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Chapitre 3

Le sentiment d’efficacité personnelle

1. Le sentiment d’efficacité personnelle (SEP)


Selon Albert Bandura, les croyances d’efficacité personnelle constituent le facteur clé de l’action
humaine. Si une personne estime ne pas pouvoir produire de résultats satisfaisants dans un domaine,
elle n’essaiera pas de les provoquer. Les croyances des individus en leur efficacité influent sur
pratiquement toutes leurs activités.

Le sentiment d’efficacité personnelle ne consiste pas seulement à savoir ce qu’il faut faire et à être
motivé pour cela. Il s’agit plutôt d’une capacité productrice au sein de laquelle les sous-compétences
cognitives, sociales, émotionnelles et comportementales doivent être organisées et orchestrées
efficacement pour servir de nombreux buts. Les individus échouent souvent à obtenir des performances
optimales alors même qu’ils savent très bien ce qu’ils doivent faire et qu’ils possèdent les aptitudes
requises. En d’autres termes, le sentiment d’efficacité personnelle d’un individu ne concerne pas le
nombre d’aptitudes qu’il possède, mais ce qu’il croit pouvoir en faire dans des situations variées.

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Bandura a élaboré et réuni dans son ouvrage publié en 1997 et intitulé « Auto-
efficacité » une masse impressionnante de preuves empiriques de l’influence de ces
croyances d’efficacité personnelle dans presque tous les domaines de la vie. Influence
sur la façon dont on pense, de façon productive, dévalorisante, optimiste ou pessimiste,
sur la motivation et la persévérance face à l’adversité, sur la vulnérabilité au stress et à la
dépression, sur les choix de vie que l’on fait, et sur la conduite globale de sa vie.

La notion d’auto-efficacité est utilisée par Bandura (2003) en référence à des jugements
spécifiques et des situations particulières. Ces jugements personnels sont portés par le
sujet sur ses propres capacités d’action sur soi-même (croyance en ses compétences au
changement et au développement personnel) et le monde physique et humain (croyance
en ses capacités à intervenir sur les autres).

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2. Définitions du SEP
La possession de différentes aptitudes n’est pas suffisante pour atteindre les objectifs
fixés par l’individu. D’autres facteurs inhérents à l’individu sont nécessaires pour
accomplir efficacement plusieurs activités. Pour Bandura (2003), « Manifester un
fonctionnement personnel efficace ne consiste pas seulement à savoir ce qu’il faut faire
et à être motivé pour cela. Cela ne signifie pas non plus posséder une aptitude rigide
dans son répertoire comportemental. L’efficacité est plutôt une capacité productrice au
sein de laquelle des sous compétences cognitives, sociales, émotionnelles,
comportementales doivent être organisées et orchestrées efficacement pour servir
d’innombrables buts.» (Bandura, 2003, p. 63). L’efficacité personnelle est donc
considérée par l’auteur comme la capacité d’intégrer des sous-compétences cognitives
dans des actions appropriées et de les utiliser correctement dans différentes situations.

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En plus des aptitudes, les croyances d’efficacité personnelle sont
considérées comme un facteur-clé pour s’engager dans une activité
nécessitant un effort cognitif : « Des personnes différentes avec des
aptitudes identiques, ou la même personne dans des circonstances
différentes, peuvent donc obtenir des performances faibles, bonnes ou
extraordinaires, selon les variations de leurs croyances d’efficacité
personnelle ». Cet exemple montre que même avec de grandes
compétences, les individus peuvent avoir des résultats médiocres. :
« Les aptitudes personnelles peuvent être annulées par des doutes sur
soi ».

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De très nombreuses recherches de Bandura et ses collaborateurs
(2003) démontrent que les croyances d’efficacité sont capables de
modifier les processus cognitifs et le niveau de motivation. Ces
éléments contribuent d’une manière efficace aux performances
obtenues. Ainsi, « les individus qui doutent de leur capacité seront
incapables d’effectuer des tâches quelle que soit leur complexité. Ces
individus auront tendance à se démotiver rapidement et abandonner
facilement ». En conséquence, ces individus s’impliquent beaucoup
moins vis-à-vis des objectifs fixés.

