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ALLOCUTION DE JEANINE TATY KOUMBA

Présidente par intérim de l’Union Nationale


Libreville, le 20 janvier 2024

Monsieur le Secrétaire exécutif,


Messieurs les vice-présidents,
Mesdames et messieurs les Secrétaires exécutifs adjoints,
Militantes et militants, chers compagnons,
Chers compatriotes,
Mesdames et messieurs

En ce début d’année, permettez-moi de vous adresser à tous, ainsi qu’à vos familles et vos
proches mes vœux de santé et de succès. Avant de vous parler de notre Parti, je veux vous
parler de notre pays, qui est au-dessus de tout et pour lequel nous nous sommes engagés.

Depuis le 30 août 2023, le Gabon vit une expérience nouvelle et inédite. Les certitudes de nos
adversaires d’hier ont été ébranlées. Nos doutes et craintes ont été apaisés. Sous la conduite
de la présidente Paulette Missambo, nous avons fait le choix d’accompagner le Comité pour
la transition et la restauration des institutions (CTRI). Nous l’avons fait parce que nous voulons
contribuer à doter notre pays d’institutions fortes et républicaines, au service de tous et non
de quelques-uns.

Comme vous, après cinq mois d’observation, j’entends les réserves qui s’expriment ici et là.
Je ne prétends pas que tout va désormais pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais,
face à la déliquescence de notre Etat, à la montée du chômage, à la déstructuration de notre
économie et à la perte des valeurs morales, nous n'avons d’autre choix que d’essayer de
capitaliser l’opportunité offerte par le CTRI. Soit nous nous mettons en position de
spectateurs, et alors nous serions condamnés à subir. Soit nous mettons nos énergies à
contribution, et alors nous pourrions peser sur le cours de l’Histoire. Dans cette exaltante
mission, nous avons besoin de tous et de chacun. Nous avons besoin de votre engagement,
de votre force créatrice, de votre détermination et de votre courage. Au-delà des nominations,
ne perdons jamais de vue l’essentiel : l’urgence de léguer à nos enfants et petits-enfants un
pays libre, démocratique, où chacun peut s’épanouir selon son talent.

Mes très chers Compagnons,

Depuis novembre 2021 et la fin de notre 2ème Congrès ordinaire, nous avons engagé le combat
pour le rassemblement et la reconstruction de notre Parti. Lors de la rentrée politique du 08
janvier 2022, la présidente Paulette Missambo avait fixé une feuille de route que nous avons
essayé de respecter. Dans la perspective des élections de 2023, elle avait décliné trois
priorités : mettre le Parti en ordre de bataille, obtenir la réforme du système électoral et,
construire une dynamique d’unité au sein de ce qui était alors l’opposition. Nous avons tout

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mis en œuvre pour relever ces défis. Je sais que ce ne fut pas toujours facile, mais personne
ne peut nier que l’Union Nationale a été à l’initiative du Mémorandum pour la transparence
électorale. Personne ne peut non plus nier que notre Parti a joué un rôle de premier plan dans
la mise en place de la plate-forme Alternance 2023. Même si nos adversaires ont fait preuve
d’un égoïsme déconcertant, aux antipodes de l’intérêt général, nous avons bataillé pour
obtenir la réforme du système électoral, aux côtés de nos alliés de toujours. Avec eux, nous
avons rassemblé l’opposition, désigné un candidat consensuel à la présidentielle d’août 2023
et, pris une option tactique qui nous a permis d’annihiler les effets du fameux ticket imposé
par le pouvoir déchu et malicieusement dénommé bulletin unique. Je laisse à chacun le soin
d’apprécier le résultat de notre travail. Mais, devant vous, ici et maintenant, je l’affirme : Ali
Bongo et le Parti démocratique gabonais (PDG) n’étant plus au pouvoir, nous devons repenser
notre stratégie et redéfinir notre positionnement.

Mes très chers Compagnons,

Nos priorités doivent entrer en résonance avec celles du pays. Elles doivent nous permettre
de prendre toute notre part à la vie publique, à la construction de la démocratie, à
l’élargissement de l’espace civique et au raffermissement de la cohésion sociale. Si certains se
livrent à des guerres de positionnement individuel, nous devons jouer collectif. Nous devons
rechercher l’intérêt général. A vous militants, aux sympathisants, comme à nos concitoyens,
nous devons rappeler que la liberté, le travail et la solidarité sont nos valeurs. Nous devons
montrer que le patriotisme, la transparence et la justice sont nos principes d’action.

