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H2-2 UNE NOUVELLE DONNE GEOPOLITIQUE :

BIPOLARISATION ET EMERGENCE DU TIERS MONDE (1953-1975)

Introduction : Dès la fin des années 40, l’utopie d’un monde de paix laisse la place à la peur d’une troisième guerre
mondiale opposant l’URSS aux États-Unis. Les tensions internationales sont très fortes et se trouvent renforcées par
l’explosion du mouvement de décolonisation qui embrase rapidement l’ensemble des empires coloniaux européens.
Ces deux mouvements de bipolarisation et de décolonisation s’entrechoquent et s’alimentent mutuellement pour
aboutir à une redistribution en profondeur des enjeux géopolitiques, rejetant l’Europe au second plan face à de
nouveaux espaces comme l’Asie et le Moyen Orient.

Problématique : Comment la bipolarisation issue de la guerre froide interfère avec la décolonisation et conduit
à l’émergence de nouveaux acteurs internationaux ?

I. La guerre froide, de la bipolarisation à la détente.


A. Un monde devenu bipolaire (1953-1962).
Une Europe coupée en deux : Le blocus de Berlin aboutit à la partition de l’Allemagne en deux pays : La RFA (Ouest)
et la RDA (Est). Sa capitale Berlin est elle aussi divisée en deux. En 1949, est créée l’Organisation du Traité de
l’Atlantique Nord (OTAN), alliance militaire regroupant l’Europe de l’Ouest, la Turquie, le Canada et les États-Unis qui
offrent leur protection aux Européens. En réponse, l’URSS organise une alliance militaire avec les pays d’Europe de
l’Est, c’est le Pacte de Varsovie. En 1961, le gouvernement de la RDA entoure Berlin Ouest d’un ensemble de
fortifications, c’est la naissance du Mur de Berlin.

L’Asie, enjeu de la guerre froide : l’Asie devient rapidement au cœur de la course entre les deux superpuissances au
travers de trois pays. Les États-Unis pratiquent la politique de l’Endiguement qui vise à empêcher la propagation du
communisme :
• Dans la colonie française de l’Indochine, le communiste Ho Chi Minh proclame en 1945 l’indépendance du Vietnam.
Les États-Unis, au nom de l’Endiguement, soutiennent la puissance coloniale française.
• En Chine, la victoire des communistes de Mao Zedong en 1949 bouleverse la géopolitique asiatique. Les
Nationalistes se réfugient sur l’île de Formose (Taiwan).
• En Corée, les États-Unis interviennent militairement pour empêcher la Corée du Nord d’envahir la Corée du Sud.
De 1950 à 1953, Corée du Sud (et États-Unis) et Corée du Nord (aidée par la Chine) s’affrontent dans le premier
conflit de la guerre froide.
Cuba ou le monde au bord du gouffre : En 1953, Staline meurt et est remplacé par Khrouchtchev qui met en place la
« déstalinisation », c’est-à-dire la dénonciation du modèle staliniste (culte de la personnalité, déportation). Il cherche
à renouer le dialogue avec les États-Unis en lançant la coexistence pacifique. En 1959 à Cuba, le révolutionnaire Fidel
Castro chasse le dictateur Batista soutenu par les États-Unis. Castro, dont les États-Unis cherchent à le renverser, se
rapproche de l’URSS qui décide d’installer sur l’île des missiles nucléaires. Kennedy ordonne le blocus de l’île et menace
de guerre quiconque forcerait le blocus. C’est la crise durant laquelle la guerre entre les deux superpuissances est la
plus proche. Kennedy et Khrouchtchev négocient un compromis : les Soviétiques retirent leur missile contre la garantie
que Cuba ne sera pas attaquée par les États-Unis.
B. L’opposition de deux modèles.
Une opposition de deux modes de vie : Plus qu’une lutte entre deux puissances, cette guerre froide met en opposition
deux modes de sociétés :

• La promotion d’un modèle social égalitaire fondé sur la mise en commun des outils de production en URSS où la
dictature du prolétariat est vue comme un outil vers une société égalitaire dans laquelle l’individu travaille pour le
progrès de la société dans son ensemble. Dans la société soviétique, les marques d’inégalités doivent disparaître.
• Le modèle américain est au contraire celui de la réussite individuelle, du self made man, qui permet par sa réussite
et son exemple de faire avancer la société dans un modèle libéral. Le capitalisme, la foi religieuse et la démocratie
libérale sont les piliers de la société américaine.

