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Aurore Chrétienne

Les jeunes à préserver leur esprit des sentiments


comme la colère, le découragement et autres faiblesses de
l'âme, en recherchant toujours le travail dans le bien et la
croissance morale de chacun.

Par la psychographie de Francisco Cândido Xavier,


les messages de l'auteur spirituel contribuent à l'avenir de
l'enfance et de la jeunesse, en présentant des notions de
justice, de bon sens et d'autovigilance, en plus de susciter le
développement de la personnalité et la construction d'une
aurore sublime d'amour et de paix pour un monde régénéré
et beaucoup plus heureux.

2
Aurore Chrétienne
Les pages de Neio Lûcio, consacrées aux jeunes esprits, dans les différents stades
de l'expérience physique, sont en vérité, un précieux cours d'éveil spirituel.
Semence des principes rénovateurs, nous trouvons ici des notions avancées de
justice et de bonté pour l'élévation de la vie. Et la lutte terrestre, dans ses fondements,
quand bien même serait-elle comprise dans son contexte expiatoire, se résume dans le
travail éducatif pour l'éternité.
L'instruction est sans aucun doute le levier miraculeux du progrès. Sans elle,
l'esprit humain s'enfoncerait dans les gouffres de l'ignorance, confiné dans la misère,
l'oisiveté, l'indigence et le malheur, par le biais de la délinquance sur la place publique et
de la correction au pénitencier.
Mais il ne suffit pas d'éclairer l'intelligence, nous le répéterons encore et toujours.
Il est essentiel de perfectionner le cœur dans les voies du bien.
Néron, le tyran, était disciple de Sénèque, le philosophe.
Titus, l'admirable prince, qui avait l'habitude de dire : « J'ai perdu ma journée »,
quand la nuit le surprenait sans qu'il ait réalisé un geste exceptionnel de bonté, a fait
massacrer plus de dix mille Israélites malades, épuisés et mutilés, après avoir ruiné
Jérusalem.
Marc Aurèle, l'empereur vertueux et sage, a consenti à la mise à mort de chrétiens
sans défense.
Ignace de Loyola, merveilleusement bien intentionné, avait le cerveau d'un lettré
quand il encourageait la persécution religieuse.
Marat, le démagogue sanguinaire, était un journaliste de mérite et un intellectuel
de renom.
Tous les faiseurs de guerres, dictateurs et révolutionnaires, anciens et modernes,
ont été formés par d'illustres professeurs ou dans de célèbres universités et ont eu accès à
des pages scientifiques, à des livres techniques.
La raison sans lumière peut se transformer en un simple calcul.
L'instruction et la science sont des portes d'accès à l'éducation et à la sagesse.
Qui à peine connaît, ne sait pas toujours.
La culture de l'Esprit va plus loin : elle aide l'homme à se transformer en un
sanctuaire vivant, à travers lequel rayonne le Pouvoir souverain et miséricordieux.
Il est donc nécessaire de semer des pensées ennoblissantes et sanctifiantes, pour
soutenir l'esprit qui reprend la leçon de l'amélioration individuelle.
Oublier l'enfance et la jeunesse, ce serait négliger l'avenir.
Nous réjouissant, ainsi, de la tâche de l'ami qui nous fait don de ces pages pleines
de sentiment paternel et d'idéalisme supérieur, nous saluons en sa compagnie, l'aurore
sublime de l'amour et de la paix, qui resplendit avec Jésus, pour la Terre de demain,
régénérée et heureuse.

EMMANUEL

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Pedro Leopoldo (MG), le 21 juin 1948.

TABLES DES MATIERES

1. Suivons Jésus 6
2. Dans la voie du bien 7
3. Petite histoire 8
4. La récompense du sacrifice 9
5. Le serviteur heureux 11
6. Désobéissance 13
7. Le grand prince 15
8. Le juge honnête 17
9. Le riche inconscient 18
10.L'âne de charge 20
11.La leçon inoubliable 22
12.L'arme infaillible 24
13.Le serviteur négligent 26
14.La négligence irréfléchie 28
15.Le pouvoir de la gentillesse 30
16.La trilogie bénie 32
17.Le compte de la vie 34
18.La véritable amitié 36
19.L'enseignement vivant 38
20.L'éloge de l'abeille 40
21.Le mouton révolté 42
22.Le pire ennemi 44
23.La sage décision 46
24.L'apprenti déçu 48
25.La fausse mendiante 49
26.Le cri de colère 51
27.La lettre paternelle 52
28.La prédication fondamentale 54
29.L'argile désobéissante 56
30.Donne de toi-même 58
31.La légende de l'argent 59
32.La sentence chrétienne 61

4
33.Nous vivrons toujours 63
34.La poule affectueuse 64
35.Dans les semences de l'amour 66
36.Le plus grand péché 67
37.Remarque 69
38.Le remède imprévu 70
39.Des animaux aux enfants 72
40.La légende de l'arbre 73
41.La puissante armée 74
42.L'ami sublime 75
43.Le dindon prédicateur 76
44.Nous sommes appelés à servir 78
45.L'ange de la propreté 79
46.Pendant la promenade matinale 81
47.L'enseignement du semis 83
48.L'esprit du mal 85
49.Le Divin Serviteur 86
50.Prière des jeunes 87

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1
Suivons Jésus
Mahomet a été un vaillant meneur d'hommes.
Des millions de personnes se sont inclinées devant lui.
Cependant, il a laissé son corps comme n'importe quel mortel, et ses restes ont été
enfermés dans une urne, qui est visitée, chaque année, par des milliers de curieux et de
fidèles.
Charles V, puissant empereur d'Espagne, a rêvé de la domination sur la Terre
entière, il a possédé d'immenses richesses, il a gouverné de nombreuses régions ;
cependant, un jour, il a remis sa couronne et son manteau à l'asile de poussière.
Napoléon était un grand homme.
Il a fait de nombreuses guerres.
Il a dominé des millions de créatures.
Il a laissé un nom inoubliable dans le livre des nations.
Aujourd'hui, cependant, sa tombe est vénérée à Paris...
Beaucoup de gens y font un pèlerinage pour rendre hommage à ses ossements...
Comme pour Mahomet, Charles V et Napoléon, on se souvient des plus grands
héros du monde par des monuments qui gardent leur dépouille.
Avec Jésus, cependant, c'est différent.
Dans le tombeau de notre Seigneur, il n'y a aucun signe de cendres humaines. Ni
des pierres ni des marbres de prix avec des phrases qui indiqueraient, là, la présence de
chair et de sang.
Lorsque les apôtres se sont rendus au tombeau, le matin glorieux de la
Résurrection, il n'y avait ni deuil ni tristesse.
Là, ils ont trouvé un messager du royaume spirituel qui leur a dit : « II n'est pas
là».
Et le tombeau est ouvert et vide depuis près de deux mille ans.
C'est pourquoi, en suivant Jésus dans la lutte quotidienne, jamais nous ne
retrouverons l'angoisse de la mort, mais nous trouverons la vie incessante.
Sur le chemin des grands guides de ce monde, nous pouvons trouver de beaux
spectacles de gloire passagère ; cependant, il est très difficile de ne pas finir l'expérience
dans la désillusion et la poussière.
Seul Jésus offre le chemin immuable vers la Résurrection Divine.
Par conséquent, celui qui se développe, avec l'exemple et avec la parole du
Maître, travaillant à révéler la bonté et la lumière en lui-même, à partir des luttes et des
enseignements du monde, peut être considéré comme un citoyen céleste.

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2
Dans la voie du bien
Le Seigneur a tout créé dans la voie du bien.
Toutes les créatures sont, pour cela, appelées à œuvrer de façon utile.
L'herbe tendre nourrit les animaux.
La source cachée secourt l'humble insecte.
L'arbre est le compagnon béni des hommes.
La fleur produira le fruit.
Le fruit nous donnera une table abondante.
La rivière distribue l'eau.
La pluie lave le ciel et désaltère la terre assoiffée.
La pierre constitue le fondement de notre maison.
La bonne parole révèle le bon chemin.
Comment ignorer les objectifs sacrés de la vie, puisque la nature qui la nourrit
reflète les sages desseins de la Providence ?
Grande école pour notre Esprit, la Terre est un gigantesque livre dans lequel nous
pouvons lire le message d'amour universel que le Père céleste nous envoie.
De la goutte de rosée qui nourrit le cactus épineux à la lumière du soleil qui brille
là-haut pour tous les êtres, nous pouvons sentir l'appel de la Sagesse infinie au service de
la coopération dans le bonheur, dans la paix et dans la joie de nos semblables.
Chaque homme et chaque femme naît dans le monde pour des tâches
sanctifiantes, selon la Loi divine.
Avec joie, le bon administrateur gère les intérêts du peuple.
Avec joie, le bon laboureur laboure le sol et protège les semailles.
L'homme qui sème dans la terre, assurant la subsistance des créatures, est le frère
de celui qui dirige la pensée des nations vers la connaissance divine.
La femme qui reçoit des hommages pour ses vertus publiques est la sœur de celle
qui, dans l'intimité de son foyer, se sacrifie pour le petit enfant malade.
Dieu connaît les personnes par ce qu'elles produisent, tout comme nous
connaissons les arbres par les fruits qu'ils nous offrent.
Pour cette raison, les hommes bons sont aimés et respectés.
Leur présence attire l'affection et la vénération de leurs semblables. Les mauvais,
cependant, sont porteurs d'actions et de paroles indésirables, et tout le monde les évite,
tout comme nous nous éloignons des plantes épineuses et ingrates.
L'homme bon comprend que la vie lui demande la bénédiction du service et il se
lève chaque matin en pensant : « Quelle belle journée pour travailler !»
L'homme mauvais, toutefois, se lève de mauvaise humeur. Il ne sait pas sourire à
ceux qui l'entourent et s'exclame généralement : « Terrible journée ! Quel destin cruel ! Je
déteste le travail et je hais la vie ! »

7
Un tel homme a besoin de l'aide des hommes bons, car ne se consacrant pas au
service digne, il sera vraiment très malheureux.

3
Petite histoire
Un jour, la Goutte d'eau, le Rayon de lumière, l'Abeille et l'Homme paresseux sont
arrivés devant le trône de Dieu.
Le Tout-Puissant les a reçus avec bonté et leur a demandé ce qu'ils faisaient.
La Goutte d'eau s'est avancée et a dit :
- Seigneur, je suis allée sur une terre presque déserte, pour aider une racine d'oranger.
J'ai vu beaucoup d'arbres manquant d'eau et plusieurs animaux qui passaient, affligés, à la
recherche de points d'eau. J'ai fait ce que j'ai pu, mais je viens te demander d'autres Gouttes
d'eau pour m'aider à secourir ceux qui ont besoin de nous.
Le Père a souri satisfait et s'est exclamé :
- Bienheureuse es-tu d'avoir compris mes œuvres ! Je t'accorderai les bienfaits de la
pluie et des sources.
Peu de temps après, le Rayon de Lumière s'est avancé et a dit :
- Seigneur, je suis descendu... descendu... Et j'ai trouvé le fond d'un abîme. Dans cet
antre, j'ai combattu les ténèbres, autant qu'il m'a été possible, mais j'ai remarqué la présence
de nombreuses créatures implorant la lumière. Je viens au Ciel pour vous demander que
d'autres Rayons de Lumière coopèrent avec moi dans la libération de tous ceux qui, dans le
monde, souffrent encore de la pression des ténèbres.
Le Père a répondu avec joie :
- Bienheureux es-tu, pour le service à la Création. Je te donnerai le concours du
Soleil, des lampes, des livres illuminés et des bonnes paroles qui se trouvent sur la Terre.
Après cela, l'Abeille s'est expliquée :
- Seigneur, j'ai fabriqué tout le miel que j'ai pu, mais je vois tant d'enfants faibles et
malades que je viens t'implorer plus de fleurs et plus d'Abeilles, afin d'augmenter la
production...
Le Père, très heureux, l'a bénie et a répondu :
- Bienheureuse es-tu, pour les services que tu as rendus. Je t'accorderai de nouveaux
jardins et de nouvelles travailleuses.
Ensuite, l'Homme paresseux a été prié de parler. Il a fait une grimace désagréable et a
informé :
- Seigneur, je n'ai rien réussi à faire. De tous côtés, j'ai trouvé la convoitise et la
persécution, la haine et la méchanceté. J'ai eu les bras liés par l'ingratitude de mes
semblables. Tant de mauvaises personnes se sont mises sur mon chemin que, en vérité, je n'ai
rien pu faire.
Le Père bienveillant, avec une expression de déception, s'est exclamé :
- Malheureux, tu as négligé les dons que je t'ai faits. Tu t'es endormi dans la paresse
et tu n'as rien fait. Des petits êtres humbles ont égayé mon trône avec le récit de leurs œuvres,
mais ta bouche ne sait que se plaindre, comme si l'intelligence et les mains que je t'ai confiées

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ne valaient rien. Retire-toi ! Les enfants inutiles et ingrats ne doivent pas chercher à être près
de moi. Retourne au monde et ne reviens pas me voir avant que tu n'aies appris à servir.
La Goutte d'eau est repartie limpide et belle.
Le Rayon de lumière est retourné dans les abîmes, brillant chaque fois plus.
L'Abeille est descendue en bourdonnant joyeusement.
L'Homme paresseux, cependant, s'est retiré très triste.

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La récompense du sacrifice
Trois frères dévoués à Jésus avaient lu dans l'Évangile que chaque homme recevra
toujours selon ses propres œuvres, et ils se sont promis de suivre les leçons du Maître.
Le premier s'était installé dans l'industrie du fil de coton et s'était appliqué au
service à tel point que, rapidement, il avait commencé à participer aux bénéfices
administratifs. En vingt-cinq ans, il était arrivé à la tête de l'organisation et avait acquis
des titres de véritable bienfaiteur du peuple. Il gagnait de l'argent avec une immense
facilité et secourait les malheureux et les malades. Il partageait le travail équitablement et
il distribuait les bénéfices avec justice et bonté.
Le second avait étudié longtemps et était devenu un juge célèbre. Bien qu'il ait
joui du respect et de l'estime de ses contemporains, il n'avait jamais oublié ses
engagements pris vis-à-vis de l'Évangile. Il avait défendu les humbles, aidé les pauvres et
libéré de nombreux prisonniers persécutés par la méchanceté. Par la suite, le juge était
devenu législateur et avait coopéré à l'élaboration de lois bénéfiques et édifiantes. Il avait
toujours vécu en homme d'honneur, riche, heureux, honnête et digne.
Le troisième, cependant, était paralytique. Il ne pouvait pas utiliser son
intelligence avec facilité. Il n'aurait pas pu diriger une usine ni présider un tribunal. Ses
jambes étaient paralysées. Le lit était sa résidence. Il s'était souvenu, cependant, qu'il pou-
vait faire un service de prière et avait commencé la tâche pour l'humble femme qui faisait
son ménage.
Il l'avait vue triste et en larmes et avait essayé de connaître ses chagrins avec
discrétion et fraternité. Il l'avait réconfortée avec la tendresse d'un frère. Il l'avait invitée à
prier et avait demandé pour elle les bénédictions divines.
Cela avait suffi pour que, rapidement, la servante reconnaissante lui amène
d'autres malades qui étaient venus lui demander le recours de la prière. La modeste
chambre avait été remplie de nécessiteux. Il priait en compagnie de tous, leur offrait le
sourire de la confiance en la bonté céleste. Il commentait les bienfaits de la douleur,
exprimait ses espérances dans le Royaume divin. Il donnait de lui-même, dépensant ses
émotions et ses énergies dans le service sacré du bien. Il écrivait d'innombrables lettres,
consolant les veuves et les orphelins, les malades et les malheureux, leur insufflant paix
et courage. Il mangeait peu et se reposait encore moins. Il souffrait tellement des douleurs
des autres qu'il en est arrivé à s'oublier lui-même et il travaillait tant, qu'il en avait perdu
la vue. Aveugle, cependant, il n'est pas resté seul. Il a continué à œuvrer pour les
malades, par la prière, les aidant toujours plus.
Les trois frères sont décédés à un âge avancé, à peu de temps d'intervalle.

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Quand ils se sont retrouvés dans la Vie spirituelle, un ange est venu pour évaluer
leurs œuvres avec une balance.
L'industriel et le juge avaient apporté un grand bagage, qui contenait plusieurs
sacs, remplis avec les jugements rendus et l'argent qu'ils avaient partagé au profit de
beaucoup de gens. Le serviteur de la prière n'avait apporté qu'un petit livre, dans lequel il
avait pris l'habitude d'écrire ses prières.
Le premier a été béni pour le réconfort qu'il avait procuré à ceux qui étaient dans
le besoin, et le second a également été félicité pour la justice qu'il avait semée avec
sagesse. Cependant, lorsque l'ange a ouvert le livre de l'ex-paralytique, une grande
lumière en est sortie, qui a tout enveloppé d'une couronne resplendissante. La balance n'a
pas pu mesurer sa grandeur.
Alors, le messager lui a dit, heureux :
- Tes frères sont bénis dans la Maison du Père pour les ressources qu'ils ont
distribuées en faveur de leur prochain, mais, en vérité, ce n'est pas très difficile d'aider
avec de l'argent et la renommée qui se multiplient facilement dans le monde. Sois,
cependant, bienheureux car tu as donné de toi-même, dans un amour sanctifiant. Tu as
usé tes mains, tes yeux, ton cœur, ta force, tes sentiments et ton temps au profit de tes
semblables, et la Loi du Sacrifice détermine que ton lieu de séjour soit plus élevé. Tu as
non seulement transmis les biens de la vie : tu as aussi irradié les dons de Dieu.
Et l'humble serviteur du peuple a été conduit vers un Ciel plus élevé, d'où il s'est
mis à exercer son humble autorité sur beaucoup de personnes.

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5
Le serviteur heureux
Un jour, un Maréchal, un Philosophe, un Politicien et un Fermier sont arrivés au
Ciel.
Un émissaire divin les a reçus, dans une sphère élevée, afin de les entendre.
Le Maréchal s'est approché, respectueux, et a dit :
- Messager du Commandement suprême, je viens de la Terre lointaine. J'ai
remporté de nombreuses médailles du mérite, j'ai vaincu de nombreux ennemis, j'ai reçu
plusieurs hommages sur des monuments qui honorent mon nom.
- Que veux-tu en échange de tes grands services ? - a demandé l'envoyé.
- Je veux entrer au Ciel.
L'ange a répondu sans hésitation :
- Pour le moment, tu ne peux pas recevoir ce don. Des soldats et des adversaires,
des femmes et des enfants t'appellent avec insistance de la Terre. Découvre ce qu'ils
disent de ton passage dans le monde et reviens plus tard.
Le Philosophe s'est approché du représentant divin et a demandé :
- Ange du Créateur éternel, je viens du cercle étroit des hommes. J'ai donné aux
créatures beaucoup de sujets de réflexion. J'ai été récompensé par plusieurs académies.
Mon portrait apparaît dans la galerie des dictionnaires terrestres.
- Que veux-tu pour ce que tu as fait ? - a demandé l'émissaire.
- Je veux entrer au Ciel.
- Pour l'instant, cependant - a répondu le messager sans hésitation - cette
concession ne peut t'être accordée. Beaucoup d'esprits travaillent avec les idées que tu as
laissées dans le monde et ils réclament ta présence, afin de savoir comment séparer tes
caprices personnels de l'inspiration sublime. Retourne à ton ancien poste, résous leurs
problèmes et reviens en temps opportun.
Le Politicien a pris la parole et a souligné :
- Ministre du Tout-Puissant, j'ai été administrateur de l'intérêt public. J'ai signé
plusieurs lois qui ont influencé mon temps. Mon nom apparaît dans de nombreux
documents officiels.
- Que demandes-tu en compensation ? - a demandé le Missionnaire du Ciel.
- Je veux entrer au Ciel.
L'envoyé, cependant, a répondu fermement :
- Pour l'instant, on ne peut pas y donner suite. Le peuple a des opinions
divergentes à ton sujet. D'innombrables personnes prononcent amèrement ton nom, et ces
appels arrivent jusqu'ici. Retourne à ton cabinet, réponds aux questions qui les
préoccupent pour leur paix intime et reviens ensuite.

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Alors, le Fermier s'est approché et a parlé humblement :
- Messager de Notre Père, j'ai été un cultivateur de la terre... J'ai planté du maïs,
du riz, des pommes de terre et des haricots. Personne ne me connaît, mais j'ai eu la gloire
de connaître les bénédictions de Dieu et de les recevoir, dans les rayons du soleil, dans la
pluie bienfaisante, dans la terre bénie, dans les graines, dans les fleurs, dans les fruits,
dans l'amour et la tendresse de mes petits enfants...
L'ange a souri et a dit :
- Quelle récompense veux-tu ?
Le Fermier a demandé, pleurant d'émotion :
- Si Notre Père le permet, je voudrais retourner au champ et continuer à travailler.
La contemplation des miracles de chaque jour me manque... La lumière qui apparaît dans
le firmament à certaines heures, la fleur qui s'épanouit toute seule, le pain qui se
multiplie... Si je peux, je cultiverais de nouveau la terre pour voir la grandeur divine se
révéler dans le grain qui se transforme en un épi généreux... Je n'aspire à aucun autre
bonheur que celui de continuer à apprendre, à semer, à prodiguer des louanges et à
servir!...
Le messager spirituel l'a embrassé et s'est exclamé en pleurant aussi de joie :
- Viens avec moi ! Le Seigneur souhaite te voir et t'entendre, car devant le trône
céleste, seuls comparaissent ceux qui cherchent à travailler et à servir sans récompense.

