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Terminale Générale - Mme Latour

Méthode pour le bac


Dissertation et explication de texte en philosophie

I) Remarques concernant les deux exercices


A- Quel sujet choisir ?
Au bac, on vous proposera 3 sujets : deux sujets de dissertation et un texte à
expliquer. Il est donc impossible qu’aucun des thèmes n’ait été abordé au cours de l’année !
Il n’est cependant pas futé de « faire l’impasse » sur certains chapitres lorsqu’on révise :
aucun sujet de bac ne consiste en une récitation de cours, donc les connaissances acquises
dans chaque séquence peuvent servir à traiter chaque sujet.
La dissertation est un exercice qui permet de développer une pensée propre : on doit à
la fin savoir ce que vous pensez vraiment de la question posée. Vous ne serez pas noté·e·s sur
la thèse que vous défendez, mais sur votre capacité à défendre une thèse quelle qu’elle soit.
A l’inverse, l’explication de texte permet d’évaluer votre compréhension d’un texte
philosophique : il faut être capable de le rendre plus clair qu’il ne paraît à la première lecture.
Vous pouvez donner votre avis sur la thèse de l’auteur·e, ses points forts et ses faiblesses,
mais ce n’est pas le cœur de l’exercice.
La différence principale entre la dissertation et l'explication de texte est comparable avec deux
types de récit d'enquêtes criminelles : celles d'Hercule Poirot d'Agatha Christie et celles de
l'inspecteur Colombo. Dans le premier cas, on ne connaît pas l'assassin et on doit
reconstruire avec l'enquêteur tout le chemin argumentatif, comme pour faire la preuve de
sa culpabilité, en exhumant le problème plus ou moins caché dans le texte. Dans le second cas
nous assistons au crime et il faut retrouver point par point ce chemin. Il ne s'agit pas de
réciter ou de reproduire des règles figées, mais de les rendre opératoires dans un travail de
pensée et d'argumentation pour traiter un problème.
Néanmoins, il vaut mieux s’entraîner aux deux exercices et choisir au moment de
l’épreuve, que de restreindre en amont son choix de sujet (« de toute façon, je prendrai la
dissertation »)…
N’essayez pas d’établir de stratégie dans le choix de votre sujet ; ne perdez pas de
temps à imaginer lequel prendront les autres candidats. La seule question que vous devez vous
poser, et ce rapidement, est : sur quel sujet vais-je produire le meilleur travail ? Souvent, la
réponse correspond au sujet qui vous plaît le plus, que vous trouvez le plus intéressant. On
reconnaît en la lisant une copie qui a été écrite avec joie.

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B- La structure visuelle
Avant d’être un exercice de philosophie, une dissertation ou une explication est un
exercice de communication. Sans avoir besoin de lire, on doit pouvoir distinguer
visuellement (grâce à des alinéas et des sauts de lignes) :
1. L’introduction, et en son sein l’analyse du sujet, la problématique et le plan.
2. Chaque partie composée d’une phrase introductive, ainsi que chaque sous-partie qui
commence par énoncer clairement l’argument qu’elle soutient.
3. Les transitions entre les parties (après un alinéa et un saut de ligne). Les questions
rhétoriques, à condition de ne pas en abuser, donnent du rythme à une dissertation et
permettent de relancer le développement.
4. La conclusion.

II) La dissertation
A- Qu’est-ce qu’une dissertation de philosophie ?

« La dissertation est l’étude méthodique et progressive d’un problème que l’analyse


d’une question permet de construire. L’élève travaille à sa formulation explicite. Il
développe, en vue de l’élaboration d’une réponse fondée à la question posée, une
réflexion étayée par des analyses conceptuelles, des références et des exemples
pertinents. Il met en œuvre une pensée propre, déployée en un discours continu dont
il prend la pleine responsabilité. » (BO)

C’est la réponse argumentée à un problème précis tiré de l’analyse du sujet : il


faut donc transformer une question (le sujet) en problème (un paradoxe).
Une dissertation se construit en plusieurs parties parce qu’elle envisage différents
aspects du problème. Elle s’appuie souvent sur des textes dans lesquels les auteur·e·s
développent leurs thèses, qui doivent toujours être articulés à la question posée. Ainsi, une
dissertation n’est pas un exposé de doctrines juxtaposées, mais une réponse singulière qui
peut être éclairée par des références à l’histoire de la philosophie. Il ne faut donc pas
angoisser en croyant ne pas avoir les « bonnes » connaissances pour traiter un sujet : il n’y a
jamais de « passage obligé » par une référence ou un exemple.
Quand on révise, il faut privilégier l’apprentissage des définitions des termes-clés, afin
d’être capable de les utiliser à bon escient dans une copie. Ensuite, il vous faut connaître
quelques textes précis dont on sache réexpliquer l’argumentation (mémoriser les exemples
notamment) : la meilleure technique reste de mobiliser en dissertation les textes qu’on a

