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B - Les éceuils dans le fonctionnement de la justice constitutionnelle

L'ultime but de l'existence des juridictions constitutionnelles est de permettre que les principes
fondamentaux et les droits et libertés reconnus par la constitution et les traités internationaux à la
personne humaine soient garantis. La justice constitutionnelle doit-être mise en œuvre. Mais comment
s'en sortir, si le juge constitutionnel n'est pas saisi ou si ses décisions, bien qu'ayant autorité de la chose
jugée, ne sont pas exécutées?

La seule existence des juridictions constitutionnelles ne garantie as donc le respect des principes
constitutionnels, il faut également considérer leurs modalités de fonctionnement. Mais lorsqu'on les
considère, dans le monde en général et en Afrique en particulier, le juge constitutionnel est sujet à des
critiques relatives souvent aux limites de leurs compétences.

En Afrique de l'ouest francophone, ces limites proviennent de la Constitution ou les lois organiques qui
établissent et régissent les juridictions. Ces textes prévoient de façon exhaustive les compétences et par
cela excluent certains domaines des attributions des juridictions. Ainsi, contrairement à ce qui se passe
généralement dans les pays d’Afrique de l’Ouest anglophone, les juridictions constitutionnelles
francophones ont un pouvoir de consultation sur certains actes bien définis avant leur entré en vigueur.
Ce sont les lois organiques et les règlements intérieurs de certaines institutions constitutionnelles. En
plus de ces actes, en Côte d'Ivoire, avec la modification de la Constitution ivoirienne en 2020, il y a aussi
traités de paix, des traités ou accords relatifs à la création d’organisations internationales,(Article 120)
avant leur ratification. Le souci, c'est que les actes qui ne figurent pas dans ces actes peuvent donc être
appliqués sans que le juge constitutionnel ne s'y prononce préalablement sur leur constitutionnalité. La
logique d'une telle limitation serait de faire du juge constitutionnel, le juge de la Constitution et rien que
la Constitution. Il « doit se contenter de répondre à la question qui lui est posée, il ne peut donc prendre
des arrêts de règlements […] et poser une norme constitutionnelle131 » (F. Luchaire, « De la méthode
en droit constitutionnel », RDP, 1981-1, pp. 287. dans. Delphine Emmanuel Adouki, CONTRIBUTION À
L'ÉTUDE DE L'AUTORITÉ DES DÉCISIONS DU JUGE CONSTITUTIONNEL EN AFRIQUE, Presses Universitaires
de France | « Revue française de droit constitutionnel » 2013/3 n° 95 | pages 611 à 638 ) pour éviter des
dérives. En effet, il n'est pas impossible que le juge constitutionnel au lieu de se contenter d'interpréter
et d'appliquer les principes constitutionnels, va créer des normes en se basant sur des principes non
écrits dans la Constitution encore moins ceux qui n'ont pas de fondement démocratique ou carrément
exprime son fort intérieur. Ce faisant, il usuperait des fonctions du constituant. Or, <<pour les
participants d'une interprétation stricte et littérale du texte constitutionnel, sauf à verser dans le
gouvernement des juges ou de coup d'État, il n'est ni concevable ni acceptable que des juges non élus,
inventent des principes pour trancher des questions revêtant une importance fondamentale pour les
citoyens>> (Dandi GNAMOU, Juridictions constitutionnelles et normes de référence, Actes du colloque
<<La cour constitutionnelle du Béninoise, entre rupture et continuité>>, revue constitution et
consolidation de l'État de Droit de la démocratie et des libertés fondamentales en Afrique, Numéro
spécial, p75-99(91)>>.) Dans la même ordre d'idée, la professeure Dandi GNAMOU, ajoute qu' <<il serait
donc antidémocratique que le juge se substitue au Constituant>> Mais peut-il efficacement accomplir sa
mission sans parfois, dans son interprétation des dispositions, inventer? On ne peut-être affirmatif, car
le juge constitutionnel béninois longtemps considéré comme model dans la sauvegarde des droits de
l'homme voire de la démocratie n'a pas manqué de se montrer comme un co-constituant en consacrant
des normes non écrites en tant que normes de référence par les juridictions constitutionnelles. (92)

Sans donc s'attarder sur cela, l'intérêt ici est de reconnaitre qu'il y a un bris de l'autorité du juge
constitutionnel. En effet, étant donné que les juridictions constitutionnelles sont des institutions
subordonnées au pouvoir constituant, « pouvoir existant en dehors de toute habilitation
constitutionnelle142 »., leurs décisions sont limitées. Elles ne doivent pas s'imposer au pouvoir
constituant ni se substituer à lui. Il s'agit là d'un obstacle qui doit éviter les dérives au juge
constitutionnel mais qui paradoxalement lui profite puisqu'il y trouve là un échappatoire pour opposer
un refus au peuple sur <<les cas résultant de l’inaction du pouvoir législatif, l’indétermination de la
compétence au sujet des lois portant révision de la Constitution, l’exclusion de la compétence
concernant les actes administratifs, la compétence implicite en matière de droits fondamentaux, les
ambiguïtés relatives à l’interprétation de la Constitution, et les risques liés à la compétence pour statuer
sur les décisions des autres tribunaux.>> (Markus Böckenförde Babacar Kante, Yuhniwo Ngenge, H.
Kwasi Prempeh, Les juridictions constitutionnelles en Afrique de l’Ouest Analyse comparée, Institut
international pour la démocratie et l’assistance électorale ,© 2016 Fondation Hanns Seidel, p.192 119)
La seule possibilité pour le peuple dans ce cas n'est que de lever l'obstacle en recourant à une révision
de la Constitution c'est-à-dire au Constituant. Cette procédure constitue, indéniablement, une limitation
de l’autorité des décisions des juridictions constitutionnelles. (Delphine Emmanuel Adouki,
CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE L'AUTORITÉ DES DÉCISIONS DU JUGE CONSTITUTIONNEL EN AFRIQUE,
Presses Universitaires de France | « Revue française de droit constitutionnel » 2013/3 n° 95 | pages 611
à 638 636).

