Vous êtes sur la page 1sur 6

VOTRE DOCUMENT SUR LABASE-LEXTENSO.

FR - 23/05/2022 10:57 | UNIVERSITE DE POITIERS

La garantie des conséquences dommageables résultant d'une infraction pénale

Date de parution : 01/06/2022


Id : RGA200t8
Réf : RGDA juin 2022, n° RGA200t8

Auteur :
Anne Scattolin, maître de conférences à l'université de Poitiers

Parce que la faute intentionnelle de l’article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances ne coïncide pas nécessairement avec l’intention coupable
du droit pénal, un assureur peut être tenu de garantir les pertes et dommages résultant d’une infraction pénale intentionnelle dont son assuré
est reconnu coupable. Mais cet assureur peut aujourd’hui obtenir gain de cause sur un autre terrain : celui de la faute dolosive visée par le
même texte et dont l’autonomie par rapport à la faute intentionnelle a été récemment consacrée. C’est ce que laissent clairement entendre
des décisions du 10 mars 2022 rendues par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

Un assureur responsabilité civile (RC) peut-il refuser sa garantie en arguant que son assuré a été condamné pénalement pour avoir commis une
infraction pénale dont il résulte des conséquences dommageables pour autrui ? Cette question, au demeurant assez classique, a ressurgi depuis que la
jurisprudence civile a consacré l’autonomie de la faute dolosive par rapport à la faute intentionnelle.

Il convient de rappeler que, selon l’article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances, « l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une
faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ». Bien que le texte vise formellement la faute intentionnelle ou dolosive, la jurisprudence adopta une
« conception moniste subjective de l’exclusion légale de risque » 1 en n’admettant que la faute intentionnelle et en définissant cette faute comme celle
qui implique la volonté de l’auteur de commettre le dommage tel qu’il est survenu. Autrement dit, pour que l’exclusion légale s’applique, cette faute
suppose « une volonté tournée vers un but [et] (…) que le but recherché ait été effectivement atteint »2. Cette définition stricte ne se recoupe pas
nécessairement avec celle de l’intention coupable du droit pénal.

En droit pénal, la faute intentionnelle (ou intention), degré le plus élevé de la culpabilité, est envisagée par l’article 121-3, alinéa 1, du Code pénal, selon
lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». L’absence de définition légale et jurisprudentielle a conduit la doctrine à
préciser le contenu de cette faute. D’après une définition généralement retenue, la faute intentionnelle suppose que l’agent ait voulu adopter le
comportement décrit par le texte d’incrimination ainsi que le résultat qui lui est associé3. Le résultat dont il s’agit est un résultat abstrait, défini comme
une atteinte à une valeur protégée (la vie, l’intégrité physique ou psychique, l’intégrité d’un bien…). Ainsi, s’agissant des infractions de violences,
l’intention n’est autre que la volonté du résultat redouté dans son principe, c’est-à-dire l’atteinte à l’intégrité physique ou psychique ; il n’est pas
nécessaire, pour entrer en voie de condamnation, d’établir un lien psychologique entre le résultat effectivement atteint et une détermination en ce
sens de l’auteur des violences4. L’intention pénale ne s’apprécie donc pas par rapport à un préjudice individualisé, mais par rapport à un résultat
abstrait5.

L’absence d’identité des fautes intentionnelles du droit pénal et du droit des assurances emporte comme conséquence qu’une condamnation pénale
pour infraction intentionnelle n’oblige pas le juge à reconnaître l’existence d’une faute intentionnelle au sens de l’article L. 113-1, alinéa 2, du Code des
assurances. La Cour de cassation a rappelé à différentes reprises que cette faute, qui « implique la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu (…)
n’exclut de la garantie due par l’assureur à l’assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l’infraction » 6.
En cela, il n’y a pas d’atteinte au principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil7. C’est ainsi qu’une cour d’appel peut, sans méconnaître ce
principe, retenir qu’une personne, condamnée pénalement pour avoir volontairement dégradé par incendie une école communale, n’a pas
intentionnellement provoqué les dommages subis par l’école, donc que son assureur est tenu à garantie8 .

Or, si la faute intentionnelle assurantielle n’est généralement pas admise en présence d’une infraction intentionnelle9 (la question ne se pose
évidemment pas si l’infraction est non intentionnelle), la faute dolosive peut permettre à l’assureur responsabilité civile de ne pas mettre en jeu sa
garantie puisque cette faute permet de sanctionner des comportements qui sont hors du champ de la faute intentionnelle. La faute dolosive, dont
l’autonomie a été explicitement consacrée par deux arrêts du 20 mai 2020 rendus par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation10, est définie
par cette même chambre comme supposant un acte délibéré de l’assuré, dont il résulte des conséquences dommageables inéluctables dont l’assuré a
eu conscience11 ou qu’il ne pouvait ignorer12 .

D’aucuns ont alors pressenti13 que cette nouvelle jurisprudence conduirait les assureurs à invoquer une faute dolosive plutôt qu’une faute
intentionnelle et que cet élargissement du champ d’application de l’exclusion légale irait à l’encontre de la protection des tiers lésés. Pour cette raison,
des auteurs ont souhaité que la portée de cette jurisprudence soit limitée aux assurances de choses (l’assuré pouvant se voir dénier la garantie en
présence d’un comportement d’une telle gravité qu’il n’est pas assurable) et inapplicable aux assurances de responsabilité14. Or ce souhait n’a pas été
entendu puisque, dans une affaire ayant donné lieu à cinq décisions en date du 10 mars 2022 15 , la deuxième chambre civile a censuré une décision de
cour d’appel qui n’a pas recherché, alors qu’elle y était invitée par l’assureur RC, si son assuré, condamné pénalement pour dégradation ou
détérioration volontaire du bien d’autrui par un moyen dangereux, « n’avait pas eu conscience de ce qu’une explosion provoquée dans son
appartement entraînerait inéluctablement des conséquences dommageables dans l’ensemble de l’immeuble » ; elle a ainsi laissé clairement entendre
que l’assureur peut ne pas répondre des pertes et dommages provenant d’une faute dolosive de l’assuré condamné pénalement.

Avant d’étudier plus avant cette décision en s’interrogeant sur le domaine éventuel de l’exclusion fondée sur une faute dolosive d’un assuré auteur
d’une infraction pénale (III), il convient de préciser la notion de faute dolosive à la lumière du droit pénal (II). Au préalable, il paraît utile de rappeler
quelques solutions liées à la « dualité » de la faute intentionnelle en droit pénal et en droit des assurances (I).

