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Collège Claparède – Philosophie – M.

Cieniewicz

Pour la semestrielle

1. Liste des textes :

Charles Darwin, Schéma + les chèvres de Juan Hernandes


Patrick Tort, L’effet réversif de l’évolution
Lucien Malson, Les enfants sauvages
Aristote et Descartes, L’homme et la nature
Peter Singer, La capacité à souffrir
Pablo Servigne, Comment réagir…
Aldo Leopold, L’ethique de la terre
John Searle, La chambre chinoise
Jacques Ellul, La technique
Laurent Alexandre, Interview
Ludwig Feuerbach, La religion
David Strauss, La raison première…

2. Ce qui est attendu :

Une introduction où vous mentionnez : l’auteur, le thème, la problématique, la thèse.

Une explication où vous dites qu’est-ce que dit le texte, vous reformulez les grandes étapes, les
moments du raisonnement.

Une analyse où vous dites comment le texte, le raisonnement est contruit et vous cherchez à
montrer pourquoi l’auteur pense ce qu’il pense.

Enfin, une dernière partie où vous dites ce que vous pensez du texte, vous faites des liens avec
d’autres textes, vous pouvez glissez ou ouvrir vers d’autres questions.
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La découverte de la sélection naturelle par Darwin

Source : Patrick Tort, L'effet Darwin, Seuil, Paris, 2008.


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Les Chèvres de Juan Fernández

Dans les mers du Sud se trouve une île que l’on nomme, d’après le nom de son premier
découvreur, Juan Fernández. Sur cet espace isolé, Juan Fernández installa une colonie de chèvres,
consistant en un mâle accompagné de sa femelle. L’heureux couple, trouvant pâture en abondance,
put sans peine obéir au premier commandement de croître et multiplier, jusqu’à ce qu’ils eussent au
fil du temps rempli leur petite île. Avant cette période ils ignoraient la misère et la faim, et
semblaient se trouver bien de leur nombre: mais à partir de ce triste moment ils commencèrent à
souffrir de la faim ; en continuant toutefois pendant un certain temps à accroître leur effectif, ils
auraient dû, s’ils avaient été doués de raison, redouter la plus extrême famine. Dans cette situation
les plus faibles sont emportés les premiers, et la prospérité revient de nouveau. C’est ainsi qu’ils
oscillaient entre bonheur et misère, et tantôt connaissaient le besoin, tantôt jouissaient de nouveau
de l’abondance, suivant que leur nombre se trouvait diminué ou accru ; jamais en repos, et
cependant équilibrant toujours leur quantité de nourriture. Cette relative pondération était de temps
en temps détruite, soit par des maladies épidémiques, soit par l’arrivée de quelque vaisseau en
détresse. Dans de telles occasions leur nombre était considérablement réduit ; mais en compensation
de ces alarmes, et pour les réconforter de la perte de leurs compagnons, les survivants ne
manquaient jamais de retrouver immédiatement une nouvelle abondance. Ils ne demeuraient pas
plus longtemps dans la crainte ou dans la famine: ils cessaient de se regarder l’un l’autre d’un œil
mauvais ; tous avaient l’abondance, tous étaient satisfaits, tous étaient heureux. Ainsi, ce que l’on
aurait pu considérer comme autant de malheurs s’avérait une source de réconfort ; et à la fin, pour
eux, un mal partiel était un bien universel.
Lorsque les Espagnols découvrirent que les corsaires anglais utilisaient cette île pour
s’approvisionner, ils se résolurent à extirper complètement les chèvres, et dans ce dessein
déposèrent sur le rivage un couple de lévriers. Ceux-ci à leur tour crûrent et multiplièrent, en
proportion de la quantité de nourriture qu’ils rencontraient ; mais en conséquence, ainsi que les
Espagnols l’avaient prévu, la colonie des chèvres diminua. Si elles avaient été détruites, les chiens
auraient péri de même. Mais comme un grand nombre de chèvres se réfugièrent dans les rochers
escarpés, où les chiens ne purent jamais les suivre, ne descendant pour se nourrir qu’en de brèves
incursions craintives et circonspectes, peu d’entre elles, en dehors des insouciantes et des
imprudentes, devinrent des proies ; et seuls les chiens les plus vigilants, les plus forts et les plus
actifs purent obtenir leur nourriture en suffisance. Un nouvel équilibre s’installa. Les plus faibles
des deux espèces furent parmi les premiers à payer le tribut de la nature ; les plus actifs et les plus
vigoureux préservèrent leur vie.

Joseph Townsend, A dissertation on the Poor Laws, 1786.


Introduction :
Dans cet extrait, nous sommes introduits à l'histoire des chèvres de Juan Fernández,
une île isolée dans les mers du Sud. L'auteur, Joseph Townsend, explore le lien entre
la surpopulation, les ressources limitées et les cycles de prospérité et de misère dans
la colonie de chèvres. La problématique tourne autour des conséquences de la
croissance démographique sur l'accès aux ressources et la survie des espèces.

Explication :
L'auteur décrit comment Juan Fernández a initialement installé une colonie de chèvres
sur l'île. Au départ, avec des ressources abondantes, la population de chèvres a
prospéré et augmenté rapidement. Cependant, à mesure que leur nombre augmentait,
les ressources disponibles ont commencé à s'épuiser, conduisant à la famine et à la
souffrance des chèvres. Les plus faibles ont été les premiers à succomber, rétablissant
ainsi un équilibre entre la population et les ressources disponibles.

L'auteur explique que cet équilibre est périodiquement perturbé par des facteurs tels
que les épidémies ou l'arrivée de vaisseaux en détresse, qui réduisent
considérablement la population de chèvres. Cependant, à chaque fois, les survivants
retrouvent rapidement une nouvelle abondance et une satisfaction générale. L'auteur
souligne que ce qui pourrait être considéré comme des malheurs devient finalement
une source de réconfort et de régulation de la population.

Ensuite, les Espagnols décident d'introduire des lévriers sur l'île pour éliminer
complètement les chèvres, car ils sont utilisées par les corsaires anglais pour
s'approvisionner. Les lévriers se multiplient, mais la population de chèvres diminue
comme prévu. Cependant, certaines chèvres parviennent à se réfugier dans des zones
inaccessibles aux lévriers, ce qui maintient un équilibre relatif entre les deux espèces.
Les chèvres les plus actives et les plus vigoureuses parviennent à survivre tandis que
les plus faibles périssent.

Analyse :
L'auteur construit son raisonnement en utilisant l'exemple des chèvres de Juan
Fernández pour illustrer les conséquences de la surpopulation et des ressources
limitées. Il observe que la croissance démographique conduit inévitablement à
l'épuisement des ressources et à la souffrance des individus. Cependant, il souligne
également que les catastrophes naturelles ou les événements imprévus peuvent
rétablir un équilibre en réduisant la population.

Townsend suggère que cette dynamique est applicable aux sociétés humaines,
notamment en ce qui concerne les lois sur les pauvres de l'époque. Il considère que
l'assistance trop généreuse envers les pauvres peut encourager la surpopulation et la
dépendance, tandis qu'une assistance limitée
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L'effet réversif de l’évolution

Concept-clé de l’anthropologie darwinienne, l’effet réversif de l’évolution est ce qui permet


de penser chez Darwin le passage entre ce que l’on nommera par commodité et approximation la
sphère de la nature, régie par la stricte loi de la sélection, et l’état d’une société civilisée, à
l’intérieur de laquelle se généralisent et s’institutionnalisent des conduites qui s’opposent au libre
jeu de cette loi. Si ce concept n’est nulle part nommé dans l’œuvre de Darwin, il y est cependant
décrit et opère dans certains chapitres importants de La descendance de l’Homme de 1871 […].
[Il] peut se formuler ainsi : la sélection naturelle, principe directeur de l’évolution
impliquant l’élimination des moins aptes dans la lutte pour la vie, sélectionne dans l’humanité une
forme de vie sociale dont la marche vers la civilisation tend à exclure de plus en plus, à travers le
jeu lié de l’éthique et des institutions, les comportements éliminatoires. En termes simplifiés, la
sélection naturelle sélectionne la civilisation, qui s’oppose à la sélection naturelle. Comment
résoudre cet apparent paradoxe ?
Nous le résoudrons en développant simplement la logique même de la théorie sélective. La
sélection naturelle – il s’agit chez Darwin d’un point fondamental – sélectionne non seulement des
variations organiques présentant un avantage adaptatif, mais aussi des instincts. Parmi ces instincts
avantageux, ceux que Darwin nomme les instincts sociaux ont été tout particulièrement retenus et
développés, ainsi que le prouvent le triomphe universel du mode de vie social au sein de
l’humanité, et la tendancielle hégémonie des peuples « civilisés ». Or dans l’état de « civilisation »,
résultat complexe d’un accroissement de la rationalité, de l’emprise grandissante du sentiment de
« sympathie » et des différentes formes morales et institutionnelles de l’altruisme, on assiste à un
renversement de plus en plus accentué des conduites individuelles et sociales par rapport à ce que
serait la poursuite pure et simple du fonctionnement sélectif antérieur : au lieu de l’élimination des
moins aptes apparaît, avec la civilisation, le devoir d’assistance qui met en œuvre à leur endroit de
multiples démarches de secours et de réhabilitation ; au lieu de l’extinction naturelle des malades et
des infirmes, leur sauvegarde par la mobilisation de technologies et de savoirs (hygiène, médecine,
sport) visant à la réduction et à la compensation des déficits organiques ; au lieu de l’acceptation
des conséquences destructrices des hiérarchies naturelles de la force, du nombre et de l’aptitude
vitale, un interventionnisme rééquilibrateur qui s’oppose à la disqualification sociale. Par le biais
des instincts sociaux, la sélection naturelle, sans « saut » ni rupture, a ainsi sélectionné son
contraire […]. L’émergence progressive de la morale apparaît donc comme un phénomène
indissociable de l’évolution, et c’est là une suite normale du matérialisme de Darwin, et de
l’inévitable extension de la théorie de la sélection naturelle à l’explication du devenir des sociétés
humaines. […] L’avantage nouveau n’est plus alors d’ordre biologique : il est devenu social.

