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Table des matières

Avant propos
Le cadre humain
La genèse africaine
Le premier hominidé : l’Australopithèque
Le premier représentant de la lignée humaine :

Homo habilis
Le plus ancien peuplement européen
Comment Homo erectus devient sapiens

Vie et mort des hommes de Neandertal


L’origine proche-orientale de l’Européen actuel :

Homo sapïens sapiens


L’arrivée de l’homme moderne en Europe

Le cadre chronologique
Le Paléolithique inférieur

Le Paléolithique moyen
Le Paléolithique supérieur
Les subdivisions du Paléolithique supérieur
Après la fin du Paléolithique

Le milieu physique
Variation du niveau des eaux
Le monde végétal
Le monde animal
Une mosaïque de paysages

Le feu
De la domestication à la production du feu
La production du feu
L’entretien du feu

L’artisanat
Le travail de la pierre
Le travail de l’os et des bois de cervidés

Le travail de l’ivoire
La préparation des peaux
Le travail des matières végétales

La vie des objets


La chasse
Les expéditions de chasse

Les stratégies de chasse


La chasse aux troupeaux d’herbivores
La chasse aux grands herbivores, mammouths et

rhinocéros
La chasse aux carnivores
La chasse au petit gibier
La pêche
La pêche en eau douce

Les techniques de pêche


La pêche en mer
La chasse au cachalot et au phoque
Le ramassage

La collecte de matières premières


La cueillette de produits comestibles
La cuisine

Le transport de l’eau
Les ustensiles de cuisine
Le gibier

Les fruits de mer


La conservation des aliments
Nutrition et santé

Les besoins nutritionnels


Un équilibre difficile
La malnutrition

Les maladies
Les causes de mortalité
L’habitation
Camp de base ou halte temporaire
Choix de l’emplacement du camp de base

Grottes, abris sous roche ou habitats de plein air


Construction de l’habitation
Aménagement du campement
Le vêtement et la parure

Le vêtement
La coifFure
La parure

Le domaine de l’art
Les techniques utilisées
Les thèmes figurés

Unité et diversité de l’art


La place de l’art dans la vie quotidienne
Art public et art secret

Les motivations des artistes


La construction symbolique du sanctuaire
Jeux et musique

Jeux et jouets
La musique
La fréquentation des grottes
L’appropriation de la grotte
Les modifications et aménagements de la grotte

L’éclairage de la grotte
Le cheminement dans la grotte
Le culte de l’ours
Les pratiques funéraires

L’inhumation
Les doubles funérailles
Le cannibalisme

Le temps et l’espace domestiqués


Le nomadisme saisonnier
Sédentarité ou semi-sédentarité

Regroupement et dispersion saisonniers


Une identité régionale
Échanges entre groupes ou expéditions lointaines

La société
Démographie
L’origine de la famille

Société hiérarchique ou égalitaire ?


Une société spécialisée ?
Notes
Bibliographie
Index des sites

Cahier Photos
REMERCIEMENTS
Je remercie le laboratoire d’Ethnologie préhistorique du
CNRS, dirigé par Michèle Julien, ainsi que le Centre national
du Livre, qui ont rendu possible l’achèvement de cet
ouvrage.
Je remercie aussi les collègues et amis qui m’ont
gracieusement fourni des illustrations.
Dominique Casajus m’a assistée tout au long de la
rédaction de ce livre. Qu’il trouve ici l’expression de mon
affection et de ma reconnaissance.
Maquette et conception graphique : Atalante.
Dessin et carte : Valérie Feruglio.
En couverture : Empreintes négatives de mains de la
grotte de La Fuente del Salín (Cantabria, Espagne).
Photographie de J. A. Moure Romanillo.
© Hachette Livre, département Hachette Référence,
1995.
ISBN 978-2-0139-5773-1
DU MÊME AUTEUR
Lampes et godets au Paléolithique, Paris, éd. du CNRS,
1987.

Les galets utilisés du Paléolithique. Approche archéologique


et expérimentale, Paris, CNRS Editions, 1997.
Pour Emmanuel
et son petit frère Gabriel
« Ensuite, quand ils surent se servir des huttes, des
peaux de bêtes et du feu, quand la femme, par les liens
[du mariage] devint la propriété d’un seul époux [...] et
qu’ils virent croître la descendance née de leur sang,
c’est alors que le genre humain commença à perdre
peu à peu de sa rudesse. Le feu rendit leurs corps
frileux et moins capables de supporter le froid sous le
seul abri de la voûte céleste ; Vénus enleva de leur
vigueur ; et les enfants par leurs caresses n’eurent de
peine à fléchir le naturel farouche de leurs parents.
Alors aussi l’amitié commença à nouer ses liens entre
voisins, désireux de s’épargner toute violence
mutuelle ; ils se recommandèrent et les enfants et les
femmes, faisant entendre confusément de la voix et du
geste qu’il était juste que tous eussent pitié des
faibles. Ce n’est pas que l’entente pût se faire partout
et dans tous les cas ; mais une bonne, une grande
partie des hommes observait pieusement les traités ;
sinon le genre humain eût dès lors entièrement
disparu, et sa descendance n’aurait pu se prolonger
jusqu’à nos jours. »

Lucrèce, De la nature, livre V (vers 1011-1027)


Première moitié du Ier siècle avant J.-C.
Traduction d’A. Ernout, CUF, Paris, 1960.

« – Et si l’on vous demandait tout simplement : à quoi


sert la préhistoire ? La république a-t-elle besoin de
préhistoriens ?

– À mon avis, oui. Certainement. Parce que l’homme du


futur est incompréhensible si l’on n’a pas compris l’homme
du passé. Je crois que tout ce qu’il y a de possibilités, de
virtualité dynamique dans l’espèce humaine demande à être
saisi depuis sa base et suivi paisiblement jusqu’à son
développement final. »
André Leroi-Gourhan, Les racines du monde.
Entretiens avec Claude-Henri Rocquet.
Éd. Belfond, Paris, 1982.
Préface
Voici trois millions d’années que l’homme vit son
extraordinaire aventure. Pourtant notre ancêtre direct,
Homo sapiens sapiens, n’a guère plus de 100 000 ans.
Identifié d’abord au Proche-Orient, il ne prend pied en
Europe qu’aux alentours de – 40 000 ans. Son entrée en
scène sur le vieux continent est pourtant capitale. Chasseur,
pêcheur, collecteur comme ses prédécesseurs, cet homme
« moderne » va se révéler particulièrement ingénieux et
novateur dans tous les domaines. Technicien hors pair, il
diversifie à l’extrême ses outils de pierre, d’os ou de bois de
cervidés. Il évolue déjà au sein d’une société aux règles
codifiées, marquée par une certaine forme d’exogamie,
l’appropriation de territoires aux frontières définies, une
division du travail ordonnée selon les capacités ou les
possibilités physiques de chacun, la reconnaissance des
compétences des artisans de la matière ou des peintres des
grottes profondes. Surtout l’apparition subite – avant 30
000 ans selon les toutes récentes découvertes du sanctuaire
de la Combe d’Arc en Ardèche – d’un art fascinant, chargé
de symboles, laisse entrevoir la complexité de l’imaginaire et
des conceptions religieuses des grands chasseurs. La
disparition des Magdaléniens, nos derniers Paléolithiques,
ou mieux, leur mutation, vers – 10 000, alors que se mettent
en place des conditions climatiques tempérées et une faune
en grande partie modifiée, inaugure une époque nouvelle,
bientôt suivie par la connaissance de l’agriculture et de
l’élevage. Désormais paysan, maîtrisant la nature et la
transformant à sa guise, l’homme entre de plain-pied dans le
monde historique, même si l’écriture fait un temps défaut.
La Préhistoire au sens strict est donc essentiellement
paléolithique. Elle couvre, de son immensité chronologique,
la plus grande partie du déroulement de l’espèce humaine.
Et, saisi dans cette longue trajectoire, le Paléolithique
supérieur, fort seulement de quelque 25 000 ans, brille d’un
éclat sans pareil : car il est l’aboutissement d’une ascension
longtemps tâtonnante et devenue très vite éblouissante. Il
est vrai que Lascaux ou Altamira n’en finissent pas de nous
interroger sur la mythologie des Cro-Magnons.
Dans un style simple et direct, ce qui n’exclut pas pour
autant la rigueur, servi par une belle érudition, Sophie A. de
Beaune nous fait entrer, par le détail, dans l’existence au
jour le jour des chasseurs de rennes, de bisons, de chevaux
ou de bouquetins. Elle nous projette aussi dans
l’incomparable lumière de Lascaux ou de Niaux. Elle a, pour
cela, les qualités indispensables. Élève du professeur Leroi-
Gourhan, elle a vécu l’ambiance de ces minutieux décapages
des campements du Leptolithique qui ont transformé
l’archéologie préhistorique en une authentique
palethnologie. Elle a scruté les cavernes habitées ou les
sanctuaires rupestres à la lueur vacillante des lampes
paléolithiques dont elle connaît, mieux que quiconque, les
diverses variétés. Elle n’a fait fi d’aucun indice : elle a testé,
par l’expérimentation, la gamme technique du moindre galet
taillé. Elle a profité des acquis de ce superbe courant qui, en
moins d’un quart de siècle, n’a cessé d’explorer le champ du
quotidien paléolithique, servi par une approche ethno-
archéologique aujourd’hui en pleine floraison. Elle a assisté
à la réhabilitation des chasseurs de rennes longtemps
confinés dans une existence médiocre avant que
l’anthropologie ne les métamorphose en sociétés
d’abondance.
Ce livre était-il possible il y a vingt à trente ans ?
Assurément pas. En tout cas, pas dans cette collection
prestigieuse qu’est « La Vie Quotidienne ». Les documents
interprétables faisaient en effet défaut, se réduisaient à
quelques généralités. Les observations fines manquaient.
Les grands habitats de plein air qui ont tant apporté à la
connaissance des genres de vie du Paléolithique final étaient
encore tus : Pincevent ne fut dévoilé que dans le courant
des années soixante et servit alors de modèle, entraînant par
la suite l’ouverture de nouveaux chantiers.
Aujourd’hui par contre les connaissances se sont
considérablement élargies et les Préhistoriques nous sont
devenus familiers et attachants. Ces barbares, que les
historiens ont encore tendance à refouler dans les brumes
d’un monde disparu et inaccessible, sont ni plus ni moins nos
semblables, préoccupés de leur quotidien matériel mais
cherchant aussi à approfondir, dans leur pensée secrète, les
raisons de leur existence, le pourquoi de leur place dans la
Nature.
Cessons donc de mettre du temps et des barrières entre
eux et nous. Bien au contraire, allons à leur rencontre avec
Sophie A. de Beaune. N’oublions pas notre anorak, car le
temps est frais. Partons chasser le renne ou pêcher le
saumon, organisons des expéditions pour retrouver le
meilleur silex, avalons autour du feu, sous la tente, un bon et
riche bouillon ou partageons avec nos hôtes un filet de renne
grillé. Explorons, avec curiosité, en spéléologues d’un autre
âge, les profondeurs souterraines des Pyrénées : à
Fontanet, attendrissons-nous un instant devant cette
empreinte de main d’un enfant de cinq ans, innocemment
enfoncée dans la glaise ; puis rejoignons à Niaux cette
famille magdalénienne et rions aux éclats avec ces trois
gamins pataugeant joyeusement dans les flaques boueuses
de la caverne éternelle.

Jean Guilaine
Professeur au Collège de France
Au plus fort de la glaciation, il y a 22 000 à 20 000 ans, une
calotte glaciaire recouvre tout le nord du continent, une
autre, une grande partie des Alpes et le Jura. Le niveau des
mers est 120 à 130m plus bas qu’aujourd’hui.
Avant-propos
Peut-on proposer des hypothèses raisonnables pour
reconstituer la vie quotidienne des hommes qui peuplaient
l’Europe à l’époque que les préhistoriens appellent le
Paléolithique supérieur ? La réponse est positive, tant les
progrès récents des quinze dernières années de la recherche
préhistorique sont considérables. Les méthodes de fouille et
les techniques de traitement du matériel archéologique sont
devenues si fines qu’elles peuvent nous renseigner par
exemple sur la durée et la saison d’occupation d’un
campement et les activités qui s’y déroulaient. Il convient
cependant de se méfier des extrapolations trop hâtives. Pour
éviter cet écueil, il fallait s’en tenir à une période de temps
relativement courte et homogène. Courte, elle l’est
puisqu’elle s’étend de 40 000 à 11 000 ans1, ce qui est bien
peu en regard de l’histoire globale de l’humanité.
Homogène, elle l’est aussi puisque, malgré quelques
variations, le mode de vie de ces chasseurs-cueilleurs
pratiquant un nomadisme saisonnier ne semble pas avoir
fondamentalement changé.
Pourquoi seulement le Paléolithique supérieur et non les
périodes antérieures, les Paléolithiques inférieur et moyen ?
Il est beaucoup plus difficile d’imaginer la conduite des
Australopithèques qui vivaient au début du Paléolithique
inférieur, il y a trois millions d’années, alors que l’évolution
cérébrale des hommes n’en était encore qu’à ses débuts.
Tenter une reconstitution de la vie quotidienne de cette
époque lointaine relèverait davantage de l’éthologie que de
l’ethnologie préhistorique. En ce qui concerne le
Paléolithique moyen, si les hominiens de cette période
faisaient déjà montre de nombreux traits qui les rapprochent
de nous (domestication du feu, sépultures...), leur mode de
vie devait être encore assez différent de celui de leurs
successeurs. En effet, les très nombreuses innovations
culturelles qui interviennent au début du Paléolithique
supérieur semblent bien correspondre à une rupture dans
les rapports que l’homme entretient avec la nature. La vie
nomade s’organise et devient saisonnière, les manifestations
artistiques apparaissent et se développent, la vie sociale
s’enrichit et on entrevoit des spécialisations dans les tâches
quotidiennes selon l’âge et le sexe.
Une fois toutes ces innovations mises en place, il y a
environ 40 000 ans, les variations que l’on perçoit dans les
différentes cultures de l’ensemble du Paléolithique supérieur
ne semblent pas correspondre à une modification sensible du
mode de vie. Ces différences, qui sont des outils d’analyse
commodes pour les préhistoriens, sont fondées sur la
fréquence relative de tel ou tel outil dans l’ensemble de ceux
que livre la fouille, et il n’est d’ailleurs pas exclu que les
variations de l’outillage relevées entre certains sites ne
reflètent en fait que des activités spécialisées d’une même
population.
Pour finir, il faut rappeler que – par définition – nous ne
disposons pas de textes pour la préhistoire puisqu’il s’agit
d’une période précédant l’invention de l’écriture et que les
reconstitutions ne sont donc possibles que d’après la
documentation archéologique. Celle-ci est tronquée du fait
que nous ne possédons que le matériel conservé, ce qui
signifie que toutes les matières organiques périssables –
peaux, cuirs, bois, végétaux divers – ont disparu. On peut
cependant tenter de dresser un tableau de la vie quotidienne
de ces chasseurs paléolithiques, tout en restant très proche
des sources archéologiques et en les tenant – discrètement –
à disposition du lecteur soucieux de vérifier la teneur
scientifique de telle ou telle assertion. C’est à cet exercice
périlleux que j’ai souhaité me livrer.
Avant-propos à la deuxième édition
Depuis la première édition de ce livre, plusieurs
découvertes ont un peu modifié l’arbre généalogique des
ancêtres de l’homme présenté dans le premier chapitre.
Citons celle de Australopithecus bahrelghazali au Tchad,
plus connu sous le nom d’Abel. Avec ses 3 à 3,5 millions
d’années, il est à peu près contemporain de Australopithecus
afarensis (dont Lucy est une représentante) et pourrait
appartenir à un rameau ayant évolué séparément1. Un autre
fossile, découvert au Kenya et âgé de 4 millions d’années, a
été baptisé Australopithecus amanensis2. Il pourrait être un
ancêtre de Australopithecus afarensis, dont certains
chercheurs doutent d’ailleurs qu’il soit l’ancêtre direct de
l’homme. Mais les rapports de filiation (ou de cousinage)
entre ces différents rameaux sont loin d’être élucidés. Par
ailleurs, on a découvert à Atapuerca, près de Burgos
(Espagne), des restes humains vieux de 780 000 ans. Il s’agit
des plus anciens hominidés européens connus, peut-être des
ancêtres communs aux hommes de Neandertal et aux
humains modernes3. Ces découvertes ne modifient en
aucune façon le tableau que j’ai brossé de la vie quotidienne
de l’homme du Paléolithique supérieur.
VARIATIONS CLIMATIQUES ET CULTURES AU
PALÉOLITHIQUE SUPÉRIEUR EN EUROPE
a M. Brunet et al., Nature, 1995, 378, p. 273-275 ; id., C.
R. Acad. Sci. Paris, 1996, 322, IIa, p. 907-913 ; id., ibid.,
1997, 324, IIa, p. 341-345.
b M.G. Leakey et al., Nature, 1995, 376, p. 565-571.
c J.M. Bermúdez de Castro et al., Science, 1997, 276,
p. 1392-1395.
Le cadre humain
L’homme moderne, Homo sapiens sapiens, arrive en
Europe il y a environ 40 000 ans, en même temps que se
manifestent des progrès techniques et culturels majeurs.
Avant d’examiner la culture de ce premier homme moderne
et la façon dont il a vécu, interrogeons-nous sur ses origines.
D’où vient-il et qui étaient ses ancêtres ?
On date l’origine de la vie de 3,5 milliards d’années, les
premiers Vertébrés terrestres, de 400 millions d’années, la
lignée humaine (le genre Homo), de 3 millions d’années, et
l’homme moderne (Homo sapiens sapiens), d’environ 100
000 ans.
Rappelons que tous les êtres vivants qui existent ou ont
existé ont une origine commune et peuvent être placés sur le
même arbre généalogique. L’Homme appartient au règne
animal, à l’embranchement des Vertébrés, à la classe des
Mammifères et à l’ordre des Primates, qui sont des
Mammifères placentaires caractérisés par une dentition
complète et une main préhensile. Outre les Hominiens,
l’ordre des Primates comprend les Lémuriens, les Tarsiens et
les Simiens.
Cette répartition des animaux en différents
embranchements, eux-mêmes subdivisés en classes puis en
ordres, ne vise pas uniquement à faciliter leur classification.
Elle traduit en fait leur ordre d’apparition1. Ainsi, les
premières cellules se sont diversifiées en des êtres vivants
très simples, mais parmi lesquels on peut déjà distinguer des
organismes appartenant au règne animal et d’autres au
règne végétal. Plus tard, les formes animales très
rudimentaires qui existaient se sont à nouveau diversifiées
pour donner, d’une part les Invertébrés, d’autre part les
Vertébrés. Tout se passe donc comme pour un arbre
véritable : un tronc unique au départ se subdivise en
branches qui se subdivisent à leur tour. Cependant, la
plupart des branches continuent à vivre, même après avoir
donné naissance à d’autres ramures. En d’autres termes,
chaque grand groupe se développe aussi pour son propre
compte, même après qu’un sous-groupe nouveau s’en est
détaché.
Ainsi, on ne peut, comme on l’a longtemps cru, disposer
les Primates sur une même lignée qui se compliquerait
graduellement depuis les Lémuriens jusqu’aux Hominidés,
en passant par les Tarsiens et les Simiens. En effet, il existe
aujourd’hui encore des Lémuriens et des Tarsiens,
descendants des branches dont se sont jadis détachés les
rameaux simiens puis humains. L’ensemble des Primates est
en fait composé de lignées ayant divergé de façon autonome
à partir d’un tronc commun 2. On ne peut donc dire en
particulier que l’homme descend du singe ; il descend d’un
Primate archaïque dont descendent aussi les grands singes
actuels, lesquels sont, pour nous, non des ancêtres mais des
cousins éloignés.
La genèse africaine
Sans reprendre cet arbre généalogique depuis l’origine,
rappelons que notre branche s’est séparée de celle des
Pongidés (famille des orangs-outangs) il y a 20 à 25 millions
d’années, puis des Panidés (famille des gorilles et
chimpanzés), nos plus proches « cousins », il y a 4 à 7
millions d’années. À cette époque, le continent africain était
couvert d’une immense forêt s’étendant de l’Atlantique à
l’océan Indien. C’est alors qu’une grande faille tectonique,
appelée la Rift Valley, s’est formée parallèlement à l’océan
Indien. Le relèvement de ses bords aurait profondément
perturbé le régime des précipitations sur la bande de terre
longeant l’océan Indien. À l’ouest de la faille, les conditions
climatiques seraient restées inchangées, et les animaux
n’auraient pas vu se modifier leurs conditions de vie. En
revanche, l’est de la faille aurait vu sa forêt se réduire et son
paysage se dégager. Les Primates vivant à l’ouest, dans un
environnement humide et boisé, auraient continué à mener
une vie insouciante, mi-terrestre mi-arboricole. Ceux de l’est
auraient été condamnés à s’adapter pour pouvoir survivre
dans un environnement de plus en plus sec et déboisé. Les
premiers seraient les ancêtres des gorilles et des
chimpanzés, les seconds, ceux des Australopithèques et des
hommes. Telle est du moins la fort séduisante hypothèse de
Yves Coppens, la seule actuellement qui explique qu’on n’ait
pas identifié un seul fragment osseux attribuable à un
ancêtre de chimpanzé ou de gorille parmi les centaines de
milliers d’ossements de Vertébrés découverts à l’est de la
Rift Valley3.
Le premier hominidé : l’Australopithèque
Mais qui est donc ce premier hominidé, pas encore
Homo ? Il s’agit de l’Australopithèque, apparu il y a plus de
4 millions d’années, au Pliocène, à la fin de l’ère Tertiaire et
qui sera présent pendant au moins 3 millions d’années à l’est
de la Rift Valley, en Éthiopie et en Tanzanie. Les plus
anciens Australopithèques, récemment découverts en
Éthiopie, sont les Australopithecus ramidus, datés de 4,4
millions d’années. Malgré leur caractère archaïque, il ne
s’agit déjà plus de singes 4. Plus jeunes d’un million
d’années, les Australopithecus afarensis (ou Pré-
Australopithèques) vécurent pendant environ 3 millions
d’années. Leur représentant le plus célèbre est la fameuse
Lucy retrouvée en Éthiopie, qu’on date de 3 millions
d’années. Lucy mesurait un peu plus d’un mètre et était
bipède mais il lui arrivait d’utiliser ses bras pour se déplacer
d’arbre en arbre. Les empreintes de pied de Laetoli, en
Tanzanie, datées de 3,5 millions d’années et
miraculeusement conservées dans la cendre volcanique,
confirment ce mode de locomotion intermédiaire, entre
brachiation et bipédie 5.
L’organisation du cerveau de ces Australopithèques
s’apparente à celle du cerveau humain mais sa taille est
encore très réduite (environ 400 cm3). Ils possèdent une
mâchoire forte nécessitant une puissante musculature et une
infrastructure osseuse résistante, ce qui révèle une bonne
adaptation à la raréfaction de la végétation.
Les Australopithèques afarensis auraient donné naissance
à des Australopithèques plus évolués, sans toutefois
disparaître immédiatement. Ces nouveaux venus se
répartissent principalement en deux groupes, l’un robuste et
l’autre gracile. Ils ne sont pas contemporains et seuls les
graciles, qui formeraient le groupe le plus ancien, semblent
avoir utilisé des outils. C’est probablement d’eux que nous
descendons, tandis que les robustes constitueraient une
branche qui s’est développée à partir des graciles, puis s’est
éteinte, après avoir été contemporaine des premiers
représentants du genre Homo.
Les Australopithèques graciles (ou Australopithecus
africanus) ont vécu entre 3 et 1,2 millions d’années avant
nous. Ils mesuraient environ 1,25 m et leur capacité
crânienne était légèrement supérieure à celle du Pré-
Australopithèque (de 400 à 550 cm3). Ils avaient une
alimentation variée, végétale et carnée. Ce sont les auteurs
des premiers outils de pierre taillée, que l’on date de 2,7
millions d’années6.
Parmi les Australopithèques robustes, on distingue les
Australopithecus boisei, présents en Afrique de l’Est entre
2,2 millions et 1 million d’années avant nous et les
Australopithecus robustus, qui apparaissent en Afrique du
Sud il y a 2 millions d’années pour disparaître entre 0,5 et 1
million d’années plus tard. Ils atteignaient parfois 1,50 m et
présentaient une crête sagittale sans doute destinée à
permettre l’ancrage de muscles masticatoires très puissants,
ce qui, joint aux caractéristiques de leur denture, semble
indiquer qu’ils étaient spécialisés dans la consommation de
racines, bulbes et tubercules. Il est possible que cette
hyperspécialisation soit la cause de leur extinction.
Le premier représentant de la lignée humaine :
Homo habilis
Homo habilis, le plus ancien représentant du genre Homo,
apparaît il y a environ 3 millions d’années en Afrique
orientale, où il semble qu’il dérive des Australopithèques
graciles. Il avait une capacité crânienne d’environ 800 cm3
et était encore petit (de 1,30 à 1,40 m) mais le
développement spectaculaire de son neurocrâne autorise à
le classer dans le genre Homo. Sa marche bipède était
pratiquement semblable à la nôtre et il n’utilisait pas ses
membres antérieurs dans la locomotion. Il était omnivore.
Ajoutons que les caractéristiques de son endocrâne,
l’anatomie de la base de son crâne et de sa mandibule
permettent de supposer qu’il avait peut-être un langage.
Il s’agirait donc de l’homme le plus ancien connu et, en
l’absence de fossiles humains comparables ailleurs dans le
monde, on suppose que l’Afrique de l’Est constitue le lieu de
naissance de l’homme sensu stricto. De 3 millions à 1,6
million d’années, deux types d’Hominidés, Australopithèques
et Homo habilis, l’un végétarien et l’autre omnivore, ont
coexisté, pacifiquement semble-t-il.
Le plus ancien peuplement européen
On sait maintenant que l’Homme est passé, au cours d’une
évolution morphologique graduelle, par des stades successifs
nommés habilis, erectus, sapiens7.
La stature d’Homo erectus est comparable à la nôtre
tandis que sa capacité crânienne varie de 800 à plus de 1
200 cm3. La forme générale de sa face, bien que prognathe
et très robuste, ne diffère guère de la nôtre. Il se distingue
de ses prédécesseurs et de ses successeurs, les Homo
sapiens, par l’extraordinaire épaisseur de ses os8. Ses
innovations techniques sont l’indice d’une organisation
intelligente du travail et de la possession probable du
langage articulé.
À la différence d’Homo habilis, confiné à la partie orientale
de l’Afrique, Homo erectus a occupé tout l’Ancien Monde à
l’exception des régions les plus septentrionales, dont le
climat était alors trop rude.
Récemment encore, les fossiles des plus anciens Homo
erectus connus étaient ceux qu’on a trouvés en Tanzanie (1,6
million d’années). On supposait donc qu’Homo erectus avait
évolué sur place à partir d’Homo habilis avant de coloniser
progressivement l’Eurasie. On le trouve à Java dès 1 million
d’années, et jusque vers 400 000 ans, où il est plus connu
sous le nom de « pithécanthrope ». En Chine, l’homme de
Pékin ou « sinanthrope » apparaît vers 800 000 ans et sa
présence est attestée jusque vers 400 000 à 300 000 ans. En
Algérie et au Maroc, des restes d’Homo erectus ont été
datés de 700 000 et 300 000 ans. En Europe de l’Ouest,
seuls des vestiges d’habitats attestaient une occupation
humaine antérieure à 1 million d’années, et les plus anciens
restes humains connus n’étaient pas antérieurs à 630
000 ans. Citons l’Homme de Mauer, trouvé dans le sud-ouest
de l’Allemagne, âgé de 630 000 à 600 000 ans, et l’homme
de la Caune de l’Arago, à Tautavel (Pyrénées-Orientales)
daté de 450 000 ans. Les témoignages indirects de la
présence humaine en Europe à partir de 500 000 ans sont
assez nombreux. Ainsi, à Ambrona, en Espagne, il y a 300
000 ans, un groupe d’Homo erectus est venu régulièrement,
selon un rythme saisonnier, abattre du gros gibier, comme
l’indique l’outillage abandonné sur le sol parmi les
ossements d’éléphants antiques, de rhinocéros et d’autres
animaux dépecés.
Mais les découvertes récentes9 viennent déranger quelque
peu ce schéma. Elles semblent en effet suggérer que
l’Europe était déjà occupée par l’homme il y a 1,8 million
d’années, c’est-à-dire bien plus tôt que ce que l’on croyait
jusqu’à présent. Si cette datation se trouvait confirmée, il
faudrait alors envisager deux scénarios possibles : ou bien
Homo erectus est apparu en Afrique et a quitté ce continent
plus tôt qu’on ne le pensait ; ou bien la dispersion à partir
du berceau africain a été le fait d’un groupe plus ancien –
Homo habilis ou même Australopithèques 10. De nouvelles
datations de l’Homo erectus de Java ont montré qu’il était
beaucoup plus ancien que l’on ne le pensait et qu’il aurait
peuplé l’Indonésie il y a 1,8 à 1,6 million d’années ; ce qui
corroborerait la première hypothèse. En revanche, la
découverte récente de l’homme de Dmanisi, dans le
Caucase, daté de 1,8 à 1,6 million d’années, qui présenterait
certains traits archaïques le rapprochant d’Homo habilis,
irait plutôt dans le sens de la seconde hypothèse11.
Comment Homo erectus devient sapiens
L’Homo sapiens est le produit d’une transformation
progressive d’Homo erectus. Selon certains auteurs, cette
transformation se serait poursuivie parallèlement dans
différentes régions du monde, en Chine, en Asie du Sud-Est,
en Afrique orientale et en Afrique du Sud, mais à des
rythmes différents, comme le montre la variation des
combinaisons de caractères archaïques et évolués12. D’après
cette théorie, la première diversification humaine se serait
produite il y a 1 million d’années, peut-être avant, sans
aboutir cependant à l’apparition d’espèces séparées,
probablement parce que le flux génétique entre populations
n’a jamais été totalement interrompu et a permis de
maintenir l’unité de l’espèce.
À cette théorie de l’évolution multirégionale de l’homme,
s’oppose celle de l’origine africaine de l’homme moderne.
Selon celle-ci, les Homo erectus se seraient éteints il y a 500
000 à 200 000 ans, sauf dans deux régions : en Europe, où
ils auraient donné naissance à un Homo sapiens particulier,
l’homme de Neandertal, et en Afrique de l’Est, où ils
auraient donné naissance à l’homme tel que nous le
connaissons aujourd’hui, l’Homo sapiens sapiens. Les
tenants de cette théorie s’appuient sur le fait que les Homo
sapiens sapiens les plus anciens, découverts au Proche-
Orient et datés d’environ 100 000 ans, semblent se rattacher
à des hommes un peu plus archaïques d’Afrique de l’Est.
C’est là en effet, notamment à Florisbad, Omo et Laetoli,
qu’on a découvert des formes archaïques d’Homo sapiens,
appelées pré-sapiens pour les distinguer des formes d’Homo
sapiens sapiens « achevés », vieilles de 100 000 à 200
000 ans. De plus, selon les données génétiques, la
différenciation entre les hommes actuels ne semble pas
remonter à plus de 100 000 ou 200 000 ans, ce qui rend
improbable le surgissement très ancien d’hommes modernes
en différents points de la planète, à partir de rameaux
d’Homo erectus déjà différenciés13.
Qu’il ait ou non existé plusieurs branches d’Homo sapiens
descendant de plusieurs Homo erectus différents, il est en
tout cas certain que les Homo sapiens sapiens venus peupler
l’Europe il y a environ 40 000 ans arrivaient du Proche-
Orient. Mais avant d’aborder ces premiers européens
modernes, ouvrons une parenthèse neandertalienne.
Vie et mort des hommes de Neandertal
L’Europe a vu apparaître un rameau divergent de l’espèce
sapiens, celui des hommes de Neandertal, qui semble être le
produit d’une évolution isolée de l’Homo erectus. Les Homo
erectus trouvés en Europe, dont les plus récents
appartiennent à un groupe humain intermédiaire entre le
stade Homo erectus et le stade Homo sapiens
neanderthalensis, illustrent bien l’évolution progressive
menant aux Neandertaliens classiques. Les plus anciens,
l’homme de Tautavel et celui de Mauer, ont déjà été
évoqués. D’autres, moins célèbres, méritent d’être
mentionnés : ce sont les hommes de Fontéchevade et de
Montmaurin (France), de Steinheim (Allemagne), ainsi que
ceux de Swanscombe (Angleterre), de Saccopastore (Italie)
et de Petralona (Grèce), qui tous présentent l’ébauche de
caractères néandertaliens ; les rares exceptions, comme
celle de l’homme de Vertesszöllös, en Hongrie, sont
douteuses14.
La grande époque de l’homme de Neandertal s’étend
pendant plus de 150 000 ans. Ce groupe fossile, apparu il y a
environ 180 000 ans, a achevé son évolution morphologique
100 000 ans plus tard, à une époque où il occupait seul toute
l’Europe. 10 000 ans auparavant, une partie d’entre eux
avait migré vers le Proche et le Moyen-Orient, peut-être en
raison d’un net refroidissement climatique 15. Ainsi, les
Neandertaliens de Shanidar (Irak), il y a 80 000 ans, puis
ceux de Kébara (Israël), il y a 60 000 ans, ont probablement
côtoyé les premiers hommes modernes, déjà installés au
Proche-Orient.
L’homme de Neandertal possède un ensemble de
particularités qui le distinguent nettement de l’Homo
sapiens sapiens16. Citons la forme de son crâne, qui, bien
qu’aussi volumineux que le nôtre (de 1 300 à 1 700 cm3), est
large et bas, étiré vers l’arrière en un chignon ; celle de sa
face dotée d’un puissant bourrelet sus-orbitaire, d’un front
fuyant, d’un menton effacé et de dents qui avancent. Son
squelette, très robuste, a lui aussi des aspects spécifiques,
en particulier la forme en tonneau de sa cage thoracique. Si
l’on sait maintenant que cette morphologie s’est mise en
place très progressivement au cours d’une lente évolution
qui a duré plus de 300 000 ans, on ignore encore les causes
de ces transformations biologiques et surtout leurs
conséquences physiologiques et fonctionnelles17.
Une des explications les plus plausibles de l’apparition de
ce type humain est le relatif isolement des populations
européennes pendant quelques centaines de milliers
d’années. En effet, pendant les périodes glaciaires, l’Europe
était une presqu’île. Les glaces septentrionales descendaient
loin au sud et atteignaient presque la mer Noire et la mer
Caspienne tandis que le Bosphore, avec ses 35 à 40 m de
profondeur minimale, ne devait permettre que d’étroits
passages.
Commencée il y a 40 000 ans, l’extinction des
Neandertaliens, dont on ignore encore les causes, fut lente
et progressive puisqu’ils ne disparurent définitivement qu’il
y a 34 000 à 35 000 ans, peut-être plus tard encore dans
certaines régions reculées. Cette lignée remarquable est le
seul exemple d’un rameau aussi divergent au sein de
l’espèce Homo sapiens.
Tant que les découvertes archéologiques ont été limitées à
l’Europe, on croyait qu’Homo sapiens sapiens était d’origine
récente et descendait des Neandertaliens. On sait
aujourd’hui que l’homme de Neandertal n’est pas le père de
l’homme moderne, mais un cousin resté sans descendance.
L’origine proche-orientale de l’Européen
actuel : Homo sapiens sapiens
La forme actuelle du crâne humain a probablement
commencé à se dessiner il y a environ 400 000 ans et a
acquis ses traits définitifs il y a au moins 100 000 ans. Ne se
produisirent ensuite que de légères modifications telles que
l’allégement des structures osseuses, une gracilisation du
squelette, des variations liées à l’adaptation au milieu. Ces
modifications sont restées à l’intérieur d’un cadre
morphologique bien établi : le crâne est volumineux (1 450
cm3 en moyenne), il a une voûte élevée, un frontal redressé,
un occipital arrondi, une face réduite et placée sous la partie
frontale du crâne cérébral 18.
Les premiers Homo sapiens sapiens ont été trouvés, on l’a
vu, au Proche-Orient. Ce sont les Proto-Cro-Magnons. Les
plus anciens, les hommes de Skhul et de Qafzeh (Israël)
datent de 92 000 ans19. À partir de 80 000 ans et pendant au
moins 30 000 ans, les deux types humains – Homo sapiens
sapiens et sapiens neanderthalensis – ont cohabité
pacifiquement au Proche-Orient, en partageant la même
culture, dite moustérienne, mais sans se métisser, semble-t-il
20. Il est possible que ces hommes, contemporains pendant
plusieurs dizaines de millénaires, n’aient pas été inter-
féconds. Si c’était le cas, il ne s’agirait pas de la même
espèce.
L’arrivée de l’homme moderne en Europe
La présence des hommes modernes, Homo sapiens
sapiens, en Europe n’est attestée qu’à partir de 40 000 ans.
Ils venaient du Proche-Orient où ils avaient mis au point, un
peu plus tôt, de nouvelles techniques de travail de la pierre
et de l’os qui ont favorisé leur expansion. Ils sont ensuite
partis à la conquête de nouveaux territoires, vers l’ouest, et
ont occupé l’Europe centrale où les plus anciennes traces de
ces nouvelles techniques, appelées aurignaciennes, sont
antérieures à 40 000 ans. Ainsi, à Bacho Kiro et Temnata en
Bulgarie, comme à Istallöskö en Hongrie, l’occupation
aurignacienne la plus ancienne date de 38 500 à 45 000 ans
selon les cas 21. Ce sont sans doute les porteurs de cette
industrie qui sont arrivés peu de temps après en Europe
occidentale. Ils se glissent, en quelques siècles, à travers les
territoires de l’homme de Neandertal, avec lesquels ils ont
des contacts, pour atteindre la région cantabrique et le sud-
ouest de la France 22.
Le type classique de l’homme de Cro-Magnon a vécu il y a
30 000 à 35 000 ans, au début du Paléolithique supérieur, en
Europe occidentale. Il doit son nom à l’abri de Cro-Magnon,
en Dordogne, dans lequel on a trouvé, en 1868, une
sépulture collective contenant les restes de cinq individus,
trois hommes, une femme et un enfant. Il était très grand, en
moyenne 1,80 m pour les hommes, 1,66 m pour les femmes.
Avec un squelette robuste, une puissante musculature et des
jambes plus développées que les nôtres, il était parfaitement
adapté à un mode de vie de chasseurs de grand gibier et en
particulier à la marche en terrain accidenté. Sa capacité
cérébrale était équivalente à la nôtre, voire supérieure pour
certains individus, mais son crâne très allongé avait une
voûte relativement basse et un occipital souvent saillant. En
Europe centrale, les Cro-Magnons « orientaux » sont
légèrement différents, avec des reliefs crâniens plus
accusés, un front plus fuyant et une face plus haute. Les
hommes de Cro-Magnon sont dolichocéphales, alors que les
hommes du Mésolithique, qui leur succèdent il y a environ
10 000 ans, sont brachycéphales. Mais il existe aujourd’hui
encore des populations dolichocéphales et ce caractère n’est
en rien une preuve d’archaïsme.
Malgré sa variabilité, l’homme actuel apparaît comme une
espèce étonnamment homogène pour l’espace qu’il couvre.
Or, les variations entre les hommes actuels et l’homme qui
commence à apparaître il y a 100 000 ans, quelque part en
Afrique de l’Est ou au Proche-Orient, ne sont pas plus
importantes que celles que l’on peut observer entre un
Asiatique, un Africain et un Européen par exemple. On peut
donc considérer ce premier homme moderne comme faisant
partie de l’humanité actuelle. Il a conquis l’ensemble de la
planète. Il est allé peupler de nouveaux continents,
l’Australie, il y a plus de 40 000 ans, le continent américain il
y a au moins 20 000 ans23 et d’autres îles lointaines plus
tardivement. C’est à cet homme, si proche de nous et
pourtant contemporain d’animaux disparus comme le
mammouth et le rhinocéros laineux, que cet ouvrage est
consacré.
Le cadre chronologique
Le Paléolithique débute au moment où un homme tailla
une pierre pour la première fois ; l’économie y est fondée
sur la chasse, la pêche, la cueillette, en un mot sur
l’exploitation des ressources spontanées de la nature. Il
couvre près de 3 millions d’années puisque les plus anciens
outils, découverts en Éthiopie, ont 2,7 millions d’années, et
s’achève il y a environ 11 500 ans, lorsque l’homme
commence à domestiquer la nature. Il a été subdivisé en
trois grandes périodes dont la durée varie selon les régions :
le Paléolithique inférieur, le Paléolithique moyen et le
Paléolithique supérieur.
L’évolution culturelle et technique de l’humanité se traduit
par une maîtrise de l’environnement de plus en plus forte et
donc par une indépendance accrue de l’homme vis-à-vis de
son milieu. Les cultures préhistoriques sont définies à partir
de leur outillage de pierre – le mieux conservé –, de plus en
plus complexe et diversifié. À partir du Paléolithique
supérieur, l’industrie en matière dure animale (os, ivoire,
bois de cervidés) sert également à les caractériser. Notons
toutefois qu’une technique acquise n’est jamais abandonnée.
Elle fait partie du patrimoine culturel d’une population et se
transmet de génération en génération. C’est pourquoi les
outils les plus simples ont continué à être utilisés très
longtemps, à côté d’outils beaucoup plus complexes apparus
plus tard.
Si cet ouvrage est consacré à l’homme du Paléolithique
supérieur, il nous a paru utile de présenter succinctement
les cultures qui l’ont précédé et celles qui l’ont suivi.
Le Paléolithique inférieur
En Afrique, le Paléolithique inférieur commence 1 million
d’années plus tôt qu’en Europe1. Les Australopithèques
avaient une forme de vie communautaire proche de celle des
grands singes. Les Australopithèques graciles ne
connaissaient pas le feu et mangeaient la viande crue ; ils
possédaient quelques outils de pierre très rudimentaires,
simples galets qu’ils taillaient sur un ou deux côtés pour en
dégager un tranchant. Ils pouvaient ainsi chasser du petit
gibier mais n’étaient pas suffisamment équipés pour le gros
gibier. On suppose donc qu’ils devaient concurrencer les
hyènes et se nourrir à l’occasion de charognes.
Homo habilis est l’inventeur d’un outillage lithique appelé
Oldowayen ou Pebble Culture. Il continue à chasser du petit
gibier et se contente, lui aussi, de ramasser les restes de
gros gibier abandonnés par d’autres prédateurs.
Homo erectus façonne des outils de plus en plus élaborés,
dont le biface, et domestique le feu, il y a environ 400
000 ans. De 500 000 à 180 000 ans, il met progressivement
au point une technique de taille efficace dont il peut prévoir
et maîtriser les effets. C’est la méthode de débitage
Levallois, qui consiste à obtenir un ou plusieurs éclats, lames
ou pointes de forme prédéterminée à partir d’une
préparation particulière du bloc de matière première.
L’homme découvre ainsi la fabrication en série et sur mesure
2. Dans le domaine du travail de la pierre taillée, c’est la
deuxième étape technique importante, la première étant la
taille bifaciale. C’est vers cette époque que l’homme
organise ses premiers campements, à Terra Amata et dans la
grotte du Lazaret, par exemple.
La fin du Paléolithique inférieur coïncide à peu près avec
la fin des Homo erectus et l’apparition des Homo sapiens.
Le Paléolithique moyen
Le Paléolithique moyen correspond, en Europe du moins, à
la grande époque de l’homme de Neandertal. Mais au
Proche-Orient, l’industrie qui le caractérise se retrouve aussi
associée aux premiers Homo sapiens sapiens présents dans
la région. On assiste, à cette époque, à plusieurs grandes
innovations.
Le feu, que Homo erectus avait domestiqué, commence à
être utilisé dans des tâches techniques. Les hommes
adoptent des circuits nomadiques et réoccupent ainsi
plusieurs fois les mêmes habitats. Par ailleurs, ils ne
chassent plus au hasard des rencontres et leurs proies font
l’objet d’un choix.
L’homme de Neandertal a une industrie de pierre fort
évoluée, dite moustérienne, qui comprend une soixantaine
de types d’outils. Elle est subdivisée en cinq sous-groupes,
semblant correspondre à des variantes régionales, où l’on
retrouve à peu près les mêmes outils – bifaces et outils sur
éclats tels que racloirs, pointes, grattoirs, couteaux à dos,
denticulés... – mais dans des proportions et avec des
caractéristiques variables. Il utilise les os et les ramures de
cervidés mais ne les façonne pas encore. Il ramasse parfois
des pierres, des fossiles ou des coquillages de forme
curieuse, ce qui suggère que son univers n’est pas
strictement limité à des activités prosaïques. Au reste, il a le
souci de l’au-delà et sans doute des préoccupations
religieuses car il enterre ses morts. Toutefois, la pratique de
l’enterrement, apparue au Moustérien, est un fait de
civilisation sans lien avec la nature des populations
concernées. En effet, les premières sépultures bien datées
trouvées au Proche-Orient sont autant le fait des Proto-Cro-
Magnons que des Neandertaliens 3.
Le Paléolithique supérieur
Il y a environ 40 000 ans, les changements sont
suffisamment nombreux et radicaux pour qu’on considère
qu’un nouveau stade de civilisation a été franchi. Ils
interviennent rapidement, brutalement et concernent tous
les domaines de la vie.
Au point de vue technique d’abord, les innovations
abondent. L’une des plus importantes est peut-être celle qui
a consisté à modifier la taille du silex, de façon à produire un
grand nombre de lames régulières et standardisées à partir
d’un même bloc. Ces lames beaucoup plus longues que
larges et à bords parallèles constituaient des ébauches à
partir desquelles il était possible de faire varier
considérablement l’outillage de base. Alors que les
Moustériens n’avaient qu’une soixantaine de types d’outils
en pierre, les hommes du Paléolithique supérieur en ont plus
de deux cents, sans compter les outils cumulant plusieurs
usages. De plus, ils apprennent à façonner l’os, l’ivoire et les
bois de cervidés, et créent ainsi de nouvelles armes comme
les sagaies, les propulseurs et les harpons, et de nouveaux
outils comme les aiguilles à chas. Ils améliorent et inventent
dans tous les domaines de la vie pratique, que ce soit dans
celui des techniques de chasse et de pêche ou dans celui de
l’exploration spéléologique, en inventant des modes
d’éclairage portatif.
Ces chasseurs ont développé une vie sociale très élaborée
comme en témoigne l’organisation de leurs habitats. Ils
s’adaptent aux modifications des ressources naturelles en
pratiquant un nomadisme saisonnier. Ils enterrent leurs
morts selon des rites plus complexes et beaucoup plus
fréquemment qu’au Paléolithique moyen.
Les plus anciennes manifestations artistiques datent du
début du Paléolithique supérieur. C’est une caractéristique
de l’Homo sapiens sapiens puisque l’homme de Neandertal
ne semble pas avoir développé d’activités artistiques, hormis
son intérêt pour quelques curiosités naturelles rapportées
dans son habitat.
Le Paléolithique supérieur semble donc marquer un pas
décisif avec ses nouvelles technologies, l’apparition de l’art
et la structuration des relations sociales.
Les subdivisions du Paléolithique supérieur
Il n’est pas question de demander au lecteur – aussi
bienveillant soit-il – de retenir les noms des différentes
cultures donnés ici. La continuité et l’unité de l’ensemble du
Paléolithique supérieur est telle que ces différentes
« cultures » ou « traditions techniques » ne seront
d’ailleurs précisées que quand la rigueur l’exigera. Parler de
« culture » en ce qui concerne l’industrie lithique et
osseuse est délicat, dans la mesure où seuls subsistent les
vestiges non périssables, et donc une infime partie de cette
culture que nous cherchons à approcher. Au reste, rien ne
prouve qu’à une culture donnée corresponde une industrie
particulière.
La première industrie que l’on doit à l’Homo sapiens
sapiens est l’Aurignacien qui, venu du Proche-Orient,
apparaît il y a environ 40 000 ans en Espagne 4 et 35
000 ans en Dordogne, et qui dure jusque vers 27 000 ans. On
y trouve des outils en os tels que sagaies, poinçons, lissoirs,
et certains types d’outils de pierre particuliers, comme de
grandes lames souvent étranglées, des pièces épaisses avec
retouche large et plate, souvent écailleuse, tels que certains
grattoirs. Les premiers éléments de parure – pendeloques en
pierre, os ou ivoire, dents et coquilles percées – ainsi que les
petites statuettes animales et les manifestations artistiques
pariétales les plus anciennes font leur apparition.
Nous avons vu que, d’environ 40 000 à au moins 34
000 ans, en Europe, les hommes de Cro-Magnon ont
cohabité avec les Neandertaliens. Chaque groupe avait peut-
être un territoire bien marqué, encore que les données
chronologiques soient insuffisantes pour qu’on en soit
certain. En tout cas, ils ne s’ignoraient pas et ont même eu
des contacts. Des Neandertaliens ont en effet adopté
certains objets et surtout certaines techniques de leurs
voisins aurignaciens, comme le travail de l’os et le débitage
du silex en longues lames. La synthèse qu’ils réalisent est
l’industrie châtelperronienne, répandue dans la zone
cantabrique et le sud-ouest de la France de 35 000 à 30
000 ans, tout d’abord attribuée aux hommes de Cro-Magnon
mais dont on sait aujourd’hui, grâce aux découvertes
récentes, notamment à Saint-Césaire en Charente, qu’elle
était le fait des Neandertaliens 5. On observe également des
industries modernes issues de divers Moustériens, en
Europe centrale, en Espagne, en Italie.
Alors que les Aurignaciens étaient installés dans la région
cantabrique depuis plus de 10 000 ans, il est arrivé que des
hommes de l’Aurignacien et des hommes du Châtelperronien
utilisent alternativement le même habitat, comme à l’abri du
Piage et au Roc de Combe (Lot). Pendant ce temps, d’autres
Neandertaliens, peut-être plus conservateurs ou plus isolés
géographiquement, continuaient à utiliser leur vieille
industrie moustérienne, comme sur la rive gauche du Rhône
et dans le Jura, où l’on trouve encore du Moustérien après la
disparition du Châtelperronien. Les sites moustériens les
plus récents ont 31 000 ans à la grotte de Néron, 27 000 ans
à l’abri du Maras et à la Baume de Gigny 6.
Au Périgordien supérieur ou Gravettien (28 000 à 22
000 ans), l’outillage est caractérisé par des lamelles souvent
au dos rectiligne, obtenu par de courtes retouches obliques
ou abruptes, comme la pointe de la Gravette. On compte une
centaine de catégories d’outils au Périgordien supérieur. Les
œuvres d’art mobilier y sont nombreuses. Les statuettes
féminines sont typiques de cette période.
Le Solutréen (de 22 000 à 18 000 ans), surtout représenté
en France et en Espagne, se caractérise par des lames
extrêmement fines, véritables feuilles de pierre, portant de
longues retouches plates qu’on ne peut obtenir que par
pression sur du silex préalablement chauffé. Cette retouche
si particulière disparaît ensuite pour ne réapparaître qu’au
Mésolithique. L’outillage osseux est peu développé et peu
caractéristique. Notons cependant l’invention de l’aiguille à
chas au Solutréen supérieur. Les Solutréens ont laissé des
œuvres d’art pariétal originales, en particulier des frises
d’animaux sculptés, comme au Roc-de-Sers ou au Fourneau
du Diable. Le Solutréen a une origine controversée : selon
certains, il viendrait d’Europe centrale ; selon d’autres, il
dériverait d’une culture nord-africaine. Actuellement, on
pense plutôt à un développement indigène en France.
L’Europe occidentale connaît, à la fin du Paléolithique
supérieur, il y a 18 000 à 11 500 ans, une autre culture,
appelée le Magdalénien 7. L’outillage lithique de cette
culture est peu soigné et beaucoup moins beau que
l’outillage solutréen. Il n’offre guère d’originalité à
l’exception de quelques formes spécifiques, comme les
burins becs-de-perroquet, ou certains petits outils de forme
géométrique. En revanche, l’industrie sur os, ivoire et
surtout bois de renne est abondante et variée. Les
Magdaléniens inventent les propulseurs, qu’ils décorent
parfois de façon remarquable, puis les harpons à barbelures.
Le Magdalénien est surtout connu pour être la grande
époque artistique de la préhistoire. Les objets sculptés ou
gravés ainsi que les panneaux peints ou gravés dans les
grottes se comptent par milliers. Ces manifestations
artistiques sont particulièrement abondantes dans le sud-
ouest de la France et dans la zone cantabrique espagnole,
deux régions souvent regroupées sous le terme général de
« zone franco-cantabrique ». L’importance de certains
habitats, notamment dans cette zone mais aussi dans le
bassin parisien, révèle des populations nombreuses.
De l’Aurignacien au Magdalénien final, on est en présence
d’une continuité culturelle, les coupures entre les diverses
industries correspondant plus à des crises techniques qu’à
des changements de culture. On revient à d’anciennes
façons, on se met à faire des pointes en pierre au lieu de les
faire en os ; mais on reste dans le même monde et ce sont
les mêmes populations. Cette continuité est du reste
confirmée par celle de l’art qui, s’il évolue, ne le fait pas en
concomitance avec l’outillage. Il est possible que certaines
de ces « traditions techniques » ou « stades » ne soient
en fait que des subdivisions artificielles, fabriquées par les
préhistoriens mais ne correspondant pas à une différence de
tradition pour les populations préhistoriques. Si des
variations dans l’outillage peuvent certes être le produit
d’une évolution, elles peuvent aussi refléter des adaptations
régionales ou des phénomènes de mode. La seule et
véritable coupure a lieu entre Châtelperronien et
Aurignacien : deux mondes en partie contemporains dont
seul le second a su produire l’art et une industrie sur os
élaborée.
Après la fin du Paléolithique
Le Mésolithique désigne la période comprise entre la fin
du Paléolithique et le début du Néolithique (entre 11 500 et
7 500 ans selon les lieux). Il est marqué par le réchauffement
des températures, qui entraîne des modifications
importantes de l’environnement. Le couvert forestier se
développe tandis que les animaux de climat tempéré
remplacent la faune froide qui migre ou disparaît. L’une des
toutes premières cultures du Mésolithique, appelée l’Azilien,
est caractérisée, entre autres, par un art schématique sur
galet. Les hommes du Mésolithique adaptent leur outillage à
la forêt, apprivoisent le chien et inventent l’arc. Leur
alimentation fait largement appel à la cueillette, à la récolte
des coquillages sur le littoral, à la chasse au lapin et aux
escargots.
Il y a environ 10 000 ans, avec le Néolithique, se produit la
transformation économique la plus radicale depuis l’origine
de l’homme. L’homme cesse d’être un prédateur et invente
l’agriculture et l’élevage. D’autres innovations techniques
telles que la céramique, le polissage de la pierre, le tissage
et la vannerie, accompagnent cette mutation.
De nomade, l’homme devient sédentaire. À superficie
égale, une terre cultivée peut nourrir vingt fois plus
d’hommes que la chasse. C’est ce qui explique l’explosion
démographique qui se produit au Néolithique, entraînant
l’apparition des premières maisons, des premiers villages,
puis des premières cités. Cette mutation s’est produite en
plusieurs endroits du monde dans l’espace d’un ou deux
millénaires. Le plus ancien foyer d’invention de l’agriculture
et de l’élevage, daté d’environ 10 000 ans, se trouve au
Moyen-Orient, dans le croissant fertile. Puis le Néolithique a
mis plusieurs millénaires à se diffuser en Europe, gagnant
d’abord les régions côtières, puis l’intérieur des terres8.
Il y a environ 4 000 ans, l’homme invente la métallurgie.
Commence alors la Protohistoire qui correspond aux trois
âges des métaux : du cuivre ou Chalcolithique, du bronze et
du fer. Les immenses progrès techniques réalisés se sont
accompagnés de bouleversements d’ordre social. C’est au
cours de ces quelques millénaires que se sont mises en place
les structures sociales et économiques de l’Ancien Monde
traditionnel.
Mais revenons à la longue période du Paléolithique
supérieur, le sujet de ce livre, qui s’étend de 40 000 à 11
000 ans, époque où les hommes savaient marier avec
panache la dextérité des grands chasseurs et celle d’artistes
chevronnés. Et voyons tout d’abord dans quel environnement
ces populations vivaient.
Le milieu physique
Le climat a beaucoup varié au cours des temps
géologiques. Pour en rester aux époques qui nous
intéressent ici, une dizaine de cycles climatiques,
correspondant aux variations de l’ensoleillement des divers
points de la Terre, se sont succédé depuis le début du
Quaternaire, situé il y a environ 1,5 million d’années.
Chacun de ces cycles a duré à peu près 115 000 ans, ce
qui est la période d’oscillation principale de l’orbite terrestre
autour du soleil. Au cours de chaque cycle, une période
chaude est suivie d’une période froide de durée à peu près
égale. Le dernier cycle complet a débuté il y a environ 120
000 ans pour s’achever il y a 11 000 ans. On a pu y mettre
en évidence des oscillations de température au sein même
des périodes chaudes et froides1. Nous vivons actuellement
dans une période chaude, coïncidant avec la subdivision du
Quaternaire appelée Holocène ou Postglaciaire.
L’homme du Paléolithique supérieur a vécu pendant la
période froide du cycle commencé il y a 120 000 ans et a
donc presque toujours connu un climat rigoureux et sec,
entrecoupé de petits épisodes tempérés et plus humides
appelés interstades. Ces variations duraient suffisamment
longtemps pour que d’énormes glaciers aient le temps de se
former pendant les épisodes les plus froids, puis de se retirer
pendant les interstades plus cléments. Dans la première
partie du Paléolithique supérieur, le froid glaciaire ne s’est
interrompu qu’à quatre reprises pour laisser place à de
légers réchauffements : il y a 36 000 ans, 31 000 ans, 28
000 ans et 23 500 ans. Le froid a atteint son maximum
autour de 22 000 à 20 000 ans, puis la régression des
glaciers a commencé, en marquant des paliers car le
réchauffement n’a pas été continu. Les épisodes froids se
sont alors faits de plus en plus brefs et de moins en moins
rigoureux tandis que les oscillations tempérées sont allées
en se rapprochant et s’intensifiant jusqu’à la fin du cycle.
Au plus fort de la période froide, il y a environ 22 000 à 20
000 ans, les hivers devaient être longs et rigoureux tandis
que les étés étaient courts et assez doux. Dans les latitudes
tempérées de l’hémisphère nord, la température à la surface
de la mer était inférieure de 10° à celle d’aujourd’hui. Il est
plus difficile de savoir précisément quelle était la
température continentale car il semble qu’il a existé des
microclimats très diversifiés. À la périphérie des grands
inlandsis, les températures moyennes annuelles devaient
être, aux moments les plus froids, de l’ordre de 10 à 15°
inférieures aux actuelles. En Europe de l’Ouest, la
température estivale moyenne ne devait pas dépasser +6°.
Les seuils extrêmes de température devaient être de – 20°
en janvier et de +17° en juillet. L’hygrométrie était comprise
entre 300 et 700 mm/an. Ces conditions climatiques devaient
se rapprocher de celles qui règnent aujourd’hui dans des
régions situées au nord de la mer Caspienne2. Mais il ne
s’agit que d’une approximation et il faut imaginer une
variété climatique comparable à celle qui existe
actuellement.
Variation du niveau des eaux
Pendant les périodes les plus froides, des masses de glace
épaisses de plusieurs kilomètres s’étendaient sur toute
l’Europe septentrionale à partir des régions polaires
jusqu’aux côtes sud de l’Irlande, au nord de l’Allemagne et
au sud de la Suède3. De même, le volume des glaciers des
montagnes s’accroissait ; le glacier alpin par exemple
descendait jusqu’à l’emplacement de Lyon et les Pyrénées
étaient couvertes d’un immense glacier. Pendant les
épisodes plus tempérés, les langues de glace reculaient
presque jusqu’à leurs positions actuelles. Aux moments les
