protection passe par l’encadrement de la cession des parts. Au
nom de l’intuitu personae, ces parts ne peuvent être cédées qu'avec le consentement de tous
les associés, c’est-à-dire par une décision unanime253. Dès lors, les associés n’ont rien stipulé
de particulier à cet effet dans les statuts, il en sera ainsi254. L’intérêt social est primé lors des
opérations de cession dans la SCS.
En effet, l’accord unanime de tous les associés commandités est requis pour l’entrée de tout
nouvel associé ; tandis que les associés commanditaires se prononcent à la majorité en nom et
249 Aux termes de l’article 311 de l’AUSCGIE, le capital social minimum de toute SARL est de 1 000 000 de F
CFA. Une liberté est laissée aux Etats de fixer le capital selon les réalités économiques qui leur sont propres.
250 Capital social minimum exigé pour la constitution de toute société anonyme ne faisant pas d’appel public à
l’épargne est de 10 000 000 de F CFA dans tout l’espace OHADA.
251 Au sujet du capital social minimum dans la SARL, V. art. 311 de l’AUSCGIE ; concernant la S.A., V. art.
387 de l’AUSCGIE.
252 A. FENEON, op. cit., p. 756.
253 B. LE BARS, Droit des sociétés et de l’arbitrage international. Pratique en droit de l’Ohada, Joly, Paris,
2011, p. 256.
254 AUSCGIE, art. 296.
63
en capital255. Cette qualité permet à l’entrepreneur, de protéger le capital social et, par voie de
conséquence, le patrimoine social. Les dividendes étant le fruit de parts sociales, leur
distribution serait donc garantie si le contrôle de la société ne passe pas entre les mains d’un
tiers qui se soucie moins de la vie sociale. L’obstacle que pouvait constituer l’exigence d’un
capital social minimum est donc levé en ce qui concerne la SCS. Cela devrait en principe
favoriser la multiplication des sociétés en commandite simple dans l’espace OHADA. Mais
cet avantage d’ordre économique semble voilé à l’instar de l’avantage relatif à la gestion de
cette société.
En, effet, lorsqu’une société réalise un déficit258, notamment au cours des premières années de
lancement de l’activité, le régime juridique de ces sociétés, dont celui de la SCS, permet
d’une part, aux associés personnes morales de réduire éventuellement leur propre bénéfice
imposable grâce à la déduction de leur quote-part259 de déficit. D’autre part, le régime
juridique de ces sociétés permet, dans la même logique que la précédente, aux associés
personnes physiques de réduire leur imposition personnelle.
Par ailleurs, pour une petite entreprise fonctionnant sous la forme d’une SCS qui génère peu
de bénéfices et où les associés sont faiblement imposés, cela permet d’avoir une imposition
De telles facilités fiscales méritent d’être clairement prévues dans les législations fiscales des
Etats parties au Traité de l’OHADA étant donné qu’il n’existe pas de lois fiscales au plan
communautaire. Cela permettrait de réduire les disparités de perception de la société en
commandite simple dans l’espace OHADA et de traitement des associés de cette société.
L’insertion d’un tel avantage rendrait plus attractif le régime juridique de cette société qui
jusqu’alors ne connaît pas d’existence pratique véritable.
Par l’analyse des qualités économiques inhérentes au capital social et aux facilités de gestion
de la société en commandite simple, il est vérifié que cette société a un intérêt pour
l’entrepreneur. La SCS constitue, toujours pour l’entrepreneur, un instrument de transition
économique.
260 Pierre FACON, « Le régime des sociétés de personnes », dossier disponible sur
https://www.lecoindesentrepreneurs.fr, dossier mis à jour en date du 27 novembre 2019, consulté le
23/02/2021 à 00h 22’.
261 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, op. cit. p. 220.