I – La dualité jurisprudentielle de la faute intentionnelle en droit pénal et en droit des assurances


Comme il a été dit précédemment, cette « dualité » explique que la faute de l’article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances peut faire défaut dans un
certain nombre de cas, alors même que l’assuré s’est rendu coupable d’une infraction pénale dite volontaire 16. Pour l’essentiel, les infractions
concernées sont les incendies volontaires, les violences et l’escroquerie.

1/6
Le contentieux concerne avant toute chose les destructions, dégradations et détériorations volontaires d’un bien appartenant à autrui par un moyen
dangereux (par incendie notamment) pour les personnes, infraction prévue et réprimée par l’article 322-6 du Code pénal. Cette infraction exige un
résultat, à savoir l’atteinte effective à un bien appartenant à autrui, et que l’agent ait voulu le résultat. Or, il est fréquent qu’un incendie volontaire se
propage à d’autres biens que celui visé initialement. Pénalement, cette circonstance ne permet pas de limiter la responsabilité pénale de l’agent au
résultat voulu ; l’auteur de l’infraction ne peut pas, en effet, mettre en exergue que le résultat obtenu a dépassé ses prévisions17. En revanche, sur le plan
assurantiel, parce qu’il existe une discordance entre le dommage recherché et le dommage effectif, l’exclusion légale de garantie de l’article L. 113-1,
alinéa 2, sera limitée au seul dommage que l’assuré a recherché en commettant l’infraction18. C’est ainsi qu’il ne peut pas y avoir de faute
intentionnelle au sens de ce texte dans le cas d’un assuré condamné pénalement pour avoir dégradé un salon de thé en mettant le feu à des chaises de
terrasse puisqu’il apparaît que « la dégradation commise à l’aide du briquet n’a porté que sur les chaises qui étaient sur la terrasse de l’établissement et
que les autres dégradations ne sont survenues que par la perte de contrôle de la situation, parfaitement involontaire »19.

Viennent ensuite les violences pour lesquelles deux remarques peuvent être faites. Pour ces violences, incriminées par les articles 222-7 et suivants du
Code pénal, la faute intentionnelle fait tout d’abord défaut lorsque l’assuré, bien que son comportement ait été intentionnel au sens du droit pénal, n’a
pas voulu le dommage qui en a résulté. La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle souvent que l’infraction de violences volontaires est
constituée « dès qu’il existe un acte volontaire de violence, quel que soit le mobile qui l’ait inspiré et alors même que son auteur n’aurait pas voulu
causer le dommage qui en est résulté »20. Donc le caractère volontaire concerne les violences elles-mêmes, non le résultat, et il importe peu que les
conséquences dommageables de ces violences soient plus graves que celles envisagées par l’auteur. En réalité, il faut comprendre que les violences
dites volontaires supposent nécessairement, non seulement un acte de violence volontairement accompli, mais encore la volonté de porter atteinte à
l’intégrité physique ou psychique de la victime ; mais peu importe que l’auteur des violences n’ait pas voulu le dommage effectif21. En conséquence, s’il
résulte de la condamnation pénale que l’agent n’a pas voulu le dommage tel qu’il s’est produit, le juge ne peut pas mettre hors de cause son assureur
responsabilité22.

Pour ces mêmes violences, il n’y a pas davantage de faute intentionnelle lorsque le dommage causé est autre que celui qui a été recherché,
notamment lorsqu’il y a erreur sur la personne de la victime. En droit pénal, cette circonstance n’a aucune incidence sur la culpabilité de l’auteur ; les
juges répressifs n’ont pas à rechercher si les coups reçus par la victime ont été dirigés contre elle ; seule importe la volonté de porter ces coups23 . En
revanche, le juge statuant sur l’action exercée par la victime contre l’assureur responsabilité civile ne peut pas exclure la garantie de cet assureur ; le fait
que la victime est autre que celle qui était visée montre bien que l’auteur n’a pas voulu le dommage tel qu’il est survenu24.

Reste, enfin, l’escroquerie commise notamment par une personne qui use de sa fonction pour donner un aspect de légitimité à des opérations fictives
(sont notamment concernés des professionnels comme un avocat ou un notaire). Cette infraction, prévue par l’article 313-1 du Code pénal, consiste à
tromper une personne par l’emploi de moyens frauduleux et à la déterminer ainsi à remettre une chose (fonds, valeurs ou bien quelconque) que
l’escroc s’approprie. Cette infraction, au titre de ses éléments constitutifs, suppose, entre autres, un résultat, à savoir la remise d’une chose25 au
préjudice de la victime ou d’un tiers. À nouveau, se pose la question de savoir si un assureur RC professionnelle peut refuser sa garantie lorsque son
assuré est condamné pénalement pour escroquerie ou complicité d’escroquerie dont l’un de ses clients est victime. Le plus souvent, le professionnel
qui agit de la sorte recherche un profit personnel et ne veut pas causer à son client un dommage tel qu’il est survenu. Si tel est le cas, l’assureur doit sa
garantie. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt du 9 juin 2011 26. En l’espèce, un notaire avait été condamné pénalement comme
complice d’escroquerie pour avoir rédigé des actes qui mentionnaient faussement que des immeubles étaient à usage d’habitation alors que lesdits
immeubles étaient situés en zone naturelle (NA) non constructible. Les acquéreurs demandèrent réparation au notaire qui appela en garantie son
assureur. Pour la Cour de cassation, les préjudices moraux et les frais de régularisation administrative dont les victimes réclamaient indemnisation
étaient étrangers au dommage que le notaire avait recherché en commettant l’infraction ; le fait qu’il ne pouvait ignorer que sa participation aux faits
répréhensibles allait être à l’origine de problèmes pour les acquéreurs et qu’il en ait consciemment pris le risque ne suffisait pas à caractériser une faute
intentionnelle. Toutefois, dans un arrêt postérieur, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel qui a caractérisé une faute intentionnelle à propos
d’un avocat qui avait rédigé des actes mensongers relatifs à des projets immobiliers fictifs et qui avait reçu des victimes des sommes à titre d’acompte
ou d’indemnité d’immobilisation ; selon la cour d’appel, l’avocat avait recherché le dommage causé aux victimes en ayant parfaitement conscience,
s’agissant de fonds encaissés par ses soins, qu’il ne pourrait les restituer27. Au regard de cette motivation, on peut s’interroger sur la nature de la faute
reprochée à l’avocat : y avait-il vraiment faute intentionnelle, sachant que la seule conscience du dommage ne peut suffire à la caractériser ? Ne
s’agissait-il pas plutôt d’une faute dolosive, l’avocat ayant eu conscience de l’impossibilité de restituer les sommes perçues, donc du caractère
inéluctable du dommage ?

