Vous êtes sur la page 1sur 6

Le jeu des puissances dans les relations internationales depuis

1945

I) La mise en place d’un monde bipolaire

A) L’émergence de deux blocs antagonistes

Les deux grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale représentent des idéologies
opposées. Ces superpuissances, les États-Unis et l’URSS, sont seuls capables d’organiser le
nouvel ordre mondial. Les anciens alliés deviennent alors rivaux : chacun prétend incarner
l’avenir et cherche à étendre son influence.
A la suite des conférences immédiates à la fin de la Seconde Guerre mondial, la question de
l’Allemagne apparaît : comment démocratiser et pacifier un pays qui a été soumis à la politique
nazie pendant plus de dix ans ? Les États victorieux ont alors décidé de séparer le pays en quatre
zones réparties sous le contrôle des alliés. Les États-Unis, la Grande Bretagne et la France
obtiennent le contrôle de l’Ouest du pays, quand l’URSS s’empare de l’Est. Devant l’avancée
du géant soviétique qui impose par la force des régimes communistes en Europe de l’Est, les
alliés occidentaux décident de créer un État tampon avec le bloc soviétique dont le cours de la
nouvelle monnaie nationale, le deutschemark, serait indexé sur celui du dollar.
L’URSS fait alors pression sur les États occidentaux et impose un blocus à Berlin-ouest, sous
contrôle allié, de juin 1948 à mai 1949. Il est déjoué par le pont aérien des occidentaux, mais
conduit à la partition officielle de l’Allemagne.
Le 1er septembre 1948, le conseil parlementaire d’Allemagne de l’ouest commence ses travaux
de réformation, élit le démocrate-chrétien Konrad Adenauer à la tête du pays et élabore la loi
fondamentale qui est promulguée le 23 mai 1949 : ainsi naît la RFA ou République Fédérale
d’Allemagne. La capitale de ce nouvel État est Bonn. En réponse, l’URSS fonde de son côté la
République démocratique allemande (RDA) le 7 octobre 1949. L’État fraichement créé devient
alors un allié du bloc soviétique.

L’Europe est désormais divisée par ce que Winston Churchill a appelé en 1946 un « rideau de
fer » entre l’Est et l’Ouest.
Les leaders de chaque bloc supervisent la gestion économique et militaire de ses membres. Le
plan Marschall place en 1947 les pays d’Europe occidentale sous perfusion du dollar américain
et l’OTAN, fondé en 1949, facilite la coopération politique et militaire des États occidentaux
sous l’égide des États-Unis.

Les Soviétiques opposent le Conseil d’assistance économique mutuel, le CAEM, en 1949.


L’URSS signe également en 1950 une alliance avec Mao Zedong qui proclama la République
populaire de Chine le 1er octobre 1949. Le Pacte de Varsovie, ratifié en 1955, groupe les pays

1
de l’Est dans un vaste ensemble économique, politique et militaire. La bipolarisation du monde
entre deux blocs rivaux est consacrée dès le début des années 1950.

Superpuissance : Nation capable d’influer sur le destin du monde par son rayonnement
économique, culturel, politique et militaire.
Rideau de fer : Expression employée par Churchill en 1946 pour désigner la frontière
militarisée séparant les blocs Est et Ouest en Europe.
OTAN : Organisation du traité de l’Atlantique nord ; organisation fondée sur l’alliance
politique et militaire des pays occidentaux sous l’égide des États-Unis.
CAEM : Conseil d’aide économique et mutuelle ; crée en 1959 pour faciliter le contrôle des
économies des pays est-européen par l’URSS.

B) Une radicalisation idéologique

La rivalité entre les deux superpuissances se double d’une rivalité entre deux idéologies. Les
États-Unis et le bloc de l’Ouest cherchent à développer une certaine idée de la liberté conforme
à la doctrine capitaliste et à faire face au communisme quand le bloc de l’Est, derrière l’URSS,
prône le développement du socialisme.
En 1947, le président Harry Truman énonce la doctrine de l’endiguement. Il condamne le
système soviétique et appelle à contenir l’avancée du communisme. L’URSS énonce quant à
elle la doctrine Jdanov et crée une organisation chargée de coordonner l’action des partis
communistes dans le monde, le Kominform.
Cette confrontation idéologique donne lieu à une intense propagande. Dès la fin des années
1940, les deux blocs cherchent à discréditer l’adversaire aux yeux du monde, mais cherchent
également à encadrer leur société.

