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Sommaire

EDITORIAL 03

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Du respect
respect de ll’autorité
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DOCTRINE 05

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JURISPRUDENCE 17

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l’Asssainissement et de ll’Urbanisme
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Sommaire des décisions de la Chambre Administrative 40


(juillet-octobre-novembre-décembre 2014)
EDITORIAL

L
Du respect de l’autorité de la chose jugée
’immunité, dont bénéficient les personnes publiques contre lesquelles ne s’exercent pas les voies
d’exécution, justifiée par leurs missions de service public, ne saurait conduire à admettre qu’elles
.puissent se soustraire abusivement aux obligations nées, à leur encontre, de décisions de justice.

A quoi servirait-il de juger, si ce qui a été jugé pourrait ne pas être respecté ou être rejugé indéfiniment ?

La décision de la Chambre Administrative, saisie pour trancher un litige, ne servirait à rien si elle pouvait
être ignorée. La chose jugée a et doit avoir autorité, c’est-à-dire s’imposer, d’abord, aux parties et donc à
l’administration et, ensuite, à tous. La chose jugée doit être tenue pour la vérité, res judicata pro veritate
habetur, enseigne le droit. L’exception tirée de la chose jugée ou exception de chose jugée permet, devant
toutes les juridictions, d’obtenir le respect de ce qui a été jugé.

L’autorité de la chose jugée est un attribut de la décision juridictionnelle. Ses effets peuvent être systé-
matisés en trois (03) idées :

– ce qui a été jugé ne peut l’être à nouveau (si ce n’est en conséquence de l’exercice d’une voie de
recours contre la décision juridictionnelle) ;

– ce qui a été jugé ne peut être contredit ;

– ce qui a été jugé doit être exécuté.

Ces principes théoriques générés par l’autorité de la chose jugée jurent, trop souvent, de leur divorce
avec la réalité contentieuse de la Chambre Administrative. Celle-ci donne à voir que, fréquemment, dans le
contentieux de l’excès de pouvoir, l’autorité de la chose jugée est piétinée.

Par-delà la quérulence processuelle de certains requérants et de leurs conseils qui, refusant de se plier
aux décisions de justice qui ne confortent pas leurs désirs ou délires, se distraient à encombrer le prétoire
de la Chambre Administrative de requêtes répétitives, ayant le même objet et la même cause, il y a, surtout,
l’inexécution des arrêts par l’Administration. Certaines autorités administratives, sous des prétextes divers
et fallacieux, contestent et refusent d’exécuter les décisions de la Chambre Administrative lorsqu’elle annule
leurs actes infestés d’illégalités.

Pareille attitude, attentatoire à l’Etat de droit, est d’autant plus choquante que ces mêmes autorités
accueillent, toujours, chaleureusement les arrêts de rejet qui, repoussant les prétentions et allégations
des particuliers requérants, donnent, par voie de conséquence, une assise juridiquement fortifiée à leurs
décisions. Ils n’hésitent pas, dans ces cas de figure, à dresser lauriers aux Magistrats de la Tour
BICICI... qu’ils voueront aux gémonies dès lors qu’ils annulent, même pour illégalité avérée, leurs décisions.
BICICI...qu’ils

Il importe de rappeler, urbi et orbi, que dans un Etat de droit, l’administration ou, plus exactement, les
personnes publiques, comme les personnes privées ont l’obligation juridique de ne méconnaître aucune
décision juridictionnelle qui, par essence, est exécutoire. L’administration est tenue de respecter toutes les
décisions rendues par la Chambre Administrative, qu’elles soient, en référé, d’irrecevabilité, de rejet ou
d’annulation, qu’elles soient provisoires ou qu’elles aient autorité relative ou absolue de chose jugée.

Face aux dénégations de certaines autorités administratives, qui se rebellent contre les arrêts d’annulation
de leurs décisions, on rappellera que, dans le cadre du contentieux administratif, les actes administratifs
annulés sont réputés n’être jamais intervenus. L’annulation juridictionnelle opère avec effet rétroactif : non
seulement l’acte administratif n’existe plus, mais il doit aussi être considéré comme n’ayant jamais existé.

La tribune de la Chambre Administrative 2015 03


Lorsque la Chambre Administrative, à la demande d’un requérant qui la saisit d’un recours d’excès de
pouvoir, annule une décision administrative illégale, il incombe à l’Administration d’en tirer les con-
séquences, de prendre toutes les mesures pour en assurer l’exécution.

Dans un certain nombre de cas, la décision juridictionnelle d’annulation met fin au litige, mais n’exige
aucune mesure de la part de l’administration. Ce sont les hypothèses dans lesquelles l’annulation a pour
effet mécanique de remettre en vigueur l’acte administratif indûment retiré ou abrogé. Par exemple, dans
le cas d’une interdiction ou d’une sanction, l’annulation juridictionnelle atteint, par elle-même, son plein
effet et ne nécessite aucune mesure consécutive de la part de l’administration. Dans ces cas de figure,
l’Administration doit se limiter à ne rien faire qui soit en contradiction avec la chose jugée. Pour cette
exécution passive, il pèse sur l’Administration une double obligation d’abstention : elle ne doit plus appli-
quer l’acte administratif annulé, ni reprendre un acte identique à celui annulé.

Mais, le plus souvent, l’annulation ne suffit pas par elle-même. Au-delà des effets automatiques produits
par la disparition de l’acte illégal, l’Administration doit assurer une exécution positive, tirer les conséquences
de ce qu’implique l’arrêt d’annulation. Dans cette situation, l’administration doit redécider pour combler le
vide créé par l’annulation, remplacer la décision annulée. L’autorité administrative, dont la décision prise sur
demande est annulée, se trouve à nouveau saisie de plein droit de cette demande. En raison de l’effet
rétroactif de l’annulation, l’autorité administrative est réputée n’avoir pas répondu à celle-ci. Elle est donc
tenue de statuer, de se prononcer sur cette demande après instruction. Les autorités administratives
doivent savoir que l’annulation, par la Chambre Administrative, du rejet d’une demande d’autorisation
d’occupation de terrain ou de permis de construire, par exemple, implique, de leur part, une nouvelle
décision. Elles restent saisies du dossier, sans même que les intéressés aient à renouveler leurs
demandes.

On ne saurait perdre de vue que, même si le recours pour excès de pouvoir a été célébré « comme la
plus merveilleuse création des juristes, l’arme la plus efficace, la plus économique qui existe au monde
pour défendre les libertés » par une doctrine en exaltation, son utilité réelle tient à ses conséquences
pratiques. Ce que le requérant souhaite, c’est que, dans la réalité de sa vie quotidienne, quelque chose, au
terme du recours, se trouve changé en mieux : qu’il puisse, par exemple, réintégrer la Fonction Publique
dont il a été illégalement révoqué, retrouver le terrain que l’Administration lui a arbitrairement retiré. Ce n’est
pas « l’annulation abstraite, platonique, la victoire morale de s’entendre dire qu’il a eu raison contre
l’administration qui l’intéresse », comme le faisait remarquer le Huron de Rivero.

L’effectivité de la justice administrative, qui ne dispose pas de voies d’exécution à l’encontre de l’adminis-
tration, la crédibilité de la Chambre Administrative, juge de la légalité, qui ne peut substituer sa décision à
l’acte administratif, dépendent, pour une large part, de l’exécution, par l’Administration, des décisions juridic-
tionnelles qu’elle rend. La bonne exécution des décisions de justice est une exigence fondamentale de l’Etat
de droit et de la démocratie. Cette exigence s’impose, avec une force particulière à la justice administrative
qui connaît des litiges opposant citoyens et Administrations et qui se trouve ainsi amenée, le cas échéant, à
censurer des abus de pouvoir.

Le législateur, en donnant la faculté à la Chambre Administrative d’infliger des amendes pour recours
abusif, lui a offert le moyen de lutter contre les requérants impulsifs ou d’habitude. Il lui reste à doter cette
juridiction de moyens juridiques, tels les pouvoirs d’injonction et d’astreintes pour assurer l’exécution de ses
décisions, partant de donner un plein effet à l’autorité de la chose jugée.

Il devient urgent que les pouvoirs publics ouvrent ce chantier…

KOBO Pierre-Claver
Président de la Chambre Administrative

04 La tribune de la Chambre Administrative 2014


DOCTRINE
UN CONTENTIEUX EN EXPANSION : L’EXPULSION DES OCCUPANTS
SANS TITRE DU DOMAINE PUBLIC PAR LA VOIE DU REFERE ADMINISTRATIF
Méconnu et ostracisé pendant longtemps, le référé surtout de prendre rapidement des mesures des-
administratif devant la Chambre Administrative, qui, à tinées à préserver l’avenir, à assurer la protection
la demande des requérants, peut, « dans tous les cas des droits et intérêts menacés.
d’urgence », ordonner « toutes mesures utiles » ou
mesures conservatoires pour suspendre les effets Par ailleurs, alors même que le champ des
d’une situation dommageable ou enjoindre un com- mesures susceptibles d’être ordonnées par le juge
portement à l’administration ou aux personnes et l’objet sur lequel elles portent ne sont circonscrits
privées, retrouve, ces dernières années, droit de cité. par aucun texte dans notre pays, la voie du référé
Il suscite même un certain engouement. Le nombre devant la Chambre Administrative est empruntée
des requêtes y relatives, trois (3) en 2011 et quatre (4) presqu’exclusivement pour l’expulsion des occu-
en 2012, est monté à douze (12) en 2013 et à quinze pants sans titre du domaine public. Pourtant, la
(15) en 2014. L’évolution en cours donne à penser jurisprudence française donne à voir que sur le
que la barre de 25 sera allègrement franchie en 2015. fondement du même texte de l’article 79 précité,
qu’on retrouvait naguère, sous l’article R.130 du
L’article 79 de la loi sur la Cour Suprême (loi n° code du Tribunal administratif, puis aujourd’hui sous
94-440 du 16 août 1994 modifiée par la loi n°97-243 l’article L 523-3 du code de justice administrative, le
du 25 avril 1997) qui prévoit et organise ce référé référé administratif peut être sollicité, entre autres :
administratif, qui est une procédure d’urgence, donne
à lire « Dans tous les cas d’urgence, le Président de  par des personnes privées pour obtenir la
la Chambre Administrative peut, sur simple communication de décisions ou de documents
requête : ordonner toutes autres mesures utiles, sans détenus par l’administration (CE. 9 avril 1998,
faire préjudice au principal, ni obstacle à l’exécution Crédit commercial de France, Rec. 176) ;
d’aucune décision administrative. Notification de la
requête est immédiatement faite aux défenseurs  pour prescrire à un Maire de prendre un arrêté
éventuels avec fixation d’un délai de réponse. Le interruptif de travaux se poursuivant en dépit de la
Secrétaire de Chambre adresse sans délai au suspension du permis de construire (CE 6 février
Ministère Public copie de la notification visée au 2004, Masier, Rec. 45) ;
précédent alinéa ».
 pour la prise en charge par l’Etat de travaux
Au regard de son régime et de sa portée, la pour la mise en sécurité d’un bâtiment privé menacé
sollicitation parcimonieuse de cette voie de recours, d’effondrement par le fait de travaux publics (CE 18
qui permet de prendre des mesures conservatoires
juillet 2006, Madame Elissando Labat, Rec.369) ;
pour faire face à des situations d’urgence, paraît
surprenante. En effet, l’accès à cette procédure est
 pour ordonner à un cocontractant de l’adminis-
aisé, puisque le juge des référés peut être saisi
tration de prendre, dans le cadre des obligations
dans « tous les cas d’urgence », sans décision admi-
prévues au contrat, toutes mesures nécessaires pour
nistrative préalable et sans recours au fond, comme
assurer la continuité du service public (CE 13 juillet
c’est le cas dans la procédure du sursis à exécution
organisée par l’article 76 de la loi sur la Cour 1956 OPHLM de la Seine, Rec.343).
Suprême, à laquelle certains le confondent impro-
prement. Le référé mesures utiles, appelé aussi Contrairement à la situation française, dans notre
référé conservatoire, est un recours autonome qui pays, jusqu’ici, l’expulsion des occupants sans titre
n’a pas à être dirigé contre une décision. L’article 79 du domaine public reste la seule terre d’élection du
exclut même que cette voie de droit soit utilisée pour référé. A bien d’égards, cette polarisation ou le
faire obstacle à l’exécution d’aucune décision confinement du référé administratif aux litiges
administrative. Il s’ensuit que la recevabilité du domaniaux, entre d’une part, les propriétaires ou
référé mesures conservatoires n’est conditionnée ni affectataires du domaine public, soucieux d’en
par la présentation d’un recours au fond, ni par la expulser les occupants sans titre et, d’autre part, les
production d’une décision administrative. Il permet particuliers qui entendent s’y maintenir, n’est pas

La tribune de la Chambre Administrative 2014 05


surprenant. L’heure est, en effet, à la bonne ges- que le domaine public ait pu, naguère, être
tion, à la meilleure utilisation et à la valorisation du appréhendé comme un bien hors commerce, impro-
domaine public, devenu le siège attractif de multi- ductif, objet de simple police. Mais aujourd’hui, il
ples activités économiques. Certains gestionnaires est loin ce temps de cette incompa-tibilité entre
du domaine public, notamment le Port Autonome l’activité commerciale et le domaine public.
d’Abidjan (PAA), ont découvert que, avec le référé
mesures utiles ou conservatoires devant la Désormais, le domaine public qui, rappelons-le,
Chambre Administrative, ils disposent d’une voie est la propriété des seules personnes publiques,
plus efficace et moins problématique que le recours par-delà sa vocation traditionnelle d’affectation à
au référé civil ou à l’exécution forcée pour faire l’usage du public et des services publics, apparaît
évacuer les dépendances domaniales illégalement surtout comme une richesse à exploiter, à
accaparées. rentabiliser par la meilleure gestion possible (cf. J.
F. DENOYER, L’exploitation du domaine public.
L’accès au domaine public, aux fins d’utilisations LGDJ 1969). Dans cette occurrence, les gestion-
privatives pour l’implantation de structures, d’activités naires du domaine public sont dans une situation très
commerciales et industrielles aux pourtours des favorable pour retrouver la disponibilité de celui-ci.
grandes infrastructures économiques, comme
l’aéroport, les gares et surtout les ports, devient, Non seulement le domaine public ne peut être
chaque jour, un peu plus, une exigence et un enjeu occupé de manière privative sans autorisation, sans
de premier ordre pour les investisseurs. Et l’une des titre d’occupation délivré par l’Administration, mais,
conséquences collatérales, inattendue mais plaisante de plus, celui-ci, qu’il soit unilatéral ou contractuel,
pour les juristes, de la relance économique de notre demeure précaire et peut être, à tout moment, révo-
pays, après la guerre, est la (re) découverte du qué, abrogé. Par ailleurs, le principe de la liberté du
domaine public et de son régime spécifique. commerce n’est pas opposable à l’exercice des
pouvoirs de gestion du domaine public, et par voie
Mal connu, délaissé à l’appétit boulimique des de conséquence, il n’y a aucun droit à l’obtention ou
’’conquérants’’ et autres ’’colonisateurs’’ qui, au maintien d’un titre d’occupation privatif, qu’il soit
lorsqu’ils ne le regardent pas comme un res nullius, une permission ou une concession de voirie (voir
le confondent à une propriété privée, ou dans le C.E. 20 décembre 1957, Société Nationale
meilleur des cas, à la propriété publique, alors qu’il d’Editions cinématographiques, Rec. 702 ; CE 2 Mai
n’est que le régime de certains biens publics, le 1969 Société d’Affichage Giraudy Rec. 238). On
domaine public émerge, ces derniers mois, dans Ajoutera que l’atteinte au droit d’occupation du
ses habits juridiques véritables. Soumis exclusive- domaine public n’est pas une atteinte au droit de pro-
ment à un régime de droit public et notamment de priété immobi-lière et ne peut, à ce titre, constituer,
droit administratif, se distinguant ainsi du domaine quelle que soit la gravité, une voie de fait, comme
privé qui relève d’un régime mixte de droit public et l’a rappelé le Conseil d’Etat dans un important
de droit privé, il se caractérise par sa protection arrêt (CE 20 juin 1980 Commune d’Ax-Les
singulière au travers des règles de l’inaliénabilité et Thermes Rec. 281).
de l’imprescriptibilité.
Dans un tel contexte, il n’est pas étonnant que,
Les biens du domaine public ne peuvent non bien souvent, c’est l’Administration ou la personne
seulement faire l’objet d’appropriation privative, ainsi privée chargée de la gestion du domaine public, tel
que le confirme la jurisprudence de la Chambre le Port Autonome d’Abidjan (PAA), qui transforme
Administrative qui, avec constance, regarde comme en occupant sans titre une personne jusqu’alors en
« actes inexistants » les certificats de propriété fon- situation régulière, en mettant fin prématurément à
cière y relatifs (voir arrêt n° 63 du 23 avril 2014, son titre. Il n’en reste pas moins que l’occupant
Madame OUATTARA Aïchatou épouse SYLLA C/ sans titre du domaine public revêt plusieurs et divers
Ministre de l’Economie et des Finances, arrêt n° 1 visages (voir Lavialle : l’occupant sans titre du
du 18 janvier 2012 ANAC C/ Ministre de la domaine public in A.J.D.A. 1981 P. 563 & suiv.).
Construction et de l’Urbanisme), mais de plus, ils ne
supportent pas les droits réels civils, tels le bail com- Il y a, en premier lieu, l’occupant réellement sans
mercial ou le bail à construction. Si, à cela, on titre, c’est-à-dire celui qui s’est installé de sa propre
ajoute l’absence de droits acquis à s’y maintenir eu autorité sans avoir sollicité une autorisation adminis-
égard au principe de précarité qui préside à toute trative. C’est le squatter, celui qui considère que le
occupation y relative, qu’elle le soit à partir d’une domaine public est un res nullius et, sans aucune
autorisation unilatérale ou contractuelle, laquelle forme de procès, y implante sa maison ou dilate
demeure révocable à tout moment, on comprend