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Contrairement aux individus qui doutent de leur efficacité personnelle, les individus
résilients dont le sentiment d’efficacité personnelle est fort, sont capables d’affronter
tous les obstacles pour réaliser leurs objectifs. Ainsi, « un sentiment résilient d’efficacité
personnelle améliore le fonctionnement cognitif des individus. Ces individus peuvent
affronter n’importe quelle tâche quelle que soit sa complexité. Ils affrontent ces tâches
non comme une menace à éviter mais comme un défi à relever ce qui augmente
l’implication des individus dans leur activités ». En cas d’échec, les individus résilients
augmentent leur investissement dans leurs activités grâce à leur fort sentiment
d’efficacité personnelle : « Ces résultats apportent une confirmation substantielle à la
conception selon laquelle les croyances d’efficacité personnelle contribuent activement
aux réussites humaines plutôt qu’elles n’en sont que des prédicteurs inertes. Les gens ne
sont pas que des spectateurs passifs subissant des événements comportementaux ».

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Contrairement aux béhavioristes pour lesquels la recherche de s’instruire et de se former
serait le produit d’un désir inné, c’est-à-dire d’un besoin intrinsèque de se sentir
compétent, la théorie de l’auto-efficacité de Bandura (1997, 2003) soutient que le
sentiment d’efficacité personnelle de l’individu provient d’un système de croyances acquis
au cours de son développement. Le sentiment d’efficacité personnelle provient de quatre
grandes catégories de sources d’information :
- les expériences actives de maîtrise qui servent d’indicateurs de capacités ;
- les expériences vicariantes qui modifient les croyances d’efficacité par la transmission
de compétences et la comparaison avec ce que font les autres ;
- la persuasion verbale et des formes proches d’influence sociale soulignant que la
personne possède certaines capacités ;
- les états physiologiques et émotionnels à partir desquels les individus évaluent
partiellement leur capacité, leur force et leur vulnérabilité au dysfonctionnement.

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Ces dernières années, les chercheurs ont poursuivi leurs investigations dans le but d’analyser ces
différentes sources et de mieux comprendre leurs mécanismes d’action. Des recherches adoptant
différentes approches méthodologiques (longitudinales, expérimentales, corrélationnelles et qualitatives)
ont été menées pour approfondir nos connaissances sur les origines du SEP. Nous présentons ci-dessous
les sources du sentiment d’efficacité personnelle ainsi que leurs mécanismes d’action.

3. Les sources du sentiment d’efficacité personnelle

Le sentiment d’efficacité personnelle agit par l’intermédiaire de ces sources d’information. L’information
issue de ces quatre sources est la base de toute construction d’un sentiment d’efficacité personnelle.
Mais pour que cette information soit fonctionnelle et instructive, il faut un traitement cognitif
accompagné d’une pensée réflexive. Bandura (1977) suggère donc que l’information issue de ces quatre
sources doit être sélectionnée, pesée et intégrée dans les évaluations de l’efficacité personnelle. Selon cet
auteur, de nombreux facteurs personnels, sociaux et situationnels affectent la manière dont les
expériences directes et celles issues de l’environnement social sont interprétées cognitivement.
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L’information pertinente pour évaluer les capacités personnelles, qu’elle soit
transmise activement, de façon vicariante, par la persuasion verbale (ou sociale) ou
encore émotionnellement, n’est pas éclairante en elle-même. Elle ne devient
instructive que par le traitement cognitif de l’information sur l’efficacité et par la
pensée réflexive. Bandura (2003) insiste sur le fait, qu’il faut établir une distinction
entre l’information transmise par des événements vécus et l’information
sélectionnée, pesée et intégrée dans les évaluations d’efficacité personnelle. De
nombreux facteurs personnels, sociaux et situationnels affectent la manière dont
les expériences directes et celles issues de l’environnement social sont interprétées
cognitivement.

Le traitement cognitif de l’information issue de ces quatre sources implique deux


fonctions distinctes :
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- la première fonction concerne le type d’information importante et percutante et que
les individus utilisent comme indicateur d’efficacité personnelle. Bandura (2003, p.
124), précise « que chacune de ces sources d’information possède ses propres
indicateurs d’efficacité et que l’agencement des indicateurs sélectionnés fournit la base
d’information sur laquelle opère le processus d’évaluation de soi » ;
- la deuxième fonction concerne les règles utilisées par les individus pour peser et
intégrer l’information pour construire les croyances sur leur propre efficacité
personnelle à partir des diverses sources lorsqu’ils construisent leur SEP.
Nous examinons ci-dessous les principales sources du sentiment d’efficacité personnelle
et les processus gouvernant la sélection, l’interprétation et l’intégration de l’information
dans les évaluations de l’efficacité personnelle.