262 La notion de génération désigne ici « l’intervalle de temps estimé à 30 ans environ séparant deux degrés de
filiation. Elle désigne également l’ensemble d’êtres, de personnes qui descendre d’un individu à chaque degré de
filiation ». Cf. Le Petit Larousse illustré, Dictionnaire de Langue française, préc.
65
décès de l’un des associés commandités, la société continue avec ses héritiers, ceux-ci
deviennent associés commanditaires lorsqu’ils sont mineurs non émancipés »263. Il ajoute à la
suite de cette disposition que « si l’associé décédé était seul associé commandité et si ses
héritiers sont alors mineurs non émancipés, il doit être procédé à son remplacement par un
nouvel associé commandité… »264.
Cette disposition permet donc aux associés commanditaires comme aux commandités de
maintenir les biens apportés en société dans le cercle familial. La seule condition est de
prévoir préalablement la continuation avec les héritiers. Dans le cas du décès de l’unique
associé commandité, le législateur, toujours dans un souci de favoriser la continuité de la
société, permet l’entrée des héritiers lorsqu’ils sont encore mineurs non émancipés. Cette
qualité fait de la société en commandite simple un moyen de conservation et de transmission
des biens de la famille aux générations qui viennent.
D’abord, les statuts ne peuvent comporter une clause prévoyant la continuation uniquement
avec les héritiers d’un associé désigné ou d’une seule catégorie d’associés au détriment des
héritiers des autres associés. Une telle limitation serait injustifiable. La latitude laissée aux
associés de prévoir ou non la continuation de la société avec les héritiers du de cujus ne
saurait donner lieu à la pratique d’une injustice. Une telle clause serait donc nulle devant le
juge.
Ensuite, dans la situation où une clause de continuation est prévue, il faut préciser que
l’incapacité, l’incompatibilité ou l’interdiction concernant un commandité produisent plus
d’effets que lorsqu’elles concernent un commanditaire. Dans cette logique, le décès ne devrait
pas être le seul fait qui permet d’inviter les ayants droit d’un associé à substituer ce dernier au
sein de la société. Si l’incapacité, l’incompatibilité ou l’interdiction concerne le commandité
et si ce dernier était gérant, il doit automatiquement cesser de gérer.
66
Ce associé ne pourrait plus continuer d’être commandité. Il pourrait devenir commanditaire,
s’il n’est frappé que d’une incompatibilité265. S’il est frappé d’une incapacité266, il pourrait se
voir assisté par un curateur ou représenter par un tuteur. En cas d’interdiction prononcée
contre un commandité, ce dernier devra simplement se retirer de la société, puisqu’il s’agirait
d’une sanction prononcée pour un manquement. Dans ce cas, il ne pourrait devenir
commanditaire que si ses coassociés l’acceptent unanimement.
Enfin, il est important de relever que la continuation avec les héritiers n’a pas besoin d’être
toujours préalablement prévue par les statuts. Dans la lecture de l’article 308 de l’AUSCGIE,
il semble clairement indiqué qu’il faut une clause statutaire de continuation pour qu’il y ait
continuation avec les héritiers de l’associé décédé. L’important ne devrait plus être la source
de la clause de continuation. Le législateur devrait simplement permettre la continuation en
cas de décès d’un associé sans prendre en compte ni le caractère statutaire ou extra-statutaire
de la clause de continuation ni la catégorie de l’associé décédé. La volonté des héritiers de
continuer, même verbale, ne devrait poser aucun inconvénient à cela.
265 Il s’agit de l’incompatibilité dans le sens du sens du droit commercial tel qu’elle est prévue et sanctionnée
aux article 8 et 9 de l’AUDCG.
266 AUSCGIE, art. 6 s., préc.
267 V. Le Petit Larousse illustré, Dictionnaire de Langue française, op. cit.
268 V. Supra. p. 40 s.
67
n’est pas influencée par la transformation. Il résulte des dispositions de l’Acte Uniforme que
la transformation ne constitue qu’une modification des statuts et qu’elle est soumise aux
mêmes conditions de forme et délais qu’une modification des statuts269. Devant être prise à
l’unanimité des associés commandités et à la majorité en nombre et en capital des associés
commanditaires270, la transformation de la commandite simple, que ce soit en une société en
nom collectif271 ou en l’une des sociétés à risque limité, n’influe pas sur l’activité sociale.
