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Droit pénal spécial CM

05/10/21

Élément matériel
Moyens employés 222-17

2) élément moral
Infraction intentionnelle, simple qui exige un dol général (conscience et volonté infractionnelle)

B. Répression des menaces simples

al.1 menaces simples: 6 mois et 7 500€

Causes d’aggravation:
al. 2 avec menace de mort: 3 ans et 45 000€

222-18-3 menaces simples: 3 ans 45 000€ -> si commis par conjoint/concubin/pacsé de la victime
Menaces de mort par conjoint etc: 5 ans d’emprisonnement et 75 000€

Toutes les autres menaces de violence constituent une simple contravention de 3 e classe: R 623-1

II. Les menaces sous condition

Art 222-18 : menace de commettre un crime ou délit contre la personne quand elle est faite avec
l’ordre de remplir une condition.

A. Eléments constitutifs

Elément matériel

Distinguer des moyens employés par l’agent, il faut préciser que le texte réprime toujours les me -
naces sous condition, quelque soit leur forme, verbale, écrite.
Pas d’exigence de réitération. En cela elles se distinguent des menaces simples.

La menace de 222-18 doit être conditionnée: l’auteur place la victime sous une injonction. Il veut
forcer une personne à faire ou ne pas faire quelque chose (remettre une somme d’argent ou ne plus
revoir telle personne par ex).
Cas d’un salarié qui menace la directrice des RH si elle ne démissionne pas ou d’un détenu qui me-
nace de mort sa conjointe si elle ne se dépêche pas de lui écrire.

Elément moral

Infraction intentionnelle
Pas besoin de vérifier si l’auteur de la menace avait l’intention ou non de mettre à exécution la
condition. Il suffit de démontrer qu’il avait la conscience et la volonté de commettre l’infraction.

B. Repression
222-18 al.1-> 3 ans et 45 000 €
S’il y menace de mort: 222-18 al.2-> 5 ans et 75 000€

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222-18-3-> 5 ans et 75 000€ si commis par conjoint/concubin/pacsé mais si ces personnes font des
menaces de mort c’est 7 ans et 100 000€.

Thème 4. Atteintes involontaires à la vie et à l’intégrité physique des personnes

Le traitement législatif de ce contentieux a évolué dans le temps. On assiste à une atténuation de la


mise en cause de la responsabilité pénale des personnes morales et à une aggravation de la répres-
sion de la délinquance routière.

Pour l’atténuation: réalisation en plusieurs étapes.


La loi du 13/05/96 a modifié la rédaction de l’article 121-3 CP qui définit l’élément moral des in-
fractions en substituant une appréciation in concreto (subjective) du comportement imputé au préve-
nu à l’appréciation objective (in abstracto) consacrée par la jurisprudence.

Dans le texte, on est passé d’une appréciation objective in abstracto à une appréciation subjec-
tive du comportement du prévenu.

La reforme n’a pas satisfait les décideurs publics qui ont sollicité une réforme intervenue avec la loi
du 10/07/2000 qui a modifié l’article 121-3 du CP et les articles 221-6, 222-19 et 222-20 qui sont
les dispositions relatives aux atteintes involontaires à l’intégrité physique des personnes.
La reforme a introduit une distinction selon que le comportement du prévenu a causé directe-
ment ou indirectement le dommage.
Quand l’auteur a indirectement causé le dommage (ce qui est le cas des décideurs publics) alors sa
responsabilité pénale sera plus difficile à mettre en oeuvre.

-Contentieux relatif à la délinquance routière: mouvement législatif inverse. La loi du 03/02/03 a


sanctionné la conduite sous l’emprise de produits stupéfiants et la loi du 12/06/03 a introduit dans le
CP des dispositions aggravants les sanctions quand les atteintes ont été commises par des conduc-
teurs de VTM et crée des nouvelles infractions au code de la route.

Chapitre 1: l’homicide involontaire

Art 221-6 CP définit l’homicide involontaire comme le fait de causer dans les conditions et selon
les distinctions prévues à l’article 121-3 par maladresse, imprudence, négligence, inattention ou
manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort
d’autrui.
Réprimé de 3 ans et 45 000€ d’amende.

I. Eléments constitutifs

Requiert la même condition préalable que le meurtre, il faut une personne humaine. La tentative
n’est pas applicable donc l’infraction impossible ne s’applique pas. Il faut que la victime soit vi-
vante au moment des faits.

3 éléments constitutifs:
-1 faute d’imprudence
-1 préjudice
-1 lien de causalité

A. La faute d’imprudence

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Depuis la loi du 10/07/2000 relative à la définition des délits non intentionnels, il faut distinguer
l’imprudence simple de l’imprudence qualifiée.

La faute d’imprudence simple est celle qui est reprochée aux auteurs directs du dommage.
Pour engager la responsabilité pénale des auteurs directs du dommage, une faute d’imprudence lé-
gère suffit.
Article 221-6 retient une formule large pour décrire ces comportements: maladresse, imprudence,
inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi
ou le règlement.
Ces termes recouvrent un grand nombre de comportements.

La maladresse est un défaut d’habilité, d’adresse.


L’imprudence est un manque de précaution comme le passager qui ouvre la portière du véhicule qui
donne sur la chaussée.
Inattention et négligence sont souvent des omissions (manque de concentration, de vigilance, défaut
de surveillance, fait de ne pas prendre les mesures de sécurités pourtant exigées par les circons-
tances).

Le manquement à une obligation de prudence ou sécurité: inobservation d’une norme légale ou rè-
glementaire qui peut être le code du travail ou de la route. La conséquence cause la mort d’autrui.

Quand elle prévoit des obligations de sécurité ou prudence, les règles déontologiques, le RI d’une
entreprise, peuvent être considérés comme un règlement au sens de l’art 221-6 du CP.

17/01/2006 ch.crim a jugé que la faute d’imprudence pouvait aussi être imputée au salarié qui en
conduisant un engin de chantier a écrasé une personne visitant le chantier.

Arrêt 03/12/19 ch.crim: juge que l’inattention d’un conducteur constitue un manquement à une
obligation de prudence ou sécurité prévue par le code de la route comme si elle voulait ne plus faire
de distinction entre les deux.

La faute d’imprudence est appréciée in abstracto Cela revient à se déterminer par rapport au
comportement qu’aurait eu un individu normalement prudent, avisé et diligent qui aurait été placé
dans la même situation (bon père de famille).
La responsabilité pénale pour une atteinte involontaire pourra être facilement engagée quand on est
dans le cadre de la prudence simple, celle de faits d’auteurs directs du dommage.

Est considéré comme auteur pour blessures involontaires l’occupant d’une maison d’où s’écoulaient
des trainées d’eau grasse qui ont rendues la chaussée glissante et faisant un accident ch.crim
05/12/1991.
Le médecin de garde n’ayant pas reçu les appels de garde parce que pas de réseau est condamné
aussi ch.crim 13/02/07 JCP 2007 2e partie n°10107.

Avant la modification du texte, des élus étaient condamnés comme un maire condamné à la suite de
l’effondrement d’un panneau de basket sous le poids de plusieurs enfants accrochés. Devant les pro-
testations de beaucoup d’hommes politiques, la loi du 10/07/2000 a rendu plus difficile la mise en
jeu de leur responsabilité pénale en exigeant une imprudence qualifiée.

Quand il y a une causalité directe entre la faute et le dommage, toute faute même la plus légère peut
justifier la responsabilité pénale de son auteur tandis qu’en cas de causalité indirecte, la responsabi-
lité sera subordonnée à la preuve d’une imprudence qualifiée.

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L’imprudence qualifiée
Elle concerne uniquement les auteurs indirects du dommage, personnes physiques. Les personnes
morales ne sont pas concernées.
La faute simple ne suffit pas pour engager la responsabilité (art 121-3 al. 4-> exigence de rapporter
la preuve d’une faute qualifiée).
Suppose la violation manifestement délibérée, consciente d’une obligation particulière de prudence
ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ou bien la commission d’une faute caractérisée.
Cette faute est une faute d’imprudence grave qui expose autrui à un risque d’une particulière gravité
que l’auteur de l’imprudence ne pouvait ignorer.

Sont des fautes caractérisées le fait pour:


- un garagiste de prêter à ses clients un véhicule avec des pneus lisses, mais étant un professionnel
du milieu, il connaissait le danger 04/02/03 commentaire 71 observation Véron;

- un directeur d’exploitation d’exposer un salarié en hauteur sans prendre en compte le défaut de


formation de la victime et en ne vérifiant pas le respect effectif des consignes de sécurité ch.-
crim. 14/05/13 n° 12-80847;

- un enseignant d’introduire des boissons alcoolisées dans un établissement scolaire et d’en tolérer
la consommation ch.crim 12/01/10 droit pénal 2010 commentaire 31 observation Véron;

- un enseignant de laisser les fenêtres de la classe ouverte et de laisser les enfants sans surveillance
en sachant que c’est dangereux 06/09/2005 bulletin n° 218;

- une infirmière de laisser une élève infirmière administrer seule un produit dangereux à un patient
ch.crim. 26/01/2001 commentaire n°124;

- un médecin spécialisé en chirurgie viscérale qui accueille dans son établissement un patient brûlé
alors qu’il savait qu’il n’avait aucune compétence pour traiter un brûlé et que la clinique n’était pas
adaptée à la prise en charge ch.crim 23/10/12 droit pénal 2013 commentaire n° 3.

En revanche, ne constitue pas une faute caractérisée, le fait de sous estimer l’état du malade et le
fait de laisser ses parents le conduire à l’hôpital dans leur propre véhicule arrêt 24/01/14.

La jurisprudence va déterminer les éléments de la cause en tenant compte de la qualification profes-


sionnelle de l’auteur.
La Cour de cassation refuse d’appliquer aux personnes morales le mécanisme de l’impru-
dence qualifiée. Les personnes morales auteures indirectes sont protégées puisqu’une faute d’im-
prudence simple suffit à engager la responsabilité pénale.

B. Le préjudice

L’imprudence n’est pas punissable en elle même, il faut qu’elle engendre un préjudice, un résultat.
Pour l’homicide involontaire le résultat est la mort.

Si la mort n’intervient qu’après un certain délai postérieur à l’accident, c’est au moment du décès
que l’homicide involontaire intervient, ce qui entraine des conséquences.
S’il y a un accident et un blessé, si des poursuites pénales sont engagées pour blessures involon-
taires mais que la mort survient avant le jugement définitif, les faits seront requalifiés en homicide
involontaire.

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Mais si la mort survient après la condamnation définitive pour blessure involontaire, pas d’inci-
dence sur la qualification dès lors que la décision aura acquis autorité de la chose jugée et sera pas-
sée en force de chose jugée.

La prescription de l’action publique ne commence qu’à compter du décès.

Quand il y a pluralité de victimes, certaines meurent et d’autres sont blessées, on applique les règles
relatives au conflit de qualification (droit pénal général).
Concours idéal de qualification: un acte matériel unique (accident) porte atteinte à plusieurs va-
leurs protégées, différentes (vie pour homicide involontaire et intégrité physique pour les blessures
involontaires), la jurisprudence retient une pluralité de qualification: arrêt Ben Haddadi du
03/09/62.

Problème concernant les prédispositions de la victime qui entraînent parfois une aggravation du pré-
judice (une atteinte corporelle ne serait pas mortelle pour une victime ordinaire mais l’est en raison
des prédispositions de la victime).
Question qui se pose en droit: est-ce que le prévenu peut invoquer les prédispositions de la victime
pour se soustraire à sa responsabilité pénale d’homicide et n’encourir qu’une responsabilité
moindre?
Depuis un arrêt du 03/09/1998, la chambre criminelle décide que seules les prédispositions anté-
rieures à l’accident peuvent être prises en compte et solution confirmée par ch.crim 30/01/2007
bulletin n° 23.

Est-ce que le décès de la victime peut être imputé avec certitude à la faute de l’auteur? Question du
lien de causalité de la victime, il faut établir que la cause du décès est imputée avec certitude à la
faute.

C. Le lien de causalité

Pour que l’homicide involontaire puisse être imputé, il faut démontrer que la mort est la consé-
quence du fait reproché à l’agent. Comment apprécier le lien de causalité?

3 systèmes proposés par la doctrine pour apprécier le lien de causalité:

- causa proxima: consiste à retenir la responsabilité de l’auteur de la cause la plus proche du dom-
mage. On considère comme étant responsable celui qui a commis le dernier fait causal. Solution
simple mais pas forcément juste car le dernier fait n’est pas forcement le plus causal/déterminant
de la suite du dommage;

- causalité adéquate: on retient la responsabilité de l’auteur du fait qui explique le mieux la surve-
nance du dommage et identifier le fait déterminant dans la production du préjudice. Plus juste
mais plus dur de mettre en oeuvre car il faut soupeser le rôle causal de tous les comportements
antérieurs à la survenance du dommage;

- équivalence des conditions: tous les faits qui se sont enchainés pour parvenir à réaliser le préju-
dice ont le même degrés causal. Si l’un de ces faits n’existait pas, le dommage ne se serait pas pro-
duit. On retient la responsabilité de toutes les personnes qui ont accompli un des faits qui a conduit
à la réalisation du dommage et sans lequel il ne se serait pas produit. Ce système est le plus favo-
rable aux victimes parce qu’elles pourront demander réparation à chacun des auteurs.

En matière pénale, la plupart des arrêts retiennent la causalité par équivalence.

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A été condamné pour homicide involontaire:
- l’auteur des blessures ayant entrainé chez la victime des troubles psychiques la conduisant à se
suicider;

- un pharmacien commercialisant des gélules qui devaient permettre de maigrir sans qu’il ait fait
réaliser un contrôle de leur innocuité (qualité d’une chose qui n’est pas nocive): ch.crim
1/04/2008;

- Le gérant de bar qui sert de l’alcool à un client qui a trop bu et est victime d’un accident de la cir-
culation;

- le gardien d’une entreprise qui a confisqué les clefs du véhicule d’un salarié qui avait bu mais qui
a finit par les lui rendre parce qu’il insistait et il est décédé plus tard dans un accident arrêt du
05/06/17 n° 06-86228.

Régulièrement la Cour de cassation rappelle que le lien de causalité doit être certain. A défaut, le
doute doit profiter au prévenu et la relaxe s’impose.

Quand plusieurs personnes ont commises des imprudences sans qu’il soit possible de déterminer le
rôle exact dans le préjudice, la jurisprudence dit que tous les auteurs doivent être entendus pénale-
ment (cela me rappelle le cas de jeunes qui se mettent à plusieurs pour frapper quelqu'un qui finit
par mourir. Quel coup était fatal?-> quoique c’étaient des violences volontaires de 222-7 et non un
homicide involontaire).

La chambre criminelle dit que les deux conducteurs doivent être condamnés pour homicide involon-
taire parce qu’ils ont participé ensemble à une action dangereuse en créant par leur imprudence un
risque grave dont X a été la victime ( 2 voitures se suivent trop près et roulent sur un piéton écrasé
par la 1e voiture): ch.crim 23/07/86 JCP 1987 2e partie 20897 et ch.crim 23/03/94 bulletin 112.

Certains accidents requièrent une quasi présomption de causalité dès lors que sont établis à l’en-
contre de l’employeur, des manquements aux règles d’hygiène et sécurité des travailleurs. Les man-
quements sont présumés avoir été la cause du dommage. L’employeur ne pourra s’exonérer qu’en
rapportant une faute de la victime qui doit être exclusive: quasi présomption.

La jurisprudence peut écarter l’équivalence quand le résultat de l’application aurait été trop injuste.
Dans une affaire où un cycliste a été blessé à la suite d’une collision avec une voiture, se relève et se
met à courir derrière la voiture en l’insultant puis meurt terrassé par un crise cardiaque. La chambre
criminelle retient plutôt la causalité adéquate. Ainsi l’automobiliste est condamné pour blessures in-
volontaires et non pour homicide involontaire.

II. Conditions de la répression

08.10.21
Reprendre qlq lignes sur le drive

Art 221-6 al. 2 en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de pru-
dence ou sécurité: peine de 5 ans et 75 000€.

Aggravation:
Mêmes peines prévues par 221-6-1 al. 1: quand l’infraction est commise par le conducteur d’un
VTM: 5 ans et 75 000€.

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7 ans et 100 000€ si le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation
particulière de prudence ou sécurité autre que celle mentionnées ci-dessous:

1° Le conducteur était en ivresse manifeste; sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une
concentration d’alcool dans le sang ou air expiré égal ou supérieur au taux fixé par les dispositions
législatives ou règlementaire du code de la route; s’il a refusé de se soumettre aux vérification pré-
vues par le code et destinées à établir un état alcoolique;

2° quand résulte d’une analyse sanguine que le conducteur a fait usage de substances ou plantes
classées comme stupéfiantes;

3° quand le conducteur n’était pas titulaire du permis ou si le permis a été invalidé/invalidé/suspen-


du/retenu;

4° quand le conducteur a commis un dépassement de la vitesse max autorisée égal ou supérieur à 50


km;

5° quand le conducteur qui savait qu’il avait commis un accident ne s’est pas arrêté et a tenté
d’échapper à la responsabilité pénale/civile.

Peine portée à 10 ans et 150 000€ si l’homicide involontaire a été commis avec 2 ou plusieurs cir-
constances aggravantes de 221-6-1.
Art 221-6-2: si l’homicide de 221-6 résulte d’une agression par un chien, le propriétaire ou celui qui
détient l’animal au moment des faits: 5 ans et 75 000€.

7 ans et 100 000€ si propriété ou détention du chien illicite;


°si le propriétaire/détenteur était alcoolisé ou sous stupéfiants;
°si le propriétaire n’a pas exécuté les mesures prescrites par le maire au visa de l’art L211-11 du
code rural et de la pêche maritime, pour prévenir le danger représenté par l’animal;
°si pas de vaccination en cours de validité si celle-ci s’avère obligatoire;
°si c’est un chien de 1er ou 2 e catégorie (L211-12 code rural); chien non muselé, tenu en laisse par
une personne majeure (art L2111-16 code rural);
°si c’est un chien ayant fait l’objet de mauvais traitements par le propriétaire/détendeur.

Peines portées à 10 ans et 150 000€ si l’homicide involontaire a été commis avec 2 ou plusieurs cir-
constances aggravantes énumérées ci-dessus.

Peines complémentaires pour personnes physiques: 221-8 à 221-10 CP.

Il existe différents paliers, il faut savoir chercher au bon endroit dans le code pour trouver les grada-
tions.
Cela peut être la suspension/annulation permis; la confiscation d’une arme, l’obligation d’accomplir
un stage de sensibilisation au danger des stupéfiants.

Les personnes morales peuvent également être l’auteur d’homicides involontaires: 221-7 et en-
courent outre l’amende (131-38 CP): les peines énumérées au 2°, 3°, 8° et 9° de 131-39.

• Problème entre rapport de la faute pénale et la faute civile d’imprudence.

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La faute d’imprudence apparait à la fois dans le CP et dans le code civil. Question de savoir si la
faute d’imprudence pénale est la même que la faute d’imprudence civile. Question a un intérêt en ce
qui concerne la prescription et l’autorité de la chose jugée en pénal et sur la chose civile.
Si on considère que la faute d’imprudence pénale n’est pas la même que la faute d’imprudence ci-
vile (si on retient le système de dualité des fautes d’imprudence), il s’en suit que les prescriptions
sont indépendantes, que l’action civile en réparation se prescrira par 10 ans alors que l’action pu-
blique en pénal est selon la qualification de l’infraction commise (10 ans si crime, 6 pour délit et 1
an pour contravention).

Si on considère au contraire que les fautes civiles et pénales d’imprudence ont le même contenu,
qu’on se situe dans le système de l’unité des fautes d’imprudence, alors la logique veut que les deux
actions se prescrivent en même temps. Système de la solidarité des prescriptions. Si l’imprudence
est délictuelle, la victime ne peut agir en réparation au civil que pendant 6 ans. Si l’imprudence est
une contravention, il n’est possible d’agir en réparation que pendant 1 an.
Ce système présente l’inconvénient de réduire le temps pendant lequel la victime d’imprudence
peut demander réparation de son préjudice.

2 e problème: autorité de la chose jugée au pénal sur le procès civil postérieur. Hypothèse dans la-
quelle la victime va demander réparation de son préjudice devant la juridiction civile de droit com-
mun et non la juridiction pénale. La décision pénale a autorité de chose jugée sur le procès civil qui
est postérieur.
Si on retient le système de la dualité des fautes, le juge civil et le juge pénal sont indépendants et
sont libres de leurs décisions car jugent de façon indépendante.
Si unité des faits, la décision pénale va s’imposer au juge civil et il ne pourra pas accorder de D/I si
le prévenu a été relaxé. Dans ce système dit d’unité des fautes, on dit que les fautes sont les mêmes
donc l’absence de faute pénale d’imprudence entraine l’absence de faute civile d’imprudence.

Solutions mises en oeuvre au début du 20e siècle-> unité des fautes civiles et pénales d’imprudence
donc réduction du temps de prescription (=injustices).
Donc le législateur est intervenu par une loi du 23/12/1980 qui a désolidarisé les prescriptions.
—> l’article 10 du CPP prévoit que quand l’action civile est exercée devant une juridiction répres-
sive, elle se prescrit selon les règles de l’action publique. Si devant juridiction civile, prescription
selon les règles du code civil.

L’article 470 -1 CPP prévoit que la juridiction pénale qui prononce une relaxe va demeurer compé-
tente sur la demande de la partie civile (ou de son assureur) formulée avant la clôture des débats
pour accorder en application des règles du droit civil, la réparation de tous les dommages résultats
des faits qui ont fondé la poursuite. Objectif de la disposition: éviter à la victime d’avoir à faire une
nouvelle demande devant le juge civil.

La loi dite Fauchon du 10/07/2000 a inversé la solution.


->Art 4-1 CPP: absence de faute pénale non intentionnelle (au sens de 121-3 CP) ne fait pas obs-
tacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir la réparation d’un dom-
mage sur le fondement de l’articles 1241 du code civil. Le législateur consacre la règle de la dualité
des fautes civiles et pénales.

Chapitre 2: les blessures involontaires

Art 222-19 CP: fait de causer à autrui dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article
121-3 par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de pru-
dence ou sécurité imposée par la loi/règlement une ITT de plus de 3 mois.

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Réprimé de 2 ans et 30 000€.

Eléments constitutifs
Le régime juridique est emprunté à l’homicide involontaire.
Atteinte involontaire à son intégrité physique.
Si poursuites pénales diligentées sous la qualification de blessures involontaires et la mort intervient
avant jugement le définitif, il faudra requalifier les faits en homicide involontaire .Ch crim
15/12/2009.