Patrick TORT, Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, 1996.


Introduction :
Dans cet extrait, extrait du Dictionnaire du darwinisme et de l'évolution de Patrick
Tort, l'auteur aborde le concept de l'effet réversif de l'évolution dans l'anthropologie
darwinienne. Il examine la transition entre la sélection naturelle régissant le règne
de la nature et l'émergence d'une société civilisée où des comportements sociaux
s'opposent au libre jeu de cette loi. L'auteur explore la résolution de ce paradoxe
apparent.

Explication :
L'auteur explique que la sélection naturelle, qui implique l'élimination des moins
aptes dans la lutte pour la vie, favorise dans l'humanité une forme de vie sociale qui
tend à exclure progressivement les comportements éliminatoires grâce à l'éthique et
aux institutions. La sélection naturelle sélectionne donc la civilisation qui,
ironiquement, s'oppose à la sélection naturelle. Cette apparente contradiction est
résolue en comprenant que la sélection naturelle ne sélectionne pas seulement des
variations organiques avantageuses, mais aussi des instincts. Parmi ces instincts,
les instincts sociaux ont été particulièrement retenus et développés, conduisant à
l'émergence de comportements altruistes et moraux dans les sociétés civilisées.
Ainsi, la civilisation introduit des principes tels que l'assistance, la préservation des
malades et des infirmes, ainsi qu'un interventionnisme rééquilibrateur pour
contrecarrer les conséquences des hiérarchies naturelles. La morale émerge donc
progressivement et devient un phénomène indissociable de l'évolution.

Analyse :
L'auteur construit son raisonnement en reliant les principes de la sélection naturelle
à l'évolution de la société humaine. Il explique que la sélection naturelle opère non
seulement au niveau biologique, mais aussi au niveau des instincts sociaux,
favorisant ainsi le développement de la civilisation et de comportements sociaux
altruistes. L'auteur souligne le renversement des conduites individuelles et sociales
induit par la civilisation, qui s'oppose à la logique sélective antérieure. Il montre
comment la morale émerge de ce processus et devient un avantage social plutôt
que biologique.

L'auteur pense que l'émergence de la morale est une conséquence naturelle de


l'évolution, en prolongeant la théorie de la sélection naturelle dans le domaine des
sociétés humaines. Il met en évidence l'importance des instincts sociaux et de
l'éthique dans la construction de la civilisation. L'auteur montre que la sélection
naturelle opère de manière subtile et complexe, sélectionnant des comportements
sociaux qui s'opposent à la sélection naturelle elle-même.

En ce qui concerne mon point de vue, je trouve l'analyse de l'auteur intéressante et


cohérente avec les principes darwiniens. L'effet réversif de l'évolution décrit
comment la sélection naturelle conduit à l'émergence de comportements sociaux
altruistes qui favorisent la survie et le bien-être de la société. Cette analyse peut
être liée à d'autres textes ou théories qui traitent de l'évolution sociale et de
l'émergence de la morale dans les sociétés humaines, tels que les travaux de
Richard Dawkins sur les gènes égoï
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C'est une idée désormais conquise que l'homme n'a point de nature mais qu'il a – ou plutôt
qu'il est – une histoire. [...]
Certes, la notion même d'instinct, dans la psychologie animale, a perdu la rigidité qu'elle
avait jadis. On sait, aujourd'hui, que l'imitation, l'apprentissage des tâches chez les animaux
supérieurs, que l'effet de suggestion du groupe chez les animaux inférieurs vivant en une sorte
permanente d'hypnose, indique le rôle non négligeable de l'entourage dans la maturation de
l'instinct. Malgré tout, celui-ci n'en continue pas moins d'apparaître comme un « a priori de
l'espèce » dont chaque être exprime la force directrice d'une manière assez précise, même dans le
cas d'un précoce isolement. C'est en ce sens qu'un comportement animal renvoie tout de même à
quelque chose comme une nature. Chez l'enfant, tout isolement extrême révèle l'absence en lui de
ces solides a priori, de ces schèmes adaptatifs spécifiques. Les enfants privés trop tôt de tout
commerce social, – ces enfants qu'on appelle « sauvages » – demeurent démunis dans leur solitude
au point d'apparaître comme des bêtes dérisoires, comme de moindres animaux. Au lieu d'un état de
nature où l'homo sapiens et l'homo faber rudimentaires se laisseraient apercevoir, il nous est donner
d'observer une simple condition aberrante, au niveau de laquelle toute psychologie vire en
tératologie1.
La vérité est que le comportement, chez l'homme, ne doit pas à l'hérédité spécifique ce qu'il
lui doit chez l'animal. Le système de besoins et de fonctions biologiques, légué par le génotype 2, à
la naissance, apparente l'homme à tout être animé sans le caractériser, sans le désigner comme
membre de l'« espèce humaine ». En revanche, cette absence de déterminations particulières, est
parfaitement synonyme d'une présence de possibles indéfinis. A la vie close, dominée et réglée par
une nature donnée, se substitue ici l'existence ouverte, créatrice et ordonnatrice d'une nature
acquise. Ainsi, sous l'action des circonstances culturelles, une pluralité de types sociaux et non un
seul type spécifique pourrait-il apparaître, diversifiant l'humanité selon le temps et l'espace. Ce que
l'analyse même des similitudes retient de commun chez les hommes, c'est une structure de
possibilités, voir de probabilités qui ne peut passer à l'être sans contexte social, quel qu'il soit. Avant
la rencontre d'autrui, et du groupe, l'homme n'est rien que des virtualités aussi légères qu'une
transparente vapeur. Toute condensation suppose un milieu, c'est-à-dire le monde des autres. [...]
Le problème de la nature humaine, c'est en somme celui de l'hérédité psychologique, car si
l'hérédité biologique est un fait aussi clair que le jour, rien n'est plus contestable que la transmission
[de propriétés psychologiques]. Le naturel, en l'homme, c'est ce qui tient à l'hérédité, le culturel c'est
ce qui tient à l'héritage. [...] Il n'est pas facile, déjà, de fixer les frontières du naturel et du culturel
dans le domaine purement organique. La taille, le poids de l'enfant, par exemple, sont sous la
dépendance de potentialités héréditaires, mais aussi de conditions d'existence plus ou moins
favorables qu'offrent le niveau et le mode de civilisation. Que la nourriture, la lumière, la chaleur –
mais aussi l'affection – viennent à manquer et le schéma idéal de développement se trouve
gravement perturbé. Dans le domaine psychologique les difficultés d'un clivage rigoureux entre le
naturel et le culturel deviennent de pures et simples impossibilités. La vie biologique à des
conditions physiques extérieures qui l'autorisent à être et à se maintenir, la vie psychologique de
l'homme à des conditions sociales qui lui permettent de surgir et de se perpétuer. Chez l'animal [...]
on voit le comportement étroitement lié aux automatismes corporels : l'hérédité des instincts n'est au
fond qu'une autre désignation de l'hérédité physiologique. Chez l'homme, le concept d'hérédité
psychologique, au contraire, si l'on entend par là une transmission interne d'idées, de sentiments et
de vouloirs, et quels que soient les processus organiques qu'on imagine à leur source, perd toute
signification concevable.

Lucien MALSON, Les enfants sauvages, Introduction, 1964.


1 La tératologie littéralement est des monstres, c'est-à-dire l'étude des malformations congénitales.
2 Le génotype est l'ensemble des gènes d'un individu.
Introduction:
Dans cet extrait de l'introduction de l'ouvrage "Les enfants sauvages" de Lucien
Malson, l'auteur aborde la question de la nature humaine et de son rapport à l'hérédité
psychologique et culturelle. Il remet en question l'idée d'une nature humaine fixe et
met en évidence l'importance de l'histoire et de l'héritage culturel dans la construction
de l'identité humaine.

Explication:
L'auteur explique que contrairement aux animaux, l'homme n'a pas une nature fixée
par l'hérédité spécifique. Les instincts animaux sont influencés par l'environnement et
la suggestion du groupe, mais conservent néanmoins une certaine rigidité. En
revanche, chez l'homme, l'isolement extrême révèle l'absence de schèmes adaptatifs
spécifiques, ce qui entraîne une démunition et une déviation psychologique. Selon
l'auteur, le comportement humain ne dépend pas principalement de l'hérédité
spécifique, mais plutôt des conditions culturelles et sociales. L'absence de
déterminations particulières permet l'émergence de multiples possibilités et de
diversité dans l'humanité, qui se développe en fonction du contexte social.

Analyse:
L'auteur construit son raisonnement en soulignant la différence entre l'hérédité
biologique et l'héritage psychologique et culturel chez l'homme. Il remet en question la
possibilité de distinguer clairement le naturel du culturel dans le domaine organique et
souligne les influences complexes des conditions physiques et sociales sur le
développement humain. L'auteur remet en question l'idée d'une transmission interne
d'idées, de sentiments et de volontés, et souligne l'importance des conditions sociales
pour l'émergence et la perpétuation de la vie psychologique chez l'homme.

L'auteur pense que la nature humaine est fortement influencée par l'héritage culturel et
social plutôt que par une hérédité psychologique fixe. Il soutient que l'existence
humaine est ouverte, créatrice et ordonnatrice, et que la diversité des types sociaux
est le résultat des circonstances culturelles. L'auteur met en évidence l'importance des
conditions sociales pour la formation de l'identité et des possibilités infinies qu'elles
offrent.