Si l’on excepte cette dernière décision, il apparaît que les solutions sont évidemment favorables aux victimes ainsi qu’aux auteurs d’infractions qui n’ont
pas à répondre sur leur patrimoine personnel de tout ou partie des dommages causés (du moins si leurs agissements sont couverts par une assurance
responsabilité civile). Mais elles ne peuvent que laisser un goût amer aux assureurs qui sont tenus de garantir des dommages résultant de
comportements répréhensibles et pénalement sanctionnés, sauf pour eux à invoquer une faute dolosive.

II – La notion de faute dolosive, les apports du droit pénal


Cette notion a été récemment définie par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans les décisions précitées du 10 novembre 2021 et du
20 janvier 2022. Mais ces décisions n’ont pas dissipé les incertitudes suscitées par les arrêts du 20 mai 2020, lesquels avaient appliqué la faute dolosive
au cas du suicide de l’assuré.

Il ressort de cette définition que la faute dolosive suppose la réunion de deux critères. Le premier réside dans un acte délibéré de l’assuré, autrement dit
un acte ou comportement volontairement accompli ou adopté. Quant au second critère, il renvoie à des conséquences inéluctables dont l’assuré a eu
conscience (arrêt du 20 janvier 2022) ou qu’il ne pouvait ignorer (arrêt du 10 novembre 2021). C’est cette deuxième exigence qui est source de
difficultés : connaissance et conscience sont-elles utilisées par la Cour de cassation indifféremment l’une pour l’autre ? Connaissance et conscience
sont-elles l’une et l’autre nécessaires ? La conscience est-elle moins aboutie que la connaissance et suffit-elle à caractériser la faute dolosive ? Comment
les apprécier, in abstracto ou in concreto ?28

À cet égard, le droit pénal peut, peut-être, apporter des éclaircissements sur le contenu de cette faute dolosive. Il peut notamment le faire avec la
notion de faute caractérisée, qui est une innovation de la loi du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, laquelle loi a
introduit une hiérarchie des fautes non intentionnelles en opérant une distinction entre la faute dite ordinaire et les fautes qualifiées (c’est-à-dire
graves) dont la faute caractérisée29. Celle-ci est prévue par l’article 121-3, alinéa 4, du Code pénal dans les termes suivants : les personnes physiques qui
n’ont pas directement causé le dommage sont responsables pénalement « s’il est établi qu’elles ont commis (…) une faute caractérisée et qui exposait
autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer ».

La doctrine pénaliste (mais non la Cour de cassation) s’est efforcée d’apporter des précisions sur la notion de faute caractérisée. Cette faute est
constituée de plusieurs éléments : une faute involontaire, mais grossière ou lourde ; l’exposition d’autrui à un risque particulièrement grave (la mort
d’autrui, des blessures mutilantes dont autrui est victime) ; un risque que l’auteur de la faute ne pouvait ignorer. Sur cette absence d’ignorance, on
retrouve chez les pénalistes la même hésitation sémantique que celle exprimée à propos de la faute dolosive. La plupart des auteurs envisagent une

2/6
connaissance, ou tout du moins une conscience du risque grave encouru30, avec pour certains l’idée d’une prévisibilité du risque31. Prévisibilité car le
risque que l’on ne pouvait ignorer n’est pas celui que l’on devait connaître ou que l’on connaissait effectivement, mais celui qu’une personne
raisonnable, placée dans la même situation que l’auteur de la faute, n’aurait vraisemblablement pas ignoré.

Ainsi rapportée à la faute dolosive du droit des assurances, la connaissance (ou plutôt l’absence d’ignorance) et la conscience renvoient à la prévisibilité
des conséquences dommageables ; peu importe que le dommage effectif soit différent du dommage recherché ; mais, s’il apparaît que l’assuré a prévu
ou aurait dû prévoir la réalisation inéluctable du sinistre, l’assureur est en droit de refuser sa garantie. Ainsi définie, la conscience ou absence
d’ignorance semble devoir être appréciée in abstracto, par référence à une personne raisonnable placée dans la même situation ; cette appréciation
doit donc être nuancée par la prise en compte des données concrètes propres à chaque situation.

Si la conscience du caractère inéluctable du sinistre renvoie à la prévisibilité des conséquences dommageables, la faute dolosive est susceptible d’être
plus facilement admise que la faute intentionnelle lorsque l’assuré commet une infraction pénale.

III – Le domaine possible de l’exclusion légale fondée sur une faute dolosive de l’assuré condamné
pénalement
En droit pénal, la prévisibilité du résultat irrigue un grand nombre d’infractions, tant des infractions intentionnelles à travers les notions de dol dépassé
et de dol indéterminé (A), que des infractions non intentionnelles (B).

A – Faute dolosive et infractions intentionnelles


Dol dépassé et dol indéterminé sont présentés par la doctrine pénaliste comme des degrés de l’intention criminelle32 . Le dol est dit indéterminé
lorsque l’agent commet délibérément un acte illicite mais n’est pas en mesure, au moment où il accomplit les faits, de savoir quelles en seront les
conséquences précises ; le terrain d’élection de ce dol est celui des violences ; celui qui, volontairement, donne des coups, ne peut mesurer exactement
l’ampleur du dommage occasionné à la victime. Le dol est dépassé (ou praeter -intentionnel) lorsque l’agent commet un acte délibéré dont le résultat
dépasse ses prévisions ; le résultat atteint est plus grave, « quant à sa nature, quant à la valeur sociale finalement transgressée, du résultat voulu ou
recherché par son auteur »33. C’est l’exemple des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner, d’un incendie volontaire ayant entraîné
la mort d’autrui. Dols dépassé et indéterminé sont proches quant au traitement qui leur est réservé par le législateur ; la qualification des faits est, en
général, fonction non de l’intention de l’agent mais du résultat obtenu34 , car ce résultat était abstraitement prévisible. Autrement dit, le dommage
effectif n’a peut-être pas été prévu par l’auteur des coups ou de l’incendie ; mais, il aurait dû le prévoir et doit supporter toutes les conséquences, même
non prévues35.