Endiguement : Stratégie de politique étrangère adoptée par les États-Unis et leurs alliés à partir
de 1947 pour empêcher l’expansion du communisme.
Kominform : Organisation chargée de coordonner l’action des pays communistes européens
sous l’égide de l’URSS.

C) Éviter l’affrontement direct : l’« équilibre de la terreur »

En 1949, l’URSS se dote à son tour de l’arme atomique. Face à cette nouvelle menace, les États-
Unis énoncent la doctrine Dulles des « représailles massives et immédiates » : toute attaque
contre un pays membre de l’OTAN par l’URSS ou ses alliés les exposerait à une riposte

2
immédiate et impitoyable. Le monde prend conscience de la possibilité d’une apocalypse
nucléaire.
Les deux superpuissances se lancent dans une course aux armements coûteuse. Entre 1952 et
1957, le nombre d’ogives nucléaires détenues par les États-Unis passe de 1005 à 6500, le stock
soviétique passe quant à lui de 50 à 660 ogives. Les deux camps veulent cependant éviter
l’affrontement direct et s’interposent de ce fait dans des conflits parallèles dont la première
manifestation fut en Asie avec la Guerre de Corée.

En dépit du fait que les événements furent particulièrement sanglants, il ne s’agit que d’un
« conflit limité » car les deux superpuissances évitent de se combattre de manière directe.
L’Attaque surprise en juin 1950 de la Corée du Nord communiste sur la Corée du Sud gagnée
à la cause occidentale voit en réponse une contre-attaque sous la forme d’un débarquement
naval mené par les forces américaines à partir du Japon. Suite au renfort d’un million de soldats
« volontaires » communistes chinois, le général américain MacArthur envisage alors
d’employer l’arme atomique contre la Chine, ce qui entraîne son limogeage. L’armistice est
signé entre les deux Corée le 27 juillet 1953 et marque le retour au statu quo, c’est-à-dire au
quasi-maintient des frontières d’origine, près de la 38e parallèle. Ce conflit a cependant
exacerbé la pensée anti-asiatique américaine, déjà marquée par la Seconde Guerre mondiale, et
qui trouvera son point de chute dans un autre conflit d’envergure en Asie : la Guerre du
Viêtnam. Véritable laboratoire militaire, la Guerre de Corée permit le développement d’armes
de guerre comme le napalm qui sera systématiquement utilisée contre le Viêt-Cong. Comme
des cicatrices de ce premier conflit fratricide de la Guerre Froide en Asie, des tensions extrêmes
demeurent encore aujourd’hui présentes entre les deux Corée.

En 1953, l’armée soviétique réprime dans le sang une émeute à Berlin : l’Occident s’indigne
mais n’intervient pas. Les dirigeants communistes est-allemands veulent éviter d’autres
troubles dans une Allemagne qui n’a jamais été aussi divisée idéologiquement. Là où la partie
Est de ville célèbre les valeurs du travail, de la camaraderie, de la famille et plus globalement
du socialisme, l’Ouest devient la « vitrine » exacerbée du modèle capitaliste. Entre automobile,
industrie du luxe, multinationales et promesse d’un emploi stable et bien rémunéré, la partie
occidentale de Berlin ne cesse d’attirer les habitants de l’Est qui désertent progressivement le
secteur soviétique. Inquiet de la remilitarisation de la RFA et de l’exode des Berlinois de l’Est,
le gouvernement communiste décide de séparer physiquement Est et Ouest de Berlin. Dans la
nuit du 12 au 13 août 1961, une première muraille est érigée. Baptisée « mur de la honte », cette
nouvelle séparation incarne la division politique et idéologique du monde de la Guerre Froide.

D) Des voix dissonantes se font entendre


La logique des blocs ne convient cependant pas à tous les pays. Si la plupart sont engagés dans
une alliance défensive (OTANT pour les pays de l’Ouest ; Pacte de Varsovie pour les pays de
l’Est), des organisations régionales sont créées. Les pays européens se regroupent ainsi autour
de la France et de l’Allemagne, au sein de la Communauté européenne du charbon et de l’acier
(CECA) en 1951, puis de la Communauté économique européenne (CEE) dès le Traité de

3
Rome, en 1957. Mais les projets de Communauté européenne de défense (1954) ou de
diplomatie européenne (plan Fouchet en 1961-1962) demeurent des échecs. Ces différentes
politiques actent néanmoins la réconciliation de la France et de l’Allemagne de l’Ouest,
désormais toutes deux tournées vers le développement européen.