06 La tribune de la Chambre Administrative 2015


celle-ci à son détriment. A cet égard, on notera que texte l’y autorisant ou d’urgence née d’un péril
le fait qu’une pareille occupation ait pu être tolérée imminent, l’Administration n’est pas fondée à se
par l’Administration ne change pas la situation faire justice et à évacuer les occupants irréguliers du
juridique d’un tel occupant, même s’il s’acquitte des domaine public, manu militari (CE 2 novembre 1955
redevances domaniales. Cazauran Rec. 537). L’exécution d’office, c’est-à-dire
le recours à la force, sans décision de justice
Un second type est l’occupant sans titre régulier ; préalable, pour déguerpir des occupants illégaux,
c’est le cas lorsque le titre a été délivré par une n’est légale que dans les conditions fixées par la
autorité incompétente, notamment le Ministre de la vénérable jurisprudence issue de l’arrêt du 02
Construction et de l’Urbanisme sur des parcelles du décembre 1902 du Tribunal des conflits, Société
domaine public (voir arrêt n° 20 du 31 mars 2010 Immobilière de Saint-Just (voir GAJA n° 10).
N’GORAN Yao Mathieu C/ Ministre de la
Construction et de l’Urbanisme ; arrêt n° 25 du 21 L’existence de sanctions pénales et de voies de
avril 2010 PAA C/ Ministre de la Construction et de droit comme le référé administratif, qui permettent
l’Urbanisme). de contraindre les récalcitrants, a pour conséquence
de rendre illégal le recours à l’exécution forcée,
Le troisième type, le plus fréquent, est celui dans l’action d’office de l’Administration.
lequel l’absence de titre de l’occupant procède du
fait que le fondement juridique de son occupation, Aux termes de la jurisprudence, en l’absence
régulier à l’origine, a été, par la suite, remis en cause d’une autorisation législative et de voies de droit,
par le gestionnaire. L’occupation sans titre résulte seule l’urgence motivée par un péril imminent jus-
du maintien dans les lieux de l’occupant à la suite de tifie l’exécution forcée, c’est-à-dire le recours direct
l’expiration ou de la résiliation d’un contrat d’occu- par l’administration à la contrainte. En dehors de ces
pation, de retrait ou de non-renouvellement d’une cas, l’expulsion d’office est illégale et constituerait
autorisation unilatérale d’occupation. une faute de nature à engager la responsabilité de
l’administration, si l’on ne considérait pas que la
Quoi qu’il en soit du bien-fondé de cette qualifi- faute de la victime est totalement exonératoire. Il est
cation « d’occupants sans titre », il se révèle qu’au de principe, en effet, que l’occupant irrégulier du
nom de la conservation ou de l’exploitation du domaine public ne peut être indemnisé des dom-
domaine public et aussi de l’affirmation de leur mages subis par ses installations ou du préjudice
autorité, les gestionnaires du domaine public résultant de la cessation des avantages tirés par lui
tolèrent, de moins en moins, leur maintien sur cet d’une exploitation poursuivie sur le domaine public.
espace public. Ils invoquent des troubles que l’occu- En d’autres termes, l’illégalité de l’occupation du
pation sans titre apporte à l’utilisation normale du domaine public emporte effet exonératoire
domaine public et des avantages indus qu’elle (Commune d’Ax-les Thermes, précité).
assure à ses bénéficiaires au détriment de la collec-
tivité et des concurrents. Soumis à la pression des De plus en plus, lorsque l’Administration et
pouvoirs publics et des nouveaux investisseurs, notamment le P.A.A., affectataire du domaine public
avides de s’installer dans la zone portuaire, les portuaire, sont confrontés à des occupants sans titre
gestionnaires du PAA, au nom de considérations de qui entendent s’y maintenir, ils saisissent, en référé,
bonne gestion et de rentabilité, manifestent une le Président de la Chambre Administrative, en vue
grande promptitude pour l’expulsion des anciens de leur expulsion et du démantèlement de leurs
occupants jugés non performants qu’ils ont vite fait équipements.
de transmuer en occupants illégaux, par la résilia-
tion ou l’abrogation de leurs titres. Le Président de la Chambre Administrative,
quand il s’estime compétemment saisi, et si les
Confrontés au maintien dans les lieux des occu- conditions posées par l’article 79 sont remplies,
pants sans titre, à leur refus de libérer les espaces ordonne l’expulsion sollicitée des occupants sans
domaniaux, l’Administration ou son concessionnaire titre du domaine public.
n’a d’autres ressources que de s’adresser au juge
des référés pour obtenir la cessation de l’occupation Ces deux points relatifs à la compétence du
et leur expulsion. Nul, y compris la personne Président de la Chambre Administrative (I) et les
publique, ne saurait se faire justice. En principe, conditions vérifiées pour octroyer ou refuser l’expul-
l’Administration ne peut user des moyens de con- sion sollicitée (II) appellent éclairage.
trainte à l’encontre d’un particulier qu’en vertu d’une
décision juridictionnelle. On le sait, en l’absence de

La tribune de la Chambre Administrative 2015 07


I. De la compétence du Président de la Chambre En réalité, il existe des procédures contentieuses
Administrative à statuer en référé sur le con- pour le traitement dans l’urgence de certaines
tentieux de l’expulsion du domaine public affaires pour lesquelles la durée des instances au
fond ne permet pas de les régler en temps utile. Le
L’article 79 de la loi sur la Cour Suprême fait droit ivoirien dispose, outre le sursis à exécution, de
expressément du Président de la Chambre référés administratifs prévus à l’article 79 de la loi
Administrative le juge de référé, habilité à prendre sur la Cour Suprême qui permet au juge des référés
toutes mesures utiles et à ordonner, le cas échéant, d’ordonner des mesures conservatoires, en vue
l’expulsion des occupants du domaine public, s’il est d’assurer la protection des droits et intérêts des
saisi d’une telle demande. Mais en réalité, il ne peut requérants. Abstraction faite de la désignation d’un
le faire valablement que si le litige ou le contentieux expert pour constater, sans délai, les faits suscep-
dont il est saisi, en urgence, est susceptible de tibles de donner lieu à un litige, il y a surtout la
relever de la compétence de la Chambre possibilité pour le juge des référés de la Chambre
Administrative, elle-même. La compétence ou plus Administrative d’ordonner, en cas d’urgence, toutes
exactement, le champ de compétence du juge des « mesures utiles ». C’est, précisément, sur ce
référés est fonction de celui de la Cour. fondement, que certains requérants et notamment
le Port Autonome d’Abidjan saisissent le Président
A- Le Président de la Chambre Administrative, de la Chambre Administrative pour solliciter l’expul-
juge de référé administratif sion des occupants sans titre du domaine public.

Le référé administratif fait l’objet, manifestement, On ne s’étonnera guère que le législateur ait
de défaveur de la part des requérants. Autant le confié les fonctions de juge de référé, qui
référé civil est l’objet de sollicitations frénétiques, au impliquent une décision rapide sur des thèmes
point que le juge civil du référé du Tribunal d’instance divers, au premier responsable de la juridiction, qui
et celui de la Cour d’Appel ont pris la mauvaise est souvent le plus expérimenté des magistrats de la
habitude de franchir, intempestivement, l’espace de Cour, à défaut d’être le plus averti des subtilités du
leur compétence pour s’introduire, fâcheusement, droit et des procédures contentieuses. N’est-ce pas à
dans des litiges mettant en cause la légalité d’actes lui qu’il incombe, en premier lieu, de garantir l’unité,
administratifs provoquant ainsi le rappel à l’ordre la cohérence, la stabilité et la prévisibilité de la
vigoureux de la Chambre Administrative (voir arrêt n° jurisprudence ? Le juge des référés, juge de l’ur-
31 du 26 février 2014, Roger TABA C/ KOUASSI gence, est également un juge dans l’urgence, tenu de
Amany De Pierre Messmer ; arrêt n° 36 du 18 février mettre tout en œuvre, lorsque la situation l’implique,
2015, Jacques AKA & Roger TABA C/ N’GUESSAN pour statuer en temps utile sur les conclusions dont il
Yao), autant le référé administratif devant la Chambre est saisi. Aux yeux du législateur, le Président de la
Administrative semblait être boudé jusqu’à ces Cour est le plus apte à organiser et à mettre en
dernières années. Prévaut, chez de nombreux pratique une telle procédure spécifique.
requérants, l’idée que le traitement de l’urgence est
étranger à la juridiction suprême. Celle-ci se révèle Quoi qu’il en soit, il est loisible au Président de la
impuissante à dire le droit dans des délais rapides. Il juridiction, lorsqu’il n’assure pas personnellement
y aurait comme une sorte d’antinomie entre le référé les fonctions de juge de référés, de désigner les
et la Chambre Administrative qui, par ses caractéris- magistrats qu’il estime les plus aptes à les assumer.
tiques, ne serait pas très disposée à l’accueillir. Au
point de vue de la procédure, l’instruction exclusive- Le recours à la formule du juge unique, en rupture
ment écrite, la collégialité des décisions, l’habitude de avec la collégialité propre aux juridictions, s’explique
traiter les dossiers dans leur ordre d’arrivée, et sur le par le souci d’assurer la célérité de l’instance et de
fond, le privilège du préalable, le caractère exécu- garantir un traitement rapide des demandes. On
toire des décisions administratives, l’effet non sus- observera à cet égard, qu’alors que le temps moyen
pensif des recours juridictionnels qui comptent au de traitement des requêtes devant la Chambre
nombre des traits saillants du droit administratif que Administrative est de plus de dix-huit (18) mois, les
la Chambre Administrative est appelée, le plus sou- référés sont traités dans un délai moyen de deux (02)
vent, à appliquer, peuvent accréditer cette idée. semaines. Certaines requêtes en référé ont pu être
Mais, ces caractéristiques ne sauraient, pour autant, examinées en une semaine et cela dans le respect
éclipser la richesse, la subtilité et l’évolution perma- du principe du contradictoire, avec l’échange d’écrits
nente du droit administratif et des juridictions admi- entre demandeurs et défendeurs.
nistratives qui savent prendre en compte l’urgence
(voir P.L. FRIER : l’urgence thèse LGDJ 1987).

08 La tribune de la Chambre Administrative 2014


On retiendra que si, au nom de considérations de actes détachables pouvant faire l’objet de recours
célérité, le juge des référés, en l’occurrence le d’excès de pouvoir devant la Chambre
Président de la Chambre Administrative, instruit son Administrative ; qu’il s’ensuit que le Président de la
dossier et rend, seul, la décision, sans conclusions Chambre Administrative est compétent pour statuer,
d’un rapporteur, sans réquisitions du Ministère en référé, sur une demande d’expulsion d’un occu-
Public et sans audience publique, il n’est pas, pour pant du domaine public portuaire ». On retrouve, à
autant, un juge isolé. Outre la faculté qui lui est quelques nuances près, la même explication dans
ouverte de renvoyer, comme tout juge unique, une l’ordonnance n° 02 du 7 mars 2013, Port Autonome
affaire particulièrement délicate à une formation d’Abidjan (P.A.A) C/ DAFCI et dans toutes les déci-
collégiale (voir CE 13 juillet 1956 Secrétariat d’Etat sions juridictionnelles prononçant l’expulsion. Tout
à la reconstruction C/ Pieton Guibaut Rec. 338), il a juge ou toute juridiction saisie d’un litige n’est-il pas
toujours le loisir de consulter ses collègues magis- tenu d’examiner d’abord s’il est compétent pour en
trats de la Cour. Dans la pratique, il est fréquent connaître ? Le Président de la Chambre
que, de manière informelle, le Président échange Administrative, juge des référés, ne peut valable-
et discute des affaires dont il est saisi avec les ment statuer sur une demande de référé que s’il est
Conseillers. Lorsqu’un dossier suscite en lui des compétent eu égard à l’objet de la demande.
hésitations, il sollicite volontiers l’avis des
Conseillers dont il attend le plus de lumières. Il en va Les formules utilisées dans les ordonnances de
particulièrement ainsi du point de savoir si, en tant référé donnent à voir que la compétence du
que juge des référés, il est compétent pour connaître Président de la Chambre Administrative, juge de
l’affaire portée devant lui. La réponse à pareille inter- référé, est circonscrite aux matières et litiges ressor-
rogation est à rechercher dans le champ de compé- tissant à la compétence au fond de la Chambre
tences de la Chambre Administrative elle-même. Administrative elle-même. En d’autres termes, le
Président de la Chambre Administrative, juge des
B- Du champ de compétence du juge des référés, ne peut connaître d’une requête que pour
référés de la Chambre Administrative autant qu’elle se rapporte à un litige qui relève de la
Chambre Administrative. La compétence ratione
Est-ce l’effet novateur, et partant perturbateur, du materiae du Président s’apprécie au regard de la
recours en référé devant la Chambre Administrative ? compétence de la Chambre Administrative.
S’agit-il d’une méfiance vis-à-vis de celle-là ou sim- Emanation de la Chambre Administrative, la com-
plement d’un moyen dilatoire ? Toujours est-il que, pétence du juge des référés reste tributaire de
dans la majorité des requêtes portées devant le juge celle-ci, conformément à la règle classique du droit
des référés de la Chambre Administrative, les parties processuel qui enseigne que la compétence en
défenderesses ont soulevé l’exception d’incompé- matière de référé suit la compétence au fond.
tence. Elles dénient au Président de la Chambre
Administrative compétence pour connaître d’une Il en résulte que le Président de la Chambre
demande en référé tendant à l’expulsion d’un Administrative ne peut compétemment statuer sur
occupant. A leurs yeux, accoutumés à la facilité une demande d’expulsion du domaine public que si
des habitudes, cette compétence ressortit au juge le litige principal, auquel se rattache ou est suscep-
civil des référés. tible de se rattacher l’expulsion du domaine public
qui lui est demandée de prescrire, n’échappe pas,
Pour écarter cette argumentation, cette exception manifestement, à la compétence de la Chambre
d’incompétence qui repose sur la méconnaissance Administrative. Saisi par un particulier dans le cadre
du régime du domaine public, les ordonnances de d’un litige de voisinage en vue « d’ordonner à la
référé prennent toujours le soin de préciser le fonde- Compagnie Hevéicole de le laisser avoir accès à sa
ment de la compétence du Président de la plantation, de jour et de nuit, sous astreinte commi-
Chambre Administrative au travers de formules natoire de 25.000.000 F CFA par jour de retard », le
devenues rituelles. Ainsi, dans l’ordonnance n° 03 juge des référés a déclaré la requête irrecevable,
du 10 février 2015, Port Autonome d’Abidjan (P.A.A) motif pris de ce que « le Président de la Chambre
C/ Société YARA Côte-d’Ivoire, relative à une Administrative, ne peut valablement être saisi d’une
demande d’expulsion du domaine public portuaire, demande de référé que pour autant que le litige prin-
peut-on lire : « considérant que les actes relatifs à la cipal auquel se rattache la mesure d’urgence qu’il lui
gestion du domaine public portuaire sont des actes est demandé de prescrire n’échappe pas, manifeste-
administratifs ; que les actes du gestionnaire du ment, à la compétence de ladite juridiction…que le
domaine public portant modification unilatérale ou présent litige, relatif au droit d’accès à une plan-
résiliation d’une convention domaniale sont des tation, ne concerne pas un recours d’excès de pouvoir

La tribune de la Chambre Administrative 2015 09


ou une procédure de cassation mettant en cause, au référés n’a pas à s’interroger de manière aussi
moins, une personne publique… » (voir ordonnance approfondie sur sa compétence comme le fait le
de référé n° 09 du 18 novembre 2013, Kouadio Yao juge du fond. La simple possibilité d’une compé-
Athanase C/ Compagnie Hevéicole de Cavally). tence au fond de la juridiction concernée doit ainsi
Telle est aussi la position du Conseil d’Etat français bénéficier au demandeur du référé. Autrement dit, le
ainsi qu’elle ressort de l’arrêt Raust (CE 29 octobre juge des référés est fondé à statuer dès lors que le
2001 Req n° 237132. Rec. 1090). Le Président, pour litige éventuel auquel se rattache la demande n’est
se reconnaître compétent, doit pouvoir répondre pas manifestement étranger à la compétence de la
positivement à la question : Est-ce que la Chambre juridiction dont il émane. En termes plus prosaïques,
Administrative serait compétente si un recours au cela signifie que pour que le Président, juge des
fond devrait être introduit dans le même litige ? référés, ait compétence, il suffit qu’il existe une pos-
sibilité que le litige principal se rapporte à une déci-
En matière de référé-mesures utiles ou référé - sion administrative ou à un contrat administratif.
conservatoire, le litige principal, qui détermine la
compétence du juge des référés, est le plus souvent A la lumière de ces éléments théoriques et jurispru-
éventuel. En effet, le recours en référé sur le fonde- dentiels, on comprend que le Président de la
ment de l’article 79, comme rappelé précédemment, Chambre Administrative ait décliné sa compétence de
n’est pas comme en matière de sursis à exécution, juge de référé lorsque le litige en cause a mis en
l’accessoire d’un recours principal et n’est pas condi- scène des actes de droit privé et exclusivement des
tionné par le dépôt d’un recours d’excès de pouvoir. personnes privées (voir ordonnance n° 001 du 23
Il est seulement exigé que, en cas de litige, la mars 2010 les ayants droit de feu OLLO Gabriel C/
Chambre Administrative soit compétente pour se DJA Lou N’guessan ; ordonnance n° 01 du 17 janvier
prononcer sur la situation litigieuse. Il en va ainsi 2012 FANNY Adama C/ KOUAKOU Yao).
de tous les litiges dans lesquels est mise en cause
la légalité d’un acte administratif. La Chambre Pour ce qui concerne l’expulsion des occupants
administrative est seule compétente pour statuer du domaine public, il n’est pas contestable que les
sur toute contestation de la légalité de décisions litiges principaux, auxquels elle peut se rattacher,
administratives soulevée à l’occasion d’un litige. Le sont relatifs à la légalité de l’octroi, du refus, du non
régime du domaine public, soumis exclusivement renouvellement ou du retrait des autorisations
au droit administratif et dont la gestion, par des d’occupation et de la décision d’expulsion pris par le
personnes publiques ou privées chargées de mis- gestionnaire du domaine public. Tous ces actes
sion de service public, s’opère par l’utilisation de administratifs faisant griefs ne sont contestables que
prérogatives de puissance publique, au travers des par la voie du recours d’excès du pouvoir dont la
actes et des contrats administratifs, fait de la Chambre Administrative est seule habilitée à en
Chambre Administrative, le juge naturel du con- connaître. Sa compétence s’impose aussi pour les
tentieux qui y est relatif et, notamment, de celui de litiges relatifs à l’autorisation contractuelle ou con-
l’expulsion des occupants sans titre, à la demande vention d’occupation du domaine public.
des gestionnaires du domaine public. Faut-il rap-
peler, à ce niveau, que l’article 54 de la loi sur la A cet égard, il importe de ne pas attacher une
Cour Suprême fait de la Chambre Administrative, grande importance à la nature du titre d’occupation
non seulement le juge de la légalité des décisions domaniale qui peut être une autorisation unilatérale
administratives en premier et dernier ressort, mais ou contractuelle. Tous les juristes domanistes con-
aussi, le juge de cassation de toutes les affaires et naissent le caractère ambivalent de l’autorisation
décisions juridictionnelles dans lesquelles une conventionnelle d’occupation du domaine public
personne publique est partie ? (voir Ch. BRECHON MOULENES : une technique
juridique explosive : l’autorisation conventionnelle
On observera, à ce niveau, qu’il est de principe d’occupation du domaine public, in Mélanges
que les règles de compétence s’apprécient « souple- BURDEAU L.GDJ. 1976 P 753 & suiv.).
ment » en matière de référé. La doctrine (voir R.
CHAPUS, Droit du Contentieux Administratif, 11ème Certains de ses éléments l’attirent irrésistible-
édition, Montchrestien, p. 1294 et suiv. ; P. CASSIA, ment dans l’univers contractuel (accord de volonté
les référés administratifs d’urgence, LGDJ, 2003, entre l’Administration et le particulier sur les condi-
p. 23) et la jurisprudence exigent seulement que la tions d’indemnisation en cas de retrait), d’autres la
demande n’échappe pas « manifestement » à la repoussent dans la sphère des actes unilatéraux. En
compétence de la juridiction (CE 29 octobre 2001 matière d’occupation privative du domaine public, la
Raust Rec. 1090). Il en résulte que le juge des distinction acte unilatéral et contrat est des plus