Si je m’en tiens au chronogramme rendu public par le CTRI, nous avons trois mois pour affiner
notre réflexion. Trois mois pour préparer notre participation au Dialogue national inclusif.
Trois mois pour revisiter nos propositions, roder notre argumentation, construire des alliances
avec tous les progressistes et tenir nos troupes en éveil. Dans ce chantier, chaque coordination
doit jouer sa partition. Institutions ; justice ; gestion des élections ; modalités de nomination
dans la haute administration, les grands corps de l’Etat et les autres organismes de service
public ; protection et libre exercice des droits civils et politiques ; politique de défense
nationale ; statut des forces de défense et de sécurité ; réforme des services de
renseignement : ces sujets doivent faire l’objet d’une attention particulière de notre part. Il
revient donc à chaque responsable de coordination d’en débattre avec les militants, sans
passion, avec froideur, lucidité et rigueur. Il revient aussi à chaque coordonnateur de réfléchir
aux moyens de rendre au Gabonais sa dignité, sa liberté et sa fierté car, si le Dialogue national
inclusif aura un large volet institutionnel, il devra aussi dessiner les contours d’une ère de
félicité pour tous et pour chacun. Nous devons à ce propos interroger notre culture, car la
dignité ne s’achète pas. Elle ne se vend pas. Elle doit être un comportement, une quête et une
préoccupation perpétuelles pour chacun.

En prévision du Dialogue national inclusif, je veux vous parler de trois sujets. Trois sujets qui
me confortent dans l’idée que, comme depuis sa création, l’Union Nationale doit jouer un rôle
d’intermédiaire entre le peuple et les gouvernants. Le premier c’est la justice transitionnelle,
sujet récemment abordé par la présidente Paulette Missambo. Durant les 14 dernières
années, trop d’abus ont été commis. Des Gabonais ont été injustement privés de leurs droits,
y compris du droit au travail. D’autres ont été spoliés ou embastillés, avant d’être libérés sans
jugement. Et d’autres ont perdu la vie. S’ils se sont souvent faits à l’ombre des lois et avec les

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couleurs de la justice, ces dénis de droit nourrissent encore polémiques et ressentiments. Or,
pour mieux envisager le futur, le Gabon doit connaitre son passé. Pour mieux affronter les
défis à venir, les Gabonais doivent se réconcilier avec eux-mêmes. C’était d’ailleurs l’un des
objectifs de la Conférence nationale souveraine exigée par l’Union Nationale dès 2012. Nos
compatriotes, militants du PDG, ont toujours été opposés à une telle idée parce qu’ils savent
avoir causé beaucoup de tort au pays et à leurs semblables. C’est pourquoi, ils veulent aller
directement aux soins sans avoir posé le diagnostic. Pourtant, chacun sait que pour guérir, il
faut que la thérapie soit adaptée à la pathologie. Dès lors, je l’affirme avec force et conviction :
l’Union Nationale fait sienne et apporte un soutien sans réserve à la proposition de la
présidente Paulette Missambo relative à l’établissement d’un pacte de la mémoire. Aux côtés
du Sénat, de tous les organes de la Transition et de l’ensemble des Gabonais, nous voulons
avancer vers la refabrication de l’unité nationale et la réconciliation. Avec lucidité, en ayant à
l’esprit que nous avons un pays en partage, un pays à reconstruire ensemble, nous devons
aborder ces points. Sur certaines questions qui pourraient en découler, ma religion n’est pas
faite. C’est pourquoi, devant vous, je charge le conseiller Raphaël Bandega Lendoye de mettre
en place un groupe de travail, qui devra y réfléchir. L’Union Nationale doit prendre toute sa
part à ce débat d’intérêt national. Il en va du raffermissement de notre vivre-ensemble

Le deuxième sujet c’est le respect des droits et libertés individuelles et collectives garantis par
les lois. Dans sa première déclaration publique, le CTRI avait dit devoir défendre la paix et
éviter que le pays ne sombre dans le chaos. Par cet engagement, il affirmait sa volonté d’en
finir avec la gouvernance du PDG, mélange de corruption endémique, d’intolérance et
d’arbitraire. N’empêche, nous devons rester vigilants et proactifs. Tout notre défi est
d’imposer des limites aux prérogatives de l’Etat, d’encadrer son action et de la soumettre à
des normes juridiques. La bataille pour les libertés publiques c’est la bataille pour la liberté de
circuler, la liberté de choisir son domicile, la liberté d’association, la liberté de réunion, la
liberté de manifestation, la liberté de croyance, la liberté d’opinion et d’expression, la liberté
d’entreprendre, la liberté syndicale, etc. C’est aussi la bataille pour le droit à la vie, le droit
d’enseigner ou d’opter pour un type d’enseignement, le droit de louer ses services, etc. En
listant ces droits et libertés, j’invite chacun à s’approprier l’esprit et la lettre de certains
instruments internationaux annexés à notre Constitution : la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789, la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et, la Charte nationale des libertés. Pour
avoir été, 14 ans durant, engagée dans le combat pour une démocratie véritable, j’ai
parfaitement conscience de cette mécanique qui conduit les gouvernants à œuvrer à la
restriction des libertés. Voilà pourquoi, les instances de notre Parti, et notamment les
coordinations, doivent s’engager dans la promotion et la défense des libertés publiques. Pour
raffermir nos liens et permettre à chacun d’exprimer son talent, nous devons réfléchir aux
moyens de garantir l’indépendance des juges, y compris les juges constitutionnels et
administratifs. Dans un passé récent, ils ont trop souvent volé au secours du pouvoir politique.
Ça n’est pas l’idée que je me fais de la justice en République et en démocratie. D’ici à avril
prochain, chacun de nous doit réfléchir encore au fonctionnement de notre justice.

