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La guerre froide (1947-1991)

Introduction

Très rapidement, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'alliance entre les vainqueurs
est rompue et les deux blocs militaires et idéologiques se constituent autour d'une part des
États-Unis et d'autre part de l'Union soviétique. Dorénavant, les relations internationales vont
se concevoir dans une logique bipolaire, les autres pays devant choisir un camp.
Paradoxalement, c'est quand les relations entre les deux Grands évoluent vers moins de
tensions que chaque Grand commence à être contesté dans son camp ; mais dans quelle
mesure ces contestations remettent-elles en cause la logique bipolaire née au début de la
guerre froide ? Passe-t-on alors à une logique multipolaire ? Dans une première partie, nous
analyserons la mise en place du monde bipolaire de l'après-guerre, puis nous nous
intéresserons à la contestation de cette logique et, enfin, nous verrons comment le monde est
passé de la bipolarité à l'unipolarité.

I. La mise en place des blocs et de la logique bipolaire (1947-1953)

1. Aux sources de la bipolarisation : une incompréhension croissante

En février 1945, la grande alliance avait semblé sortir renforcée de la conférence de Yalta.
Américains et Britanniques avaient accepté les acquisitions territoriales de l'Union soviétique
même si ces acquisitions étaient en contradiction avec les buts de guerre que s'étaient fixés de
concert les Alliés. En échange, l'Union soviétique s'était engagée à organiser des élections
libres dans les pays libérés par elle. Mais à la conférence de Potsdam qui se tient juste après la
capitulation allemande, la tension devient déjà plus perceptible en raison du refus de Staline
d'organiser des élections libres en Pologne. C'est le début d'une incompréhension croissante
qui éclate au grand jour en 1947.

2. 1947 : l'année charnière

En 1947, le président américain Truman annonce son intention d'endiguer l'expansion


soviétique en Europe. C'est la doctrine du « containment ». Concrètement, la doctrine Truman
se traduit par la proposition d'aide économique aux pays d'Europe qui « veulent rester
libres » : c'est le plan Marshall. L'objectif est clair : aider l'Europe à se relever
économiquement pour empêcher la progression de l'influence communiste sur le terreau de la
misère. Seize pays d'Europe occidentale acceptent le plan Marshall, mais Staline le refuse
pour l'Union soviétique et contraint les démocraties populaires à faire de même.
Staline réagit par un renforcement de son contrôle sur les démocraties populaires et constitue
le Kominform, qui réunit l'ensemble des partis communistes des démocraties populaires au
pouvoir ou en passe de l'être, mais aussi les puissants PC italien et français. À l'occasion de la
conférence constitutive du Kominform, qui se tient à Varsovie, le dirigeant soviétique Jdanov
exprime la doctrine soviétique de la guerre froide, réponse à la doctrine Truman : le monde est
divisé en deux camps, « un camp anti-impérialiste et démocratique », celui de l'Union
soviétique, et un « camp impérialiste et anti-démocratique », celui des États-Unis.
3. L'Europe divisée en deux

Le coup de Prague en février 1948, au cours duquel le Parti communiste tchèque prend le
pouvoir en éliminant ses adversaires politiques, est l'événement qui décide les Occidentaux à
faire de l'Allemagne un bastion de la lutte contre l'expansion soviétique. En violation des
accords de Yalta, les Occidentaux unifient leurs zones d'occupation et y mettent en place une
nouvelle monnaie. En juin 1948, Staline réagit en décrétant le blocus des accès routiers et
ferroviaires de Berlin : il s'agit de contraindre les Occidentaux à quitter leurs secteurs
d'occupation. Les Américains réagissent en mettant en place un pont aérien pour ravitailler la
ville et menacent d'utiliser la force si les Soviétiques s'opposent à la libre circulation dans les
couloirs aériens. À ce moment-là, la menace est efficace car les Soviétiques ne disposent pas
encore de la bombe atomique. Et au bout d'un an, en 1949, Staline recule et lève le blocus.
La conséquence de la crise de Berlin est l'accélération de la division de l'Europe, division dont
l'Allemagne devient le symbole puisqu'en 1949 les Occidentaux fondent la RFA et les
Soviétiques la RDA. Berlin conserve son statut de ville occupée.
Les Américains organisent politiquement leurs alliés européens en créant l'OTAN, pacte
militaire qui a pour but, en mettant toutes les armées européennes sous commandement
américain, de résister à une éventuelle attaque soviétique.