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Désobéissance
Un jeune rebelle aimait sa maman qui était veuve, d'un amour profond ;
cependant, bercé d'illusions par l'indiscipline, il prêtait l'oreille aux conseils pervers.
Il appréciait la lecture de récits à sensation, dans lesquels des hommes révoltés
forment des gangs de criminels dans les grandes villes, et à la place de toute page
édifiante, il préférait les romans-feuilletons d'aventures désagréables ou criminelles. Il
s'était plongé dans tant d'histoires de personnes sans scrupule que, même si les conseils
maternels l'invitaient à un travail décent, il avait toujours des réponses négatives et
grossières dans la bouche.
- Mon fils - s'exclamait sa mère patiente - l'homme de bien se satisfait du service.
- Moi non ! - répliquait-il moqueur.
- Allons à l'atelier. Le chef a promis de te donner une place.
- Je n'irai pas ! Je n'irai pas ! ...
- Mais tu as déjà quitté l'école, mon fils. Il est temps de grandir et de progresser
dans les devoirs bien accomplis.
- Je ne suis pas allé à l'école pour être esclave. Je suis intelligent. Je gagnerai ma
vie avec moins d'effort.
Et pendant que la mère cousait, jusque tard, afin d'entretenir la modeste maison, le
fils, déjà jeune homme, traînait généralement dans les rues mouvementées. Il buvait trop
d'alcool et avait de dangereuses fréquentations qui, peu à peu, dégradèrent son caractère.
Il rentrait ivre, tard dans la nuit, souvent ramené par des policiers.
La mère dévouée venait à son secours à chaque fois et le suppliait le lendemain :
- Mon fils, travaillons avec dignité. Chaque instant est opportun pour rectifier nos
erreurs.
Insolent et ingrat, il marmonnait :
- Tu ne me comprends pas. Tais-toi. Tu ne parles que de devoir, de devoir, de
devoir...
La pauvre couturière lui demandait de se calmer, de réfléchir, et elle pleurait
ensuite en priant.
S'enfonçant dans le vice, le jeune homme a commencé à voler en douce. Il
s'attaquait aux commerces où il savait que l'accès à l'argent était facile ; et quand sa mère,
se doutant de ses méfaits, a essayé de le raisonner, il a crié :
- Maman, je n'ai pas besoin de tes observations ! Je te laisserai en paix et je
reviendrai plus tard, avec une grande fortune. Je te donnerai une maison, des vêtements et

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du bien-être en abondance. Tes pensées sont enfermées dans les obligations, car, dès ton
plus jeune âge, tu as vécu une vie misérable.
Ayant dit cela, il s'est enfui dans la rue et n'est plus revenu chez lui.
Personne n'a plus eu de ses nouvelles. Il était parti, définitivement, dans la grande
métropole, nourrissant le dessein de voler les biens d'autrui, afin de revenir très riche dans
le foyer maternel.
Le temps a passé.
Un, deux, trois, quatre, cinq ans...
Cependant, la mère n'avait pas perdu espoir de le revoir.
Un jour, la presse a fait la une des journaux avec le portrait d'un voleur devenu
célèbre par son audace et son intelligence.
La couturière a reconnu son fils et est partie pour la ville qui l'abritait.
La police ne connaissait pas son adresse et, comme il était difficile de le localiser
rapidement, la dame a pris une chambre dans un hôtel, afin d'attendre.
La troisième nuit, là où elle se trouvait, elle a remarqué qu'un homme masqué
entrait dans la pièce plongée dans l'obscurité. Il s'est précipité pour dérober son sac à
main. Elle a toussé et allait crier au secours quand le voleur, craignant les conséquences,
l'a saisie à la gorge et l'a étranglée.
Dans l'agonie, la couturière a reconnu son fils et a murmuré faiblement :
- Mon... mon... fils ...
Affolé, le garçon a allumé la lumière, a reconnu sa mère qui était déjà morte et est
tombé à genoux, hurlant sauvagement de douleur.
La désobéissance l'avait conduit, progressivement, au crime et à la folie.

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Le grand prince
Un roi oriental, puissant et sage, s'estimant vieillissant et malade, réunit ses trois
fils, donna à chacun d'eux deux chameaux chargés d'or, d'argent et de pierres précieuses
et les incita à dépenser ces trésors en voyages à travers le royaume, pendant trois mois,
avec l'obligation de revenir, peu de temps après, afin qu'il puisse faire le choix du prince
qui lui succéderait sur le trône.
Au terme du délai fixé, les jeunes sont retournés à la maison paternelle.
Les deux aînés arboraient de somptueuses capes et sont arrivés dans un énorme
bruit de chariots, mais le troisième est arrivé fatigué et haletant, s'appuyant sur un bâton
comme un mendiant, éveillant l'ironie et l'étonnement de nombreuses personnes.
Le roi bienveillant les a bénis discrètement et s'est disposé à les écouter devant
une foule compacte.
Le premier s'est approché, a fait une grande révérence et a déclaré :
- Mon père et mon souverain, j'ai voyagé dans tout le centre du pays et j'ai acquis,
pour ton repos, un admirable palais, où ton nom sera vénéré pour toujours. J'ai acheté des
esclaves vigoureux pour te servir et rassemblé, dans ce château, digne de toi, toutes les
merveilles de notre temps. De cette demeure resplendissante, tu pourras gouverner
toujours honoré, fort et heureux.
Le monarque a prononcé quelques mots de remerciement, a montré un geste
affectueux d'approbation et a demandé que le deuxième fils s'avance :
- Mon père et mon roi ! - s'est-il exclamé, ravi. - Je t'apporte la collection des tapis
les plus précieux du monde. Des dizaines de personnes ont perdu la vue pour les tisser.
Une caravane de vingt chameaux s'approche de la ville, portant ces trésors que je t'offre,
ô auguste gouvernant, pour que tu révèles ta fortune et ton pouvoir !...
Le monarque a exprimé sa gratitude dans une phrase affectueuse et a recommandé
que le plus jeune prenne la parole.
Le plus jeune fils, affaibli et mal vêtu, s'est agenouillé et a dit, alors :
- Père bien-aimé, je n'ai apporté aucun trophée pour ton trône vénérable et
glorieux... J'ai voyagé à travers le pays que le Seigneur Suprême t'a confié, du nord au
sud et d'est en ouest, et j'ai vu que les sujets attendent, de ton gouvernement, la paix et le
bien-être, tout comme le croyant attend le bonheur de la protection du Ciel... Dans les
montagnes, j'ai trouvé la fièvre dévorant des corps mal protégés, j'ai fait déplacer des
médecins et fait apporter des médicaments en faveur des malades. Au nord, j'ai vu
l'ignorance dominer des milliers d'enfants et de jeunes désemparés et j'ai installé des
écoles au nom de ton administration équitable. À l'ouest, dans les régions marécageuses,

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j'ai été surpris par des hordes de lépreux et je leur ai donné un asile convenable en ton
nom. Dans les villes du sud, j'ai remarqué que des centaines de femmes et d'enfants
étaient rudement exploités par la méchanceté humaine et j'ai commencé la construction
d'ateliers dans lesquels le travail édifiant les rassemble. Aux frontières, j'ai rencontré
d'innombrables esclaves aux épaules blessées, amers et malades, et je les ai libérés, leur
annonçant la magnanimité de ta couronne ! ...
Une intense émotion l'a interrompu.
Un grand silence s'est fait et on a vu que le vieux souverain avait les yeux pleins
de larmes.
Le jeune a repris courage et a terminé :
- Pardonne-moi si j'ai donné ton argent aux nécessiteux et je suis désolé de
revenir en ta présence, en situation d'extrême pauvreté, pour avoir connu de près la
misère, la maladie, l'ignorance et la faim sur les terres que le Ciel a confiées à tes mains
bienfaisantes... Le seul cadeau que je t'apporte, mon père bien-aimé, est mon cœur
reconnaissant de l'enseignement que tu m'as donné, me permettant de contempler le
service qu'il m'incombe de faire... Je ne veux pas me reposer tant qu'il y aura de la
souffrance dans ce royaume, car j'ai appris avec toi que les besoins des enfants du peuple
sont les mêmes que ceux des fils du roi ! ...
Le vieux monarque, en pleurs, très tremblant, est descendu du trône, a longtemps
embrassé le fils en haillons, a enlevé sa couronne et l'a posée sur sa tête, s'exclamant
solennellement :
- Grand prince : Que Dieu, le Seigneur éternel te bénisse pour toujours ! C'est à
toi que revient le droit de gouverner aussi longtemps que tu vivras.
La foule a applaudi, délirante de joie, tandis que le jeune souverain, agenouillé,
sanglotait d'émotion et de reconnaissance.

16
8
Le juge honnête
Au tribunal d'Eliaquim Ben Jefté, juge respectable et sage, comparaissait le négociant
Jonatan Ben Cafar traînant Zorobabel, un misérable mendiant.
- Cet homme - criait le marchand furieux - m'a trompé et m'a infligé de lourdes pertes
! Il m'a vendu un collier de fausses perles pour cinq pièces d'or, affirmant qu'elles en valaient
cinq mille. J'ai acheté les bijoux, croyant avoir fait une excellente affaire, et j'ai découvert
finalement, que leur prix est inférieur à deux œufs durs. Je me suis plaint directement au
mystificateur, mais ce vagabond avait déjà dépensé mon précieux argent. J'exige qu'il soit
puni par la justice ! C'est un voleur méprisable et condamnable!...
Le magistrat, cependant, qui vénérait la Justice suprême, a demandé à l'accusé de se
prononcer à son tour :
- Grand juge - a-t-il dit timidement - je reconnais avoir transgressé les règlements qui
nous régissent. Toutefois, j'ai mes deux enfants alités et je cherche un travail digne, en vain,
car on me le refuse toujours, sous prétexte de mon âge et de ma misérable apparence.
Vraiment, j'ai trompé mon prochain
et je suis un criminel, mais je promets de rembourser ma dette dès que possible.
Le juge a longuement réfléchi et a prononcé la sentence :
- Pour Zorobabel, le mendiant, cinq coups de bâton à huis clos, pour qu'il apprenne à
souffrir honnêtement, sans s'en prendre à la bourse de ses semblables ; et, pour Jonatan, le
marchand, vingt coups de bâton, sur la place publique, afin qu'il n'abuse plus des pauvres.
Le négociant a protesté, révolté :
- Qu'est-ce que j'entends ?! Je suis victime d'un voleur et je dois payer pour des
fautes que je n'ai pas commises ? Iniquité ! Iniquité ! ...
Le magistrat, alors, a frappé fortement avec le marteau sur la table, attirant l'attention
des personnes présentes, et a précisé à haute voix :
- Jonatan Ben Cafar, la véritable justice ne réside pas sur la Terre pour évaluer les
apparences. Zorobabel le vagabond, chef d'une famille pauvre, t'a volé cinq pièces d'or afin
de secourir ses enfants malheureux, cependant, toi, à ton tour, tu as essayé de
le voler, en profitant du malheur qui le poursuit, en t'emparant d'un objet que tu
croyais valoir cinq mille pièces d'or au prix dérisoire de cinq. Qui est le plus nuisible à la
société devant Dieu : le misérable affamé qui vole du pain pour apaiser la faim de ses enfants,
ou l'homme déjà servi par la Bonté de l'Éternel, ayant la fortune et la compétence, qui
monopolise pour lui une boulangerie entière afin d'abuser, de façon calculée, de l'indigence
d'au-trui ? Celui qui vole par nécessité peut être un fou, mais celui qui accumule des
richesses, indéfiniment, sans les transformer en travail constructif ou dans la pratique du bien,

17
au mépris absolu des angoisses des pauvres, passera souvent pour intelligent et perspicace,
aux yeux de ceux qui, dans le monde, se sont endormis dans l'égoïsme et l'ambition
démesurée, mais il est un malfaiteur devant le Tout-Puissant qui nous jugera tous, en temps
opportun.
Et, sous la surveillance de gardes robustes, Zorobabel a reçu cinq coups de bâtons,
dans une pièce aux portes fermées, pour apprendre à souffrir sans voler, et Jonatan en a reçu
vingt, sur la place publique, afin de ne plus exploiter, sans scrupules, la misère, la simplicité
et la confiance du peuple.

9
Le riche inconscient
II y avait un homme pieux qui est arrivé au Ciel et, reçu par un ange du Seigneur,
a supplié, en extase :
- Messager divin, que dois-je faire pour venir vivre, pour toujours, au côté de
Jésus ?
- Fais le bien - a dit l'ange - et reviens plus tard.
- Puis-je te demander des ressources pour une telle mission ?
- Demande ce que tu veux.
- Je veux de l'argent, beaucoup d'argent, pour secourir mon prochain.
L'émissaire a été surpris par la demande et a considéré :
- L'or n'est pas toujours l'aide la plus efficace pour cela.
- Je pense, cependant, mon saint ami, que sans or, il est très difficile de pratiquer
la charité.
- Et tu ne crains pas les tentations placées sur ton chemin ?
- Non.
- Tu auras ce que tu désires -a dit le messager - mais n'oublie pas que le trésor de
chaque homme reste là où il a le cœur, parce que chaque âme réside là où elle place sa
pensée. Tes possibilités matérielles seront multipliées. Cependant, n'oublie pas que les
dons divins, quand ils sont retenus sans raison par l'homme, sans aucun profit pour ses
semblables, font de lui leur prisonnier. La Loi détermine que nous soyons esclaves des
excès auxquels nous nous livrons.
L'homme a promis d'exercer la charité, de servir sans compter et est retourné dans
le monde.
Les anges de la prospérité ont commencé, alors, à l'aider.
Au début, ils ont multiplié les vêtements et la nourriture ; cependant, le dévot déjà
comblé, a supplié pour avoir plus de vêtements et plus de nourriture. Ils lui ont donné une
maison et des biens. Cependant, loin de pratiquer le bien, il considérait toujours
insuffisants les dons qu'il possédait et priait pour avoir plus de maisons et plus de biens.
Ils lui ont apporté des troupeaux et des fermes, mais l'homme intéressé à gagner le
paradis par la voie de la charité, craignant maintenant la misère, implorait plus de
troupeaux et plus de fermes. Il ne cédait pas une chambre, ni ne donnait une soupe à
quiconque, se déclarant sans ressources pour aider les nécessiteux et attendait toujours
plus, afin de distribuer un peu de pain. Et, plus le Ciel lui donnait, plus il exigeait du Ciel.
De spontané et joyeux qu'il était, il était devenu méfiant, renfrogné et distant.

18
Redoutant les amis et les ennemis, il a caché de grosses sommes dans un coffre-
fort et, quand il est devenu trop vieux, la mort est venue le séparer de son immense
fortune.
Surpris, il s'est réveillé en Esprit, allongé dans le grand coffre-fort.
Des objets précieux, des pièces d'or et d'argent et de grands tas de billets usagés
lui servaient de lit. Il avait faim et soif, mais il ne pouvait pas manger les pièces ; il
voulait la liberté, mais les billets de banque semblaient le retenir à la manière d'un piège
retenant un oiseau captif.
- Saint ange ! - a-t-il crié en pleurs. - Viens ! Aide-moi à aller vers la Maison
Céleste ! ...
Le messager a daigné descendre jusqu'à lui et, apaisant sa souffrance, s'est
exclamé :
- Il est trop tard pour les supplications ! Tu es étouffé par le flux de biens
matériels que le Seigneur t'a confiés, car tu l'as fait tourner uniquement autour de toi, sans
aucun bénéfice pour tes frères de lutte et d'expérience...

- Et que dois-je faire - a supplié le malheureux - pour retrouver la paix et gagner


le paradis ?
L'ange a réfléchi, réfléchi... Et il a répondu : -Répands avec profit les pièces que
tu as amassées inutilement, débarrasse-toi de la vaste étendue de terre que tu as conservée
en vain, remets en circulation pour le bien toutes les richesses que tu as reçues du Trésor
divin et que tu as amoncelées à tes pieds, à cause de l'égoïsme, de la vanité, de la cupidité
et de l'ambition destructrice et, après cela, viens à moi pour que nous reprenions l'accord
conclu il y a soixante ans...
Cependant, après avoir pris conscience qu'il n'avait plus de corps de chair pour un
tel service, l'homme a commencé à crier et à blasphémer comme si l'Enfer vivait dans sa
propre conscience.

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10
L'âne de charge
À l'époque où il n'y avait pas de voitures, dans l'écurie du célèbre palais royal, un
âne de charge était envahi par une immense amertume en raison des moqueries et des
coups de ses compagnons d'écurie.
En voyant son pelage abîmé, ses cicatrices profondes sur son échine et son air
triste et humble, un magnifique cheval arabe qui était détenteur de nombreux prix, s'est
approché de lui et a dit fièrement :
- Triste sort que le tien ! N'envies-tu pas ma position aux courses ? Je suis caressé
par des mains de princesses et je suis couvert de louanges par les rois !
- C'est évident ! S'est exclamé un poulain de belle origine anglaise. - Mais
comment un âne arriverait-il à comprendre l'éclat des paris et le goût de la chasse ?
Le malheureux animal recevait les sarcasmes avec résignation.
Un autre superbe cheval, d'origine hongroise, est entré dans la conversation et a
commenté :
- Il y a dix ans, quand j'ai quitté le pâturage voisin, j'ai vu ce misérable souffrir
rudement entre les mains d'un dresseur brutal. Il est si lâche qu'il n'arrivait pas à réagir,
pas même avec un coup de sabot. Il n'est né que pour les charges et les coups. Il est
honteux d'avoir à supporter sa compagnie.
Sur ce, un admirable âne espagnol s'est approché du groupe et a souligné sans
pitié :
- Je suis désolé de reconnaître un proche parent dans cet âne. C'est un animal
déshonoré, faible, inutile... Il ne sait vivre que sous des disciplines sévères. Il ignore
l'aplomb de la dignité personnelle et ne connaît pas l'amour-propre. J'accepte les devoirs
qui m'incombent jusqu'à une juste limite ; mais, s'ils me contraignent à dépasser mes
obligations, je refuse d'obéir, je me cabre et je suis capable de tuer.
Les propos insultants n'étaient pas terminés lorsque le roi entra dans la pièce en
compagnie du chef des écuries.
- J'ai besoin d'un animal pour un service d'une grande responsabilité - a informé le
monarque - un animal docile et bien éduqué, en qui je peux avoir une confiance absolue.
L'employé a demandé :
- Préférerez-vous le cheval arabe, Majesté ?
- Non, non - a dit le souverain - il est très fier et sert seulement pour les courses
dans les festivités officielles sans importance majeure.
- Ne voulez-vous pas le poulain anglais ?

20
- Pas du tout. Il est très agité et ne va pas au-delà des extravagances de la chasse.
- Ne voulez-vous pas le hongrois ?
- Non, non. Il est sauvage, sans aucune éducation. C'est juste un berger de
troupeau.
- L'âne espagnol ferait-il l'affaire ? - a insisté le serviteur attentif.
- Hors de question. Il est sournois et on ne peut pas lui faire confiance.
Après quelques instants de silence, le souverain a demandé :
- Où est mon âne de charge ?
Le chef des écuries le lui montra parmi les autres.
Le roi lui-même l'a affectueusement tiré pour le sortir, il a demandé à ce que son
âne soit équipé d'un harnais avec les armes resplendissantes de sa maison et lui a confié
son fils, encore enfant, pour un long voyage.
Il en est de même dans la vie. En toutes occasions, nous avons toujours un grand
nombre d'amis, de connaissances et de compagnons, mais seulement ceux qui ont déjà
appris à endurer, à servir et à souffrir, sans penser à eux-mêmes, sont capables de nous
rendre des services vraiment utiles.

21
11
La leçon inoubliable
Hilda, une enfant riche, adressait chaque jour de mauvaises paroles à la petite
vendeuse de bonbons qui frappait humblement à la porte de sa maison.
- Quelle honte ! Faire du porte à porte avec un plateau ! Va-t'en d'ici ! - criait-elle
sans raison.
La modeste petite fille devenait pâle et tremblante. Cependant, la maîtresse de
maison, essayant d'éduquer sa fille, venait vers l'humble petite fille et disait gentiment :
- Quels magnifiques bonbons ! Qui les a faits si beaux ? La fillette, ragaillardie,
répondait contente :
- C'est ma mère.
La généreuse dame achetait toujours quelque chose et ensuite recommandait à sa
fille :
- Hilda, ne joue pas avec le destin. Ne rejette jamais celui qui est dans le besoin et
qui vient nous demander de l'aide ! Qui sait de quoi demain sera fait ? Ceux que nous
aidons seront peut-être nos bienfaiteurs.
La fille maugréait et le soir, au dîner, le père soutenait les conseils maternels, en
ajoutant :
- Ne te moque de personne, ma fille ! Le travail, aussi humble soit-il, est toujours
respectable et édifiant. Sûrement, de douloureuses nécessités poussent une enfant à
vendre des bonbons de porte en porte.
Hilda, cependant, le lendemain, fustigeait la petite vendeuse, en s'exclamant :
- Hors d'ici ! Sorcière ! Sorcière !...
La mère dévouée accueillait la petite va-nu-pieds et répétait à sa fille les
avertissements affectueux de la veille.
Le temps a passé et, quatre ans après, le cadre de vie avait changé.
Le papa d'Hilda est tombé malade et les médecins ont essayé, en vain, de le
sauver. Il est décédé par un après-midi calme, laissant la maison vide.
La veuve s'est retirée dans son lit, extrêmement abattue et, en raison d'énormes
dépenses, rapidement, la pauvreté et la gêne ont envahi la résidence. La pauvre femme
pouvait à peine bouger.
Les privations sont arrivées en nombre. La fille, auparavant riche, ne pouvait pas
même acheter une paire de chaussures maintenant.
Affligée de ne pas pouvoir remédier à l'angoissante situation, une nuit, Hilda a
beaucoup pleuré, se rappelant son papa. Elle s'est endormie, en larmes, et a rêvé qu'il
venait du Ciel pour la réconforter. Elle l'a entendu parfaitement lui dire :

22
- Ne te décourage pas, ma fille ! Va travailler ! Va vendre des bonbons pour aider
ta maman !...
Elle s'est réveillée le lendemain avec la ferme intention de suivre le conseil.
Elle a aidé sa maman malade à faire de nombreux carrés de bonbons au lait et,
peu de temps après, elle est sortie pour les vendre. Certaines personnes généreuses les
achetaient avec l'intention évidente de l'aider ; cependant, d'autres créatures, en particulier
de méchants garçons, criaient à ses oreilles :
- Sors d'ici ! Sorcière au plateau !...
Elle se sentait triste et découragée quand elle a frappé à la porte d'une modeste
maison. Une gracieuse jeune femme a répondu.
Ah ! quelle surprise ! C'était la petite fille pauvre qui vendait des sucreries
autrefois. Elle avait grandi, elle était bien habillée et belle.
Hilda s'attendait à ce qu'elle la maltraite pour se venger, mais l'humble jeune fille
a fixé sur elle ses grands yeux, l'a reconnue, a compris sa nouvelle situation et s'est excla-
mée joyeusement :
- Quels magnifiques bonbons ! Qui les a faits si beaux ?
Hilda s'est souvenue des enseignements maternels des années passées et a dit :
- C'est ma mère.
L'ancienne vendeuse a acheté tous les carrés restant sur le plateau et a pris Hilda
dans ses bras avec une amitié sincère.
À partir de ce jour-là, la jeune fille vaniteuse s'est transformée pour toujours.
L'expérience lui avait donné une leçon inoubliable.