plus froids, l’énorme volume d’eau qui ne retournait pas à
l’océan entraînait un abaissement considérable du niveau de
l’eau des mers. Le tracé des rivages côtiers a donc beaucoup
varié. Les côtes atlantiques de la Bretagne et de l’Aquitaine
étaient par endroits à près de 100 km des côtes actuelles ;
la Manche était à sec et la Grande-Bretagne ainsi que
d’autres îles étaient raccrochées au continent ; les rivages
méditerranéens étaient également éloignés des côtes
actuelles, la distance variant selon la profondeur des fonds
marins – une cinquantaine de kilomètres devant Agde ou
Sète, quinze à vingt devant Marseille4. Ces régions côtières
maintenant sous les eaux étaient occupées par l’homme et
recèlent des vestiges aujourd’hui inaccessibles sauf
exception, comme cela a été le cas pour la grotte Cosquer,
immergée sous plus de 30 m d’eau. Il y a 22 000 à 20
000 ans, le niveau de la mer a atteint son minimum, situé de
120 à 130 m au-dessous de sa position actuelle.
Au moment du réchauffement des températures, le niveau
de la mer a monté et les eaux ont à peu près atteint le niveau
actuel vers 700 av. J.-C.
Le monde végétal
Les paysages, que l’on connaît grâce à l’identification des
pollens retrouvés dans les sols fossiles, ont beaucoup varié
selon les époques. Les phases glaciaires étaient
suffisamment longues pour faire disparaître la végétation
forestière, qui se trouvait remplacée par la steppe herbeuse.
Les phases interglaciaires tempérées et humides voyaient le
rétablissement au moins partiel d’une végétation arborée 5.
Pendant les périodes les plus froides, le paysage était loin
d’être uniforme. Dans les régions situées sur le pourtour des
calottes glaciaires, s’étendaient des plaines arides et
inhospitalières, pierreuses, balayées par le vent,
comparables à la toundra actuelle. Plus au sud, l’aspect du
paysage dépendait de la latitude, de la distance à la mer et
de l’altitude. De plus, les variations de l’orientation, et
partant de l’ensoleillement, la configuration du relief, la
présence de lacs ou de cours d’eau pouvaient entraîner la
formation de microclimats souvent peu éloignés les uns des
autres.
Dans les grandes plaines dominait une steppe d’herbes
sèches et de lichens ; là où le relief était plus accidenté, la
végétation n’était pas la même au fond des vallées et sur les
plateaux. Les plateaux calcaires exposés au vent étaient eux
aussi envahis par une végétation steppique tandis que les
vallées présentaient une mosaïque de paysages avec, par
endroits, de véritables prairies entrecoupées de bosquets
d’arbres. En zone sèche, les pins étaient les arbres le plus
souvent représentés de 38 000 à 22 000 ans, puis ils furent
concurrencés par le bouleau dans les Alpes et en Allemagne
après 20 000 ans. Dans les vallons plus humides, croissaient
des aulnes et des saules. Mais à sécheresse égale,
l’orientation pouvait influer sur la végétation. Ainsi, l’habitat
magdalénien de Gönnersdorf se trouvait dans une pinède
orientée au sud alors que celui d’Andernach, à 1 800 m de là
et exactement contemporain, était environné de bouleaux 6.
En hiver, lorsque l’eau ne pouvait s’infiltrer dans le sous-
sol gelé, les crues de printemps devaient prendre l’allure de
véritables débâcles. Le fond de certaines vallées devait alors
se transformer en marécage humide infesté de moustiques.
Au bord des mares, des saules croissaient, ainsi que des
plantes d’eau, comme devant l’entrée de Lascaux, il y a
environ 16 500 ans7.
Des arbres de climat tempéré poussaient en pleine époque
glaciaire dans certaines vallées encaissées, particulièrement
dans le sud-ouest de la France, dont les versants orientés au
sud bénéficiaient de microclimats plus chauds.
Pendant les interstades humides et tempérés, la forêt
s’étendait et des espèces thermophiles remplaçaient pins et
bouleaux. Les noisetiers et de grands arbres feuillus, comme
le chêne, l’orme, le tilleul, l’érable, le charme et le frêne,
pouvaient se développer dans les zones favorablement
exposées. Apparaissaient aussi des arbustes comme le lierre
et le buis, et même des fougères de sous-bois. À Lascaux, il y
a 17 000 ans, le couvert végétal était important et le climat
assez doux pour permettre la croissance du pin maritime et
du noyer en plus des habituelles espèces thermophiles.
L’augmentation de la température s’accompagnait
généralement d’une plus forte humidité. Les étendues
herbacées s’amenuisaient et changeaient de nature : la
steppe sèche à composées disparaissait alors au profit de
grasses prairies à graminées 8.
Le monde animal
Les animaux étaient aussi variés que les paysages qu’ils
occupaient9. Les herbivores dépendent étroitement de la
végétation dont ils tirent leur nourriture. Ils se déplacent
donc en fonction des fluctuations climatiques. Aux moments
où les langues de glace descendaient très bas, les animaux
arctiques élargissaient leur territoire vers le sud ; ceux qui
vivent en altitude descendaient des hautes montagnes ; les
animaux steppiques des grandes plaines d’Asie centrale
parvenaient jusqu’en Europe de l’Ouest en empruntant la
grande plaine nord-européenne. En revanche, les animaux
de milieux boisés migraient vers des zones méridionales plus
clémentes ou se réfugiaient dans des vallons humides. Aux
périodes de réchauffement, les mouvements de populations
s’inversaient mais les animaux étaient alors gênés dans leurs
migrations par le développement de la végétation arbustive
et arborée10.
Pendant les épisodes froids – en particulier au
Magdalénien, à la fin de la dernière glaciation – les animaux
adaptés aux grands espaces ouverts étaient les plus
répandus. Parmi ceux-ci, les trois espèces herbivores les plus
communément chassées par l’homme étaient les chevaux,
les bisons et les rennes, qui affectionnaient particulièrement
le froid sec. Si le cheval est avant tout un animal de grands
espaces préférant les paysages steppiques, il s’adapte à
toutes sortes de climat. À côté d’un cheval trapu et de petite
taille11, il a peut-être existé un cheval plus grand, plus
élancé et adapté à des conditions plus tempérées 12. Le
bison préhistorique, aujourd’hui éteint, occupait les steppes,
contrairement à son descendant, le bison d’Europe, habitant
des forêts. Il était un peu plus grand que ce dernier puisqu’il
pouvait atteindre 2 m au garrot et peser presqu’une tonne.
Le renne enfin, animal steppique par excellence, comme le
renne actuel de Laponie, a pourtant bien failli disparaître au
moment des plus grands froids, où l’on voit sa taille ainsi que
ses effectifs diminuer. Il constituait le gibier de prédilection
des chasseurs magdaléniens. Animal migrateur, il a
tendance à toujours emprunter les mêmes routes de
migration. Pendant les épisodes plus tempérés, les hardes
devaient se réfugier en altitude, ou plus au nord 13. Au
moment du réchauffement de l’Holocène, elles remontèrent
vers le nord du continent où elles vivent encore.
Parmi les animaux adaptés aux très grands froids, et qui
abondent aux périodes les plus sévères, se place en tête
l’antilope saïga, que l’on trouve actuellement dans les
steppes d’Asie centrale 14. Elle parcourait les étendues
herbeuses et était alors intensivement chassée. Le bœuf
musqué, qui vit aujourd’hui au niveau du cercle polaire,
occupait aussi la steppe.
Deux grands mammifères aujourd’hui disparus étaient
bien adaptés à la steppe froide : le mammouth et le
rhinocéros laineux. Le mammouth mesurait environ 3 m au
garrot et ses défenses spiralées pouvaient atteindre plus de
3 m de longueur. Il était particulièrement répandu dans le
nord de l’Europe et en Sibérie et on le trouvait jusque dans
le sud-ouest de la France et même en Espagne. Son
extinction est mal expliquée : alors que d’autres animaux
ont su s’adapter au réchauffement de l’Holocène en gagnant
d’autres régions, le mammouth, qui aurait parfaitement pu
survivre dans la steppe russe, n’en a pas fait autant. Peut-
être a-t-il été victime d’une chasse trop intensive dictée par
la recherche de l’ivoire 15. Le rhinocéros laineux était
surtout répandu en Europe de l’Est où il vivait dans une
sorte de toundra. Il a cherché à s’acclimater à un autre
biotope sans y parvenir. Il existait un autre rhinocéros
adapté à la prairie, qui disparut lui aussi au début de
l’Holocène16.
Les bouquetins et les chamois occupaient les régions
montagneuses, qui sont aujourd’hui leur seul habitat, mais,
durant les grands froids, l’avancée des glaciers les
contraignait parfois à descendre dans les vallées. On les
trouvait alors en basse altitude, pourvu que le relief soit
accidenté, comme dans les falaises surplombant les
calanques de Marseille.
Les grands prédateurs étaient nombreux, ce qui n’étonne
pas si l’on songe à l’abondance des herbivores dont ils
disposaient pour se nourrir. Ils s’abritaient dans les massifs
rocheux. L’ours des cavernes, carnivore à tendance
omnivore, atteignait debout plus de 2,50 m, avec un crâne
de 60 cm ; il devait peser environ 400 kg. Il disputait à
l’homme l’entrée des cavernes dans lesquelles il hibernait. Il
ne semble pas avoir été spécialement bien adapté à un
climat froid et était beaucoup plus abondant aux périodes
interglaciaires antérieures au Paléolithique supérieur. Il
était en voie de raréfaction au Paléolithique supérieur et
disparut tout à fait à l’Holocène. L’ours brun, plus petit que
lui, semble avoir été mieux adapté au froid et l’a peu à peu
supplanté. Cet ours est un animal de forêt, qui occupait aussi
les grottes et qui a survécu dans les Pyrénées17.
Dangereux carnivore, le lion des cavernes, beaucoup plus
grand et plus robuste que le lion actuel, était, comme l’ours
des cavernes, mal adapté au froid et disparaissait au
moment des vagues de très grand froid. Le lynx des
cavernes, le glouton et le renard polaire, bien adaptés au
froid, se réfugièrent en Europe du Nord au moment du
réchauffement de l’Holocène. La hyène des cavernes,
aujourd’hui disparue, se nourrissait de charognes comme sa
cousine, la hyène tachetée africaine. En revanche, le loup et
le renard roux avaient de grandes capacités d’adaptation et
s’acclimataient quelle que soit la température18.
Certains petits animaux étaient bien adaptés au froid, tels
le lièvre des neiges, animal de montagne, une espèce de
belette vivant actuellement dans les régions circumpolaires,
le lemming, qui peuplait les mêmes paysages que le renne,
et le campagnol des neiges, habitant aujourd’hui les Alpes et
les Pyrénées au-dessus de 1 000 m. La marmotte, chassée
par l’homme, appréciait les températures fraîches et s’est
réfugiée en montagne au moment du réchauffement 19.
Les poissons de rivière, dont la plupart s’adapte à des eaux
de température variable, étaient nombreux. Mais les
saumons, qui ne peuvent vivre qu’en eau froide, devaient
particulièrement abonder dans les cours d’eau. Certains
rivages côtiers étaient fréquentés par les phoques, les
pingouins et des oiseaux marins.
Parmi les oiseaux adaptés au froid, signalons le harfang
des neiges, chouette blanche actuellement limitée à la zone
de la toundra circumpolaire, qui vivait alors dans le sud-
ouest de la France, et le lagopède des saules, parfois chassé
par les Magdaléniens20.
Certains des animaux steppiques répandus dans le sud-
ouest de la France au plus fort de la glaciation, comme le
renne, le mammouth, le rhinocéros laineux et le bœuf
musqué, n’ont jamais atteint les rivages méditerranéens. Il y
faisait pourtant tout aussi froid puisque le bison, l’antilope
saïga, le lièvre des neiges, la marmotte et le renard polaire y
habitaient, mais sans doute aussi trop sec pour des animaux
ayant besoin d’une couverture végétale importante 21. Ils ne
semblent pas non plus avoir franchi la barrière des Pyrénées
et sont quasiment inconnus sur le versant espagnol.
Certains animaux supportaient bien le froid mais
préféraient des lieux plus humides. Les vallons boisés étaient
peuplés par le cerf élaphe et le mégacéros, cerf géant dont
la ramure très développée pouvait atteindre 3 m
d’envergure. Cet animal disparut à l’Holocène, sa ramure
l’empêchant peut-être de se déplacer dans les forêts
postglaciaires. L’élan appréciait un froid modéré et, malgré
ses ramures embarrassantes, habitait les zones forestières et
marécageuses. C’est pourquoi, présent dès l’Aurignacien
dans les zones plus méridionales, il ne devint réellement
abondant qu’après 20 000 ans, quand le froid se fit moins
rigoureux. Amateur de feuillages, bourgeons, écorces et
plantes aquatiques, il devait, comme il le fait aujourd’hui en
été, se plonger dans les marécages pour brouter sous l’eau
les tiges et les racines22. Il semble avoir subsisté dans nos
contrées jusqu’au IIIe siècle de notre ère. L’aurochs était un
animal imposant, mesurant 2 m au garrot et pesant une
tonne, qui fréquentait les clairières et les fonds de vallée
couverts de prairies à graminées. C’est l’ancêtre du bœuf
domestique. L’espèce s’est éteinte au XVIIe siècle mais a été
reconstituée depuis par manipulations génétiques. Ces
herbivores pouvaient supporter des températures assez
basses mais préféraient les climats tempérés ou modérément
froids ; ils devenaient plus abondants pendant les
interstades plus tempérés et humides.
Pendant les épisodes plus tempérés, les animaux de climat
froid se retiraient plus en altitude ou plus au nord. Certains
d’entre eux, supportant l’élévation de la température et la
modification de leurs territoires, restaient. C’est le cas des
chevaux, des aurochs, des élans et des mégacéros. D’autres
animaux, qui venaient de régions méridionales – Espagne ou
Italie –, ou qui s’étaient retirés dans des zones à microclimat
plus favorable comme certaines vallées bien abritées, se
multipliaient alors. C’est le cas du cerf, du chevreuil et du
sanglier, qui appréciaient particulièrement la forêt.
Abondamment chassé pendant les épisodes tempérés, le cerf
élaphe fut à la base de l’alimentation à partir de l’Holocène,
puis il devint un gibier noble dans la France de l’Ancien
Régime ; c’est sans doute grâce à cela qu’il a survécu
jusqu’à aujourd’hui. Le chevreuil, bien adapté à un milieu
forestier tempéré et humide, était sensiblement plus grand
que le chevreuil actuel. Le sanglier vivait, comme
aujourd’hui, dans des milieux boisés ou semi-boisés. À la fin
des temps glaciaires, il s’est répandu dans tout le sud-ouest
de la France, jusque dans les régions pyrénéennes où il vit
encore.
Plus rare, le daim fréquentait aussi les forêts humides et
appréciait les climats particulièrement doux. Il se multipliait
pendant les périodes tempérées dans les régions
méridionales – Espagne et Italie – où il semble s’être confiné
23. On pouvait aussi rencontrer dans les forêts un animal
plus rare, l’Equus hydruntinus, disparu au Postglaciaire, qui
ressemblait un peu à un âne ou à une hémione.
Un autre animal disparu aujourd’hui est l’éléphant
antique, adapté à un climat tempéré et à un environnement
forestier et boisé. Il s’était retiré dans la péninsule ibérique
dès le début des glaciations et ne repassa plus la barrière
des Pyrénées, même pendant les interstades plus tempérés
24. Il semble avoir disparu au début du Paléolithique
supérieur.
D’autres carnivores remplaçaient les redoutables
prédateurs adaptés au froid. L’impressionnant lion des
cavernes cédait la place à un félin plus petit, de la taille du
lion actuel 25. Quelques carnivores assez ubiquistes comme
le loup et le renard roux se multipliaient pendant les
épisodes tempérés et même au-delà, jusqu’à l’époque
actuelle pour certains d’entre eux. Le dhôle ou cuon était un
canidé ressemblant au chien, adapté à des climats tempérés
et fréquentant surtout des zones montagneuses. Il semble
avoir disparu à l’Aurignacien 26, peut-être à cause de la
concurrence du loup, mieux adapté que lui au froid. La
panthère vivait encore en Espagne cantabrique à
l’Aurignacien et au Magdalénien ancien, puis a disparu tout
à fait de nos contrées.
De nombreux petits animaux, lièvres, rats d’eau, hérissons,
loirs, profitaient des épisodes de relatif réchauffement pour
se multiplier. Plus on approchait de la fin de l’ère glaciaire,
plus on devait voir des animaux fort discrets jusque-là,
comme le chat sauvage, particulièrement adapté à la forêt,
le lynx pardelle, le castor, la belette et l’hermine. Le blaireau
venait occuper les grottes 27. Le lapin, revenu peupler les
plaines de nos contrées au cours d’un des derniers sursauts
de froid, devint, à l’Holocène, l’un des gibiers de prédilection
des Aziliens, successeurs des Magdaléniens. Des oiseaux
comme la caille et la perdrix grise, qui avaient fui vers des
régions méridionales plus clémentes, réapparurent aussi28.
Une mosaïque de paysages
Nous avons assez insisté sur le fait que les paysages
pouvaient se modifier assez rapidement et constituaient de
véritables mosaïques. Quelques exemples suffiront à
l’illustrer. À Enlène, en Ariège, les Magdaléniens qui
s’étaient installés dans la salle des Morts il y a environ 14
000 ans ont connu un climat froid et sec. Le paysage
environnant était une steppe à chicoracées parcourue par
des rennes que ces hommes n’ont pas manqué de chasser et
de consommer. Quelques siècles plus tard, il y a 13 500 à 13
000 ans, d’autres Magdaléniens, peut-être leurs
descendants, se sont cette fois installés dans la salle du
Fond. Le climat, toujours aussi froid, était en revanche
nettement plus humide. La steppe fit donc place à une
prairie humide, les rennes cédèrent le terrain à des
troupeaux d’aurochs, qui constituèrent la base de
l’alimentation des nouveaux occupants de la grotte.
Plus au nord, dans l’Indre, d’autres Magdaléniens ont vécu
dans la grotte Blanchard à Saint-Marcel, à un moment où le
climat était froid et sec. Alors que les autres habitants de la
région chassaient les rennes paissant dans les steppes
herbacées, les occupants de la grotte Blanchard
consommaient du cheval. La grotte était en effet située dans
un fond de vallée humide couvert d’agréables prairies à
graminées que des troupeaux de chevaux avaient colonisées
29.
En une journée de marche à travers un paysage accidenté,
comme les Pyrénées, un Magdalénien avait toutes les
chances d’apercevoir des troupeaux de chevaux galopant, de
bisons et de rennes paissant, des bouquetins et des chamois
sautant gracieusement, des carnivores et même des
charognards gardant l’entrée de leur grotte. Il avait donc à
sa disposition un gibier varié dans un territoire relativement
restreint. Dans les régions plus ouvertes, la diversité des
espèces était moindre, mais le nombre d’individus croissait.
Malgré la différence de climat, on peut comparer cette
diversité et cette richesse à celles de certaines plaines de
l’Afrique actuelle 30.
Nous allons voir maintenant comment l’homme du
Paléolithique supérieur a su s’adapter à de tels changements
climatiques en suivant le gibier, ou au contraire en modifiant
son alimentation, ses techniques de chasse, sa technologie et
ses habitations.
Le feu
La domestication du feu, due à Homo erectus, est sans
doute le premier acte à avoir résolument distingué l’homme
des autres primates. L’Australopithèque avait à sa
disposition tous les éléments nécessaires pour domestiquer
le feu, mais sa structure mentale ne lui permettait peut-être
pas de franchir ce pas 1. Par cet acte, l’homme commençait à
se rendre maître de la nature et modifiait ses conditions de
vie matérielle et culturelle. Le feu a certainement eu très tôt
un impact social important, puisqu’il permettait de se réunir
autour du foyer, de se réchauffer et d’éloigner les animaux
dangereux. Très tôt aussi, les hommes ont compris qu’ils
pouvaient améliorer leur régime alimentaire en cuisant la
viande.
Si c’est Homo erectus qui a domestiqué le feu, c’est
l’homme de Neandertal qui, le premier, lui a trouvé plusieurs
applications techniques et domestiques : fracturation de
matériaux durs, durcissement d’armes de bois, cuisson de la
nourriture, chauffage et éclairage... Au Paléolithique
supérieur, les applications de l’usage du feu se sont encore
diversifiées. En plus de la cuisson des aliments et du
chauffage de l’habitation, déjà connus, l’homme fumait les
viandes et les poissons, faisait fondre la résine pour préparer
de la colle, chauffait le silex avant son débitage ou sa
retouche, chauffait les baguettes en os pour les redresser ou
l’ocre pour en modifier la coloration, s’aventurait dans les
grottes avec un foyer portatif, rabattait le gibier avec des
torches et cuisait parfois des statuettes en argile.
De la domestication à la production du feu
Les plus anciennes traces de feu associées à une présence
humaine remontent à 1,5 million d’années. Mais ces feux ont
pu être d’origine naturelle, et leur utilisation par Homo
erectus n’est pas absolument prouvée. C’est seulement il y a
400 000 à 350 000 ans que des foyers structurés
apparaissent dans les habitations d’Homo erectus2. Si l’on
peut considérer que le feu est bien, dès ce moment,
« domestiqué », on ignore encore si Homo erectus était
capable de le produire ou s’il savait seulement le recueillir et
l’entretenir.
Dans le second cas, l’obtention du feu à partir d’incendies
naturels devait être bien aléatoire, sauf dans quelques
régions plus favorables, exposées aux volcans ou
particulièrement sujettes aux orages. De plus, étant donné la
faible densité de peuplement, les chances de se trouver à
côté d’un incendie au bon moment étaient faibles. Une fois le
feu obtenu, il fallait le conserver, ce qui devait être sinon
difficile, du moins fastidieux. Tout cela expliquerait pourquoi
le feu n’apparaît que sporadiquement au Paléolithique
inférieur : si d’aventure on laissait s’éteindre le feu, le
groupe en était alors privé pendant une longue période. Il
est possible que certains groupes préhistoriques aient su
produire le feu avant d’autres. Ainsi auraient coexisté des
groupes « producteurs » et des groupes « collecteurs » de
feu3.
La production du feu
L’homme du Paléolithique supérieur disposait sans doute
de plusieurs méthodes de production du feu mais les
vestiges concernant cette activité sont rares, et il n’est
d’ailleurs pas certain que tous les groupes utilisaient le
même procédé.
Les techniques simples de production du feu connues
aujourd’hui font intervenir soit la percussion soit la friction.
Lorsqu’on utilise la percussion, on cherche à produire une
étincelle qui puisse frapper une matière particulièrement
combustible comme du duvet d’oiseau, de la mousse sèche,
des copeaux en fibre végétale ou animale, de l’amadou. On
propage ensuite la flamme à d’autres matériaux à la
combustion plus durable tels que du bois, de l’os, du charbon
ou de la tourbe. L’image de l’homme préhistorique faisant
jaillir le feu en frappant deux silex l’un contre l’autre est
devenue familière, mais elle est sans doute erronée. On ne
peut prouver que les nombreux silex percutés qu’il a laissés
derrière lui ont servi à produire du feu. De plus, d’après
plusieurs expérimentateurs, l’étincelle produite aurait été
trop brève pour pouvoir propager le feu4. En revanche, il
semble qu’au Paléolithique supérieur, on utilisait parfois
comme briquets des nodules de pyrite sur lesquels on
frappait avec du silex ou du quartzite. On voit mal en effet
comment expliquer autrement les traces de percussion
visibles sur des fragments de ce minerai abandonnés ou
perdus dans certains habitats, comme à Laussel ou au Trou-
du-Chaleux. Les briquets à silex et pyrite devinrent
fréquents au Mésolithique et au Néolithique ; ils étaient
encore utilisés aux XVIIIe et XIXe siècles par les Eskimos et
certains Indiens d’Amérique5.
Les techniques d’obtention du feu par friction, dont il
existe de nombreuses variantes, sont beaucoup plus
répandues que celles qui utilisent la percussion 6. Attestées
dès l’Holocène, elles prennent sans doute leur origine au
Paléolithique supérieur, peut-être plus tôt. Les hommes du
Paléolithique étaient parfaitement capables de les utiliser. Il
leur suffisait d’échauffer deux éléments de bois en les
frottant vigoureusement l’un contre l’autre. Le contact entre
les deux éléments pouvait se faire par friction dans une
gouttière, par forage dans une planchette, par sciage7... Il
était possible de perfectionner le procédé, par exemple en
utilisant une courroie ou un archet pour accélérer le
mouvement rotatif dans le cas du forage. Le frottement
continu et rapide entraînait la production d’une sciure qui,
grâce à l’échauffement, finissait par s’embraser. Les
meilleurs bois étaient les bois mous qui s’usent vite en
produisant beaucoup de sciure et ceux qui, comme le tilleul,
le laurier ou le lierre, présentent dans leurs tissus des fibres
allongées susceptibles de former une bourre rappelant
l’amadou. La braise était ensuite déposée sur une poignée
d’herbes sèches, de paille ou de lichen qui, une fois attisée,
s’enflammait à son tour 8. Les preuves archéologiques de
l’utilisation de l’une ou l’autre de ces techniques sont
maigres. À Kalambo Falls, des fragments de bois carbonisé
miraculeusement conservés, datant du Paléolithique
inférieur, présentent des rainures qui pourraient s’expliquer
si nous avions affaire à des allume-feu en bois utilisés par
friction 9. À Krapina, une baguette de hêtre dont une des
extrémités est carbonisée a peut-être été utilisée par les
Neandertaliens comme foret à feu mais la pièce est un peu
courte et devait être prolongée par une hampe pour être
fonctionnelle. De plus, elle devrait avoir une section
circulaire et non piano-convexe comme c’est le cas. Une
baguette de bois de renne percée à une extrémité et portant
une échancrure à l’autre, a pu servir d’archet aux
Magdaléniens de Lortet qui l’ont façonnée10. De nombreuses
pierres portant des cupules ont été interprétées comme
l’équivalent de planchettes mais l’expérimentation montre
que le frottement du bois contre la pierre ne suffit pas à
provoquer la formation de braises.
L’entretien du feu
Il était vital de maintenir le feu en bon état de
fonctionnement. Cela supposait une bonne organisation, la
recherche des combustibles, la constitution d’une réserve
permanente de bois sec, la surveillance du feu et l’entretien
des foyers.
L’homme du Paléolithique utilisait communément le bois
pour entretenir ses foyers. S’il allumait toujours le feu avec
du bois, il lui arrivait parfois de l’entretenir avec de l’os,
comme dans la grotte d’Enlène. À La Garenne, des
fragments de tissus spongieux et des têtes d’os longs ont été
gorgés de graisse avant d’être jetés dans le feu pour
l’alimenter11. L’utilisation de l’os comme combustible semble
avoir été plus fréquente encore à l’est, dans la plaine russe
et en Sibérie. En Moravie, les chasseurs ont brisé en deux
les os de mammouths, peut-être pour faire couler goutte à
goutte la moelle au-dessus du feu afin de l’entretenir 12, à
moins que cela ne soit pour la consommer.
L’homme du Paléolithique supérieur n’a pas manqué de
remarquer les qualités combustibles de certains minéraux
proches de son habitat et les a ponctuellement utilisés. Ainsi,
à Petřkovice, en Moravie, il a alimenté ses foyers avec du
charbon minéral tandis qu’à Krasnyj Jar, en Sibérie, il a fait
de même avec du schiste bitumeux13. Il est possible aussi
que les hommes du Paléolithique aient utilisé d’autres
combustibles comme des excréments d’animaux séchés, de
la tourbe, de l’herbe, des broussailles ou des algues séchées,
mais ces matières organiques ne se sont pas conservées.
Enfin, nous verrons qu’ils utilisaient également des lampes à
graisse.
Les foyers pouvaient être en cuvette ou plats, avec ou sans
bordure de pierres, dallés ou non, de forme et de dimensions
variées. Certains d’entre eux étaient utilisés pour la cuisine,
d’autres étaient liés à des activités techniques comme la
taille du silex, la fabrication d’armes et d’outils, le fumage de
la viande, du poisson ou des peaux, d’autres encore
servaient simplement au chauffage ou à l’éclairage.
Les foyers faisaient l’objet de soins constants. Il fallait
constituer des réserves de bois secs, surveiller les cuissons,
vidanger les cendres... En effet, un foyer envahi de cendres
et de débris non brûlés s’aère mal, et il était nécessaire de le
vider régulièrement, de le réaménager et éventuellement de
remplacer certaines des pierres éclatées des parois ou du
fond. Le contenu du foyer était déversé un peu plus loin. Les
Magdaléniens de Pincevent utilisaient peut-être comme
pelles à cendre les omoplates de renne qu’on a retrouvées
dans leurs habitations14.
Il est possible que certains membres du groupe – les
enfants par exemple – aient été astreints à l’entretien du feu.
Sa domestication coïnciderait alors avec une ancienne et
timide spécialisation des tâches.
Avec la maîtrise du feu, l’homme s’est affranchi de
l’obscurité et a pu modifier son rythme d’activités journalier.
Il échappait à l’urgence d’achever une tâche avant la tombée
de la nuit, et pouvait mieux organiser son temps en doublant
presque la durée de ses activités en hiver. Cette modification
du cycle diurne/nocturne a peut-être eu des répercussions
sur le plan physiologique car les cycles de sommeil sont en
partie liés à la luminosité15. Le feu lui a ensuite permis –
grâce à l’invention de moyens d’éclairage portatif – d’élargir
sa perception de l’espace en lui ouvrant un monde
souterrain qui lui était jusque-là inaccessible.
L’artisanat
Les hommes du Paléolithique supérieur se procuraient
dans le monde minéral, animal ou végétal des matériaux
qu’ils travaillaient ou utilisaient à l’état brut. Ils
connaissaient leurs qualités spécifiques et les adaptaient à
leurs besoins. Ils exploitaient la presque totalité des animaux
qu’ils chassaient. Outre la viande et la graisse comestibles,
le gibier abattu leur fournissait tendons, os, cuir, dents,
éventuellement bois ou corne, qu’ils utilisaient à des fins
techniques. Il est possible que certains viscères aient aussi
été récupérés pour fabriquer des sacs, des outres ou
diverses parois imperméables 1. Ils devaient exploiter le
milieu végétal et confectionner des objets en bois, en écorce
et en fibre qui ne se sont que très rarement conservés. Seule
la pierre et, dans une moindre mesure, l’os, les bois de
cervidés, l’ivoire et les coquilles nous sont parvenus.
La panoplie d’un artisan paléolithique était très variée. Il
disposait bien sûr du matériel de base du tailleur de pierre,
constitué d’une enclume et de percuteurs à l’aide desquels il
fabriquait des lames de silex. Celles-ci pouvaient quitter
aussitôt son atelier et devenir des couteaux ou des armes de
jet pour la chasse. Elles pouvaient aussi servir à leur tour à
la fabrication d’autres objets ; elles étaient par exemple
utilisées comme perçoirs destinés à la perforation des peaux
ou comme burins servant à la confection d’objets en os ou en
pierre tendre. L’objet réalisé avec ce premier outil pouvait
lui aussi être un nouvel outil destiné à fabriquer autre chose,
une aiguille à chas pour la couture des peaux par exemple.
Ces objets seront évoqués lorsqu’il sera fait allusion à leur
utilisation : sagaie pour la chasse, foëne pour la pêche,
aiguille à chas pour la couture, burin pour la gravure, lampe
pour l’éclairage... Nous nous intéresserons plus précisément
dans ce chapitre aux procédés techniques connus des
artisans paléolithiques et montrerons la dextérité de ces
hommes, qui ont tiré des ressources de la nature le
maximum, compte tenu de leur niveau technique.
Le travail de la pierre
Les tailleurs de pierre du Paléolithique supérieur
connaissaient bien les propriétés de certaines roches,
comme le silex, qui se brisent sous forme d’éclats au
tranchant acéré et plus dur que de l’acier. Ils pouvaient
même prévoir la forme des fragments qu’ils voulaient
obtenir. Faute de silex, ils taillaient l’obsidienne, plus
tranchante mais plus fragile, ou d’autres roches plus
ingrates à travailler mais pouvant elles aussi se débiter en
éclats ou en lames, tels que le quartzite, le grès fin, le quartz
ou certaines roches éruptives comme le basalte.
Alors que le tailleur de pierre du Paléolithique moyen se
contentait le plus souvent d’extraire, à l’aide d’un percuteur
de pierre, des éclats de son bloc de matière première,
l’artisan qui lui succéda abandonna la production d’éclats,
pour se consacrer à celle de longues lames à bords
parallèles. Il arrivait bien aux Moustériens d’en produire,
mais cela n’avait rien de systématique. Les tailleurs de
pierre du Paléolithique supérieur modifièrent surtout la
gestion de leur bloc de matière première en l’attaquant non
par ses faces mais à partir de la tranche ou bien d’une arête
préparée 2. Ils parvinrent ainsi à produire un grand nombre
de lames régulières et standardisées à partir d’un même
bloc. L’utilisation de percuteurs en bois animal ou végétal
devint la règle et facilita beaucoup cette nouvelle
exploitation du volume de matière. À quantité de pierre
égale, on pouvait désormais obtenir une longueur de
tranchant bien plus importante qu’auparavant, ce qui
constituait un avantage indéniable quand le bon silex était
rare ou difficile d’accès, enfoui sous la neige par exemple.
Le tailleur de pierre du Paléolithique supérieur exécutait
beaucoup plus de gestes que ses prédécesseurs pour réaliser
un outil. Avant de commencer la taille proprement dite, il
détachait des éclats de son nucléus en le frappant à l’aide
d’un percuteur de pierre ou de bois, pour modifier ses bords
et ses arêtes afin de préparer un plan de frappe et une arête
principale ; puis il le percutait en un point précis situé sur la
partie la plus avancée du plan de frappe, pour en détacher, à
partir de la crête, une première lame à section triangulaire.
Il pouvait ensuite extraire d’autres lames, en se guidant à
chaque fois sur la nervure laissée par la lame précédente.
Un seul nucléus peut donner de nombreuses lames, de plus
en plus fines et petites 1. Les tailleurs de pierre solutréens
semblent les premiers à avoir eu l’idée de chauffer le silex
avant de le débiter. Ce procédé supposait l’existence de
fours destinés à chauffer progressivement le silex et le
maintenir pendant 20 à 70 heures à une température
constante, supérieure à 200°, puis à le faire refroidir très
lentement. Cette chauffe modifie la structure interne de la
roche, de sorte qu’il est beaucoup plus facile d’en détacher
des lames en y exerçant une pression ou une percussion. Les
lames ainsi obtenues sont si fines qu’on croirait des feuilles
de pierre. Vers la fin du Magdalénien, l’homme parvint à une
maîtrise extraordinaire de la technique de taille du silex. Les
artisans d’Étiolles pouvaient, par exemple, obtenir des lames
de 30 à 40 cm de long. L’obtention de grandes lames était
probablement facilitée par le recours à une pièce
intermédiaire en matière végétale ou animale comme de l’os,
de la corne ou du bois de cervidés sur lequel on frappait
avec le percuteur 3.
Les expérimentations effectuées de nos jours portent à
penser que le tailleur pratiquant le débitage laminaire devait
constamment opérer des choix techniques selon le volume et
la qualité de son nucléus, sa propre compétence et le
résultat escompté. Une séquence de taille n’était donc pas
un enchaînement de gestes immuables mais correspondait à
une succession de décisions pratiques prises après
appréciation des contraintes techniques 4. Les fréquents
vestiges d’accidents de taille dus à la négligence ou à
l’inexpérience du tailleur indiquent d’ailleurs que le succès
n’était pas toujours garanti.
Une fois les lames débitées, elles pouvaient être utilisées
directement mais le tailleur de pierre préférait parfois
retoucher leur bord, en le pressant ou en le frappant à l’aide
d’un percuteur pour en détacher de tout petits éclats. Les
outils avaient fréquemment plusieurs usages. Selon les cas,
ils étaient conçus dès le départ comme outils doubles ou
triples, ou bien ils changeaient de fonction au cours de leur
vie, leur usure ou de nouvelles retouches entraînant leur
reconversion. Si la retouche de la lame ou de l’éclat
permettait de faire varier à volonté la dimension et la forme
de l’outil, elle n’était pas toujours indispensable.
L’expérimentation et l’observation ethnographique de
certaines populations taillant encore la pierre montrent en
effet qu’un bon éclat allongé et pointu, même non retouché,
peut rendre de nombreux services pour couper, gratter,
racler, percer, etc. Du reste, la partie retouchée de l’outil
n’était pas toujours la partie active et correspondait parfois
à la zone d’insertion du manche.
En effet, bon nombre de ces armes et outils étaient fixés
sur des manches ou des hampes. Si les manches ou poignées
en bois végétal et en corne ne se sont pas conservés, on en
connaît en os et en bois de cervidés. Certains sont évidés,
d’autres sont fendus aux extrémités pour qu’y soit glissé un
outil sans doute fixé par un mastic et ligaturé. Très
exceptionnellement, le manche a été retrouvé avec l’outil de
silex engagé à l’intérieur5. À Lascaux, les Magdaléniens ont
inséré des lamelles dans un manche rainuré, comme
l’indiquent, le long de l’un de leurs bords, des traces de
mastic fait d’un mélange de sève ou de résine et d’ocre
rouge. Ces manches rainurés, peut-être de bois, ont disparu
mais l’un d’eux a miraculeusement laissé son empreinte
arrondie dans sa gangue. Les traces d’ocre, vestiges de la
pâte adhésive utilisée, ne sont pas rares sur le dos de
certains couteaux ou sur l’extrémité des lames, des grattoirs
et d’autres outils destinés à préparer les peaux 6. Par
ailleurs, certaines lames taillées en pointe présentent à leur
base des pédoncules, des encoches ou un cran, qui
suggèrent leur fixation par ligature sur un manche ou une
hampe. Les méthodes d’assemblage étaient parfois très
complexes puisque les Magdaléniens connaissaient des
systèmes d’emmanchement mobile permettant l’utilisation
d’une arme détachable comme le harpon.
Les hommes du Paléolithique supérieur utilisaient plus
rarement les roches non cassantes ; il leur arrivait
cependant de les façonner en recourant alors à d’autres
techniques que la taille. Ils les sculptaient en adaptant à
chaque matière première la technique la plus adéquate. À
l’aide d’un pic ou d’un marteau, ils percutaient les roches
dures comme les calcaires ou le granite tandis qu’ils
travaillaient par usure les roches plus tendres, comme la
stéatite ou certains grès. Ils y creusaient des rainures par
raclage et en modifiaient les surfaces par polissage en
s’aidant parfois d’un abrasif intermédiaire. Ils régularisaient
par polissage certains objets comme ces belles lampes de
grès rose sculptées, munies d’un manche* et gravées de
figures abstraites ou animalières 7. Le polissage leur était
donc connu mais il n’était pratiqué que ponctuellement et
n’avait pas encore acquis le caractère systématique qui sera
le sien au Néolithique.
Ces techniques de façonnage étaient presque
exclusivement réservées à des objets que l’on peut
considérer comme des œuvres d’art : statuettes,
pendeloques, lampes ornées ou encore perles en stéatite
perforées à l’aide de petits perçoirs à pointe très fine8. En
effet, lorsqu’ils utilisaient les roches non cassantes pour des
besoins domestiques et techniques courants, ils ménageaient
leur peine et choisissaient le plus souvent des blocs, des
plaquettes ou des galets dont la forme naturelle était proche
de la forme recherchée. Ainsi, pour obtenir des récipients
dans des roches dures, ils ramassaient des galets ronds ou
ovales dont ils n’avaient plus qu’à creuser l’une des faces. La
recherche d’économie de travail était telle qu’il leur arrivait
aussi d’utiliser des galets bruts pourvu qu’ils aient la taille,
la forme, la dureté et la densité voulues. Ils en faisaient alors
des enclumes, des broyeurs, des molettes, des pilons, des
maillets, des lissoirs ou des aiguisoirs. Malgré leur caractère
sommaire, ces outils étaient conservés et exploités très
longtemps. Ils servaient d’ailleurs souvent à plusieurs tâches
différentes. S’ils se brisaient, on les réutilisait en modifiant
éventuellement leur usage et en l’adaptant à leur nouvelle
forme 9.
Le travail de l’os et des bois de cervidés
Les prédécesseurs de l’homme du Paléolithique supérieur
récupéraient des éclats d’os de forme aléatoire dont ils
aménageaient parfois vaguement le tranchant ou la pointe
pour en faire des armes ou des outils. Il leur arrivait aussi de
fracturer volontairement certains os pour en utiliser une
partie, comme ces fragments concaves d’os iliaques, les
cavités cotyloïdes, dont ils ont fait de petits récipients 10.
Mais, contrairement aux outils de pierre qui avaient alors
atteint une perfection témoignant des capacités
d’abstraction de l’homme de Neandertal, l’outil en os
demeura le plus souvent informe jusqu’à la fin du
Paléolithique moyen.
C’est à l’Aurignacien que l’homme commença à
s’intéresser vraiment aux matières dures animales et
comprit quel parti en tirer. Il mit au point un certain nombre
de techniques dont il acquit très vite une parfaite maîtrise. Il
put ainsi créer des formes complexes impossibles à réaliser
en pierre. Il sciait l’os transversalement pour le tronçonner à
l’endroit exact qu’il désirait utiliser, et pouvait transformer
l’os tronçonné à peu de frais, en manche par exemple, en
l’évidant un peu ou en aménageant ses extrémités. Il
façonnait les côtes, fendues ou non, pour en faire des lissoirs
destinés à travailler les peaux. Il sciait à leurs extrémités les
os d’oiseau longs, légers et creux. Puis il les régularisait et
en faisait des tubes qui pouvaient servir entre autres d’étui à
aiguilles ou de sarbacane11. Il perçait parfois ces tubes de
plusieurs trous pour en faire des flûtes*.
Pour obtenir une baguette, on approfondissait
progressivement deux rainures avec un burin jusqu’à
atteindre la partie spongieuse de l’os. Puis la baguette était
extraite par un mouvement de levier à l’aide d’un coin ou
d’une lame de silex. Ces baguettes constituaient des
ébauches d’outil auquel on donnait la forme désirée en les
raclant avec le front d’un grattoir, l’arête d’un burin ou un
simple éclat. L’abrasion restait exceptionnelle mais allait se
développer tout au long du Paléolithique supérieur.
L’artisan aurignacien utilisait les mêmes techniques pour
façonner les bois de cervidés. Par percussion ou sciage, il
prélevait un tronçon du bois et pouvait l’utiliser tel quel
comme manche d’outil ; le plus souvent, il en extrayait des
baguettes qu’il obtenait en creusant des rainures parallèles
sur la courbure interne de la perche.
L’invention la plus énigmatique de cette période est peut-
être celle des « bâtons percés », fragments de perche ou
d’andouiller perforés dans leur partie la plus large et
souvent décorés d’animaux gravés ou sculptés*. Leur surface
était régularisée par raclage à l’aide d’un outil en silex, peut-
être un grattoir emmanché, ou, plus rarement, par un
polissage fin pratiqué avec abrasif. Certains y ont vu des
redresseurs de sagaie, d’autres des piquets de tente,
d’autres encore des bâtons de commandement ou des
sceptres. On a proposé depuis une hypothèse plus
vraisemblable. Les baguettes extraites d’os longs ou de bois
de cervidés gardent leur courbure naturelle. Pour leur
donner la forme voulue, on les chauffait ou on les faisait
tremper, puis on les redressait en utilisant ces bâtons percés
comme levier12.
Les artisans façonnaient soigneusement les baguettes. Ils
utilisaient probablement un grattoir emmanché pour en
racler la surface et un burin pour inciser les détails. Ils en
faisaient toutes sortes d’armes et d’outils : poinçons,
pointes, lissoirs et queursoirs pour préparer les peaux,
chasse-lames pour débiter le silex, pointes de sagaie... Ces
dernières avaient généralement leurs bases aménagées –
fendues, biseautées, fourchues... – afin de faciliter leur
emmanchement sur des hampes de bois. Le long de leur fût,
certaines sagaies étaient creusées de rainures dans
lesquelles étaient parfois insérées des lamelles de silex, ce
qui en faisait de redoutables armes de jet pour la chasse*.
Ces armes composites inventées au Gravettien étaient
connues de la Sibérie à l’Atlantique 13.
En plus des baguettes à section ronde, les Gravettiens ont
eu l’idée ingénieuse de fabriquer des baguettes en bois de
cervidés à section piano-convexe, collées deux à deux sans
doute pour en améliorer l’élasticité, la résistance à la
rupture et la rectitude, selon le même procédé que nos
cannes à pêche en bambou refendu. Ils gravaient des séries
de stries parallèles sur leur face plane pour en faciliter
l’encollage14.
Les derniers Solutréens inventèrent l’aiguille à chas et
parvinrent à en fabriquer d’aussi fines que l’aiguille en acier
d’aujourd’hui puisque le plus petit exemplaire connu ne
mesure pas plus de 2,6 cm. Les aiguilles étaient souvent
façonnées à partir de languettes osseuses extraites d’os
longs de grands oiseaux, comme à la grotte des Romains,
dans l’Ain, où ce sont des os de cygne et d’aigle royal qui ont
été utilisés. L’artisan perçait le chas à l’aide d’un foret de
silex à pointe fine, auquel il imprimait un mouvement rotatif
ou longitudinal 15.
Comme leurs lointains prédécesseurs moustériens, les
Magdaléniens fracturaient parfois les os iliaques de grands
herbivores pour en récupérer les cavités cotyloïdes, qu’ils
utilisaient comme récipients à colorant16. Ils fabriquaient
aussi les mêmes outils en matière dure animale que leurs
ancêtres aurignaciens, périgordiens et solutréens, et les
améliorèrent parfois. Plusieurs systèmes de fixation de la
hampe sur la pointe de sagaie furent tour à tour utilisés puis
abandonnés, peut-être au gré des modes ou des traditions
culturelles. Certaines techniques de façonnage des os mises
au point par les Aurignaciens mais restées relativement
rares, devinrent fréquentes chez les Magdaléniens. Ils
sculptaient certains ustensiles domestiques comme des
cuillers, parfois ornées de traits gravés, et d’autres menus
objets dont la fonction n’est d’ailleurs pas toujours élucidée,
objets en forme de poignée ou de spatule, ou encore divers
types d’épingles à tête crantée ou annulaire17.
Leurs progrès dans l’art de sculpter les matières dures
animales fut tel qu’ils mirent au point de nouvelles armes.
Des fourchettes, des foënes et des hameçons droits bifides
permirent d’améliorer sensiblement les techniques de pêche
mais ce sont surtout les harpons* et les propulseurs* qui
allaient surpasser toutes les autres armes18. La tête de
harpon est sculptée de barbelures le long d’un ou deux
bords. Un système d’emmanchement amovible lui permet de
se détacher de la hampe tout en étant retenue par un lien.
Le propulseur est une longue baguette en os ou en bois de
cervidés terminée par un crochet, souvent intégré dans une
sculpture en ronde-bosse. À l’extrémité opposée au crochet,
l’artisan aménageait parfois des perforations qui pouvaient
servir de simples dispositifs d’attache, ou des biseaux, qui
suggèrent une fixation à un manche par collage et ligature.
Le travail de l’ivoire
Pendant tout le Paléolithique supérieur, d’habiles artisans
ont travaillé l’ivoire de mammouth. Les habitants d’Europe
centrale et orientale devaient côtoyer et chasser cet
imposant animal plus fréquemment que ceux de nos
contrées, comme en témoigne l’abondance dans leurs
habitats des ossements utilisés et des objets en ivoire.
L’ivoire se délite naturellement sous forme de lamelles qu’on
récupérait sur de vieilles défenses cassées 19 ou qu’on
extrayait, soit en fissurant à chaud les défenses, soit en les
incisant avec un burin comme pour les autres matières dures
animales. Ces lamelles étaient ensuite travaillées comme des
baguettes d’os ou de bois de cervidés, à la différence que
l’ivoire est beaucoup plus dur. On en faisait des sagaies, des
pointes, des aiguilles à chas ou des propulseurs, plus
rarement des harpons et des baguettes demi-rondes.
La préparation des peaux
Si les peaux et les cuirs ne se sont pas conservés, on sait
cependant que les hommes de la préhistoire les utilisaient.
Les figurations de personnages vêtus et la présence
d’aiguilles à chas attestent qu’ils cousaient le cuir et la peau
pour se vêtir et probablement aussi pour couvrir leurs
habitations.
Avant de les coudre, ils devaient les préparer. Leurs gestes
ne sont pas connus dans le détail mais certains de leurs
outils et les traces d’utilisation qu’ils portent laissent penser
qu’ils devaient connaître les techniques de base de la
préparation des peaux : l’écharnage, le tannage et le
corroyage 20.
Ils commençaient nécessairement par dépouiller l’animal à
l’aide d’un outil tranchant, couteau de silex ou simple lame
non retouchée. La peau était fendue le long de la ligne
inférieure du corps, du menton jusqu’à la queue, et sur la
face interne des membres jusqu’à leur extrémité. Selon
l’animal et les besoins, on coupait la peau avant les
phalanges ou bien on la conservait avec les extrémités des
pattes. On veillait à récupérer la peau sans l’endommager et
donc sans perforer la membrane qui la sépare du muscle. Si
le travail était bien fait, l’outil ne rentrait pas en contact
avec l’os et n’y laissait donc aucune trace, sauf au-dessus de
l’extrémité des pattes quand elles n’étaient pas conservées
avec la peau21.
Puis il fallait racler la face interne de la peau pour la
débarrasser des chairs et graisses résiduelles. Cette
opération, appelée l’écharnage, pouvait se faire avec un
queursoir en os ou en bois de cervidés, un grattoir
emmanché ou un autre outil de silex au tranchant effilé. Les
hommes pratiquaient alors éventuellement l’épilage, que
facilitait un léger pourrissement des tissus 22. Puis ils
laissaient sécher la peau, peut-être en la tendant sur un
cadre en bois.
On procédait ensuite au tannage, lequel consiste à enduire
la peau de substances destinées à l’imperméabiliser et à la
protéger contre la vermine et la putréfaction. Les tanins
végétaux n’étaient pas encore connus mais les tanneurs
paléolithiques utilisaient peut-être de l’urine, comme les
Eskimos, ou de l’ocre mélangée à de la graisse animale, à de
la cervelle ou à des viscères, comme les Indiens d’Amérique
du Nord 23. Les qualités abrasives, imperméabilisantes et
antiseptiques de l’ocre n’ont sans doute pas échappé aux
Paléolithiques. Son usage expliquerait que de nombreux
lissoirs, des spatules et des grattoirs portent des restes
d’ocre rouge, précisément sur la partie qui aurait travaillé
en contact avec la peau 24. Deux autres arguments
renforcent cette hypothèse : des traces d’ocre répandue sur
le sol autour des foyers de certaines habitations signalent
des aires de travail spécialisées requérant son usage ; des
traces de lustrage sur des blocs d’ocre qui colorent
difficilement indiquent qu’ils ont été utilisés pour autre
chose que pour leur piètre qualité colorante 25.
La peau sèche et propre a tendance à se raidir comme du
carton, et il fallait ensuite l’assouplir et l’amincir pour en
casser les fibres dermiques. C’est le corroyage, qui consiste
à aplatir, égaliser et assouplir le cuir en le frottant avec un
lissoir, une simple lame ou un grattoir 26 et éventuellement
en le martelant avec un galet.
Ces diverses opérations pouvaient être réitérées : après
l’écharnage, la peau était enduite de différentes substances,
puis raclée, foulée et assouplie à plusieurs reprises jusqu’à
ce qu’elle demeure souple27. Ainsi s’expliquerait le fait que
de nombreux outils ayant servi à un moment quelconque de
la préparation des peaux soient enduits d’ocre, comme
certains grattoirs, des galets portant des traces de poli
d’usure, et bien sûr les lissoirs, spatules et queursoirs.
Le fumage de certaines peaux en améliore la souplesse. On
pouvait le pratiquer en tendant les peaux au-dessus de lits
de pierres chauffées à blanc, elles-mêmes recouvertes de
bois pourri et de sable, ce qui a pour effet de dégager une
épaisse fumée. L’utilisation de cette technique, qui se
pratique encore dans le Subarctique québécois 28,
expliquerait la présence de lits de pierres brûlées et de sable
au fond de certains foyers.
Le travail des matières végétales
Les hommes du Paléolithique supérieur utilisaient
certainement les matières végétales à leur disposition, bois,
écorce, herbes, fibres mais les témoignages de ces usages
sont rares ou indirects.
Ils ramassaient du bois pour se chauffer et cuire leurs
aliments. Ils en utilisaient aussi pour construire des
échafaudages et des planchers, comme à Lascaux, pour
confectionner l’armature des tentes ou pour fabriquer des
huttes de branchages.
Ils disposaient de nombreux outils de pierre pour couper,
gratter, inciser, sculpter des matières végétales, et ils
fabriquaient des objets en bois comme des hampes d’armes
de jet et des manches d’outils. À Lehringen, en Allemagne,
un chasseur a perdu, il y a 125 000 ans, une lance en bois
d’if, de 2,40 m de long, dont la pointe a été façonnée et peut-
être durcie au feu et qui est restée fichée entre les côtes
d’un éléphant antique 29. Les habitants moustériens de l’abri
Romani, en Espagne, utilisaient, il y a 45 000 à 49 000 ans,
des récipients en bois de genévrier qui se sont
miraculeusement conservés30. Les hommes du Paléolithique
supérieur possédaient certainement eux aussi des récipients
en bois ou en écorce auxquels ils pouvaient donner une
forme et un décor aussi élaborés que ceux de leurs objets en
matière dure animale.
L’homme avait à sa disposition le matériel de base pour
fabriquer des fils et des cordes. Le fil que l’on veut tresser
peut être constitué par des tiges d’arbustes, des racines, des
écorces d’arbres, des herbes diverses. Les liens peuvent
aussi être faits en matière animale : poils d’animaux,
tendons, nerfs ou peaux découpées en fines lanières.
L’existence d’aiguilles à chas à partir du Solutréen prouve
que les hommes avaient des fils très fins qu’ils pouvaient
utiliser soit directement, soit après les avoir torsadés pour
en renforcer la solidité.
Les artisans du Néolithique fabriquaient des cordes en
tressant trois brins de fibres, parfois torsadés au préalable.
Ils préparaient les fibres par trempage et martelage avec
une lourde pierre pour les écraser et les assouplir 31. Tout
porte à croire que l’homme du Paléolithique supérieur
connaissait déjà, lui aussi, l’art de fabriquer des cordages,
puisqu’on a retrouvé au bord du Puits de la grotte de
Lascaux un fragment de corde à trois torons torsadés
mesurant 30 cm de long et 7 à 8 mm de diamètre 32. La
nature exacte de la corde n’a pas été déterminée, mais elle
pourrait être tirée d’une écorce d’arbre. Elle devait être
assez solide puisqu’elle a été utilisée pour descendre dans le
puits profond de 5 m.
Les cordes pouvaient servir à une multitude d’activités
comme la confection de pièges et de filets pour la chasse et
la pêche, la construction de huttes de branchages, de
palissades de bois, l’emmanchement d’outils. Beaucoup de
menus objets tels que ceintures, liens de collier, cordages
pour suspendre les denrées alimentaires et éventuellement
les faire sécher ne devaient sans doute leur existence qu’à
l’art du cordage.
La vannerie et le tissage ont peut-être été inventés avant
le Néolithique. On a, en effet, découvert à Pavlov des
fragments d’argile vieux de 27 000 ans et portant
l’empreinte d’un matériau tissé 33. Quoiqu’il en soit, puisque
les Magdaléniens savaient fabriquer des cordes, ils
pouvaient confectionner des nattes d’herbes et tresser des
paniers rudimentaires avec de simples herbes serrées en
boudins et enroulées puis maintenues ensemble par le
passage d’un fil. Là encore, les témoins restent indirects :
on suppose que les hommes utilisaient des nasses pour la
pêche, de même qu’on suppose que certains emplacements
circulaires vides dans les sites fouillés étaient occupés par
des objets de natte tressée ou de bois.
La vie des objets
On peut s’interroger sur le lien qui unissait l’homme aux
objets sortis de ses mains. Il lui arrivait de les restaurer, de
les réparer ou de les recycler pour prolonger leur durée de
vie. Ainsi, il réaffûtait le tranchant de ses outils de silex et
réaménageait ses broyeurs en rendant leur surface à
nouveau assez rugueuse pour mordre la matière à écraser.
Les pointes de harpons étaient souvent refaites, ce qui les
raccourcissait ; quand une des rangées de barbelures se
brisait, elle était soigneusement abrasée et le harpon était
réutilisé comme harpon unilatéral. De même, on prenait
souvent la peine de réparer les aiguilles, en les réappointant
ou en perçant un nouveau chas. Les hampes et les manches
étaient parfois réutilisés en cas de cassure de l’arme ou de
l’outil. Ainsi, les Magdaléniens de Pincevent rapportaient à
la tente les bases de sagaies brisées restées dans la fixation.
Puis ils les démontaient pour insérer des sagaies neuves
dans les hampes de bois. L’abandon de ces fragments de
sagaies aux abords des foyers suggère qu’il était nécessaire
de les chauffer pour faire fondre la colle faite de gomme ou
de résine afin de récupérer les hampes. Il arrivait à l’artisan
d’intercaler une pièce intermédiaire en bois de renne entre
la hampe et la sagaie, comme à l’abri du Colombier en
Ardèche, peut-être pour pouvoir réutiliser une pointe de
sagaie devenue trop courte après plusieurs cassures 34.
Les outils cassés changeaient parfois totalement de
destination, comme ces fragments de sagaies qu’on a
réutilisés comme coins dans l’extraction des baguettes de
bois de renne ou comme chasse-lames pour faciliter le
débitage des lames. Mais il n’était pas nécessaire qu’un outil
se brise pour être recyclé. Ainsi, certaines lames non
retouchées ayant servi à couper de la viande étaient
transformées en burin pour travailler une surface osseuse ou
de la peau35.
On pourrait en conclure que ces objets avaient une
certaine valeur, ou que leur propriétaire y était attaché, ou
bien qu’il était paresseux et préférait les réparer plutôt que
les refaire, ou encore qu’il économisait la matière première.
On peut aussi se demander si la fabrication de la plupart de
ces objets n’était pas le fait d’artisans spécialisés. Les
utilisateurs savaient à la rigueur les réparer mais ne
pouvaient pas les fabriquer, ce qui expliquerait les fréquents
rafistolages, surtout pour les objets les plus sophistiqués 36.
Ce bref survol des techniques connues de l’homme du
Paléolithique supérieur suffit à montrer qu’il avait déjà
inventé presque tous les moyens d’action sur la nature,
même si certains n’en étaient encore qu’à un stade
embryonnaire. Son ingéniosité et son adresse lui
permettaient de gérer au mieux la matière première
disponible et de la transformer plus ou moins profondément
selon ses besoins et ses désirs. La qualité et la variété de sa
panoplie laissent deviner la multiplicité des réponses qu’il a
su trouver pour satisfaire ses besoins les plus quotidiens.