Si mort après condamnation définitive, pas d’incidence sur la qualification car la décision aura auto-
rité de la chose jugée et sera passée en force de chose jugée.
Il faut établir la faute d’imprudence : arrêt 21/10/2014 droit pénal 2014 comm 145 obs. Véron-> à
l’occasion d’une violente tempête, une femme est blessée par la chute d’un arbre sur le mobile
home loué dans camping. La Cour de cassation a écarté le responsabilité de Météo France au motif
qu’en classant le phénomène en alerte orange et délivrant de nombreux messages sur les risques
d’orage violant, ils n’avaient pas commis de faute d’imprudence.
Pour que le délit de l’art 222-19 soit réalisé, il faut que les blessures aient entrainés une ITT supé-
rieure à 3 mois. Si l’ITT est inférieure ou égale à 3 mois-> art 222-20.

II. Modalités de la répression

Les blessures involontaires sont un délit instantané prescrit après 6 ans à compter du jour des bles-
sures.

Spécificités pour les peines par rapport à l’homicide involontaire:


Distinguer si les blessures involontaires ont provoqué ITT> 3 mois-> 2 ans et 30 000€ (222-19 al.
1).

222-19 al. 2: Aggravation en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière
de prudence ou sécurité imposée par loi: 3 ans et 45 000€.

Si l’atteinte à l’intégrité est commise par le conducteur d’un VTM: 3 ans et 45 000€ (art 222-19-1).
5 ans et 75 000€ si le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation
particulière de prudence ou sécurité autre que celle mentionnée ci-après:

1°conducteur alcoolisé/ ivresse manifeste;


2° analyse sanguine ou salivaire montre l’usage de substances comme stupéfiants;
3° si pas de permis de conduire;
4° si dépassement > 50 km;
5° s’il a tenté d’échapper à la responsabilité pénale et civile qu’il est susceptible d’encourir.

7 ans et 100 000€ si l’atteinte involontaire est commise avec 2 ou plusieurs circonstances aggra-
vantes.

222-19-2 si blessures causées par agression d’un chien: propriétaire puni 3 ans et 45 000€.

5 ans et 75 000€ si détention illicite, non vacciné, propriétaire alcoolisé, chien non muselé/attaché
etc (même chose).

7 ans et 100 000€ si atteinte involontaire commise avec 2 ou plusieurs circonstances mentionnées ci
dessus.

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Si les blessures entrainent une ITT inférieure ou égale à 3 mois-> 1 an et 15 000€ si elles résultent
d’une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou prudence pré-
vue par la loi/R (visa art 222-20).

Art 222-20-1: si les faits sont commis par un VTM-> 2 ans et 30 000€.

3 ans et 45 000€ dans les 6 circonstances énumérées (violation d’une obligation particulière autre
que mentionnée ci après):
- état d’ivresse manifeste, empire état alcoolique, refuse de se livrer aux vérifications requises;
- stupéfiants;
- conduite sans permis;
- pas de permis
- dépassement vitesse > à 50 km;
- délit de fuite;
5 ans et 75 000€ si l’atteinte a été commise avec 2 ou plusieurs circonstances aggravantes et quand
les blessures résultent de l’agression par un chien: 2 ans et 30 000€ (art 222-20-2 CP).
3 ans et 45 000€ dans les mêmes circonstances qu’au dessus concernant les chiens.

5 ans et 75 000€ si atteinte avec 2 ou plusieurs circonstances aggravantes.

Blessures involontaires sans ITT: contravention de 2 e classe sauf s’il y a violation manifestement
délibérée d’une obligation particulière alors contravention de 5 e classe (R622-1 et R625-3 CP).
Les personnes morales peuvent également être responsables de ces blessures.

Focus: l’embryon et le fœtus

• Protection pénale de l’embryon/foetus à l’atteinte à la vie: délicate question de savoir si les infrac-
tions pénales qui protègent les personnes contre les atteintes à l’intégrité physique ou à la vie
peuvent s’appliquer à l’embryon et au foetus.

Question délicate parce qu’on peut considérer que l’embryon et le foetus ne sont pas des personnes
humaines car non nées encore mais aussi on peut dire qu’il s’agit d’êtres humains en devenir et vi-
vants.
Le comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé dans son avis sur
les prélèvements de tissus d’embryons et de foetus humains morts à des fins thérapeutiques, diag-
nostiques et scientifiques du 22/05/1984 considère que « l’embryon ou le foetus doivent être recon-
nus comme une personne humaine potentielle qui est ou a été vivante et dont le respect s’impose à
tous ».
La question du droit pénal à la question de la protection de l’embryon et du foetus est ambiguë. La
position de la jurisprudence concernant le décès accidentent du fœtus manque de lisibilité.

I. L’ambiguïté de la protection légale de l’embryon et du foetus

Plusieurs sources de protection pénale mais aucune n’est vraiment convaincante.

A. Article 27 du code de 1810

D’après ce texte relatif à l’administration de la peine capitale, si une femme condamnée à mort est
enceinte, elle ne subira sa peine qu’après délivrance. La peine de mort n’est mise à exécution

10
qu’après l’accouchement. Règle justifiée par le principe de la personnalité de peine et l’enfant à
naitre est placé dans la catégorie des personnes qui ne doivent pas subir une peine pour des faits
qu’ils n’ont pas commis.

B. Interdiction de l’expérimentation sur les embryons

Les lois des 29/07/94 et 06/08/04 relatives à la bioéthique ont consacré la répression pénale des at-
teintes aux embryons.

511-15 punit la vente d’embryons humains.


511-17 punit la fabrication ou utilisation d’embryons humains à des fins industrielles ou commer-
ciales.
L’article 511-18 punit la fabrication ou l’utilisation d’embryons humains à des fins de recherche.
511-18-1: punit la constitution par clonage d’embryons humains à des fins thérapeutiques.

On voit la consécration de la personnalité potentielle de l’embryon qui pour cette raison serait
protégée par la loi pénale. Mais force est de constater que les incriminations ne se situent pas dans
le livre 2 du CP consacré aux atteintes aux personnes mais dans le livre 5 du CP (catégorie fourre
tout) intitulé des autres crimes et délits, juste avant les sévices et actes de cruauté envers les ani-
maux. On peut en déduire la volonté du législateur de ne pas rattacher la catégorie des embryons
humains à la catégorie des personnes humaines.
La plupart de ces incriminations peuvent s’expliquer par d’autres considérations que celles tirées du
souci de protéger la personnalité potentielle de l’embryon. L’interdiction de la vente des embryons
humains peut s’expliquer par le fait que l’embryon humain n’est pas dans le commerce juridique.
Donc il y a une ambiguïté et il n’est pas possible d’expliquer les incriminations qui existent par la
personnalité humaine potentielle de l’embryon.

C. Législation sur l’interruption de la grossesse

Quand on analyse l’évolution de la législation en matière d’IVG, on constate un adoucisse-


ment constant du cadre répressif et un changement du vocabulaire même juridique.

Dans le code de 1810, l’avortement était un crime puni de réclusion criminelle.


Art 317 al. 3 prévoyait en outre une peine de travaux forcés pour les médecins, chirurgiens et autres
officiers de santé ainsi que les pharmaciens qui auront indiqué ou administré à la femme les moyens
d’obtenir l’avortement= répression pénale sévère.
Devant les cours d’assises cependant, les acquittements se multipliaient. La loi du 27/03/1923 a cor-
rectionnalisé l’avortement.
L’objectif n’était pas tant de considérer qu’il fallait être d’avantage clément envers ces femmes, au
contraire. Objectif de lutter contre les acquittements. En correctionnalisant, les affaires étaient ju-
gées par des magistrats professionnels, considérés comme moins enclins à l’acquittement.
Peines réduites quand même: 1 à 5 ans et 500 à 10 000 francs pour celui qui pratique.
Pour la femme: 6 mois à 2 ans d’emprisonnement.

Décret loi du 29/07/1939 crée un fait justificatif-> l’avortement n’est pas pénalement punissable
quand la continuation de la grossesse mettait en péril la vie de la mère. De cette permission de la
loi, est issue la justification de l’interruption de la grossesse pour un motif médical.

Puis loi Veil du 17/01/75 avec son article 1er qui énonce que la loi garantit le respect de tout être
humaine dès le commencement de la vie et qu’il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas
de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi.

11
L’IVG continue d’être en principe un délit mais la loi apporte immédiatement deux dérogations au
principe qu’elle vient d’affirmer.
Elle insinue deux faits justificatifs spéciaux qui sont des permissions de la loi. L’interruption pour
motif médical qui est possible pendant toute la durée de la gestation et qui suppose que deux méde-
cins attestent après examen et discussion que la poursuite de la grossesse met en péril gravement la
santé de la femme ou qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naitre soit atteint d’une infec-
tion d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostique.
2 e motif: l’IVG motivée par la détresse de la mère. Possible dans les 12 premières semaines de la
gestation. La loi ne définit pas ce qu’on doit entendre par situation de détresse. Au moment de la
discussion de la loi on pensait au viol, au très jeune âge de la mère, à sa situation familiale et écono-
mique mais ces critères ne sont pas inscrits dans la loi.
La jurisprudence a jugé que la femme enceinte est la seule juge de son état de détresse. CE
31/10/1980 JCP édition générale n° 82 2e partie 19732.

Si le père peut participer à la décision d’interrompre la grossesse, il ne s’agit que d’une simple fa-
culté. Sa participation à cette décision n’est pas obligatoire. Seul le consentement de la femme
compte en dernière analyse. Le médecin peut invoquer la clause de conscience pour ne pas pratiquer
l’intervention. Si c’est son choix, il ne peut se rendre responsable de non assistance de personne en
péril.

Le CP de 1994 apporte peu de changements au fond mais va modifier la forme.


Sur le fond, plusieurs incriminations demeurent. L’IVG sans le consentent de l’intéressée est répri-
mé de 5 ans d’emprisonnement et de 75 000€.
L’IVG après la 12 e semaine de gestation de 2 ans et 30 000€.
Mêmes peines en cas d’IVG volontaire ou médical pratiquée par une personne non médecin ou un
lieu autre qu’un établissement médical habilité.
5 ans et 75 000€ si pratiqué à titre habituel. La jurisprudence considère que l’avortement impossible
est punissable en tant que tentative.

Sur la forme, certaines infractions sortent du CP et sont intégrées dans le code de la santé publique:
affaiblissement symbolique de la répression. Les textes marquent un changement net de terminolo-
gie. Le terme avortement disparait au profit du terme IVG et l’article 223-10 s’inscrit dans une sec-
tion de l’IVG. Non anodin car ça signifie à contrario que l’IVG est dans son principe légal puis-
qu’on ne sanctionne que l’interruption illégale alors qu’elle n’est possible que dans les deux cas où
s’appliquent la permission de la loi.
Le mécanisme juridique n’a pas changé (système de permission de la loi dans des hypothèses).

L’autoavortement a été dépénalisé par une loi du 27/01/93 et l’aide apportée à la femme qui avorte
continue d’être incriminé par le code de la santé publique avec l’article L2222-4.
La publicité en faveur de l’IVG a été dépénalisée et les commandos anti-avortement ont vu leur ac-
tion unie par l’article L2222-3 du code de la santé publique.

Délit élargi par la loi 23/03/2016: le fait d’empêcher de pratiquer, de s’informer sur une IVG par
tout moyen y compris par voie électronique/ en ligne par la diffusion ou transmission, d’indications
de nature à induire intentionnellement en erreur dans un but dissuasif sur les conséquences médi-
cales d’une IVG est condamné.

Cours du 12/10/21

Question de savoir comment qualifier le décès d’un enfant à naître?


L’article 221-6 nécessite pour être constitué, d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité.

12
Question concernant le dommage: le dommage est exclusivement constitué par la mort de la vic-
time. Le texte exige que la faute ait causé la mort d’autrui et suggère que la victime doit être une
personne née et vivante.
La question a fait l’objet d’importants débats et donne lui à un contentieux très nourri à l’occasion
d’accidents de la circulation ou à la suite d’accidents médicaux.
Dans l’arrêt du 09/01/92 DP 1992 commentaire 172 obs. Véron: la chambre criminelle rejette le
pourvoi contre un arrêt d’appel qui avait condamné le gynécologue pour blessures involontaires car
son intervention tardive auprès de la femme avait été à l’origine d’une souffrance du foetus qui
avait entrainé un handicap moteur pour l’enfant. Mais la portée de cette décision est incertaine parce
qu’on ne sait pas si la condamnation est intervenue en raison des blessures occasionnées au foetus
ou à l’enfant qu’il est devenu après la naissance?
Pour qu’il n’y ait plus de doute, il faudrait que les juridictions pénales condamnent le responsable
de l’accident pour homicide involontaire pour le foetus décédé des suites de la faute.

• 2 arrêts retiennent cette solution: CA Douai 02/06/1987 JCP 1989 2e partie, 21 250 note X. La-
vier qui juge que relève de la compétence du TC l’accident de la circulation ayant entrainé la
mort du foetus. Cet arrêt ne se prononce que sur la compétence juridictionnelle et admet ainsi
comme possible que le décès accidentel du foetus soit qualifié d’homicide involontaire.

Faits: le 12/08/85 un accident survient vers 15h entre une voiture conduite par A.M et une ambu-
lance de pompier par J-M G. La voiture de M s’est engagée dans l’intersection avec feu vert et
l’ambulance pompier qui se rend à une intervention urgente s’est engagée au feu rouge en faisant
usage peut être tardivement de ses avertisseurs lumineux et sonores. A.M et son épouse enceinte de
9 mois sont hospitalisés. Elle a une hémorragie importante donc césarienne qui a conduit sur l’ex-
traction d’un foetus mort mais déclaré à l’état civil de Lille comme enfant présentant sans vie.
Donc information ouverte contre G pour homicide sur l’enfant et pour blessures involontaires sur
les époux. L’ordonnance de clôture du 07/10/1986 renvoie G devant le tribunal de police avec ITT
de < 3 mois et non lieu pour l’homicide involontaire au motif « qu’il ne peut y avoir homicide au
sens de article 319 CP (ancien code) que si la victime est un être vivant, qui préexistait au coup por-
té et vivant d’une façon autonome. » Pas d’appel.
Le tribunal de police s’est déclaré incompétent au profit du TC au motif que la loi garantit le respect
de tout être humain dès le commencement de la vie et qu’en l’espèce, il suffisait de relever que le
foetus arrivait pratiquement à terme est un être vivant dont le décès est imputable au seul choc trau-
matique. G et son employeur interjettent appel et ont été poursuivis par le ministère public qui
conclut à la compétence du tribunal de police et leur renvoie l’affaire.
Les époux M plaident la confirmation du jugement.
La CA constate que les infractions d’homicide involontaire et de violences sont de même nature qui
ne diffèrent que par leur conséquence et constate que l’enfant était à terme, qu’il pesait 3kg900 et
qu’il était extrait de l’utérus de la mère alors qu’il était mort et que la mort présentait une hémorra-
gie génitale importante, une rupture de la poche des eaux et des lésions du fond utérin. La cour dit
que rien ne permet de dire que l’enfant est mort avant l’accident et qu’il doit être considéré comme
ayant été vivant à un moment et viable en raison de son état de maturité et par son poids. La cour
poursuit que si l’enfant avait été simplement blessé et qu’il avait été atteint d’une infirmité trauma-
tique, il ne fait aucun doute qu’il aurait été considéré comme une personne à part entière, indemni-
sable à raison des blessures reçues. Il n’y a aucune raison de constater que le traumatisme a entrainé
des désordres vitaux majeurs et que sa mort est une conséquence directe de la mort. La Cour
confirme le jugement du tribunal de police qui s’était déclaré incompétent.

• 13/03/97 CA Lyon qui statue sur une erreur commise par un gynécologue qui a provoqué la mort
accidentelle d’un foetus. Deux femmes d’origine vietnamienne avaient un nom identique et ne
parlaient pas français. Elles se présentent à la consultation gynécologue de l’hôtel Dieu de Lyon.

13
L’une venait pour le suivi de sa grossesse et l’autre pour se faire retirer le stérilet. En raison de
l’homonymie, l’obstétricien a tenté de retirer le stérilet à la femme enceinte.
->Par son intervention il a percé la poche des eaux ce qui a provoqué la perte du foetus. La CA le
condamne pour homicide involontaire en raison de l’échographie qui montrait un enfant vivant. De
plus, les photos montraient un enfant parfaitement formé dont la vie avait été interrompue en raison
du comportement du prévenu. De plus, si l’atteinte portée à l’enfant avait entrainé une lésion n’en-
trainant pas sa mort, la qualification de blessures involontaires aurait été retenue. La qualification
d’homicide involontaire doit être retenue.
30/06/99, la ch.crim de la Cour de cassation casse l’arrêt au visa du principe de l’interprétation
stricte de la loi pénale (art 111-4) et au motif que les faits reprochés au prévenu n’entrent pas dans
les prévisions de l’art 221-6 du CP.

CA Reims 03/02/00 DP 2000 comm. 54 condamne pour homicide involontaire une conductrice
d’un véhicule responsable d’un accident au cours duquel une femme est blessée et a perdu l’enfant
qu’elle portait au motif que l’enfant était viable et pouvait vivre de façon autonome, séparée du sein
de sa mère.
29/06/01 l’Assemblée plénière bulletin 115 qui rejette cette interprétation en énonçant que « le
principe de la légalité des délits et des peines qui impose une interprétation stricte de la loi pénale
s’oppose à ce que l’incrimination prévue par l’art 221-6 réprimant l’homicide involontaire d’autrui
soit étendu au cas de l’enfant à naitre dont le régime juridique relève des textes particuliers sur
l’embryon et le foetus »
Puis QPC qui conteste cette jurisprudence. La Cour de cassation refuse de transmettre au Conseil
constitutionnel cette QPC. ch.crim 12/06/2018.

Un recours a été intenté par une femme dont l’action a été rejetée par la Cour de cassation le
30/06/99 Dalloz 1999 p. 710 devant le CEDH. Elle soutenait que la position de la chambre crimi-
nelle conduisait la France à violer l’article 2 de la CEDH selon lequel « le droit de toute personne à
la vie est protégé par la loi ».
La CEDH considère que l’article 2 est inapplicable au foetus et que la France n’a pas violé ce texte
en ne retenant pas la qualification d’homicide involontaire à l’encontre du médecin dont les fautes
avaient été à l’origine d’une interruption de grossesse. 18/07/04 Dalloz 2004 p.2456 note J. Pra-
det.

§1 Appréciation de cette jurisprudence

Que penser de cette jurisprudence?

La Cour de cassation fait une interprétation curieuse du principe de l’interprétation stricte et recon-
nait parfois clairement le principe, or en l’espèce, l’utilisation du principe apparait comme un appel
au législateur d’intervenir.
Le recours à l’interprétation stricte de la loi pénale et le renvoi particulier aux textes sur le foetus a
amené le législateur à prévoir un amendement : IVG causé par maladresse, imprudence, inattention
ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence, les peines doivent être
doublées quand la faute commise était délibérée.

La commission des lois a fait adopter un sous-amendement qui spécifiait bien que ces
dispositions « ne sauraient faire obstacle au droit de la femme enceinte de recourir à une IVG ».
Malgré cela, la création de cette infraction a fait réagir les députés de l'opposition qui accusait JP
Garrot d’ouvrir la porte de la remise en question du droit à l’avortement car il sous entend l’attribu-
tion d’une qualité juridique au foetus ce qui a toujours été refusé par le Parlement et la Cour de cas-
sation donc les amendements furent retirés sous la pression de ceux qui craignaient la remise en
cause de la légitimé de l’IVG.

14
L’analyse de la jurisprudence de la chambre criminelle fait apparaitre des distinctions subtiles et dif-
ficiles à appréhender, elle a ainsi rejeté le pourvoi dirigé contre un arrêt qui avait retenu la responsa-
bilité pénale d’une personne ayant tardé à transférer dans un centre hospitalier un nouveau né atteint
à la face à la suite d'un accouchement, le nouveau né n’avait survécu que quelques heures et la faute
était en relation directe avec son décès apparaissant postérieurement : ch.crim. 13/11/2002.

La chambre criminelle avait rejeté le pourvoi formé par le procureur général contre la CA qui avait
condamné d’homicide involontaire l’auteur d’un accident dans lequel une femme enceinte de 8
mois était blessée, l’enfant n’avait survécu qu’une heure après la césarienne mais était décédé des
suites du traumatisme de l’accident qui avait lieu avant sa naissance : 2/12/2003.
Pourtant, ici aussi, la faute a été commise avant la naissance de l'enfant.

Il faut déduire de cela qu’il faut se placer non pas au moment des violences mais à l’heure du dé-
cès pour déterminer si, à ce moment-là, la victime (le fœtus) était bien une personne ; si elle était
bien cet autrui. En clair cela veut dire que même si le fœtus est à terme et qu'il subit un dommage,
s'il décède avant de naître il ne se passe rien. S’il décède une minute ou 10 secondes après la nais-
sance, alors là il y a homicide involontaire.

Focus : Les accidents de la circulation

Les véhicules autonomes amorcent une révolution du système automobile et il revient au législateur de pré-
parer l’arrivée de ces voitures autonomes et de construire un régime juridique adapté.

En France pour l’heure, nous en sommes à des dispositifs commercialisés qui se limitent à des systèmes se-
mi-autonomes qui s’apparentent davantage à une conduite assistée car ils ne peuvent se passer d’une supervi-
sion humaine. Mais des voitures d'essais entièrement autonomes sont déjà arrivées donc nous avons besoin
d’un plan juridique sur la responsabilité.

Nous devons établir un équilibre entre protection et sécurité et la nécessité de ne pas entraver le progrès tech-
nologique et l’innovation. A terme il faudra donc repenser le système juridique.

Aux Etats Unis, dans une affaire, les USA ont mis en cause un véhicule autonome. La responsabilité pénale
d’Uber n'a pas été engagée pour la mort d’une femme fauchée par l’un de ces véhicules autonomes.
Les faits remontent à mars 2018 à Tempeh Arizona, voiture sans conducteur humain, la voiture était sous
contrôle informatique. Le rapport préliminaire de l’enquête révèle que pendant les 6 secondes qui ont précé-
dées l’impact, le système de conduite a classé la femme successivement comme : objet inconnu, véhicule, bi-
cyclette. Le système avait anticipé une manœuvre de freinage pour atténuer la collision, mais il a été
configuré pour ne pas activer le freinage d’urgence quand il est piloté par l’ordinateur. La voiture n’est donc
pas à proprement parler autonome. Le rapport considérait que le système était en partie responsable de l’acci-
dent.

Le bureau du procureur écrit dans une lettre « après un examen très approfondi de toutes les preuves pré-
sentées notre bureau a déterminé qu’il n’y avait aucune raison pour engager la responsabilité pénale de la so-
ciété Uber ».

Peu de temps après, Trump a autorisé encore plus de voitures autonomes sur les routes ; il soutient que le dé-
veloppement de cette technologie permettrait à terme de réduire les accidents, d'améliorer la mobilité des
personnes âgées et handicapés…

En France, le décret 2018-211 du 28 mars 2018 relatif à l’expérimentation de véhicule à délégation de


conduite sur les voies publiques précise les modalités des textes nécessaires à la mise en circulation de ces
véhicules autonomes. Dans ce cadre, des sanctions pénales encadrent l’expérimentation. Rien n’est prévu
en dehors de l’expérimentation.