10 La tribune de la Chambre Administrative 2014


floue et incertaine (cf AUBY, Les contrats compor- CE 13 juillet 1968, Société des Etablissements
tant occupation du domaine public Dalloz 1953, Serfati, in AJDA 1968 P. 582, concl. Bertrand) et la
chr.XIX, 99). Sur de nombreux points, le régime des jurisprudence de la Chambre Administrative (voir
deux modes d’utilisation sont identiques (voir ordonnance de référé n° 003 du 10 février 2015 PAA
DUFAU, Le domaine public edit. du Moniteur p. 379 C/ YARA ; arrêt n° 25 du 21 avril 2010, PAA C/
& suiv. ; C. MAMONTOFF, Le rapprochement des Ministre de la Construction et de l’Urbanisme) peu-
régimes de l’autorisation et du contrat d’occupation vent être déférés par la voie du recours d’excès de
du domaine public, in Mélanges GUIBAL, Université pouvoir devant la Chambre Administrative. Il s’ensuit
de Montpellier, 2006, pp 517-544). Toute occupation que le juge des référés est compétent pour connaître
du domaine public, comme rappelé précédemment, des demandes d’expulsion dont le litige principal,
reste soumise au principe de la précarité. Dans la auquel elles se rattacheraient, serait l’appréciation de
pratique, il est malaisé de distinguer la convention la légalité des décisions portant modification uni-
de l’autorisation unilatérale (permission), dans la latérale ou résiliation d’une convention d’occupation
mesure où la forme que revêt l’acte est rarement du domaine public. Le caractère administratif du
déterminante. La qualification de concession don- contentieux de l’expulsion du domaine public, con-
née à un acte n’évoque par nécessairement une sacré par la jurisprudence (CE 3 octobre 1958,
situation contractuelle. Les gestionnaires du Société des Autocars Garonnais Rec. 468 ; CE 08
domaine public amalgament, dans une démarche janvier 1960,LAFON Rec. 15 ; CE 13 juillet 1961,
synthétique, les éléments propres à chaque mode. Compagnie Fermière du Casino de Constantine,
L’acte de concession, alors même qu’il correspond à Rec. 487), ne peut être sérieusement contesté. On
un contrat, n’est pas toujours signé des deux par- rappellera qu’en France, le Tribunal des conflits, par
ties. Inversement, la présence d’un cahier de un important arrêt (T.C. 24 septembre 2001, Société
charges est sans portée sur la nature convention- BE Diffusion C/ R.A.T.P. et Société Promo Metro,
nelle de l’autorisation, dans la mesure où les per- Rec. 747), a mis un terme aux incertitudes et contro-
missions de voirie (autorisations unilatérales), verses en affirmant la compétence du juge adminis-
comportent fréquemment cet élément. tratif pour ordonner l’expulsion des occupants sans
titre du domaine public.
De façon générale, il a été observé qu’enfermé
dans des limites de plus en plus circonscrites, le A toutes ces raisons qui fondent, objectivement,
contrat d’occupation du domaine public a vu son la compétence du juge des référés de la Chambre
régime se désagréger en se fondant dans celui de Administrative pour connaître de l’ensemble des
l’acte unilatéral. A son égard, on pourrait reprendre demandes en expulsion des occupants du domaine
la célèbre formule du Doyen Josserard « le contrat public, s’ajoutent, outre le poids de l’autorité de la
administratif devient de moins en moins con- juridiction suprême, sa grande familiarité avec le
tractuel ». Ainsi que l’a soutenu le Commissaire de droit administratif qui préside à la réglementation et
Gouvernement Chauvaux dans ses conclusions à l’exploitation du domaine public. S’il est vrai qu’en
sous l’arrêt du Conseil d’Etat du 25 novembre 1998, Côte d’Ivoire, le contentieux administratif ne ressor-
Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion (in tit pas exclusivement à la Chambre Administrative et
AJDA 1999 p. 54) « la convention entre une entre- que les Tribunaux d’instance sont compétents
prise et l’administration est plus une autorisation pour le règlement, en premier ressort, des litiges
qu’un contrat ». administratifs se rattachant au plein contentieux, il
n’est pas inopportun, pour éviter la dérive de la
Quoi qu’on puisse penser de ce rapprochement « privatisation du droit administratif » dont se ren-
du régime des deux formes d’utilisation privative du dent coupables ces juridictions « judiciaires »,
domaine public, il n’en demeure pas moins que lorsque ces litiges leur sont portés, de le réserver à
même lorsque c’est un contrat qui est en cause, la Chambre Administrative. Le contentieux du
lequel est nécessairement un contrat administratif, domaine public, qui est spécifique, doit constituer un
l’exercice, par l’autorité gestionnaire concédante, de bloc qui relèverait, dans son intégralité, de la com-
son pouvoir de modification unilatérale ou de résilia- pétence de la Chambre Administrative. Celle-ci, en
tion a pour effet de rendre la Chambre effet, maîtrise le mieux le droit administratif dont
Administrative compétente pour connaître des litiges les subtilités échappent aux non spécialistes et aux
y relatifs. En effet, les actes pris au titre du pouvoir lecteurs profanes.
de modification unilatérale ou de résiliation de
Sa compétence établie, le juge des référés de
l’administration sont, incontestablement, des actes
la Chambre Administrative doit vérifier que les con-
détachables. Ceux-ci, ainsi que l’indique le Conseil ditions prévues par l’article 79 sont réunies avant
d’Etat (CE 24 avril 1959 SNCF C/ Burfin, Rec. 264 ; d’ordonner ou non l’expulsion sollicitée.

La tribune de la Chambre Administrative 2014 11


II. Les conditions du prononcé de l’expulsion En raison même du caractère subsidiaire du
des occupants sans titre du domaine public référé mesures utiles par rapport aux autres procé-
dures d’urgence, tels que le sursis à exécution et le
Si l’on fait abstraction de la condition d’utilité, que référé constat d’urgence, une mesure qui pourrait
le juge analyse généralement d’un seul tenant avec être obtenue par l’une de ces procédures ne peut
la condition d’urgence, et qui, en réalité, ne se dis- être prononcée par le juge des référés mesures
pute pas, puisque par définition, il s’agit, avec la utiles.
demande d’expulsion, d’une reprise de possession
avec une demande d’injonction, dont l’utilité coule Ainsi, à la demande à lui faite par le Groupe
de source, la possibilité, pour le Président de la Ivoire Académie en décembre 2012, de suspendre,
Chambre Administrative, de prononcer l’expulsion sur le fondement de l’article 79, la décision du
des occupants sans titre du domaine public reste Ministre de l’Enseignement Supérieur portant fer-
soumise aux trois autres conditions posées par meture des établissements scolaires du groupe, le
l’article 79 de la loi sur la Cour Suprême : juge des référés mesures utiles oppose une fin de
non-recevoir en « considérant que la mesure solli-
– l’interdiction de faire obstacle à l’exécution citée par le requérant s’analyse en une demande de
d’une décision administrative ; sursis à exécution d’une décision administrative,
– l’urgence ; laquelle ne peut être obtenue sur le fondement de
– l’interdiction de faire préjudice au principal. l’article 79 qui, au demeurant, ne permet pas au juge
de prendre des mesures qui font obstacle à l’exécu-
A- l’interdiction de faire obstacle à l’exécution tion d’une décision administrative » (Ordonnance de
d’aucune décision administrative référé n° 01 du 27 février 2013 GIA C/ Ministre de
l’Enseignement Supérieur). La même motivation
Saisi sur le fondement de l’article 79 de la loi sur pédagogique se retrouve dans l’ordonnance n° 6 du
la Cour Suprême, le juge des référés ne peut, selon 18 juillet 2013, UNAGICI C/ Ministre de la
cette disposition, « faire obstacle à l’exécution d’au- Construction et de l’Urbanisme, relative à une
cune décision administrative ». demande de sursis d’une décision de démolition d’un
bâtiment dans l’attente de la décision judiciaire suite
Même si la jurisprudence de la Chambre à un recours d’excès de pouvoir. Dans son ordon-
Administrative a rejeté des demandes de référé pour nance n° 07 du 13 août 2013, SYLLA Aïchatou C/
ce motif, il importe de préciser que cette condition KONE épouse MARGAOUI, pour rejeter la requête
négative a trait, en réalité, non pas au bien-fondé de en référé qui lui a été présentée, le juge des référés
la demande de référé mais à sa recevabilité. Les énonce que « les mesures sollicitées font manifeste-
requêtes ou les conclusions tendant à faire obstacle ment obstacle à l’exécution d’une décision adminis-
à l’exécution d’une décision administrative devraient trative notamment, le certificat de propriété délivré à
être jugées irrecevables. Cette irrecevabilité, d’ordre Madame KONE épouse MARGAOUI ».
public, devrait être soulevée, même d’office, par le
juge. L’interdiction de faire obstacle à l’exécution
d’aucune décision administrative, s’applique quel
L’examen de la jurisprudence de la Chambre que soit le type de décisions en cause. Qu’il s’agisse
Administrative donne à voir qu’il y a, chez les d’une décision administrative réglementaire, d’une
décision créatrice de droits pour les particuliers
requérants et leurs conseils, une grande confusion
comme le certificat de propriété foncière, le permis
entre les procédures de référé et de sursis à exé-
de construire, la décision d’expulsion d’un occupant
cution. Beaucoup empruntent la voie du référé,
sans titre du domaine public… Cette interdiction
dessinée par l’article 79, pour solliciter la suspen-
demeure tout autant pour les décisions négatives
sion d’une décision administrative ou l’obstacle à que positives. Ainsi, un requérant est irrecevable à
son exécution, laquelle ne peut être fondée que se tourner vers la procédure de référé, lorsque la
sur l’article 76 qui organise le sursis à exécution. mesure sollicitée tend à ce que le gestionnaire du
(Voir ordonnance n° 2 du 2 juillet 2012 EZZEDINE domaine public délivre, sans délai, un titre d’occupa-
Atef ; ordonnance n° 3 du 12 novembre 2012 tion quand le requérant a déjà essuyé un refus.
N’KAYO GNANGO ; ordonnance n° 8 du 20 mai Dans une telle hypothèse, la mesure sollicitée en
2014 BROU N’GUESSAN et 24 autres ; ordonnance référé ferait obstacle à l’exécution de la décision de
n° 010 du 2 juin 2014 KOUADIO KONIN Manassé refus ou la décision prise par l’autorité administrative
C/ Ministre de l’Intérieur). demandant à la requérante de procéder à la démo-
lition et au démontage des équipements exploités
sur le domaine public.

12 La tribune de la Chambre Administrative 2014


Le juge du référé ne peut décider une mesure en référé est introduite tardivement, c’est-à-dire
annihilant les effets d’une décision administrative et beaucoup de temps après le fait litigieux, le juge
empiéter ainsi sur le champ du sursis à exécution. estime qu’il n’y a pas urgence. Une fois sa conviction
établie, le juge des référés doit faire apparaître, dans
B- De l’urgence les motifs de son ordonnance, les raisons de droit
et de fait pour lesquelles il considère que l’urgence
Elle est la justification essentielle de la procédure justifie la mesure ordonnée.
de référé et soulève une question de fait, résolue en
considération des données propres à chaque Jusqu’à ce jour, dans les affaires dont il a eu à
affaire. connaître, le juge des référés de la Chambre
Administrative ne s’est pas trouvé confronté, dans
Le juge des référés ne peut pas faire droit à une l’appréciation de l’urgence, aux nécessités du
demande d’expulsion sans avoir, au préalable, service public. Même s’il n’existe pas d’hypothèses
vérifié si la condition d’urgence, à laquelle il associe dans lesquelles il y aurait, par principe, toujours,
généralement la condition d’utilité de la mesure, est urgence, on peut penser raisonnablement qu’en cas
remplie. Il apprécie l’urgence et l’utilité de la d’atteinte au fonctionnement et à la continuité du
demande d’expulsion à la date à laquelle il statue. service public par le maintien d’un occupant sans
titre sur le domaine public, le juge ivoirien, à l’exem-
Il incombe, tout naturellement, à l’auteur de la ple du Conseil d’Etat français (CE 22 juillet 1977,
demande en expulsion de prouver l’urgence. Celle-ci Abadie Rec. 277 ; CE 10 juin 1988, Société
est appréciée en tenant compte des particularités de d’Exploitation Touring Club de Paris, Rec. 237)
chaque espèce et des circonstances que le serait enclin à apprécier positivement l’urgence. Il
requérant doit prendre le soin d’indiquer. Aux termes pourrait en être de même lorsque l’occupation
de la jurisprudence du Conseil d’Etat, reprise par la irrégulière du domaine porte atteinte à l’ordre public
Chambre Administrative, l’urgence résulte « d’une ou fait obstacle à la réalisation de travaux d’amé-
atteinte grave et immédiate portée aux intérêts du nagement, tels la réhabilitation ou l’agrandissement
requérant ou à un intérêt public » (CE 19 janvier de la voirie. Lorsque le risque encouru par certains
2001, Confédération nationale des radios libres Rec. intérêts privés ou publics revêt un caractère difficile-
19 GACA, 3ème édition 2011 n° 11 ; voir arrêt n° 190 ment réversible, le Conseil d’Etat ne reconnaît-il pas
du 30 décembre 2014, UNETEL C/ Directeur des présomptions d’urgence au bénéfice du
Général des Impôts). Elle ne saurait résulter du requérant ? (voir CE 7 février 2007, Commune de
seul constat de l’irrégularité de l’occupation. Il s’en- Laval-du-Tarn req. n° 287741, AJDA 2007,p. 335).
suit que la personne publique ou la personne privée
gérant un service public comme le Port Autonome Pour l’heure, la principale raison invoquée par la
d’Abidjan, qui sollicite une ordonnance d’expulsion jurisprudence de la Chambre Administrative, pour
d’un occupant sans titre du domaine public, doit justi- justifier l’urgence à expulser les occupants sans titre
fier qu’il a été porté une atteinte grave et immédiate à du domaine public, est la bonne gestion du domaine
un intérêt public. Celui-ci couvre généralement l’in- public et singulièrement du domaine portuaire. Le
tégrité et la protection du domaine public, la sécurité juge de référé de la Chambre Administrative a, dans
des biens et des personnes, l’intérêt du service la grande majorité des cas, reconnu l’urgence à
affectataire du domaine et surtout la bonne gestion expulser un occupant sans titre en vue de l’installa-
du domaine public. tion d’un nouvel occupant privatif. La situation parti-
culière du Port Autonome d’Abidjan, soumise à des
Dans l’appréciation de l’urgence, le juge des pressions de nombreux investisseurs en quête
référés ne tient pas compte des seuls arguments du d’emplacements sur le domaine portuaire, est parti-
demandeur. Il prend aussi en considération les argu- culièrement prise en compte par le juge des référés.
ments du défendeur de nature à exclure l’existence Ainsi peut-on lire, dans l’ordonnance n° 08 du 12
d’une urgence. Saisi d’une demande d’expulsion, il novembre 2013, PAA C/ Ivoire Technique,
met en balance l’intérêt du demandeur à obtenir « Considérant d’une part, que la libération des lieux
l’évacuation du domaine et l’intérêt du défendeur à sollicitée par le Port Autonome d’Abidjan à l’encon-
s’y maintenir, c’est-à-dire que l’urgence est prise en tre de la Société Ivoire Technique qui, par suite du
compte globalement en tenant compte de la situa- retrait de sa décision d’attribution, se trouve être un
tion du requérant comme celle du défendeur. Dans occupant sans titre, présente un caractère d’urgence
son appréciation, le juge des référés prend en en ce que d’une part, le maintien dans les lieux, sans
considération le comportement du demandeur, droit de la société Ivoire Technique compromet la
telle sa diligence à saisir le juge. Lorsque la requête bonne exploitation du domaine public portuaire,

La tribune de la Chambre Administrative 2014 13


objet de multiples et pressantes sollicitations et Aussi, à la suite du Conseil d’Etat français (CE 22
d’autre part, le lot a déjà fait l’objet d’une nouvelle juin 1977 Dame veuve, ABADIE, Rec. 288 ; CE mars
attribution dont le bénéficiaire attend de jouir de ses 1978, Lecoq, Rec. 116), la Chambre Administrative
droits ». La même caractérisation de l’urgence par les applique cette interdiction posée par la loi avec
exigences de « la bonne exploitation du domaine por- pragmatisme, en considérant qu’elle signifie seule-
tuaire, soumis à des multiples et pressantes sollicita- ment que le juge des référés est tenu de s’assurer
tions » se retrouve dans toutes les ordonnances qui que la demande dont il est saisi « ne se heurte à
ont accordé l’expulsion des occupants sans titre (voir aucune contestation sérieuse ». Ainsi, dans l’ordon-
ordonnance n° 2 du 07 mars 2013 PAA C/ DAFCI, nance n° 2/2013/PJ/CA du 7 mars 2013, PAA C/
ordonnance n° 2 du 10 février 2015, PAA C/ CI DAFCI, le juge justifie sa décision d’expulsion en
Engineering). précisant « considérant d’autre part, que les pré-
tentions du Port Autonome d’Abidjan ne se heurtent
Relativement à la bonne gestion du domaine à aucune contestation sérieuse ; que la Société
public, comme justificatif de l’urgence de l’expulsion, DAFCI n’a pas déféré au juge de l’excès de pouvoir
on observera que le juge ivoirien n’est pas aussi la décision de retrait de son autorisation… ».
exigeant que le Conseil d’Etat français. Pour ce
dernier, « le respect de ses objectifs de gestion par le La même motivation se retrouve dans l’ordon-
gestionnaire du domaine public ne peut constituer nance n° 05/2013 du 18 juillet 2013 qui, à la
une urgence permettant d’obtenir du juge des référés demande du Port Autonome d’Abidjan, a prononcé
une mesure d’expulsion de l’occupant sans titre, s’il l’expulsion du domaine portuaire de la Société
ne fait état d’aucun projet précis d’aménagement et Pascal Armement « considérant d’une part, que
de réhabilitation nécessaire à la valorisation du site l’expulsion du lot n° 2 de la Société Pascal
et qu’il n’invoque pas d’atteinte à l’utilisation du Armement qui, par suite du retrait de son autorisa-
domaine public… » (Voir CE 1er février 2012, tion, se trouve être un occupant sans titre du
PADUREANU, Req. n° 349749). domaine public, présente un caractère d’urgence en
ce que son maintien entrave la bonne exploitation
C- Ne pas faire préjudice au principal du domaine public ; que d’autre part, les préten-
tions du Port Autonome d’Abidjan ne se heurtent à
L’article 79 interdit au juge du référé de faire aucune contestation sérieuse, que la société n’a pas
préjudice au principal. En d’autres termes, il ne doit déféré au juge de l’excès de pouvoir la decision du
pas trancher une question de fond. Le juge du référé 27 janvier 2011 portant retrait de son autorisation ».
ne doit pas se prononcer sur des questions touchant
à la légalité d’une décision ou à la qualification L’absence d’une contestation sérieuse signifie
juridique de document, de situation ou de com- que la solution du litige au fond semble certaine ou
portement, lesquelles relèvent du juge du fond au quasi-certaine, et qu’il n’y a pas lieu, dans ces con-
principal. Mais, il s’avère qu’une application stricte ditions, de paralyser la procédure de référé. En
de cette condition négative conduit le juge à se l’absence de contestation sérieuse, la jurisprudence
priver de toute réelle possibilité d’ordonner des considère que la décision ordonnant l’expulsion ne
mesures conservatoires, par la voie du référé. préjudicie pas au principal. En d’autres termes,
l’existence d’un préjudice au principal se
Dans le cadre d’un litige lié à l’occupation du ramène à l’existence d’une contestation
domaine public, ordonner en référé l’expulsion de sérieuse.
l’occupant est une mesure qui, nécessairement,
préjudicie au principal. Si au plan juridique, les déci- Pour éviter de préjudicier au principal, le juge des
sions prises par le juge des référés sont provisoires, référés, avant d’ordonner l’expulsion, prend le soin
dépourvues de « l’autorité de la chose jugée », de vérifier que la personne dont l’expulsion est
même si leur « autorité de chose ordonnée » ne les
demandée n’a plus aucun droit à se maintenir dans
prive pas de la force exécutoire attachée à toute
décision de justice, il n’en reste pas moins que « le les lieux. Comme le relève l’ordonnance n° 3 du 10
provisoire en droit devient souvent définitif en février 2015, PAA C/ Société Yara Côte d’Ivoire,
fait », d’autant plus qu’en l’espèce, le requérant lorsque l’occupant dispose de titre valable ou qu’il
n’est pas tenu d’introduire un recours principal au conteste la légalité de la décision dont la con-
fond. En prononçant l’expulsion, on fait bien davan- séquence est la perte du droit à occuper la parcelle
tage qu’orienter la solution du fond que préjudicier le domaniale, le juge considère qu’il y a contestation
fond ; on épuise en réalité le litige et il ne reste rien sérieuse et partant préjudice au principal et, par
à juger au principal, fait remarquer P.L. FRIER (cf. voie de conséquence, rejette la demande d’expul-
Le vrai référé administratif in A.J.D.A. 1980 P. 69). sion. L’analyse de la jurisprudence montre que dès

