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L’explication de texte en philosophie

L’explication de texte est presque aussi ancienne que la philosophie. Elle constitue
l’héritière de la pratique traditionnelle du « commentaire », pratique à travers laquelle les
textes des grands philosophes de l’Antiquité comme Platon et Aristote nous ont été transmis à
travers les siècles. Le commentaire avait pour but d’expliquer le sens des textes, d’analyser
les problèmes ou les difficultés que certains passages posaient, et d’en dégager les enjeux
implicites. Savoir lire un texte est une démarche essentielle de la réflexion philosophique.
C’est en « conversant » par la lecture avec les textes des autres philosophes que l’on peut soi-
même devenir philosophe et exercer son jugement. L’explication de texte est un exercice de
lecture, de compréhension, mais aussi d’appropriation et de réflexion. Il s’agit à la fois de
saisir le sens du texte, et donc d’éviter absolument le contresens, mais aussi de s’approprier la
pensée de l’auteur en étant capable de la reformuler, et de réfléchir activement sur le texte :
pourquoi l’auteur dit-il ce qu’il dit ? pourquoi ne dit-il pas autre chose ? Comment justifie-t-il
sa thèse ? Quelles difficultés résistent-elles à son argumentation ?
En série technologique, l’explication de texte a une spécificité que vous devez bien
connaître. L’exercice vous propose un choix entre deux options pour réaliser l’explication de
texte : -option I : répondre, de manière précise et développée aux questions posées.
-option II : « suivre le développement de son choix ».
Vous devez indiquer au début de votre devoir l’option choisie. Vous en verrez un
exemple avec le texte que je vous envoie également comme modèle que nous étudierons en
cours. La méthode ici présentée vous servira pour les deux options choisies. En effet, le fait de
répondre aux questions posées ne vous dispense pas d’une réflexion active sur le texte
philosophique qui vous est présenté.

Règle I : Lire très attentivement le texte plusieurs fois, au moins à 3 reprises. Soulignez les
termes importants qui devront impérativement être définis soit en introduction, soit dans le
développement. Par exemple, si les termes de « vérité » ou de « liberté » apparaissent dans le
texte, ils devront être analysés et définis impérativement. Attention à la polysémie de
certains termes. Par exemple, le terme « loi » peut avoir des sens différents : la norme
juridique, ou la loi au sens scientifique (par exemple, la « loi de la gravitation »), ce qui n’est
pas du tout la même chose. Il faut également souligner les connecteurs logiques qui vous
permettront d’identifier les étapes de l’argumentation dans le texte : -un prolongement de la
même idée : et, de plus, non seulement…mais encore, …
-une conséquence tirée : donc, par conséquent, c’est pourquoi, …
-une illustration de ce qui a été avancé : par exemple, ainsi, comme, etc…
-une restriction ou une objection à la thèse avancée : certes, il est vrai, mais, toutefois,
cependant, en dépit que, bien que…etc. (ces connecteurs sont très présents dans le texte de
Descartes qui servira d’exemple, voir ci-dessous).
Attention, toutefois, à repérer les connecteurs qui ont une vraie signification du point de vue
de l’argumentation philosophique. Ce qui importe, c’est le sens du texte. Les remarques
strictement formelles, grammaticales qui ne porteraient pas sur le sens philosophique du texte
sont à exclure.

Règle II : Identifiez le thème du texte (ce sur quoi porte le texte d’un point de vue
philosophique, par exemple la relation entre liberté et déterminisme) et la thèse de l’auteur
(la thèse est forcément une affirmation ou une négation, cela ne peut pas être une question.
Par exemple : « la liberté est une illusion, seul le déterminisme existe ») ainsi que les
principaux arguments soutenant cette thèse. La réflexion philosophique suppose une
argumentation. Vous devez étudiez cette argumentation. Vous ne devez pas accepter ce que
dit l’auteur sans réfléchir, il faut se demander « Pourquoi l’auteur dit ce qu’il dit ? », « de quel
droit » ? Même si l’auteur ne l’explique pas complètement. L’explication exige une
réflexion active sur le texte. Il faut s’étonner devant le texte, ne pas considérer que ce
que dit l’auteur « va de soi ». Voici une grande règle de l’explication : ne pas considérer
que ce que dit l’auteur « va de soi ». S’étonner devant le texte permet aussi d’être attentif à
l’originalité du texte, à sa spécificité, à ce qui le rend philosophiquement intéressant.
Attention cependant : montrer que ce que dit l’auteur ne va pas de soi ne signifie pas le
contredire ou le nier de manière polémique en disant par exemple « selon moi, c’est
faux ».

Règle III : Identifier le problème philosophique auquel l’auteur essaye de répondre dans le
texte et les enjeux implicites liés à la thèse qu’il soutient. La thèse que soutient l’auteur
apporte une réponse à une difficulté philosophique que vous devez poser dans l’introduction
de votre explication ou restituer au cours des questions posées. L’exposition des enjeux
philosophiques consiste à dégager les implications philosophiques du texte qui en soulignent
l’intérêt.
Règle IV : rédaction de l’introduction (option II).