Au contraire, celle-ci est souvent poursuivie, d’autant plus que l’objet social n’est pas
modifié. Les mentions devant être concernées par la transformation sont habituellement la
qualité des associés, la nature et la valeur de leur participation dans le capital social de la
nouvelle forme sociale, l’identité du ou des nouveaux gérants et certaines mentions à
l’exclusion de l’objet social. L’activité sociale ne changerait que si l’objet social est
complètement modifié.
Pour mieux assurer la pérennité de l’activité, il est préférable pour les associés de la
commandite simple de transformer celle-ci non pas en une société en nom collectif272, mais
plutôt en une société à risque limité. Les sociétés à risque limité prévues dans l’Acte
Uniforme et dont le choix favoriserait la pérennisation de l’activité sociale d’une société à
l’origine en commandite simple sont la SARL, la SA et la SAS273. La transformation de la
société en commandite simple en une société à risque limité, n’éteint pas des droits qu’ont les
créanciers sociaux contre la société et ses associés antérieurement à l’opération de
transformation274. Les associés de la nouvelle société, pour autant qu’ils appartiennent à la
catégorie des commandités, restent alors indéfiniment et solidairement responsables des dettes
contractées par la société antérieurement à sa transformation275.
68
Par ailleurs, la transformation est également favorable à la pérennisation de l’activité sociale,
en ce qu’elle n’est pas synonyme de remplacement du personnel de l’ancienne société dans la
mesure où l’objet social et l’activité sociale n’auraient pas changé.
Quand bien même elle est méconnue de la pratique du droit des sociétés commerciales dans
l’espace OHADA, la société en commandite simple ne bénéficie pas uniquement à
l’entrepreneur, elle constitue un véritable atout économique mis à la portée de l’investisseur.
Pour mieux cerner en quoi la société en commandite simple revêt des potentialités pour les
investisseurs, il est important de préciser le sens des notions d’investisseur et
d’investissement. Le terme « investisseur » désigne « toute personne physique ou morale,
togolaise, ou étrangère réalisant un investissement dans les conditions définies par le présent
Code, sur le territoire national »276. L’investissement désigne la « mobilisation de capitaux
pour l’acquisition de biens mobiliers, immobiliers, matériels et immatériels rendus
nécessaires à l’occasion de la création d’entreprise nouvelle ou dans le cadre d’un
programme d’extension d’une entreprise existante »277.
Au regard des objectifs278 que poursuit tout investisseur, la société en commandite simple
constitue un outil d’investissement efficace pour ce dernier (§ I) et une opportunité de
collaboration entre celui-ci et l’entrepreneur qu’est le commandité (§ II).
Investir dans une société en commandite simple est une bonne occasion de faire des bénéfices
à long terme. Cette forme sociale ne présente pratiquement pas de risque pour l’investisseur
(A). Elle offre à ce dernier l’occasion de contrôler l’économie de la société (B).
276 V. Loi n° 2019-005 du 17 juin 2019-005 portant Code des investissements en République togolaise, art. 2,
paragraphe 9.
277 V. Loi n° 2019-005 du 17 juin 2019-005 portant Code des investissements en République togolaise, art. 2,
préc., paragraphe 8.
278 Réseau Entreprendre, « Selon quels critères les investisseurs analysent-ils les projets ? », disponible sur
https://business.lesechos.fr/outils-et-services/guides/guides-levee-de-fonds/selon-quels-criteres-les-investisseurs-
analysent-ils-les-projets-200225.php, posté le 28/07/2015, consulté le 22 janvier 2021, à 16h 20’.
