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Loïc Wacquant (/auteur/loic_wacquant)

Punir les pauvres


Le nouveau gouvernement de l’insécurité sociale
Parution : 16/09/2004
ISBN : 2748900235
Format papier : 364 pages (12 x 21 cm)
20.00 €

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Présentation Auteur Foreign Rights Lettre ouverte à ceux...

Presse

Table des matières


 Avant-propos. L’Amérique, laboratoire vivant du futur néolibéral
(/contrefeux/punirlespauvres/enligne/0/index.html#debut-chapitre)
 1. Insécurité sociale et surgissement sécuritaire
(/contrefeux/punirlespauvres/enligne/1/index.html#debut-chapitre)
Misère de l’État social
 2. La criminalisation de la misère (1975-1995)
(/contrefeux/punirlespauvres/enligne/3/index.html#debut-chapitre)
 3. La "réforme" de l’aide sociale comme instrument de discipline
(/contrefeux/punirlespauvres/enligne/4/index.html#debut-chapitre)
Grandeur de l’État pénal
 4. Le ”grand renfermement” de la fin de siècle
(/contrefeux/punirlespauvres/enligne/6/index.html#debut-chapitre)
 5. L’avènement du ”Big Government” carcéral
(/contrefeux/punirlespauvres/enligne/7/index.html#debut-chapitre)
Les cibles privilégiées
 6. La prison comme substitut du ghetto
(/contrefeux/punirlespauvres/enligne/9/index.html#debut-chapitre)
 Moralisme et panoptisme punitif : la chasse aux délinquants sexuels
(/contrefeux/punirlespauvres/enligne/10/index.html#debut-chapitre)
Fac-similé européen
 8. Les mythes savants de la pensée unique sécuritaire
(/contrefeux/punirlespauvres/enligne/12/index.html#debut-
chapitre)
 9. L’aberration carcérale à la française
(/contrefeux/punirlespauvres/enligne/13/index.html#debut-chapitre)
La panique morale qui sévit depuis plusieurs années à travers lʼEurope autour
des « violences urbaines » et de la « délinquance des jeunes », qui menaceraient
lʼintégrité des sociétés avancées et appelleraient en retour des réponses pénales
sévères, sʼest, depuis les élections du printemps 2002 en France, muée en
véritable pornographie sécuritaire constituant en spectacle médiatique luride et
en théâtre moral permanent les drames quotidiens de lʼ« insécurité ». La mise en
scène politique de la « sécurité », désormais entendue dans sa stricte acception