Quant à mon opinion, je trouve la perspective de l'auteur intéressante et pertinente. La


distinction entre nature et culture, ainsi que l'accent mis sur l'influence des conditions
sociales dans la construction de l'identité humaine, sont des thèmes importants à
explorer. Ce texte évoque des questions fondamentales sur la nature humaine et invite
à une réflexion sur le rôle de l'héritage culturel et des influences sociales dans le
développement individuel et collectif.

En relation avec d'autres textes, cet extrait peut être mis en parallèle avec les travaux
de sociologues tels que Pierre Bourdieu ou Anthony Giddens, qui ont également
exploré les interactions entre la structure sociale et la construction de l'identité
individuelle. Il soulève également des questions sur la plasticité de la nature humaine
et sur la manière dont les individus et les sociétés se façonnent mutuellement à travers
l'histoire et la culture.
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L'homme et la nature

Texte 1 :

Les plantes existent pour les animaux, et les autres animaux pour l’homme, les animaux
domestiques pour son usage et sa nourriture, les animaux sauvages, sinon tous du moins la plupart,
pour sa nourriture et d’autres secours puisqu’il en tire vêtements et autres instruments. Si donc la
nature ne fait rien d’inachevé ni rien en vain, il est nécessaire que ce soit pour les hommes que la
nature ait fait tout cela. C’est pourquoi, en un sens, l’art de la guerre est un art naturel d’acquisition
(car l’art de la chasse est une partie de cet art) auquel nous devons avoir recours contre les bêtes et
les hommes qui sont nés pour être commandés mais n’y consentent pas : cette guerre-là est juste par
nature.

ARISTOTE, La Politique, IVe siècle av. J.-C.

Texte 2 :

Sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que commençant
à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire,
et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent, j’ai cru que je ne pouvais
les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu’il est en
nous, le bien général de tous les hommes. Car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à
des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on
enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les
actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous
environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les
pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre
comme maîtres et possesseurs de la nature.

René DESCARTES, Discours de la méthode, 1637.


Introduction:
Dans cet extrait, nous avons deux textes. Le premier est tiré de "La Politique" d'Aristote, écrit au
IVe siècle av. J.-C., tandis que le second est extrait du "Discours de la méthode" de René
Descartes, publié en 1637. Les deux textes abordent la relation entre l'homme et la nature, mais
d'une manière différente. Aristote discute du rôle de la nature dans la création des plantes et des
animaux, ainsi que de l'art de la guerre en tant qu'art naturel d'acquisition. Descartes, quant à lui,
évoque la possibilité de parvenir à une connaissance pratique de la nature afin de devenir
maîtres et possesseurs de celle-ci.

Explication:
Dans le premier texte, Aristote soutient que la nature a créé les plantes et les animaux pour
répondre aux besoins de l'homme. Les animaux domestiques sont destinés à être utilisés et
consommés par l'homme, tandis que les animaux sauvages, bien que pas tous, fournissent
également des ressources essentielles. Aristote affirme que l'art de la guerre, y compris l'art de la
chasse, est un moyen naturel pour l'homme de se procurer ces ressources. Ainsi, la guerre
contre les bêtes et les hommes qui refusent d'être commandés est considérée comme juste par
nature.

Dans le deuxième texte, Descartes met en avant l'importance de la connaissance pratique de la


nature. Il affirme qu'en comprenant les forces et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres et
des autres corps environnants, l'homme peut les utiliser à diverses fins, devenant ainsi maîtres et
possesseurs de la nature. Descartes critique la philosophie spéculative enseignée dans les
écoles et propose une approche pratique qui permettrait d'utiliser la nature pour le bien général
de tous les hommes.

Analyse:
Les deux auteurs ont des perspectives différentes sur la relation entre l'homme et la nature.
Aristote considère que la nature a créé les plantes et les animaux dans le but de répondre aux
besoins de l'homme. Il justifie ainsi l'art de la guerre comme moyen naturel d'acquisition de
ressources. D'un autre côté, Descartes souligne l'importance de la connaissance pratique de la
nature, offrant ainsi la possibilité à l'homme de la maîtriser et de l'utiliser à son avantage.

Aristote met en évidence l'idée d'une hiérarchie entre les êtres vivants, où l'homme occupe une
place centrale et où la nature est conçue pour lui fournir des ressources. Descartes, en
revanche, met l'accent sur le pouvoir de la raison humaine et la possibilité d'une domination de la
nature par l'intermédiaire de la connaissance et de la maîtrise des forces naturelles.

Dans l'ensemble, les deux textes soulèvent des questions sur la relation complexe entre l'homme
et la nature, ainsi que sur le rôle de la connaissance et de la maîtrise dans cette relation.

En ce qui concerne mon opinion, je trouve ces deux perspectives intéressantes et


complémentaires. Le texte d'Aristote met en évidence la dépendance de l'homme vis-à-vis de la
nature pour sa subsistance, tandis que celui de Descartes souligne le potentiel de l'homme à
comprendre et à utiliser la nature de manière responsable. Ces idées peuvent être mises en
relation avec d'autres textes qui abordent des thématiques telles que l'écologie, la responsabilité
environnementale et la place de l'homme dans l'écosystème global. La réflexion sur notre
relation avec la nature reste un sujet d'actualité, notamment face aux défis environnementaux
contemporains.
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La capacité à souffrir

La capacité à souffrir – ou plus précisément, à souffrir et/ou à éprouver le plaisir ou le


bonheur – n'est pas simplement une caractéristique comme une autre comme la capacité à parler ou
à comprendre les mathématiques supérieures. Ce que dit Bentham3 n'est pas que ceux qui tentent de
marquer cette « ligne infranchissable » qui détermine si les intérêts d'un être doivent ou non être
pris en considération se sont simplement trompés de caractéristique. Quand il dit que nous devons
considérer les intérêts de tous les êtres capables de souffrir ou d'éprouver du plaisir, il n'exclut de
façon arbitraire du bénéfice de la considération aucun intérêt du tout – contrairement à ceux qui
tracent la ligne en fonction de la possession de la raison ou du langage. La capacité à souffrir et à
éprouver du plaisir est une condition nécessaire sans laquelle un être n'a pas d'intérêts du tout, une
condition qui doit être remplie pour qu'il y ait un sens à ce que nous parlions d'intérêts. Il serait
absurde de dire qu'il est contraire aux intérêts d'une pierre d'être promenée le long du chemin par les
coups de pied d'un écolier. Une pierre n'a pas d'intérêts parce qu'elle ne peut pas souffrir. Rien de ce
que nous pouvons lui faire ne peut avoir de conséquence pour son bien-être. La capacité à souffrir et
à éprouver du plaisir est, par contre, une condition non seulement nécessaire, mais aussi suffisante,
pour dire qu'un être a des intérêts – il aura, au strict minimum, un intérêt à ne pas souffrir. Une
souris, par exemple, a un intérêt à ne pas recevoir de coups de pied, parce que si elle en reçoit elle
souffrira. […]
Si un être souffre, il ne peut y avoir aucune justification morale pour refuser de prendre en
considération cette souffrance. Quelle que soit la nature d'un être, le principe d'égalité exige que sa
souffrance soit prise en compte de façon égale avec toute souffrance semblable – dans la mesure où
des comparaisons approximatives sont possibles – de n'importe quel autre être. Si un être n'a pas la
capacité de souffrir ni de ressentir du plaisir ou du bonheur, alors il n'existe rien à prendre en
compte. Ainsi, c'est le critère de la sensibilité (pour employer ce mot comme raccourci pratique,
mais en toute rigueur inexact, pour désigner la capacité à souffrir et/ou à ressentir le plaisir) qui
fournit la seule limite défendable à la préoccupation pour les intérêts des autres. Fixer cette limite
selon une autre caractéristique comme l'intelligence ou la rationalité serait la fixer de façon
arbitraire. Pourquoi ne pas choisir quelque autre caractéristique encore, comme la couleur de la
peau ? Les racistes violent le principe d’égalité en donnant un plus grand poids aux intérêts des
membres de leur propre race quand un conflit existe entre ces intérêts et ceux de membres d’une
autre race. Les sexistes violent le principe d’égalité en privilégiant les intérêts des membres de leur
propre sexe. De façon similaire, les spécistes permettent aux intérêts des membres de leur propre
espèce de prévaloir sur des intérêts supérieurs de membres d’autres espèces. Le schéma est le même
dans chaque cas.

Peter SINGER, La libération animale, 1975.

3 Jeremy Bentham (1748-1832), philosophe anglais utilitariste.


Introduction:
Dans ce texte issu de "La libération animale" de Peter Singer, publié en 1975, l'auteur aborde
la question de la capacité à souffrir et à éprouver du plaisir chez les êtres vivants. Singer
remet en question les critères traditionnels, tels que la possession de la raison ou du
langage, pour déterminer quels intérêts doivent être pris en compte. Il soutient que la
capacité à souffrir et à éprouver du plaisir est une condition nécessaire et suffisante pour
considérer les intérêts d'un être, et que cette sensibilité devrait être le critère défendable pour
la préoccupation des intérêts des autres.

Explication:
Singer commence par affirmer que la capacité à souffrir et à éprouver du plaisir n'est pas une
caractéristique banale, mais plutôt une condition fondamentale pour qu'un être ait des
intérêts. Il critique ceux qui établissent une "ligne infranchissable" basée sur des critères
arbitraires tels que la possession de la raison ou du langage pour exclure certains êtres de
considération morale. Selon lui, il est absurde de dire qu'une pierre a des intérêts car elle est
dépourvue de sensibilité et ne peut pas souffrir.

Ensuite, Singer affirme que si un être est capable de souffrir, alors sa souffrance doit être
prise en compte sur un pied d'égalité avec celle de tout autre être similaire. Il souligne que le
principe d'égalité exige que la souffrance soit traitée de manière équitable, indépendamment
de la nature spécifique de l'être concerné. Il rejette l'utilisation d'autres caractéristiques telles
que l'intelligence ou la rationalité comme critères de distinction morale, les considérant
comme arbitraires et comparables au racisme ou au sexisme.