69
A. L’absence de risque majeur pour l’investisseur
La commandite simple est très flexible et peut donc être utilisée pour diverse raison. En effet,
dans beaucoup de cas, lorsqu’un investisseur acquiert des parts ou injecte de l’argent dans une
entreprise, il exige souvent que l’équipe dirigeante participe également à cet investissement.
Ce sont surtout des sociétés de capitaux qui ont été utilisées avec les inconvénients qu’elles
représentent.
La gestion de la société en commandite simple garantit une efficacité qui permet d’écarter des
risques de pertes liés à l’incompétence des dirigeants. Le législateur OHADA, a confié
exclusivement la gestion de la commandite simple au commandité. C’est l’associé ayant la
qualité de commerçant. Il ne s’agit pas seulement de récompenser celui-ci du risque qu’il
court. L’autre finalité de cette spécificité est d’assurer à la commandite simple une gestion
efficace assumée par un gérant professionnel. Cet aspect de la gestion fonde la confiance et
l’optimisme des investisseurs.
Dans la commandite simple, l’investisseur reste protégé contre d’éventuelles actions des tiers,
même lorsque le gérant outrepasse le cadre légal de son mandat social. Professeur le
279 Business les Echos, « Selon quels critères les investisseurs analysent-ils les projets ? », dans Guide de Levée
de fonds, posté le 28 juillet 2015, disponible sur https://business.lesechos.fr, consulté le 9 mars 2021, à 20 h 10’.
280 V. AUSCGIE, art. 4 préc. ; Code civil, art. 1832, préc.
281 Th. RIVOIRE, « Qu’est-ce que l’affectio societatis ? », disponible sur https://www.legalife.fr/guides-
juridiques/affectio-societatis/, consulté le 11 mars 2021, à 18h 43’.
282 AUSCGIE, art. 293, préc.
70
Professeur F. K. DECKON, l’affirmation selon laquelle « les pouvoirs des dirigeants de
sociétés à risque illimité sont dépendants de l’objet social doit être nuancée, parce que
certains actes accomplis en dépassement de l’objet social, ont, en droit français, la faveur de
la jurisprudence qui en admet la validité »283.
Le commanditaire n’est pas un simple investisseur friand des dividendes. A l’instar d’un
actionnaire « contrôlaire », il est aussi intéressé par la gestion sociale bien que le législateur la
lui interdise pour ce qui est des actes de gestion externe. Il contrôle l’orientation économique
ou financière de la société à travers l’exercice de son droit de contrôle.
Par ailleurs, l’investisseur peut librement émettre des points de vue sur toutes questions de la
vie sociale. Il peut donner des conseils, avis et toutes autres orientations aux dirigeants de la
société sans en être tenu puisque la loi dispose que « les avis et conseils, les actes de contrôle
et de surveillance n’engagent pas les associés commanditaires »285. Or, il peut arriver que, par
ses orientations, l’investisseur donne des conseils qui finalement induisent le gérant
commandité en erreur, une erreur qui le plus souvent peut avoir des conséquences
économiques lourdes sur la vie sociale.
Il faut remarquer, en outre, que le véritable dirigeant d’une entreprise n’est pas forcément
celui qui en a le titre, mais celui qui, par ses avis, conseils et actes de contrôle, parvient à
influencer les choix économiques de l’entreprise. C’est celui dont l’aval est nécessaire pour
l’accomplissement des actes excédants les pouvoirs donnés au mandataire social.
283 F. K. DECKON, « Les pouvoirs du dirigeant de société commerciale en droit uniforme de l’OHADA »,
disponible sur http://www.ohada.com, Ohdata D-13-47, p. 14, consulté le 06 mars 2021, à 13h 25.