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étudiés pendant l’année en explication (après avoir travaillé dessus pendant 4h, on les maîtrise
en général). Mais le jour de l’épreuve, la priorité est l’analyse précise du sujet donné !
Une dissertation de philosophie est un exercice codifié, mais assez « libre ». Sont
obligatoires : l’introduction, les transitions entre chaque partie, la conclusion. Le canon
de la dissertation comporte trois parties, mais on peut rendre une très bonne copie en deux ou
quatre parties : l’important est qu’il n’y ait pas de déséquilibre de taille entre les parties. Au
sein des parties, le nombre de sous-parties importe peu. Il n’est jamais obligatoire de donner
une référence. Il faut donner des exemples simples, de la vie de tous les jours, pour éviter une
dissertation trop abstraite ; mais il ne s’agit pas de se forcer à trouver un exemple pour chaque
paragraphe. Dans le choix des exemples, toujours préférer un exemple dit “classique”,
c’est-à-dire issu de la culture classique - en littérature, en histoire, en cinéma, etc… Par
exemple, si vous aviez à parler d’injustice, plutôt que d’invoquer un exemple lambda (“il est
injuste de punir quelqu’un plus pour un vol que pour un crime”; c’est ici une pétition de
principe qu’il vous faut prouver par ailleurs, alors que l’exemple doit éclairer votre point de
façon efficace), un exemple classique est celui d’Antigone, personnage de la tragédie de
Sophocle, qui est punie par Créon pour avoir obéit aux lois divines et non aux lois de la cité.
Il faut toujours supposer qu’on s’adresse à un lecteur ou une lectrice
« raisonnablement cultivé‧e ». Cela signifie qu’on ne présente par les philosophes à qui on fait
référence, mais qu’on ne suppose pas non plus que le‧a correcteur‧ice connaît notre cours de
philosophie. Il faut donc toujours définir les termes, expliquer les références, éviter les
allusions. Le seul travail qui peut être évalué est celui qui est écrit, peu importe ce que vous
avez « voulu dire ».

B- Travail de brouillon
1) Analyser le sujet dans sa spécificité
Chaque sujet comporte une ou plusieurs notions philosophiques, qu’il s’agisse de
repères ou de concepts généraux (« la nature », « vouloir », « penser », « je », « une
œuvre »…). Il faut d’abord les repérer, puis en donner la définition la plus englobante
possible en introduction, en partant du sens commun du terme. C’est dans le développement
qu’il faut spécifier le sens précis des concepts selon les auteur‧e‧s de l’histoire de la
philosophie.
Au brouillon, il faut produire des distinctions conceptuelles qui permettent de cerner plus
précisément une notion :

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1. Chercher les antonymes : à quoi le terme que je cherche à définir s’oppose ? Quand il
y a plusieurs antonymes, cela peut révéler différents sens du même terme. Ex : « la
vérité » s’oppose d’une part au mensonge (le fait de donner une apparence d’être à ce qui n’est
pas) et à l’erreur (l’inadéquation d’une idée, confuse parce qu’incomplète). De là on peut dégager
deux sens de la notion de vérité : 1) Le sens moral qui concerne le discours : « dire la vérité », c’est
être sincère i.e. ne rien masquer ou modifier de ce que l’on pense. 2) Le sens épistémologique qui
concerne le réel : « chercher la vérité », c’est mener une enquête sur ce qui est, indépendamment
de nos croyances.
2. Chercher les termes proches : pourquoi a-t-on choisi ce mot et pas un autre ? Il faut
supposer qu’il n’y a pas de synonymes en philosophie : si un autre mot semble vouloir
dire la même chose, chercher ce qui les distingue. Ex : « vouloir » se distingue de
« désirer » en ce que la volonté implique une forme de rationalité.
3. Chercher le genre et les espèces : à quel groupe appartient ce terme, et comment se
distingue-t-il des autres termes du même groupe ? Ex : la « joie » est un affect qui se
distingue de la tristesse par son caractère positif, et du « bonheur » par son inscription dans une
temporalité plus courte.
Il faut faire attention à chaque mot du sujet, même quand il ne s’agit pas de notions
philosophiques. Chaque sujet est particulier et il ne faut surtout pas calquer un sujet sur un
autre, à la formulation proche. Pour cela, il peut être bon de réfléchir aux différences avec des
sujets proches.
1. Considérer la forme de la question : « peut-on », « doit-on », « qu’est-ce que ? » …
2. S’interroger sur le sujet de la phrase : « on », « les hommes », « nous » …
3. Porter une attention particulière aux déterminants : est-ce que les notions sont au
pluriel ou au singulier, précédées par un article défini ou indéfini ? Qu’est-ce que cela
change ? Ex : « la technique » =/= « les techniques » =/= « une technique ».
2) Dégager un problème
La problématique n’est jamais la question posée par le sujet. Elle doit révéler le
problème qui n’était que sous-entendu par le sujet, à partir de l’analyse des termes. Il ne
peut donc pas s’agir d’une question fermée à laquelle on pourrait répondre par « oui » ou par
« non ». Il y a deux « méthodes » de rédaction d’une problématique (ex sur le sujet : « Peut-on
dire que la perception est une connaissance ? »).
1. On formule une seule question marquée par une tension (formellement, elle
comporte une conjonction de coordination), puis on annonce le plan. Ex : Si l’idée selon
laquelle la perception serait une connaissance est incomplète, peut-on la corriger en disant que la
perception constitue au moins une forme de connaissance parmi d’autres ?