En présence d’un dol dépassé ou indéterminé, si l’assureur ne peut généralement pas invoquer utilement la faute intentionnelle, il peut sans doute
espérer davantage de la faute dolosive. Il lui faudra alors démontrer que l’assuré ne pouvait ignorer l’inéluctabilité des conséquences dommageables.
Cette possibilité a été clairement admise par les arrêts précités du 10 mars 2022. En l’espèce, une explosion, suivie d’un incendie, a endommagé
gravement un immeuble en copropriété et a entraîné le décès d’un résident. L’occupant d’un appartement situé dans le même immeuble a déclaré
avoir provoqué le sinistre en tentant de se suicider ; un tribunal correctionnel l’a reconnu coupable d’homicide involontaire et de dégradation ou
détérioration volontaire du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes ; sur l’action civile des copropriétaires dont les biens ont été
endommagés, il l’a condamné à leur payer diverses sommes. L’assureur responsabilité, condamné par une cour d’appel à indemniser les victimes et à
payer à leurs assureurs ainsi qu’aux assureurs de la copropriété une certaine somme, s’est pourvu en cassation. Il lui reprochait de s’être bornée à relever
que la faute commise par son assuré ne pouvait être qualifiée d’intentionnelle (sa seule volonté étant d’attenter à sa vie et non de nuire à celle d’autrui
ou à des biens) et de n’avoir pas vérifié, comme il lui était demandé, si la faute de cet assuré ne revêtait pas un caractère dolosif compte tenu de la
conscience qu’il devait avoir des dommages que l’explosion volontaire de son appartement entraînerait nécessairement. Au visa de l’article L. 113-1,
alinéa 2, du Code des assurances, la deuxième chambre civile a censuré la décision d’appel, celle-ci n’ayant pas vérifié si l’auteur de l’infraction n’avait
pas commis une faute dolosive. Les faits ne sont pas suffisamment précisés pour savoir quelle sera la décision de la juridiction de renvoi.

Mais, dans une autre affaire à peu près similaire, une décision rendue sur renvoi par la cour d’appel de Paris le 19 mars 2019 fournit des renseignements
sur les circonstances qui peuvent conduire à la reconnaissance de la faute dolosive. En l’espèce, un homme, avec l’aide de son épouse, met
volontairement le feu au local commercial qu’il loue ; le local est détruit et d’autres commerces et biens attenants, propriété du même bailleur, sont
dégradés ; le fils de l’incendiaire décède dans l’incendie et l’épouse de celui-ci est grièvement blessée. L’assureur du bailleur indemnise son assuré, puis
exerce son recours subrogatoire contre l’assureur responsabilité de l’exploitant. Par un premier arrêt, la cour d’appel de Paris le déboute de sa demande
au motif que les époux ont commis une faute intentionnelle au sens de l’article L. 113-1, alinéa 2, puisque les infractions en cause sont des infractions
intentionnelles et qu’il importe peu que l’intention ne porte pas sur la commission des dommages corporels dès lors que le litige porte uniquement sur
la garantie des biens appartenant au bailleur. Sur pourvoi de l’assureur du propriétaire des biens détruits ou dégradés, la Cour de cassation casse au visa
de l’article L. 113-1 du Code des assurances et rappelle la définition stricte de la faute intentionnelle prévue par le texte36. Devant la cour d’appel de
renvoi, l’assureur responsabilité invoque à titre principal la faute intentionnelle des époux incendiaires et à titre subsidiaire la faute dolosive. S’agissant
de la faute intentionnelle, les juges d’appel considèrent que l’assureur ne peut pas opposer cette faute ; en effet, les époux ont incendié le bar qu’ils
exploitaient pour percevoir l’indemnité d’assurance, mais non pour détruire l’immeuble dans son entier et endommager les commerces situés à
proximité. En revanche, ils énoncent que c’est à bon droit que l’assureur oppose la faute dolosive ; les époux qui connaissaient « parfaitement la
configuration des lieux, puisque leur commerce était situé au sein d’un centre commercial entouré de toutes parts de bâtiments, (…) avaient la
conscience pleine et entière des risques pris en déversant des dizaines de litres d’essence au sein de leur établissement ; ils ne pouvaient ignorer le
risque que l’incendie déclenché de leur propre fait, se propage aux bâtiments voisins compte tenu de la quantité de produits inflammables utilisée et
de la topographie des lieux ; (…) cette prise de risque volontaire, qui prive le contrat d’assurance de tout aléa, constitue une faute dolosive, exclusive de
garantie »37. Dans cette affaire, les juges se sont ainsi efforcés de caractériser la conscience que l’assuré avait du caractère inéluctable des
conséquences dommageables du geste incendiaire, cette conscience résultant de l’utilisation d’une grande quantité de produits inflammables et de la
connaissance de la topographie des lieux38.

Cette solution suscite un certain nombre de remarques.

Tout d’abord, l’assureur responsabilité était exposé uniquement au recours de l’assureur de biens du propriétaire des biens détruits ou dégradés. La
question de l’indemnisation des préjudices directs ou par ricochet de leur belle-fille n’était pas posée. D’un point de vue pénal, il est possible de voir,
dans cette affaire, un dol indéterminé (en ce sens que la dégradation des biens attenants au local incendié, bien que non voulue, était prévisible) et un
dol dépassé (dans la mesure où l’incendie a occasionné des victimes bien que les incendiaires n’aient eu l’intention ni de tuer leur fils ni de blesser
l’épouse de celui-ci). Mais, pénalement, s’agissant d’un incendie volontaire ayant entraîné la mort ou des atteintes à l’intégrité d’une personne, la
qualification retenue est, en théorie, fonction du résultat obtenu (la mort, des blessures) car ce résultat était abstraitement prévisible. À supposer que
l’assureur responsabilité ait été exposé à une action de la victime ayant survécu, cet assureur aurait-il pu de la même façon opposer la faute dolosive de
son assuré ?

Ensuite, cette solution n’est pas transposable à toutes les situations, l’existence d’une faute dolosive étant liée aux faits de chaque espèce. Car, s’agissant
3/6
d’un dol dépassé ou indéterminé, si le résultat obtenu est un résultat abstraitement prévisible, il faut caractériser, sur le terrain de la faute dolosive, une
conscience de l’inévitabilité des conséquences dommageables. C’est ainsi qu’une telle faute ne serait probablement pas retenue s’agissant d’anciens
lycéens qui, pour causer des désagréments à des professeurs du lycée, se rendent dans l’établissement pour commettre des actes de vandalisme dont
la mise à feu d’un crâne de vache rempli de papiers posé sur la paillasse d’un laboratoire ; l’existence d’un seul foyer, l’absence d’emploi d’un liquide
inflammable et la déclaration des anciens lycéens alléguant qu’ils n’ont pas remarqué de fumée à leur départ de l’établissement sont de nature à
penser que les incendiaires n’ont pas eu conscience des conséquences probables de leur acte (à savoir la destruction partielle de l’établissement)39.