4. L'achèvement des blocs

En 1949, l'Asie devient un champ d'affrontement des deux Grands. En effet, les communistes
chinois prennent le pouvoir. Du coup, les États-Unis perdent un allié de poids dans la région.
Les Chinois rejoignent le bloc soviétique. Dans le même temps, en Indochine, les
communistes vietnamiens sont en guerre contre la présence française. L'Asie est déstabilisée.
La stratégie du containment connaît alors un sérieux revers. C'est pourquoi, en 1950, les
États-Unis n'hésitent pas à entrer en guerre contre la Corée du Nord lorsque celle-ci, soutenue
militairement par la Chine, attaque la Corée du Sud. La guerre, très meurtrière, dure trois ans.
En 1953, un armistice est signé, qui sanctionne un retour au statu quo ante. Cette fois, la
stratégie de containment a été un succès. La guerre de Corée pousse les États-Unis à signer
une série de pactes afin d'encercler la puissance soviétique. En 1951, c'est le pacte de San
Francisco entre les États-Unis et le Japon ; en 1954, l'OTASE avec les pays de l'Asie du Sud-
Est, puis le Pacte de Bagdad avec les pays du Proche-Orient.

La constitution des blocs s'accompagne d'une course aux armements entre les deux Grands.
Dès 1949, les Soviétiques possèdent l'arme nucléaire. Et en 1953, quelques mois seulement
après les États-Unis, ils possèdent la bombe à hydrogène. Les deux superpuissances sont
désormais dans une situation de parité nucléaire. D'autant que toutes deux disposent
également des vecteurs nécessaires (bombardiers lourds et, à partir du milieu des années 1950,
grâce à la conquête spatiale, fusées).

Transition

Ainsi, en quelques années, les deux Grands sont passés de la grande alliance à la « grande
méfiance ». Mais à partir de la mort de Staline, en 1953, les relations entre les deux
superpuissances vont commencer à évoluer, les tensions s'atténuer. Dans la même période, la
logique de bipolarisation est de plus en plus contestée.
II. La détente et la logique bipolaire

1. La détente armée : maintien du statu quo

Les premiers signes de détente apparaissent dès la mort de Staline en 1953. Le nouveau
dirigeant soviétique, Khrouchtchev, propose aux États-Unis la « coexistence pacifique ». En
1956, les deux Grands interviennent, sans se concerter, pour mettre fin à la crise de Suez,
concrétisant ainsi la réalité du duopole qui gouverne alors le monde. La crise de Cuba, en
1962, met toutefois le monde au bord de la guerre nucléaire. Elle est l'occasion pour les
dirigeants des deux Grands de se convaincre d'organiser la détente, c'est-à-dire le maintien du
statu quo qui fait qu'aucun des deux Grands ne cherche à étendre son influence au-delà de sa
sphère.
Mais dans ce contexte les deux Grands vont surtout devoir apprendre à vivre avec de
nouveaux acteurs sur la scène internationale : les pays du tiers-monde. Le tiers-monde est né
avec la conférence de Bandung en 1955. Les pays pauvres y ont affirmé leur volonté de ne
pas se ranger derrière l'un ou l'autre des deux Grands, adoptant une position neutraliste. En
fait, le mouvement des non-alignés ne remet pas en cause la logique bipolaire : tout au plus
arrive-t-il à utiliser les rivalités entre les deux superpuissances. Ainsi Nasser, en 1956,
nationalise le canal de Suez et fait financer le barrage d'Assouan par les Soviétiques devant le
refus des Américains de le faire.