Bien sûr ces deux modèles de société restent assez théoriques et de nombreux contre-exemples viennent limiter ces
définitions, mais ils restent des objectifs et des éléments de doctrine (et de propagande).

Une compétition multiforme : la lutte entre les deux superpuissances se déroule essentiellement dans le domaine
militaire, l’explosion en 1949 de la bombe atomique soviétique place la dissuasion nucléaire au cœur de
l’affrontement. Une course aux armements se met en place avec la création d’armes de plus en plus puissantes, de
moyens d’attaque à longue portée (bombardiers, missiles intercontinentaux, sous-marins…), instaurant un « équilibre
de la terreur ». La compétition entre les deux superpuissances se joue aussi dans l’espace avec la course à la Lune. Si
l’URSS est longtemps en avance (premier satellite Spoutnik, premier homme dans l’espace Youri Gagarine), ce sont
finalement les États-Unis qui, en 1969, posent les premiers le drapeau de leur pays sur le satellite de la Terre. Dans le
domaine sportif, lors des Jeux Olympiques, les affrontements entre les deux équipes prennent une autre dimension.

C. Une détente qui reste limitée (1962-1975).

Une détente Est/Ouest fragile : après la crise de Cuba, les deux superpuissances prennent conscience de la nécessité
d’un dialogue. Une ligne téléphonique directe, « le téléphone rouge », est ouverte entre la Maison-Blanche et le
Kremlin. Dans les années 60, les accords sur une désescalade de la course aux armements se multiplient : traité de
non-prolifération de l’arme nucléaire en 1968, accord de limitation des armes stratégiques en 1972 (SALT I). Les
dirigeants des deux pays, Nixon et Brejnev, multiplient les rencontres et les accords. Mais la détente reste fragile. Alors
que les États-Unis s’enlisent dans le bourbier vietnamien, L’URSS aide les mouvements révolutionnaires en Amérique
Centrale et en Afrique et la course aux armements se poursuit.

La remise en cause de la bipolarisation : En Europe, le leadership des deux superpuissances est doucement remis en
cause. En 1966, le général De Gaulle annonce la sortie de la France de l’OTAN. Le chancelier allemand de la RFA, Willy
Brandt, lance l’Ost Politik, un rapprochement entre RFA et RDA qui se reconnaissent mutuellement en 1972. En 1973
est créée la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe qui aboutit en 1975 à la signature des accords
d’Helsinki, signés par 35 pays dont l’URSS et les États-Unis et qui vise à un règlement pacifique des conflits, à un respect
des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, à une coopération entre les États.
II. La décolonisation et la naissance de nouveaux états.

A. Un contexte favorable.
Des puissances européennes coloniales affaiblies : Les puissances coloniales européennes, en particulier la France et
le Royaume-Uni sortent fragilisées de la seconde guerre mondiale. En Asie, l’occupation japonaise des colonies a
détruit systématiquement les administrations coloniales. Les leaders des mouvements indépendantistes entendent
accélérer la fin de la colonisation. Dès 1942, Gandhi lance le mouvement « Quit India ». En Indochine, Ho Chi Minh
proclame l’indépendance du Vietnam en 1945. À Sétif, les manifestations indépendantistes du 8 mai 1945 aboutissent
à des massacres de populations européennes et en représailles à la mort de milliers d’Algériens.
Un nouvel ordre international favorable : L’Organisation des Nations unies créé en 1945 affirme « le droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes » et offre une tribune internationale aux mouvements de décolonisation. De leur
côté, les deux superpuissances, les États-Unis et l’URSS sont opposés à la colonisation. Même si dans les faits, le soutien
des États-Unis aux mouvements indépendantistes est plus aléatoire, notamment en raison du caractère communiste
de certains mouvements révolutionnaires, leur soutien aux puissances coloniales n’est jamais officiel. De son côté,
l’URSS affirme clairement son soutien aux mouvements « anti-impérialistes ».