On peut également se demander si la solution pourrait trouver à s’appliquer aux infractions dites de violences volontaires. On a vu que la qualification
pénale et les peines encourues sont tributaires de la gravité du préjudice subi par la victime. Peu importe que l’auteur des coups n’ait pas voulu le
dommage tel qu’il s’est produit ; peu importe qu’il ait été subi par une personne autre que celle initialement visée. On a vu aussi que l’assureur ne peut
généralement pas opposer la faute intentionnelle de l’assuré pour dénier sa garantie en raison d’une discordance entre cette faute et l’intention
coupable du droit pénal. Mais pourrait-il obtenir gain de cause en arguant la faute dolosive de cet assuré ? On peut en douter puisque l’auteur de
violences ne peut pas prévoir à l’avance la portée exacte des coups sur la victime (cette portée étant liée à un certain nombre de données dont
certaines peuvent être ignorées de l’auteur comme les prédispositions de la victime) et que lesdites violences sont parfois (souvent) commises par des
auteurs alcoolisés (la consommation d’alcool étant de nature à amoindrir la conscience du caractère inéluctable des conséquences dommageables).

B – Faute dolosive et infractions non intentionnelles


S’interroger sur l’existence d’une faute dolosive lorsque l’assuré se rend coupable d’une infraction non intentionnelle, notamment un homicide ou des
blessures par imprudence, peut paraître saugrenu, la faute non intentionnelle étant celle qui peut être reprochée à celui qui a été imprudent, maladroit,
inattentif… à celui qui n’a pas « fait exprès » 40.

Cependant, si la faute non intentionnelle correspond de façon générale à une « volonté mal maîtrisée », l’agent ayant voulu l’acte, mais non le résultat
qui en découle, on sait que le Code pénal propose aujourd’hui une hiérarchie des fautes non intentionnelles, en distinguant à l’article 121-3 du Code
pénal la faute ordinaire (al. 3) et la faute qualifiée (al. 4), laquelle est la seule susceptible d’engager la responsabilité pénale de l’auteur indirect d’un
dommage (notamment d’une atteinte à la vie ou à l’intégrité d’autrui). Or cette faute qualifiée, plus précisément ces fautes qualifiées qui sont de deux
sortes – faute délibérée et faute caractérisée – empruntent tout ou partie de leurs éléments constitutifs à la faute dolosive de l’article L. 113-1 du Code des
assurances.

A priori, il convient d’écarter la faute caractérisée que nous avons abordée précédemment. Si celle-ci expose autrui à un risque que l’agent ne pouvait
ignorer, elle revêt néanmoins, le plus souvent, un caractère involontaire. Autrement dit, l’agent n’a pas délibérément pris le risque de causer un
dommage à autrui.

Reste alors la faute dite délibérée, définie comme la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue
par la loi ou le règlement. Elle correspond à l’élément moral de l’infraction de mise en danger de la personne d’autrui ( C. pén., art. 223-1) et, pour
certains auteurs, aux notions de dol éventuel et d’imprévoyance consciente.

Cette faute, qui est au sommet de la culpabilité non intentionnelle41, est une faute volontaire puisqu’elle suppose une méconnaissance délibérée d’une
norme de sécurité ou de prudence ; malgré tout, elle est non intentionnelle, la volonté de l’agent n’étant pas orientée vers la réalisation du résultat.
D’aucuns considèrent que si les juges doivent établir une conscience de ne pas respecter la règle et qu’il n’est pas besoin de caractériser une
conscience des risques que la transgression fait courir à autrui, néanmoins « la conscience d’un tel risque est implicitement comprise dans le fait de la
transgression »42. D’une certaine façon, l’agent sait ou doit savoir les conséquences éventuelles de la violation43 et qu’en violant la norme, il accepte
l’éventualité d’une atteinte à la vie ou l’intégrité d’autrui44. Cependant, rares sont les décisions qui font référence à une conscience des risques
auxquels autrui est exposé par la méconnaissance voulue d’une règle de sécurité. Pour illustration, cette décision rendue par la chambre criminelle de
la Cour de cassation : commet une faute délibérée, le concepteur et constructeur d’un matériel agricole non conforme aux règles techniques de
conception applicables, qui ne pouvait qu’avoir connaissance des exigences de sécurité requises et avoir conscience des risques que générait l’absence
de toute protection des éléments potentiellement dangereux d’une machine45.

En cas de condamnation pénale d’un assuré et alors qu’il résulte de la décision de condamnation qu’il a commis une faute délibérée, son assureur
responsabilité civile peut-il refuser de garantir les conséquences dommageables en résultant ? La réponse est certainement négative si cet assureur
oppose la faute intentionnelle de l’article L. 113-1 puisque l’assuré n’a pas voulu le dommage 46 . Mais le doute est permis si c’est une faute dolosive qui
est invoquée. En effet, il y a une assez grande proximité entre la faute délibérée et la faute dolosive : un acte délibéré ; un dommage non voulu ; mais un
dommage dont l’auteur de la faute a eu conscience avec, toutefois, cette nuance que la conscience est explicitement exigée et doit être établie
s’agissant de la faute dolosive alors qu’elle est implicitement comprise dans la conscience et la volonté de méconnaître la règle légale ou
réglementaire en qui concerne la faute délibérée. Une autre différence apparaît et qui est de nature à paralyser l’exception de non garantie invoquée
par un assureur : la faute dolosive doit rendre inéluctables les conséquences dommageables (et l’assuré ne peut pas l’avoir ignoré) ; la faute délibérée
du droit pénal, quant à elle, renvoie à un résultat qui s’est réalisé mais qui était éventuel pour l’auteur de cette faute. Il y a donc incertitude au moment
de la commission de l’infraction, en conséquence de quoi la faute délibérée ne fait pas perdre son caractère aléatoire à l’opération d’assurance. C’est
ainsi qu’un arrêt a écarté faute intentionnelle et faute dolosive dans une affaire où deux sociétés ont été reconnues coupables de blessures involontaires
aggravées (l’aggravation résultant de l’existence d’une faute délibérée) à la suite d’une chute de près de six mètres d’un salarié, une plaque de fibro-
ciment ayant cédé sous son poids ; l’assureur de ces sociétés demanda sa mise hors de cause et invoqua la faute intentionnelle de ses assurés (en raison
de la violation délibérée de règles de sécurité dont l’assuré a conscience des risques qui en résultent) ainsi que la faute dolosive (en raison d’un
comportement délibéré rendant inéluctable la réalisation du dommage). La chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi de l’assureur
au motif que « l’assuré n’avait ni volontairement causé le dommage ni supprimé l’aléa inhérent au contrat par un manquement délibéré à ses
obligations »47.