criminelle – après que le « crime » lui-même a été réduit à la seule délinquance
de rue, cʼest-à-dire, en bout de chaîne, aux turpitudes des classes populaires –,
a pour fonction première de permettre aux leaders en poste ou aspirant de
réaffirmer à bon compte la capacité dʼaction de lʼÉtat au moment où, embrassant
les dogmes du néo libéralisme, ils prêchent unanimement son impuissance en
matière économique et sociale 1. La canonisation du « droit à la sécurité » est le
corrélat et le cache-sexe de la déréliction du droit au travail, inscrit dans la
Constitution française mais chaque jour bafoué, dʼune part par la pérennité du
chômage de masse au cœur de la prospérité nationale et, de lʼautre, par la
montée du salariat précaire qui dénie toute sécurité de vie à ceux, de plus en
plus nombreux, qui y sont condamnés.
Début 2002, alors que s’ouvre la campagne présidentielle, tous les grands
médias et partis politiques de France choisissent de se focaliser jusqu’à
l’obsession sur l’ascension supposée de l’« insécurité », en dépit de la décrue
de la criminalité de rue enregistrée cette année-là. La logique de la
concurrence commerciale et électorale aidant, aucun ne juge bon de donner le
moindre écho aux résultats d’une série d’études charpentées conduites par
l’INSEE sur la montée inexorable de la précarité dans le pays, l’enracinement
tenace du chômage de masse dans la périphérie urbaine et la consolidation
d’un vaste volant de « travailleurs pauvres » – selon une désignation
nouvellement importée d’Amérique, comme les politiques de désengagement
industriel et de dérégulation économique qui alimentent leurs rangs. Témoin
cette enquête sobrement intitulée « Les zones urbaines sensibles – Forte
progression du chômage entre 1990 et 1999 », passée inaperçue, qui révèle
que l’insécurité salariale et sociale s’est généralisée et concentrée durant
cette décennie, nonobstant la croissance retrouvée et la récente décrue du
taux officiel de chômage au niveau national 2. Ainsi la part des travailleurs
précaires dans le pays, employés sur contrats à durée déterminée, intérim,
emplois aidés et stages mis ensemble, est-elle passée de un actif sur onze en
1990 (soit 1,98 million de personnes) à un actif sur sept en 1999 (3,3
millions). Parmi les 4,7 millions d’habitants des 750 « zones urbaines
sensibles » désignées comme telles par le Pacte de relance de la politique de
la ville de 1996 (soit un Français sur treize), la part des précaires frisait les
20 %.
Autant dire que, pour les jeunes sans titres scolaires valorisés résidant dans
les quartiers de relégation de l’Hexagone, le salariat d’insécurité n’est plus
une forme déviante, passagère et atypique d’emploi mais bien la voie modale
d’accès à un monde du travail désormais hanté par le spectre de
l’impermanence et de la flexibilité à tous crins 3. Et cela pour les
« privilégiés » qui sont parvenus à accéder à l’emploi, car dans le même
temps le chômage n’a cessé de grimper dans ces quartiers parmi les 15-24
ans : entre 1990 et 1999, la part des jeunes qui cherchent en vain un travail
dans le pays a crû de 19,9 % à 25,6 % ; pour leurs compatriotes des zones
pudiquement dites « sensibles », l’escalade est plus forte encore, de 28,5 % à
près de 40 %. Si l’on ajoute précaires et chômeurs, on s’aperçoit que 42 %
des jeunes des quartiers de relégation étaient ainsi marginalisés en 1990, et
que ce chiffre a bondi à quelque 60 % en 1999 – soit avant que le chômage
ne reprenne sa marche à la hausse pour le tirer encore vers le haut. On
comprend mieux, au regard de ces statistiques attestant de la normalisation
silencieuse de l’insécurité sociale sous un gouvernement dit de gauche, le
score pitoyable réalisé au sein des catégories populaires par le candidat du
parti socialiste qui se targuait dans ses meetings de campagne d’avoir
terrassé le chômage et qui, ignorant tout de la dégradation spectaculaire de la
condition (sous-)prolétarienne sous son mandat, promettait le retour
imminent du « plein emploi », slogan proprement obscène pour les habitants
des cités soumises depuis deux générations à la désocialisation rampante du
salariat 4.
Sur les grandes chaînes de télévision, le journal de 20 heuresI Émission
sʼest mué« Ça en
chronique des faits divers judiciaires qui semblent subitement peut fourmiller
vous et
menacer partout, là un instituteur pédophile, ici un enfant assassiné, plus»,loin un
arriver
bus de ville caillassé ou un buraliste insulté. Les émissions spécialesà se
consacrée
multiplient aux heures de grande écoute, telle cette édition de «« Ça peut vous
L’insécurité »,
arriver » qui, à la rubrique des « violences scolaires », déroule lʼhistoire
diffuséetragique
sur TF1
dʼun gamin suicidé suite à un racket de cour dʼécole primaire,lecas 13 totalement
février 20
aberrant mais prestement érigé en paradigme pour les besoins de(...) lʼaudimatI. Les
hebdomadaires regorgent de reportages révélant « les vrais chiffres », les « faits
cachés  » et autres «  rapports explosifs  » sur la délinquance où le
sensationnalisme le dispute au moralisme, sans oublier de dresser
périodiquement lʼeffroyable cartographie des « quartiers interdits » et dʼégrener
les «  conseils pratiques  » indispensables pour faire face aux dangers décrétés
omniprésents et multiformes 5.
Partout est ressassée sans cesse la lancinante complainte sur lʼinaction des
autorités, lʼimpéritie de la justice et lʼindignation apeurée ou excédée des braves
gens. Début 2002, le gouvernement de « gauche plurielle » multiplie les mesures
dʼaffichage répressif dont même ses membres les plus obtus ne peuvent pas
ignorer quʼelles nʼont aucune prise sur les problèmes quʼelles sont censées
traiter – un exemple qui verse dans la caricature : lʼachat ruineux dʼun gilet pare-
balles pour chaque gendarme et policier de France alors que 90 % dʼentre eux ne
viennent jamais au contact du moindre malfrat armé durant leur carrière et que
le nombre de policiers tués dans lʼexercice de leurs fonctions a diminué de
moitié en dix ans. Lʼopposition de droite nʼest pas en reste, qui promet sur tous
les sujets de faire la même chose mais en plus vite, plus fort, et plus dur. Tous
les candidats aux postes électifs, à lʼexception des représentants de la gauche
non gouvernementale et des Verts, ont ainsi promu la «  sécurité  » au rang de
priorité absolue de lʼaction publique pour proposer à la va-vite les mêmes
solutions primitives et punitives  : intensification de lʼactivité policière, 
focalisation sur les «  jeunes  » (dʼorigine ouvrière et immigrée, sʼentend), les
« récidivistes » et les prétendus « noyaux durs » de criminels des « banlieues »
(ce qui exclut commodément la criminalité en col blanc ou en écharpe tricolore),
accélération des procédures judiciaires, durcissement des peines, extension du
recours à la détention, y compris pour les mineurs, alors même quʼil est
amplement démontré que lʼincarcération est éminemment criminogène. Et, pour
permettre le tout, ils réclament à lʼunisson lʼaccroissement sans frein des
moyens consacrés au maintien de lʼordre social par la force. Il nʼest pas jusquʼau
chef de lʼÉtat, délinquant multirécidiviste responsable du pillage organisé de
centaines de millions de francs, qui, toute honte bue, ose appeler à lʼ« impunité
zéro » à lʼégard des infractions bénignes dans les quartiers déshérités dont les
habitants, justement, le surnomment « supervoleur » en référence aux multiples
affaires dans lesquelles il est directement impliqué.
Mais cette nouvelle figure politico-discursive de la « sécurité » qui, dans tous les
II Selon
grands pays dʼEurope, réconcilie la droite la plus réactionnaire avec la gauche
Chesnais, le de
gouvernement, ne se contente pas de réitérer le «  vieux mythe mythepersistant et
indestructible  » des sociétés modernes dont Jean-Claude Chesnais a montré,
historique sans
dans son Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours , quʼilréactivé
cesse dépeint
avec constance les violences du moment comme un phénomène, de lacertes
violence issu
dʼune longue évolution, mais totalement inédit, en brusque augmentation
est « un vieuxet
intrinsèquement urbainII 6. Elle a ceci dʼoriginal quʼelle tire lʼessentiel
monstre fami de sa
force dʼimposition de ces deux puissances symboliques contemporaines (...) que
sont la science et lʼAmérique – et, mieux encore, de leur croisement, la science
américaine appliquée à la réalité américaine.
De même que la vision néolibérale en économie sʼappuie sur III Àles
l’étémodèles
1998,
dʼéquilibre dynamique construits par la science économique orthodoxe made in
l’Association
USA, pays qui détient un quasi-monopole sur les prix Nobel dans cette
des maires de
discipline, la vulgate sécuritaire de ce tournant de siècle se présente
France a sous les
dehors dʼun discours savant qui prétend mettre la « théorie criminologique »
dépéché Gillesla
plus pointue au service dʼune politique résolument «  rationnelle  de Robien », donc
idéologiquement neutre et finalement indiscutable puisque guidée (UDF)par etdeJean-
pures
considérations dʼefficacité et dʼefficience. Et, tout comme la Mariepolitique
Bo (...)de
soumission généralisée au marché, elle provient directement des États-Unis,
devenus, après lʼeffondrement brutal de lʼempire soviétique, la société phare de
lʼhumanité, la seule de lʼhistoire dotée des moyens matériels et symboliques de
