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org/pul/699
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Presses
universitaires
de Lyon
La Ville des expiations | Pierre-Simon Ballanche
Livre quatrième
p. 57-74
Texte intégral
I
1 On parle souvent de l’insalubrité des prisons, mais
l’insalubrité de certaines habitations dans les villes et même
dans les campagnes mériterait bien que l’on pût aussi
prendre des mesures. Qu’il nous suffise de nous occuper de
la Ville des Expiations. Elle est toute à créer ; il ne s’agit ni
de rectifier des alignements, ni de faire disparaître à grands
frais de vieilles constructions, ni de concilier des intérêts
publics avec des intérêts privés, ni de consulter des raisons
de localité, d’industrie, de commerce, de relation sociale
quelconque.
***
44 Dans tous les détails que je viens de retracer, on n’aperçoit
qu’une sorte de manifestation religieuse. Je dois prévenir
que néanmoins l’exercice des cultes protestants n’est point
exclu de la Ville des Expiations94. Trois pasteurs ont dans la
ville haute un logement convenable et un jardin. Ils
entretiennent avec les néophytes de leur religion toutes les
communications qu’ils peuvent désirer. Ils sont toujours
instruits des lieux où ces néophytes sont portés par les
mouvements de chaque semaine. Un temple également dans
la ville haute leur est destiné.
45 Les différents fonctionnaires assistent alternativement aux
offices dans toutes les chapelles, ou dans le temple
protestant, lorsqu’ils appartiennent à cette communion.
V
46 Avant toutes choses, il est impossible de ne pas être frappé
de la salubrité qui fait en quelque sorte la physionomie de la
VIII
67 Les néophytes peuvent correspondre avec leurs parents et
leurs amis, mais leurs lettres et celles qu’ils reçoivent sont
lues auparavant par le censeur, pour qui cette lecture est
une confidence en quelque sorte sacramentelle. Toute
correspondance du dedans au dehors s’entretient toujours
sous le couvert de l’administration, pour conserver le secret
des noms substitués aux noms anciens, des noms de
religion aux noms du monde. Ceux des néophytes qui
veulent cultiver les sciences et les lettres le peuvent,
toutefois néanmoins sous l’autorisation du tribunal de
censure, lequel juge ce qui peut être publié d’une manière
quelconque. Il ne faut pas oublier que la Ville des Expiations
n’est autre chose qu’un renouvellement des institutions
primitives. Ainsi, comme dans les temps anciens, nulle
science ne doit être cultivée que de l’aveu des maîtres de la
science ; nulle vérité ne peut être promulguée que de l’aveu
des dépositaires de la vérité. Enfin tout doit être en
définitive décidé par la voix de l’autorité. Mais on a soin de
veiller à ce que le corps des censeurs ne soit pas étranger au
mouvement des idées et des opinions ; il est toujours en
sympathie avec le siècle. La Ville des Expiations ne doit
jamais être isolée au milieu du monde civilisé. Elle est le lien
entre les civilisations immobiles et les civilisations
progressives. C’est une antique cité de l’Orient, transportée,
tout d’une pièce, au milieu de notre changeante Europe. Elle
ne participe aux développements que pour les constater par
son adhésion, les légitimer en les adoptant. Elle ne repousse
pas les investigations individuelles, mais elle veut qu’avant
d’être produites au-dehors, elles soient revêtues de la
sanction des maîtres de la science, des dépositaires de la
vérité.
IX
68 Quelquefois le néophyte a besoin d’être soutenu dans sa vie
pénitente ; il est facile de se décourager lorsqu’on n’a que de
funestes souvenirs, et lorsqu’on est dans une situation telle
que la conscience va toujours se repliant sur elle-même. Le
devoir alors est de rendre des forces à celui qui est faible.
Notes
76. Après avoir conquis l’empire babylonien et sa capitale, Cyrus avait
suivi une politique opposée à celle des Chaldéens : non content de
témoigner beaucoup de respect à la religion du pays et de faire rebâtir
les temples ruinés par la guerre, il avait permis que chaque dieu
retournât dans son pays avec ses adorateurs. Cette autorisation avait
sans doute été le point de départ de la délivrance des Hébreux.
Ballanche fait ici allusion à deux passages d’Isaïe, 1 XLIV, 28 : « Je dis
de Cyrus : Il est mon berger, et il accomplira toute ma volonté » et XLV,
13 : « C’est moi qui ai suscité Cyrus dans ma justice, et j’aplanirai toutes
ses voies. (…) Il reconstruira ma ville. »
77. C’était une opinion très répandue que les invasions barbares
n’étaient plus à craindre, grâce au remplacement de l’esprit de conquête