B. L’Asie, point de départ de la décolonisation.

1947 : la fin des Indes Britanniques qui est négociée depuis 1945, est effective lorsque les Britanniques acceptent
l’indépendance du Pakistan et de l’Union Indienne le 15 août 1947, puis de la Birmanie en 1948. Dans ces territoires
où populations hindoues et musulmanes vivent ensemble, les tensions sont fortes et s’accroissent depuis 1945. La
ligue musulmane d’Ali Jinnah veut une Inde séparée alors que Gandhi et le parti du congrès veulent un État unitaire.
La partition de l’Inde en 1947 aboutit au déplacement de près de 9 millions de réfugiés ainsi qu’à la mort de centaines
de milliers de personnes lors de massacres intercommunautaires. Gandhi est lui-même assassiné par un hindou.
Les conflits coloniaux en Asie : en Indonésie, colonie des Pays-Bas, le leader nationaliste Soekarno proclame
l’indépendance de son pays. Le conflit dure de 1945 à 1949 et se termine par l’indépendance de l’Indonésie. Dans
l’Indochine française, Ho Chi Minh proclame l’indépendance du Vietnam en 1945. Après l’échec des négociations, le
conflit éclate entre le Vietminh, mouvement indépendantiste, et les troupes coloniales. Malgré le soutien économique
des États-Unis, la France perd progressivement le contrôle de sa colonie. Après la défaite de Diên Biên Phu en 1954,
la France signe les accords de Genève qui donnent l’indépendance au Cambodge, au Laos. Le Vietnam quant à lui est
divisé en deux : Vietnam du Nord communiste et Vietnam du Sud soutenu par les États-Unis. C’est la fin de ce conflit
colonial qui va lentement se transformer en conflit de la guerre froide.

C. Un processus qui s’accélère et se diffuse en Afrique.


La guerre d’Algérie : le mouvement indépendantiste algérien, le FLN, déclenche une insurrection généralisée lors de
la Toussaint Rouge en 1954. La France s’engage alors dans un nouveau conflit colonial qui va profondément marquer
et diviser la société, notamment par l’envoi d’appelés du contingent (jeunes français civils qui font leur service
militaire) et par la pratique de la torture. En 1962, un référendum aboutit à l’indépendance de l’Algérie.
Des indépendances négociées : le Maroc et la Tunisie accèdent à l’indépendance en 1956. En Afrique subsaharienne,
une vingtaine d’états obtiennent leur indépendance entre 1957 et 1963 par des processus de négociations plus ou
moins préparés. Les pays composant l’Afrique Équatoriale Française et l’Afrique Occidentale française accèdent à leur
indépendance en 1960. Les colonies portugaises de l’Angola et du Mozambique n’obtiennent leur indépendance qu’en
1975, après des conflits violents.

III. L’affirmation du tiers-monde et la remise en cause de l’ordre bipolaire.

A. L’entrée du Tiers-Monde sur la scène internationale.


L’acte fondateur de Bandung : Lors de la conférence de Bandung en 1955, les pays d’Afrique et d’Asie qui viennent
d’accéder à leur indépendance mettent en place une action commune pour aider les pays toujours en lutte et
condamner l’impérialisme. Il s’agit aussi de proclamer une troisième voie, entre l’Est et l’Ouest : c’est la naissance du
tiers-monde. Les chefs de file de ce mouvement sont l’indonésien Soekarno, le chinois Mao Zedong, l’égyptien Nasser,
l’indien Nehru. En 1961, le mouvement des non-alignés se réunit à Belgrade pour renforcer cette troisième voie, celle
du développement et de la coopération. Ce mouvement du tiers-monde trouve un relais à l’ONU avec la création en
1964 de la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) qui vise à une meilleure
répartition des richesses de la planète.
Panarabisme et Panafricanisme : les nouveaux pays indépendants cherchent à s’organiser et à développer entre les
pays d’une même région une solidarité. C’est le panafricanisme qui s’exprime en 1963 avec la création de
l’Organisation de l’Union Africaine (OUA). Au Moyen-Orient, les pays arabes tentent de s’organiser au sein de la ligue
arabe. Après sa victoire diplomatique de la guerre de Suez, Nasser lance le projet d’une union des pays arabes. C’est
le panarabisme. Mais son projet échoue dans un contexte d’opposition à l’État d’Israël.