convertir ses particularités historiques en idéal transhistorique, et de le faire
advenir en transformant partout la réalité à son image 7. Ainsi, cʼest à New York
que les politiciens français (mais aussi anglais, italiens, espagnols et allemands),
de droite comme de gauche, se sont rendus comme un seul homme en
pèlerinage ces dernières années afin de signifier leur détermination retrouvée à
terrasser le fléau de la criminalité de rue et de sʼinitier pour ce faire aux concepts
et mesures mis en place par les autorités étasuniennesIII. Adossée à la science et
à la politique du «  crime control  » éprouvées en Amérique, la pensée unique 
sécuritaire qui règne dorénavant sur lʼensemble des pays du Premier et même du
Second Monde se présente sous la forme dʼun enchaînement de «  mythes
savants  », cʼest-à-dire un canevas de propositions qui entremêlent «  deux
principes de cohérence  : une cohérence proclamée, dʼallure scientifique, qui
sʼaffirme par la multiplication des signes extérieurs de la scientificité, et une
cohérence cachée, mythique dans son principe 8 ». On peut examiner leur trame
et décortiquer leurs mécanismes en quatre mouvements.
LʼAmérique "supercriminelle" pacifiée et dépassée par la France
Selon ce premier mythe médiatico-politique, les États-Unis IV étaient
Le titrejusquʼà
de
récemment ravagés par des taux astronomiques de criminalité mais ils auraient,
l’article du
grâce à leurs sévères innovations policières et pénales de la Figarodécennie du 1990,
18
« résolu » lʼéquation du crime à lʼinstar de New York. Dans le même temps,
juin 2001 par
vaut
laxisme, les sociétés de la vieille Europe se seraient laissé happer par cité
d’être la spirale
en
infernale des « violences urbaines » qui leur vaudrait de souffrir dʼune
entiercriminalité
: « Les
endémique et incontrôlée à lʼaméricaine. Cʼest ainsi que tel expert autoproclamé
détonants résul
sur la question, Alain Bauer, PDG de Alain Bauer Associates, firme(...)de « conseil en
sûreté », et accessoirement conseiller influent de ministres socialistes et grand
maître du Grand Orient, a pu annoncer avec fracas dans tel quotidien en vue que,
suite au « croisement historique des courbes » entre les deux pays en 2000, « la
France est plus criminogène que les États-Unis »IV 9.
Cette stupéfiante « révélation », sitôt propagée par tous les médias V établis (AFP,
France-Info, TF1, etc.), démontre quʼen matière dʼinsécurité on peut dire tout et
L’International
nʼimporte quoi et être pris au sérieux dès lors quʼon entonne Crime le refrain
catastrophiste et répressif à la mode. En effet, il est établi depuis une bonne
Victimization
décennie, grâce à lʼInternational Crime Victimization Survey (ICVS) Survey V, (dont
que les
États-Unis ont des taux de criminalité tout à fait ordinaires quandAlain
on les mesure
Bauer,
à la prévalence de la victimation – et non pas à partir des statistiques
comme lesde la
criminalité déclarée auprès des autorités, qui ne sont pas collationnées
experts de
manière similaire entre pays et dont tous les «  spécialistes  » gouvernementaux
dignes du nom
savent quʼelles mesurent mieux lʼactivité de la police que celle des délinquants.
en (...)
Les taux étasuniens sont depuis longtemps comparables et même généralement
inférieurs à ceux de moult autres sociétés avancées à lʼexception, notable et tout
à fait explicable, des homicides 10. Ainsi, parmi les onze pays post industrialisés
couverts par lʼICVS en 1995, cʼest-à-dire avant le déploiement de la « tolérance
zéro » outre-Atlantique, lʼAmérique arrivait deuxième derrière lʼAngleterre pour
les vols de voiture et les vols avec menace, ainsi que pour les coups et
blessures  ; troisième ex-æquo avec la France, loin derrière le Canada et
lʼAngleterre, sur lʼéchelle du cambriolage ; septième à la traîne de la Suisse, de
lʼAutriche et de la Hollande, entre autres, pour ce qui est des atteintes sexuelles ;
et carrément en queue de peloton (neuvième) pour lʼincidence des vols simples, 
avec un taux moitié moindre que celui des Pays-Bas. Au total, un indice combiné
de victimation couvrant onze types dʼinfraction plaçait les États-Unis de 1995 en
septième position (avec 24,2  % des habitants ayant subi une ou plusieurs
atteintes durant lʼannée passée), nettement en retrait de la Hollande (31,5 %) et
de lʼAngleterre (30,9  %), mais aussi derrière la Suisse, le Canada et la France
(cinquième avec 25,3 %) 11. Les pays les moins « criminogènes » étaient, et avec
une belle avance, lʼIrlande (16,9 %) et lʼAutriche (18,9 %). Pourtant, cʼest à New
York, et non pas à Dublin ou à Vienne, que les politiciens et les nouveaux
experts en criminalité de toute lʼEurope se sont rués en quête du Graal
sécuritaire…
Seul leur taux dʼhomicides pharamineux distingue les États-Unis des pays
dʼEurope occidentale : avec dix meurtres pour 100 000 habitants au début de la
décennie passée et six pour 100  000 en 2002, ce taux demeure cinq fois
supérieur à ceux de la France, de lʼAllemagne ou de lʼAngleterre. Cʼest pour cela
que les juristes Franklin Zimring et Gordon Hawkins ont intitulé leur ouvrage
canonique sur la question criminelle outre-Atlantique Crime is Not the Problem :
Lethal Violence in America 12  : lʼAmérique a un problème tout à fait spécifique
de violence mortelle par armes à feu, fortement concentrée dans les ghettos
urbains, liée dʼune part à la libre possession et circulation de quelque 200
millions de fusils et pistolets (4 millions dʼAméricains en portent un sur eux au
quotidien et la moitié des ménages en détiennent chez eux) et, de lʼautre, à la
faiblesse de lʼÉtat social, la ségrégation raciale rigide et lʼenracinement profond
de lʼéconomie illégale de la rue dans les quartiers déshérités des métropoles 13.
Si lʼAmérique nʼest pas la société « supercriminelle » que lʼon croit dʼordinaire, la
pente de la criminalité violente en France et plus largement en Europe ne les
rapproche pas non plus du patron étasunien dominé par la violence létale. De
fait, le taux dʼhomicide et tentatives dʼhomicides dans lʼHexagone a chuté dʼun
cinquième durant la dernière décennie, passant de 4,5 pour 100 000 habitants
en 1990 à 3,6 en 2000. Les coups et blessures volontaires ont certes augmenté
notablement ces dernières années mais, loin de frapper « tous et partout », les
violences contre les personnes sont rares (elles concernent environ 2  % de la
population sur une année)  ; elles restent très concentrées au sein de la
population jeune dʼorigine ouvrière résidant dans la périphérie urbaine ; et elles
sont généralement bénignes  : les «  agressions  » signalées aux autorités sont
exclusivement verbales dans la moitié des cas et elles nʼimpliquent de blessure
que dans un incident sur quatre (et elles nʼoccasionnent dʼhospitalisation ou
dʼarrêt de travail que dans un cas sur vingt). Quant aux cambriolages et aux vols
dans et de véhicules, nettement plus fréquents que les violences contre les
personnes, ils diminuent régulièrement depuis 1993 14.
Ces tendances livrées par la statistique officielle française sontVIconfirmées
L’incidencepar
lʼenquête de lʼInternational Crime Victimisation Survey : entre 1996 et 2000,ausoit
se mesure
durant la période même où le discours catastrophiste sur lʼ« explosion »
nombre total de la
de
criminalité sʼenflait jusquʼà saturer les champs politique victimationset médiatique,
lʼincidence cumulée de victimations pour dix catégories dʼinfractions a baissé
déclarées pourde
43 atteintes pour 100 habitants à 34 pour 100, soit une diminution dʼun quart;
100 habitants
supérieure à la chute de la criminalité enregistrée par les États-Unis (desupé
elle est 47 % à
40 %)VI 15. Ce recul sʼobserve pour tous les types dʼatteintes à(...) lʼexception des
coups et blessures et des vols avec menace, dont on a déjà relevé quʼils sont
typiquement plus bénins que cette désignation ne le suggère, outre le fait quʼils
sont relativement rares (lʼincidence du vandalisme automobile est six fois plus
forte que celle des vols avec menaces, soit 1,8 cas pour 100 habitants). Cʼest
ainsi quʼen lʼan 2000, avec 34 atteintes pour 100 habitants, la France affichait un
taux de victimation criminelle globale proche de ceux du Danemark (35 %) et de
la Belgique (33 %), qui la plaçait derrière les États-Unis et le Canada (39 %) et loin
à la traîne de la Hollande (48 %) et de lʼAngleterre (54 %).
Affirmer, donc, que lʼAmérique était « supercriminelle » mais quʼelle ne lʼest plus
VII La
depuis lʼavènement de la « tolérance zéro » alors que la France ledéclaration
devient (sous-
entendu  : parce quʼelle nʼa pas su importer dʼurgence cette mesure) d’Alainne relève
Bauer –
pas de la thèse criminologique mais de la foutaise idéologique« VII 16.pouvons
Nous Ce qui
nʼempêche pas Alain Bauer, son auteur, de donner des leçonssans
confirmer, de
«  méthodologie  » aux autorités qui le consultent avec déférence (ainsisérieux
risque lors de
son audition par une commission dʼinformation du Sénat le 28 mars d’être2000) ; de
contredit,
jouir dʼune réputation de «  criminologue  » rigoureux (sans rire) auprès des
que (...)
journalistes dits de référenceVIII  ; et dʼêtre aujourdʼhui président du Conseil
VIII Dans sa
dʼorientation de lʼObservatoire national de la délinquance. chronique
consacrée à
Cʼest la police qui a fait fondre la criminalité l’émission