14 La tribune de la Chambre Administrative 2014


lors qu’il y a contestation sérieuse sur l’existence, Le Président de la Chambre Administrative s’est
l’interprétation ou la validité du titre de l’occupant, le rendu compte, qu’admettre que le seul exercice du
juge des référés estime qu’il y a préjudice au princi- recours pour excès de pouvoir, sans se préoccuper
pal. Tel est l’enseignement de l’ordonnance n° 13 du de sa recevabilité, de son contenu ou de son
23 juillet 2014, PAA C/ Société ITRAO. Dans cette aboutissement pour paralyser le référé, aboutit à
espèce, la demande d’expulsion a été rejetée, eu reconnaître un effet suspensif au recours pour excès
égard au fait que la Société ITRAO contestait sa de pouvoir. Ce faisant, c’est mettre à bas l’un des
qualité ’’d’occupant sans titre’’ et qu’elle se prévalait principes les plus fermes du droit du contentieux
d’un contrat d’occupation en vigueur. Le juge a administratif, celui du caractère non suspensif du
estimé qu’il y avait là contestation sérieuse. recours. Seul le jugement ordonnant un sursis a
cette portée.
Il reste entendu que lorsque l’occupant reste
inerte, qu’il n’a ni exercé ou amorcé un recours En réalité, constitue une contestation sérieuse
d’excès de pouvoir contre la décision administrative à laquelle se heurte une demande de référé, en
devenue définitive, ni opposer des moyens mettant l’occurrence, l’expulsion d’occupants du domaine
en cause le bien-fondé de son expulsion devant le public, non le recours pour excès de pouvoir en soi,
juge des référés au travers notamment d’un mais seulement s’il est assorti de « moyens
mémoire en défense, l’expulsion ordonnée ne sérieux », au sens que l’on donne à ces termes dans
saurait être regardée comme ayant préjudicié au l’examen d’une demande en sursis en exécution,
principal, quel que puisse être l’ordre de grandeur c’est-à-dire, de moyens propres à créer un doute sur
des intérêts, notamment financiers, en jeu. Il la légalité de la mesure contestée. Autrement dit, le
incombe à l’occupant d’opposer la contestation juge des référés de la Chambre Administrative ne se
sérieuse à la demande d’expulsion. En l’absence de contente plus de l’existence d’un recours d’excès de
toute contestation, l’ordonnance de référé ne saurait pouvoir ; il vérifie, outre sa recevabilité, que les
préjudicier au principal. moyens allégués ne sont pas manifestement
infondés.
Mais, au terme de la jurisprudence, pour que la
contestation qu’élève l’occupant soit prise en Le dernier état de l’évolution de la jurisprudence,
compte pour paralyser le référé, il importe qu’elle avec l’ordonnance n° 3 du 10 février 2015, Port
soit d’une certaine densité, qu’elle soit « une contes- Autonome d’Abidjan (P.A.A) C/ YARA, donne à voir
tation sérieuse ». Le contenu de celle-ci a varié dans que « la contestation sérieuse », de nature à préju-
la jurisprudence de la Chambre Administrative. Au dicier au principal et conduire au rejet de l’expulsion
départ, le juge des référés limitait la contestation demandée par le gestionnaire du domaine public, ne
sérieuse à l’existence d’un recours d’excès de s’exprime pas nécessairement par l’exercice d’un
pouvoir exercé par l’occupant contre la décision recours d’excès de pouvoir. La contestation sérieuse
administrative le privant de son titre d’occupation. peut se faire directement devant le juge des référés,
Dès lors que le juge des référés constatait l’exis- dans le cadre du mémoire en défense. L’occupant
tence d’un recours d’excès de pouvoir ou l’amorce peut contester, devant le juge du référé, la validité
de la procédure en vue de saisir le juge de la léga- de la décision du gestionnaire du domaine public qui
lité, il considérait qu’il y avait contestation sérieuse lui retire le titre d’occupant. Dans l’espèce P.A.A C/
de nature à préjudicier au principal et rejetait, de ce YARA du 10 février 2015, la défenderesse a con-
chef, l’expulsion sollicitée. testé devant le juge du référé l’exactitude des motifs
avancés par le Port Autonome d’Abidjan (P.A.A)
Mais très vite, cette jurisprudence de l’apparence pour modifier son contrat d’occupation. Le juge a
et de l’automatisme a été abandonnée ou plus estimé qu’il y avait là une contestation sérieuse et a
exactement affinée. Si le juge des référés continue à rejeté l’expulsion sollicitée. Une telle jurisprudence
tenir compte de l’existence d’un recours d’excès de n’est pas sans rappeler celle du Conseil d’Etat, avec
pouvoir, dans son appréciation de « la contestation l’arrêt du 16 mai 2003, SARL ECOMATEX
sérieuse », il n’accorde plus à celui-ci une portée (Rec.228). On rappellera que dans cette espèce, la
absolue ou un effet automatique. Désormais, il haute juridiction française a jugé que « dans le cas
vérifie si le recours pour excès de pouvoir n’est pas où la demande d’expulsion fait suite à la décision du
manifestement dilatoire ou irrecevable, et que, par gestionnaire du domaine de retirer le titre dont
les moyens allégués, il est de nature à faire douter bénéficiait l’occupant et où, alors que cette décision
de la légalité de l’acte attaqué. C’est dire que le exécutoire n’est pas devenue définitive, l’occupant en
recours pour excès de pouvoir n’est plus, en lui- conteste devant lui la validité, le juge des référés doit
même, une « une contestation sérieuse ». rechercher si, compte tenu tant de la nature que du

La tribune de la Chambre Administrative 2014 15


bien-fondé des moyens ainsi soulevés à l’encontre Cette étude n’avait d’autre ambition que de mieux
de cette décision, la demande d’expulsion doit être éclairer ce mécanisme pour en faciliter et diversifier
regardée comme se heurtant à une contestation l’utilisation.
sérieuse… ».
Pour l’heure, cantonnées au contentieux des
On le voit, par le biais de l’appréciation de l’exis- demandes d’expulsion d’occupants sans titre du
tence d’une contestation sérieuse, le juge des référés domaine public, les virtualités du référé administratif
s’accorde une marge de manœuvre lui permettant en font intrinsèquement une précieuse voie de
de soupeser, à la fois, la protection du domaine recours, une efficace procédure d’urgence, à la dispo-
public occupé sans titre et les conséquences que sition des justiciables, pour prévenir un dommage
l’expulsion est susceptible d’avoir sur l’occupant. imminent ou pour faire cesser un trouble ou un
comportement manifestement illicite.

De toute évidence, le référé administratif,


jusque-là, mis à mal par l’activisme du juge civil des
référés, est appelé, demain, à occuper une place
Le développement du droit administratif emprunte significative dans l’activité de la Chambre
souvent des cheminements ou des détours inatten- Administrative dont il ne manquera pas de modifier
dus. Ainsi, le référé administratif devant la Chambre le visage, ainsi que le regard de nos concitoyens
Administrative, mal-né et tombé en désuétude, sur la justice administrative, devenue apte à traiter
retrouve vitalité et notoriété à la faveur de la prise de l’urgence.
conscience actuelle de l’intérêt collectif et
économique du domaine public, longtemps négligé.
La protection et l’exploitation de cette propriété
publique, qui est une richesse à valoriser, exigent Professeur Pierre-Claver KOBO
l’expulsion des occupants sans titre. Le référé admi- Président de la Chambre Administrative
nistratif, qui se révèle être, non seulement le meilleur
instrument à la disposition des gestionnaires du
domaine public, mais aussi une garantie juridic-
tionnelle des particuliers qui peuvent contester le
bien-fondé de l’expulsion qui les menace, ne peut
être véritablement efficace ou utile que pour autant
que son champ d’action et sa portée sont maîtrisés.

16 La tribune de la Chambre Administrative 2014


JURISPRUDENCE
NOTE SOUS ARRET N° 188 DU 30 DECEMBRE 2014, SOCIETE JAN
DE NUL S.A. C/ AUTORITE NATIONALE DE REGULATION DES
MARCHES PUBLICS (ANRMP)
Sans nul doute, l’arrêt n°188 du 30 décembre C’est cette seconde décision que la société JAN
2014 retiendra l’attention et marquera une date dans DE NUL, attributaire du marché, a attaquée en
la procédure de passation et d’exécution des excès de pouvoir. Au soutien de sa requête, la
marchés publics et du contentieux qui y est attaché. société JAN DE NUL invoquait pour moyens : « le
défaut d’analyse suffisante de l’objet du recours
Par suite du financement octroyé par la Banque contre la décision d’attribution du marché… la non
Ouest Africaine de Développement (BOAD), le Port observance du principe du contradictoire et de la
Autonome d’Abidjan (PAA) a lancé l’appel d’offres garantie d’un traitement équitable… les insuffi-
n° T329/2013, relatif au projet de remblaiement de la sances de la motivation de la décision ». Faisant
baie lagunaire de Biétry, auquel ont participé neuf droit à la requête, la Cour a annulé la décision de
(9) entreprises. l’autorité de régulation.

A l’issue de l’examen des différentes offres, le L’importance de l’arrêt JAN DE NUL tient d’abord
PAA a notifié, le 4 avril 2014, à la société JAN DE à la nature de l’affaire sur laquelle il porte. La
NUL, l’attribution du marché pour un montant total Chambre Administrative de la Cour Suprême est, en
de 18.569.937.182 francs, et aux autres soumission- effet, rarement saisie d’affaires portant sur les
naires le rejet de leurs offres. marchés publics. Avant l’arrêt JAN DE NUL, cinq
(5) arrêts seulement avaient été rendus en la
Estimant les résultats de l’appel d’offres entachés matière. Il s’agit des arrêts :
d’irrégularités, la société DREDGING INTERNA-
TIONAL a, le 21 juillet 2014, adressé une lettre au – n°35 du 25 mai 2005, Etat de Côte d’Ivoire c. /
directeur général du PAA pour les contester. En GUEI MAMADOU ;
l’absence de réponse, elle a saisi, aux mêmes fins,
l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés – n°41 du 27 JUIN 2007, Société INTERFLEX
Publics (ANRMP) le 31 juillet 2014. Dans ses deux AFRICARD CI c. / Ministre d’Etat, Ministre des
correspondances, la société DREDGING INTERNA- Transports ;
TIONAL contestait le fait que bien que son offre ait
été jugée seule « conforme administrativement, – n°24 du 21 avril 2010, Société HABITUDE DE
techniquement, et financièrement », elle n’a pas VERIFIER c. / Ministre de l’Economie et des
été retenue parce que le montant de sa « soumis- Finances, Ministre de l’Industrie et Ministre du
sion [qui s’élève à 29.955.559.874 francs] est Commerce ;
supérieur à l’enveloppe budgétaire prévue pour le
projet ». Elle reprochait à cet effet à la COJO de ne – n°17 du 27 février 2013, Société DRAGON-
l’avoir pas approchée dans le but de revoir ses prix COTE D’IVOIRE dite DRACI c. / ANRMP ;
à la baisse et « qu’une entreprise ayant plusieurs
insuffisances au plan technique, soit attributaire – n°144 du 29 octobre 2014, Société INTER-
du marché ». FLEX AFRICARD c. / Ministre des Transports.
Sur le fondement de cette saisine, l’ANRMP a L’arrêt JAN DE NUL consolide ainsi l’apparition
rendu deux décisions. Par décision n°024 du 2 d’un contentieux des marchés publics dont les
septembre 2014, intervenue en matière de différends requêtes se font plus fréquentes depuis l’arrêt
ou de litiges, elle a rejeté le recours de la société DRACI de 2013. En effet, outre les affaires société
DREDGING INTERNATIONAL. Mais, estimant que la INTERFLEX AFRICARD et JAN DE NUL, la
requête comportait un second recours, l’ANRMP a, Chambre Administrative a été saisie en 2014 de
par décision n°025 du 2 septembre 2014, intervenue deux (2) autres requêtes encore en instance.
en matière d’irrégularités, d’actes de corruption et de
pratiques frauduleuses, prononcé l’annulation des L’importance de l’arrêt JAN DE NUL tient ensuite
résultats de l’appel d’offres et ordonné la reprise de à la solution donnée par le juge. Par cet arrêt sur le
la procédure de passation du marché.

La tribune de la Chambre Administrative 2014 17


fond, la Chambre Administrative annule pour la dénonciation « d’irrégularités, d’actes de corrup-
première fois une décision de l’Autorité Nationale de tion et de pratiques frauduleuses » relève princi-
Régulation des Marchés Publics (ANRMP) et apporte palement du chapitre III, articles 10 et suivants, de
d’importantes clarifications au droit complexe des l’arrêté n°661 du 14 septembre 2010 précité.
marchés publics en déterminant le rôle des
acteurs. Ces clarifications concernent les mis- La mise en œuvre de la procédure de règlement
sions du Comité Recours et Sanctions de l’ANRMP de litige est subordonnée à l’existence d’une
dont la saisine s’opère au travers de deux procé- requête adressée à l’ANRMP par « tout candidat,
dures différentes : le recours en litige et le recours soumissionnaire, attributaire ou titulaire d’un
en dénonciation. L’arrêt insiste sur la nécessité de marché public ou d’une convention de délégation
distinguer ces modes de saisine (I) et sur l’obliga- de service public et à toute personne physique ou
tion à la charge de l’ANRMP de respecter le principe morale de droit public qui justifie d’un lien direct
des droits de la défense dans les procédures qui lui et personnel rattaché à la décision contestée » (arti-
sont soumises (II). cle 5 de l’arrêté n°661 du 14 septembre 2010).

I. LA NECESSITE DE DISTINGUER LES DEUX La saisine de l’ANRMP « a pour effet de suspendre


MODES DE SAISINE DE L’ANRMP le cours des opérations de passation, d’approbation,
d’exécution ou de contrôle du marché ou de la con-
L’apport essentiel de l’arrêt JAN DE NUL réside vention de délégation de service public concerné
dans la nécessité de distinguer les modes de saisine jusqu’à la décision définitive de la cellule Recours et
de l’ANRMP qui sont déterminés par le Code des Sanctions » (article 7, alinéa 1er, de l’arrêté n°661 du
marchés publics et l’arrêté n°661 du 14 septembre 14 septembre 2010 et article 168.1, alinéa 3 du code
2010 fixant les modalités de saisine, les procédures des marchés publics).
d’instruction et de décision de la Cellule Recours et
Sanction de l’ANRMP. La recevabilité de la requête est soumise au
paiement de frais de recours de 25.000 F et à l’exer-
Ces textes prévoient, d’une part, la procédure de cice préalable d’un recours administratif gracieux ou
règlement de litiges ou différends et, d’autre part, la hiérarchique. La cellule Recours et Sanctions a
procédure de dénonciation d’irrégularités, d’actes de l’obligation de statuer sur la recevabilité de la requête
corruption et de pratiques frauduleuses. avant toute instruction (article 9, alinéa 1 de l’arrêté
n°661 du 14 septembre 2010). Passée cette étape,
Les faits de l’espèce soulevaient, en premier lieu, le Secrétaire Général Adjoint, chargé des recours et
la question de la nature du recours exercé par la sanctions, après instruction, adresse un rapport au
société DREDGING INTERNATIONAL. De la nature Président de la cellule Recours et Sanctions qui
de ce recours dépendait la procédure à suivre, et convoque ses membres pour le prononcé de la déci-
donc la solution à donner au litige. C’est cette ques- sion définitive. Le code des marchés publics précise
tion fondamentale, constituant le nœud de l’affaire, en son article 168.2, alinéa 1er, que l’autorité de
que la Cour a tranchée. En effet, saisi d’un recours régulation doit rendre sa décision « dans les dix (10)
en litige par un soumissionnaire évincé, l’ANRMP a jours ouvrables à compter de la déclaration de
prononcé l’annulation du marché sur le fondement recevabi-lité de la requête ».
d’un recours en dénonciation. En condamnant la
confusion opérée par l’autorité de régulation, la A l’opposé, la procédure de dénonciation se
jurisprudence apporte une réponse claire et précise révèle moins formelle et plus simple.
sur l’autonomie de chacune de ces procédures qui
se distinguent, selon les termes mêmes de l’arrêt, D’abord, le droit de saisine est plus étendu. Outre
« au regard de leur portée, leurs modalités et leur le fait que l’autorité de régulation dispose du pouvoir
instruction ». de s’autosaisir, le droit d’action est reconnu à « toute
personne physique ou morale de droit privé ou de
1) Au regard de leurs modalités et leur droit public, partie ou non à un marché public ou
instruction à une convention de délégation de service public,
qui a connaissance de faits ou qui a intérêt à voir
Bien que prévus par les mêmes textes, le recours prononcer des sanctions pour atteinte à la régle-
en litige et le recours en dénonciation font l’objet de mentation ».
dispositions différentes. La procédure de règlement
de litiges ou différends est organisée par les articles Ensuite, la recevabilité de la dénonciation n’est
166 et suivants du code des marchés publics et le pas soumise au paiement de frais de recours ni à
chapitre II, articles 5 et suivants de l’arrêté n°661 du l’exercice d’un recours administratif préalable.
14 septembre 2010, alors que la procédure de Celle-ci est directement faite devant l’autorité de

18 La tribune de la Chambre Administrative 2014


régulation « par tout moyen laissant trace écrite ou de régulation peut prononcer : l’exclusion du
par appel téléphonique effectué sur une ligne verte soumissionnaire de la passation des marchés
prévue à cet effet » (article 11 de l’arrêté n°661 du 14 publics ; l’amende ; des pénalités, etc.
septembre 2010). La saisine de l’ANRMP n’a pas
d’effet suspensif. Comme on le voit, la procédure à suivre est
fonction de la nature du recours. Or cette nature
Enfin, en matière de dénonciation, la saisine de est déterminée par l’auteur du recours qui, par sa
l’autorité de régulation n’emporte pas obligation saisine, lie le litige, le contentieux. L’ANRMP, qui
pour celle-ci d’instruire le recours et de rendre une n’est pas une juridiction, n’a pas le pouvoir de
décision. Elle apprécie souverainement l’opportunité requalifier ou de régulariser un recours.
de la poursuite. Lorsqu’elle estime qu’une suite
mérite d’y être donnée, le Président de la Cellule Pour revenir aux faits de l’espèce, après avoir
Recours et Sanctions convoque ses membres pour reçu notification, le 14 juillet 2014, du rejet de son
l’examen de la dénonciation et le prononcé d’une offre, la société DREDGING INTERNATIONAL a
décision. Le recours doit être instruit et jugé dans le adressé, le 21 juillet 2014, un recours administratif
« délai de quinze (15) jours ouvrables à compter de préalable au Port Autonome d’Abidjan, par courrier
la première réunion de la Cellule suite à la convo- ayant pour objet, « Désaccord avec le résultat de
cation du Président ». l’Appel d’Offres N° T 329/2013 relatif au Projet de
Remblaiement de la Baie lagunaire de Biétry »,
2) Au regard de leur portée puis a saisi l’ANRMP, le 31 juillet, par courrier ayant
pour objet « Recours pour la contestation des
La procédure de règlement de litige a pour but résultats de l’analyse de l’Appel d’Offres
de permettre aux acteurs d’un marché public ou International n° T 329/2013 relatif au PROJET DE
d’une délégation de service public de contester les REMBLAIEMENT DE LA BAIE LAGUNAIRE DE
décisions administratives qui portent atteinte à leurs BIETRY ».
droits. Cette procédure aboutit au prononcé par
l’ANRMP d’une décision qui se substitue à la déci- Il s’évince de ces écrits que c’est bien la procé-
sion querellée, et qui est susceptible, aux termes dure d’un recours en litige telle que prévue par les
de la jurisprudence DRACI, de recours d’excès de articles 166 et suivants du code des marchés
pouvoir dans les conditions de droit commun. La publics qu’a initiée le soumissionnaire évincé.
procédure de règlement de litige a une dimension
objective, c’est un recours contre un acte. C’est le Malgré cette évidence et les dénégations de la
non-respect de la forme et du fond de la réglemen- société DREDGING INTERNATIONAL, expressé-
tation qui est en cause. ment rappelées par la Cour dans l’arrêt, d’avoir
exercé un recours en dénonciation, l’ANRMP,
Quant à la procédure de dénonciation, elle a après avoir statué et rejeté le recours, y a trouvé
pour objet de sanctionner les manquements à la un second recours en dénonciation dont l’examen a
réglementation par l’application d’une sanction abouti à l’annulation du marché et la reprise de sa
administrative. La dénonciation suppose en con- procédure de passation.
séquence une faute, une infraction, des manœuvres
frauduleuses du soumissionnaire ou de l’attributaire En somme, saisie d’un recours en litige, l’ANRMP
du marché. En définitive, la dénonciation est une a prononcé une sanction sur le fondement d’un
procédure de répression administrative par opposi- recours en dénonciation. C’est cet amalgame que la
tion au règlement de litige qui s’analyse en un Cour a sanctionné en annulant la décision n°25 du 2
recours administratif. Elle a une dimension subjec- septembre 2014 attaquée.
tive, personnelle. C’est le comportement qui est en
cause. En effet, en transmuant ainsi le recours en litige
en recours en dénonciation pour annuler le
Tout comme le supérieur hiérarchique, l’ANRMP, marché, l’ANRMP opère des amalgames et crée,
saisie d’un recours en litige, peut reformer la décision par là-même, la confusion entre les deux procé-
attaquée ou l’annuler. La dénonciation par contre ne dures. La Cour a d’autant plus raison de condamner
vise pas à remettre une décision administrative en cette attitude étonnante que l’ANRMP n’avait pas à
cause, mais à sanctionner des faits contraires à la se fonder sur la requête de la société DREDGING
réglementation. Les sanctions susceptibles d’être INTERNATIONAL, mais plutôt sur son pouvoir
prononcées par l’ANRMP sont beaucoup plus d’auto-saisine, lequel aurait pu faire tomber ce
étendues. Le code des marchés publics consacre chef d’illégalité. Mais la décision de l’ANRMP était
d’ailleurs entièrement son Titre 10 à l’énumération critiquable sur un second point relatif au non respect
de ces sanctions. Au-delà de l’annulation, l’autorité du principe des droits de la défense.