2. Les deux Grands face à la contestation de leur prééminence

C'est de l'intérieur de chaque bloc qu'apparaît véritablement une tentative de remise en cause
de la logique bipolaire. Ainsi, dès 1960, les Chinois remettent en cause le leadership
soviétique. Alors que l'aide soviétique aux Vietnamiens en guerre contre les Américains est
volontairement limitée, dans un souci de détente, les Chinois n'hésitent pas à renchérir en
soutenant le Nord Viêt Nam. Et d'une façon générale, la République populaire de Chine va
tenter de s'imposer comme pôle fédérateur des mouvements de guérilla du tiers-monde, au
détriment de l'Union soviétique. La situation sino-américaine va rapidement changer sous
l'administration Nixon. En effet, les responsables américains vont profiter des tensions sino-
soviétiques en engageant une politique de rapprochement avec la Chine populaire.

Dans le camp occidental, c'est de Gaulle qui, à partir de 1958, conteste la prééminence
américaine. Il fait sortir la France de l'OTAN, dénonçant ce qu'il appelle le « protectorat
américain ». Pour de Gaulle, la guerre entre les deux superpuissances n'est plus à l'ordre du
jour du fait de la détente. Pour lui, le refus de la bipolarisation et l'affirmation de la France
passent par la recherche de nouvelles alliances. En 1964, la France reconnaît ainsi la Chine
populaire, s'opposant ainsi à la fois aux États-Unis (qui soutiennent la Chine nationaliste de
Taiwan) et à l'Union soviétique (qui avait rompu avec la Chine en 1960). Ce qui n'empêche
pourtant pas l'Union soviétique d'amorcer, à partir de 1966, une politique de coopération
économique avec la France. Là encore, la superpuissance tente de profiter des tensions
internes à l'autre bloc pour avancer ses pions, sans pour autant aller à l'affrontement direct
avec l'autre superpuissance.
La détente entre les deux Grands est donc l'occasion pour des puissances de second rang de
contester la prééminence des deux superpuissances. Pourtant, cette contestation reste sans
réelle répercussion sur les relations des deux Grands entre eux. Certes, la crise de Cuba a pu
apparaître à certains comme l'occasion pour l'Union soviétique de montrer, au détriment de la
Chine populaire, sa détermination face aux États-Unis. Mais dans les faits, en acceptant de
renoncer à son projet de mise en place d'armes nucléaires à Cuba, l'Union soviétique choisit
de privilégier la détente plutôt que l'affrontement direct avec les États-Unis. La crise coûta
sans doute ses fonctions à Khrouchtchev, démontrant ainsi la pluralité des options au sein des
dirigeants soviétiques. Il est à noter que les États-Unis ne poussèrent pas leur avantage à
l'issue de la crise de Cuba, privilégiant eux aussi le climat de détente.

Transition

La détente atteint son apogée au milieu des années 1970 avec la signature des accords
d'Helsinki, par lesquels l'ensemble des pays signataires s'engage à respecter les frontières
issues de la Seconde Guerre mondiale. Mais, malgré le mouvement des non-alignés et les
contestations internes à chaque bloc, la logique bipolaire continue à fonctionner. Le statu quo
sur lequel reposait la détente est finalement remis en cause par l'Union soviétique. On revient
à des rapports plus conflictuels, les commentateurs parlent de « guerre fraîche ». Cette
nouvelle tension va être fatale à la logique bipolaire par la disparition d'un des protagonistes.