284 AUSCGIE, art. 307. préc.
285 AUSCGIE, art. 301.
71
Or, dans la société en commandite simple, « toutes les décisions qui excèdent les pouvoirs des
gérants sont prises par la collectivité des associés »286, c’est-à-dire en présence des
commanditaires et commandités. En conséquence, l’investisseur qui est à la recherche d’une
forme sociale dans laquelle il aurait plus de pouvoirs, sans courir le risque des effets d’une
responsabilité illimitée, devra choisir la société en commandite que de s’orienter vers la
SARL, la SA ou la SAS. Ces dernières comportent plus d’inconvénients que de qualités en ce
qui concerne les droits des associés287.
La SCS, en plus d’être un instrument efficace pour l’investissement, constitue aussi un outil
de collaboration entre l’associé commanditaire qui est l’investisseur et le commandité,
l’entrepreneur.
La SCS est un outil de coopération pouvant favoriser la coentreprise (A). Elle constitue
également un moyen de participation d’une même personne dans plusieurs entreprises (B).
Le régime juridique de la SCS, tel que conçu par le législateur OHADA, est favorable à la
collaboration entre les sociétés commerciales nationales et étrangères. La société en
commandite simple favoriserait mieux la réussite de la coentreprise ou le joint-venture. C’est
un mécanisme de coopération commerciale des entreprises au plan international. Comment
appréhender cette opération à laquelle la société en commandite simple est prédisposée ? La
coentreprise, également appelée l’entreprise commune, l’entreprise en participation ou Joint-
Venture, en anglais, « consiste en un contrat de collaboration entre deux ou plusieurs
entreprises dans le but de mettre en commun une stratégie. Son objectif est généralement la
conquête d’un nouveau marché ou d’un nouveau pays grâce à la complémentarité des
entreprises membres de la Joint-Venture. La fiscalité de la coentreprise dépend de sa forme
juridique. L’avantage de la Joint-venture est la complémentarité des entreprises »288.
Les opérations de coentreprises ont souvent une durée de vie limitée. Leur existence tient au
rôle bien précis qui leur a été assigné, souvent pour une alliance entre les entreprises qui les
ont créées. Elles sont très utilisées dans les industries pétrolières.
L’illustration des sociétés existant en Côte d’Ivoire sous la forme de sociétés en commandite
simple en témoigne suffisamment293. En se regroupant, ces entreprises commanditaires et
commandités mettent en commun leurs connaissances, leurs technologies ou leurs ressources
pour ainsi atteindre des objectifs qu'elles ne pourraient avoir ou pourraient les atteindre, mais
difficilement si elles étaient seules. Cela peut également être un moyen pour une entreprise de
stopper progressivement une de ses activités. Une joint-venture permet, par ailleurs, à
l'investisseur d'accéder à un marché national relativement fermé.
289 L’article 1286 du Code civil du Québec, tout comme l’article 4 de l’AUSCGIE, pose trois conditions
spécifiques d’existence d’une société. Il s’agit de l’apport, l’intention de s'associer et le partage des bénéfices.
290 G. JEAN-BAPTISTE, Les sociétés de personnes et la problématique de l’intuitus personae, en France et au
Québec, Mémoire, Université de Montréal, 2005, p. 23, disponible sur
hhps//www.papyrus.bib.umontrreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/2434/11733223.P, consulté le 17 mars 2021,
à 19h 12’.
291 La locution latine sui generis, désigne une situation juridique dont la nature singulière empêche de la classer
dans une catégorie déjà connue.