Un récent rapport du Manhattan Institute, grand promoteur du«IX« Mots croisés »


nettoyage
C’est cet de
classe » des rues et centre névralgique de la campagne mondiale(sur France 2),
de pénalisation
institut
où le PDG de la
de la misèreIX 17, lʼaffirme avec emphase : la baisse continue de la statistique
néoconservateur,
firme de (...)
criminelle aux États-Unis au cours des dix dernières années serait due par
fondé à lʼaction
le
énergique et novatrice des forces de lʼordre, après que celles-ci mentor
eurent été de enfin
libérées des tabous idéologiques et des carcans juridiques quiMargaret
les enserraient
jusquʼalors, et dont le paradigme est offert par le spectaculaire retournement
Thatcher, qui de a
situation opéré à New York par le maire républicain Rudolph canonisé
Giuliani sous
la th la
houlette de ses maîtres-policiers William Bratton et William Safir(...)
18. Mais voilà :
là encore, les faits sont plus têtus que lʼidéologie et toutes les études
scientifiques convergent pour conclure que la police nʼa pas joué le rôle moteur
et majeur que les partisans de la gestion pénale de lʼinsécurité sociale lui
accordent par petitio principii, loin sʼen faut.
Première preuve, la baisse de la violence criminelle à New York sʼest déclarée
trois ans avant lʼaccession au pouvoir de Giuliani fin 1993 et elle a continué sur
la même pente après son installation à la mairie. Mieux  : le taux dʼhomicide
commis sans arme à feu dans cette ville diminue lentement mais régulièrement 
depuis 1979  ; seuls les homicides par balles ont fortement chuté depuis 1990,
après sʼêtre envolés entre 1985 et 1990 en raison de la diffusion du commerce
du crack ; et aucune de ces deux courbes ne marque dʼinflexion particulière sous
Giuliani 19. Deuxième preuve, le reflux de la criminalité violente est tout aussi
net dans les villes qui nʼappliquent pas la politique new-yorkaise de « tolérance
zéro  », y compris dans celles qui ont opté pour une approche diamétralement
opposée comme Boston, San Francisco ou San Diego – où la police dite «  de
résolution de problèmes  » sʼemploie à établir des rapports suivis avec les
habitants de sorte à prévenir les atteintes plutôt quʼà les traiter ex post par la
répression pénale à outrance 20. À San Francisco, une politique systématique de
« détournement » des jeunes délinquants vers des programmes de formation, de
conseil et de traitement social et médical a permis de dégonfler le nombre des
entrées en maison dʼarrêt de plus de moitié tout en réduisant la criminalité
violente de 33 % entre 1995 et 1999 (contre 26 % à New York, où le volume des
admis en détention a augmenté dʼun tiers dans lʼintervalle). Troisième preuve,
New York avait déjà mis en œuvre en 1984-1987 une politique de maintien de
lʼordre tatillonne et agressive similaire à celle déployée après 1993, sous le nom
«  Operation Pressure Point  », qui sʼétait accompagnée… dʼune augmentation
prononcée des violences criminelles et notamment des homicides 21. Dʼoù il
ressort que, contrairement aux affirmations des promoteurs et importateurs du
«  modèle Bratton  », la stratégie policière adoptée par New York durant la
décennie 1990 nʼest ni nécessaire ni suffisante pour expliquer la chute de la
criminalité dans cette ville.
La comparaison avec le Canada, pays voisin doté dʼune structure économique,
démographique et politique proche, et dont le niveau global de criminalité est
pratiquement identique (à lʼexception de lʼincidence des meurtres, qui est trois
fois moindre), confirme sʼil en était besoin cette proposition. En effet, à quelques
rares exceptions près, toutes les régions du Canada ont affiché une nette baisse
des homicides, vols qualifiés et cambriolages entre 1991 et 2001, de même
amplitude que celle observée aux États-Unis, alors même que lʼactivité des
forces de lʼordre, les dépenses judiciaires et le recours à lʼemprisonnement y
sont restés inchangés. Mieux, en raison de restrictions fiscales, le taux
dʼencadrement policier au Canada a baissé de 9 % et le taux dʼincarcération de
7 %, contre une hausse de 10 % et de 47 % respectivement aux États-Unis durant
cette période. «  Une telle similitude des tendances pour différentes formes de
crimes, pour différentes régions dʼun même pays et pour deux pays différents
favorise le recours à des explications générales pour rendre compte des
baisses  » et pointe vers deux forces exogènes qui gouvernent ce remarquable
parallélisme entre États-Unis et le Canada : la baisse dʼun cinquième du nombre
des effectifs des 20 à 34 ans de part et dʼautre de leur frontière commune et la
forte décrue du chômage dans les deux pays, qui a notamment permis aux
jeunes dépourvus de qualifications de trouver un emploi et les a ainsi incités à se
retirer de lʼéconomie criminelle 22. 
De fait, six facteurs, tous indépendants de lʼactivité de la police et de la justice,
se sont combinés pour réduire fortement lʼincidence des atteintes violentes dans
les métropoles des États-Unis. Dʼabord, la croissance économique florissante,
sans précédent dans lʼhistoire nationale par son ampleur et sa durée, a
effectivement donné du travail et apporté des revenus à des millions de jeunes
jusque-là condamnés à lʼinactivité ou au « business » illégal, y compris dans les
ghettos et barrios où le chômage a reculé 23. Mais le boom nʼa pas pour autant
entamé la misère endémique dans les quartiers ségrégués des grandes villes
américaines puisque la majorité de ces emplois restent précaires et sous-payés :
ainsi le taux officiel de pauvreté de New York est-il resté inchangé à 20 % durant
toute la décennie 1990. En fait, ce sont surtout les jeunes hispanophones qui ont
directement bénéficié de lʼamélioration du marché du travail déqualifié. Pour les
Noirs, le climat dʼeuphorie économique a agi de manière médiate, en élevant
leurs espérances de mobilité à terme et en encourageant un volant croissant
dʼadolescents à poursuivre un cursus post-secondaire, ce qui a fortement réduit
leur probabilité dʼêtre mêlés à la criminalité de rue violente, soit comme victime
soit comme auteur 24. Nonobstant la persistance du sous-emploi et le niveau
extrêmement bas des salaires dans les nouveaux secteurs des services, lʼimpact
direct et indirect de la baisse rapide du chômage explique 30 % de la décrue de
la criminalité au niveau national 25.
Deuxième facteur, la double transformation de lʼéconomie de la drogue. Dʼabord
le commerce de masse du crack dans les quartiers déshérités sʼest structuré et
stabilisé, si bien que le recours à la violence comme instrument de régulation de
la compétition entre gangs rivaux a brusquement reculé 26. À la fin des années
1980, ce commerce connaissait une croissance explosive et, les barrières à
lʼentrée étant virtuellement inexistantes, de nouveaux entrepreneurs, souvent
jeunes et autonomes, apparaissaient sans cesse pour se livrer à des guerres de
territoire meurtrières  : en 1991, 670 des 2  161 homicides enregistrés à New
York étaient liés au trafic de stupéfiants. Une décennie plus tard, la demande
sʼest calmée et le secteur sʼest «  oligopolisé  », de sorte que le nombre de
revendeurs a baissé et que leurs relations sont moins conflictuelles, ce qui sʼest
traduit par un effondrement du nombre des homicides liés à la drogue – il passe
sous la barre des 100 en 1998 – puisque la majeure partie de cette violence
criminelle de rue est une violence entre criminels 27. Ensuite le crack a perdu les
faveurs des consommateurs qui sont retournés vers dʼautres stupéfiants, tels
que la marijuana (consommée sous forme de cigare appelé «  blunt »), lʼhéroïne
et les métamphétamines, dont le commerce génère moins dʼexactions parce quʼil
est le fait de revendeurs au détail opérant au sein de réseaux
dʼinterconnaissance plutôt que par le biais dʼéchanges anonymes dans des lieux
publics 28.
Ensuite, les effectifs des classes jeunes (de 18 à 24 ans notamment) X « Cette se sont
amenuisés, ce qui sʼest traduit quasi mécaniquement par une baisse dedela
expérience
criminalité de rue puisque ce sont ces tranches dʼâges qui sont, partout et
multiculturalisme
toujours, les plus enclines aux infractions violentes  ; largement cette évolution
démographique rend compte à elle seule du dixième au moins de la baissequi
imprévue, des
atteintes contre les personnes sur la période considérée 29. Àconsistequoi sʼajoute,
à faire
dans le cas de New York, la statistique macabre des candidats auvivrecrimeensemble
mis hors
dʼétat de nuire par la pandémie du sida parmi les héroïnomanesde(19 000(...) décès
enregistrés entre 1987 et 1997), les morts par overdose de stupéfiants (14 000),
les bandits tués par leurs confrères (4  150) et mis derrière les barreaux ou
expulsés hors du pays (5  250), soit un effectif cumulé de quelque 43  000
« fauteurs de troubles » éliminés en une décennie, égal au nombre de prisonniers
issus de la ville envoyés purger chaque année leur peine dans les pénitenciers du
nord de lʼÉtat 30. Lʼeffet récessif de la décrue des populations jeune et criminelle
a été de surcroît redoublé par la forte recrudescence de lʼimmigration, et
particulièrement dʼune immigration plus féminine provenant de pays tels que la
Dominique, la Chine et la Russie. Les ressortissants de ces pays arrivés à New
York durant la décennie 1990 disposaient de « niches ethniques » qui ont facilité
leur insertion dans lʼéconomie locale de sorte quʼils ont, par leur activité
commerçante et leur consommation, revigoré les zones en déclin en lisière des
grands ghettos noirs, permettant à leurs habitants de « reconquérir les espaces
publics et de dissuader lʼactivité criminelle en plein airX 31 ».
Mais les causes économiques et démographiques ne sont pas seules à agir et il
faut faire place, parmi les forces qui ont amputé le crime aux États-Unis, à un
effet dʼapprentissage, surnommé «  syndrome du petit frère  » par les
criminologues, en vertu duquel les nouvelles générations de jeunes nés après
1975-1980 se sont éloignées des drogues dures et du style de vie dangereux qui
leur est associé par refus de succomber au destin macabre quʼils avaient vu
frapper leurs grands frères, cousins et amis tombés au front de la « guerre des
rues  » de la fin des années 1980  : toxicomanie incontrôlable, réclusion
criminelle, mort violente et prématurée 32. En témoignent les «  trêves  » et
« traités de paix » signés par les gangs qui contrôlent les territoires de relégation
de Los Angeles, Chicago, Detroit et Boston au début de la décennie 1990 et qui
ont fortement réduit le nombre dʼhomicides dʼhommes jeunes et pauvres. De
leur côté, les organisations sises au sein des zones de relégation des villes
étasuniennes – églises, écoles, associations diverses, clubs de quartier, collectifs
de mères dʼenfants victimes de tueries de rue tels que MAD (Mothers Against
Drugs) à Chicago et Mothers ROC (Mothers Reclaiming Our Children) à Los
Angeles 33 – se sont mobilisées et ont activé, partout où elles le pouvaient
encore, leur capacité de contrôle social informel. Leurs campagnes de
sensibilisation et de prévention, telle lʼopération « Take Back Our Community »
organisée par le Grand Council of Guardians, lʼassociation des policiers de
couleur de New York, ont accompagné et renforcé le mouvement de retrait des
jeunes de lʼéconomie de prédation de la rue. Soulignons dʼailleurs, avec Benjamin
Bowling, que les initiatives collectives des habitants des quartiers pauvres sont,
avec lʼamélioration de lʼéconomie, totalement occultées dans le discours 
dominant sur la chute de la criminalité aux États-Unis et quʼelles ont même été
dénigrées avec virulence par Rudolph Giuliani et William Bratton 34.
Enfin, les taux de violence criminelle affichés par les États-Unis à lʼentame de la
décennie 1990 étaient anormalement élevés et ils avaient donc toutes chances
de sʼorienter à la baisse en vertu de la loi statistique de la régression vers la
moyenne, si tant est que la combinaison des facteurs qui lʼavait fait bondir hors
de norme (tel lʼessor initial du trafic du crack) ne pouvait perdurer. Lʼhistorien
Eric Monkkonen a ainsi montré, en la replaçant dans la longue durée du XXe
siècle, combien la période 1975-1990 était atypique des tendances lourdes de la
criminalité violente à New York : entre 1900 et 1960, le taux dʼhomicide de la
capitale symbolique de lʼAmérique était inférieur à la moyenne nationale ; il est
sorti de ce créneau après les émeutes raciales des années 1960 pour sʼétablir au
triple du taux national du fait du développement foudroyant de lʼéconomie de la
drogue régulée par les affrontements armés  ; la décrue rapide de la décennie
1990 nʼa fait que le ramener dans la moyenne nationale, au niveau où il se situait
un quart de siècle plus tôt 35.
La conjonction de ces six facteurs suffit amplement à expliquer la décrue de la
criminalité violente aux États-Unis. Mais le temps long et lent de lʼanalyse
scientifique nʼest pas celui, rapide et saccadé, de la politique et des médias, et la
machine à propagande de Giuliani a su mettre à profit le retard inévitable de
lʼinvestigation criminologique pour combler le vide dʼexplication par son
discours préfabriqué sur lʼefficience de la répression policière, exhumée comme
seul remède à lʼincurie congénitale des classes dangereuses. Discours séduisant
puisque, charpenté par le trope de la «  responsabilité  », il fait écho à la
thématique individualiste et utilitariste charriée par lʼidéologie néolibérale
aujourdʼhui hégémonique des deux côtés de lʼAtlantique. Mais admettons, pour
les besoins de la démonstration, que la police ait effectivement eu un impact
notable sur la criminalité à New York. Toute la question reste alors de savoir
comment elle aurait produit ce résultat.
Derrière la "tolérance zéro", la réorganisation bureaucratique
Selon la mythologie planétaire diffusée par les think tanks néolibéraux et leurs
XI Déclaration
relais dans les champs médiatique et politique, la police new-yorkaise
extraite deaurait
terrassé lʼhydre criminelle en appliquant une politique bien particulière,
Turnaround appelée
(Le
«  tolérance zéro  », qui sʼattache à poursuivre sans relâche niVirage),faille les plus
petites infractions sur la voie publique. Ainsi, depuis 1993, touteautobiographie
personne prise
en train de mendier ou de divaguer en ville, de jouer son auto-radiodanstrop fort, de
laquelle
salir ou graffiter la voie publique ou encore dʼenfreindre un Bratton vulgairedresse
arrêté
municipal est censée être automatiquement arrêtée et dépêchée derechef
l’élog (...)
derrière les barreaux  : «  Finis les simples contrôles au commissariat. Si vous
urinez dans la rue, vous irez en détention. Nous sommes décidés à réparer les
“vitres brisées” [cʼest-à-dire sanctionner les moindres marques extérieures de
désordre] et à empêcher quiconque de les briser à nouveau.  » Cette stratégie, 
affirme son chef William Bratton, «  marche en Amérique  » et marcherait tout
aussi bien « dans nʼimporte quelle ville au monde »XI 36.
En fait, le slogan policier de la « tolérance zéro » – qui a fait leXII
tourDurant
du monde
son
alors que, paradoxe, il nʼest plus guère employé aux États-Unis second en mandat,
matière
policière, où même les politiciens conservateurs le jugent offensant :
RudolphainsiGiuliani
à New
York, on utilise lʼexpression plus polie de police de « qualité deavie » – est une
par exemple
notion-écran qui cache, par le fait même de les amalgamer, plusieurs
alloué 80
transformations concourantes mais bien distinctes du maintien de delʼordre
millions
public 37. La police de New York a en effet mené de frontdollars (1) uneau vaste
restructuration bureaucratique via la décentralisation programm des services,
(...)
lʼaplatissement des niveaux hiérarchiques, le rajeunissement des cadres grâce au
licenciement sec de trois hauts gradés sur quatre, et la responsabilisation directe
des commissaires de quartier, dont la rémunération et lʼavancement dépendent
pour partie des «  chiffres  » quʼils produisent en matière de criminalité
enregistrée (dʼoù une forte pression à la manipulation des statistiques, par
exemple en multipliant les arrestations bidons)  ; (2) une expansion
pharamineuse de ses moyens : les effectifs en uniforme ont bondi de 27 000 en
1993 à quelque 41 000 en 2001, soit moitié autant de policiers que la France
entière pour seulement huit millions dʼhabitants ! Cette croissance du personnel
nʼa été possible quʼau prix dʼun gonflement de 50 % en cinq ans du budget de la
police, qui atteint 3 milliards de dollars en 2000 (alors que dans le même temps
le budget des services sociaux de la ville a été amputé de 30  % 38)XII  ; (3) le
déploiement de nouvelles technologies informatiques, dont le fameux dispositif
Compstat (sigle dʼapparence savante mais qui veut tout bêtement dire
« computer statistics »), système dʼinformation électronique permettant de suivre
en temps réel pour chaque zone lʼévolution des atteintes afin de redéployer « à
flux tendu » les effectifs policiers dans les secteurs touchés ; -4) une révision des
objectifs et des procédures de lʼensemble des services selon les schémas des
cabinets de conseil en « ingénierie dʼentreprise » et la mise en place dʼactions
ciblées, contre le port dʼarmes, le trafic de stupéfiants dans les lieux publics, la
violence conjugale, les infractions au code de la route, etc.
Au total, une bureaucratie réputée poltronne, poussive et passive, XIIInotoirement
À partir
corrompue et qui avait pris pour pli dʼattendre que les victimes d’un du crime
viennent déposer plainte pour se contenter ensuite grossodépouillement
modo de les
enregistrer, avec le souci constant de faire le moins de vaguesstatistique
médiatiques fin et
judiciaires possibles, sʼest muée en véritable «  firme  » de «  sécurité  » zélée,
des données
dotée de moyens humains et matériels colossaux et forte officielles,dʼune attitude
offensive. Dont actes. Mais si cette mutation bureaucratique aKarmen eu un trouve
impact
notable sur la criminalité – et personne jusquʼici nʼest par parvenu
exemple à le
démontrerXIII 39 – cet impact nʼest en rien dû à la tactique de police
que adoptée.
(...)