a Les astérisques renvoient au cahier iconographique.


La chasse
Au Paléolithique inférieur, les hommes ne connurent
d’abord d’autre nourriture que celle qu’ils disputaient aux
charognards ; très vite cependant, ils apprirent à maîtriser
des techniques de chasse de plus en plus complexes et
diversifiées : chasse au petit gibier d’abord, puis à un gibier
de plus en plus grand et dangereux. Au début, ils
choisissaient peu et abattaient ce qui venait à leur portée.
Au Paléolithique moyen, la chasse au gros gibier est devenue
courante, l’acquisition du gibier plus sélective. Au
Paléolithique supérieur, les techniques de chasse se
diversifièrent au point de s’adapter à chaque espèce
animale. Les hommes apprirent alors à varier leurs menus.
S’ils gardaient un gibier de prédilection, comme le renne ou
le cheval, ils complétaient leur alimentation avec du menu
gibier tels que des oiseaux et éventuellement des produits de
la mer1. Chaque campement tendait à être spécialisé dans la
chasse d’un gibier.
Les expéditions de chasse
Certains groupes humains installaient leurs campements
de base là où ils savaient trouver des animaux en grand
nombre. C’est le cas du camp des Magdaléniens de
Pincevent, qui ont séjourné aux abords d’un gué. D’autres
rayonnaient autour du campement de base pour trouver un
gibier plus rare. Cela semble avoir été le cas des habitants
du Flageolet I. D’autres enfin, surtout dans les régions au
relief plus accidenté où la nature du gibier variait selon les
vallées et les altitudes, s’éloignaient suffisamment du
campement de base pour être contraints de séjourner
quelques jours ou quelques semaines dans un refuge
temporaire. Ils aménageaient alors ces haltes de chasse
sommairement et n’y laissaient que les reliefs de leurs repas
et quelques outils et armes usagés. La grotte des Églises
semble avoir été un de ces refuges. Nous allons examiner
d’un peu plus près ces trois cas de figures.
Des hommes du Périgordien supérieur ont occupé
régulièrement, durant l’hiver, l’abri du Flageolet I, en
Dordogne. Ils ont surtout chassé le renne, qui, en cette
saison, ne vit guère en troupeau, poursuivant les individus
isolés ou les petits groupes, avec une prédilection pour les
femelles adultes accompagnées de leurs petits. Les
chasseurs n’espéraient sans doute pas trouver de grandes
quantités de gibier dans les environs immédiats et étaient
obligés de s’éloigner du campement pour trouver du gibier.
Le nombre d’animaux chassés était trop faible pour stocker
la viande, et elle a dû être consommée au fur et à mesure.
Seules certaines parties de la carcasse, en particulier les
plus riches en graisse et en moelle, comme les pattes
arrière, étaient rapportées à l’habitat ; les éléments de peu
de valeur nutritionnelle, comme l’astragale, le calcanéum et
les autres tarsiens, étaient sans doute abandonnés puisqu’on
ne les retrouve pas sur le site, ce qui indique que le poids de
la carcasse devait avoir une certaine importance dans le
transport. La plupart des épiphyses spongieuses des os
étaient écrasées et la graisse en était extraite. Ce qui semble
vouloir dire que la moindre parcelle de substance nutritive
rapportée au campement était récupérée 2.
Les Magdaléniens qui ont vécu à Pincevent, dans le bassin
parisien, il y a environ 12 000 ans, se sont consacrés, eux
aussi, presque exclusivement à la chasse au renne. Ils sont
venus à plusieurs reprises à Pincevent, au moins une
quinzaine de fois, peut-être davantage. Arrivés en été, ils
demeuraient là jusqu’au début de l’hiver. La quantité de
gibier qu’ils y ont consommé y est nettement plus abondante
qu’au Flageolet. Les chasseurs organisaient un abattage en
masse en interceptant de gros troupeaux de rennes lors de
leur migration d’automne. Une partie du produit de cette
chasse était consommée immédiatement tandis qu’une autre
était préparée sans doute en vue de son stockage, comme le
suggèrent les traces de boucherie révélant une préparation
de la viande pour le séchage. Le travail de décarnisation est
suffisamment systématique pour révéler un travail fait en
série, au contraire de l’extraction de moelle pratiquée pour
la subsistance quotidienne au Flageolet. Si les Magdaléniens
de Pincevent ont systématiquement exploité la plupart des
carcasses, ils se sont parfois offert le luxe de négliger
certaines extrémités d’os longs demandant trop de travail,
contrairement aux Périgordiens du Flageolet 3.
Au Magdalénien final, il y a environ 12 000 à 13 000 ans,
les occupants de la grotte des Églises, dans la haute vallée
de l’Ariège, chassaient presque exclusivement le bouquetin.
Ils profitaient de leurs courts séjours dans la grotte pour
organiser aussi des parties de pêche. Ils s’y installaient à la
fin de l’automne et au début de l’hiver, à l’époque du rut,
quand tous les bouquetins se regroupent, et abattaient
indifféremment mâles et femelles de tous âges. Chassés non
loin de la grotte, comme en témoigne le fait qu’ils étaient
ramenés entiers, les bouquetins étaient entièrement
désossés et dépecés sur place. La décarnisation à cru et
l’extraction de la moelle étaient pratiquées de façon
systématique, ce qui suggère une préparation en vue du
transport des quartiers de viande sur un lieu de résidence
principal situé ailleurs. En plus de la viande, certaines
parties de l’animal étaient emportées comme trophée ou
comme matière première telles les peaux, les chevilles
osseuses ou certains os de forme particulière. Seule une
partie de la viande était consommée sur place4.
Les stratégies de chasse
Le gibier disponible variait en fonction du climat, de la
topographie et de la saison. L’homme devait adapter ses
techniques de chasse selon que les animaux chassés vivaient
isolément, comme le cerf et le chevreuil, ou en troupeaux,
comme les chevaux ou les rennes. De plus, les migrations de
certains animaux imposaient aux chasseurs des
comportements différents selon les saisons. Dans le sud-
ouest de la France, ils chassaient dans les vallées leur gibier
principal – souvent le renne – une partie de l’année, et
complétaient avec du petit gibier chassé sur les plateaux le
reste de l’année 5.
Le chasseur avait à sa disposition plusieurs stratégies de
chasse – la poursuite, l’approche, l’affût, le rabattage ou le
piégeage – qui toutes supposaient une bonne connaissance
du terrain, du comportement et de l’anatomie du gibier ainsi
que des rythmes saisonniers, et nécessitaient dans la plupart
des cas une organisation collective 6. Il devait s’adapter à
son gibier, préférant l’affût pour tel animal, le rabattage et
l’encerclement pour tel autre.
Nous n’avons guère d’indice concernant la poursuite du
gibier, difficile à imaginer en l’absence de moyens de
locomotion et de chiens. Quant à l’approche silencieuse et à
l’affût, ils ont pu être pratiqués notamment pour la chasse au
petit gibier et pour la capture des oiseaux au nid. Certaines
phalanges de renne perforées d’un trou circulaire ont pu
servir d’appeaux. On ne peut exclure l’usage de leurres, ni le
recours à diverses ruses pour approcher le gibier, comme
celle consistant à imiter le brame du cerf ou à ramper vers le
troupeau contre le vent en se couvrant d’une peau d’animal
ou en utilisant un écran de branchages.
La chasse aux troupeaux d’herbivores
Les hommes du Paléolithique supérieur s’intéressaient
essentiellement aux herbivores de taille moyenne vivant en
troupeaux comme les rennes et les chevaux sauvages. Dans
les régions escarpées ou montagneuses, ils se tournaient
vers les troupeaux de bouquetins ou les chamois. En plus de
la viande, de la moelle et d’autres parties comestibles
comme la langue et la panse, ils utilisaient la presque
totalité de l’animal pour de nombreuses activités techniques.
Les grands herbivores étaient moins souvent chassés.
L’aurochs en particulier devait être un animal
particulièrement redoutable par sa masse, son agressivité et
sa vivacité ; il jouissait peut-être d’un grand prestige,
comme le suggèrent les grands mâles de 5 m de long peints
sur les parois de la grotte de Lascaux, et comme ce fut plus
tard le cas dans les civilisations de la Méditerranée antique.
En revanche, les chasseurs s’attaquaient parfois aux
troupeaux de bisons, comme l’atteste un grand fragment
d’omoplate de bison abandonné par les chasseurs de
Kokorevo 1, en Sibérie, dans lequel est restée fichée une
pointe de sagaie en bois de renne conservant un fragment de
microlamelle en silex dans sa rainure7.
Selon les besoins, les chasseurs préhistoriques
s’attaquaient à des animaux isolés, à de petits groupes
d’individus, ou au troupeau entier. Dans ce dernier cas, ou
bien ils tuaient indifféremment tous les membres du
troupeau sans tenir compte de leur âge et de leur sexe, ou
bien ils choisissaient leurs victimes. L’abattage d’individus
isolés semble correspondre à une consommation« au jour le
jour » comme au Flageolet I, tandis que l’abattage massif de
troupeaux était le fait de groupes organisés et pratiquant
probablement la conservation et le stockage de la viande,
comme à Pincevent. Il est possible que ces stratégies de
chasse aient évolué parallèlement à une meilleure
organisation des activités du groupe, passant
progressivement d’une chasse un peu hasardeuse à
l’Aurignacien et au Périgordien supérieur à une chasse plus
systématique au Magdalénien. Certains pensent même que
la chasse saisonnière a peu à peu évolué vers un élevage
sauvage annonçant la domestication des animaux au
Néolithique mais cette hypothèse est fortement controversée
8.
Les chasseurs devaient cerner les troupeaux d’herbivores
et les acculer à un ravin où les bêtes se précipitaient, comme
le faisaient les Lapons et certains Indiens. Ils pouvaient se
contenter de les pousser dans des défilés pour les
massacrer. Pour canaliser le troupeau, il suffisait de
l’effrayer en agitant des torches enflammées ou en poussant
des cris, et de lui couper toute retraite. Aucune technique
particulière n’était nécessaire pour cela, il suffisait d’une
bonne organisation. C’est sans doute ainsi que des
générations de chasseurs ont acculé les chevaux au pied de
la roche de Solutré pour les abattre en masse, de
l’Aurignacien jusqu’au Magdalénien supérieur 9.
Le renne effectuait des déplacements à l’intérieur de son
territoire, occupant les régions basses ou méridionales en
hiver et se réfugiant en altitude ou plus au nord à la belle
saison. Comme le troupeau avait tendance à emprunter
toujours les mêmes passages – en particulier les axes où la
circulation est la plus aisée, comme ceux des cours d’eau –, il
était facile aux chasseurs de repérer les lieux de passage
obligés, les gués, les vallées resserrées ou les vallons faciles
à fermer, pour attendre, arrêter ou pousser dans un piège le
troupeau en mouvement10.
Pour les animaux particulièrement dangereux, les
chasseurs ne s’attaquaient sans doute pas à l’ensemble du
troupeau mais cherchaient plutôt à isoler un individu du
reste du groupe, ou à profiter de l’éloignement d’une bête
déjà isolée. Les troupeaux de bisons regroupaient femelles et
petits autour d’un taureau. Les mâles âgés vivaient seuls et
ne rejoignaient le troupeau qu’au moment du rut, ce qui les
rendait plus vulnérables.
Si presque tout l’équipement de chasse en bois a disparu,
les pointes de projectile en os, en bois de cervidés et en silex
dont il existe des formes très variées, se sont conservées.
Ces pointes emmanchées sur des hampes étaient utilisées
comme piques, lances, javelots, sagaies et épieux11.
Certaines de ces lances étaient très longues comme
l’attestent deux des exemplaires en ivoire accompagnant
deux enfants dans leur sépulture à Sungir’, en Russie, qui
mesuraient 1,66 m et 2,42 m.
Les chasseurs rapportaient au campement tout ou partie
du gibier abattu. Après l’avoir consommé, ils laissaient ses
restes osseux sur place, lesquels portent parfois des traces
d’arme, comme les os des rennes abattus par les chasseurs
de Meiendorf et de Stellmoor, perforés ou encore incrustés
d’extrémités de pointes cassées. La plupart des coups
semblent avoir été portés dans la cage thoracique. À
Montfort, en Ariège, c’est une simple lame naturellement
appointée qui a provoqué la mort d’un renne en transperçant
de part en part une de ses vertèbres et en sectionnant la
moelle épinière 12.
Certaines sagaies portent des rainures, ce qui a été
considéré par certains comme la preuve de l’utilisation de
poisons. Or, pour être efficaces, ceux-ci doivent agir
rapidement et rester inoffensifs lors de la consommation de
la viande. Ce type de poison est rare en Europe, seules
certaines sécrétions végétales (aconide) et animales
(batraciens) auraient pu être utilisées mais rien ne le
prouve13. Des découvertes récentes ont en fait montré que
cette rainure servait à recevoir de petites lamelles en silex
enchâssées dans de la résine et collées sur le fût à la
manière de barbelures*. Elles devaient à coup sûr provoquer
l’hémorragie de l’animal tout en l’empêchant de se
débarrasser de l’arme14.
D’autres armes de jet munies de barbelures — foënes,
fourchettes, harpons à tête détachable — font leur
apparition au Magdalénien. Particulièrement utile pour la
chasse en milieu aquatique car il permet de retenir et de
rapporter l’animal qui tente de s’échapper, le harpon * est
généralement un engin de pêche, bien attesté
ethnographiquement. Le harpon magdalénien a sans doute
été utilisé aussi pour chasser du gibier terrestre comme
l’indique son abondance — près de 3 000 exemplaires sont
connus —, même dans des habitats n’ayant pas livré de
vestiges de poisson. La taille des harpons ainsi que le
nombre, la forme et l’espacement des barbelures sont si
variables qu’ils pourraient bien correspondre à une
spécialisation en fonction du gibier, poissons, oiseaux
aquatiques, ou encore mammifères terrestres s’aventurant
dans l’eau comme les cerfs et les rennes 15.
Les Magdaléniens améliorèrent considérablement le
lancer de leurs armes de jet grâce à l’invention du
propulseur *. Le chasseur calait son arme de jet contre le
crochet au moment du lancer et utilisait le propulseur
comme bras de levier, prolongeant ainsi son propre bras.
L’utilisation d’un propulseur triplait la vitesse du projectile
et permettait ainsi d’augmenter sa force de pénétration. La
force était appliquée non plus au milieu de la hampe du
projectile comme lors du lancer à la main, mais au talon de
celui-ci, et le frottement causé par la prise de la main sur la
hampe s’en trouvait pratiquement supprimé. De plus, la
main ne joue plus qu’un rôle de maintien et de guide, ce qui
augmente la précision du lancer. Cette arme, encore utilisée
il y a peu par les Eskimos, était particulièrement adaptée à
la chasse en milieu ouvert, comme la chasse au renne dans
la steppe. Elle permet d’abattre un animal de la taille d’une
chèvre à une distance d’environ 20 m à l’aide d’un projectile
muni d’une pointe en silex. Le projectile perfore totalement
l’animal lorsqu’il frappe dans les parties molles, et pénètre
dans l’os lorsqu’il l’atteint. Il ne nous reste de ces
propulseurs que le crochet, la partie active de l’arme, le
manche ne s’étant pas conservé16.
Les hommes du Mésolithique connaissaient l’usage de l’arc
puisque les plus anciens exemplaires en bois, conservés dans
des tourbières d’Allemagne et du Danemark, datent
d’environ 11 000 ans. L’hypothèse selon laquelle l’arc et la
flèche auraient été inventés il y a 20 000 à 25 000 ans est
controversée. Certaines lames ou lamelles taillées en pointe
et présentant des pédoncules, des encoches ou des crans à
leur base, fixées par ligatures sur une hampe, ont pu servir
aussi bien de pointes de flèche que de pointes de sagaie. La
petite taille de certaines d’entre elles milite certes en faveur
d’un usage en pointe de flèche, mais on connaît des cas
ethnographiques de grandes pointes de flèche et de petites
pointes de sagaie. L’étude des pointes de silex brisées et
incrustées dans les os ainsi que les reconstitutions
expérimentales ne permettent pas pour l’instant de
trancher17.
Enfin, certains os appointés évoquant des poignards ont pu
servir à achever le gibier18.
La chasse aux grands herbivores, mammouths
et rhinocéros
Le mammouth était recherché pour sa viande, son ivoire,
ses os, sa graisse, sa peau et sa toison. S’il a été peu exploité
dans nos contrées et réservé à la confection de quelques
objets, en particulier des sculptures en ivoire, il a été
intensivement utilisé en Europe centrale et orientale, où ses
gigantesques os servaient d’armatures de tente. L’homme a
pu récupérer ces os et ces défenses dans des cimetières de
mammouths enlisés dans les marécages qui se forment au
dégel. Dans certains cas, comme à Dobranichevka, en
Ukraine, il semble l’avoir fait sur des animaux morts depuis
au moins trois ans, car l’absence de traces d’arrachement
des défenses indique que le corps des animaux était déjà
décomposé avant l’intervention humaine. Seuls les os et les
défenses pouvaient alors être récupérés.
Mais l’homme a parfois chassé cet énorme herbivore,
comme l’atteste une pointe en silex fichée dans une côte de
mammouth abandonnée dans une des habitations de
Kostienki I, sur la vallée du Don. On suppose que c’est en
isolant du troupeau les plus jeunes mammouths ou les
individus malades que les chasseurs ont pu
exceptionnellement s’y attaquer. À Milovice, en Moravie du
Sud, une centaine de mammouths semblent avoir été
abattus, comme le suggère la proportion massive de jeunes
adultes mâles, reflet d’un choix dans l’abattage 19. Quand on
sait que les jeunes marchent toujours en tête dans les
convois d’éléphants, on peut penser que ce sont les premiers
à tomber dans des fosses. Mais on ne peut affirmer avec
certitude que c’est bien là la technique qui a été utilisée.
Cette chasse n’est du reste pas si surprenante si l’on songe
que les Moustériens chassaient déjà l’éléphant antique à
l’aide de lances en bois il y a 125 000 ans à Lehringen, en
Allemagne, ou à Mauer, où, là aussi, la proportion de jeunes
est élevée.
Il est en revanche très probable que les chasseurs
paléolithiques ne se sont jamais attaqués aux rhinocéros,
beaucoup trop puissants, trop agressifs et trop bien
cuirassés. Ils ont certainement prélevé la chair d’animaux
déjà morts chaque fois que cela leur était possible. Certains
défendent l’hypothèse de l’utilisation de fosses pour piéger
les jeunes rhinocéros, se fondant sur la proportion élevée de
jeunes découverts à Taubach, site allemand du Paléolithique
moyen 20.
La chasse aux carnivores
Quant aux carnivores, grands félins, ours, loups et
renards, ils étaient chassés plus ou moins régulièrement,
mais jamais massivement. La chasse aux loups et aux
renards était pratiquée surtout en Europe centrale et
orientale. Un loup tué par les habitants de Dolní Věstonice
d’un coup au museau, porte encore, fiché entre ses narines,
l’éclat de silex qui a probablement entraîné sa mort. Les
carnivores étaient sans doute chassés avant tout pour leur
fourrure. Ils ont cependant parfois été consommés, surtout
par des groupes vivant dans des régions très septentrionales
comme la plaine russe, peut-être en raison de disettes ou
pour d’autres motifs qui nous échappent. À Kraków-
Spadzista, en Pologne, les chasseurs ont aussi consommé
des renards polaires après en avoir récupéré la fourrure21.
On perforait fréquemment les dents de renards, de loups,
de grands félins et les canines d’ours pour en faire des
pendeloques. Mais cela ne prouve pas que les chasseurs
s’attaquaient au lion et à l’ours des cavernes puisqu’ils
pouvaient récupérer les canines sur les cadavres,
notamment ceux des ours morts pendant leur hibernation.
La chasse à l’ours a dû être peu répandue. Les cas d’ours
présentant des traces de mort violente sont exceptionnels.
On a découvert en Moravie un crâne d’ours témoignant
d’une chasse infructueuse. L’animal était blessé au sommet
de la tête par l’impact violent d’un objet pointu. Mais le
bourrelet osseux qui s’est créé lors de la cicatrisation prouve
que le coup n’a pas été mortel22.
Les hommes eurent de fréquents contacts avec les loups
qui leur disputaient le même gibier. Si le chien domestique
ne fait son apparition généralisée qu’au Mésolithique,
certains chasseurs d’Europe centrale, à Teufelsbrücke,
Kniegrotte et Œlknitz en particulier, semblent avoir eu
l’idée, dès le Magdalénien, de domestiquer le loup pour en
faire un compagnon de chasse 23.
La chasse au petit gibier
La chasse au petit gibier, oiseaux et petits rongeurs, était
peut-être pratiquée par les enfants et les jeunes adolescents,
comme cela est fréquent chez les peuples chasseurs. Cette
petite chasse devait rapporter de modestes prises mais
constituait un apport alimentaire non négligeable.
Les petits animaux tels que le castor, la martre et la
marmotte, étaient sans doute recherchés essentiellement
pour leur fourrure. Leurs dents étaient parfois transformées
en pendeloques, comme ce fut le cas pour la marmotte
chassée par les occupants châtelperroniens de la grotte du
Renne, à Arcy-sur-Cure.
La technique du cordage pouvait être utilisée pour de
nombreux usages et en particulier pour fabriquer des pièges
et des filets. Nous n’avons que des preuves indirectes que
les chasseurs utilisaient divers types de pièges, nasses,
filets, trappes, collets, lacets... Ainsi, pour chasser les petits
animaux vivant en terriers ou aux moeurs nocturnes, il fallait
bien les connaître et adapter pièges et trappes à chaque
espèce. De même, lapins et lièvres ne pouvaient guère être
capturés qu’avec des collets ou des lacets installés sur leur
passage.
Enfin, certains petits animaux pouvaient être capturés à la
main ou à l’aide d’armes longues et fines, introduites dans le
terrier. Il n’est pas exclu que des pointes emmanchées sur
des hampes aient été réservées à la chasse à ce petit
gibier24. Les hommes ont aussi pu enfumer un terrier ou une
grotte pour obliger son occupant à en sortir mais les preuves
archéologiques font ici totalement défaut.
Les hommes complétaient leur tableau de chasse en
abattant à l’occasion des oiseaux. L’importance de cette
chasse variait selon les époques et les régions. Les oiseaux
les plus appréciés étaient le lagopède des saules, le harfang
des neiges, les canards et autres ansériformes. De grands
oiseaux étaient aussi chassés, comme le cygne, la grande
outarde, de grands corbeaux, une grue de très grande taille
aujourd’hui disparue, la cigogne, certains grands rapaces ou
les échassiers vivant sur la côte et dans les estuaires de la
zone cantabrique espagnole. Quand le climat était plus doux,
les hommes chassaient la perdrix grise et la bartavelle. La
chair de tous ces oiseaux était consommée, tandis que leurs
os légers et creux remplissaient de multiples usages
techniques ou servaient de supports à des œuvres d’art
gravées. Il est possible aussi que les Paléolithiques aient
chassé certains oiseaux, petits rapaces diurnes et nocturnes,
pour en récupérer les plumes, comme le suggèrent la
proportion notable des os des ailes dans certains habitats et
diverses traces de sciage et d’incisions visibles sur ces os 25.
Les chasseurs avaient à leur disposition des moyens variés
pour s’emparer des oiseaux : à la main, à la sagaie, avec une
pierre, peut-être avec des lacets... La connaissance des
mœurs des oiseaux qu’ils chassaient pouvait aussi les aider.
Ainsi, ils pouvaient tuer les ansériformes avec un bâton ou
une massue à l’époque de la mue, qui dure de vingt à
cinquante jours selon les espèces, et pendant laquelle ces
oiseaux sont très faciles à approcher. Ils ont pu aussi
capturer de nombreux oiseaux la nuit, dans leur nid, pendant
leur sommeil.
Pour capturer les oiseaux qui piètent plus qu’ils ne volent,
comme les lagopèdes, ils utilisaient peut-être différentes
sortes de pièges, comme les lacets ou les collets, formés d’un
nœud coulant de tendon, de crin ou de fibres végétales, et
attachés à un piquet. Ces lacets pouvaient aussi être placés
au-dessus du niveau de l’eau pour piéger les canards, ou au-
dessous pour les cygnes. Les chasseurs pouvaient aussi
rabattre les oiseaux et les rassembler pour les diriger vers
des filets ; ce qui permettait de les capturer en grand
nombre et même de les conserver vivants pendant un certain
temps avant de les consommer.
Ils pouvaient aussi pratiquer la chasse au vol avec des
bâtons de jet comme le faisaient les Égyptiens et comme cela
se pratiquait encore au Moyen Âge. Un objet courbe
entièrement poli, en ivoire de mammouth, abandonné par les
habitants gravettiens de la grotte Oblazowa, en Pologne,
mesure environ 70 cm de long et ressemble étonnamment
aux bâtons de jet ou killing-sticks utilisés par les
Australiens26.
Des boules de pierres arrondies abandonnées dans
certains habitats ont pu servir de balles de fronde ou être
utilisées pour la chasse aux oiseaux et aux petits animaux à
fourrure à la manière des bolas, reliées entre elles par des
lanières, connues en Patagonie et en Sibérie. Les balles de
fronde ont une puissance de choc étonnante mais peu de
pénétration. Elles permettent d’assommer le gibier sans
l’abîmer, ce qui est important si l’on veut récupérer ses
plumes. En revanche, les bolas, dont les lanières s’enroulent
autour des pattes de l’animal, le font trébucher et peuvent
lui casser les pattes. D’après certains auteurs, les bâtons
percés auraient servi de manche à fronde pour tuer les
oiseaux ; un des arguments en faveur de cette hypothèse est
l’augmentation concordante, au cours du Magdalénien, du
nombre d’ossements d’oiseaux et de celui des bâtons percés
27.
Enfin, les oiseaux ont pu être chassés au harpon, à la
foëne, au trident, ou avec des pointes bifides servant
d’hameçons et munies d’un appât, comme c’était le cas chez
les Eskimos28.
La pêche
Le domaine aquatique est un milieu naturel beaucoup plus
facile à exploiter que le milieu terrestre. À la différence de
bien des animaux terrestres, les poissons, d’eau douce en
tout cas, sont une proie facile et sans danger. Dès le
Paléolithique inférieur, les ancêtres de l’Homme moderne
consommaient parfois du poisson mais il n’est pas sûr qu’ils
aient su le pêcher, et il s’agissait plus probablement d’une
collecte occasionnelle. Au Paléolithique moyen, la pêche
reste une activité secondaire pratiquée seulement lorsque le
campement se trouve à proximité d’un point d’eau
poissonneux. La pratique de cette pêche en eau douce
semble le fait d’individus isolés 1. Elle s’intensifie peu à peu
au début du Paléolithique supérieur pour ne devenir un
élément réellement important qu’au Magdalénien supérieur.
La pêche devient alors primordiale dans certains
campements saisonniers. Trois types d’information nous
renseignent sur ces différentes activités de pêche : les
armes et les instruments utilisés, les figurations de poissons
gravées dans les grottes et sur des objets et enfin les restes
osseux trouvés dans les habitats. Il existe aussi une
information d’ordre zoologique : l’étude des anneaux de
croissance des vertèbres d’un poisson permet de déterminer
à quelle période de l’année sa vie s’est interrompue, et ceci
avec une précision de l’ordre d’un à deux mois. On peut ainsi
savoir à quelle saison ont été pêchés les poissons dont on
retrouve les restes dans les sites paléolithiques.
La pêche en eau douce
La pêche en eau douce est attestée à toutes les périodes
mais son importance y est variable. Ainsi, elle est fréquente
à l’Aurignacien, plus rare au Périgordien supérieur,
quasiment absente au Solutréen puis à nouveau très
répandue au Magdalénien, surtout supérieur. Cependant
cette évolution n’est peut-être qu’apparente, les sites
magdaléniens, plus récents, livrant des restes de poisson
plus abondants, car mieux conservés 2. Comme la chasse, la
pêche était tributaire des variations climatiques. Au
Magdalénien ancien, on pêchait le saumon, la truite, le
brochet et l’ombre. Au Magdalénien moyen, la pêche subit
une régression. Au Magdalénien supérieur, le saumon
atlantique était particulièrement recherché mais on pêchait
aussi la truite, les cyprinidés et le brochet. Mais il fallut
attendre la fin des temps glaciaires, moment du départ des
rennes et de l’apparition d’un couvert végétal boisé, pour
que la pêche se développe vraiment3.
Les pêcheurs du Paléolithique supérieur ont eu des goûts
assez variés. Ils ont consommé de gros poissons tels que les
truites et les saumons, les brochets et les carpes, ainsi que
du fretin tels la blanchaille, le gardon et la vandoise, parfois
très abondants dans certains campements de la fin du
Magdalénien. Ils ont plus rarement pêché des perches, des
anguilles et des lottes de rivière. La pêche exceptionnelle de
corégones prouve que certains Magdaléniens exploitaient à
l’occasion les ressources du milieu lacustre 4.
La pêche n’est pas aussi répandue et aussi constante que
la chasse. Dans la plupart des cas, c’est une activité
secondaire, destinée à compléter une alimentation qui reste
essentiellement carnée, et ceci alors même que les hommes
choisissaient toujours d’installer leurs campements non loin
des cours d’eau. De plus, à part quelques cas isolés, cette
pêche n’était guère sélective.
Ainsi, les Magdaléniens de la grotte de la Gare de
Conduché, qui ne dédaignaient pas truites, saumons et
même chevesnes et vandoises, étaient d’abord de gros
mangeurs de rennes, de bouquetins, de chamois et autres
animaux terrestres. S’ils ont été peu regardants sur les
espèces pêchées, ils semblent tout de même avoir privilégié
les prises de bonne taille, au moins 25 cm ; mais peut-être
est-ce seulement parce qu’ils n’avaient pas les moyens
techniques de capturer des poissons de petite taille.
L’absence de l’ablette dans le Magdalénien final d’un autre
site, l’abri de Pont d’Ambon, laquelle ne peut guère
s’expliquer autrement 5, vient en tout cas à l’appui de cette
hypothèse.
À la grotte des Eglises, outre leurs copieux plats
quotidiens de bouquetins, des Magdaléniens ont consommé
du lagopède et des poissons ; il s’agissait de truites et
surtout de saumons longs parfois d’un mètre, pêchés dans la
rivière qui coule 100 m en contrebas. À l’exception de trois
d’entre eux, pêchés en pleine période estivale, tous ces
poissons ont été pris au début de leur cycle hivernal. Les
Magdaléniens sont sans doute venus une première fois en
été pour reconnaître les lieux, puis une seconde fois en
novembre, au moment de la période du frai du saumon, et
ont alors organisé une ou plusieurs parties de pêche. C’est la
saison où les saumons d’hiver, épuisés par un voyage de près
d’un an durant lequel ils ont vécu sur leurs réserves,
atteignent les zones de reproduction. On note une très nette
augmentation de la densité de la population dans les
courants où les femelles ont creusé les frayères, des fosses
de 50 à 60 cm de profondeur où les œufs seront pondus et
fécondés lors de la rencontre avec le mâle. Peu méfiants,
faciles à approcher et très visibles dans les eaux peu
profondes, les poissons peuvent alors être aisément pêchés
au harpon, dont on a d’ailleurs retrouvé plusieurs
exemplaires dans la grotte. En outre, les œufs déposés
attirent les autres espèces, ce qui peut expliquer que
plusieurs grosses truites aient été prises en même temps que
les saumons. Abandonnant la tête des poissons au bord de
l’eau, les pêcheurs n’ont rapporté au campement que les
corps. Puis, après les avoir accommodés dans la grotte, ils
ont emporté la partie caudale de certains salmonidés. Celle-
ci aura sans doute été fumée ou séchée au-dehors, lors d’une
expédition loin de la grotte, ou bien conservée pour n’être
dégustée que plus tard, dans l’habitat principal. La présence
d’un foyer noirci pèse en faveur de l’hypothèse du fumage 6.
À l’inverse, les hommes du petit abri du Bois des Brousses
se sont exclusivement consacrés à la pêche, et n’ont pour
ainsi dire pas laissé de restes de chasse derrière eux. Ils sont
venus en période estivale pour pêcher la truite, l’ombre,
l’anguille et peut-être la lotte 7. Ils ont pu utiliser des
barrages ou des pièges ; on expliquerait ainsi la présence de
truitelles mais non, il est vrai, l’absence des cyprins, qui
pourtant cohabitent généralement avec les espèces pêchées.
On peut penser que ces poissons de médiocre qualité
alimentaire ont été abandonnés sur la rive. Les hommes ont
étêté et équeuté sur la rive les poissons qu’ils ont rapportés
à l’abri. Là, ils les ont sans doute fumé comme le suggèrent
des structures de pierres qu’il est difficile d’interpréter
autrement. Le petit groupe de pêcheurs semble avoir ici
pêché et préparé un quintal de poisson avant de repartir
vers d’autres horizons. Il a laissé derrière lui la preuve que,
au moins dans certains cas, la pêche ne fournissait pas
seulement un complément alimentaire occasionnel mais
pouvait constituer une véritable activité de subsistance.
Les hommes préhistoriques ont parfois fait figurer le
poisson dans les grottes ou sur divers objets. Si l’on exclut
les figurations douteuses, on obtient un corpus de cent vingt
poissons figurés, ce qui est très peu par rapport aux milliers
de quadrupèdes représentés. Presque toutes ces œuvres
datent du Magdalénien moyen ou supérieur, à quelques
exceptions près, tels le saumon bécard sculpté de l’abri du
Poisson*, probablement du Périgordien supérieur, le brochet
de la grotte du Pech-Merle, peut-être solutréen, le poisson
gravé sur un galet de la Baume Bonne, qui daterait du
Solutréen ancien. C’est le saumon qui a été le plus souvent
représenté, tantôt de façon très réaliste, comme à la grotte
Rey et à Isturitz, tantôt de façon plus schématique, à
Fontarnaud et à Labastide par exemple. La répartition
géographique de ces figurations correspond à peu près aux
zones où l’on pratiquait la pêche au saumon. D’autres
poissons ont été exceptionnellement figurés : des brochets,
à la grotte du Pech-Merle, à Duruthy et à Gourdan, des
truites représentées isolées dans les grottes des Deux-Avens
(Ardèche) et des Espélugues (Hautes-Pyrénées), ou bien
associées dans une possible scène d’accouplement, comme
dans la grotte de Niaux, où on les a tracées à même le sol.
Dans de nombreux cas, les représentations ne sont pas
suffisamment réalistes pour permettre d’identifier l’espèce
dont il s’agit*. Une seule composition met en scène un
homme schématisé tendant un bras démesurément allongé
vers un salmonidé. Cette scène, un peu abusivement
baptisée « la pêche miraculeuse », est gravée sur un os
provenant de Laugerie-Basse. On constate que les poissons
figurés ne reflètent pas fidèlement le contenu du panier du
pêcheur. Les espèces nobles, tels que les saumons et les
brochets, ont été privilégiées alors que d’autres, comme les
cyprinés ou la blanchaille, pourtant également pêchées,
n’ont été représentées que très rarement ou jamais. Une
seule figuration de cyprin est connue, à Laugerie-Basse,
mais n’oublions pas que bon nombre de poissons ne peuvent
être déterminés avec précision. Quand les détails graphiques
sont présents, ils insistent sur le thème de la reproduction :
les poissons semblent parfois accouplés, et l’image du
saumon bécard, à la mâchoire retroussée, épuisé par le frai,
est assez fréquente. Les poissons n’avaient donc pas
seulement pour les hommes un intérêt alimentaire. Ils
intervenaient d’ailleurs dans d’autres domaines artistiques
et peut-être même rituels, comme en témoignent des
vertèbres de poisson perforées constituant les éléments de
colliers retrouvés sur des individus inhumés, des
pendeloques sculptées en forme de queue de poisson ou
encore des objets utilitaires pisciformes, comme les spatules
du Coucoulu, de la grotte Rey, du Mas d’Azil ou encore de la
grotte du Pape à Brassempouy8.
Les techniques de pêche
On peut distinguer deux techniques de pêche : celle qui
suppose la présence active du pêcheur auprès de son
instrument, ligne, harpon... ; et celle où le pêcheur installe
des pièges, filets, nasses, lignes de fond..., qu’il peut laisser
sur place. Elles peuvent se combiner, comme lorsque le
pêcheur harponne un poisson qu’il a au préalable piégé. Les
hommes préhistoriques disposaient d’un attirail de pêche
varié, de qualité, et semblent avoir pratiqué les deux
techniques.
Ils connaissaient la pêche à la ligne mais les modalités
précises de cette activité nous sont inconnues puisque ne se
sont conservés que les hameçons, en os ou en bois de
cervidés. La ligne pouvait être végétale ou animale, tenue à
la main ou fixée au bout d’une perche. Quant au recours à un
appât, on peut supposer son existence, mais on n’en a pas la
moindre preuve. Certains petits objets perforés, vaguement
pisciformes – fragments d’os ou dents aménagées — étaient
peut-être utilisés comme leurres 9. Les Eskimos utilisent de
tels leurres dans la pêche au saumon, ce qui rend plausible,
sans bien sûr la prouver, leur utilisation par les
Paléolithiques.
Par contre, les hameçons droits sont suffisamment
semblables à ceux que l’on connaît actuellement pour qu’il
n’y ait pas de doute quant à leur fonction et à leur efficacité.
Ce sont de petits instruments à peu près rectilignes, pointus
aux deux extrémités. Ils apparaissent en grand nombre dès
l’Aurignacien ancien, se raréfient du Périgordien au début
du Magdalénien avant d’abonder à nouveau au Magdalénien
supérieur et final. L’hameçon droit peut être monté au bout
d’une ligne ou d’une canne, opération facilitée par un
renflement ou un étranglement parfois présent dans la
partie médiane. Certains préfèrent appeler ces engins de
pêche des porte-appâts, mais un appât n’était pas toujours
indispensable. Aujourd’hui encore, nous réalisons des
hameçons de fortune à partir d’une allumette ou d’une épine
blanche. On peut du coup s’étonner de ce que les hommes
préhistoriques aient pris le soin de façonner de tels
hameçons en os alors qu’une simple esquille naturelle en os
ou en bois pouvait parfaitement convenir. En fait, les objets
bipointes habituellement considérés comme des hameçons
ont des degrés de façonnage et des dimensions (de 2 à 15
cm) très variables, et on peut se demander s’ils doivent tous
être regroupés dans la même catégorie. L’utilisation de
certains d’entre eux, de petite taille, fait l’objet de
controverses. Par comparaison avec des engins de pêche
finno-ougriens récents, des auteurs pensent qu’ils ont pu
servir d’hameçons, d’autres y voient des foënes à oiseaux.
Une gravure sur bois de renne de Fontarnaud, représentant
un poisson qui semble mordre un objet bifide, va dans le
sens de l’hypothèse de l’hameçon. Des objets bifides du
Magdalénien final, de 3 à 4 cm de longueur, trouvés à
Rochereil en association avec des restes de brochet, de
gardon et de chevesne, font apparaître cette hypothèse
comme très raisonnable. Dans d’autres cas, il a pu s’agir
d’un élément d’outil ou d’arme dont le reste a disparu.
Diverses hypothèses ont été émises, par comparaison avec
des données ethnographiques : barbelure de javelot, sorte
de navette destinée à tisser, croc pour la chasse aux oiseaux
aquatiques 10...
Le mérite de l’invention du crochet semble devoir revenir
aux hommes de l’Azilien11. Techniquement, leurs
prédécesseurs auraient très bien pu utiliser des débris de
silex non retouchés comme crocs d’hameçon en les fixant sur
une hampe de bois par exemple, ou même fabriquer des
hameçons de bois en forme de crochet. Mais aucune preuve
archéologique ne permet de l’affirmer.
L’utilisation des harpons pour la pêche dite à la fourchette
est controversée. Par comparaison avec les populations
arctiques et subarctiques dont les points de convergence
avec les hommes du Paléolithique européen sont nombreux,
on imagine aisément les Magdaléniens pêchant au harpon le
saumon piégé en eau peu profonde. Cette image est d’autant
plus séduisante que des harpons ont parfois été retrouvés là
où les hommes ont consommé des salmonidés, comme à la
grotte des Églises, par exemple. En réalité, la quantité de
harpons connus est bien trop importante pour expliquer une
pêche saisonnière qui reste exceptionnelle. Mais rien
n’empêchait les Magdaléniens d’utiliser accessoirement
leurs armes de chasse pour pêcher.
Il existe d’autres instruments très finement façonnés, aux
barbelures plus courtes que celles des harpons. Ils ont pu
être montés par paire au bout d’une longue hampe en bois,
devenant ainsi les fourchons d’une foëne très comparable
aux exemplaires métalliques utilisés actuellement. Ces
instruments semblent avoir été spécialement conçus et
élaborés pour la pêche, ce qui montre qu’il y a eu des cas où
elle était plus qu’une simple activité occasionnelle12.
Il en est de même de robustes instruments fourchus en os
ou en bois de renne, dont l’usage n’est pas élucidé mais que
l’on peut imaginer ligaturés sur de longues hampes et
utilisés à la manière de fourches, pour capturer le poisson en
eau peu profonde. La pêche à la fourchette était
particulièrement facile dans les zones de frayères. Nous
avons vu que c’est sans doute ainsi que les Magdaléniens de
la grotte des Églises pêchaient les saumons reproducteurs
au début de l’hiver13.
Des raisons indirectes permettent de penser que l’homme
préhistorique s’est parfois aidé de nasses, de filets, de
pièges ou de trappes pour pêcher des bancs entiers de
poissons migrateurs. Bien entendu, les nasses et les filets
eux-mêmes ne se sont pas conservés. Les poids de filet de
pêche n’ont pas non plus été retrouvés mais il pouvait s’agir
de simples galets naturels. Cependant la présence très
majoritaire de tel ou tel poisson dans certains campements
va dans le sens de cette hypothèse.
L’utilisation de pièges et de trappes facilite la pêche au
saumon, bien connue ethnographiquement dans
l’hémisphère nord. C’est une pêche sûre, le passage des
poissons en un point donné de la rivière étant prévisible. Elle
est rentable, puisqu’elle peut fournir une grande quantité de
nourriture de bonne qualité, que l’on peut conserver
longtemps si les poissons sont séchés. La remontée des
poissons à partir de l’estuaire jusqu’aux aires de
reproduction dure presque une année pour les grands
saumons d’hiver. Elle ne se fait pas à vitesse constante : les
poissons ralentissent par endroits leur progression,
notamment lorsqu’ils rencontrent un gué naturel. Ils se
concentrent alors en aval de l’obstacle, qui est ainsi
particulièrement favorable à l’installation de pièges. Les
Indiens de Colombie britannique capturaient les poissons en
rehaussant le niveau du gué à l’aide de grosses pierres et en
installant un enclos fermé vers l’amont de l’autre côté de cet
obstacle. Les poissons, répugnant à rebrousser chemin, se
trouvaient ainsi piégés après avoir franchi le gué. Les
pêcheurs n’avaient plus alors qu’à les capturer à l’aide de
harpons, de foënes ou de gaffes, en les frappant à la base de
la tête. Cette manœuvre est extrêmement facile, les poissons
se trouvant à très faible profondeur. C’est sans doute ainsi
que les Magdaléniens de Duruthy ont procédé pour capturer
les saumons à la fin de la belle saison, interrompant ainsi
leur mouvement migratoire. Il s’agissait au bout du compte
d’une pêche à la fourchette comme celle pratiquée par les
hommes de la grotte des Églises, mais, alors que ceux-ci
profitaient de la fatigue du poisson parvenu à la fin de sa
longue migration, les hommes de Duruthy devaient les
piéger avant de les harponner.
L’usage de la nasse ou du filet ne semble pas avoir été
réservé à la capture saisonnière du saumon. Les
Magdaléniens de l’abri de Pont d’Ambon pêchaient toute
l’année mais variaient le menu selon la saison. Chaque
espèce était capturée au moment le plus favorable et selon
la technique la plus adaptée. Ils pêchaient ainsi les
vandoises au printemps et en automne, et les chevesnes à
l’automne et au début de l’hiver. Si les vandoises de
printemps ont pu être prises en grande quantité sur les
frayères, celles d’automne et de début d’hiver, ainsi que les
chevesnes qui les accompagnent, ont été capturées près du
fond. En effet, ces cyprinidés se déplacent non loin de la
surface de l’eau à la belle saison et vont chercher leur
nourriture en profondeur dès les premiers froids. Que ces
Magdaléniens n’aient pas profité de la pêche aux chevesnes
pour capturer d’autres poissons de surface indique qu’ils
utilisaient une technique de pêche spécifiquement réservée
aux poissons de fond. Il peut s’agir de pièges tels que des
nasses posées sur le fond et garnies d’appâts. En effet, les
espèces capturées sont celles qui sont susceptibles d’être
attirées par des morceaux de viande ou des abats. Du reste,
la fabrication de ces paniers tressés à claire voie est
relativement simple et répandue dans le monde entier. L’été
était consacré de préférence à la capture de l’anguille. Ce
poisson, ainsi que la lotte pêchée dans d’autres lieux, a des
mœurs essentiellement nocturnes, ce qui indique que ces
Magdaléniens n’hésitaient pas à pratiquer aussi la pêche de
nuit. Sur une longue ligne de fond lestée et attachée à la
rive, ils pouvaient placer pour la nuit de nombreux hameçons
droits destinés à des carnassiers qui avalent très
profondément l’appât, ce qui est précisément le cas de
l’anguille. Quant au brochet, ils le pêchaient plutôt au
printemps, pendant le frai qui a lieu dans des zones calmes,
près des berges et sous peu d’eau. Ils pouvaient dans ce cas
pêcher à la ligne ou à la fourchette, ce qui montre qu’ils
savaient adapter à leurs besoins les différentes techniques
de pêche qu’ils connaissaient14.
La pêche en mer
Les hommes du Paléolithique supérieur consommaient
parfois des poissons de mer, comme l’attestent les reliefs de
leurs repas (daurade, raie pastenague, labridé...). Les
Magdaléniens installés sous le porche de l’entrée de la
grotte de Tito Bustillo se nourrissaient principalement de
viande mais ont aussi pêché, dans l’estuaire tout proche, la
truite de mer et un poisson plat semblable à la sole ou la
limande. À la grotte de La Riera, ce sont des sparidés tels
que la daurade et le pagre qui ont été pêchés, dès le
Solutréen puis au Magdalénien et à l’Azilien quand
l’exploitation des ressources marines s’est intensifiée15. À la
différence des saumons, présents dans les zones d’estuaires
et qui ont d’ailleurs aussi été pêchés par les occupants de la
grotte de La Riera, les sparidés vivent de préférence le long
des côtes rocheuses battues par les flots. On peut supposer
qu’on les pêchait en tendant des lignes ou des filets depuis la
rive, car les embarcations ne sont pas apparues avant le
Mésolithique.
C’est surtout la figuration de poissons marins sur les
parois des grottes et sur des objets portatifs variés qui
prouve que ces hommes les connaissaient. Ils avaient eu tout
le loisir d’examiner leurs détails anatomiques si l’on en juge
par le réalisme de certaines représentations comme celles
du Mas d’Azil, d’Altxerri et de La Pileta, ou encore la
« sole » de la grotte des Bœufs à Lespugue. Il s’agit
toujours de poissons plats, soles ou limandes, que l’on peut
capturer très près du rivage, en eau peu profonde, par
exemple dans les flaques laissées par la marée
descendante16.
La pêche en mer au Paléolithique, principalement
magdalénienne, se limite donc à un « ramassage » des
poissons sur la frange littorale. Le seul poisson de haute mer
attesté serait un thon dont quelques vertèbres ont été
trouvées à la fin du XIXe. siècle dans un site en bordure de la
Méditerranée. Il s’agit peut-être des reliefs du repas de
quelques personnes ayant dégusté un thon échoué sur la
plage.
La chasse au cachalot et au phoque.
La chasse aux cétacés n’est pas directement attestée au
Paléolithique. Les hommes connaissaient ces animaux et ont
pu les approcher, sinon vivants du moins à l’état de cadavre
échoué sur la plage. Ils les ont figurés dans au moins deux
cas, sur une pendeloque en os à la grotte d’Arancou et sur
une autre en ivoire à la grotte de Las Caldas17. Ils ont
ramassé et exploité des cétacés échoués comme le prouvent
les quelques dents retrouvées dans leurs habitats. Ainsi en
est-il d’une dent de cachalot que des Magdaléniens de la
grotte du Mas d’Azil ont sculptée, alors qu’elle était encore
fraîche, en une extraordinaire composition en bas-relief
représentant deux bouquetins. Cette grotte ariégeoise était
située à au moins 150 km de la Méditerranée et 230 km de
l’Atlantique si l’on tient compte du niveau des eaux au
Magdalénien, et il faut donc penser que les sculpteurs ont
ramassé cette dent à plus de 150 km de chez eux. Une autre
dent de cachalot, non travaillée, a été trouvée dans l’un des
plus anciens sites connus du Paléolithique supérieur
d’Europe occidentale, la grotte cantabrique du Castillo,
fréquentée à l’Aurignacien, il y a environ 40 000 ans 18. À
Duruthy, dans les Landes, c’est un cétacé de taille moyenne
que les Magdaléniens ont consommé. Si la récupération des
mammifères marins échoués a bien existé, elle devait être
rarissime. Quant à la chasse sur mer, elle était sans doute
inconnue puisque, comme on l’a dit, l’existence
d’embarcations n’est pas attestée au Paléolithique. Ce n’est
qu’à l’Holocène que ce type de chasse est peut-être apparu
et que la chasse aux mammifères marins s’est intensifiée,
surtout dans les régions scandinaves.
Les hommes préhistoriques ont eu des contacts un peu
plus fréquents avec les phoques. Ces derniers sont plus
accessibles car ils ne se cantonnent pas à la haute mer et il
leur arrive même, encore de nos jours, de remonter les
estuaires et les fleuves. La présence de leurs restes dans des
campements situés à l’intérieur des terres n’est donc pas
très surprenante. Les hommes les ont parfois consommés et
ont abandonné alors les mandibules et quelques dents dans
leurs campements, comme à Gorham’s Cave, Altamira, Nerja
et Tito Bustillo. Si les phoques étaient généralement chassés
par les populations côtières, on les trouve
exceptionnellement dans des sites très continentaux. Ainsi,
une mandibule de phoque du Groenland se trouvait parmi les
reliefs d’un repas pris par les Magdaléniens de l’abri
Raymonden, sur la vallée de l’Isle, et deux autres mandibules
ont été abandonnées par les Aurignaciens de l’abri Castanet,
sur la vallée de la Vézère. Les dents ont parfois été perforées
et gravées. Ainsi, les Magdaléniens de La Marche ont
perforé et orné d’incisions parallèles une canine de phoque.
Des phoques ont aussi été dessinés sur les parois des grottes
ou sur des objets portatifs, non seulement dans des régions
côtières, comme dans le sud de l’Espagne, dans les Landes
ou sur la côte méditerranéenne, mais aussi à l’intérieur des
terres, en Charente, en Dordogne et dans les Pyrénées. L’un
des plus beaux exemples est celui d’un bâton percé sur bois
de renne de l’abri de Montgaudier, sur lequel deux phoques,
un mâle et une femelle, nagent à la poursuite d’un saumon.
À l’abri Mège, un artiste magdalénien a gravé plusieurs
figurations animales sur une baguette demi-ronde dont
certaines ont été interprétées comme la représentation
schématique de différents stades du dépeçage du phoque.
On connaît aussi des gravures réalistes de phoques en train
de nager, de sauter hors de l’eau ou de se déplacer sur le
sol, ce qui montre que ces hommes, avant tout chasseurs et
consommateurs de faune terrestre, ont cependant eu
l’occasion d’approcher des phoques vivants et de les
observer en détail, sinon de les chasser19.
Ces divers témoins ont été trouvés dans des sites très
éloignés de la côte, ce qui confirme que les phoques devaient
remonter très loin les fleuves à moins que ce ne soient les
hommes qui aient fait des incursions sur la côte. La première
hypothèse semble plus logique car, si l’on peut concevoir
que les hommes aient conservé en mémoire l’image
d’animaux rencontrés sur la côte, on peut difficilement
expliquer qu’ils aient rapporté de leurs expéditions côtières
les reliefs d’un repas pris à 200 ou 300 km de là. Leur
contact avec le phoque reste cependant anecdotique et cette
chasse n’a jamais revêtu qu’un caractère occasionnel. À
aucun moment elle ne semble avoir influencé le mode de vie
des hommes comme cela a été le cas chez les Eskimos. Ce
n’est que plus tard, vers la fin du Mésolithique, et dans des
régions plus septentrionales, que la chasse aux pinnipèdes
devint une activité de subsistance importante, puis
prépondérante, avec l’existence de techniques de navigation
déjà élaborées. Quant à la figuration du phoque, il pourrait
s’agir de sortes de croquis de reportages destinés à faire
connaître cet étrange animal amphibie20.
On peut envisager la même explication pour les divers
animaux marins dessinés il y a environ 19 000 ans sur les
parois de la grotte Cosquer, récemment découverte dans les
Calanques au sud de Marseille : outre huit phoques gravés,
on note la présence beaucoup plus étonnante de trois
pingouins peints en noir, dont on sait qu’ils fréquentaient la
Méditerranée pendant toute la dernière glaciation. Plus
surprenants encore, de mystérieux dessins noirs évoquent
des méduses ou des poulpes. Mais peut-être s’agit-il de
signes abstraits21.
Aucune population ne semble avoir exploité
systématiquement les produits de la mer comme cela fut le
cas plus tard. Mais c’est l’époque où les rivages côtiers
actuels se sont mis en place et, si des populations littorales
vivant plus exclusivement des ressources de la mer ont
existé, elles ont occupé des régions aujourd’hui englouties
sous les eaux et il ne nous reste plus que les vestiges
d’habitat situés à la périphérie éloignée de ces rivages
fossiles.
Le ramassage
L’homme du Paléolithique avait à sa disposition un certain
nombre de produits qu’il lui suffisait de ramasser ou de
cueillir. Il y trouvait la matière première nécessaire à la
fabrication de certains objets, ainsi que des denrées
alimentaires qui complétaient les produits de la chasse et de
la pêche.
La collecte de matières premières
Parmi les produits de base les plus importants pour la
survie de l’homme, se placent certainement le combustible
dont il a besoin pour se chauffer et cuire ses aliments et la
matière première nécessaire à la fabrication des armes et
des outils. S’y ajoutent les branchages utiles à
l’aménagement de l’habitation, les matériaux destinés à la
réalisation d’objets d’art, les colorants, les coquillages
facilement transformables en éléments de parure, et
d’autres matières telles que la cire ou la résine entrant dans
la composition des colles et des mastics.
Le bois de chauffe était ramassé autour de l’habitation
sans choix particulier de l’espèce. On choisissait des
branches de bois parfois mort depuis longtemps, comme
l’indiquent les trous d’insectes encore visibles dans les
charbons, et aussi du petit bois pour allumer le feu. Lorsque
le bois était rare, trop éloigné ou trop humide, il était
remplacé par de l’os qui pouvait être ramassé ou récupéré
sur le gibier. C’est ainsi que de grandes accumulations d’os
observées dans certains habitats de la plaine russe semblent
avoir été des réserves de combustibles. D’autres
combustibles comme des algues, des racines ou de la bouse
séchée, ont pu être ramassés mais les preuves
archéologiques font défaut 1. Pour confectionner les mèches
de ses lampes à graisse, l’homme semble avoir choisi le
genévrier, le lichen et la mousse, matières qu’il faisait
sécher avant de les utiliser2.
Contrairement au bois de chauffe, le bois de construction
devait être plus soigneusement choisi, surtout pour les
poteaux de soutènement des huttes et pour les
échafaudages. Ce fut le cas des dix-sept madriers d’assez
gros diamètre utilisés dans le diverticule Axial de Lascaux
pour fabriquer un plancher surélevé, dont des fragments
conservés révèlent qu’ils étaient en chêne3. De même, le
bois utilisé pour fabriquer des manches d’outil ou des
hampes était sans doute soigneusement sélectionné.
La collecte de matériaux de construction tels que le bois et
la pierre ne posait pas de problème dans nos contrées. En
revanche, les populations vivant dans les régions
septentrionales au climat plus sévère étaient contraintes
d’utiliser, en concurrence avec le bois, des os et des
défenses de mammouths morts naturellement ou noyés lors
des débâcles annuelles.
Les Paléolithiques ramassaient des branchages et de
l’herbe qu’ils utilisaient pour couvrir leur habitation ou
confectionner des litières. Dans la grotte de Fontanet, des
coussins d’herbes ont été disposés autour du foyer, mais pas
trop près cependant, pour ne pas brûler. Les artistes de
Lascaux tenaient eux aussi à leur confort et ont apporté dans
la grotte des brassées d’herbes parfois mélangées à des
fleurs entières. Ils les ont déposées sur le sol de la grotte en
plusieurs endroits et en particulier dans le Passage où ils
étaient obligés de s’asseoir pour peindre et graver les
parois4. Si, à Lascaux, les fleurs n’ont sans doute pas été
cueillies délibérément, on sait que les Paléolithiques les
appréciaient, comme l’attestent les fleurs qui
accompagnaient le Neandertalien enterré à Shanidar, en
Iraq.
Dans les zones côtières et en particulier dans la région
cantabrique, les litières pouvaient être faites d’algues,
comme à Tito Bustillo ou au Parpalló où de nombreux petits
coquillages — trop petits pour avoir été récoltés pour leur
valeur nutritive — ont sans doute été apportés dans la grotte
accrochés aux fucus 5.
Des pierres comme le calcaire, le granite, le schiste étaient
presque toujours ramassées aux abords de l’habitation. On
s’en servait comme outils, comme supports de décor ou
comme éléments de dallages et de murets. Les galets
ramassés dans les rivières servaient quant à eux de
molettes, de broyeurs, de percuteurs et de maillets. Pour le
silex, lorsqu’un gisement se trouvait aux abords du
campement, les Paléolithiques en ramassaient des blocs
entiers qu’ils rapportaient à l’habitation pour les tailler
tranquillement au coin du feu. Lorsque le silex local était de
médiocre qualité, il fallait parfois lui adjoindre du bon silex
de provenance plus lointaine. Certains silex de grande
qualité comme le silex du Bergeracois, ou le silex translucide
à teinte claire utilisé par les Solutréens, de même d’ailleurs
que d’autres roches présentant des caractéristiques
particulières comme le jaspe, l’obsidienne ou, plus rarement,
la stéatite, la pierre ponce ou le grès rose semblent avoir été
très prisés et ont été souvent retrouvés dans des
campements très éloignés de leur lieu d’origine. Il est rare
que le silex ramassé loin du campement y ait été rapporté
sous forme de blocs entiers. Les habitants de Laugerie-
Haute l’ont fait, mais ils ont réservé ces blocs au débitage
laminaire, technique qui fournit davantage d’objets par bloc
et leur a permis d’économiser ce lourd et précieux matériau.
Le cas est exceptionnel, l’usage, lorsque le campement était
lointain, étant de ne rapporter que des nucléus déjà
dégrossis ou des pièces plus ou moins mises en forme. Le
débitage des blocs sur le lieu même du ramassage
permettait non seulement de réduire le poids du silex à
transporter, mais aussi d’en tester la qualité sur place.
Parfois, il ne restait plus, de retour au campement, qu’à
retoucher les lames et les éclats.
Le silex de provenance lointaine qu’on trouve sur un site
peut aussi avoir été obtenu par échange auprès de groupes
mieux pourvus. Ce n’est probablement pas le cas lorsqu’il se
présente sous forme de nucléus déjà dégrossis car il est
douteux qu’un tailleur de bon silex ait pris la peine
d’amorcer le débitage d’un bloc pour laisser à ses
« clients » le soin d’achever son travail. Mais on doit
envisager l’hypothèse de l’échange lorsqu’un site livre des
lames débitées dans un silex lointain, et que les nucléus sont
absents. Encore que, dans ce cas, il ne faut pas exclure la
possibilité que la matière première ait été ramassée par les
habitants du campement à un moment où, avant de venir
s’installer sur le site, ils séjournaient à proximité du
gisement de silex.
Quoi qu’il en soit, on peut dire que les Paléolithiques
avaient dans leur campement du silex local, parfois
médiocre, et du silex de provenance lointaine, ramassé par
eux-mêmes ou par d’autres gens. Ainsi, à Combe Saunière,
les Solutréens ont confectionné les deux tiers de leurs outils
dans un silex de médiocre qualité qui a été ramassé à moins
de 20 km du campement et débité dans l’habitat. L’autre
tiers de l’outillage, qui provient d’au moins 20 à 30 km, et
même de plus de 70 km pour certains produits, est
d’excellente qualité. Il n’a pas été débité dans l’habitat et a
été rapporté au campement sous forme d’outils finis et de
lames non encore retouchées. Les Solutréens de Fressignes,
dans l’Indre, travaillaient un silex de bonne qualité importé
d’une centaine de kilomètres, déjà transformé et préparé, et
un autre, moins bon, ramassé à une quinzaine de kilomètres.
Les Magdaléniens de la grotte pyrénéenne de Labastide se
sont aussi procuré, en plus de blocs de divers silex locaux,
des lames et des outils finis en silex bergeracois ramassés à
plus de 200 km de là. De même, les Magdaléniens d’Enlène,
des Trois-Frères, du Tuc d’Audoubert et de Bédeilhac ont
utilisé des lames dont les nucléus, absents sur les sites, sont
sans doute restés en Dordogne. À l’inverse, à Étiolles,
Pincevent, Verberie et Rabier, les hommes ont parfois taillé
des séries de lames dont on ne retrouve que le négatif sur le
nucléus. Ces lames manquantes ont donc été utilisées
ailleurs, soit qu’elles aient été échangées, soit que les
habitants du campement les aient emportées lorsqu’ils ont
été s’installer ailleurs6.
Pour se procurer des colorants minéraux, les hommes
préhistoriques avaient le choix entre le ramassage
occasionnel de géodes d’ocre et de blocs d’oxyde de fer ou
de manganèse ou bien l’exploitation de gîtes minéraux. La
diversité d’origines des blocs retrouvés dans leurs habitats
suggère un ramassage ponctuel dans des endroits différents.
Des mines d’hématite, de cinabre et d’ocre ont été exploitées
à partir du Mésolithique. Le seul cas antérieur d’exploitation
d’un gîte d’ocre a été signalé en Hongrie et daterait du
début du Paléolithique supérieur.
La plupart des régions occupées intensivement, comme les
Pyrénées et la Dordogne, se trouvent dans des zones riches
en ocre et en minerai de fer. Les hommes ramassaient donc
sans doute les colorants minéraux à peu de distance de leur
habitat. En revanche, certains groupes plus éloignés des
gisements ocriers étaient obligés d’importer cette matière
première, à moins de se contenter d’ersatz locaux de moins
bonne qualité. Ainsi, les habitants de la Corrèze utilisaient
des ocres originaires de Dordogne tandis que les
Magdaléniens d’Étiolles et de Pincevent, dans le bassin
parisien, devaient parcourir une trentaine de kilomètres
pour en trouver, à moins qu’ils n’en aient ramassé dans les
alluvions de la Seine7.
Les bois de renne constituaient une matière première
particulièrement appréciée. Ils étaient récupérés sur les
animaux abattus à la chasse ou bien ramassés à terre après
la chute annuelle des bois. Dans les grottes cantabriques
d’El Juyo et de Rascaño, ce sont des bois de chute qui ont été
utilisés alors qu’à Tito Bustillo, c’est un bois portant encore
le pivot qui le relie au crâne qui a été transformé en bâton
percé, ce qui indique qu’il a été coupé au ras du crâne et
qu’il provient donc d’un animal abattu à la chasse8. Les bois
provenant du gibier abattu — qui adhèrent encore à une
portion du crâne — n’étaient pas toujours utilisés, leur taille
ne convenant pas forcément aux besoins. En revanche, les
bois de chute, récoltés uniquement pour être travaillés,
étaient choisis en fonction de leur taille et de leur épaisseur
et plus systématiquement débités et façonnés. Ainsi, à La
Madeleine comme à La Vache et à Pincevent, les bois des
femelles abattues à la chasse sont bien présents mais n’ont
pas été utilisés et ce sont surtout les bois de chute des mâles
qui ont été ramassés et façonnés, les bois de massacre
n’étant cependant pas totalement absents 9.
La plupart des coquillages transformés en pendeloques,
comme les gastéropodes et les dentales, faisaient l’objet
d’une collecte sélective car ils sont impropres à la
consommation. Les coquilles plus grandes, patelles ou
coquilles Saint-Jacques, étaient à l’occasion utilisées comme
récipients ou comme pelles.
La plupart des coquilles étaient ramassées en bordure de
mer, mais certaines espèces fossiles étaient aussi collectées
dans des bancs fossilifères. En plus des gîtes fossilifères
encore accessibles aujourd’hui, les Paléolithiques pouvaient
ramasser des coquilles sur les rivages aujourd’hui engloutis
des mers fossiles. Aux périodes les plus froides, lorsque le
niveau de la mer était très bas, le plateau aujourd’hui
submergé était en effet accessible et on pouvait y trouver de
nombreuses coquilles fossiles.
La distance entre le lieu de ramassage des coquillages et
leur abandon par l’homme était importante. Lorsqu’il
s’agissait d’espèces vivantes ramassées sur les plages, les
coquillages parcouraient 200 km en moyenne, parfois
beaucoup plus. Les Aurignaciens des abris Blanchard,
Castanet et La Souquette du vallon périgourdin de
Castelmerle, par exemple, se procuraient des coquillages