La tribune de la Chambre Administrative 2014 19


II. L’OBLIGATION DU RESPECT DES DROITS DE l’espèce GOGA Marcel (arrêt n°14 du 21 mars
LA DEFENSE DANS LES PROCEDURES SOU- 2007), la Cour a jugé que « l’arrêté du 17 mai 2003
MISES A L’ANRMP qui a destitué et remplacé Monsieur AKOSSI
Ernest de sa qualité de chef de village est intervenu
Le second apport de l’arrêt JAN DE NUL est sans qu’il ait reçu communication des griefs invo-
l’application faite du « respect du principe du con- qués à son encontre ni la possibilité de présenter
tradictoire et de la garantie d’un traitement ses observations pour assurer sa défense ; que,
équitable », en d’autres termes, le principe tradition- même à considérer que cet arrêté soit dépourvu de
nel des droits de la défense. La Cour prend soin de tout caractère disciplinaire, il n’en constitue pas
préciser que le respect de ce principe est imposé moins une mesure prise en consi-dération de la
par la jurisprudence (1), de façon générale, et par le personne et qui retire une qualité au requérant ;
décret n°2009-260 du 6 août 2009 sur l’ANRMP (2), qu’il s’ensuit qu’il est fondé à soutenir que la
en particulier. décision attaquée a été prise à la suite d’une procé-
dure irrégulière et à en demander pour ce motif
1) Une obligation résultant de la jurispru- l’annulation ». De même, la Chambre
dence Administrative a annulé, dans l’affaire Régie
CYCLONE (arrêt n°124 du 21 novembre 2012), la
C’est ce que rappelle la Cour en affirmant « qu’il décision n° 013 du Conseil National de la Presse en
est de principe que toute décision administrative date du 09 juillet 2010 infligeant à la REGIE
prononçant une sanction doit être prise à la suite CYCLONE une sanction pécuniaire et l'obligation de
d’une procédure contradictoire garantissant les publication de la décision au motif « qu'il ne résulte
droits de la défense ». pas du dossier qu'avant la prise de la décision
attaquée, le Conseil National de la Presse ait mis la
Il est, en effet, de jurisprudence constante que REGIE CYCLONE en mesure de s'expliquer sur
toute mesure ayant un caractère de sanction ou les faits à elle reprochés ; que ce faisant, le Conseil
prise en considération de la personne doit respecter National de la Presse a violé le principe général du
les droits de la défense. Cette solution jurispruden- respect du droit de la défense qui s'impose à toute
tielle résulte de plusieurs arrêts rendus par la Cour autorité administrative investie du pouvoir de
depuis 1974. prendre des sanctions disciplinaires ».

L’arrêt EDI OSSOHOU du 27 février 1974 est la Les droits de la défense imposent donc à l’Admi-
première décision qui consacre solennellement le nistration le respect du contradictoire, c’est-à-dire un
principe des droits de la défense dans la jurispru- débat, un échange d’arguments par écrit. Ainsi, avant
dence administrative ivoirienne. Les faits de cette la prise de sa décision, l’Administration doit-elle
espèce remontent à l’année 1971. Monsieur EDI informer l’intéressé des griefs qui lui sont reprochés
OSSOHOU, commissaire de police par intérim à afin de recueillir ses moyens de défense, ses obser-
Adzopé, avait été accusé d’avoir abusé de son vations, ses explications. Dès lors, le contradictoire
autorité pour acheter à un détenu une voiture. En con- permet à l’autorité administrative de statuer en con-
séquence de ces faits, il lui a été infligé un blâme avec naissance de cause en jaugeant du bien-fondé de la
inscription au dossier par le Directeur général de la sanction envisagée. Le non-respect de cette forma-
Sûreté nationale après son audition par l’Inspecteur lité, jugée substantielle, emporte l’annulation de la
général des Services de police. La Cour a annulé sanction administrative comme l’illustre une
cette sanction pour violation des droits de la défense jurisprudence abondante de la Cour (voir par exem-
au motif que « l’audition en forme d’interrogatoire de ple arrêt n°1 du 28 janvier 1987, ASSIELOU
police, dont a fait l’objet le sieur EDI OSSOHOU KOUTOU ; arrêt n°16 du 4 novembre 2000, DIGBEU
Séverin le 10 août 1971 n’était pas, de par son carac- GOZE Albert ; arrêt n°132 du 25 juillet 2001, LOUA
tère, son formalisme et le rapport de forces des par- ZOMI).
ties en présence, de nature à permettre au requérant
de s’exprimer librement, en dehors de toute pression, L’arrêt JAN DE NUL étend donc au contentieux
comme il eût pu le faire dans une véritable explica- des marchés publics le principe des droits de la
tion écrite » (arrêt n°1 du 27 février 1974, EDI OSSO- défense dont les illustrations s’étaient limitées
HOU).
jusque-là au contentieux de la fonction publique, de
la presse et de la chefferie traditionnelle.
Du contentieux de la Fonction Publique, les droits
de la défense se sont progressivement étendus au
Par-delà la jurisprudence, l’obligation de respecter
contentieux de la chefferie traditionnelle et au con-
les droits de la défense résultait en particulier du
tentieux de la presse. Dans l’affaire AKOSSI
décret n°2009-260 du 6 août 2009.
ERNEST (arrêt n°19 du 24 mai 2006, confirmée par

20 La tribune de la Chambre Administrative 2014


2) Une obligation imposée par l’article 18 Par cette solution, la Cour précise la portée de
du décret n°2009-260 du 6 août 2009 l’article 18, alinéa 3 dont la lettre aurait pu amener,
comme l’a fait l’ANRMP, à limiter le respect du
En effet, cette obligation est prévue par l’article 18, contradictoire à l’auteur du recours et à l’autorité
alinéa 3, dont la Cour rappelle les termes : « toutes contractante. Désormais, le respect du contradic-
les procédures de règlement des litiges ou de toire s’impose à l’égard de l’attributaire du marché.
prononcé de sanctions portées devant la Cellule
Recours et Sanctions doivent respecter le principe Au total, l’arrêt JAN DE NUL fera souche ; il a
du contradictoire et garantir aux parties un traite- ouvert la voie à une jurisprudence qui, au regard des
ment équitable ». litiges que génèrent habituellement la passation et
l’exécution des marchés publics, est susceptible
Ce texte impose le respect du contradictoire dans d’être abondante. Il est heureux, au vu des enjeux
les procédures soumises au Comité Recours et économiques et financiers posés par les marchés
Sanctions de l’ANRMP, qu’elles aient pour fins le publics, que la Chambre Administrative, saisie le 21
règlement d’un litige ou le prononcé d’une sanction. octobre 2014, ait pu statuer dans des délais aussi
brefs en rendant son arrêt le 30 décembre 2014. La
L’application effective de cette disposition culture de l’urgence a pénétré la Haute Cour. On ne
implique préalablement déterminée la notion de peut que s’en féliciter.
« parties » : dans le cas d’espèce, quelles étaient les
parties au litige dans lequel un soumissionnaire
évincé contestait l’attribution du marché ?
KONAN ADJE HOUSSOU YAO
Nonobstant le fait que l’annulation du marché
préjudiciait à la société JAN DE NUL, cette dernière
n’avait pas été invitée à faire valoir ses arguments ;
l’ANRMP ayant estimé, dans son mémoire en
défense du 18 novembre 2014, que le litige n’oppo-
sait que la société DREDGING INTERNATIONAL, qui
contestait la régularité de la procédure de passation,
au Port Autonome d’Abidjan, l’autorité contractante.
Ainsi, pour elle, la garantie procédurale du respect
du contradictoire ne s’imposait qu’à l’égard du Port
Autonome d’Abidjan et de la société DREDGING
INTERNATIONAL. La Cour a donc sanctionné
l’erreur de droit commise par l’autorité de régulation
dans l’application de l’article 18, alinéa 3 du décret
n°2009-260 du 6 août 2009.

La tribune de la Chambre Administrative 2015 21


COUR SUPREME ANNULATION

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

REQUETE N° 2014-292 REP


Du 21 OCTOBRE 2014
A R R E T N° 188

SOCIETE JAN DE NUL SA REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE

C/ AU NOM DU PEUPLE IVOIRIEN

AUTORITE NATIONALE DE REGULATION


DES MARCHES PUBLICS (A.N.R.M.P) COUR SUPREME

AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE


DU 30 DECEMBRE 2014 CHAMBRE ADMINISTRATIVE
DEUXIEME FORMATION

MONSIEUR KOBO Pierre Claver, PRESIDENT

LA COUR,
Vu la requête, enregistrée le 21 octobre 2014 au Secrétariat Général de la Cour Suprême sous le
numéro 2014-192 REP, par laquelle la Société JAN DE NUL SA, société anonyme de droit belge,
représentée par monsieur Filip MOROBE, Directeur Régional, ayant pour Conseil Maître MOHAMED
LAMINE FAYE, avocat à la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant Abidjan-Plateau, Résidence du Front
Lagunaire, Escalier A, 2ème étage, 01 BP 265 Abidjan 01, téléphone : +225 20 22 56 26 / 27 téléfax
+225 20 22 56 29, courriel : cabinetfaye@aviso.ci ou mefaye@cabinetfaye.com, sollicite de la
Chambre Administrative, l’annulation, pour excès de pouvoir, de la décision n°025/14/ANRMP/crs du
02 septembre 2014 de la Cellule Recours et Sanction de l’Autorité Nationale de Régulation des
Marchés Publics (ANRMP) prononçant l’annulation des résultats de l’appel d’offres n° T 329 /2013
et la reprise de la procédure de passation du marché ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces fournies au dossier ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête, le 30 octobre 2014, et le rapport, le 02 décembre
2014, ont été communiqués au Ministère Public qui n’a pas produit d’écritures ;

Vu les observations de la société DREDGING INTERNATIONAL enregistrées le 12 novembre 2014 ;

Vu le mémoire en défense de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics (ANRMP), parvenu
le 18 novembre 2014 au Secrétariat de la Chambre Administrative et tendant au rejet de la requête ;

Vu les observations du Port Autonome d’Abidjan, par le canal de son conseil Maître FOFANA NA
Mariam, parvenues le 21 novembre 2014 au Secrétariat de la Chambre Administrative, sollicitant une
solution rapide du litige ;

22 La tribune de la Chambre Administrative 2014


Vu les observations après rapport de la Société JAN DE NUL SA, parvenues au Secrétariat de la
Chambre Administrative le 16 décembre 2014 ;

Vu le décret n°2009-259 du 06 août 2009 portant code des marchés publics modifié par le décret n°
2014-306 du 27 mai 2014 ;

Vu le décret n°2009-260 portant organisation et fonctionnement de l’ANRMP tel que modifié par le décret
n°2013-308 du 08 mai 2013 ;

Vu l’arrêté n°661 du 14 septembre 2010 fixant les modalités de saisine, les procédures d’instruction et
de décision de la Cellule Recours et Sanctions de l’A.N.R.M.P ;

Vu la loi n° 94-440 du 16 Août 1994 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonc-
tionnement de la Cour Suprême, modifiée et complétée par la loi n° 97-243 du 25 avril 1997 ;

OUÏ le Rapporteur ;

Considérant que le Port Autonome d’Abidjan (PAA) a procédé à un appel d’offres international n°
T329/2013 constitué d’un lot unique pour l’attribution du projet de remblaiement de la baie lagunaire de
Bietry, financé par la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD) ; que parmi les neuf (9) entre-
prises soumissionnaires, la Commission d’Ouverture des Plis et de Jugement des Offres (COJO) a, par
jugement en date du 04 mars 2014, attribué, provisoirement, le marché à la société JAN DE NUL SA;
qu’après les avis de non objection donnés par la Direction des Marchés Publics (DMP) et la Banque Ouest
Africaine de Développement (BOAD), le Port Autonome d’Abidjan (PAA), en sa qualité d’autorité contrac-
tante, a, par lettre du 14 juillet 2014, notifié l’attribution définitive du marché à la société JAN DE NUL SA ;
que par suite de sa saisine, le 31 juillet 2014, par la Société DREDGING INTERNATIONAL, un des soumis-
sionnaires évincé qui estimait que les résultats de l’appel d’offres étaient entachés d’irrégularités, l’Autorité
Nationale de Régulation des Marchés Publics (A.N.R.M.P) a, par décision n°025/14/ANRMP/CRS du 02
septembre 2014, notifiée le 05 septembre 2014 à la société JAN DE NUL SA, prononcé l’annulation des
résultats de l’appel d’offres et la reprise de la procédure de passation du marché en cause ;

Qu’estimant cette décision non fondée, la société JAN DE NUL SA a saisi le 21 octobre 2014 la Chambre
Administrative pour en solliciter l’annulation, après le rejet, le 14 octobre 2014, par l’Autorité Nationale de
Régulation des Marchés Publics (A.N.R.M.P) de son recours gracieux exercé le 30 septembre 2014 ;

EN LA FORME

Considérant que la requête de la société JAN DE NUL SA est intervenue dans les forme et délais
légaux ; qu’elle est recevable ;

AU FOND

DU RESPECT DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIREET DE


LA GARANTIE D’UN TRAITEMENT EQUITABLE

Considérant qu’il est de principe que toute décision administrative prononçant une sanction doit être
prise à la suite d’une procédure contradictoire garantissant les droits de la défense ; que ceux-ci imposent
à l’autorité administrative d’aviser la personne concernée de la mesure qu’elle envisage de prendre ; que
l’autorité administrative ne peut prendre la mesure envisagée qu’après avoir pris connaissance des
observations de la personne concernée ;

Considérant qu’aux termes de l’article 18, alinéa 3, du décret n°2009-260 portant organisation et fonc-
tionnement de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics (A.N.R.M.P) tel que modifié par le
décret n°2013-308 du 08 mai 2013, « toutes les procédures de règlement des litiges ou de prononcé de
sanctions portées devant la Cellule Recours et Sanctions doivent respecter le principe du contradic-
toire et garantir aux parties un traitement équitable » ;

La tribune de la Chambre Administrative 2014 23


Considérant que pour l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics (A.N.R.M.P), comme elle
le rappelle dans son mémoire en défense du 18 novembre 2014, la décision attaquée a été prise dans le
cadre d’un recours en dénonciation d’irrégularités, lequel est régi par les articles 185 et suivants du code
des marchés publics et le Chapitre III de l’arrêté n°661 du 14 septembre 2010 ;

Considérant cependant que, même à analyser ainsi la requête de la société DREDGING INTERNATIONAL
adressée le 31 juillet 2014 à l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics (ANRMP), le
prononcé de l’annulation, comme sanction, dans le cadre de cette procédure de dénonciation, doit
intervenir dans le respect des droits de la défense ;

Considérant qu’en l’espèce, la sanction consistant en une annulation a été prononcée sans que la
société JAN DE NUL SA, attributaire de l’appel d’offres, ait été mise en mesure de répondre aux griefs de
la société demanderesse et à la sanction envisagée à son encontre par l’Autorité Nationale de Régulation
des Marchés Publics (A.N.R.M.P) ; qu’il est constant que la sanction a été prononcée au regard des
irrégularités et insuffisances de l’offre de la société JAN DE NUL SA ; que cette sanction préjudicie princi-
palement à cette société qui, en la circonstance, n’a pu bénéficier du droit de se défendre avant le
prononcé de l’annulation à titre de sanction ;

DE LA NATURE DE LA REQUETE DE LA SOCIETE DREDGING INTERNATIONAL

Considérant qu’aux termes du code des marchés publics et de l’arrêté n°661 du 14 septembre 2010, la
Cellule Recours et Sanctions de l’ANRMP peut être saisie pour connaitre des « litiges » ou « différends »
d’une part, et en cas « d’irrégularités, d’actes de corruption et de pratiques frauduleuses » d’autre part ;

Considérant que ces deux modes de saisine se distinguent au regard de leur portée, leurs modalités et
leur instruction ;

Considérant que par requête adressée à l’ANRMP le 31 juillet 2014, ayant pour objet indiqué, « Recours
pour la contestation des résultats de l’analyse de l’Appel d’Offre International n° T 329/2013 relatif au
PROJET DE REMBLAIEMENT DE LA BAIE LAGUNAIRE DE BIETRY », la société DREDGING
INTERNATIONAL, qui est un soumissionnaire évincé, conteste l’attribution du marché à la société JAN DE
NUL SA au motif que, d’une part, seule « son offre a été jugée conforme administrativement, technique-
ment, et financièrement » au dossier d’appel d’offres (DAO) et, d’autre part, « qu’une entreprise ayant
plusieurs insuffisances au plan technique, soit attributaire du marché » ;

Considérant que cette requête doit être regardée dans son entièreté comme un recours en litige relevant
des articles 167 et 168 du code des marchés publics et du chapitre II de l’arrêté n°661 du 14 septembre
2010 fixant les modalités de saisine, les procédures d’instruction et de décision de la Cellule Recours et
Sanctions de l’ANRMP ; qu’il n’ y avait pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de voir dans cette requête
unique deux recours de nature différente, à savoir un recours en litige et un recours en dénonciation, comme
l’a fait l’A.N.R.M.P ; qu’il en est d’autant plus ainsi que la société DREDGING INTERNATIONAL a, avant la
saisine de l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics (A.N.R.M.P), satisfait à l’obligation du
recours administratif préalable qui est une exigence propre au recours en litige, en adressant un
courrier au Directeur Général du Port Autonome d’Abidjan le 21 juillet 2014 ; que par ailleurs, la société
DREDGING INTERNATIONAL, dans son mémoire en défense du 12 novembre 2014, s’est défendue
d’avoir exercé un recours en « dénonciation d’actes de corruption ou de pratiques frauduleuses, aucun de
ces termes n’étant exprimés dans ledit recours » ; qu’elle soutient qu’elle « s’est au contraire bornée à
exercer, comme elle y est autorisée par l’article 168 du Code des Marchés Publics, un recours auprès de
l’ANRMP tendant à la contestation des résultats de l’Appel d’Offres, après avoir relevé, dans le Rapport
de la COJO, que les offres formulées par les autres candidats présentent des insuffisances substantielles
et/ou des irrégularités » ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres
moyens de la requête, que la société JAN DE NUL SA est fondée à soutenir que l’Autorité Nationale de
Régulation des Marchés Publics (ANRMP) a commis un excès de pouvoir ; que dès lors, sa décision
encourt annulation ;

24 La tribune de la Chambre Administrative 2014


/_) E C I D E

Article 1er : La requête n° 2014-192 REP du 21 octobre 2014 de la société JAN DE NUL SA est recevable
et fondée ;

Article 2 : La décision n°025/14/ANRMP/crs du 02 septembre 2014 de la Cellule Recours et Sanction de


l’Autorité Nationale de Régulation des Marchés Publics (ANRMP) prononçant l’annulation des
résultats de l’appel d’offres n° T 329 /2013 et la reprise de la procédure de passation du
marché est annulée ;

Article 3 : Les dépens sont laissés à la charge du Trésor ;

Article 4 : Une expédition du présent arrêt sera transmise au Président de l’Autorité Nationale de
Régulation des Marchés Publics, au Directeur Général du Port Autonome d’Abidjan, au
Ministre de l’Economie et des Finances, au Directeur des Marchés Publics et aux Secrétaires
Généraux de la Présidence de la République et du Gouvernement ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Chambre Administrative, en son audience publique ordinaire
du TRENTE DECEMBRE DEUX MIL QUATORZE ;

La tribune de la Chambre Administrative 2014 25


NOTE SOUS ARRET N° 190 DU 30 DECEMBRE 2014, UNION
NATIONALE DES ENTREPRISES DE TELECOMMUNICATIONS
(UNETEL) C/ DIRECTEUR GENERAL DES IMPOTS