De la "vitre brisée" aux "couilles brisées" 


Le dernier mythe sécuritaire planétaire venu dʼAmérique nʼestXIVpasCelequimoins
ne
cocasse. Cʼest lʼidée selon laquelle la politique de «  tolérance zéro  »
l’a pas empêché
supposément responsable du succès policier de New York sʼappuierait sur une
d’être publié en
théorie criminologique scientifiquement validée, la fameuse « théorie de la vitre
traduction
brisée » (broken-windows theory, également traduite « fenêtre cassée »).
françaiseCelle-ci
en
postule que la répression immédiate et sévère des moindres1999 infractions
dans la et
désagréments sur la voie publique enraye le déclenchementrevue desofficielle
grandes
atteintes criminelles en y (r)établissant un sain climat dʼordre d– (...)
autrement dit
quʼarrêter les voleurs dʼœufs permet de freiner, voire de stopper net, les
potentiels tueurs de bœufs en réaffirmant la norme et en dramatisant le respect
de la loi. Or cette soi-disant théorie nʼest rien moins que scientifique puisquʼelle
a été formulée il y a vingt ans par le politologue ultra-conservateur James Q.
Wilson et son acolyte George Kelling (ancien chef de la police de Kansas City
reconverti depuis comme « Senior fellow  » au Manhattan Institute) sous la forme
dʼun court texte de neuf pages publié, non pas dans une revue de criminologie
soumise à lʼévaluation de chercheurs compétents, mais dans lʼhebdomadaire
culturel à gros tirage Atlantic Monthly 40 (sorte de croisement entre LʼExpress et
MarianneXIV). Et quʼelle nʼa depuis jamais reçu le moindre début de preuve
empirique.
Ses partisans citent toujours en renfort de la « théorie de la vitre brisée » le livre
du politologue de Chicago Wesley Skogan, Disorder and Decline, publié en 1990,
qui traque les causes et évalue les remèdes aux dislocations sociales et
écologiques à partir dʼune batterie dʼenquêtes dans 40 quartiers de six villes
étasuniennes. Mais cet ouvrage démontre que cʼest la pauvreté et la ségrégation
raciale, et non pas le climat de « désordre urbain », qui sont les déterminants les
plus puissants du taux de criminalité en ville. De plus, ses conclusions
statistiques ont été depuis invalidées en raison de lʼaccumulation des erreurs de
mesure et des données manquantes  ; et son auteur lui-même accorde à la
fameuse «  vitre brisée  » le statut de simple «  métaphore 41 ». En fait, aucune
enquête conçue pour vérifier lʼeffet de cliquet (ou de taquet) postulé par ladite
théorie, selon lequel la suppression des petites infractions limiterait lʼincidence
des grandes, telles que lʼétude dʼAlbert Reiss sur Oakland en Californie et celle
de Lawrence Sherman sur Washington, la capitale fédérale, nʼest jamais parvenue
à le mettre en évidence. Lʼanalyse comparative des données systématiques
collationnées dans 196 districts de Chicago à partir dʼentretiens et de
vidéographie au quotidien a même établi conclusivement quʼil nʼexiste aucune
relation statistique entre les indices visibles de « désordre » dans un quartier et
son taux de criminalité (à lʼexception possible et partielle du cambriolage 42).
En fin de compte, argue le juriste Bernard Harcourt au termeXVdʼun examen
Gageons
méticuleux de la question 43, si la police de New York a contribuéque à faire
les baisser
la criminalité, ce nʼest pas en rétablissant la civilité et en communiquant
« spécialistesun »
message de refus de lʼimpunité mais par le simple fait dʼavoir accrude massivement
l’Institut des
lʼintensité de la surveillance quʼelle exerce  : la ville de Giuliani comptait
hautes études
38
agents pour 100 000 habitants en 1990 contre le double dix ans de laplus tard, et
sécurité
leur action a été fortement ciblée sur les populations etintérieure, les quartiers
qui
déshéritésXV. Bref, cʼest lʼaccentuation et la concentration deonla(...) répression
policière et pénale, et non le mécanisme moral de restauration de la norme
postulé par la soi-disant théorie de Wilson et Kelling, qui rendrait compte de
lʼefficacité policière dans le cas (une fois encore hypothétique) où elle aurait joué
un rôle.
Mais il y a plus drôle encore : lʼadoption du harcèlement policier permanent des
pauvres dans lʼespace public par la ville de New York nʼa, de lʼaveu même de ses
inventeurs, aucun lien avec une quelconque théorie criminologique. La fameuse
«  vitre brisée  » nʼa en effet été découverte et invoquée par les officiels new-
yorkais quʼa posteriori, afin dʼhabiller dʼatours rationnels des mesures populaires
auprès de lʼélectorat (majoritairement blanc et bourgeois) mais foncièrement
discriminatoires dans leur principe comme dans leur application, et donner un
tour novateur à ce qui nʼest quʼun retour à une vieille recette policière
périodiquement remise à lʼœuvre et au goût du jour. Jack Maple, le « génie de la
lutte contre le crime 44 » et bras droit de Bratton qui fut lʼinitiateur du « quality-
of-life policing » dans le métro avant de lʼétendre à la rue, le dit clairement dans
son autobiographie parue en 1999 sous le titre Crime Fighter : « La “théorie de la
vitre brisée” (Broken Windows Theory) nʼest quʼune extension de ce que nous
avions lʼhabitude dʼappeler la “théorie du brise-couilles” (Breaking Balls
Theory)  », issue de la sagesse policière ordinaire, qui stipule que si les flics
poursuivent avec insistance un malfrat notoire pour des pécadilles, il finira, de
guerre lasse, par quitter le quartier pour aller commettre ses méfaits ailleurs de
sorte que la criminalité y diminuera. Lʼinnovation de Maple consiste à avoir
« modernisé » cette notion en « brise-couilles de luxe » (« Breaking Balls Plus »),
pour reprendre son expression, en couplant les contrôles dʼidentité à des
banques de données judiciaires de sorte à arrêter un maximum de brigands
recherchés pour dʼautres affaires ou déjà sous main de justice, en liberté
surveillée ou en libération conditionnelle 45.
Le maître dʼœuvre de la politique policière de Giuliani se gausse XVI ouvertement de
« Les unités
ceux qui croient en lʼexistence dʼ« un lien mystique entre les incidents
chargées mineurs
de
relevant du désordre et les atteintes criminelles plus graves  ».poursuivre
Lʼidée quelesla
police pourrait faire baisser la criminalité violente en sʼattaquantatteintes
aux incivilités
à la
lui semble carrément « pathétique » et il donne une foule dʼexemples contraires
“qualité de vie”
à cette idée saugrenue tirés de son expérience professionnelle àdoivent New York
êtreet à
New Orleans. Il compare même le maire qui adopterait uneenvoyées telle tactique
là o
policière à un médecin qui « ferait un lifting à un cancéreux » ou(...) à un chasseur
sous-marin qui attraperait des « dauphins plutôt que des requins ». Et, pour quʼil
nʼy ait pas dʼambiguïté, Maple martelle : « La “police de qualité de vie” nʼest pas
la “tolérance zéro”.  » Bien au contraire, puis-quʼelle implique précisément  de
cibler lʼaction policière sur les catégories présumées criminogènes, sous peine
de gaspiller ses ressources en temps et en personnels de maintien de
lʼordreXVI 46.
Lʼarchitecte de la "tolérance zéro" rejette la "théorie de la vitre brisée"
« [Suite à nombre] de reportages faisant état d’une chute dramatique
XVII Lesde la
criminalité violente à New York, beaucoup ont crédité la notion «desqueegee
la “vitre
brisée” selon laquelle les malfrats auraient soudain redécouvertmen
le droit
» sont des
chemin parce qu’ils humaient les embruns de la civilité. Ce n’est
sans-abri
pas commequi
ça que cela marche. accostent les
Les violeurs et les tueurs ne mettent pas le cap sur une autre ville
automobilistes
quand ils
constatent que les graffitis disparaissent dans le métro. Le squeegee
aux feux pour
manXVII moyen ne se met pas à accepter des contrats pour buter leur propos (...)
quelqu’un
dès qu’il détecte une tolérance plus grande pour son activité. Faire la manche
ne se mue pas en homicide à volonté. […] La police de “qualité de vie” réduit
le crime parce qu’elle permet d’attraper les brigands quand les brigands sont
hors service, comme quand une armée attaque les avions de l’adversaire
alors qu’ils sont encore au sol 47. »
Jack Maple
Bras droit de Bratton et architecte de la « police de qualité de vie » à New
York
Jack Maple serait sans doute stupéfait de lire, dans la « Fiche n° 31 » rédigée par
les « experts » du très officiel Institut des hautes études de sécurité intérieure,
lʼorganisme de simili-recherche du ministère de lʼIntérieur chargé de mener des
études justifiant le virage sécuritaire du gouvernement de la gauche plurielle,
afin de guider les maires dans lʼétablissement des « Contrats locaux de sécurité »
dans les villes de France :
« Des recherches américaines ont montré que la prolifération des
incivilités n’est que le signe avant-coureur d’une montée généralisée
de la délinquance. Les premières conduites déviantes, si minimes
semblent-elles, pour peu qu’elles se généralisent, stigmatisent un
quartier, polarisent sur lui d’autres déviances, sont le signe de la fin
de la paix sociale auquotidien. La spirale du déclin s’amorce, la
violence s’installe, et avec elle toutes les formes de délinquances :
agressions, cambriolages, trafic de stupéfiants, etc. (cf. J. Wilson et T.
[sic] Kelling, “La théorie de la vitre cassée”).
C’est en se fondant sur les acquis de ces recherches que le chef de la
police de New York a mis en place une stratégie de lutte dite
“tolérance zéro” contre les fauteurs d’incivilités, qui semble avoir été
l’un des facteurs de la très forte réduction de la criminalité dans cette
ville 48. » 

