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LE MIASME
ET
LA JONQUILLE
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DU MÊME AUTEUR
DANS LA MÊME COLLECTION
Alain CORBIN
LE MIASME
ET
LA JONQUILLE
L’odorat et l’imaginaire social
XVIIIe-XIXe siècles
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AVANT-PROPOS
PREMIÈRE PARTIE
RÉVOLUTION PERCEPTIVE
OU L’ODEUR SUSPECTE
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Un effrayant bouillon.
Vers 1750, avant que ne s’opèrent les progrès décisifs
de la chimie dite pneumatique, l’air continue d’être
considéré comme un fluide élémentaire et non comme le
résultat d’un mélange ou d’une combinaison chimique 1.
Depuis la publication des travaux de Hales, les savants
ont cependant acquis la conviction qu’il entre dans la
texture même des organismes vivants. Tous les mixtes qui
composent le corps, les fluides comme les solides, laissent
échapper de l’air quand se défait leur cohésion. Cette
découverte élargit le champ d’action supposé de cette
substance élémentaire. On considère désormais que l’air
agit de multiples manières sur le corps vivant : par simple
contact avec la peau ou la membrane pulmonaire, par
échanges au travers des pores, par ingestion directe ou
indirecte, puisque les aliments eux aussi contiennent une
proportion d’air dont le chyle, puis le sang, pourront
s’imprégner.
Par ses qualités physiques, qui varient selon les régions
et selon les saisons, l’air règle l’expansion des fluides et la
tension des fibres. Depuis que sa pesanteur est devenue
vérité scientifique, on admet qu’il opère une pression sur
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20 RÉVOLUTION PERCEPTIVE OU L’ODEUR SUSPECTE
Le marécage de sanies.
Il est des odeurs moins confuses que toutes ces émana-
tions plus ou moins élaborées par la complexe fermenta-
tion de la terre. Il est des miasmes moins anciens que
ceux qui sont ainsi restitués après de lentes imprégna-
tions. Ces menaces claires, qui sollicitent la vigilance des
hygiénistes, ce sont les odeurs des excréments, des
cadavres et des charognes. Tout d’abord un constat :
l’intensité olfactive de l’environnement excrémentiel,
l’effroyable puanteur, sans cesse dénoncée, de l’espace
public. Les effluves nauséabonds du faubourg Saint-
Marcel assaillent le jeune Rousseau, à son entrée dans la
capitale. Au Palais de Justice, au Louvre, aux Tuileries,
au Museum et jusqu’à l’Opéra, « on est poursuivi par la
mauvaise odeur et l’infection des cabinets d’aisances 42 ».
Dans les jardins du Palais-Royal, « on ne sait, en été, où
se reposer, sans y respirer l’odeur de l’urine croupie ». Les
quais révoltent l’odorat ; l’excrément s’étale partout, dans
les allées, au pied des bornes, dans les fiacres 43.
Les vidangeurs empuantissent la rue 44 ; pour s’épar-
gner d’aller jusqu’aux voiries, ils laissent les tonneaux se
vider dans le ruisseau. Les multiples ordonnances de
police consacrées à ce fléau restent inappliquées 45. Les
ateliers des foulons, ceux des mégissiers contribuent à
répandre les odeurs excrémentielles 46. Les murailles des
maisons parisiennes sont dégradées par l’urine. Louis-
Sébastien Mercier se fait apocalyptique quand il évoque
cet « amphithéâtre de latrines perchées les unes sur les
autres, contiguës aux escaliers, à côté des portes, tout près
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LES PÔLES DE LA VIGILANCE OLFACTIVE 43
N° d’édition : L.01EHQN000892.N001
Dépôt légal : mars 2016