Analyse:
Le raisonnement de Singer repose sur une approche utilitariste et égalitariste. Il met l'accent
sur la capacité à souffrir et à éprouver du plaisir comme fondement moral pour prendre en
compte les intérêts des êtres sensibles. En rejetant les critères traditionnels tels que la raison
ou le langage, Singer remet en question les hiérarchies et les discriminations basées sur des
caractéristiques arbitraires.

Singer défend l'idée que la sensibilité est un critère plus objectif et pertinent pour évaluer la
considération morale, car elle est étroitement liée à la capacité à ressentir la douleur et le
bien-être. Il considère que les limites de la préoccupation pour les intérêts des autres
devraient être définies par cette sensibilité, et non par d'autres attributs qui pourraient être
discriminatoires ou injustes.

Dans ce texte, Singer remet en question la façon dont la société traite les animaux en
soutenant que leur capacité à souffrir justifie le respect de leurs intérêts. Cela ouvre la voie à
une réflexion sur l'éthique de la consommation de produits d'origine animale, l'exploitation
des animaux dans l'industrie et d'autres questions relatives aux droits des animaux.

En ce qui concerne mon opinion, je trouve le raisonnement de Singer convaincant.


Considérer la sensibilité comme critère moral pour prendre en compte les intérêts des êtres
vivants me semble juste et éthiquement solide. Cela nécessite une réévaluation de notre
relation avec les animaux et soulève des questions sur notre devoir moral envers eux. Ce
texte suscite également des réflexions sur d'autres questions telles que la protection de
l'environnement, la durabilité et les droits des générations futures.
Collège Claparède – Philosophie – M. Cieniewicz

Comment réagir face à une telle éventualité ? Pourquoi est-il si difficile d’y croire ?
Pourquoi ne veut-on même pas savoir ? Tant que l’on n’a pas été en contact répété avec ces chiffres,
ces courbes et ces formes de raisonnement, la possibilité de la fin du « monde-tel-qu’on-le-connaît »
n’est pas vraiment compréhensible. Naturellement, on a tendance à se protéger des informations
aussi perturbantes, et il existe une stratégie infaillible : le déni. Conjugué à toutes les sauces :
« Arrête de nous parler de mauvaises nouvelles, c’est trop déprimant ! », « La fin du pétrole ?
Mais non. De toute façon, ils nous trouveront bien quelque chose… » Dans Effondrement, Jared
Diamond résume cela d’une parabole issue de son étude sur la disparition de la civilisation de l’île
de Pâques, liée à la surexploitation de ses forêts : « On se prend à imaginer l’état d’esprit du
Pascuan qui abattit le dernier palmier au moment précis où il l’abattait. Comme les forestiers
modernes, s’est-il écrié : “Du travail, pas des arbres” ? Ou : “la technologie va résoudre nos
problèmes, il n’y a rien à craindre, nous trouverons des substituts au bois” ? Voire : “Nous n’avons
aucune preuve qu’il n’existe pas de palmiers ailleurs sur l’île de Pâques, il faut chercher encore.
Votre proposition d’interdire la coupe des arbres est prématurée et n’est motivée que par la
peur” ? »
Celles et ceux qui ne veulent pas savoir ont de nombreuses raisons de fermer les yeux. Mais
il y en a une toute simple : nos cerveaux ne peuvent faire face à des informations alarmantes qui ont
des implications trop « vastes », trop théoriques ou trop lointaines. Ainsi nous ressentons
immédiatement de la peur à la vue d’une mygale enfermée dans une boîte en verre ou d’un chien
nous aboyant dessus, mais nous avons du mal à sécréter de l’adrénaline après la lecture d’un rapport
du GIEC. Même quand ce dernier n’évoque rien de moins que la probabilité de millions de morts et
de souffrances incommensurables dans les décennies à venir.
Mais le plus fascinant et le plus étrange dans la problématique des catastrophes est qu’il
n’est pas rare que nous sachions ce qui se passe – ou ce qui risque de se passer –, mais que nous n’y
croyons tout simplement pas. Savoir, mais sans y croire. Personne ne peut dire aujourd’hui que les
données scientifiques sont en nombre insuffisant ni que les médias n’en font pas assez mention.
« Nous tenons la catastrophe pour impossible dans le même temps où les données dont nous
disposons nous la font tenir pour vraisemblable et même certaine ou quasi certaine. […] Ce n’est
pas l’incertitude, scientifique ou non, qui est l’obstacle, c’est l’impossibilité de croire que le pire va
arriver4. »
Des expériences en psychologie sociale ont montré que, pour prendre au sérieux une
menace, il est nécessaire d’être bien informé de la situation et de disposer d’alternatives crédibles,
fiables et accessibles. S’il manque l’un de ces deux ingrédients, on préfère ne pas y croire. Comme
l’a observé Dennis Meadows, l’un des auteurs du rapport au Club de Rome de 1972, au cours des
quarante dernières années, « nous avons simplement continué à trouver de nouvelles raisons de ne
pas changer notre comportement5. ». Car l’être humain préfère croire aux histoires qu’il se raconte
– ses mythes fondateurs – qu’aux faits établis. Par exemple, l’obsession de la croissance empêche la
plupart des économistes « orthodoxes » de croire au déclin de la production de pétrole ou même au
changement climatique. Car ces deux faits ne peuvent pas entrer dans les équations. Nos mythes ont
fondé notre identité et notre vision du monde ; ils sont profondément enracinés dans nos esprits et
sont très difficilement remis en cause par un fait qui surgit, aussi objectif et massif soit-il.

Pablo SERVIGNE, « Penser l’effondrement », 2016.

4 J.-P. Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, Le Seuil, Paris, 2002, p. 142.
5 D. Meadows, Les Limites à la croissance dans un monde fini, Rue de l’Échiquier, Paris, 2013, p. 204.
Introduction:
Le texte analysé est extrait du livre "Penser l'effondrement" écrit par Pablo Servigne en 2016. Le thème abordé
est la réaction des individus face à la perspective d'une catastrophe ou d'un effondrement écologique. La
problématique soulevée concerne la difficulté à accepter et à croire en de telles éventualités, malgré l'existence
de preuves scientifiques et d'informations alarmantes. L'auteur cherche à expliquer les raisons psychologiques et
sociales qui conduisent à cette réaction de déni et à remettre en question les mythes et les croyances
profondément ancrés dans notre société.

Explication:
Le texte aborde plusieurs points clés pour comprendre la réaction face à la perspective d'une catastrophe
écologique. L'auteur mentionne d'abord le fait que les informations alarmantes sont souvent difficiles à intégrer
pour notre cerveau, car elles impliquent des conséquences vastes, théoriques ou lointaines. Nous sommes plus
enclins à réagir immédiatement à des menaces directes et tangibles, comme une mygale ou un chien agressif,
plutôt qu'à des avertissements sur des souffrances futures.

L'auteur souligne également le paradoxe selon lequel nous pouvons avoir connaissance des problèmes et des
risques, mais ne pas y croire. Il mentionne que les données scientifiques sont abondantes et que les médias en
parlent, mais il existe une incapacité à accepter que le pire puisse réellement se produire. Cette impossibilité de
croire à la catastrophe imminente constitue l'obstacle principal, plutôt que l'incertitude scientifique.

L'auteur fait référence à des expériences en psychologie sociale qui démontrent que pour prendre au sérieux une
menace, il est nécessaire d'être bien informé de la situation et de disposer d'alternatives crédibles. En l'absence
de l'un de ces deux éléments, nous préférons nier la réalité de la menace. Il évoque également le rôle des mythes
fondateurs et des croyances profondément enracinées qui façonnent notre identité et notre vision du monde. Ces
croyances peuvent entraver notre capacité à accepter des faits objectifs qui remettent en question ces mythes.

Analyse:
Le raisonnement dans le texte est construit de manière logique et basé sur des observations psychologiques et
sociales. L'auteur explique les mécanismes qui nous empêchent de réagir de manière adéquate face aux
menaces environnementales majeures. Il met en évidence la tendance humaine à privilégier les informations
immédiates et directes, ainsi que notre résistance à intégrer les informations alarmantes qui ont des
conséquences lointaines ou théoriques.

L'auteur cherche à montrer que notre réaction de déni est en partie due à notre attachement à des mythes et des
croyances profondément enracinés dans notre culture. Ces croyances peuvent limiter notre capacité à envisager
des changements radicaux et à accepter des faits qui remettent en question ces croyances.

L'auteur soutient que la réticence à accepter la réalité des catastrophes imminentes est un obstacle majeur à la
prise de conscience et à l'action collective. En remettant en question les mythes et les croyances dominantes, il
cherche à susciter une remise en question de nos comportements et de nos choix de société.

Opinion:
Ce texte soulève des questions importantes sur la réaction humaine face aux crises écologiques. Il met en
évidence les mécanismes psychologiques et sociaux qui nous empêchent de prendre au sérieux ces menaces
malgré l'abondance de preuves scientifiques. Je trouve cette analyse pertinente et convaincante.

Ce texte évoque également la difficulté de remettre en question nos croyances profondément enracinées et notre
vision du monde. Il met en évidence l'importance de remettre en question ces croyances pour faire face aux défis
environnementaux actuels.

En termes de liens avec d'autres textes, ce texte rappelle les travaux de chercheurs en psychologie sociale et en
sciences du comportement qui ont également étudié les mécanismes de déni et de rationalisation face aux
menaces. Il peut être intéressant de se pencher sur d'autres études et analyses sur ces sujets pour approfondir
notre compréhension des réactions humaines face aux crises écologiques.