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Figure 1: Le mode d’influence des expériences actives de maîtrise sur le SEP

Les expériences de maîtrise et la


connaissance de soi

La difficulté de l’activité et son action sur le


Les expériences actives Traitement cognitif de SEP
de maîtrise l’information

L’effort fourni et son influence sur le SEP

L’auto-observation sélective et son influence


sur le SEP

Les réalisations personnelles au cours du


temps
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Le SEP agit par l’intermédiaire de quatre sources d’information :
 L’information issue de ces quatre sources est la base de toute
construction de SEP.
 Pour que cette information fonctionnelle et instructive il faut un
traitement cognitif accompagné d’une pensée réflexive (Bandura, 2003).
 De nombreux facteurs personnels, sociaux et situationnels affectent la
manière dont les expériences directes sont interprétés.

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3.1. Les expériences actives de maîtrise
 Les expériences actives de maîtrise constituent la source la plus influente d’information
pour la construction du SEP.
 Les échecs détruisent le SEP en particulier s’ils surviennent avant qu’un fort SEP soit
établi.
 Les individus qui n’expérimentent que les succès faciles sont facilement découragés par
un échec.
 Construire un fort SEP par des expériences de maîtrise implique d’acquérir les outils
cognitifs, comportementaux et autorégulateurs nécessaires à l’exécution des actions
dans des circonstances complexes.
 Les connaissances et les aptitudes ne produisent pas de hautes réalisations si les
individus manquent de confiance en eux.
 Un mauvais fonctionnement résulte le plus souvent d’une non utilisation d’aptitudes
cognitives que de l’insuffisance de celles-ci.

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Bandura (2003) explique que le développement des fondements cognitifs
des compétences humaines est facilité par la décomposition des aptitudes
complexes des individus en sous-aptitudes aisément maîtrisées et organisées
hiérarchiquement. Les performances complexes sont des constructions
organisées et contrôlées en grande partie par des sous-aptitudes cognitives
et autorégulatrices. Par exemple, l’apprentissage est constitué de plusieurs
sous-aptitudes : concentration, prise de notes et mémorisation. Un salarié
qui souhaite s’engager dans une FPC doit savoir organiser, contrôler et
maitriser ces sous-aptitudes. Construire un sentiment d’efficacité
personnelle par des expériences de maîtrise implique donc d’acquérir les
outils cognitifs, comportementaux et autorégulateurs nécessaires à
l’exécution des actions dans les circonstances complexes.
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Les individus ont non seulement besoin de connaître les procédures et les
stratégies efficaces, mais aussi d’être convaincus qu’ils peuvent exercer un
meilleur contrôle en s’appliquant avec sérieux et persévérance. Les
connaissances et les aptitudes ne produisent pas de hautes réalisations si
les individus manquent de confiance en soi qui leur permettrait de bien les
utiliser. En effet, un mauvais fonctionnement résulte plus souvent d’une
non-utilisation des aptitudes cognitives plutôt que de l’insuffisance de ces
dernières. Les expériences actives de maîtrise agissent suivant plusieurs
modes d’influence que nous allons expliquer ci-dessous.

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3.1.1. Les expériences de maîtrise et la connaissance de soi
 Les individus ne s’engagent pas dans des activités contraignantes nécessitant un effort
physique ou intellectuel sans connaissance de soi ou de leur environnement.
 Les personnes qui doutent de leur efficacité ont plus de probabilité de considérer les
succès répétés comme le produit d’un effort laborieux que comme la preuve de leur
capacité, tandis que les individus sûrs d’eux-mêmes croient plus fortement en leurs
aptitudes après des succès.
 Une fois qu’un solide SEP a été mis en place grâce à des succès répétés, les échecs
occasionnels ont peu de probabilité de miner la croyance de la personne en ses
capacités.
 Les individus ayant un fort SEP ont tendance à considérer comme cause probable de
performances insuffisantes, les obstacles situationnels, les efforts insuffisants ou des
stratégies inappropriées.