aussi bien sur le plateau continental émergé, à 150 ou
200 km de chez eux, que sur les rivages océanique et
méditerranéen. Des coquillages d’origine méditerranéenne,
comme ce petit turbo remarquable par sa couleur rouge vif,
ont été utilisés dans les Pyrénées, en Dordogne, dans le nord
de la France et même en Allemagne, parcourant ainsi près
d’un millier de kilomètres. À l’inverse, des Magdaléniens
installés sur la côte méditerranéenne, à la grotte Gazel dans
l’Aude par exemple, mais aussi dans les Pyrénées, comme au
Mas d’Azil étaient en possession de coquilles provenant de la
côte atlantique. C’est surtout à l’Aurignacien et au
Magdalénien moyen et supérieur que l’intérêt pour les
espèces d’origine lointaine semble avoir été particulièrement
vif. Aux autres époques, les coquilles d’origine lointaine,
sans être totalement négligées, étaient beaucoup moins
recherchées 10.
Pour finir, certains objets de forme curieuse ne semblent
pas avoir eu d’usage particulier et pourraient avoir été
ramassés uniquement par jeu ou par curiosité. Certains
d’entre eux, perforés, ont pu servir d’élément de parure mais
les autres restent mystérieux. Ainsi, les Magdaléniens de
Pincevent ont ramassé divers fossiles — dent de requin,
piquant d’oursin, plusieurs pierres portant des empreintes
fossilifères —, et des fragments de pyrite de fer qui ont pu
servir de briquets.
La cueillette de produits comestibles
Les hommes complétaient leur alimentation en ramassant
diverses denrées animales et végétales dans la nature. Les
primates non humains cueillent uniquement les produits
qu’ils peuvent consommer immédiatement tandis que les
humains avaient un choix plus large puisqu’ils pouvaient
moudre, broyer, faire macérer ou faire bouillir ce qu’ils
ramassaient. Les graines sauvages devaient donc constituer
un apport non négligeable, d’autant plus qu’elles pouvaient
être stockées facilement11.
Les témoignages même indirects sur la consommation de
produits végétaux font presque totalement défaut. L’apport
végétal à l’alimentation n’était peut-être pas si marginal
mais, sauf conditions exceptionnelles, les végétaux ne se
conservent pas. Ce n’est qu’à partir du Mésolithique qu’on
retrouve en abondance des fruits, légumineuses, noix et
noisettes, mais il faut attendre le Néolithique pour que
l’homme apprenne à cultiver.
Les hommes du Paléolithique supérieur vivaient dans un
paysage de steppe où la végétation était pauvre. Aucune
plante ne pouvait fournir d’amples provisions pour l’hiver
mais certaines pouvaient apporter un appoint intéressant à
la belle saison. Les hommes pouvaient cueillir plusieurs
sortes de baies sauvages, telles que myrtilles et groseilles.
Curieusement, les fruits dont on a retrouvé des traces très
anciennes, comme le raisin sauvage ou le fruit du
micocoulier, proviennent d’habitats datés du Paléolithique
inférieur tandis que les exemples sont plutôt rares au
Paléolithique supérieur. Citons cependant les groseilles
consommées à Lascaux pendant un épisode tempéré et les
mûres et framboises cueillies par les Magdaléniens d’El
Juyo12.
Là où subsistait la forêt, on pouvait ramasser des
champignons et récupérer l’écorce interne des pins et des
bouleaux. Quelques plantes à tubercules ou à bulbes comme
les lys sauvages, des pousses vertes de plantes herbacées et
des feuilles et tiges tendres comme de jeunes feuilles de
bouleaux et des bourgeons de saule ou encore des salades
sauvages comme la chicorée ou les pissenlits ont pu aussi
être collectées. Aux périodes plus tempérées, noix, noisettes
et glands de chêne pouvaient être cueillis13.
Quelques fragments de coquilles gisant à proximité de
deux pierres qui pourraient avoir servi à leur broyage
semblent indiquer que les Aurignaciens installés dans la
grotte espagnole de Morín ont ramassé des noisettes. Les
occupants de la grotte de La Riera ont aussi consommé des
glands, des noisettes et une plante comestible attestée par
quelques graines. À Tito Bustillo, une graine non identifiée
pourrait témoigner d’une activité de cueillette. Ce sont les
Magdaléniens d’El Juyo qui ont laissé derrière eux le plus de
traces de cette activité. En plus de ces divers indices, des
graines et des feuilles partiellement minéralisées de plantes
herbacées, de graminées et d’arbres tels que saule et
bouleau, des boutons de fleurs, des vestiges de fougères, de
légumes et même de mauvaises herbes suggèrent que
l’utilisation et la consommation de végétaux étaient plus
importantes qu’on ne le suppose généralement 14.
On voit, sur des gravures mésolithiques du Levant
espagnol, des personnages grimper sur des échelles de
corde pour braver les abeilles et s’emparer du miel sauvage
15. Mais on ne peut en déduire que les Paléolithiques
faisaient de même ou enfumaient les ruches pour éloigner
les abeilles. Par contre, on retrouve parfois la coquille de
mollusques terrestres tels que des escargots dans les restes
culinaires.
Certains groupes côtiers, vivant sur la côte cantabrique
espagnole, associaient à la pêche côtière la collecte des
produits de la mer, algues, mais aussi mollusques et
crustacés. Si les algues permettaient de confectionner des
litières, elles pouvaient aussi servir de ballots pour emballer
les coquilles ou encore constituer une denrée alimentaire.
Nous avons parlé des coquillages utilisés comme ustensiles
ou objets de parure mais certains mollusques étaient aussi
consommés. Les plus prisés étaient en général les patelles et
les bigorneaux, comme à Altamira, El Juyo et La Riera, où les
Solutréens et les Magdaléniens ont abandonné des milliers
de coquilles. Les Aurignaciens de la grotte Morin ont
exploité systématiquement les environs côtiers, aussi bien
rocheux que sableux, et ramassé une grande variété de
mollusques, leur préférence allant aux huîtres, patelles,
palourdes et bigorneaux, sans pour autant que soient
dédaignés d’autres coquillages comme les moules, les
coques et les praires. Au Solutréen et au Magdalénien, on
récoltait une variété encore plus grande d’espèces, y
compris des espèces d’estuaires et même de fonds, en assez
grande quantité pour supposer que leur présence n’est pas
due au hasard. Ainsi, les Solutréens de la grotte du Parpalló
ont ramassé une vingtaine de mollusques différents et les
Magdaléniens de Tito Bustillo une quinzaine.
Un grand nombre de coquillages était facile à trouver sous
les algues ou peu enfoncés dans le sable. Ceux qui adhérent
fortement au rocher, comme les patelles, étaient
probablement détachés par percussion ou à l’aide d’un levier
rigide, à moins qu’ils n’aient été pêchés la nuit, au moment
où ils se détachent du rocher. Les mollusques de fond,
comme les coquilles Saint-Jacques et les pétoncles, étaient
probablement capturés, soit par des plongeurs, soit avec des
filets16.
Les crustacés et autres animaux marins étaient
occasionnellement capturés à marée basse dans les trous
d’eau et sous les rochers. Ainsi, les occupants de la grotte de
La Riera comme ceux de Tito Bustillo et d’El Juyo ont
consommé des crabes et des oursins et abandonné pinces,
carapaces et épines sur le sol de leurs habitats 17.
La cuisine
Contrairement aux autres primates, les hommes du
Paléolithique supérieur cuisaient et préparaient leur
nourriture. De plus, ils conservaient une partie de leurs
aliments pour les saisons les plus dures.
Pour certains aliments, on ignore sous quelle forme ils
étaient consommés. C’est le cas des œufs, qu’on a parfois
retrouvés écrasés sur le sol comme à Pincevent. On peut
seulement supposer qu’ils étaient cuits, comme à Hauterive-
Champréveyres où ils ont été cassés aux abords d’un foyer
contenant dix-sept galets chauffés suggérant une activité
culinaire1.
Nous savons peu de chose sur la préparation des végétaux.
Que les Paléolithiques aient fait fermenter certains de leurs
aliments est presque impossible à démontrer, mais des
analyses pourront peut-être mettre un jour en évidence la
présence de micro-organismes responsables de cette
fermentation 2. Seule la présence d’ustensiles domestiques
tels que mortiers, broyeurs, meules et molettes montrent
que des végétaux sauvages, tubercules, glands, fruits à
coquille dure et diverses graminées, devaient être moulus et
broyés3.
Le transport de l’eau
Même s’ils choisissaient d’établir leurs campements au
plus près de sources d’eau, il était indispensable aux
hommes de pouvoir la transporter et en conserver une petite
réserve dans l’habitation. Si des viscères, l’écorce des arbres
ou même des cornes de bovidés ont pu être utilisés pour
confectionner des sacs, des outres ou des récipients, nous
n’en avons aucune preuve archéologique. Une des femmes
sculptées de Laussel tient dans la main un objet recourbé
dans lequel d’aucuns ont vu une outre de peau, un estomac
d’animal ou encore une corne*.
Certains ont pensé que les objets coniques en bois de
renne et en ivoire sculptés, souvent richement décorés,
présents dans des sites gravettiens, pourraient avoir été
utilisés comme bouchons, et y ont vu une preuve de
l’existence d’outres. En fait, une outre peut être bouchée
avec à peu près n’importe quoi, un petit os, un petit galet, ou
une lanière de cuir, et la taille de quelques-uns de ces objets,
qui excède 12 cm de longueur et 2 à 3 cm de diamètre,
paraît bien grande pour un tel usage.
Il est par ailleurs possible, comme cela est attesté dans de
nombreuses populations, que les hommes aient utilisé un
tube pour boire par aspiration sans avoir à se mouiller les
lèvres dans l’eau glacée. Ce pourrait avoir été un des usages
des os d’oiseaux sciés et régularisés aux deux extrémités 4.
Les ustensiles de cuisine
La batterie de cuisine paléolithique est mal connue. Peut-
être certains lamellibranches, légèrement abîmés sur leur
bord, ont-ils servi de louches ou de pelles. Mais si les
artisans ont utilisé les coquillages pour fabriquer des
cuillers, des louches ou des racloirs, ils l’ont fait plus
rarement que leurs successeurs du Néolithique, ou que le
font encore plusieurs populations côtières actuelles. Les
quelques rares coquilles Saint-Jacques employées comme
récipients semblent avoir contenu du colorant, comme à
Altamira, ou du combustible pour l’éclairage plutôt que des
denrées comestibles5.
Des godets en pierre ont été confectionnés ou récupérés
dans la nature et des récipients en bois existaient bien
comme l’attestent les exemplaires miraculeusement
conservés de l’abri Romani. L’accumulation d’os brûlés et
fragmentés dans les parages et la proximité des foyers de
l’abri incitent à mettre ces récipients en relation avec des
activités culinaires. Il pourrait s’agir soit de vaisselle pour la
nourriture, soit de pelles pour vidanger les foyers de leurs
cendres ou pour écoper l’eau lors d’inondations. À
Pincevent, seuls les espaces circulaires maintenant vides à
côté du foyer suggèrent l’existence de récipients en écorce,
en cuir ou en bois. Mais de telles marmites pouvaient aussi
être suspendues au-dessus du feu à l’aide de crochets dont
on connaît quelques exemplaires6.
De belles cuillères décorées ont été sculptées dans le bois
de renne à Fontalès et Gourdan, dans l’ivoire à Dolní
Věstonice, dans une mandibule de cheval à Pekarna.
D’autres ustensiles plats en os rappellent beaucoup nos
spatules à bout élargi et ont pu servir à mélanger une
préparation culinaire liquide ou semiliquide. Ils sont parfois
décorés de traits gravés ou sculptés en forme de poison7.
Certains auteurs ont suggéré que, puisque les hommes ne
connaissaient alors ni les soupes ni les sauces, les cuillères
devaient servir à retirer la moelle des os de très gros
animaux ou à manger leur cervelle.
La confection de bouillons à base de moelle et de viande
ou de bouillies végétales n’a pourtant rien d’invraisemblable.
Il est vrai qu’il ne reste aucune marmite, mais des
expérimentations ont montré qu’on peut faire bouillir l’eau
contenue dans un récipient de peau ou de cuir ou dans des
fosses tapissées de peaux en y plongeant, à l’aide de pinces
de bois, des galets préalablement chauffés. Cette pratique
est attestée chez les Eskimos. Les accumulations de pierres
et de galets rubéfiés ou fracturés par des chocs thermiques,
dans et autour de certains foyers ou bien dans de petites
fosses comme à Gönnersdorf, renforcent cette hypothèse 8.
Le gibier
On a vu que le gibier était soit rapporté entier au
campement, soit, surtout quand la chasse avait eu lieu au
loin, dépecé sur place, auquel cas on ne rapportait parfois
que certains quartiers de viande 9. Après avoir dépouillé le
gibier pour en récupérer la peau, on le dépeçait. Il fallait
alors désarticuler les membres de l’animal et éventuellement
séparer la viande des os si l’on voulait désosser les quartiers
de viande avant de les emporter ou de les cuire. Ainsi, les
chasseurs magdaléniens ayant fait halte dans la grotte des
Églises, ont désossé les bouquetins avant d’en emporter
certaines parties, probablement dans la résidence principale
10.
Les multiples stries encore visibles sur les os, les
reconstitutions expérimentales et l’observation au
microscope des tranchants de silex renseignent sur la façon
dont les chasseurs décarnisaient et désarticulaient le gibier.
Ils se servaient en général de lames assez épaisses, parfois
arquées, brutes ou retouchées, dont certaines rappellent nos
couteaux actuels. L’emmanchement de ces outils devait
limiter les risques de se couper. À titre d’exemple, le
dépeçage expérimental d’une hyène à l’aide d’un couteau de
silex — ouverture de l’abdomen et de la cage thoracique
pour l’éviscération, débitage de la carcasse en morceaux,
ablation des membres — n’a pas pris plus de trois quarts
d’heure. Mais les difficultés rencontrées dans
l’expérimentation inciteraient à penser que la même
opération devait être presque impossible sur un grand
animal comme un mammouth ou un rhinocéros11.
Les techniques de boucherie semblent avoir varié selon le
groupe, selon le mode de cuisson et selon que l’on voulait ou
non conserver la dépouille de l’animal. Par ailleurs, des
marques de découpe caractéristiques sur les phalanges
montrent que certains Magdaléniens ont systématiquement
récupéré les tendons des membres inférieurs des animaux
chassés, probablement pour en faire des liens12.
À Verberie, dans l’Oise, les Magdaléniens ont abattu une
trentaine de rennes qu’ils ont rapportés entiers au
campement. Là où ils ont dépecé les carcasses, subsistent
des espaces circulaires relativement vides, correspondant à
l’emplacement de l’animal. Ils sont entourés d’outils
nécessaires à la découpe et d’os abandonnés au moment du
dépeçage car sans intérêt ultérieur : divers os en connexion
tels des tronçons de colonnes vertébrales ou des extrémités
de pattes et des os sans moelle. À Pincevent, les chasseurs
se sont partagé le gibier dès leur retour de la chasse, comme
l’indiquent des fragments du même renne retrouvés dans
trois habitations différentes 13.
Une fois les différents morceaux de viande débités, ils
pouvaient être découpés en quartiers, en filets ou en
lanières, puis on procédait à leur cuisson ou à un traitement
pour leur conservation. La viande pouvait être grillée
directement sur les braises ou bien sur des pierres ou des
galets plats préalablement chauffés dans le feu. Les pierres
qui tapissent le fond de nombreux foyers et que l’on trouve
en abondance aux alentours pourraient avoir servi entre
autres à cet usage. La viande pouvait être rôtie à la broche.
Des fragments non brûlés d’os longs de gros animaux ou de
défenses de mammouths plantés de chaque côté du foyer
dans plusieurs habitations d’Europe centrale et orientale,
comme à Dobranichevka et à Pouchkari I, pourraient avoir
servi de supports de broche ; il en est de même des pierres
assez fréquemment dressées de chaque côté du foyer ou sur
une portion de son pourtour, comme à Pincevent ou aux
Tarterets I dans le Bassin parisien. La découverte de
certains os longs brûlés aux deux extrémités mais non au
centre va dans le sens de cette hypothèse 14.
La cuisson à l’étouffée, pratiquée aujourd’hui en Polynésie,
qui consiste à enterrer des pierres chauffées ou des braises
avec de la nourriture enrobée dans des feuilles, était peut-
être connue. C’est ce que tendraient à prouver certaines
fosses assez profondément creusées dans le sol et aux parois
brûlées, comme à la grotte des Scilles, en Haute-Garonne, où
la fosse était garnie d’un lit de dalles calcaires à son sommet
et à sa base. Dans plusieurs habitations du Paléolithique
supérieur de Kostienki, de petites cuvettes aux parois
brûlées creusées dans le sol à la périphérie du foyer
principal ont pu servir pour cuire des aliments à l’étouffée,
posés sur des braises. Par ailleurs, des foyers fermés par des
plaques dressées sur tout leur pourtour à l’abri du Pré-Neuf,
en Corrèze, ont pu fonctionner à la manière de fours 15. La
cuisson en four semble avoir été connue des Gravettiens de
Dolní Věstonice en Moravie puisque l’un des foyers
contenant de nombreuses statuettes d’argile cuite était
délimité sur trois côtés d’un rempart de terre de 30 à 40 cm
de haut, en forme de faucille et voûté, vestige possible d’un
toit en coupole16. Mais il n’est pas sûr que ce four ait servi à
la cuisson des aliments.
La viande pouvait enfin être bouillie. L’expérimentation a
montré qu’une pièce de viande de 4,5 kg pouvait être
complètement cuite en trois heures et demie, à condition de
maintenir l’eau à ébullition en y plongeant des pierres
brûlantes de temps en temps. Il n’est pas exclu non plus que
certains récipients en matière végétale ou en membrane
animale aient pu être maintenus au-dessus du feu sans
carboniser immédiatement. De nombreux récits historiques
et ethnographiques relatent la façon dont on peut cuire la
viande d’animaux désossés dans leurs propres panses ou
dans leurs estomacs suspendus au-dessus du feu17.
Il était assez fréquent qu’on fracture des os pour en
extraire la moelle. Les os étaient alors brisés et concassés à
l’aide de gros et lourds galets que l’on retrouve parfois,
comme à l’abri de Pont d’Ambon18. La moelle était
systématiquement extraite de la moindre parcelle d’os par
certains groupes de chasseurs récents comme les Eskimos
Nuniamuts. Ces derniers brisaient les os longs pour en
ouvrir la cavité médullaire et consommaient crue la moelle
ainsi extraite. Puis ils fracturaient de nouveau les morceaux
d’os longs et les plongeaient dans de l’eau chaude, pour
obtenir un bouillon. Enfin, ils concassaient les extrémités
d’os longs et les jetaient dans de l’eau bouillante pour en
extraire la moelle qui remontait à la surface. Une étude
comparative des vestiges culinaires abandonnés sur le sol
d’anciens campements Nuniamuts avec ceux de Périgordiens
ayant occupé l’abri du Flageolet I en Dordogne a permis de
conclure que les seconds, comme les premiers, extrayaient
la moelle des os d’herbivores et en faisaient du bouillon. En
témoignent la taille des fragments osseux, leur répartition au
sol et la présence à proximité des foyers de nombreux galets
rougis au feu. Il en est de même à Pincevent et à Verberie,
où tous les os creux ont été consciencieusement et
systématiquement brisés, même les plus petits comme les
phalanges et les extrémités d’os longs. De plus, les crânes de
renne ont été brisés en menus fragments sans doute pour
qu’on puisse en extraire la cervelle. Celle-ci a peut-être été
bouillie, du moins à Pincevent, comme le suggère la
fréquence des fragments crâniens et des dents à proximité
des grands foyers19.
Les fruits de mer
Le transport des coquillages à une certaine distance ne
devait pas poser de problème, du moins en ce qui concerne
les deux espèces consommées les plus fréquemment,
patelles et bigorneaux. En effet, ces mollusques ont
tendance à se coller les uns aux autres, retenant ainsi l’eau
dans la coquille. Les premières peuvent rester hors de l’eau
pendant quinze à vingt jours et les seconds pendant vingt-
trois jours ; ce qui permet leur transport et leur
conservation dans des campements parfois assez éloignés de
la côte 20.
Certains coquillages pouvaient être consommés crus mais
la plupart ont une chair plus tendre une fois cuits. Par
ailleurs, si certains bivalves pouvaient être ouverts en force,
avec un outil plat glissé entre les deux valves, d’autres ne
s’ouvrent que sous l’effet de la chaleur.
Dans de nombreux groupes humains, on se contentait sans
doute de plonger les mollusques dans l’eau bouillante,
comme l’indique le fait que les valves ne portent souvent
aucune trace d’outil ou de calcination. La présence de très
petits coquillages comestibles difficiles à consommer
autrement renforce l’hypothèse de la préparation de
bouillons. Ce qui confirme d’ailleurs que les hommes avaient
les moyens de faire bouillir de l’eau. Il était aussi possible de
chauffer à la vapeur les grands coquillages après les avoir
enveloppés dans des algues. Mais les traces de calcination
visibles sur certaines coquilles, comme à la grotte d’El Juyo,
montrent que certains Magdaléniens préféraient les faire
griller sur des pierres chauffées ou dans la braise21.
Les premiers occupants de la grotte de La Riera semblent
avoir été obligés de casser les coquilles des bigorneaux pour
pouvoir en extraire l’animal avec les doigts. Ce n’est qu’au
Magdalénien supérieur que leurs successeurs eurent l’idée
de les plonger dans l’eau bouillante puis de retirer l’animal à
l’aide d’une petite pointe, sans doute un os d’oiseau ou une
arête de poisson 22. Comme les mollusques, les crustacés
pouvaient être consommés bouillis.
La conservation des aliments
Nous avons vu que les contraintes saisonnières devaient
être fortes et que la nourriture ne devait pas être toujours
très abondante, surtout en hiver. Les hommes avaient donc
tout intérêt à stocker de la nourriture pendant au moins une
partie de l’année en prévision des périodes de disette.
Quelques indices tendent à montrer qu’ils connaissaient un
certain nombre de techniques de conservation des aliments.
La conservation par le froid dans des fosses est possible.
Des silos ont pu être creusés dans les régions très
septentrionales où le sous-sol est gelé en permanence ou
bien en hiver dans les régions plus clémentes. Mais toutes
les fosses connues semblent plutôt avoir servi soit à la
cuisson des aliments, comme à Gönnersdorf, soit au
stockage des os, peut-être en tant que combustible, comme
dans plusieurs sites russes23.
Le boucanage était peut-être déjà connu. En effet, les
foyers dont le fond est tapissé de pierres brûlées ou de
sable, dont nous avons dit qu’ils étaient le témoignage
probable du fumage des peaux, peuvent aussi bien avoir
servi à boucaner la viande ou le poisson. Les Indiens du
Subarctique québécois utilisent de tels foyers pour les deux
opérations. Ils découpent la viande en minces lanières ou en
filets qu’ils déposent sur des perches au-dessus du foyer et
recouvrent d’écorce de bouleau pour faire stagner la fumée
au niveau de la viande24.
À Verberie, la répartition sur le site des couteaux, ainsi
que des côtes, des omoplates, des bassins et des fémurs de
rennes, semble indiquer que les Magdaléniens y ont découpé
de la viande, en lanières ou en filets, peut-être pour la
fumer. De même, pendant plusieurs millénaires, de
l’Aurignacien au Magdalénien, les chasseurs de Solutré ont
abattu une grande quantité de chevaux, puis ils les ont
dépecés sur place et ont laissé derrière eux des foyers très
étendus, contenant d’énormes quantités d’os brûlés, qui ont
pu servir au boucanage de la viande25.
L’extrême rentabilité de la pêche au saumon laisse
supposer que les Magdaléniens connaissaient les moyens de
conserver les stocks de poissons qu’ils avaient constitués. Si
le fumage n’est pas à écarter, le séchage, procédé simple et
également fiable, a probablement été employé. Nous avons
vu que les Magdaléniens de la grotte des Églises et de l’abri
du Bois des Brousses avaient laissé derrière eux les indices
probables du fumage du poisson qu’ils avaient pêché.
Une autre technique de conservation de la viande, connue
des Eskimos Mackenzie et de certaines tribus sibériennes,
consiste à immerger l’animal entier dans l’eau glacée en
lestant son corps de pierres. La découverte, dans les anciens
étangs de Meiendorf et Stellmoor, en Allemagne, de
squelettes de rennes contenant plusieurs lourdes pierres
dans leur cavité thoracique a incité certains à évoquer cette
technique. Pour d’autres, ces rennes étaient des offrandes à
quelque dieu mais, selon des recherches récentes,
l’association des squelettes et des pierres pourrait être
fortuite, les os portent d’ailleurs des traces indiquant que les
animaux ont été partiellement dépouillés et dépecés 26.
Enfin, certains supposent que, puisque la cuisson à la
vapeur était connue, il était facile d’obtenir du sel par
évaporation en faisant bouillir de l’eau de mer. Ils en
déduisent que les hommes pouvaient conserver leurs
aliments par salaison, mais cette hypothèse ne peut guère
être étayée archéologiquement 27.
Nutrition et santé
Sommes-nous en mesure de savoir si les hommes du
Paléolithique supérieur étaient en bonne santé, s’ils
satisfaisaient leurs besoins alimentaires et s’ils souffraient
de maladies particulières, de malnutrition et de carence ?
La longévité est un indicateur relatif de l’état de santé. Si
l’homme de Neandertal ne vivait pas au-delà de quarante-
cinq ans, certains individus des deux sexes du Paléolithique
supérieur ont atteint la soixantaine. Il serait très risqué
d’évaluer l’espérance de vie à partir de l’âge atteint par les
hommes dont on a retrouvé les restes. Tout au plus, peut-on
dire que l’espérance de vie à la naissance était sans doute
relativement faible mais qu’une fois parvenu à l’âge adulte,
un homme en bonne santé pouvait espérer vivre soixante
ans. Par conséquent, ses petits-enfants avaient la possibilité
d’enrichir leurs connaissances en cumulant l’expérience des
deux générations les ayant précédés1.
Les besoins nutritionnels
Il est indispensable de consommer au moins 1,5 litre d’eau
par jour. Une partie de l’eau est apportée par les boissons,
l’autre est contenue dans les aliments ou résulte de leur
cuisson. L’approvisionnement en eau ne devait pas poser de
problème au Paléolithique, les hommes installant souvent
leur campement à proximité de points d’eau.
Les sels minéraux se trouvent dans de nombreux aliments,
en particulier dans certains végétaux, comme les fruits, et il
n’est donc en principe pas nécessaire, comme l’homme
d’aujourd’hui en a pris l’habitude, d’en rajouter dans les
aliments.
Les hommes du début du Paléolithique supérieur
consommaient principalement du gros gibier tout en
complétant probablement leur alimentation carnée avec
quelques plantes sauvages. Mais ce n’est qu’à partir du
Magdalénien qu’ils diversifièrent véritablement leurs menus
en y ajoutant du poisson, des fruits de mer et du petit gibier.
Comme la plupart des chasseurs-cueilleurs vivant dans des
contrées à faible couvert végétal, ils devaient manquer de
glucides. On trouve en effet les glucides à assimilation lente
dans les céréales et féculents, denrées inconnues de
populations ignorant encore l’agriculture. Ils sont peu
abondants dans les végétaux sauvages mais pouvaient se
trouver dans des fèves et certaines racines et tubercules.
Quant aux glucides à assimilation rapide, les hommes
pouvaient s’en procurer en récoltant des fruits sauvages,
baies et airelles, et peut-être du miel. Mais ils ne devaient
satisfaire que partiellement leurs besoins en glucides.
Certains fruits et peut-être des feuilles de salades sauvages
comme la chicorée ou les pissenlits leur fournissaient en
outre les vitamines indispensables.
Pour les lipides, ils trouvaient des graisses insaturées dans
l’huile de poisson et dans la graisse du gibier2. Quant aux
graisses saturées d’origine animale, ils les trouvaient dans
les viandes grasses et dans le lard.
Les chasseurs-cueilleurs paléolithiques ne devaient pas
manquer de protéines animales et de vitamine B. Seuls les
produits laitiers leur manquaient. En revanche, ils ne
devaient guère consommer de protéines végétales, sauf
peut-être s’ils ramassaient des fruits secs comme des noix,
noisettes ou amandes. Les populations côtières
consommaient crustacés et coquillages qui leur apportaient,
entre autres, un apport calorique non négligeable et des sels
minéraux3. Celles vivant loin des côtes consommaient à
l’occasion du poisson. L’analyse isotopique d’os humains
provenant du sud-ouest de la France a permis de déterminer
la part des protéines d’origine terrestre et marine dans
l’alimentation. Elle fait apparaître l’importance croissante de
la consommation de produits de la mer — poissons et fruits
de mer pour les populations côtières, saumons pour celles de
l’intérieur – à la fin du Paléolithique supérieur 4.
Un équilibre difficile
Les glucides, lipides et protides fournissent des calories
dont les besoins varient selon les individus, leur âge, leur
poids et leur genre de vie. On estime les besoins d’un
chasseur-cueilleur à environ 1 300 à 1 600 calories les jours
de repos et 3 600 calories les jours où il chasse5. Or, on sait
que le régime de la plupart des populations vivant
uniquement de la chasse et de la cueillette de plantes
sauvages est déséquilibrée car leur réserve énergétique
provient pour l’essentiel des protides et des lipides.
Si la chasse représente un apport en protéines animales
considérable, la proportion entre lipides et protides peut
varier selon le gibier et la saison de chasse. La
consommation excessive de gibier maigre peut être nocive
pour la santé. Ainsi, les Indiens d’Amérique chasseurs de
bisons abattaient au printemps les mâles, plus gras que les
femelles, épuisées par la gestation ou l’allaitement. De
nombreux exemples ethnographiques montrent que, quand il
a le choix, le chasseur préfère la viande riche en graisse à la
viande maigre.
Le traitement des protéines entraîne en effet une dépense
métabolique supérieure à celle qu’entraîne celui des
glucides ou des graisses. Autrement dit, notre chasseur
ayant besoin de 3 600 calories les jours de chasse et qui ne
disposerait que de viande maigre, serait obligé d’en
consommer environ 2 kg les jours de repos et 3,5 kg les
jours de chasse pour arriver à équilibrer son métabolisme de
base. Une telle consommation de viande finirait par
entraîner l’empoisonnement par les protéines, bien connu
des nutritionnistes, qui se traduit par différents symptômes
pouvant aller jusqu’à la mort. C’est de ce mal que souffrent
les San, chasseurs Bushmen du Kalahari, obligés pour
survivre d’ingurgiter jusqu’à 2 kg de viande maigre par jour
pendant la saison sèche, ce qui ne les empêche cependant
pas de perdre du poids6.
Les Magdaléniens de Pincevent ne semblent guère avoir
souffert de malnutrition. Ils arrivaient à Pincevent en été et y
séjournaient jusqu’au début de la saison froide. Ils y ont
abondamment chassé et consommé le renne. On calcule
qu’ils étaient une quinzaine dans une des habitations —
appelée la section 36 — et qu’ils y ont consommé quarante
rennes en quatre ou cinq mois, ce qui représente une
moyenne d’environ 800 g de viande par jour et par personne,
sans compter les lièvres, les végétaux (feuilles, tiges, fruits
et écorces) et probablement les oiseaux et les poissons.
Même si la consommation de viande a pu être intermittente
et inégale, elle devait être tout à fait suffisante pour vivre7.
Mais on ignore où ces Magdaléniens passaient l’hiver et le
printemps et il est possible qu’ils aient été soumis à des
périodes de déficience alimentaire.
Les chasseurs du Paléolithique devaient en effet présenter
des carences importantes à la fin de l’hiver. Pour y remédier,
ils pouvaient sélectionner le gibier le plus gras, les mâles de
préférence aux femelles chez les ongulés au printemps, ou
bien rechercher un autre gibier aux réserves de graisse
élevées au printemps, comme le castor ou le gibier d’eau. Ils
pouvaient également choisir de n’utiliser que les morceaux
de viande et les os à moelle contenant encore de la graisse.
Chez un animal famélique, la graisse ne subsiste plus que
dans la mâchoire inférieure et dans les os à moelle des
membres inférieurs et des pieds. Or, on a trouvé, par
exemple, à l’abri du Flageolet I, des os de membres
inférieurs fracturés. Une autre solution consistait à
emmagasiner des réserves de graisse avant l’hiver et donc à
s’engraisser en période d’abondance mais aucune preuve de
cette pratique n’existe pour le Paléolithique. Enfin, les
groupes humains pouvaient mettre des provisions de côté
pour l’hiver pendant l’été et l’automne. Il était ainsi possible
de stocker de la viande séchée, de la graisse et peut-être
certaines plantes sauvages. Le choix du stockage devait
alors se porter sur des denrées alimentaires riches en
graisse ou en glucides. Mais il est presque certain que,
même si certains groupes du Paléolithique pratiquaient le
stockage, les réserves d’automne devaient être insuffisantes
pour durer jusqu’à la fin du printemps.
Les Eskimos de l’Arctique se nourrissaient
presqu’exclusivement de viande mais consommaient une
grande quantité de graisse, sans laquelle leur régime
n’aurait pas été viable. Il en était sans doute de même des
chasseurs du Paléolithique en hiver. En plus des variations
saisonnières dans l’alimentation, il existait peut-être des
variations individuelles : il n’est pas certain en effet que
tous les individus du groupe aient bénéficié du même régime
alimentaire. La façon dont se faisait le partage de la viande
au retour de la chasse restera sans doute définitivement
mystérieuse. Il est remarquable que, chez de nombreux
chasseurs-cueilleurs comme les Aborigènes australiens ou
les San du Kalahari, le partage ne se faisait pas n’importe
comment. Les chasseurs se réservaient les quartiers les plus
riches en graisse, tandis que les parties de moindre valeur
nutritive étaient réservées aux femmes 8.
La malnutrition
Les hommes du Paléolithique supérieur ne semblent pas
avoir souffert de carence majeure. Ils trouvaient des
vitamines dans leurs aliments et ne manquaient pas de sels
minéraux, en particulier de fluor et de calcium, comme
l’attestent l’absence de carie sur leurs dents, ainsi que
l’absence de traces d’ostéoporose et la robustesse de leur
squelette. Ils ne souffraient pas non plus de rachitisme et
n’avaient donc pas de carence en vitamine D, qu’ils
trouvaient notamment dans l’huile de foie de poisson. Il se
pourrait même, à en croire les nutritionnistes, qu’ils aient eu
une alimentation plus équilibrée que la nôtre, le plus souvent
trop calorique et trop riche en cholestérol9.
Curieusement, l’homme de Cro-Magnon surpassait en
moyenne d’un bonne dizaine de centimètres l’agriculteur du
Néolithique, gros consommateur de céréales. Ce dernier
souffrait de dénutrition due à un double déficit protéino-
calorique. Grâce à la surconsommation de protéines
animales, nous avons aujourd’hui retrouvé la taille de nos
ancêtres Cro-Magnon, qui se nourrissaient pourtant de
viande d’animaux sauvages bien plus pauvre en graisses que
nos animaux élevés industriellement. Mais c’est précisément
la surconsommation de graisses saturées qui est responsable
des maladies actuelles ignorées de nos ancêtres. En effet, si
ces derniers ont certainement connu des périodes de disette,
ils ne souffraient en tout cas pas de maladies cardio-
vasculaires, d’athérosclérose coronarienne ou cérébrale,
d’obésité, de diabète ou encore d’hypertension10...
Si l’état de santé de l’homme du Paléolithique supérieur
est en général satisfaisant, il semble s’être légèrement
dégradé de l’Aurignacien au Magdalénien, du moins dans le
sud-ouest de la France, comme l’attestent certains
indicateurs de santé tels les accidents de croissance de
l’émail des dents. Cette détérioration pourrait être due à une
augmentation excessive de la densité de la population, qui
aurait entraîné une diminution des ressources alimentaires
disponibles11.
Si l’on rapproche les peuples chasseurs du Paléolithique
de populations économiquement comparables, vivant encore
ou ayant vécu récemment de la chasse et de la cueillette12,
on constate que, comme ces dernières, ils semblent s’être
parfaitement adaptés à leur environnement. La gamme de
nourriture potentielle, relativement large, devait être
abondamment exploitée, les denrées les moins appréciées
étant sans doute réservées aux périodes de pénurie. Le
régime alimentaire était équilibré dans la mesure où les
besoins nutritionnels de base étaient apparemment satisfaits
même si dans certains cas la part animale de l’alimentation
était beaucoup plus importante que la part végétale. Comme
chez les chasseurs-cueilleurs récents, les besoins minimaux
en protéines, glucides, graisses, minéraux et vitamines
devaient être satisfaits et la malnutrition devait être rare.
Seuls les groupes dont l’environnement procure des
ressources alimentaires peu denses et peu variées, comme
c’est le cas pour les Eskimos, ont connu des périodes de
disette. De même, la faim a toujours été une cause de
mortalité exceptionnelle chez les peuples de chasseurs-
cueilleurs, sauf précisément dans les régions arctiques où
les groupes humains étaient plus souvent confrontés à de
gros déficits, et on peut supposer que le manque de
nourriture était peu fréquent au Paléolithique.
Les maladies
Parmi les maladies dont souffraient les hommes de la
préhistoire, seules celles qui laissent des traces sur le
squelette nous sont connues. Ainsi, le « vieillard » de l’abri
de Cro-Magnon semble avoir souffert d’actinomycose
osseuse, maladie parasitaire que l’on peut attraper au
contact de graminées parasitées. Certains individus, comme
les hommes de Cro-Magnon et de Chancelade, étaient
affligés de cervicarthrose tandis qu’un autre, l’homme de
Combe Capelle, souffrait d’une scoliose prononcée. De telles
lésions témoignent d’une vie relativement sédentaire, ou en
tout cas casanière, et de stations fréquentes en position
assise. Comme de nos jours, il arrivait aux hommes de
souffrir de maux de dent ; plusieurs infections dentaires ont
en effet entraîné une lésion de la mâchoire et la chute de la
dent, comme sur un adulte de la grotte du Placard.
D’autres personnes ont subi de légers traumatismes mais
s’en sont remis. Ainsi, un habitant de l’abri de Cro-Magnon
s’est fait une entorse au niveau du coude-pied ; un autre, de
l’abri de Chancelade, a souffert d’une fracture du crâne dans
l’enfance qui s’est consolidée sans laisser de séquelle
importante. Le même individu vivait avec une luxation de
l’épaule non réduite qui devait considérablement le gêner.
Une femme d’une trentaine d’années qui vivait à la grotte du
Placard, en Charente, avait, elle aussi, subi une fracture du
crâne qui s’était cicatrisée, de même que deux adultes
habitant à Dolní Věstonice, guéris de blessures au front.
Certaines personnes présentaient une malformation,
comme le même homme de Chancelade, qui avait un orteil
en position d’hallux valgus, l’enfant de cinq ans de l’abri
Pataud qui portait une molaire inversée, et une jeune fille du
même abri qui possédait deux dents surnuméraires. Ces
maladies, petits incidents de la vie courante ou infirmités
plus ou moins graves, sont peu différents de ceux de nos
contemporains.
La jeune femme enterrée en compagnie de deux hommes à
Dolní Věstonice, en Moravie, présentait une asymétrie du
front et des membres inférieurs ainsi qu’une scoliose
prononcée. Ces anomalies, probablement les séquelles d’une
grave maladie cérébrale contractée pendant la petite
enfance, devaient se traduire par une paralysie faciale et un
boitement prononcé. L’enfant de deux ans et demi à trois ans
de Rochereil était atteint d’hydrocéphalie 13.
Si certaines maladies chroniques ou même des
malformations génétiques existaient comme dans toutes les
populations humaines, on ignore quel était le sort réservé à
ces personnes incurables, abandonnées ou tuées dans
certaines populations, dans l’Arctique en particulier. Les
maladies chroniques, spécialement celles associées au grand
âge, semblent avoir été peu fréquentes, comme chez les
peuples de chasseurs-cueilleurs récents, sans doute parce
que les hommes mouraient avant.
Les causes de mortalité
À de rares exceptions près, les causes de la mort ne sont
pas décelables sur le squelette. À Laugerie-Basse, la
déformation de certains os d’un individu semble suggérer
qu’il a été écrasé. À Grimaldi, un enfant a été transpercé par
une pointe de silex qui est allée se ficher dans une vertèbre
dorsale, ce qui a probablement provoqué sa mort. C’est le
seul cas de mort violente connu au Paléolithique, celle-ci
étant beaucoup plus répandue à partir du Mésolithique puis
du Néolithique. Une adolescente de quinze à dix-huit ans,
qui vivait à l’abri Pataud, présentait des lésions infectieuses
graves sur les racines de plusieurs dents, infection dentaire
qui a pu entraîner une septicémie mortelle. Dans le même
abri, une jeune femme morte de causes inconnues avait ses
restes osseux intimement mêlés à ceux d’un bébé de quatre
mois14. Le rapprochement entre les deux corps pourrait
indiquer que l’enfant, privé de sa mère, n’a pu lui survivre et
est allé la rejoindre. Mais comme la présence d’une
sépulture n’a pu être clairement démontrée, il est possible
aussi que la mère soit morte avec l’enfant dans les bras à cet
endroit précis et ait été recouverte naturellement par la
poussière du temps.
On sait que les morts accidentelles ou traumatiques sont
très fréquentes chez les peuples vivant de la chasse et de la
cueillette. Ainsi les morts par noyade, par brûlure, par le
froid et les accidents de chasse étaient monnaie courante
chez les Eskimos et d’autres peuples polaires ou subpolaires.
D’autres causes de mortalité violente existaient sans doute
mais sont difficiles à mettre en évidence. La prédation par
d’autres animaux, rare aujourd’hui chez les chasseurs-
cueilleurs, a pu être plus importante alors. De même, une
mortalité d’origine sociale a pu aussi exister, due par
exemple au cannibalisme, à l’infanticide, au sacrifice, au
géronticide..., toutes pratiques abondamment attestées chez
les sociétés de chasseurs-cueilleurs au moment du contact
avec les premiers Occidentaux15.
L’habitation
Bien avant le Paléolithique supérieur, les hommes surent
se protéger des intempéries en aménageant les abris offerts
par la nature ou en construisant des huttes, des cabanes ou
des tentes. Les premiers campements organisés font leur
apparition il y a 500 000 à 300 000 ans, à peu près en même
temps que l’usage du feu.
Les hommes qui campèrent à plusieurs reprises à Terra
Amata, il y a 380 000 ans, y construisirent des cabanes
ovales à l’aide de piquets biseautés plantés dans le sol et de
blocs de pierre calant l’ensemble. Ils protégeaient le feu
allumé au centre de la hutte par une murette de pierres. De
même, il y a 350 000 ans, les habitants du Mas des Caves,
dans l’Hérault, aménagèrent leur habitation, comme le
révèlent des accumulations de branchages ou de graminées,
des fosses, des murs de pierres et des alignements de blocs,
des foyers, les traces du calage des poteaux et le pavage du
sol.
Très tôt, les hommes prirent l’habitude de répartir l’espace
qu’ils occupaient en aires dont chacune était réservée à une
activité particulière. On le voit par exemple dans la façon
dont, il y a 130 000 ans, les occupants de la grotte du
Lazaret avaient aménagé l’espace intérieur de leur cabane
adossée à une des parois internes de la grotte. Ils taillaient
leur outillage de pierre et dépeçaient le gibier toujours au
même endroit ; ils se réunissaient autour de foyers fixes et
se reposaient sur des litières faites de brassées d’algues1.
Les hommes du Paléolithique supérieur ont su aménager
et organiser leur habitat de façon très variée, en fonction de
leurs habitudes culturelles et de leurs besoins.
Camp de base ou halte temporaire
L’effort d’aménagement de l’habitation variait selon son
usage et la durée du séjour. Les campements de base se
distinguent aisément des simples haltes occasionnelles.
Tous les membres du groupe résidaient dans des camps
saisonniers ou permanents. Ces camps pouvaient regrouper
plusieurs habitations pour former de véritables petits
villages, comme à Pincevent où onze tentes étaient occupées
simultanément. Certains lieux particulièrement favorables
furent fréquentés à certaines saisons pendant des milliers
d’années. C’est le cas de nombreux abris sous roche de
Dordogne, comme ceux de La Ferrassie, de Laugerie-Haute
ou du Flageolet, où l’épaisseur des dépôts archéologiques
atteint plusieurs mètres.
À l’inverse, il pouvait arriver que le groupe ou quelques-
uns de ses membres partis en expédition dressent des
campements pour un court séjour. Ce type de refuge pouvait
servir d’atelier de débitage ou de dépeçage, de halte de
chasse ou encore de bivouac en grotte à quelque artiste
venu décorer les parois.
Ainsi, à la grotte des Églises, les Magdaléniens venus au
début de l’hiver chasser le bouquetin et le lagopède et
pêcher le saumon, restaient chaque fois trop peu de temps,
quelques jours ou quelques semaines, pour prendre la peine
d’aménager leur habitat. Ils s’installaient donc
indifféremment sur le sable ou le cailloutis, dans un coin
reculé de cette vaste caverne. Tout juste creusaient-ils
quelques trous pour ensevelir leurs détritus. La faible
étendue de l’habitat, le petit nombre d’outils abandonnés,
l’absence d’aménagement — à l’exception des foyers —
indiquent un abri précaire et peu confortable 2. On y imagine
assez un groupe de chasseurs ayant quitté temporairement
le camp de base, laissant femmes et enfants dans une région
plus clémente.
Les chasseurs qui ont fréquenté Solutré pendant des
millénaires n’y ont jamais vécu. Ils y abattaient le gibier sur
place, puis le dépeçaient et peut-être le boucanaient avant
de l’emporter dans l’habitation principale 3.
Choix de l’emplacement du camp de base
Les plateaux les plus septentrionaux, battus par des vents
glacés en hiver, formaient des étendues dénudées et
inhospitalières que les hommes ne parcouraient
probablement que pour chasser. Ils dressaient leurs
campements dans des vallées au climat plus favorable et
choisissaient leur emplacement en fonction de la proximité
de l’eau et de celle du gibier. On s’installait donc de
préférence en bordure de rivière ou non loin d’une source.
Point de rencontre des animaux venant se désaltérer ou
passage obligé des troupeaux migratoires, la rivière
présentait en outre l’avantage de favoriser le repérage du
gibier. La présence d’un gué ou le resserrement de la vallée
à peu de distance facilitait elle aussi la chasse ou tout
simplement le franchissement de la rivière4.
Les places surélevées permettaient d’éviter les crues et
offraient de surcroît à la vue un vaste territoire, ce qui
améliorait l’observation des mouvements du gibier, peut-être
aussi celui d’autres hommes. Ainsi, les Solutréens installés à
Fressignes, dans l’Indre, ont choisi un lieu qui domine la
Creuse d’une cinquantaine de mètres, dans un double
méandre profondément encaissé. L’endroit devait être idéal
pour repérer le gibier, chasser dans la vallée et pêcher dans
les rapides. De même, les habitants de la vallée de l’Isle, en
Dordogne, ont installé leurs cabanes au bord de la rivière et
sur les terrasses surplombant la vallée. Certains n’hésitaient
pas à dresser le camp au sommet des collines peu élevées et
plus ou moins vallonnées. Quel que soit l’endroit, ils
choisissaient toujours des surfaces relativement planes 5.
En Europe du Nord et de l’Est, les hommes ont également
volontiers choisi de s’installer dans les hautes vallées des
massifs de moyenne altitude comme à Gönnersdorf, en
Rhénanie, où le campement a été dressé sur un petit
promontoire adossé à un relief et protégé des vents,
dominant le Rhin d’une quarantaine de mètres6.
La proximité d’une bonne source de matière première utile
à la fabrication des armes et des outils pouvait aussi
déterminer le choix de l’installation du campement. Ainsi, les
Magdaléniens d’Étiolles ont certainement choisi leur
implantation dans cette partie de la vallée de la Seine car ils
pouvaient y exploiter un bon silex tertiaire fraîchement
déchaussé de sa gangue d’argile par l’action des petits
affluents de la Seine qui dévalaient du plateau du Sénart.
Quant aux Magdaléniens qui venaient chasser à l’automne
aux abords de Verberie, ils ont choisi de s’installer à
l’intersection de la route migratoire des rennes et d’une
section de la vallée où affleurait un silex de bonne qualité7.
Grottes, abris sous roche ou habitats de plein
air
Aux cavernes sombres et humides, les hommes préféraient
les surplombs rocheux des abris sous roche, les entrées de
grotte ou les grottes peu profondes largement ouvertes sur
l’extérieur. Mais ils vivaient beaucoup plus souvent dans des
habitats de plein air qu’en grotte ou sous abri pour la bonne
raison que de nombreuses régions n’offrent pas d’abri
rocheux naturel.
Les hommes du Paléolithique ont rarement vécu au fin
fond des grottes. Sauf exception, ils préféraient séjourner à
l’entrée, dans des zones encore éclairées par la lumière du
jour, et ce, dès le Paléolithique inférieur. Il en fut ainsi dans
la grotte du Mas des Caves où les hommes ne s’abritèrent de
toute façon que la nuit ou pendant les périodes de mauvais
temps et dans celle du Lazaret, où ils s’installèrent près du
porche. De même, la grotte Vaufrey qu’ont fréquentée
sporadiquement des groupes de chasseurs de 300 000 à 60
000 ans, est largement ouverte sur l’extérieur et bénéficie de
la lumière du jour8.
Au Paléolithique supérieur, les cavernes servaient plutôt
de campements de chasse, comme à la grotte des Églises, où
l’homme pouvait se réfugier par mauvais temps ou la nuit,
lorsqu’il devenait impossible de circuler dans les montagnes.
Comme aux époques précédentes, les parties communément
occupées pour vivre étaient généralement proches de
l’entrée et éclairées naturellement ou situées dans une
relative pénombre. Le cas de la salle du Fond de la grotte
d’Enlène, en Ariège, située à près de 200 m de l’entrée, et
longtemps occupée par les Magdaléniens, est tout à fait
exceptionnel.
Quant aux grottes ornées, elles n’étaient presque jamais
habitées. Lorsque c’était le cas, leurs occupants prenaient
soin d’installer leur campement ailleurs que dans la zone
ornée. Ainsi, les Magdaléniens qui vivaient dans la grotte
espagnole de Tito Bustillo, entre 14 000 et 11 000 ans,
résidaient sous le porche de l’entrée de la grotte, mais ont
bivouaqué au pied même des panneaux peints et gravés, le
temps de leur réalisation. Leur vie quotidienne se déroulait
dans l’habitat de l’entrée, où ils confectionnaient des armes,
des ustensiles domestiques, des parures, consommaient la
chair des cerfs et des bouquetins chassés, celle des poissons
capturés dans l’estuaire et divers fruits de mer. Ils se
réunissaient autour du feu, dormaient, etc. Ils préparaient
aussi le matériel de peinture destiné à décorer les parois de
la grotte, coquilles creuses pour transporter la peinture,
palettes pour effectuer les mélanges, et taillaient des
fragments de colorant en crayons... Au pied du grand
panneau décoré, à plus de 150 m de l’entrée de la grotte, ils
ont allumé un grand feu, sans doute pour s’éclairer, et ont
consommé plusieurs repas, surtout composés de viande de
bouquetin. Ils ont réaffûté les burins de silex utilisés pour
graver la paroi et, en réalisant les peintures, ont laissé sur le
sol de nombreuses taches de colorant. Ils passaient donc des
journées entières sur le lieu même de leur labeur et ne
retournaient même pas à l’habitat principal pour prendre
leurs repas9.
Les abris sous roche, les entrées de grotte et les grottes
peu profondes constituaient des refuges efficaces contre les
intempéries et pouvaient être aménagés à peu de frais, en
utilisant la paroi naturelle. Si l’endroit leur plaisait, les
hommes y revenaient régulièrement, comme les
Châtelperroniens installés dans la grotte du Renne à Arcy-
sur-Cure, qui ont construit à plusieurs reprises des
habitations circulaires à l’entrée de la grotte, sur le talus
abrité à l’époque par un auvent, à peu près à chaque fois au
même emplacement 10.
Mais tous les abris ne faisaient pas forcément l’affaire. En
Dordogne, où les cavités karstiques abondent, les hommes
ont presque systématiquement choisi de dresser leurs camps
le long d’affleurements rocheux et au pied de falaises
orientés au sud, sans doute pour se protéger des vents
dominants soufflant du nord et de l’ouest et pour bénéficier
d’un meilleur ensoleillement. On pouvait ainsi prolonger
jusqu’à la tombée de la nuit des tâches minutieuses
nécessitant une bonne lumière mais surtout ces abris bien
ensoleillés emmagasinaient la chaleur solaire pendant la
journée pour la restituer lentement la nuit. Ces lieux étaient
aussi plus secs à cause du taux d’évaporation plus élevé, ce
qui devait faciliter certaines opérations comme le séchage
des peaux ou de la viande et ajouter au confort de
l’habitation11.
On doit au hasard des découvertes que les habitats sous
abri et en entrée de grotte soient beaucoup plus connus que
les habitats de plein air, trouvés plus récemment. Quand ils
avaient le choix, les hommes accordaient plus d’importance
à l’orientation du site et à la proximité d’une rivière qu’à la
présence d’une paroi rocheuse. Ainsi, en Dordogne, ils ont
dédaigné les abris orientés au nord et ouverts au vent et à la
pluie, et préféré construire des huttes ou des tentes en plein
air sur des terrains sableux et plats mais sur des versants
bien orientés. La localisation de la porte sur le côté sud des
huttes, comme à Plateau Parrain et Corbiac n’est d’ailleurs
peut-être pas due au hasard12.
Construction de l’habitation
Que ce soit en plein air, sous abri rocheux ou en entrée de
grotte, les hommes construisaient des habitations bien
adaptées à l’environnement. Forme, dimension et matières
premières dépendaient des matériaux disponibles et
variaient selon les régions et les époques, peut-être même
selon les saisons.
Après avoir choisi un emplacement, il convenait de
préparer l’espace à aménager. Les occupants aurignaciens
de la grotte Morin l’ont vidée des vestiges des occupations
antérieures qui l’encombraient et ont nivelé le sol en le
surcreusant légèrement, délimitant ainsi la surface qui leur
convenait. Les cabanes semi-enterrées ne sont pas rares,
aussi bien en Europe occidentale qu’en Europe centrale et
orientale. Dans la grotte de Cassegros, le sol très inégal que
les Magdaléniens ont rencontré comportait des fissures et
même un entonnoir karstique. Ils les ont comblés par des
blocailles en prenant soin de laisser des vides pour assurer
le drainage de l’eau d’infiltration. Puis ils ont disposé sur les
blocs un dallage fait de fragments de plancher stalagmitique
très plats et recouvert l’ensemble d’ocre rouge 13.
Les Magdaléniens ayant vécu dans la vallée de l’Isle, en
Dordogne, ont pavé de galets le sol de leurs cabanes, sans
doute pour s’isoler du froid et de l’humidité et pour éviter la
formation d’une couche de boue. Ils ont parfois chauffé les
galets avant leur mise en place, peut-être pour amollir le sol
gelé. Ils ont aussi creusé des caniveaux pour évacuer les
eaux de pluie et ajouté parfois du sable pour parfaire
l’assainissement et régulariser la surface de l’ensemble. À
Moravany-Zakovska, en Slovaquie, les Gravettiens ont
construit et à demi enterré une structure en bois
rectangulaire de 8 m sur 4, composée de poutres
entrecroisées qu’on a retrouvées carbonisées qui pourraient
être les restes d’un plancher d’habitation14.
Le sol était quelquefois couvert d’ocre, comme à
Pincevent. Jadis considérée comme témoin d’un acte de
purification rituelle des lieux, l’ocre était plus
vraisemblablement destinée à assainir les sols ou résultait
d’une activité technique. La dernière hypothèse est la plus
probable étant donné l’intensité variable des nappes d’ocre
rouge, qui semble aller de pair avec l’intensité des activités
exécutées15. Parfois, le sol de l’habitation n’a pas été
aménagé ; il se distingue uniquement par le fait qu’il a été
durci par le piétinement et qu’il est circonscrit par une
couronne de pierres ou de galets, comme dans les cabanes
d’Arcy dont l’intérieur a visiblement été balayé
régulièrement.
Quelquefois était aménagée une porte, pas toujours aisée à
localiser. Dans une des cabanes de la grotte du Renne, elle a
été repérée grâce à l’interruption de la couronne de pierres
et au tassement du sol qui se prolongeait vers l’extérieur à
cet endroit. L’une des cabanes de Kostienki I se terminait
par une entrée étroite en gradins, deux omoplates et une
défense de mammouth retrouvés à proximité, et qui servait
peut-être à obturer l’entrée. Les tentes de Pincevent ne
possédaient qu’une entrée tandis que celles d’Étiolles
présentaient au moins deux issues, peut-être trois. L’une des
huttes de Gönnersdorf avait son ouverture principale
prolongée par un couloir intérieur dallé, sorte de sas
probablement fermé à ses extrémités comme le suggère la
présence de trous de poteaux. Une seconde ouverture,
orientée face aux vents dominants, servait peut-être à
assurer le tirage du foyer16.
La forme des habitations est connue grâce aux
alignements des pierres, des os ou des trous des poteaux qui
permettaient de fixer la charpente. L’inclinaison des trous de
piquets ou des éléments de blocage permet en outre de
préciser si les murs étaient obliques ou verticaux. Les huttes
circulaires ou ovales à leur base avaient une forme conique,
en dôme, ou, plus rarement, rappelant celle des yourtes,
comme les grandes cabanes de Gönnersdorf aux parois
verticales et à poteau central. Les cabanes à plan
quadrangulaire semblent avoir eu généralement des parois
verticales mais la forme de leur toit est inconnue.
Huttes et cabanes étaient des constructions lourdes,
probablement inamovibles tandis que les tentes avaient au
moins une couverture transportable. Les hommes vivant à
l’ouest de l’Europe utilisaient le bois et les pierres, tandis
qu’en Pologne, en Moravie ainsi que dans la plaine russe et
ukrainienne, où le bois était plus rare, ils utilisaient des os
de grande taille pour renforcer l’armature des huttes 17.
Considérons le cas des habitations construites en partie
avec des os et des défenses de mammouths. La plupart
d’entre elles étaient rondes mais quelques-unes, de forme
allongée, réunissaient plusieurs foyers, comme à Pouchkari
I. Certaines maisons rondes étaient de petite taille et semi-
enterrées, comme à Kostienki I, où toute une série de
cabanes profondes de 80 cm à 1,20 m et mesurant 2 à 4 m
de diamètre formaient un véritable village, disposées selon
un plan ovale tout autour d’une rangée rectiligne de foyers.
Des os ou des défenses disposés en faisceau formaient leur
toit18.
D’autres cabanes construites à même le sol mesuraient
environ 5 m de diamètre, parfois plus, comme celle de
Kostienki XI, qui atteignait 8 m. Une couronne de grands os
de mammouths, souvent des crânes tournés vers l’intérieur,
formait la base des murs. À Mezirich, en Ukraine, où il aura
fallu pas moins de cent cinquante squelettes de mammouths
pour construire quatre cabanes, le mur de soutènement est
formé, dans un cas, de quatre-vingt-quinze mandibules
emboîtées les unes sur les autres en vingt-quatre colonnes,
dans un autre, d’os longs alignés verticalement et parfois
plantés dans les crânes. D’autres os, tels que des fragments
de colonne vertébrale, des crânes ou des omoplates
renforçaient l’ensemble. La recherche d’une certaine
esthétique dans l’agencement de ces étranges éléments
d’architecture est indéniable. À Ioudinovo par exemple, les
fragments de colonne vertébrale alternent avec les crânes,
tandis que l’une des cabanes de Mezirich présente des séries
d’ossements qui se répètent rythmiquement et d’autres
disposées en miroir.
La coupole formant le toit de ces maisons était soutenue
par des défenses entières assemblées ou par des perches de
bois. Les hommes perforaient assez fréquemment des os
plats – os du bassin et omoplates – peut-être pour les fixer
par un lien ou pour y ficher des branches, afin de consolider
la charpente des plus grandes de ces huttes avec du bois. Le
tout était recouvert de peaux parfois maintenues par des
ramures de rennes entrecroisées et peut-être coiffé d’un
bourrelet de terre destiné à assurer étanchéité et stabilité à
la construction 19.
L’utilisation d’ossements et de défenses comme éléments
d’armature n’était pas tout à fait inconnue dans nos
contrées, comme en témoignent les huttes de 3 m de
diamètre de la grotte du Renne, où quelques défenses de
mammouths plantées dans le sol ont contribué à la
construction de l’armature. Mais les hommes de l’ouest de
l’Europe pouvaient obtenir facilement des perches en
abattant de gros arbres grâce à l’entretien d’un feu à leur
base. Ils construisaient des habitations de forme variée. Les
Aurignaciens de la grotte de La Salpêtrière y avaient
construit une cabane carrée ou rectangulaire dont les
poteaux de soutènement étaient verticaux. Les
Magdaléniens de la vallée de l’Isle avaient eux aussi des
cabanes carrées et rectangulaires comme l’indique la forme
du pavage. Les Gravettiens de La Vigne Brun habitaient
dans des huttes circulaires semi-enterrées comparables à
certaines habitations de Mal’ta et de Dolní Věstonice ; elles
étaient bordées d’une couronne de blocailles renforcée par
un bourrelet de terre, sans doute destiné à maintenir la
charpente20.
Les Magdaléniens de Pincevent vivaient dans des tentes
coniques plus légères, sortes de tipis d’environ 3 m de
diamètre. Là, les poteaux n’ont pas été enfoncés mais les
détritus gisant sur le sol des habitations ont peu à peu été
repoussés le long des parois pour former des bourrelets qui
témoignent aujourd’hui de l’existence d’une ancienne paroi
souple de forme arrondie. Cette paroi, en peau ou en écorce,
était maintenue en place par un bourrelet de limon, système
très efficace et attesté ailleurs. À Étiolles, ce sont de grandes
dalles et des blocs qu’on a utilisés pour caler les perches
soutenant deux tentes de 6 m de diamètre à leur base21.
Lorsque les hommes s’installaient contre une paroi
rocheuse, ils y adossaient leur cabane, comme l’ont fait les
Solutréens installés dans l’abri du Fourneau du Diable, en
Dordogne, et les successeurs gravettiens des habitants de la
grotte du Renne. Les Périgordiens qui ont occupé l’abri du
Flageolet I ont vécu dans l’espace habitable délimité par la
falaise et de gros blocs rocheux plus ou moins alignés,
tombés de la voûte à 4 ou 5 m du pied de cette même falaise.
Ils ont creusé des cupules de 15 cm de diamètre dans un
énorme bloc, sans doute pour caler des troncs d’arbres
appuyés contre la paroi et destinés à servir de charpente à la
couverture. La délimitation de la surface habitable était
immuable du fait de l’énormité des blocs qui émergeaient du
sol et les occupants de l’abri organisaient l’espace de la
même façon à chaque nouvelle occupation saisonnière 22.
Une fois la charpente dressée, on y tendait des peaux ou
on y fixait une couverture faite d’écorce ou de branchages.
Les groupes qui chassaient intensivement le renne utilisaient
probablement les peaux de rennes qu’ils devaient
transporter à dos d’homme quand ils déménageaient. On
peut en déduire que les peaux n’étaient pas toutes cousues
ensemble, car une couverture trop grande aurait été
beaucoup trop lourde. Pour couvrir une tente conique de 3 à
4 m de diamètre et de près de 3 m de hauteur, comme celles
de Pincevent, il ne fallait pas moins de trente-cinq peaux de
rennes. Une fois assemblées, les peaux résistaient
parfaitement aux intempéries et constituaient même un
remarquable isolant thermique, comme on a pu le vérifier
par des expérimentations. Les chasseurs de Gönnersdorf ont
dû utiliser une quarantaine de peaux de cheval pour couvrir
chacune de leurs grandes huttes. Ces peaux, plus
nombreuses et beaucoup plus lourdes que celles de
Pincevent, pesaient en tout 240 kg et ne pouvaient guère
être transportées. Il faut donc supposer que les hommes les
laissaient sur place et ne démontaient pas les huttes entre
chaque séjour 23.
Les hommes du Paléolithique supérieur devaient décorer
l’intérieur de leurs habitations mais l’existence de telles
décorations intérieures a rarement pu être prouvée. À
Mezirich et Mezine, ils ont orné des omoplates, fémurs,
bassins et mandibules de mammouth formant partie de la
base et de la charpente des huttes de motifs géométriques,
méandres et zigzags, peints à l’ocre rouge 24. Les hommes se
sont parfois installés au pied d’abris peints et gravés, comme
à Angles-sur-l’ Anglin, ou ont utilisé des blocs sculptés pour
bâtir leur habitation, comme les Solutréens du Fourneau du
Diable.
Ils aménageaient quelquefois les pourtours de leurs
habitations. À Eliseevitch, une enceinte entoure le
campement, tandis qu’à Dolní Věstonice, c’est un enclos fait
d’ossements dressés et peut-être un paravent de branchages
25. On creusait assez souvent des fosses autour des