23
12
L'arme infaillible
Un jour, un homme en colère avait une puissante pensée de haine, il l'a écrite dans
une lettre grossière et odieuse et l'a envoyée au chef de l'atelier d'où il avait été licencié.
Cette pensée a été diffusée sous forme de cruelles menaces. Et quand le directeur
du service a lu les phrases ingrates exprimées par cette pensée, il l'a laissée entrer, sans le
savoir, dans son propre cœur, et il est devenu furieux sans savoir pourquoi. Il est allé
trouver presque immédiatement le chef adjoint de l'atelier et, sous prétexte d'avoir vu une
petite pièce cassée, il a lâché sur lui la bombe mentale qu'il portait.
Ce fut au tour du chef adjoint de devenir neurasthénique, sans raison. Il a accueilli
la projection maléfique dans ses sentiments, il est resté maussade pendant plusieurs
heures et, au moment du déjeuner, au lieu de se nourrir, il a lancé sur son épouse le
dangereux dard intangible. Sous le prétexte d'avoir trouvé une chaussure mal cirée, il a
proféré des dizaines de mots horribles ; il s'est senti soulagé, et la femme, à son tour, a
reçu dans sa poitrine l'odieuse vibration, sous la forme d'une colère inexplicable. Soudain,
bouleversée par le rayon qui l'avait blessé
et qui, jusque-là, n'avait pu être arrêté par personne, elle est allée voir la femme de
ménage qui était responsable de l'entretien de chaussures et s'est défoulée sur elle. Avec
des mots inconvenants, elle lui a inoculé dans le cœur le stylet invisible.
Maintenant, c'était une pauvre fille qui détenait le poison mental. Ne pouvant pas
s'en prendre aux assiettes et aux tasses à portée de ses mains, compte tenu de l'énorme
dette financière dont elle aurait été redevable, elle s'est approchée du vieux chien,
endormi et patient, et lui a transféré le poison impalpable en lui donnant un énorme coup
de pied.
L'animal a gémi et a bondi, touché par l'énergie mortifère, et pour s'en
débarrasser, il a mordu la première personne qu'il a rencontrée dans la rue.
C'était la femme d'un propriétaire voisin qui, blessée à la cuisse, a été
instantanément enragée, possédée par la force du mal. Alors qu'elle criait désespérément,
elle a été emmenée dans une pharmacie ; cependant, elle s'est empressée de transférer la
vibration maudite à l'infirmier qui la secourait. Elle l'a accablé d'injures et l'a giflé.
Le jeune homme très serviable, de calme qu'il était, est devenu une véritable bête
féroce. Il a riposté aux coups reçus avec des propos durs et s'est rendu, hagard, à la
résidence, où sa vieille et dévouée mère l'attendait pour le repas du soir. Il est arrivé et a
déchargé sur elle toute la colère dont il était porteur.
- J'en ai marre ! a-t-il crié - Tu es responsable des ennuis qui me poursuivent ! Je
ne peux plus supporter cette vie de malheur ! Hors de ma vue !...

24
Il a prononcé des mots terribles. Il a blasphémé. Il a crié, en colère, comme un
fou.
La vieille dame, cependant, loin de se fâcher, a pris ses mains et lui a dit avec
naturel et douceur :
- Viens ici, mon fils ! Tu es fatigué et malade ! Je sais l'étendue de tes sacrifices
pour moi et je reconnais que tu as raison de te lamenter. Cependant, reprends courage !
Souvenons-nous de Jésus !... Tout passe sur Terre. N'oublions pas l'amour que le Maître
nous a légué ...
Elle l'a embrassé, émue et a caressé ses cheveux !
Le fils s'est arrêté pour contempler ses yeux calmes et a reconnu qu'il y avait, dans
la tendresse maternelle, tant de pardon et tant de compréhension qu'il a commencé à
pleurer, lui demandant pardon.
Puis il y a eu, entre les deux, une explosion de joies intimes. Ils ont dîné
joyeusement et ont prié en signe de reconnaissance à Dieu.
La projection destructrice de la haine s'était éteinte, finalement, là, à l'intérieur de
l'humble foyer, devant la force infaillible et sublime de l'amour.

25
13
Le serviteur négligent
À la porte d'une grande menuiserie, un jeune est arrivé, une caisse à outils sur
l'épaule, à la recherche d'un emploi. Il semblait humble et poli. Le directeur de
l'entreprise est venu, courtois, pour le recevoir.
- Y a-t-il un travail que je puisse faire ? -a demandé le jeune homme respectueux,
après les salutations habituelles.
- Les tâches sont nombreuses - a expliqué le chef.
- Oh ! s'il vous plaît ! - a dit l'intéressé - Mes vieux parents ont besoin de soutien.
J'ai frappé, en vain, aux portes de plusieurs ateliers. Personne ne m'aide. Je me
contenterai d'un salaire réduit et j'accepterai l'horaire que vous voulez.
Le directeur très calme a souligné :
- Le travail ne manque pas...
Et, alors que le candidat montrait un sourire d'espoir, il a ajouté :
- Vos outils sont-ils en bon état ?
- Parfaitement a répondu l'interpellé.
- Voyons-les.
Le jeune a ouvert la caisse qu'il portait. Les outils faisaient peine à voir.
L'herminette était déformée par une épaisse rouille. La scie avait plusieurs dents
cassées. Le marteau n'avait qu'une partie de son manche. La pince était franchement
désarticulée.
Plusieurs ciseaux à bois ne répondraient à aucun appel de service, tellement leurs
tranchants étaient endommagés.
Une poussière épaisse recouvrait tous les objets.
Le chef d'atelier a observé... Observé... et, désenchanté, a dit :
- Pour vous, nous n'avons aucun travail.
- Oh ! Pourquoi ? - a demandé le jeune, d'un ton suppliant. Le directeur a précisé
sans amertume :
- Si vous ne faites pas attention aux outils qui vous appartiennent, comment
préserverez-vous nos machines ? Si vous êtes indifférent à ce par quoi vous devriez
vous sentir honoré, arriverez-vous à être attentif aux intérêts d'autrui ? Qui ne veille pas
sur le «peu» dont il dispose, n'est pas digne de recevoir le
«beaucoup». Apprenez à prendre soin de choses apparemment sans importance. À
partir d'échantillons, de grandes affaires sont réalisées dans ce monde et le manque de
respect pour soi-même est une fâcheuse vitrine de votre indifférence pernicieuse. Profitez
de cette expérience et revenez plus tard.

26
La requête du jeune homme dans le besoin n'a pas été reçue.
Il a été contraint de se retirer, très découragé, retenant la dure leçon.
C'est ce qui arrive aussi sur le chemin habituel.
Celui qui désire un corps illuminé et glorieux dans la spiritualité, au-delà de la
mort, doit prendre soin, respectueusement, de son corps physique.
Celui qui aspire à la compagnie des anges doit avoir de bonnes manières, dire de
bonnes paroles et faire de bonnes actions envers les autres.
Celui qui attend la récolte de joies dans le futur doit profiter du moment présent
pour l'ensemencement du bien.
Et tous ceux qui rêvent du Ciel doivent s'appliquer à suivre un chemin d'élévation
sur la Terre même.

27
14
La négligence irréfléchie
Dans l'orphelinat où elle travaillait, sœur Clara était l'idole de tout le monde par
les vertus qui ornaient son caractère. Elle était douce, dévouée, diligente.
De cette bouche bien éduquée, ne sortaient jamais de mauvaises paroles.
Si quelqu'un commentait les défauts d'autrui, elle venait, attentionnée, conseiller :
- Ayons de la compassion...
Elle orientait les conversations en faveur de la bienveillance et de la paix.
Elle insufflait à ceux qui l'écoutaient le courage et l'amour du devoir.
En plus de cela, elle encourageait, par-dessus tout, chez ceux qui l'entouraient, la
bonne volonté de travailler et de servir pour le bien.
- Sœur Clara - disait une éducatrice - j'ai besoin de la robe pour samedi prochain.
Elle, qui était la couturière dévouée de tous, répondait ravie :
- Nous travaillerons un peu plus tard. La robe sera prête.
- Ma sœur - intervenait l'une des servantes - et le tablier ?
- Demain, il sera livré - disait Clara, en souriant.
Dans toutes les activités, la créature dévouée se montrait tel un Ange de bonté et
de patience.
Invariablement entourée d'écheveaux de fil, elle respirait entre l'aiguille et la
machine à coudre.
Aux heures de prière, elle restait longtemps contrite dans la prière.
Au fil du temps, elle était de plus en plus respectée. Son avis était sollicité avec
intérêt.
Elle était devenue une admirable autorité de la vie chrétienne.
En vérité, elle méritait, les considérations dont elle était entourée.
Elle prêtait assistance avec discrétion. Elle aidait sans attendre de récompense.
Elle savait être généreuse, sans humilier personne avec des démonstrations de
supériorité.
Les années ont passé, comme toujours, et le jour est venu où la mort l'a conduite à
la vie spirituelle.
Sur la Terre, le corps de l'inoubliable bienfaitrice a été entouré de fleurs et de
bénédictions, d'hommages et de cantiques, et son âme est montée, glorieusement, vers le
Ciel.
Un ange l'a reçue, affectueux et joyeux, à l'entrée.
Il l'a saluée. Il a fait référence aux bienfaits qu'elle avait répandus. Cependant,
avec une grande stupeur, sœur Clara l'a entendu dire :

28
- Je suis désolé que vous puissiez rester chez nous seulement trois semaines.
- Oh ! Pourquoi ? - a demandé la courageuse missionnaire.
- Vous serez contrainte de retourner dans le monde, en prenant un nouveau corps
de chair - a expliqué le messager.
- Comment cela ?
L'ange l'a regardée gentiment et a répondu :
- Ma sœur, vous avez été extrêmement vertueuse ; cependant, dans la position
spirituelle dans laquelle vous vous trouviez, vous n'auriez pas dû commettre une telle
négligence. Vous avez gaspillé une énorme quantité de fil sans réfléchir. Les écheveaux
que vous avez gaspillés, pour vous être désintéressée de la notion de valorisation,
auraient permis de coudre plusieurs milliers de vêtements pour les enfants démunis.
- Oh ! Oh ! Que Dieu me pardonne ! - s'est exclamée la sainte désincarnée. - Et
comment vais-je rembourser la dette ?
L'ange l'a embrassée avec tendresse et l'a réconfortée en disant :
- N'ayez pas peur. Nous allons tous vous aider, mais chère sœur, vous allez
recommencer votre tâche dans le monde en plantant une cotonneraie.

29
15
Le pouvoir de la gentillesse
Un éminent professeur noir, voulant fonder une école dans un quartier pauvre, où
des centaines d'enfants démunis grandissaient sans le bénéfice des études, a été reçu par
le maire de la ville, qui lui a dit, d'une façon impérative, après avoir écouté son projet :
- La loi et la bonté ne peuvent pas toujours être ensemble. Organisez le lieu et
nous autoriserons la gestion.
- Mais, monsieur, nous n'avons pas de ressources... - a estimé le bienfaiteur des
petits défavorisés.
- Que faire ?
- En tout cas, il nous appartient d'aider les petits analphabètes.
Le maire a longuement fixé l'humble figure, a eu un petit rire moqueur et a
ajouté :
- Vous ne pouvez pas intervenir dans ma gestion.
L'enseignant, très triste, s'est retiré et a passé l'après-midi et la soirée de ce
samedi, à penser, à penser...
Le dimanche, très tôt, il est parti se promener, sous les grands arbres, en direction
du vieux marché.
Il allait, commentant, dans une prière silencieuse :
- Mon Dieu, comment agir ? N'aurons-nous pas un abri pour les jeunes enfants,
Seigneur ?
Absorbé dans la méditation, il est arrivé au marché et y est entré.
L'agitation était intense.
Beaucoup d'achats. Beaucoup de monde.
Une dame, à l'apparence distinguée, s'est approchée de lui et, le prenant pour un
simple serviteur, aux mains libres et à la tête vide, s'est exclamée :
- Mon vieux, venez ici !
Le professeur l'a accompagnée, sans hésitation.
Devant un énorme sac, dans lequel s'amoncelaient plus de trente kilos de légumes,
la matrone a dit :
- Apportez-moi ces achats.
Il a mis le fardeau sur son dos et l'a suivie.
Ils ont dû marcher environ cinq cents mètres et sont entrés dans une élégante villa,
où la dame a de nouveau demandé :
- J'ai des visiteurs aujourd'hui. Pouvez-vous m'aider pour le service général ?
- Parfaitement - a répondu l'interpellé - donnez-moi vos ordres.

30
Elle a indiqué une petite cour et lui a demandé de préparer un demi-mètre cube de
bois pour le poêle.
Maniant la hache, l'éducateur, avec effort, a fendu quelques rondins. Le travail
terminé, il a été appelé pour arranger
la cheminée. Il l'a réparée en sacrifiant ses propres vêtements. Sali de poudre
noire, de la tête aux pieds, il a reçu l'ordre d'aller chercher une dinde rôtie, à deux
kilomètres. Il s'est mis en route, rapportant le grand plat en peu de temps. Peu après, il
s'est lancé dans le nettoyage d'une vaste salle où se déroulerait le somptueux déjeuner.
En début d'après-midi, sept personnes sont entrées dans le noble domicile. Parmi
elles se trouvait le maire, qui a remarqué la présence du visiteur de la veille, qui lui avait
été présenté à son bureau par de respectables autorités. Discrètement, il a voulu savoir
auprès de sa sœur, propriétaire de la maison, qui était sa nouvelle connaissance, tous les
deux parlant à voix basse.
À la fin de la journée, la maîtresse de maison, distinguée et autoritaire,
visiblement déçue, est allée vers le serviteur improvisé et lui a demandé le prix pour les
travaux effectués.
- N'y pensez pas - a-t-il répondu avec sincérité - j'ai été très heureux d'être utile.
Le lendemain, cependant, la dame de la veille est allée le voir, dans la modeste
maison où il habitait et, après s'être excusée auprès de lui, elle lui a annoncé l'octroi d'un
grand bâtiment, destiné à l'école qu'il voulait créer. Les enfants utiliseraient la propriété à
volonté, et le maire serait heureux d'en autoriser la gestion.
Laissant paraître dans ses yeux humides la joie et la reconnaissance qui régnaient
dans son âme, le professeur a remercié et a embrassé les mains de la dame, respectueux.
Sa bonté avait surmonté les obstacles juridiques.
L'exemple est plus vigoureux que l'argumentation.
La gentillesse est revêtue, partout, d'un pouvoir glorieux.

31
16
La trilogie bénie
Dans les temps les plus reculés, le Seigneur venait fréquemment dans le monde
pour comprendre les créatures.
Une fois, il a trouvé un homme en colère et mauvais qui ne faisait rien d'autre que
de tourmenter ses semblables. Il persécutait, blessait et tuait sans pitié. Quand cet Esprit
sauvage a vu le Seigneur, il s'est approché, attiré par sa lumière, en pleurant de
repentance.
Le Christ Bienveillant, lui a adressé la parole :
- Mon fils, pourquoi t'es-tu livré ainsi à la perversité ? Ne crains-tu pas la Justice
du Père ? Ne crois-tu pas au Pouvoir céleste ? La vie requiert fraternité et compréhension.
Le malfaiteur, qui était resté prisonnier de l'ignorance, a répondu en larmes :
- Seigneur, à partir de maintenant, je serai un homme bon. Quelques années ont
passé et Jésus est retourné au même endroit. Il s'est souvenu du malheureux qu'il avait
conseillé et II l'a recherché. Après quelques recherches, II l'a trouvé caché dans une
cabane, extrêmement abattu. Interpellé quant à la cause d'une si lamentable
transformation, le misérable a répondu :
- Malheur à moi, Seigneur ! Après être devenu bon, personne ne m'a respecté !
J'ai été la risée de tout le monde... J'ai montré ma compassion et ma générosité, comme
vous me l'avez appris, mais en échange, j'ai été ridiculisé et je n'ai reçu que lapidation et
lacération...
Le Maître, cependant, l'a béni et a dit :
- Ton bénéfice dans l'éternité ne sera pas négligeable en raison de ton sacrifice.
Toutefois, il ne suffit pas de garder la bonté. Il faut savoir la distribuer. Pour bien aider, il
est nécessaire de discerner. Vraiment, il est possible d'aider tout le monde. Cependant, si
nous devons à beaucoup de gens une tendresse fraternelle, nous devons à de nombreux
compagnons de route un éclaircissement énergique. Nous encouragerons les bons à être
meilleurs et coopérerons en faveur des mauvais pour qu'ils se corrigent. N'as-tu jamais
observé l'arboriculteur ? Certains arbres reçoivent de sa part l'irrigation et l'engrais ;
d'autres, cependant, souffrent l'élagage afin d'être correctement préparés.
Le Seigneur s'est retiré et l'apprenti a repris la lutte pour acquérir la connaissance.
Il a parcouru de nombreux livres, observé pendant longtemps les tableaux de la
vie et a reçu la palme de la science.
Les années étaient vite passées, quand le Christ est revenu et s'est de nouveau mis
à sa recherche.
Cette fois, il l'a trouvé au lit, malade et sans forces. Répondant au Divin Ami, il a
expliqué :

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- Malheur à moi, Seigneur ! J'étais bon et j'ai souffert l'injustice, j'ai chéri la
science et mes difficultés ont considérablement augmenté. J'ai appris à aimer et à désirer
en saine conscience, à programmer des actions avec le plan supérieur, mais je vois
l'ingratitude et la discorde, la dureté et l'indifférence avec plus de clarté. Je sais ce que
beaucoup de gens ignorent, et pour cela même, la vie est devenue pour moi un fardeau
insupportable...
Le Maître, néanmoins, a souri et a considéré :
- Ta préparation pour le bonheur n'est pas encore complète. Maintenant, il faut
être fort. Crois-tu que l'arbre respectable serait capable de vivre et de produire s'il ne
savait pas supporter la tempête ? La fermeté intérieure, face aux expériences de la vie, te
donnera l'équilibre indispensable. Apprends à dire adieu à tout ce qui te nuit dans la
marche vers la Lumière Divine et tu distribueras la bonté, sans souci de récompense, en
gardant la connaissance sans les amères surprises. Sois inébranlable dans ta foi et
continue d'avancer !
L'apprenti s'est remis sur pied et n'a plus jamais ressenti la disharmonie,
comprenant enfin, que la bonté, la connaissance et la force sont la trilogie bénie du
bonheur et de la paix.

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Le compte de la vie
Quand Levindo a eu vingt et un ans, sa chère mère a reçu ses amis, a fêté cette
date et a célébré l'événement avec une grande joie.
En son for intérieur, cependant, la gentille dame était triste, inquiète.
Son fils, jusqu'à sa majorité, n'avait toléré aucune discipline. Il vivait
paresseusement, perdait son temps et refusait de travailler. Il avait appris les premières
lettres au prix d'un grand dévouement maternel et avait lutté contre tous les plans de l'ac-
tion digne.
Il refusait les bons conseils et penchait, franchement, dans la spirale du vice.
Cette nuit-là, cependant, la mère pleine d'abnégation a prié avec plus de ferveur,
implorant Jésus de le conduire à l'élévation morale. Le confiant au ciel, en larmes,
convaincue que le Divin Maître protégerait sa jeune vie.
Les prières de la dévouée créature ont été entendues Là-Haut, car Levindo, juste
après avoir été emporté par les ailes du sommeil, a rêvé qu'il était recherché par un
messager spirituel, exhibant un grand document dans sa main.
Intrigué, le jeune lui a demandé ce qui lui valait la surprise d'une semblable visite.
L'émissaire a fixé sur lui ses grands yeux et a répondu :
- Mon ami, je viens te faire part du décompte des êtres sacrifiés, jusqu'à présent, à
ton profit.
Alors que le garçon écarquillait ses yeux de stupeur, le messager a poursuivi :
- Jusqu'à aujourd'hui, pour assurer ton existence, sont morts environ 2 000
volailles, 10 bœufs, 50 porcs, 20 moutons et 3 000 poissons de toutes espèces. Pas moins
de 60 000 vies du règne végétal ont été consommées par la tienne, en comptant celles du
riz, du maïs, des haricots, du blé, de divers légumes et tubercules. En moyenne, tu as bu 3
000 litres de lait, consommé 7 000 œufs et mangé 10 000 fruits. Tu as abondamment ex-
ploité les familles des êtres de l'air et de l'eau, des poulaillers et des étables, des
porcheries et des bergeries. Le prix de tes jours dans les potagers et les vergers équivaut à
une dévastation. Par ailleurs, nous ne listons pas ici les sacrifices maternels, les res-
sources et dons de ton père, les cadeaux des amis et les attentions des différents
bienfaiteurs qui t'entourent. En retour, qu'as-tu fait d'utile ? Tu n'as pas encore restitué à
la nature la moindre
partie de ton immense dette. Crois-tu, peut-être, que le centre du monde repose
sur tes besoins individuels et que tu vivras à titre gracieux dans les domaines de la
Création ? Produis quelque chose de bien pour marquer ton passage sur la Terre. N'oublie
pas que l'herbe elle-même se trouve en service divin. Ne permets pas que l'oisiveté
paralyse ton cœur et ruine ton Esprit ! ...