15
Qui est pénalement responsable ?

La responsabilité pénale est fondée sur le principe de responsabilité du fait personnel (article 121-1). Il
n’y a donc pas de responsabilité pénale du fait d’autrui et encore moins de responsabilité pénale du fait des
choses. Or le véhicule autonome a précisément pour intérêt d’agir à la place des individus.

§1 : L’expérimentation des véhicules autonomes au regard du droit pénal

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a habilité le gouverne-
ment à prendre par voie d’ordonnance des mesures pour permettre la circulation des véhicules à délégation
totale ou partielle de conduite. Cette loi vise les véhicules particuliers, de transports de personnes ou de mar -
chandises.

L’article 1 de l’ordonnance du 3 août 2016 prévoit que la circulation à des fins expérimentales d’un véhicule
autonome sur une voie ouverte à la circulation publique est subordonnée à la délivrance d’une autorisation
destinée à assurer la sécurité du déroulement de l’expérimentation. L’autorisation est délivrée par le ministre
chargé du transport. L’autorisation précise les sections de voirie et les trajets concernés ainsi que les fonc -
tions de délégation de conduite qui peuvent être activées.

La durée maximale de l’autorisation est de 2 ans renouvelable 1 fois.

En cas de manquement constaté à ces conditions d’expérimentation, le ministre en charge des transports
peut suspendre l’autorisation pour une durée de deux mois ou il peut la retirer.
En cas d’évènement de nature à porter atteinte à la sécurité, le ministre peut décider, soit de subordonner le
maintien de l’autorisation à des conditions supplémentaires, soit de la suspendre pour une durée maximale de
2 mois, soit de la retirer. Cette décision peut porter sur le véhicule impliqué mais également sur toute la flotte
de véhicules concernée par l’autorisation.

Le texte précise que les sanctions peuvent être cumulées à celles prévues à l’article R610-5 CP qui incrimine
le manquement aux obligations édictées par décret des peines de la contravention de la première classe.

Le non-respect des conditions pourrait aussi caractériser le délit de risque causé à autrui de l’article 223-1,
si ce non-respect expose directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entrainer une mu-
tilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de
prudence ou de sécurité imposée par le règlement.
L’agent encoure un an d’emprisonnement et 15 000€.

§2 La responsabilité pénale des véhicules autonomes

Le décret du 28 mars 2018 énonce un principe qui est susceptible d’influencer les règles de la responsabilité
pénale : « lors de l’activation des fonctions de délégation de conduite, le conducteur est, à tout instant, en ca-
pacité de prendre le contrôle du véhicule, notamment en cas d’urgence. S’il se trouve à l’extérieur du véhi-
cule, il doit être en mesure d’en prendre le contrôle à tout moment ».
Ce principe consacre la responsabilité du conducteur.

Le conducteur c’est la personne qui assume la direction d’un véhicule. Le terme direction ne se limite pas
seulement à la maitrise du volant ou des pédales. Ainsi, la jurisprudence qualifie de conducteur le moniteur
d’auto-école plutôt que l’élève dès lors que ses commandes sont prioritaires : Ch. Civ. 2ème, 28 mars 2013.

Celui qui maitrise le véhicule autonome conserve les mêmes obligations que le conducteur d’un véhicule
classique. C’est à dire des obligations de l’art. R412-6 du code de la route : il doit se tenir constamment en
état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manœuvres qui lui incombent.

Dans le code de la route, la responsabilité pénale incombe en principe au conducteur du véhicule: art
L.121-1 Code de la route.
16
Ceci dit, lorsqu’on n’arrive pas à identifier le conducteur c’est le titulaire du certificat d’immatriculation qui
est redevable pécuniairement de l’amende : art. L121-3.
Cependant, il ne s’agit ici que du paiement de l’amende, l’infraction ne sera pas inscrite au casier judiciaire.

Mais dans le cas du conducteur d'un véhicule autonome, il ne s’agit que d’une obligation au paiement car la
condamnation ne peut pas entraîner :

- Le
retrait de points du permis de conduire
- Une
prise en compte dans le casier judiciaire
- Une
prise en compte de la récidive

De plus, la difficulté est l’identification plus délicate du conducteur car il ne se trouve pas forcément au vo-
lant.

En cas d’accident, la circulation du véhicule autonome perturberait l’application de la responsabilité pénale.

Le conducteur d’un véhicule classique est qualifié d’auteur direct lorsqu’il y a une infraction dans le cadre
d’un accident de la circulation. L’auteur indirect est celui qui a contribué à créer la situation à l’origine du
dommage ou c’est celui qui n’a pas pris les mesures qui auraient permis d’éviter le dommage.

Le législateur devra intervenir sur ce point mais en attente de législation, on peut penser que l’opérateur
d’un véhicule autonome devrait être considéré comme un auteur direct car si on retient que c’est un au-
teur indirect, il y a tout lieu de penser qu’il serait exonéré de responsabilité. C’est donc la question de
l’intensité du lien de causalité qui est importante ici. Tout dépend de savoir si l’opérateur peut s’en remettre à
l’intelligence artificielle car si tel est le cas on ne voit pas comment une faute d ’imprudence pourrait lui être
imputée.

Depuis le décret de 2018 ces interrogations n’ont plus lieu d’être.


Si la victime est le conducteur, ce qui n’est pas un cas théorique, dans ce cas là, l’action publique pourra être
dirigée contre le concepteur ou contre le titulaire de l’autorisation, en fonction des circonstances.

On peut penser qu’il n’y aura pas de mouvement de dépénalisation des infractions routières au regard de ces
véhicules autonomes.

15/10/21

Thème 5: infractions de mise en danger


Infractions du chapitre 3 titre 2 du CP.

De la mise en danger de la personne


Réelle dénomination: des risques causés à autrui

Chapitre 1: les risques causés à autrui

Articles 223-1 à 223-2.


Infractions instituées avec le nouveau CP.
Avant, le seul fait d’exposer autrui à un risque ne constituait pas une infraction quand aucun dom-
mage ne résultait de cette action.
Depuis le nouveau code pénal, il sanctionne le fait d’exposer directement autrui un risque immédiat
de mort ou de blessures de nature à entrainer une mutilation ou infirmité permanente par violation
manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou sécurité imposée par la loi ou
le règlement.
17
Délit puni d’1 an et de15 000€.
L’infraction a fait l’objet de nombreux commentaires car elle est déstabilisante.

C’est la seule infraction non intentionnelle qui se consomme indépendamment de la réalisa-


tion d’un dommage. C’est un délit obstacle.
Les infractions obstacles sont celles qui visent à éviter qu’un dommage se réalise.
Y. Mayaud: « c’est parce qu’il représente un dommage en soi que les risques visés sont sanctionnés
indépendamment de leur suite eu égard à leur simple potentialité ».

Le mécanisme juridique consiste à sanctionner très en amont des comportements dangereux pour
éviter qu’ils ne donnent lieu à la réalisation d’un dommage dont les conséquences pourraient être
lourdes.
Ce n’est pas une infraction formelle (qui elle, se consomme indépendamment de la survenance du
résultat). Elle diffère car si le résultat redouté vient à se produire, alors il est constitutif d’une autre
infraction alors que dans l’infraction formelle, la qualification reste la même que le dommage sur-
vienne ou non.
Dans le cas du délit d’exposition d’autrui à un risque, si le dommage se réalise à raison de la
concrétisation du risque, le comportement sera qualifié d’atteinte involontaire à l’intégrité physique
ou à la vie (selon la nature du dommage causé).

L’infraction peut être rapprochée aux personnes morales et 223-2 prévoit spécialement la répression
de la personne morale.
131-38: quintuple de peine pécuniaire et peines complémentaires.
Décision 16/11/16 ch.crim n° 15-85 949 qui consacre le cumul de qualification entre le délit de
risque causé à autrui et les contraventions pour conduite à une vitesse excessive.
Cumul aussi avec l’infraction de dépassement non autorisé et avec l’infraction de dépassement d’un
véhicule sans visibilité.
Dans cette décision, les juges décident que le délit et les contraventions considérés, diffèrent dans
leurs éléments constitutifs. Le premier n’était pas caractérisé par la seule inobservation des prescrip-
tion réglementaires et le délit de risque causé à autrui et les contraventions aux codes de la route
protègent des intérêt distants: le premier vise à protéger les personnes d’une exposition directe à un
risque immédiat de mort ou de blessures graves, le second s’inscrit dans un ensemble de disposi-
tions règlementaires ayant pour objet la police de la circulation routière.

Eléments constitutifs:
Elément matériel
exposition d’autrui à un risque découlant de la violation d’une obligation et une faute de mise en
danger délibérée pour l’élément moral.

I. L’exposition d’autre par la violation d’une obligation


Pour caractériser le délit de risque causé à autrui, le juge pénal cherche la violation d’une obligation
et l’exposition d’autrui à un risque.

A. La violation d’une obligation

L’obligation doit être une obligation issue d’un texte législatif ou règlementaire et doit concerner la
prudence ou la sécurité; il doit s’agir d’une obligation particulière.

Obligation légale ou réglementaire

Pour être consommé, le délit exige la violation d’une obligation posée par la loi ou le règlement.

18
La notion de loi ne pose pas de difficulté.
Pour le règlement, la doctrine s’est interrogée pour savoir s’il fallait entendre règlement au sens
constitutionnel du terme ou de n’importe quelle règlementation comme le RI d’une entreprise.
La jurisprudence s’entend sur « le règlement au sens de l’article 223-1 CP s’entend des actes des au-
torités administratives à caractère général et impersonnel » ch.crim 10/05/00 n° 99-80 784 bulletin
183.
Cas de l’immeuble insalubre dont il fallait remettre en conformité: pas assez général et impersonnel.

La Cour de cassation contrôle le respect de cette condition et censure les décisions des juridictions
de fond quand ces décisions ne précisent pas l’obligation imposée par une loi ou un règlement qui
auraient été violés. Voir ch.crim 12/01/16 n° 14-86 503 revue sc.crim 2016 p. 12 note Maillot.

Justifie sa décision, la cour déclarant coupable de risque causé à autrui un prévenu qui dans le cadre
de sa profession de naturopathe pratique dans des conditions d’hygiène insuffisantes avait procédé à
des injections intradermiques, intramusculaires et intraveineuse dans les phalanges d’une victime.
Le juge considère que le prévenu ne pouvaient ignorer qu’il violait en agissant ainsi, l’interdiction
de pratiquer illégalement la médecine: ch.crim 12/06/19 n° 18-80687.

Obligation de prudence ou sécurité

121-3 al. 3 CP
Obligation particulière: les obligations à caractère général ne sont pas suffisantes pour retenir l’in-
fraction. Idée que le délit de risque causé autrui ne soit pas détourné par une mise en oeuvre trop
fréquente. Ce n’est qu’en cas de règlementation précise que le délit pourra être envisagé.
Si la règlementation n’est pas assez précise, ce n’est que si la violation a généré un dommage que
l’auteur pourra être sanctionné mais pas au titre des risques causés à autrui.

Arrêt CA Grenoble 19/02/99 Dalloz 99 p. 480 Note Renaud qui exprime une nuance: « la distinc-
tion entre l’obligation générale de prudence qui pèse de façon subjective sur tout un chacun et serait
de nature à amener sa condamnation en cas de blessure ou d’homicide subséquent et la règlementa-
tion qui pose des règles objectives précises immédiatement perceptibles et clairement applicables de
façon obligatoire sans facultés d’appréciation individuelle du sujet est le critère de la notion même
d’obligation légale ou règlementaire dont la violation serrait susceptible d’entraîner la responsabili-
té pénale dans le cadre de la mise en danger ».
Est une obligation particulière de prudence ou sécurité celle « qui impose un modèle de conduite
circonstancié précisant exactement l’attitude à avoir dans telle ou telle situation ». Dalloz 94 chro-
nique 53.

La Cour de cassation a jugé que le maire et le préfet de police ne pouvaient pas être déclarés cou-
pables de cette infraction en ne prenant pas des mesures suffisamment utiles au contrôle des émis-
sion polluantes dans l’atmosphère.

—> La chambre avait informé en affirmant que l’art 131-2-60 du code des communes qui confiait
au maire de façon générale le soin de prévenir et faire cesser tout événement survenant sur le terri-
toire de sa commune et de nature à compromettre la sécurité des personnes. Ceci ne crée pas à sa
charge une obligation particulière de prudence et sécurité au sens de 223-1 en raison du caractère
général de ces prescriptions.
Le décret du 13/05/74 relatif à la surveillance de la qualité de l’air des agglomérations laisse au pré-
fet toute liberté d’appréciation dans la mise en oeuvre des procédures d’alertes de la pollution et
n’impose pas à leur sujet d’obligation particulière de sécurité ou de prudence (ch.crim 25/06/96)

En matière médicale

19
18/03/08 bulletin 76: la Cour de cassation a cassé la décision qui retenait le délit de risque causé à
autrui à l’encontre d’un médecin de garde en raison de diverses violations de déontologie (art 32 et
33 du code de déontologie médicale). Pour la Cour de cassation, ces règles de déontologies ne sont
pas des obligations particulières de prudence ou sécurité posées par la loi comme 223-1 CP.

06/10/09: n’est pas une obligation particulière de prudence, le non respect par un infirmer d’une
prescription médicale.

Mais la chambre criminelle admet dans un arrêt du 29/06/10 l’inverse, concernant un gynécologue
qui a assuré pendant plusieurs années le suivi de patientes ayant des troubles de fécondité et leur
avait appliqué des traitements de stimulation ovarienne et sa responsabilité a été retenue car la prise
en charge et le suivi médical n’avait pas été réalisé conformément aux règles de l’art et les soins ap-
pliqués avaient constitué pour elles un danger certain.

B. L’exposition d’autrui à un risque

Le risque doit être grave car risque de mort ou de blessures qui entraînent une mutilation/infirmité
permanente.
La difficulté va se poser quant à l’appréciation de ce risque. Par hypothèse, le risque n’est pas réali -
sé.
Si un accident se produit mais par chance, il n’y a personne sur les lieux alors on évalue facilement
les conséquences du risque pris mais situation plus délicate dans d’autres cas.
La jurisprudence semble se contenter d’une appréciation abstraite du risque en retenant que le fait
de déclencher une avalanche est de nature à provoquer la mort du skieur.

Il faut une exposition directe et immédiate.


La Cour de cassation fait référence à l’exigence d’un lien immédiat entre la violation des prescrip-
tions et le risque (ch crim. 16/02/99 bulletin 24/ 04/10/05 bulletin 250).

En matière de transports
11/02/98 bulletin 57: est condamné pour risques causés à autrui le commandant d’un navire qui
avait assuré un transport en surcharge de 112 personnes. La Cour de cassation considère que le
risque de naufrage était présent même par jour et de beau temps.

Constitue le délit pour un chauffeur de transports, un maire et un conseiller départemental d’avoir


franchi de manière intentionnelle un feu rouge en pleine journée près d’une gare. Les juges re-
tiennent que ce n’est pas juste le non respect d’une règle de circulation routière (qui en elle même
est insuffisante pour caractériser le délit) mais une infraction dans un quartier urbain à forte af-
fluence et qu’il avait exposé les usagers de la voie transversale qui bénéficiaient d’un droit de prio-
rité absolu à un risque de blessures graves ou de mort 06/06/00 bulletin 213.

A l’inverse, la Cour de cassation sanction les juges fond s’ils ne caractérisent pas suffisamment les
risques pris par l’auteur de la violation en disant que le seul dépassement de la vitesse autorité ne
suffit pas à retenir le délit -> ch.crim 16/12/15 n° 15-80 916.
Pour les juges, il faut en plus de l’excès de vitesse, un comportement particulier sans lequel le
délit de risque causé à autrui pourrait être étendu à des comportements qui ne constituent que
de simples contraventions.

En matière de protection des travailleurs


Matière où l’incrimination trouve application quand est mise en jeu la sécurité des travailleurs. Ar-
rêt 19/04/17 n° 16-80 695: la Cour de cassation approuve la CA de Bastia qui reconnaît le délit en
matière d’exposition des travailleurs aux poussières d’amiante. La ch.crim indique que le non res-

20
pect des obligations règlementaires relatives à la protection contre les risques liés à l’exposition des
poussières d’amiante expose de manière directe et immédiate à un risque de mort etc tenant au
risque probable de développer un cancer des poumons dans les 30 à 40 ans d’inhalation.

Il n’est pas nécessaire que les fautes reprochées au prévenus soient la cause exclusive du danger
(30/10/07 bulletin 261).

II. L’élément moral

La chambre criminelle exige une faute délibérée.


L’infraction est la consécration du dol éventuel. Le texte précise que la faute de l’auteur doit résulter
d’une violation manifestement délibérée d’une obligation ce qui fait référence à l’alinéa 2 de l’art
223-3.

Difficulté: l’infraction se situe aux confins de l’infraction intentionnelle et non intentionnelle.


Il faut démontrer que la violation de l’obligation a été manifestement délibérée, l’auteur avait bien
conscience du risque mais il espérait que le résultat ne se produirait pas.
L’élément moral se trouve à mi-chemin entre l’intention et l’imprudence consciente.

Parfois la jurisprudence a pu retenir cette qualification comme la ch. crim le 09/03/99.

Focus suicide et droit pénal

Le suicide n’est pas une infraction pénale, pas d’incrimination spécifique au suicide. La qualifica-
tion de meurtre ne peut s’appliquer puisque le meurtre consiste à donner la mort à autrui et autrui
est quelqu'un de différent de soi-même.
L’absence d’incrimination du suicide a suscité des difficultés mises à jour dans l’affaire suicide
mode d’emploi. Donc le législateur est intervenu pour combler les lacunes de la législation en la
matière.

• En 1982, C. Guillon et Y. Le Bonniec publient « Suicide mode d’emploi » avec le sous-titre « his-
toire, techniques, actualités ».
Chapitre 10: éléments pour un guide du suicide avec l’exposé de méthodes. Tiré à 100 000 exem-
plaires.
->Un homme dépressif l’a acheté et trouvait ça imprécis alors il a écrit à l’auteur concernant la dose
létale prescrite. L’auteur lui a répondu et grâce aux renseignements, l’homme mis fin à ses jours par
intoxication médicamenteuse.
Les auteurs du livre sont poursuivis et condamnés pour non assistance à personne en danger par le
TGI de Paris 20/11/85 Dalloz 86 p. 369 et confirmé par la ch.crim 26/04/88 bulletin 178.

La qualification de non assistance (art 223-6 CP) ne reflétait pas la relation du comportement qu’on
pouvait reprocher aux auteurs. Ils ne s’était pas seulement abstenus d’aider la personne mais lui
avaient fournis des renseignements pour le suicide donc il s’agit plus d’une complicité par fourni-
ture de moyens mais en raison de la théorie de l’emprunt de criminalité: l’infraction est répressible
que si l’infraction principale l’est aussi. Mais en l’espèce, pas d’infraction principale car le suicide
n’est pas répressible.
Donc loi du 31/12/87, le législateur crée deux incriminations: la provocation au suicide (dans le
champ des infraction de mise en danger: 223-13) et propagande/publicité du suicide (art 223-14).

De la provocation au suicide

21
Art 223-13 al.1 sanctionne le fait de provoquer au suicide d’autrui si celui-ci a été tenté ou réalisé
—> 3 ans et 45 000€.
5 ans et 75 000€ quand victime la victime est un mineur de 15 ans.

TGI de Lille 05/04/1990: au cours d’une soirée où circulent des stupéfiants, une fille a des idée sui-
cidaires et tente d’obtenir de l’aide auprès d’un ami qui au lieu de la secourir lui tend un couteau en
disant « tiens si tu veux te foutre en l’air ». Elle saisit le couteau et se poignarde. Le tribunal relaxe
le prévenu et dit que le geste était équivoque et qu’il aurait pu ramener la fille au bon sens. C’est
moins une provocation qu’une complicité par fourniture de moyens (mais pas répressible vu au des-
sus).

Ce nouveau délit ne résout pas la question de fourniture de moyens qui n’est toujours pas punis-
sable.
La caractérisation de cette infraction intentionnelle peut susciter des difficultés.
Question de savoir dans l’arrêt de Lille si le prévenu avait l’intention de pousser la victime au sui-
cide ou l’intention de la ramener à la raison?
Pour que la provocation soit punissable, elle doit être directe et individualisée.
La provocation collective n’est pas une infraction punissable.
La publication d’un nouvel ouvrage ne saurait être une infraction.
Donc la loi du 31/12/1987 crée l’infraction de propagande.

B. Propagande et publicité en faveur du suicide

Art 223-14
3 ans et 45 000€ pour la propagande ou publicité quelqu’en soit le mode, en faveur du produit,
d’objets ou de méthodes préconisées comme les moyens de se donner la mort.

Ce texte aurait pu s’appliquer à l’affaire suicide mode d’emploi.


A la suite d’une réédition, l’éditeur a été condamné sur le fondement de cet article par le TGI Paris
11/04/1995 JCP 1996 2 e partie n° 22 729 note Lucas-Gallay.
Pas nécessaire que les moyens aient été mis en oeuvre.
Quand la provocation et la propagande ont lieu par voie de presse, application des dispositions spé-
cifiques par la loi du 29/07/81 où on met en oeuvre la responsabilité en cascade du directeur de la
publication, à défaut de l’auteur, à défaut de l’imprimeur, du distributeur, des lecteurs.
Double positionnement possible.

19/10/21

Chapitre 2: de l’entrave aux mesures d’assistance et de l’omission de porter secours

Art 223-5 à 223-7-1 CP.


L’ancien CP ne connaissait pas d’infractions d’omission et le principe de la légalité criminelle inter-
disait qu’on assimile une omission à une commission.
Voir affaire Maunier dite de la séquestrée de Poitiers qui donne lieu à l’arrêt de la CA de Poitiers
du 20/11/1901.

Le législateur a à la suite du scandale progressivement incriminé des abstentions délictueuses, indé-


pendamment de toute obligation préexistante. Donc sont apparus dans le CP, l’omission de porter
secours, plusieurs cas de non dénonciation fautive comme la non dénonciation de crime, de mauvais
traitements envers un mineur de 15 ans.

22
Quand le nouveau Code a été adopté, la catégorie des infections d’omission s’est dédoublée. Cer-
taines incriminations ont été rangées dans les atteintes à la justice (infraction de non dénonciation)
et les autres rattachées aux infractions de mise en danger de la personne.

Aujourd’hui, au sein des infractions de mise en danger, une section est consacrée à l’entrave aux
mesures d’assistance et à l’omission de porter secours.