habitations, pour enfouir les détritus ou pour stocker des


matériaux de construction, du combustible ou de la
nourriture. Mais les aménagements annexes les plus
fréquents étaient les foyers à usages variés, mesurant de
quelques centimètres à plus de 2 m, plus ou moins
construits, selon les besoins.
Aménagement du campement
Un grand nombre de faits et gestes de la vie quotidienne
ont définitivement disparu sans laisser aucune trace. On
peut supposer que les hommes dépeçaient le gibier,
fabriquaient et réparaient leurs armes et leurs outils, que les
femmes cuisinaient et travaillaient les peaux, tandis que les
enfants jouaient et parfois s’occupaient du feu ; tous allaient
et venaient d’une tente à l’autre, mangeaient, dormaient...
Certaines de ces activités peuvent être reconstituées grâce à
des indices souvent ténus que seule une bonne qualité de la
fouille et de l’enregistrement des vestiges peut permettre de
déchiffrer. Par exemple, le passage répété d’individus à un
même endroit pourra être repéré grâce à l’alignement des
vestiges repoussés par les pieds.
Les nombreux campements que l’on a retrouvés
présentent tous une organisation spécifique. Des aires y sont
nettement réservées à certaines activités, parfois même
séparées par des cloisons en os ou en pierres. Nous allons
examiner plus particulièrement cette organisation dans les
campements magdaléniens de Pincevent et d’Étiolles, en
raison de la richesse et de la qualité de l’information
archéologique. On a vu que les habitants de Pincevent se
consacraient à la chasse intensive du renne. Le campement
des Magdaléniens d’Étiolles semble pour sa part avoir été un
lieu de préparation des armes de chasse. On y produisait de
très grandes lames, utilisées ailleurs puisqu’on ne les a pas
toujours retrouvées, et il arrivait aussi qu’on y fabrique ou
répare des sagaies barbelées 26.
Dans les deux camps, chaque tente possédait son foyer
principal. À Pincevent, le foyer, placé à la limite de la tente,
était à l’extérieur quand la tente était ouverte et à l’intérieur
lorsqu’on la fermait. Qu’il ait été disposé devant l’entrée
comme à Pincevent ou au milieu de la tente comme à
Étiolles, le feu était le centre de toutes les activités, sans
doute parce qu’il procurait lumière et chaleur. Les foyers
domestiques étaient pour la plupart creusés en cuvette et
ceints d’une bordure de pierres. À Étiolles, la sole en était
parfois dallée et on allumait le feu sur le dallage. Comme il
n’y avait le plus souvent qu’un seul foyer par habitation,
celui qui fabriquait ou réparait les armes et les outils
côtoyait la personne chargée de préparer les repas. Il
arrivait cependant qu’il y ait deux ou trois feux dans la
même tente, comme dans une des habitations de Pincevent
où l’un était plutôt réservé à la cuisine, tandis que les deux
autres étaient liés à l’artisanat27.
Le cuisinier ou l’artisan installait volontiers, juste à côté du
feu, un gros bloc de pierre qui lui servait de siège ou de
table de travail. C’est aux abords de ces foyers principaux
qu’on découpait la viande, qu’on concassait les os pour en
extraire la moelle et qu’on cuisait les repas, comme en
témoignent les couteaux de silex usagés, les fragments
osseux brûlés ou présentant des traces de coup ou de
découpe qui gisaient tout alentour, ainsi que les pierres
chauffées qu’on a utilisées pour griller la viande ou faire
bouillir de l’eau.
On y effectuait d’autres activités comme des travaux de
couture ; certaines requéraient l’usage de l’ocre comme
l’indique le fait que cette zone est dans certains cas teintée
d’ocre rouge. Il pouvait s’agir de la teinture de hampes de
bois, la peinture sur écorce ou la finition de morceaux de
peaux destinés à être assemblées. Le feu était indispensable
à certaines opérations : il fallait chauffer les baguettes en os
que l’on voulait redresser, fondre le mastic pour récupérer la
hampe d’une sagaie brisée ou encore chauffer le colorant
que l’on voulait rougir... C’est là aussi que se faisait le
montage ou le remplacement des barbelures des sagaies,
comme en témoignent les nombreuses lamelles à dos
disséminées sur le sol. Si l’on en juge par ce qu’il en reste,
cet espace devait être relativement encombré. Des paniers
de natte tressée, des récipients ou des sièges en écorce, en
cuir ou en bois étaient posés à côté des foyers28.
Le tailleur de silex s’installait lui aussi à proximité du feu,
pour bénéficier de sa chaleur et peut-être pour chauffer le
silex. L’expérience montre en effet que, par temps froid, le
tiédissement des blocs de silex, en prévenant l’onglée des
tailleurs, en facilite la manipulation. Il débitait des lames,
fabriquait de nouveaux outils, réparait ou transformait les
anciens. Tous les éclats tombaient entre ses pieds où ils
étaient souvent abandonnés 29. Lorsque le ménage était fait,
seuls restaient une fine poussière de silex, quelques petites
esquilles échappées au balayage et des débris plus
volumineux, repoussés contre les foyers. Ils nous
renseignent sur la place qu’occupait le tailleur. Celui-ci
abandonnait parfois son travail pour le reprendre plus loin,
comme l’indique le remontage d’éclats provenant d’un même
rognon de silex et trouvés à plusieurs mètres de distance.
On allumait parfois des feux de courte durée ou destinés à
une seule activité. Les foyers qui ne contiennent plus que de
la cendre servaient peut-être seulement à produire un peu
de chaleur et de lumière. À Pincevent, les Magdaléniens ont
recouvert certains foyers d’une nappe de galets à peu près
jointifs. D’autres Magdaléniens ont fait de même à La
Garenne tandis que ceux de l’abri de Pont d’Ambon ont
utilisé des pierres et du sable fluviatile. Peut-être est-ce pour
faire de ces foyers des sortes de calorifères car les galets
posés sur les braises emmagasinent la chaleur pour la
restituer ensuite après l’extinction du feu, à moins qu’ils
n’aient servi, du moins pour ceux qui se trouvaient à
l’extérieur, à fumer des peaux ou à boucaner la viande 30.
Enfin, il n’est pas exclu que certains foyers plus complexes
aient servi de fours.
Certaines habitations étaient entourées de dépendances
affectées à des tâches techniques. À Étiolles, des foyers
annexes peu aménagés étaient allumés en plein air. On y
taillait du silex et on y préparait à l’occasion des repas mais
leur usage était plus temporaire que celui des grands foyers
domestiques occupant le centre des tentes. À Pincevent, il
arrivait qu’un individu s’installe à l’extérieur de la tente pour
tailler le silex, soit parce qu’il n’y avait plus de place autour
du foyer principal, soit parce qu’il s’agissait d’un jeune
tailleur qui s’exerçait. L’observation fine de la répartition
des déchets de taille tombés autour de lui permet parfois de
préciser s’il était droitier ou gaucher, assis par terre ou sur
un bloc, ou s’il protégeait ses genoux avec un tablier de cuir.
De même, à Hauterive-Champréveyres, quelques individus
se réunissaient autour de foyers satellites, dont chacun était
lié à une activité spécifique. Les Périgordiens de l’abri du
Flageolet I disposaient d’un foyer domestique au centre de
leur habitation et d’un autre plus excentré, autour duquel
s’effectuaient des activités plus spécialisées31.
Bien qu’on ne l’ait pas mis en évidence ni à Étiolles ni à
Pincevent, on sait par ailleurs que certaines activités, ne
requérant pas forcément l’usage du feu, nécessitaient de
l’espace et se déroulaient à quelques mètres de l’habitation.
C’est le cas de la préparation des peaux, attestée par la
présence d’ocre et la concentration de grattoirs et de
lissoirs. On peut de même repérer les aires de dépeçage du
gibier grâce aux lames usagées, aux parties de l’animal peu
comestibles et abandonnées sur place comme à Verberie 32,
et parfois aux pointes de projectile cassées et rapportées au
campement dans le
corps des animaux tués. À Pincevent, les détritus
ménagers étaient déversés dans une aire s’étendant devant
l’entrée de la tente. Amas de suie et de cendres provenant
de la vidange des foyers, outils usagés, fragments de pierres
chauffées, de silex et d’os, ils sont de plus en plus dispersés
au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la tente. Les débris
plus encombrants, bois de renne, os et silex volumineux,
étaient jetés à quelques mètres de l’habitation. Les déchets
de taille du silex semblent avoir été apportés dans une sorte
de tapis replié dont on les a fait glisser. Ils formaient des tas
où le tailleur venait à l’occasion récupérer les éclats qui lui
convenaient. Les Magdaléniens d’Étiolles transportaient
leurs déchets à plusieurs mètres, dans des endroits bien
délimités, ici les résidus de vidange du foyer, là le silex
devenu inutile. Il arrivait qu’un tailleur s’installe sur un de
ces amas de silex pour reprendre le débitage d’un nucléus
abandonné 33.
Les habitants se reposaient sur des litières d’herbes ou
d’algues que l’on détecte grâce à la présence de grandes
quantités de pollens de graminées ou de toutes petites
coquilles. L’absence totale de vestiges dans un coin de
l’habitation peut aussi indiquer qu’il y avait en cet endroit un
objet de grande taille comme une peau de bête. La présence
de phalanges autour de ces zones préservées confirme
parfois cette hypothèse. À Pincevent, ces aires de repos en
forme de croissant, non ocrées, occupaient le fond des tentes
circulaires. À Étiolles, une de ces aires était séparée du reste
de la tente par une cloison interne dont il ne reste qu’une
rangée de pierres34. Lorsque les hommes voulaient mettre
des objets de côté, ils les regroupaient dans un coin comme
à Étiolles, où une réserve de nucléus encore utilisables se
trouvait à l’extérieur de la tente. Si ces objets de valeur
étaient particulièrement fragiles, ils les plaçaient entre la
paroi et l’aire de repos, éventuellement dans de petites
fosses, comme certaines statuettes retrouvées dans des
habitations d’Europe orientale.
Quelle que soit l’importance d’un campement, on y
pratiquait toujours les activités de subsistance
indispensables à la survie mais toutes les opérations
techniques n’y étaient pas forcément effectuées. Les
Magdaléniens de Pincevent semblent avoir eu une activité
artistique très réduite alors que d’autres groupes, installés
eux aussi dans des campements de base saisonniers,
consacraient beaucoup de temps à la fabrication d’objets
d’art, comme à Isturitz ou à La Vache, par exemple. Dans les
campements associés à des grottes ornées, une partie du
temps était consacrée à la préparation du matériel ou des
instruments nécessaires à la réalisation des œuvres
pariétales, comme à Tito Bustillo. Mais notre vision de ces
groupes nomades est forcément tronquée et l’absence des
témoins d’une activité ne signifie pas qu’elle n’était pas
exercée ailleurs, à un autre moment de l’année.
Le vêtement et la parure
Les hommes du Paléolithique supérieur n’allaient pas nus.
Le climat était d’ailleurs trop rude pour qu’ils le puissent. En
plus de vêtements chauds, ils portaient des parures d’ivoire,
de coquillages ou de pierre.
On verra que les morts semblent avoir été enduits d’ocre
rouge, ce qui peut laisser supposer que c’était le cas des
vivants. À coté de sa fonction esthétique, la peinture
corporelle pourrait avoir servi à se protéger contre les
insectes, le soleil et le vent, comme c’est le cas aujourd’hui
dans certaines populations. Des os d’oiseau sciés à leurs
extrémités et régularisés contenant de l’ocre auraient alors
été des tubes à fards1.
Le vêtement
Les premiers vêtements en usage au Paléolithique
inférieur furent peut-être de simples capes de fourrure faites
d’une peau d’animal juste grattée et séchée, piètres
protections contre les intempéries. En revanche, les hommes
du Paléolithique supérieur savaient préparer les peaux et les
coudre et portaient certainement des vêtements bien
coupés, peut-être comparables à ceux des Eskimos et des
Indiens d’Amérique. Si l’aiguille à chas a été inventée il y a
environ 20 000 ans, les poinçons en os et les perçoirs de
silex utilisés comme alênes dès le Châtelperronien semblent
montrer que les hommes avaient déjà appris à assembler les
peaux en les perçant de trous suffisamment larges pour que
le fil, un simple crin, un tendon ou des fibres végétales,
puisse être passé sans être enfilé sur une aiguille. Ces outils
continuèrent d’ailleurs à servir après l’invention de l’aiguille,
probablement pour percer les cuirs durs et épais, les
aiguilles à chas étant plus adaptées à la couture de cuirs
souples et fins2.
La forme de ces habits nous est inconnue, mais des
statuettes et des figurations humaines en laissent deviner
certains détails. Ainsi plusieurs personnages semblent porter
des anoraks ou du moins des capuches à la manière des
Eskimos. L’individu gravé sur une des parois de la grotte de
Gabillou, en Dordogne, baptisé un peu hâtivement la
« femme à l’anorak », porte une sorte de blouse dont on
devine le capuchon. Les statuettes féminines sont le plus
souvent nues mais quelques-unes d’entre elles, provenant de
Mal’ta et de Buret’, en Sibérie, portent une combinaison de
fourrure faite d’un pantalon et d’un anorak avec une
capuche, la fourrure étant représentée par des ponctuations
en forme de croissants. La figurine de Bédeilhac taillée dans
une canine de cheval porte elle aussi une capuche
enveloppante évoquant un anorak3.
La reconstitution des vêtements à partir de l’emplacement
des éléments de parure – perles ou plaques d’ivoire — sur les
corps inhumés évoque elle aussi des vêtements très
enveloppants. Il en est ainsi de l’homme d’une soixantaine
d’années enterré à Sungir’, en Russie. Il était recouvert de
trois mille cinq cents minuscules perles en ivoire alignées
qui devaient être à l’origine cousues sur un vêtement en
peau de renne ou de renard polaire, le principal gibier des
habitants de Sungir’. La veste, couverte de plusieurs rangées
de perles formant une sorte de plastron, ne pouvait pas
s’ouvrir sur le devant et devait s’enfiler par la tête. Des
canines de renard pendaient de ses manches. Les perles
ornant le front étaient cousues sur un bonnet ou sur la
capuche de l’anorak. Les rangées de perles disposées le long
des jambes, autour des genoux et des chevilles, ainsi que sur
les pieds indiquent que le pantalon était cousu aux
chaussures, lesquelles étaient sans doute en cuir, comme
cela se faisait encore récemment chez certaines tribus
sibériennes et amérindiennes 4.
Les pagnes ne semblent pas avoir été inconnus. La Vénus
trouvée dans la grotte des Rideaux, à Lespugue, ainsi qu’une
des femmes gravées sur une plaquette de La Marche portent
une sorte de pagne terminé par une frange couvrant l’arrière
des cuisses. À Geldrop, aux Pays-Bas, on a gravé sur un galet
la figuration d’une femme portant un tablier ou un pagne.
L’emplacement de milliers de petits gastéropodes sur le
corps des deux enfants enterrés dans la grotte des Enfants à
Grimaldi, disposés en rangées parallèles verticales entre la
taille et le tiers supérieur des cuisses, suggère qu’ils étaient
cousus sur des pagnes. Enfin, certaines gravures de
Gönnersdorf représentent des femmes de profil dont le corps
est entièrement couvert de lignes horizontales, verticales ou
obliques mais ces dernières peuvent figurer aussi bien un
tatouage ou une peinture corporelle qu’un vêtement5.
Dans la grotte de Gabillou, un personnage ithyphallique,
surnommé le « sorcier », paraît porter une peau de bison à
laquelle la tête est encore attachée. De même, deux
personnages gravés sur les parois de la grotte des Trois-
Frères sont revêtus de dépouilles animales, tête et corne de
bison dans un cas, bois de cervidés et queue de loup ou de
cheval dans l’autre. Ces habits étaient peut-être des
costumes cérémoniels, à moins qu’il ne s’agisse des
vêtements endossés par les chasseurs pour approcher plus
facilement le gibier.
On utilisait des épingles en os parfois ornées d’une tête
renflée, crantée ou annulaire, pour maintenir une coiffure ou
pour assembler des pièces de vêtements comme cela semble
avoir été le cas pour les épingles placées sous le menton des
deux enfants enterrés à Sungir’. Les vêtements étaient peut-
être aussi ajustés par des boutons. La silhouette humaine
figurée sur une spatule de Bruniquel porte plusieurs gros
boutons gravés avec soin, alignés de la gorge au pubis. Si
aucun bouton à double perforation n’a jamais été retrouvé,
des rondelles perforées en leur centre pouvaient fort bien
être fixées sur un tissu par un lien glissé dans la perforation.
Or, les rondelles découpées dans des os plats* ou dans des
plaquettes d’ivoire puis finement gravées et perforées ne
sont pas rares. De petites rondelles en ivoire ajourées,
comme celles qui accompagnaient dans la tombe les enfants
de Sungir’, ont pu servir à fixer les vêtements*. C’est aussi le
cas des petits disques perforés en os, calcaire et ivoire
enterrés avec l’homme de Brnö II ainsi que des anneaux en
pierre façonnés par les habitants de Prédmostí, Brnö et
Dolní Věstonice. Ces derniers ont également fabriqué des
petites pièces d’ivoire en forme de seins, qui ont peut-être
servi d’agrafes 6.
Une plaque en ivoire gravée de motifs géométriques et
percée en son centre, qui a été trouvée à Mal’ta, pourrait
bien être une plaque de ceinture. C’est ce que suggère
l’emplacement d’un objet identique, retrouvé dans le même
site mais cette fois dans une sépulture d’enfant, à la hauteur
des vertèbres lombaires. L’existence des ceintures est
d’ailleurs attestée par leur représentation sur plusieurs
figurations féminines. Une des femmes gravées sur une
plaquette de La Marche est dotée d’une large ceinture
rendue par un quadrillage serré. À Kostienki I et à Avdeevo,
plusieurs statuettes de femmes nues portent des rubans ou
des bandeaux rendus par des incisions ou d’étroites bandes
quadrillées qui ceignent leur taille et leur poitrine*. Aux
ceintures s’ajoutaient donc d’autres accessoires plus
énigmatiques, ébauches de plastron ou bordures de
vêtement 7. À la grotte du Placard, ce sont neuf objets en
forme d’oméga, façonnés dans du bois de renne, qui ont pu
servir de boucles de ceinture ou d’ornements fixés par leurs
extrémités sur des vêtements, à moins qu’il ne s’agisse de
poignées de sac8.
La rudesse du climat ne permettait sans doute pas aux
hommes du Paléolithique supérieur d’aller pieds nus. Or, la
plupart des empreintes de pied relevées dans les grottes
sont des empreintes de pieds nus*. On peut supposer que les
hommes ôtaient leurs chaussures avant d’entrer dans un
milieu humide et boueux. La découverte exceptionnelle de
deux empreintes d’un pied chaussé dans la grotte ariégeoise
de Fontanet démontre qu’on portait des chaussures.
Chaussé d’une enveloppe souple, peut-être une sorte de
mocassin, ce pied a laissé une empreinte aux contours
voilés, où les orteils n’apparaissent pas nettement9.
La coiffure
Le port au moins occasionnel de la barbe est attesté par
une tête d’homme barbu gravée sur une plaquette de
calcaire par un habitant de l’abri de Vado all’Arancio, en
Italie. Les nombreuses dalles de pierre gravées de
figurations animales et humaines enchevêtrées par les
Magdaléniens ayant occupé la grotte de La Marche, dans la
Vienne, apportent d’autres informations dans ce domaine.
Plusieurs des personnages gravés portent une barbe parfois
complétée par une moustache tandis que d’autres ont les
cheveux courts ou longs, lisses ou nattés, quelquefois
agrémentés d’une frange ou d’une mèche frontale, ce qui
montre que la chevelure faisait l’objet de soins particuliers.
Sur la tête de la statuette de Lespugue, les cheveux sont très
exactement rendus par des traits parallèles gravés qui
descendent sur le front et dans le dos, jusqu’aux omoplates.
Sur une autre trouvée à Buret’, de minuscules cannelures
sinueuses autour du visage semblent figurer des mèches de
cheveux. Il en est de même sur deux statuettes de Mal’ta aux
cheveux ondulés10.
Les cheveux pouvaient aussi être relevés et coiffés en
chignon. La tête sculptée en ivoire de Dolní Věstonice porte
une chevelure nettement séparée du visage par une incision
continue tandis qu’une seconde incision au sommet de la
tête marque la limite de ce qui semble être un chignon. Le
fin visage au menton triangulaire d’une statuette de
Gagarino est surmonté d’un bourrelet saillant qui pourrait
figurer soit une lourde chevelure, soit une sorte de turban.
La « tête négroïde » en stéatite trouvée dans la grotte du
Prince à Grimaldi porte aussi un chignon sur le sommet de la
tête. Ce chignon est recouvert par une série d’incisions
formant une sorte de bandeau qui s’étend du front jusqu’à la
nuque. Les cheveux étaient parfois maintenus par un
bandeau ou masqués par un bonnet, comme on le voit sur
certaines plaquettes gravées de La Marche. Les fines
plaques oblongues que les Gravettiens de Pavlov et de Dolní
Věstonice ont découpées dans l’ivoire, perforées aux deux
extrémités et décorées de motifs géométriques étaient peut-
être des barrettes ou des agrafes destinées à maintenir les
cheveux, à moins qu’elles n’aient été des sortes de diadème,
ou encore des éléments d’un bijou plus complexe11.
D’autres statuettes féminines gravettiennes ont la tête
gravée de motifs géométriques plus difficiles à interpréter.
C’est le cas de la « dame à la capuche » en ivoire de
Brassempouy, de l’une des Vénus de Willendorf et de la
« femme à la tête quadrillée » de Laussel, gravée en bas-
relief sur un bloc. Ces motifs abondent et sont
particulièrement soignés en Europe orientale, notamment à
Kostienki*, Avdeevo et Gagarino. Ils ont été réalisés par des
séries régulières de ponctuations allongées ou bien par de
profondes rainures parallèles formant avec des entailles plus
légères un véritable quadrillage 12. On y a vu tour à tour des
chevelures savamment nattées, des capuches ou encore des
toques en fourrure, en cuir ou en tissu, ouvragées et
décorées de rangées régulières d’ornements. La découverte
d’individus inhumés portant sur la tête des petits coquillages
perforés, des dents percées et des perles qui étaient sans
doute cousus sur un ornement de tête va dans le sens de
cette hypothèse*.
La parure
Dès l’Aurignacien, les hommes fabriquèrent des
pendeloques et des perles en pierre, en os, en bois de
cervidés ou en ivoire et perforèrent des dents et des
coquilles pour en faciliter la suspension. La quantité de
perles et de coquillages perforés accompagnant les défunts
dans la tombe semble indiquer qu’une grande partie des
pendeloques de petite taille était portée en collier ou cousue
sur des vêtements*. Il n’est cependant pas certain que tous
ces objets aient été destinés à la parure du corps. Ils
pouvaient en effet, surtout pour les plus volumineux d’entre
eux, être fixés sur des sacs, des paniers, des instruments de
musique ou encore sur les parois de la tente. Ainsi, certains
grands coquillages concaves utilisés comme récipients
étaient munis d’une perforation qui a fort bien pu servir à les
suspendre, de sorte que la présence d’une perforation sur un
objet ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’un élément
de parure13. De même, les grandes pendeloques ont toujours
été abandonnées dans les habitations et jamais dans les
sépultures, ce qui pourrait indiquer qu’elles ne servaient pas
à parer le corps. Par ailleurs, l’emplacement de certaines
perforations s’accorde mal avec un usage comme parure
corporelle. On imagine mal par exemple les statuettes
féminines perforées au niveau des pieds portées en sautoir,
la tête en bas. Si la perforation a bien servi, comme en
témoignent ses traces d’usure, il est vraisemblable que le
mode de fixation sur un support respectait l’orientation
verticale de ces figurines.
Une grande variété de pendeloques étaient faites en pierre
ou en matière dure animale. Les artistes se contentaient
parfois de perforer des petits os, comme les phalanges de
renne, ou des fragments d’os plats ou longs, comme des
côtes ou des os hyoïdes, encore qu’il ne soit pas toujours sûr
que de tels objets aient servi à la parure. Ils perçaient des
concrétions et des fossiles ramassés à cause de leur forme
curieuse, des oursins, des vertèbres de sauriens ou des dents
de requin fossiles, et peut-être était-ce pour les porter en
pendeloques. Ils ont parfois agrandi une perforation
naturelle comme celle de vertèbres de brochet et de saumon.
Une quarantaine de telles pendeloques accompagnaient trois
défunts enterrés ensemble à la Barma Grande à Grimaldi 14.
Des pendeloques en pierre, à peine modifiées, imitaient des
coquilles, des craches de cerf15 ou encore des silhouettes
féminines stylisées comparables à celles que l’on retrouve
sur certaines gravures. Les artistes ont aussi donné une
forme plus ou moins régulière à de belles pendeloques
oblongues qu’ils ont gravées de lignes et de pointillés ou de
thèmes naturalistes. À Labastide, un Magdalénien a égaré
dans un coin de la grotte dix-neuf petites têtes d’herbivores
découpées dans de l’os et perforées. Leur homogénéité et
leur proximité dans l’espace suggèrent un usage comme
éléments d’un même collier mais il est vrai qu’on trouve
ailleurs des objets semblables qui ne sont pas perforés16.
D’habiles artisans sciaient et polissaient soigneusement les
os d’oiseaux pour en faire des perles tubulaires. Ils
façonnaient aussi des perles en pierres et choisissaient alors
des roches tendres comme la stéatite ou des matériaux plus
rares, comme l’ambre et le jais. Pour confectionner des
perles en ivoire, en os et en bois de cervidés, ils mirent au
point une technique ingénieuse. Les perles étaient préparées
en séries sur des lamelles sciées en petits segments que l’on
détachait ensuite, ce qui permettait d’obtenir des perles de
même diamètre. Elles étaient régularisées et perforées après
leur détachement, les perforations étant effectuées par
rotation en utilisant de l’ocre comme abrasif. Elles étaient
rarement sphériques mais plutôt en forme de panier, de
rondelles ou de cylindres17.
Les hommes du Paléolithique supérieur récupéraient
souvent les dents animales pour en faire des éléments de
parure. Certaines étaient particulièrement appréciées,
comme les canines de renard, les incisives de bison ou
d’aurochs et les craches de cerf. D’autres étaient plus rares,
comme les incisives de renne, de cheval et de bouquetin, les
canines de loup, d’ours, de phoque ou de lion. Les artisans
les perçaient au niveau de la racine à l’aide de minuscules
forets ou avec le biseau d’un burin, après en avoir diminué
l’épaisseur par raclage ou abrasion. L’usure des perforations
indique que les dents n’étaient pas portées en pendeloques
mais enfilées en colliers. Quelques dents, en particulier des
incisives de bouquetin, de cheval et de renne, percées de
deux ou plusieurs trous alignés sur la racine ou sur toute la
longueur, ont pu servir d’écarteurs de colliers à rangs
multiples. Les artisans rainuraient parfois les dents sur tout
leur pourtour pour créer une gorge de suspension. Plus
rarement, ils sciaient au niveau de la racine les dents encore
enchâssées dans la gencive pour les extraire en séries. De
tels ornements étaient encore connus des Eskimos. Les
dents étaient parfois gravées d’incisions parallèles sur leur
racine18.
Les coquillages que les hommes du Paléolithique supérieur
ramassaient pour en faire des éléments de parure étaient
soigneusement choisis en fonction de leur forme et de leur
dimension. Les petits gastéropodes de forme ronde
(littorines et natices), semi-sphérique (cyprées), ou effilée
(nasses) avaient leur préférence. Les lamellibranches de
petite taille, cardium, pétoncles et pecten, ainsi que les
dentales, petits tubes arqués faciles à enfiler, étaient aussi
ramassés. Les artisans les perçaient par percussion,
grattage, abrasion et forage, parfois en deux endroits
différents ; l’emplacement de la perforation variait selon
que le coquillage était arrondi ou allongé, et selon qu’il était
destiné à être suspendu ou cousu. Plus rarement, ils y
pratiquaient une rainure pour y fixer un lien de suspension.
Il existait peut-être d’autres moyens de fixation par collage,
sertissage ou ligature, qui n’ont laissé aucune trace19. Soit
isolément, soit dans des assemblages complexes, ils étaient
souvent cousus sur un support. C’était certainement le cas
pour les petits gastéropodes de forme ronde dont l’usure
semble montrer qu’ils étaient cousus avec leur ouverture
plaquée contre le support, de façon que seul le dos de la
coquille était visible20.
La disposition de la parure sur le corps humain nous est
connue essentiellement grâce à la quarantaine d’individus
parés retrouvés dans leur sépulture mais il n’est pas toujours
aisé de savoir si ces éléments de parure appartenaient à des
bijoux ou faisaient partie intégrante du vêtement.
Les parures de tête étaient constituées de l’assemblage
savant de nombreux éléments cousus sur un bonnet ou une
résille*. Ainsi, le jeune homme de dix-huit ans enterré dans
la grotte du Cavillon à Grimaldi portait sur la tête deux cents
coquilles de nasses bordées par vingt-deux craches de cerf
qui devaient pendre autour du visage et sur les oreilles. Ces
parures pouvaient se réduire à de simples bandeaux sur
lesquels étaient cousues quelques coquilles comme pour
l’adolescent de la grotte des Enfants, qui portait un bandeau
orné de quatre rangs de coquilles. À Dolní Věstonice,
Kostienki, Sungir’ et Mal’ta, perles d’ivoire ou d’os et
canines de renard remplaçaient coquillages et craches de
cerf. Certaines pendeloques étaient peut-être portées en
boucles d’oreille, hypothèse à envisager notamment
lorsqu’on les trouve par paires21.
Les colliers se réduisaient parfois à une unique
pendeloque suspendue par un lien assez long pour atteindre
la poitrine. Ou bien ils étaient formés de l’assemblage de
plusieurs éléments identiques comme le collier de dentales
de l’homme enterré à Brnö II, ou d’éléments variés comme
celui de l’un des hommes de la sépulture de la Barma
Grande, fait de coquilles, de vertèbres de poisson et de
craches de cerf savamment disposés sur trois rangs. Les
bracelets, portés aux coudes et aux poignets, étaient
composés de coquillages et de dents animales enfilés sur une
ou plusieurs rangées, comme c’est le cas pour les douze
individus inhumés dans les grottes de Grimaldi et pour
l’enfant de La Madeleine. Les bracelets de chevilles ou de
genoux étaient moins complexes, simples rangées de
coquilles ou de perles d’ivoire. En Europe orientale, les
bracelets en ivoire de mammouth étaient faits de perles, de
lamelles assemblées ou de défenses évidées. Les deux
enfants de Sungir’ portaient des bracelets composés de
perles d’ivoire et l’adulte, une vingtaine d’anneaux d’ivoire
aux poignets et aux coudes. À Mezine, plusieurs bracelets
dont il ne reste parfois que des fragments ont été ornés de
centaines de chevrons emboîtés. L’un d’eux était formé de
cinq lamelles d’ivoire longues et fines assemblées grâce aux
perforations visibles à leurs extrémités. Un autre, fait d’une
seule plaque très large, était percé de trous dans lesquels on
passait sans doute un lien destiné à le maintenir serré sur le
poignet ou le bras 22.
Des bagues en ivoire étaient passées aux doigts des deux
enfants et du vieillard enterrés à Sungir’. À Pavlov, c’est un
ensemble de sept bagues fines qui ont été taillées dans
l’ivoire et dont l’épaisseur n’excède pas 2 mm. La finesse et
la fragilité de ces anneaux suggèrent qu’ils ne devaient être
portés que dans des occasions exceptionnelles 23.
Leur représentation sur les figurations humaines ainsi que
leur degré d’usure indiquent que les bijoux n’étaient pas
exclusivement portés par les morts. Plusieurs des
personnages gravés sur les plaquettes calcaires de La
Marche portent des anneaux à l’avant-bras, au coude ou à la
cheville. Dans la scène gravée sur omoplate dite de la «
femme au renne » de Laugerie-Basse, la femme couchée sur
le dos porte un bracelet et un collier tandis que la femme de
la « poursuite amoureuse » d’Isturitz, gravée sur une lame
d’os, porte de surcroît des anneaux de cheville. Des
statuettes trouvées dans toute l’Europe, à Brassempouy dans
les Landes, Kostienki* et Avdeevo en Russie, Willendorf en
Autriche, portent des colliers, des bracelets et des anneaux
de cheville gravés24.
Si l’on considère que bon nombre de sépultures sont
aurignaciennes, que les statuettes parées sont toutes
gravettiennes et que les gravures mentionnées sont
magdaléniennes, on peut en déduire que la parure corporelle
était très répandue dès le début du Paléolithique supérieur,
même si ses modalités précises pouvaient varier au gré des
modes et des matériaux disponibles.
Plusieurs indices suggèrent que les parures devaient avoir
une grande valeur. D’abord, si une pendeloque se cassait au
niveau de la perforation, on la perçait à nouveau un peu plus
loin pour pouvoir la réutiliser. Ainsi a-t-on fait de la pièce
d’ivoire sculptée en forme de pied de Kniegrotte, dans
laquelle certains ont vu un peigne 25. L’usure de la
perforation et de la rainure de suspension montre que la
plupart des bijoux, et en particulier les coquilles percées,
étaient portés très longtemps. Leur rôle se prolongeait
même dans l’au-delà puisque nombre d’entre eux ont été
retrouvés sur des corps inhumés. Il s’agissait donc
d’attributs personnels dont les individus ne se séparaient
pas, même après leur mort. Certains bijoux semblent avoir
eu une durée de vie supérieure à celle d’un individu. Il est
possible qu’ils se soient transmis de génération en
génération ou qu’ils aient fait l’objet d’échanges alors qu’ils
avaient déjà été portés. Il pourrait en être ainsi des
coquillages retrouvés sur l’enfant de cinq ou six ans inhumé
à La Madeleine, bien trop jeune pour avoir usé si vite ses
parures26.
Dans nombre de sociétés, le bijou dit la disponibilité
amoureuse, l’appartenance à une classe d’âge, à un clan ou
à un niveau hiérarchique 27. Peut-être en était-il déjà de
même au Paléolithique. Les différences de composition de la
parure d’une région à l’autre suggèrent en tout cas qu’elle
marquait l’appartenance à un groupe social.
Le domaine de l’art
Les premières manifestations artistiques indiscutables
sont le fait des Homo sapiens sapiens et datent d’il y a
environ 35 000 ans.
Cependant, dès le Paléolithique inférieur, l’homme taillait
parfois des outils de pierre dont la symétrie parfaite ou la
couleur particulière laissent penser qu’à la recherche de la
perfection technique, il ajoutait une recherche esthétique.
Au Paléolithique moyen, les Neandertaliens ramassaient et
rapportaient dans leurs habitats des pierres, des
concrétions, des fossiles ou des coquillages dont la forme
avait retenu leur attention, ce qui est au moins le signe d’un
intérêt pour les bizarreries de la nature. Il leur arrivait aussi
de graver quelques traits sur des os et de manipuler de
l’ocre rouge naturelle mais on ne peut assurer que c’était
dans un but esthétique car l’ocre a de multiples usages.
L’usage de l’ocre rouge se répand au Châtelperronien,
mais ce n’est qu’à l’Aurignacien que l’homme crée les
premières oeuvres d’art. D’emblée cet art est techniquement
très évolué. Les Aurignaciens fabriquaient des éléments de
parure, perles et pendeloques diverses, et sculptaient dans
de l’ivoire de mammouth de petites statuettes d’animaux.
Parmi les plus anciennes statuettes, citons celles de
Geissenklösterle et de Hohlenstein-Stadel qui ont entre 30
000 et 32 000 ans. Sur l’os, sur des blocs rocheux ou sur les
parois des grottes éclairées par la lumière du jour, ils
gravaient des représentations d’animaux, des images plus ou
moins schématisées d’organes sexuels féminins ou bien des
séries de points ou d’incisions. En Europe, l’art sur paroi
rocheuse le plus ancien, retrouvé à la grotte Chauvet,
daterait de 31 000 ans1. Alors qu’on croyait que l’art pariétal
archaïque se limitait à des gravures schématiques peu
élaborées, cette récente découverte a révélé au contraire
une grande maîtrise de la technique picturale. Les
Aurignaciens ornaient aussi leurs armes, en particulier leurs
sagaies, d’incisions et de stries.
Au Gravettien, les artistes inventèrent de nouveaux modes
d’expression artistique comme le modelage et peut-être la
cuisson de l’argile. Ils réalisaient des petites statuettes
animales et humaines dont les fameuses statuettes féminines
appelées « Vénus »*. Ils décoraient moins leurs armes et
leurs outils que leurs prédécesseurs pour s’intéresser
davantage aux parois rocheuses. En plus des figurations
d’animaux, des signes et des organes sexuels masculins et
féminins stylisés déjà connus, de nouveaux thèmes figurés
apparurent, comme celui des mains*. Vers la fin du
Gravettien, les artistes ornaient certaines parois rocheuses
de gravures très profondes.
C’est au Solutréen que les artistes réalisèrent, sur le fond
d’abris sous roche éclairés par la lumière naturelle, les bas-
reliefs les plus spectaculaires, véritables frises sculptées
longues de plusieurs mètres. Il leur arrivait aussi de peindre
sur les parois et les voûtes de certaines grottes.
Une véritable explosion artistique se produisit au
Magdalénien dont datent plus des trois quarts des œuvres
connues. C’est au début du Magdalénien, il y a 17 000 ans,
que des peintres et des graveurs décorèrent la grotte de
Lascaux*. À la phase moyenne du Magdalénien, certains
artistes pratiquaient de nouveau la sculpture en bas-relief à
la mode solutréenne tandis que d’autres s’enfonçaient au
plus profond des grottes, parfois à plusieurs centaines de
mètres de l’entrée, pour y réaliser des peintures ou des
gravures. À la fin du Magdalénien, les artistes
abandonnèrent la profondeur des grottes pour revenir sous
les porches et dans les zones éclairées par la lumière du
jour. Les Magdaléniens décoraient abondamment leurs outils
et leurs armes, harpons et propulseurs en particulier. Des
plaquettes en pierre et des fragments d’os, d’ivoire ou de
bois de renne étaient finement gravés ou entièrement
sculptés en forme d’animaux*.
L’art animalier magdalénien disparut il y a 11 000 ans. Les
artistes qui leur succédèrent — à l’Azilien — se contentaient
d’orner de petits galets d’énigmatiques signes géométriques
peints ou gravés.
Les technique utilisées
Les artistes paléolithiques disposaient de colorants
minéraux naturels et d’outils de silex aussi tranchants que
les couteaux en métal actuels. Ils ont travaillé tous les
matériaux disponibles dans la nature. Les oeuvres qui sont
parvenues jusqu’à nous, réalisées sur des supports de pierre,
d’argile, d’os, d’ivoire ou de bois animal, ne représentent
sans doute qu’une infime partie de leur production artistique
et il est probable qu’il existait un art sur bois, sur peau, sur
écorce ou sur plume qui ne s’est pas conservé, sans parler
de la peinture corporelle.
Le graveur utilisait une lame, un burin ou un simple éclat
de silex et enlevait superficiellement un peu de matière,
obtenant un trait de teinte claire sur fond plus sombre. Ce
trait a le plus souvent une section en V plus ou moins
symétrique, selon la forme et l’inclinaison de l’outil utilisé.
L’artiste a parfois obtenu un effet de relief en gravant un
trait à section franchement asymétrique ou en adoucissant
l’un des bords du trait incisé.
La gravure a été utilisée pour dessiner les contours
d’animaux ou d’humains, pour préparer la surface à décorer
ou pour remplir une figure. Ainsi en est-il des fines têtes de
biches hachurées d’Altamira et du Castillo. La surface striée
porte alors une multitude de fines incisions dont on ne sait si
elles résultent du passage répété d’un même outil ou du
passage unique d’un outil large et dentelé 2.
Le support le plus fréquemment gravé est sans doute le
calcaire dont sont formées la plupart des grottes. Mais les
artistes ont aussi gravé des plaquettes de schiste et des
galets de rivière en roche cristalline, métamorphique ou
volcanique ramassés non loin des habitations. L’os a aussi
été volontiers gravé, que ce soit des os plats comme les
omoplates ou des os longs, auquel cas on doit faire rouler le
support devant soi pour voir la totalité de la figuration.
L’ivoire a aussi été gravé : mentionnons le fragment de
défense portant la figuration d’un mammouth découvert à La
Madeleine en 1866 par E. Lartet. Si les Paléolithiques ont
souvent perforé les dents pour en faire des pendeloques, ils
les ont aussi parfois gravées comme les deux dents d’ours de
Duruthy, sur lesquelles sont figurés des phoques.
Dans le bas-relief, l’artiste ne se contentait plus d’un
enlèvement de matière superficiel. Le pic remplaçait alors le
burin de silex et attaquait la paroi ou le bloc rocheux par
martelage, piquetage ou par un burinage violent. La
profondeur du relief obtenu pouvait dépasser la dizaine de
centimètres. Les frises ainsi sculptées sur les parois
rocheuses étaient toujours situées à la lumière du jour, sans
doute parce que l’exécution des figures nécessitait de
longues semaines de travail.
Les hommes ont sculpté tous les matériaux qu’ils avaient à
leur disposition. Toutes les techniques des sculpteurs
modernes, en particulier le sciage, le burinage et la finition
par polissage avec ou sans abrasif, leur étaient connues.
Selon les cas, ils tiraient parti de la forme naturelle des
objets pour en modifier le contour au minimum, ou bien ils
les façonnaient pour leur donner la forme voulue. Les
Magdaléniens de l’abri asturien de Entrefoces ont ramassé
un galet de quartzite et l’ont à peine modifié en quelques
endroits pour en faire une saisissante tête humaine3. À
Bédeilhac et au Mas d’Azil, ce sont des dents de cheval qui
ont été légèrement travaillées en forme de statuette
humaine. On a découpé de petits os plats – fragments
d’omoplates ou os hyoïdes — pour en modifier le contour et
en faire des petites têtes d’herbivores ou, plus rarement, des
corps entiers ou fragmentaires de quadrupèdes ou de
poissons. Des rondelles étaient découpées dans des
omoplates et éventuellement gravées*. Les Magdaléniens
découpaient aussi des silhouettes animales et des rondelles
dans des plaquettes d’ivoire. Les rondelles étaient ensuite
perforées et finement gravées. De nombreuses statuettes ont
été sculptées dans de l’ivoire de mammouth* et dans des
matériaux plus rares comme la stéatite, l’ambre, l’hématite
4.