Décidément, pourrait-on écrire, l’UNETEL est à – le requérant doit au préalable présenter un


l’avant-garde de la protection ou la sauvegarde des recours pour excès de pouvoir ;
droits de ses membres, les entreprises du secteur – la décision dont le sursis est sollicité ne doit
des télécommunications et des technologies de l’in- intéresser ni le maintien de l’ordre ni la sécurité
formation et de la communication. En effet, après ou la tranquillité publiques.
avoir contesté, devant la Chambre Administrative, la
légalité de l’ordonnance n° 2009-382 du 26 novembre Si l’une des deux conditions susvisées n’est pas
2009, soldé par une irrecevabilité (arrêt n° 64 du 21 respectée, la Cour n’hésite pas à déclarer la requête
décembre 2011), l’UNETEL revient, cette fois, pour irrecevable comme l’illustrent les arrêts n° 9 du 26
solliciter l’annulation de la note de service n° 81 du 16 mai 2004, Ayants droit de YOLI BI TUEHI (défaut
janvier 2014 du Directeur Général des Impôts dont d’exercice d’un recours en annulation) et n° 88 du 23
elle a sollicité par ailleurs le sursis à exécution. mai 2012, SOPHIA AIRLINES (décision attaquée
relative au maintien de l’ordre et de la sécurité
Des faits, il résulte qu’à la suite de la loi n°2013- publique). C’est certainement à l’issue de l’examen
908 du 26 décembre 2013 portant Budget de l’Etat de la satisfaction de ces deux conditions que la
pour l’exercice 2014, le Directeur Général des Impôts Chambre Administrative a admis implicitement la
a pris une note de service portant « précisions rela- recevabilité de la requête en sursis présentée par
tives aux articles 16 et 17 de l’annexe fiscale pour la l’UNETEL contre la note de service du Directeur
gestion 2014 » pour indiquer que le nouveau taux Général des Impôts.
de l’impôt sur les bénéfices industriels et commer-
ciaux, qui est désormais de 30%, s’applique au Toutefois, on peut s’interroger si la Cour n’aurait
titre de l’exercice clos le 31 décembre 2013 et que pas dû déclarer la requête irrecevable, surtout
la nouvelle taxe spécifique sur les communications qu’elle a relevé, de façon accessoire, pour la rejeter
téléphoniques et les technologies de l’information que la mesure attaquée est déjà en exécution. En
et de la communication qui, en raison d’une erreur d’autres termes, une décision administrative en
de graphie ne figure pas au journal officiel, est de 3%. exécution peut-elle faire l’objet d’une demande de
suspension ?
Estimant cette note de service illégale,
l’UNETEL, après un recours pour excès de pouvoir Pour le Commissaire du gouvernement Guy
exercé le 08 août 2014, demande à la Chambre BRAIBANT, « le juge ne peut suspendre utilement
Administrative de prescrire le sursis à son exécution l’exécution d’un acte qui a déjà porté tous ses
au motif qu’il y a urgence et qu’il existe un moyen effets » (Conclusions sur C.E. 14 octobre 1963,
sérieux de nature à justifier son annulation. Aguzu, AJDA 1963, 630). Autrement dit, une
demande de suspension qui vise un acte
Par arrêt n° 190 du 30 décembre 2014, la entièrement exécuté au moment de l’introduc-
Chambre Administrative a rejeté la requête du fait tion de la demande est irrecevable (C.E. sect. 16
qu’ « en l’absence d’urgence, le sursis sollicité ne déc 1977, Lehodey, AJDA 1978, 514). En toute
peut être accordé, d’autant qu’il ressort de l’instruc- logique, on ne saurait comprendre et même admet-
tion que la mesure est déjà en exécution ». De cette tre qu’il soit sollicité le sursis, la paralysie d’un acte
décision, il ressort que le défaut d’urgence est le déjà exécuté.
motif de rejet de la requête de l’UNETEL (II). Par
ailleurs, bien que la Cour ait admis la recevabilité Mais l’acte en exécution, tel qu’invoqué dans
de la requête, c’est une question qui mérite d’être l’arrêt UNETEL, peut-il subir le même sort que celui
évoquée (I). qui est entièrement exécuté ? Le premier s’identifie-
t-il au second ?
I- La question de la recevabilité de la requête
A priori, les deux actes n’étant pas dans la même
La recevabilité d’une requête en sursis à exé- situation, n’étant pas de même nature, ils ne
cution devant la Chambre Administrative est devraient pas être soumis au même régime, c’est-à-
essentiellement soumise à deux conditions posées dire que si la demande de sursis à exécution contre
par l’article 76 de la loi sur la Cour Suprême : l’acte entièrement exécuté doit être déclarée

26 La tribune de la Chambre Administrative 2014


irrecevable, cela ne devrait pas être le cas pour les exécution est celui qui est grave et immédiat (la
actes en exécution dont le sursis pourrait suspendre condition d’urgence est considérée comme remplie
les effets toujours en cours. Effectivement, l’acte en lorsque la décision administrative contestée
exécution ou en cours d’exécution pourrait toujours « préjudicie de manière suffisamment grave et
faire l’objet de l’arrêt de ses effets, si le juge octroie immédiate à un intérêt public, à la situation du
la mesure de sursis à exécution. Le non épuisement requérant qu’il entend défendre », C.E. sect 19 jan-
de tous ses effets invite à considérer qu’il est tou- vier 2001, Confédération nationale des radios libres,
jours utile d’accorder le sursis à celui qui le réclame. rec. 29). Pour en revenir à notre espèce, le juge a
Cette position est d’autant plus confortée que le estimé que le préjudice grave et immédiat n’est pas
Conseil d’Etat français a estimé dans son arrêt établi parce que la requérante « se contente de sim-
Moussa Koné (C.E. 8 juin 1976, AJDA 1976, 582) ples allégations non accompagnées d’éléments pro-
que la décision d’expulsion d’un étranger du terri- pres à [le] démontrer ».
toire français est regardée comme n’épuisant pas
ses effets avec le départ de l’étranger. Ainsi, une Pour emporter la conviction de la Cour, la
requête contre un acte en exécution peut être requérante aurait dû, par exemple, rapporter des
déclarée recevable. Elle pourrait être également données chiffrées à même de prouver au juge que
déclarée irrecevable, si le juge estime que bien que le maintien de la décision du Directeur Général des
l’acte soit en exécution, il n’est plus utile de décider impôts est de nature à entraîner l’arrêt de l’activité
de sa suspension. C’est certainement l’ambigüité économique des entreprises du secteur des tech-
d’un tel acte qui a amené la Chambre Administrative nologies, de l’information et de la télécommunication
à se fonder sur l’absence d’urgence pour rejeter la ou de porter une atteinte grave à leur équilibre finan-
requête de l’UNETEL, bien qu’elle aurait pu la cier. Elle aurait pu argumenter que l’imposition
déclarer irrecevable. des bénéfices de l’exercice 2013 est susceptible
d’entraîner le non-paiement des salaires des
II- Le défaut d’urgence : motif du rejet de la employés, le non respect des engagements financiers
requête des entreprises ou d’empêcher des investissements
dans le secteur avec pour conséquence la détério-
L’urgence, à côté de l’existence d’un moyen ration du service public….
sérieux de nature à justifier une annulation, est l’une
des conditions de fond du sursis à exécution. C’est Au total, il résulte de ce qui précède que c’est
d’ailleurs la première. C’est la raison d’être de la sur le fondement de préjudices graves et immé-
procédure du sursis. Cette procédure ne trouve diats, démontrés et non allégués, que le juge se
d’utilité que dans l’urgence, c’est-à-dire avant détermine pour accorder le sursis à exécution
l’exécution de la mesure contestée. D’ailleurs, la d’une décision administrative, bien entendu si
procédure de sursis n’est-elle pas qualifiée de l’un des moyens invoqués par le requérant, à
procédure d’urgence ? l’appui du recours pour excès de pouvoir, paraît
de nature, en l’état du dossier, à justifier l’annu-
Du fait qu’elle est une notion relative, c’est-à-dire lation de la décision en cause.
qui dépend étroitement de l’espèce et de l’argu-
mentation du requérant, il incombe au juge de Il reste cependant, et cela est très important à
l’apprécier et de trancher la question de l’existence rappeler, que même si toutes les conditions de
ou non de l’urgence pour envisager comme possi- forme et de fond du sursis sont remplies, le juge est
ble le prononcé de la suspension d’une décision toujours libre de l’accorder ou ne pas le faire, parce
administrative. que « le juge chargé de prononcer le sursis …con-
serve la faculté d’apprécier l’opportunité de
Le juge l’analyse comme un préjudice grave et paralyser ou non l’exécution d’un acte adminis-
immédiat porté soit à la situation du requérant, tratif » (Gilles DARCY, Michel PAILLET, Contentieux
aux intérêts qu’il entend défendre et non pas administratif, Armand Colin, 2000). Il dispose ainsi
comme « un préjudice difficilement réparable », d’un pouvoir d’appréciation discrétionnaire en la
notion très restrictive qui pourrait conduire à n’ad- matière. Pour le Conseil d’Etat français, « même si
mettre l’urgence que si la décision attaquée les conditions sont remplies… il appartient au juge
présenterait des conséquences irréversibles ou administratif d’apprécier, dans chacun des cas qui
étaient insusceptibles de réparation monétaire. lui sont soumis, s’il y a lieu d’ordonner le sursis à
Cependant, en droit tout préjudice n’est-il pas exécution des décisions attaquées (C.E. 13 février
réparable par l’obtention d’argent ou de dommages- 1976, Association de sauvegarde du quartier Notre
intérêts ? C’est pour cette raison que le préjudice Dame, revue administrative 1976, 380).
généralement admis par la jurisprudence pour
provoquer l’octroi d’une décision de sursis à
Docteur KISSIEDOU Sylvère Caporal

La tribune de la Chambre Administrative 2014 27


COUR SUPREME REJET

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

REQUETE N° 2014-364 S/EX/AD


DU 18 AOUT 2014
A R R E T N° 190

UNION NATIONALE DES ENTREPRISES


DE TELECOMMUNICATIONS (UNETEL) REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE

C/ AU NOM DU PEUPLE IVOIRIEN

DIRECTEUR GENERAL DES IMPOTS COUR SUPREME

AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE


DU 30 DECEMBRE 2014 CHAMBRE ADMINISTRATIVE
DEUXIEME FORMATION

MONSIEUR KOBO Pierre Claver, PRESIDENT

LA COUR,

Vu la requête, enregistrée le 18 août 2014 au Secrétariat Général de la Cour Suprême sous le numéro
2014-364 S/EX AD, par laquelle l’Union Nationale des Entreprises de Télécommunications (UNETEL),
ayant élu domicile en l’étude de la Société Civile d’Avocats BILE-AKA, BRIZOUA-BI et Associés, sise
7 Boulevard Latrille, Abidjan, Cocody, 25 BP 945 ABIDJAN 25, tél : 22 40 64 30, fax : 22 48 89 28,
email : mbk@aviso.ci, contact@bilebrizoua.ci, site web : www.bilebrizoua.ci, sollicite de la Chambre
Administrative le sursis à l’exécution de la note de service n° 081/MPMB/DGI/DLCD-SDL/Sba/01-
2014 du 16 janvier 2014 du Directeur Général des Impôts ;

Vu la décision attaquée ;

Vu les autres pièces fournies au dossier ;

Vu les pièces desquelles il résulte que le Procureur Général près la Cour Suprême, à qui la requête, le
15 octobre 2014, et le rapport, le 02 décembre 2014, ont été transmis, n’a pas produit d’écritures ;

Vu le mémoire en défense du Directeur Général des Impôts, par le canal de son conseil, le cabinet
Traoré Bakari, parvenu le 07 novembre 2014 au Secrétariat de la Chambre Administrative, tendant à
voir la Cour déclarer la requête irrecevable, à défaut, la rejeter au fond ;

Vu les observations après rapport de l’Union Nationale des Entreprises de Télécommunications (UNETEL),
par le canal de son conseil la Société Civile d’Avocats BILE-AKA, BRIZOUA-BI et Associés, parvenues
le 15 décembre 2014 au Secrétariat de la Chambre Administrative ;

Vu la loi n° 94-440 du 16 Août 1994 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le


fonctionnement de la Cour Suprême, modifiée et complétée par la loi n° 97-243 du 25 avril 1997 ;

OUÏ le Rapporteur ;

28 La tribune de la Chambre Administrative 2015


Considérant que, par suite de la loi n° 2013-908 du 26 décembre 2013 portant Budget de l’Etat pour
l’année 2014, le Directeur Général des Impôts a pris la note de service n° 081/MPMB/DGI/DLCD-
sdl/Sba/01-2014 du 16 janvier 2014 pour préciser, entre autres, que le taux des impôts sur les bénéfices
industriels et commerciaux des entreprises de télécommunication et des technologies de l’information et de
la communication passe de 25 % à 30%, et que ce nouveau taux s’applique, pour la première fois, au
bénéfice imposable déterminé au titre de l’exercice clos au 31 décembre 2013 ; qu’il a indiqué, en outre,
que la taxe spécifique sur les communications téléphoniques et les technologies de l’information et de la
communication qui, en raison d’une erreur de graphie, ne figure pas dans le texte publié au journal officiel,
est de 3 % ;

Considérant que l’Union Nationale des Entreprises de Télécommunications (UNETEL), après avoir
contesté cette note de service par un recours pour excès de pouvoir présenté le 08 août 2014 devant la
Chambre Administrative de la Cour Suprême, saisit, à nouveau, ladite juridiction aux fins de prescrire qu’il
soit sursis à son exécution ;

Considérant que la requérante n’établit pas le caractère irréparable des préjudices qu’elle subit du fait
de la décision attaquée ; qu’elle se contente de simples allégations non accompagnées d’éléments propres à
démontrer des préjudices graves et immédiats ; que dès lors, en l’absence d’urgence, le sursis sollicité
ne peut être accordé, d’autant plus qu’il ressort de l’instruction que la mesure est déjà en exécution ;

/_) E C I D E

Article 1er : La requête n° 2014-364 S/EX AD du 18 août 2014 de l’Union Nationale des Entreprises de
Télécommunications (UNETEL) est rejetée ;

Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de la requérante ;

Article 3 : Une expédition du présent arrêt sera transmise au Directeur Général des Impôts, au Secrétaire
Général du Gouvernement ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Chambre Administrative, en son audience publique ordinaire
du TRENTE DECEMBRE DEUX MIL QUATORZE ;

La tribune de la Chambre Administrative 2015 29


NOTE SOUS ARRET N° 12 DU 21 JANVIER 2015, PAPAH MOBIO JEAN
MARIE ET AUTRES C/ MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSEMENT ET DE L’URBANISME
Mue par l’intérêt général, l’Administration crée Les faits de l’espèce se laissent facilement
unilatéralement du droit et ses décisions sont, en résumer. Par arrêté n°03720/MCU/DDU/SDAF/BKR
vertu du privilège du préalable, présumées du 04 mars 2005, les nommés PAPAH Mobio Jean
régulières et s’appliquent, même en cas de contes- Marie, Aké Séraphin Isidore Koutouan et Asséné
tation. Ainsi, les recours juridictionnels à leur N’drin Clément ont obtenu du Ministre de la
encontre n’ont pas d’effets suspensifs. Mais, du Construction l’approbation du plan de morcellement
fait de la lenteur constatée dans le règlement des du lot n°538 de l’îlot 37 du lotissement de la Riviera
litiges portés devant la Chambre Administrative 4 extension Golf Complémentaire, dénommée
et pour éviter que les décisions juridictionnelles, Opération Liberté, sur lequel, ils détiennent des
même bien fondées, perdent totalement ou en droits coutumiers, reconnus par un arrêt de la Cour
partie leurs effets parce qu’elles arriveraient trop d’appel et confirmés par l’arrêt n°403 du 07 juin 2012
tard, l’article 76 de la loi sur la Cour Suprême de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême.
autorise, à titre exceptionnel, la Chambre
Administrative à prescrire qu’il soit sursis à l’exécu- Au cours des démarches pour consolider leurs
tion d’une décision administrative qui lui est déférée droits sur la parcelle, ils ont découvert que des
pour excès de pouvoir. Cette disposition conduit le titres ont été délivrés à des tiers par le Ministre de
juge à faire échec au principe cardinal du droit la Construction.
administratif, à savoir le caractère exécutoire de la
décision administrative. Jugeant ces actes illégaux, les Consorts PAPAH
Mobio Jean Marie et autres les ont déférés à la
Le sursis à exécution se présente comme une censure du juge de l’excès de pouvoir.
décision par laquelle la Chambre Administrative, à
la demande d’un requérant, suspend provisoire- Mais, eu égard aux travaux de fouilles entrepris
ment l’exécution d’un acte administratif dont la par les attributaires du terrain, les requérants ont
légalité est contestée par suite de l’exercice d’un saisi à nouveau la Chambre Administrative pour
recours pour excès de pouvoir. Cependant, l’octroi solliciter le sursis à l’exécution des actes attaqués.
du sursis à exécution doit satisfaire aux deux
conditions de fond cumulatives exigées par une La Haute Cour, pour faire droit à la demande des
jurisprudence aussi ancienne que constante, à requérants, a conclu qu’il y avait urgence et exis-
savoir : l’urgence et l’existence de moyen sérieux tence de moyen sérieux de nature à faire douter de
de nature à faire douter de la légalité de l’acte la légalité des actes attaqués.
attaqué (C.E 12 novembre 1938, Chambre
Syndicale des Constructeurs d’avions GAJA n°62 ; L’urgence est la condition première du sursis.
C.S.C.A arrêt n°67 du 18 décembre 1991, OURA C’est lorsque l’urgence le justifie que la Chambre
KOUASSI c/Ministère de la Défense). L’arrêt n°12 Administrative peut envisager le prononcé de la
du 21 janvier 2015, PAPAH Mobio Jean Marie et suspension de l’exécution de la décision adminis-
autres C/Ministère de la Construction vient illustrer trative. C’est l’urgence qui constitue la raison d’être
parfaitement cette jurisprudence. de la procédure de sursis. Elle suppose que l’acte
ou le comportement litigieux crée une situation
Saisie par Papah Mobio Jean Marie et autres difficilement réversible ou que l’acte ou le com-
pour qu’elle prononce le sursis à l’exécution des portement de l’administration préjudicie gravement
actes administratifs délivrés à des tiers par le à la situation que le requérant entend défendre.
Ministre de la Construction sur le lot n°538 de l’îlot
37 du lotissement de la Riviera 4 extension Golf En l’espèce, la Chambre Administrative, pour
Complémentaire sur lequel ils détiennent des droits
justifier l’urgence, affirme que : « la mise en valeur
coutumiers, la Cour avait à confronter les moyens
invoqués par les requérants aux conditions requises des terrains par les tiers détenteurs de titres délivrés
pour l’octroi du sursis. par le Ministre de la Construction est de nature à
susciter des troubles à l’ordre public eu égard à

30 La tribune de la Chambre Administrative 2015


l’opposition des détenteurs de droits coutumiers ». paraît, en l’état de l’instruction, de nature à faire
Elle ajoute même que : « le préjudice dont se pré- douter de la légalité des titres délivrés à des tiers par
valent les nommés PAPAH Mobio et autres qui le Ministre de la Construction et de l’Urbanisme sur
résulterait de l’achèvement des constructions le lot querellé ».
entamées sur le lot litigieux, présente un caractère
grave et immédiat ». La Cour reconnaît que PAPAH Mobio Jean
Marie et Consorts ont des droits sur le terrain
Le juge a estimé que dès lors que les droits querellé, antérieurs aux attributions faites aux tiers
coutumiers des requérants ont été reconnus par par l’Administration. La reconnaissance des droits
la Chambre Judiciaire, laisser les détenteurs de des requérants par la Cour pose le problème
lettres d’attribution entamer des constructions récurrent des doubles attributions. En la matière, la
avant que le juge du fond ait pu trancher la question jurisprudence constante de la Chambre
de la propriété du terrain querellé est susceptible Administrative (arrêt n°100 du 27 juin 2012, SCI
d’entraîner des troubles à l’ordre public eu égard VISION 2000, arrêt n°216 du 31 juillet 2013, SCI
aux menaces proférées par les détenteurs coutu- Riviera City Market) affirme qu’en cas de double
miers. Outre les coûts qu’engendrerait une attribution, la Cour donne le droit au premier attri-
éventuelle démolition des bâtisses avant le règle- butaire surtout que cette première attribution n’a
ment au fond de l’appartenance du terrain, cette pas été formellement annulée avant la seconde.
menace de soulèvement des détenteurs des droits L’existence de la double attribution du terrain
coutumiers a manifestement pesé dans l’apprécia- litigieux ne fait que conforter le doute dont se con-
tion de la Cour. vainc la Cour.