On réprime difficilement la montée dʼun sentiment dʼincrédulité XVIII


devantLaune telle
France
déferlante de contre-vérités, pour ne pas dire dʼâneries atransatlantiques
aussi ses
caractérisées et devant la crédulité coupable dont elles témoignent. Car la
"escrologues"
tactique de harcèlement policier permanent des pauvres dans la rue engagée par
universitaires,
New York nʼest rien dʼautre que lʼapplication systématiquedont et pleinement
le plus
assumée des «  théories  » indigènes basées sur le bon sens pratique
actif est le des
policiers. Elle relève non pas de la criminologie mais de lʼ« escrologie »,
politologuecomme
dirait Jack Maple, qui affectionnait de se définir lui-même comme
Sébastia (...)un
«  crookologist  » (escrologue)XVIII. Mais, justement, ce bonXIXsens nʼa en
Les deux
lʼoccurrence pas grand sens. Une évaluation rigoureuse, par lescriminologues
deux meilleurs
spécialistes du pays, de lʼensemble des travaux scientifiques réalisés aux :États-
précisent
Unis lors des vingt dernières années visant à tester lʼefficience «deL’hypothèse
la police en
matière de lutte contre le crime conclut, sobrement, que ni laleplus nombre des
plausible
policiers lancés dans la bataille, ni les changements internes dʼorganisation
est que ceset de
culture des forces de lʼordre (tels que lʼintroduction de la police actions
communautaire
de la
ou dite de proximité), ni même les stratégies de ciblage des lieuxpolic
et des groupes
(...)
à forte propension criminelle (à lʼ«  exception possible et partielle  » des
programmes visant le trafic de rue de stupéfiants) nʼont par eux-mêmes
dʼimpact sur lʼévolution des infractionsXIX 49. Ironie finale, parmi toutes les
tactiques policières, les auteurs signalent le dispositif «  Compstat  » et la
« tolérance zéro » comme « les candidats les moins plausibles pour expliquer le
recul de la criminalité violente » en Amérique et concluent : « Sʼil y a bien une
chose qui est un mythe, cʼest lʼidée que la police exerce un effet substantiel,
diffus et indépendant des autres facteurs sur le taux de criminalité du pays. »
À la manière de poupées gigognes, ces quatre mythes savants venus dʼoutre-
Atlantique sʼemboîtent les uns dans les autres de sorte à former une sorte de
chaîne logique dʼapparence syllogistique permettant de justifier sans coup férir
lʼadoption dʼune politique agressive de « nettoyage de classe » des rues. Cette
politique est foncièrement discriminatoire en ceci quʼelle repose sur une
équivalence entre agir hors norme et être hors-la-loi et quʼelle vise des quartiers
et des populations soupçonnées par avance, si ce nʼest tenues pour coupables
par principe, de déficiences morales à défaut de déviances légales. Sʼil est vrai
que la société étasunienne, longtemps «  supercriminelle  », a été pacifiée par
lʼaction de la police alors même que les autres pays sont frappés de plein fouet
par une «  explosion  » de crimes, et que New York, capitale du nouvel ordre
policier étasunien, a terrassé la violence criminelle grâce à sa politique de
«  tolérance zéro  » qui elle-même sʼarticule conformément à une théorie
criminologique solide (la «  vitre brisée  »), alors comment ne pas sʼempresser
dʼimporter ces notions et de mettre en œuvre les dispositifs quʼelles semblent
fonder en raison ? En réalité les quatre pro-positions-clés de la nouvelle vulgate
sécuritaire made in USA sont dépourvues de toute validité scientifique et leur 
efficacité pratique relève dʼune croyance collective sans fondement dans la
réalité. Mais, mises bout à bout, elles font fonction de rampe de lancement
planétaire à une supercherie intellectuelle et une escroquerie politique qui, en
donnant une caution pseudo savante à lʼactivisme échevelé des services de
police, contribuent puissamment à légitimer le basculement vers la gestion
pénale de lʼinsécurité sociale que génère partout le désengagement économique
et social de lʼÉtat.