292 G. JEAN-BAPTISTE, op. cit., note n° 69.
293 En Côte d’Ivoire, il existe plusieurs sociétés en commandite simple qui ont réussi à impacter l’économie
nationale, la consultation du site d’annonces légales Business.Abidjan.net, sur
https://business.abidjan.net/AL/cat.asp?id=21, permet de constater l’existence de plusieurs sociétés en
commandite simple qui fonctionnent sans difficultés jusqu’à nos jours, la preuve est l’annonce légale N° 13664
portant constitution de JURISMEDIA SCS, publiée le 28 mai 2009, JURISMEDIA SCS au capital de 5 000 000
FCFA dont le siège social se trouve à Abidjan, au Plateau, Avenue Noguès, rue A 43, 25 BP 36, Abidjan 25; La
Compagnie Africaine pour la Réalisation et la Gestion des Infrastructures Publiques « CARGIP EN CI » est une
SCS enregistrée à Abidjan le 27 septembre 2005 au registre SSP Volume 33 Folio 143 2353 Bordereau
1148/24 également vérifiable sur le même site, consulté le 20 mars 2021 à 09 h 20 minutes.
73
C’est par exemple le cas en Chine, où les joint-ventures associent souvent pour moitié une
entreprise étrangère et une entreprise pouvant être proche des autorités locales, surtout s’il
s’agit d'une entreprise d’Etat294. En effet, la Chine permet à des sociétés étrangères, à des
entreprises, à d’autres organisations économiques ou à des individus de s’associer avec des
sociétés, d’accéder à certains secteurs et industries en Chine, de profiter de l’expérience et de
la connaissance du marché du partenaire chinois pour faciliter l’intégration culturelle de
l’entreprise295.
Or, la politique du législateur OHADA est de favoriser l’investissement des étrangers dans
l’économie des Etats membres de cette organisation. Ceux-ci en ont très vite compris l’enjeu
économique en prévoyant des réglementations favorables aux investisseurs de tous bords, la
teneur des dispositions du Code togolais des investissements illustre bien cette orientation296.
D’où l’intérêt de la société en commandite simple, d’autant plus qu’elle est l’une des formes
sociales qui présentent moins de risque pour les investisseurs.
L’investisseur-commanditaire n’est lié à la société que par son apport. Vu qu’il ne peut pas y
faire un apport en industrie, en raison de l’interdiction légale, celui-ci se trouvera libre de
participer à la vie d’autres sociétés commerciales. C’est un avantage qui est plus attaché à la
294 INS Global Consulting, « En Chine, trouver le bon partenaire peut vous permettre de réussir dans les affaires
! », disponible sur https://ins-globalconsulting.com/fr/joint-venture-chine/., consulté le 22 mai 2021, à 22h05’.
295 INS Global Consulting, « En Chine, trouver le bon partenaire peut vous permettre de réussir dans les affaires
! », disponible sur https://ins-globalconsulting.com/fr/joint-venture-chine/., consulté le 22 mai 2021, à 22h05’.
296 V. Loi n° 2012-001 du 20 janvier 2012 portant Code des investissements en République togolaise. La
lecture de chacune des dispositions de ce texte permet de percevoir l’ouverture du législateur togolais aux
investisseurs.
297 Ces Etats connus sont en premier la Côte d’Ivoire et le Sénégal en second lieu. En Côte d’Ivoire, il existe
des sociétés en commandite simple tel qu’il est précisé précédemment, V. supra. p. 74.
298 Toujours en Côte d’Ivoire, c’est le cas de CNR International West Africa SCS spécialisée dans l’exploitation
la production et le développement du pétrole et du gaz naturel en Afrique.
74
qualité d’associé commanditaire qu’à toute autre catégorie d’associés des sociétés
commerciales.
En effet, le commanditaire, n’étant pas invité dans la gestion, il serait difficile de pouvoir
contrôler ses activités à l’extérieur de la société, activités qu’aucune disposition n’interdit.
Tout investisseur est attiré par une telle liberté morale qui constitue le soubassement de son
indépendance économique. Par ailleurs, il a été démontré que le commanditaire ne peut être
tenu par une clause de non concurrence vis-à-vis de la société299, comparé à l’associé
commandité contre qui l’interdiction de non-concurrence est légalement envisagée et
susceptible d’être aggravée par les statuts et un contrat de travail300.