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3.1.2. La difficulté de l’activité et son action sur le SEP
 Réussir une tâche facile est redondante avec ce que la personne sait déjà n’incite donc pas à
une réévaluation de l’efficacité.
 La maîtrise de tâches difficile apporte une nouvelle information d’efficacité en augmentant la
croyance de la personne en ses capacités.
 Les performances se manifestent toujours dans des contextes comprenant une constellation de
facteurs contextuels susceptibles d’inhiber ou de faciliter les réalisations. Ces facteurs
contextuels comprennent les obstacles situationnels, l’aide fournie par autrui, l’adéquation des
ressources ou du matériel disponible, et les circonstances dans lesquelles l’activité est réalisée.
 Les succès obtenus avec une aide extérieure informent donc peu sur l’efficacité puisqu’ils ont
des chances d’être attribués à cette aide plutôt qu’aux capacités personnelles. De même, de
faibles performances obtenues dans des conditions difficiles ont des implications d’efficacité
bien moindre que si elles avaient été exécutées dans des conditions optimales (Bandura, 2003).

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3.1.3. Les efforts fournis et leur influence sur le SEP
 Les performances sont partiellement déterminées par la quantité de travail produit
pour atteindre un objectif donné. Ainsi, pour les adultes, la nécessité de produire un
effort important pour réaliser certaines activités implique une faible aptitude.
 Certains adultes croient également que l’effort augmente l’aptitude, tandis que
d’autres chercheurs avancent que l’effort compense une aptitude limitée. Le fait
qu’un effort résolu signifie une aptitude haute ou basse varie donc en fonction des
individus.
 Un succès acquis avec un effort minimal dans les activités que les autres estiment
difficile signifie une aptitude élevée, tandis qu’une réalisation identique obtenue par
un combat laborieux implique une aptitude moindre et a donc moins de chances
d’élever l’efficacité personnelle perçue.

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 Même sans information sur la manière dont les autres réussissent, le succès obtenu
par un effort laborieux peut abaisser les croyances des individus en leur efficacité à
produire à nouveau le même niveau d’effort.
 Le chemin par lequel les expériences cumulatives affectent l’évaluation personnelle
d’efficacité dépend de la façon dont elles sont cognitivement représentées.
 La représentation cognitive implique de conserver en mémoire la fréquence relative
des succès et des échecs, leur cadre temporel et les circonstances dans lesquels ils se
manifestent.

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3.1.4. L’auto-observation sélective
 L’efficacité personnelle perçue n’est pas seulement affectée par la manière dont le
succès et les échecs de performance sont interprétés mais aussi par les biais dans
l’auto-observation des performances elles-mêmes.
 De nombreux facteurs contribuent à cette variabilité notamment la fluctuation des
états émotionnels, physiques et attentionnels ainsi que les changements dans les
processus mentaux, les influences contextuelles.
 Les performances au cours des phases initiales et intermédiaires de développement,
alors que les compétences ne sont pas encore pleinement organisées et affinées,
sont particulièrement vulnérables à de telles influences.

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 La variabilité autorise une certaine liberté d’action concernant le fait que ce soit les
bonnes ou les mauvaises performances de la personne qui sont les mieux mémorisées
et les plus remarquées.
 Les individus qui accordent plus d’attention à des performances faibles et qui s’en
souviennent mieux sous-estimeront probablement leur efficacité même s’ils peuvent
traiter correctement ce dont ils se souviennent. Dans ce cas, le problème réside plus
dans les processus attentionnels et mnésiques biaisés que dans les jugements sur les
causes des échecs et des succès de la personne.
 L’auto-observassion sélective peut augmenter les croyances d’efficacité personnelle si
le sujet remarque et mémorise plus particulièrement ses succès.

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3.1.5. Les réalisations personnelles au cours du temps
 La mémoire est une reconstruction du passé et non simplement une reproduction de
celui-ci. La capacité d’associer des expériences disséminées dans le temps et dans
l’espace varie en fonction du niveau de développement. Par exemple, les jeunes
enfants, dont les capacités cognitives d’association sont moins développées, ont du
mal à évaluer leur efficacité en termes d’expérience étalée dans le temps. Les
expériences les plus récentes ont plus de chance d’être remémorées et par
conséquence ce sont celles qui influent le plus sur le SEP.

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 Cette première source du SEP est directement associée aux expériences antérieures
de l’individu et au degré de maîtrise perçu lors de ces expériences ; elle constitue la
dimension ayant l’influence la plus importante sur le SEP de la personne parmi les
quatre proposées par Bandura (2003).
 Un rendement couronné de succès favorise l’augmentation du SEP alors qu’un
rendement se soldant par un échec contribue à la diminution de celui-ci.
 Le SEP se construit à partir de l’histoire personnelle vécue par l’individu. Il s’agit pour
Bandura de la source la plus influente car ces expériences vont créer et renforcer les
jugements d’efficacité personnelle très tôt dans l’existence. Ces expériences actives
de maîtrise servent d’indicateurs de capacité.