Notes
[I] Émission « Ça peut vous arriver », consacrée à « Lʼinsécurité », diffusée sur
TF1 le 13 février 2001 en début de soirée, durant laquelle lʼanimatrice assure
après chaque reportage ultra-violent que les crimes complaisamment remis en
scène menacent de frapper tous et partout.
[II] Selon Chesnais, le mythe historique sans cesse réactivé de la violence est « un
vieux monstre familier à trois têtes : la nouveauté, la continuité, lʼurbanité. Car la
violence, de tout temps, a été dite nouvelle, haussière et urbaine »
[III] À lʼété 1998, lʼAssociation des maires de France a dépéché Gilles de Robien
(UDF) et Jean-Marie Bockel (PS) en mission à New York afin dʼy observer les
vertus la « tolérance zéro ». En guise de publicité à son ouvrage État de violence,
compilation ignare de tous les poncifs ultra-sécuritaires du moment, Le Nouvel
Observateur du 8 novembre 2001 loue le sénateur PS Julien Dray comme « le
joker de Jospin » parce quʼil assume pleinement le virage répressif négocié par le
parti socialiste après 1997. Lʼhebdomadaire supposé progressiste note avec
approbation : « Connu comme un “agitateur” dʼidées, cʼest chez Giuliani, le très
répressif maire de New York, quʼil est allé prendre des leçons. »
[IV] Le titre de lʼarticle du Figaro du 18 juin 2001 vaut dʼêtre cité en entier : « Les
détonants résultats dʼune comparaison entre les statistiques criminelles du
ministère delʼIntérieur et celles du FBI : la France plus criminogène que les États-
Unis. » Détonants, en effet, puisque cette comparaison est dépourvue de validité
– ce que même Bauer reconnaît implicitement quand il concède que « le
dispositif statistique [utilisé] est aléatoire, relatif, partiel, parcellaire et partial » !
[IX] Cʼest cet institut néoconservateur, fondé par le mentor de Margaret Thatcher,
qui a canonisé la théorie dite de la « vitre brisée » et la police de « tolérance
zéro » puis impulsé leur exportation vers lʼEurope et lʼAmérique latine, après
avoir fait campagne (avec succès) pour le démantèlement des aides sociales dans
les années 1980.
[V] LʼInternational Crime Victimization Survey (dont Alain Bauer, comme les
experts gouvernementaux en la matière, semble ignorer jusquʼà lʼexistence) est
une enquête par questionnaire auprès des ménages conduite tous les quatre ans
environ depuis 1989 par des criminologues de lʼUniversité de Leiden sous lʼégide
du ministère de la Justice néerlandais et de lʼInterregional Criminological Justice
Research Institute des Nations unies (basé à Rome). Elle mesure et compare la
prévalence, lʼincidence et lʼévolution des taux de victimation criminelle dans une 
quinzaine de pays avancés.
[VI] Lʼincidence se mesure au nombre total de victimations déclarées pour 100
habitants ; elle est supérieure à la prévalence (pourcentage des habitants ayant
subi au moins une atteinte), puisquʼune même personne peut avoir été victime
de plusieurs crimes dans lʼannée
[VII] La déclaration dʼAlain Bauer – « Nous pouvons confirmer, sans risque
sérieux dʼêtre contredit, que la France vient de dépasser les États-Unis en niveau
de criminalité » – ferait rire si ce nʼétait que les balivernes sécuritaires du premier
vendeur privé de services en sécurité de France sont régulièrement reprises par
les médias et méprises pour des vérités criminologiques par les décideurs dʼÉtat
et les élus locaux, bernés par la profusion de chiffres qui donne une apparence
savante à son discours délirant. Le summum de la supercherie est atteint avec
son livre (co-signé avec Émile Perez, contrôleur général de la police nationale et
ancien secrétaire général du syndicat des commissaires), LʼAmérique, la violence,
le crime. Les réalités et les mythes, publié en 2000 par les Presses universitaires
de France (qui démontrent en passant quʼelles nʼont plus dʼ« universitaire » que
le nom) dans la collection au titre ronflant (mais dépourvu de sens) « Criminalité
internationale », et qui, sous lʼapparence dʼun tome savant, livre une compilation
imbécile des données officielles téléchargées à flux tendu à travers lʼAtlantique à
partir des sites Internet des administrations judiciaires américaines,
grossièrement enrobées des poncifs étasuniens les plus éculés – sur le Far West,
la ville, les émeutes raciales, la drogue, la police – qui semblent sortis tout droit
de films dʼHollywood de série B.
[VIII] Dans sa chronique consacrée à lʼémission « Mots croisés » (sur France 2),
où le PDG de la firme de produits sécuritaires venait de se produire, Dominique
Dhombres écrit : « Alain Bauer, le criminologue [sic], était une fois de plus précis
et instructif dans son approche volontairement dépassionnée et statistique du
phénomène. » (Le Monde, 23 octobre 2002)
[X] « Cette expérience de multiculturalisme largement imprévue, qui consiste à
faire vivre ensemble des gens de 121 nationalités, semble avoir fort bien marché,
au sens où elle a mis un frein à lʼescalade des taux de crime et quʼelle a même
contribué à retourner la vague. »
[XI] Déclaration extraite de Turnaround (Le Virage), autobiographie dans laquelle
Bratton dresse lʼéloge de sa propre vie avec lʼassistance dʼun journaliste
spécialisé dans les biographies à lʼeau de rose de vedettes du sport et de la
politique et pour laquelle il toucha une coquette avance de 375 000 dollars.
Après avoir été limogé à la va-vite par Rudolph Giuliani (qui jugeait la popularité
de son policier en chef excessive par rapport à la sienne), Bratton sʼest reconverti
en « consultant en sécurité urbaine » international pour mieux vendre son
expertise aux quatre coins de la planète où lʼappellent les politiciens soucieux de
marquer publiquement leur résolution à combattre la criminalité.
[XII] Durant son second mandat, Rudolph Giuliani a par exemple alloué 80
millions de dollars au programme dit « Opération Condor », qui permettait aux
policiers de la ville de travailler un sixième jour par semaine. Pendant ce temps,
les bibliothèques municipales réduisaient leurs heures dʼouverture et leurs
services en raison dʼune baisse de leur budget de 40 millions de dollars 
(équivalents à un sixième de leurs crédits).
[XIII] À partir dʼun dépouillement statistique fin des données officielles, Karmen
trouve par exemple que, contrairement aux prétentions des autorités de la ville,
les nouvelles tactiques policières mises en place sous Giuliani nʼont pas produit
de hausse des arrestations pour armes à feu ni des taux dʼélucidation des
crimes, pas plus que dʼamélioration des indices de lʼefficience préventive ou
répressive
[XIV] Ce qui ne lʼa pas empêché dʼêtre publié en traduction française en 1999
dans la revue officielle de lʼInstitut des hautes études de la sécurité intérieure.
[XIX] Les deux criminologues précisent : « Lʼhypothèse la plus plausible est que
ces actions de la police sont entrées en interaction avec dʼautres politiques de
justice criminelle (telle que lʼemprisonnement) et des forces sociales (comme le
vieillissement de la population ou le recul du commerce illégal de drogue au
détail). […] Ce type dʼinteraction est plus plausible que lʼidée selon laquelle les
changements de politique policière seraient le seul ou le plus important facteur
agissant dans la baisse de la criminalité violente. »
[XV] Gageons que les « spécialistes » de lʼInstitut des hautes études de la sécurité
intérieure, qui ont joué un rôle décisif dans la diffusion en France du mythe
savant de la « vitre brisée », vont sʼempresser de lire et de faire lire (voire de
publier en traduction) cette critique exhaustive et dévastatrice des malversations
théoriques et des perversions juridiques qui sous-tendent la doctrine et
lʼapplication de la « tolérance zéro » aux États-Unis.
[XVI] « Les unités chargées de poursuivre les atteintes à la “qualité de vie”
doivent être envoyées là où la cartographie [des statistiques des infractions
constatées] montre des concentrations de crimes et de criminels, et les règles
qui régissent les arrestations et les contrôles doivent être conçues de sorte à
attraper les requins et pas les dauphins. »
[XVII] Les « squeegee men » sont des sans-abri qui accostent les automobilistes
aux feux pour leur proposer de laver leur pare-brise contre menue monnaie ; ils
furent la première cible de la politique de répression policière de Giuliani (et
après lui de Tony Blair en Grande-Bretagne).
[XVIII] La France a aussi ses "escrologues" universitaires, dont le plus actif est le
politologue Sébastian Roché (que son éditeur présente comme "lʼun des experts
en matière dʼinsécurité les plus consultés par les municipalités comme par les
ministères"). Chiffres à lʼappui, Roché sʼévertue avec une énergie qui force
lʼadmiration à "étendre" à la France une théorie américaine qui a été invalidée
aux États-Unis, et les politiques qui lui sont associées, même sʼil propose de
passer par dʼautres canaux pour les mettre en œuvre — en lʼoccurrence dʼenrôler
les travailleurs sociaux dans la machine à lutter contre la délinquance parmi les
pauvres. Voir notamment son livre Tolérance zéro ? Incivilités et insécurité (Odile
Jacob, Paris 2002), dans lequel, confondant cause et corrélation, il soutient que
les "incivilités" mènent aux infractions — comme la pluie mènerait au beau
temps — et dont la parution fut accélérée afin de tomber juste entre les deux
tours de lʼélection présidentielle du printemps 2002, avec pour effet de jeter un
peu dʼhuile savante sur le feu sécuritaire.