En conclusion, ce texte met en lumière les obstacles psychologiques et sociaux qui entravent notre capacité à
faire face aux catastrophes environnementales imminentes. Il souligne l'importance de remettre en question nos
croyances et d'adopter une approche plus consciente et responsable pour faire face aux défis écologiques
actuels.
Collège Claparède – Philosophie – M. Cieniewicz

L'éthique de la terre

Toutes les éthiques élaborées jusqu’ici reposent sur un seul présupposé : que l’individu est
membre d’une communauté de parties interdépendantes. Son instinct le pousse à concourir pour
prendre sa place dans cette communauté, mais son éthique le pousse aussi à coopérer (peut-être afin
qu’il y ait une place en vue de laquelle concourir).
L’éthique de la terre élargit simplement les frontières de la communauté de manière à y
inclure le sol, l’eau, les plantes et les animaux ou, collectivement, la terre.
Cela paraît simple : ne chantons-nous pas déjà l’amour et les devoirs qui nous lient à notre
sol patriotique, terre de liberté ? Oui, mais qui et quoi au juste aimons-nous ? Certainement pas le
sol, que nous envoyons à vau-l’eau, au fil des fleuves. Certainement pas ces fleuves eux-mêmes,
dont nous pensons qu’ils n’ont d’autre fonction que de faire tourner nos turbines, porter nos
péniches et charrier nos déchets. Certainement pas les plantes, que nous exterminons sans ciller par
communautés entières. Certainement pas les animaux, dont nous avons déjà exterminé bien des
espèces, parmi les plus grandes et les plus belles. Une éthique de la terre ne saurait bien entendu
prévenir l’altération ni l’exploitation de ces « ressources », mais elle affirme leur droit à continuer
d’exister et, par endroits du moins, à continuer d’exister dans un état naturel.
En bref, une éthique de la terre fait passer l’Homo sapiens du rôle de conquérant de la
communauté-terre à celui de membre et citoyen parmi d’autres de cette communauté. Elle implique
le respect des autres membres, et aussi le respect de la communauté en tant que telle.
Au cours de l’histoire humaine, nous avons appris (je l’espère) que le rôle du conquérant
contient en lui-même sa propre défaite. Pourquoi ? Parce qu’il implique que le conquérant sache, ex
cathedra6, ce qui, précisément, fait tourner la machine communautaire ; qui est utile ou nuisible à sa
subsistance ; ce qui, dans cette perspective, a de la valeur et ce qui n’en a pas. Il s’avère toujours
qu’il ne sait ni l’un ni l’autre, et c’est la raison pour laquelle ses conquêtes finissent par se défaire
d’elles-mêmes.
La communauté biotique présente une situation parallèle. […]
Le citoyen ordinaire d’aujourd’hui part du principe que la science sait ce qui fait tourner la
machine communautaire ; le scientifique, lui, est convaincu du contraire. Il sait que le mécanisme
biotique est si complexe que nous n’en comprendrons peut-être jamais pleinement les rouages.
Le fait que l’homme ne soit qu’un membre parmi d’autres d’une équipe biotique, c’est ce
que montre une interprétation écologique de l’Histoire.

Aldo LEOPOLD, Almanach d'un comté des sables, 1949.

6 Locution latine qui signifie littéralement : du haut de la chaire, c'est-à-dire avec autorité, solennité.
Introduction:
Dans le texte "L'éthique de la terre" extrait de l'"Almanach d'un comté des sables" d'Aldo Leopold, l'auteur
aborde le thème de l'éthique environnementale et explore la nécessité d'une nouvelle perspective éthique qui
inclut la terre et les êtres vivants. La problématique soulevée est la manière dont l'humanité interagit avec la
nature et comment notre éthique traditionnelle doit évoluer pour reconnaître notre interdépendance avec la
communauté biotique. La thèse de l'auteur est que l'éthique de la terre doit placer l'Homme comme un
membre et un citoyen de la communauté biotique, en accordant un respect à la nature et en reconnaissant
notre rôle en tant qu'acteurs parmi d'autres dans l'écosystème.

Explication:
Le texte commence par affirmer que toutes les éthiques précédentes se basaient sur l'idée que l'individu est
membre d'une communauté interdépendante, où il cherche à prendre sa place en concourant avec les autres
membres, tout en coopérant également. L'éthique de la terre étend simplement les frontières de cette
communauté pour y inclure la terre, l'eau, les plantes et les animaux. L'auteur souligne que nous ne devons
pas seulement aimer notre sol et notre patrie, mais aussi reconnaître notre responsabilité envers la terre et
ses éléments constitutifs.

L'auteur critique ensuite notre attitude actuelle envers la nature, où nous négligeons la valeur intrinsèque des
éléments naturels. Nous exploitons les ressources naturelles sans considération pour leur préservation et
exterminons des espèces sans hésitation. L'éthique de la terre ne peut pas empêcher l'altération ou
l'exploitation de ces ressources, mais elle affirme leur droit à exister et à maintenir leur état naturel.

L'auteur explique ensuite que l'éthique de la terre implique un changement de perspective, passant du rôle
de conquérant de la communauté-terre à celui de membre et de citoyen parmi d'autres. Il souligne que le
conquérant, qu'il soit humain ou scientifique, ne peut pas prétendre tout savoir sur le fonctionnement de la
communauté biotique. Il existe une complexité que nous ne pourrons peut-être jamais pleinement
comprendre.

Analyse:
Le raisonnement dans le texte est construit de manière à remettre en question notre relation avec la nature et
à proposer une nouvelle approche éthique. L'auteur souligne l'importance de reconnaître notre
interdépendance avec la communauté biotique et de traiter la terre et ses éléments constitutifs avec respect.
Il critique l'idée de conquête et de domination de la nature, mettant en évidence les limites de notre
compréhension scientifique.

L'auteur se base sur des observations et des réflexions écologiques pour soutenir sa thèse. Il utilise des
exemples concrets d'exploitation des ressources naturelles et d'extinction d'espèces pour illustrer les
conséquences de notre éthique actuelle.

Opinion:
Ce texte soulève des questions essentielles concernant notre relation avec la nature et la nécessité d'une
éthique environnementale. Je suis d'accord avec l'auteur sur le fait que nous devons reconnaître notre
interdépendance avec la communauté biotique et adopter une approche plus respectueuse de la terre et de
ses éléments constitutifs.

Ce texte fait écho à d'autres travaux et idées écologiques qui mettent en avant la nécessité d'un changement
de perspective et d'une prise de conscience de notre responsabilité envers l'environnement. Il peut être
intéressant de le mettre en relation avec des travaux sur l'écologie profonde, la philosophie de
l'environnement et les mouvements écologistes contemporains.

En conclusion, ce texte propose une réflexion profonde sur l'éthique de la terre et la nécessité d'une nouvelle
perspective éthique qui reconnaît notre interdépendance avec la communauté biotique. Il met en évidence
les limites de notre compréhension scientifique et souligne l'importance de traiter la nature avec respect.
Cette réflexion est pertinente et soulève des questions essentielles pour une coexistence durable entre
l'Homme et la nature.
Collège Claparède – Philosophie – M. Cieniewicz

La chambre chinoise

J’ai eu de nombreux débats avec des chercheurs en sciences cognitives. Mon argument de
base est que c’est une erreur de croire qu’on peut créer un esprit avec le symbolisme binaire d’une
machine de Turing. C’est ce que montre mon argument de la chambre chinoise. […] J’ai acheté un
manuel au hasard, dont la démarche argumentative m’a sidéré par sa faiblesse. Je ne savais pas alors
que ce livre allait marquer un tournant dans ma vie. Il expliquait comment un ordinateur pouvait
comprendre le langage. L’argument était qu’on pouvait raconter une histoire à l'ordinateur et qu’il
était capable ensuite de répondre à des questions relatives à cette histoire bien que les réponses ne
soient pas expressément données dans le récit. L’histoire était la suivante : un homme va au
restaurant, commande un hamburger, on lui sert un hamburger carbonisé, l’homme s’en va sans
payer. On demande à l’ordinateur : « a-t-il mangé le hamburger ? » Il répond par la négative. Les
auteurs étaient très contents de ce résultat, qui était censé prouver que l’ordinateur possédait les
mêmes capacités de compréhension que nous. C’est à ce moment là que j’ai conçu l’argument de la
chambre chinoise : Supposons que je sois dans une pièce fermée avec la possibilité de recevoir et de
donner des symboles, par l’intermédiaire d’un clavier et d’un écran, par exemple. Je dispose de
caractères chinois et d’instructions permettant de produire certaines suites de caractères en fonction
des caractères que vous introduisez dans la pièce. Vous me fournissez l’histoire puis la question,
toutes deux écrites en chinois. Disposant d’instructions appropriées, je ne peux que vous donner la
bonne réponse, mais sans avoir compris quoique ce soit, puisque je ne connais pas le chinois. Tout
ce que j’aurais fait c’est manipuler des symboles qui n’ont pour moi aucune signification. Un
ordinateur se trouve exactement dans la même situation que moi dans la chambre chinoise : il ne
dispose que de symboles et de règles régissant leur manipulation. Je n’attendais pas à ce que cet
argument, qui me paraissait trivial, suscite de l’intérêt au-delà d’une semaine. L’effet fut au
contraire cataclysmique. Tous les participants du séminaire étaient convaincus que j’avais tort, mais
sans pouvoir en donner la raison.

John SEARLE, « Langage, conscience, rationalité : une philosophie naturelle » in Le Débat, 2002.
Introduction:
Dans le texte "La chambre chinoise" de John Searle, l'auteur aborde le thème de l'intelligence
artificielle et des limites du symbolisme binaire des machines de Turing pour créer une véritable
compréhension du langage. La problématique soulevée est de savoir si un ordinateur peut
réellement comprendre le langage ou s'il se limite à manipuler des symboles sans signification. La
thèse de l'auteur est que la manipulation symbolique ne suffit pas à créer une véritable
compréhension du langage et de la pensée.