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3.2. Les expériences vicariantes
 Les individus ne se basent pas seulement sur leurs expériences personnelles pour
obtenir des informations sur leurs capacités.
 Les évaluations d’efficacité sont influencées par des expériences vicariantes
médiatisées par des réalisations modelées par autrui. Ainsi, le modelage constitue
un autre outil efficace facilitant le sentiment d’efficacité personnelle.
 Les individus évaluent leurs aptitudes en fonction des réalisations des autres. Quand
la compétence doit être en grande partie jugée en fonction de la performance des
autres, la comparaison sociale opère comme le facteur primaire de l’autoévaluation
des capacités.

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Figure 1: Le mode d’influence des expériences vicariantes sur le SEP

L’effet du modelage sur le SEP

Les conditions d’utilisation des expériences


vicariantes
Les expériences Traitement cognitif de
vicariantes l’information
Les similitudes de compétences

Les similitudes des caractéristiques

La compétence du modèle

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3.2.1. L’effet du modelage sur le sentiment d’efficacité personnelle
 Il y a plusieurs processus par lesquels le modelage exerce ses effets sur les croyances
d’efficacité. Les réalisations des autres personnes similaires à soi sont considérées
comme des diagnostics de ses propres capacités. Ainsi, voir ou imaginer des individus
similaires à soi agir avec succès augmente les croyances d’efficacité des individus qu’ils
peuvent eux-mêmes réaliser des activités comparables. Ils se persuadent que si les
autres y arrivent, ils peuvent eux aussi élever leur performance.
 Selon le même principe, observer que d’autres personnes identiquement compétentes
échouent en dépit de leurs efforts, abaisse les évaluations des individus de leurs
propres capacités et détruisent leurs efforts. Plus la similitude perçue est grande, plus
probants sont les succès et les échecs des modèles.

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 Si les individus estiment que les modèles sont très différents d’eux-mêmes, leurs
croyances d’efficacité personnelle ne sont pas fortement influencées par les
comportements des modèles et par les résultats qui en découlent.
3.2.2. Les conditions d’utilisation de l’expérience vicariante
 La quantité d’incertitude sur les capacités de la personne est l’un de ces facteurs. Si les
individus ne connaissent pas leurs propres capacités, ils se basent fortement sur des
indicateurs modelés.
 Même ceux qui ont une grande assurance personnelle élèveront leurs croyances
d’efficacité personnelle si les modèles leur enseignent les meilleurs moyens d’agir.
 Bien que les expériences vicariantes soient généralement plus faibles que les
expériences directes, elles peuvent dans certaines conditions, surpasser l’impact de
l’expérience directe. L’information comparative transmise par le modelage peut modifier
la valeur diagnostique des expériences ratées et favoriser un comportement qui
confirme la conception de soi basée de façon vicariante (Schunk et al, 1989).

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 Les personnes convaincues de leur inefficacité en voyant échouer d’autre individus
similaires considèrent ainsi plus rapidement leurs échecs ultérieurs comme des
indicateurs d’insuffisance personnels. Elles agissent ensuite inefficacement, ce qui
génère une preuve comportementale confirmatoire d’incapacité (Bandura, 2003).
 Modeler les influences consiste à faire bien plus que fournir un critère social à partir
duquel évaluer les capacités personnelles. Les individus recherchent activement des
modèles qui possèdent les compétences auxquelles ils aspirent. Par leur comportement
et leurs modes de pensée, ces modèles compétents transmettent des connaissances et
enseignent aux sujets des compétences et des stratégies efficaces pour répondre aux
demandes environnementales (Bandura, 1986).
 Le développement des compétences d’auto-évaluation comparative présente un intérêt
mitigé car la comparaison sociale peut prendre diverses formes et avoir des effets aussi
négatifs que positifs. Ainsi, une évaluation bien fondée de la capacité personnelle a une
valeur adaptative considérable.