Notes de fin
1 Loïc Wacquant, « The Penalisation of Poverty and the Rise of Neoliberalism »,
European Journal of Criminal Policy and Research, numéro spécial sur « Justice
criminelle et politiques sociales », hiver 2001, 9-4, p. 401-412 ; et le numéro de
Déviance et société, sur le thème « Désordres urbains : regards sociologiques »,
décembre 2000, 24-4.
2 Jean-Luc Le Toqueux et Jacques Moreau, « Les zones urbaines sensibles. Forte
progression du chômage entre 1990 et 1999 », INSEE Première, n° 334, octobre
2000.
3 Pour un récit saisissant des conditions de surexploitation routinière de la
main-dʼœuvre « flottante », lire Daniel Martinez, Carnets dʼun intérimaire,
Agone, Marseille, 2002 ; sur la répression patronale des tentatives de
mobilisation de cette main-dʼœuvre disqualifiée, jeune et souvent dʼorigine
immigrée récente, Abdel Mabrouki et Thomas Lebègue, Génération précaire, Le
Cherche-Midi, Paris,2004.
4 Sur les bases sociales et politiques du divorce croissant entre la gauche
gouvernementale et lʼélectorat populaire, lire Olivier Masclet, La Gauche et les
cités. Enquête sur un rendez-vous manqué, La Dispute, Paris, 2003.
5 Annie Collovald, Violence et délinquance dans la presse. Politisation dʼun
malaise social et technicisation de son traitement, Editions de la DIV, Paris, 2000,
et Serge Halimi, « Lʼ “insécurité” des médias », in Gilles Sainati et Laurent Bonelli
(dir.), La Machine à punir, LʼEsprit frappeur, Paris, 2001, p. 203-234.
6 Jean-Claude Chesnais, Histoire de la violence en Occident de 1800 à nos jours,
Pluriel, Paris, 1981, p. 431
7 Voir les deux numéros des Actes de la recherche en sciences sociales
consacrés à « Lʼexception américaine » (138 et 139, juin et septembre 2001).
8 Pierre Bourdieu, Ce que parler veut dire, Fayard, Paris,1982, p. 228.
9 Sur la montée de ces nouveaux spécialistes-conseil en sécurité, faux
chercheurs et vrais propagandistes et marchands, lire Pierre Rimbert, « Les
nouveaux managers de lʼinsécurité : production et circulation dʼun discours
sécuritaire », in La Machine à punir, op. cit., p. 161-202.
10 Ce point est souligné par Leena Kurki, « International Crime Survey: American
Rates About Average », Overcrowded Times, 1997, 8-5, p. 4-7, et Michael Tonry
et Richard S. Frase (dir.), Sentencing and Sanctions in Western Countries, Oxford
UP, New York, 2001, p. 12-14.
11 John van Kesteren, Pat Mayhew et Paul Nieuwbeerta, Criminal Victimisation in
Seventeen Industrialized Countries: Key Findings from the 2000 International
Crime Victims Survey, WODC, Ministère de la Justice, La Haye, 2000.
12 Franklin E. Zimring et Gordon Hawkins, Crime is Not the Problem: Lethal
Violence in America, Oxford UP, New York, 1997.
13 Douglas Massey, « Getting Away with Murder: Segregation and Violent Crime
in Urban America », University of Pennsylvania Law Review, mai 1995, 143-5,
p. 1203-1232; Lauren Krivo et Ruth D. Peterson, « Extremely Disadvantaged
Neighborhoods and Urban Crime », Social Forces, décembre 1996, 75-2, p. 619-
650; et Garen Wintenmute, « Guns and Gun Violence », in Alfred Blumstein et Joel
Wallman (dir.), The Crime Drop in America, Cambrige UP, 2000, Cambridge,
p. 45-96.
14 Laurent Mucchielli, Violences et insécurité. Fantasmes et réalités dans le
débat français, La Découverte, Paris, 2001, p. 67 et 61.
15 Van Kesteren, Mayhew et Nieuwbeerta, Criminal Victimisation in Seventeen
Industrialized Countries, op. cit., table 2, p. 180-181.
16 « La France plus criminogène que les États-Unis », Le Figaro, 18 juin 2001.
17 Loïc Wacquant, Les Prisons de la misère, Raisons dʼagir Éditions, 1999, p. 14-
22.
18 George L. Kelling et William H. Souza, Does Police Matter? An analysis of the
Impact of NYCʼs Police Reforms, Manhattan Institute, New York, Civic Report
n° 22, décembre 2001.
19 Jeffrey Fagan, Franklin Zimring et June Kim, « Declining Homicide in New York
City: A Tale of Two Trends », Journal of Criminal Law and Criminology, été 1998,
88-4, p. 12771324, et Alfred Blumstein et Richard Rosenfeld, « Explaining
Recent Trends in U.S. Homicide Rates », ibid., p. 1175-1216.
20 Judith A. Greene, « Zero Tolerance: A Case Study of Police Policies and
Practices in New York City », Crime and Delinquency, avril 1999, 45-2, p. 171-
187; Khaled Taqi-Eddin et Dan Macallair, Shattering « Broken Windows »: An
Analysis of San Franciscoʼs Liberal Crime Policies, Justice Policy Institute,
Washington, 1999; et Loïc Wacquant, « Mister Bratton à Buenos Aires: notes sur
lʼexportation de la “tolérance zéro” en Argentine », Archives de politique
criminelle, sous presse.
21 Benjamin Bowling, « The Rise and Fall of New York Murder: Zero Tolerance or
Crackʼs Decline? », British Journal of Criminology, automne 1999, 39-4, p. 531-
554; Robert Panzarella, « Bratton Reinvents “Harassment Model” of Policing »,
Law Enforcement News, 15-30 juin 1998, p. 13-15.
22 Marc Ouimet, « Oh, Canada ! La baisse de la criminalité au Canada et aux
États-Unis entre 1991 et 2002 », Champ pénal, 1-1, janvier 2004 (disponible sur
<http://champpenal.revues.org/document11.html
(http://champpenal.revues.org/document11.html)>).
23 Richard B. Freeman, « Does the Booming Economy Help Explain the Drop in
Crime? », in Perspectives on Crime and Justice: 1999-2000 Lectures Series,
Washington, U.S. Department of Justice, 2000.
24 Andrew Karmen, New York Murder Mystery: The True Story Behind the Crime
Crash of the 1990s, New York UP, New York, 2001, p. 209-213.
25 Jared Bernstein et Ellen Houston, Crime and Work: What We Can Learn from
the Low-Wage Labor Market, EPI Books, Washington, 2000.
26 On trouvera une description saisissante du fonctionnement quotidien du 
trafic du crack à East Harlem dans Philippe Bourgois, En quête de respect. Le
commerce du crack à New York, Seuil, Paris, (1994) 2001, et, du point de vue des
policiers, dans Robert Jackall, Wild Cowboys : Urban Marauders and the Forces of
Order, Harvard UP, Cambridge, 1997.
27 Bruce A. Jacobs, Robbing Drug Dealers: Violence Beyond the Law, Aldine de
Gruyter, New York, 2000.
28 Daniel Cork, « Examining Space-Time Interaction in City-Level Homicide Data:
Crack Markets and the Diffusion of Guns Among Youth », Journal of Quantative
Criminology, 15, 1999, p. 379-406; Benjamin Bowling, « The Rise and Fall of
New York Murder », art. cit. ; et Bruce D. Johnson, Andrew Golub et Eloise
Dunlap, « The Rise and Decline of Hard Drugs, Drug Markets, and Violence in
Inner-City New York », in Blumstein et Wallman, The Crime Drop in America, op.
cit., p. 164-206
29 James Alan Fox, « Demographics and U.S. Homicide », in Blumstein et
Wallman, The Crime Drop in America., op. cit., p. 288-317.
30 Karmen, New York Murder Mystery, op. cit. p. 242-243.
31 Ibid., p. 225.
32 Richard Curtis, « The Improbable Transformation of Inner-City
Neighborhoods: Crime, Violence, Drugs, and Youth in the 1990s », Journal of
Criminal Law and Criminology, 88-4, été 1998, p. 1233-1276; et Johnson, Golub
et Dunlap, « The Rise and Decline of Hard Drugs, Drug Markets, and Violence in
Inner-City New York », art. cit.
33 Mary Pattillo, « Sweet Mothers and Gangbangers: Managing Crime in a Black
Middle-Class Neighborhood », Social Forces, 76-3, mars 1998, p. 747-774, et
Ruth Wilson Gilmore, « You Have Dislodged a Boulder: Mothers and Prisoners in
the Post-Keynesian California Landscape », Transforming Anthropology, 8-1/2,
1999, p. 12-38.
34 Bowling, « The Rise and Fall of New York Murder », art. cit.
35 Eric Monkkonen Murder in New York City, University of California Press,
Berkeley, 2001.
36 William W. Bratton et Peter Knobler, Turnaround: How Americaʼs Top Cop
Reversed the Crime Epidemic, Random House, New York, 1998, p. 229 et 309.
37 E. B. Silverman et P.E. OʼConnell, « Organizational Change and Decision
Making in the New York City Police Department », International Journal of Public
Administration, 1998, 22-2, p. 217-259; et Karmen, New York Murder Mystery,
op. cit., chapitre 3.
38 Citizens Budget Commission, New York City and New York State Finances,
Fiscal Year 1999-2000, Five-Year Pocket Summary, CBC, New York, 2000.
39 Karmen, New York Murder Mystery, op. cit., p. 263-264.
40 James Q. Wilson et George Kelling, « Broken Windows: The Police and
Neighborhood Safety », Atlantic Monthly, mars 1982, p. 29-38.
41 Loïc Wacquant, « Désordre dans la ville », Actes de la recherche en sciences
sociales, septembre 1993, 99, p. 79-82 (analyse critique de Wesley Skogan, 
Disorder and Decline, New York, The Free Press, 1990); Bernard E. Harcourt,
« Reflecting on the Subject: A Critique of the Social Influence Conception of
Deterrence, the Broken Windows Theory, and Order-Maintenance Policing New-
York Style », Michigan Law Review, novembre 1998, 972, p. 291-389; Wesley G.
Skogan, recension du livre de George Kelling et Catherine M. Coles, Fixing
Broken Windows: Restoring Order and Reducing Crime in Our Communities
(1996), American Journal of Sociology, septembre 1997, 103-2, p. 510-512.
42 Albert J. Reiss Jr., Policing a Cityʼs Central District: The Oakland Story,
National Institute of Justice Research Report, Washington, avril 1985; Lawrence
Sherman, « Police Crackdowns: Initial and Residual Deterrence », Crime and
Justice: A Review of Research, 1990, 12, p. 1-48; Robert J. Sampson et Stephen
W. Raudenbush, « Systematic Social Observation of Public Spaces: A New Look at
Disorder in Urban Neighborhoods », American Journal of Sociology, novembre
1999, 105-3, p. 603-651.
43 Bernard Harcourt, Illusions of Order: The False Promise of Broken Windows
Policing, Harvard UP, Cambridge, 2001.
44 Selon le titre conféré par Rudolph Giuliani lors des funérailles officielles
données par la ville à Jack Maple, cf. « Master Crime Fighter Given Eulogy to
Match his Success », New York Times, 10 août 2001.
45 Jack Maple et Chris Mitchell, The Crime Fighter: How You Can Make your
Community Crime-Free, Broadway Books, New York, 1999, p. 152-153.
46 Ibid., p. 154.
47 Ibid., p. 154-155.
48 Institut des hautes études de la sécurité intérieure, Guide pratique pour les
contrats locaux de sécurité, La documentation française, Paris, 1997, p. 133-
134.
49 John E. Eck et Edward R. Maguire, « Have Changes in Policing Reduced Violent
Crime? » in Blumstein et Wallman, The Crime Drop in America., op. cit., p. 207-
265, resp. p. 245 et 248).
Réalisation : William Dodé (http://flibuste.net)

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