Explication:
L'auteur présente son argument de la chambre chinoise en se référant à un manuel sur la
compréhension du langage par l'ordinateur. Dans cet exemple, un ordinateur est capable de
répondre correctement à une question posée en se basant sur une histoire donnée, bien que les
réponses ne soient pas explicitement fournies dans l'histoire. Les auteurs du manuel considèrent
cela comme une preuve de la capacité de compréhension de l'ordinateur. C'est à ce moment que
Searle imagine la chambre chinoise : une pièce où il est enfermé et où il reçoit et donne des
symboles en chinois, sans comprendre la langue. Il démontre que même s'il est capable de donner
la bonne réponse en manipulant les symboles conformément aux instructions, il ne comprend pas
réellement l'histoire ou la question. Il affirme que l'ordinateur se trouve dans une situation similaire,
manipulant des symboles sans véritable compréhension.

Analyse:
Le raisonnement dans le texte est construit autour de l'argument de la chambre chinoise, qui met en
évidence les limites du symbolisme binaire des machines de Turing pour créer une véritable
compréhension du langage. L'auteur critique l'idée que la manipulation symbolique seule puisse
conduire à une véritable intelligence ou compréhension du langage. Il remet en question l'idée que
la réponse correcte d'un ordinateur à une question indique une réelle compréhension, mettant en
avant le fait que la compréhension nécessite plus que la simple manipulation de symboles.

Searle pense que l'argument de la chambre chinoise est trivial et ne s'attendait pas à susciter
beaucoup d'intérêt, mais il est surpris par la réaction des participants qui ne peuvent pas expliquer
pourquoi il a tort. L'auteur cherche à remettre en question la notion de compréhension dans le
contexte de l'intelligence artificielle et à soulever des doutes sur la capacité des machines à
comprendre le langage.

Opinion:
Ce texte soulève une question fascinante sur la nature de l'intelligence artificielle et de la
compréhension du langage. Je suis d'accord avec l'auteur sur le fait que la manipulation symbolique
seule ne suffit pas à créer une véritable compréhension. La chambre chinoise illustre les limites du
symbolisme binaire des machines de Turing et met en évidence la nécessité d'autres formes de
traitement de l'information pour atteindre une véritable compréhension.

Ce texte peut être mis en relation avec d'autres travaux sur l'intelligence artificielle et la philosophie
de l'esprit, notamment ceux qui remettent en question la possibilité d'une intelligence artificielle
forte, capable de comprendre le langage et de penser de manière autonome. Il ouvre également la
voie à des réflexions sur la nature de la conscience et de la compréhension humaines, ainsi que sur
les différences fondamentales entre l'intelligence artificielle et l'intelligence humaine.

En conclusion, le texte de John Searle offre une perspective critique sur la capacité des machines à
comprendre le langage et soulève des questions importantes sur la nature de l'intelligence et de la
compréhension. Il nous invite à repenser notre relation avec les technologies de l'intelligence
artificielle et à approfondir notre compréhension des capacités cognitives uniques de l'être humain.
Collège Claparède – Philosophie – M. Cieniewicz

La technique

Il ne faut jamais dire : d'un côté la technique, d'un autre des abus ; mais presque toujours
rendre compte qu'il y a d'un côté et de l'autre des techniques différentes, répondant à des nécessité
diverses, mais inséparablement unies. Tout se tient dans le monde technique, comme dans celui des
machines, où il faut distinguer l'opportunité du moyen isolé de l'opportunité du « complexe »
mécanique. Et l'on sait que celui-ci doit l'emporter lorsque, par exemple, une machine trop coûteuse
ou trop perfectionnée risque de mettre en défaut l'ensemble mécanique.
La grande idée qui résout, paraît-il tous les problèmes techniques, conduit à dire : ce n'est
pas la technique qui est mauvaise, c'est l'usage de que l'homme en fait. Changez l'usage, il n'y aura
plus d'inconvénient de la technique. [...]
Tout d'abord, elle repose manifestement sur une confusion que nous avons déjà dénoncé
entre la machine et la technique. L'homme peut évidemment utiliser son auto à faire un voyage ou à
écraser ses voisins. Mais à ce moment-là, ce n'est pas un usage, c'est un crime : la machine n'a pas
été créée pour cela : le fait est négligeable. Je sais bien que ce n'est pas là ce qu'entendent les tenant
de cette explication, mais l'homme oriente sa recherche dans le sens du bien et non dans le sens du
mal, que la technique cherche à créer des remèdes, et non des gaz asphyxiants, de l'énergie et non la
bombe atomique, des avions de commerce et non des avions de guerre, etc. Cela ramènerait bien à
l'homme : c'est lui qui décide dans quel sens orienter les recherches. Il faut donc que l'homme
devienne meilleur.
Mais c'est justement une erreur. C'est méconnaître résolument la réalité technique : ceci
supposerait d'abord que l'on oriente la technique dans tel sens pour des motifs moraux, par
conséquent non techniques. Or c'est précisément l'un des caractères majeurs de la technique […] de
ne pas supporter de jugement moral, d'en être résolument indépendante et d'éliminer de son
domaine tout jugement moral. Elle n'obéit jamais à cette discrimination et tend au contraire à créer
une morale technique tout à fait indépendante. […]
En fait, il n'y a rigoureusement aucune différence entre la technique et son usage. Nous
formulerons donc le principe suivant : l'homme est placé devant un choix exclusif, utiliser la
technique comme elle doit l'être selon les règles techniques, ou ne pas l'utiliser du tout ; mais
impossible d'utiliser autrement que selon les règles techniques.

Jacques ELLUL, La technique ou l'enjeu du siècle, 1954.


Introduction:
Dans le texte "La technique" de Jacques Ellul, l'auteur aborde le thème de la relation entre la technique et
l'usage qui en est fait. La problématique soulevée est de savoir si la technique est intrinsèquement bonne ou
mauvaise, et si les problèmes associés à la technique sont dus à son utilisation plutôt qu'à la technique elle-
même. La thèse de l'auteur est que la technique et son usage sont indissociables, et que la technique ne
peut être jugée indépendamment de son contexte d'utilisation.

Explication:
L'auteur commence par souligner que la technique se compose de différentes approches répondant à des
nécessités diverses, mais elles sont toutes interconnectées. Il met en évidence la nécessité de considérer
non seulement les éléments techniques individuels, mais aussi les ensembles complexes de techniques.
Ellul soutient que la technique ne peut être dissociée de son contexte global et que l'opportunité d'une
technique isolée doit être évaluée en fonction de l'opportunité du complexe technique dans lequel elle
s'insère.

L'auteur critique ensuite l'idée selon laquelle la technique est neutre et que les problèmes surviennent
uniquement en raison de l'usage que l'homme en fait. Il affirme que cette vision repose sur une confusion
entre la machine et la technique. Ellul soutient que la technique elle-même ne peut pas être jugée
moralement, car elle est indépendante de la morale et tend à créer sa propre morale technique.

L'argumentation se concentre sur le fait que la technique ne peut pas être dissociée de son usage, et qu'il
n'existe aucune différence fondamentale entre la technique et son utilisation. L'auteur affirme que l'homme
est confronté à un choix exclusif : utiliser la technique conformément aux règles techniques ou ne pas
l'utiliser du tout. Il soutient que l'utilisation de la technique en dehors de ses règles techniques est
impossible.

Analyse:
Le raisonnement dans le texte est construit autour de la relation étroite entre la technique et son usage.
L'auteur critique l'idée selon laquelle la technique peut être considérée indépendamment de son utilisation et
met en évidence le caractère intrinsèquement lié de la technique et de son contexte d'utilisation. Selon Ellul,
la technique ne peut pas être soumise à un jugement moral indépendant et tend à créer sa propre morale
technique.

L'auteur pense que l'usage de la technique est indissociable de la technique elle-même et que la question
de l'utilisation de la technique ne peut être résolue simplement en changeant les motivations ou les
intentions de l'homme. Il soutient que la technique est une réalité autonome qui ne peut être évaluée qu'en
fonction de ses propres règles techniques.

Opinion:
Ce texte soulève des questions importantes sur la nature de la technique et son rapport avec l'usage qui en
est fait. Je suis en accord avec l'auteur sur le fait que la technique ne peut pas être considérée de manière
isolée de son contexte d'utilisation. L'idée que la technique et son usage sont étroitement liés remet en
question la vision simpliste selon laquelle la technique est neutre et que les problèmes proviennent
uniquement de l'usage humain.

Ce texte peut être mis en relation avec d'autres travaux sur la philosophie de la technologie et l'éthique de la
technique. Les réflexions d'Ellul invitent à considérer les implications éthiques de nos choix technologiques
et soulèvent des questions sur la responsabilité de l'homme dans l'utilisation des technologies. Il ouvre
également des perspectives sur la manière dont les valeurs et les motivations humaines influencent le
développement et l'utilisation des techniques.

En conclusion, ce texte de Jacques Ellul met en évidence l'interconnexion entre la technique et son usage,
remettant en question l'idée de neutralité de la technique. Il soulève des questions importantes sur la
responsabilité de l'homme dans l'utilisation des technologies et invite à une réflexion approfondie sur les
implications éthiques de nos choix technologiques.
Collège Claparède – Philosophie – M. Cieniewicz

Interview de Laurent Alexandre7

L’être humain va-t-il vraiment devenir immortel ?