Finalement, il apparaît que la faute dolosive peut être efficacement opposée par un assureur dans deux séries d’hypothèses. Tout d’abord, celle d’une
condamnation pénale du chef d’incendie volontaire, lequel s’est propagé à d’autres biens que celui visé par l’incendiaire, dès lors que celui-ci, en raison
notamment des moyens employés, ne pouvait ignorer le caractère inévitable des dommages ainsi causés à ces autres biens. Ensuite, celle d’une
condamnation pour escroquerie prononcée à l’encontre d’un professionnel qui, par appât du gain, trompe un client pour obtenir de lui la remise de
sommes d’argent, ce professionnel étant parfaitement conscient du dommage causé à son client. Dans le premier cas de figure, les propriétaires des
biens endommagés seront indemnisés, s’ils ont souscrit une assurance de choses, au moins pour partie par leur assureur ; pour la partie non prise en
charge, ils pourront se retourner contre le responsable, en espérant que celui-ci soit solvable. Mais, dans ce premier cas, si l’incendie a provoqué la mort
d’autrui ou des blessures à autrui, les victimes n’auront d’autre choix que de s’adresser au responsable ou d’obtenir réparation de leurs préjudices du
Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions. Il en ira de même, dans le cas d’escroquerie, sauf à noter que pour obtenir
réparation de ce fonds, les victimes devront remplir les conditions drastiques posées par l’article 706-14 du Code de procédure pénale.

NOTES DE BAS DE PAGE

4/6
+
1 – S. Abravanel-Jolly, « La faute intentionnelle ou dolosive en droit des assurances – intervention au Congrès international de droit des assurances –
Madrid (17 octobre 2019) », bjda.fr 2019, n° 66. Sur la notion de faute intentionnelle et l’émergence de la faute dolosive, lire aussi J. Bigot, A. Pelissier
et L. Mayaux, « Faute intentionnelle, faute dolosive, faute volontaire : le passé, le présent et l’avenir », RGDA févr. 2015, n° RGA111v3.
2 – L. Mayaux, La notion de faute intentionnelle de l’assuré : quelle évolution ? Les grandes questions du droit des assurances, 2011, LGDJ, p. 120.
3 – X. Pin, Droit pénal général, 13e éd., 2021, Dalloz, Cours, p. 212, n° 206 ; O. Décima, S. Detraz et E. Verny, Droit pénal général, 4e éd., 2020, LGDJ,
p. 210, n° 390 ; R. Bernardini et M. Dalloz, Droit criminel, vol. II, L’infraction et la responsabilité , 4e éd., 2020, Bruylant, Paradigme, p. 181, n° 435 ;
Y. Mayaud, Droit pénal général, 7 e éd., 2021, PUF, Droit fondamental, p. 272 ; S. Jacopin, Droit pénal général, 2021, Ellipses, Tout-en-un, p. 294 et 295.

4 – Y. Mayaud, Rép. pén. Dalloz, v° Violences volontaires, 2021, nos 97 et s.


5 – D. Rebut, « De la prétendue autorité de chose jugée des condamnations pénales en matière de faute intentionnelle », Resp. civ. et assur. 1997,
chron. 12.