III. De la « guerre fraîche » à un monde unipolaire

1. La guerre fraîche

En 1975, l'Union soviétique commence à marquer des points en Afrique où elle intervient en
Angola et au Mozambique par l'intermédiaire des Cubains. En Éthiopie, un régime
procommuniste s'empare du pouvoir. La même année, après le départ des Américains, l'Asie
du Sud-Est devient le champ clos des affrontements sino-soviétiques. Les Vietnamiens sont
soutenus par les Soviétiques et les Cambodgiens par les Chinois. Ils s'affrontent dans l'un des
conflits les plus meurtriers de la seconde moitié du xx e siècle. En Amérique latine, les
positions stratégiques américaines sont mises à mal par la révolution sandiniste au Nicaragua.
Au Moyen-Orient, en 1979, la révolution islamique en Iran prive les États-Unis d'une position
stratégique. À la fin de la même année, les Soviétiques envahissent l'Afghanistan. C'est le
coup de Kaboul.
Après avoir hésité sur la politique à suivre face à ces remises en cause de la détente, les États-
Unis reprennent à leur tour l'offensive après l'arrivée de Ronald Reagan au pouvoir. Il affirme
sa volonté de contrer l'Union soviétique. Il reprend la course aux armements stoppée pendant
la détente et propose un projet stratégique connu sous le nom de « guerre des étoiles », réseau
de satellites destinés à détruire les fusées nucléaires soviétiques. Les Soviétiques répliquent en
installant des fusées à portée intermédiaire dans les démocraties populaires. Les Américains
font de même en Europe occidentale. C'est la crise des euromissiles. Par ailleurs, les États-
Unis reprennent l'initiative en Amérique latine en soutenant la Contra, guérilla antisandiniste,
et en envahissant l'île de Grenade pour en chasser le gouvernement promarxiste qui s'y était
installé.

2. Un nouvel ordre mondial unipolaire

En 1985, Gorbatchev arrive au pouvoir en Union soviétique dans un contexte politique très
difficile. Après la mort de Brejnev, les luttes internes ont été vives et ses deux successeurs,
Andropov et Tchernenko, sont décédés dans un temps très bref, ouvrant une crise de
succession majeure à la tête de l'Union soviétique. Gorbatchev est un réformateur. Il a
conscience que l'Union soviétique n'a pas les moyens économiques et technologiques de
suivre les Américains dans la course aux armements. À l'instar de Khrouchtchev trois
décennies plus tôt, il considère que seule une politique de pause dans la rivalité entre les deux
Grands peut permettre de sauver le système soviétique. C'est pourquoi il propose une
réduction des dépenses militaires et offre aux Américains de discuter du désarmement. Tout
va alors très vite. D'une certaine manière, la logique bipolaire continue à fonctionner. Les
Soviétiques usent ainsi de leur influence pour mener leurs alliés vietnamiens à évacuer le
Cambodge qu'ils occupaient. Les Soviétiques se retirent eux-mêmes d'Afghanistan. Dans le
même temps, ils cessent leur soutien aux guérillas et régimes procommunistes africains. En
l'espace de quelques mois, l'essentiel des conquêtes de l'ère Brejnev est abandonné. Mais la
tentative de Gorbatchev de réformer le système échoue. L'Union soviétique perd le contrôle
des démocraties populaires, le mur de Berlin tombe, l'Allemagne se réunifie et, finalement,
l'Union soviétique elle-même implose. La Russie, qui succède à l'Union soviétique, est
amputée territorialement en raison de l'indépendance autoproclamée de plusieurs anciennes
républiques soviétiques. En décembre 1989, lors du sommet de Malte, les leaders des deux
superpuissances annoncent la fin de la guerre froide. La guerre du Golfe, en 1991, voit la
Russie s'associer à une guerre contre son ancien allié, l'Irak. Les États-Unis sont désormais le
seul Grand.

Conclusion

De 1947 à 1991, les relations internationales entre États-Unis et Union soviétique ont été
régies par une logique bipolaire. Tout problème international était tributaire de la position des
deux Grands, qui ont exercé alors leur duopole sur le monde. Certes, des tentatives ont été
faites pour contourner cette logique. Mais aucun des deux Grands n'a véritablement favorisé
des liens avec une puissance moyenne du camp adverse, craignant sans doute de voir l'autre
en faire autant. Mais avec la fin de la guerre froide, la logique bipolaire a vécu et les États-
Unis deviennent le gendarme du monde. Sans toutefois que la paix du monde soit garantie.

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