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 Cependant, les individus qui entreprennent des activités sans évaluer leur efficacité
peuvent se retrouver dans des situations difficiles. En conséquence, il faut préalablement
analyser une situation en fonction de son efficacité au risque de faire des faux-pas qui
peuvent entraîner un gaspillage d’énergie ou un préjudice coûteux ou irréparable
(Bandura et al, 2003).
 D’un autre côté, une forte focalisation sur la comparaison avec des personnes très
performantes peut accabler les individus les moins doués et détruire leur sentiment
d’efficacité (Schunk ; Hanson et Cox, 1987).
 Comme pour les expériences de maîtrise directe, l’impact de l’information modelée sur
l’évaluation personnelle d’efficacité, dépend de la manière dont cette information est
traitée cognitivement.

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3.2.3. Les similitudes de compétences
• La similitude avec un modèle augmente la pertinence personnelle de l’information modelée de
compétence. Les individus identiques du point de vue de la compétence fournissent l’information
comparative la plus utile pour évaluer ses propres capacités. Ainsi, dépasser les individus d’aptitudes
inférieures ou être surpassé par ceux qui sont nettement supérieurs informe peu sur le niveau
personnel de capacité (Wood, 1989).

• Les succès modelés par des personnes identiques augmentent les croyances des individus en leur
efficacité personnelle et les échecs modelés les abaissent.

• Des individus ont réalisé une tâche cognitive en compagnie d’un modèle et ont reçu un feed-back
préétabli selon lequel leurs aptitudes étaient soit égales soit supérieures à celles du modèle. Quand
ils ont vu le modèle échouer de manière répétitive, ceux qui se croyaient supérieurs au modèle ont
maintenu un fort SEP dans des activités similaires très difficiles et n’ont pas relâché leurs efforts en
dépit des échecs répétés. A l’inverse, l’échec modelé a eu un effet dévastateur sur les croyances des
individus qui se considéraient d’aptitudes comparables au modèle. Ils ont manifesté un très faible SEP
et ont rapidement abandonné à la suite de leurs échecs (Inouye, 1978).
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3.2.4. Les similitudes de caractéristiques
 Les évaluations d’auto-efficacité ne sont pas basées seulement sur les expériences
comparatives de performance mais sur la similitude avec les modèles en termes de
caractéristiques personnelles considérées comme prédictives des capacités de
performance. Les individus se comparent aux modèles par rapport à leur capacité de
performance liée à l’âge, au sexe, au niveau éducatif et socio-économique.
• Parmi les caractéristiques affectant la valeur diagnostique perçue des performances
modelées pour les aptitudes personnelles, l’âge et le genre ont souvent une grande
importance. La même endurance physique modelée par une femme non sportive élève
l’efficacité physique perçue des femmes, tandis que celle d’un modèle masculin ne le
fait pas (François et Botteman, 2004).

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3.2.5. La compétence du modèle
 Parmi les caractéristiques des modèles, les modèles compétents suscitent plus
d’attention et sont plus instructifs que les modèles incompétents (Bandura, 1986). La
compétence du modèle est un facteur particulièrement influent quand les individus ont
beaucoup à apprendre et que les modèles ont beaucoup à leur enseigner par une
démonstration instructive d’aptitudes et de stratégies.
 La plupart des études sur les caractéristiques du modèle sont inspirées des conditions
de la vie réelle dans lesquelles des individus dont les compétences sont limitées
cherchent à augmenter leurs connaissances et compétences en s’appuyant sur les
aptitudes et stratégies des modèles compétents. Le schéma ci-dessous représente les
différents indicateurs de la deuxième source du SEP, l’expérience vicariante.

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3.3. La persuasion verbale
 La persuasion verbale ou sociale permet aussi de renforcer les croyances des individus
qui possèdent les capacités d’obtenir ce qu’ils souhaitent. Il est plus facile à une
personne de maintenir un sentiment d’efficacité, particulièrement quand elle est
confrontée à des difficultés, si des individus significatifs lui expriment leur confiance en
ses capacités que s’ils manifestent des doutes (Galand est Vanlède, 2004).
 La persuasion verbale seule peut n’avoir qu’un pouvoir limité d’accroître durablement
l’efficacité perçue, mais elle peut soutenir le changement personnel si l’évaluation
positive se situe à l’intérieur de limites réalistes. Les individus que l’on persuade
verbalement qu’ils possèdent les capacités de maîtriser certaines activités, ont plus de
chances de produire un effort supplémentaire et de le maintenir que ceux qui doutent
d’eux-mêmes et qui se basent sur leurs insuffisances personnelles lorsque surviennent
les difficultés.  