Une fois la condition de l’urgence satisfaite, le Certes, dans la présente affaire, le juge a
requérant doit justifier l’existence de moyens accédé à la demande des requérants, mais il con-
sérieux de nature à faire douter de la légalité de vient de souligner que la réunion des deux conditions
l’acte attaqué. de fond exigées par la jurisprudence ne contraint pas
le juge, en l’occurrence la Chambre Administrative,
Cette seconde condition répond au souci de à ordonner le sursis. L’article 76 de la loi sur la Cour
refuser le privilège ou l’exception qu’est le sursis Suprême précise à cet égard que la Chambre
aux requérants qui articulent des moyens fragiles, Administrative « peut, après réquisition du Ministère
dilatoires ou fantaisistes. Le prononcé du sursis Public, à titre exceptionnel, prescrire qu’il soit
suppose des moyens sérieux et paraissant, en sursis à l’exécution de la décision administrative».
l’état de l’instruction, de nature à justifier l’annulation
de la décision attaquée. Le sursis ne peut être A l’instar des arrêts n°205 du 24 juillet 2013,
octroyé qu’à l’égard d’actes administratifs dont Kouamé N’guessan Fulgence et n°255 du 18
l’annulation est probable sinon certaine. décembre 2013, Société Oval Holding, l’arrêt
PAPAH Mobio et Autres illustre bien que le juge du
Dans l’arrêt PAPAH Mobio et Autres C /Ministre contrôle de la légalité, pour accorder le sursis à
de la Construction, la Chambre Administrative part l’exécution des décisions administratives, confronte
du constat que l’arrêt n°403 du 07 juin 2012 de la les arguments que développent les requérants aux
Chambre Judiciaire de la Cour Suprême a reconnu conditions exigées par la jurisprudence.
les droits coutumiers des requérants sur le lot
n°538 de l’îlot 37 du lotissement de la Riviera 4
extension Golf Complémentaire. Il y a là une
expression claire de l’autorité de la chose jugée par KOUTOU Aka Thomas
la Chambre Judiciaire. Dès lors que celle-ci a
reconnu aux requérants des droits coutumiers qui,
rappelons-le, en vertu de la loi n°98-750 du 23
décembre 1998 relative au domaine foncier rural
modifié par la loi n°2004-412 du 14 août 2004,
peuvent être transformés en droit de propriété
moderne, la Chambre Administrative tient ce point
pour acquis et en tire les conséquences. Elle
affirme d’ailleurs que : « l’existence de cette décision

La tribune de la Chambre Administrative 2015 31


COUR SUPREME SURSIS A EXECUTION

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

REQUETE N° 2014-331 S/EX


DU 29 JUILLET 2014
A R R E T N° 12

PAPAH MOBIO JEAN MARIE ET AUTRES REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE

C/ AU NOM DU PEUPLE IVOIRIEN

MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSEMENT
ET DE L’URBANISME COUR SUPREME

AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE


DU 21 JANVIER 2015 CHAMBRE ADMINISTRATIVE
PREMIERE FORMATION

MONSIEUR KOBO Pierre Claver, PRESIDENT

LA COUR,
Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2014 au Secrétariat Général de la Cour Suprême sous le numéro
2014-331 S/EX ,par laquelle Messieurs PAPAH Mobio Jean Marie, AKE Séraphin, Isidore
KOUTOUAN et ASSANE N’dri Clément, ayant pour conseil la SCPA Blessy et Blessy, Avocats
associés près la Cour d’Appel d’Abidjan, y demeurant à Bietry, rue des majorettes, résidence
« Bimbois », 1er étage à gauche, appartement A3, 18 BP 1241 Abidjan 18, tel :21 25 02 89/21 25
03 05, sollicitent, de la Chambre Administrative, le sursis à exécution de tous les titres de propriété,
lettres d’attribution, arrêtés de concession provisoire, arrêtés de transfert, de mutation, tous titres
et droits subséquents délivrés par le Ministre de la Construction et de l’Urbanisme ou tout autre
Organisme se fondant sur lesdits titres sur les parcelles du lot 538 îlot 37, du lotissement de la
Riviera 4 Extension Golf complémentaire, dénommé Opération Liberté, de la Commune de
Cocody ;

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les conclusions du Ministère Public du 14 janvier 2014 tendant à surseoir à l’exécution des déci-
sions attaquées ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête, le 15 octobre 2014, le rapport et l’avis d’audience le
06 janvier 2015, ont été notifiés au Ministre de la Construction, du Logement, de l’Assainissement
et de l’Urbanisme qui n’a pas produit d’écritures ;

Vu les observations après rapport du Conseil des requérants parvenues le 15 janvier 2015 ;

Vu l’arrêt n°403 du 07 juin 2012 de la Chambre Judiciaire qui a confirmé les droits coutumiers des
requérants reconnus par la Cour d’Appel d’Abidjan ;

32 La tribune de la Chambre Administrative 2015


Vu la loi n° 94-440 du 16 Août 1994 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le
fonctionnement de la Cour Suprême, modifiée et complétée par la loi n° 97-243 du 25 Avril 1997
;
OUÏ le Rapporteur ;

Considérant que, par arrêté n° 03720/MCU/DDU/SDAF/BKR du 04 mars 2005, les nommés PAPAH
Mobio, AKE Séraphin, Isidore KOUTOUAN et ASSANE N’drin Clément ont obtenu, du Ministre de la
Construction, l’approbation du plan de morcellement du lot n° 538 de l’îlot 37 du lotissement de la Riviera
4 Extension Golf Complémentaire, dénommé opération liberté sur lequel, ils détiennent des droits
coutumiers ;

Mais, considérant que contre toute attente, la parcelle objet d’approbation fait l’objet de diverses
transactions à l’initiative d’une « Bourse de Terrains Aménagés dite BTA », dépendant du Bureau
National d’Etudes Techniques et de développement dénommé BNETD ;

Considérant que le chef du village d’Anono, pour prévenir tout litige sur ledit lotissement a, par correspon-
dance du 10 Août 2005, demandé au Ministre de la Construction et de l’Urbanisme de ne servir aucun
document administratif à des personnes autres que les requérants ;

Considérant que les requérants, pour la reconnaissance de leurs droits coutumiers sur la parcelle
querellée, ont assigné devant les juridictions civiles le BNETD et l’AGEF (Agence de Gestion Foncière)
et obtenu l’ordonnance de prénotation n°4111/2005 du 10 octobre 2005 qu’ils ont servie au conservateur
de la propriété foncière ;

Considérant que les droits coutumiers des requérants sur le lot disputé ayant été affirmés par l’arrêt
n° 403 du 07 juin 2012 de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême, ils ont entrepris de se faire
délivrer les titres constatant lesdits droits ;

Que cependant, ils se sont heurtés à l’inertie du Ministère de la Construction et de l’Urbanisme ;

Considérant que les consorts PAPAH Mobio, ayant découvert que des travaux ont été effectués sur la
parcelle querellée par des tiers, détenteurs d’actes délivrés par le Ministre de la Construction, ont déféré
à la censure de la Chambre Administrative les actes attaqués, par requête numéro 2014-123 REP du 23
juin 2014 ;

Qu’ils ont saisi à nouveau la Chambre Administrative par requête numéro 2014-331 S/EX du 29 juillet
2014, pour voir prononcer le sursis à l’exécution des actes détenus par des tiers qui ont entrepris des
travaux de fouille sur le terrain querellé ;

Sur la forme

Considérant que la requête a été présentée conformément aux conditions et formes prévues par la loi ;
qu’elle est recevable ;

Sur le bien-fondé du sursis à exécution

Considérant que l’arrêt n°403 du 07 juin 2012 de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême a
reconnu les droits coutumiers des requérants sur le lot n°538 de l’îlot 37 du lotissement de la Riviera 4
extension Golfe Complémentaire ;

Que l’existence de cette décision paraît, en l’état de l’instruction, de nature à faire douter de la légalité
des titres délivrés à des tiers par le Ministre de la Construction et de l’Urbanisme sur le lot querellé ;

Que la mise en valeur des terrains par les tiers détenteurs de titres délivrés par le Ministre de la
Construction est de nature à susciter des troubles à l’ordre public, eu égard à l’opposition des détenteurs
de droits coutumiers ;

La tribune de la Chambre Administrative 2015 33


Que le préjudice, dont se prévalent les nommés PAPAH Mobio Jean Marie, AKE Séraphin Isidore
KOUTOUAN et ASSANE N’dri Clément, qui résulterait de l’achèvement des constructions entamées sur
le lot litigieux, présente un caractère grave et immédiat ;
Que dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à l’exécution des actes attaqués ;

/-) E C I D E

Article 1er : La requête enregistrée au Secrétariat Général de la Cour Suprême le 29 juillet 2014 sous le
n°2014-331 S/EX est recevable et fondée ;

Article 2 : L’exécution de tous les titres délivrés par le Ministre de la Construction et de l’Urbanisme, sur
le lot n°538 de l’îlot 37 du lotissement de la Riviera 4 extension Golfe Complémentaire, est
suspendue jusqu’à ce que la Chambre Administrative de la Cour Suprême statue sur la
requête aux fins d’annulation, pour excès de pouvoir, enregistrée le 23 juin 2014 sous le
n°2014-123 REP au Secrétariat Général de la Cour Suprême ;

Article 3 : Les frais de l’instance sont laissés à la charge du Trésor Public ;

Article 4 : Une expédition du présent arrêt sera transmise au Ministère Public et au Ministre de la
Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Chambre Administrative, en son audience publique
ordinaire du VINGT ET UN JANVIER DEUX MIL QUINZE ;

34 La tribune de la Chambre Administrative 2015


UN ELEMENT NOUVEAU DANS LE REGIME JURIDIQUE DES MISES
EN DEMEURE DE DEMOLITION

De plus en plus, les recours en matière foncière L’arrêt ANGBO-BINDET apporte des précisions
portent sur la légalité d’arrêtés d’approbation de à la fois sur la validité d’une mise en demeure (I) et
lotissements ou, comme l’illustre la présente affaire la portée de la jurisprudence Mairie de Treichville
(arrêt n°2 du 21 janvier 2015, ANGBO-BINDET dont il constitue le prolongement(II).
William Amédée), sur la légalité de mises en
demeure de démolition délivrées sur le fondement I- L’INDIFFERENCE DU DELAI CONTENU DANS
de la loi 65-248 du 04 août 1965 sur le permis de UNE MISE EN DEMEURE SUR SA LEGALITE
construire.
La mise en demeure de démolition est un rap-
Selon les faits de l’espèce, le Ministre de la pel, une sommation de l’administration invitant le
Construction a attribué, par lettre du 3 septembre destinataire à se mettre en conformité avec la
1983, à monsieur ANGBO-BINDET William un lot réglementation sur le permis de construire assortie
de 515 m2 situé aux Deux-Plateaux la Djibi sur de menaces de démolition en cas d’inaction. Elle
lequel il a entrepris la construction de bâtiments, à comporte en réalité deux (2) dates souvent con-
usage de magasins, après avoir introduit des fondues que l’arrêt ANGBO-BINDET a le mérite de
demandes aux fins d’obtenir un permis de construire distinguer.
et un arrêté de concession provisoire.
Il faut, en effet, dissocier le délai de mise en
Dans l’attente de ces deux actes qui consoli- conformité du délai d’exécution de la sanction de
deraient ses droits sur la parcelle, Monsieur démolition, car la mise en demeure de démolition
ANGBO-BINDET William a découvert, courant est un acte administratif comportant une obligation
2013, que son lot a été réattribué à un tiers qui a de faire assortie d’une sanction.
obtenu un certificat de propriété daté du 15 février
2013. En vue d’obtenir l’annulation de ce certificat La mise en conformité est l’obligation de faire
de propriété, Monsieur ANGBO-BINDET William a contenue dans la mise en demeure. Elle signifie
saisi le Conservateur de la propriété foncière d’un que l’administré doit se conformer à la réglemen-
recours gracieux, le 13 mars 2013. A cette même tation en obtenant un permis de construire ou, à
date, il a reçu notification d’une mise en demeure, défaut, en démolissant lui-même ses constructions.
La mise en conformité n’est enfermée dans aucun
du 4 février 2013, lui enjoignant de procéder à la
délai. Comme tout acte administratif, la mise en
démolition « sans délai » de ses magasins.
demeure de démolition est revêtue du caractère
exécutoire, en conséquence l’obligation prescrite,
Après son recours gracieux du 19 avril 2013,
la mise en conformité, doit être exécutée par
demeuré sans suite, Monsieur ANGBO-BINDET a
l’administré dès sa notification.
saisi la Chambre Administrative d’un recours en
annulation pour excès de pouvoir contre cette mise La sanction du non respect de l’obligation de
en demeure. mise en conformité est la démolition des construc-
tions érigées au mépris de la loi sur le permis de
Outre le refus de l’administration de lui délivrer construire. Mais, contrairement à l’obligation de
un permis de construire, Monsieur ANGBO- mise en conformité, la démolition est enfermée
BINDET invoquait la violation de l’article 8 de la loi dans un délai. Son exécution est différée. Elle ne
sur le permis de construire, parce que la mise en peut légalement intervenir qu’à l’issue du délai de
demeure l’a enjoint de démolir « sans délai » ses quarante-cinq (45) jours fixé par l’article 8 nouveau
constructions sur le lot. de la loi sur le permis de construire pour permettre
d’exercer les voies de recours administratif et
La Cour a rejeté ces deux moyens en estimant, juridictionnel. Ce temps peut être mis à profit pour
notamment, que « le délai prévu par la mise en obtenir un permis de construire ou sa régularisation,
demeure de démolition en cause est sans influence car en matière de permis de construire l’autorité
sur sa légalité ». administrative dispose d’un pouvoir discrétionnaire
pour l’octroi du permis et il existe de nombreuses
dérogations en matière d’urbanisme.

La tribune de la Chambre Administrative 2015 35


Il apparaît ainsi qu’un délai inférieur à 45 jours Si une lecture rapide des deux arrêts montre
prévu dans une mise en demeure n’a aucun effet une contradiction entre les solutions retenues par la
sur sa légalité tant que l’administration n’a pas Cour, une lecture plus attentive permet cependant
procédé à la démolition des constructions avant le de dissiper les interrogations.
délai légal de 45 jours. C’est ce que souligne la
Cour en rappelant dans l’arrêt « qu’il est établi que En effet, les mises en demeure attaquées dans
le Ministre de la Construction et de l’Urbanisme, ces deux espèces se distinguaient par leur portée.
après avoir notifié ladite mise en demeure de Dans l’affaire Mairie de Treichville, était en cause
démolition au requérant le 13 mars 2013, n’a pas une mise en demeure de démolition qui prévoyait
procédé à la démolition des constructions du un délai inférieur au délai de 45 jours pour procéder
requérant jusqu’au- delà du délai de 45 jours fixé à la démolition des constructions. L’administration
par la loi ». menaçait de démolir les ouvrages en construction
au « Rond-Point de l’Avenue 8-Rue 12 » passé le
Pour éviter la démolition, l’administré a la possi- délai de 10 jours accordé à la société KAF-CI pour
bilité soit de se conformer à la réglementation, soit s’exécuter. Ainsi, cette mise en demeure posait la
d’attaquer la mise en demeure devant le juge (Voir question de la validité du délai de 10 jours prévu
KISSIEDOU Sylvère Caporal, « La Chambre par l’administration pour appliquer la sanction de la
Administrative de la Cour Suprême et le contentieux démolition. Au contraire, dans l’affaire ANGBO-
de la mise en demeure de démolition », cette Revue, BINDET, l’administration s’était bien gardée de fixer
n°3, septembre 2014, pp9-12). un délai à l’échéance duquel elle allait procéder à
la démolition mais enjoignait à l’administré de
II- L’ECLAIRAGE DE LA JURISPRUDENCE s’exécuter sans délai. Cette mise en demeure
MAIRIE DE TREICHVILLE DU 25 JANVIER 2012
soulevait donc un problème de droit différent qui ne
Dans une espèce similaire en date du 25 janvier portait pas sur le délai de la sanction de démolition
2012 (arrêt n°12 du 25 janvier 2012, Mairie de mais plutôt sur celui de la mise en conformité.
Treichville), la société KAF-CI, qui exécutait des
travaux de construction dans la commune de En définitive, il ressort de ces deux arrêts que :
Treichville au lieu-dit « Rond Point de l’Avenue 8-
Rue 12 », en l’absence d’un permis de construire, – un délai inférieur à 45 jours prévu dans une
s’est vue servir une mise en demeure l’enjoignant mise en demeure à l’égard de l’administré pour se
de démolir ses constructions dans un délai de 10 conformer à la réglementation est sans influence
jours faute de quoi, l’administration allait procéder sur la légalité de celle-ci ;
elle-même à leur démolition. La Cour a annulé cette
mise en demeure au motif « qu’en donnant à la – un délai minimum de 45 jours sépare le
Commune de Treichville un délai de dix jours pour moment où l’administration émet une mise en
demeure de démolition et le moment où elle passe
démolir les ouvrages litigieux, l’acte attaqué tend à
à l’action pour procéder à la démolition.
l’empêcher de mettre à profit le délai de quarante
cinq jours pour exercer les recours administratif
et juridictionnel prévus par la loi ; que ce faisant,
le Ministre de la Construction, de l’Urbanisme et de KONAN ADJE HOUSSOU YAO
l’Habitat a méconnu les dispositions de la loi 65-
248 du 04 août 1965 susvisées ».

On peut donc s’étonner que pour de semblables


faits, la Cour a décidé dans l’affaire ANGBO-
BINDET que « le délai prévu par la mise en
demeure de démolition en cause est sans influence
sur sa légalité ». Ces deux solutions sont-elles con-
ciliables ? N’y a-t-il pas revirement, ou du moins
limitation de la portée de l’arrêt Mairie de
Treichville ?