Non-alignement : Doctrine de politique étrangère des pays souhaitant rester neutres dans
l’affrontement Est/Ouest.

II) Vers un monde multipolaire

A) Une prise de conscience mutuelle

Au début des années 1960, la peur d’un conflit nucléaire global atteint le monde entier, et en
particulier les États-Unis. L’installation à Cuba de missiles nucléaires soviétiques capables de
frapper Washington et New-York pousse les tensions à leur paroxysme. Les étatsuniens
appliquent alors un blocus de l’île afin de contenir la menace cubaine et freiner l’influence du
gouvernement soviétique qui peine à accepter les mesures américaines. En 1962, les deux
Grands placent ainsi le monde « au bord du gouffre », selon l’expression du président Kennedy.
Cette crise permet aux États-Unis et à l’URSS de prendre conscience du risque d’un conflit
nucléaire mondial. Elle conduit les États-Unis à remplacer la doctrine Dulles par la doctrine
McNamara, dite de « riposte graduée », et montre que l’ouverture d’un dialogue entre les deux
superpuissances s’impose pour la survie du monde.

Doctrine McNamara : Doctrine fondée en 1962 par le secrétaire américain à la Défense Robert
McNamara, selon qui l’arme nucléaire doit être utilisée de façon adaptée au niveau de la menace
présent, et non plus de manière systématiquement massive.

B) Des conflits périphériques et limités

La crise de Cuba entraîne un apaisement relatif de la rivalité Est-Ouest, marqué par la prise de
conscience de la menace nucléaire des deux blocs. En 1962, une période de détente débute.
Chaque camp cherche à favoriser la négociation et la discussion pour limiter les oppositions
directes. Outre la mise en place du Téléphone rouge en 1963, les dirigeants américains et
soviétiques multiplient les rencontrent et les accords de désarmement ou de coopération en
1968, 1972, 1975 et 1979. Les accords d’Helsinki en 1975 marquent une période de dialogue
et de négociations autour de la politique territoriale et de la sécurité en Europe réunissant tous
les pays du continent. La même année, le lancement de la mission spatiale Apollo-Soyouz
symbolise la coopération pacifique entre les deux Grands après une décennie marquée par une
opposition dans la course à l’espace.

4
Pour autant, les deux superpuissances continuent de s’affronter de manière indirecte, mais
meurtrière. Incapables de maintenir longtemps leur position de non-alignés, les pays du Tiers
Monde deviennent le nouveau théâtre de la guerre froide. Les conflits font rage en Asie (guerre
du Vietnam de 1963 à 1973), en Amérique Latine entre guérillas armées par l’URSS et
dictatures soutenues par les États-Unis, mais aussi en Afrique (Angola, Mozambique) et au
Moyen-Orient. Les populations occidentales prennent de plus en plus position dans ce conflit
qui leur apparaît sans fondement. Les manifestations se multiplient aux États-Unis, en France
ou en Allemagne de l’Ouest, qu’elles soient pacifiques (Woodstock) ou non (Mai 68)

Détente : Période marquée par un relatif apaisement des tensions et une ouverture du dialogue
Est-Ouest malgré des affrontements meurtriers dans le Tiers Monde.
Téléphone rouge : Ligne de communication directe établie entre la Maison Blanche et le
Kremlin après la crise de Cuba (1963).
Tiers Monde : Expression employée en 1962 par le démographe Albert Sauvy pour désigner
les pays ne faisant officiellement pas partie de l’un des deux blocs.
Guérilla : Guerre d’embuscades et de harcèlement, menée par de petits groupes de combattants
qui cherchent à éviter l’affrontement direct avec l’ennemi.