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2. On formule trois questions auxquelles répondent chaque partie du


développement, en se passant d’une annonce de plan redondante. Ex : Que faut-il dire de
la perception afin de compléter l'idée inadéquate selon laquelle elle serait une connaissance ?
Peut-on dire de la perception qu'elle constitue une connaissance de nous-mêmes et de la nature
humaine ? Existe-t-il différentes manières de percevoir dont l’une pourrait constituer un genre de
connaissance ?

3) Produire un plan détaillé


Au brouillon, on n’a le temps que de rédiger l’introduction, la conclusion et un plan
détaillé, maximum. Ce plan est composé de parties qui chacune formule un aspect de la
réponse au problème : il ne sert à rien de chercher des titres ; mieux vaut rédiger des phrases
claires qui reprennent les mots du sujet en les définissant. On peut aussi, pour dynamiser
la dissertation, formuler la phrase introductive de chaque partie sous la forme d’une question à
laquelle la partie répond.
Dans chaque partie, on trouve plusieurs sous-parties qui développent des arguments allant
dans le sens de la thèse de la partie ; ces arguments peuvent s’appuyer sur des exemples tirés
d’œuvres ou de la vie courante, et/ou sur des références philosophiques.
Entre chaque partie, on trouve une transition qui résume les acquis de la partie précédente,
souligne ses manques et montre la nécessité de la partie suivante. Il s’agit de répondre au sujet
de manière synthétique, puis de montrer les limites de la réponse apportée. Il ne s’agit pas de
se contredire (oubliez la fameuse « thèse, antithèse, synthèse ») mais de nuancer, ou de révéler
un nouvel aspect du sujet.
Remarque : il peut être bon de se proposer d’emblée une « conclusion de travail » qui
doit servir à orienter la recherche en énonçant le projet de la copie (on formule explicitement
et très synthétiquement ce que la copie vise à établir en conclusion), c’est-à-dire sa réponse à
la question posée par le sujet. Cette première conclusion sera bien sûr à interroger, à mettre à
l’épreuve, à corriger (en cours de travail) : elle donne ici seulement un premier but, provisoire
mais indispensable à l’organisation adéquate de la démarche.

C- Rédaction de la dissertation
1) L’introduction
Il ne faut pas faire d’entrée en matière ou « phrase d’accroche » en philosophie.
L’introduction doit être brève et attaquer directement le sujet, sans tourner autour ; vous
pouvez utiliser un exemple marquant, une étymologie ou une référence littéraire si et
seulement si le lien avec le sujet est net.