6 – Cass. 2e civ., 16 sept. 2021, n° 19-25678 ; Cass. 2e civ., 16 janv. 2020, n° 18-18909 ; Cass. 2e civ., 8 mars 2018, n° 17-15143 ; Cass. 2e civ., 12 juin 2014,
n° 13-18844 ; Cass. 2e civ., 12 juin 2014, nos 13-15836 et s. ; Cass. 1re civ., 9 juin 2011, n° 10-15933 ; Cass. 1re civ., 6 avr. 2004, n° 01-03494 ; Cass. 1re civ.,
27 mai 2003, n os 01-10478 et 01-10747.
7 – Sur ce point, il fut un temps où les décisions rendues étaient apparemment contradictoires, certaines semblant considérer qu’une
condamnation pénale définitive oblige le juge à reconnaître l’existence d’une faute intentionnelle au sens de l’ article L. 113-1 du Code des assurances
(Cass. 1re civ., 3 janv. 1996, n° 93-10053 ; Cass. 1re civ., 9 oct. 2001, n° 98-22138), d’autres affirmant a priori l’inverse (Cass. 1re civ., 22 juill. 1985, n° 84-
10087 ). Pour dépasser cette contradiction, des auteurs (notamment D. Rebut, « De la prétendue autorité de chose jugée des condamnations
pénales en matière de faute intentionnelle », Resp. civ. et assur. 1997, chron. 12 ; v. également, H. Groutel, « Incendie volontaire, faute intentionnelle et
chose jugée au pénal », Resp. civ. et assur. 1996, chron. 17 ; L. Mayaux, note sous Cass. 1re civ., 9 oct. 2001, n° 98-22138, « Faute intentionnelle »,
RGDA 2002, p. 70) ont souligné que l’autorité de la chose jugée serait tributaire de deux considérations : en premier lieu, elle dépend de
l’intégration de l’entier dommage dans le jugement de condamnation (si la déclaration de culpabilité pour incendie volontaire concerne un
immeuble dans son ensemble, le juge civil ne peut qu’affirmer l’existence d’une faute intentionnelle au sens du droit des assurances, même s’il
apparaît que l’assuré n’a voulu que la destruction de son appartement situé dans l’immeuble) ; en second lieu, elle est commandée par la
recevabilité de la constitution de partie civile dont l’effet est d’inclure le préjudice dans le jugement de condamnation (si le juge pénal, statuant sur
les intérêts civils, condamne l’assuré à verser des dommages et intérêts en réparation des dommages causés, y compris ceux qui n’ont pas été
recherchés, le juge civil ne peut, là encore, qu’affirmer l’existence d’une faute intentionnelle au sens du droit des assurances). Toutefois, depuis un
arrêt du 27 mai 2003 ( Cass. 1re civ., 27 mai 2003, n os 01-10478 et 01-10747 : RDI 2003, p. 438, note L. Grynbaum), il semble bien aujourd’hui qu’une
condamnation pénale ne s’impose pas au juge quant à la qualification de la faute intentionnelle au sens de l’article L. 113-1, et ce peu important le
contenu de la déclaration de culpabilité et la décision du juge pénal sur les intérêts civils (v. par ex., Cass. 2e civ., 12 juin 2014, n° 13-18844 ; Cass.
2e civ., 16 sept. 2021, n° 19-25678 ). S’il résulte du dossier pénal que l’assuré n’a pas recherché le dommage tel qu’il est survenu, le juge peut décider
que l’assureur est tenu à garantie.
8 – Cass. 2e civ., 12 juin 2014, n° 13-18844 : Resp. civ. et assur. 2014, comm. 321, H. Groutel.
9 – Sur la faute intentionnelle et l’intention criminelle, v. B. Beignier et S. Ben Hadj Yahia, Droit des assurances, 4e éd., 2021, LGDJ, Précis Domat,
p. 452 et s., n° 482.
10 – Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-14306 (première espèce) et Cass. 2e civ., 20 mai 2020, n° 19-11538 (deuxième espèce) : Resp. civ. et assur. 2020,
comm. 178 par D. Bakouche ; RDC sept. 2020, n° RDC117a0, note F. Leduc ; RGDA sept. 2020, n° RGA117s0, comm. J. Kullmann ; JCP G 2020, 950, note
L. Mayaux ; RDI 2021, p. 262, étude A. Pelissier. Mais, si l’autonomie de la faute dolosive a été explicitement consacrée en 2020, la possibilité de
mobiliser cette faute comme autre exclusion légale de risque, à côté de la faute intentionnelle, résulte de l’arrêt rendu par la deuxième chambre
civile de la Cour de cassation en date du 12 septembre 2013 (Cass. 2e civ., 12 sept. 2013, n° 12-24650). Sur cette décision : A. Pelissier, « Habille mais
périlleux renouveau de la faute dolosive en droit des assurances », JCP G 2014, 383 ; G. Viney, « Faute intentionnelle et faute dolosive », RDC juill. 2014,
n° RDC110k0 ; F. Leduc, « Faute de l’assuré excluant l’aléa : autonomie de la faute dolosive », RDC juill. 2014, n° RDC110k5 ; J. Kullmann, « L’assuré
fautif : après le faisan et le malfaisant, le risque-tout. Vers une réforme de l’ article L. 113-1 du Code des assurances ? », RGDA janv. 2014, n° RGA110d3.
11 – Cass. 2e civ., 20 janv. 2022, n° 20-13245 : LEDA mars 2022, n° DAS200p1, note P.-G. Marly ; RDI 2022, p. 224, obs. D. Noguéro.
12 – Cass. 2e civ., 10 nov. 2021, n° 19-12659 : RGDA déc. 2021, n° RGA200n2 , note L. Mayaux.
13 – Par ex., N. Leblond, « Incendier volontairement l’immeuble de son concubin n’est pas vouloir causer de dommages aux tiers : pas de faute
intentionnelle ! », RD bancaire et fin. 2021, comm. 156.
14 – Assurances, Droit et pratique, L. Grynbaum (dir.), 2020, L’Argus de l’assurance, n° 2360.
15 – Cass. 2e civ., 10 mars 2022, n° 20-19056 ; Cass. 2e civ., 10 mars 2022, n° 20-19053 ; Cass. 2e civ., 10 mars 2022, n° 20-19057 ; Cass. 2e civ., 10 mars
2022, n° 20-19054 et Cass. 2e civ., 10 mars 2022, n° 20-19052.
16 – Pour le droit étranger (en l’occurrence québécois), v. C. Belleau, « Faute intentionnelle et acte criminel en droit québécois des assurances », in
Responsabilité civile et assurances. Études offertes à Hubert Groutel, 2006, Litec, p. 23.
17 – D. Viriot-Barrial, Rép. pén. Dalloz, v° Destructions – Dégradations – Détériorations, 2021, n° 200.
18 – Cass. 1re civ., 27 mai 2003, n os 01-10478 et 01-10747 : RDI 2003, p. 438, note L. Grynbaum – Cass. 2e civ., 12 juin 2014, n° 13-18844 : RGDA oct. 2014,
n° RGA111f6, comm. J. Kullmann – Cass. 2e civ., 16 janv. 2020, n° 18-18909 : AJ Contrat 2020, p. 289, note P. Guillot et B. Neraudau ; GPL 16 juin 2020,
n° GPL381h8, comm. B. Waltz-Teracol – Cass. 2e civ., 16 sept. 2021, n° 19-25678 : Dalloz actualité, 29 sept. 2021, comm. R. Bigot et A. Cayol ; GPL 16 nov.
2021, n° GPL428v2, note P. Giraudel ; JCP G 2021, n° 47, 1227, comm. B. Beignier ; RD bancaire et fin. 2021, comm. 156, N. Leblond.
19 – V. le moyen annexé à l’arrêt Cass. 2e civ., 16 janv. 2020, n° 18-18909.
20 – Pour une réaffirmation récente de cette solution, v. Cass. crim., 18 nov. 2020, n° 19-86084 .
21 – V. Malabat, Droit pénal spécial , 9e éd., 2020, Dalloz, HyperCours, nos 91 et s. ; Y. Mayaud, Rép. pén. Dalloz, v° Violences volontaires, 2021, n° 92.
22 – Cass. 1re civ., 22 juill. 1985, n° 84-10087 ; CA Orléans, ch. civ., sect. 2, 10 sept. 1996 : à propos de violences ayant entraîné la mort sans intention de
la donner : « Une cour d’assises ayant exclu toute notion d’intention homicide en raison de la qualification donnée aux faits, l’assureur doit sa
garantie car l’assuré, même si la violence à l’origine du dommage a été volontaire, n’a pas voulu le dommage lui-même ».
23 – Cass. crim., 25 avr. 1977, n° 76-90554 ; Cass. crim., 21 nov. 1984, n° 84-90946.
24 – Cass. 1re civ., 10 déc. 1991, n° 90-14218 .
25 – En réalité, l’article 313-1 se veut plus large en envisageant outre la remise d’une chose (fonds, valeurs ou bien quelconque), la fourniture d’un