C) Une remise en cause des blocs : vers la fin de la guerre froide

Les années 1970 sont donc marquées par une remise en question du leadership des États-Unis,
fragilisés par l’entrée de la Chine à l’Organisation des Nations unies (ONU) sans leur aval en
1971. Traumatisés et affaiblis par la guerre du Vietnam, les États-Unis renouent avec un certain
isolationnisme. Ces échecs sont sources de nombreuses contestations. L’URSS profite de ce
retrait : elle propage le communisme dans le Tiers Monde (Asie du Sud-Est, Nicaragua), installe
des missiles à longue portée en Europe de l’Est et intervient Afghanistan (1979).
Ronald Reagan devient présent en 1980. Les États-Unis renouent avec la course aux armements,
l’interventionnisme dans le Tiers Monde et la condamnation idéologique de « l’empire du
mal ».
Durant les années 1980, l’URSS et le monde socialiste sont ébranlés à leur tour. Des
mouvements de contestation émergent, par exemple en Pologne. Incapable de soutenir le
rythme économique de cette nouvelle « guerre fraîche », l’URSS voit en outre ses peuples
aspirer à un mode de vie occidentalisé. A partir de 1985, Mikhaïl Gorbatchev désengage
l’URSS de l’antagonisme mondial avec l’Occident, tant au plan stratégique qu’idéologique à
travers la perestroïka et la glasnost. Le 9 novembre 1989, la chute du mur de Berlin consacre
la fin de la bipolarisation du monde et préfigure l’effondrement de l’URSS deux ans plus tard.

Isolationnisme : Doctrine de politique étrangère en vertu de laquelle un État refuse d’intervenir


dans les affaires militaires et politiques du monde.

5
Perestroïka : (« Restructuration ») Politique de Gorbatchev visant à réformer l’URSS ; elle
consiste à démocratiser les institutions et à donner aux citoyens une plus grande initiative, y
compris dans le domaine économique.
Glasnost : (« Transparence ») Politique de Gorbatchev visant à rapprocher l’Etat des citoyens ;
elle consiste à réduire la propagande officielle, à parler des vrais problèmes du pays, à assouplir
le contrôle de l’information.

D) Des nouveaux acteurs internationaux

Les années 1990 sont marquées par l’avènement d’un nouvel ordre mondial. Les grandes
puissances se consacrent à leurs problèmes intérieurs : les pays européens accélèrent la
construction européenne (Maastricht). La Chine soutient sa croissance économique par une
consommation nationale massive. L’URSS laisse place à la Fédération de Russie et la
Communauté des États indépendants (CEI).
L’effondrement des régimes communistes crée de nombreux désordres en Europe, confrontée
dès lors au réveil des nationalismes qui conduit notamment à l’éclatement de la Yougoslavie.
La Bosnie, territoire multiethnique ou vivent Bosniaques, Croates et Serves, devient le théâtre
sanglant d’une guerre civile de trois ans où les destructions de villages, les massacres (génocide
de Srebrenica en 1995) et les déportations de masse deviennent les armes d’une politique de
« nettoyage ethnique ». Les interventions de l’UE, de l’ONU, puis de l’OTAN des États-Unis
mettent fin à ce conflit par les accords de Dayton (décembre 1995), qui fixent les frontières de
la Bosnie.
Les États-Unis dominent militairement le monde et s’engagent dans différents conflits pour
préserver leurs intérêts, comme en Irak en 1991, après l’annexion du Koweït, afin de protéger
les ressources pétrolières, révélant un espoir d’action unilatérale. Frappés sur leur sol par les
attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis répondent au terrorisme islamiste d’Al-Qaïda
par de nouvelles interventions extérieures, comme en Afghanistan (2001). Cependant, la
réponse militaire n’apporte pas de solution durable. Elle est contestée, notamment par la France
en 2003 lors des discussions sur une seconde intervention en Irak.
Les États ne sont désormais plus les seuls à prendre part aux discussions internationales. Les
organisations non gouvernementales (ONG) interviennent et font entendre une autre voix dans
de nombreux domaines comme l’environnement, l’humanitaire, la solidarité internationale ou
le respect des valeurs démocratiques. Enfin, la disparition des deux superpuissances permet
l’émergence ou la réaffirmation de puissances régionales.
Nationalisme : Mouvement politique qui placer les intérêts de la nation au-dessus de toutes les
autres considérations.
Nettoyage ethnique : Violence et massacres commis à l’encontre d’un peuple pour le chasser
d’un territoire.
Puissance régionale : Pays dont l’influence est importante dans son environnement
géographique

Vous aimerez peut-être aussi