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Le jeune, étonné, a commencé à voir le défilé des animaux qu'il avait dévorés et,
sous l'emprise d'une grande stupeur, il s'est réveillé...
Le jour se levait.
Le soleil brillait comme s'il chantait, de partout, un hymne glorieux au travail
pacifique. Levindo est sorti de son lit, a couru auprès de sa mère et s'est exclamé :
- Maman, donne-moi du travail ! Donne-moi du travail !...
- Oh ! mon fils - a dit la dame dans un élan d'allégresse -quelle joie ! Comme je
suis heureuse !... Que s'est-il passé ?
Et le jeune homme, troublé, a indiqué :
- Cette nuit, j'ai vu le compte de la vie.
Depuis ce jour, Levindo est devenu un homme honorable et serviable.

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La véritable amitié
Un grand homme qui avait su accumuler de la sagesse, en plus de la richesse,
avait aidé plusieurs amis pauvres à garder courage, dans la lutte pour la vie.
Se sentant vieillir, il a appelé son fils à coopérer. Le jeune devrait apprendre avec
lui à faire preuve de gentillesse et à distribuer les biens.
Pour commencer, il l'a envoyé à la résidence d'un compagnon de longue date,
auquel il envoyait trois cents cruzeiros par mois.
Le jeune homme a suivi ses instructions.
Il a parcouru six kilomètres et a trouvé la maison indiquée. Contrairement à ses
attentes, il n'a cependant pas trouvé un taudis en ruine. La maison, bien que modeste,
montrait charme et confort. Les fleurs parfumaient l'ambiance et du lin blanc ornait les
meubles avec beauté et décence.
Le bénéficiaire de son père l'a accueilli avec une joie effusive, et, après un bref
exposé éclairé, il a fait apporter le café dans un service agréable et distingué. Il a présenté
le jeune à sa famille et à ses amis qui se retrouvaient, heureux, dans un immense halo de
santé et de satisfaction.
Constatant la tranquillité et l'abondance qui régnaient là, le porteur rentra chez lui
sans avoir remis le cadeau.
«Pourquoi ?», se disait-il. «Cet homme n'est pas un mendiant. Il ne semble pas
avoir de problèmes qui méritent compassion et charité. Certainement, mon père s'est
trompé.»
De retour, il a expliqué à son vieux père, en particulier, ce qu'il avait vu, lui
restituant la somme dont il avait été l'émissaire.
L'ancien, cependant, après l'avoir écouté calmement, a retiré plus d'argent de sa
bourse, a doublé le montant et a considéré :
- Tu as bien fait, en revenant jusqu'ici. J'ignorais que notre ami avait de plus
grands engagements. Retourne à son domicile et, au lieu de trois cents, donne-lui six
cents cruzeiros, mensuellement, en mon nom, à partir de maintenant. Sa nouvelle situa-
tion demande deux fois plus de ressources.
- Mais, mon père - a souligné le jeune -, il ne s'agit pas d'une personne dans une
position misérable. De ce que je suppose, sa maison a autant de confort que la nôtre.
- Je suis très content de cette nouvelle - s'est exclamé le vieil homme.
Et, imprimant une tendre censure à sa voix conseillère, il a ajouté :
- Mon fils, s'il n'est pas légitime de donner des médicaments aux personnes en
bonne santé et l'aumône à ceux qui n'en ont pas besoin, une telle règle ne s'applique pas
aux compagnons que Dieu nous a confiés. Qui aide l'ami seulement dans les jours de

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malheur extrême peut exercer la pitié qui l'humilie au lieu de l'amour qui le sanctifie. Qui
attend le jour de la souffrance pour apporter son soutien, bien souvent, ne trouvera rien
d'autre que le silence et la mort, perdant ainsi la meilleure occasion d'être utile. Nous ne
devons pas exiger que le compagnon de route devienne un mendiant, pour lui paraître
supérieur en toutes circonstances. Une telle attitude de notre part représenterait de la
cruauté et de la dureté. Tendons-lui la main et faisons-le monter jusqu'à nous afin que
notre concours ne soit pas de l'orgueil vain. Toutes les personnes dans le monde peuvent
consoler la misère et partager les afflictions, mais rares sont celles qui apprennent à
accentuer la joie des êtres aimés, en la multipliant pour eux, sans égoïsme et sans envie
dans le cœur. Le véritable ami, cependant, sait comment faire cela. Retourne donc, et suis
mon conseil afin que notre affection constitue une semence d'amour pour l'éternité. Je n'ai
jamais souhaité placer des personnes dans le besoin autour de notre porte, mais plutôt me
faire des compagnons pour toujours.
C'est alors que le jeune homme, enveloppé de la sagesse de son père, a accompli
ce qui lui avait été demandé, comprenant la leçon sublime de l'amitié véritable.

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L'enseignement vivant
En observant n'importe quel bâtiment ou service, Maria Carmen ne manquait
aucune occasion de critiquer.
Devant le vêtement d'une amie, elle s'exclamait sans cérémonie :
- L'ensemble est tolérable, mais les détails laissent beaucoup à désirer. Le col a
été extrêmement mal monté et les manches sont défectueuses.
Devant n'importe quel meuble, elle concluait les remarques ironiques par la
phrase :
- Ne pouvaient-ils pas faire quelque chose de mieux ?
Et, devant toute œuvre d'art, elle trouvait des traits et des angles à condamner.
Sa gentille mère préoccupée, étudiait les moyens pour lui donner un enseignement
profitable.
C'est ainsi qu'un matin, elle a invité sa fille à visiter, en sa compagnie, la
construction d'un immeuble aux grandes lignes. La jeune femme, qui ne pouvait deviner
son plan, l'a suivie avec surprise.
Elles ont parcouru quelques rues et se sont arrêtées devant le gratte-ciel en
construction.
La dame a demandé la collaboration de l'ingénieur en chef et elle a commencé à
montrer à sa fille les différents secteurs. Alors que de nombreux ouvriers creusaient des
ouvertures pour les fondations dans le sol dur, manœuvrant des pioches, des véhicules
lourds transportaient la terre d'ici à là, rapidement et en toute sécurité. Les maçons,
trempés de sueur et agiles, commençaient à construire des murs, sous l'attentive
surveillance de techniciens qui guidaient les travaux. Des camions et des chariots
amenaient du matériel de plus loin. Les porteurs couraient pour exécuter leur tâche.
Le directeur des travaux, invité par la dame à commenter la construction, a
expliqué aimablement :
- Nous sommes obligés d'investir un important capital pour compenser les
dépenses. Nous demanderons également la collaboration de centaines de travailleurs
spécialisés. Des charpentiers, des plâtriers, des vitriers, des peintres, des plombiers et des
électriciens accompliront le travail pour nous. Toute construction exige un grand nombre
de travailleurs dévoués.
La jeune, impressionnée, a réagi :
- Tant de personnes pour penser, collaborer et exécuter !...
- Oui - a confirmé le chef, souriant expressivement -construire est toujours très
difficile.

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Peu de temps après, la mère et la fille se sont poliment retirées, pour se diriger
ensuite vers le vieux quartier.
Elles sont passées par quelques rues transversales et des places moins agréables et
sont arrivées devant une vieille maison en démolition. On y voyait les nobles lignes, dans
le style colonial, dans les pans de mur qui étaient encore debout. Seul, un homme était là,
utilisant un marteau de taille gigantesque pour abattre les murs et la charpente. Devant les
murs qui s'effondraient avec fracas de minute en minute, la jeune femme a observé :
- Comme c'est terrible de ruiner les efforts de tant de gens, de cette façon !
La mère, sereine, est intervenue alors, et a parlé de façon à guider son
raisonnement :
- Nous sommes arrivées, ma fille, à la fin de l'enseignement vivant que nous
recherchons. Toute réalisation utile sur la Terre exige la patience et la sueur, le travail et
le sacrifice de nombreuses personnes. Construire est très difficile. Mais détruire et
éliminer est toujours très facile. Il suffit d'une personne avec un marteau à portée de sa
main pour nuire au travail de milliers d'autres. La critique destructrice est un marteau que
nous utilisons criminellement face aux efforts respectables des autres. Comprends-tu ?
La jeune a fait un signe affirmatif de la tête et, à partir de là, elle a cherché à aider
tout le monde au lieu de salir, de décourager et de blesser.

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L'éloge de l'abeille
Une grande mouche bleu-vert, pleine d'orgueil, avec des ailes dorées par le soleil,
est entrée dans une pièce et a trouvé une humble abeille portant une petite provision de
récolte pour faire du miel.
La mouche arrogante s'est approchée et a dit, vaniteuse :
- Partout où tu apparais, tout le monde s'enfuit. Ne te sens-tu pas indésirable ?
Ton aiguillon est terrible.
- Oui - a dit l'abeille déconcertée - soyez assurée que je souffre beaucoup quand je
suis obligée d'intervenir. Ma défense est, presque toujours, aussi ma mort.
- Mais ne peux-tu pas vivre avec plus de distinction et de délicatesse ? - a repris la
mouche. - Pourquoi aiguillonner les gens à tort et à travers ?
- Non, mon amie - a précisé l'interlocutrice -, ce n'est pas tout à fait cela. Je ne
prends aucun plaisir à déranger. Je vis seulement pour le travail que Dieu m'a confié, qui
représente un intérêt général. Et quand quelqu'un m'empêche d'accomplir mon devoir, je
m'inquiète et je souffre, perdant parfois ma propre vie.
- Cependant, je crois que si tu avais des manières différentes... Si tu polissais tes
ailes pour qu'elles brillent au soleil, si tu t'habillais avec des couleurs comme les miennes,
peut-être, n'inquiéterais-tu personne. Et personne ne craindrait ta présence.
- Ah ! Je ne peux pas consacrer beaucoup de temps à me préparer de la sorte - a
déclaré la scrupuleuse abeille. - Le travail ne me permet pas de présenter des signes
extérieurs d'élégance en toutes occasions. La production de miel, indispensable à la
subsistance de notre ruche, et nécessaire à beaucoup de personnes, ne m'offre pas la
possibilité de prendre un soin excessif de moi-même.
- Regarde ! - lui a dit la mouche méprisante - tes pattes sont en piteux état...
-Je suis au travail - a expliqué l'ouvrière, humblement.
- Non ! Non ! - a protesté l'autre. - C'est immonde et c'est du relâchement.
Et, nettoyant soigneusement ses ailes, la mouche s'est reculée et s'est apaisée,
comme si elle était en position d'observation.
À ce moment-là, deux dames et un enfant sont entrés dans la pièce et, remarquant
la présence de l'abeille qui cherchait à sortir à la rencontre de ses compagnes qui s'étaient
éloignées, l'une des femmes a crié, nerveuse :
- Attention ! Attention à l'abeille ! Elle pique sans pitié ! ...
La petite travailleuse ailée s'est dirigée vers le champ, et la superbe mouche a
commencé à se montrer, volant, insouciante.
- Quelle merveille ! - s'est exclamée l'une des dames.
- Elle ressemble à un bijou ! - a dit une autre.

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La mouche paresseuse a plané... Plané... Et, elle s'est dirigée vers l'arrière-cuisine,
elle a pénétré dans le garde-manger, déposant des larves sur la pâte des gâteaux et sur
divers plats préparés pour le lendemain. Elle a suivi l'enfant, imperceptiblement, et s'est
posée sur sa tête, infectant une zone qui était légèrement blessée.
Quelques heures plus tard, il y eut de nombreux soucis pour toute la famille. La
belle mouche bleu-vert avait laissé des saletés et la maladie, partout où elle était passée.
Combien de fois cela se produit-il dans la vie ?
Il existe des créatures simples, travailleuses et loyales, d'apparence moins
agréable à première vue qui, comme l'abeille, souffrent de sarcasmes et de déceptions
pour bien remplir le devoir qui leur incombe, en faveur de tous ; et il y a beaucoup de
gens avec une apparence séduisante, comme la mouche, qui, après avoir attiré notre
attention par la beauté de la forme, ne nous laisse que les larves de la calomnie, de
l'intrigue, de la méchanceté, de la révolte et du désespoir dans la pensée.

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Le mouton révolté
Un mouton très intelligent mais indiscipliné s'est rendu compte des bienfaits que
la laine répandait partout et, dès lors, il a considéré qu'il était meilleur que les autres êtres
de la Création, et il a commencé à se révolter contre la tonte.
Si je suis si précieux - a-t-il pensé - pourquoi accepter l'humiliation de ces
énormes ciseaux ? Il souffrait alors, de temps en temps, d'un froid intense et, indifférent
aux riches rations qu'il recevait dans le bercail, il ne se penchait que sur l'évaluation des
préjudices qu'il supposait subir.
Très amer, il s'est adressé au Créateur, en s'exclamant :
- Mon père, je ne suis pas satisfait de mon pelage. La tonte est un tourment...
Change-moi, Seigneur !...
Le Tout-Puissant a demandé avec bonté :
- Que veux-tu que Je fasse ? Vaniteux, le mouton a répondu :
- Je veux que ma laine soit toute d'or.
La demande a été satisfaite. Cependant, une fois que l'orgueilleux mouton s'est
montré avec sa précieuse fourrure, plusieurs personnes ambitieuses l'ont attaqué sans
pitié. Elles lui ont violemment arraché toute la toison, le réduisant en charpie.
Le malheureux en se plaignant, a couru vers le Très-Haut et a supplié :
- Mon père, change-moi encore ! Je ne peux pas exhiber de la laine dorée... Je
trouverais toujours des voleurs sans compassion.
Le Sage des Sages a demandé :
- Que veux-tu que Je fasse ?
L'animal, touché par la folie de la grandeur, a supplié :
- Je veux que ma laine soit faite en porcelaine exquise.
Ainsi fut-il fait. Cependant, dès son retour dans la vallée, un énorme coup de vent
est apparu dans le ciel, qui a brisé tous ses brins de laines, lacérant sa chair.
Il est revenu, affligé, auprès du Tout-Miséricordieux et s'est plaint :
- Père, rénove-moi !... La porcelaine ne résiste pas au vent... Je suis épuisé ...
Le Seigneur lui dit :
- Que veux-tu que Je fasse ?
- Pour ne pas provoquer les voleurs ni me blesser avec de la porcelaine brisée, je
veux que ma laine soit faite de miel.
Le Créateur a satisfait à la demande. Cependant, dès que le pauvre s'est trouvé
dans la bergerie, des volées de mouches dégoûtantes l'ont recouvert complètement et,

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pour autant qu'il ait couru à travers tout le champ, il ne les a pas empêchées de sucer tous
les brins de laine sucrés.
Le misérable est retourné auprès du Très-Haut et a imploré :
- Père, change-moi... Les mouches m'ont laissé en sang ! Le Seigneur a demandé,
encore une fois, avec une inépuisable patience :
- Que veux-tu que Je fasse ?
Cette fois, le mouton a réfléchi plus longtemps et a considéré :
- Je suppose que je serais plus heureux si ma laine était semblable aux feuilles de
laitue.
Le Tout-Bienveillant a répondu une fois de plus à sa volonté, et le mouton est
retourné dans la plaine, avec la joie capricieuse

de paraître différent. Cependant, quand quelques chevaux ont posé les yeux sur
lui, il n'a pas eu plus de chance. Les équidés l'ont attrapé avec leurs dents et, après avoir
mangé sa laine, ils ont rongé son corps.
Le mouton a couru vers le Juge suprême, dégoulinant du sang des blessures
profondes, et, en larmes, il a gémi, humblement :
- Mon père, je ne peux en supporter davantage !...
Alors qu'il sanglotait longuement, le Tout-Compatissant, voyant qu'il se repentait
sincèrement, a observé :
- Reprends-toi, mon fils ! Que demandes-tu maintenant ? Le malheureux a
répondu en pleurs :
- Père, je veux redevenir un mouton commun, comme je l'ai toujours été. Je ne
prétends pas à la supériorité sur
mes frères. Aujourd'hui, je sais que mes tondeurs de l'autre temps sont mes vrais
amis. Ils ne m'ont jamais blessé et ils m'ont toujours donné à manger et à boire, avec
affection... Je veux être simple et utile, tel que vous m'avez fait, Seigneur !...
Le Père a souri gentiment, l'a béni avec tendresse et a dit : - Retourne et poursuis
ton chemin en paix. Tu as compris, enfin, que mes desseins sont justes. Chaque créature
est placée, par ma loi, au lieu qui lui convient et, si tu prétends recevoir, apprends à
donner.
Alors le mouton, honteux, mais satisfait, est retourné dans la vallée, s'est mêlé aux
autres et, dès lors, il a été très heureux.

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Le pire ennemi
Un homme, admirable par ses qualités de travail et par ses belles vertus de
caractère, a été repéré par les ennemis de l'Humanité que nous connaissons tels que
l'Ignorance, la Calomnie, la Méchanceté, la Discorde, la Vanité, la Paresse et le
Découragement, qui ont comploté pour agir contre lui, et le mener à la défaite.
L'honorable travailleur vivait heureux avec ses proches et ses compagnons,
cultivant le champ et rendant grâce au Seigneur suprême pour les joies dont il jouissait,
dans le plaisir d'être utile.
L'Ignorance a commencé à tramer la persécution, le présentant au peuple comme
un mauvais pratiquant des obligations religieuses. Disant qu'il s'isolait dans le travail de
la terre, rempli d'ambitions démesurées pour s'enrichir au prix de la sueur d'autrui. Disant
qu'il n'avait pas la foi et ne respectait pas les bonnes mœurs.
L'agriculteur actif a appris les dires de l'adversaire qui opérait de loin, a souri
calmement et a dit avec sincérité :
- L'Ignorance est excusée.
A surgi ensuite, la Calomnie qui l'a dénoncé aux autorités pour espionnage
d'intérêts étrangers. Cet homme vivait presque seul, pour mieux communiquer avec une
vaste bande de voleurs. Le service de police a procédé à une enquête approfondie et, à
l'issue de l'enquête vexatoire, la victime a déclaré sans haine :
- La Calomnie s'est trompée.
Et il a travaillé avec encore plus de moralité.
Peu de temps après, la Méchanceté est venue, qui l'a attaqué de plus près. Elle a
commencé l'offensive en mettant le feu au champ. Elle lui a détruit d'immenses champs
de maïs, a endommagé le vignoble, a pollué ses sources. Cependant, le travailleur
infatigable, en reconstruisant pour l'avenir, a répondu, serein :
- Contre les ombres du mal, j'ai la lumière du bien.
Les persécuteurs reconnaissant qu'ils avaient trouvé un Esprit solide dans sa foi,
ont informé la Discorde, qui a commencé à le harceler à l'intérieur de sa propre maison.
Les provocations l'entouraient de tous côtés et, bientôt, frères et amis de la veille l'ont
laissé dans l'abandon.
Le serviteur diligent a beaucoup souffert cette fois, mais il a levé les yeux au Ciel
et il a dit :
- Mon Dieu et mon Seigneur, je suis seul, cependant je continuerai à agir et à
servir en votre nom. La Discorde sera, par moi, oubliée.

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Est apparue alors, la Vanité qui s'est plongée dans ses plus intimes pensées, en
disant :
- Tu es un grand héros ! ... Tu as vaincu des afflictions et gagné des batailles ! Tu
seras montré à la foule, dans l'auréole des justes et des saints !...
Le travailleur sincère l'a repoussée, imperturbable :
- Je suis seulement un atome qui respire. Toute gloire appartient à Dieu !
La Vanité déçue, s'est éclipsée, la Paresse est entrée et, caressant son front avec
des mains perfides, lui a assuré :
- Tes sacrifices sont excessifs ... Allons nous reposer ! Tu as déjà perdu tes
meilleures forces !...
Vigilant cependant, l'interpellé a répondu sans hésiter :
- Mon devoir est de servir au bénéfice de tous jusqu'à la fin de la lutte.
La Paresse vaincue s'est éloignée, et le Découragement s'est présenté. Il n'a
attaqué ni de loin ni de près. Il ne s'est pas assis dans le fauteuil pour parler ou murmurer
à ses oreilles. Il est entré dans le cœur du fermier travailleur et, après s'y être installé, à
l'intérieur, a commencé à lui demander :
- Faire des efforts, pourquoi ? Pourquoi servir ? Ne vois-tu pas que le monde est
plein de collaborateurs plus compétents ? Quelle raison justifie une telle lutte ? Qui t'a
demandé de naître dans ce corps ? N'était-ce pas la volonté de Dieu, lui-même ? N'est-il
pas préférable de tout laisser à Dieu ? Qu'attends-tu ? Sais-tu, par hasard, le but de la
vie ? Tout est inutile... Tu ne te souviens pas que la mort détruira tout ?
L'homme fort et courageux, qui avait triomphé de nombreux combats, a
commencé à écouter les questionnements du Découragement, il s'est couché et a passé
cent ans sans se lever...