Non seulement les artistes dominaient parfaitement toutes


les techniques de la sculpture mais ils avaient aussi recours
à quantité d’artifices optiques telles que l’exagération
d’éléments anatomiques ou l’utilisation de détails en trompe-
l’œil 5.
Les individus fréquentant les grottes ont parfois laissé des
traces involontaires dans l’argile. Mais ils ont aussi fait
courir à dessein leurs doigts ou un outil dentelé sur des
surfaces argileuses. Si certains dessins sont figuratifs,
d’autres, indéchiffrables recouvrent entièrement des
panneaux, comme à la grotte Cosquer6. Qu’il soit ludique,
rituel ou technique, le but de ces activités reste mystérieux,
tout comme la projection contre la paroi de boulettes
d’argile qui y sont restées collées.
Les Magdaléniens ont aussi modelé des statues en argile
comme les bisons du Tuc d’Audoubert*, l’ours et le félin de
Montespan. Ils ont laissé derrière eux les traces de
prélèvement d’argile sur le sol et dans la paroi des grottes,
ainsi que les colombins qu’ils ont roulés entre les doigts pour
tester la plasticité de la matière avant de la travailler. Les
statues ont été exécutées par la méthode classique de
l’accumulation de mottes d’argile apportées en paquets et
compactées. Le rendu de la forme anatomique s’est fait par
tassement des mottes et des boulettes avec le plat de la
main7.
De petites statuettes humaines et animales ont aussi été
modelées à l’aide d’une argile fine dégraissée avec de la
cendre, des petits fragments d’os, des gravillons ou du sable.
À Dolní Věstonice et à Pavlov, les artistes ont travaillé
l’argile avec leurs doigts, laissant parfois des empreintes
digitales et des traces d’ongles sur les statuettes. Ils les ont
quelquefois cuites, peut-être dans des fours en terre 8. L’art
céramique est donc apparu très tôt mais il a fallu attendre la
fin du Mésolithique et le Néolithique pour que les hommes
généralisent la cuisson de l’argile et inventent la poterie.
Le peintre préhistorique avait à sa disposition plusieurs
colorants naturels, l’hématite pour le rouge, l’oxyde de
manganèse ou le charbon de bois pour le noir, la limonite ou
un mélange d’hématite et d’oxyde de manganèse pour le
jaune et le brun. Il savait sans doute modifier les teintes de
ces colorants en les soumettant à l’action oxydante du feu.
En effet, l’ocre rouge (hématite) est rare dans la nature mais
l’ocre jaune (limonite) vire au rouge à partir de 250°. Il suffit
de modeler des boulettes d’ocre jaune et de les jeter dans le
feu pour les faire rougir jusqu’au cœur au bout d’une dizaine
de minutes. Le peintre disposait donc de toute une gamme
de couleurs, depuis les jaunes jusqu’aux bruns et aux rouges
plus ou moins violacés mais il ignorait le bleu, le vert et
même le blanc qu’il aurait pourtant pu obtenir avec de la
kaolinite. Il pulvérisait ces colorants sur des meules puis les
mélangeait parfois à de l’eau ou des graisses animales sur
des palettes ou dans de petits récipients pour en faire une
pâte. Il y ajoutait éventuellement diverses charges minérales
pour en améliorer l’adhérence 9.
Le peintre préparait parfois la surface à décorer en la
grattant. Dans la grotte Chauvet, il a appliqué par endroits
un véritable fond de teint. Il lui arrivait de dessiner des
croquis préparatoires avec un crayon constitué d’un simple
morceau de bois de résineux brûlé comme à Niaux, ou de
réaliser des esquisses en gravant l’animal avant de le
peindre. C’est ce qu’il a fait à Lascaux, où il a également
peint des points de repère pour faciliter la mise en place de
certains animaux. Au Pech-Merle, ce sont de petites
gouttières creusées avec une baguette d’os ou de bois qui
ont servi de repères avant qu’on trace le dessin au charbon.
L’artiste alignait quelquefois des ponctuations qui, une fois
reliées, formait le contour de l’animal. S’il se trompait, il
reprenait son dessin. Les reprises dans le dessin des pattes
ou des lignes dorsales et ventrales, les rectifications de la
position des yeux et des oreilles étaient fréquentes et
montrent que l’artiste tenait à la justesse de la figuration 10.
La plupart de ces points de repère, croquis et traces de
repentir ont ensuite été recouverts par le dessin définitif.
Elles ne sont plus visibles aujourd’hui que grâce aux
photographies infrarouges ou à d’autres méthodes de relevé
comme la technique des équidensités. L’artiste ne travaillait
donc pas à l’aveuglette et ses œuvres étaient pourpensées.
Pour tracer les dessins au trait, il se servait d’un crayon
d’ocre, d’un « fusain » de charbon de bois, de son doigt
enduit de peinture ou d’un pinceau de fibre végétale ou
animale. Pour les teintes plates, il appliquait le colorant avec
un tampon de peau, de fourrure ou de mousse, le pulvérisait
à l’aide d’une sarbacane en bois ou en os, ou bien le
crachait, techniques encore utilisées par les Aborigènes
australiens. C’est notamment lorsque la surface présentait
trop d’irrégularités pour être couverte au pinceau, ce qui est
par exemple le cas de la calcite bourgeonnante de la
Rotonde et du diverticule Axial de Lascaux, que l’artiste
soufflait la peinture. Il connaissait aussi la technique du
pochoir, particulièrement adaptée pour réaliser les mains
« en négatif » : on soufflait la peinture autour de la main
appliquée contre la paroi*. Grâce à l’utilisation de caches –
qui pouvaient être tout simplement la main qu’on déplaçait
–, il pouvait contrôler la projection du pigment et obtenir, à
volonté, des contours nets ou des dégradés vaporeux,
comme il l’a fait pour réaliser les chevaux pommelés du
Pech-Merle*11.
Il a parfois réalisé de véritables polychromies, comme à
Altamira, Tito Bustillo et Font-de-Gaume où il a utilisé plus
de trois couleurs : noire, rouge, ocre jaune. À Lascaux, la
polychromie a été obtenue par la combinaison de deux
colorants et de la couleur blanche naturelle de la calcite qu’il
a intégrée au décor pour suggérer le ventre des animaux*.
Une des préoccupations majeures des artistes
paléolithiques était de rendre le volume des formes. Ils
examinaient en détail les parois et les voûtes des grottes et
en utilisaient parfois les reliefs naturels : ainsi certaines
parois dont la forme ou le volume évoque un animal
semblent appeler un décor particulier. Une bosse suggère un
flanc, un bord de rocher un dos, des draperies
stalagmitiques simulent les pattes de certains animaux qu’il
n’y avait plus qu’à compléter. On a parfois l’impression que
la figuration s’est imposée à l’artiste : il en est ainsi de la
tête d’un des chevaux pommelés du Pech-Merle, dont le
contour est formé par une découpe naturelle du rocher*, ou
encore des bosses du Grand Plafond d’Altamira, que le
peintre a métamorphosées en bisons polychromes. Le
masque d’Altamira n’est qu’une avancée de rocher sur
laquelle on a ajouté deux gros yeux noirs, et le bison vertical
de la grotte du Castillo n’est qu’une stalagmite peinte. Dans
la grotte des Trois-Frères, un relief naturel de la roche
évoquant un mufle d’animal a été remarqué par les
Magdaléniens, qui se sont contentés de lui rajouter deux
gros yeux ronds pour le métamorphoser en une tête
fantastique 12. À côté de cette utilisation habile des
accidents naturels de la roche, ils pouvaient simuler le
modelé des animaux, les masses musculaires ou la coloration
du pelage en faisant varier l’épaisseur du trait, en créant des
dégradés de couleurs grâce à des mélanges de teintes ou en
usant d’autres procédés graphiques. Ainsi, le dessin d’une
sorte de M aplati sur le ventre de l’animal pouvait suffire à
marquer la modification de la couleur du pelage à ce niveau.
Le traitement « en réserve » des membres situés en
arrière-plan créait l’illusion de la profondeur*. La répétition
du tracé des pattes donnait l’impression du mouvement,
tandis que la répétition de lignes dorsales, de cornes ou de
pattes, comme à la grotte Chauvet, pouvait suffire à figurer
tout un troupeau 13.
Si les artistes paléolithiques ont d’abord dessiné les
animaux sans perspective, parfois même en profil absolu, ils
ont ensuite imaginé de les représenter avec des éléments
vus de profil et d’autres, comme les encornures ou les
sabots, vus de trois-quarts, puis selon les procédés évoquant
la perspective que nous connaissons 14.
Certains animaux sont cependant disproportionnés, avec
des têtes réduites et des corps élargis, un peu comme s’ils
étaient perçus avec un objectif grand-angulaire. Cette
anamorphose pourrait être due à la recherche tâtonnante
d’une représentation comparable à la perspective curviligne.
La représentation de l’animal varie dans ce cas en fonction
de la position de l’artiste. On peut en déduire que celui-ci
observait les animaux de très près, homme et bêtes étant
tous deux en position debout, ce qui rend improbable
l’observation exclusive d’animaux morts 15. Il y a sans doute
là davantage des procédés empiriques que l’application des
« règles » d’une perspective au sens moderne, comme le
croient certains auteurs. Notons du reste que le choix assez
systématique de surfaces concaves ou convexes comme
support conduit assez naturellement à des représentations
évoquant une perspective curviligne.
Les artistes ont exécuté des peintures qui se sont
relativement bien conservées dans les grottes. Ils ont aussi
enduit de peinture certaines frises sculptées dans des abris
mais leur exposition à la lumière et aux intempéries fait qu’il
n’en reste presque plus rien. De même, de nombreux objets –
en particulier les statuettes – portent encore de minuscules
traces d’ocre. Il n’est pas certain qu’ils aient tous été
volontairement peints. Le colorant a pu s’y déposer de façon
fortuite, par contact avec un objet ocré tel qu’un vêtement
ou après un séjour sur une surface ocrée. Il a pu aussi être
utilisé comme abrasif pour faciliter le polissage 16.
Les artistes pouvaient associer plusieurs techniques. À
côté des esquisses dont nous avons déjà parlé, ils ont parfois
surimposé la gravure à la peinture, pour faire ressortir
certains traits en clair et renforcer ainsi l’effet de volume,
comme à Altamira ou au Portel. On a accentué le relief de
certains rhinocéros peints sur les parois de la grotte Chauvet
en les détourant par un grattage du support. Le fameux
« sorcier » des Trois-Frères, appelé aussi le « Dieu
cornu », est un autre bel exemple d’association de
techniques. On a parfois utilisé le raclage pour modifier la
couleur naturelle de la roche en détourant telle surface
calcitée blanche ou limoneuse jaune ou au contraire en
supprimant la couche superficielle d’altération de la roche
17. L’artiste abordait donc son travail avec un projet élaboré
et savait user de toutes sortes de procédés pour le réaliser.
Mis à part le cas des frises sculptées monumentales qui
demandaient de nombreuses heures de travail, la réalisation
des gravures et des peintures au trait était rapide. Ainsi, il
n’a sans doute pas fallu plus d’une heure au peintre de la
grotte du Pech-Merle pour réaliser la frise noire comprenant
vingt-cinq animaux. Pour dessiner avec un fusain de charbon
de bois un des bisons du salon Noir de Niaux d’environ un
mètre de long, l’artiste n’aura pas mis plus de vingt minutes,
tandis que la peinture polychrome de l’un des chevaux
chinois de Lascaux, long d’1,40 m, aura demandé une heure
de travail, dont trente minutes de dessin préparatoire 18. Les
gravures et les peintures semblent avoir été faites d’un seul
jet. Même en considérant que ces temps, estimés grâce à
l’expérimentation, ne tiennent pas compte de la préparation
de la peinture et de l’installation de l’éclairage et
d’éventuels échafaudages, on peut conclure que les artistes
ne s’attardaient pas dans les grottes et n’y faisaient que de
brèves intrusions. Les traces de passage qu’on y décèle
confirment que l’incursion dans une grotte devait être un
événement rare, exceptionnel.
Les thèmes figurés
Si l’homme du Paléolithique supérieur a laissé beaucoup
d’oeuvres d’art derrière lui, les thèmes figurés sont
relativement peu diversifiés. Les plus nombreux sont les
animaux mais les humains ont aussi été représentés ainsi
que des êtres fantastiques – animaux composites, «
fantômes » – qui restent pour l’instant mystérieux. Les
artistes ont aussi réalisé de nombreux dessins abstraits.
Ils ont préféré représenter les chevaux et les bisons, puis
les cerfs, les rennes, les bouquetins et les mammouths.
D’autres animaux, comme les ours, les félins, les rhinocéros,
les oiseaux et les poissons, ont été plus rarement figurés.
Certaines espèces peu représentées dans les grottes, comme
les ours et les félins, apparaissent plus fréquemment sous
forme de statuettes ou de dessins gravés sur des objets
portatifs. Les artistes représentaient les animaux qui
partageaient leur environnement, comme dans la grotte
Cosquer, où ils ont fait une large place aux animaux marins.
Mais ils ne privilégiaient pas forcément les espèces les plus
familières ni celles qu’ils consommaient 19. Si les chevaux et
les bisons, abondamment figurés, étaient bien au menu des
chasseurs du Paléolithique, d’autres animaux chassés ont été
peu représentés. C’est le cas du renne et des petits capridés
comme les bouquetins, des oiseaux et des poissons. En
revanche, des animaux puissants et dangereux pour
l’homme, comme les ours et les félins, étaient volontiers
figurés quoiqu’en nombre limité. La grotte Chauvet
récemment découverte est à cet égard exceptionnelle
puisque les ours, les félins et les rhinocéros, rares dans les
grottes déjà connues, y ont été figurés en abondance.
De nombreux animaux ne sont représentés que
partiellement, seule la tête ou une partie du corps étant
gravée ou peinte. Mais la partie figurée n’est alors pas
fortuite : la crinière pour le cheval, la bosse dorsale pour le
mammouth, les cornes pour le bison, les bois pour le cerf...
L’artiste a pris soin de laisser des indices permettant
d’identifier à coup sûr l’animal. Bien d’autres animaux sont
figurés entiers ou presque. Il représentait volontiers les
animaux en pleine action. Ainsi, on les voit bondissant,
tombant, se roulant par terre, se léchant le flanc, galopant,
grattant le sol, meuglant, hennissant, bramant... Le réalisme
est souvent tel – détail du pelage, des bois pour les cervidés
– qu’il est parfois possible de dire à quelle saison de l’année
ils ont été observés 20. Les organes sexuels étaient par
contre rarement indiqués mais on peut supposer que ces
chasseurs étaient capables, bien mieux que nous, de
déterminer le sexe d’un animal uniquement grâce à sa
silhouette générale.
Si les animaux apparaissent souvent isolés les uns des
autres et sont d’ailleurs représentés à des échelles fort
différentes, ils sont parfois rangés selon une disposition
voulue : en file ou affrontés comme certains mammouths de
Rouffignac, dos à dos comme les chevaux du Pech-Merle*...
L’attitude ou l’association de certains animaux évoque
parfois une narration figurative : un oiseau pêchant un
poisson, un cerf hésitant et semblant avancer à reculons, un
bison mourant couché sur le flanc... Les animaux affrontés,
en posture de combat ou de parade sexuelle, ou encore en
train de se flairer ne sont pas rares 21. Les cinq cerfs de la
Nef de Lascaux, dont on ne voit que la tête et le cou,
semblent traverser à la nage un cours d’eau.
Les artistes manifestent une profonde connaissance de la
vie des animaux et de leur comportement. Ils les ont
approchés de très près et les ont même disséqués comme le
montrent certaines figurations étranges telles les têtes de
chevaux décharnés du Mas d’Azil*.
Les peintres et graveurs ont aussi dessiné des animaux
imaginaires. Certains sont composites, tel le bison à tête de
sanglier du Roc-de-Sers ou l’ours à tête de loup des Trois-
Frères. D’autres sont fantastiques, comme la « licorne » de
Lascaux, étrange quadrupède doté de deux longues cornes
rectilignes*, les curieuses « chimères » de la grotte des
Trois-Frères ou encore les « antilopes » du Pech-Merle.
D’autres animaux difficilement identifiables aujoud’hui
étaient peut-être aisément reconnaissables pour les hommes
du Paléolithique, à moins qu’ils n’aient été dessinés
délibérément de façon indistincte 22.
Les représentations humaines, ou du moins
anthropomorphes, sont fréquentes. La plupart des statuettes
humaines sont féminines. Ces « Vénus » plus ou moins
réalistes présentent généralement des caractéristiques
anatomiques exagérées*. Les seins, le ventre et les hanches
sont généreux. Le triangle pubien est parfois indiqué. Par
contre, le visage est rarement représenté et les jambes
souvent absentes ; la base de la statuette se terminant en
pointe, peut-être pour pouvoir être fichée verticalement dans
le sol. Certaines d’entre elles sont perforées et devaient être
portées en pendeloques ou cousues sur des vêtements 23.
D’autres petites statuettes plus schématiques représentent
des femmes vues de profil. Mais la conception artistique du
corps féminin, même stylisé, reste la même : on représentait
un tronc simplifié mais des fesses et des seins accentués.
Plus rarement, les sculpteurs ont réalisé des statuettes
d’individus longilignes au sexe indéterminé, évoquant des
adolescents ou de très jeunes filles, à Petřkovice par
exemple. Enfin quelques têtes ont été sculptées comme la
célèbre « dame à la capuche » de Brassempouy, taillée
dans de l’ivoire, celle de Dolní Věstonice ou encore la tête de
Entrefoces ; ce sont les rares cas où les représentations
d’humains sont à peu près réalistes 24.
Les réalisations pariétales font aussi apparaître des
figurations féminines, soit élaborées comme la « Vénus à la
corne » de Laussel*, à rapprocher des statuettes aux formes
généreuses, soit schématiques, simples silhouettes vues de
profil, comme à Gönnersdorf.
Si l’on excepte les figurations féminines, les humains sont
le plus souvent caricaturés, animalisés et difficiles à
identifier 25. Quand seule la tête est gravée, dans les grottes
ou sur des plaquettes, elle est également prognathe et
déformée, comme à La Marche et Gönnersdorf.
L’homme est parfois associé à l’animal dans ce qui semble
être la représentation d’un épisode narratif. Il apparaît alors
en position d’infériorité. Dans la scène du Puits de Lascaux,
il est renversé par un bison dont on voit nettement les
entrailles se répandre à terre*. Au Roc-de-Sers, c’est devant
un bœuf musqué que l’homme prend la fuite. Ailleurs, au
Pech-Merle et à Cougnac, plusieurs individus sont lardés de
traits.
Dans deux cas, à Laussel et à Enlène, il est possible que
l’artiste ait voulu représenter une scène d’accouplement,
mais la position des personnages – tête-bêche à la manière
de cartes à jouer dans un cas, superposés dans l’autre – peut
être fortuite 26.
Parfois, seul le contour de la tête et les yeux ont été tracés,
comme aux Trois-Frères, aux Combarelles ou au Portel, ce
qui donne à l’image une allure fantomatique ; mais il peut
aussi s’agir de têtes d’oiseaux vues de face et l’ambiguïté a
d’ailleurs pu être voulue. Les peintres et graveurs
poussaient parfois l’ambiguïté encore plus loin en
représentant des êtres résolument composites, mi-humains
mi-animaux, associant membres humains et cornes de bisons
ou bois de cervidés par exemple. Les plus célèbres de ces
figurations sont les « sorciers » de Gabillou, des Trois-
Frères ou des Espélugues. On peut y ajouter l’inquiétante
statuette humaine à tête de lion que les Aurignaciens de
Hohlenstein-Stadel* ont taillé dans l’ivoire* 27.
Dès l’Aurignacien, les artistes ont gravé et sculpté sur les
parois d’abris, de grottes ou sur de gros blocs des vulves
plus ou moins réalistes, intégrées à une figuration féminine
ou le plus souvent isolées. Ajoutons à cela les fentes et
béances de la roche badigeonnées d’ocre rouge, comme
dans les grottes de Font-de-Gaume et de Niaux, qui
pourraient représenter des vulves. Les organes sexuels
masculins gravés dans les grottes sont plus rares. En
revanche, les personnages masculins sont souvent
ithyphalliques*. Les objets sculptés dans la pierre, l’os ou le
bois de renne en forme de phallus sont un peu plus
fréquents, en particulier les bâtons percés dont le manche
est phalliforme *. Le sculpteur a exceptionnellement associé
sur le même objet les deux figurations sexuelles, féminine et
masculine 28.
Au Gravettien, des hommes, des femmes, des adolescents
et des enfants ont apposé leurs mains sur les parois de
certaines grottes et soufflé de la peinture tout autour,
laissant ainsi le dessin de leur main en négatif. À Gargas,
plus de deux cent cinquante mains ont été dessinées de cette
façon. Moins fréquemment, ils enduisaient leur main de
colorant avant de l’appliquer sur la roche. Ces mains ont
ceci de curieux qu’il leur manque parfois des phalanges ou
des doigts.
Dès les origines de l’art, les hommes ont dessiné, à côté
des représentations figuratives, des tracés géométriques
abstraits*. Cela va de l’expression graphique la plus simple –
point, trait – à des dessins plus complexes tels que
rectangles quadrillés, cercles, accolades. Ces signes sont
soit isolés, soit associés et emboîtés les uns dans les autres,
soit encore superposés aux animaux et aux humains ou à
leur proximité immédiate. Il est possible que les artistes
aient voulu évoquer des objets réels. Ainsi, les signes
barbelés pourraient être des sagaies ou des flèches, les
signes tectiformes, des habitations, les quadrillés, des pièges
ou des filets, les triangles, des vulves féminines, certains
autres signes seraient des représentations animales
schématiques (têtes de cerf, poissons...). Mais d’autres
résistent à toute interprétation, en particulier les tracés plus
complexes – parfois de très grandes dimensions, avec
remplissage intérieur* – dont le mystère reste entier.
Unité et diversité de l’art
De prime abord, l’art paléolithique apparaît fort
homogène. Mais cette unité n’est qu’apparente. Les artistes
ont visiblement dû se plier à un certain nombre de
contraintes techniques et environnementales. Malgré cela,
on note une grande diversité dans le temps et l’espace qui
montre qu’ils se sont donné une certaine latitude dans le
choix des techniques, des thèmes et des styles.
Si les artistes ont toujours su adapter la technique la plus
adéquate à la nature du support – en modelant l’argile, en
sculptant le calcaire gréseux, en soufflant la peinture sur les
surfaces mamelonnées –, ils ont aussi marqué des
préférences selon les lieux et selon les époques dans le choix
des supports et des techniques. Les hommes du
Paléolithique supérieur d’Europe centrale et orientale ont
beaucoup travaillé l’ivoire ou l’argile et ont sculpté de
nombreuses figurines animales et humaines en ronde-bosse
alors qu’à l’ouest de l’Europe, ils se sont exprimés en
décorant les parois et les voûtes des cavernes. Là encore, les
préférences varient : ceux du Périgord affectionnaient la
bichromie et la polychromie, ceux du Quercy et de la vallée
de l’Ardèche, les tracés linéaires simples, tandis que seuls
les artistes fréquentant les grottes pyrénéennes ont eu l’idée
de modeler l’argile et ceux de certaines cavités espagnoles
de remplir les figures de fines hachures 29.
Le choix des animaux figurés variait selon la région et
l’époque. En effet, les artistes ne pouvaient dessiner que les
animaux qu’ils voyaient. Ainsi, les Magdaléniens occupant le
versant espagnol des Pyrénées ont rarement figuré le renne,
le mammouth et le rhinocéros laineux, puisque ces animaux
de climat froid vivaient surtout plus au nord ; à l’inverse, les
cerfs, les biches et les aurochs leur étaient plus familiers et
ils les ont représentés plus fréquemment que les artistes
installés au nord de la barrière des Pyrénées. S’il est vrai
que le bestiaire figuré est partiellement tributaire de
l’environnement, il n’en est cependant pas le fidèle reflet,
comme le démontre aisément l’exemple de la grotte de
Rouffignac où les peintres ont dessiné plus d’une centaine de
mammouths, alors que cet animal est rare ou absent dans les
grottes voisines. Si les Magdaléniens chassaient
massivement le renne, ils ne le gravaient que sur des
plaquettes calcaires et presque jamais dans les grottes ; ils
associaient très souvent les chevaux aux bisons dans les
grottes mais presque jamais sur d’autres supports.
Le style des figurations paraît obéir à des conventions et à
des règles : rappelons par exemple le choix des détails
figurés dans la représentation métonymique des animaux.
Mais ces conventions stylistiques ont varié dans l’espace et
le temps. L’extrémité des pattes, quasi inexistante aux
périodes anciennes, est dessinée avec un luxe de détails
anatomiques dans la seconde partie du Magdalénien. Si c’est
à ce moment que la figuration réaliste atteint son apogée, on
constate cependant des variations régionales : un artiste
magdalénien vivant dans les Pyrénées ne représentera pas
un bison de la même manière qu’un de ses contemporains
installé en Périgord 30.
Ces variations ne se limitent pas aux représentations
animalières. Les mains, par exemple, sont surtout fréquentes
durant les phases anciennes. Le thème de la femme, très
présent au Gravettien et au Magdalénien, est quasiment
inconnu au Solutréen et dans le Magdalénien supérieur
cantabrique. Au Gravettien, avec de petites variations
régionales, les artistes sculptent en ronde-bosse des
statuettes féminines plutôt réalistes, et ce de l’Atlantique à
la Sibérie. Au Magdalénien, certains artistes gravent sur les
parois des grottes et sur des plaquettes des figurations
féminines réalistes proches de celles exécutées 8 000 à 10
000 ans auparavant, d’autres des silhouettes schématiques
vues de profil 31.
L’homogénéité régionale de cet art est flagrante pour
certains signes comme les tectiformes des Magdaléniens
occupant les rives de la Vézère. Elle a même laissé entrevoir
la possibilité de construire une véritable géographie
humaine et de dessiner des identités culturelles régionales
32. Mais comment expliquer alors que des signes « en
accolade » (ou « à cheminée ») aient été peints et gravés
sur les parois de la grotte charentaise du Placard, identiques
à ceux de deux sanctuaires profonds du Quercy, le Pech-
Merle et Cougnac, situées à 140 km de là. Ou bien, les
habitants de l’une et l’autre région avaient des contacts, ou
bien ils ont eu tous deux l’idée de dessiner des signes dont le
sens n’était pas forcément le même pour les uns et pour les
autres puisque, dans un cas, ils ont été tracés sur les parois
de l’habitat et dans les deux autres, dans des galeries à
vocation artistique ou rituelle.
Ce cas n’est pas unique. Les signes claviformes dessinés
par les Magdaléniens ariégeois se retrouvent dans certaines
grottes des Cantabres et de la Dordogne. Un phénomène de
convergence peut suffire pour expliquer la similitude des
représentations féminines ou de signes simples tels que des
points et des traits, mais, pour des signes abstraits aussi
élaborés, on penserait plutôt que les Paléolithiques
entretenaient des contacts à longue distance 33.
La place de l’art dans la vie
quotidienne
Les motivations profondes des individus à qui nous devons
toutes les œuvres d’art évoquées jusqu’ici nous échappent
totalement. Mais les œuvres elles-mêmes et leur contexte
culturel apportent des informations qui, bien exploitées,
peuvent permettre d’avancer quelques hypothèses. Le tort
des préhistoriens a été de rechercher une explication
unique, et nous verrons que toutes les interprétations qui
ont été faites ont pu être partiellement valables, selon les
lieux, les époques et les circonstances 1.
Art public et art secret
Les supports destinés à recevoir un décor sont de forme,
de nature, de dimension variées, et leur choix n’était
certainement pas anodin. Parfois, les hommes ont décoré les
parois mêmes de leur habitat ou bien des objets d’usage
courant qu’ils avaient tous les jours sous les yeux. Parfois au
contraire, ils ont orné des parois rocheuses enfouies à
plusieurs centaines de mètres dans les profondeurs de la
terre, ou des objets non utilitaires qui ne faisaient
probablement pas partie de leur univers le plus quotidien.
Dans le même ordre d’idée, on peut remarquer que certaines
œuvres peintes étaient spectaculaires, très visibles, tandis
qu’à l’inverse, certaines œuvres gravées étaient discrètes et
presque indéchiffrables 2. Il y aurait donc eu d’une part, un
art domestique, quotidien, séculier et, d’autre part, un art
secret, réservé à quelques-uns, peut-être sacré.
Lorsque les hommes décoraient des parois éclairées par la
lumière naturelle, comme certains abris ou porches de
grottes, ils réalisaient des œuvres d’art sur les lieux mêmes
où ils vivaient, ou à leur proximité. Cet art n’était donc pas à
l’écart de la vie de tous les jours, et les menues tâches de la
vie quotidienne se déroulaient apparemment dans leur
voisinage immédiat. Les oeuvres de ces habitats ornés
n’étaient pas tenues secrètes puisqu’elles étaient vues en
permanence par tous les membres du groupe. À Angles-sur-
l’Anglin, les hommes ont vécu devant un spectaculaire
panneau sculpté en bas-relief. À Sainte-Eulalie et Teyjat, ils
ont décoré les parois de l’entrée de la grotte dans laquelle ils
vivaient. À Laussel, au Roc-de-Sers et au Fourneau du
Diable, ils se sont installés au pied de la paroi ornée et y ont
vécu soit au moment de sa décoration, soit juste après 3. De
gros blocs sculptés, trop lourds pour avoir été transportés,
faisaient partie intégrante de l’habitation.
Ils ont souvent décoré des objets utilitaires tels que des
armes, des ustensiles domestiques, ou encore des outils dont
l’usage est mal connu. Certains de ces objets ont été
merveilleusement sculptés comme les propulseurs en os,
ivoire ou bois de renne richement ornés de ronde-bosses
animales*. On aurait tort de croire que ces véritables œuvres
d’art n’avaient qu’un rôle cérémoniel car les plus
magnifiques de ces propulseurs portent bien des traces
d’usure, en particulier dans la partie de l’animal sculpté
servant à caler le trait au moment du lancer. Peut-être cette
arme richement décorée était-elle celle d’un chef ou d’un
chasseur hors pair. Ces objets étaient précieux mais on
veillait de plus à ce qu’ils soient utilisables, en bon état de
marche. Un chasseur de Bruniquel possédait un propulseur
orné d’un mammouth sculpté dont la queue formait le
crochet. Malencontreusement cassé, ce dernier a été
remplacé par un crochet rapporté, collé avec de la résine,
dans une petite cavité creusée dans l’échine du mammouth
4.
À côté de ces décors dont la valeur esthétique est
évidente, on trouve sur certains objets – sagaies ou harpons
en particulier – des décors souvent géométriques dont le
sens nous échappe. Il pourrait s’agir de signes de
reconnaissance ou d’appartenance à un groupe, de «
signatures » ou encore de marques de propriétaires.
Les hommes préhistoriques décoraient parfois aussi
certains ustensiles domestiques apparemment moins
prestigieux que les armes. C’est le cas par exemple des
cuillers en bois de renne, des petits récipients destinés à
préparer l’ocre, des lampes en pierre dont le pourtour, le
fond ou la face sur laquelle ils reposaient ont été gravés de
figures animales ou de dessins géométriques. C’est aussi le
cas de vulgaires galets utilisés comme percuteurs, maillets
ou lissoirs. Une observation attentive fait apparaître que ces
objets ont été décorés avant d’être utilisés. Leur décor n’a
pas été respecté par la suite et a souvent été endommagé au
cours de leur utilisation. Ce qui signifierait que la valeur
conférée à un galet ou une plaquette décorée pouvait être
éphémère et que l’objet pouvait être recyclé et devenir un
simple outil 5.
D’autres objets dont on n’est pas sûr qu’ils étaient
réellement utilitaires ont aussi été sculptés. C’est le cas des
spatules en forme de poisson, ou encore des nombreux
bâtons percés, richement décorés tout au long du
Paléolithique supérieur.
Outre les objets proprement utilitaires, les hommes du
Paléolithique supérieur ont sculpté et gravé de nombreux
objets qui ne semblent pas avoir eu d’autre finalité que celle
de recevoir un décor. Ils les ont abandonnés aussi bien dans
leurs habitats que dans les grottes qu’ils ont fréquentées. Ce
sont des statuettes en ronde-bosse humaines ou animales ou
encore des têtes d’animaux découpées dans de l’os, finement
gravées et souvent perforées pour servir de pendentif.
Quelle qu’ait pu être par ailleurs leur signification, toutes
ces réalisations n’avaient pas le côté secret, caché, de l’art
dont nous allons parler maintenant.
L’art pariétal a été réalisé sur des parois rocheuses plus ou
moins enfouies dans le sol. Les grottes creusées
naturellement dans la roche sont nombreuses dans les
régions calcaires. Or, elles n’ont pas toutes été décorées,
même dans les régions où il existe des concentrations de
grottes ornées, comme en Dordogne, dans les Pyrénées et le
long de la côte cantabrique espagnole. Les hommes
choisissaient les grottes qu’ils allaient orner non loin de
lieux propices à la chasse ou à la pêche : à la confluence de
deux rivières comme pour la Dordogne et la Vézère, le Lot et
le Célé, l’Ariège et le Vicdessos ; à proximité de
rétrécissements de vallées, passages obligés pour les
animaux ; ou encore près de pertes et de résurgences de
rivières souterraines, points d’eau autour desquels les
troupeaux devaient se rassembler. Quand ils avaient le choix
entre plusieurs grottes, ils tenaient compte de leur
orientation. Dans les Pyrénées françaises, leurs préférences
allaient vers celles s’ouvrant au nord, dont la température
interne devait être plus douce 6.
Dans les régions au relief particulièrement accusé, comme
les Pyrénées, l’accessibilité des grottes semble également
avoir joué un rôle dans le choix des cavités à orner. Ainsi, les
prédécesseurs des Magdaléniens choisissaient des grottes
plutôt faciles d’accès. À l’inverse, les Magdaléniens – à
l’exception de ceux qui occupaient l’Ariège – ont orné des
grottes situées plutôt en altitude mais dont le porche était en
général bien visible du fond de la vallée. Les Magdaléniens
qui vivaient dans la grotte de La Vache ont forcément
remarqué, à 200 m de là, un peu plus haut sur l’autre
versant de la vallée qu’ils occupaient, l’impressionnant
porche d’une gigantesque cavité, la célèbre grotte de Niaux.
Ils sont allés la visiter et y ont réalisé au moins une partie
des peintures, comme l’ont montré de récentes analyses de
pigments sur des objets de La Vache et sur certaines parois
de Niaux. La grotte de Niaux était donc une manière de
sanctuaire pour les habitants de la grotte de La Vache 7. Ce
n’est qu’au Magdalénien que les hommes fréquentèrent et
ornèrent des grottes très profondes ou au parcours difficile.
Le choix de la paroi à graver ou à peindre se faisait en
fonction de plusieurs critères. Les artistes préféraient orner
les parois situées dans des zones obscures, non éclairées par
la lumière du jour. Quand il leur arrivait,
exceptionnellement, de décorer les parois d’une zone située
dans la pénombre, c’est qu’ils n’avaient pas le choix et que la
grotte n’était pas suffisamment profonde pour être obscure,
comme les grottes du Cheval à Foix, de Marsoulas et de
Pradières 8. En outre, le modelé de la paroi, qui a parfois
guidé la main et l’imagination des artistes, ainsi que sa
qualité, ont aussi joué un rôle. Ils recherchaient en général
les surfaces les plus lisses, comme dans la grotte des Trois-
Frères, où ils ont réalisé leurs gravures sur des parois
lustrées par les ours qui s’y étaient longuement frottés.
Quand la surface était partout mamelonnée ou rugueuse, les
artistes ont adopté les techniques adaptées que nous avons
déjà évoquées. Les panneaux semblent aussi avoir été
choisis en fonction de leur dimension. Parfois le choix s’est
porté sur des panneaux ou des plafonds monumentaux
comme la Rotonde de Lascaux ou le Grand Plafond
d’Altamira ; parfois au contraire, les niches et diverticules
bien circonscrits semblent avoir été recherchés, peut-être
parce qu’ils offraient l’avantage d’être isolés et de fournir
des surfaces à dimension humaine, couvertes par l’amplitude
du mouvement du bras, faciles à éclairer et se prêtant plus
facilement à un travail de composition.
À côté des remarquables peintures animales parfois
polychromes existent de très nombreuses gravures moins
connues car beaucoup moins spectaculaires et dont la
lecture est souvent difficile. Les traits gravés paraissent
avoir été volontairement superposés, enchevêtrés, rendus
illisibles, comme pour être soustraits aux regards.
Par ailleurs, les Paléolithiques ont aussi couvert de fines
gravures toutes sortes de supports : pierres de formes et de
dimensions variées, blocs, plaquettes et galets ou encore
fragments d’os plats ou longs, plaquettes d’ivoire... Ils ont
parfois gravé puis abandonné plusieurs centaines de
plaquettes dans leurs habitats. La grotte des Trois-Frères et
celle d’Enlène communiquent par un couloir long et exigu.
Seule la première est ornée mais le sol de la seconde, qui a
servi d’habitat, est jonché, comme celui du couloir, de
plaquettes dont plus d’un millier a été gravé. Ces plaquettes
semblent contemporaines des figurations pariétales des
Trois-Frères 9.
Pour expliquer la surperposition et l’enchevêtrement des
traits, certains ont imaginé que ces œuvres portatives
étaient des sortes d’ardoises, où l’on s’exerçait à graver
avant d’aller décorer les parois et les plafonds des grottes.
Avant chaque essai, on aurait enduit la plaquette d’une
matière molle, telle que de l’argile, pour recouvrir les
esquisses précédentes 10. L’hypothèse est intéressante mais
ne peut être établie avec certitude car, même à de très forts
grossissements, aucun reste d’une quelconque matière n’a
jamais été observée au fond des traits gravés. De plus, les
animaux figurés sur ces objets ne sont pas toujours les
mêmes que ceux qui ont été représentés dans les grottes. On
peut aussi supposer, si l’on admet que ces gravures étaient
aussi difficiles à déchiffrer pour les Paléolithiques que pour
nous-mêmes, qu’elles relevaient d’un art secret,
indéchiffrable. On peut enfin imaginer, pour expliquer
l’enchevêtrement de dessins gravés, que seul comptait l’acte
de graver et non le résultat. Peu importait donc que le dessin
soit illisible. Ce qui expliquerait aussi la fréquente
réutilisation de ces objets comme vulgaires outils ou
ustensiles domestiques.
Les motivations des artistes
On pensait au début du siècle que l’art paléolithique avait
été gratuit ; les artistes auraient agi uniquement par plaisir
et par goût. Certes, les compositions baroques de spirales,
de cercles et de volutes ou les séries de stries et d’encoches
ornant certains outils semblent uniquement destinées à
rehausser la beauté de l’objet 11. Mais on n’explique pas à si
bon compte l’emplacement de certains dessins, situés parfois
à plusieurs centaines de mètres de la lumière du jour. On
imagine mal des chasseurs désoeuvrés s’introduisant dans
des grottes profondes à seule fin de s’amuser à gribouiller
au hasard sur les parois ou le plafond d’une grotte. Qu’ils
aient eu les mêmes motivations qu’un spéléologue moderne,
curieux et excité par le danger, que cette conquête du
monde souterrain se soit accompagnée d’un certain prestige,
on peut le concevoir. Seuls les tracés digitaux, les
empreintes de mains ou la projection de boulettes d’argile
contre les parois pourraient révéler une prosaïque volonté
d’appropriation de la cavité, à la manière des graffiti
modernes. Mais cela ne suffit pas à expliquer la constance
de certains thèmes tout au long du Paléolithique supérieur ni
le niveau artistique de certaines fresques comme celles
d’Altamira et de Lascaux, mûrement pensées et ayant
demandé des heures de préparation et de travail.
Plus personne ne se contente aujourd’hui d’imaginer des
artistes paléolithiques mus par leur seule fantaisie.
Songeons que les œuvres d’art pariétal devaient être
particulièrement impressionnantes : les animaux surgissant
de l’obscurité des profondeurs souterraines à la lueur
vacillante de torches ou de petites lampes à graisse devaient
frapper l’imagination et l’esprit de qui les découvrait pour la
première fois et peut-être lui inspirer une horreur sacrée. Et
beaucoup pensent aujourd’hui qu’une grande partie de cet
art avait une signification religieuse.
Étant donné l’importance du thème animalier, on a
imaginé – en s’inspirant de données ethnographiques – que
les chasseurs paléolithiques se livraient à des cérémonies
pour favoriser la multiplication du gibier, assurer le succès
de la chasse à venir, éloigner le danger ou encore solliciter
le pardon et l’accord de l’animal avant son sacrifice. Les
animaux auraient été tués symboliquement, comme
l’indiquent l’image de sagaies et de flèches sur ou autour
d’eux, et les marques visibles sur certaines figurations qui
pourraient être des traces de coups ou des blessures*. Ces
gestes rituels auraient eu pour objet des statuettes animales
ou des animaux gravés sur des galets ou des plaquettes.
D’autres auraient été accomplis par les seuls initiés sur des
représentations réalisées au fond des grottes 12.
Il y a peut-être là une part de vérité, mais nous avons vu
que le choix des animaux figurés ne tenait pas à leur intérêt
alimentaire. On a l’impression que toutes les proies n’avaient
pas la même valeur : certaines ont forcé le respect et
l’admiration des chasseurs paléolithiques et étaient investies
d’un grand prestige, peut-être parce qu’elles symbolisaient
la puissance (bisons et mammouths) ou la vitesse (chevaux)
tandis que le gibier plus facile comme les troupeaux de
rennes et de cerfs ont peu inspiré les artistes. Ainsi pourrait
s’expliquer la rareté des dessins de petits animaux faisant
pourtant partie de l’univers quotidien – comme les rongeurs,
les batraciens et les insectes – et la curieuse absence
d’éléments végétaux dans l’art, si l’on excepte quelques
figurations douteuses.
De plus, les animaux percés de flèches ou de sagaies sont
rares, de même que les signes quadrangulaires interprétés,
peut-être un peu hâtivement, comme des trappes et des
filets. Les « projectiles » ont d’ailleurs parfois été gravés
avant l’animal, comme à la grotte Cosquer. Quant aux
marques de coups visibles sur les petits animaux sculptés, il
peut s’agir de traces de fabrication, d’éléments du décor
(pelage), ou encore de signes abstraits. Signalons le cas de
statuettes d’ours et de lions modelées dans l’argile sur
lesquelles des perforations ont été faites avant le
durcissement des statuettes par le feu. Si ces trous étaient
des marques de « mise à mort » symbolique, on s’attendrait
plutôt à ce qu’ils aient été faits une fois les statuettes
achevées et non en cours de fabrication 13.
Dans la caverne de Montespan, des chevaux dessinés dans
l’argile molle ont été criblés de trous*. Les gestes accomplis
semblent à première vue avoir été ordonnés et méthodiques
et certains auteurs ont évoqué une cérémonie accomplie
avec peu de participants. On a imaginé que ces perforations
coniques et régulières avaient été exécutées en frappant
l’argile d’un pieu de bois ou d’une pointe de sagaie,
hypothèse qu’on croyait corroborée par la découverte d’une
sagaie retrouvée fichée verticalement dans le sol de la
grotte. En réalité, des moulages ont récemment révélé que
ces trous avaient été faits au doigt, peut-être par les hommes
du Chalcolithique venus prélever de l’argile dans la grotte,
pour en tester la qualité. Du reste, d’autres trous similaires
ont été observés sur plusieurs parois de la grotte, y compris
dans des zones non décorées 14.
Par ailleurs, dans les rares scènes narratives connues,
l’homme apparaît toujours bafoué et terrassé, même si
l’animal ne sort pas toujours indemne du combat*. Que ces
scènes relatent des récits de chasse ou non, elles montrent
que les animaux – ou du moins certains d’entre eux –
inspiraient probablement crainte et respect. Si cet art reflète
une relation particulière entre l’homme et l’animal, rien ne
permet d’affirmer qu’il est lié à des rituels de chasse.
Les êtres composites mi-humains mi-animaux ont tour à
tour été interprétés comme des chasseurs déguisés et
portant un masque – ce qui confortait l’existence de rites de
chasse –, comme des sorciers ou des chamanes, ou encore
comme des êtres mythologiques. On a aussi avancé
l’hypothèse d’un tabou interdisant la reproduction fidèle des
êtres humains. La théorie chamanique refait périodiquement
surface, et récemment encore, on a émis l’hypothèse que ce
chamane, prêtre ou magicien, n’était autre que l’artiste lui-
même, dont l’importante tâche ne pouvait être accomplie
que dans des transes ou des états hallucinatoires obtenus
grâce à l’absorption de substances hallucinogènes, comme
cela se passe chez les Bushmen d’Afrique du Sud 15.
Les statuettes féminines ont, quant à elles, été
interprétées comme une représentation symbolique de la
fécondité et de la fertilité, en raison de la rondeur de leurs
formes et de l’exagération de leurs attributs sexuels*.
D’autres hypothèses ont été proposées et certains y ont vu
des portraits divinisés, des déesses de la maternité, des
prêtresses, ou encore une preuve d’un matriarcat
originel !... C’est pour l’instant la première hypothèse qui
paraît la moins invraisemblable car elle expliquerait aussi les
figurations d’organes sexuels féminins et masculins.
Certains ont cependant fait remarquer que les populations
de chasseurs-cueilleurs actuels cherchaient plutôt à limiter
leur croissance démographique 16. Mais on doit d’abord
remarquer que les idéaux moraux ou religieux ne sont pas
toujours en accord avec les intérêts économiques 17 ; de
plus, rendre un hommage à une déesse de la maternité ou de
la fécondité n’implique pas forcément le désir d’accroître
inconsidérément la population.
La présence de mains peintes dans certaines grottes n’a
rien de surprenant si l’on songe que de tous temps et dans
de nombreuses parties du monde, l’homme a éprouvé le
besoin de marquer son passage en laissant une image de sa
main. La figuration de mains mutilées a en revanche suscité
de nombreuses spéculations. Ces individus auraient eu
effectivement des phalanges ou des doigts en moins, soit
parce qu’ils souffraient de maladies ayant entraîné
l’amputation ou l’atrophie de certains doigts, soit parce
qu’ils se mutilaient volontairement, au cours de rites, comme
cela se pratiquait dans certaines tribus côtières
australiennes ou encore chez les Bushmen du Kalahari. Mais
alors pourquoi n’a-t-on jamais retrouvé de squelettes
humains présentant des mains incomplètes ou atrophiées ?
De plus, on imagine mal des chasseurs se priver
volontairement du précieux instrument de travail qu’est la
main au cours de rites destinés à améliorer leurs
performances à la chasse ! Plus vraisemblablement, les
artistes apposaient leur main contre la surface rocheuse –
plus souvent la gauche que la droite – et repliaient certaines
phalanges au moment d’appliquer la peinture. Ces mains aux
doigts raccourcis ou absents, dont le nombre de
combinaisons est d’ailleurs limité, traduiraient alors un code
gestuel dont nous ne posséderons probablement jamais la
clef, mais qui pourrait avoir été utilisé pour la chasse
silencieuse, comme cela est attesté en Australie et en
Afrique du Sud 18. Le pliage des doigts est une pratique qui
existait bien puisque les Gravettiens ayant fréquenté la
grotte du Pech-Merle ont représenté en négatif des doigts de
profil avec la dernière phalange repliée.
Nous avons vu que certains objets décorés étaient
suffisamment précieux pour mériter d’être réparés, comme
ces pendentifs cassés au niveau de la perforation, qu’on
perçait de nouveaux trous un peu plus loin. À l’inverse, des
œuvres d’art étaient volontairement brisées après usage,
telles les petites figurines animales sculptées dans du grès
par les Magdaléniens d’Isturitz ou les statuettes en terre
cuite de Dolní Věstonice, jetées dans le feu après avoir été
cassées 19. Certains animaux figurés sur les parois de la
grotte Chauvet ont été détruits par de grands traits de
raclage les oblitérant presque totalement. Comme les
supports artistiques recyclés en simples outils, ces œuvres
brisées incitent à penser qu’elles n’ont eu qu’une valeur
momentanée. Ce qui pourrait aller dans le sens d’un art
magique, l’objet figuré n’étant important que le temps d’un
rite, voire le temps de son exécution. On peut même
imaginer que le bris de l’objet faisait partie du rite lui-même
ou bien qu’il s’agissait d’éviter une utilisation ultérieure.
S’il n’est pas déraisonnable d’attribuer une valeur
religieuse ou rituelle à cet art, on voit qu’on entre vite dans
le domaine des hypothèses hasardeuses dès qu’on cherche à
en dire plus. On peut aussi penser, pour certaines au moins
des manifestations de cet art, à des explications purement
sociales. Certaines statuettes animales étaient peut-être des
objets personnels reflétant le statut de leur propriétaire.
Elles accompagnaient d’ailleurs souvent le mort dans la
tombe. Beaucoup sont petites, inférieures à 5 cm. Parfois
perforées, elles pouvaient être portées en sautoir ou cousues
sur les vêtements. L’un des chevaux de Vogelherd, par
exemple, ne devait pas être transporté dans un sac mais
suspendu contre une peau ou de la fourrure car ce sont les
parties saillantes, dos et tête, qui sont usées, et non les
surfaces. D’autres statuettes, plus grandes, comme le
personnage à tête léonine de Hohlenstein-Stadel*, avaient
peut-être une fonction plus statique et étaient soit exposées
dans l’habitat, soit, au contraire, conservées dans une cache
20.
Pour certains, l’art des cavernes serait né du besoin,
éprouvé par un individu ou une collectivité, de prendre
possession du lieu en le marquant 21. Ceci nous conduit tout
droit à un autre type d’hypothèses selon lequel la grotte
serait le reflet imaginaire des clans, les animaux figurés
ayant une signification totémique 22. On a ainsi émis
l’hypothèse que les espèces animales pourraient représenter
des groupes sociaux, les couplages d’animaux symbolisant
des alliances et échanges entre groupes ; les signes
représenteraient alors des groupes, des alliances, des
lignées ou encore des territoires. Les alliances ne seraient
pas restées stables pendant des millénaires, ce qui
expliquerait qu’on observe des schémas différents selon les
lieux et les époques. On aurait représenté, sinon directement
des systèmes d’alliance, du moins « des mythes, peut-être
des mythes d’origine, concernant des ancêtres dont les
situations et les alliances préfigurent celle des groupes
concernés » 23.
La construction symbolique du sanctuaire
Les artistes décorant les grottes ne disposaient pas les
figurations au hasard. Ils tenaient compte de l’espace
disponible, de l’état de la surface de la paroi et de son
accessibilité, ils choisissaient aussi de placer certains
animaux dans des lieux particuliers et ne les associaient pas
n’importe comment. Ainsi, les animaux les plus souvent
représentés, chevaux et bisons, occupaient les panneaux
centraux tandis que d’autres espèces, moins fréquentes,
comme les rennes et les cerfs, se trouvaient dans les
passages ; enfin les carnivores – félins et ours – ainsi que les
humains étaient confinés aux extrémités ou à l’entrée du
sanctuaire 24. Sur les panneaux eux-mêmes, certains
animaux sont centraux – le bison, le mammouth, le cheval –,
alors que d’autres apparaissent comme périphériques – le
bouquetin, le cerf... Espace clos, organisé, structuré, la
grotte était une véritable « construction symbolique » 25.
Mais quelle en était le code d’accès ? Pour André Leroi-
Gourhan, les animaux se regroupaient en deux catégories
opposées, l’une associée à des signes géométriques fermés à
valeur féminine (triangles, ovales...), l’autre à des signes
allongés à valeur masculine (bâtonnets, barbelés...) 26.Si
cette tentative d’explication par une symbolique sexuelle a
été très contestée depuis, elle a cependant eu le mérite de
montrer qu’il existait une organisation interne de la grotte.
Quel qu’en soit le sens, la décoration des grottes répondait à
des normes précises, probablement d’ordre symbolique. A.
Leroi-Gourhan a lui-même reconnu par la suite que le
contenu de ces signes restait hypothétique. Il a nuancé ses
résultats en considérant que les associations sont la forme
d’une idéologie et non sa substance ; si l’on peut faire état
d’oppositions ou de corrélations entre les valeurs associées
aux animaux représentés, le contenu de ces valeurs a pu
évoluer. Ceci expliquerait l’assemblage de mêmes espèces
animales à des époques différentes 27.
Il faut cependant dire que, si les figurations nous semblent
aujourd’hui organisées selon un plan préconçu, il n’en était
pas forcément de même au Paléolithique, en particulier dans
les grottes visitées et décorées à plusieurs reprises. En effet,
à chaque étape de fréquentation du sanctuaire,
l’ordonnancement des figures variait. Si l’on peut admettre
que le second artiste et le troisième ont tenu compte des
figurations qui se trouvaient déjà sur les panneaux à leur
arrivée, on imagine mal le premier d’entre eux disposant
provisoirement les figures, en attendant que le panneau soit
complété, peut-être plusieurs millénaires plus tard. Il faut
donc s’assurer de la contemporanéité des figures avant d’en
étudier les associations. Il est du reste souvent difficile de
déterminer, quand deux figurations sont superposées, si
elles le furent lors de la même séquence de décoration, ou
bien lors de deux visites distantes de quelques jours,
quelques mois, quelques années, quelques siècles ou
davantage 28.
Dans la grotte espagnole de Llonín, les premiers artistes
n’ont décoré qu’une partie de l’espace disponible sur la
paroi. Les suivants ont effacé certaines figures mais ont
aussi utilisé les parties libres, intégrant certaines figures
anciennes au nouveau décor. Ils ont ainsi gravé un bison à
côté d’un autre bison qui avait été peint plusieurs
millénaires auparavant. À l’inverse, le second groupe de
visiteurs de la grotte Cosquer a pris soin d’oblitérer et de
raturer les mains peintes par leurs prédécesseurs, 8 000 ans
avant eux. Il y a là une volonté de destruction, peut-être de
substitution d’une magie à une autre, jugée étrangère ou
trop dangereuse 29. Mais cette pratique semble avoir été
exceptionnelle et les artistes respectaient généralement les
figurations qu’ils découvraient sur les parois ou les voûtes.
Ils ne se contentaient d’ailleurs pas toujours de rajouter de
nouvelles figurations. Il leur arrivait de repasser les
figurations anciennes et d’en modifier légèrement le tracé,
ce qui se traduit maintenant par la présence de tracés
multiples surtout au niveau du museau, des pattes et de la
queue. Ces reprises peuvent avoir été faites dans un laps de
temps relativement bref, lors d’un entretien régulier des
figures. Elles peuvent aussi être le fait de deux groupes
humains très éloignés dans le temps. La modification du
tracé lors du remploi peut s’accompagner alors d’un
changement de sens de la figuration, les derniers arrivés
n’ayant pas forcément connaissance des traditions des
générations passées 30. Les transformations d’un animal en
un autre nous ramènent à l’hypothèse selon laquelle c’était
l’acte de peindre ou de graver qui comptait, et non le sujet
lui-même 31.
Les quatre grottes ornées du Monte Castillo ont été
visitées et décorées à plusieurs époques pendant au moins
six millénaires. Ce lieu réunissait sans doute des conditions
favorables à l’installation de l’homme : gibier abondant, eau
à proximité, matière première accessible. Plusieurs groupes
humains différents s’y sont ainsi succédé et y sont restés
pendant très longtemps, faisant ainsi de ce lieu une sorte de
« montagne sacrée » 32. Mais si la fréquentation de ces
grottes ne semble pas s’être interrompue, rien ne dit que les
figurations qui ornent leur paroi n’ont pas changé de
signification au cours des millénaires.
Il est fort possible que le même signe graphique ait
renvoyé à un contenu différent selon les groupes humains et
les époques. Dans l’art rupestre des Aborigènes australiens,
un même motif peut avoir un sens différent selon le contexte
dans lequel il est employé. Ainsi, un trait, qui est un symbole
masculin, pourra figurer selon les cas un sentier droit, une
queue de kangourou, un javelot, un poteau, un arbre, une
colonne vertébrale, un homme couché ou mort... Le signe ne
contient pas de sens en soi, c’est le système dont il fait
partie qui lui confère un sens 33. Ainsi, un signe barbelé
n’était peut-être pas équivalent en Dordogne et dans les
Cantabres, de même qu’un cheval gravé de l’Aurignacien
n’avait peut-être pas la même signification qu’un cheval du
Magdalénien.
Si certaines formes d’expression – comme les figurations
féminines – semblent avoir traversé toutes les époques, rien
ne dit qu’elles aient toujours véhiculé le même sens. Ces
hommes étaient du reste tout à fait capables de faire entrer
dans la même figuration plusieurs desseins, et toutes les
motivations évoquées pourraient bien être vraies tour à tour
ou à la fois. Comment imaginer en effet que les conceptions
religieuses et les représentations sociales soient restées
inchangées pendant 20 000 ans, de l’Atlantique aux rives du
lac Baïkal ?
On a au contraire nettement l’impression d’avoir affaire à
des entités régionales correspondant à des cultures
autonomes ayant développé leurs propres symboliques. Les
auteurs des peintures et gravures pariétales n’étaient
certainement pas totalement isolés les uns des autres,
comme le prouve une réelle homogénéité régionale dans les
critères de choix des cavités à orner aussi bien que dans les
thèmes figurés et leurs caractères stylistiques.
S’il est vraisemblable qu’un même artiste ait exécuté
plusieurs dessins dans la même grotte, comme au Pech-
Merle, où quarante-cinq dessins au trait noir semblent bien
être de la même main, ou à Rouffignac, où l’ensemble du
Grand Plafond était l’œuvre d’un seul artiste 34, il est plus
hasardeux d’imaginer des grottes différentes décorées par le
même artiste ou par plusieurs artistes sortant du même
« atelier » ou de la même « école » 35. Mais la
ressemblance de certaines figurations d’une grotte à l’autre
est parfois si troublante qu’on a peine à invoquer le hasard.
Peut-être est-il légitime d’y voir la marque d’une
communauté de culture. Il prouve en tout cas que des
contacts existaient entre les artistes eux-mêmes ou entre les
populations auxquelles ils appartenaient.
La dimension des grottes et leur richesse artistique est
très variable. De gros sanctuaires comme Altamira ou les
grottes du Monte Castillo auraient été complétés par de
petits sanctuaires satellites à thème peu diversifié, voire
unique 36. Mais si l’on sent bien certaines parentés
thématiques et stylistiques entre grottes et habitats
différents, les liaisons réelles et la contemporanéité sont
difficiles à établir.
Quelle que soit leur nature, l’existence de ces entités
régionales n’est pas douteuse. De plus, il semble qu’elles
n’étaient pas fermées sur elles-mêmes, mais entretenaient
des contacts inter-régionaux, où s’échangeaient peut-être,
en plus des matières premières et des objets finis, des idées
et des symboles.
L’ensemble de l’art paléolithique pourrait traduire une
sorte de mythologie complexe et mouvante avec des thèmes
récurrents et d’autres ayant varié au cours de ces 20
000 ans. Y interviendraient aussi bien les thèmes de la
chasse et de la fécondité, que ceux d’une dualité entre
éléments mâles et femelles, entre l’homme et le monde
animal, lui-même sujet à une subtile hiérarchisation entre les
espèces 37. Si cet art nous reste si impénétrable, n’est-ce-pas
précisément parce que l’homme était parvenu, dès cette
époque, à un haut degré d’abstraction et de symbolisation.
Jeux et musique
On ne peut douter que les hommes du Paléolithique
supérieur aient consacré une partie de leur temps libre,
comme tous les hommes, au jeu et à des activités esthétiques
comme le chant, la musique et la danse.
Jeux et jouets
Ces activités n’ont pas laissé beaucoup de traces. De
toutes petites boules de pierre, parfaitement sphériques et
de taille calibrée, trouvées en grand nombre dans certains
habitats, évoquent les éléments d’un jeu, billes ou jetons,
mais il est impossible de rien affirmer à leur sujet 1.
Des objets miniatures, comme de toutes petites lampes,
rappellent les jouets des enfants eskimos copiant les outils et
les instruments des adultes. Certains ont vu dans des bâtons
percés de petite taille, des manches de fronde pour enfants.
Enfin, un enfant de quatre à cinq ans enterré à Kostienki XV
était accompagné d’une pelle découpée dans un os creux de
mammouth 2. Peut-être les petits enfants affectionnaient-ils
déjà les jeux de sable.
Le sens ludique des Paléolithiques nous est révélé par
quelques figurations artistiques assez cocasses et qu’ils ont
certainement voulu telles. Ce sont des images réversibles,
des calembours visuels, des caricatures ou encore des
figures à double sens. Ainsi, ce n’est qu’en faisant pivoter un
bloc de Laugerie-Basse sur lequel deux animaux ont été
gravés, qu’on fait apparaître l’un ou l’autre alternativement.
Il arrive aussi qu’un ou plusieurs traits gravés ou peints
participent à la figuration d’animaux différents, comme ces
deux chevaux de la grotte des Combarelles partageant la
même crinière. On peut se demander si le grotesque
« harpon » de La Vache à barbelures divergentes,
totalement impropre à toute activité, n’est pas lui aussi un
témoin du sens de l’humour des Magdaléniens. La vue de cet
objet à la forme si incongrue provoque à coup sûr, pour qui
sait ce qu’est un harpon, sinon un éclat de rire, du moins un
sourire amusé 3.
La musique
Nous ne dirons rien de la danse, qui n’a laissé aucun
témoin et que seule l’imagination peut recréer. La musique a
pu naître des nécessités de la chasse – imitation des cris
d’animaux, usage de sifflets –, du battement des mains d’une
assemblée ou encore du son émis par les pierres
entrechoquées par le tailleur de silex 4. Il faut cependant
attendre l’apparition de véritables instruments sonores pour
affirmer l’existence de la musique. Les plus anciens sont en
os mais on peut supposer que les hommes de la Préhistoire
en ont fabriqué en bois, en écorce et en peau.
Ils ont parfois percé des premières phalanges de rennes,
naturellement creuses, d’un trou circulaire sur leur
diaphyse. Si de nombreuses phalanges ont été considérées
abusivement comme des « sifflets », le trou ayant en réalité
été fait par des dents de carnassiers, d’autres portent bien
des traces de perforation intentionnelle. L’expérimentation a
montré que de tels os perforés donnent un son aigu et
puissant et ont pu servir d’appeaux. On a même constaté
qu’ils provoquent de la curiosité puis un état d’apaisement
chez les rennes, qui s’approchent volontiers de la source
sonore, puis se couchent après plusieurs coups de sifflet 5.
Les hommes utilisaient les os de grands oiseaux,
échassiers ou vautours, qui présentent l’avantage d’être
longs, légers et creux, pour fabriquer des sifflets ou des
flûtes. Beaucoup plus rarement, ils ont évidé des os de
mammifères ou des bois de renne. Une fois qu’ils avaient
scié transversalement ces tubes à chaque extrémité, ils
pouvaient se contenter d’y façonner un bec biseauté
surmonté d’une entaille transversale, comme l’ont fait les
Magdaléniens du Roc de Marcamps, en Gironde. Ils
obtenaient alors des sifflets très semblables aux sifflets
actuels. Quelques-uns, comme celui fabriqué par les
habitants du Placard, sont longs d’une dizaine de
centimètres et évoquent des pipeaux plutôt que des sifflets.
Peut-être servaient-ils à imiter le chant des oiseaux pour les
attirer 6.
Il leur arrivait de perforer ces tubes d’un ou de plusieurs
orifices circulaires de quelques millimètres de diamètre.
Ceux qui ne possédaient qu’une seule perforation ne
produisaient qu’un nombre limité de sons. Les Magdaléniens
de La Garenne en ont fabriqué un magnifique exemplaire
dans un tibia de très grand échassier qu’ils ont décoré d’une
frise d’oreilles de cervidés. Certains se sont plu à imaginer
qu’il s’agissait d’un appeau réservé à la chasse aux rennes
sur lequel on avait intentionnellement gravé les oreilles de
l’animal qu’il était censé émouvoir 7.
Les os creux percés de plusieurs trous étaient de
véritables flûtes capables de produire des sons en série
continue, comme l’ont vérifié des flûtistes professionnels sur
des répliques modernes 8. Les flûtes retrouvées ne sont
malheureusement pas en assez bon état pour qu’on puisse
évaluer les intervalles entre les notes et savoir s’il existait ou
non des échelles constantes. Les hommes ont fabriqué des
flûtes dès l’Aurignacien, aussi bien dans le sud-ouest de la
France qu’en Europe centrale, mais c’est surtout au
Gravettien qu’elles deviennent courantes, comme à la grotte
d’Isturitz où on en a fabriqué plus d’une vingtaine. Les flûtes
ont deux à quatre orifices circulaires bien alignés, avec
parfois un autre sur la face opposée pour le pouce. La plus
grande qu’on ait trouvée mesure 21 cm*. Les musiciens
devaient jouer en tenant la flûte oblique ou droite, à la
manière de la quena des Andes, la lèvre inférieure obturant
plus ou moins l’orifice d’entrée. Lorsque l’extrémité de la
flûte n’a pas été taillée en forme de bec, il est possible
qu’elle ait été complétée par un embout en bois, en liège ou
en argile, mais cela n’était pas indispensable pour jouer.
Certaines flûtes avaient peut-être leur tuyau fermé, mais
comme elles sont toujours brisées, on ne peut l’affirmer. Si
la plupart d’entre elles étaient des flûtes à bec, de très rares
exemplaires, percés d’un orifice latéral, pourraient avoir été
des flûtes traversières 9.
Les os d’oiseaux sciés et régularisés mais non perforés
étaient peut-être les éléments d’un instrument de musique
composé de tubes d’inégales longueurs et reliés entre eux,
comparable aux flûtes de Pan actuelles. Les tubes
découverts à la grotte du Placard, en Charente, disposés les
uns à côté des autres, pourraient en être un exemple, mais il
n’est pas exclu qu’ils aient eu un autre usage 10.
Le fait que certaines stalagmites, colonnes et draperies
portaient des traces d’impacts anciens, comme à la grotte du
Pech-Merle, à celle du Portel et au réseau Clastres, a
suggéré l’idée que les hommes ont pu exploiter les
propriétés acoustiques des grottes. Des expériences
effectuées dans plusieurs grottes, à Niaux, à Fontanet et au
Portel, ont montré que les cavernes sont de véritables
caisses de résonance et que les figurations pariétales ont
parfois été réalisées dans des lieux particulièrement sonores
ou à leur proximité immédiate. Rien ne permet cependant
d’affirmer que cette particularité a été recherchée, et ceux
qui ont imaginé des hommes proférant des incantations
devant les parois ornées ont été un peu vite en besogne11.
D’autres instruments de musique sont beaucoup plus
douteux. C’est le cas des « ostéophones » de Mezine, gros
os de mammouths décorés, considérés par certains comme
un ensemble musical mais qui sont plus vraisemblablement
des éléments de construction de hutte 12. Quant aux
instruments à corde, nous n’en avons qu’un indice assez
douteux. L’homme revêtu d’une dépouille de bison, figuré
sur une paroi de la grotte des Trois-Frères, semble danser,
en tenant devant la bouche un instrument qui évoque un arc
musical. Ce serait un arc-en-bouche, instrument rappelant
un peu la guimbarde 13.
Certaines pendeloques de forme ovale particulièrement
minces, finement sculptées et gravées, produisent, lorsqu’on
les fait tournoyer au bout d’une cordelette, un ronflement
analogue à celui qu’émet un rhombe, comme l’ont montré
des expérimentations effectuées avec des répliques
modernes. Mais rien n’autorise à affirmer que les
Paléolithiques s’en sont servi de cette façon ; si tel était le
cas, il pouvait s’agir aussi bien de jouets que d’instruments
musicaux. De même, divers objets en os ou en bois de
cervidés régulièrement crantés sur leurs bords ont pu servir
de racleurs, instruments de musique dont le son est produit
par friction avec une baguette. Mais rien ne dit que ces
aspérités ne faisaient pas partie d’un décor ou n’avaient pas
une fonction plus triviale, comme celle de barbelures
d’armes de jet ou de crans destinés à faciliter un
emmanchement par exemple 14.
La fréquentation des grottes
Si les grottes étaient peu prisées comme lieux de vie, les
hommes ont pu avoir d’autres raisons de les fréquenter. On
peut penser à la recherche de l’eau, souvent rare en pays
calcaire, ou à celle de matières premières comme les dents
d’ours ou l’argile 1. Les indices de fréquentation des grottes
profondes existent dès le Paléolithique inférieur, au Mas des
Caves par exemple, où les hommes se risquèrent dans les
profondeurs de la grotte pour se procurer de l’eau, comme
l’indiquent les traces de cheminement allant jusqu’au lac
souterrain. Au Paléolithique moyen, les indices sont rares. À
La Tana della Basura, en Italie, des hommes seraient venus
tuer les ours pendant leur sommeil hivernal, mais la
contemporanéité des empreintes humaines et animales n’est
pas établie 2. L’ancienneté de la fréquentation de cette
grotte a d’ailleurs été récemment contestée par des
chercheurs italiens qui l’évaluent à 14 000 ans.
C’est seulement il y a 30 000 ans, après l’arrivée des
premiers hommes modernes en Europe et le début du
Paléolithique supérieur, que les espaces souterrains
commencèrent réellement à être investis. L’homme se mit
alors à visiter les grottes, surtout pour en décorer les parois
de peintures et de gravures. S’il se limita, au début, aux
entrées éclairées par la lumière du jour, il se risqua par la
suite à parcourir la totalité des galeries, parfois longues de
plusieurs kilomètres, avant d’en décorer les parois ; les
panneaux ornés représentent une si infime partie de
l’ensemble parcouru qu’on peut supposer qu’il a longuement
examiné l’ensemble de la grotte avant de choisir les endroits
dignes de recevoir un décor 3.
Lorsqu’ils entreprenaient de décorer une grotte, les
artistes s’y installaient parfois pour quelque temps,
généralement dans une zone encore éclairée par la lumière
du jour. Mais bien souvent, ils ne séjournaient pas du tout
dans la grotte et se contentaient de la parcourir de fond en
comble, n’y restant que le temps nécessaire à la réalisation
des peintures et des gravures, quelques heures ou quelques
jours. Lors de ces courtes haltes, les artistes n’ont laissé
derrière eux que des résidus de taille du silex et quelques
vestiges de cuisine dans leurs foyers.
L’appropriation de la grotte
Les artistes préhistoriques ont laissé derrière eux des
traces fortuites de leur passage, comme des traces
charbonneuses, et ont aussi abandonné ou perdu des objets,
lampes ou torches, outils divers, éléments de parure... Ils ont
parfois balisé délibérément leur chemin de toutes sortes de
repères. Ils ont aussi modifié le sol ou les parois de la grotte
pour faciliter leur progression. Le bris de certaines
concrétions et le prélèvement d’argile ne peuvent en effet
être expliqués naturellement. Enfin, les empreintes de pieds,
de mains ou de genoux et les traces de glissade dans les
parties les plus reculées des grottes témoignent elles aussi
de leur exploration systématique. Toutes ces traces de
progression et d’arrêt permettent de reconstituer les
cheminements et les comportements adoptés par les
hommes du Paléolithique supérieur dans cet univers
souterrain 4.
Les hommes avaient recours à divers procédés pour
faciliter leur progression et peut-être celle de leurs
successeurs. Au Tuc d’Audoubert, bien avant le passage des
hommes, la galerie supérieure a été fréquentée par les ours
des cavernes qui y sont parfois morts pendant leur
hibernation. Lorsque les Magdaléniens ont parcouru la
galerie, ils ont évidemment remarqué les squelettes d’ours
qui y gisaient. Ils ont fracturé leurs crânes afin d’en extraire
les canines, fort utiles dans la fabrication de colliers, et ont
disposé des os longs en ligne pour baliser leur chemin, puis
complété ces alignements à l’aide de fragments de
stalagmites et de divers autres matériaux 5.
Parmi les mystérieux signes géométriques que les hommes
ont peints sur les parois des roches, il est possible que
certains, notamment les « signes » de couleur rouge, leur
aient servi à se repérer dans l’espace souterrain. Après une
longue période passée dans l’obscurité, l’œil s’adapte
progressivement et c’est la couleur rouge qui apparaît la
première ; il ne serait donc pas surprenant qu’elle ait été
choisie pour tracer des points de repère. À l’extrême fond de
la grotte d’Enlène, les Magdaléniens ont badigeonné de
rouge des extrémités de pendants rocheux. Dans la grotte de
Niaux, ils ont peint tout un panneau de ponctuations au
carrefour de plusieurs galeries. Dans la même grotte, sur un
pendentif rocheux incliné à environ 1,50 m du sol, ils ont eu
la bonne idée de réaliser deux séries horizontales de points
rouges d’un demi-mètre de long, ce qui évite aux visiteurs,
encore aujourd’hui, de se cogner la tête contre le rocher 6.
En fait, les artistes de Niaux ont peint des signes nombreux
et variés : des points isolés, alignés, en nuage, des
bâtonnets, des taches, des barbelés... Que certains d’entre
eux aient joué un rôle de signalisation n’a rien d’étonnant,
surtout lorsqu’on considère leur situation topographique.
Dans la grotte de Fontanet, c’est une série de bâtonnets
rouges que les Magdaléniens ont peut-être réalisée à dessein
pour faciliter la visite de la grotte. Les points rouges y sont
également abondants. Dans d’autres cas, ce sont des
mouchages de torche qui semblent bien trop nombreux et
systématiques pour ne pas avoir été délibérés.
Nous avons vu que les hommes traçaient parfois des
masques humains ou animaux sur un support rocheux qu’ils
modifiaient à peine. Quelle que soit par ailleurs leur portée
symbolique, ces masques constituaient sans doute
d’excellents repères, voire des marques de territoire.
Les hommes préhistoriques ont parfois perdu ou
abandonné, sur des corniches naturelles ou sur le sol, le
matériel utilisé pour la décoration des panneaux et d’autres
objets à usage mystérieux. Du matériel de peinture –
enclumes, palettes et récipients – a été abandonné sur une
corniche de la grotte de La Pasiega. Dans la grotte de Tito
Bustillo, c’est du colorant qui est tombé du panneau peint
sur le sol et qui a d’ailleurs permis d’établir la
contemporanéité entre paroi et niveau archéologique et ainsi
de dater les peintures pariétales 7. Les artistes de Gabillou
ont ainsi laissé derrière eux, sur le sol de la galerie, une
magnifique palette multicolore, un percuteur et plusieurs
lampes en pierre. Aux Trois-Frères, des réserves d’ocre ont
été constituées dans des creux de la paroi. À Etxeberriko-
Kharbea, c’est un crayon d’ocre, coincé entre deux
stalagmites, qui a été oublié. Dans la chapelle de la Lionne,
au sein de la très vaste caverne des Trois-Frères, les artistes,
après avoir gravé sur les parois de la salle, entre autres
figurations, une lionne et son lionceau, et peut-être
consommé un repas comme le suggèrent des traces de feu et
de petits fragments d’ossements animaux, ont abandonné
une partie de leur matériel 8. Ce sont un grattoir-burin
déposé entre les pattes de la lionne, une belle coquille Saint-
Jacques posée sur la tranche et qui a servi de lampe et de
récipient à couleurs ainsi que plusieurs autres objets qui
sont rangés à hauteur de la main, dans des anfractuosités
naturelles de la paroi.
Les Magdaléniens de la grotte de Lascaux ont eux aussi
égaré, ou abandonné, de nombreuses lampes dans la grotte.
Si la plupart d’entre elles sont posées à même le sol,
empilées ou groupées deux à deux, quelques-unes se
trouvent à la hauteur de la main, comme les trois
exemplaires posés sur une corniche, sous la grande vache
noire. Dans le Puits, au pied de l’ensemble peint comprenant
un homme terrassé par un bison*, les artistes ont déposé
une lampe en grès entièrement sculptée et munie d’un
manche. Elle est si remarquable que d’aucuns y ont vu un
brûloir à fumigations. De plus, ils ont curieusement
accumulé dans ce même Puits une grande quantité de
lampions rudimentaires. On peut penser que les ustensiles
disséminés un peu partout dans la grotte ont été tout
bonnement abandonnés après usage. En revanche, cette
accumulation dans le Puits s’explique mal. Il est difficile de
croire qu’il a simplement servi de débarras après la fin des
travaux car les figures pariétales situées au-dessus semblent
au contraire lui conférer une signification particulière 9.
Mais cette signification nous reste obscure.
Si certains objets ont été perdus ou abandonnés au hasard
après usage, d’autres semblent avoir été égarés
involontairement. C’est le cas de cachettes ou de dépôts
provisoires qui ne semblent être devenus définitifs que par
accident, la personne comptant récupérer leur contenu en
ayant été empêchée. Il en est certainement ainsi des lames
du Mas d’Azil, mises en lieu sûr dans un recoin de la grotte,
puis oubliées là. Les Magdaléniens d’Enlène et des Trois-
Frères s’étaient constitué des cachettes dans des fentes
naturelles de la paroi de la caverne ou sur des entablements
rocheux. Ils y ont rangé divers outils de silex, en particulier
de grandes lames, peut-être destinées à graver les parois,
ainsi que des lamelles, des nucléus, des burins ; les outils de
silex, burins, grattoirs ou simples lames sont d’ailleurs
fréquents dans les grottes ornées, isolés ou groupés en petit
nombre. Plus curieusement, ces Magdaléniens ont introduit
en force de petites esquilles osseuses dans d’étroites fissures
des parois, puis les ont brisées de telle sorte que ces os ne
dépassent guère l’ouverture de la fissure et que leurs
extrémités extérieures sont cassées ; ce bourrage de
certaines parois a été fait pour des raisons – pratiques ou
rituelles ? – qui pour l’instant nous échappent.
Dans d’autres cas, les Magdaléniens semblent avoir
volontairement déposé certains objets, peut-être au cours de
cérémonies. Ainsi, ce n’est sans doute pas par hasard que les
deux magnifiques propulseurs de Bédeilhac et du Mas d’Azil,
seuls exemplaires gravés d’un faon associé à un oiseau*, ont
tous deux été abandonnés dans des diverticules. Presque au
fond de la grotte des Trois-Frères, sous la célèbre hémione
gravée, à environ 1,50 m au-dessus du sol, un fémur d’oiseau
a été posé bien à plat dans la lèvre d’une anfractuosité où il
est très visible. À Fontanet, c’est un saumon entier, non
consommé, que les Magdaléniens ont posé sur une coulée
stalagmitique, à 1,85 m du sol non loin des premières
gravures pariétales ; on a peine à imaginer qu’ils aient
oublié là leur déjeuner sans y toucher. Au Tuc d’Audoubert,
un crâne de renard sur un entablement rocheux élevé, une
vipère sans tête et trois dents percées au bord d’un petit
renfoncement coloré à l’ocre rouge auraient été déposés,
pour certains, lors de cérémonies, « un peu comme les ex-
voto contemporains dans les sanctuaires renommés » ;
d’autres y voient des offrandes à une puissance tellurique ou
à la grotte elle-même 10. Les cachettes et les dépôts
volontaires sont trop nombreux pour pouvoir être expliqués
par un simple hasard. De plus, leur fréquente proximité avec
des œuvres d’art ou avec un accident topographique leur
confère une importance particulière. Mais la prudence est de
mise car des vestiges inexpliqués et que l’on interprète
hâtivement comme les témoins d’un rite peuvent avoir une
origine triviale.
Les modifications et aménagements de la grotte
Les Magdaléniens n’hésitaient pas à élargir des chatières
ou à casser les rideaux stalagmitiques et les concrétions qui
gênaient leur progression comme dans le réseau Clastres ou
au Tuc d’Audoubert11. Ils ont parfois empilé des blocs ou des
dalles de pierre, construit des murettes pour surélever un
passage, créer une séparation ou encore obtenir un
dénivellement et provoquer ainsi une retenue d’eau. Ils ont
aussi utilisé l’argile de la grotte. À Montespan, un bassin
d’argile a été modelé, peut-être pour conserver de l’eau de
percolation. Au Tuc d’Audoubert, une stalagmite a servi de
levier pour extraire un gros bloc d’argile qui a ensuite été
modelé en bison*. Les artistes ont laissé de nombreuses
empreintes de pieds et abandonné tout autour des colombins
d’argile. Longtemps considérés comme des « phallus
rituels », ces boudins sont en fait des résidus du modelage
12. Dans la grotte de Fontanet, sur un entablement rocheux
situé à 2,50 m du sol, une dizaine d’entailles ont été faites
dans l’argile qui recouvre la paroi à cet endroit. La proximité
d’un bois de renne planté dans l’argile et laissé sur place a
incité certains à voir dans cette association les vestiges d’un
rite inexpliqué 13.
Les Magdaléniens ont parfois construit des échafaudages
comme dans le diverticule Axial de Lascaux. La paroi choisie
pour y apposer un décor étant inaccessible, ils ont creusé
des séries de trous dans la paroi en s’aidant des accidents
naturels de la roche, à environ 2 m au-dessus du sol dans la
partie la plus profonde. Ils y ont ensuite enfoncé des solives
et dressé un plancher pratiquement horizontal. Les artistes
installés debout sur ce plancher pouvaient alors réaliser la
totalité des peintures haut placées. Dans la salle des
Taureaux et dans l’Abside, ils ont plutôt eu recours à des
échafaudages légers ou à des échelles de perroquet. Par
ailleurs, nous avons vu qu’ils sont descendus au fond du
Puits à l’aide d’une corde. Des échafaudages ont été dressés
dans d’autres grottes. Ainsi, à Fontanet, c’est un trou de
cheville fait dans un joint argileux de la paroi qui témoigne
d’un aménagement des lieux 14.
L’éclairage de la grotte
Il faut attendre le début du Paléolithique supérieur pour
que l’homme invente un moyen d’éclairage maniable et
portatif lui permettant d’étendre le champ de ses
explorations au domaine souterrain. Il invente d’abord les
torches, peut-être dès le Paléolithique moyen, puisque des
traces de suie sont peut-être contemporaines de l’homme de
Neandertal dans la grotte de La Tana della Basura. Puis il
commence à utiliser de petites lampes en pierre alimentées
avec de la graisse animale et munies d’une mèche végétale,
du lichen ou de la mousse*. Ces deux moyens d’éclairage
faciles à rallumer sont suffisamment fiables pour permettre
à l’homme de s’aventurer très loin dans l’obscurité. Pour se
prémunir contre une extinction totale, les spéléologues
préhistoriques utilisaient plusieurs luminaires
simultanément et s’organisaient de sorte qu’une des sources
d’éclairage au moins se trouve en sécurité pendant qu’une
autre était utilisée pour le franchissement d’un passage
difficile. Ils disposaient les lampes dans des endroits
stratégiques – dans les entrées de grottes, aux intersections
de galeries et le long des parois – pour les retrouver
facilement, soit pour les réutiliser, soit comme foyers-relais.
Certaines lampes, disposées à l’extrême fond des grottes ou
dans des culs-de-sac, étaient peut-être destinées à servir en
cas d’égarement dans la grotte. En plus des lampes et des
torches, de petits feux étaient parfois allumés directement
sur le sol, à des carrefours, en haut des vastes salles ou
encore le long des grandes galeries. Ils pouvaient faciliter,
eux aussi, le retour à l’extérieur de la grotte.
Les hommes exploraient systématiquement la totalité des
galeries disponibles et accessibles. Ils se déplaçaient par
groupes de deux ou trois explorateurs. Un seul individu
s’aventurait dans les passages difficiles tels que les
laminoirs, les cheminées ou les petits puits, ses compagnons
restant en arrière. De même, pour les obstacles
techniquement plus difficiles – les puits, les chatières ou les
ressauts – l’un des explorateurs était sans doute chargé
d’assurer l’éclairage pendant que le ou les autres
franchissait l’obstacle. Les Magdaléniens préféraient sans
doute la torche pour certains usages et la lampe pour
d’autres. La torche éclaire mieux dans toutes les directions
et est particulièrement adaptée pour parcourir les galeries
vastes et hautes. Elle est aussi plus efficace pour éclairer le
sol. On la tient bien en main, ce qui est bien pratique en
terrain accidenté. En revanche, elle présente l’inconvénient
d’avoir une durée de vie limitée, ce qui oblige à se munir de
torches de rechange lors des grandes explorations. De plus,
elle éblouit et doit donc être tenue à bout de bras, ce qui
n’est pas toujours confortable. La lampe présente des
avantages complémentaires. Elle paraît mieux adaptée aux
passages bas ou délicats car on peut facilement la poser si
on a besoin d’avoir les deux mains libres. Elle peut être
facilement rechargée en cours d’utilisation, la réserve de
combustible nécessaire à son fonctionnement étant peu
encombrante : 40 g de graisse animale suffisent pour une
heure d’éclairage 15. L’inconvénient majeur des lampes à
graisse est qu’elles risquent de se renverser et de s’éteindre
en cas de chute ou de faux mouvement. Les spéléologues
paléolithiques connaissaient sans doute les deux types
d’éclairage et les adoptaient selon leurs besoins lors de leurs
grandes explorations spéléologiques. L’absence de lampes
dans certaines grandes cavités pyrénéennes pourtant
largement visitées peut s’expliquer par le fait que les
explorateurs y utilisaient préférentiellement des torches,
lesquelles ne se conservent que très exceptionnellement,
l’un des rares cas étant ce fragment de torche d’une dizaine
de centimètres trouvé dans le réseau René Clastres, en
Ariège 16.
Les Magdaléniens se déplaçaient en suivant toujours la
paroi pour éviter de se perdre, surtout dans les galeries
particulièrement larges. Ils longeaient de préférence la paroi
la plus concave, peut-être parce qu’elle assure une meilleure
réverbération de la lumière. Si elle ne convenait pas, ou s’ils
voulaient changer de côté, ils utilisaient alors la voûte pour
se guider, à condition bien sûr que sa hauteur n’excède pas
3 à 4 m. Cette paroi-guide était souvent à main droite. Cela
se voit bien dans la grotte de Niaux, où le salon Noir, qui
n’est qu’un diverticule formant cul-de-sac, semble avoir été
la salle principale pour les Magdaléniens. La raison pourrait
en être qu’il est situé à main droite à l’extrémité de la
galerie d’entrée 17.
Dans les grottes de Fontanet, Niaux, Bédeilhac et du Mas
d’Azil, qui totalisent 5 km de galeries, les Magdaléniens ont
parcouru tous les conduits débouchant, à niveau, sur les
galeries principales, y compris les plus étroits et les plus
malaisés. En revanche, les galeries dont le départ était situé
à plus de 4 ou 5 m au-dessus du sol de l’époque n’ont jamais
été visitées, même quand leur accès était facile. Cela peut
être dû à la faible portée des éclairages, inférieure à 5 m 18.
Les Magdaléniens devaient également avoir besoin de
plusieurs éclairages pour décorer les parois des grottes. En
effet, si une seule lampe à graisse peut suffire pour se
déplacer en grotte, il faut utiliser plusieurs lampes ou bien
une torche pour éclairer simultanément plusieurs points
d’un panneau long de plusieurs mètres 19. Or, certaines
figurations pariétales, rares il est vrai, excèdent 2 m
d’envergure ; c’est le cas par exemple de plusieurs taureaux
de Lascaux, du cheval de Commarque, de la biche d’Altamira
qui atteint 2,20 m. On peut d’ailleurs se demander si
l’existence d’animaux figurés à tête disproportionnée ne
serait pas liée à la difficulté d’obtenir une vision d’ensemble
de la représentation.
Le cheminement dans la grotte
Les enfants ont fréquenté les grottes paléolithiques tout
comme les adultes. Les deux enfants qui ont parcouru le
diverticule des Empreintes* de Niaux avaient entre huit ans
et demi et onze ans et demi. Dans la salle des Talons du Tuc
d’Audoubert, non loin du fond de la galerie et des célèbres
bisons d’argile*, ce sont aussi de jeunes individus qui ont
marché sur leurs talons, sans appuyer la plante des pieds au
sol. Longtemps considérées comme les témoins d’une
cérémonie d’initiation, ces traces de talons sont peut-être
tout simplement celles d’enfants s’amusant à marcher à
croupetons. L’enfant magdalénien de Montespan, âgé de
sept à dix ans, marchait lui aussi sur ses talons mais cette
fois sous une voûte basse 20.
On connaît même plus d’empreintes d’enfants
préhistoriques que d’adultes. Mais il faut être prudent dans
l’interprétation de ce fait. Les enfants couraient sur les
banquettes ou le long des parois. Or, ces passages ne sont
pas fréquentés par les adultes (préhistoriques d’abord, puis
modernes) et les traces situées sous des plafonds bas ou
dans des diverticules exigus et des récessus ont beaucoup
plus de chances de s’être conservées que celles qui se
trouvaient dans les galeries principales où la circulation des
hommes était plus intense.
Les grottes n’étaient donc pas des sanctuaires réservés à
des initiés ou à des sorciers. Ce n’était pas non plus des lieux
destinés à des cérémonies d’initiation, certains des visiteurs
étant bien trop jeunes pour subir une quelconque initiation.
L’enfant qui a parcouru la grotte de Fontanet et laissé
l’empreinte de sa petite main dans l’argile n’avait pas plus
de quatre ou cinq ans 21. Les empreintes suggèrent
davantage des enfants s’amusant, courant de-ci de-là,
batifolant dans les flaques d’eau, que celui d’enfants graves
et recueillis. Ainsi, le petit visiteur de la grotte du Pech-
Merle qui a longuement pataugé dans une flaque de boue a
dû beaucoup s’amuser : l’étude très détaillée de toute une
plage d’empreintes de longueurs différentes a permis de
préciser qu’il s’agissait d’empreintes dynamiques
appartenant à un seul individu, enfant ou adolescent. On est
loin de l’interprétation primitive selon laquelle il s’agirait du
« fragile témoignage d’un rituel initiatique associant
prêtresse et impétrant » 22.
Les enfants accompagnaient tout simplement les adultes
dans les grottes. Ainsi, trois enfants, un adulte et une
femme, grande adolescente ou adulte, ont parcouru le
réseau René Clastres et ont laissé leurs empreintes dans
toute la galerie. Ces visiteurs magdaléniens sont venus de
l’entrée préhistorique, actuellement condamnée. Là, les
enfants ont pataugé dans quelques flaques boueuses avant
d’atteindre la zone centrale de la grotte ; ils sont ensuite
montés sur un banc de sable long de 19 m, le long de la
paroi, tandis que l’homme adulte marchait au milieu de la
galerie et que la femme longeait le bord du banc de sable.
Les trois jeunes enfants ont d’abord marché côte à côte, très
prudemment, en suivant la paroi. Peut-être se tenaient-ils
même par la main car leurs empreintes, au nombre de cent
quarante, disposées en trois files, ne se recoupent pas*. Ils
se sont arrêtés, celui du milieu légèrement en avant, devant
une large plage de calcite, sans doute luisante et glissante,
avant de se décider à la franchir. Puis deux d’entre eux ont
continué à longer la paroi tandis que le troisième dévalait la
pente. Tout le monde est ensuite monté sur une butte. La
femme y est restée quelque temps, peut-être avec l’enfant le
plus jeune, pendant que les autres redescendaient et
s’arrêtaient plus loin. Deux de ces personnes ont par
endroits fait courir leurs doigts sur la paroi et ont ainsi laissé
de longs sillons dans l’argile, fragiles témoins d’un geste
ludique ou machinal. Une fois parvenu à l’extrémité de la
grotte, le groupe a fait demi-tour et a regagné la sortie en
passant par les gours du milieu de la galerie et donc sans
laisser d’empreintes 23.
Non seulement les adultes emmenaient avec eux les
enfants dans les grottes, mais ils leur faisaient parfois
franchir des passages particulièrement difficiles. Une partie
de la grotte de Fontanet, difficile d’accès et nécessitant le
franchissement d’un puits, a été visitée une seule fois, par
un petit groupe d’individus qui ont laissé quantité de traces
de mains, de genoux, de pieds et de glissades derrière eux.
Pour sortir du puits comprenant une verticale de 20 m, ils
ont utilisé ce que les spéléologues appelle la technique
d’opposition, comme le prouvent des empreintes de mains
sur les parois du puits. Cette technique facile pour un adulte
l’est nettement moins pour un individu de petite taille ; or
des enfants ont bien franchi ce puits, comme en témoignent
les empreintes qu’ils ont laissées dans l’argile, au-delà du
puits. Même le tout jeune enfant de quatre à cinq ans, dont il
a déjà été question, a réussi à franchir ce puits 24.
Les grottes profondes sont en général parcourues une
seule fois par un individu ou un petit groupe. Si elles
subissent plusieurs incursions, celles-ci sont espacées de
plusieurs millénaires. S’il ne visitait les grottes qu’une seule
fois, l’homme n’était pas pour autant effrayé par les cavités
profondes puisqu’il en parcourait la totalité des galeries. Il
avait d’ailleurs un comportement de spéléologue averti. Le
fait que les grottes ornées, même les plus remarquables,
n’aient été que très peu fréquentées, a été considéré par
certains comme significatif en soi. Savoir qu’un monde
organisé sorti des mains et de l’imagination des hommes
existait dans les entrailles de la terre aurait suffi à garantir
l’efficacité des figurations. Mais ce monde n’aurait été visité
que par quelques individus privilégiés, en corps et peut-être
aussi en esprit. De là à imaginer la randonnée chamanique, il
n’y a qu’un pas que certains ont franchi, imaginant même
que, plus on s’enfonçait dans les profondeurs de la grotte,
plus on montait dans la hiérarchie spirituelle et plus on
accédait à un stade élevé de l’expérience surnaturelle 25.
Nous avons vu en fait que, bien que peu visitées, les
grottes ne semblent pas avoir été des espaces réservés à des
initiés. En tout cas, si des rites s’y sont déroulés, par
exemple au moment de la réalisation des œuvres pariétales,
ils n’ont laissé pratiquement aucune trace et on peut
chercher vainement sur la paroi la représentation d’un rite.
Le culte de l’ours
L’homme a été le contemporain du grand ours des
cavernes qui occupait les grottes et en défendait l’entrée. Il
s’y faisait les griffes et se frottait contre les parois pour les
marquer de son odeur et se gratter, laissant derrière lui des
traces de griffades et des zones polies par sa fourrure. Les
hommes ont très souvent fréquenté les mêmes cavités que
les ours mais pas au même moment. Dans la grotte Chauvet
par exemple, la grotte a été alternativement visitée par les
uns et par les autres mais on ignore combien de temps s’est
écoulé entre chaque visite. Que cet animal ait frappé
l’imagination des hommes ne fait pas de doute. De là à
penser qu’un culte lui ait été rendu, il y a un pas que
certains n’ont pas hésité à franchir. Les preuves avancées en
ce sens sont cependant à prendre avec beaucoup de
circonspection.
L’accumulation d’ossements d’ours dans les cavernes a
longtemps été considérée comme ne pouvant être fortuite.
Or, on sait aujourd’hui que les ursidés y creusaient des
bauges où ils s’installaient pour hiberner. Il leur arrivait
fréquemment de mourir pendant leur hibernation, ce qui
explique la grande quantité d’ossements retrouvés, comme à
la grotte Chauvet où des dizaines de crânes et de squelettes
jonchent le sol. Quant à l’alignement de certains os, hors le
cas du Tuc d’Audoubert dont nous avons parlé plus haut,
leur empilement, ou leur encastrement dans des fissures ou
des niches, l’analyse taphonomique a permis de montrer
qu’ils étaient dus aux allées et venues des hommes et des
animaux déplaçant involontairement les os sur leur passage
26.
Dans la grotte de Montespan, les Magdaléniens ont
modelé un ours en argile d’un peu plus d’un mètre de long.
Comme seul le corps de l’animal est parvenu jusqu’à nous,
on a imaginé que la tête n’avait jamais existé et que la statue
était à l’origine complétée par une vraie tête d’ours postiche,
hypothèse corroborée dans un premier temps par la
découverte, entre les pattes de l’animal modelé, d’un crâne
d’ourson. Or, on a montré depuis que le crâne faisait en
réalité partie d’un squelette d’ourson entier retrouvé à
proximité, sans lien direct avec l’ours modelé. Quant à la
tête de celui-ci, elle a pu être détruite au Chalcolithique,
époque à laquelle la grotte a été visitée par des individus qui
ont prélevé de l’argile sur les parois et qui ont pu démolir
partiellement la statue. Si la signification de celle-ci reste
mystérieuse, il est désormais exclu d’y voir un mannequin
utilisé dans des rites propitiatoires de chasse, sur lequel
aurait été enfilée la peau d’un ours fraîchement tué, avec sa
tête encore attachée 27,
Dans la grotte Chauvet, un crâne d’ours a été posé sur un
bloc rocheux au centre d’une salle en rotonde dans laquelle
une vingtaine d’autres crânes gisent épars sur le sol. Comme
le reste des squelettes ne semble pas se trouver dans la
salle, il est possible que les crânes aient été apportés par les
hommes. Mais cette grotte à peine découverte n’a pas
encore fait l’objet d’une étude poussée. Gageons que celle-ci
fournira une explication à la présence de ces crânes. S’il faut
se garder de retomber dans les errements romanesques des
anciens auteurs, il n’y a pas de raison d’écarter a priori
l’éventualité que cette présence soit finalement interprétée
comme due à des actes rituels.
Les pratiques funéraires
L’art que nous a laissé l’homme du Paléolithique suffirait
déjà à prouver qu’il n’était pas animé du seul souci de
satisfaire ses besoins matériels. Le prouve aussi le fait qu’il
enterrait ses morts, se souciait de soustraire leurs corps à la
dent des carnassiers et les couvrait de parures et d’offrandes
avant de les inhumer.
L’inhumation
L’homme a commencé à enterrer ses morts bien avant la
fin du Paléolithique moyen, aussi bien en Europe qu’au
Proche-Orient 1. Très tôt, les pratiques funéraires
apparaissent complexes. Le Neandertalien enterré à
Shanidar a été déposé sur un lit de fleurs, tandis qu’à
Qafzeh, une jeune femme avait un enfant de six ans blotti à
ses pieds. Les dépôts d’offrandes sont courants, le plus bel
exemple étant sans doute celui de l’adolescent inhumé à
Qafzeh il y a 92 000 ans (c’est la plus ancienne sépulture
bien datée) qui portait, posé sur ses mains, un hémi-
massacre de daim de grande taille 2. Mais l’inhumation ne
semble pas avoir été une pratique courante au Paléolithique
moyen, car on devrait dans ce cas trouver davantage de
sépultures.
Du Paléolithique moyen au Paléolithique supérieur, le
nombre de sépultures découvertes s’accroît dans une
proportion que ne suffit pas à expliquer la meilleure
conservation. Il faut donc penser que l’inhumation est alors
devenue plus fréquente. Nous verrons cependant que ce
n’était probablement pas la seule pratique funéraire.
La pratique même de l’inhumation indique que des usages
étaient établis vis-à-vis des morts. Ces usages étaient le
signe de valeurs partagées, d’une manière de respect envers
la personne humaine, peut-être de croyances dans l’au-
delà ; ils pouvaient aussi être imposés par des nécessités
sanitaires. Les sépultures connues sont trop dispersées et
les modes d’inhumation trop variés, pour qu’on puisse
déceler des constantes dans ces usages funéraires.
Les individus sont enterrés seuls, deux à deux ou en
groupe. Les deux enfants de Sungir’ ont été enterrés
ensemble, tête-bêche, dans une très longue fosse, comme si
leur mort avait été simultanée. À Dolní Věstonice, deux
hommes entourant une femme souffrant de plusieurs
malformations ont été inhumés au même moment dans une
seule grande fosse. On a supposé que la femme avait été
enterrée vivante à cause de la présence dans sa bouche d’un
fragment calciné de côte de cheval, qu’on lui aurait fait
serrer entre les dents pour mieux supporter la douleur. Le
petit groupe aurignacien enterré sous l’abri de Cro-Magnon,
peut-être une famille, comprenait un adulte d’une
cinquantaine d’années, deux autres hommes adultes, une
femme et un nouveau-né. À Prédmostí, une vingtaine de
personnes ont été enterrées dans une tombe collective
délimitée par de grands os de mammouths et recouverte de
pierres. La mort simultanée de tous ces individus est peu
vraisemblable et il est plus probable que le caveau a été
rouvert à chaque nouveau décès 3.
Plus ou moins profonde, la fosse creusée en pleine terre
était parfois entourée de dalles, de pierres ou de grands os,
comme à Kostienki II. Dans de rares cas, elle était
surmontée d’une construction, comme à Saint-Germain-la-
Rivière où le corps d’une femme était protégé par deux
dalles calcaires dont l’une était portée par quatre blocs
dressés, à la manière d’un petit dolmen. L’homme de
Laugerie-Basse n’a pas été enterré mais déposé sous l’angle
d’un gros bloc détaché de la falaise. À La Madeleine, trois
pierres ont été dressées en demi-cercle derrière la tête d’un
enfant allongé sur le dos 4.
Le plus souvent, les morts étaient allongés, jambes droites
ou légèrement fléchies, sur le côté ou sur le dos ; les bras
étaient étendus le long du corps ou repliés sur la poitrine,
avec les mains à la hauteur du visage ou du cou. Un
« coussin » en pierre ou en os était parfois glissé sous la
tête, comme le fémur de bovidé sur lequel reposait la tête de
la jeune femme enterrée dans la sépulture triple de La
Barma Grande à Grimaldi. Plus rarement, le corps, très
replié et avec les genoux contre la poitrine, n’a pu être
maintenu dans cette position qu’après avoir été ligoté ou
serré dans une enveloppe en peau, en écorce ou en fibre
végétale ; il en fut ainsi de l’homme de Chancelade. Encore
plus rarement, les morts étaient enterrés en position assise,
sur le ventre ou les jambes ramenées au-dessus de la tête. Si
les corps étaient disposés selon une orientation
préférentielle, elle a varié dans le temps et l’espace. On
remarque en tout cas que, dans les sépultures collectives,
tous les corps sont tournés dans la même direction 5.
On retrouve assez souvent du colorant dans les tombes,
soit que le cadavre ait été disposé sur un lit d’ocre rouge,
soit qu’il en ait été saupoudré. L’ocre, destinée à parer le
corps et les vêtements du mort ou à le protéger de la
putréfaction, n’était pas toujours uniformément répartie et
était souvent concentrée sur et autour de la tête. Dans la
grotte des Enfants à Grimaldi, une femme relativement âgée
a été ligotée en position fortement repliée puis jetée, ou
posée sans grand soin, face contre terre sur le corps d’un
jeune homme qu’elle couvre partiellement. Ce dernier,
enterré antérieurement, a seul été oint d’ocre rouge.
Certains ont émis l’hypothèse d’un sacrifice funéraire pour
expliquer cette double inhumation et la différence de
traitement entre l’homme et la femme. À Dolní Věstonice, les
trois corps inhumés ont leurs têtes couvertes d’ocre ; de
plus, une concentration d’ocre est visible sous le bassin et
entre les cuisses de la jeune femme. Les mains de l’un des
hommes sont enduites d’ocre et reposent sur le pelvis de la
femme. On peut se demander si le colorant rouge ne
correspondait pas à l’emplacement d’un enfant nouveau-né
ou à naître, dont le cadavre ne se serait pas conservé. Plus
extraordinaire est le cas du jeune homme de la grotte du
Cavillon à Grimaldi, connu sous le nom d’homme de Menton.
Partant de son visage, un sillon de 18 cm de longueur,
creusé dans le sol et rempli de peroxyde de fer de couleur
rouge, rappelle certains traits gravés qui partent du museau
des animaux figurés. D’aucuns y ont vu une représentation
du souffle vital ou du verbe 6.
Le dépôt d’offrandes dans la tombe semble être une
pratique courante. Les quartiers de viande – pattes ou
échine d’animaux – ainsi que les ramures et cornes
d’herbivores déposés dans les sépultures étaient peut-être
destinés à honorer le défunt ou à l’accompagner dans l’au-
delà, à moins qu’il ne s’agisse de trophées attestant de la
valeur du chasseur défunt. En outre, les morts étaient
souvent enterrés avec un mobilier funéraire précieux, tel que
des armes et des outils en pierre ou en os de grande facture.
Ainsi, les enfants de Sungir’ reposaient de part et d’autre de
deux longues lances en ivoire auxquelles s’adjoignaient sans
doute des lances en bois, et chacun d’entre eux portait sur le
corps une statuette d’animal en ivoire. Le jeune homme de la
grotte du Cavillon a été inhumé avec un poignard en os et
deux grandes lames de silex. Dans la grotte des Arene
Candide, en Italie, un jeune homme paré de centaines de
coquilles percées et allongé sur un lit d’ocre rouge tenait à
la main une grande lame de silex de 25 cm de long et avait
quatre bâtons percés en bois d’élan à ses côtés* 7.
S’il n’était pas rare d’enterrer les morts sans aucune
parure, certains portaient des bracelets et des colliers
d’ivoire, de dents et de coquillages. À côté de riches parures,
comme celles déjà évoquées du vieillard et des deux enfants
de Sungir’ et des douze individus inhumés dans les grottes
de Grimaldi, il en existait de plus modestes, se réduisant à
une unique pendeloque ou un simple coquillage porté en
sautoir. La parure ne semble pas avoir été réservée à une
classe d’âge particulière puisque les enfants aussi bien que
les vieillards pouvaient être parés. En revanche, les femmes
l’étaient un peu moins souvent et moins richement que leurs
compagnons. Mais les morts retrouvés sans parure portaient
peut-être des ornements faits de plumes, de cuir ou d’écorce
peinte.
L’enfant de cinq ou six ans enterré à La Madeleine, en
Dordogne, portait aux chevilles, aux genoux, aux poignets,
aux coudes, autour du cou et sur la tête, une riche parure
composée de coquilles de quatre provenances différentes,
dont les côtes atlantique et méditerranéenne. Ces coquilles
assez usées avaient certainement une valeur au moins
affective sinon religieuse. Certains éléments de parure
semblaient plus particulièrement destinés à accompagner les
morts dans leur tombe, comme les canines de renard, les
craches de cerf, les gastéropodes et les petites pendeloques
façonnées 8. On ignore si ces ornements étaient portés
uniquement dans la tombe ou s’il s’agissait de parures que
les hommes portaient déjà de leur vivant et dont ils ne se
séparaient pas dans la mort. La magnificence de certains
d’entre eux, comme les plastrons en perles d’ivoire de
Sungir’ ou les parures de têtes en coquillages des Arene
Candide et de Grimaldi, laisse supposer qu’il s’agissait, dans
ces cas du moins, de costumes d’apparat et non de
vêtements de tous les jours.
On sait peu de chose sur le déroulement des cérémonies
funéraires elles-mêmes. Le feu y jouait parfois un rôle. Ainsi
à Dolní Věstonice, les trois jeunes gens inhumés ont ensuite
été recouverts de branchages qu’on a enflammés, mais le feu
a très vite été éteint par la terre qui l’a recouvert. Un des
hommes morts à La Barma Grande a été partiellement
incinéré, car il ne subsiste de lui que les restes incomplets
d’un squelette brûlé. Le vieillard de Sungir’ avait été déposé
sur un lit de charbons ardents et des traces de feu sont
encore visibles sur les phalanges de ses pieds ainsi que sur
les perles cousues à ses chaussures et à la manche droite de
son vêtement. Dans certains cas, le corps était couvert de
lourdes pierres ou de dalles. À Dolní Věstonice, la tombe
d’une femme ensevelie en position très repliée a été fermée
par deux omoplates de mammouths 9. Quant au jeune
homme des Arene Candide, on lui a intentionnellement posé
quelques pierres sur les mains et les pieds avant de
reboucher sa tombe*.
L’inhumation ne semble pas avoir été réservée à une
classe d’âge particulière, ni à l’un ou l’autre sexe. En
revanche, le nombre réduit de sépultures retrouvées incite à
s’interroger sur le sort des autres morts. Comme toutes les
sépultures connues étaient dans des habitats, on peut se
demander si l’inhumation dans l’habitation n’était pas
réservée à quelques personnages privilégiés, les autres
ayant été enterrés loin des campements, dans des zones
rarement fouillées. À moins qu’il n’ait existé d’autres
pratiques funéraires n’ayant laissé que peu de traces
archéologiques.
En effet, l’inhumation n’était probablement pas le seul sort
réservé aux morts. La découverte exceptionnelle de traces
de feu dans des sépultures laisse supposer que la crémation
était peut-être pratiquée, mais un corps entièrement réduit
en cendre ne laisse évidemment aucune trace. Enfin d’autres
pratiques funéraires semblent avoir existé, comme le
suggèrent les traces visibles sur certains os humains.
Les doubles funérailles
Dans de nombreuses sociétés, le corps ne rejoint sa
sépulture définitive qu’après un laps de temps plus ou moins
long. La mort n’est pas considérée comme un acte
instantané mais comme un processus durable. Cet état de
transition correspond à peu près à la durée de la
décomposition du corps, pendant laquelle le mort est censé
rompre peu à peu les liens qui l’attachent au monde des
vivants. Pendant cette période intermédiaire entre la mort et
les obsèques définitives, qui coïncide souvent avec la période
de deuil imposée à la famille, le corps peut être exposé à
l’air libre, décharné, partiellement brûlé ou simplement
enterré provisoirement. La cérémonie finale revêt de
multiples formes. Ce qui nous intéresse plus
particulièrement ici est ce qu’il advient du squelette, le seul
vestige archéologique dont nous puissions disposer. Quand
les os ne sont pas encore complètement dénudés, on les
dépouille des chairs qui y sont encore attachées. Certains
groupes pratiquent l’endocannibalisme, entre autres pour
accélérer le processus de décharnement du corps et
rapprocher la date des secondes obsèques. Une fois le
squelette dénudé, il existe de nombreuses façons de l’aider à
passer définitivement dans le monde des morts. Il peut être
enterré, ses os étant entassés pêle-mêle, rassemblés,
enveloppés ou disposés symétriquement mais il arrive aussi
que tous les os ne subissent pas le même sort. On substitue
alors la partie au tout, seul l’os du bras ou le crâne est
enterré, le reste du squelette étant abandonné sans
sépulture. C’est à ce moment aussi qu’on peut rassembler
les crânes des morts dans des sépultures collectives. À
l’inverse, on brise parfois les os, y compris le crâne, pour
libérer l’âme ou bien pour empêcher les os de se rejoindre et
de ressusciter le mort. Les os peuvent aussi être calcinés,
pulvérisés et éventuellement consommés par les membres
de la famille du défunt. Les obsèques définitives consistent
quelquefois à rapporter les os dans la maison familiale ou à
les distribuer aux parents du mort qui les porteront sur leurs
personnes. Certains os peuvent même devenir des reliques
sacrées. C’est souvent le crâne qui peut alors être décoré,
peint ou surmodelé 10.
Il n’est pas question ici de plaquer sur. les vestiges
archéologiques des scénarios rapportés par les
ethnographies. La richesse et la variété des comportements
humains vis-à-vis de la mort nous en empêcheraient de toute
façon. On peut cependant noter que certains phénomènes
encore inexpliqués pourraient s’éclairer d’un jour nouveau si
l’on envisageait l’existence des doubles funérailles au
Paléolithique. Tous les os retrouvés isolés ou portant des
traces d’intervention humaine suggèrent en effet qu’il y eut
manipulation du corps post mortem et que l’inhumation ne
fut donc pas immédiate ou qu’elle eut lieu en deux temps.
Les crânes étaient parfois isolés du reste du squelette et
inhumés seuls ou simplement protégés par des structures de
pierres, comme ceux du Mas d’Azil, du Rond du Barry et de
Rochereil. Cependant, de nombreux cas de crânes isolés
signalés anciennement sont aujourd’hui considérés comme
suspects car le squelette post-crânien, moins bien conservé,
a pu échapper au ramassage, surtout lors de fouilles
anciennes. La collection de têtes décapitées est en tout cas
attestée dans nos régions à des périodes un peu plus
récentes, comme le montre la découverte, dans deux fosses
creusées au Mésolithique à Ofnet, en Bavière, de plus d’une
trentaine de crânes pourvus de leur mandibule et des
vertèbres cervicales, regardant tous dans la même direction
11.