Le CP prévoit 4 infractions:
- l’entrave à l’arrivée des secours 223-5
- Non obstacle à la commission d’une infraction 223-6
- Omission de porter secours 223-6
- Abstention de combattre un sinistre 223-7.
I. L’entrave à l’arrivée des secours

L’article 223-5 incrimine le fait d’entraver volontairement l’arrivée de secours destinées à faire
échapper une personne à un péril imminent ou à combattre un sinistre présentant un danger pour la
sécurité des personnes.
Cette incrimination a été crée lors de l’adoption du nouveau CP pour combler une lacune de l’an-
cien CP.
Sous l’empire de l’ancien CP, le fait de faire entrave aux mesures d’assistance n’était pas punissable
en soi.
N’étant pas punissable, la qualification d’omission de porter secours à personne en péril n’était pas
toujours applicable, des situations demeuraient impunies.

Les sanctions encourues sont de 7 ans et 100 000€ pour l’entrave à l’arrivée des secours alors que
pour l’omission de porter secours et 5 ans et 75 000€.

A. Eléments constitutifs

223-5 incrimine le fait d’entraver volontairement l’arrivée de secours destinés à faire échapper une
personne à un péril imminent ou à combattre un sinistre présentant un danger pour la sécurité des
personnes.

L’élément matériel suppose une situation de péril imminent ou de sinistre présentant un danger pour
la sécurité des personnes et une entrave à l’arrivée des secours.

• Pour la situation de péril ou sinistre


L’infraction est constituée soit quand le péril est imminent, soit quand le sinistre présente un danger
pour la sécurité des personnes (cas d’une personne qui va entraver l’arrivée des pompiers lors de
l’incendie d’un immeuble).

• Pour l’entrave à l’arrivé des secours


223-5 incrimine l’entrave dès qu’on se trouve dans l’une des deux situations énoncées: la forme de
l’entrave importe peu: il peut s’agir de violences exercées à l’encontre des sauveteurs ou de dégra-
dations apportées à leurs véhicule ou la diffusion de fausses informations de nature à entrainer des
retards dans l’arrivée des secours.

Mais, l’entrave à l’arrivé des secours n’est pas une infraction de résultat. Peu importe que les se-
cours aient été effectivement retardés.

23
L’entrave doit être réelle mais il est indifférent que l’entrave ait eu des résultats et ait effectivement
empêché les secours d’arriver.

• Pour l’arrivée des secours


Toutes les formes de secours sont concernées: pompiers, médecin, Samu, urgences médicales, po-
lice, gendarmerie. Rien n’empêche que 223-5 s’applique à d’autres types de secours comme des
guides de haute montagne pour chercher des alpinistes égarés. L’incrimination s’applique aussi au
matériel de secours destiné au sauvetage.

Element moral

Infraction intentionnelle.
L’auteur doit avoir la connaissance ou au moins la conscience d’un péril imminent ou d’un sinistre
menaçant des personnes.
L’auteur doit avoir délibérément entravé l’arrivée des secours.

B. La répression de l’infraction

La tentative du délit d’entrave à l’arrivée des secours n’est pas prévue par le CP donc pas punis-
sable.
Les personnes morales peuvent être pénalement responsables selon les règles de droit commun voir
121-2 CP.
Prescription de 6 ans à compter des faits selon règles de droit commun prévue à l’art 8 CPP.

L’infraction est susceptible de causer un préjudice donc justifie l’exercice de l’action civile.
Puni de 7 ans et 100 000€.
La peine de sanction réparation est prévue à la place ou en même temps que la peine d’emprisonne-
ment si la juridiction le décide selon les modalités prévues par 131-8-1 du CP.

• interdiction droits civils, civiques et de famille selon les modalités prévues par 131-26.

II. Le non obstacle à la commission d’une infraction et la non assistance à personne en péril

Art 223-6 n’a pas modifié le libellé de l’ancien article 62 al. 1 et 2 du CP (sauf pour les peines)
donc ça signifie que la jurisprudence antérieure rendue sous l’ancien CP conserve son intérêt.

Le code pénal de 1810 ignorait les infractions d’abstention en elle-même


À partir de la fin du 19e siècle, l’abstention fautive a commencé à être incriminée de façon partielle
puis progressive.

Loi du 25/10/1941 qui incrimine l’obligation de dénoncer les crimes et projets de crimes contre les
personnes et l’obligation de secourir une personne en danger.

Aujourd’hui, 223-6 incrimine deux comportements différents qui sont susceptibles de mettre en
danger des personnes:
- non obstacle à la commission d’une infraction
- non assistance à personne en péril
A. Non obstacle à la commission d’une infraction

24
L’article 223-6 al. 1 sanctionne quiconque pouvant empêcher par son action immédiate sans risque
pour lui ou pour les tiers, un crime ou un délit contre l’intégrité corporelle de la personne, s’abstient
volontairement de le faire.
Fondement de 223-6: solidarité. Obligation de solidarité qui s’impose à tous.

Le non obstacle à la commission d’une infraction exige au titre d’une condition préalable, l’exis-
tence d’un risque d’infraction.
En l’absence de ce risque, l’article 223-6 ne pourra pas trouver application. Raison pour laquelle en
cas de suicide, le non obstacle à la commission d’un suicide ne pourra pas être retenu car le suicide
n’est pas une infraction: 23/04/1971 bulletin n°116.

Seules les infractions d’une certaine gravité sont concernées: l’ensemble des crimes et délits contre
l’intégrité de la personne. Sont exclus, les contraventions et tous les autres délits autres que ceux
contre l’intégrité de la personne = délits contre les biens).

Cette incrimination a été appliquée à de nombreux crimes, dont à l’encontre du témoin d’une partie
de roulette russe se trouvant à 2 m des autres et n’étant pas intervenu avant les coups mortels
16/09/1992 n°92-83082 (note 4 ss. Art 223-6 Code).

Le texte désigne l’ensemble des délits: atteinte matérielle à la personne, violences, homicides invo-
lontaires etc.

Ainsi l’incrimination a été appliqué:


— à un gendarme qui avait laissé exercer en sa présence des violences à l’égard d’un détenu par des
personnes employées sous sont autorité 23/03/1950 n° 109 (note 4 ss. Art 223-6 Code).

—personnes qui ont assisté à des scènes d’agression sexuelle sur une personne handicapée sans les
empêcher alors qu’ils connaissaient les auteurs de l’infraction. Selon la CA, ils avaient nécessaire-
ment conscience de l’absence de risque pour intervenir et protéger la victime 07/07/2000 JCP éd.
générale 2001 4 e partie n° 1469 (note 4 ss. Art 223-6 Code).

—le prévenu concubin de l’auteur des violences habituelles et durables sur ses propres enfants se
rend coupable de non obstacle à la commission d’un délit contre les personnes dès lors qu’il avait la
possibilité de s’opposer aux violences sans danger pour lui CA Grenoble 09/12/2005.

CA Nancy 25/04/2002: les deux derniers participants d’une soirée arrosée aux termes de laquelle un
participant a causé un accident de la circulation constitutif d’un homicide involontaire se rendaient
coupable du délit de non obstacle dès lors qu’ils étaient parfaitement conscients de l’état d’ivresse
et qu’ils pouvaient empêcher l’infraction réalisée (note 4 ss. Art 223-6 Code).

Il faut une abstention volontaire: la disposition ordonne d’intervenir pour empêcher la réalisation
de cette infraction.
Infraction intentionnelle.

A. infraction ordonnée

L’intervention doit avoir eu lieu avant le début de la réalisation de l’infraction, ou du moins avant
que l’infraction n’ait été complètement consommée. On doit intervenir dès que le projet d’infraction
est connu et intervenir pour empêcher la commission de l’infraction.
Peu importe la forme de l’intervention, le plus souvent l’intervention est personnelle mais ça peut
être par le recours à un tiers si c’est le meilleur moyen d’empêcher la réalisation de l’infraction.
L’intéressé doit choisir le moyen le plus adapté pour empêcher la réalisation de l’infraction.

25
Selon la jurisprudence, une intervention simplement verbale est la plupart du temps jugée in-
suffisante. La ch.crim a rejeté le pourvoi qui avait condamné des spéléologues qui ne s’étaient op-
posés que verbalement à l’intervention d’un autre qui voulait couper les cordes d’une remontée
d’autres spéléologues 26/03/2002.

La loi exige une intervention mais uniquement de moyens et non de résultat. Celui qui peut agir
doit le faire dans la limite de ses possibilités. La survenance de l’infraction malgré son intervention
ne le rend pas coupable de l’infraction.

Si malgré l’abstention fautive, l’infraction n’a pas eu lieu, celui qui était tenu d’agir et qui ne l’a pas
fait peut être reconnu coupable à défaut d’obstacle à la commission d’une infraction.

Le législateur incrimine non une intervention coupable mais n’encourage pas l’héroïsme= seule-
ment si l’auteur pouvait agir sans risque pour lui ou pour les tiers.
= soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond, doivent caractériser le risque existant.

La jurisprudence dit que seul le risque pour l’intégrité physique est admis en jurisprudence.
Ch.crim. 04/05/51 bull. n°121 (note 4 ss. Art 223-6 Code): la crainte d’être quittée par un amant
n’a pas été considéré comme suffisante pour excuser la passivité de cette femme face au projet de
l’amant d’assassiner son époux.

Sévérité de la jurisprudence s’agissant d’évaluer la gravité du risque encouru.


Il a été jugé que cette obligation qui impose à un éducateur d’empêcher par une action immédiate
un délit contre l’intégrité corporelle d’une personne qui, alors qu’une telle action sans risque pour
lui même doit prévaloir sur la crainte que peut compromettre l’efficacité de l’action de prévention et
de sacrifier ainsi un intérêt hypothétique Crim 21/11/74 n°93-52.573 (note 9 ss. Art 223-6 Code).

Une CA a considéré qu’après une soirée arrosée, était fautif le non obstacle de certains à l’encontre
d’un autre qui envisageait de prendre le volant en étant d’ivresse. La CA de Nancy le 25/04/2002
dit que « leur devoir d’humanité leur commandait de donner la priorité à la sécurité des usagers de
la route contre un danger immédiat et non à leur amitié ». Le conflit psychologique en résultat
n’était pas de nature à les libérer de leur obligation.

B. L’intervention commandée

Prévenu conscient qu’une intervention efficace était possible et connaissance de l’infraction proje-
tée.
On ne peut reprocher à quelqu'un de s’être abstenu s’il ne savait pas le danger.
La jurisprudence se montre très exigeante à cet égard.

Un médecin dans le service de gériatrie dans un hôpital qui avait constaté des maltraitances sur les
patients par le personnel est coupable car il aurait pu agir sans compromettre le secret médical Crim
23/10/2013 n° 12-80793 (note 7 ss. Art 223-6 Code).

B. La non assistance à personne en péril

223-6 al. 2 CP
Punit le fait pour quiconque de s’abstenir volontairement de porter à une personne en péril l’assis -
tance que sans risque pour lui ou les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle soit en
provoquant un secours.

26
3 éléments dans l’infraction : une personne en péril; assistance non fournie; abstention volon-
taire.

Une personne en péril

Le délit exige l’existence d’une personne vivante. La Cour de cassation a appliqué l’incrimination à
un nouveau né a propos d’un médecin s’ayant abstenu d’apporter à l’enfant l’assistance qu’il aurait
dû lui prêter alors que l’enfant était en état de péril du fait de sa naissance clandestine 23/06/1955
bulletin 320 (note 32 ss. Art 223-6 Code).

La Cour de cassation le 02/04/1992 bulletin 140 a admis l’application de la non assistance à per-
sonne en péril à l’égard d’un enfant à naitre en admettant la condamnation sur le fondement de cette
infraction d’un médecin qui a tardé à intervenir sur les appels d’une sage femme qui l’avait averti
de la nécessité de pratiquer une césarienne immédiate.

Difficulté au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation qui refuse de faire application de


l’infraction d’homicide involontaire sur l’enfant à naitre.

Il faut un péril (condition d’intervention). Le CP ne définit pas le péril mais la jurisprudence est
abondante, ce qui permet de délimiter les contours: elle précise la gravité et la nature du péril. Elle
pose le principe de l’exigence d’en avoir conscience.

Le péril doit être réel et la jurisprudence retient le péril quand celui-ci porte sur la vie, la santé ou
l’intégrité physique.
Un péril simplement éventuel/hypothétique ne pourra pas caractériser l’infraction.

La jurisprudence a fait une condition de l’imminence du péril bien que ce ne soit pas dans le texte.
Si le péril n’est pas imminent, pas d’infraction.
-> Est relaxé l’employé d’une boite de nuit qui a trouvé un client inconscient devant la porte et l’ont
installé dans son véhicule parce qu’il est établi qu’un laps de temps s’est écoulé entre la sortie du
client de la boite et son départ. Au moment où il était installé dans son véhicule, il ne se trouvait
plus en état de danger: CA Poitiers 03/02/1977 dalloz 1978 p. 34 Note Couvrat (note 19 ss. Art
223-6 Code).

Le péril doit être actuel et imminent, ce qui explique l’absence d’infraction si le péril a disparu
comme le décès de la victime.
Si la victime est simplement mortellement blessée, la non assistance pourra être retenue.

Nature du péril: non précisé par la loi ni de l’origine. Aucune distinction faite.
La loi exige seulement que ce péril (quelque soit l’évènement dont il résulte) soit imminent et
constant et nécessite une intervention immédiate.

Infraction retenue pour les prévenus qui ont refusé de déposer la victime dans un HP après qu’elle
ait manifesté des troubles psychotiques graves juste après la consommation de drogues de synthèse
CA D’Aix 13/04/2006.

• La situation peut présenter des difficultés si la personne refuse le secours qui lui est proposé (en
refusant des soins par ex).
Le problème se pose quand des personnes invoquent leur conviction religieuse pour s’opposer aux
secours comme la transfusion sanguine avec les témoins de Jéhovah.
La jurisprudence considérait que le secours devait être malgré tout porté, malgré le refus (TC
La Seine 11/05/1965 Dalloz 1965 sommaire p. 111).

27
Le simple fait pour des parents de témoins de Jehovah de s’opposer à la transfusion sanguine de
leur enfant n’est pas constitutif de l’infraction dès lors qu’ils avaient été avertis qu’en cas de refus
de la transfusion, il serait quand même procédé à la transfusion TGI Besançon 29/05/1998 (note 43
ss. Art 223-6 Code).

Une CAA avait considéré à propos de témoins, que ne saurait être jugé fautif le comportement de
médecins qui dans une situation d’urgence quand le pronostic vital est en jeu et en absence d’alter-
natives thérapeutiques, pratiquent les actes indispensables à la survie du patient et proportionnés à
son état, fussent en pleine connaissance de la volonté préalablement exprimée par celui-ci de les re-
fuser pour quelque motif que ce soit CAA Paris 09/06/1998 (note 44 ss. Art 223-6 Code).

Le CE a jugé que si le refus du patient est une LF, les médecins ne portent pas à cette LF une
atteinte grave et manifestement illégale quand après avoir tout mis en ouvre pour convaincre un
patient d’accepter les soins indispensables, ils accomplissent dans le but de tenter de le sauver un
acte indispensable à sa survie et proportionnée à son état. Le CE ordonna ce référé le 16/08/2002
JCP 2002 2e partie n° 10 184 Note Mistretat (note 46 ss. Art 223-6 Code).

Aujourd'hui cette solution parait devoir être remise en cause au moins partiellement compte tenu de
la liberté du patient consacré à L111-4 C santé publique-> toute personne a le droit de refuser ou de
ne pas recevoir un traitement. Le médecin est tenu de respecter la volonté de la personne après
l’avoir informé des conséquences de ses choix et que si par sa volonté de refuser ou d’interrompre
tout traitement, la personne met sa vie en danger, elle doit réitérer sa décision dans un délai raison-
nable. Ce dispositif protège la volonté du patient.

Lire F. Alt-Maes loi sur la fin de vie devant le droit pénal JCP 2006

—>La non assistance suppose la conscience du péril, la jurisprudence a affirmé que le délit est
constitué dès lors que le prévenu dont le concours est demandé ne pouvait se méprendre sur la gra-
vité du péril auquel se trouvait exposé une personne et qu’il s’est volontairement abstenu de lui por-
ter secours 17/02/1972 bulletin 68 (note 26 ss. Art 223-6 Code).

Le principe pose des difficultés en matière médicale quand un praticien ne demande pas assez de
renseignements sur l’état de la victime et le péril qui la menace.
Le médecin qui négligerait de demander de précisions se met lui même dans l’impossibilité de juger
de l’état du malade et du danger qu’il encourt.
A été jugé que l’abstention délictueuse est réalisée dès lors que le médecin dont le concours était de-
mandé, qui avait été averti d’un péril dont il était le seul à même d’apprécier la gravité a refusé son
concours sans s’être assuré préalablement comme il pouvait le faire, que ce péril ne requérait pas
son intervention immédiate 21/01/1954 bulletin 25 (note 29 ss. Art 223-6 Code).

La jurisprudence déduit des circonstances de l’espèce la circonstance du péril et la profession/quali-


tés de celui qui devait assistance.

La non assistance à personne en péril ne saurait être valablement reprochée à quelqu'un qui n’aurait
pas conscience du péril qui menace la victime. La jurisprudence le rappelle quand le manque de
conscience du péril est dû à une erreur médicale notamment (CA Paris 18/02/2000: note 42 ss. Art
223-6 Code).

22/10/21

28
Art 223-6 CP oblige celui qui a connaissance d’un péril à porter assistance à la victime. L’assistance
doit être possible, la loi n’impose pas l’héroïsme ni la témérité. C’est au juge du fond d’apprécier de
manière souveraine le caractère possible ou non.
En cas d’impossibilité de porter assistance, le délit ne peut être constitué.

Ch. Crim. 26/03/1997 droit pénal 97 commentaire 125 obs. Véron: la Cour de cassation affirme
que le médecin informé qu’un malade est en péril ne commet pas le délit de non assistance si alors
qu’il est dans l’impossibilité de se déplacer, il s’assure que la personne à secourir reçoit les soins
nécessaires de la part d’un tiers.

L’assistance requise peut d’abord être personnelle et la jurisprudence se montre assez exigeante.
Elle juge le 07/03/91 droit pénal 1991 commentaire 246, que le fait d’avoir tenté de provoquer un
secours n’exclut pas le délit dès lors que l’éminence du péril requerrait une action immédiate et que
le prévenu pouvait porter secours sans risques pour lui même ou pour autrui.

Dans un arrêt du 27/03/91 droit pénal 1991 commentaire 247, on juge que l’assistance doit se ma-
nifester sous la forme d’un engagement personnel suffisant et adapté à la situation.
La ch.crim. assimile dans le cadre d’une assistance personnelle à l’absence totale de secours, l’in-
suffisance des secours.

04/02/1998 droit pénal 1998 commentaire 96 obs. Véron: il est jugé que n’avait pas provoqué un
secours, le médecin qui s’est contenté de se décharger de son obligation d’assistance sur un tiers en
conseillant aux parents d’un enfant malade d’aller à l’hôpital faute d’avoir appelé le samu, les pom-
piers ou même l’hôpital pour préparer la venue de l’enfant.

Quand l’assistance personnelle n’est pas possible car jugée trop dangereuse pour l’obliger ou parce
que son secours serait impossible ou inefficace alors c’est l’assistance d’un tiers est requise (appel
des forces de police ou secours médicaux). 11/10/1978 gazette du palais 1978 2 e partie p. 349:
directeur d’école condamné confronté à un malade atteint de crise de délire et qui avait décidé de ne
pas faire intervenir de médecin.

Assistance exigée mais l’article n’impose pas la réussite de cette assistance.


Ce qui importe est que la personne obligée ait tout mis en ouvre pour porter assistance.
Le texte n’impose pas le caractère efficace de l’assistance et l’efficacité de l’assistance est en prin-
cipe indifférente.

Il faut en outre que la décision relève expressément de l’absence de risque pour que le délit
puisse être retenu -> le juge doit constater qu’il n’y avait pas de risque pour intervenir 22/02/2013
n° 11-86.824.

Une abstention volontaire


La non assistance en personne en péril se traduit par une abstention volontaire.
C’est le fait de ne pas porter assistance au moment où cette assistance est requise. L’abstention
est constituée au moment où l’intervention est possible. La non assistance à personne en péril est
une infraction intentionnelle et seule le refus volontaire de porter assistance est incriminé.
Ainsi l’auteur doit avoir eu conscience de l’état de péril, cet état de péril doit être apparent et ne doit
pas laisser place au doute.
La jurisprudence prend en compte la connaissance ou la conscience du péril pour apprécier l’état.
L’intention est déduite des faits et dépend des circonstances.

29
La non assistance à personne en péril a été reconnu à l’encontre d’un OPJ en service qui ne pouvait
commettre une erreur d’appréciation d’une situation qui lui était soumise (menace de mort pesant
sur un enfant qui a été mise à exécution) alors qu’il pouvait agir personnellement et qu’il pouvait
provoquer un secours sans danger.
Le tribunal en déduit qu’il a fait preuve d’une inaction rare qui caractérisait sa volonté de ne pas
porter secours TC St Brieuc 18/09/1997 Gazette du palais 1997 2e partie Chroniques de droit cri-
minel page 233 (note 78 ss. Art 223-6 Code).

CA Paris 31/03/2005 n°04-06.543 condamne un gérant de bar qui a refusé de laisser rentrer la vic-
time dans son établissement pour téléphoner la police, la contraignant ainsi à rester dehors et à subir
de nouvelles violences alors même qu’il avait assisté aux premières violences et qu’il « n’avait pas
pu se méprendre sur la situation de danger ».

Concernant le livre suicide mode d’emploi où a été retenue la non assistance à personne en danger:
fournit l’illustration du caractère volontaire et non assistance puisque l’auteur expliquait les diffé-
rents procédés et qu’il avait été consulté sur l’efficacité de certaines méthodes.
26/04/1988 n° 87-82.011

C. La répression du non obstacle à la commission d’une infraction et de la non assistance à per-


sonne en péril

Délits soumis aux mêmes dispositions concernant la répression.


La tentative n’est pas punissable car pas expressément prévue s’agissant d’un délit mais la com-
plicité est punissable.

Les causes d’irresponsabilité


Les personnes peuvent invoquer ces causes mais la jurisprudence se montre exigeante pour ad-
mettre ces causes d’irresponsabilité. La peur ou la crainte de l’auteur de violences sur la victime ne
serait généralement pas admise. On ne peut invoquer valablement la crainte de perdre le confort ma-
tériel offert par l’auteurs des violences CA Bourges 10/03/2005 n°05/00110.

Le repentir actif d’un automobiliste qui a causé un accident mortel s’en va puis revient sur les lieux
après la fuite ne l’exonère pas de la responsabilité qu’il encourt à divers titres notamment du chef de
non assistance à personne en péril à partir du moment où « il n’a pas démontré que sa volonté aurait
été abolie quand il a quitté les lieux sans avertir les secours » 15/04/2008 n°07-86336.

Les personnes morales peuvent être déclarées responsables et encourent l’amende du quintuple se-
lon 131-38 et les peines de 131-39 2° et 9°.