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La sage décision
En des temps reculés, il y avait un roi puissant et bon, qui s'était fait remarquer
par sa sagesse.
Invité solennellement, à vérifier l'invention d'un sujet, dont la tête était un prodige
de mathématiques, il s'est rendu, en tenue d'apparat, à la fête où le nouveau dispositif
serait présenté.
Le fier mathématicien a montré l'ouvrage qu'il avait créé patiemment. Il s'agissait
d'un large plateau doublé de velours noir, entouré de petites cavités, maintenant
régulièrement une collection de boules en bois colorées. Poussées par de longs bâtons en
ivoire, ces balles roulaient vers les cavités naturelles, donnant lieu à un jeu de grand
intérêt par l'attente qu'il provoquait.
La fête a revêtu un éclat incomparable.
Divers concurrents ont disputé des matchs importants.
Toute la journée, la grande masse populaire a entouré l'invention, mangeant et
buvant.
Le monarque lui-même a participé à la joie générale, montrant des signes de
satisfaction évidente. Il s'est servi au déjeuner, autour de grands plats de viande, du pain
et des fruits, en compagnie de ses amis, et applaudissait heureux, quand tel ou tel
participant du nouveau et innocent jeu obtenait une position enviable devant ses
coéquipiers.
En fin d'après-midi, lorsque la curiosité générale était passée, l'inventeur a attendu
l'avis du souverain avec une fierté inexprimable. Le peuple s'est également rassemblé afin
de l'écouter.
Le public ne se lassait pas d'admirer le jeu effectué au moyen de calculs
divertissants.
Avant de dire au revoir, le roi s'est levé, à la vue de tous et a dit à l'intelligent
vassal :
- Mathématicien génial : l'autorité de ma couronne détermine que votre travail de
raisonnement soit récompensé par une centaine de pièces d'or que les coffres royaux
porteront à votre crédit, aujourd'hui même, en l'honneur de votre patience et de votre
habileté. Cette rémunération, cependant, vise non seulement votre valeur personnelle,
mais aussi certains avantages que votre machine apporte à de nombreux hommes et
femmes de mon royaume, moins attachés aux vertus constructives que nous devons tous
respecter dans ce monde. Pendant qu'ils joueront avec vos boules en bois, il est possible

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que beaucoup d'individus, dont les instincts criminels sont encore endormis, s'écartent du
crime probable et que de nombreux chasseurs oisifs laissent en paix les animaux amis de
nos forêts.
Le monarque a fait une longue pause et la multitude a éclaté en applaudissements
délirants.
On pouvait voir l'inventeur couvert d'embrassades, lorsque le souverain a repris :
- Je dois ajouter cependant, que la sagesse de mon sceptre ordonne que vous
soyez puni de cinquante jours d'emprisonnement ferme, afin que vous appreniez à utiliser
votre capacité intellectuelle au bénéfice de tous. L'intelligence humaine est une lumière
dont la clarté doit être consacrée à la coopération avec le Seigneur Suprême, sur la Terre.
Votre invention n'améliore pas le champ et ne crée pas de travail sérieux ; elle n'aide pas
les semences ni ne soutient les animaux ; elle ne protège pas les sources ni ne conserve
les routes ; elle ne collabore pas à l'éducation ni ne sert les idéaux du bien. De plus, cela
entraîne des centaines de personnes, comme cela s'est produit ce jour, avec nous, à perdre
un temps précieux dans une attente inutile. Reprenez vos tâches mentales bénies, même
en prison, et consacrez votre intelligence à la création de services et d'utilités au profit de
tous, car si mon pouvoir vous récompense, mon expérience vous corrige.
Lorsque le roi a conclu et est descendu de la tribune, l'inventeur était très pâle, le
peuple n'a pas applaudi ; cependant, tous les gens ont appris, dans la sage décision du
grand souverain, que personne ne doit sous-estimer les trésors de l'intelligence et du
temps sur la Terre.

47
24
L'apprenti déçu
Un jeune garçon qui désirait ardemment résider dans le Ciel, alors qu'il était dans un
champ avec un âne, par une belle matinée, reçu la visite d'un ange.
Il reconnut rapidement un émissaire du Ciel, par son aimable sourire et son vêtement
brillant.
Fou de joie, le garçon s'est écrié :
- Messager de Jésus, je veux le paradis ! Que faire pour y arriver ? !
L'Ange a répondu avec gentillesse :
- Le premier chemin vers le Ciel est l'obéissance, et le second est le travail.
Le petit, qui ne semblait pas très zélé, est resté pensif. L'envoyé de Dieu a ensuite
dit :
- Je viens dans ce champ afin d'aider la nature qui nous donne tant.
Il a fixé son regard plus doucement sur l'enfant et a demandé :
- Veux-tu m'aider à nettoyer le sol en transportant ces pierres dans le fossé voisin?
Le petit a répondu : -Je ne peux pas.
Cependant, quand l'émissaire céleste s'est adressé à l'âne, l'animal s'est empressé de
transporter les cailloux, patiemment, laissant la terre libérée et belle.
Ensuite, l'ange a commencé à donner des ordres de service, à voix haute, mais le
garçon a refusé de contribuer, tandis que l'âne obéissait.
Au moment de déplacer la charrue, le jeune garçon s'est répandu en vilaines paroles,
fuyant la collaboration. Le mulet discipliné, cependant, a aidé autant qu'il pouvait, en silence.
Au moment de la préparation de la semence, le même tableau s'est reproduit : le petit
se reposait et l'âne travaillait.
Pour toutes les préparations initiales de la plantation, le pesant animal agissait avec
précaution, collaborant efficacement avec le fermier céleste ; cependant, le jeune, plein de
santé et de légèreté, restait à bouder dans un coin, gémissant sans savoir pourquoi et accusant
sans savoir qui.
À la fin de la journée, le champ était magnifique.
Des parterres bien dessinés apparaissaient au centre, contournés de ruisseaux d'eau
bienfaisante.
Les arbres, autour, semblaient fiers de les protéger. Le vent était si doux qu'il
ressemblait à un souffle divin chantant dans les clochettes des broussailles.
La lune est apparue, diffusant une intense lumière.
L'ange a enlacé l'obéissant animal, le remerciant pour sa contribution. Le jeune,
voyant que le messager se préparait à repartir, a crié inquiet :
- Cher ange, je veux te suivre, je veux aller au Ciel !

48
... L'émissaire divin a cependant répondu :
Le paradis n'a pas été fait pour les paresseux. Si tu souhaites le trouver, apprends
d'abord à obéir comme l'âne qui a su recevoir la bénédiction de la discipline et la valeur de
l'éducation.
Et, l'ayant ainsi éclairé, il est monté vers les étoiles, laissant le garçon déçu, mais
disposé à changer de vie.

25
La fausse mendiante
Zézélia mendiait depuis de nombreuses années.
Elle n'était pas si malade qu'elle ne puisse travailler pour produire quelque chose
d'utile, mais elle n'avait pas le courage de faire face à quelque discipline de service que ce
soit.
- L'aumône pour l'amour de Dieu ! - réclamait-elle toute la journée, s'adressant
aux passants, assise à la porte d'un immonde abri.
De temps en temps, des personnes amicales, après lui avoir donné une pièce, lui
conseillaient :
- Zézélia, ne pourrais-tu pas semer du maïs ? -Je ne peux pas... - répondait-elle
aussitôt.
- Zézélia, qui sait, tu pourrais peut-être décortiquer quelques kilos de café ?
- Qui suis-je, mon fils ? Je n'ai pas de force...
- Ne souhaiterais-tu pas laver des vêtements et gagner un peu d'argent ? -
demandaient de gentilles dames.
- Pas même en pensée. Je ne peux pas le supporter...
- Zézélia, allons vendre des fleurs ! - invitaient certaines jeunes qui
compatissaient.
- Je ne peux pas marcher, mes filles ! ... - s'exclamait-elle, en soupirant.
- Et la broderie, Zézélia ? - interrogeait la voisine serviable. - Tu as les mains
libres. L'aiguille est une bonne compagne. Qui sait, tu pourrais nous aider ? Tu recevras
une rémunération compensatrice.
- Je n'ai pas les doigts sûrs - informait-elle, obstinée - et je n'ai pas suffisamment
d'énergie ... je ne peux pas, madame...
Et ainsi, Zézélia vivait prostrée, sans courage, sans joie.
Elle disait qu'elle ressentait des douleurs dans tout son corps. Elle faisait état de
toux, de vertiges et de rhume avec de longues tirades que de rares personnes avaient le
temps d'entendre. Outre les lamentations continues, elle affirmait qu'elle ne buvait pas de
café par manque de sucre, qu'elle ne déjeunait pas parce qu'elle n'avait pas de nourriture.
Zézélia a tellement demandé, pleuré et s'est tant plainte qu'un matin, elle a été
retrouvée morte, et une œuvre de bienfaisance publique a enterré son corps avec
beaucoup de pitié.
Tous les voisins et les connaissances pensaient que l'âme de Zézélia était allée
directement au Ciel ; cependant, il n'en a pas été ainsi.
Elle s'est réveillée au milieu d'un champ très sombre et très froid.

49
Elle s'est retrouvée seule et a crié, affligée, en demandant le secours de Dieu.
Après un long moment, un ange est apparu et lui a dit, bienveillant :
- Zézélia, que veux-tu ?
- Ah ! - a-t-elle observé, vaniteuse - je suis déjà connue dans la Maison céleste ?
- Il y a longtemps - a informé l'émissaire, compatissant. La vieille femme s'est
mise à pleurer et a supplié :
- J'ai beaucoup souffert !... Je veux la protection d'en Haut ! ...
- Mais, écoute - a expliqué le messager - l'aide divine est pour ceux qui travaillent.
Qui ne plante pas, n'a rien à récolter. Tu n'as pas creusé la terre, tu n'as pas pris soin des
plantes, tu n'as pas aidé les animaux, tu n'as pas filé le coton, tu n'as pas tissé les fils, tu
n'as pas cousu le tissu, tu n'as pas aidé d'enfants, tu n'as pas fait de pain, tu n'as pas lavé
de vêtements, tu n'as pas balayé la maison, tu ne t'es pas souciée des fleurs, tu ne t'es
même pas souciée de ta santé ni de ton corps... Comment prétends-tu recevoir les
bénédictions du Ciel ?
La malheureuse a alors observé :
- Je ne pouvais rien faire... j'étais une mendiante... L'Ange, cependant, a répondu :
- Non, Zézélia, tu n'étais pas une mendiante ! Tu étais simplement paresseuse.
Quand tu auras appris à travailler, appelle-nous et tu recevras le secours céleste.
L'horizon de lumière s'est éteint pour ses yeux et, dans l'obscurité, Zézélia est
revenue sur la Terre afin de se rénover.

50
26
Le cri de colère
- Te souviens-tu du moment où tu as crié haut et fort, avant le déjeuner ?
Pour une insignifiante question vestimentaire, tu as prononcé des mots grossiers à
voix haute, manquant de respect à la paix familiale.
Ah ! mon fils, combien de maux ont été attirés par ton geste de colère !...
Ta maman, très affligée, a couru à l'intérieur, attirant l'attention de toute la
maisonnée. Son mal de tête est revenu et son cœur s'est remis à battre irrégulièrement.
Tes deux sœurs, qui s'occupaient du repas, se sont précipitées dans la chambre afin de
la secourir, et les deux tiers du déjeuner ont été perdus.
En raison des circonstances provoquées par ton irréflexion, ton papa, bouleversé, a
été obligé d'attendre plus longtemps à la maison, et est arrivé au travail très en retard.
Son chef n'était pas disposé à tolérer sa faute et l'a reçu avec une dure réprimande.
Quiconque l'aurait vu, droit et digne, souffrant cette peine à cause de ton
inconscience, ressentirait de la compassion, car tu n'es qu'un jeune homme qui a besoin de
discipline, et lui, est un homme de bien, âgé et correct, qui a déjà surmonté de nombreuses
tempêtes pour soutenir sa famille et la défendre. Humilié, il a subi les conséquences de ton
geste impulsif, pendant plusieurs jours, il a été observé dans l'atelier comme s'il était un petit
garçon fainéant et irréfléchi.
Les résultats de tes cris ont été, cependant, encore plus étendus.
L'état de ta maman a empiré et le médecin a été appelé. Des médicaments onéreux,
apportés à la hâte, ont provoqué une augmentation vertigineuse des dépenses et ton papa n'a
pas réussi à payer toutes les factures de nourriture, de pharmacie et le loyer.
Pendant six mois, toute la famille a lutté et s'est soutenue pour rétablir l'harmonie
brisée, désastreusement, par ta colère enfantine.
Cent quatre-vingts jours de soucis et de travaux ardus, de sacrifices et de larmes !
Tout cela parce que, incapable de comprendre la coopération d'autrui, tu as commencé à
crier, inconsciemment, en refusant les vêtements que tu n'aimais pas.
Pense à la leçon, mon fils, et ne répète pas l'expérience.
Nous sommes tous unis, réciproquement, par des liens qui procèdent de desseins
divins. Personne ne se retrouve par hasard. Des forces supérieures nous poussent les uns vers
les autres, afin que nous apprenions la science du bonheur, dans l'amour et le respect mutuels.
Le coup de hache fait tomber l'arbre pour de bon.
La tempête détruit un nid en un instant.
L'action irréfléchie d'un homme, cependant, est bien pire.
Le cri de colère est un rayon mortifère qui pénètre le cercle de personnes dans lequel
il a été prononcé et là, il s'attarde, indéfiniment, provoquant des maladies, des difficultés et
des chagrins.

51
Pourquoi ne pas apprendre à parler et à se taire pour le bien de tous ?
Aide au lieu de réclamer.
La colère est une force infernale qui nous éloigne de la paix divine.
La guerre elle-même, qui extermine des millions de créatures, n'est que la colère
venimeuse de certains hommes, qui se propage, pour longtemps, menaçant le monde entier.

27
La lettre paternelle
Mon fils, tu n'as pas eu raison de te mettre en colère.
J'ai parfaitement vu quand le vieil homme s'est approché pour te servir.
Il avait un cœur aimant et attentionné que tu n'as pas su comprendre.
Tu as donné un ordre que le pauvre n'a pas entendu aussi bien que tu le voulais.
Tu as répété et, parce qu'il t'a de nouveau demandé quelque chose, tu as prononcé de
vilaines paroles qui l'ont blessé dans ses fibres les plus intimes.
Comme tu as été injuste !...
Lorsque tu es né, le vieux serviteur avait déjà vaincu de nombreux hivers et servi
de nombreuses personnes.
Ses oreilles se sont affaiblies par les exigences impérieuses d'autrui.
N'as-tu jamais réfléchi au brouillard qui embue ses yeux ? Il l'a contracté en
travaillant la nuit, pendant que tu dormais, insouciant.
Sais-tu pourquoi il a les jambes tremblantes ? Il a parcouru de nombreux
kilomètres à pied, pour résoudre les problèmes des autres.
Tu t'irrites quand il lui faut du temps pour réagir à ta demande. Cependant, tu
exiges la voiture pour un trajet de deux kilomètres.
En de nombreuses occasions, tu te plains de lui. Il est laxiste à tes yeux, ses mains
sont négligées et ses vêtements ne sont pas très propres. Cependant, tu n'as jamais
imaginé que le serviteur effacé n'a jamais eu des opportunités identiques à celles que tu as
eues. De plus, tu ne lui offres pas l'enseignement amical ni le temps pour qu'il puisse
penser à ses propres besoins spirituels.
Tu réclames de longues journées pour examiner de petites questions concernant
ton bien-être ; cependant, tu ne lui consacres pas même une heure par semaine, pour
l'aider à réfléchir...
Tu réponds, ennuyé, quand le vieil homme te demande quelques pièces, mais tu
n'hésites pas à dépenser de petites fortunes avec des amis oisifs, dans des soirées joyeuses
dans lesquelles tu te plonges avec un contentement fantaisiste.
Tu l'interroges, ingrat : qu'as-tu fait avec l'argent que je t'ai donné ?
Tu oublies que le serviteur au front ridé n'a pas eu le temps ni les moyens pour
étudier avec précision, les méthodes pour gagner plus que le nécessaire et n'a pas eu la
possibilité de faire montre d'un raisonnement aussi raffiné que celui qui caractérise le
tien.
Ah ! mon fils, quand l'impatience rend visite à ton Esprit, souviens-toi que le
monstre de la colère indésirable frappe à la porte de ton cœur. Et lorsque tu te rends à lui,

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imprévoyant, tes conquêtes les plus élevées tremblent sur leurs fondations. J'en arrive à
ne pas te reconnaître, car la fureur des éléments intérieurs change ta personnalité à mes
yeux et je ne sais pas si tu es un enfant ou un démon ! ...
Si tu ne peux pas contenir encore les mouvements impulsifs des sentiments
perturbateurs, arrivé au moment du témoignage, tais-toi et attends.
La colère ne construit rien et ne rétablit rien... Elle sème seulement la méfiance et
la peur autour de toi.
Ne menace pas avec la voix ni ne t'insurge contre personne.
Il est probable que tu nourrisses quelques rancœurs contre moi, ton père, parce
que je suis encore humain, moi aussi. Cependant, mon fils, au-dessus de nous deux,
demeure le Père suprême. De plus, qu'en serait-il de toi et de moi si Dieu, un jour, se
mettait en colère contre nous ?

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28
La prédication fondamentale
Un apprenti de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ était enthousiasmé par les
enseignements de l'Évangile et avait décidé de les diffuser tant qu'il vivrait. Il avait lu
attentivement les leçons du Maître et avait commencé à les commenter partout, passant
des jours et des nuits à cette tâche.
Cependant, le moment est venu où il a dû payer ses propres dépenses et il a été
obligé de travailler.
Il a été employé sous les ordres d'un conseiller qui ne lui plaisait pas. Ce directeur
de service était très éloigné de la foi et, pour cette raison, les tendances religieuses le
contrariaient. Il contrôlait ses heures avec rigueur et il l'observait avec des notes
acrimonieuses et grossières.
Le prédicateur du Crucifié ne se déplaçait plus avec la même liberté
qu'auparavant. Il était obligé de consacrer de longues journées à des travaux difficiles qui
consumaient toutes ses forces. Il continuait a enseigner la bonne doctrine quand cela lui
était possible; cependant, il ne pouvait plus agir et parler comme il le souhaitait ou quand
il le voulait. Les minutes étaient comptées, les circonstances favorables étaient réduites,
les semaines réglementées et, se croyant victime des ordres de sa direction, il est allé voir
le directeur du service et lui a donné sa démission.
Le propriétaire qui l'avait engagé a demandé la raison qui l'amenait à une telle
résolution.
Un peu ironique, le jeune a expliqué :
- Je veux être libre pour mieux servir Jésus. Je ne peux donc pas accepter d'être
captif de votre établissement.
En ce jour de repos complet, il se sentait si indépendant et si satisfait qu'il a parlé
avec enthousiasme, de la doctrine chrétienne, jusqu'après minuit, dans plusieurs maisons
religieuses.
Alors qu'il se reposait heureux, au petit matin, il a rêvé que le Maître venait à sa
rencontre. Il a remarqué sa beauté céleste et s'est agenouillé pour embrasser sa tunique
brillante.
Jésus, cependant, montrait une incommensurable tristesse sur son visage
douloureux.
Le disciple s'est inquiété et a demandé :
- Seigneur, pourquoi vous sentez-vous amer ? Le Christ a répondu avec
mélancolie :
- Pourquoi as-tu méprisé, mon fils, la prédication que je t'avais confiée ?

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- Que voulez-vous dire, Seigneur ? - a répliqué le jeune homme. - Aujourd'hui
même, j'ai abandonné un homme tyrannique pour mieux enseigner Votre parole. J'ai parlé
dans plusieurs temples et j'ai commenté la Bonne Nouvelle là où je suis allé.
- Oui - s'est exclamé le Maître - celle-ci est la prédication que tu m'offres et que je
souhaite que tu continues avec ferveur ; cependant, j'ai confié à ton Esprit la prédication
fondamentale de la vérité à un homme qui gère mes intérêts sur la Terre et tu n'as pas su
accomplir cette tâche. Tu l'as traité d'ignorant et de cruel ; néanmoins, tu oublies qu'il
ignore ce que tu sais. Et prétends-tu par hasard, ignorer le fait que le conseiller humain
que je t'ai donné, ne pourrait accéder à mes enseignements, en cet instant, qu'à travers ton
exemple ? Ton humilité constructive, dans l'esprit de service, changerait son cœur... Si tu
lui donnais cinq années consécutives de manifestations évangéliques, il serait prêt à
marcher, par lui-même, vers le Royaume divin ! ... Et lui, qui détermine le temps de deux
cents hommes, deviendrait meilleur, plus humain et plus noble, sans perte d'énergie et
d'efficacité... Tu pourras enseigner le chemin céleste à cent mille oreilles, mais la
prédication par l'exemple, qui convertit un seul cœur au Bien infini, établit plus
rapidement la rédemption du monde ! ...
L'apprenti a voulu demander quelque chose, cependant, le Christ s'est éloigné
dans un tourbillon de brume lumineuse.
Il s'est réveillé, en sursaut, et n'a pas dormi davantage cette nuit-là.
Le matin, il a pris le chemin de l'établissement où il avait travaillé, il est allé voir
le directeur auquel il avait donné sa démission et lui a demandé humblement :
- Monsieur, je vous présente mes excuses pour mon geste irréfléchi et, si c'est
possible, réadmettez-moi dans cette maison ! J'accepterai n'importe quel genre de tâche.
Le chef, surpris, a demandé :
- Qui t'a amené à ce changement ?
- C'est Jésus - a répondu le jeune - nous ne pouvons pas le servir avec indiscipline
ou avec la fierté personnelle.
Le directeur a accepté sans hésitation, s'exclamant :
- Entre ! Nous sommes à ta disposition.
Il a remarqué la bonne volonté et le sincère désir de servir dont l'employé donnait
maintenant un témoignage vivant et a commencé à réfléchir sur la grandeur de la doctrine
qui ainsi guidait les pas d'un homme vers le perfectionnement moral. Et l'apprenti de
l'Évangile qui a repris le travail ordinaire, intensément heureux, a compris enfin, qu'il
pouvait continuer à faire la propagation orale de la foi qu'il souhaitait et la simple
prédication de l'exemple que Jésus attendait de lui.