Il arrivait aux Magdaléniens d’intervenir sur le cadavre


peu de temps après la mort, comme l’indiquent des traces de
décharnement, surtout abondantes sur les crânes et les
mandibules, beaucoup plus rares sur le reste du squelette.
L’homme a donc désarticulé les os du squelette et décharné
les crânes de certains de ses contemporains. Les estafilades
et les incisions qui révèlent une découpe sur la paroi
crânienne se limitent parfois à la face externe du crâne.
Dans ce cas, et surtout si elles affectent le pourtour du
crâne, elles peuvent avoir été causées par le prélèvement
d’un scalp. En revanche, lorsque les traces se trouvent sur
les faces externe et interne, il est évident que la
manipulation du crâne a eu lieu post mortem. À Isturitz
comme au Placard, la tête a été séparée du corps et
décharnée immédiatement après la mort, comme en
témoigne la localisation des stries sur les zones d’insertion
musculaire. Elle a été apportée seule dans l’habitat, le corps
ayant été abandonné ou enterré ailleurs 12.
Au Mas d’Azil, des rondelles osseuses ont été placées dans
les orbites du crâne d’un adulte de petite taille, peut-être
une femme, simulant ainsi les yeux. L’enfant atteint
d’hydrocéphalie inhumé à Rochereil a été trépané post
mortem puisqu’une rondelle osseuse a été découpée dans
l’os frontal à partir de l’intérieur. C’est d’ailleurs le seul cas
connu de trépanation au Paléolithique. Mais ce n’est qu’au
VIIe millénaire avant J.-C., que des groupes néolithiques du
Proche-Orient pratiqueront le surmodelage en argile de
crânes humains, attesté aujourd’hui dans certaines
populations 13.
Le façonnage et l’utilisation de différentes parties du
crâne, des mandibules et des dents, prélevées sur le
squelette renforcent l’hypothèse des doubles funérailles.
Ainsi, à Isturitz les crânes ont été gravés et aménagés une
fois les os desséchés. L’un d’entre eux, façonné en coupelle,
porte une figuration animale. Le cas n’est pas unique
puisqu’au Placard, le bord de plusieurs calottes crâniennes a
été régularisé pour en faire des sortes de coupe. L’usage de
ces coupes est mystérieux, tout au plus peut-on dire que
l’une d’entre elles a contenu de l’ocre, à moins qu’elle n’ait
été peinte en rouge, auquel cas, elle serait à rapprocher des
crânes peints ou surmodelés. Quant aux stries internes, il
n’est pas interdit de penser qu’elles ont été provoquées par
une utilisation prolongée.
L’homme a parfois utilisé d’autres parties du crâne pour
en faire des pendeloques. Ainsi, à Enlène, il a aménagé un
trou de suspension sur une mandibule d’adolescent et l’a
entièrement enduite d’ocre rouge. Les Magdaléniens ont
aussi creusé deux trous de suspension dans un os pariétal de
nouveau-né à l’abri du Veyrier et un autre, d’adulte, au Rond
du Barry 14. L’homme a aussi percé des dents humaines, à
Dolní Věstonice, Bédeilhac, Saint-Germain-la-Rivière,
Brassempouy et à la grotte du Chaffaud. À La Combe, en
Dordogne, une molaire a également été gravée d’un signe
barbelé 15.
La destruction volontaire du corps est presque impossible
à mettre en évidence. Les hommes qui ont vécu à Saint-
Michel-du-Touch, en Haute-Garonne, au IVe millénaire avant
J.-C., ont reconstitué le squelette d’un de leurs
contemporains après l’avoir décharné et brisé. Un fémur
manquant a d’ailleurs été refait à partir d’éléments
disparates, fragments d’humérus et de radius 16. Aucun
témoin comparable n’est connu pour le Paléolithique où les
corps étaient souvent abandonnés sans être ensevelis
comme en témoignent les nombreux vestiges osseux
découverts fragmentés et dispersés, mélangés à l’outillage et
à la faune 17. Mais l’abandon sans sépulture pouvait être
voulu et n’implique pas forcément l’absence de croyance. De
plus, rien ne dit qu’une partie du corps ne faisait pas l’objet
de certains rites.
Le cannibalisme
Qu’elle soit rituelle ou simplement alimentaire,
l’anthropophagie ne peut être décelée que si l’on retrouve
sur les os humains des traces de fracture faites alors que l’os
était encore frais et des traces de décarnisation identiques à
celles visibles sur les os des animaux consommés. Certains
groupes humains du Paléolithique moyen semblent bien
avoir mangé leurs semblables ou au moins une partie d’entre
eux, comme l’atteste par exemple le crâne de l’homme du
Monte Circeo dont le trou occipital a été brisé et élargi,
peut-être pour qu’on puisse en extraire la cervelle. À
Krapina, ce sont les stries visibles sur les mandibules
humaines, identiques à celles que l’on observe ailleurs sur
des mandibules de bouquetins consommés par un groupe de
Magdaléniens, qui suggèrent que ces Neandertaliens étaient
bien des cannibales. Cette hypothèse est renforcée par le fait
que les parties du squelette conservées correspondent à
celles que l’on retrouve en général dans le cas d’animaux
consommés. De plus, on a complètement broyé certains os,
peut-être pour en extraire la moelle 18.
De même, nous avons des preuves certaines de la pratique
de l’anthropophagie au Néolithique 19 mais la question n’est
pas encore tranchée pour le Paléolithique supérieur. Les
quelques rares cas douteux, comme celui de l’homme
retrouvé à Prédmostí, portant des traces de raclage et de
coupures transversales sur son fémur gauche,
demanderaient à être réétudiés. De même, s’il n’est pas
exclu que les stries visibles sur certains crânes soient à
rapprocher de pratiques anthropophagiques, nous devrions,
pour confirmer cette hypothèse, retrouver davantage de
traces de décharnement sur le reste du squelette 20. À
supposer que l’existence de l’anthropophagie soit un jour
confirmée, nous ignorerons sans doute toujours s’il s’agissait
d’une pratique alimentaire, sacrificielle ou funéraire, liée
alors aux doubles funérailles.
Le temps et l’espace domestiqués
L’adaptation des Paléolithiques à leur environnement a dû
être comparable à celle des populations récentes de
chasseurs-cueilleurs ; comme elles, ils en exploitaient les
ressources sans guère le modifier 1. La taille des groupes
sociaux était petite et chacun d’eux, pour subvenir à ses
besoins en nourriture et en matières premières, se déplaçait
à l’intérieur de certaines limites territoriales.
Ce territoire familier comprenait des aires de chasse, ainsi
que des aires de récolte de silex, de bois de cervidés, de
végétaux et parfois de produits de la mer. Son étendue, que
la provenance de la matière première, en particulier du silex,
permet d’estimer, variait selon les ressources, les besoins et
les contraintes. Les plus petits de ces territoires pouvaient
se limiter à une portion de vallée, mais d’autres pouvaient
recouvrir un large bassin de piémont, et on pense que
certains atteignaient 10 000 à 15 000 km2 et qu’il fallait
donc plusieurs jours de marche pour les parcourir. Ils
semblent s’être restreints à la fin de l’ère glaciaire, peut-être
en raison de la difficulté à se déplacer en milieu forestier ou
de l’accroissement des ressources alimentaires 2.
On peut envisager au moins trois formes de nomadisation
au Paléolithique supérieur. Ou bien, toute la communauté
déménageait une ou plusieurs fois par an, au gré des saisons
ou des déplacements du gibier. Ou bien, elle occupait un
camp de base permanent tandis que quelques individus
menaient des expéditions lointaines au cours desquelles ils
dressaient des petits camps temporaires. Ou encore,
l’ensemble du groupe s’assemblait périodiquement, éclatant
en groupuscules le reste de l’année. Examinons tour à tour
ces différents modes d’occupation du territoire.
Le nomadisme saisonnier
Les déplacements pouvaient être imposés par les
fluctuations saisonnières de la quantité et de la qualité de la
nourriture disponible. Si les ressources végétales étaient
presque inexistantes en hiver, les troupeaux d’herbivores se
déplaçaient en fonction de leurs aires de pâture, différentes
selon les saisons. Certains poissons et oiseaux migrateurs
n’étaient disponibles qu’une partie de l’année. Quant aux
herbivores et au petit gibier aquatique ou terrestre, présents
en toute saison, mieux valait les chasser en automne,
lorsqu’ils avaient fait le plein de graisse avant le rude hiver.
Leur poil était alors luisant et épais et leur viande plus
grasse qu’au sortir de l’hiver. C’est ce qu’avaient bien
compris les Magdaléniens installés en hiver à la grotte de La
Vache, qui y ont travaillé intensivement les peaux et les
fourrures, au moment où elles sont les plus épaisses 3. Par
ailleurs, certains lieux devaient être abandonnés pour des
raisons climatiques, comme les campements riverains de
Pincevent et d’Étiolles, qu’il fallait quitter régulièrement au
moment des crues du fleuve 4.
Ces déplacements périodiques ramenaient parfois les
groupes humains sur les mêmes lieux. Certains habitats sont
ainsi devenus les étapes traditionnelles d’un parcours annuel
et ont été occupés pendant des générations. Ils n’ont
souvent été délaissés que sous la contrainte, comme ces
abris rocheux abandonnés par suite de l’écroulement du
surplomb ou du comblement de la voûte, ce qui montre que
si ces chasseurs n’étaient pas sédentaires, ils n’en étaient
pas moins attachés à leur territoire.
Non seulement les hommes revenaient d’année en année
sur les mêmes lieux mais il leur arrivait même de cacher des
objets dans des fosses pour les retrouver lors d’un séjour
ultérieur. Ainsi, à Volgu, en Saône-et-Loire, comme à
Montaut, dans les Landes, ce sont plusieurs longues lames
finement retouchées, connues sous le nom de « feuilles de
laurier », que les Solutréens ont mises de côté 5.
Sachant que la période des naissances est circonscrite
dans le temps pour de nombreuses espèces animales, la
détermination du moment de la mort des jeunes animaux,
possible grâce à l’évaluation du degré d’évolution dentaire,
permet de déterminer la saison de leur abattage. Pour les
cervidés adultes, on se sert pour cette détermination de
l’étude des anneaux du cément qui se dépose sur la racine
plusieurs années après l’éruption de la dent. Dans les
campements où la chasse n’est attestée qu’à une certaine
période de l’année, il est clair que l’abattage se faisait au
moment où le lieu était habité. Par exemple, les habitants du
Flageolet I ont occupé l’abri en hiver, saison pendant
laquelle ils ont chassé le renne.
En confrontant les saisons de fréquentation des habitats
connues, certains auteurs ont tenté de dégager des
comportements régionaux. Selon eux, les Magdaléniens des
Pyrénées auraient organisé leur existence en fonction des
déplacements des rennes. Ils auraient occupé les hauteurs
pendant la saison chaude, sans doute pour chasser les
rennes retranchés dans leurs pâturages d’altitude, tandis
qu’ils se seraient cantonnés au fond des vallées en hiver,
lorsque les rennes y paissaient. Au printemps et à l’automne,
ils auraient occupé les flancs des montagnes pour
intercepter les rennes le long de leur route de migration 6.
À supposer que ce schéma de déplacement ait réellement
existé, des contre-exemples montrent qu’il n’a pu être le
seul. Les grottes des Églises et de La Vache, situées
relativement haut en altitude, ont en effet été occupées en
hiver. Les Magdaléniens venus bivouaquer dans la grotte des
Églises étaient étrangers à la région, si l’on en juge par la
facture de leur outillage lithique et sa matière première, un
silex provenant de sources éloignées, situées dans le bas
pays. Ces quelques individus sont sans doute venus
constituer des réserves en viande de bouquetin et en poisson
pour une communauté installée dans une vallée plus
clémente. Quant aux Magdaléniens venus dans la grotte de
La Vache, ils ont surtout chassé du lagopède et du bouquetin
et ne dépendaient donc pas du renne pour subsister 7.
Sédentarité ou semi-sédentarité
Si le gibier et les matières premières étaient abondants
sur place, si de surcroît des réserves pour l’hiver avaient pu
être faites, on ne voit pas quelle raison aurait pu alors
pousser les hommes à changer de campement. Seuls
quelques membres du groupe pouvaient être dépêchés au
loin pour chasser, pêcher, ou se procurer une matière
première introuvable autour du camp. On ne peut donc
exclure l’existence de camps de base permanents ou semi-
permanents.
Les habitations d’Europe centrale et orientale bâties avec
des os de mammouths étaient de lourdes constructions qui
demandaient de nombreuses heures de travail ; elles étaient
souvent accompagnées de fosses de stockage. Tout cela
suggère l’idée d’un habitat permanent ou au moins prolongé.
De plus, l’existence de tombes collectives, comme celle de
Prédmostí, que l’on rouvrait à chaque nouveau décès,
suppose une certaine forme de vie sédentaire ou semi-
sédentaire, hypothèse confortée par l’immense étendue du
site et la quantité considérable d’ossements de mammouths
retrouvés 8.
À l’ouest de l’Europe, les indices d’une possible
sédentarité sont plus fragiles. En Dordogne et en Charente,
la migration des rennes semble avoir été de faible amplitude.
En été, les rennes se contentaient de monter un peu en
altitude sur les contreforts du Massif central sans s’éloigner
beaucoup des principaux centres d’installation. Leurs
troupeaux pouvaient être chassés toute l’année sans qu’il
faille déplacer femmes et enfants. Il suffisait alors d’envoyer
quelques hommes en expédition de chasse vers les hautes
aires de pâture. Ainsi, à l’abri Pataud, la pyramide des âges
des rennes abattus laisse penser que les chasseurs ont
traqué leur gibier favori en toutes saisons. De plus, le fait
qu’ils rapportaient au campement le corps tout entier de
leurs victimes pourrait indiquer qu’ils n’avaient pas besoin
d’aller chercher très loin leur gibier. De même, les espèces
de poissons pêchés et l’âge des cerfs abattus semblent
montrer que l’abri de Pont d’Ambon a été occupé toute
l’année. Ceci étant, la présence dans certains campements
de restes d’animaux abattus tout au long de l’année n’est pas
une preuve incontestable de sédentarité. Rien ne dit en effet
que le groupe n’est pas venu uniquement en hiver, avec du
poisson et du gibier capturés ailleurs en été et stockés pour
la mauvaise saison 9.
Regroupement et dispersion saisonniers
Certaines populations eskimos avaient pour habitude de se
rassembler en gros villages quand venait l’hiver. On profitait
de ces occasions pour resserrer les liens entre les familles,
participer en commun à des fêtes et des rituels, échanger
des informations et des biens, prendre femme dans un
groupe extérieur au sien. Pour nourrir la communauté, on
organisait de grandes chasses, en profitant notamment des
rassemblements de morses et de phoques sur certains points
de la côte. De plus, chaque famille d’arrivants apportait des
réserves de nourriture qu’elle partageait avec les autres. Au
retour de la belle saison, les familles se dispersaient à
nouveau sur un vaste territoire pour chasser le renne,
pêcher le saumon ou organiser des expéditions lointaines 10.
La même alternance a été observée dans de nombreuses
sociétés, et en particulier chez des populations arctiques
vivant essentiellement de la chasse aux rennes, qui, très
mobiles l’été, se regroupaient aussi durant l’hiver11.
On sait que, chez les chasseurs-cueilleurs actuels, la
superficie d’un campement est proportionnelle à l’effectif de
sa population et à la durée de son séjour. Si l’on fait
l’hypothèse qu’il en était de même au Paléolithique, les
grandes variations que l’on observe d’un campement à
l’autre pourraient s’expliquer par des alternances de
regroupement et de dispersion. Dans cette optique, les
grands sites, ceux dont la surface est supérieure à 750 m2,
auraient été des lieux de rassemblement. Dans certains
d’entre eux, les groupes assemblés se sont peut-être nourris
du produit de la pêche et des rennes en cours de migration,
au moment où ils traversaient les rivières. Ce pourrait avoir
été le cas en Dordogne, où les habitats magdaléniens de ce
type se trouvent en général à moins de 300 m du gué le plus
proche. À l’inverse, certains petits sites auraient pu être les
camps de base saisonniers des groupes dispersés 12.
Mais la grande taille d’un campement et son caractère
saisonnier ne sont pas suffisants pour supposer qu’il
s’agissait d’un tel camp de regroupement. Il faut aussi
considérer les activités qui s’y sont déroulées. On sait que
les populations pratiquant ces rassemblements saisonniers
profitaient de cette occasion, surtout si le regroupement
avait lieu en hiver et si le temps passé à la chasse se trouvait
réduit, pour consacrer davantage de temps à des activités
artisanales plus délaissées à la belle saison : vannerie,
travail du bois, fabrication d’oeuvres d’art, remplacement et
renouvellement des outils et des armes 13.
Souvent de grande taille, les sites ayant livré d’importants
ensembles de plaquettes gravées, comme Bruniquel,
Laugerie-Basse, Gourdan ou Isturitz, correspondent assez
bien à cette image, ce qui a incité certains à y voir des
villages de regroupement. Par ailleurs, parmi les vastes
grottes dans l’entrée desquelles les familles ont pu se réunir,
nombreuses sont celles qui sont aussi ornées, comme
Altamira ou Le Mas d’Azil ou les grottes du Monte Castillo
14. On y a vu des lieux de rassemblement réservés aux