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Il faut justifier pourquoi la question se pose, et pourquoi elle est intéressante. Pour ce
faire, on peut décrire une situation de la vie quotidienne ou d’apparentes contradictions dans
l’opinion commune qui rendent nécessaire de se poser une telle question. En général, il est
toujours recommandé de faire des liens entre une question philosophique et la vie de tous les
jours, car la philosophie n’est pas détachée du réel. Cela permet d’introduire le sujet qui doit
apparaître en toutes lettres dans l’introduction.
Il faut donner les définitions de tous les termes du sujet grâce aux distinctions
conceptuelles trouvées au brouillon. De cette analyse se dégage une tension qui montre que,
selon le sens que l’on donne aux mots, la réponse à la question posée ne sera pas la
même. Ainsi, il devient nécessaire de produire une dissertation puisque la réponse n’est pas
question d’opinion, mais de définition. La problématique découle donc de l’analyse des
termes, ce qu’on peut signifier avec des formulations telles que « ainsi/c’est pourquoi/d’où on
peut se demander si … ».
2) Le développement
Chaque sous-partie soutient un argument qui appuie la thèse de la partie : c’est une
preuve rationnelle de l’idée que l’on défend dans la partie. Contrairement à l’exemple,
l’argument n’est pas un cas particulier mais prétend énoncer une vérité générale (on le
formule donc au présent). Concernant l’ordre d’exposition, deux options sont possibles :
1. Enoncer l’argument puis proposer un exemple qui aide à le comprendre. Ex : « Il
semble naïf de se fier aux idées formées par la perception, qui sont souvent incomplètes ou
relatives [argument]. En effet, un bâton plongé dans l’eau paraît brisé, le miel amer au malade
[exemples] … »
2. Partir d’un exemple pour en tirer l’argument. Ex : « Plusieurs expériences de la vie
quotidienne nous amènent à douter de ce que l’on perçoit : notre vue est fréquemment soumise à
des illusions d'optique, un froid intense est senti comme une brûlure par notre peau, un bruit trop
fracassant nous paraît un immense silence [exemples] … Il paraît donc légitime de remettre en
question les idées que nous formons à partir d'informations transmises par de simples stimuli
nerveux [argument]. »
Il est impératif de proposer des exemples dans une dissertation de philosophie, même
si on n’est pas obligé·e d’en produire un pour chaque argument. Les exemples montrent le
lien entre le propos soutenu et l’expérience de tous les jours, et comment la réflexion
philosophique éclaire cette expérience. On peut reprendre un exemple d’une partie à l’autre
pour le préciser à l’aide d’un nouvel argument.
Il existe plusieurs types d’exemples :

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1. L’expérience de pensée : on imagine de toutes pièces une situation plausible dans


laquelle le problème qu’on analyse se poserait. Ex : « Comment est-ce que je sais que je suis
en train d’écrire et non de rêver que j’écris ? » (pour les exemples, on peut utiliser un « je » qui est
une sorte de X indéterminé).
2. Le cas réel : vous pouvez tirer vos exemples de vos cours d’histoire, de votre culture
scientifique. Ex : on peut expliquer le dispositif expérimental des tubes de mercure pour illustrer
une réflexion sur la science.
3. L’exemple fictionnel : vous pouvez vous appuyer sur une situation tirée d’un livre,
d’un film, d’une pièce de théâtre, d’une chanson. Ne vous limitez pas en croyant que vos
références ne sont « pas assez classiques » : si c’est pour dire quelque chose d’intéressant en lien
avec le sujet, on peut aussi bien citer des paroles de PNL que La princesse de Clèves.
Les références aux philosophes étudié·e·s en classe ne peuvent jamais se
substituer aux arguments que vous devez d’abord formuler dans vos termes. Il ne faut
donc jamais commencer un paragraphe par une référence à l’histoire de la philosophie
(« Descartes pense que… ») ; le ou la philosophe doit permettre de préciser un argument, mais ne
sert jamais d’argument d’autorité.
Si vous avez une idée mais pas de philosophe pour l’appuyer, n’ayez pas peur de l’écrire : il
vaut mieux une copie sans références qu’une dissertation doxographique. Il vaut toujours
mieux choisir pour éviter l’accumulation de références ; il faut toujours développer une thèse
qu’on connaît bien plutôt que se montrer allusif‧ve. Vous pouvez utiliser la même référence
dans plusieurs sous-parties, voire différentes parties : vous mobilisez alors différents moments
d’un texte qui avance en même temps que votre réflexion.
Quand vous choisissez de développer une référence, essayez de vous souvenir du texte étudié
en classe : reconstituez les étapes de l’argumentation, les objections présentes dans le
texte, les exemples choisis par l’auteur·e pour illustrer son propos. Essayez autant que
possible d’utiliser le même vocabulaire technique que l’auteur·e dont vous expliquez la
pensée. Lorsque vous vous souvenez du titre de l’œuvre, autant la citer, mais en terminale on
peut se contenter d’un nom d’auteur‧e. Après avoir développé la référence, pensez à faire une
phrase qui montre clairement le lien avec le sujet et l’idée soutenue dans la partie.
N'oubliez pas les transitions entre chaque partie. Une transition énonce:
1. Ce qui vient d’être établi : elle procède à un bilan ou à une conclusion partielle.
2. Ce que cela conduit alors à penser quant au sujet : on vérifie et montre par cet effort
que l’on n’est pas sorti du cadre du problème, que l’on a progressé et que la cohérence
du devoir tient bien.