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29
L'argile désobéissante
C'était un potier qui, arrivé dans la cour de service a remarqué avec joie un petit
bloc d'argile. Il l'a contemplé, ravi, et devant la couleur vive avec laquelle il se présentait,
il a dit :
- Allons-y ! Je vais faire de toi un délicat pot de laboratoire. L'analyste se réjouira
de ton précieux concours.
Immensément surpris, cependant, il a remarqué que l'argile répliquait :
- Oh ! non, je ne veux pas ! Moi, dans un laboratoire, supportant des précipitations
chimiques ? S'il te plaît, ne me touche pas pour une semblable fin !
Le potier, étonné, a réfléchi :
- Je souhaite te façonner par amour, non par haine. Tu souffriras la chaleur du
four pour te rendre belle et utile... Cependant, comme tu refuses ce que je te propose, je te
transformerai en une parfaite amphore destinée au dépôt de parfum.
- Oh ! Jamais ! Jamais ! ... - s'est écrié l'argile - Pas ça, non ! Je serais exposée au
plaisir des inconscients. Je ne suis pas encline à supporter des essences à travers des
pérégrinations sur les meubles de luxe.
Le responsable du service a beaucoup médité sur la désobéissance de la boue
orgueilleuse, mais, comprenant que tout devait être fait pour ne pas trahir la confiance du
Ciel, il a envisagé :
- Bien, je vais te convertir en un plat honorable et robuste. Tu paraîtras à la table
de mon foyer. Tu resteras avec nous et tu seras la compagne de mes enfants.
-Jamais ! - a crié l'argile, indisciplinée. - Ce serait une lourde humiliation...
Transporter du riz cuit et supporter des bouillons gras sur le visage ? Assister sans
défense aux scènes de gloutonnerie dans ta maison ? Non, ne me soumets pas ! ...
Le travailleur dévoué lui a pardonné l'offense et a ajouté :
- Nous allons modifier le programme une fois de plus. Tu seras un vase ami, dans
lequel repose de l'eau claire. Tu aideras les assoiffés qui s'approcheront de toi. Beaucoup
de gens béniront ta coopération. Tu éveilleras le contentement et la gratitude des
créatures !...
- Non, non ! - a protesté l'argile. - Je ne veux pas ! Ce serait me condamner pour
un temps indéfini dans des coins poussiéreux ou dans les salles sombres de personnes
sans classe. S'il te plaît, épargne-moi ! Épargne-moi !
Le soigneux potier a réfléchi, tracassé :

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- Que deviendras-tu quand ils te mèneront au four ? Tu ne seras rien d'autre que
de la matière durcie et informe, sans aucune utilité ou beauté. Sans sacrifice et sans
discipline, personne ne s'élève aux plans de la vie supérieure.
L'argile, cependant, a refusé l'avertissement, en criant :
-Je n'accepte ni sacrifice ni discipline. Avant qu'elle puisse continuer, le chargé de
cuisson est passé, rassemblant l'argile prête, et l'argile désobéissante a également été
emmenée dans le four chauffé au rouge.
Après un certain temps, la boue vaniteuse a été retirée et - oh surprise ! - ce n'était
pas un pot de laboratoire, ni une amphore de parfum, ni un plat pour les repas, ni un vase
pour l'eau, mais un vilain morceau de terre brûlée et morte, sans aucune signification, qui
a été immédiatement jeté dans le marais.
C'est qui arrive à de nombreuses créatures dans le monde. Elles se révoltent contre
la souveraine volonté du Seigneur qui les invite au travail de perfectionnement, mais,
après avoir été conduites par l'expérience au four de la mort, elles se transforment en de
véritables fantômes de désillusion et de souffrance, ayant besoin de beaucoup de temps
pour retourner aux bénédictions de la vie plus noble.

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30
Donne de toi-même
Tu as déclaré ne pas posséder d'argent pour aider.
Crois-tu que quelques billets ou quelques pièces remplacent ton cœur?
As-tu oublié, mon fils, que tu peux sourire aux malades et tendre la main aux
nécessiteux ?
La fleur ne porte pas avec elle une bourse d'or, cependant, elle répand du parfum
dans le firmament.
Le ciel n'exhibe pas de pluies de pièces, mais il remplit le monde de lumière.
Combien paies-tu pour l'air frais qui, en brises amicales, visite ta chambre, le
matin ?
L'oxygène te fait-il payer un impôt ? Combien te coûte la tendresse maternelle ?
Les oiseaux chantent gratuitement.
La source qui t'offre le bain réconfortant n'exige pas de mensualité.
L'arbre t'ouvre ses bras accueillants, remplis de fleurs et de fruits, sans demander
un sou.
La bénédiction divine, chaque soir, conduit ta pensée à un repos béni dans le
sommeil et tu ne le rétribues pas de quelque sorte que ce soit. Habituellement tu rêves,
cueillant des rosés dans un beau jardin, avec des compagnons heureux ; cependant, tu ne
t'es jamais rappelé de remercier les génies spirituels qui t'offrent un repos bienheureux.
L'étoile brille sans paiement.
Le Soleil n'attend pas de salaire.
Pourquoi n'apprends-tu pas de la nature environnante ?
Pourquoi ne te fais-tu pas plus joyeux, plus communicatif, plus doux ?
Tu as un visage sec et assombri parce que tu manques d'argent superflu et tu
réclames des ressources matérielles pour être bon, quand la bonté ne naît pas dans les
coffres-forts.
Sois le frère de ton frère, le compagnon de ton compagnon, l'ami de ton ami.
Dans la science d'aimer, la sagesse de donner resplendit.
Montre un visage serein et optimiste où que tu ailles.
Étends les bras, agrandis ton cœur, communique avec ton prochain, à travers les
fils brillants de l'amitié fidèle.
Qu'importe-t-il si quelqu'un ne comprend pas ton geste d'amour ?
Que serait-il de nous, mon fils, si la main du Seigneur prenait de la distance par
crainte de notre rudesse et de notre méchanceté ?

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Donne de toi-même de tous côtés.
Bien au-dessus de l'argent, que tes mains amicales et fraternelles planent.

31
La légende de l'argent
On raconte qu'au début du monde le Seigneur a eu des difficultés dans le
développement de l'œuvre terrestre, car les hommes se livraient à un repos excessif.
Personne n'était enthousiaste pour travailler.
De la terre meuble s'entassait ici et là. Des minéraux variés se déployaient à l'air
libre. Des eaux stagnantes apparaissaient de tous côtés.
Le Divin Organisateur voulait ériger des maisons et des temples, des écoles et des
abris divers, mais... avec quels bras ?
Les hommes et les femmes de la Terre, invités à la sueur de l'édification par
amour, ont répondu : « pour quoi faire ? » Et ils ont mangé des baies sauvages, ils ont
pourchassés les animaux pour les dévorer et ils ont dormi sous les grands arbres.
Après avoir beaucoup réfléchi, le Céleste Gouverneur a créé l'argent, devinant que
les créatures, en proie à l'ignorance, si elles ne savaient pas agir par amour, agiraient par
ambition.
Et c'est ce qui s'est passé.
Dès que l'argent est apparu, la communauté s'est fragmentée en petits et en grands
groupes, encourageant la production de bénéfices généraux et de valeurs Imaginatives.
Des candidats à toutes sortes de services sont apparus.
Le premier a demandé au Seigneur la permission de fonder une grande poterie.
Un autre a demandé des moyens pour rechercher des minéraux lourds afin de les
transformer en ustensiles. Un travailleur a réclamé des ressources pour tirer profit de
grandes zones d'explorations céréalières. Un autre, encore, a imploré un prêt pour
produire du fil, afin de collaborer à l'amélioration de l'habillement. Des travailleurs de
diverses provenances sont venus et ont sollicité une aide financière destinée à la création
de médicaments.
Le Seigneur a répondu aux attentes de tous, avec joie.
Bientôt, poteries et plantations, métiers à tisser rustiques et officines
rudimentaires ont été improvisés ici et là, développant un vaste progrès pour l'intelligence
et les objets.
Les hommes, à la recherche avide de l'argent afin de devenir plus importants et
plus puissants les uns que les autres, ont travaillé sans relâche, produisant des briques,
des instruments agricoles, des machines, des fils, des huiles, de la nourriture en
abondance, des vêtements, des chaussures et d'innombrables inventions de confort, et
ainsi la terre la moins rentable a été retirée, les pierres ont été mises à profit, et les

59
rivières canalisées convenablement pour l'irrigation ; les fruits ont été gardés dans de
précieuses conserves ; les routes ont été tracées du nord au sud, d'est en ouest, et les eaux
ont reçu les premiers bateaux.
Tout le monde courait après l'argent et se battait pour en posséder.
Alors, le Seigneur voyant que les hommes produisaient des bénéfices et de la
prospérité dans leur désir de possession, a estimé satisfait :
Mes enfants de la Terre n'ont pas pu servir par amour, en raison de l'imperfection
qui, pour le moment, indique leur position ; cependant, l'argent a établi de bénéfiques
compétitions entre eux, au profit de l'œuvre générale. Ils conserveront temporairement les
ressources qui m'appartiennent et, avec le sentiment de propriété, ils improviseront tous
les produits et les matériaux dont le perfectionnement du monde a besoin. Ceci est ma
Loi sur le Prêt, Loi qui restera inscrite dans le Ciel. Je donnerai des moyens à tous ceux
qui me les demanderont, selon les exigences du perfectionnement communautaire ;
cependant, chaque bénéficiaire me présentera les comptes de ce qu'il aura dépensé, car la
Mort les conduira, un par un, en ma présence. Ce décret divin fonctionnera pour chaque
personne, en particulier, jusqu'à ce que mes enfants, individuellement, apprennent à servir
pour l'amour du bonheur général, libérés des entraves que la possession instaure.
Depuis lors, la plupart des créatures se sont mises à travailler par attachement à
l'argent, qui est la propriété exclusive du Seigneur, de l'utilisation duquel chaque homme
et chaque femme Lui rendra compte plus tard.

60
32
La sentence chrétienne
Un juge chrétien, rigoureux dans l'application de la loi humaine, mais fidèle dans
sa
dévotion à l'Évangile, se trouvant au milieu d'une société corrompue et perverse, a
prié, implorant la présence de Jésus.
Il devait prononcer quotidiennement tant de jugements et de condamnations, que
son cœur s'était endurci.
Tourmenté, cependant, entre la confiance qu'il vouait au Divin Maître et les
accusations qu'il se croyait obligé de formuler, il a prié, une nuit, que le Seigneur éclaire
son esprit angoissé.
En effet, il a rêvé que Jésus viendrait le défaire de ses doutes affligeants. Il s'est
agenouillé aux pieds de l'Ami Aimant et a demandé :
- Maître, quelles règles adopter face à un meurtrier ? N'est-il pas logiquement
concerné par les sanctions légales ?
Le Christ a souri légèrement et a répondu :
- Oui, le criminel est condamné à recevoir le remède correctif, car il est malade de
l'âme.
Le juge a trouvé la réponse étrange ; cependant, il a continué de s'enquérir :
- Comment agir devant le rude délinquant, Seigneur ?
- Il est condamné à s'appuyer sur notre aide, à travers l'éducation par l'amour
patient et constructif - a expliqué Jésus, généreux et calme.
- Maître, et quelle correction appliquer au paresseux ?
- Il est condamné à manipuler la houe ou la pioche, gagnant son pain à la sueur
de son front.
- Que vais-je faire de la femme perverse ? - a interrogé le juriste surpris.
- Elle est condamnée à bénéficier de notre soutien fraternel, afin qu'elle se
redresse par l'élévation du travail et à la dignité humaine.
- Seigneur, comment juger l'ignorant ?
- Il est condamné à lire de bons livres.
- Et le fanatique ?
- Il est condamné à être entendu et compris avec tolérance et charité, jusqu'à ce
qu'il apprenne à libérer son âme.
- Maître, et quelles mesures adopter face à un voleur ?
- Il est condamné à l'atelier et à l'école, sous une surveillance bénéfique.
- Et si le voleur est un meurtrier ?

61
- Il est condamné à l'asile, où son esprit empoisonné sera soigné.
Le magistrat a commencé à méditer sérieusement et s'est souvenu qu'il devrait
modifier toutes les instances du tribunal, en remplaçant la discrimination des diverses
peines par le remède, le service, la fraternité et l'éducation. Cependant, ne se sentant pas
bien avec sa propre conscience, il a adressé au Seigneur un regard suppliant et a
demandé, après un long moment :
- Maître et de moi-même, que vais-je faire ? Jésus a souri, encore une fois, et a dit
sereinement :
- Le chrétien est condamné à comprendre et à aider, à aimer et à pardonner, à
éduquer et à construire, à distribuer des tâches édifiantes et des bénédictions de lumière
rénovatrice, où qu'il soit.
À cet instant, le juge s'est réveillé en larmes et, en possession de la sublime leçon
reçue, a reconnu qu'à partir de ce moment il serait un autre homme.

62
33
Nous vivrons toujours
Mon fils, n'humilie pas les ignorants et les faibles. Nous sommes tous des voyageurs
de la vie éternelle.
Du berceau à la tombe, nous traversons juste un acte de l'immense drame de notre
évolution vers Dieu.
Parfois, le patron porte le costume pauvre de l'humble ouvrier pour connaître ses
dures conditions de vie, et l'humble ouvrier porte le somptueux costume du patron pour
connaître les difficiles obligations de sa charge administrative.
Quand un homme méprise les opportunités de temps et d'argent que le Ciel lui a
confié, il revient au monde dans un autre corps, pour expérimenter le manque de tout.
Ne te moque pas de l'estropié. Ta bouche pourrait se couvrir de cicatrices.
Ne récupère pas les biens qui ne t'appartiennent pas. Tes bras sont susceptibles de se
paralyser, sans que tu puisses caresser ce qui est à toi provisoirement.
Ne marche pas à la rencontre du mal, car le mal dispose de ressources pour te
surprendre, peut-être avec la perturbation et avec la mort.
Aide et va plus loin, en élargissant un cœur compatissant pour toutes les douleurs et
plein d'amour et de pardon pour toutes les offenses.
Quand tu ne peux pas prodiguer des louanges, tais-toi et attends, car la langue
entachée de la dénonciation des défauts d'autrui, revient au monde dans un mutisme complet.
Qui arrive dans un berceau accueillant, dans la plupart des cas, est quelqu'un qui
revient dans le champ de la chair pour se restaurer et apprendre.
Tout comme la fleur se destine au fruit qu'elle nourrit, ta connaissance doit produire
la bonté qui construit et qui sanctifie.
Rappelle-toi que la route est longue et qu'il nous faudra changer de corps, en direction
de la victoire finale, autant de fois que nécessaire, jusqu'à ce que le besoin de vêtements
physiques s'estompe avec les incarnations successives ...
Nous récolterons les semailles que nous faisons.
Ne méprise donc pas les moins heureux.
Le malfaiteur et le vagabond qui se sont laissés asservir par les démons de la paresse
sont également nos frères. Aidons-les par tous les moyens à notre disposition.
Le vrai malheureux n'est pas toujours celui qui se débat dans un lit de souffrance.
N'oublie pas le malheureux homme bien habillé qui traverse les voies de l'ignorance, sans
paix et sans lumière.
Mon fils, nous reviendrons encore sur la Terre, probablement, plusieurs fois...
Le service de rédemption l'exige ainsi.

63
Aime tout le monde.
Aide sans distinction.
Sème le bien, au bord de toutes les routes.
Apportons notre soutien au plus grand nombre. C'est la Loi du Seigneur selon
laquelle nous ne pouvons pas progresser sans les bras fraternels des uns et des autres.
Prépare, dès maintenant, la collaboration dont tu auras besoin, afin que tu poursuives,
en paix, jusqu'en haut de la montagne ! Sois le frère de tous, afin que tu te sentes, dès au -
jourd'hui, au cœur de la grande famille humaine, et le Seigneur Suprême te bénira.

34
La poule affectueuse
Une gentille poule, débordante d'instincts maternels, a trouvé un œuf de taille
normale et a ouvert ses ailes sur lui, pour le réchauffer avec amour. De temps en temps,
elle l'embrassait, attendrie. Si elle sortait chercher de la nourriture, elle se hâtait de rentrer
pour qu'il ne manque pas de chaleur vivifiante. Et elle pensait, souriante : « II sera mon
poussin ! Il sera mon fils !»
Par un beau matin de ciel clair, elle a remarqué que le petit était né robuste.
Elle l'a élevé avec grand soin. Cependant, par un crépuscule doré d'été, elle l'a vu
partir sur les eaux d'un lac, sur lesquelles il glissait heureux. Elle l'a appelé, comme une
folle, mais elle n'a obtenu aucune réponse. Le petit animal était un canard rebelle et
fugueur.
La poule, découragée d'avoir fait éclore un œuf qui n'appartenait pas à sa famille,
est revenue, très triste, sur le vieux perchoir ; cependant, passé un certain temps et ayant
trouvé un autre œuf, elle a répété l'expérience.
Une nouvelle petite créature fragile a vu le jour. Elle l'a tendrement protégée, elle
s'est dévouée à ce fils de toutes ses
forces, mais, rapidement, elle a remarqué qu'il n'était pas un petit poussin comme
elle-même l'avait été dans son enfance. Il s'agissait d'un corbeau rusé qui l'a plongée dans
un douloureux accablement, lorsqu'il est parti, volant en plein ciel pour rejoindre les
sombres bandes d'oiseaux identiques à lui.
La malheureuse mère a beaucoup souffert. Cependant, bien que déterminée à
vivre seule, elle a été surprise, un jour, par un autre œuf d'apparence délicate. Elle a
retrouvé ses espérances maternelles et l'a couvé. Peu de temps après, le petit est apparu.
La poule l'a caressé, heureuse, mais au cours des quelques semaines qui ont suivi, elle a
observé que son fils déjà grand, chassait des souris, la nuit. Pendant la journée, il
présentait des signes de trouble et de cécité ; cependant, quand l'obscurité tombait, il avait
des yeux flamboyants, qui l'effrayaient. Par une nuit plus sombre, il s'est enfui vers une
tour très haute et n'est plus revenu. C'était une jeune chouette, assoiffée d'aventure.
La mère dévouée pleura amèrement. Cependant, trouvant un autre œuf, elle a
cherché à le protéger. Elle s'est blottie contre lui, elle l'a réchauffé et, au bout de trente
jours, un petit poussin corpulent a vu le jour. La poule l'a aidé comme elle a pu, mais,
rapidement, le petit a connu une croissance extraordinaire. Il a commencé à la regarder de
haut. Il est senti supérieur et il l'a ignorée. C'était un petit paon orgueilleux qui en est
même arrivé à la maltraiter.

64
L'affectueuse poule, cette fois, a définitivement cédé au découragement. Elle est
sortie du poulailler en criant et était prête à se jeter dans les eaux d'une rivière proche, en
signe de protestation contre le destin, lorsqu'une grosse poule plus âgée l'a abordée,
curieuse, et lui a demandé les raisons d'une telle douleur.
La pauvre a répondu, racontant son histoire.
La sœur expérimentée avait dans le regard une belle expression de complaisance
et a dit, en caquetant :
- Qu'est-ce donc cela, mon amie ? Ne désespère pas. L'œuvre du monde est de
Dieu, Notre Père. Il y a des œufs d'oies, de dindes, de sarcelles, d'hirondelles et même de
grenouilles et de serpents, tout comme il existe nos propres œufs. Continue à couver et à
aider au nom du Pouvoir Créateur ; cependant, ne te préoccupe pas des résultats du devoir
qui appartiennent à Dieu mais pas à nous, parce que l'escalier pour le Ciel est infini et les
marches sont différentes. Nous ne pouvons pas obliger les autres à être comme nous,
mais il est possible d'aider tout le monde, selon nos possibilités. As-tu compris ?
La poule souffrante a accepté l'argument, s'est résignée et est revenue plus calme
dans le grand parc avicole auquel elle était liée.
Le chemin humain s'étend, plein de drames identiques à celui-ci. Nous avons des
enfants, des frères et sœurs et divers parents qui ne sont d'aucune façon, en accord avec
nos tendances et nos sentiments. Ils apportent des inhibitions et des particularités d'autres
vies que nous ne pouvons pas supprimer tout de suite. Nous apprécierions qu'ils nous
donnent compréhension et affection, mais ils restent aimantés à d'autres personnes et
d'autres situations avec lesquelles ils ont des engagements inéluctables. Parfois, ils
respirent dans des climats évolutifs différents.
Ne nous affligeons pas, cependant.
À chaque créature appartient la clarté ou l'ombre, la joie ou la tristesse du niveau
où elle se trouve.
Aimons sans l'égoïsme de la possession et sans un quelconque objectif de
récompense, convaincus que Dieu fera le reste.

65
35
Dans les semences de l'amour
Aide toujours, mon fils.
Pense au bien, exalte sa grandeur et intensifie ses dons sur la Terre.
La gloire la plus expressive du pardon ne réside pas tant dans la supériorité de
celui qui le dispense, que dans la somme des bénéfices communs qui viendront après lui.
La plus grande valeur de la coopération fraternelle ne réside pas dans l'aide aux besoins
matériels immédiats, mais dans l'encouragement à la confiance et à la fraternité.
Seuls les Esprits en extrême déséquilibre, profondément cristallisés dans le mal,
méprisent les manifestations du bien.
Je sais qu'il est difficile de juger du destin d'un don et parfois ta pensée se perd
inutilement en conjectures compliquées.
«Suis-je en train de donner pour le bien ? Ai-je donné pour le mal ?» -
t'interroges-tu.
Mais, si tu n'as pas donné ce que tu possèdes, si tu as seulement donné des miettes
du trésor que le Seigneur t'a confié, ne pourras-tu pas aider ton prochain, tranquillement,
au nom du même généreux Seigneur qui t'a tout prêté dans le monde, à titre provisoire ?
Bien sûr que je ne te prie pas de favoriser le crime et le désordre, visibles à nos
yeux. Cependant, si je peux te demander quelque chose, ne te refuse à aucun moment à la
coopération fraternelle.
N'abandonne pas le malade, par crainte des ennuis, ne fuis pas le frère malheureux
qui est tombé dans les mailles de la justice, car tu crains des déboires.
Si ta bonté n'est pas comprise, apprends à attendre.
N'est-il pas plus chrétien celui qui sert par amour de servir sans aucune attente de
rémunération.
N'oublie pas que le Maître a été mené au bois de l'angoisse pour avoir aidé et
avoir aimé toujours...
Fais des erreurs, en aidant.
Ce sera mieux ainsi, car nous sommes tous sous le regard de la Vigilance Divine.
L'homme qui aide par vanité et ostentation, presque toujours, en peu de temps,
crée pour lui-même l'habitude d'aider, atteignant de sublimes vertus. Et celui qui contrôle
beaucoup les bénéficiaires et raisonne excessivement quant à «donner» et à «ne pas
donner» devient souvent un calculateur de piété, et il endurcit son cœur pour de
nombreux siècles.
Écoute ! Nous sommes devant le temps infini... Il est indispensable de semer.