Les règles de la SCS favorisent l’efficacité de sa gestion avec l’avantage pour les associés non
seulement de mieux conserver le patrimoine mais de pouvoir le transmettre également à leurs
héritiers. Tant l’entrepreneur que l’investisseur bénéficient des intérêts économiques du
régime juridique de cette société. Elle favorise mieux la collaboration et offre à l’investisseur
des facilités comme la possibilité de devenir associés au côté des commerçants, ce qui lui
permet de mieux contrôler la gestion qui est faite des fonds investis.
299 V. supra. p. 16 s.
300 Pour la définition du contrat de travail, V. loi n° 2021-012 du 18 juin 2021, portant Code du travail au Togo,
art. 36 : « le contrat de travail est un accord de volonté par lequel une personne physique, dénommée (…) ».
301 AUDCG, art. 9 ; Sur les incompatibilités, Voir également SANTOS (P. A.), (dir.) et al., OHADA, Droit
commercial général, op. cit., p. 65.
302 A. VIANDIER (Dir.), J. HILAIRE, H. MERLE et H. SERBAT, op. cit., p. 222, n° 288.
75
commandite simple avec tous les aspects économiques qu’elle représente pour les
investisseurs.
76
CONCLUSION GÉNÉRALE
77
En somme, la réflexion menée sur la société en commandite simple en droit OHADA permet
de dresser un constat qui appelle à un renouveau du régime juridique de cette forme
sociétaire.
Au titre du constat, le régime juridique de la société en commandite simple comporte des
défauts qui justifient son inapplication dans l’espace OHADA. Cette société prône plusieurs
situations d’inégalité qui favorisent souvent l’une ou l’autre catégorie d’associé. Le
commanditaire y a moins de droits politiques, alors qu’il est habituellement le meilleur
financier de l’activité. Le commandité, qu’il soit gérant ou pas, court le risque d’être poursuivi
solidairement et infiniment pendant que le commanditaire est paisible.
Dans la recherche des raisons qui expliquent la faible adhésion des opérateurs économiques à
la pratique de la société en commandite simple dans l’espace OHADA, il est important de
rappeler la préférence que nourrit tout opérateur pour les sociétés à risque limité. Par ailleurs,
l’intuitu personae, la règle d’or des sociétés de personnes, ne devrait pas s’appliquer au
commanditaire de la commandite simple. Ce dernier est plus un actionnaire qu’un associé
d’une société de personnes.
Par ailleurs, la constitution de toute société commerciale exige des frais de création. Au Togo,
par exemple, les frais de création d’une SARL s’élèvent à 28 250 F CFA. Or, la loi n’a pas
fixé de capital social minimum en ce qui concerne la commandite simple. Cela implique
qu’un fondateur qui opte pour cette forme sociale, avec un capital social de 10 000 F CFA par
exemple, devra payer presque le triple du capital comme frais de constitution au CFE. Une
telle situation paraît ironique, voire absurde. Mais, elle n’est pas moins importante pour celui
qui connait le train de vie des populations concernées.
Néanmoins, la société en commandite simple ne comporte pas que des inconvénients. Son
régime juridique offre plusieurs atouts. La responsabilité solidaire et indéfinie des associés
commandités est un gage de confiance pour les créanciers sociaux. Cela stimule chez les
commandités gérants le sens de la bonne gestion sociale. Par ailleurs, le législateur OHADA
s’est démarqué du législateur français en attribuant aux associés commanditaires et
commandités non gérants les mêmes droits de contrôle de la gestion.
Cependant, le régime juridique de la société en commandite simple nécessite une réforme en
droit OHADA. Au titre des règles à assouplir, il faut retenir que la défense d’immixtion du
commanditaire dans la gestion externe de la société est un principe discriminatoire qui devient
de moins en moins rigide. Il est nécessaire de reconnaitre aux commanditaires le droit de
gérer la société en période de crise de commandité, d’autant plus que le législateur n’a pas
prévu le sort de la gestion pendant le délai annuel imparti pour le remplacement de l’unique
78
commandité décédé. Le principe de la dissolution automatique de la société en commandite
simple doit être assoupli au profit des associés voire inverser.