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3. Ce qui manque encore, reste insatisfaisant, inabouti, inexaminé ou bien se met


maintenant à faire difficulté, et donc ce que l’on doit désormais entreprendre pour y
remédier.
3) La conclusion
Elle doit être brève, et apporter une réponse claire à la question posée. Il faut
assumer de soutenir une thèse, et éviter à tout prix le « ni chaud ni froid » qui est le défaut de
beaucoup de copies de terminale. Reprenez les moments-clés de votre développement, en
mettant en avant les « pépites », les idées dont vous êtes fièr·e·s.
On ne fait jamais d’ouverture à la fin d’une dissertation de philosophie !

III) L’explication de texte


« L’explication de texte s’attache à dégager les enjeux philosophiques et la
démarche propre d’un passage extrait de l’œuvre d’un des auteurs du
programme. En se rendant attentif à la lettre de ce passage, l’élève explicite le
problème posé ainsi que le rôle et le sens des propositions présentes et des concepts à
l’œuvre dans le texte. Ce faisant, il en dégage l’organisation raisonnée, en s’attachant
tant à son unité de sens qu’aux moments différenciés de l’argumentation. » (BO)
A- Le texte choisi par le jury
1) Un texte inconnu
Le texte à expliquer au bac sera tiré de l’œuvre d’un·e des auteur·e·s ci-dessous.
Attention, cela NE signifie PAS que vous deviez tous·tes les avoir étudié·e·s en classe, encore
moins avoir travaillé des fiches biographiques. Il est inutile de perdre du temps à
apprendre des dates, des nationalités ou des titres d’œuvres : ces détails ne vous
rapporteront aucun point dans une copie !
L’exercice d’explication de texte au bac présuppose que l’élève ne connaît rien ni de
l’auteur·e ni de sa pensée ; le texte choisi doit pouvoir être compris et expliqué sans
connaissance préalable autre qu’une culture générale philosophique. C’est pourquoi il est
important de réviser le vocabulaire technique philosophique (les notions et les repères) qui
devra être défini au cours de l’explication.
Le texte est relativement court (environ 250/300 mots, soit une quinzaine de lignes en police
12) : il doit donc pouvoir être lu et expliqué dans sa totalité en quatre heures. Il est extrait
d’une œuvre plus longue mais forme une unité de sens : on peut le comprendre sans savoir ce
qui est écrit avant ou après. Sur le sujet, on vous donne le nom de l’auteur·e, le titre de
l’œuvre dont le texte est extrait : il faut vous servir de ces informations pour situer le texte

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par rapport aux connaissances acquises en classe (avez-vous étudié d’autres textes de
cet·te auteur·e ? dans quelle période historique s’inscrit le texte ?).
2) Les auteur·e·s au programme
Voici la liste des auteur·e·s publiée dans le BO de l’éducation nationale, réparti·e·s en
trois grandes périodes historiques. Attention, elle est seulement indicative : aucun·e prof n’est
censé·e les étudier tous·tes en cours, ni se limiter à ces seul·e·s philosophes. Je vous la
partage simplement comme aide-mémo pour que vous puissiez repérer les noms que vous
connaissez.

● L’Antiquité et le Moyen-Âge. Les présocratiques ; Platon ; Aristote ; Zhuangzi ;


Épicure ; Cicéron ; Lucrèce ; Sénèque ; Épictète ; Marc Aurèle ; Nāgārjuna ; Sextus
Empiricus ; Plotin ; Augustin ; Avicenne ; Anselme ; Averroès ; Maïmonide ; Thomas
d’Aquin ; Guillaume d’Occam.
● La période moderne. N. Machiavel ; M. Montaigne (de) ; F. Bacon ; T. Hobbes ; R.
Descartes ; B. Pascal ; J. Locke ; B. Spinoza ; N. Malebranche ; G. W. Leibniz ; G.
Vico ; G. Berkeley ; Montesquieu ; D. Hume ; J.-J. Rousseau ; D. Diderot ; E.
Condillac (de) ; A. Smith ; E. Kant ; J. Bentham.
● La période contemporaine. G.W.H. Hegel ; A. Schopenhauer ; A. Comte ; A.- A.
Cournot ; L. Feuerbach ; A. Tocqueville (de) ; J.-S. Mill ; S. Kierkegaard ; K. Marx ;
F. Engels ; W. James ; F. Nietzsche ; S. Freud ; E. Durkheim ; H. Bergson ; E. Husserl
; M. Weber ; Alain ; M. Mauss ; B. Russell ; K. Jaspers ; G. Bachelard ; M. Heidegger
; L. Wittgenstein ; W. Benjamin ; K. Popper ; V. Jankélévitch ; H. Jonas ; R. Aron ;
J.-P. Sartre ; H. Arendt ; E. Levinas ; S. de Beauvoir ; C. Lévi-Strauss ; M.
Merleau-Ponty ; S. Weil ; J. Hersch ; P. Ricoeur ; E. Anscombe ; I. Murdoch ; J. Rawls
; G. Simondon ; M. Foucault ; H. Putnam.