5/6
service et le consentement à un acte opérant obligation ou décharge.
26 – Cass. 1re civ., 9 juin 2011, n° 10-15933 : RGDA 2011, p. 954, note J. Bigot.
27 – Cass. 1re civ., 8 janv. 2020, nos 18-19782 et 18-19832 : GPL 16 juin 2020, n° GPL381h7, note B. Waltz-Teracol ; Lexbase Hebdo 30 janv. 2020, n° 811,
éd. Privée, obs. D. Krajeski.
28 – Sur ces interrogations, v. not. A. Pelissier, « Faute intentionnelle ou dol, la place du débat en assurance construction », RDI 2021, p. 262 ;
L. Mayaux, « Faute dolosive et autres limitations de garantie : quand les digues sautent les unes après des autres », RGDA déc. 2021, n° RGA200n2 ;
J. Kullmann, « Connaissance, conscience et volonté : retour sur les fautes intentionnelle et dolosive, à l’occasion de deux arrêts sur le suicide et les
dommages causés à autrui », RGDA sept. 2020, n° RGA117s5.
29 – L. n° 2000-647, 10 juin 2000, dite loi Fauchon, qui a eu pour objectif de dépénaliser certains comportements imprudents. Pour atteindre cet
objectif, le législateur a posé la règle suivante : si toute faute (simple ou grave) engage la responsabilité pénale de son auteur en cas de lien de
causalité direct entre la faute et le dommage (notamment une atteinte à la vie ou à l’intégrité physique), en revanche, seule une faute qualifiée
(délibérée ou caractérisée) permet d’engager cette responsabilité si le lien est indirect.
30 – A. Ponseille, « La faute caractérisée en droit pénal », RSC 2003, p. 79 ; P. Morvan, « L’irrésistible ascension de la faute caractérisée : l’assaut
avorté du législateur contre l’échelle de la culpabilité », in Le droit pénal à l’aube du troisième millénaire. Mélanges offerts à Jean Pradel, 2006,
Cujas, p. 455 ; A. Varinard et J. Pradel, Les grands arrêts du droit pénal général, 12 e éd., 2021, Dalloz, Grands arrêts, p. 684 ; A. Seriaux, « L’appréciation
de la faute pénale d’imprudence en droit français contemporain », RSC 2017, p. 243.
31 – En ce sens notamment, C. Ruet, « La responsabilité pour faute d’imprudence après la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la
définition des délits non intentionnels », Dr. pén. 2001, chron. 1 ; v. également, A. Ponseille, « La faute caractérisée en droit pénal », RSC 2003, p. 79 ;
J. Pradel et M. Danti-Juan, Droit pénal spécial , 8 e éd., 2020, Cujas, p. 93.
32 – B. Bouloc, Droit pénal général, 2021, Dalloz, Précis, n os 287 et s. ; R. Bernardini et M. Dalloz, Droit criminel, vol. II, L’infraction et la responsabilité ,
4e éd., 2020, Bruylant, Paradigme, p. 180 et s., nos 433 et s ; O. Décima, S. Detraz et E. Verny, Droit pénal général, 4e éd., 2020, LGDJ, p. 214 et s., nos 397
et s ; J.-Y. Marechal, « Élément moral de l’infraction – article 121-3 », JCl. Pénal Code, fasc. 20, nos 41 et s.
33 – R. Mesa, Le renouveau du dol dépassé, 2021, Dalloz, p. 1346.
34 – Cependant, s’agissant d’un homicide praeter -intentionnel (c’est-à-dire les violences mortelles, celles qui ont entraîné la mort sans intention de
la donner), le législateur tient compte en partie de l’intention de l’agent qui était de blesser et non de tuer. Ces violences sont, en effet, punies moins
sévèrement que le meurtre.
35 – Y. Marechal, « Élément moral de l’infraction – article 121-3 », JCl. Pénal Code, fasc. 20, nos 41 et s. ; R. Bernardini et M. Dalloz, Droit criminel, vol. II,
L’infraction et la responsabilité , 4e éd., 2020, Bruylant, Paradigme, p. 186 et s., n° 438.
36 – Cass. 2e civ., 8 mars 2018, n° 17-15143 : LEDA mai 2018, n° DAS111e8, note F. Patris.
37 – CA Paris, 2-5, 19 mars 2019 : JurisData n° 2019-004044.
38 – Sur les éléments traduisant l’existence d’une faute dolosive, v. également, bien que l’affaire ne revête pas un caractère pénal, Cass. 2e civ.,
28 mars 2019, n° 18-15829 : RGDA mai 2019, n° RGA116n2, note A. Pimbert. En l’espèce, un assuré allume un poêle dans sa remorque-caravane tout en
laissant à proximité immédiate un bidon de vingt litres rempli de pétrole ; l’assuré s’absente plusieurs heures ; la montée en température à
l’intérieur de la caravane provoque une surchauffe ; il s’ensuit la destruction du bien. Mais, dans cette affaire, les juges d’appel ont retenu l’existence
d’une faute intentionnelle, non celle d’une faute dolosive, ce qui conduisit à une censure de leur décision.
39 – Ces faits sont tirés d’un arrêt de la cour d’appel de Lyon du 28 février 2001 (JurisData n° 2001-175226). Sur cette même affaire, Cass. 1re civ.,
27 mai 2003, n os 01-10478 et 01-10747 : RDI 2003, p. 438, note L. Grynbaum.
40 – X. Pin, Droit pénal général, 13e éd., 2021, Dalloz, Cours, p. 218.
41 – Pour preuve, la faute délibérée est une circonstance aggravante des atteintes à la vie et à l’intégrité des personnes.
42 – A. Seriaux, « L’appréciation de la faute pénale d’imprudence en droit français contemporain », RSC 2017, p. 243.
43 – A. Varinard et J. Pradel, Les grands arrêts du droit pénal général, 12 e éd., 2021, Dalloz, Grands arrêts, p. 682 ; J. Cedras, « Le dol éventuel : aux
limites de l’intention », D. 1995, chron. 18 : l’auteur définissant le dol éventuel comme « l’état d’esprit de celui qui, tout en sachant que son
comportement est dangereux pour autrui, s’y engage néanmoins, et cela sans nullement vouloir le résultat dommageable ».
44 – Y. Mayaud, Rép. pén. Dalloz, v° Violences involontaires : théories générales – Antisociabilité des violences, 2022, n° 271.
45 – Cass. crim., 27 févr. 2018, n° 16-87147 : RSC 2018, p. 418, note Y. Mayaud.
46 – En ce sens, à propos du délit de mise en danger de l’article 223-1 du Code pénal, J. Bigot, « Le nouveau Code pénal et l’assurance de
responsabilité civile générale », RGDA avr. 1995, p. 287.
47 – Cass. crim., 6 déc. 2016, n° 15-81592 : Lexbase Hebdo 23 févr. 2017, n° 688, éd. Privée, comm. D. Krajeski.

Date de parution : 01/06/2022


Id : RGA200t8
Réf : RGDA juin 2022, n° RGA200t8

Auteur :
Anne Scattolin, maître de conférences à l'université de Poitiers

6/6

Vous aimerez peut-être aussi