Oui. La personne qui vivra mille ans est déjà née. Elle aura 85 ans en 2100 et, bénéficiant des
avancées technologiques de cette époque, pourra rallonger sa durée de vie de quelques décennies.
Les progrès permanents permettront ensuite successivement de repousser encore et encore sa mort.
On risque donc la catastrophe en matière de ressources pour nourrir tout ce monde ?
Non, car il n’y a aucun risque de surpopulation. Plus on vit vieux, moins on a d’enfants. Se
reproduire est surtout un moyen d’oublier qu’on va mourir, et ne sera donc plus une priorité quand
on sera immortels. Le souci sera plutôt la dénatalité.
À part l’immortalité, que visent les transhumanistes ?
Ils ont trois autres objectifs. Premièrement, augmenter les capacités de l’humain. Ensuite, créer des
interfaces entre notre cerveau et les intelligences artificielles. Enfin, conquérir l’espace pour éviter
la mort de l’Univers. Car si l’Univers meurt, nous aussi.
Cela n’est-il pas un peu aberrant ?
À vous de voir. Est-ce que ce n’est pas plus crétin d’avoir pour ambition de finir sa vie à 80 ans
dans une maison de retraite avec alzheimer, à ne plus reconnaître personne et à porter des couches ?
À quand remonte le transhumanisme ?
À la naissance de la médecine. Tout ce qui s’oppose à la mort est transhumaniste. La composante
« amélioration de l’humain » du transhumanisme est arrivée plus tard, avec l’apparition de la pilule
et des vaccins. Tous deux visent à augmenter les performances des individus : la capacité à contrôler
son cycle et à se battre contre les virus.
Quelles sont les prochaines « augmentations » en vue ?
Ce sont les circuits intégrés dans le cerveau pour améliorer les performances intellectuelles. Et la
sélection génétique des embryons. Logique. Qui voudra avoir un enfant non amélioré, qui ne fera
pas le poids à côté des autres ? 50% des parents chinois se disent prêts à utiliser des méthodes
eugénistes pour avoir des bébés plus intelligents.
Quel est le futur de l’humanité non augmentée ?
Elle va disparaître. D’abord en raison de son espérance de vie limitée. Ensuite à cause de la
concurrence avec les humains augmentés et les intelligences artificielles. Mais ce n’est pas une
perte. Nous n’avons pas besoin d’individus à capacités cognitives réduites. Les robots feront
toujours mieux le travail qu’une personne qui a 100 de Q.I.

7 Né en 1960, Laurent Alexandre est chirurgien et urologue de formation, il devient entrepreneur et fonde le célèbre
site web Doctissimo.
Collège Claparède – Philosophie – M. Cieniewicz

Et quand il n’y aura plus que des robots et des humains augmentés ?
Il y a le risque que les intelligences artificielles prennent le dessus sur nous. Mais on estime qu’un
scénario à la Terminator n’est pas possible avant 2035. Nous avons donc une vingtaine d’années
pour nous préparer à cette éventualité.
Les humains non augmentés ne vont pas disparaître instantanément, que va-t-il se passer d’ici
là ?
Le XXIe siècle sera une phase de transition. Un vent de révolte soufflera quand tout le monde ne
pourra pas encore accéder à l’immortalité et à l’augmentation. Mais comme toute technologie, elles
seront ensuite accessibles à bas prix et chacun pourra en bénéficier. Le transhumanisme est une
idéologie de gauche. La limite ne sera pas l’argent, mais la capacité à renier sa biologie naturelle.
Plus on acceptera d’augmenter la part de cyborg en nous, plus on sera performants.
Les performances augmentées, c’est le bonheur augmenté ?
Oui, avec les antidépresseurs, qui existent déjà. On aura probablement bientôt de quoi rendre encore
plus heureux les gens déjà heureux. Cela peut finir dans un scénario à la Matrix : on reste passif
dans un cocon à se faire refiler des shoots de bonheur en permanence. Mais là le risque, c’est de se
faire avoir par les robots, parce qu’eux, ils ne se droguent pas.
Vous considérez-vous transhumaniste ?
Non, je ne suis ni pour ni contre : je suis pour un débat de société. En Europe, nous avons loupé le
coche en matière de nouvelles technologies. Il nous faut intervenir d’urgence pour avoir notre mot à
dire dans la mise en place de normes sur la question. Et pour cela, la priorité est de trouver des élites
politiques qui comprennent quelque chose à la technologie.

Source : http://www.lematin.ch/societe/humain-20-cest-demain/story/15945880 (2017)


Introduction:
L'interview de Laurent Alexandre aborde le thème du transhumanisme et de ses objectifs, tels que l'immortalité,
l'amélioration des capacités humaines, les interfaces entre le cerveau humain et l'intelligence artificielle, ainsi que
la conquête de l'espace. La problématique soulevée est de savoir si ces aspirations du transhumanisme sont
réalisables et quelles en seraient les conséquences pour l'humanité. La thèse de l'auteur est que le
transhumanisme représente un avenir inévitable et qu'il offre des perspectives d'amélioration pour l'humanité.

Explication:
Dans l'interview, Laurent Alexandre affirme que l'immortalité est réalisable grâce aux progrès technologiques et
que la personne qui vivra mille ans est déjà née. Il souligne que les avancées successives permettront de
repousser continuellement la mort. Il soutient également que le transhumanisme vise à augmenter les capacités
humaines, à établir des interfaces entre le cerveau et les intelligences artificielles, et à conquérir l'espace pour
prévenir la disparition de l'humanité avec la fin de l'Univers.

L'auteur argumente ensuite en faveur du transhumanisme en affirmant que se reproduire deviendra moins
prioritaire pour les individus immortels, réduisant ainsi le risque de surpopulation. Il mentionne également que les
prochaines améliorations consisteront en l'intégration de circuits dans le cerveau pour améliorer les
performances intellectuelles, ainsi que la sélection génétique des embryons.

Analyse:
Le raisonnement dans l'interview repose sur l'idée que le transhumanisme offre des perspectives d'amélioration
et d'augmentation pour l'humanité. L'auteur souligne les avantages potentiels tels que l'immortalité, l'amélioration
des capacités cognitives et le bonheur augmenté grâce à des technologies telles que les interfaces cerveau-
machine et les antidépresseurs. Il justifie ces aspirations en soutenant que les humains non augmentés seront en
concurrence avec les humains augmentés et les intelligences artificielles, ce qui pourrait entraîner leur
disparition.

Laurent Alexandre défend le transhumanisme en mettant en avant les possibilités d'amélioration et de progrès
qu'il offre à l'humanité. Il considère la mort et les limites humaines comme des obstacles à surmonter grâce à la
technologie. Sa vision repose sur l'idée que l'augmentation et l'amélioration sont des objectifs souhaitables, et
que l'humanité devrait s'adapter à ces changements technologiques pour survivre et prospérer.

Opinion:
Ce texte soulève des questions éthiques et philosophiques importantes liées aux aspirations du transhumanisme.
Bien que certaines des idées évoquées puissent sembler séduisantes, il est essentiel d'analyser attentivement
les implications de ces développements technologiques sur la société et sur la nature humaine elle-même.

Le transhumanisme soulève des questions fondamentales sur ce que signifie être humain, sur l'égalité et l'accès
équitable aux technologies amélioratrices, ainsi que sur les risques associés à la perte de notre nature
biologique. Il est important de considérer les aspects éthiques, sociaux et politiques de ces avancées
technologiques, ainsi que les potentielles inégalités qu'elles pourraient engendrer.

En faisant le lien avec d'autres textes et réflexions, on peut se référer à des travaux sur l'éthique de la
technologie, la philosophie de l'esprit et la question de l'identité humaine. Des penseurs tels que Hans Jonas,
Peter Singer et Jürgen Habermas ont abordé ces questions en soulignant l'importance de préserver notre
humanité et de tenir compte des conséquences éthiques de nos actions.

Le texte suscite également des interrogations sur la place de l'individu dans une société transhumaniste, la
distribution des ressources et l'accès aux technologies amélioratrices, ainsi que les implications sur le plan
politique et juridique.

En conclusion, cette interview de Laurent Alexandre offre un aperçu des aspirations du transhumanisme et
soulève des questions pertinentes sur l'avenir de l'humanité face aux avancées technologiques. L'analyse
critique de ces idées permet de prendre en compte les enjeux éthiques et philosophiques liés à ces
développements, et souligne l'importance d'un débat approfondi et éclairé sur les orientations technologiques de
notre société.
Collège Claparède – Philosophie – M. Cieniewicz

L’opposition du divin et de l’humain est une opposition illusoire, elle n’est, autrement
dit rien d’autre que l’opposition entre l’essence humaine et l’individu humain, et par suite
l’objet et le contenu de la religion chrétienne sont eux aussi humains de part en part.
La religion, du moins la religion chrétienne, est le rapport de l’homme avec lui-
même, ou plus exactement avec son être, mais un rapport avec son être qui se présente
comme un être autre que lui. L’être divin n’est rien d’autre que l’être humain, ou plutôt, que
l’être de l’homme, débarrassé des bornes de l’homme individuel, c'est-à-dire réel et
corporel, puis objectivé, c'est-à-dire contemplé et adoré comme un être propre, mais autre
que lui et distinct de lui : c’est pourquoi toutes les déterminations de l’être divin sont des
déterminations de l’être humain.[...]
Tu crois à l’amour comme à une propriété divine, parce que tu aimes toi-même, tu
crois que Dieu est un être sage et bon, parce que tu ne connais rien de meilleur en toi que la
bonté et l’intelligence, et tu crois que Dieu existe, qu’il est donc sujet ou être (ce qui existe
est être, qu’on le désigne ou détermine comme substance, comme personne, ou comme on
voudra) parce que tu existes toi-même, que tu es toi-même un être. [...]
Voici la seule différence qui sépare les qualités de Dieu et l’être de Dieu : c’est que
l’être, l’existence ne t’apparaissent pas comme un anthropomorphisme, car c’est ton propre
mode d’être qui constitue la nécessité que Dieu soit un existant et un être, tandis que ses
propriétés au contraire t’apparaissent, elles, comme des anthropomorphismes, car leur
nécessité, la nécessité que Dieu soit sage, bon, juste, etc., n’est pas une nécessité immédiate,
identique à l’existence de l’homme, mais une nécessité médiatisée par la conscience de soi
de l’homme et par l’activité de la pensée. Je suis un sujet et un être, j’existe, mais je peux
être sage ou insensé, je peux être bon ou mauvais. Exister c’est, dans la représentation
humaine, le principe et le fondement, et la présupposition des prédicats. L’homme peut bien,
par conséquent, abandonner les prédicats : l’existence de Dieu sera pour lui une vérité
achevée, intouchable, absolument certaine et objective. Et pourtant cette différence n’est
qu’illusoire. La nécessité du sujet ne tient qu’à la nécessité du prédicat.