B- Travail au brouillon
Il faut être attentif·ve à chaque détail du texte dès la première lecture, pour ne pas
perdre de temps à relire le texte 20 fois avant de commencer à l’expliquer. On peut choisir de
lire le texte seulement deux fois en prenant son temps, ou de le relire plusieurs fois en allant
plus vite : l’important est de ne rien rater !

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1) Se poser les bonnes questions


Il y a une série de questions essentielles qu’il faut se poser dès le début, et qui
orientent la première lecture :
1. Quel est le thème du texte (de quoi ça parle) ?
2. Quelle est la thèse originale que soutient le texte ? Qu’est-ce que le texte démontre ?
La thèse est la position que l’auteur défend ici, la position ou la réponse qu’il
préconise. Si elle est explicitement énoncée par une phrase du texte, la recopier puis
en proposer une reformulation, dans des mots qui ne seront pas ceux du texte mais qui
en manifestent la compréhension. Vérifier que ce qui a été envisagé comme thèse
couvre bien l’ensemble du texte. Il faut que tous les éléments du texte convergent vers
la thèse (ils l’argumentent, l’explicitent, la précisent, réfutent des objections possibles,
lèvent des malentendus éventuels, en envisagent des conséquences…).
3. A quel problème philosophique précis répond le texte ? Il faut « remonter » de la
thèse au problème, càd à la question qui a suscité cette thèse comme sa réponse. Notre
démarche ici est inverse à celle que l’auteur a dû suivre pour lui-même : il s’est
d’abord heurté au problème et en a proposé une solution qui est la thèse ; nous avons,
nous, au contraire, d’abord cette solution et devons en déduire le problème.
Le texte n'exprime pas une opinion parmi d'autres, c'est une réflexion qui doit appeler la
vôtre : l'auteur a transformé une question en problème et a proposé une solution rationnelle, il
faut rendre raison de ces éléments.
Une fois ces trois questions primordiales élucidées, on peut se poser d’autres questions
qui orientent la deuxième lecture :
1. Est-ce que l’auteur·e semble s’opposer à une autre thèse sur le même thème ? Il peut
s’agir d’une critique d’un·e auteur·e nommé·e, d’un courant de pensée philosophique,
ou de l’opinion commune.
2. Quels exemples propose l’auteur·e pour illustrer sa thèse ? S’il y en a, il faut bien
comprendre comment ils éclairent le propos du texte. S’il n’y en n’a pas, il faut
réfléchir à quelques exemples que vous pourrez proposer dans votre explication pour
rendre le texte moins abstrait.
3. Est-ce que l’auteur·e envisage des objections à sa thèse ? Si oui, s’agit-il d’objections
qu’on lui a faites ou qu’il·elle imagine qu’on pourrait lui faire ? Quelles réponses aux
objections possibles apporte le texte ?

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4. Le texte présente-t-il des difficultés, des paradoxes ou contradictions apparentes ?