A. Rapide présentation du texte. Attention, si vous ne connaissez pas l’auteur du texte, il est
inutile voire contre-productif d’improviser des remarques sur l’auteur lui-même.
B. Présentez le thème philosophique du texte.
C. Exposez la difficulté philosophique à laquelle l’auteur apporte une réponse dans ce texte.
D. Exposez la thèse de l’auteur en définissant les termes importants qui sont liés à cette thèse.
E. Exposer le plan du texte, en tenant compte des connecteurs logiques préalablement
identifiés.

Règle V : le développement

Le développement doit constituer une explication linéaire du texte qui suit les différentes
étapes du plan que vous avez préalablement découpé (pas de plan thématique) à la fin de
l’introduction.
Deux grands défauts doivent être évités dans le développement (en plus du contresens) : -la
paraphrase qui consiste à répéter ce que dit l’auteur en changeant quelques termes sans
réfléchir activement sur le texte.
-le hors-sujet qui consiste à oublier le texte en développant une réflexion indépendante ou en
restituant des connaissances apprises par cœur.
Les défauts de paraphrase et de hors-sujet sont également un danger si vous choisissez
l’option I.
L’explication de texte est une réflexion active sur le texte : pourquoi l’auteur dit-il ce qu’il
dit ? Est-ce discutable ? Aurait-on pu dire autre chose ? Pour mener cette réflexion, il est bon
d’utiliser des connaissances du cours pour discuter et éclairer le texte, ou faire un
rapprochement philosophique. Attention cependant à ne pas polémiquer avec l’auteur en
donnant son opinion personnelle. Montrer que ce que dit l’auteur « ne va pas de soi » ne
veut pas dire le contredire en donnant son opinion, il s’agit de pratiquer un
questionnement et un étonnement philosophique.
Il est important de citer des passages précis du texte (vous numérotez les lignes du texte
au préalable) pour développer une analyse attentive, mais chaque passage doit être éclairé et
commenté : pas de citation sans analyse.
Il est impératif de « lire » un texte avec précision, et de ne pas le ramener à des
idées reçues, à des idées toute faites. Il ne faut pas « banaliser » le propos de l’auteur.
Exemple : un texte de Marc Aurèle, empereur romain et philosophe stoïcien, sur le devoir
commence par l’idée qu’il faut se lever pour « faire œuvre d’homme », au lieu de rester
couché dans son lit. L’auteur essaye de se motiver pour se lever de son lit, il se dit à lui-
même : « c’est pour faire œuvre d’homme que je m’éveille ». De nombreuses personnes
auront tendance à expliquer le texte en disant : « pour Marc Aurèle, il faut aller au travail au
lieu de rester couché ». Mais ce n’est pas ce que dit l’auteur dans le texte. Il affirme qu’il
faut se lever pour « faire œuvre d’homme », pour « agir » « comme un homme ». Ce n’est pas
la même chose. L’auteur engage dans ce texte une réflexion profonde sur l’obligation éthique
que nous donne notre nature d’homme, il ne s’agit pas de faire un éloge inconditionnel du
« travail » en soi. Il faut donc être attentif à l’originalité et à la singularité du texte qui vous
est proposé. Ne ramenez pas le texte à ce que vous avez l’habitude de penser, il faut
accepter un certain dépaysement, un étonnement. (ce texte sera étudié en cours sur le
thème de la nature).
Il est important d’étudier l’argumentation que l’auteur met en œuvre pour soutenir la
thèse qu’il défend dans le texte. Il ne faut pas répéter le texte, mais analyser « ce que le texte
fait ». Par exemple, il faut repérer que Descartes dans le texte du corrigé, nuance très souvent
sa pensée en faisant des « restrictions » (« toutefois », « bien que »), afin de développer une
éthique de la mesure et du jugement personnel, ce qui oppose la pensée cartésienne à tout
fanatisme du « sacrifice de soi », et préserve la liberté de l’individualité : il ne faut pas
sacrifier systématiquement et aveuglément l’intérêt de l’individu au nom de l’intérêt collectif,
et l’individu est aussi une « personne » à part, et non le simple membre d’un Tout. Par rapport
à cette étude de l’argumentation, attention à ne pas confondre argument et exemple, une
distinction essentielle également pour la dissertation, comme nous l’avons observé
précédemment, dans la méthode de la dissertation. L’exemple « illustre » l’argument qui
« justifie » la thèse.

Conclusion :

Au cours de votre analyse du texte, dans le développement, vous aurez tendance à vous
focaliser sur des passages précis et multiples du texte. L’objet de la conclusion est de
souligner l’unité de votre lecture du texte en restituant ses grandes lignes argumentatives et
conceptuelles (par exemple, une distinction conceptuelle importante que vous avez dégagée
dans le développement). La conclusion est l’occasion de souligner les enjeux philosophiques
du texte, mais aussi la persistance de certaines difficultés soulevées par ce dernier.

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