66
N'alimente pas le vice et le crime. Cependant, n'oublie pas qu'il est nécessaire de
semer beaucoup d'amour pour que l'amour nous favorise.

36
Le plus grand péché
Un prêtre sage, désirant enseigner le chemin du Ciel aux croyants qui avaient
confiance en lui, a prié Jésus, après de longues méditations et des sacrifices, de lui révéler
le plus grand obstacle à l'illumination spirituelle.
En effet, ayant l'esprit clair, il a dormi et a rêvé qu'il était conduit à la porte
céleste.
Nimbé de splendeur, un ange l'a reçu avec bienveillance.
- Messager de Dieu - a exprimé le prêtre - je viens demander la vérité pour les
brebis humaines qui me suivent...
- Que veux-tu savoir ? - a demandé l'entité angélique.
- Je demande des éclaircissements sur le plus grand obstacle pour l'âme, en
marche vers Dieu. Je sais que nous avons sept péchés capitaux qui anéantissent la grâce
divine en nous, dans l'ascension vers le Haut. Sous l'influence de semblables monstres,
l'Esprit tombe de la falaise infernale. Cependant, je voudrais des explications plus claires
quant au problème du mal, car nos fautes varient à l'infini.
L'ange a souri et a considéré :
- La solution est simple. Quels sont les péchés auxquels tu te réfères ?
Le ministre de la foi a fait bouger ses doigts et a répondu :
- L'orgueil, l'avarice, la luxure, la colère, la gourmandise, l'envie et la paresse. De
ces péchés naissent les autres imperfections.
Le messager, cependant, a ajouté :
- Dans le fond, cependant, nous pouvons les réduire à un seul. Tous les péchés, y
compris les capitaux, proviennent d'une seule source.
Le curé curieux a supplié :
- Oh ! Ange ami, éclaire ma compréhension ! Il y a beaucoup d'apprentis sur la
Terre qui attendent ma parole !...
L'émissaire de la Sphère supérieure, sans aucune présomption de supériorité, a
précisé:
- Écoute et comprends !
«Si l'homme orgueilleux travaillait pour le bien de tous, il ne trouverait pas
l'occasion de cultiver l'orgueil et la vanité qui le conduisent à se croire le point central de
l'Univers.

67
«Si l'avare connaissait l'avantage de la sueur, dans le bonheur de ses semblables, il
ne s'abandonnerait pas à la volupté de la possession qui l'oblige à accumuler de l'argent
inutilement.
«Si l'homme enclin à la tentation des plaisirs faciles apprenait à dépenser ses
propres forces en faveur de l'élévation
collective, il n'aurait pas l'occasion de s'attacher aux passions destructrices qui
l'entraînent au crime.
«Si les personnes facilement irascibles étaient prêtes à servir selon les desseins
divins, elles n'empoisonneraient pas leur propre santé avec des remords et des angoisses
injustifiés.
«Si la personne gloutonne vivait attentive à la tâche constructive qui lui incombe
dans le monde, elle ne serait pas asservie aux appétits dévastateurs qui ruinent son corps
et son âme.
«Et si l'envieux utilisait son existence dans le travail digne, il ne dépenserait pas
son temps à suivre de façon malveillante les actions des autres, compliquant son propre
destin...
«Comme tu le vois le plus grand péché, la principale cause de tous les maux, est
la paresse.
«Donne un travail édifiant à tes brebis et convaincs-toi qu'en possession du
service elles ne s'éloigneront pas du juste chemin.»
Le prêtre n'avait plus rien à demander.
Il s'est réveillé édifié et à partir du lendemain, les gens ont remarqué qu'il avait
changé sa prédication.

68
37
Remarque
Tu as manifesté une contrariété non dissimulée devant les observations paternelles
qui contrariaient tes objectifs irréfléchis.
Hier, tu as abusé de la nourriture ; aujourd'hui, tu prétends à une excursion
inopportune.
Ton père s'est référé aux nécessités de l'Esprit, avec une profonde tristesse ;
cependant, loin de comprendre la noblesse du geste, tu as cherché, rapidement, les bras
maternels, dans l'envie effrénée de trouver l'approbation de tes caprices de jeunesse.
Tu as été, cependant, injuste.
Le jeune qui refuse l'orientation judicieuse des plus âgés qui souhaitent son bien,
procède comme le fermier désinvolte qui réprouve la bonne semence.
Tu aimes les longues incursions dans le verger lorsque les orangers sont couverts
de fruits et lorsque la vigne donne de doux raisins.
Penses-tu, cependant, que ces excellents arbres aient poussé sans soin ? Admets-
tu que la vigne a eu besoin de protection au départ ?
Toutes les plantes, en particulier les plus tendres, souffrent de persécutions
persistantes de la part des déchets et des vers. Sans mains attentionnées pour les protéger,
la croissance et la fructification seraient impossibles ; elles requièrent de l'arboriculteur
de nombreux jours de surveillance avant qu'elles n'arrivent à la ferme.
Ignores-tu que la même chose se produit dans le domaine du cœur ?
Les mauvaises expériences d'un enfant l'accompagnent sa vie entière.
Un vieux proverbe dit : «Avec le temps, la feuille de mûrier devient velours
satiné» ; mais nous ne pouvons pas oublier qu'avec le temps aussi les eaux abandonnées
et oubliées se transforment en marécage.
Ne te révolte pas contre la semence de réflexion et de bonté que l'affection
paternelle dépose dans ton esprit.
Surtout, ne te laisse pas impressionner par l'opinion fantaisiste de tes camarades
du quartier. Le temps donnera corps aux principes inférieurs ou supérieurs que tu
embrasseras et, alors que le compagnon étranger à ton foyer peut être l'ami de quelques
jours, ton père sera ton ami et ton bienfaiteur durant de nombreuses années.

69
38
Le remède imprévu
Le petit prince Julien était malade et abattu.
Il ne jouait pas, n'étudiait pas, ne mangeait pas. Il avait perdu le goût de cueillir
les savoureuses pêches du verger. Il avait oublié les jeux de ballon et le cheval.
Il vivait triste et silencieux dans sa chambre, allongé sur un canapé.
Alors que sa mère affligée veillait sur lui, le roi consultait de nombreux médecins.
Les médecins, cependant, entraient et sortaient, sans résultats satisfaisants.
Le garçon ressentait un grand mal-être. Quand il était soulagé du mal de tête, la
douleur venait dans ses bras. Quand les bras allaient mieux, les jambes commençaient à
lui faire mal.
Le souverain préoccupé a lancé un appel public aux scientifiques du pays. Il
récompenserait de façon grandiose celui qui guérirait son fils.
Après que de nombreux médecins célèbres ont essayé en vain, est apparu un vieil
homme humble qui a suggéré au monarque une médication différente. Il n'a pas demandé
à être payé. Il a seulement réclamé la pleine autorité sur le petit malade. Julien devrait
faire ce qui lui serait prescrit.
Le père a accepté les conditions et le lendemain, le garçon a été confié à l'ancien.
Le sage anonyme l'a conduit sur une petite parcelle de terrain et lui a recommandé
de désherber les mauvaises herbes qui menaçaient un plant de tomates.
- Je ne peux pas ! Je suis malade ! - a crié le garçon.
Le vieil homme, cependant, l'a convaincu, sans impatience, que l'effort était
faisable et, en quelques minutes, ils avaient libéré à eux deux les plantes de l'herbe
envahissante.
Le soleil est venu, le vent est passé ; les nuages, en altitude, rôdaient autour de la
terre, comme pour repérer où se trouvait le champ qui avait le plus besoin de pluie...
Un peu avant midi, Julien a dit au vieil homme qu'il avait faim. L'humble sage a
souri, avec satisfaction, il a épongé la sueur abondante de l'enfant et l'a emmené déjeuner.
Le jeune a dévoré la soupe et les fruits avec délice.
Après un court repos, ils sont retournés travailler.
Le lendemain, l'ancien a emmené le prince pour aider à la construction d'un petit
mur.
Julien a appris à manipuler les instruments de base du maçon et il a encore mieux
mangé.

70
La première semaine passée, le conseiller lui a préparé un nouveau programme.
Le jeune se levait le matin pour prendre un bain froid, il devait creuser la terre avec une
houe, il déjeunait et se reposait. Ensuite, avant le crépuscule, il prenait des livres et des
cahiers pour étudier et, le soir, après le dernier repas, il jouait et se promenait en
compagnie d'autres jeunes du même âge.
Deux mois plus tard, Julien a été rendu à l'autorité paternelle, avec un bon teint,
robuste et heureux. Il brûlait, maintenant, du désir d'être utile, désireux de faire quelque
chose de bien. Il avait découvert, finalement, que le service pour le bien est la plus riche
source de santé.
Le roi, très satisfait, a essayé de récompenser le vieil homme.
Cependant, l'ancien s'y est soustrait, en ajoutant :
- Grand souverain, le plus grand salaire d'un homme réside dans
l'accomplissement de la volonté de Dieu, au moyen du travail digne. Enseigne la gloire
du service à tes enfants et protégés, et ton royaume sera béni, fort et heureux.
Cela dit, il a disparu dans la foule et personne ne l'a plus jamais revu.

71
39
Des animaux aux enfants
Mon petit ami,
Écoute.
Ne nous blesse pas et ne nous prends pas pour tes adversaires.
Nous sommes une immense classe de serviteurs de la nature et également des
créatures de Dieu.
Nous prenons soin des semences pour que le pain ne te manque pas, même si
beaucoup de notre famille, par ignorance, attaquent les tendres pousses de la verdure et
des arbres, dévorant les germes et les fleurs. C'est nous, cependant, qui, la plupart du
temps, garantissons l'engrais aux plantations et qui les défendons contre les compagnons
nuisibles.
Si tu nous opprimes, sans commisération pour nos faiblesses, qui fournira au
foyer du lait et des œufs ?
Nous n'avons pas la paix dans nos tanières et nos nids, obligés que nous sommes
de venir en aide aux besoins des hommes.
As-tu déjà remarqué le pasteur qui nous guide soigneusement ? Nous l'avons cru,
en d'autres temps, être un protecteur inconditionnel qui nous aurait sauvés du danger par
amour et nous lui avons léché les mains avec reconnaissance. Nous avons découvert,
finalement, qu'il nous guidait toujours, après un certain temps, à l'abattoir, nous livrant à
des bourreaux impitoyables. Parfois, nous avons réussi à nous échapper quelques instants,
revenant jusqu'à lui, le suppliant de nous aider, et nous avons vu, déçus, que lui-même
aidait le bourreau à nous enfoncer le couteau dans la gorge.
Au début, nous nous sommes révoltés. Nous avons compris ensuite que les
hommes exigeaient notre chair et nous nous sommes résignés, gardant espoir dans le
Créateur suprême qui voit tout.
Les femmes au foyer, gentilles qui nous appellent généralement dans les étables,
les porcheries et les poulaillers, gagnent notre amitié et notre confiance pour, ensuite,
décréter notre mort et nous jeter, effrayés, à moitié vivants, dans l'eau bouillante.
Nous ne nous rebellons pas. Nous savons qu'il y a un Père Bon et Juste, qui
observe, sans aucun doute, nos souffrances et nos humiliations et qui reconnaît nos
sacrifices.

72
Quoi qu'il en soit, cependant, nous vivons dans l'insécurité partout. Nous ignorons
si, aujourd'hui même, nous ne serons pas obligés d'abandonner nos petits en larmes ou de
nous séparer de nos parents aimés pour servir de repas à quelqu'un.
Pour quelle raison, alors, pensez-vous à nous lapider sans pitié ?
Ne nous maltraite pas, bon ami. Aide-nous à produire pour le bien.
Tu es encore petit et, pour cette raison, tu ne peux pas encore avoir acquis le goût
de tuer. N'est-il pas juste, alors, de nous mettre les mains jointes devant ton gentil regard,
attendant de ton cœur cet amour sublime que Jésus nous a enseigné ?

40
La légende de l'arbre
Au commencement du monde, lorsque les différents règnes de la nature s'étaient
déjà apaisés et tandis que l'or et le fer reposaient sous terre ; l'homme, les grands
animaux, les oiseaux, les papillons, les herbes et les eaux vivaient sur la surface de la
Terre... Et le Seigneur Suprême, notant que les services planétaires se déroulaient
normalement, les appela à son Trône de Lumière afin de les entendre.
L'importante audition du Tout-Puissant a commencé par l'Homme, qui s'est
approché du Très-Haut et a indiqué :
- Mon Père, le globe terrestre est notre glorieux atelier. "Ma femme, comme moi-
même, nous nous sentons très heureux ; cependant, nous ressentons l'absence de
quelqu'un pour nous tenir compagnie, autour de la maison et nous aider à élever nos
enfants petits."
Le Tout-Miséricordieux a pris note de la demande de l'homme et a continué à
écouter les autres créatures.
Le Bœuf est venu et a dit :
"- Seigneur, je vais très bien ; cependant, je me promène sans repos pendant les
heures du jour. Grande est ma fatigue et ma résistance décroît de plus en plus...
Le Cheval est venu et s'est plaint :
- Moi aussi, grand Roi, je me sens affligé par la chaleur de chaque jour...
La Biche s'est approchée et a prié :
- Puissant, je suis exposée à la persécution de tous. N'aurai-je pas la grâce d'un
être ami qui me protège et qui me défende ?
Peu de temps après, un petit oiseau gracieux est apparu et a supplié :
- Céleste Monarque, j'ai reçu la bénédiction de la vie, mais je n'ai pas les moyens
pour faire mon nid. Dans les bas pâturages, je ne peux pas construire ma maison...
Le Papillon s'est avancé et a imploré :
"- Mon Dieu, tout est beau dans le monde ; pourtant, où puis-je me reposer ?"
En dernier lieu, la Rivière est arrivée et a dit :
- Grand Seigneur, je remplis scrupuleusement mes fonctions sur la Terre, mais j'ai
besoin de quelqu'un pour m'aider à préserver mes eaux...

73
Le Souverain suprême était pensif et a promis de prendre les dispositions
nécessaires.
Le lendemain, toute la Terre est apparue différente.
Des arbres robustes et accueillants étaient apparus, représentant la sublime
réponse de Dieu.

4l
La puissante armée
La puissante armée à notre disposition est constituée, actuellement, par vingt-six
soldats du progrès.
Ils se séparent, se déplacent, s'entremêlent et dominent le grand pays des idées.
Sans eux, nous grandirions dans l'ombre, si ce n'est dans la brutalité.
En compagnie de ces petits auxiliaires, nous pénétrons les sanctuaires de la
science et de l'art, perfectionnant la vie.
Qui ne les connaît pas ?
Ils sont dans les documents les plus importants.
Ils font les messages télégraphiques et les ordonnances médicales.
Ils donnent des nouvelles d'autres régions et d'autres climats.
Ils racontent les surprises du Ciel, expliquent des choses des lointaines étoiles.
Ils fournissent de précieux avis.
Ce sont des émissaires de l'affection entre les enfants et les mères éloignées.
Peu se rappellent les immenses avantages que nous devons tous à ces minuscules
assistants. Pour autant, ils nous servent sans récompense. Ils ne réclament rien pour le
travail qu'ils font pour nous. Ils nourrissent les racines des connaissances précieuses des
administrateurs, des juges, des médecins, des artistes, sans aucune rémunération.
Instruments des lumières spirituelles qui se transmettent, de cerveau en cerveau,
ils enrichissent la vie ; cependant, tout comme nous ne nous souvenons presque jamais de
rendre gloire à l'eau, au vent et aux plantes, qui représentent les glorieux dons du Très-
Haut, nous remarquons très rarement leurs services. Ils ne se fatiguent jamais. Ils vivent
dans la pensée, d'où ils se développent, et défendent nos intérêts et nos réalisations.
Les méchants les utilisent pour faire la guerre ; les bons les emploient dans la
construction de la paix et du confort, pour la rédemption et le bonheur dans le monde.
Ces petits soldats humbles et serviables sont les lettres de l'alphabet. Sans leur
coopération, le monde ne serait pas si beau, et la vie ne serait pas si bonne, car l'accès au
royaume spirituel deviendrait extrêmement difficile.
Apprendre à travailler avec ces petits auxiliaires de l'intelligence, c'est chercher
des trésors impérissables.

74
Le château de la culture humaine commence avec leur collaboration et va jusqu'à
la patrie divine, où demeure la sagesse des anges.

42
L'ami sublime
II est toujours l'ami sublime.
Il nous éduque sans nous blesser.
Il nous divertit, édifiant notre caractère.
Il nous révèle le passé et nous prépare pour l'avenir.
Il nous répète ce que Socrate a enseigné sur les places d'Athènes.
Il dévoile, à notre regard émerveillé, les civilisations qui sont passées. L'Egypte
resplendissante des pharaons, la Grèce des philosophes et des artistes, la Jérusalem des
Hébreux défilent devant notre imagination, à son contact spirituel.
Il nous conte ce qu'a accompli Moïse, le grand législateur. Il nous rappelle les
paroles de Platon et d'Aristote.
Avec lui, nous apprenons combien nos ancêtres ont souffert dans la conquête du
bien-être dont nous jouissons actuellement.
Il nous décrit l'inutilité des guerres nées de la haine et qui ont dévasté le monde. Il
nous conseille sur l'ensemencement de la tranquillité et de la joie. Il nous aide à la
compréhension de nous-mêmes et à celle d'autrui. Il nous donne du courage pour le
travail, et l'humilité sur le chemin de l'expérience.
Sans lui, nous perdrions les plus belles nouvelles de nos grands-parents, et l'œuvre
de la vie n'atteindrait pas la signification indispensable ; nous passerions sur la Terre dans
l'ignorance totale les uns des autres, et la précieuse leçon des hommes plus âgés
n'atteindrait pas les oreilles des plus jeunes ; la religion et la science n'apparaîtraient
probablement pas à la lumière de la réalité ; les idéaux les plus élevés de l'esprit humain
mourraient sans écho ; l'industrie, le commerce et la navigation ne posséderaient pas de
points de repère.
II est le lien entre ceux qui enseignent et ceux qui apprennent, entre les
millénaires passés et le jour que nous vivons à présent.
C'est, encore, à cet ami béni que nous devons la collection de nouvelles et
d'enseignements de Jésus, qui rénovent la Terre pour le Royaume divin.
Cet inoubliable bienfaiteur du monde est le livre édifiant. N'oublions donc pas que
chaque livre consacré au bien est un compagnon éclairé de notre vie, méritant l'estime et
le respect universel.

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43
Le dindon prédicateur
Un beau dindon, après avoir longtemps vécu dans l'intimité d'une famille qui
disposait de vastes connaissances évangéliques, avait appris à transmettre les
enseignements de Jésus, espérant pour lui aussi, les promesses divines. Il était devenu si
instruit dans les lettres sacrées qu'il a commencé à les diffuser parmi les autres volailles.
De temps en temps, on le voyait parler dans son étrange langage « glouglou-
glouglou ». Bien sûr, cela n'était pas compris par les hommes. Mais les autres dindes,
poulets, oies et sarcelles, tout comme les canards, le comprenaient parfaitement.
Il commençait le commentaire des leçons de l'Évangile et la cour se remplissait
rapidement. Même les poussins se calmaient sous les ailes maternelles, pour l'entendre.
Le dindon, très confiant, assurait que Jésus-Christ était le Sauveur du monde, qu'il
était venu illuminer le chemin de tous et que, comme base de sa doctrine, il avait placé
l'amour des créatures les unes pour les autres, garantissant la formule du véritable
bonheur sur la Terre. Il disait que tous les êtres, pour vivre tranquilles et heureux,
devaient pardonner à leurs ennemis, excuser les égarés et les secourir.
Les volailles commençaient à vénérer l'Évangile ; cependant, le Noël du Maître
Divin est arrivé, et voici que des hommes sont venus dans les lacs, les poulaillers, les
enclos et, après s'être référés de façon excessive à l'amour qu'ils dédiaient à Jésus, ils ont
attaché des poulets, des canetons et des dindes, les tuant, directement sur place, dans la
stupeur générale.
Il y a eu beaucoup de cris et de gémissements, mais les persécuteurs, alléguant la
fête du Christ, ont frappé à coups redoublés, sans discernement.
Même la femme du dindon prédicateur a aussi été tuée.
Lorsque le silence s'est fait dans la cour, à la tombée de la nuit, il y avait de toutes
parts, une énorme tristesse et une angoisse irréparable dans les cœurs.
Les volailles affligées ont entouré le prédicateur et l'ont criblé de questions
douloureuses.
Comment rendre gloire à un Seigneur qui acceptait tant de manifestations
sanglantes pour sa fête de Noël ? Comment expliquer tant de méchanceté de la part des
hommes qui se déclaraient chrétiens et avaient fait tant de massacres ? Ne

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chantaient-ils pas des hymnes en l'honneur du Christ ? Ne s'affirmaient-ils pas
être ses disciples ? Avaient-ils, alors, besoin de tant de morts et de tant de larmes pour
vénérer le Seigneur ?
Le pasteur ailé, très bouleversé, a promis de répondre le lendemain. Il était, lui
aussi, fatigué et opprimé. Le matin suivant, sous le Soleil éclatant de Noël, il a expliqué à
ses compagnons que l'ordre de tuer ne venait pas de Jésus, qui avait préféré la mort sur la
croix plutôt que de se faire justice ; qu'ils devaient tous continuer, pour cette raison, à
aimer le Seigneur et à le servir, ajoutant qu'il leur incombait de pardonner soixante-dix
sept fois. Il a expliqué, enfin, que les hommes assassins avaient été annoncés au verset
quinze, du chapitre sept, de l'apôtre Matthieu, qui précise : « Méfiez-vous des faux
prophètes, qui viennent à vous déguisés en brebis, mais au-dedans ce sont des loups
rapaces ». Ensuite, le dindon a récité le chapitre cinq du même évangéliste, commentant
les béatitudes promises par le divin Ami à ceux qui pleurent et souffrent dans le monde.
On a constaté alors, un immense réconfort dans la communauté tourmentée et
affligée, parce que les volailles se sont souvenues que le Seigneur lui-même, pour
atteindre la glorieuse Résurrection, avait accepté la mort du sacrifice, comme la leur.