Le troisième sujet, c’est la réforme du système électoral. En mai 2022, nous avons fait
connaître nos propositions. J’invite chacun à les relire pour se les approprier. Signé par 10
partis, ce mémorandum n’avait rien de partisan. Il n’avait pas vocation à faciliter notre
accession au pouvoir. Il ne visait qu’un objectif : parvenir à des élections transparentes pour

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prévenir les risques de contestation et les violences qui les accompagnent. Pour ainsi dire, il
avait une portée républicaine. C’est pourquoi, j’invite les coordinations à organiser des
séances d’explication et de sensibilisation sur la question électorale. Je les exhorte à débattre
de nos idées, à les approfondir, pour mieux s’inscrire dans une dynamique de changement.

Mes très chers Compagnons,

Depuis quelques temps, des manipulateurs tentent de faire croire que les partis politiques ont
été mis en veilleuse, que les divergences de vues ont disparu et que nous faisons désormais
les mêmes rêves pour notre pays et son peuple. Dans le même ordre d’idées, certains veulent
banaliser le rôle des partis politiques, en mettant en avant l’incapacité de ceux-ci à parvenir à
l’alternance politique. Même si nous reconnaissons qu’une refonte de la législation sur les
partis politiques est nécessaire, une telle affirmation dénote de la méconnaissance de
l’histoire.

En effet, les partis ont toujours joué un rôle important dans la vie politique de notre pays.
Depuis la fin du parti unique, toutes les avancées démocratiques, aussi minimes fussent-elles,
ont été obtenues au prix de luttes menées par les partis politiques ou avec leur soutien. Si
l’alternance n’a pas été au rendez-vous, c’est simplement parce que les institutions étaient
toutes inféodées au pouvoir déchu dont elles voulaient perpétuer le règne. Parce que ça fait
désormais partie de l’histoire, il faut avoir l’honnêteté de le dire et le reconnaître. Sans
forfanterie aucune, il faut aussi avoir le courage de le dire et l’admettre : l’avènement de la
Transition en cours a, quelque part, été favorisé en amont par le combat des partis politiques,
particulièrement ceux regroupés au sein de la plate-forme Alternance 2023.

Pour notre part, et avec force et fierté, nous affirmons être pleinement engagés pour la
réussite de la Transition. Nous revendiquons aussi le droit au libre exercice de notre activité
politique. De même, nous proclamons notre spécificité et notre identité particulière, produits
d’une histoire faite de lutte contre toutes les formes de brimades et d’injustices. Pour toutes
ces raisons, nous voulons que la Transition soit une réussite afin que notre pays retrouve le
chemin de la démocratie véritable. Je vous invite donc à parcourir les territoires de vos
coordinations, à aller au contact de nos concitoyens pour leur expliquer ce qui se fait et ce que
nous faisons en cette période exceptionnelle.

Nous voulons que le Dialogue national inclusif apporte des réponses à la hauteur des attentes
et sacrifices de notre peuple. Je vous exhorte donc à vous y préparer, à vous réunir pour
débattre de sujets d’intérêt général.

Nous voulons que la prochaine Constitution soit la traduction d’une ambition démocratique
et émancipatrice à tous points de vue. Je vous encourage à vous poser les bonnes questions
sur l’articulation et le fonctionnement de nos institutions.

Nous voulons que le référendum annoncé ouvre une ère de liberté et de progrès pour tous.
Je vous demande donc de rester mobilisés.

Convaincue de tout cela, j’invite tous les Gabonais à un consensus autour de la Transition. Cet
appel au consensus national peut, je le sais, être interprété de façon tendancieuse, mais parce

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que je ne puis me résoudre à l’idée que cette opportunité historique puisse être gâchée, nous
devons nous donner les moyens de changer pour offrir à notre pays des perspectives
nouvelles, à la hauteur de son potentiel.

Mes très chers Compagnons,

Parce que la Transition est d’abord un processus politique, nous devons nous y impliquer en
tant que parti politique. Nous devons y aller sans calcul ni arrière-pensée politicienne, en
privilégiant, comme nous l’avons toujours fait, l’intérêt supérieur de la nation. Tout en gardant
nos valeurs, nos principes et nos idées, nous devons accompagner le CTRI afin que la Transition
gabonaise devienne un exemple à suivre. Nous devons mettre nos organes et nos troupes à
contribution. Peu importe les circonstances, nous devons dire la vérité sur les défis que nous
devons relever ensemble. Au service de notre pays et de son avenir, je considère qu’il n’y a
pas de sujet tabou. J’affirme ainsi que la réussite de toute transition dépend des choix
politiques opérés par les parties prenantes. C’est pourquoi, je vous demande de rejeter les
scénarios écrits d’avance et de vous mobiliser. Ne soyez ni réservés ni sur la défensive, car
notre pays joue gros en cette séquence historique. Pour l’Union Nationale, restez déterminés
et engagés. Pour la Transition et pour le Gabon, soyez inventifs et méthodiques.

Vive l’Union Nationale !


Vive la Transition démocratique !
Vive la République !
Pour que vive le Gabon !
Je vous remercie.

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