L’automaticité de la dissolution de cette société pour défaut de commandité, en l’absence
d’une clause de continuation, est un inconvénient majeur. S’il faut dissoudre la commandite
chaque fois qu’il y aura un défaut de commandité, juste parce que la loi l’a prévue ainsi, sans
prendre en compte la volonté des associés survivant de poursuivre l’activité sociale, il y’a lieu
de se soucier. Avec l’atmosphère qui est de plus de plus en hostile à la vie humaine du fait des
crises sanitaires ou des accidents morbides, qu’adviendrait-il si une épidémie comme la
Covid19 emportait des milliers de commandités appartenant à différentes sociétés en
commandite simple et dont les rédacteurs des statuts n’avaient pas pris soin d’y prévoir des
clauses de continuation ?
Eu égard à l’importance des sociétés commerciales dans la vie économique des Etats, leur
disparition de la sphère des affaires ne devrait plus être la conséquence d’un décès ou du
défaut d’une catégorie d’associé, même en l’absence d’une clause statutaire de continuation.
Il n’appartient pas au législateur communautaire d’interdire aux associés de poursuivre la
gestion sociale pour cause de décès d’un coassocié, que ce dernier fût commandité ou
commanditaire. Il convient donc d’accroître les pouvoirs du juge national dans l’appréciation
de la nécessité de dissolution ou du maintien de la société en l’absence d’une clause de
continuation.
Le juge devrait donc prendre en compte la stabilité financière actuelle et future de la société
au décès du commandité et surtout la volonté de la majorité des associés survivants de
continuer la vie sociale nonobstant le défaut d’une clause de continuation. Ceci étant, le
législateur devrait donc ôter cet obstacle en inversant simplement les données de l’article 308
de l’AUSCGIE en ce qui concerne la dissolution automatique pour défaut de commandité. Le
principe devrait être désormais la continuation avec les héritiers ou, à défaut, avec un tiers
remplaçant, l’exception étant la dissolution.
Pour une réussite de la pratique de la commandite simple dans l’espace OHADA, les notaires
ne doivent plus être les seuls compétents pour la rédaction des statuts de cette forme sociale.
Le législateur OHADA devrait recommander les instances nationales de libéraliser
complètement les formalités de constitution des sociétés avec la possibilité de déposer des
statuts sous seing privé lors de la constitution de la SCS.
79
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89
TABLE DES MATIÈRES
90
LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES, ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS ......................................... IV
SOMMAIRE ............................................................................................................................. VI
INTRODUCTION .......................................................................................................................... 1
91
Section II. Les inconvénients inhérents à la fin de la commandite simple ......................... 38
§ I. La fragilité de l’existence de la commandite simple .................................................. 38
A. La multitude des facteurs de dissolution de la société ............................................... 38
B. La transformation comme facteur facile de disparition ............................................. 40
§2. Le sort incertain de la commandite simple sans commandité .................................... 41
A. Le défaut lié à l’exigence d’une clause de continuation ............................................ 41
B. L’insécurité juridique liée à la dissolution de la commandite simple ........................ 42
92
B. La pérennité de l’activité sociale en cas de transformation ....................................... 67
Section II. Les potentialités de la commandite simple pour les investisseurs .................... 69
§ I. Un outil d’investissement efficace pour l’investisseur............................................... 69
A. L’absence de risque majeur pour l’investisseur ........................................................ 70
B. La facilité de contrôle de la société ............................................................................ 71
§ II. Un outil de collaboration entre investisseur et entrepreneur ..................................... 72
A. Un outil de coopération par la coentreprise ............................................................... 72
B. Un moyen de participation dans diverses sociétés ..................................................... 74
BIBLIOGRAPHIE ....................................................................................................................... 80
93