B. La contestation du modèle bipolaire.

L’émergence de la Chine : si la République Populaire de Chine, proclamé par Mao Zedong en 1949, apparaît comme
un allié de poids au monde communiste, les tensions avec l’URSS s’accélèrent dès 1956 autour du modèle de
développement et de la question du leadership du monde communiste. Proposant une ligne beaucoup plus dur vis-à-
vis des États-Unis, le gouvernement chinois de Mao Zedong opte pour une ligne d’ouverture symbolisée par son entrée
à l’ONU en 1971 et par la visite de Nixon à Pékin en 1972.
L’année 1968 dans le monde : en 1968 des manifestations se multiplient aux États-Unis et en Europe contre la guerre
au Vietnam. Ces manifestations aboutissent dans certains pays comme en France à un véritable soulèvement
populaire. Au Mexique, le soulèvement étudiant tourne au carnage avec la mort de 300 manifestants, tués par les
forces de l’ordre. En Tchécoslovaquie, le dirigeant Dubcek veut créer un « socialisme à visage humain ». Il supprime la
censure et autorise les voyages. C’est le printemps de Prague qui est écrasé en août par les troupes soviétiques. Aux
États-Unis l’assassinat du leader noir Martin Luther King entraîne l’embrasement des ghettos. Aux jeux olympiques de
Mexico, les athlètes Tommy Smith et John Carlos protestent contre les discriminations raciales aux États-Unis.

C. Le Proche et Moyen Orient devient un foyer de conflits majeur.


Le temps des guerres israélo-arabes : les tensions entre Israël et les pays arabes restent très fortes. En 1956, Israël
intervient avec la France et le Royaume-Uni en Égypte contre la nationalisation du canal de Suez. En 1967, alors que
l’Égypte cherche à bloquer l’économie israélienne, Israël déclenche une guerre éclair qui aboutit à l’occupation des
territoires palestiniens et du Sinaï égyptien. Si Nasser meurt en 1970, son successeur, el-Sadate, reprend la politique
anti-israélienne. En 1973, l’Égypte et la Syrie déclenchent une offensive contre Israël. C’est la guerre du Kippour qui
est une nouvelle fois remportée par Israël. C’est la fin de l’unité du monde arabe contre Israël. En 1975, débute la
guerre civile au Liban entre milices chrétiennes, réfugiés palestiniens et formations musulmanes qui déstabilise
davantage la région, notamment avec l’intervention dans le conflit d’Israël et de la Syrie.

L’internationalisation de la question palestinienne : en 1964 l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) est


créée au Caire avec à sa tête Yasser Arafat. L’OLP décide d’internationaliser la question palestinienne, surtout après
l’occupation de la Palestine en 1967. Le mouvement se tourne notamment vers le terrorisme : détournements
d’avions, attentats. Un mouvements terroriste lié à l’OLP pénètre dans le village olympique à Munich en septembre
1972 et prend en otage onze athlètes israéliens. Il réclame la libération de 234 prisonniers palestiniens qui sont
emprisonnés en Israël. La prise d'otages aboutit au massacre des onze athlètes israéliens, et se termine par la mort de
cinq des huit terroristes palestiniens et d'un policier allemand.

Conclusion : En 1975, même si les tensions liées à la guerre froide sont plus faibles, la partition du monde en deux
grands mouvements continue d’être un moteur central des questions internationales. Le processus de décolonisation
est globalement achevé et les pays d’Afrique et d’Asie qui ont accédé à l’indépendance oscillent entre volonté
d’indépendance et alignement sur les deux superpuissances afin d’assurer leur développement et leur poids politique.
Dans un ordre géopolitique moins bipolaire, les pays du tiers-monde peinent à faire entendre leur voix et les enjeux
liés à la transformation de leur économie dans un contexte international marqué par l’affirmation du problème
palestinien et les difficultés des pays occidentaux face au ralentissement de leur économie.

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