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Figure 1: Le mode d’influence de la persuasion verbale sur le SEP

Le feed-back de performance

La persuasion verbale et Traitement cognitif de


sociale l’information

La crédibilité des évaluateurs

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3.3.1. Le feed-back de performance
 L’information persuasive peut être communiquée pour affirmer ou détruire le SEP des
individus.
 Les performances insuffisantes attirent souvent de sévères critiques qui s’attaquent à la
personne plutôt qu’elles ne l’aident à améliorer sa performance. Non seulement, le
feed-back dévaluatif crée un éloignement social, mais de plus, il mine la confiance des
individus en eux-mêmes.
 Pour un même niveau de performance, les critiques dépréciatives abaissent l’efficacité
personnelle perçue ainsi que les aspirations, tandis que les critiques constructives
maintiennent les aspirations et assurent un SEP élevé (Baron, 1988).
 Il est plus difficile d’insuffler de hautes croyances durables d’efficacité personnelle par
des moyens persuasifs que de détruire ces croyances. Des feed-back irréalistes
d’efficacité sont rapidement infirmés par les résultats décevants des actions de la
personne.

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 Pour un même niveau de performance, les critiques dépréciatives abaissent le SEP et
les aspirations, tandis que les critiques constructives maintiennent les aspirations et
soutiennent, voire élèvent le SEP (Baron, 1988).

 Des stimulations d’efficacité sont rapidement infirmées par des résultats décevants des
actions de l’individu. En agissant à partir des croyances en soi fortement exagérées, on
découvre rapidement ce qu’on ne peut pas faire. Mais les personnes que l’on a
persuadées qu’elles manquaient de capacité ont tendance à éviter les défis
susceptibles de développer leurs compétences et renoncent rapidement face aux
difficultés.

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3.3.2. Evaluation par autrui et crédibilité
 Pour plusieurs activités, les individus ne peuvent pas se baser sur eux-mêmes pour
évaluer leur niveau d’aptitude parce que ces évaluations nécessitent des inférences à
partir d’indicateurs de talents dont ils peuvent n’avoir qu’une connaissance limitée.
 Les évaluations de soi sont partiellement basées sur les opinions d’autres personnes
censées posséder une compétence diagnostique acquise par des années d’expériences
avec des candidats dans un domaine donné.
 Les louanges d’autrui peuvent être de la flatterie, de l’encouragement artificiel, de la
mise en valeur de soi, aussi bien que des évaluations réalistes des capacités à gérer les
exigences de l’activité. En conséquence, les évaluations d’efficacité persuasive doivent
être pondérées selon les caractéristiques des individus qui s’efforcent de persuader les
sujets, leur crédibilité et leur familiarité avec le domaine d’activité.

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 Les différences entre l’évaluation personnelle et l’évaluation sociale du SEP soulèvent la
question de savoir quels sont les jugements les plus exacts. La plupart des individus croient
qu’ils connaissent leur situation difficile mieux que ne le font les autres et cette croyance
engendre une certaine résistance à la persuasion sociale.

 L’impact des opinions persuasives sur les croyances d’efficacité dépend de la confiance que
le destinataire a dans la personne qui les exprime.

 La confiance est médiatisée par la crédibilité perçue et par l’expertise de l’individu


cherchant à persuader le sujet. Plus la source d’information est crédible au sujet des
capacités de l’individu, plus les jugements d’efficacité personnelle ont de chances de se
modifier et d’être maintenus fortement (Grundall et Foddy, 1981).
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 L’aptitude dans un domaine ne confère pas nécessairement la compétence pour juger le
talent à ce sujet. Par exemple, les superstars du sport ne sont pas toutes des juges
perspicaces du talent sportif. Un diagnostic sérieux et des aptitudes prescriptives
requièrent des connaissances complexes sur le développement de la compétence dans
un domaine.
 D’autres donnent souvent leur avis sur ce que les sujets peuvent faire sans être
parfaitement familiarisés avec les difficultés de l’activité ou avec les circonstances dans
lesquelles elle devra être réalisée.
• Quand des individus font plus confiance à leurs évaluations personnelles qu’au
jugement des autres, ils ne sont pas influencés par ce qu’on leur dit sur leurs possibilités
(Galand et Vanlède, 2004).