Ludwig FEUERBACH, L'essence du christianisme, 1841.


Introduction:
Dans ce texte extrait de l'ouvrage "L'essence du christianisme" de Ludwig Feuerbach, l'auteur aborde la
relation entre le divin et l'humain dans le contexte de la religion chrétienne. La problématique soulevée est
celle de l'opposition entre l'essence humaine et l'individu humain, ainsi que la nature de l'être divin. La thèse
de l'auteur est que la religion chrétienne est en réalité une projection de l'essence humaine et que les
attributs divins sont des déterminations de l'être humain.

Explication:
Dans le texte, Feuerbach affirme que l'opposition entre le divin et l'humain est illusoire et qu'elle réside en
réalité dans l'opposition entre l'essence humaine et l'individu humain. Selon lui, la religion chrétienne est le
rapport de l'homme avec lui-même, mais perçu comme un être autre que lui-même. L'être divin est en fait
l'être humain dépouillé des limites de l'individu et objectivé, c'est-à-dire contemplé et adoré comme un être
distinct de l'homme. Ainsi, toutes les déterminations de l'être divin sont en réalité des déterminations de
l'être humain.

L'auteur explique que les croyances religieuses découlent de la connaissance de soi de l'homme. Par
exemple, l'amour est considéré comme une propriété divine parce que l'homme aime lui-même. De même,
les attributs de sagesse et de bonté attribués à Dieu sont basés sur les qualités que l'homme reconnaît en
lui-même. Feuerbach souligne que l'existence de Dieu est considérée comme une vérité absolue et
objective, tandis que les attributs divins sont perçus comme des anthropomorphismes, c'est-à-dire des
projections des qualités humaines sur le divin.

Analyse:
Le raisonnement dans ce texte repose sur la perspective de Feuerbach selon laquelle la religion chrétienne
est une projection des caractéristiques humaines sur le divin. L'auteur considère que les attributs divins sont
en réalité des déterminations de l'être humain et que la relation de l'homme avec Dieu est en fait une
relation avec son propre être.

Feuerbach propose une approche matérialiste et anthropologique de la religion. Selon lui, les croyances
religieuses sont des constructions humaines qui reflètent les aspirations, les valeurs et les limites de
l'humanité. Il soutient que la religion chrétienne est une manifestation de l'essence humaine, une manière
pour les individus de se connecter à une réalité transcendante qui est en fait une projection de leurs propres
qualités.

L'auteur cherche à montrer que la religion, y compris la religion chrétienne, n'est pas une révélation divine,
mais une expression de l'expérience et de la conscience humaines. Il remet en question la prétention de
l'existence d'un être divin distinct et soutient que les attributs divins sont en fait des projections de
l'humanité elle-même.

Opinion:
Ce texte soulève des questions importantes sur la nature de la religion et son lien avec l'essence humaine.
La perspective de Feuerbach met en évidence le rôle de la projection et de l'anthropomorphisme dans la
formation des croyances religieuses. Il invite à examiner la dimension humaine de la religiosité et à remettre
en question les conceptions traditionnelles de la divinité.

Cette analyse fait écho à d'autres courants de pensée qui ont également exploré la dimension humaine de
la religion, tels que la psychanalyse de Freud ou les études anthropologiques sur le rôle des croyances
dans la société. Elle soulève également des questions sur la nature de la vérité religieuse et la relation entre
l'individu et le divin.

En fin de compte, ce texte incite à une réflexion approfondie sur la religion, ses fondements et son impact
sur la société et la perception de soi. Il invite à une analyse critique des croyances et des pratiques
religieuses, en mettant en lumière la dimension humaine qui les sous-tend.
Collège Claparède – Philosophie – M. Cieniewicz

La raison première [du déclin de la religion] en est dans ceci. Comme nous l'avons
vu, une foule de choses qui, avec un degré de culture moins avancée, éveillaient en l'homme
des sentiments religieux, sont reconnues aujourd'hui comme conformes à l'ensemble des lois
de la nature, et par conséquent n'excitent plus qu'indirectement et faiblement la piété. L'autre
raison, la principale, du déclin de la religion à notre époque […] est due à cette circonstance
que nous ne pouvons plus nous représenter aussi vivement que nos ancêtres l'Être absolu
comme personnel. Tel est le cours des choses : jusqu'à un certain point la religion et la
culture de l'esprit se développent de concert, mais aussi longtemps seulement que la
civilisation des peuples se tient dans le domaine de l'imagination. Aussitôt que la raison
domine, aussitôt surtout qu'elle demande des forces à l'observation de la nature et de ses
lois, un contraste commencera naître, qui, grandissant sans cesse, restreint de plus en plus le
cercle de la religion. Le domaine religieux dans l'âme humaine a quelque chose d'analogue
au domaine des Peaux-Rouges en Amérique, lequel, qu'on s'en plaigne ou le regrette autant
qu'on voudra, se resserre d'année en année sous l'action de leurs voisins les Peaux-Blanches.
Mais limitation ou même transformation ne veut pas dire anéantissement. La religion
n'est plus en nous ce qu'elle était en nos pères, mais il ne s'ensuit nullement qu'elle soit
disparue.
En tout cas l'élément fondamental de toute religion nous est resté, le sentiment d'une
complète dépendance. Que nous disions Dieu ou l'Univers, nous nous sentons absolument
dépendants de l'un comme de l'autre. En face du dernier nous nous reconnaissons comme
« partie d'une partie », nous apprécions notre force comme un néant en proportion de la
toute-puissance de la nature, notre pensée, comme en état seulement d'embrasser lentement
et péniblement la plus infime portion de ce que le monde nous offre pour objet de notre
savoir.

David Friedrich STRAUSS, L'Ancienne et la nouvelle foi : confession, 1872.


Introduction:
Dans ce texte extrait de l'ouvrage "L'Ancienne et la nouvelle foi : confession" de David Friedrich Strauss,
l'auteur aborde le déclin de la religion à notre époque. La problématique soulevée est la relation entre le
progrès scientifique et la perte de la représentation personnelle de l'Être absolu. La thèse de l'auteur est que
le déclin de la religion est dû à la reconnaissance de l'harmonie des lois naturelles et à la difficulté de
concevoir l'Être absolu comme une entité personnelle.

Explication:
Dans le texte, Strauss avance deux raisons principales pour le déclin de la religion. Premièrement, le
progrès de la culture et de la science a permis de comprendre de nombreuses choses qui, autrefois,
suscitaient des sentiments religieux, mais qui sont désormais expliquées par les lois naturelles. Ainsi, ces
phénomènes n'excitent plus directement et intensément la piété. Deuxièmement, l'auteur affirme que
l'incapacité de concevoir l'Être absolu de manière personnelle est la raison principale du déclin de la religion
à notre époque. Avec l'avènement de la raison et de l'observation des lois de la nature, un contraste se crée
entre la religion et la raison, ce qui restreint progressivement le domaine de la religion dans la société.

Strauss compare le domaine religieux dans l'âme humaine à celui des Peaux-Rouges en Amérique, qui se
rétrécit année après année sous l'influence des Peaux-Blanches voisins. Il soutient cependant que la
religion n'est pas totalement éteinte, mais qu'elle a subi des limitations et des transformations. Selon lui, le
sentiment fondamental de dépendance envers un Être supérieur persiste, que l'on nomme Dieu ou l'Univers.
L'homme reconnaît sa propre insignifiance face à la toute-puissance de la nature et ressent une
dépendance totale envers celle-ci.

Analyse:
Le raisonnement de Strauss repose sur l'idée que le progrès de la science et de la raison a eu un impact
significatif sur la religion. L'auteur souligne que la compréhension des lois naturelles a réduit l'ampleur des
phénomènes attribués autrefois à une intervention divine, ce qui a diminué l'excitation directe de la piété. De
plus, le développement de la raison et de la connaissance objective de la nature a rendu difficile la
conception d'un Être absolu en tant qu'entité personnelle.

Strauss explique que le déclin de la religion est un processus naturel résultant du progrès humain. À mesure
que la raison domine et que la connaissance scientifique s'accroît, le domaine de la religion se rétrécit.
Cependant, il souligne que la religion n'est pas complètement disparue et que le sentiment de dépendance
envers un Être supérieur persiste.

L'auteur semble reconnaître la valeur de la religion en tant qu'expression de la dépendance et de l'humilité


humaines. Il suggère que bien que la forme de la religion puisse évoluer, le sentiment de dépendance reste
un élément fondamental de toute croyance religieuse.

Opinion personnelle:
Ce texte de Strauss soulève des questions intéressantes sur la relation entre la religion, la science et la
raison. Il met en évidence l'impact du progrès scientifique sur la compréhension des phénomènes naturels
et sur la conception de l'Être divin. Tout en reconnaissant le déclin de la religion traditionnelle, l'auteur
souligne l'importance persistante du sentiment de dépendance envers quelque chose de plus grand que soi.

Ce texte me rappelle les débats contemporains sur la religion et la science, ainsi que sur la nature de la
croyance dans notre société moderne. Il soulève également des questions sur la signification de la religion
et de la spiritualité dans un monde de plus en plus rationaliste.

En outre, les idées de Strauss font écho aux travaux de penseurs tels que Max Weber, qui ont exploré les
relations entre la religion, la rationalité et la société. Ils mettent en lumière la façon dont la religion se
transforme dans des contextes culturels et intellectuels changeants.

Dans l'ensemble, ce texte offre une perspective intéressante sur le déclin de la religion et suscite une
réflexion approfondie sur le rôle de la religion dans la société contemporaine.

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