Les deux infractions sont des infractions instantanées, il s’agit du moment où la réaction est requise.

La prescription est de 6 ans.

Les personnes physiques encourent 5 ans et 75 000€ et la peine de sanction réparation (131-3 8°).
La juridiction peut prononcer la peine à la place ou en même temps que la peine d’emprisonnement.

223-16 prévoit la peine complémentaire des droits civils, civiques et de famille suivant les modali-
tés prévues par l’article 131-26.

III. L’abstention de combattre un sinistre

30
223-7: création du nouveau CP réprime des faits qui ne pouvaient pas tomber sous la non assistance
car il s’agit de la situation où aucun péril pour autrui n’est caractérisé.
Le contenu est plus ciblé car elle vise uniquement un sinistre de nature à créer un danger pour la sé-
curité des personnes.
L’infraction est punie de 2 ans et 30 000€.
La jurisprudence sur cette disposition est très rare.

A. Eléments constitutifs
Element matériel

L’incrimination suppose l’existence d’un sinistre et il faut une abstention de combattre ce sinistre.

S’agissant du sinistre, le CP ne le définit pas. Sa forme importe peu (incendie, tremblement de terre
etc).
Le sinistre doit être de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes.

Conditions importante: seul un sinistre qui présente un danger pour la sécurité des personnes peut
constituer l’infraction. Ce ne serait pas le cas d’un sinistre qui menace uniquement les biens.
Le sinistre doit menacer la vie ou l’intégrité des personnes, de nature à menacer.
Signifie qu’il suffit que le sinistre soit susceptible de menacer les personnes: il n’est pas nécessaire
qu’il menace effectivement les personnes.

Peu importe si sinistre naturel, accidentel, imprudent ou criminel (dans le cadre d’un incendie vo-
lontaire): CA Paris 27/10/2005 n° 05/03.128.

L’abstention de combattre le sinistre est la 2e condition. Cela suppose de préciser les mesures qui
doivent être prises et c’est pas rapport à cette obligation d’agir que l’abstention pourra être établie.
Celui qui constate un tel sinistre est tenu d’agir donc de prendre des mesures pour combattre le si -
nistre. Cela doit se faire sans risque pour l’intéressé ou pour des tiers.

C’est une infraction d’omission qui consiste à ne pas prendre les mesures qui s’imposent.

Elément moral

C’est une infraction volontaire, d’abstention. Une simple négligence n’est donc pas suffisante et
l’infraction n’est constituée que s’il est établi le caractère intentionnel de l’abstention.
Pour l’établir, on recherche si l’agent avait la possibilité d’agir sans risque pour lui ou pour autrui.
On analysera les circonstances qui entourent le refus d’intervention.
L’intention suppose nécessairement la connaissance du sinistre et suppose au delà de la connais-
sance du sinistre, la connaissance du fait que ce sinistre est de nature à créer un danger pour la sécu-
rité des personnes.
Il faudra ensuite démontrer que cela étant prouvé, il y avait une volonté de ne pas agir ou un refus
délibéré d’agir
=Appréciation souveraine des juges du fond.

B. La répression de l’infraction

La tentative n’est pas prévue donc non punissable. La complicité est punissable tout comme les
personnes morales.
Infraction instantanée consommée au moment où la réaction est requise.
La prescription intervient à partir de ce moment là pour une durée de 6 ans.

31
Les personnes physiques encourent 2 ans et 30 000€.

Elles encourent également la peine de sanction en réparation que la juridiction peut prononcer en
même temps ou à la place de la peine principale selon 131-8-1 et peine complémentaire de 131-26.

IV. Le délaissement d’une personne hors d’état de se protéger


223-3 à 223-4.

Dans l’ancien CP, un texte incriminant en même temps le délaissement de mineur et d’une personne
hors d’état de se protéger. Le nouveau CP incrimine séparément les deux infractions et le délaisse-
ment de mineur est prévu aux articles 227-1 et 227-2 parmi les atteintes au mineurs et à la famille.
Protège les personnes; impossible de pourvoir seul à ses besoins élémentaires.
Sanction du délaissement d’une personne vulnérable pour assurer la protection de tout individu en
état de faiblesse contre le péril résultat de son abandon.
La loi ne définit pas le délaissement, toutes les formes d’abandon sont susceptibles de constituer
l’infraction même si la victime n’est pas dans un lieu isolé dès lors qu’elle est livrée à elle-
même sans protection. Il faut un abandon définitif sans secours ni soin ni surveillance d’une
personne vulnérable.

I. Eléments constitutifs de l’infraction


A. Elément matériel

L’infraction est constituée quand le prévenu a commis un acte d’abandon qui expose à un risque
pour la vie ou pour la sécurité d’une personne vulnérable -> infraction de commission. Il faut un
acte positif d’abandon qui met en danger une personne hors d’état de se protéger.

Un acte positif d’abandon

Le délaissement est entendu comme un acte positif: abandon assorti d’un refus de soins et de sur-
veillance.
Consiste à déposer la personne vulnérable dans un lieu pour l’y laisser ou à s’éloigner volontaire-
ment du lieu où elle se trouve.
Il faut qu’il y ait chez l’auteur, la volonté d’abandonner définitivement la victime: ce n’est pas
une privation de soin ni une non assistance à personne en danger.

23/02.2000 bulletin 2000 n°84 (note 1 ss. Art 223-3 Code): le délit ne peut pas être reproché à celui
qui refuse de rechercher une personne égarée. Il y aurait d’avantage ici la qualification de non assis-
tance à personne en péril (péril résultant de l’égarement, ce qui ne lui permet pas de se retrouver
toute seule comme une personne atteinte d’Alzheimer).

Le délaissement n’est pas constitué par le fait de ne pas signaler une disparition CA Paris
02/07/1982.

Un acte de commission

La jurisprudence retient une approche restrictive, stricte de 223-3 en exigeant l’accomplissement


d’un acte positif.
13/11/2007 bulletin 2007 n°273 (note 3 ss. Art 223-3 Code): la chambre refuse de qualifier de dé-
laissement le fait pour une fille de refuser l’aide ménagère de sa mère récemment hospitalisée.

Il faut aussi que l’acte d’abandon soit assorti d’une absence de soin/secours/surveillance.

32
Ce que protège le CP est une personne en état de faiblesse contre le péril qui pourrait résulter de son
abandon. La CA Paris 11/09/1998 a condamné la petite fille d’une personne âgée de 85 et son
concubin pour avoir laissé la victime dans une maison sans chauffage en plein hiver sans subvenir à
ses besoins élémentaires alors qu’ils avaient choisi d’endosser la responsabilité. La CA dit que la
victime avait été ainsi exposée à un risque grave.

223-3: il faut des circonstances-> l’article vise un lieu quelconque donc pas besoin que ce soit un
lieu isolé. Il importe que la personne était livrée à elle même sans protection.
La jurisprudence se montre sévère à l’encontre des maisons de retraite, des hôpitaux, centres d’ac-
cueil pour personnes agrée si l’établissement n’assure pas les besoins élémentaires qui lui in-
combent.

Les circonstances importent peu.


L’abandon doit s’accompagner d’un danger.
Le délaissement figure dans les infractions de mise en danger d’une personne, l’abandon met donc
la personne en situation de risque car elle est hors d’état de se protéger seule.

A. l’exposition à un péril

L’auteur doit avoir un comportement délibéré de nature à mettre en danger une personne vulnérable.
Le délaissement a pour conséquence de risquer de compromettre la santé de la victime qui est in-
capable de pourvoir seule à ses besoins.

Deux caractères: exposition à un péril et une victime incapable de se protéger.


Pas nécessaire que la personne ait réellement subi un dommage conséquent de l’abandon. On in-
firme le risque qui est l’élément constitutif de l’infraction. Le risque n’a pas besoin d’être manifesté
donc infraction de mise en danger.
La jurisprudence révèle que le délaissement nécessite l’exposition de la victime à une situation de
péril.

Arrêt d’un époux grand consommateur d’alcool, condamné pour le comportement qu’il a eu envers
sa femme hémiplégique de 40 ans. Il ne la nourrissait qu’une fois par jour, ne lui donnait pas ses
médicaments et ne changeait pas les draps depuis 3 mois. Il avait interdit l’accès au logement de la
victime aux personnes susceptibles de la sauver donc constitutif de danger.

La CA de Paris a jugé également ch. correctionnelle 18/06/1999 que l’infraction de délaissement


n’est pas constituée si une jeune femme est laissée par le prévenu dans une gare alors qu’elle était
fatiguée mais pas inconsciente donc elle ne courait pas de danger immédiat.
Il n’est pas requis que le résultat se relaie.

b) une victime incapable de se protéger

La victime est toute personne pas en mesure de se protéger à raison de son âge ou de son état phy -
sique ou psychique.
19/06/2019 n° 18-84629: caractérise le crime de délaissement d’une personne incapable de se pro-
téger qui est morte ensuite, d’abuser du caractère confiant de la victime pour exercer sur elle une
emprise, l’exploitant comme une servante voire esclave d’où résulte une dégradation physique de la
jeune fille et le décès résultant de son abandon alors qu’elle aurait pu être sauvée s’il y avait eu une
intervention médicale qu’elle ne pouvait pas elle même solliciter.

33
Texte s’applique à toute personne de plus de 15 ans qui présente une certaine vulnérabilité qui se
traduit par l’impossibilité d’assurer elle même sa propre sécurité. S’applique aussi aux per-
sonnes en situation de handicap ou aux mineurs protégés.

B. Elément moral

Infraction intentionnelle: l’auteur a la volonté délibérée d’abandonner une personne hors d’état de
se protéger. Il faut une volonté d’abandon définitif et il faut que l’auteur ait conscience du danger
encouru par la victime. La seule négligence ne suffit pas, le délaissement suppose qu’une personne
abandonne la victime en sachant qu’elle la laisse privée d’assistance, sans soins ou surveillance.

Il est nécessaire que l’auteur perçoive le risque encouru du fait de cet abandon. Il doit savoir
qu’elle n’est pas en mesure de se protéger elle-même.
Le juge devra constater des actes d’abandon caractérisés (actes animés de la volonté de se désinté-
resser définitivement de la victime en la mettant en danger de façon délibérée).

II. Poursuites et répression du délaissement

L’action publique se prescrit à compter des faits.


L’infraction de délaissement est prévue à l’article 2-8 CCP qui permet aux associations d’agir en
justice.

03/05/2007: la ch.crim juge la demande d’une association chargée de gérer une maison d’accueil
pour handicapés et autistes (personnes incapables d’assurer la défense de leurs intérêts et droits). La
chambre de l’instruction a été saisie en appel et constate que l’association n’alléguait aucun préju-
dice personnel causé par l’infraction et déclarait la constitution de partie civile irrecevable en consi-
dérant que l’absence de mise en mouvement de l’action publique et sans l’accord de la personne lé-
sée ou de son représentant légal, ne tenait d’aucun texte la possibilité de se constituer partie civile.
La ch.crim a examiné ce pourvoi puis casse la décision de la CA en estimant qu’il y a eu reconnais-
sance du principe du contradictoire car les parties n’ont pas été invitées à présenter les observations
sur le problème de recevabilité de la partie civile de l’association.

Le droit de se constituer partie civile est reconnu par 2-17 du CPC aux association reconnues d’uti-
lité publique et qui se proposent d’assister et défendre l’individu pour certaines infractions dont le
délaissement des personnes vulnérables.

III. Sanctions du délaissement

L’infraction est un délit ou un crime selon que le risque exposé s’est ou non réalisé.
Le délaissement est un délit à titre principal mais les circonstances aggravantes peuvent faire un
crime.
5 ans et 75 000€.

Devient un crime dans deux circonstances particulières, consécutives au dommage réalisé:


Si le délaissement a entrainé une mutilation ou blessures 223-4 al. 1.
Si le délaissement a entrainé la mort, réclusion criminelle de 20 encourue selon 223-4 al. 2

Les personnes morales encourent l’amende du quintuple.

Art 1er du 12/06/2000 qui renforce la prévention et dissolution des mouvements sectaires, prévoit la
?

34
Pour les peines complémentaires: les personnes physiques encourent les peines prévues aux articles
223-16 et 223-17 du CP.
S’ajoutent des peines d’interdiction comme exercer une certaine profession etc dans laquelle l’in-
fraction a été commise.

THEME 6 : LES AGRESSIONS SEXUELLES

Ces infractions figurent au sein du :


LIVRE 2 : Des crimes et délits contre les personnes
TITRE 2 : Des atteintes à la personne humaine »
Chap. 2, « Des atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne »
SECTION 3 Du viol, de l’inceste et des autres agressions sexuelles
( C. pén., art. 222-22 à 222-33-1)

La section relative aux agressions sexuelles s'ouvre par une définition générique : “Constitue
une agression sexuelle toute atteinte commise avec violence, contrainte, menace ou surprise” (
C. pén., art. 222-22 ) .
La violence désigne les pressions physiques exercées sur la victime pour obtenir d'elle le com-
portement sexuel que l'on souhaite.
La contrainte est traditionnellement considérée comme pouvant être physique ou morale. La
contrainte physique est le fait d'exercer des pressions corporelles pour obtenir ce que l'on dé-
sire. Autrement dit, elle se confond avec la violence. Quant à la contrainte morale, elle consiste
à menacer quelqu'un de lui faire du mal à lui ou à ses proches, voire de causer du tort à ses
biens, ce qui s’apparente à une menace.
Mais alors elle recouvre la menace visée immédiatement après elle.
Enfin la surprise consiste à obtenir des faveurs sexuelles en trompant la victime sur la situa-
tion réelle ou en abusant de sa difficulté à appréhender celle-ci.
La chambre criminelle a jugé la notion suffisamment claire pour refuser de transmettre au
Conseil constitutionnel, une QPC qui la critiquait (Cass. crim., 26 juin 2013, n° 13-83.409 ;
21 août 2013, n° 13-90.021, Dr. pén. 2013, comm. 153 , obs. M. Véron).
Chacun a le droit de ne pas consentir à avoir de rapports sexuels et personne ne peut être
présumé l'avoir fait.
Le fait que la victime soit réputée facile ne saurait suffire à établir qu'elle fût consentante (CA
Versailles, 26 févr. 1988 – CA Nancy, 9 mars 1988 ), même si cette considération peut être une
cause de modération de la peine ( CA Nancy, 9 mars 1988 ).
La Chambre criminelle a jugé que la chambre de l’instruction n’avait pas justifié sa décision en
jugeant qu’il n’existait pas de charges suffisantes de la commission d’un viol alors qu’un
couple avait eu une relation sexuelle après que la femme eut repoussé les avances de la per-
sonne mise en cause, menacé de le frapper et lui eut dit « non ». Il était reproché à la Chambre
de l’instruction de n’avoir pas suffisamment expliqué l’absence d’une contrainte physique ou
morale caractérisant le défaut de consentement de la plaignante (Cass. crim., 13 janv. 2021,
n° 19-86.624).

35
Le code pénal traite sous l’intitulé agressions sexuelles, d’une part, le viol et les autres agres -
sions sexuelles qui se manifestent par un contact entre l’auteur et la victime, et, d’autre part,
l’exhibition sexuelle et le harcèlement sexuel qui ne comportent pas ce contact.

I. LE
VIOL
Le code pénal définit le viol à l'article 222-23 : « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque
nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence,
contrainte, menace ou surprise est un viol ».
Marquée par la montée du féminisme et la mutation profonde de la société française, la loi
no 80-1041 du 23 décembre 1980 portait de grandes ambitions. En effet, il s'agissait de boule-
verser les mentalités et l'approche classique du viol, traditionnellement appréhendé sous l'as-
pect social d'une menace pour la structure familiale. Cette conception du viol se retrouvait
tant dans la jurisprudence que dans la doctrine. Avec la loi de 1980, il ne s'agit plus de sanc-
tionner le viol pour ce qu'il représente d'atteinte à la famille, mais de mettre la souffrance de
la victime au cœur de l'incrimination.
Ce changement des mentalités est loin d'être anodin. Il explique la nouvelle définition du viol
entendu plus largement. L'article 332 du code pénal, dans sa rédaction issue de la loi de 1980,
prévoyait qu'était un viol « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, com-
mis sur la personne d'autrui, par violence, contrainte ou surprise ». Il était puni de la réclusion
criminelle à temps de cinq à dix ans. Cette définition du viol permettait de sanctionner un cer-
tain nombre d'agissements sexuels qui n'étaient auparavant appréhendés que sous la qualifi-
cation d'attentats à la pudeur. Ainsi, le viol n'était plus cantonné aux seules relations sexuelles
imposées par l'homme à la femme. Plus aucune distinction n'était faite selon le sexe de l'au-
teur du crime ou de la victime.
Le viol devenait possible pour les relations homosexuelles, l'introduction d'un corps étranger
dans l'organe génital féminin ou encore la sodomie. En outre, une femme pouvait dorénavant
se rendre coupable d'un viol
La définition du viol issue de la loi du 23 décembre 1980 fut reprise à l'identique par le code
pénal de 1994 quant à son élément matériel. Toutefois, l'article 222-23 du code pénal caracté-
rise l'absence de consentement de la victime non seulement par la violence, la contrainte ou la
surprise, mais également par la menace.
La loi no 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
a modifié encore l'incrimination de viol en ajoutant au texte de l'article 222-23 du code pénal
que le viol peut être commis sur la personne de l'auteur. Le viol est désormais puni de quinze
ans de réclusion criminelle. L'aggravation de la peine dans le code pénal de 1994 par rapport à
la peine antérieurement encourue a interdit toute application rétroactive de ce texte nouveau
(C. pén., art. 112-1).
Ce qui distingue le viol des autres agressions sexuelles est son élément matériel, à savoir la pé-
nétration sexuelle. Les agressions sexuelles, prévues aux articles 222-27 et suivants du code
pénal, s'entendent des atteintes sexuelles autres qu'une pénétration. L'élément matériel de ces
agressions sexuelles est défini négativement comme tout acte autre qu'une pénétration
sexuelle et portant atteinte à la liberté sexuelle de la victime. En revanche, un élément com-
mun existe entre le viol et les autres agressions sexuelles : ces infractions supposent toutes un
défaut de consentement de la victime.

Le cas de l’inceste.
36
« Si le droit de l'Ancien Régime a, au nom de l'interdit religieux, incriminé l'inceste explicite-
ment, le droit intermédiaire, au cours de la Révolution française, dans le mouvement de laïci-
sation du droit, a fait disparaître du droit pénal l'inceste, crime biblique. Ainsi, jusqu'en 2010,
les relations sexuelles non consenties entre membres de la même famille étaient appréhen-
dées en droit pénal par les qualifications de viol ou agressions sexuelles assorties d'une aggra-
vation de la pénalité en raison du lien d'ascendance entre les protagonistes ou en raison de
l'autorité de droit ou de fait qu'exerçait l'auteur sur la victime.
Pour répondre aux souffrances des victimes d'actes incestueux, la loi no 2010-121 du 8 février
2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la
détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux a introduit dans le code pénal la
notion d'inceste.
L'article 1er de la loi insérait dans le code pénal les articles 222-31-2 (pour le viol et les agres-
sions sexuelles) et 227-27 (pour les atteintes sexuelles aux mineurs), définissant l'inceste en
droit pénal.
Ils prévoyaient que les viols, agressions et atteintes sexuelles étaient « qualifiés d'incestueux
lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un
frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre
de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ».
Le texte distinguait donc deux hypothèses. La première hypothèse, le crime ou délit sexuel
commis sur un mineur par un ascendant, un frère ou une sœur, correspondait à la prohibition
civile de l'inceste, s’agissant des conditions du mariage (C. civ., art. 161 et art. 162). La seconde
hypothèse visait l'auteur des faits qui n'était pas un membre de la famille, mais disposait d'une
autorité de droit ou de fait sur la victime. Cette disposition visait le concubin de la mère du mi-
neur. Étaient également concernés, par exemple, l'oncle ou les cousins. En revanche, étaient
exclues les personnes pouvant exercer une telle autorité, dès lors que les faits n'étaient pas
perpétrés au sein de la famille.
D'emblée, la définition de l'inceste a soulevé de nombreuses critiques. Le Conseil constitution-
nel abrogea les textes à l’occasion de deux questions prioritaires de constitutionnalité en rai-
son de leur contrariété au principe de légalité. (Décis. n o 2011-163 du 16 sept. 2011, QPC à
propos de l'art. 222-31-1 c. pén.) et (Décis. n o 2011-222 du 17 févr. 2012, QPC à propos de
l'art. 227-27-2 c. pén.). En effet les textes proposaient une approche très vaste des liens fami-
liaux, il était donc impossible de saisir avec précision les contours de la famille.
La loi du 14 mars 2016 (L. no 2016-297 du 14 mars 2016, relative à la protection de l'enfance)
a rétabli les articles 222-31-1 et 227-27-2-1 du code pénal mais décrivant les membres de la
famille avec davantage de précision en énumérant limitativement les personnes pour les-
quelles le viol ou l'agression sexuelle peut recevoir une qualification d'incestueuse. Ainsi, « Les
viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis par : 1° Un
ascendant ; 2° Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un neveu ou une nièce ;3° Le conjoint, le
concubin d'une des personnes mentionnées aux 1° et 2° ou le partenaire lié par un pacte civil
de solidarité avec l'une des personnes mentionnées aux mêmes 1° et 2°, s'il a sur la victime
une autorité de droit ou de fait ».
Le cousin germain (ou la cousine germaine) et le grand-oncle (ou la grand-tante) ne sont pas
inclus dans la définition pénale de la famille.
Enfin, la loi du 3 août 2018 a supprimé la référence à la minorité de la victime.

A) Les
éléments constitutifs
37
La loi du 23 décembre 1980 a modifié l'élément matériel du viol en introduisant dans sa défi-
nition la notion de pénétration sexuelle. En revanche, l'élément intentionnel du viol n'a guère
évolué au fil du temps.
1) L’élément matériel
La matérialité du viol suppose une pénétration sexuelle et le défaut de consentement de la vic-
time.
a) La
pénétration sexuelle
L'article 222-23 du code pénal vise « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il
soit »
Dès les premiers arrêts suivant l'adoption de la loi de 1980, il semblait admis sans difficulté
que la pénétration sexuelle était réalisée en présence d'une pénétration par le sexe de l'auteur
du viol ou dans le sexe de la victime (par un sexe ou un objet quelconque).
Ainsi, en l'absence de consentement de la victime, sont des viols :
- le
coït entre un homme et une femme, les actes de sodomie (Crim. 24 juin 1987, n 86-96.712,
o

Bull. crim. no 265 ; RSC 1988. 302, obs. Levasseur)


- la
fellation (Crim. 22 févr. 1984, n 83-95.053, Bull. crim. n 71 ; D. 1984. IR 228 ; RSC 1984. 743,
o o

obs. Levasseur)
- l'in-
troduction d'objets dans le sexe de la victime (Crim. 5 sept. 1990, n 90-3.786, Bull. crim.
o

no 313 ; D. 1991. 13, note Angevin ; JCP 1991. II. 21629, note Rassat ; RSC 1991. 348, obs. Le-
vasseur).