rituels. Les sanctuaires plus petits, et dont la décoration


faisait intervenir un thème plus réduit, n’auraient été utiles
qu’à certaines saisons et à de petits groupes.
En admettant qu’il ait bien existé des stations de
regroupement, la saison pendant laquelle elles étaient
occupées semble avoir été variable. Certains Paléolithiques
se seraient regroupés pendant la mauvaise saison comme le
font les chasseurs de rennes actuels. Les solides habitations
construites avec des os de mammouths de Kostienki, les
grandes huttes en bois de Gönnersdorf et plusieurs vastes
cavités aménagées, comme la grotte de La Vache, pourraient
ainsi avoir formé des villages de regroupement hivernal.
Mais d’autres sites également considérés comme des
stations de regroupement ont été occupés à la belle saison.
C’est le cas de la vaste grotte d’Isturitz habitée au printemps
et en été 15.
On voit bien que ce modèle d’agrégation et de dispersion
des familles ne peut pour l’instant être rien de plus qu’une
séduisante hypothèse. D’autant plus qu’une grande
abondance de vestiges sur un site très étendu peut être due
à une très longue occupation ininterrompue aussi bien qu’à
de nombreuses occupations répétées ou encore à une
occupation de durée moyenne mais par un grand nombre de
gens. En un mot, tous les types de nomadisme que nous
avons évoqués ont pu avoir cours et il est prématuré de
trancher entre eux.
Une identité régionale
Si le type de nomadisme pratiqué par les Paléolithiques
reste donc assez hypothétique, l’existence même de
déplacements paraît acquise. Rares sans doute, des
situations privilégiées permettent même d’appréhender de
façon tangible la réalité de ces déplacements, en livrant la
preuve que plusieurs habitats ont été fréquentés par le
même groupe humain. Ainsi, le cas de quatre grottes du Jura
souabe situées à moins d’une heure de marche l’une de
l’autre est exemplaire. Toutes les quatre ont été fréquentées
au Gravettien, et au moins pour trois d’entre elles, par les
mêmes hommes ou par des hommes entretenant d’étroits
contacts entre eux. Ainsi, le groupe ayant fréquenté la grotte
de Geissenklösterle a aussi visité celle de Brillenhöhle
puisque des fragments de lame de silex provenant d’un
même nucléus ont été retrouvés dans les deux sites. En
particulier, un burin réaffûté à plusieurs reprises à
Brillenhöhle a ensuite été transporté à Geissenklösterle où il
a été de nouveau utilisé puis réaffûté une dernière fois. De
même, des remontages de nucléus indiquent qu’un groupe
d’individus est passé à Hohlefels avant de s’installer à
Brillenhöhle. Au Magdalénien, il est possible aussi que les
occupants de Vogelherd aient entretenu des contacts avec
ceux de Hohlefels, à moins qu’il ne s’agisse d’un seul et
même groupe d’hommes. Deux lames de silex à bandes de
couleurs semblables trouvées dans ces deux sites semblent
en effet provenir du même rognon. On ne peut savoir si ces
grottes étaient des étapes saisonnières d’un parcours
cyclique, des satellites d’un campement principal, ou des
camps occupés par des groupes partageant le même
territoire et entretenant des contacts mais il est au moins
certain qu’elles appartenaient au même espace de
nomadisation 16.
Au-delà du territoire où le groupe se déplaçait, on
entrevoit l’existence d’un espace culturel régional englobant
plusieurs territoires. Cette communauté culturelle est
perceptible dans la similitude des objets, des outils et des
comportements techniques, ainsi que, comme nous l’avons
évoqué à propos de l’art, celle des thèmes artistiques. Ces
identités régionales se modifiaient au cours du temps, soit
par le fait d’innovations internes, soit par l’acquisition de
procédés nouveaux auprès d’un groupe voisin. On peut
imaginer assez bien l’idée du cran, du pédoncule ou encore
un procédé d’emmanchement inventé par un individu,
transmis dans son propre groupe, puis dans les groupes
voisins De même, certains thèmes artistiques pouvaient
devenir communs à tout un ensemble régional, comme celui
des volutes ornant certaines baguettes ou du faon à l’oiseau,
caractéristiques du Magdalénien moyen des Pyrénées 17.
Ces territoires de nomadisation n’étaient donc sans doute
pas fermés sur eux-mêmes. Leurs frontières étaient
indécises et des groupes différents se rencontraient sur
leurs confins, échangeaient des biens, des idées ou des
procédés techniques.
Échanges entre groupes ou expéditions
lointaines
Dans un horizon plus large encore, au-delà du territoire de
subsistance et de ses affinités régionales, cette société
mobile évoluait dans un réseau d’échanges beaucoup plus
vaste, comme tend à le prouver le fait que les hommes se
procuraient certains produits à de très grandes distances de
chez eux, parfois plusieurs centaines de kilomètres. Le cas le
plus flagrant est celui des coquillages, circulant de la région
méditerranéenne vers l’Aquitaine, mais aussi vers le Bassin
parisien et même l’Allemagne. À l’est, on observe le même
phénomène avec des coquillages ramassés sur les côtes de la
mer Noire et retrouvés dans des habitations de la plaine
russe, à plus de 600 km de là 18. Les pierres et les
coquillages n’étaient pas les seuls à voyager. En effet, des
techniques, des styles et des symboles étaient aussi partagés
par des groupes très éloignés géographiquement, ce qui ne
peut s’expliquer que par des contacts d’un bout de l’Europe
à l’autre, via la grande plaine nord-européenne, et des
Cantabres à la Dordogne en passant par l’Ariège.
Un mouvement migratoire humain peut difficilement
expliquer cette pérégrination d’objets et d’idées car tous les
éléments culturels se seraient alors déplacés. En revanche, il
n’est pas interdit de penser à une succession de contacts
établis de proche en proche entre deux ou plusieurs groupes
dont les aires de nomadisme se recoupaient ou bien au
déplacement de petits groupes de chasseurs partis en
expédition lointaine, ces deux hypothèses n’étant d’ailleurs
nullement incompatibles. On sait par exemple que les
Eskimos parcouraient de longues distances pour se procurer
la stéatite indispensable à la confection de leurs lampes. On
peut aussi suggérer la rencontre de quelques membres
privilégiés de chaque groupe – peut-être les artistes – se
réunissant périodiquement et échangeant à cette occasion
des productions locales.
D’autres explications d’ordre sociologique ont été
proposées. Que ce soit par sauts de puce ou sur de longues
distances, ces objets seraient arrivés avec leur propriétaire,
soit parce que celui-ci venait s’intégrer à un autre groupe –
ce serait le cas des époux ou épouses –, soit parce qu’il
venait les échanger ou les donner à l’occasion d’une visite à
des alliés. Ils seraient alors les maillons d’une chaîne
d’obligations, à la manière des dons et contre-dons connus
dans certaines populations. Pourquoi ne pas envisager par
exemple des échanges réguliers de coquillages cérémoniels,
à la manière de la kula mélanésienne ? On appelait ainsi,
dans les îles trobriandaises, la circulation de coquillages
précieux, rituellement réglée et dénuée de tout caractère
commercial, qui s’effectuait d’île en île au cours
d’expéditions maritimes 19.
Quelle que soit la façon dont les objets et les symboles
changeaient de campement au Paléolithique, ils révèlent en
tout cas que ces petits groupes de nomades tissaient des
liens entre eux. Les mouvements effectués par les objets et
les idées témoignent de relations d’échanges entre les
groupes voisins, appartenant au même espace culturel, ainsi
que de relations plus lointaines établies de proche en proche
par des hommes rassemblés par le sentiment, parfois
exprimé par des rites, d’une commune humanité.
La société
Les chasseurs-cueilleurs du Paléolithique supérieur
apparaissent finalement parfaitement intégrés à leur
environnement et suffisamment bien organisés pour être
dispensés de consacrer l’essentiel de leur temps à se
procurer de quoi survivre. L’image des populations actuelles
vivant de la chasse et de la cueillette a depuis peu été
réhabilitée : on s’est aperçu, chiffres à l’appui, qu’elles
vivaient dans une relative aisance et étaient beaucoup moins
laborieuses que nos propres sociétés. Le temps passé à
l’acquisition et à la préparation de la nourriture n’excède
pas chez elles cinq heures par jour et leur laisse assez de
temps pour se consacrer à l’art, au jeu, à la musique et aux
devoirs de la vie sociale ou religieuse 1. Il semble en avoir
été de même au Paléolithique supérieur. Deux conditions au
moins étaient nécessaires pour assurer cette aisance. La
première est l’absence de problème de surpopulation et la
seconde, une bonne organisation du groupe.
Démographie
On a tenté d’évaluer la population au Paléolithique
supérieur en s’appuyant sur la comparaison ethnographique,
sur la densité des stations archéologiques et l’effectif
supposé des groupes qui les ont composées, ou encore sur la
densité des ressources et en particulier l’importance du
gibier disponible.
Le nombre d’habitants ayant occupé un campement et
éventuellement le temps qu’ils y ont passé peuvent être
estimés grâce aux reliefs des repas, qui indiquent le nombre
minimum d’animaux tués et donc la quantité de nourriture
consommée. Par ailleurs, la taille moyenne des habitations et
le peu d’espace disponible autour des foyers portent à croire
qu’elles logeaient généralement des familles nucléaires,
composées de cinq ou six personnes, parfois un peu plus.
C’est le cas par exemple à l’abri du Flageolet I, où on
imagine bien une famille qui s’est organisée en fonction de
l’espace domestique disponible. Lorsque le campement était
plus vaste, il regroupait plusieurs familles. À Pincevent, onze
tentes ont été occupées au même moment puisque les
habitants se partageaient le gibier, échangeaient les pierres
de foyer et se déplaçaient d’une tente à l’autre en taillant du
silex. Même si le nombre d’habitants par tente reste
hypothétique – quatre, cinq, six ? –, on peut supposer que ce
campement regroupait plusieurs dizaines de personnes. À
Mezirich, c’est un véritable petit village qui a été dressé,
avec quatre grandes huttes dont la construction a nécessité,
pour chacune d’elles, au moins dix personnes travaillant
pendant cinq jours. Sur la base d’une famille par hutte, on
peut évaluer la population de ce village à au moins vingt-
cinq personnes 2.
En extrapolant à partir de la population supposée d’un
campement, on s’est essayé à des estimations régionales.
Les Aurignaciens qui ont vécu dans les grottes de Vogelherd
et de Hohlenstein-Stadel auraient été entre vingt et trente.
La « tribu » peuplant l’ensemble du territoire régional
comprenait entre cent et cinq cents personnes. Le nombre
de sites connus permet de penser que la densité de
population à l’Aurignacien pour toute l’Europe centrale et
orientale était comprise entre 0,1 et 0,2 habitant au
kilomètre carré. En Espagne, le groupe ayant occupé la
grotte d’El Juyo comprenait quinze à vingt-cinq personnes. À
partir de ce groupe, et en tenant compte du gibier
disponible, de son territoire et de ce qu’il peut nourrir,
certains auteurs ont obtenu une estimation de la population
au Magdalénien pour toute la côte cantabrique de l’ordre de
1 000 à 4 000 personnes. Mais d’autres obtiennent, pour la
même région, de 15 000 à 22 000 habitants 3.
Pour la population de la France et de l’Europe, les
évaluations obtenues sont très variables. Ainsi, d’après des
estimations anciennes, la population vivant sur le territoire
français devait être de 50 000 personnes durant le
Paléolithique supérieur et aurait atteint 200 000 à 300 000 à
la fin des temps glaciaires, soit une densité de six individus
au kilomètre carré 4. Bien que les estimations soient assez
variables d’un auteur à l’autre, on s’accorde aujourd’hui à
penser que ces nombres sont beaucoup trop élevés. Se
fondant essentiellement sur un décompte des sites connus,
un auteur obtient pour le territoire français, 3 000 à 4 000
habitants au Moustérien ; 8 000 à 10 000 au
Châtelperronien et à l’Aurignacien ; 9 000 au Périgordien
supérieur et au Solutréen, se répartissant en 300
campements dont il établit la composition par comparaison
avec des Eskimos ; 15 000 à 20 000 au Magdalénien 5. Un
autre auteur estime que 14 000 à 16 000 personnes auraient
peuplé l’Europe au Magdalénien supérieur dont 8 000 à 10
000 pour la France ; plus tard, le même auteur publie que la
population de l’Europe comptait 24 000 personnes au
Magdalénien supérieur, dont 14 000 pour le territoire
français 6, ce qui souligne la relativité de ces estimations,
dépendant pour une large part du nombre de sites
considérés.
Si l’on admet que l’alimentation était largement fondée sur
la consommation du renne – ce qui n’est vrai que pour
certains sites –, et que les hommes n’épuisaient pas les
réserves des grands troupeaux, on peut évaluer la taille
maximale de la population. À partir du nombre de rennes
supposés peupler le territoire français de l’époque, du
pourcentage de rennes abattus par l’homme et de la quantité
moyenne de viande consommée par un individu, on peut
estimer que les réserves en gibier étaient suffisantes pour
nourrir une population de 25 000 à 60 000 personnes. Mais
il faut nuancer ces résultats car il est évident qu’il existait
d’autres ressources alimentaires et que la densité de
population devait varier selon les régions 7.
La difficulté à proposer des estimations tient à plusieurs
facteurs. Avec la variation du niveau des mers, la superficie
du territoire a varié ; de plus, le nombre des animaux
émigrés, ou dont l’espèce est éteinte, est difficile à estimer ;
enfin le nombre de sites conservés est certainement très
inférieur à la réalité. Par ailleurs, si l’on constate, par
exemple, un accroissement du nombre de sites au
Magdalénien par rapport aux périodes précédentes, on ne
sait si cela provient d’une augmentation effective de la
population ou d’une meilleure conservation des sites.
N’oublions pas également que ces populations étaient
mobiles, qu’un même lieu pouvait être occupé
successivement par plusieurs groupes et, qu’à l’inverse, un
groupe pouvait changer de campement et voir sa
composition se modifier selon les circonstances 8. La
concentration des sites archéologiques peut seulement
permettre d’apprécier la densité de groupement humain,
mais cette densité ne peut se traduire en termes de densité
de population puisque ces sites ne sont pas forcément
strictement contemporains, même lorsqu’ils ont été
fréquentés à la même période. Il est cependant intéressant
de constater, que, quelle que soit la méthode employée,
aucune des estimations précédentes ne dépasse 50 000
habitants pour le territoire français, ce qui est bien peu.
L’origine de la famille
Malgré les solides connaissances que l’on a de la vie
matérielle de ces hommes préhistoriques, on connaît peu de
choses de leur organisation sociale.
Il est raisonnable de penser que l’homme a pratiqué très
tôt une certaine forme de tabou de l’inceste. Nous avons vu
que les campements les plus grands ne réunissaient jamais
plus de quelques dizaines d’individus. Or, tous les animaux
vivant en petits groupes socialisés, y compris les grands
singes, ont l’habitude d’échanger des géniteurs. Faute de
quoi, on a calculé, grâce à des simulations, que le nombre
d’individus en âge de pro-créer devient trop instable, ce qui
entraîne inévitablement l’extinction du groupe au bout de
quelques siècles. Que les hommes aient cherché des
conjoints dans d’autres groupes que le leur pour assurer leur
survie est donc presqu’une évidence. En revanche, nous ne
saurons sans doute jamais si c’étaient les mâles, comme chez
la plupart des singes, ou les femelles, comme chez les
chimpanzés, qui étaient « échangés ». Il est en tout cas
certain que cet échange de jeunes adultes est probablement
l’un des traits les plus anciens des systèmes familiaux dans
l’espèce humaine.
Dans toutes les sociétés traditionnelles, l’échange des
femmes est soumis à des règles plus ou moins strictes et
souvent lié à des échanges de biens 9.L’institution du
mariage, qui sanctionne cet échange et légitime le statut des
enfants à naître, revêt des formes très variées. On ne peut
que supposer que cette institution est certainement très
ancienne, sans qu’il soit possible d’en préciser les formes 10.
Société hiérarchique ou égalitaire ?
Il devait exister au Paléolithique supérieur, comme dans
toutes les sociétés vivant de la chasse et de la cueillette, une
répartition des tâches, dont la forme la plus simple est la
division sexuelle du travail. Chez les chasseurs-cueilleurs
actuels, tous les membres de la communauté participent aux
tâches quotidiennes en fonction de leur mobilité. Les
vieillards et les femmes se chargent généralement de la
cueillette et de la chasse au petit gibier à proximité du
campement. Les jeunes mères, comme partout ailleurs,
s’occupent des enfants en bas âge. Trouvée à Gönnersdorf,
une gravure schématique de femme, portant sur son dos ce
qui pourrait bien être un porte-bébé, tend à prouver qu’il en
était de même au Paléolithique supérieur 11. Les enfants
vont ramasser le bois pour le feu autour du campement,
aident les femmes à cueillir les substances végétales, à
quérir de l’eau et à relever le petit gibier pris au piège.
Quant aux hommes adultes, ils se consacrent à la chasse au
grand gibier et vont chercher au loin certains produits non
disponibles sur place.
Il est difficile d’affirmer quelle était exactement la part des
tâches masculines et féminines au Paléolithique, d’autant
plus qu’il est des sociétés où il arrive aux femmes d’aider au
rabattage du gibier lors des grandes chasses collectives, et
d’autres où les hommes participent parfois à la cueillette.
Certaines tâches semblent n’être jamais exécutées par les
femmes, telle la mise à mort du gibier avec une arme
coupante, mais rien ne dit que les raisons symboliques qui
ont dicté ces interdits chez les chasseurs actuels étaient
connues des Paléolithiques. Il est possible aussi que les
chasseurs n’aient pas tous eu le même rôle, comme chez les
chasseurs-cueilleurs actuels pratiquant le stockage, où un
groupe particulier est chargé de constituer des réserves en
viande pour la communauté 12.
Certaines tâches domestiques, comme l’entretien du feu,
le travail des peaux, du bois ou le cordage, sont exécutées
tantôt par les hommes, tantôt par les femmes, selon les
sociétés, et nous ne saurons sans doute jamais ce qu’il en
était au Paléolithique. Quant à la taille du silex, elle est
pratiquée par les hommes dans toutes les sociétés où elle est
connue, mais cela ne nous autorise pas à affirmer qu’il en
était de même alors.
La présence d’aires réservées à certaines activités dans les
habitats a été interprétée comme le reflet topographique
d’une spécialisation des tâches. Il est cependant fort difficile
de décider si ces aires étaient masculines ou féminines, bien
que certains aient cru pouvoir le faire pour Mal’ta en Sibérie
où deux secteurs de l’habitation ont été distingués : l’un,
interprété comme masculin, avec bifaces, poignards en os et
figurines d’oiseaux, et l’autre, considéré comme féminin,
avec grattoirs, aiguilles, alênes, colliers et statuettes
féminines 13. On sent à quel point cette interprétation est
ethnocentrique.
Selon certains, si l’on admet que la population était dense,
qu’elle se regroupait périodiquement dans des unités
résidentielles importantes, ou qu’elle maintenait un
sédentarisme relatif, alors on peut supposer l’émergence de
certains individus avec un statut particulier, chargés par
exemple d’organiser et de coordonner les activités du
groupe, d’assurer la répartition de la nourriture et des
autres ressources, et peut-être de servir de médiateur en cas
de conflit 14.
L’existence de tels personnages est difficile à prouver
archéologiquement. Le fait que certains individus aient
bénéficié de l’inhumation et d’autres non pourrait indiquer
une différentiation sociale. Cependant, parmi les corps
inhumés, aucun traitement particulier ne semble privilégier
l’homme plutôt que la femme, le vieillard plutôt que l’enfant.
On ne peut cependant écarter l’hypothèse selon laquelle
l’inhumation aurait été réservée à certains membres du
groupe jouissant d’un statut particulier et à leur famille.
Une société spécialisée ?
À côté d’une répartition a priori des tâches en fonction du
sexe, du statut social, on peut penser, plus simplement, que
les aptitudes individuelles pouvaient varier. Certaines
activités techniques et artistiques demandaient une véritable
compétence. Il devait exister des spécialistes du travail du
silex, de l’os, du bois, des peaux... auxquels on confiait la
fabrication et la réfection des outils et des objets d’art. Sans
aller jusqu’à parler de l’émergence de véritables classes
sociales et de « maîtres », on peut très bien imaginer que,
si tout le groupe avait le même savoir global, certains
adultes se chargeaient des tâches pour lesquelles ils étaient
les plus doués 15. Il leur fallait alors transmettre leurs
connaissances aux plus jeunes.
À Étiolles comme à Pincevent, tous les Magdaléniens
n’avaient pas les mêmes talents dans l’art de tailler la pierre.
Les très bons tailleurs savaient produire de longues lames,
que l’on mettait éventuellement de côté pour un usage
ultérieur, et façonnaient des outils à usage domestique
immédiat d’excellente qualité technique. D’autres individus
avaient une compétence plus médiocre, suffisante cependant
pour se fabriquer occasionnellement des outils
indispensables à la vie courante. On retrouve aussi des
éclats qui n’ont jamais dû servir, fruit d’un travail plus
malhabile encore, peut-être des tentatives de jeunes
adolescents apprenant le métier.
À Étiolles, seuls les tailleurs chevronnés travaillaient à
côté du feu principal, au centre de la tente, les autres étant
relégués à la périphérie. Le clivage est moins net à
Pincevent où les tailleurs de compétence moyenne
travaillaient parfois autour des foyers principaux. Le très
bon silex, qu’on évitait probablement de gaspiller, était
réservé aux meilleurs tailleurs, tandis que les débutants
s’exerçaient sur les nucléus de moindre qualité abandonnés
par leurs aînés. À Pincevent, peut-être les rognons de silex
informes ou gélifs étaient-ils laissés aux jeunes enfants, qui
en ont extrait les éclats de forme aberrante qu’on a trouvés
sur le site 16. On imagine volontiers les enfants observant
dès leur plus jeune âge le travail des adultes, s’imprégnant
des gestes à accomplir, les imitant de leurs mains
malhabiles, recevant parfois des conseils ou des
admonestations. La stabilité millénaire de l’outillage de
pierre taillée indique en tout cas que les connaissances et les
manières de faire se transmettaient de génération en
génération 17.
Enfin, les peintres de Lascaux et d’ailleurs ne devaient pas
être des hommes tout à fait comme les autres. Non
seulement l’artiste avait des compétences particulières, mais
de plus, le privilège de pénétrer dans les profondeurs de la
caverne et d’y apposer des images devait le distinguer de ses
semblables. Même si le choix de la cavité et des parois à
décorer revenait peut-être à plusieurs personnes, c’est lui
seul qui avait le pouvoir de faire surgir du néant des êtres et
des formes. Ce privilège en faisait peut-être un médiateur
entre le visible et l’invisible, le profane et le sacré, le naturel
et le surnaturel. Il a pu aussi être beaucoup plus – chamane,
sorcier ou prêtre –, intégrant alors sa propre figuration aux
autres œuvres de la caverne. Là même où il n’était qu’un
simple artiste à la compétence reconnue, il devait avoir une
place particulière dans le groupe, peut-être comparable à
celle des sculpteurs de mâts totémiques chez les Indiens de
la côte nord-ouest américaine, qui percevaient des dons en
nature suffisant à leur entretien 18. Comme les tailleurs
reconnus, les artistes devaient être entourés de jeunes
apprentis, d’une part parce qu’on ne s’aventure jamais seul
dans une caverne pour de simples raisons de sécurité,
d’autre part parce que l’aide d’un assistant pour lui tenir la
lampe ou lui préparer les colorants était parfois
indispensable. De même, la frise sculptée monumentale
d’Angles-sur-l’ Anglin est peut-être l’œuvre d’un même
praticien, mais il est inconcevable qu’il ait agi dans
l’isolement total 19.
C’est là tout ce qu’on peut dire sur l’organisation sociale
des hommes du Paléolithique supérieur si l’on veut rester
dans le domaine des hypothèses prudentes. Le lecteur
trouvera sans doute que c’est bien peu. Mais ce qui a été dit
tout au long de ce livre lui aura peut-être fait sentir la
profonde humanité de ces hommes, nos lointains semblables.
Notes
Abréviations
Anthr. : Anthropologie.
L’A : L’Anthropologie.
AN : Antiquités Nationales.
BSHAP : Bulletin de la Société historique et archéologique
du Périgord.
BSPA : Bulletin de la Société préhistorique Ariège-Pyrénées.
BSPF : Bulletin de la Société préhistorique française. CA :
Current Anthropology.
CEDARC : Centre d’Études et de Documentation
Archéologiques.
CPF : Congrès préhistorique de France.
CTHS : Comité des Travaux historiques et scientifiques.
ERAUL : Études et Recherches Archéologiques de
l’Université de Liège.
GP : Gallia Préhistoire.
MSH : Maison des Sciences de l’Homme.
RMN : Réunion des Musées Nationaux.
Sc. Amer. : Scientific American.
SPF : Société préhistorique française.
UISPP : Union internationale des Sciences pré- et
protohistoriques.
Sont indiqués abrégés les titres mentionnés dans la
bibliographie.
Avant-propos
1
Pour éviter les confusions, toutes les dates seront données
avant le présent (1950), et non avant Jésus-Christ.
Le cadre humain
1
Y. Coppens, 1983 ; id., 1988.
2
J. Piveteau, 1963 ; id., 1973.
3
Y. Coppens, 1983 ; id., in J.-P. Mohen, 2, p. 2-21.
4
T. White et al., Nature, 1994, 371, p. 306-312.
5
Y. Deloison, in 5 millions d’années..., p. 63-72.
6
Y. Coppens, 1983.
7
Id., in 5 millions d’années..., p. 45-47.
8
B. Vandermeersch, Groupe vendéen d’ét. préhist., 1987,
17, p. 3-6.
9
À Chilhac III, dans le Massif central, entre autres. Voir E.
Bonifay, in Les premiers Européens, p. 63-80 ; J.
Chavaillon, ibid., p. 81-91.
10
E. Bonifay et B. Vandermeersch, in Les premiers
Européens, p. 309-319.
11
D. Dean et E. Delson, Nature, 1995, 373, p. 472-473 ; L.
Gabunia et A. Vekua, ibid., p. 509-512 ; C. Swisher et al.,
Science, 1994, 263, p. 1118-1121.
12
M. H. Wolpoff, in J.-J. Hublin et A.-M. Tillier, p. 97-155 ;
W. Xinzhi, ibid., p. 149-179.
13
G. Bräuer, ibid., p. 181-215 ; A. Langaney, 1988 ; C.
Stringer, Pour la Science, 1991, 160, p. 54-61 ; A. Wilson
et R. Cann, Pour la Science, 1992, 176, p. 32-38.
14
J.-J. Hublin, in J.-P. Mohen, 2, p. 26-29.
15
O. Bar Yosef et B. Vandermeersch, in J.-J. Hublin et A.-M.
Tillier, p. 217-250.
16
L’Homme de Neandertal... ; J.-J. Hublin et A.-M. Tillier, in
J.-J. Hublin et A.-M. Tillier, p. 291-327 ; A.-M. Tillier et B.
Vandermeersch, in J.-P. Mohen, 2, p. 22-25.
17
B. Vandermeersch, op. cit.
18
P. Rightmire, in J.-J. Hublin et A.-M. Tillier, p. 75-96 ; C. B.
Stringer, ibid., p. 49-74 ; M. H. Wolpoff, ibid., p. 97-155 ;
B. Vandermeersch, op. cit.
19
O. Bar-Yosef et B. Vandermeersch, Pour la Science, 1993,
188, p. 58-65 ; B. Vandermeersch et al., La Recherche,
1988, 19, 201, p. 966-968.
20
Il existe un seul cas douteux de métissage, celui du crâne
de Skhul 9.
21
R. E. M. Hedges et al., Archaeometry, 1994, 36, 2, p. 337-
375 ; J. Kozlowski (dir.), Excavation in the Bacho Kiro
Cave, Varsovie, éd. Panstwowe Wydawnictwo Naukowe,
1982 ; J. Kozlowski et al., Temnata Cave, Excavations in
Karlukovo Arca, Bulgaria, Cracovie, Jagellonian University
Press, 1993 ; J. Kozlowski, Actes du XIIe Congrès UISPP,
1991, Bratislava, Institut archéologique de l’académie
slovaque des sciences, 1993, 2, p. 283-291.
22
V. Cabrera-Valdés (dir.), 1993.
23
Le peuplement de l’Amérique s’est fait par le détroit de
Béring, aux différents moments où le niveau de la mer,
plus bas que l’actuel, en faisait un isthme. La date précise
du passage des hommes d’un continent à l’autre est encore
controversée. Certains avancent aujourd’hui la date de 40
000 ans.
Le cadre chronologique
1
Et pour cause, l’Europe n’étant pas encore peuplée par
l’homme !
2
E. Boëda, in Paléolithique moyen récent..., p. 63-68 ; id.,
Techniques et culture, 1991, 17/18, p. 37-79.
3
B. Vandermeersch, BSPF, 1988, 85, 5, p. 135-136.
4
L’Aurignacien aurait 37 000, 38 000, voire 40 000 ans à la
grotte du Castillo (V. Cabrera-Valdés et al., in V. Cabrera-
Valdés, p. 81-101).
5
F. Lévêque et al., La Recherche, 1992, 23, 239, p. 112-113.
6
J. Combier, in Archéologie de la France..., p. 65. Voir aussi,
V. Cabrera-Valdés (dir.), 1993 ; C. Farizy (dir.), 1990.
7
Le Magdalénien a été subdivisé en six stades selon les
variations de son industrie osseuse.
8
R. W. Dennell, La Recherche, 1986, 17, 176, p. 480-488.
Le milieu physique
1
J. Labeyrie, 1985 ; N. J. Shackelton et N. D. Opdyke, in R.
M. Cline et J. D. Hays, Investigations of Late Quaternary
paleoceanography and paleoclimatology, Géol. Soc. Amer.
Mem., 1976, 145, p. 449-469.
2
M.-F. Bonifay, in J.-P. Mohen, 2, p. 44-47 ; J. Labeyrie,
1985 ; P. Rognon et J.-C. Miskovsky, in J.-C. Miskovsky,
1987, p. 89-99.
3
H. Faure et B. Kerfaudren, ibid., p. 225-240 ; P. Rognon et
J.-C. Miskovsky, op. cit.
4
J. Clottes et J. Courtin, 1994.
5
J. Renault-Miskovsky, 1986.
6
Arl. Leroi-Gourhan, in J. Garanger, p. 106-128.
7
Arl. Leroi-Gourhan et M. Girard, in Arl. Leroi-Gourhan et J.
Allain, p. 75-80 ; J.-P. Millotte et A. Thévenin, 1988.
8
Arl. Leroi-Gourhan et M. Girard, op. cit. ; Arl. Leroi-
Gourhan et J. Renault-Miskovsky, in H. Laville et J.
Renault-Miskovsky, p. 35-49 ; J. Renault-Miskovsky, 1986.
9
Les micromammifères – taupes, rats, musaraignes,
hérissons, chauve-souris... – étaient aussi nombreux que
variés. Grâce à leur évolution rapide et leur adaptation
écologique, ils constituent d’excellents indicateurs
climatiques. Sur ce sujet, voir J. Chaline et P. Mein, Les
rongeurs et l’évolution, Paris, Doin, 1979.
10
F. Delpech, in Le Magdalénien en Europe, p. 5-30.
11
Certains paléontologistes l’apparentent au cheval de
Prjewalski, cheval sauvage actuel confiné aux versants du
mont Altaï, en Mongolie, qui ressemble fort à certains
chevaux figurés sur les parois des grottes (L. Méroc,
1968).
12
F. Delpech, 1983.
13
J. Bouchud, in Arl. Leroi-Gourhan et J. Allain, p. 147-152 ;
F. Delpech, in Le peuplement magdalénien, p. 127-135.
14
Id., ibid.
15
N. K. Vereschagin et G. F. Baryshnikov, in P. S. Martin et
R. G. Klein, Quaternary extinctions : a prehistoric
revolution, Tucson, Arizona, 1984, p. 483-516.
16
M.-F. Bonifay, op. cit. ; C. Guérin et M. Faure, in La faune
et l’homme..., p. 29-36.
17
L. Méroc, 1968 ; B. Kurtén, 1968.
18
M. Faure et C. Guérin, in J.-C. Miskovsky, 1992, p. 77-83.
19
F. David, in A. Leroi-Gourhan, p. 729 ; F. Delpech, in Le
Magdalénien... ; B. Kurtén, 1968 ; L. Méroc, 1968.
20
C. Guérin et al., Bull. assoc. franç. ét. Quaternaire, 1983,
2/3, 14-15, p. 133-144.
21
J. Clottes et J. Courtin, 1994.
22
F. Delpech, in Le Magdalénien... ; B. Kurtén, 1968 ; L.
Méroc, 1968.
23
B. Kurtén, 1968.
24
Id., ibid.
25
F. Delpech, in Le Magdalénien...
26
J.-M. Cordy, in La faune et l’homme..., p. 49-54.
27
Mais cet animal étant fouisseur, il est souvent difficile
d’attribuer ses restes à une époque précise (B. Kurtén,
1968).
28
F. Delpech, in Le Magdalénien... ; id., in Le peuplement...
29
Arl. Leroi-Gourhan, in J.-P. Mohen, 2, p. 54-59.
30
R. White, 1993.
Le feu
1
C. Perlès, 1977.
2
Id., in J.-P. Mohen, 2, p. 110-112.
3
Id., 1977.
4
J. Collina-Girard, BSPF, 1993, 90, 2, p. 159-173.
5
K. P. Oakley, Proc. of the Prehistoric Society, 1955, XXI,
p. 36-47 ; C. Perlès, 1977.
6
W. Hough, 1926.
7
Le feu apprivoisé.
8
J. Collina-Girard, op. cit.
9
K. P. Oakley, in S. Washburn, Social life of Early Man,
Viking funds publ. in Anthropology, 1961, 31, p. 176-193.
10
J. Collina-Girard, op. cit. ; K.P. Oakley, op. cit., 1955 ; C.
Perlès, 1977.
11
J. Allain, L’A., 1953, 57, p. 284-294 ; R. Begouën et al., in
M. Olive et Y. Taborin, p. 165-179.
12
Z. A. Abramova, in Le Peuplement magdalénien, p. 391-
398 ; K. P. Oakley, in Les processus de l’hominisation,
Paris, CNRS, 1958, p. 135-145.
13
Z. A. Abramova, Sovetskaja etnografija, 1962, III, p. 147-
152 ; B. Klíma, Antiquity, 1956, XXX, 118, p. 98-101.
14
M. Julien et al., in M. Otte, p. 85-122.
15
C. Perlès, 1977.
L’artisanat
1
L. R. Owen, in P. Anderson et al., p. 3-12.
2
Préhistoire de la pierre taillée ; J. Tixier (dir.) ; J. Tixier et
al., 1980 ; 25 ans d’études technologiques...
3
F. Bordes, BSPF, 1969, 66, 7, p. 197 ; J. Pelegrin, in
Archéologie expérimentale, 2, p. 118-128 ; N. Pigeot, in Le
feu apprivoisé, p. 42.
4
J. Pelegrin, in M. Otte, p. 72-91.
5
H. Barge-Mahieu, in H. Camps-Fabrer, VI, fiche 3 ; J.
Jelínek, 1975.
6
J. Allain, in Arl. Leroi-Gourhan et J. Allain, p. 87-120 ; J.
Allain et A. Rigaud, L’A., 1986, 90, 4, p. 713-738 ; id., in
M. Olive et Y. Taborin, p. 221-223 ; D. Stordeur, in La
main et l’outil..., p. 11-34.
7
S. A. de Beaune, 1987 ; id., Paléo, 1993, 5, p. 155-177.
8
R. White, in H. Knecht et al., p. 277-299.
9
S. A. de Beaune, GP, 1989, 31, p. 27-64 ; id., BSPF, 1989,
86, 2, p. 61-64 ; id., 1997.
10
M. Patou-Mathis, in H. Camps-Fabrer, VI, fiche 7.1.
11
A. Averbouh, ibid., VI, fiche 4.
12
A. Peltier, ibid., V, fiche 1.0.
13
Z. A. Abramova, in Industries sur matières dures..., p. 25 ;
H. Camps-Fabrer (dir.), I et III ; H. Knecht, in H. Knecht et
al., p. 137-162 ; A. Leroi-Gourhan, BSPF, 1983, 80, 5,
p. 154-156 ; L. Mons et D. Stordeur, AN, 1977, 9, p. 15-25.
14
V. Feruglio, in H. Camps-Fabrer, V, fiche 2.1.
15
D. Stordeur, in Méthodologie appliquée..., p. 251-256 ; id.,
in H. Camps-Fabrer, III, fiche 16 ; D. Stordeur-Yedid,
1979.
16
M. Patou-Mathis, op. cit.
17
D. Buisson et A. Peltier, in H. Camps-Fabrer, VI, fiche
6.1 ; H. Camps-Fabrer et al., ibid., IV, fiche 11.
18
P. Cattelain, ibid., II ; M. Julien, 1982. Le propulseur a
peut-être été inventé au Solutréen supérieur mais le seul
exemplaire connu datant de cette période, découvert à
Combe-Saunière, est très fragmentaire (U. Stodiek, 1993).
19
R. White, in Industries..., p. 13.
20
B. Hayden, in Proceedings of the intern. conf. on lithic use-
wear analysis, 1989, Uppsala, Societas Archaeologica
Upsaliensis, 1990, p. 89-102 ; A. Leroi-Gourhan, 1943.
21
B. Charles, in Exploitation des animaux..., p. 103-114 ; F.
Poplin, in Revivre la préhistoire, p. 24-32.
22
F. Audoin et H. Plisson, Cahiers centre rech. préhist. Univ.
Paris I, 1982, 8, p. 33-80 ; L. Mons et D. Stordeur, op. cit.
23
A. Leroi-Gourhan, 1943.
24
Les observations au microscope électrique à balayage des
traces d’usure de grattoirs en silex confirment leur
utilisation probable pour le tannage des peaux.
25
C. Couraud, L’A., 1988, 92, 1, p. 17-28.
26
F. Collin et P. Jardón-Giner, in P. Anderson et al., p. 105-
117 ; I. Sidéra, ibid., p. 147-157.
27
A. Leroi-Gourhan, 1943.
28
D. Chambaron, in M. Olive et Y. Taborin, p. 91-96.
29
K. H. Jacob-Friesen, Jahrbuch des Römisch-Germanischen
Zentralmuseums, 1956, 3, p. 1-22 ; H. Thieme et S. Veil,
Die Künde, 1985, 36, p. 11-58 ; S. Veil, Die Künde, 1990-
91, 41-42, p. 9-22.
30
E. Carbonell et Z. Castro-Curel, Journal of Archaeol.
Science, 1992, 19, p. 707-719.
31
C. Éluère, in Revivre la préhistoire, p. 68-71.
32
A. Glory, Mém. SPF, 1959, 5, p. 135-169.
33
H. Pringle, Science, 1997, 277, p. 1203-1204.
34
P. Cattelain, in H. Camps-Fabrer, VI, fiche 2 ; A. Leroi-
Gourhan, op. cit., 1983.
35
F. Audouze, in M. Otte, p. 57-68 ; A. Leroi-Gourhan, op.
cit., 1983.
36
J. Jelínek, L’A., 1988, 92, 1, p. 203-238.
La chasse
1
L. G. Straus, in L. R. Binford, For theory building in
archaeology, New York, Academic Press, 1977, p. 41-76.
2
F. David et J. G. Enloe, in Exploitation des animaux...,
p. 29-47.
3
Id., ibid.
4
J. Clottes, BSPA, 1983, XXXVIII, p. 23-81 ; F. Delpech et P.
Villa, in Exploitation des animaux..., p. 79-102.
5
R. White, 1985.
6
C. Bellier et P. Cattelain, 1990.
7
Z. A. Abramova, in Le peuplement magdalénien, p. 391-
398 ; J. Clottes et J. Courtin, 1994.
8
P. G. Bahn, in G. N. Bailey, Hunter-gatherer economy in
prehistory, Cambridge University Press, 1983, p. 168-
186 ; J. Enloe, in H. Knecht et al., p. 101-115 ; L. G.
Freeman, in R. Harding et G. Teleki, p. 104-165 ; A. Pike
Tay, in H. Knecht et al., p. 85-99 ; A. Pike Tay et H.
Knecht, in V. Cabrera-Valdés, p. 287-314 ; R. White, CA,
1989, 30, 5, p. 609-632.
9
H. Berke, in Le peuplement..., p. 273-276.
10
F. Delpech, 1983 ; id., in J.-P. Mohen, 2, p. 50-51.
11
À propos des pointes et de leurs possibles fonctions, voir
La chasse dans la préhistoire.
12
B. Bratlund, Offa, 1990, 47, p. 7-34 ; E. Cartailhac, L’A.,
1896, 7, p. 309-318 ; B. Grønnow, Acta Archaeologica,
1985, 56, p. 131-166.
13
C. Bellier et P. Cattelain, 1990.
14
H. Delporte et L. Mons, in H. Camps-Fabrer, I, fiche 3.
15
M. Julien, in Méthodologie appliquée..., p. 177-189 ; id.,
1982.
16
C. Bellier et P. Cattelain, 1990 ; P. Cattelain, in H. Camps-
Fabrer, II ; U. Stodiek, 1993.
17
A. Broglio et al., in P. Anderson et al., p. 31-39 ; J.-M.
Geneste et H. Plisson, GP, 1986, 29, 1, p. 9-27 ; id., Paléo,
1989, 1, p. 65-106 ; id., in H. Knecht et al., p. 117-135 ; P.
Morel, in La chasse..., p. 7-8 ; id., in P. Anderson et al.,
p. 55-57 ; N. D. Praslov, in La chasse..., p. 67.
18
C. Bellier et P. Cattelain, 1990.
19
M. Oliva, in La chasse..., p. 28 ; N. D. Praslov, op. cit.
20
C. Guérin et M. Faure, in La faune et l’homme..., p. 29-
36 ; M. Patou, in J.-P. Mohen, 2, p. 66-68.
21
J. Jelínek, 1975 ; O. Soffer, in La chasse..., p. 49 ; D. L.
West, ibid., p. 33.
22
J. Jelínek, 1975.
23
R. Musil, in La chasse..., p. 31-32.
24
M. Perpère, Préhistoire Européenne, 1992, 2, p. 95.
25
J. Bouchud, BSPF, 1953, 50, p. 556-560 ; L.G. Freeman,
op. cit. ; C. Mourer-Chauviré, La Recherche, 1979, 10,
106, p. 1202-1210 ; P. Villette, BSPF, 1985, 82, 6, p. 164.
26
J. Thomas, in La chasse..., p. 21 ; P. Valde-Nowak, ibid.,
p. 13 ; id., Antiquity, 1991, 65, p. 593-606.
27
A. Peltier, in H. Camps-Fabrer, V, fiche 1.0.
28
C. Mourer-Chauviré, op. cit.
La pêche
1
O. Le Gall, L’A., 1992, 96, 1, p. 121-134.
2
G. et J. Desse, in H. de Lumley, I, 1, p. 697-702.
3
O. Le Gall, in Le peuplement magdalénien, p. 277-285.
4
Id., 1984 ; id., op. cit., 1992 ; id., in Le peuplement...
5
Id., 1984 ; id., in Le peuplement...
6
J. Clottes, BSPA, 1983, XXXVIII, p. 23-81 ; F. Delpech et
O. Le Gall, ibid., p. 91-118 ; O. Le Gall, 1984.
7
G. Duché, Ét. quaternaires languedociennes, 1986-87, 5,
p. 13-20.
8
H. Breuil et R. de Saint-Périer, 1927 ; J.-J. Cleyet-Merle,
AN, 1984, 16/17, p. 49-63 ; id., BSPF, 1987, p. 394-402 ;
H. Delporte, 1990.
9
R. de Saint-Périer, L’A., 1928, p. 17-22.
10
J.-J. Cleyet-Merle, 1990.
11
A. Chollet et al., BSPF, 1980, 77, 1, p. 11-16.
12
J.-J. Cleyet-Merle, 1990 ; M. Julien, 1982 ; J.-P. Rigaud, in
L’industrie de l’os..., p. 173-179.
13
O. Le Gall, in Le peuplement...
14
Id., Quaternaria, 1981, XXIII, p. 219-232 ; id., 1984 ; id.,
op. cit., 1992 ; id., in Le peuplement...
15
M. Menendez de la Hoz et al., in L. G. Straus et G. A.
Clark, p. 285-288 ; A. Moure Romanillo, L’A., 1989, 93, 2,
p. 407-433.
16
H. Breuil et R. de Saint-Périer, 1927 ; J.-J. Cleyet-Merle,
1990.
17
C. Chauchat et al., L’A., à paraître.
18
V. Cabrera Valdés, El yacimiento de la cueva de « El
Castillo » (Puente Viesgo, Santander), Madrid, Consejo
superior de investigaciones científicas, 1984 ; F. Poplin, in
La faune et l’homme..., p. 81-94.
19
H. Barge-Mahieu et Y. Taborin, in H. Camps-Fabrer, IV,
fiche 1 ; D. de Sonneville-Bordes et P. Laurent, in La faune
et l’homme..., p. 69-80.
20
Id., ibid.
21
J. Clottes et J. Courtin, 1994.
Le ramassage
1
C. Perlès, 1977.
2
S. A. de Beaune, 1987.
3
Arl. Leroi-Gourhan et al., in Arl. Leroi-Gourhan et J. Allain,
p. 185-188.
4
Arl. Leroi-Gourhan, in Altamira Symposium, p. 295-297 ;
Arl. Leroi-Gourhan et M. Girard, in Arl. Leroi-Gourhan et J.
Allain, p. 75-80.
5
L. G. Freeman, in R. Harding et G. Teleki, p. 104-165 ; J.
A. Moure Romanillo et al., Excavaciones en la cueva de
« Tito Bustillo » (Asturias). Trabajos de 1975, Oviedo,
Instituto de Estudios Asturianos, 1976.
6
T. Aubry, 1991 ; P.-Y. Demars, 1982 ; J.-M. Geneste et H.
Plisson, GP, 1986, 29, 1, p. 9-27 ; M. Julien, in J. Garanger,
p. 163-193 ; M.-R. Séronie-Vivien et M. Lenoir (dir.) ; G.
Simonnet et al., in J. Clottes, 1, p. 173-186 ; A. Turq, in V.
Cabrera Valdés, p. 315-325.
7
F. Audouin et H. Plisson, Cahiers centre rech. préhist.
Univ. Paris I, 1982, 8, p. 33-80 ; C. Couraud, L’A., 1988,
92, 1, p. 17-28.
8
J. Gonzalez Echegaray et I. Barandiarán Maestu, El
Paleolítico superior de la cueva de Rascaño (Santander),
Santander, Ministerio de Cultura, 1981 ; J.A. Moure
Romanillo, Boletin del Instituto de Estudios Asturianos,
1974, 83, p. 842-853.
9
H. Delporte, in Le peuplement magdalénien, p. 13-18 ; A.
Leroi-Gourhan et M. Brézillon, 1972.
10
Y. Taborin, in M. Otte, p. 278-301 ; id., 1993.
11
S. L. Washburn et C. S. Lancaster, in R. Lee et I. DeVore,
p. 293-303.
12
Y. Boone et J. Renault-Miskovsky, in H. de Lumley, I, 1,
p. 684-687 ; W. M. Crowe, in I. Barandiarán, p. 63-74 ; L.
Freeman et J. Echegaray, in History of religions, 1981, 21,
p. 1-19 ; Arl. Leroi-Gourhan et M. Girard, op. cit. ; J.
Renault-Miskovsky, 1986.
13
G. Delluc et al. (La nutrition préhistorique, Périgueux,
Pilote 24, 1995) dressent un inventaire des plantes
sauvages comestibles attestées aujourd’hui en Europe. Le
problème est que, pour la plupart d’entre elles, on ne sait
si elles existaient au Paléolithique ni si les hommes les
connaissaient.
14
W. M. Crowe, op. cit. ; K. Cushman, in L. G. Straus et G.
A. Clark, p. 65-66 ; L. G. Freeman, in R. Harding et G.
Teleki ; Arl. Leroi-Gourhan, in L. G. Straus et G. A. Clark,
p. 59-64 ; L. G. Straus et al., CA, 1981, 22, 6, p. 655-682.
15
L. Dams, in Homenaje al Prof. Almagro Basch, Madrid,
Ministerio de Cultura, 1983, p. 363-369.
16
L. G. Freeman, in R. Harding et G. Teleki ; B. Madariaga
de la Campa et C. A. Fernández Pato, in I. Barandiarán,
p. 75-95 ; J. A. Moure Romanillo, Excavaciones en la cueva
de « Tito Bustillo » (Ribadesella, Asturias). Campañas de
1972 y 1974, Oviedo, Instituto de Estudios Asturianos,
1975 ; J. Ortea, in L. G. Straus et G. A. Clark, p. 289-298 ;
L. G. Straus et al., op. cit., 1981.
17
B. Madariaga de la Campa et C. A. Fernández Pato, op.
cit. ; A. Moure Romanillo, op. cit., 1989 ; J. Ortea, op. cit.
La cuisine
1
J. Jenny et al., in M. Olive et Y. Taborin, p. 181-187.
2
L. G. Freeman, in R. Harding et G. Teleki, p. 104-165.
3
S. A. de Beaune, GP, 1989, 31, p. 27-64 ; id., in H. Knecht
et al., p. 163-191.
4
A. Averbouh, in H. Camps-Fabrer, VI, fiche 4 ; D. Buisson,
ibid., XI, à paraître ; B. et G. Delluc, in J. Clottes, 2, p. 39-
72.
5
A. Moure Romanillo, L’A., 1989, 93, 2, p. 407-433 ; J. A.
Moure Romanillo et M. R. Gonzalez Morales, Trabajos de
Prehistoria, 1988, 45, p. 19-49 ; Y. Taborin, 1993.
6
S. A. de Beaune, 1987 ; E. Carbonell et Z. Castro-Curel,
Journal of Archaeol. Science, 1992, 19, p. 707-719 ; A.
Chollet et al., BSPF, 1980, 77, 1, p. 11-16 ; A. Leroi-
Gourhan et M. Brézillon, 1972.
7
D. Buisson et A. Peltier, in H. Camps-Fabrer, VI, fiche
6.1 ; ibid., XII, à paraître ; B. et G. Delluc, op. cit. ; J.
Jelínek, L’A., 1988, 92, 1, p. 203-238 ; J. K. Kozlowski,
1992 ; A.-C. Welté, L’A., 1992, 96, 2/3, p. 245-318.
8
G. Bosinski, in Les habitats du Paléolithique..., 1, p. 113-
124 ; A Leroi-Gourhan et M. Brézillon, 1972 ; M. J.
O‘Kelly, Journ. of the Roy. Ant. of Ireland, 1954, 84, p. 105.
9
F. David et J. G. Enloe, in Exploitation des animaux...,
p. 19-47.
10
F. Delpech et P. Villa, ibid., p. 79-102.
11
F. Poplin, in Revivre la préhistoire, p. 24-32.
12
B. Charles, in Exploitation des animaux..., p. 103-114.
13
F. Audouze, in J. Tixier, p. 97-111 ; F. Audouze et al., GP,
1981, 24, 1, p. 99-143 ; F. David, in Y. Taborin, p. 105-
110 ; F. David et J. G. Enloe, BSPF, 1989, 86, 9, p. 275-
281.
14
F. Bordes, cité par C. Perlès, 1977 ; J. Bouchud, in
L’industrie de l’os..., p. 54.
15
J. Bouyssonie et H. Delsol, Revue Anthrop., 1924, 34e
année, 9-12, p. 342-348 ; C. Perlès, 1977 ; R. de Saint-
Périer, L’A., 1926, 36, p. 15-40.
16
B. Klíma, Antiquity, 1954, XXVIII, 109, p. 4-14 ; J. Jelínek,
L’A., 1988, 92, 1, p. 203-238 ; J. K. Kozlowski, 1992.
17
M. J. O’Kelly, op. cit. ; C. Perlès, 1977.
18
S. A. de Beaune, GP, 1993, 35, p. 112-137.
19
F. Audouze, in M. Otte, p. 57-71 ; id., in Y. Taborin, p. 167-
172 ; F. Delpech et J.-P. Rigaud, in L’industrie de l’os...,
p. 47-55 ; A. Leroi-Gourhan et M. Brézillon, 1972.
20
P. U. Miranda, 1981 ; J. A. Moure Romanillo, Excavaciones
en la cueva de « Tito Bustillo » (Ribadesella, Asturias).
Campañas de 1972 y 1974, Oviedo, Instituto de Estudios
Asturianos, 1975.
21
L. G. Freeman, op. cit. ; B. Madariaga de la Campa et C.
A. Fernández Pato, in I. Barandiarán, p. 75-95.
22
J. Ortea, in L. G. Straus et G. A. Clark, p. 289-298.
23
G. Bosinski, 1979 ; O. Soffer, 1985.
24
D. Chambaron, in M. Olive et Y. Taborin, p. 91-96.
25
F. Audouze, in J. Tixier ; J. Combier, Trav. lab. géol. fac.
sc. Lyon, 1955, 2, p. 93-222.
26
K. Bokelmann, Offa, 1979, 36, p. 12-22 ; B. Bratlund, Offa,
1991, 48, p. 41-73 ; A. Rust, Das altsteinzeitliche
Rentierjägerlager Meiendorf, Neumünster, 1937 ; id., Die
alt – und mittelsteinzeitlichen Funde von Stellmoor,
Neumünster, 1943.
27
L. G. Freeman, op. cit.
Nutrition et santé
1
C. Masset, in J.-P. Mohen, 2, p. 30-32 ; R. White, 1993.
2
J.-M. Bader, Impact Médecin, 19 oct. 1985, 158, p. 76-79.
3
Les huîtres constituent la principale source de calories au
printemps chez les chasseurs-cueilleurs de l’ouest du
Danemark (J. D. Speth, La Recherche, 1987, 18, p. 894-
903).
4
B. Hayden et al., in O. Soffer, p. 279-291.
5
J. D. Speth, op. cit. Des estimations comparables ont été
obtenues par S. Boyd Eaton (cité par G. Delluc et al., La
nutrition préhistorique, Périgueux, Pilote 24, 1995).
6
B. Hayden, in R. Harding et G. Teleki, p. 344-421 ; R. Lee,
in E. Leacock et R. Lee, p. 37-59 ; J. D. Speth, op. cit.
7
A. Leroi-Gourhan et M. Brézillon, 1972.
8
B. Hayden, in R. Harding et G. Teleki ; J.D. Speth, op. cit.
9
M. Apfelbaum, Régulation de l’équilibre énergétique chez
l’homme, Paris, Masson, 1974 ; J. Trémolières et al.,
Manuel élémentaire d’alimentation humaine, Paris,
Éditions sociales françaises, 1977.
10
J.-M. Bader, op. cit. ; P.-H. Landrieau, Le Quotidien du
Médecin, 1988, 4093, p. 16 ; S. J. Ulijaszek, Phil. Trans.
Royal Society of London, 1991, 334, p. 271-279.
11
M. U. Brennan, Health and disease in the Middle and
Upper Paleolithic of Southern France : a
bioarchaeological study, New York University, PhD. Thesis,
1991.
12
F. L. Dunn, in R. Lee et I. DeVore, p. 221-228.
13
M. U. Brennan, op. cit. ; J. Dastugue, in L’homme de Cro-
Magnon, Paris, Arts et Métiers Graphiques, 1970, p. 121-
126 ; J. Dastugue et M.-A. de Lumley, in H. de Lumley, I,
1, p. 612-622 ; B. Klirna, Journal of human evolution,
1988, 16, p. 831-835 ; F. Le Mort et D. Gambier, in Le
peuplement magdalénien, p. 29-40 ; H.-V. Vallois, BSPF,
1971, 68, p. 485-495.
14
J. Dastugue et M.-A. de Lumley, op. cit. ; H. L. Movius,
Bull. of Peabody Museum, Harvard Univ., 1975, 31, 2,
p. 17-27.
15
F. L. Dunn, op. cit.
L’habitation
1
E. Bonifay, Archeologia, 1981, 150, p. 30-42 ; H. de
Lumley, Mém. Musée d’anthr. préhist. Monaco, 1966, 13,
p. 29-51 ; id., Une cabane acheuléenne dans la grotte du
Lazaret (Nice), Paris, Mém. SPF, 1969. La réalité de cette
structure d’habitat a été mise en doute (C. Farizy,
L’Histoire, 1993, 165, p. 42-45) mais, qu’il y ait eu une
cabane ou pas, l’espace habité a bien été subdivisé en
aires.
2
J. Clottes, BSPA, 1983, XXXVIII, p. 23-81.
3
H. Berke, in Le peuplement magdalénien, p. 273-276.
4
R. White, 1985.
5
J. Gaussen, 1980 ; D. Vialou, in La vie préhistorique,
p. 304-309.
6
G. Bosinski, in Les habitats du Paléolithique..., 1, p. 113-
124.
7
F. Audouze, in Y. Taborin, p. 167-172 ; P. Coudret et al.,
ibid., p. 132-146.
8
J.-P. Rigaud (dir.), La grotte Vaufrey. Paléoenvironnement,
chronologie, activités humaines, Paris, Mém. SPF, 1988.
9
J. Clottes, in Les habitats..., 1, p. 31-44 ; A. Moure
Romanillo, L’A., 1988, 93, 2, p. 407-433.
10
A. Leroi-Gourhan, GP, 1961, IV, p. 3-16 ; id., in Miscelanea
en homenaje al Abate Breuil, 2, Barcelone, Instituto de
prehistoria y arqueología, 1965, p. 75-81.
11
J.-M. Bouvier, in H. Laville et J. Renault-Miskovsky, p. 125-
130 ; id., in Paléoclimats, Cahiers du Quaternaire, n° h.s.,
1983, p. 27-35 ; R. White, 1985.
12
F. Bordes, Quartär, 1968, 19, p. 251-262 ; J. Gaussen,
1980.
13
F. Bernaldo de Quiros et V. Cabrera-Valdés, in Les
habitats..., 1, p. 125-144 ; L. G. Freeman, in R. Harding et
G. Teleki, p. 104-165 ; J.-M. Le Tensorer, in Les habitats...,
1, p. 145-147.
14
J. Gaussen, 1980 ; id., in Les habitats..., 1, p. 180-191 ; M.
Otte, ibid., 2, p. 233-234.
15
A. Leroi-Gourhan et M. Brézillon, 1972.
16
G. Bosinski, 1979 ; id., in Les habitats... ; J. Jelínek,
1975 ; A. Leroi-Gourhan, in Miscelanea...
17
L. Banesz, in Les structures d’habitat..., 1, p. 8-53.
18
R. Desbrosse et J. Kozlowski, 1994.
19
Z. A. Abramova, in Le peuplement..., p. 391-398 ; R.
Desbrosse et J. Kozlowski, 1994 ; M. Oliva, L’A., 1989, 93,
4, p. 887-892 ; O. Soffer, 1985 ; K. Valoch, Anthr., 1987,
XXV, 2, p. 115-116.
20
F. Bordes, cité par C. Perlès, 1977 ; J. Combier et al., in
Les habitats..., 1, p. 274-281 ; M. Escalon de Fonton,
BSPF, 1966, 63, 1, p. 66-180 ; M. Escalon de Fonton et G.
Onoratini, in Les habitats..., 1, p. 72-79 ; J. Gaussen,
1980 ; B. Klíma, Antiquity, 1954, XXVIII, 109, p. 4-14 ; A.
Leroi-Gourhan, in Miscelanea...
21
A. Leroi-Gourhan et M. Brézillon, 1972 ; P. Coudret et al.,
op. cit.
22
A. Leroi-Gourhan, op. cit., 1961 ; D. Peyrony, Les
gisements préhistoriques de Bourdeilles (Dordogne), Paris,
éd. Masson, 1932 ; J.-P. Rigaud, in Les structures
d’habitat..., p. 93-102 ; id., in M. Otte, p. 385.
23
G. Bosinski, in Les habitats... ; G. Gaucher et M. Julien, in
Revivre la préhistoire, p. 46-51 ; L. Jourdan et J.-P. Leroy,
1987.
24
S. N. Bibikov, cité par O. Soffer, 1985 ; J. K. Kozlowski,
1992.
25
R. Desbrosse et J. Kozlowski, 1988 ; M. Otte, op. cit.
26
N. Pigeot, 1987 ; M. Olive, 1988.
27
A. Leroi-Gourhan et M. Brézillon, GP, 1966, 9, p. 263-385.
28
A. Leroi-Gourhan et M. Brézillon, 1972.
29
M. Julien et al., in M. Otte, p. 85-122 ; C. Karlin, in
Préhistoire de la pierre taillée, p. 39-44.
30
J. Allain, L’A., 1953, 57, p. 284-294 ; G. Célerier, in Les
habitats..., 1, p. 166-179.
31
C. Bombail, in M. Olive et Y. Taborin, p. 147-154 ; J. Jenny
et al., ibid., p. 181-187 ; M. Olive, ibid., p. 197-207 ; id.,
GP, 1992, 34, p. 85-140.
32
F. Audouze, in J. Tixier, p. 97-111.
33
C. Karlin, op. cit. ; N. Pigeot, 1987.
34
A. Leroi-Gourhan et M. Brézillon, 1972 ; N. Pigeot, 1987.
Le vêtement et la parure
1
A. Averbouh, in H. Camps-Fabrer, VI, fiche 4.
2
D. Baffier et M. Julien, in C. Farizy, p. 329-334 ; H.
Camps-Fabrer (dir.), III ; D. Stordeur-Yedid, 1979.
3
H. Delporte, 1993.
4
O. N. Bader, cité par G. Bosinski, 1990 et R. White, 1993.
5
H. Delporte, 1993.
6
O. N. Bader, op. cit. ; C. Bellier et al., in H. Camps-Fabrer,
IV, fiche 5.1 ; H. Camps-Fabrer et al., ibid., fiche 11 ; J.
Jelínek, L’A., 1988, 92, 1, p. 203-238 ; J. Jelínek et al.,
Anthropos, 1959, 9, p. 5-30 ; R. White, in H. Knecht et al.,
p. 277-299.
7
Avant les Scythes, H. Delporte, 1993.
8
G. Chauvet, Bull. soc. hist. arch. Charente, 1910, p. 1-
184 ; A. de Maret, Bull. monumental, 1878, 1, p. 42-47 ;
id., Congrès arch. de France, 1879, 46e sess., Vienne,
p. 162-178.
9
J. Clottes, in Traces et messages..., p. 40-49.
10
Z. A. Abramova, in J. Clottes, 1, p. 143-154 ; L. Pales et M.
Tassin de Saint-Péreuse, Les gravures de La Marche. II.
Les humains, Paris, Ophrys, 1976 ; A. Vigliardi, in La
naissance de l’art..., p. 48-55.
11
H. Delporte, 1993 ; J. Jelínek, op. cit., 1988 ; id., Art in
the mirror of ages. The beginning of artistic activities,
Moravian Museum, Brnö, Anthropos, 1990.
12
Z. A. Abramova, Anthr., 1991, XXIX, 1-2, p. 79-83 ; H.
Delporte, 1993.
13
Y. Taborin, 1993.
14
L. de Villeneuve et al., 1906-1919.
15
Les craches (ou croches) sont les canines supérieures des
cerf mâles. Ces canines résiduelles ne sortent pas de la
mâchoire et ne sont jamais fonctionnelles.
16
H. Camps-Fabrer (dir.), IV, fiches 3 à 6 ; Y. Taborin, in J.
Clottes, 2, p. 19-37 ; R. White, in P. Mellars et C. Stringer,
p. 368-390 ; id., Sc. Amer., 1989, 260, 7, p. 92-99.
17
J. Hahn, World Archaeology, 1972, 3, 3, p. 252-266 ; C.
Mourer-Chauviré, La Recherche, 1979, 10, 106, p. 1202-
1210 ; M. Otte, in L’industrie de l’os..., p. 93-96 ; Y.
Taborin et al., in H. Camps-Fabrer, IV, fiches 3 et 6 ; R.
White, op. cit., 1989 ; id., in H. Knecht et al. ; id., in
Industries sur matières dures..., p. 13.
18
H. Barge-Mahieu et Y. Taborin, in H. Camps-Fabrer, IV,
fiche 1 ; E. Ladier et A.-C. Welté, 1994 ; F. Poplin, in La
faune et l’homme..., p. 55-67 ; Y. Taborin, in Méthodologie
appliquée..., p. 303-310 ; id., in J. Garanger, p. 451-456.
19
Id., in H. Camps-Fabrer, IV, fiche 2.1 ; id., in M. Otte,
p. 278-301 ; id., in P. Anderson et al., p. 255-267.
20
Y. Taborin, in H. Camps-Fabrer.
21
R. White, op. cit., 1989.
22
J. Jelínek, op. cit., 1990 ; J. K. Kozlowski, 1992.
23
J. Jelínek, op. cit., 1988.
24
H. Delporte, 1993.
25
J. Jelínek, op. cit., 1988.
26
Y. Taborin, 1993.
27
Id., in La mort dans la préhistoire, p. 42-51 ; R. White, op.
cit., 1989.
Le domaine de l’art
1
J. Clottes et al., C. R. Acad. Sci. Paris, 1995, 320, IIa,
p. 1133-1140.
2
M. Lorblanchet, in La naissance de l’art..., p. 66-73.
3
J. Fortea et al., in J. Clottes, 1, p. 219-244.
4
H. Camps-Fabrer (dir.), IV, fiches 3 à 5 ; J. Hahn, 1986 ;
id., in H. Knecht et al., p. 229-241 ; B. Klíma, Antiquity,
1956, XXX, 118, p. 98-101.
5
M.-A. Garcia, in J. Clottes, 2, p. 205-212.
6
J. Clottes et J. Simonnet, BSPF, 1972, 69, 1, p. 293-323 ; J.
Clottes et J. Courtin, 1994.
7
M.-A. Garcia, in J. Clottes.
8
B. Klíma, Antiquity, 1958, XXXII, p. 8-14 ; id., in J. Clottes,
1, p. 133-141 ; J. Jelínek, L’A., 1988, 92, 1, p. 203-238 ; J.
K. Kozlowski, 1992.
9
F. Audoin et H. Plisson, Cahiers centre rech. préhist. Univ.
Paris I, 1982, 8, p. 33-80 ; S. A. de Beaune et D. Buisson,
in Delporte et J. Clottes, p. 129-142 ; C. Couraud, L’A.,
1988, 92, 1, p. 17-28 ; M. Lorblanchet, in La naissance...,
p. 66-73 ; M. Menu et al, BSPF, 1993, 90, 6, p. 426-432.
10
N. Aujoulat, in L’art pariétal paléolithique, p. 145-155 ; A.
Laming-Emperaire, 1962 ; id., Lascaux, UGE, Paris,
1964 ; A. Leroi-Gourhan, in L’art des cavernes, p. 180-
200 ; M. Lorblanchet, in Revivre la préhistoire, p. 33-39 ;
id., in La naissance..., p. 66-73 ; M. Menu et al., op. cit.
11
C. Couraud et A. Laming-Emperaire, in Arl. Leroi-Gourhan
et J. Allain, p. 153-170 ; M. Lorblanchet, in Revivre la
préhistoire ; id., in GRAPP, p. 257-260.
12
F. Bernaldo de Quiros, in La Vie préhistorique, p. 402-407.
13
J.-M. Chauvet et al., 1995, fig. 64, 84, 86 ; A. Laming-
Emperaire, 1962 ; M. Lejeune, L’utilisation des accidents
naturels dans le tracé des figurations pariétales du
Paléolithique supérieur franco-cantabrique, Mémoire de
fin d’études, Université de Liège, 1981 ; M. Lorblanchet,
in La naissance..., p. 66-73.
14
N. Aujoulat, in GRAPP, p. 281-288.
15
F. Rouzaud et al., Paléo, 1992, 4, p. 195-212.
16
J. Hahn, in J. Clottes, 2, p. 217-222.
17
M. Lorblanchet, in La naissance..., p. 66-73 ; C. Zervos,
1959.
18
C. Couraud, op. cit. ; M. Lorblanchet, in Revivre la
préhistoire.
19
H. Delporte, 1990.
20
M. Crémadès, in GRAPP, p. 289-296 ; id., L’A., s.p.
21
J. Clottes et al., BSPA, 1994, XLIX, p. 15-49 ; C. Rivenq et
A.-C. Welté, BSPA, 1992, XLVII, p. 77-93 ; A.-C. Welté, in
H. Morphy, Animals into Art, Word Archeological
Congress, Southampton, 1986, Londres, Unwin Hyman,
1989, p. 215-235.
22
R. Bégouën, in GRAPP, p. 201-205 et p. 207-210 ; J.
Clottes, ibid., p. 193-196.
23
H. Delporte, 1993.
24
Id., 1993 ; J. Jelínek, op. cit.
25
J. Gaussen, in GRAPP, p. 87-96.
26
R. Bégouën et al, BSPF, 1984, 81, 5, p. 142-148 ; J.-G.
Lalanne et J. Bouyssonie, L’A., 1946, 50, p. 1-161.
27
J. Clottes, in GRAPP, p. 197-199 ; J. Hahn, 1986 ; A. Leroi-
Gourhan, 1965 ; K. Wehrberger, in Der Löwenmensch...,
p. 29-45.
28
J.-P. Duhard et A. Roussot, BSPF, 1988, 85, 2, p. 41-44.
29
M. Lorblanchet, in GRAPP, p. 69-80.
30
Id., in La naissance..., p. 42-47.
31
H. Delporte, 1993 ; J. Hahn, in J. Clottes, 2, p. 173-183.
32
A. Leroi-Gourhan, in Altamira Symposium, p. 289-294.
33
J. Clottes et al., BSPA, 1990, XLV, p. 15-49 et 1991, XLVI,
p. 119-132 ; J. Clottes, in GRAPP, p. 27-35.
La place de l’art dans la vie quotidienne
1
Pour un historique complet des différentes hypothèses
proposées, voir A. Laming-Emperaire, 1962 et H. Delporte,
1990.
2
Cette opposition entre peinture et gravure est courante
chez les Aborigènes australiens (M. Lorblanchet, in La
naissance de l’art en Europe, p. 66-73).
3
J. Clottes, in GRAPP, p. 27-35.
4
P. Cattelain, in H. Camps-Fabrer, II ; id., Helinium, 1986,
XXVI, p. 193-205.
5
S. A. de Beaune, 1987 ; id., L’A., 1989, 93, 2, p. 547-584.
6
F. Rouzaud, 1978 ; id., in GRAPP, p. 23-25.
7
J. Clottes, in GRAPP ; J. Clottes et al., BSPF, 1990, 87, 6,
p. 170-192.
8
F. Rouzaud, 1978.
9
J. Clottes, in GRAPP.
10
D. Peyrony, L’A., 1930, 40, p. 19-29.
11
Certains ont supposé que les nombreux objets portant des
encoches ou des stries plus ou moins régulières avaient un
rôle de comptage : calendriers lunaires, pronostic
obstétrical, marques de comptage, abaques, écriture
primitive... mais aucun argument solide ne permet de
confirmer pour l’instant l’une ou l’autre de ces hypothèses
un peu hasardeuses (M. Chollot-Varagnac, Les origines du
graphisme symbolique, Paris, éd. Fondation Singer-
Polignac, 1980 ; M. Dewez, Bull. soc. roy. belge anthr.
préhist., 1981, 92, p. 67-86 ; J.-P. Duhard, BSHAP, 1988,
115, p. 23-39 ; A. Marshack, Science, 1964, 3645, p. 743-
745 ; E.K. Tratman, Proc. univ. Bristol spelaeol. Soc.,
1976, 14, 2, p. 115-122).
12
D. Baffier, Paléo, 1990, 2, p. 177-190 ; A. Laming-
Emperaire, 1962 ; A. Marshack, in J. Clottes, 2, p. 139-
162.
13
J. Clottes et J. Courtin, 1994 ; J. Hahn, in J. Clottes, 2,
p. 217-222.
14
D. Baffier, op. cit. ; M. Garcia, comm. pers. ; D. Vialou,
1991.
15
A. Leroi-Gourhan, in Voyages chamaniques.
L’Ethnographie, 1977, 74-75, p. 19-25 ; J. D. Lewis-
Williams et T. A. Dowson, CA, 1988, 29, 2, p. 201-245 ; id.,
CA, 1993, 34, 1, p. 55-65.
16
P. J. Ucko et A. Rosenfeld, L’art préhistorique, Paris,
Hachette, 1966.
17
R. White, 1993.
18
A. Leroi-Gourhan, 1965 ; A. Sahly, Les mains mutilées
dans l’art préhistorique, Tunis, Maison tunisienne de
l’édition, 1970. Plusieurs auteurs ont testé
expérimentalement la réalisation de ces mains au pochoir
mais leurs conclusions divergent (C. Couraud, L’A., 1988,
92, 1, p. 17-28 ; M. Lorblanchet, in Revivre la préhistoire,
p. 33-39).
19
J. Jelínek, L’A., 1988, 92, 1, p. 203-238 ; L. Mons, L’A.,
1986, 90, 4, p. 701-712.
20
J. Hahn, 1986.
21
G. Camps, in Santander Symposium, p. 139-146.
22
M. Raphaël, Trois essais sur la signification de l’art
pariétal paléolithique, Paris, Chronos, 1986.
23
A. Laming-Emperaire, in Santander Symposium, p. 65-79.
24
Ce sont surtout A. Laming-Emperaire (1962) et A. Leroi-
Gourhan (1965) qui ont initié l’étude de la fréquence et de
l’emplacement des animaux et des signes représentés. Ils
ont mis en évidence des associations d’animaux
récurrentes. M. Raphaël a lui aussi mené des recherches
dans ce sens (1986).
25
D. Vialou, Ars Praehistorica, 1982, 1, p. 19-45.
26
A. Leroi-Gourhan, 1965. Les signes figurés par les
Aborigènes australiens peuvent se ramener à deux types
(cercle et ligne) qui ont la même connotation sexuelle que
celle que A. Leroi-Gourhan avait attribuée aux signes
paléolithiques (M. Lorblanchet, L’A., 1988, 92, 1, p. 271-
316).
27
A. Leroi-Gourhan, in Santander Symposium, p. 281-308.
28
G. Camps, op. cit. ; C. Züchner, BSPA, 1993, XLVIII, p. 15-
21. Une quinzaine de grottes seulement ont été datées par
des méthodes directes. Même si une figuration faite au
charbon a pu être bien datée, il est impossible d’affirmer
qu’elle a été faite en même temps que ses voisines.
29
J. Clottes et J. Courtin, 1994 ; J. Fortea Pérez, in La
naissance de l’art..., p. 230-232.
30
Les deux cas existent chez les Aborigènes australiens (M.
Lorblanchet, op. cit., 1988).
31
J. Clottes et G. H. Cole, BSPA, 1993, XLVIII, p. 35-46.
32
J. Clottes, in GRAPP.
33
M. Lorblanchet, op. cit., 1988.
34
C. Barrière, L’art pariétal de Rouffignac, Paris, Picard,
1982 ; M. Lorblanchet, CPF, 1981, XXIe sess., Quercy,
p. 178-207.
35
J. M. Apellaniz, in Altamira Symposium, p. 73-82 ; id., El
arte prehistórico del País Vasco y sus vecinos, Bilbao,
Desclée de Brouwer, 1982 ; id., L’A., 1984, 88, 4, p. 531-
537 et p. 539-561 ; id., L’A., 1989, 93, 2, p. 463-474 ; id.,
in J. Clottes, 2, p. 105-138 ; id., L’A., 1992, 96, 2/3, p. 453-
471.
36
G. Simonnet et al., in J. Clottes, 1, p. 173-186.
37
H. Delporte, 1981.
Jeux et musique
1
A. Leroi-Gourhan et M. Brézillon, 1972.
2
A. Glory, Bull. soc. ét. rech. préhist., Les Eyzies, 1963, 13,
p. 76-83 ; Avant les Scythes.
3
B. Olins Alpert, L’A., 1992, 96, 2-3, p. 221-244 ; R. Robert
et R. Gailli, BSPA, 1991, XLVI, p. 59-63.
4
J. L’Helgouach, in J.-P. Mohen, 2, p. 254-256.
5
P.G. Chase, BSPF, 1990, 87, 6, p. 165-167 ; M. Dauvois, in
La musique dans l’Antiquité, Les Dossiers de l’archéologie,
1989, 142, p. 2-11 ; id., in La pluridisciplinarité..., p. 153-
206.
6
A. Roussot, Revue hist. Bordeaux, 1970, p. 5-12.
7
J. Allain, BSPF, 1950, 47, p. 181-192 ; C. Mourer-
Chauviré, La Recherche, 1979, 10, 106, p. 1202-1210.
8
D. Buisson, comm. pers. ; R. White, 1993.
9
D. Buisson, BSPF, 1990, 87, 10-12, p. 420-433 ; id., in La
pluridisciplinarité..., p. 259-275 ; G. Fages et C. Mourer-
Chauviré, in La faune et l’homme..., p. 95-103.
10
A. Averbouh, in H. Camps-Fabrer, VI, fiche 4.
11
M. Dauvois, in La vie préhistorique, p. 412-415 ; M.
Dauvois et X. Boutillon, BSPA, 1990, XLV, p. 175-186 ; id.,
in La pluridisciplinarité..., p. 209-251 ; A. Glory, cité par J.
Clottes, in L’art pariétal paléolithique, p. 49-58 ; I.
Reznikoff et M. Dauvois, BSPF, 1988, 85, 8, p. 238-246.
12
S. N. Bibikov, cité par O. Soffer, 1985 ; J. K. Kozlowski,
1992.
13
H. Bégouën et H. Breuil, Les cavernes du Volp, Trais-
Frères et Tuc d’Audoubert, Paris, Arts et Métiers
Graphiques, 1958 ; J. L’Helgouach, in J.-P. Mohen.
14
M. Dauvois, in La musique... ; id., in La
pluridisciplinarité...
La fréquentation des grottes
1
F. Rouzaud, in De l’habitat spontané à l’habitat aménagé.
Chronologie et forme, Actes du IIe colloque sur le
patrimoine troglodytique, Sireuil, 14-16 avril 1988, Sireuil,
Les Cahiers de Commarque, 1990, p. 29-31.
2
L. Pales, Revue d’ét. Ligures, 1954, XXe année, 41, p. 1-12.
3
F. Rouzaud, 1978.
4
Id., 1978 ; id., in De l’habitat...
5
R. Bégouën et J. Clottes, in Altamira Symposium, p. 157-
187 ; J. Clottes, in Traces et messages de la Préhistoire,
p. 40-49 ; A. Leroi-Gourhan, 1965.
6
R. Bégouën ét al., in H. Delporte et J. Clottes, p. 283-306 ;
H. Breuil, 1952 ; D. Vialou, 1986.
7
J. A. Moure Romanillo et M. R. Gonzalez Morales, Trabajos
de Prehistoria, 1988, 45, p. 19-49.
8
R. Bégouën et J. Clottes, in Altamira Symposium.
9
B. et G. Delluc, in Arl. Leroi-Gourhan et J. Allain, p. 121-
142 ; A. Glory, GP, 1959, IV, p. 174-183 ; A. Laming-
Emperaire, 1962.
10
R. Bégouën et J. Clottes, in Altamira Symposium ; J.-J.
Cleyet-Merle, 1990 ; J. Clottes et al., in L’art des cavernes,
p. 433-437 ; J. Clottes, in GRAPP, p. 49-58.
11
J. Clottes et R. Simonnet, BSPA, 1990, XLV, p. 51-139. Le
bris de concrétions semble parfois gratuit et G. Camps
l’attribue alors à une sorte de vandalisme sommaire
répondant au besoin élémentaire d’affirmer sa
personnalité (in Santander Symposium, p. 139-146).
12
B. Beasley, BSPA, 1986, XLI, p. 23-30.
13
R. Bégouën et J. Clottes, in Altamira Symposium ; J.
Clottes, in GRAPP ; J. Clottes et al., in L’art des cavernes ;
M.-A. Garcia, in J. Clottes, 2, p. 205-212.
14
B. et G. Delluc, op. cit., p. 175-184 ; D. Vialou, 1986.
15
S. A. de Beaune, 1987 ; F. Rouzaud, in De l’habitat...
16
J. Clottes et R. Simonnet, BSPF, 1972, 69, 1, p. 293-323.
17
J. Clottes, IXe Congrès UISPP, Livret A5, 1976, p. 89-98 ;
F. Rouzaud, in De l’habitat...
18
Id., ibid.
19
Une lampe expérimentale a un éclairement faible, de
l’ordre de 0,5 à 0,6 lux à 50 cm de la paroi (S. A. de
Beaune, 1987).
20
J. Clottes et al., Spelunca, 1985, 38, p. 38-43 ; M. Garcia
et H. Duday, in Archéologie de la France, p. 99 ; L. Pales,
1976.
21
M. Garcia et H. Duday, in Archéologie...
22
H. Bégouën et H. Vallois, cité par H. Duday et M. Garcia,
BSPF, 1983, 80, 7, p. 207-215.
23
J. Clottes, in Traces et messages... ; J. Clottes et R.
Simonnet, op. cit., 1972 ; M.-A. Garcia et al., BSPA, 1990,
XLV, p. 167-174.
24
La piste d’un renard semble accompagner les pas de ce
jeune enfant dans la partie profonde de la cavité (J. Clottes
et M. Garcia, in Archéologie..., p. 99 ; F. Rouzaud, 1978 ;
D. Vialou, 1986).
25
A. Leroi-Gourhan, in Voyages chamaniques.
L’Ethnographie, 1977, 74-75, p. 19-25 ; J. D. Lewis-
Williams et T. A. Dowson, CA, 1993, 34, 1, p. 55-65.
26
A. Leroi-Gourhan, 1964.
27
M. A. Garcia et P. Morel, in L’homme dans l’espace animal.
L’animal dans l’espace humain, Actes du Colloque HASRI,
Genève, Anthropozoologica, 1995, 21, p. 73-78.
Les pratiques funéraires
1
Les sépultures néandertaliennes connues en Europe,
trouvées anciennement, sont malheureusement mal
datées.
2
O. Bar Yosef et B. Vandermeersch, in J.-J. Hublin et A.-M.
Tillier, p. 217-250 ; Arl. Leroi-Gourhan, BSPF, 1968, 65, 3,
p. 79-83.
3
J. Jelínek, L’A., 1988, 92, 1, p. 203-238 ; B. Klíma, Journal
of human evolution, 1988, 16, p. 831-835.
4
P. I. Boriskovski, cité par P. Binant, 1991a et b ; L.
Capitan et D. Peyrony, La Madeleine. Son gisement, son
industrie, ses œuvres d’art, Paris, libr. Émile Nourry,
1928.
5
P. Binant, 1991 a et b.
6
B. Klíma, op. cit. ; A. Leroi-Gourhan, 1964 ; E. Rivière,
cité par F. May, 1986 ; M. Sauter, BSPF, 1983, 80, 5,
p. 139-140 ; L. de Villeneuve et al., 1906-1919.
7
O. N. Bader, cité par G. Bosinski, 1990 ; L. Cardini, cité
par F. May, 1986 ; L. de Villeneuve et al., 1906-1919.
8
Y. Taborin, in J. Clottes, 2, p. 19-37 ; id., 1993.
9
B. Klíma, op. cit. ; J. K. Kozlowski, 1992 ; R. Verneau, cité
par C. Perlès, 1977.
10
R. Hertz, in Sociologie religieuse et folklore, Paris, PUF,
1970, p. 1-83 (1” éd., 1928).
11
H. Breuil et H. Obermaier, L’A., 1909, 20, p. 207-214 ; D.
Gambier, AN, 1990/1991, 22/23, p. 9-26 ; A. Leroi-
Gourhan, 1964.
12
D. Buisson et D. Gambier, BSPF, 1991, 88, 6, p. 172-177 ;
F. Le Mort, in La mort dans la préhistoire, p. 28-32 ; F. Le
Mort et D. Gambier, in Le peuplement magdalénien, p. 29-
40.
13
F. Le Mort, in La mort... ; H.-V. Vallois, L’A., 1961, 65, 1-2,
p. 21-45 ; id., BSPF, 1971, 68, 2, p. 485-495.
14
H. Bégouën et al., CPF, 1936, XIIe sess., Toulouse-Foix,
p. 559-564 ; H. Lagotala, Archives suisses anthrop. génér.,
1920, 4, p. 128 ; J.-P. Rigaud, GP, 1986, 29, 2, p. 271-272.
15
D. Gambier, in V. Cabrera-Valdés, p. 409-430 ; F. Le Mort,
BSPF, 1985, 82, 6, p. 190-192.
16
H. Duday, cité par F. Le Mort, in La mort...
17
F. Le Mort et D. Gambier, op. cit.
18
A. Defleur et al., C. R Acad. Sci. Paris, 1993, 316, II,
p. 1005-1010 ; F. Delpech et P. Villa, in Exploitation des
animaux..., p. 79-102 ; A. Leroi-Gourhan, 1964 ; S. Sergi,
Atti Acad. naz. Lincei. Rc., 1939, 6, 29, p. 672-685.
19
J.-G. Gauthier et al., Bull. soc. anthrop. Sud-Ouest, 1993,
XXVIII, 4, p. 389-398 ; P. Villa et al., GP, 1986, 29, 1,
p. 143-171.
20
K. Absolon, Anthr., 1929, VII, p. 79-89 ; D. Buisson et D.
Gambier, op. cit.
Le temps et l’espace domestiqués
1
F. L. Dunn, in R. B. Lee et I. DeVore, p. 221-228.
2
F. Audouze et J.-P. Rigaud, in Archéologie de la France,
p. 86-87 ; T. Aubry, 1991 ; F. Delpech, in Le peuplement
magdalénien, p. 127-135 ; H. Delporte, ibid., p. 13-18 ; B.
Hayden, in R. Harding et G. Teleki, p. 344-421 ; Y.
Taborin, in La vie préhistorique, p. 294-299.
3
B. Hayden, in Proceedings of the intern. conf. on lithic use-
wear analysis, 1989, Uppsala, Societas Archaeologica
Upsaliensis, 1990, p. 89-102.
4
M. Julien, in Le Magdalénien en Europe, p. 177-189.
5
P. E. L. Smith, 1966.
6
L. G. Straus, in Le peuplement..., p. 335-343.
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16
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17
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13
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14
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15
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17
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Addenda à la deuxième édition
Plusieurs ouvrages de synthèse ont tenté récemment de
faire le point de nos connaissances sur les ancêtres de
l’homme. Citons en particulier :
BERlLLON G. et al., Les Australopithèques, Paris, éd.
Artcom’, 1999.
GRlMAUD-HERVÉ D. et al., Histoire d’ancêtres, Paris, éd.
Artcom’, 1998.

Certains ouvrages généraux et actes de colloques récents


concernant le Paléolithique supérieur méritent d’être
mentionnés ici.

CHAUVET J.-M. et al., La Grotte Chauvet à Vallon Pont


d’Arc, Paris, éd. du Seuil, 1995.
COLLINA-GIRARD J., Le Feu avant les allumettes, Paris,
éd. de la MSH, 1998.
DELPORTE H. (dir.), La Dame de Brassempouy, Actes du
colloque de Brassempouy, 1994, Liège, ERAUL, 1995.
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Index des sites
Abside, voir Lascaux.
Altamira, cueva de, Santillana del Mar, Santander
(Cantabria, Espagne)
Altxerri, cueva de, Aya (Guipúzcoa, Espagne)
Ambrona, gisement d’, Soria, Burgos (Vieille-Castille,
Espagne)
Andernach-Martinsberg, Kreis Mayen-Koblenz (Rhénanie-
Palatinat, Allemagne)
Angles-sur-l’Anglin, voir Roc-aux-Sorciers.
Arancou, grotte d’, Bourouilla (Pyrénées-Atlantiques)
Arcy, voir Renne.
Arene Candide, grotta delle, Savone (Ligurie, Italie)
Avdeevo, Koursk (Russie)
Bacho Kiro, grotte de, Drianovo (Bulgarie)
Barma Grande, La, voir Grimaldi.
Baume, grotte de La, Gigny-sur-Suran (Jura)
Baume Bonne, grotte de La, Quinson (Alpes de Haute-
Provence)
Bédeilhac, grotte de, Bédeilhac (Ariège)
Blanchard, abri, Sergeac (Dordogne)
Blanchard, grotte, voir Garenne.
Boeufs, grotte des, Lespugue (Haute-Garonne)
Bois des Brousses, abri du, Aniane (Hérault)
Brassempouy, voir Pape.
Brillenhöhle, grotte, Blaubeuren-Weiler, Alb-Donau-Kreis
(Bade-Wurtemberg, Allemagne)
Brnö II, rue Francouzska, Brnö, Moravie (rép. tchèque)
Bruniquel, voir Montastruc.
Buisson Campin, Le, Verberie (Oise)
Buret’, Irkutsk (Sibérie, Russie)
Caldas, cueva de Las, San Juan de Priorio, Oviedo
(Asturies, Espagne)
Cassegros, grotte de, Trentels (Lot-et-Garonne)
Castanet, abri, Sergeac (Dordogne)
Castillo, cueva del, voir Monte Castillo.
Caune de l’Arago, Tautavel (Pyrénées-Orientales)
Cavillon, grotte du, voir Grimaldi.
Chaffaud, grotte du, Savigné (Vienne)
Champréveyres, Hauterive (Neuchâtel, Suisse)
Chancelade, voir Raymonden.
Chapelle de la Lionne, voir Trois-Frères.
Chauvet, grotte, Vallon-Pont-dArc (Ardèche)
Cheval, grotte du, Foix (Ariège)
Clastres, voir René Clastres.
Colombier, abri du, Vallon-Pont-d’Arc (Ardèche)
Combarelles, grotte des, Les Eyzies-de-Tayac, Sireuil
(Dordogne)
Combe, grotte de La, Les Eyzies-de-Tayac, Sireuil
(Dordogne)
Combe Capelle, abri du Roc de, Saint-Avit-Sénieur
(Dordogne)
Combe Saunière, grotte de, Sarliac-sur-l’Isle (Dordogne)
Commarque, grotte de, Les Eyzies-de-Tayac, Sireuil
(Dordogne)
Corbiac, château de, Lembras (Dordogne)
Cosquer, grotte, Marseille (Bouches-du-Rhône)
Coucoulu, grotte du, Calviac (Dordogne)
Cougnac, grotte de, Payrignac (Lot)
Cro-Magnon, abri de, Les Eyzies-de-Tayac, Sireuil
(Dordogne)
Crôt-du-Charnier, gisement du, Solutré (Saône-et-Loire)
Deux-Avens, grotte des, Vallon-Pont-d’ Arc (Ardèche)
Diverticule Axial, voir Lascaux.
Dmanisi, Tbilisi (Caucase, Géorgie)
Dobranichevka, Yagodinski, Kiev (Ukraine)
Dolní Věstonice, Břeclav, Moravie. rép. tchèque)
Duruthy, abri de, Sordes-l’Abbaye (Landes)
Églises, grotte des, Ussat (Ariège)
Eliseevitch, Briansk (Russie)
Enfants, grotte des, voir Grimaldi.
Enlène, grotte d’, Montesquieu-Avantès (Ariège)
Entrefoces, abri de, Morcín (Asturies, Espagne).
Espélugues, grotte des, Lourdes (Hautes-Pyrénées)
Étiolles, site d’, Étiolles (Essonne)
Etxeberriko-Kharbea, grotte, Camou-Cihigue (Pyrénées-
Atlantiques)
Ferrassie, La, Savignac-de-Miremont (Dordogne)
Flageolet, abris du, Bézenac (Dordogne)
Florisbad, État d’Orange (Afrique du Sud)
Fontalès, abri de, Saint-Antonin-Noble-Val (Tarn-et-
Garonne)
Fontanet, grotte de, Ornolac-Ussat-les-Bains (Ariège)
Fontarnaud, Lugasson (Gironde)
Font-de-Gaume, grotte de, Les Eyzies-de-Tayac, Sireuil
(Dordogne)
Fontéchevade, grotte de, Orgedeuil (Charente)
Fourneau du Diable, Le, Bourdeilles (Dordogne)
Fressignes, site de, Eguzon (Indre)
Gabillou, grotte de, Sourzac (Dordogne)
Gagarino, Lipetsk (Russie)
Gare de Conduché, grotte de La, Bouziès (Lot)
Garenne, grottes de La, Saint-Marcel (Indre)
Gargas, grotte de, Aventignan (Hautes-Pyrénées)
Gazel, grotte, Sallèles-Cabardès (Aude)
Geissenklösterle, grotte de, Blaubeuren-Weiler, Alb-Donau-
Kreis (Bade-Wurtemberg, Allemagne)
Geldrop III-1, gisement de, Geldrop (Noord-Brabant, Pays-
Bas)
Gönnersdorf, Feldkirchen, Kreis Neuwied (Rhénanie-
Palatinat, Allemagne)
Gorham’s Cave, Gibraltar (Gibraltar)
Gourdan, grotte de, Gourdan-Polignan (Haute-Garonne)
Grimaldi, grottes de, ou des Balzi Rossi, Ventimiglia
(Ligurie, Italie)
Guattari, grotte, San Felice Circeo (Latium, Italie)
Hauterive, voir Champréveyres.
Hohlefels, grotte, Schelklingen, Alb-Donau-Kreis (Bade-
Wurtemberg, Allemagne)
Hohlenstein-Stadel, grotte de, Niederstotzingen-
Asselfingen, Alb-Donau-Kreis (Bade-Wurtemberg,
Allemagne)
Ioudinovo, Briansk (Russie)
Istallöskö, grotte de, Szilvásvárad (Hongrie)
Isturitz, grotte d’, Isturitz (Pyrénées-Atlantiques)
Juyo, cueva del, Igollo, Santander (Cantabria, Espagne)
Kalambo Falls, site de (Zambie)
Kébara, grotte de, Hadera (Israël)
Kniegrotte, Döbritz, Kreis Pössneck (Thuringe, Allemagne)
Kokorevo I, Krasnojarsk (Sibérie, Russie)
Kostienki, gisements de, Voronej (Russie)
Kraków-Spadzista, rue Spadzista, Cracovie (Pologne)
Krapina, grotte de, Krapina (Croatie, ex-Yougoslavie)
Krasnyj Jar, Irkutsk (Sibérie, Russie)
Labastide, grotte de, Labastide (Hautes-Pyrénées)
Laetoli, site de (Tanzanie)
Lascaux, grotte de, Montignac (Dordogne)
Laugerie-Basse, abris de, Les Eyzies-de-Tayac, Sireuil
(Dordogne)
Laugerie-Haute, abri de, Les Eyzies-de-Tayac, Sireuil
(Dordogne)
Laussel, abri de, Marquay (Dordogne)
Lazaret, grotte du, Nice (Alpes-Maritimes)
Lehringen, gisement de, Verden (Basse-Saxe, Allemagne)
Lespugue, voir Rideaux.
Llonín, cueva de, Alles, Cabrales, Oviedo (Asturies,
Espagne)
Lortet, grotte de, Lortet (Hautes-Pyrénées)
Madeleine, abri de La, Tursac (Dordogne)
Mairie, grotte de La, Teyjat (Dordogne)
Mal’ta, Irkutsk (Sibérie, Russie)
Maras, abri du, Saint-Martin d’Ardèche (Ardèche)
Marche, grotte de La, Lussac-les-Châteaux (Vienne)
Marsoulas, grotte de, Marsoulas (Haute-Garonne)
Mas d’Azil, grotte du, Le Mas d’Azil (Ariège)
Mas des Caves, grotte du, Lunel-Viel (Hérault)
Mauer, gisement de, Mauer, Heidelberg (Bade-
Wurtemberg, Allemagne)
Mège, abri, Teyjat (Dordogne)
Meiendorf, Ahrensburg, Kreis Stomarn (Schleswig-
Holstein, Allemagne)
Mezine, Chernigov, Novgorod-Seversk (Ukraine)
Mezirich, Kanev, Cherkass (Ukraine)
Milovice, Brěclav, Moravie (rép. tchèque)
Montastruc, abri, Bruniquel (Tarn-et-Garonne)
Montaut, site de, Montaut (Landes)
Monte Castillo, cuevas del, Puente Viesgo, Santander
(Cantabria, Espagne)
Monte Circeo, voir Guattari.
Montespan, grotte de, Gantiès-Montespan (Haute-
Garonne)
Montfort, abri de, Saint-Lizier (Ariège)
Montgaudier, abri de, Montbron (Charente)
Montmaurin, grottes de (Haute-Garonne)
Moravany-Zakovska, Lubna (Slovaquie)
Morín, cueva, Villanueva-Villescusa, Santander (Cantabria,
Espagne)
Nerja, cueva de, Maro Málaga (Andalousie, Espagne)
Néron, grotte de, Soyons (Ardèche)
Niaux, grotte de, Niaux (Ariège)
Oblazowa, grotte, Nowa Biala, Carpathes (Pologne)
Œlknitz, Kreis Jena (Thuringe, Allemagne)
Ofnet, grotte d’, Holheim, Nördlingen (Bavière, Allemagne)
Omo, formation de Kibish, Omo-Shungura (Éthiopie)
Pape, grotte du, Brassempouy (Landes)
Parpalló, cueva del, Gandia, Valence (Levante, Espagne)
Pasiega, cueva de La, Puente Viesgo, Santander
(Cantabria, Espagne)
Pataud, abri, Les Eyzies-de-Tayac, Sireuil (Dordogne)
Pavlov, Břeclav, Moravie (rép. tchèque).
Pech-Merle, grotte du, Cabrerets (Lot)
Pekarna, Mokrá, Brnö-Venko, Moravie (rép. tchèque)
Petralona, grotte de, près Thessalonique (province
chalcidique, Grèce)
Petřkovice, Ostrava, Moravie (rép. tchèque)
Piage, abri du, Fajoles (Lot)
Pileta, cueva de La, Ronda, Málaga (Andalousie, Espagne)
Pincevent, site de, La Grande-Paroisse (Seine-et-Marne)
Placard, grotte du, Vilhonneur (Charente)
Plateau Parrain, site du, Saint-Front-de-Pradoux
(Dordogne)
Poisson, abri du, Les Eyzies-de-Tayac, Sireuil (Dordogne)
Pont d’Ambon, abri du, Bourdeilles (Dordogne).
Portel, grotte du, Loubens (Ariège)
Pouchkari, Chernigov, Novgorod-Seversk (Ukraine)
Pradières, grotte de, Bédeilhac (Ariège)
Prédmosti, Přerov, Moravie (rép. tchèque)
Pré-Neuf, abri du, Noailles (Corrèze)
Prince, grotte du, voir Grimaldi.
Puits, Le, voir Lascaux.
Qafzeh, grotte de, Yzréël (Israël)
Rabier, site de, Lanquais (Dordogne)
Rascaño, cueva de, Mirones, Miera, Santander (Cantabria,
Espagne)
Raymonden, abri, Chancelade (Dordogne)
René Clastres, réseau, Niaux (Ariège).
Renne, grotte du, Arcy-sur-Cure (Yonne).
Rey, grotte, Les Eyzies-de-Tayac, Sireuil (Dordogne)
Rideaux, grotte des, Lespugue (Haute-Garonne)
Riera, cueva de La, Posada, Llanes (Asturies, Espagne)
Roc-aux-Sorciers, Le, Angles-sur-l’Anglin (Vienne)
Roc de Combe, gisement du, Payrignac (Lot)
Roc de Marcamps, gisement du, Marcamps (Gironde)
Roc-de-Sers, abri du, Sers (Charente)
Roche-à-Pierrot, abri de La, Saint-Césaire (Charente-
Maritime)
Rochereil, grotte de, Grand-Brassac (Dordogne)
Romains, grotte des, Pierre-Châtel, Virignin (Ain)
Romani, abri, Capellades, Barcelona (Catalogne, Espagne)
Rond du Barry, Le, Polignac (Haute-Loire)
Rotonde, La, voir Lascaux.
Rouffignac, grotte de, Rouffignac (Dordogne)
Saccopastore, Rome (Italie)
Saint-Césaire, voir Roche-à-Pierrot.
Saint-Germain-la-Rivière, abri de, Saint-Germain-la-Rivière
(Gironde)
Saint-Michel-du-Touch, site de (Haute-Garonne)
Sainte-Eulalie, grotte de, Espagnac (Lot)
Salle des Talons, voir Tuc d’Audoubert.
Salle des Taureaux, voir Lascaux.
Salon Noir, voir Niaux.
Salpêtrière, grotte de La, Rémoulins (Gard)
Scilles, grotte des, Lespugue (Haute-Garonne)
Shanidar, grotte de, Zagros (Kurdistan, Iraq)
Skhul, grotte de, Hadera (Israël)
Solutré, voir Crôt-du-Charnier.
Souquette, abri de La, Sergeac (Dordogne)
Steinheim, gisement de, Steinheim-an-der-Murr (Bade-
Wurtemberg, Allemagne)
Stellmoor, Ahrensburg, Kreis Stomarn (Schleswig-
Holstein, Allemagne)
Sungir’, Vladimir (Russie)
Swanscombe, gisement de (Kent, Royaume-Uni)
Tana della Basura, grotte de La, Toirano (Ligurie, Italie)
Tarterets I, Les, Corbeil-Essonne (Essonne)
Taubach, site de, Weimar (Thuringe, Allemagne)
Tautavel, voir Caune de l’Arago.
Temnata, grotte, Karloukovo (Bulgarie)
Terra Amata, site de, Nice (Alpes-Maritimes)
Teufelsbrücke, abri, Saalfeld (Thuringe, Allemagne)
Teyjat, voir Mairie.
Tito Bustillo, cueva de, Ribadesella, Oviedo (Asturies,
Espagne)
Trois-Frères, grotte des, Montesquieu-Avantès (Ariège)
Trou-du-Chaleux, grotte de, Namur (Belgique)
Tuc d’Audoubert, grotte du, Montesquieu-Avantès (Ariège)
Vache, grotte de La, Alliat (Ariège).
Vado all’Arancio, riparo di, Masse Maritima, Grosseto
(Toscane, Italie).
Vaufrey, grotte, Cénac-et-Saint-Julien (Dordogne)
Verberie, voir Buisson Campin.
Vertesszöllös, gisement de, Vertesszöllös (Hongrie)
Veyrier, abris de, Veyrier (Haute-Savoie)
Vigne Brun, La, Villerest (Loire)
Vogelherd, grotte de, Niederstotzingen-Stetten, Kreis
Heidenheim (Bade-Wurtemberg, Allemagne)
Volgu, site de, Rigny-sur-Arroux (Saône-et-Loire)
Willendorf, Spitz, Krems (Basse-Autriche, Autriche)

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