Il faut repérer ces passages dès le début et s’y confronter (ne pas faire l’autruche !). La
générosité doit gouverner votre questionnement : en supposant que l’auteur·e ne se
contredit pas, comment expliquer cette phrase ? Parfois, on ne trouve pas de réponse
convaincante : il faut alors lister deux ou trois hypothèses explicatives que l’on
proposera comme telles dans le développement.
On n’attend pas de vous que vous compreniez tout le texte, mais que vous affrontiez les
problèmes et que vous proposiez des pistes interprétatives.
2) Repérer et définir les mots-clés
Dès la première lecture, il faut entourer ou surligner tous les mots-clés, notions
philosophiques et repères présents dans le texte. L’exercice consiste en partie à définir ces
termes : c’est le meilleur moyen d’éviter la paraphrase. On peut proposer plusieurs définitions
d’un même terme, et émettre une hypothèse plausible quant au sens précis qui est mobilisé
dans ce texte. Pour bien définir, il faut s’appuyer sur :
1. Les définitions et exemples présents dans le texte lui-même.
2. Les définitions apprises en classe : connaître par cœur les principaux repères peut faire
gagner beaucoup de temps en explication de texte.
3. Le sens que l’on donne à ces termes dans le langage commun : il faut alors être
vigilant·e et se demander si l’auteur·e utilise le mot dans son sens courant ou selon
une acception plus technique.
Prenez un temps, au brouillon, pour procéder à un « balayage » par la mémoire du cours, de
vos lectures, de votre culture propre, en quête de tout ce qui pourrait aider à clarifier le sens
du texte ou approfondir le questionnement sur le texte. Ne plaquer des données extérieures
comme une « grille » qui occulte le texte et ce qu’il a de spécifique. Donc se méfier beaucoup
des généralités sur l’auteur du texte, et se souvenir que le centre de l’exercice est bien le texte
et non son auteur. Les connaissances servent à aiguiser le regard, à se rendre sensible au fait
que ce que dit le texte n’est pas si évident ou si simple qu’il y paraît : elles permettent de
complexifier la question, de la densifier, de lui donner richesse et consistance, au lieu de la
résoudre ou plutôt de la dissoudre.
3) Distinguer les étapes de l’argumentation
Une explication de texte en philosophie est toujours linéaire, c’est-à-dire qu’on
suit l’ordre des phrases que l’on commente une à une. Ainsi, le plan ne s’invente pas de

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toutes pièces mais se tire du texte lui-même. Il s’agit donc, dès les premières lectures, de
« découper » le texte pour repérer les étapes de l’argumentation.
1. Repérer les grands temps de l’argumentation : un texte de bac est choisi pour qu’il
soit facile d’en trouver trois, mais vous pouvez tout à fait découper un texte en deux
ou quatre parties.
2. Au sein de ces grandes parties, repérer des articulations plus faibles, entre deux
arguments ou un argument et un exemple.
3. Distinguer les registres d’argumentation : faire la différence entre les exemples, les
arguments, les proverbes, les images, les phrases conclusives ou introductives, les
références à d’autres auteur·e·s, les expériences de pensée …
Pour découper le texte, il est utile de s’appuyer sur les connecteurs logiques utilisés par
l’auteur·e pour montrer les articulations de sa pensée. On peut donc au brouillon repérer des
mots comme « au contraire », « donc », « par exemple », ou des signes visuels tels que la
ponctuation ou les retours à la ligne. Attention cependant : on ne commente pas la grammaire
d’un texte en philosophie comme on le ferait en français ! Il s’agit d’aides pour repérer les
étapes de l’argumentation, mais vous ne devez pas dans le développement commenter les
conjonctions ou la ponctuation.
Il n’y a pas de « bon plan » établi par avance qu’il faudrait absolument trouver pour
réussir son explication. Souvent, on peut proposer deux ou trois découpages différents qui se
valent. L’important est de proposer un découpage rationnel et organisé.

C- Rédaction de l’explication de texte


Visuellement, il n’y a pas de différence entre une explication de texte et une
dissertation.
1) L’introduction
Elle doit être courte et aller droit au but ; on peut apprendre quelques
formulations-types à réutiliser en devoir pour gagner du temps. Il faut inclure les informations
du paratexte sans en faire une phrase à part (ex : « dans cet extrait de la Métaphysique, Aristote se
questionne sur la définition du temps »).
1. Le thème : commencer par exposer le thème sans le problématiser. Il peut s’agir d’une
notion ou de la relation entre plusieurs notions. Si vous avez des connaissances sur ce
thème en histoire de la philosophie, vous pouvez les exposer brièvement si et
seulement si elles éclairent votre compréhension du texte. Ex : « Dans cet extrait du

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Deuxième sexe, de Beauvoir se penche sur la question de la naturalité de la différence entre le