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Conclusion

Cette troisième source du SEP concerne les efforts produits par autrui pour convaincre une
personne, en s’appuyant sur les succès antérieurs de cette dernière, sur sa capacité à
réussir lors d’une situation nouvelle. Les résultats de cette intervention de source externe
demeurent toutefois plus faibles que lorsque les attentes de rendement sont induites par la
personne elle-même ou qu’elles proviennent d’expériences vicariantes.

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3.4. Les états physiologiques et émotionnels

Figure 1: Le mode d’influence des états physiologiques et émotionnels sur le SEP

Le stress et le dysfonctionnement fonctionnel

Les états physiologiques Traitement cognitif de


et émotionnels l’information

L’impact des humeurs sur le SEP

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3.4.1. Stress et dysfonctionnement professionnel
 L’efficacité perçue à répondre aux exigences professionnelles affecte le niveau de
stress des salariés. Ceux qui ont un faible SEP souffrent d’anxiété, de problèmes de
santé tels que les troubles du sommeil (Bourgeois, 1998).

 Certaines conditions de travail peuvent affecter négativement les croyances des


salariés en leurs capacités professionnelles, et générer ainsi les effets négatifs d’un
faible SEP. Il s’agit des lourdes charges de travail avec des exigences techniques
croissantes, des occasions limitées de développement personnel pour prévenir
l’obsolescence, de faibles perspectives d’avancement et un équilibre perturbé
entre la vie professionnelle et la vie privée. En effet, certaines activités
professionnelles sont menées à un rythme frénétique qui laisse peu de temps pour
une vie privée épanouissante.
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Le stress professionnel est un problème fréquent qui a deux sources : personnelle et
organisationnelle :

 Le travail est souvent structuré d’une manière qui conduit aux conflits et qui rend
difficile d’assumer les exigences du rôle. La surcharge de travail et son caractère
inintéressant font des ravages émotionnels.

 Une grande partie du travail est aujourd’hui dirigée par les nouvelles technologies. Ces
avancées technologiques font peser sur les salariés de lourdes charges avec peu de
contrôle sur le processus, et transforment le lieu de travail en un système d’exploitation
dans les postes de faible niveau. Éliminer du lieu de travail deux des principaux
réducteurs de stress, le contrôle perçu et le soutien social, crée un environnement
stressant qui sape la satisfaction au travail (Boutinet, 1997).

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 Ce qui est ressenti par les individus comme un stresseur professionnel dépend en partie
du niveau du SEP. Les salariés qui ont un faible SEP sont stressés par les lourdes exigences
de travail. Ceux ayant un fort SEP sont frustrés et stressés par les occasions limitées
d’utiliser pleinement leurs talents. Un faible SEP à répondre aux exigences du poste
augmente l’anxiété. Les croyances d’efficacité affectent les réactions de stress par la
capacité perçue à gérer les pensées et émotions perturbantes (Galand et Vanlède, 2004).

 Les individus font des efforts comportementaux et cognitifs pour gérer leur stress. Faire
face à des exigences organisationnelles désagréables prend différentes formes. Les
salariés peuvent essayer d’accroitre leurs connaissances et leurs compétences et de
trouver le moyen de mieux gérer les exigences de leur travail.

 Les salariés qui ont un fort SEP ont recours à un moyen de résolution des problèmes
destiné à améliorer leur situation de travail. Par contre, ceux qui pensent qu’ils sont
démunis face aux difficultés tombent dans le désarroi et l’anxiété.

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 La prévention et la réduction du stress professionnel nécessitent des corrections
personnelles et organisationnelles. Au niveau personnel, les employés ont besoin
d’acquérir des compétences et de l’efficacité pour mener leur vie professionnelle d’une
manière qui leur fournisse un sentiment de réussite et de fierté.
3.4.2. L’impact de l’humeur sur l’évaluation du SEP
 Les humeurs fournissent une source supplémentaire d’informations émotionnelles pour
évaluer le SEP.
 Les états d’humeurs peuvent influencer l’attention et affecter la manière dont les
événements sont interprétés, organisés cognitivement et mémorisés.
 La dépression peut abaisser les croyances d’efficacité. Les croyances abaissées,
affaiblissent à leur tour la motivation et produisent une faible performance engendrant
une dépression encore plus profonde dans une spirale descendante. A l’inverse, en
élevant les croyances d’efficacité qui augmentent la motivation et les performances, la
bonne humeur peut mettre en action un processus affirmatif réciproque.
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