L'auteur du viol peut être indifféremment un homme ou une femme (Crim. 4 janv. 1985, no 84-
92.942, Bull. crim. no 10 ; Gaz. Pal. 1986. 1. 19) et la victime peut également être des deux
sexes.
La définition de l'article 222-23 permet de réprimer au titre du viol des situations plus nom-
breuses que sous l'empire des textes anciens.
Cependant, une question restait en suspens. La pénétration par un objet dans un organe non
sexuel de la victime peut-elle recevoir la qualification de viol ?
La difficulté survient ainsi lorsque la victime est pénétrée dans l'anus par un objet ou
contrainte de pratiquer une fellation sur un objet représentant un sexe.
La chambre criminelle a jugé que « la loi du 23 décembre 1980, en spécifiant pour l'acte incri-
miné « de quelque nature qu'il soit » a élargi le champ d'application du viol » (Crim. 20 janv.
1982, no 81-93.007, Bull. crim. no 23, 1er arrêt).
En 1987, elle énonçait que la pénétration par introduction d'un manche à balai dans l'anus de-
vait recevoir la qualification de viol (Crim. 24 juin 1987, no 86-96.712, Bull. crim. no 265 ; RSC
1988. 302, obs. Levasseur).

Cette solution a été, pour partie, remise en cause.

38
L'évolution de la jurisprudence s'est faite en plusieurs phases. Dans un premier temps, la
chambre criminelle a modifié sa position antérieure. Elle s'est montrée réticente à consacrer
la qualification de viol dans l'hypothèse de l'introduction d'un objet dans l'anus de la victime.
Par un arrêt du 9 décembre 1993 (no 93-81.044, Bull. crim. no 383 ; D. 1995. Somm. 138, obs.
Malbrancq ; Dr. pénal 1994. Chron. 26, rapp. Nivôse, et chron. 31, concl. Perfetti), la chambre
criminelle a jugé que le fait d'attirer un jeune garçon et de tenter de lui extorquer une somme
d'argent après l'avoir contraint à se déshabiller, lui avoir lié les mains et les pieds avec ses la-
cets de chaussures, l'avoir frappé en le menaçant de mort et lui avoir, à deux reprises, introduit
un bâton dans l'anus, ne constituait pas un viol, mais une tentative d'extorsion de fonds ac-
compagnée de tortures et d'actes de barbarie.
La position de la Cour de cassation en 1993 revient à une définition stricte de l'élément maté-
riel du viol, envisagé comme une « pénétration sexuelle », c'est-à-dire par un sexe ou dans un
sexe. Dans les faits d'espèce, la pénétration n’avait été commise ni dans un organe sexuel, ni
par un organe sexuel, ce qui excluait, pour la chambre criminelle, la qualification de viol.
Dans un second temps, la chambre criminelle s'est attachée davantage au contexte sexuel de la
pénétration pour retenir la qualification de viol. Dans un arrêt du 27 avril 1994 (no 94-80.547,
Bull. crim. no 157 ; Dr. pénal 1994. Comm. 180, obs. Véron), sont qualifiés de viol des actes de
pénétration anale, pratiqués avec le doigt ou avec des carottes, infligées par une mère à sa fille,
dans un but d'initiation sexuelle. La mère n'avait accompli aucune pénétration par le sexe ou
dans le sexe, mais des actes de pénétration à « connotation sexuelle », comme le relève la
chambre criminelle. Il ne s'agit pas d'une pénétration d'un organe sexuel, mais d'un organe
doté d'une connotation sexuelle, ce qui est incontestablement distinct.
Cette appréhension nouvelle de la qualification de viol fut confirmée par un arrêt rendu par la
chambre criminelle le 6 décembre 1995 (no 95-84.881, Bull. crim. no 372 ; RSC 1996. 374, obs.
Mayaud ; Dr. pénal 1996. Comm. 101, obs. Véron).
Au regard des arrêts de 1994 et 1995, il apparaît que, pour la chambre criminelle, le viol sup-
pose un acte de pénétration réalisé par un agent poursuivant un but sexuel. Le viol n'est juridi-
quement consommé qu'en fonction de la finalité sexuelle du comportement de l'auteur des
faits, finalité déduite du contexte dans lequel l'infraction est réalisée.
Or, la recherche d'une connotation sexuelle ou non à l'acte de pénétration invite à se poser la
question de l'intention. La question posée aux juges est de savoir si les actes de pénétration
étaient réalisés dans l'intention d'agresser spécifiquement la sexualité de la victime ?
L'intégration d'un élément subjectif dans la matérialité du viol est source d'incertitude juri-
dique. Elle laisse au juge une large marge d'appréciation sur la réalité ou non du contexte
sexuel de l'acte accompli.
La Cour de cassation est revenue à une conception plus objective par un arrêt en date du 21 fé-
vrier 2007 (no 06-89.543, Bull. crim. no 61 ; D. 2007. Pan. 2633, obs. Roujou de Boubée ; RSC
2007. 301, obs. Mayaud ; Dr. pénal 2007. Comm. 68, obs. Véron ; Rev. pénit. 2007. 394, obs.
Fournier). Un médecin était renvoyé devant la cour d'assises du chef de viol pour avoir
contraint trois patientes à introduire dans leur bouche un objet de forme phallique recouvert
d'un préservatif et à accomplir des mouvements de va-et-vient. Les juges du fond avaient rete-
nu la qualification de viol, en s'appuyant sur la jurisprudence adoptée précédemment par la
Cour de cassation. La pénétration n'était réalisée ni par un organe sexuel, ni dans un organe
sexuel, mais par un objet représentant un sexe masculin et dans un contexte sexuel qui n'était
pas contesté par le médecin. La chambre criminelle censure pourtant l'analyse des juges du
fond en affirmant que, « pour être constitutive d'un viol, la fellation implique une pénétration
par l'organe sexuel masculin de l'auteur et non par un objet le représentant ». La Cour de cas-
sation se prononce au visa de l'interprétation stricte des textes. Elle met ainsi un terme à sa ju-

39
risprudence antérieure qui consacrait une conception subjective du viol lorsque la pénétration
n'était pas réalisée par un sexe ou dans un sexe, mais avec une intention sexuelle de l'auteur.
La chambre criminelle revient à une conception restreinte de l'élément matériel du viol enten-
du comme une pénétration objectivement sexuelle, c'est-à-dire par un organe sexuel ou dans
un organe sexuel. En l'espèce, la pénétration n'était pas objectivement sexuelle pour n'être
réalisée ni par un sexe, ni dans un sexe. Le caractère sexuel de l'acte ne ressortait que de l'ima-
gination du médecin.
Dans un arrêt rendu le 14 octobre 2020 (no 20-83.273), un viol a été requalifié en agression
sexuelle. La Cour a jugé que la caractérisation de l'élément moral et de l'élément matériel était
insuffisante en droit. La victime affirme que l'accusé utilisait sa langue afin de la pénétrer mais
évoque dans le même temps sa virginité et l'absence d'examen gynécologique, ce qui entraîne
la cour à reconnaitre une agression sexuelle et non un viol. Les juges estiment que l'introduc -
tion volontaire suffisamment profonde au-delà de l'orée du vagin n'a pas été caractérisée. Ain-
si, elle rejette le pourvoi et rejoint la chambre de l'instruction, en précisant cependant que la
motivation de la chambre a été effectuée de manière inappropriée.

Une pénétration sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur


L'acte de pénétration sexuelle doit être réalisé sur une victime vivante (Crim. 13 juill.
1965, no 65-90.040, Bull. crim. no 175). En effet, le viol requière un défaut de consentement de
la victime, que seule une personne vivante peut manifester. Le viol perpétré sur une personne
décédée relève donc de l'incrimination d'atteinte à l'intégrité du cadavre, prévue à l'article
225-17 du code pénal.
La Cour a refusé la qualification de viol à l'encontre d'une femme ayant abusé de son autorité
sur un jeune garçon pour lui imposer d'avoir des relations sexuelles complètes avec elle (Crim.
21 oct. 1998, no 98-83.843, Bull. crim. no 274 ; D. 1999. 75, note Mayaud ; JCP 1998. II. 10215,
note Mayer, et 1999. I. 112, no 4, obs. Véron). Elle affirmait à cette occasion que « l'élément ma-
tériel du crime de viol n'est caractérisé que si l'auteur réalise l'acte de pénétration sexuelle sur
la personne de la victime ». Par la suite, elle a confirmé cette analyse en requalifiant des actes
de fellation accomplis sur la victime en délit d'agression sexuelle, rappelant que le viol exige
que l'acte de pénétration sexuelle soit réalisé sur la victime par l'auteur des faits (Crim.
22 août 2001, no 01-84.024, Bull. crim. no 169 ; D. 2002. Somm. 1803, obs. Gozzi ; Gaz. Pal.
2002. 2. Somm. 1099, obs. Monnet).
Or, cette solution, empêchait l'application du viol lorsque l'auteur était pénétré par la victime,
par exemple si l'auteur (homme ou femme) faisait une fellation à un homme ou à un jeune mi-
neur non consentant. C'est la raison pour laquelle la loi du 3 août 2018 a étendu l'incrimina-
tion du viol pour inclure des actes de pénétration commis sur l'auteur par la victime. La nou-
velle rédaction permet d'élargir le champ d'application du viol à toute pénétration non
consentie
b) Le défaut de consentement
Le viol est une atteinte à la liberté du comportement de la victime. La Cour de cassation l'a
d'ailleurs décide que le viol « n'a d'autres fins que de protéger la liberté de chacun » (Crim.
5 sept. 1990, Gaz. Pal. 1991. 1. 58, note Doucet).
1° Modalités du défaut de consentement
En vertu de l'article 222-23 du code pénal, l'absence de consentement de la victime peut ré-
sulter de l'usage, par l'auteur, de la violence, de la contrainte, de la menace ou de la surprise.
Un seul élément consacrant le défaut de consentement doit être prouvé ; il n'est pas utile de
les cumuler (Crim. 30 sept. 1998, no 97-86.532 , Bull. crim. no 244 ; JCP 1999. IV. 1361).
40
Violence physique ou morale. - La violence doit être exercée sur la personne même de la
victime. Les violences sont appréciées in concreto, en fonction des capacités de résistance de
la victime et de son éventuelle infériorité physique (Crim. 8 juin 1994, no 94-81.376, Bull. crim.
no 226: victime forcée à la fellation puisque l’auteur lui maintenait physiquement la tête).
La violence morale suppose que la victime ait agi sous l'empire de la crainte de s'exposer elle-
même, ou d'exposer les siens à un mal considérable. La violence morale recoupe largement la
notion de contrainte et de menace, également retenues par l'article 222-23 du code pénal
comme manifestations du défaut de consentement de la victime. Violence morale, contrainte
et menace rejoignent des hypothèses proches, ce qui nuit à la clarté de l'incrimination de viol.
Contrainte. La contrainte se définit usuellement comme la pression physique ou morale exer-
cée sur quelqu'un. La contrainte physique renvoie à l'exercice de la force physique pour obli-
ger la victime à un acte auquel elle ne consent point. Ainsi, constitue une contrainte physique
le fait pour l'accusé d'avoir maintenu la tête de la victime pour qu'elle lui fasse une fellation
(Crim. 8 juin 1994). La contrainte morale suppose l'exploitation de la faiblesse, de la vul-
nérabilité de la victime pour la forcer à une action sexuelle. La contrainte morale peut résulter
de la crainte éprouvée par une jeune femme, âgée seulement de dix-huit ans et demi, timide et
réservée, face à son directeur, de caractère despotique et tyrannique (Crim. 8 févr. 1995, no 94-
85.202, Dr. pénal 1995. 171, 2e arrêt, note Véron).
Toutefois, la contrainte morale ne peut se déduire du seul constat d'une autorité de fait ou de
droit exercée par l'auteur du viol sur la victime. La jurisprudence exige la démonstration d'élé-
ments objectifs prouvant la réalité de la contrainte. Ainsi, la contrainte morale n'est pas carac-
térisée lorsque la victime, âgée de treize ans lors des premiers faits de viol, a indiqué qu'elle
pensait être obligée d'accepter les actes sexuels, afin de pouvoir continuer à bénéficier de
dons ou loisirs offerts par son agresseur. Elle avait ressenti les demandes d'ordre sexuel
comme des ordres. Pour la chambre criminelle, la contrainte doit reposer sur des éléments ob-
jectifs et ne peut pas résulter de la seule appréciation subjective de la victime (Crim. 21 févr.
2007, no 06-88.735, Bull. crim. no 55). La contrainte s'apprécie de manière concrète, en fonc-
tion des capacités de résistance de la victime (Crim. 8 juin 1994, préc.).

Menace. La menace n'est qu'une forme de violence morale. Elle se définit comme le geste, la
parole ou l'acte par lequel un individu exprime sa volonté de faire du mal à quelqu'un. La me-
nace laisse entrevoir à la victime un danger pour elle ou pour un proche. Bien qu'elle ne figure
dans les éléments constitutifs du viol que depuis la réforme de 1994, elle était auparavant re-
tenue par la jurisprudence qui y voyait une forme de contrainte morale externe ou en cas de
menaces proférées par un policier d'envoyer une jeune femme en prison si elle ne consent pas
à des relations sexuelles (Crim. 29 avr. 1960, Bull. crim. no 225 ; S. 1960. 253). Il en va égale-
ment ainsi pour l'agresseur ayant exercé sur sa victime, outre des violences physiques, un
chantage consistant à la menacer de l'abandonner sur place, en pleine nuit, dans un froid vif,
par un temps de brouillard dense, loin de toute habitation, si elle ne cédait pas à ses exigences
(Crim. 11 févr. 1992, no 91-86.391, Dr. pénal 1992. 174 ; RSC 1993. 331, obs. Levasseur).
Ce caractère contraignant de la menace est apprécié in concreto au regard de la capacité de ré-
sistance de la victime face à cette menace. Le juge doit tenir compte des éventuelles faiblesses
de la victime résultant, par exemple, de sa situation de dépendance ou de sujétion à l'égard de
l'auteur du viol, pour établir le caractère contraignant de la menace. Cependant, les juges ne
peuvent pas se fonder exclusivement sur la sujétion de la victime envers l'auteur du viol pour
en déduire son absence de consentement. La sujétion de la victime est seulement un élément
d'appréciation pour les juges et n'est pas de nature à établir, à elle seule, le défaut de consente-
ment de la victime. Il en va de même de la minorité de la victime qui peut fournir un élément
objectif aux juges pour admettre l'existence de l'effet contraignant de la menace, sans que
41
celle-ci ne suffise à l'établir. Sujétion ou minorité ne sont que des indices d'un possible abais-
sement de la capacité de résistance de la victime à la menace qui pèse sur elle.
Surprise. La surprise doit manifester un défaut de consentement de la victime et non son
étonnement relatif à une situation. La surprise, élément constitutif du viol, consiste à sur-
prendre le consentement de la victime et ne saurait se confondre avec la surprise exprimée
par cette dernière (Crim. 25 avr. 2001, no 00-85.467 , Bull. crim. no 99 ; RSC 2001. 808, obs.
Mayaud ; Dr. pénal 2001. 97, obs. Véron ; JCP 2003. II. 10001, note Prothais). C'est ainsi qu'a
été cassé un arrêt qui, pour déclarer le prévenu coupable d'agression sexuelle avait énoncé
qu'après « les avances poussées » du prévenu, la victime était « tombée des nues » (Crim.
25 avr. 2001, préc.). Cette expression ne permettait pas de caractériser une absence de
consentement, mais renvoyait davantage au sentiment de surprise de la victime. L'absence de
consentement fondé sur la surprise a, en revanche, été admise dans le cas d'un médecin ORL
qui s'était servi de son autorité professionnelle pour abuser sexuellement une patiente en lui
imposant des investigations vaginales et anales non nécessaires (Cass., ass. plén., 14 févr.
2003, no 96-80.088, Bull. ass. plén. no 1 ; RSC 2003. 557, obs. Mayaud).
La surprise est avérée si la victime est inconsciente, endormie, en état d'alcoolémie (Crim.
1er oct. 2013, no 13-84.944), sous l'empire d'un narcotique, ou encore aliénée mentale. Un
arrêt en date du 11 janvier 2017 a retenu la condamnation d'un homme du chef d'agression
sexuelle pour avoir effectué des attouchements sur une jeune femme qui s'était enivrée et qui
avait cru qu'il s'agissait de son compagnon venu la rejoindre dans son lit (Crim. 11 janv. 2017,
no 15-86.680, Bull. crim. no 15).

Enfin, la surprise peut résulter d'un stratagème, lorsque celui-ci vise à surprendre le consente-
ment de la victime (Crim. 22 janv. 1997, no 96-80.353, Bull. crim. no 22 ; RSC 1998. 325, obs.
Mayaud). La ruse remplace alors l'usage de la force par l'agresseur. Ainsi, la chambre crimi-
nelle a affirmé dans un attendu de principe, lors d'un arrêt en date du 23 janvier 2019, « que
l'emploi d'un stratagème destiné à dissimuler l'identité et les caractéristiques physiques de
son auteur pour surprendre le consentement d'une personne et obtenir d'elle un acte de péné-
tration sexuelle constitue la surprise au sens du texte susvisé » (Crim. 23 janv. 2019, no 18-
82.833, Bull. crim. no 25).
Pour écarter la qualification de viol, il faut qu'un consentement ait été donné à l'acte sexuel et
que ce consentement ait été non seulement libre mais aussi éclairé. Lorsqu'une personne ac-
cepte un rapport sexuel avec une autre, elle ne consent pas à un rapport sexuel avec n'importe
qui. Les partenaires ne sont pas interchangeables ; le consentement est donné à un partenaire
déterminé.

2° Minorité de la victime et défaut de consentement


La démonstration du défaut de consentement du mineur victime de viol soulève de nom-
breuses difficultés pour les juges. Les viols commis sur des victimes mineures sont majoritai-
rement perpétrés dans le milieu familial. Or, dans la sphère intra-familiale, l'acte est plus sou-
vent imposé par le recours à la contrainte morale, l'usage de la violence physique étant rare.
La contrainte morale est difficile à prouver comme modalité de défaut de consentement, car
elle doit être étayée par des éléments externes. Ainsi, la Cour de cassation a retenu la
contrainte en énonçant « que l'examen des éléments du dossier permet d'établir la réalité
d'une emprise quotidienne du père sur ses enfants, également révélée par les examens psy-
chologiques et, que dès lors, cette emprise quotidienne de M. X… sur ses deux enfants caracté-
rise la violence et la contrainte » (Crim. 28 avr. 2011, no 11-80.617). De tels éléments proba-
toires externes font souvent défaut, ce qui explique que la jurisprudence ait été amenée à s'in-
42
terroger sur le fait de savoir si la violence, la contrainte, la menace ou la surprise pouvaient se
déduire à raison du seul jeune âge de la victime. Dans un premier temps, la Cour de cassation a
affirmé que l'absence de consentement résultant de la surprise de la part de la victime d'un
viol ne pouvait pas se déduire de son seul jeune âge (Crim. 1er mars 1995, no 94-85.393, Bull.
crim. no 92 ). Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a retenu qu'il n'était pas possible, pour
caractériser la violence, la contrainte ou la surprise, de se fonder uniquement sur l' âge de la
victime et sur la qualité des auteurs présumés d'ascendant ou de personne ayant autorité,
alors que ces éléments ne constituent que des circonstances aggravantes du crime de viol
(Crim. 21 oct. 1998, Dr. pénal 1999. 5, note Véron). Dans un second temps, la Cour de cassation
a nuancé cette affirmation en admettant la surprise lorsque le très jeune âge de la victime im-
plique qu'elle n'a pas pu comprendre la portée des actes accomplis (Crim. 7 déc. 2005, no 05-
81.316, Bull. crim. no 326). Pour la chambre criminelle, le « très jeune âge des enfants [entre
dix-huit mois et cinq ans] les rendait incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui
leur étaient imposés ». Le très jeune âge des victimes les empêchait de manifester la moindre
adhésion à des comportements dont elles ne pouvaient comprendre la portée. Dans une autre
espèce, la Cour de cassation confirme cette analyse et souligne que « la contrainte résulte de
l'incapacité de la fillette, en raison de son tout jeune âge, six ans lors des premiers faits, à ré-
sister à l'emprise de son père et à donner un consentement valable à ses sollicitations » (Crim.
5 déc. 2007, no 07-80.068, D. 2008. Pan. 1861, obs. Bonfils). Le tempérament ainsi apporté à la
jurisprudence antérieure s'explique par le fait qu'il est difficile de juger de la violence, de la
contrainte, de la menace ou de la surprise, en faisant totalement abstraction de l'âge de la vic-
time et des circonstances entourant la réalisation du viol. La jurisprudence fait donc preuve de
souplesse pour s'adapter aux circonstances du viol. Le régime instauré par la jurisprudence
est binaire : soit le défaut de consentement de la victime peut résulter de son très jeune âge, si
ce dernier l'empêche de prendre la mesure des faits ; soit le mineur est doué de discernement
et le juge ne pourra pas se fonder sur sa seule minorité pour admettre l'absence de consente-
ment. D'autres éléments seront requis pour étayer le défaut de consentement.
Conscient des difficultés rencontrées pour apporter la preuve d'un défaut de consentement
lorsque la victime est jeune, le législateur a souhaité établir des critères objectifs de la
contrainte morale, afin d'aider le juge à caractériser l'absence de consentement du mineur. La
loi du 8 février 2010 sur l'inceste propose une définition de la contrainte, insérée dans le nou-
vel article 222-22-1 du code pénal.
Désormais, la contrainte peut résulter d'une « différence d'âge existant entre une victime mi-
neure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette vic-
time ». La loi instaure deux critères pour la contrainte morale, critères cumulatifs comme le
souligne l'emploi de la conjonction de coordination « et ». Il faut donc une différence d'âge et
l'exercice d'une autorité.
L'article 222-22-1 du code pénal a été déclaré conforme à la Constitution par une Décision du
Conseil constitutionnel du 6 février 2015, no 2014-448 QPC.
La loi du 3 août 2018 a tenté de renforcer la protection des mineurs victimes de viols. Lors du
projet de loi à l'automne 2017, la piste d'une présomption de défaut de consentement pour les
mineurs avait été envisagée. Ainsi, tout acte sexuel commis par un majeur sur un mineur en
dessous d'un certain âge entraînerait une présomption de défaut de consentement et permet-
trait au juge, déchargé du fardeau de la preuve du défaut de consentement, de retenir les qua-
lifications de viol en cas de pénétration sexuelle. Toutefois, cette présomption de non-consen-
tement est contraire aux exigences constitutionnelles et conventionnelles, comme l'a rappelé
le Conseil d'État dans son avis du 15 mars 2018.
Dès lors, le législateur a fait le choix de modifier, à nouveau, l'article 222-22-1 du code pénal
en lui ajoutant un troisième alinéa destiné à renforcer la protection des mineurs de 15 ans. Le

43
nouvel alinéa énonce que : « Lorsque les faits sont commis sur la personne d'un mineur de
quinze ans, la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l'abus de la vulnérabilité
de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes ».
Les dispositions de l'article 222-22-1 du code pénal issues de la loi n o 2018-703 du 3 août
2018 relative à l'abus de vulnérabilité de la victime mineure ne disposant pas du discerne-
ment nécessaire pour des actes sexuels sont des dispositions interprétatives d'application im-
médiate (Crim. 17 mars 2021, no 20-86.318, D. actu. 1er avr. 2021, obs. M. Chollet).