L'autorité de la chose jugée dont revêt la décision du juge constitutionnel est par ailleurs discutable en
Afrique. En afeffet, il n'est pas rare de voir que les décisions rendues par les juridictions
constitutionnelles africaines ne sont pas respectées notamment parce-que leur mise en œuvre dépend
de la bonne volonté de l'exécutif ou parfois de l'intervention du juge ordinaire lorsque celui-ci est saisi
par un justiciable qui a à son profit une décision du juge constitutionnel reconnaissant la violation de ses
droits fondamentaux.

Quant à la saisine des juridictions constitutionnelles et donc du juge constitutionnel, les conditions ne
pas aussi moins favorables qu'on l'imagine. D'abord, notons que contrairement aux États comme le
Bénin (Article 121-2), le Burkina Faso, le Libéra ou encore le Nigéria, en Côte d'Ivoire la Contitution ni sa
loi organique n° 2001-303 du 5 juin 2001 déterminant l'organisation et le fonctionnement du Conseil
Constitutionnel n'ont pas prévu le mécanisme d'auto saisine du juge constitutionnel même en absence
de recours émanant des personnes habilitées. Ce qui constitue un premier obstacle à son efficacité dans
la sauvegarde de la démocratie puisque tant que personne ne l'actionne en lui adressant une requête,
elle ne peut pas réagir même si tout semble aller dans le sens contraire des principes constitutionnels.
Son arme de défense de la démocratie dans ce cas se révèle bien une arme dépendante, non de lui le
propriétaire mais d'une autre personne voire même de sa propre cible.

Mieux, dans la plupart des États africains, le juge constitutionnel est d'un accès difficile et ce à cause des
conditions moins favorables à sa saisine prévues par la plupart des Constitutions en Afrique. Bien que le
droit d'accès à la justice soit un droit fondamental, l'accès au juge constitutionnel - le garant même des
droits fondamentaux - n'est pas ouvert à tout le monde dans la majorité des États africains comme en
France d'ailleurs. Comment peut-il donc protéger la démocratie qui se veut l'action de tout le peuple?
En Côte d'Ivoire par exemple, peuvent en principe saisir Conseil Constitutionnel : le Président de la
République, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat (Articles 133 et 134). Toute
autre personne ne peut saisir le Conseil, que par voie d’exception en soulevant l’inconstitutionnalité
d'une loi devant toutes autres juridictions. (Article 135) C'est le même cas dans l'État du Djibouti, où ce
sont les autorités politiques, déterminées par la loi organique du 7 avril 1993 qui ont compétence pour
saisir le Conseil constitutionnel pour des questions bien précises. Il n’est pas prévu une saisine directe
d’une/un citoyenne/citoyen sauf de manière indirecte en soulevant en tant que justiciable la violation
d’une loi ou norme lors d’un procès42, dont elle/il est partie.( Mohamed A. Bahdon, FONCTIONS ET
RÔLES DE LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE. ÉTUDE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DJIBOUTIEN,
Presses Universitaires de France | « Revue française de droit constitutionnel » 2015/1 n° 101 | pages e1
à e27). Cette restriction est bien la cause du faible taux de saisine de la juridiction constitutionnelle
enregistré dans les Etats. Alors qu'il a été installé en 1992, en 2000 soit dix-huit ans d'existence, le
Conseil Constitutionnel djiboutien n'a été saisi que trois fois par le président de la République et une
seule fois par le président de l'Assemblée nationale et les députés pour conformité de constitutionnalité
d'une loi. Le Conseil n'a par ailleurs été saisi par les autorités politiques compétentes pour
inconstitutionnalité d'une loi ou d'un traité international. Quant à la saisine indirecte du Conseil par un
justiciable, il faut noter qu'il s'agit d'un contrôle à posteriori pour sanctionner les dispositions de
l'ordonnancement juridique, qui violent les droits fondamentaux de la personne humaine. Cependant la
procédure n'est pas aussi simple. Sa complexité tient au fait qu'il y a encore un système de filtrage qui
est mis en place. En effet, quand l'exception d'inconstitutionnalité est soulevée, le tribunal où se déroule
le procès doit surseoir à statuer et saisir la Cour suprême qui décide s’il faut ou non saisir le Conseil
constitutionnel. Concrètement, la Cour se prononce sur la recevabilité de l'exception. 58Elle peut donc
décider que la disposition en question n’est pas contraire à un droit fondamental de la personne
humaine (Article 80-2). Dans ce cas, la procédure de la saisine du Conseil s'arrête là, le justiciable ne
pourra pas le saisir. Ce n'est qu'en cas où la Cour estime que l’exception est « recevable que le Conseil
peut-être saisie. On se demande même si cette saisine a une fois été opérée depuis 1993.

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