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Nous sommes appelés à servir
Le législateur, avec la plume, rédige des décrets pour régir le peuple.
L'écrivain utilise le même instrument et écrit des livres qui rénovent la pensée du
monde.
Mais ce n'est pas seulement la plume qui, maniée par l'homme, arrive à exprimer
la sagesse, l'art et la beauté dans la vie.
Un simple balai fait la joie du nettoyage et sans propreté, l'administrateur ou le
poète ne parviennent pas à travailler.
La charrue défriche le sol et trace des sillons desquels sortiront le maïs, le riz, les
pommes de terre et le blé, remplissant les greniers.
La houe trace des sillons bénis dans le sol, afin que les champs ensemencés
produisent.
La raboteuse corrige le bois brut, coopérant à la construction de la maison.
La fenêtre est un poème silencieux nous permettant de communiquer avec la
nature extérieure ; le lit est un sanctuaire horizontal, invitant au repos.
Le maillet entreprend le fer et le transforme en ustensiles précieux.
Le plat recueille la nourriture et nous suggère la charité.
Le moulin reçoit les grains et les convertit en miracle de la farine.
L'argile insignifiante, entre les mains ouvrières du potier, apparaîtra bientôt
métamorphosée en un vase précieux.
Tous les instruments de travail dans le monde, tout comme la plume, concrétisent
les idéaux supérieurs, les aspirations de service et les nobles impulsions de l'âme.
Personne ne suppose que, devant Dieu, les grands hommes soient seulement ceux
qui manifestent leur autorité intellectuelle. Quand les politiciens dirigent et gouvernent,
c'tit le tisserand qui habille leur corps. Si les juges se rassemblent autour des tables de la
paix et de la justice, ce sont les agriculteurs qui leur offrent le nécessaire au dîner.
Louons donc l'intelligence divine qui dirige les services du monde !
Si chaque arbre produit, selon sa spécialité au profit de la prospérité commune,
souvenons-nous que nous sommes tous appelés à servir dans l'œuvre du Seigneur, d'une
manière différente.

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Que chaque travailleur, dans son domaine, soit honoré pour le quota de bien qu'il
produit et que chaque serviteur reste convaincu que le plus grand hommage que nous
puissions rendre au Seigneur est l'exécution correcte de notre devoir, où que nous soyons.

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L'ange de la propreté
Adélia avait entendu parler de Jésus et s'était prise d'une telle passion pour le Ciel
qu'elle nourrissait un seul désir - être un ange pour servir le Divin Maître.
Pour cela, la bonne petite s'est faite humble et croyante et, quand elle n'était pas à
l'école avec ses livres, elle restait dans sa chambre en prières ferventes.
Elle s'entourait de belles gravures dans lesquelles les artistes peintres avaient
rappelé le passage du Christ parmi les hommes et, en larmes, elle répétait : « Seigneur, je
veux être à toi ! Je veux te servir !... »
Sa maman, dans une difficile lutte domestique, en vain, la conviait aux services de
la maison.
Adélia souriait, la serrait dans ses bras et réaffirmait son désir de se préparer à la
compagnie du Divin Ami.
La gentille dame, constatant que l'idéal de sa fille ne méritait que des éloges, la
laissa en paix avec ses études et ses prières de chaque jour.
Les mois ont succédé aux mois et la jeune fille persévérait, de façon immuable.
Priant toujours, elle suppliait le Seigneur de la transformer en ange.
Après deux ans de prières, elle a rêvé, une nuit, qu'elle était visitée par le Maître
Aimant.
Jésus était enveloppé d'un large halo d'une clarté sublime. Une tunique lumineuse,
tombant de ses épaules avec grâce et beauté, ressemblait à de la neige couronnée de
soleil.
Lui tendant une main compatissante, le Christ a observé :
- Adélia, j'ai entendu tes supplications et je viens à ta rencontre. Désires-tu
réellement me servir ?
- Oui, Seigneur ! - a répondu la petite, enflammée de joie, convaincue que le
Sauveur la conduirait au Ciel à cet instant même.
- Écoute ! - a dit le Maître, doucement.
Soucieuse de prendre le chemin du paradis, la jeune fille a répondu, respectueuse :
- Dis-moi, Seigneur ! Je suis prête ! ... Emmène-moi, j'ai hâte de me présenter
parmi ceux qui conservent la gloire de te servir dans le plan céleste !...

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Le Christ a souri gentiment et a énoncé :
- Non, Adélia. Notre Père ne t'a pas placée en vain sur la Terre. Nous avons un
immense service dans ce monde même. J'apprécie tes prières et tes pensées d'amour, mais
j'ai besoin de quelqu'un qui m'aide à enlever les ordures et les détritus qui s'accumulent
non loin de ta maison. Des garçons cruels ont endommagé le réseau d'égouts, à une
courte distance de ta maison. Là se concentre un dangereux foyer de maladies, menaçant
les travailleurs sans méfiance, les mères dévouées et les enfants candides. Va, ma fille !
Aide-moi à les sauver de la mort. Je serai avec toi pour t'aider dans cette tâche méritoire.
La jeune, troublée, voulait poser des questions, mais le Maître s'est éloigné
rapidement...
Elle s'est réveillée en sursaut. Il faisait jour.
Elle s'est habillée à la hâte et a cherché la zone indiquée. Courageuse, elle s'est
équipée de désinfectants, s'est armée d'une sarclette et d'un balai, a fait appel à la
contribution maternelle et le foyer infectieux a été détruit.
L'obéissante disciple, cependant, ne s'est plus arrêtée.
Chaque jour, au retour de l'école, elle s'est mise à coopérer avec sa maman, à la
maison, s'occupant aussi autant que possible de l'hygiène des voies publiques et
apprenant aux autres enfants comment être aussi soigneux qu'elle l'était elle-même. Elle a
tant travaillé et fait d'efforts qu'un jour le directeur du groupe scolaire lui a donné le titre
d'Ange de la Propreté. Les professeurs ei ses camarades ont célébré l'événement de façon
festive.
La nuit venue, elle dormait heureuse et a rêvé que Jésu: venait de nouveau à sa
rencontre.
Nimbé de lumière, il l'embrassa tendrement et lui di doucement :
- Bénie sois-tu, ma fille ! Maintenant que les hommes eux mêmes te reconnaissent
comme une bienfaitrice, je te remercie pour les services que tu me rends chaque jour.
Ange de I; Propreté sur Terre, tu seras Ange de Lumière au Paradis.
Avec des larmes d'une joie intense, Adélia s'est réveillé heureuse, réalisant,
toujours plus, que le véritable bonheur réside dans le fait de collaborer avec le Seigneur,
dans les travaux pour le bien, partout.

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Pendant la promenade matinale
Dionysos, le meunier, est parti très tôt en compagnie de son fils, en direction du
grand champ de maïs.
La matinée s'annonçait belle.
Les collines voisines semblaient habillées de mousseline flottante.
Les brins d'herbe, ayant encore la rosée nocturne, ressemblaient à un tissu vert
exquis, décoré de perles. Les fleurs rouges, ça et là, donnaient l'idée de bijoux éparpillés
sur le sol.
Les arbres, très grands, au bord de la route, se réveillaient doucement au souffle
du vent.
Le soleil apparaissait brillant, revêtant le paysage d'une couronne resplendissante.
Ronaldo, le petit guidé par la main paternelle, suivait tout émerveillé. Il ne savait
qu'admirer le plus : le drap de brouillard très blanc ou l'horizon flamboyant de lumière. À
un moment, il a demandé, heureux :
- Papa, de qui est tout ce monde ?
- Tout appartient au Créateur, mon fils - a expliqué le meunier content - le soleil,
l'air, les eaux, les arbres et les fleurs, tout, tout est son œuvre à lui, notre Père et Seigneur.
- Pourquoi tout cela ? - a continué joyeusement le petit.
- Afin que nous puissions profiter de cette école divine qu'est la Terre.
- L'école ?
- Oui, mon fils - a dit le père, patient - ici, nous devons apprendre dans le travail,
à nous aimer les uns les autres, à améliorer nos sentiments, nous devons apprendre
comment perfectionner le sol sur lequel nous marchons, transformer les collines, les
plaines et les rochers en villes, en fermes, en écuries, en vergers, en champs de maïs et en
jardins.
Ronaldo n'a pas immédiatement compris ce que signifiait « améliorer nos
sentiments » ; cependant, il savait parfaitement ce qu'était l'enlèvement d'un tas de
pierres. Surpris, il a demandé, à nouveau :
- Alors, papa, nous sommes obligés de travailler autant ? Comment sera-t-il
possible de modifier ce monde si grand ?
Le meunier a réfléchi quelques instants et a observé :
- Mon fils, j'ai entendu dire qu'une hirondelle se promenait seule quand elle a
remarqué qu'un feu brûlait son champ préféré. Le feu dévorait les plantes et les nids. En

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vain, elle a crié à l'aide. Voyant que personne n'écoutait ses appels, elle s'est dirigée
rapidement vers le ruisseau non loin de là, elle a plongé ses petites ailes dans l'eau froide
et claire ; puis elle est retournée dans la zone de l'incendie, et a secoué ses ailes mouillées
sur les flammes dévorantes, cherchant à les éteindre. Elle a répété l'opération, plusieurs
fois, lorsqu'un faucon paresseux s'est approché, lui demandant avec ironie : «Tu crois, en
vérité, combattre un incendie si grand avec quelques gouttes d'eau ?» La petite hirondelle
serviable, cependant, a répondu calmement : «II est probable que je ne puisse pas faire
tout le travail ; cependant, je suis immensément heureuse d'accomplir mon devoir». Le
meunier a fait une pause et a interrogé son fils : - Ne crois-tu pas que nous pouvons imiter
cet exemple ? Si nous procédions tous comme l'hirondelle active et vigilante, en peu de
temps la Terre entière serait transformée en paradis. L'enfant se tut, comprenant l'étendue
de l'enseignement et contemplant la beauté du paysage du matin, depuis les bords du
chemin jusqu'à la montagne lointaine, il se promit de chercher à remplir, dans le monde,
toutes les obligations qui lui incomberaient dans l'œuvre sublime du Bien infini.

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L'enseignement du semis
Un fermier très riche a appelé son fils de quinze ans et lui a dit :
- Mon fils, chaque homme ne récoltera que ce qu'il plante. Prends soin de faire du
bien à tous pour que tu sois heureux.
Le jeune homme a écouté le conseil et, le lendemain, il a déposé très
soigneusement une minuscule noix de cajou dans un endroit non loin de la route qui
reliait le village à la propriété parentale.
Une semaine plus tard, après avoir reçu comme cadeau de l'argent des mains
paternelles, il est allé au village et a protégé une petite source naturelle, construisant un
abri approprié avec la coopération de quelques travailleurs, qu'il a généreusement
récompensés.
Remarquant que plusieurs mendiants passaient par là, sans abri, il a accumulé les
cadeaux qu'il recevait de la part de ses proches et, lorsqu'il a eu vingt ans, il a construit
une auberge réconfortante pour héberger les voyageurs sans ressources.
Peu de temps après, la vie lui a imposé d'amères surprises.
Sa maman a trouvé la mort dans une catastrophe et son père, en raison des
persécutions de puissants ennemis dans la lutte commerciale, s'est appauvri rapidement et
est décédé. Deux sœurs plus âgées se sont mariées et ont pris des chemins différents.
Le jeune homme, maintenant seul, bien qu'il n'ait jamais oublié les conseils
paternels, s'est révolté contre les idées nobles et est parti parcourir le monde.
II a travaillé, il a gagné une immense fortune et l'a dépensée, profitant de plaisirs
inutiles.
II n'a plus jamais pensé à semer le bien.
Les années se sont succédé les unes aux autres.
Arrivé à l'âge adulte, il était devenu dépendant du jeu et de la boisson.
Souvent, l'Esprit de son père s'est approché, le suppliant de faire attention et de se
repentir. Le fils enregistrait ses appels sous forme de pensées, mais il refusait d'y
répondre. II voulait juste manger à volonté et boire dans des maisons bruyantes, jusqu'à
l'aube.
II s'avère, cependant, que l'équilibre du corps a des limites, et sa santé s'est altérée
de façon lamentable. Des blessures sont apparues sur tout son corps. II ne pouvait plus

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s'alimenter régulièrement. II a perdu la fortune qu'il possédait, en voyages et traitements
coûteux. Comme il n'avait construit aucune affection, il a été relégué à l'abandon. Ses
cheveux sont devenus blancs. Les amis des soirées heureuses se sont éloignés de lui ;
honteux, il a quitté la ville qui l'avait accueilli et il est devenu mendiant.
II a erré dans de nombreux endroits et sous de nombreux climats, jusqu'à ce qu'un
jour il ressente une profonde nostalgie pour son ancien foyer et il est retourné dans le
petit bourg qui l'avait vu grandir.
II a fait un long voyage à pied. Après plusieurs jours, il est arrivé exténué sur le
lieu d'autrefois.
L'anacardier qu'il avait planté était devenu un arbre généreux. Enchanté, il a vu les
fruits tentants. II en a profité pour apaiser sa propre faim et s'est rendu au village. II avait
soif et a cherché la source. Le courant cristallin, bien protégé, a caressé sa bouche sèche.
Personne ne l'a reconnu, tant il était affaibli.
Bientôt, la nuit est tombée et il a eu froid. Deux hommes charitables lui ont offert
leurs bras et l'ont conduit au vieil asile qu'il avait lui-même construit. Quand il est entré
dans l'enceinte, il a versé beaucoup de larmes, car son nom était gravé sur le mur avec des
mots de louange et de bénédiction.
II s'est couché, honteux, et s'est endormi.
En rêve, il a vu l'Esprit de son père à côté de lui, qui s'est exclamé :
- As-tu appris la leçon, mon fils ? Tu avais faim et l'anacardier t'a nourri ; tu avais
soif et la fontaine a étanché ta soif ; tu avais besoin d'un asile et la maison que tu as
construite pour ceux qui passent avec un destin incertain t'a accueilli...
L'enlaçant avec tendresse, il a ajouté :
- Pourquoi as-tu cessé de semer le bien ?
L'interpellé n'a pas pu répondre. Les larmes étouffaient sa voix dans sa gorge.
II s'est réveillé longtemps après, son visage lavé par les pleurs, et quand le
responsable du refuge lui a demandé ce qu'il souhaitait, il a simplement dit :
- J'ai besoin seulement d'une houe... J'ai besoin de recommencer à être utile, de
quelque façon que ce soit.

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L'esprit du mal
L'Esprit du mal, qui favorise les afflictions de beaucoup de gens, voyant, un
matin, un nid d'oiseaux heureux, a projeté de détruire les pauvres petites bêtes.
La petite mère ailée, très heureuse, caressait les petits, pendant que le papa volait
à la recherche de nourriture.
L'Esprit du Mal a vu ce grand bonheur et il en a été exaspéré. Il tuerait tous les
oiseaux, s'est-il dit. Pour cela, cependant, il avait besoin de quelqu'un qui l'aide. Cette
action exigeait des mains humaines. Alors, il a commencé à rechercher la compagnie des
enfants. Qui sait, peut-être qu'un de ces garçons pourrait lui obéir?
Il est allé à la maison du petit Jean, fils de Laura, mais le petit Jean était très
occupé à aider son frère cadet, et comme l'Esprit du Mal ne peut perturber les gens qu'en
s'insinuant dans leur pensée, il n'a pas trouvé de moyens pour dominer les pensées de
Jean. Il a couru à la résidence de la petite Zélia, la fille de Charlotte. Il a trouvé la petite
fille travaillant, très attentive, à tricoter un pull, sous la direction maternelle, et, en face
d'un cerveau si plein d'idées d'aiguille, de fils de laine et de pièce à finir, il n'a pas réussi à
communiquer son objectif malheureux. Il s'est dirigé, ensuite vers la ferme de Vitalino
pour voir si Quentin, son fils, était en mesure de le servir. Mais Quentin, juste à ce mo-
ment-là, était obéissant sous les ordres de son papa, repiquant plusieurs plants d'orangers
et il était si joyeux, à méditer sur la bonté de la pluie et sur les oranges futures, qu'il ne
s'est même pas rendu compte des idées venimeuses que l'Esprit du Mal soufflait dans sa
tête. Reconnaissant l'impossibilité de l'envahir, le génie du mal, s'est souvenu du petit
Marc, le fils de Marie. Le petit Marc était très gâté par sa mère, qui ne le poussait pas à
travailler et excusait ses vagabondages. Il avait douze ans passés et il allait de maison en
maison, s'abandonnant à la paresse. L'esprit du Mal l'a cherché et l'a trouvé à la porte d'un
petit bistrot, avec une énorme cigarette à la bouche. Ses mains étaient inoccupées et sa
tête vide.
- Allons tuer des oiseaux ! - a dit l'horrible Esprit aux oreilles du jeune paresseux.
Le petit Marc n'a pas écouté sous la forme d'une voix, mais il a entendu sous la
forme d'une idée.
Il est sorti, soudainement, avec un désir incontrôlable de trouver des petits oiseaux
pour les tuer.
L'Esprit du Mal, sans qu'il s'en aperçoive, l'a conduit facilement jusqu'à l'arbre où
l'heureux nid recevait les caresses du vent. Le garçon, avec des pierres criminelles, a

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anéanti le père, la mère et les petits. Le sombre génie avait pris ses mains et, après le
meurtre des oiseaux, il l'a conduit à commettre de nombreuses fautes qui ont nui à sa vie
pour de nombreuses années.
Ce n'est que plus tard que le petit Marc a compris que l'Esprit du Mal ne pouvait
agir, dans le monde, que par l'intermédiaire de garçons fainéants ou d'hommes et de
femmes voués à la paresse et au mal.

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Le Divin Serviteur
Quand Jésus est né, une étoile plus brillante que les autres, a brillé en plein ciel,
indiquant la crèche.
Au début, peu de gens connaissaient sa sublime mission.
Mais en vérité, prenant la forme d'un enfant, II est venu, de la part de Dieu, notre
Père céleste, pour sanctifier les hommes et éclairer les chemins du monde.
Le Seigneur Suprême qui nous l'a envoyé est le propriétaire de toutes choses. Des
millions de mondes sont gouvernés par ses mains. Sa puissance s'étend sur tout, du soleil
lointain jusqu'au ver qui rampe sous nos pieds ; et Jésus, Son émissaire sur la Terre, a
changé le monde entier. Enseignant et aimant, il a rapproché les créatures entre elles, il a
répandu les graines de la compassion fraternelle en donnant naissance à la fondation
d'hôpitaux et d'écoles, de temples et d'institutions, consacrés à l'élévation de l'Humanité.
Il a influencé, par ses exemples et ses leçons, les grands empires, en forçant les princes et
les administrateurs, égoïstes et méchants, à modifier leurs programmes gouvernementaux.
Après sa venue, les prisons infernales, l'esclavage de l'homme par l'homme, la peine de
mort aveugle pour ceux qui ne pensaient pas comme les plus puissants, ont fait place à la
bonté salvatrice du bien, au respect de la dignité humaine et de la rédemption de la vie,
peu à peu.
En plus de ces gigantesques œuvres dans les domaines de l'expérience matérielle,
Jésus, devenant le Divin Maître des âmes, a fait plus encore.
Il a prouvé à l'homme la possibilité de construire le Royaume de la Paix à
l'intérieur de son propre cœur, ouvrant la voie céleste au bonheur de chacun de nous.
Cependant, le plus grand ambassadeur du Ciel sur la Terre a également été un
enfant.
Il a vécu dans un foyer humble et pauvre, tout comme des millions d'enfants, mais
il n'a pas passé son enfance dans l'insouciance. Il avait des compagnons affectueux et
jouait avec eux.
Toutefois, on le voyait travailler chaque jour, dans le modeste atelier de
menuiserie. Il vivait avec discipline. Il avait des
devoirs envers la scie, le marteau et les livres. Pour représenter le Pouvoir
suprême sur Terre, il n'agissait pas suivant sa seule volonté, sans occupations précises. Il
ne s'est jamais senti supérieur aux petits qui l'entouraient et il ne s'est jamais adonné à
l'humiliation de ses semblables.

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C'est pourquoi un jeune laissé en liberté, sans obligation de servir, d'assister et de
respecter, est mis en grand danger.
Fils de parents riches ou pauvres, un jeune désœuvré est invariablement un
vagabond. Et le vagabond tend vers le titre de malfaiteur, en toutes circonstances. Même
s'il n'a pas de conseillers éclairés dans l'environnement où il respire, le jeune doit
chercher un travail édifiant, où il peut être utile au bien général ; parce que si Jésus lui-
même, qui n'avait besoin d'aucun soutien humain, a donné l'exemple du service aux
autres depuis ses plus tendres années, que ne devons-nous pas faire pour mettre à profit le
temps qui nous est donné sur la Terre ?

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Prière des jeunes
Maître Aimé !
Accepte nos cœurs à ton service et, Seigneur, ne nous laisse pas sans tes leçons.
Apprends-nous à obéir dans la diffusion du bien afin que nous sachions agir pour
la gloire de la vie.
Corrige notre enthousiasme afin que la passion inférieure ne nous détruise pas.
Modère notre joie, en nous éloignant des plaisirs vicieux.
Réforme notre repos pour que l'oisiveté ne nous domine pas.
Aide-nous à dépenser le Trésor des Heures, en nous distanciant des ténèbres du
Jour perdu.
Inspire-nous le courage, en nous retenant de la chute dans les dangers de la
précipitation.
Oriente-nous dans la défense du Bien, du Droit et de la Justice afin que nous ne
devenions pas de simples jouets du mal et de l'indiscipline.
Dirige nos impulsions pour que nos forces ne soient pas mobilisées parle mal.
Illumine notre compréhension de sorte que nous nous inclinions heureux devant
les suggestions de l'Expérience et de la Sagesse, afin que l'humilité nous préserve des
ombres de l'orgueil.
Seigneur Jésus, notre valeureux Maître, aide-nous à être avec toi tout comme tu es
avec nous !
Ainsi soit-il.

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