2) Élément moral
Le viol est une infraction intentionnelle. L'emploi de la violence révèle le plus souvent implici-
tement l'intention délictueuse. Il n'est constitué que si son auteur a été conscient d'imposer à
la victime des rapports sexuels non désirés par elle.
L'intention coupable peut ne pas exister si l'auteur de l'acte a agi en estimant, par exemple,
que la résistance de la victime n'avait aucun caractère sérieux ou n'excluait pas son consente-
ment. Il est donc insuffisant de relever pour condamner que le prévenu ne pouvait pas ne pas
se rendre compte que « [la victime] n'était pas tout à fait consentante » ( Cass. crim., 20 juin
2001, n° 00-88.258) et le non-lieu est justifié, dès lors qu'en raison de son caractère fruste, le
mis en examen a pu considérer que la remise d'un sous-vêtement par la plaignante était une
invitation à avoir un rapport sexuel (Cass. crim., 20 oct. 1999) .
Il incombe au ministère public de faire la preuve de son intention délictueuse. Il convient, ce-
pendant, de préciser qu'une partie de la jurisprudence récente manifeste une tendance criti-
quable au plan juridique à mettre à la charge de la personne poursuivie la preuve de sa bonne
foi et se montre, en outre, très exigeante pour admettre celle-ci (V. Cass. crim., 10 juill. 1973 :
Bull. crim. n° 322 ; RSC 1974, p. 594, obs. G. Levasseur. – CA Toulouse, 29 mars 2001,
n° 01/00139 – V. cependant, en sens contraire, Cass. crim., 11 oct. 1978 : D. 1979, IR p. 120)
Viol entre époux. Il a toujours été admis qu'il peut y avoir viol en cas de rapports sexuels im-
posés à une ancienne femme divorcée, une concubine ou une fiancée pour lesquelles rien
n'implique qu'elles doivent avoir des rapports sexuels avec leur ancien mari, concubin ou fian-
cé.
Le viol n'a jamais paru douteux, non plus, dans le cadre d'un couple marié, dès lors que le type
de rapports sexuels imposés ne relevait pas de l'ordre ordinaire de la conjonction des sexes, le
consentement au mariage ne pouvait s'entendre comme justifiant une sexualité déviante (CA
Grenoble, 4 juin 1980 : D. 1981, IR p. 154, obs. M. Puech).
La question qui peut se poser, au contraire, est celle de savoir s'il y a viol quand un mari im -
pose à son épouse les rapports sexuels ordinaires qu'implique, en principe, le mariage. La so-
lution négative avait toujours été retenue de 1810 à 1980 en raison précisément du fait que le
consentement au mariage doit être réputé impliquer le consentement à avoir des rapports
sexuels avec son conjoint qui doit donc être légalement présumé de bonne foi quand il les pra-
tique.
Après la loi de 1980, la jurisprudence a statué dans des hypothèses marginales dans les-
quelles, ou bien les époux étaient en instance de divorce, ou bien les relations sexuelles
avaient été pour le moins anormales (commises sous la menace d'une arme et en présence
d'un enfant ou accompagnées d'actes de torture et de barbarie, Cass. crim., 17 juill. 1984 :
D. 1985, p. 7, note D. Mayer. – Cass. crim., 5 sept. 1990 : JCP G 1990 , II, 21629 , note M.-
L. Rassat ; D. 1991, jurispr. p. 13, note H. Angevin ; Gaz. Pal. 1991, 1, p. 58 , note J.-P. Doucet ;
RSC 1991, p. 348 obs. G. Levasseur) ou bien encore avaient commencé en état de concubinage

44
avant de se poursuivre après le mariage des intéressés ( Cass. crim., 24 avr. 2003, n° 02-86.744
: JurisData n° 2003-019260 ).
Mais la chambre criminelle a également jugé que le viol est possible dans une décision où elle
affirme clairement que « la présomption de consentement des époux aux actes sexuels accom-
plis dans l'intimité de la vie privée conjugale ne vaut que jusqu'à preuve contraire » ( Cass.
crim., 11 juin 1992 : Bull. crim. n° 232 ; D. 1993, p. 117, note M.-L. Rassat ; JCP G 1993, II,
22043 , note T. Garé ; RSC 1993, p. 330, obs. G. Levasseur ; D. 1993, somm. p. 13, obs. G. Azi-
bert ; JCP G 1993, I, 3641, n° 3 , obs. M. Véron), point de vue également adopté par la Cour eu-
ropéenne des droits de l'homme (CEDH, 22 nov. 1995, série A, n° 335-C et 335-B, CR et SW c/
Royaume-Uni : RSC 1996, p. 473, obs. Koering-Joulin. – P. Nuss, La condamnation par la Cour
européenne des droits de l'homme du viol entre époux, observation sur l'arrêt SW c/
Royaume-Uni du 22 novembre 1995 : Gaz. Pal. Rec. 1997, 2, doct., p. 945 . – V. également, J.-
M. Bruguière, Le devoir conjugal : philosophie du Code et morale du juge : D. 2000, chron. p.
10).
Jurisprudences interne et internationale ont conduit le législateur à ajouter à l' article 222-22
du Code pénal un alinéa 2 précisant que “le viol et les autres agressions sexuelles sont consti-
tués lorsqu'ils ont été imposés à la victime [...] quelle que soit la nature des relations existant
entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage. » Dans ce cas,
la présomption de consentement des époux à l'acte sexuel ne vaut que jusqu'à preuve du
contraire” ( L. n° 2006-399, 4 avr. 2006, art. 11, I renforçant la prévention et la répression des
violences au sein du couple ou commises contre les mineurs).
La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 a abrogé le dernier membre de phrase de l'article 222-22.
Le consentement aux rapports sexuels n'est donc plus présumé en cas de mariage.

B) La répression
1) Infraction simple
Peine du viol simple – Le viol est toujours un crime. Le viol simple est puni de 15 ans de réclu-
sion criminelle ( C. pén., art. 222-23 ). Cette peine est sensiblement plus élevée que celle qui
avait été retenue par la loi de 1980 (5 à 10 ans de réclusion criminelle) qui constituait elle-
même une diminution importante par rapport au régime antérieur (10 à 20 ans de réclusion
criminelle). La peine retenue par le code pénal lui a, en réalité, été imposée par ses principes
généraux et par la volonté de laisser le viol dans l'ordre criminel. Quinze ans de réclusion cri-
minelle constituent, en effet, le premier niveau des peines criminelles possibles.
2) Circonstances aggravantes
a) Circonstances aggravantes relatives à la victime
La minorité de 15 ans ( C. pén., art. 222-24, 2° ) est une circonstance aggravante du viol. Cet
âge est
La particulière vulnérabilité de la victime : “ une personne dont la particulière vulnérabili-
té due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à
un état de grossesse, est apparente ou connue de l'auteur” ( C. pén., art. 222-24, 3° ).
La jurisprudence a eu jusqu'à présent l'occasion de préciser, d'une part, que la vulnérabilité de
la victime doit résulter d'un état préexistant aux faits et non d'eux-mêmes (il n'y a pas vulné-
rabilité à être épuisée par la lutte, menée jusque-là pour se défendre, Cass. crim., 17 oct. 1984
: Bull. crim. n° 308 ; RSC 1985, p. 813, obs. Levasseur), d'autre part, que la circonstance ag-
gravante étant de caractère réel, elle ne saurait exister à l'égard de l'un des auteurs du crime
sans exister en même temps à l'égard de tous les autres participants ( Cass. crim., 20 oct. 1984

45
: Bull. crim. n° 294 ) et, enfin, que la circonstance de particulière vulnérabilité est insuffisam-
ment caractérisée lorsque les juges du fond se bornent à relever que l'âge de 70 ans de la vic -
time était connu de l'auteur, sans préciser en quoi cet âge mettait cette victime dans une situa -
tion de particulière vulnérabilité ( Cass. crim., 8 juin 2010, n° 10-82.039 : JurisData n° 2010-
011277 ; Dr. pén. 2010, comm. 106 , note M. Véron ; Bull. crim. n° 102 ; AJ pénal 2010, p. 444 ,
obs. G. Roussel ; D. 2010, p. 2888, note H. Hasnaoui). Mais il n’en est pas de même pour un âge
de 85 ans accompagné d’isolement ( Cass. crim., 9 déc. 2014, n° 14-86.452, 7620 : JurisData
n° 2014-033135 ).
La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 a ajouté une autre forme de vulnérabilité de nature écono-
mique résultant du fait que la victime se trouve dans une situation de précarité économique
ou sociale apparente ou connue de l’auteur des faits.
La loi du 13 avril 2016 a ajouté une nouvelle circonstance aggravante tenant au fait que le viol
a été commis “dans l’exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prosti -
tution, y compris de façon occasionnelle” ( C. pén., art. 222-24, 13° ).
Pluralité de victimes – La loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 “ relative au traitement de
la récidive des infractions pénales ” a inséré à l'article 222-24 du Code pénal un 10°, créant
une nouvelle circonstance aggravante du viol qui consiste en ce que l'infraction a été com-
mise “ en concours” avec un ou plusieurs autres viols commis sur d'autres victimes.
b) Circonstances aggravantes relatives à l'auteur des faits
Qualité d'ascendant, personne exerçant une autorité sur la victime, abus d'autorité, Pluralité
d'auteurs.
c) Circonstances aggravantes communes à l'auteur et à la victime
Rapports de couple. La loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 “renforçant la prévention et la ré-
pression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs” a inséré à l' ar-
ticle 222-24 du Code pénal un 11° selon lequel le viol est aggravé lorsqu'il a été commis par le
conjoint, le concubin ou “le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité”.
d) Circonstances aggravantes d'exécution
Elles concernent l'usage d'une arme ( C. pén., art. 222-24, 7° ), l'utilisation d'actes de torture et
de barbarie ( C. pén., art. 222-26 ) , le fait que “la victime a été mise en contact avec l'auteur
des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non dé-
terminé, d'un réseau de télécommunications” ( C. pén., art. 222-24, 8° , réd. L. n° 98-468,
17 juin 1998 ), le fait que l'infraction ait été commise en état manifeste d'ivresse ou sous l'em-
prise manifeste de produits stupéfiants ( C. pén. , art. 222-24, 12° réd. L. n° 2007-297, 5 mars
2007, art. 54, 4° ), celui que l’infraction ait été commise en présence d’un mineur (sans préci-
sion donc de 18 ans) qui y a assisté ( C. pén., art. 222-24, 14° , réd. L. n° 2018-703, 3 août 2018
) et le fait qu’une substance ait été administrée à la victime, à son insu, afin d’altérer son dis-
cernement ou le contrôle de ses actes ( C. pén., art. 222-24, 11° , réd. L. n° 2018-703, 3 août
2018 ).
e) Circonstance de résultats corporels
Le viol est d'abord aggravé lorsqu'il a entraîné une mutilation ou une infirmité
permanente ( C. pén. , art. 222-24, 1° ).
La seconde circonstance aggravante s'attache au fait que le viol a entraîné la mort de la vic-
time ( C. pén., art. 222-25 ).

3) Peines complémentaires

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Suspension du permis de conduire, annulation du permis de conduire, confiscation d'un ou
plusieurs véhicules, confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infrac-
tion ou qui en est le produit, interdiction des droits civiques,, interdiction de séjour, interdic-
tion du territoire français, interdiction d'exercer, soit à titre définitif, soit pour une durée de 10
ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec les
mineurs, le suivi-socio-judiciaire.
Peine complémentaire des viols aggravés – Tous les viols aggravés rendent leurs auteurs justi-
ciables d'une période de sûreté.

II. - Autres agressions sexuelles


A. - Définition
Le code pénal de 1992 appelle agressions sexuelles ce que l'ancien code qualifiait d'attentats à
la pudeur violents (Cass. crim., 11 mai 2005 ; JCP G 2005 , IV, 2432 ; Bull. crim. n° 146 ).
Ni la loi ancienne ni la nouvelle n’ont défini ces attentats à la pudeur violents devenus agres-
sions sexuelles. L'infraction a toujours été comprise, comme tout acte impudique, directement
exercé sur une personne de l'un ou l'autre sexe, sans qu'elle y ait consenti et qui ne constitue
pas, par ailleurs, un viol. Dans le cadre de la catégorie générique des agressions sexuelles,
les agressions sexuelles stricto sensu constituent une catégorie résiduelle : ce sont les agres-
sions autres que le viol.
L'agression sexuelle est donc tout acte impudique, directement exercé sur une personne de
l'un ou l'autre sexe, sans qu'elle y ait consenti et qui ne constitue pas une pénétration de sa
personne.

B. - Éléments constitutifs
1° Élément matériel
Nécessité d'un contact entre l'auteur et la victime – L'infraction suppose nécessairement
que deux personnes au moins soient impliquées en qualité d'auteur et de victime.
Faits de nature sexuelle autres que la pénétration – Le plus grand nombre des agres-
sions sexuelles sont constituées par des attouchements ou des caresses d'éléments du corps
de la victime considérés comme ayant une connotation sexuelle (sexe, fesses, cuisses, poitrine)
éventuellement accompagnés de baisers sur le corps ou la bouche.
Une question a soulevé, en pratique, de sérieuses difficultés : l'infraction est-elle constituée
lorsque l'acte sexuel a été accompli non pas sur la personne de la victime mais par la victime
contrainte sur la personne même du coupable ? La jurisprudence a marqué sur ce point
quelques hésitations, mais elle est aujourd'hui fixée dans le sens de l'affirmative. Les arrêts
décident depuis longtemps que l'attentat à la pudeur commis sur un enfant résulte aussi bien
des actes à la perpétration desquels on le fait servir d'instrument ou d'auxiliaire que des actes
obscènes commis sur sa personne.
Pour dire établi le délit d’agression sexuelle, une cour d’appel retient que le prévenu assis à
côté d’une enfant de douze ans a effectué à plusieurs reprises des caresses à même la peau sur
sa main gauche et sur la jambe gauche de cette dernière, son sexe en semi-érection étant sorti
de sa braguette.
Cass. crim., 3 mars 2021, n° 20-82.399 ; Dr. pén. 2021, comm. 81 , obs. P. Conte : La chambre
criminelle rejette le pourvoi contre l’arrêt attaqué en estimant que la cour d’appel avait justifié
sa décision en retenant que les caresses avaient un caractère sexuel en raison de la manière
47
dont elles ont été effectuées et du contexte dans lequel les faits se sont déroulés. Ainsi, si l’at-
teinte sexuelle suppose un contact physique entre l’auteur et la victime, le caractère sexuel
d’une caresse peut être déduit de la manière dont elle est effectuée et du contexte dans lequel
les faits se sont déroulés.
Caractère impudique – Jusqu'à une date récente il n'était pas douteux que l'infraction d'at-
tentat à la pudeur supposait nécessairement, qu'il s'agisse de caresses ou de brutalités, un
acte réellement immoral et de nature clairement sexuelle. De simples attouchements sur les vê-
tements ou des baisers plus ou moins ardents ne constituaient pas l'infraction simplement
qualifiée éventuellement de violences ordinaires, voire d'outrage public à la pudeur si la
condition de publicité était réalisée ( T. corr. Le Mans, 25 mars 1946 : Gaz. Pal. 1946, 1,
p. 227 ).
Mais la chambre criminelle a retenu l'agression dans des hypothèses où le coupable s'était
contenté de pincer les fesses de sa victime et de la faire pénétrer de force dans son véhicule en
la poussant aux épaules ( Cass. crim., 15 avr. 1992 : JurisData n° 1992-002456 ), de caresser le
dos de la victime en passant la main sous son pull-over ( CA Agen, 27 oct. 1997 : JurisData
n° 1997-049263 ) ou de baisser son bustier au moment où quelqu'un d'autre réalise une pho-
to de groupe ( Cass. crim., 19 sept. 2006, n° 06-80.514 : JurisData n° 2006-035357 ).

Indifférence du sexe des protagonistes – Il résulte de la définition de l'agression sexuelle


que ce délit peut être commis non seulement par un homme sur une femme, et a même tou-
jours pu être puni par le mari sur son épouse, mais encore par des femmes sur des femmes ou
par des hommes sur des hommes.
2° Élément moral
Comme tous crimes ou délits, l'agression sexuelle exige chez l'agent une intention coupable, et
cette intention consiste dans la connaissance par l'agent qu'il commet un acte immoral ou obs-
cène contre le gré de la victime, ce qui n'est pas le cas du prévenu qui, dans son sommeil, avait
pratiqué des attouchements sur sa fille, âgée de treize ans, avec laquelle il avait dormi dans le
même lit ( CA Toulouse, 5 déc. 2002, n° 02/00349 : JurisData n° 2002-196923 ).
C. - Répression
Le code pénal retient ici trois infractions distinctes en fonction de la personnalité de la vic-
time : les infractions commises à l'égard d'une victime ordinaire ( C. pén. , art. 222-27 ), celles
commises à l'égard d'une personne vulnérable y compris d’un point de vue économique ou so-
cial ( C. pén., art. 222-29 ) et celle commise sur un mineur de 15 ans ( C. pén., art. 222-29-1 ).
L'agression sexuelle commise sur une victime ordinaire est un délit puni de 5 ans d'emprison-
nement et de 75 000 € d'amende ; celle commise sur une victime vulnérable est punie de 7
ans d'emprisonnement et de 100 000 € ; celle commise sur une victime mineure de 15 ans est
punie de 10 ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende.
III. - L'exhibition sexuelle
L'exhibition sexuelle remplace l'ancien outrage public à la pudeur. Un même acte, licite s'il est
discret, peut devenir répréhensible s'il est commis en public. L'élément de publicité présente
donc un intérêt essentiel. Un arrêt de la Cour de cassation du 16 juin 1906 , dont la doctrine
est toujours d'actualité, précise nettement ce point de vue ( Cass. crim., 16 juin 1906 : Bull.
crim. n° 257 ).
L'outrage public à la pudeur a pour but, d'une manière spéciale, la réparation du scandale cau-
sé par de tels actes et la protection due aux tiers qui en peuvent être témoins. C'est le scandale

48
même qui fait la criminalité de l'acte et non pas essentiellement l'atteinte individuellement
portée à la pudeur de la personne qui en a été l'objet.
Il résulte qu'il n'est pas nécessaire à la validité de la poursuite de mentionner le nom ni même
l'existence d'une victime déterminée ( CA Aix-en-Provence, 30 juin 1995 : JurisData n° 1995-
047617 ).

A. - Éléments constitutifs
1° Fait matériel d'exhibition sexuelle
Le législateur n'a défini ni le fait matériel de l'outrage public à la pudeur ni celui de l'exhibition
sexuelle. L'action doit être nettement choquante et offensante pour le spectateur.
Nécessite d'un acte matériel – Le délit ne peut résulter que d'actes, d'attitudes ou de gestes
attentatoires à la pudeur. De simples injures verbales, quelque grossières qu'elles soient, ou
encore des écrits, images, dessins, peintures, sculptures, photographies, affiches obscènes ne
sauraient caractériser l'infraction.
Nature de l'acte matériel requis – La chambre criminelle a récemment estimé qu’il n’y avait
pas exhibition sexuelle, dans une hypothèse où il y avait pourtant, semble-t-il, un acte de na-
ture sexuelle parce que, « le délit d’exhibition sexuelle suppose que le corps ou la partie du
corps volontairement exposés à la vue d’autrui soit ou paraisse dénudé » ( Cass. crim., 4 janv.
2006, n° 05-80.960 ; Dr. pén. 2006, comm. 33 ; D. 2006, p. 1655 note Garé) . Mais la chambre
criminelle a jugé, depuis et sans ambiguïté, cette fois-ci qu’un acte clairement sexuel ou obs-
cène ne constituait une exhibition sexuelle que s’il comportait une manifestation de nu-
dité ( Cass. crim., 7 déc. 2011, n° 11-85.355, F-D – Cass. crim., 7 déc. 2011, n° 11-82.808, F-D :
Dr. pén. 2012, comm. 32 , obs. Ph. Conte, cassation de condamnations prononcées pour des
actes évidents de masturbation commis au travers d’un pantalon ou sous une jupe).
a) Actes de nature sexuelle
Tous les actes sexuels publiquement commis constituent l'infraction. S'il en est évidemment
ainsi de ceux qui peuvent paraître anormaux ou contre nature, cela n'est nullement exigé. Ce
que punit l'infraction est, en effet, uniquement le fait d'imposer à autrui un spectacle auquel il
n'a pas à assister et la constitution du délit n'exige donc pas que l'acte accompli soit intrinsè-
quement immoral.
S'il s'agit de contacts sexuels réalisés à deux, peu importe les rapports respectifs des acteurs
de la scène. L'infraction est consommée dès qu'ont eu lieu en public des actes de nature
sexuelle même s'ils ont été accomplis par des partenaires libres, majeurs et consentants. Tel
serait le cas, par exemple, de rapports sexuels entre époux qui sont de nature à offenser la mo-
rale s'ils sont commis en public.
L'infraction est de même accomplie par celui qui se masturbe en public ( Cass. crim., 15 févr.
1983 : JurisData n° 1983-000897).
b) Gestes et attitudes obscènes
La forme la plus traditionnelle de l'infraction est réalisée par les actes accomplis par les « ex-
hibitionnistes », au sens criminologique du terme, qui mettent à nu leurs parties sexuelles
dans les lieux publics où ils les exposent à des passants indéterminés. Mais la jurisprudence
manifeste aussi des comportements plus élaborés tels d'un prévenu coupable d'avoir exhibé
ses parties sexuelles à la vue de deux préposées au péage d'une autoroute ( Cass. crim., 4 juin
1997 : JurisData n° 1997-003439 ; JCP G 1997 , IV, 2109) , du client qui, dans le cabinet d'un
avocat et en présence de la collaboratrice de celui-ci, exhibe son sexe en érection ( Cass. crim.,
31 mars 1999 : Dr. pén. 1999, comm. 127 , obs. M. Véron ; D. 2000, somm. p. 33, obs.
49
Y. Mayaud) ou de celui qui, après avoir conversé quelque temps avec deux mineurs en usant
d'une webcam, a baissé son pantalon et son caleçon et exhibé son sexe ( CA Nîmes, 12 févr.
2009, n° 09/00141 : JurisData n° 2009-005076 ; Dr. pén. 2009, chron. 11, n° 12 , obs. A. Le-
page) .
Nu montré dans la vie. Une jeune femme se réclamant du mouvement Femen et souhaitant
dénoncer les campagnes anti-avortement de l’Église avait pénétré dans une église s’était dénu-
dé la poitrine et avait procédé sur l’autel à un simulacre d’avortement.
Elle a été déclarée coupable d’exhibition sexuelle. La chambre criminelle rejette le pourvoi de
la prévenue, en considérant que l’exhibition sexuelle était caractérisée, peu important les mo-
biles, cette décision n’apportant pas une atteinte excessive à la liberté d’expression de l’inté-
ressée, laquelle doit se concilier avec le droit pour chacun, reconnu par l’article 9 de la
Convention européenne des droits de l’homme , de ne pas être troublé dans la pratique de sa
religion ( Cass. crim., 9 janv. 2019, n° 17-81.618).
Une femme s’était présentée au musée Grévin près de l’effigie de W. Poutine, sa poitrine étant
dénudée et portant l’inscription « kill Putin ».
Poursuivie du chef d’exhibition sexuelle, elle a été relaxée au motif que la seule exhibition de la
poitrine d’une femme n’entrait pas dans les prévisions de ce délit.
La chambre criminelle désapprouve cette motivation en jugeant que le délit d’exhibition
sexuelle est constitué même si l’intention de l’auteur est dénuée de toute connotation sexuelle.
Elle juge toutefois que la relaxe est justifiée dès lors que ce comportement s'inscrit dans une
démarche de protestation politique dont l'incrimination, compte tenu de la nature et du
contexte de l'agissement en cause, constituerait une ingérence disproportionnée dans l'exer-
cice de la liberté d'expression ( Cass. crim., 26 févr. 2020, n° 19-81.827 : JurisData n° 2020-
002284 ).
2° Publicité
La publicité est l'élément essentiel du délit prévu par l'article 222-32 du Code pénal. Ce que la
loi réprime, ce n'est pas l'acte immoral en lui-même mais l'atteinte à la pudeur d'autrui qui en
résulte. La loi veut empêcher le scandale qui ne se produit que si l'acte a été porté à la connais-
sance de témoins, même fortuitement, soit par la nature du lieu où il se commet, soit par une
circonstance accidentelle ou, dans certains cas, s'il pouvait l'être.
La condition de publicité sera réalisée, le cas échéant, par un unique témoin.
La publicité peut résulter de la seule nature des lieux où l'acte s'accomplit (lieux publics), elle
est alors absolue c'est-à-dire que la publicité étant inhérente aux lieux, le délit est constitué,
même si, en fait, l'acte n'a été vu par personne. Il pouvait être vu et cette éventualité suffit.
L'exhibition est publique lorsque l'acte, bien qu'accompli dans un lieu privé, a été aperçu, ou
pouvait l'être par un tiers, à défaut de précautions suffisantes prises pour le tenir secret. Il
s'agit alors d'une publicité effective.
La publicité est réalisée par la perception visuelle de l'acte impudique et ce point de vue ne
saurait faire difficulté, étant précisé que la circonstance de nuit n'est pas suffisante pour répu-
ter impossible toute vision.
La perception doit être directe et immédiate ou avoir pu être directe et immédiate. Il ne suffi-
rait pas que quelque indiscrétion révèle, après coup, l'acte demeuré caché et ignoré au mo-
ment même.
3° Élément moral