féminin et le masculin. »
2. Le problème : si un·e philosophe écrit à ce sujet, c’est parce qu’il pose problème i.e.
que la réponse n’est pas qu’affaire d’opinion. Il s’agit de reformuler la ou les questions
auxquelles le texte propose une réponse. Vous pouvez essayer d’imaginer un dialogue
dans lequel vous poseriez une question à laquelle le texte répondrait. Ex : « Elle
interroge l’apparente évidence de cette binarité en se demandant si les caractéristiques que l’on
croit issues de la biologie ne naissent pas de la différence dans l’éducation. »
3. La thèse : c’est l’avis de l’auteur·e sur la question posée. Vous avez le droit de ne pas
être d’accord, mais vous devez faire l’effort de comprendre ce qu’il ou elle défend.
Ex : L’auteure soutient que la féminité n’est pas une caractéristique innée inscrite dans la
physiologie, mais une construction sociale née de l’éducation différenciée des petites filles et des
petits garçons.
4. L’enjeu ou les enjeux du texte: quel est l’impact concret du texte pour la vie de
l’homme? En quoi ce texte est intéressant et qu’est-ce qu’il remet en question dans
notre vie quotidienne? Il faut ici expliciter le lien entre l’idée du texte et son intérêt
concret pour nous. Ex: La distinction opérée par De Beauvoir, entre le sexe (dimension
biologique), et le genre, (dimension social), explique le problème de l’éducation genrée: leur
confusion entraîne une éducation relative aux attentes sociales: les petits garçons sont éduqués
pour être fort et robuste, tandis que l’on apprend aux petites filles d’être fragiles et timides. Ainsi,
De Beauvoir diagnostique le problème afin de provoquer l’indignation et, in fine, cela appelle à
conduire une émancipation féminine.
5. Les étapes de l’argumentation : ce sont les grandes parties que vous avez découpées
au brouillon. Il faut les énoncer clairement en donnant les numéros de lignes et les
premiers et derniers mots de chaque partie. Vous devez formuler l’objectif de chacune
de ces étapes et la manière dont elle s’articule avec l’ensemble du texte. Ex : « Pour
montrer cette thèse, X commence par … (de « … » l.1 à « … » l. ) ; puis il·elle explique que (de
« … » l. à « … » l.) ; enfin il·elle affirme que … (de « … » l. à « … » l.). Il ne faut pas
seulement « découper le texte en tranches » successives et que l’on se bornerait à
juxtaposer. L’essentiel est de manifester que l’on a saisi la continuité et la progression
du raisonnement de l’auteur et donc de justifier son « découpage » comme les
moments de cette progression. On se contente dans l’introduction d’en présenter
les grandes lignes, et non son détail tel qu’on l’aura analysé lors du travail
préparatoire.

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2) Le développement
On explique ligne par ligne le texte que l’on a sous les yeux, sans rien n’omettre. Il
faut passer plus de temps sur les passages difficiles, qui posent problème, mais ne surtout pas
sauter ce qui semble moins important. NE PAS FAIRE L’AUTRUCHE! Les grandes parties
correspondent aux grandes étapes de l’argumentation et, en leur sein, on fait des paragraphes
pour séparer les différents arguments, les exemples, les images etc…
On doit produire une lecture problématisante, càd qui cherche à comprendre et à interroger de
l’intérieur, et non une description extérieure du texte comme un objet à seulement présenter.
C’est donc une lecture qui pose des questions au texte, entre en dialogue avec lui, et travaille
à en restituer la cohérence interne comme les difficultés.
Il faut citer les passages que l’on explique mais jamais des phrases entières : sélectionnez la
notion ou l’expression que vous commentez. Ne substituez pas vos mots à ceux de
l’auteur·e mais définissez ceux qu’il·elle utilise. Recopier un texte ne l'explique pas. Les
citations de passages sont brèves et significatives : ne pas reproduire le texte en totalité ni
littéralement, ni par bribes entrecoupées de pointillés, mais citer au sein d'une phrase
construite un mot, une expression ou une proposition essentielle.
Entre chaque grande partie, il faut faire un paragraphe de transition qui résume ce que
l’auteur·e a réussi à démontrer dans le premier temps du texte et annonce ce qu’il reste
à prouver par la suite.
Les remarques critiques n’ont pas leur place au cœur de l’explication de texte : il
faut essayer de comprendre ce qu’a écrit l’auteur·e et en quoi c’est intéressant. Une fois
l’explication terminée, c’est-à-dire une fois le dernier mot du texte commenté, et avant la
conclusion, on peut rédiger une courte partie critique séparée. Il s’agit d’un paragraphe
indépendant dans lequel vous pouvez présenter des objections à la thèse ou certains arguments
de l’auteur·e. Ces objections peuvent être faites en votre nom ou s’appuyer sur la pensée
d’un·e philosophe étudié·e en classe. Cette partie critique n’est PAS obligatoire (on peut
avoir 20 sans émettre d’objections) et ne doit en aucun cas se substituer à l’explication précise
du texte.
3) Conclusion
La conclusion doit être courte et rappeler le problème auquel se confronte le texte, la façon
dont il y répond et les points forts de l’argumentation. En un mot, il faut dégager son intérêt
philosophique. Pas de question sans réponse : on ne relance pas sur un autre débat à la fin de
la conclusion.

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