36 La tribune de la Chambre Administrative 2015


COUR SUPREME REJET

CHAMBRE ADMINISTRATIVE

REQUETE N° 2013-039 REP


DU 21 AVRIL 2013
A R R E T N° 02

ANGBO-BINDET WILLIAM AMEDEE REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE

C/ AU NOM DU PEUPLE IVOIRIEN

MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSEMENT
ET DE L’URBANISME COUR SUPREME

AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE


DU 21 JANVIER 2015 CHAMBRE ADMINISTRATIVE
PREMIERE FORMATION

MONSIEUR KOBO Pierre Claver, PRESIDENT

LA COUR,

Vu la requête, enregistrée au Secrétariat Général de la Cour Suprême le 21 avril 2013, sous le


numéro 2013-039 REP, par laquelle monsieur Angbo-Bindet William Amédée, Chef de service
audit et contrôle interne à la Société de Gestion du Patrimoine Immobilier de l’Etat (SOGEPIE), de
nationalité ivoirienne, domicilié à Abidjan, Cocody, 17 BP 54 Abidjan 17, tél 20 25 64 00, téléphone
cellulaire 05 99 75 75, sollicite, de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, l’annulation,
pour excès de pouvoir, de la mise en demeure de démolition n° 423/MCLAU/DAJC/DML/NKF du
04 février 2013 à lui servie par exploit d’huissier, à la demande du Ministre de la Construction, du
Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme pour défaut de permis de construire ;

Vu l’acte attaqué ;

Vu les pièces du dossier ;

Vu les réquisitions écrites du 05 mars 2014 de Madame le Procureur Général près la Cour Suprême,
tendant à l’annulation de la mise en demeure attaquée ;

Vu les pièces desquelles il résulte que le Ministre de la Construction, du Logement, de


l’Assainissement et de l’Urbanisme, à qui la requête, le 20 septembre 2013 et une mise en
demeure, le 12 mars 2014 et le rapport, le 02 décembre 2014, ont été notifiés, n’a pas produit de
mémoire en défense ;

Vu les observations, après rapport, en date du 19 décembre 2014, déposées au Secrétariat de la


Chambre Administrative par le requérant ;

Vu la loi n° 65-248 du 8 août 1965 relative au permis de construire modifiée par la loi n° 97-523 du 4
septembre 1997 ;

Vu la loi n° 94-440 du 16 août 1994, déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le


fonctionnement de la Cour Suprême, modifiée et complétée par la Loi n° 97-243 du 25 avril 1997 ;
OUÏ le Rapporteur ;

La tribune de la Chambre Administrative 2015 37


Considérant que par lettre n° 2984/MCU/SAD du 03 septembre 1987, le Ministre de la Construction et
de l’Urbanisme a attribué le lot n° 3401, îlot 274, d’une contenance de 515 m², sis aux Deux-Plateaux
la Djibi, lotissement de compensation, à monsieur Angbo-Bindet William Amédée qui a entamé la
construction de magasins, après avoir déposé des demandes de permis de construire et d’arrêté de
concession provisoire ; qu’ayant appris que son terrain a été réattribué à monsieur Edouard Nanou-Brou
qui a obtenu un certificat de propriété n° 124 691 le 15 février 2013, monsieur Angbo-Bindet William
Amédée a formé le 13 mars 2013 un recours gracieux, et il a reçu le même jour une mise en demeure
de démolition en l’occurrence celle de se conformer sans délai à la législation sur le permis de construire
sous la menace de démolition des magasins ;

Qu’estimant illégale cette mise en demeure de démolition, monsieur Angbo-Bindet William Amédée,
après un recours gracieux du 19 avril 2013, demeuré sans suite, a saisi, la Chambre Administrative de la
Cour Suprême, aux fins de son annulation ;

EN LA FORME

Considérant que la requête de monsieur Angbo-Bindet William Amédée est intervenue dans les forme
et délais légaux ; qu’il y a lieu de la déclarer recevable ;

AU FOND

-Sur le moyen tiré du refus de l’Administration de lui délivrer un permis de construire –

Considérant que le requérant affirme que malgré l’accomplissement de toutes les formalités,
l’Administration a refusé de lui délivrer un permis de construire ;

Mais considérant que le requérant n’apporte pas la preuve d’avoir régulièrement déposé un dossier
aux fins d’obtenir le permis de construire du lot litigieux dont l’attribution date du 03 septembre 1987 ;

Qu’à défaut d’une telle preuve, le moyen tiré du refus de l’Administration de lui délivrer le permis de
construire est mal fondé ;

Qu’il y a lieu de le rejeter ;

-Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l’article 8 nouveau de la loi relative au
permis de construire -

Considérant que le requérant affirme que la mise en demeure de démolition viole les dispositions
de l’article 8 nouveau de la loi sur le permis de construire en ce que le Ministre de la Construction et
de l’Urbanisme ne lui a pas accordé un délai de 45 jours pour détruire les constructions ;

Mais considérant que l’article 8 nouveau n’impose à l’Administration que le respect d’un délai minimum
de 45 jours entre la notification de la mise en demeure et la destruction effective des constructions illégales,
délai durant lequel l’auteur des constructions litigieuses, s’il se sent fondé, peut saisir la juridiction
compétente pour contester le bien fondé de la mise en demeure ;

Qu’il en résulte que le délai imparti pour se conformer à la législation est sans influence sur la légalité
de la mise en demeure, tant que l’Administration n’a pas procédé à la démolition des constructions dans le
délai légal de 45 jours précité ;

Que dès lors, le moyen susvisé est mal fondé ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de monsieur Angbo-Bindet William Amédée est recevable mais mal fondée ;

38 La tribune de la Chambre Administrative 2015


Article 2 : Elle est rejetée ;

Article 3 : Les frais sont mis à la charge du requérant ;

Article 4 : Une expédition du présent arrêt sera transmise au Ministre de la Construction et de


l’Urbanisme ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Chambre Administrative, en son audience publique
ordinaire du VINGT ET UN JANVIER DEUX MIL QUINZE ;

Où étaient présents MM. KOBO Pierre Claver, Président de la Chambre Administrative, Président ;
YOH Gama, Conseiller-Rapporteur ; Mme DIAKITE Fatoumata, DEDOH Dakouri, Mme NIANGO ABOKE
Maria, KOBON Abé, Hubert, GAUDJI K. Joseph-Désiré, Conseillers ; en présence de MM. ZAMBLE Bi
Tah Germain, FOFANA Ibrahima, Avocats Généraux ; avec l’assistance de Maître LANZE Denis, Greffier

La tribune de la Chambre Administrative 2015 39


DECISIONS DE LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE DE LA COUR SUPREME
(JUILLET - OCTOBRE - NOVEMBRE-DECEMBRE 2014)

AUDIENCE DU 23 JUILLET 2014 10- AFFAIRE HAÏDAR MOUSTAPHA 19- AFFAIRE SOCIETE INTERFLEX
C/ AFRICARD COTE D’IVOIRE
01- AFFAIRE KOUAME BRINDOU MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, C/
VICTOR ET AUTRES DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT MINISTRE DES TRANSPORTS (REP)
C/ (REP) ARRET N° 128 SANS OBJET
COMMUNE D’ABOBO (CIV) ARRET N° 119 REJET
ARRET N° 110 REJET 20- AFFAIRE N’GUESSAN KOUAME
11- AFFAIRE SOCIETE CIVILE IMMO- C/
02- AFFAIRE TOURE SEYDOU BILIERE ITALIVOIRE MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
C/ C/ DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE-
ARRET N° 95 DU 27 OCTOBRE 2010 MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, MENT ET DE L’URBANISME
(T-OPP) DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT PREFET DE BOUAKE (REP)
ARRET N° 111 REJET-RETRACTATION- (REP) ARRET N° 129 ANNULATION
IRRECEVABILITE ARRET N° 120 REJET
AUDIENCE DU 30 JUILLET 2014
03- AFFAIRE MME ETIOBO EPOUSE 12- AFFAIRE COMMUNE DE SOUBRE
ABLE DELPHINE C/ 21- AFFAIRE LE CONSEIL NATIONAL
C/ OTROU ZIALO MONIQUE (REP) ISLAMIQUE DE CÔTE D’IOVIRE
MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES ARRET N° 121 CASSATION-ANNULA- (C.N.I.C.I)
FINANCES (REP) TION C/
ARRET N° 112 IRRECEVABILITE MINISTRE DE LA CONSTRUCTION ET
13- AFFAIRE AIDIBI ALI HASSAN L’URBANISME (REP)
04- AFFAIRE KOUAME ALLOU JEROME C/ ARRET N° 130 IRRECEVABILITE
C/ MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT, 22- AFFAIRE LE COLLECTIF DES PRO-
DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT (REP) PRIETAIRES TERRIENS D’ABOBO-
(REP) ARRET N° 122 REJET BAOULE
ARRET N° 113 ANNULATION C/
14- AFFAIRE LOGBO BERTIN MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
05- AFFAIRE N’CHO AKE C/ DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE-
C/ PREFET DE SOUBRE (REP) MENT ET DE L’URBANISME (S/EX)
MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA ARRET N° 123 ANNULATION ARRET N° 131 IRRECEVABILITE
FONCTION PUBLIQUE (REP)
ARRET N° 114 IRRECEVABILITE 15- AFFAIRE KOFFI KRA PASCAL 23- AFFAIRE LES AYANTS DROIT DE
C/ KOUTOUAN AKRE JULIEN & YOUGONE
06- AFFAIRE MME KACOU ADOUA MINISTRE DE LA CONSTRUCTION ET BI GUY PROSPER
EUGENIE NEE OURA DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT, C/
C/ (REP) MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES
MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES ARRET N° 124 REJET FINANCES
FINANCES (REP) FOFANA BOUAKE (REP)
ARRET N° 115 REJET 16- AFFAIRE KOUAME WAH KOUAME ARRET N° 132 DESISTEMENT
C/
07- AFFAIRE L’UNION GROUPEMENT MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, 24- AFFAIRE YED ATTENOU STEPHANE
DES AFFRETEURS ET CHARGEURS DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT, C/
DE COTE D’IVOIRE DITE GACCI- (REP) ARRET N° 54 DU 27 JUILLET 2011
GIE/SOCOCIB-TRANSIT ARRET N° 125 SANS OBJET KANGA MIESSAN JEAN BAPTISTE
C/ (T-OPP)
MINISTRE DES TRANSPORTS(REP) 17- AFFAIRE ESSIGNAN MICHEL ARRET N° 133 RETRACTATION
ARRET N° 116 IRRECEVABILITE COME
C/ 25- AFFAIRE SOCIETE CIVILE IMMO-
08- AFFAIRE ADOU KOFFI EUGENE MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE BILIERE TIMOTHEE ET JORAM DITE
ET DE 34 AUTRES ET DE LA REFORME ADMINISTRATIVE SCI TIJO
C/ (REP) C/
MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, ARRET N° 126 IRRECEVABILITE MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT
(REP) 18- AFFAIRE KOUADIO BANGA (REP)
ARRET N° 117 ANNULATION ANTOINE ARRET N° 134 IRRECEVABILITE
C/
09- AFFAIRE AKIAPO KOUADIO MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
C/ DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE-
COMMISSION NATIONALE DES DROITS MENT ET DE L’URBANISME (REP)
DE L’HOMME ARRET N° 127 ANNULATION
(REP)
ARRET N° 118 IRRECEVABILITE

40 La tribune de la Chambre Administrative 2015


26- AFFAIRE SOCIETE CIVILE IMMO- 34- AFFAIRE BAALBAKY ALI MOHAMED 43- AFFAIRE BECHIO JEAN-JACQUES
BILIERE TIMOTHEE ET JORAM DITE C/ C/
SCI TIJO MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
C/ FINANCES (REP) DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE-
MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, ARRET N° 143 ANNULATION MENT DE L’URBANISME (REP)
DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE- ARRET N° 152 REJET
MENT ET DE L’URBANISME (REP) AUDIENCE DU 29 OCTOBRE 2014
ARRET N° 135 ANNULATION 44- AFFAIRE TCHAPE HOLO ANDRE
35- AFFAIRE SOCIETE INTERFLEX C/
27- AFFAIRE SOCIETE CIVILE IMMO- AFRICARD COTE D’IVOIRE MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE
BILIERE TIMOTHEE ET JORAM DITE C/ ET DE LA REFORME ADMINISTRATIVE
SCI TIJO MINISTRE DES TRANSPORTS (REP)
C/ (REP) ARRET N° 153 IRRECEVABILITE
MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES ARRET N° 144 IRRECEVABILITE
FINANCES (REP) 45- AFFAIRE KOUADIO EHUE
ARRET N° 136 IRRECEVABILITE 36- AFFAIRE MME YAO ATTOUNGRE C/
YVONNE SOUS-PREFET D’ANYAMA (REP)
28- AFFAIRE AGBO COMOE C/ ARRET N° 154 IRRECEVABILITE
HENRIETTE SOUS PREFET D’ANYAMA (REP)
C/ ARRET N° 145 ANNULATION AUDIENCE DU 26 NOVEMBRE 2014
ARRET N° 24 DU 28 MARS 2007 DE LA
CHAMBRE ADMI-NISTRATIVE (REP) 37- AFFAIRE MME AMANY YAPIBIE 46- AFFAIRE BOUBACAR GAYE
ARRET N° 137 RETRACTATION SOPHIE ET AUTRES C/
C/ MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
29- AFFAIRE MME ADOU TOH MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT
ALEXANDRINE DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE- (REP)
C/ MENT ET DE L’URBANISME (REP) ARRET N° 155 REJET
MINISTRE DE L’EDUCATION ARRET N° 146 DESISTEMENT
NATIONALE ET DE L’ENSEIGNEMENT 47- AFFAIRE LE FONDS INTERPRO-
TECHNIQUE (REP) AUDIENCE DU 19 NOVEMBRE 2014 FESSIONNEL POUR LA RECHERCHE
ARRET N° 138 IRRECEVABILITE ET LE CONSEIL AGRICOLES DIT
38- AFFAIRE ASSI N’CHO JACQUES FIRCA
30- AFFAIRE MME ADOU KANGA ET AUTRES C/
MADELEINE C/ ARRET N° 30 DU 29/02/2012 DE LA
C/ PREFET D’ADZOPE (REP) CHAMBRE
PREFET D’ABENGOUROU (REP) ARRET N° 147 IRRECEVABILITE ADMINISTRATIVE (T-OPP)
ARRET N° 139 IRRECEVABILITE ARRET N° 156 RETRACTATION
39- AFFAIRE OKOU TCHETCHE
JEROME 48- AFFAIRE MME DOUKA LUCETTE
AUDIENCE DU 22 OCTOBRE 2014 DIAKITE MOUSSAGBEH DIANE NANCY
C/ C/
31- AFFAIRE ASSOCIATION DES HABI- MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, DE
TANTS DU QUARTIER ABOUABOU II FINANCES (REP) L’ASSAINISSEMENT ET DE L’URBA-
EXTENSION (CITE COCOTERAIE) ARRET N° 148 ANNULATION NISME (REP)
C/ ARRET N° 157 SANS OBJET
MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, 40- AFFAIRE LOUA FRANCOIS
DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT C/ 49- AFFAIRE SESS ESSIAGNE DANIEL
(REP) MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES C/
ARRET N° 140 ANNULATION FINANCES (REP) MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
ARRET N° 149 ANNULATION DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE-
32- AFFAIRE ABOBI SEVERIN MENT ET DE L’URBANISME (REP)
C/ 41- AFFAIRE MAMBE BEUGRE ARRET N° 158 REJET
MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, LANDRY ET AUTRES
DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT C/ 50- AFFAIRE ASSOUA PIERRE
(REP) ARRET N° 66 DU 18 AVRIL 2012 C/
ARRET N° 141 ANNULATION MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, MINISTRE DE L’AGRICULTURE (REP)
DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT ARRET N° 159 IRRECEVABILITE
33- AFFAIRE YEO BAKARY OUATTARA SCI SIXTINE (REP)
C/ ARRET N° 150 REJET 51- AFFAIRE DIAKITE MAMADOU
MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES LAMINE
FINANCES 42- AFFAIRE EDY TANOH C/
FANNY LANCINA (REP) C/ COMMISSION INTERMINISTERIELLE
ARRET N° 142 ANNULATION MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, D’ATTRIBUTION DES LOTS A USAGE
DE L’URBANISME ET DE L’HABITAT INDUSTRIEL DITE CIDLI MGT (REP)
(REP) ARRET N° 160 IRRECEVABILITE
ARRET N° 151 IRRECEVABILITE

La tribune de la Chambre Administrative 2015 41


52- AFFAIRE SGBCI 61- AFFAIRE DJOMO PAULIN ET 70- AFFAIRE CHAHIN SOMBO
C/ AUTRES C/
MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, C/ MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES
DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE- MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, FINANCES (REP)
MENT ET DE L’URBANISME (REP) DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE- ARRET N° 179 ANNULATION
ARRET N° 161 IRRECEVABILITE MENT ET DE L’URBANISME (REP)
ARRET N° 170 IRRECEVABILITE 71- AFFAIRE NATHIA LUCIEN
53- AFFAIRE CISSE TIEMOKO C/
C/ 62- AFFAIRE COMMUNAUTE VILLA- MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES
PREFET DE SAN PEDRO ATTIE GEOISE D’AKOUEDO ATTIE FINANCES (REP)
HUSSIEN (REP) C/ ARRET N° 180 ANNULATION
ARRET N° 162 IRRECEVABILITE MINISTRE DE L’ECONOMIE ET
FINANCES (REP) 72- AFFAIRE MEAMBLY EVARISTE
54- AFFAIRE SOCIETE ACACI ARRET N° 171 ANNULATION C/
C/ JEANNOT KOUADIO AHOUSSOU
MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES 63- AFFAIRE TANO KOUADIO JEAN (REP)
FINANCES (REP) RAYMOND ARRET N° 181 IRRECEVABILITE
ARRET N° 163 ANNULATION C/
MINISTRE DE L’INTERIEUR (REP) AUDIENCE DU 30 DECEMBRE 2014
55- AFFAIRE SOCIETE IVOIRIENNE ARRET N° 172 ANNULATION
DE TRANSIT POUR L’AFRIQUE DE 73- AFFAIRE COULIBALY MAMADOU
L’OUEST DITE ITRAO 64- AFFAIRE BAMBARA PHLHY C/
C/ PHILIPPE AGOUNMALO HONORE (CIV)
PORT AUTONOME D’ABIDJAN (PAA) C/ ARRET N° 182 REJET
(REP) MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES
ARRET N° 164 IRRECEVABILITE FINANCES (REP) 74- AFFAIRE KABA DIAKITE AMADOU
ARRET N° 173 IRRECEVABILITE TIDIANE
56- AFFAIRE SCI CONSTRUCTEO ET C/
AUTRE 65- AFFAIRE ESSO BOTTI ANTOINE MINISTRE DE LA CONSTRUCTION ET
C/ C/ DE L’URBANISME (REP)
MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES MINISTRE DE LA CONSTRUCTION, DE ARRET N° 183 REJET
FINANCES (REP) L’ASSAINISSEMENT ET DE
ARRET N° 165 IRRECEVABILITE L’URBANISME (REP) 75- AFFAIRE MME GALO EPOUSE
ARRET N° 174 ANNULATION DADJI ET AUTRES
AUDIENCE DU 17 DECEMBRE 2014 C/
66- AFFAIRE EBOUE KOUA MICHEL PREFET DE DABOU (REP)
57- AFFAIRE PASTEUR ADOU YEDE C/ ARRET N° 184 ANNULATION
JONAS MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
LEGBEDJI AKA BERTIN ET AUTRES DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE- 76- AFFAIRE MME KOUASSI NEE
C/ MENT ET DE L’URBANISME (REP) MOCKEY LAURENCE
ARRET N° 241 DU 27 NOVEMBRE ARRET N° 175 REJET C/
2013 MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DE L’AD- 67- AFFAIRE MME MEITE MOUS- DE L’URBANISME (REP)
MINISTRATION DU TERRITOIRE SOGBE ARRET N° 185 IRRECEVABILITE
EGLISE METHODISTE UNIE CI (REV) C/ AMENDE 200 000 F
ARRET N° 166 IRRECEVABILITE MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE- 77- AFFAIRE ABEHI YOYO ROSINE ET
58- AFFAIRE DANHO AMON JACQUES MENT ET DE L’URBANISME (S/EX) 39 AUTRES
C/ ARRET N° 176 REJET C/
ARRET N° 85 DU 28 JUILLET 2010 MINISTRE DE LA FONCTION PUBLIQUE
(T-OPP) 68- AFFAIRE N’GUESSAN N’DA ET DE LA REFORME ADMINISTRATIVE
ARRET N° 167 IRRECEVABILITE KOUAME (REP)
C/ ARRET N° 186 IRRECEVABILITE
59- AFFAIRE CAMARA MOUSSA MINISTRE DE LA CONSTRUCTION,
C/ DU LOGEMENT, DE L’ASSAINISSE- 78- AFFAIRE MME AHOUASSA NEE
ARRET N° 117 DU 29 DECEMBRE 2010 MENT ET DE L’URBANISME (REP) VLADIMIRNOVA
(RET) ARRET N° 177 ANNULATION C/
ARRET N° 168 IRRECEVABILITE MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES
69- AFFAIRE SOCIETE SOGIP SHIP- FINANCES (REP)
60- AFFAIRE CAMARA NAGNELBAN PING ARRET N° 187 ANNULATION
EVARISTE C/
C/ DIRECTEUR GENERAL DU PORT 79- AFFAIRE SOCIETE JAN DE NUL
ARRET N° 117 DU 29 DECEMBRE 2010 AUTONOME D’ABIDJAN (REP) C/
(T-OPP) ARRET N° 178 IRRECEVABILITE L’AUTORITE NATIONALE DE REGULA-
ARRET N° 169 REJET TION DES MARCHES PUBLICS (REP)
ARRET N° 188 ANNULATION

42 La tribune de la Chambre Administrative 2015


80- AFFAIRE ETAT DE COTE D’IVOIRE 83- AFFAIRE SOCIETE PETRO IVOIRE
OIPR C/
C/ MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES
ARRET N° 43 DU 27 MAI 2009 DE LA FINANCES (REP)
CHAMBRE ADMINISTRATIVE (RET) ARRET N° 192 REJET
ARRET N° 189 RETRACTATION
84- AFFAIRE ATHANGBA JEAN MARC
81- AFFAIRE UNETEL C/
C/ LA COMMISSION NATIONALE DES
DIRECTEUR DES IMPOTS (REP) DROITS DE L’HOMME DE COTE
ARRET N° 190 REJET D’IVOIRE (REP)
ARRET N° 193 ANNULATION
82- AFFAIRE SOCIETE JAN DE NUL
C/
L’AUTORITE NATIONALE DE REGULA-
TION DES MARCHES PUBLICS (S/EX)
ARRET N° 191 SANS OBJET

La tribune de la Chambre Administrative 2015 43

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