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Britannicus, Tirade Néron acte II, scène 2, analyse Faiza MARDHI.

Britannicus, pièce de théâtre classique, a été écrite en 1669 par Jean Racine (1639,
1699). Il y étale les maux de la cour de Néron, empereur controversé de l’histoire de Rome,
cour où l'amour et le pouvoir sont les ingrédients qui motivent les différents antagonistes.
Dans cet extrait de la deuxième scène du deuxième acte de cette pièce, Néron confie
à Narcisse son amour pour Junie.
Il est alors intéressant de voir de quelle manière Néron narre l’avènement de la belle
Junie afin de mieux cerner la nature des sentiments de celui-ci.
Pour commencer nous allons étudier comment est décrite l'apparition de Junie, puis
en quoi l'amour de Néron pour elle et controverse, excessif et irréfléchi..

Tout d’abord l’empereur, présenté dans les scènes précédentes comme étant cruel et
atroce, lâche, au biais d’un verbe conjugué au présent de l’indicatif, son aveu : « c’en est fait.
Néron est amoureux ». Aveu qui tombe tel un verdict après une délibération interne : «
j’aime ( que dis-je aimer ? ) j’idolâtre Junie. Il a l’air de ne pas croire lui-même ses propres
propos, tellement ils sont en contradiction totale avec sa personnalité. L’interrogation de
Narcisse : « vous ? », « vous l’aimez », marque sont étonnement qui va de pair avec celui du
spectateur, ici lecteur. C’est un fragment discursif très court, qui résume le climat général de
cette intrigue basée sur le pouvoir et l’amour comme mentionné plus haut. En effet, l’emploi
de la troisième personne du singulier pour annoncer son amour : « Néron est amoureux »
pourrait être interprété aussi bien comme un symbole de majesté qu’un signe de
schizophrénie.
Puis le rythme passe à une pause descriptive de l’arrivée de Junie lors d'une tirade
qui évoque une scène de terreur : elle est enlevée en pleine nuit par des gardes sans savoir
ou connaître la raison de son rapt. Les indices spatio-temporels : « cette nuit », « ces lieux»
ainsi que les déictiques, nous projettent dans l’ambiance de l’image décrite. Par ailleurs, la
violence de cette situation se traduit par le fait que Junie ait été arrachée de son lit. Néron
dresse à Narcisse le portrait d’une jeune fille apeurée, triste, terrifiée… Il usa par la même
occasion Des champs lexicaux de la tristesse et de la souffrance : « larmes », « triste », «
pleures », et du pléonasme : « ses yeux mouillés de larmes » pour décrire une princesse
effrayée, pieuse : « levant au ciel…». Ce portrait de Junie a été introduit par l’expression : «je
l’ai vue ». Une vue comblée par la douceur et la beauté de la jeune fille, mise en valeur par le
champ lexical: «belle», « beauté », « douceur », qui contraste avec la violence et la brutalité
de la situation : « farouche », « ravisseurs », « cris ». Cette opposition se reflète aussi sur le
jeu de rimes : « larmes»/ «armes», et « ravisseurs» / « douceurs ». Ainsi, nous pouvons
avancer que l’apparition de la belle Junie se fait dans un climat de terreur, et que la
princesse n’a pas de place dans ces lieux, comme le montre le contraste entre les termes se
rapportant à elle, et ceux se rapportant à la violence de la scène.
Nous nous demandons alors de quelle façon César réagit-il à cet avènement, et
comment est-il tombé sous le charme de Junie.

L’apparition de Junie, événement décrit par un champ lexical de la vue : « je l’ai vue
», « image », « mes yeux », « m’est apparue », n’est pas sans effet sur l'empereur comme en
témoigne son ébahissement face à la beauté de celle-ci. Il se dit « amoureux », mais nous
pouvons simplement remarquer que ses sentiments envers Junie ne sont pas le fruit d'un
échange. En effet il sont subis par la jeune fille, ce qui met en évidence la démesure du
personnage de Néron. Les termes qu’il utilise le trahissent et montre qu’il s’agit bien d’un «
désir curieux», bestiole, et d’une excitation pathologique, surtout quand elle côtoie une
admiration quasi-religieuse : « j’idolâtre Junie ». Il est aussi comme tétanisé ou hypnotisé
par Junie, comme le souligne les termes « immobile » et « étonnement ». Tout cela accentué
par un décalage entre se que veut faire Néron : « j'ai voulu lui parler », et ce que sont corps
fait : « ma voix s’est perdue » : Néron est troublé. Le souvenir de Junie le hante, l’obsède : «
occupé » , son image l’habite, il ne peut pas s’en défaire. Dans une description hyperbolique
« trop présente », Junie subit l’amour de Néron : pas une seule fois elle n’est le sujet d’une
phrase prononcée par l’empereur. Ce dernier n’utilisant que la première personne du
singulier : signe d’égoïsme et d’unilatéralité de ses sentiments.
En outre, les multiples antithèses dont regorge l’extrait : « flambeaux »/« ombres », «
cris »/« silence », « fiers ravisseurs »/« timides douceurs», « soupirs» / « menaces », font
ressortir un contraste visuel et sonore qui rime très bien avec le profil du cruel empereur «
amoureux ».

Finalement, nous pouvons constater que Racine, dans cet extrait, jette la lumière sur
les paradoxes dans la personnalité du tyran : un être tellement sadique qu’il savoure la
beauté d’une jeune fille torturée par l’angoisse, et qui admire la frayeur qu’il a provoqué
chez elle.
Son amour unilatérale envers Junie rappelle celui que Cœlio éprouve pour l’héroïne
dans « Les Caprices de Marianne » : Junie est l’objet passif de Néron comme Marianne l’est
pour Cœlio.

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