50
Le délit d'exhibition sexuelle suppose un agent responsable. Un aliéné ou un mineur ayant agi
sans discernement ne seraient pas punissables. De même, celui qui agirait sous l'empire de la
contrainte ou de la force majeure ne pourrait être inquiété. L'intention peut également faire
défaut si, en raison du contexte sociologique, l'intéressé ne peut se rendre compte que son at-
titude est offensante ( Cass. crim., 12 mai 2004, n° 03-84.592 :; Bull. crim. n° 119 ; RSC 2004,
p. 879, obs. Y. Mayaud ; D. 2004, somm. p. 2750, obs. G. Roujou de Boubée).
Quelques arrêts ont relaxé au motif que les intéressés n'avaient pas eu la volonté de s'exhiber
alors que les faits, soit s'étaient déroulés dans des lieux publics, soit avaient eu effectivement
des témoins. C'est ce qu'a jugé la cour de Paris dans une affaire où deux individus avaient eu
des relations sexuelles dans une voiture au motif que l'acte s'était déroulé dans un véhicule
« régulièrement stationné dans un parking, toutes portes fermées, et qu'en raison de la posi-
tion des intéressés, l'exhibition sexuelle à laquelle ils se livraient n'était pas normalement vi-
sible de l'extérieur sauf à venir tout spécialement regarder à l'intérieur du véhicule comme l'a
fait le gardien de la paix » ( CA Paris, 13 déc. 1994 : Dr. pén. 1995, comm. 89 , obs. M. Véron ;
JCP G 1996, I, 3906 , note M. Véron) .
Mais le plus grand nombre des arrêts continuent à condamner sur la simple constatation de
l'absence de précautions suffisantes pour dissimuler ce qui ne devait pas être montré et en de-
hors de toute volonté d'exhibition. Un arrêt de la cour d'appel de Caen est particulièrement si-
gnificatif à cet égard (CA Caen, 26 mai 1999 : JurisData n° 1999-114863 ). La cour commence
par relever que l'infraction aurait pu être commise par celui qui se trouvait nu dans sa salle de
bain, « lieu privé et clos hors de la vue du public », parce qu'il y avait été surpris par des té-
moins et que l'élément moral de l'infraction peut résulter d'une simple négligence. Mais elle
relaxe finalement au motif qu'il n'est pas établi que l'agent n'avait pas pris, en l'occurrence, les
précautions nécessaires, simplement déjouées par des circonstances imprévisibles. C'est re-
prendre, point par point, les principes classiques. On peut, dans une certaine mesure, et en at-
tendant d’autres décisions, penser que la question ne se pose plus depuis un arrêt du 27 jan-
vier 2016 ( Cass. crim., 27 janv. 2016, n° 14-87.591 ; Dr. pén. 2016, comm. 56 , obs. Ph.
Conte) qui a statué directement sur la question. L’auteur du pourvoi invoquait, en effet, pour
sa défense, le fait qu’il était conscient de son attitude mais n’avait pas voulu offenser, ce qui n’a
pas empêché la chambre criminelle de valider la condamnation au titre de l’absence de pré -
caution.
Enfin, comme de droit commun, le mobile (politique, en l’espèce) ne joue aucun rôle dans l’ap-
préciation de l’existence de l’élément moral (Cass. crim., 10 janv. 2018 :; Dr. pén. 2018, comm.
42 , note Ph. Conte ; D. 2018, p. 1061, note François).
B. Répression
L'exhibition sexuelle est punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 €.
Par rapport aux peines antérieures la durée de l'emprisonnement est réduite de moitié et la
peine d'amende considérablement augmentée au titre des principes généraux du code en la
matière.
L'infraction peut encourir à titre complémentaire les peines énumérées par les articles 222-44
et 222-45.

IV. - Harcèlement sexuel


Le harcèlement sexuel procédait dans le code pénal de 1992 d'une initiative parlementaire. La
mauvaise qualité législative de l'article 222-33 a été démontrée par la suite de l'évolution lé-
gislative (quatre réformes depuis la rédaction du code pénal) et une très grande incertitude
jurisprudentielle.

51
Cette incertitude concernait, d'une part le point de savoir si les actes réprimés pouvaient être
uniques ou devaient avoir été renouvelés, et, d'autre part, en quoi ils devaient précisément se
manifester (paroles ou actes).
Ce sont tous ces doutes qui ont conduit le Conseil constitutionnel, saisi d'une question priori-
taire de constitutionnalité critiquant cette imprécision ( Cass. crim., 29 févr. 2012, n° 11-
85.377, QPC ; Dr. pén. 2012, comm. 48 , obs. M. Véron), à supprimer l'incrimination ( Cons.
const., 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC D. 2012, p. 1372, note S. Détraz ; JCP G 2012, 662 , obs. A.
Lepage ; D. 2012, p. 1344, obs. G. Roujou de Boubée) et le législateur à adopter une nouvelle
rédaction (ce qui oblige les juridictions saisies de faits se situant avant et après la publication
de la loi nouvelle à identifier clairement les uns et les autres, Cass. crim., 16 nov. 2016, n° 16-
82.377 ; Bull. crim. n° 297 ).
A. - Domaine de l'infraction
L'infraction de harcèlement sexuel doit disparaître au profit de celle d'agression sexuelle
(voire de violences ordinaires) dès lors qu'il y a eu un contact physique effectif entre l'agent et
la victime ( Cass. crim., 15 juin 2000, n° 99-84.171)
Il existe quelques décisions qui retiennent que : « dès lors qu'un contact physique s'est pro-
duit entre les protagonistes, la qualification pénale de harcèlement sexuel... doit être exclue.
Seule la qualification d'agression sexuelle peut être retenue » ( CA Pau, 22 oct. 1997 : JurisDa-
ta n° 1997-850379 . – Dans le même sens : CA Bordeaux, 17 janv. 1997 : JurisData n° 1997-
055504).
La Cour de cassation ajoute qu'une relaxe ne peut intervenir pour agression sexuelle que si les
juges du fond se sont interrogés sur la question de savoir si une requalification en harcèle-
ment sexuel n'est pas possible ( Cass. crim., 16 déc. 1998, n° 98-82.132) ou inverse-
ment ( Cass. crim., 10 nov. 2004, n° 03-87.986 ; Dr. pén. 2005, comm. 53 , obs. M. Véron. –
Cass. crim., 18 févr. 2004, n° 03-83.302 ).
Mais le plus grand nombre des arrêts de cours d'appel privilégie la qualification de harcèle-
ment.
La jurisprudence n'implique dans l'infraction que des comportements qui, s'ils étaient impo-
sés, relèveraient du viol ou de l'agression sexuelle (geste et mimiques suggestifs et déplacés.
Ont au contraire échappé à la sanction, les « simples signaux conventionnels... espacés les uns
des autres de façon à permettre d'exprimer la manifestation, non fautive au plan pénal, d'une
inclination pouvant être sincère » ( CA Douai, 10 sept. 1997) En revanche, le cadeau de sous-
vêtements a été considéré comme suffisant à constituer l'infraction : CA Aix-en-Provence, 5 fé-
vr. 2001, n° 236D/2001AV).
B. - Élément matériel
L'article 222-33 du Code pénal issu de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèle-
ment sexuel prévoit dans un I un délit qu'il qualifie de harcèlement sexuel et dans un II un
autre délit qualifié, d'« assimilé » au harcèlement. Le I de l’article a, d’autre part, été complété
de trois alinéas par la loi n° 2018-703 du 3 août 2018.
a) Harcèlement proprement dit (C. pén., art. 222-33, I)
Le harcèlement sexuel est “le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou
comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en rai-
son de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimi-
dante, hostile ou offensante”.
b) Fait assimilé au harcèlement (C. pén., art. 222-33, II)

52
“Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'user de toute forme de pres-
sion grave dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit
recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers”.
2° Élément moral
Le délit de harcèlement sexuel est une infraction intentionnelle.
Mais il demeure évident que le harcèlement ne peut être réprimé que s'il manifeste une atti-
tude de contrainte et qu'il ne peut exister en cas d'acceptation, et a fortiori, d'encouragement
de la personne concernée qui ne peut être dite victime ( CA Grenoble, 1re ch. corr., 7 juill.
2000, n° 00/00088 : JurisData n° 2000-125081 , le fait de demander à une employée de por-
ter des tenues suggestives ne constitue pas le délit de harcèlement sexuel en l'absence de
preuve d'une opposition de l'intéressée. – Dans le même sens, CA Douai, ch. soc., 16 déc. 1994
: JurisData n° 1994-051518 . – CA Dijon, ch. soc., 7 mai 1996 : JurisData n° 1996-04325).
C. - Répression
Le harcèlement sexuel et son infraction assimilée sont punis de 2 ans d'emprisonnement et
de 30 000 € d'amende ( C. pén. , art. 222-33 ), ce qui constituait en 2012 un doublement des
peines par rapport au droit antérieur.
La principale innovation de la loi de 2012 suivie par celle de 2018 est d'avoir doté ces deux
formes de l'infraction de circonstances aggravantes : les faits ont été commis par une per-
sonne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; sur un mineur de 15 ans ; sur
une personne dont la particulière vulnérabilité, due soit à son âge, à une maladie, à une infir-
mité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, soit à des motifs éco-
nomiques, est apparente ou connue de l'auteur ; par plusieurs personnes agissant en qualité
d'auteur ou de complice.
La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 a jouté trois autres circonstances aggravantes résultant de
l’utilisation d’un service de communication électronique, alors qu’un mineur était présent et a
assisté aux faits, par un ascendant ou toute autre personne ayant sur la victime une autorité
de droit ou de fait.
En présence d'une de ces circonstances aggravantes, les peines sont élevées jusqu'à 3 ans
d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.
La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 “relative aux violences faites spécifiquement aux femmes,
aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants” (art. 16) a
inséré au Code pénal un article 222-50-1 qui dispose que les personnes physiques ou morales
coupables notamment du délit de harcèlement sexuel prévu par l'article 222-33, encourent
également la peine complémentaire d'affichage ou de diffusion de la décision prévue par l'ar-
ticle 131-35.

Cours du 09/11/21
Atteintes sexuelles sur mineurs (fin thème 6)

Art 227-25 et suivants du CP.


Parmi les atteintes aux mineurs et à la famille.
Infractions commises avec le consentement de la victime ce qui les distingue des agressions
sexuelles déjà vues.

A. Eléments constitutifs

53
Constitués quand il y consentement du mineur.
Quand il n’y a pas consentement du mineur, seule la qualification de viol ou d’agression sexuelle
pourrait être retenue.

Les atteintes sexuelles sur mineurs sont constituées que si une atteinte de nature sexuelle est portée.
Cela implique un acte de nature sexuelle. Tout acte de nature sexuelle pourra réaliser cette atteinte,
qu’il s’agisse ou non d’une pénétration dès lors qu’il y a un contact corporel entre l’auteur et la
victime: ch.crim. 07/09/2016 droit pénal 2016 commentaire 167 note Conte.
La chambre criminelle concernant les articles 227-25 et 227-27, laisse au juge dont c’est l’office le
soin de qualifier des comportements que le législateur ne peut énumérer à priori de façon exhaustive
sont rédigés en des termes clairs et précis pour permettre que leur interprétation se fasse sans risque
d’arbitraire et pour ces motifs, la chambre criminelle a refusé de transmettre une QPC sur ce sujet
ch.crim. 06/06/2018 n° 17-81951.

1. Les atteintes sexuelles sur mineur de 15 ans

Cette infraction est incriminée à 227-25 du code pénal.


Ce texte pose une double condition: victime de moins de 15 ans et auteur majeur.
Donc les actes sexuels avec un mineur consentant sont sanctionnés en raison du jeune âge du mi-
neur.
Le seuil de 15 ans a été choisi par cohérence avec l’article 144 du code civil qui autorisait le ma -
riage des filles à partir de cet âge car le mariage implique des relations sexuelles entre époux.
Mais cette justification ne tient plus: désormais l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage
avant 18 ans révolus.

En visant le majeur, l’article pose aussi une condition d’âge relative à l’auteur-> ne peut être com-
mis que par une personne qui a 18 ans révolus au jour de la commission des faits.
Le majeur de 18 ans ayant des relations consenties avec un mineur de 14 ans tombe sous le coup de
la qualification alors que le mineur de 17 ans qui aurait les mêmes relations avec un mineur de 12
ans échapperait à toute sanction pénale sauf à démontrer que le mineur ne disposait pas du discerne-
ment nécéssaire et que l’auteur a abusé de sa vulnérabilité et on aurait une qualification d’agression
sexuelle et non plus une atteinte sexuelle.

2. Les atteintes sexuelles sur mineur de 15 à 18 ans

Article 227-27 du code pénal.


Sanctionne uniquement quand les atteintes sont commises par un ascendant ou tout autre personne
ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. Ou encore, par tout autre personne qui abuse de
l’autorité que lui confèrent ses fonctions.

Autorité de droit ou de fait: cette autorité ne peut se déduire de la seule relation de parenté autre que
celle d’ascendant (car la qualité d’ascendant est expressément visée par le texte). Le juge devra vé-
rifier et relever une autorité effectivement exercée sur le mineur de 15 à 18 ans pour pouvoir carac-
tériser l’infraction.

B. La répression

Il existe une règle de compétence particulière: 227-27-1 CP.


Confère la possibilité de poursuivre l’auteur même si l’infraction n’a pas été commise sur le terri-
toire national.
Les atteintes sexuelles sur mineurs peuvent être imputées aux personnes morales: art 227-28-1 CP.
Mais hypothèse particulière.

54
Les personnes physiques encourent pour la commission sur mineur de 15 ans: 7 ans et 100 000€ se-
lon 227-25.

227-26: aggravation de 227-25 si commis par ascendant ou par toute autre personne ayant sur la
victime une autorité de droit ou de fait ou personne qui abuse de son autorité etc;
si commis par plusieurs personnes (agissants comme auteurs ou complice);
si le mineur a été contacté aux moyens d’un réseau de communication électronique;
si commis par une personne sous l’emprise de stupéfiants ou alcoolisé
-> 10 ans d’emprisonnement et 150 000€.

Atteinte sur mineur de 15 à 18 ans: art 227-27 punit de 5 ans et 45 000€.

227-27-3: quand l’atteinte sexuelle incestueuse est commise par une personne titulaire de l’autorité
parentale sur le mineur, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de
l’autorité en application des règles des articles 378 et 379-1 du code civil.

Peines complémentaires: 227-29 CP.


227-31 prévoit la possibilité de condamner les personnes responsables d’un suivi socio-judiciaire.

•Les messages outrageants


Mode de réalisation différent de l’outrage.
Les messages outrageants ne se traduisent pas par un acte mais par un message.

Le CP sanctionne plusieurs comportements.

A. L’exploitation pornographique de l’image d’un mineur

Art 227-23 al. 1: incrimine le fait en vue de sa diffusion de fixer, enregistrer, transmettre, diffuser
ou détenir l’image ou la représentation d’un mineur quand cette image ou cette représentation pré-
sente une caractère pornographique.

1. Les éléments constitutifs de l’exploitation pornographique de l’image d’un mineur


Elément matériel

Est un objet particulier qui est l’image pornographique d’un mineur et il faut des actes spécifiques
c'est à dire l’utilisation de procédés d’exploitation de l’image.
On a rajouté le terme de représentation pour englober les représentations virtuelles du mineur car le
terme d’image pourrait être interprété comme ne dessinant que l’image fixée ou enregistrée d’un
mineur existant réellement.
L’infraction ne protège pas l’image d’un mineur particulier (la victime) mais l’image des mi-
neurs en général car une représentation virtuelle suffit pour caractériser le délit.

Le dernier alinéa de l’article précise que les dispositions de l’article sont applicables aussi aux
images pornographiques d’une personne dont l’aspect physique d’un mineur sauf s’il est établi que
cette personne était âgée de 18 ans au jour de la fixation/de l’enregistrement de son image.
Cette disposition établit une présomption de minorité à partir de l’apparence physique et protège les
mineurs réels.
Valeur protégée: préservation de l’image des mineurs qui ne doivent pas être associés à des
images pornographiques.

55
L’image doit être pornographique pour réaliser le délit de l’article 227-23. Cette notion de
pornographie n’est pourtant pas définie par le texte-> notion fuyante à caractère évolutif.
Pour pouvoir condamner, le juge doit nécessairement préciser en quoi l’image/la représentation est
pornographique. Le TC de Paris a eu l’occasion de préciser ce qu’il faut entendre par image porno-
graphique car il les a définit comme celles qui par opposition aux oeuvres érotiques « privant les
rites de l’amour de tout leur contexte sentimental, en décrivent seulement les mécanismes physio-
logiques et concourent à dépraver les moeurs s’ils en recherchent les déviations avec une prédi-
lection visible ».
TC Paris 05.10.1972 Gazette du palais 1973 1e partie p.211

L’image doit en plus être exploitée par un procédé prévu à l’article 227-23.
3 types de comportement sanctionnés:
- fait de fixer/enregistrer cette image (al.1);
- Fait de la transmettre/diffuser/importer/exporter (une partie de l’al. 1 et 2). Le Fait d’offrir une
telle image a été ajouté depuis la loi du 21/06/2004 (al. 3);
- La simple détention de l’image, son acquisition et la consultation habituelle ou en contrepartie
d’un paiement en ligne qui met à disposition l’image (al.4)-> la simple détention n’est pas néces-
sairement le fait de celui qui a fixé ou diffusé l’image;
= l’ensemble des comportements visés sont autonomes.

La tentative est incriminée.

Elément moral

Infraction intentionnelle. L’intention implique que l’auteur ait voulu le résultat de l’infraction donc
qu’il a voulu fixer, détenir etc l’image pornographique d’un mineur. Il devait avoir conscience du
caractère pornographique de l’image et de la minorité du sujet.
La preuve peut se déduire de la nature de l’image qu’il permettra d’établir que l’auteur ne pouvait
qu’avoir conscience du caractère pornographique de l’image et de la minorité du sujet.

Mobile toujours indifférent.

2. Les sanctions

La poursuite est facilitée par l’existence de la règle de compétence particulière: infraction commise
à l’étranger (227-27-1 CP).
Les personnes physiques encourent 5 ans et 75 000€ et le suivi socio-judiciaire et les peines com-
plémentaires de 227-29.

7 ans et 100 000€ quand aura été utilisé pour la diffusion de l’image ou pour la représentation du
mineur à destination d’un public non déterminé, un réseau de télécommunication électronique.

10 ans et 500 000€ si commis en bande organisée.


La peine de confiscation de tout ou partie des biens de l’auteur peut être envisagée.

Les personnes morales peuvent aussi engager leur responsabilité pénale dans les conditions du droit
commun.

B. La diffusion de messages pornographiques pouvant être perçus par un mineur

Art 227-24 CP et modifié deux fois par 14/03/2011 et 13/11/2014.

56
« Fait de fabriquer, transporter, diffuser par quelque moyen que ce soit et quelqu’en soit le support
un message à caractère violent incitant au terrorisme, pornographique ou de nature à porter grave-
ment atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettants physi-
quement en danger, ou de faire commerce d’un tel message quand ce message est susceptible d’être
vu ou perçu par un mineur ».
Le domaine de l’infraction dépasse celui des infractions sexuelles.

1. Eléments constitutifs de l’infraction

Element matériel
Il est défini dans le texte: actes portants sur des messages dont le contenu est particulier et qui
peuvent être perçus par un certain type de public.
227-24 exige un acte de diffusion du message. Acte défini de manière large car le texte vise la fabri-
cation, le transport, la diffusion et quelqu’en soit le support, ainsi que le fait de faire commerce de
ce message.
Le message doit être violent et l’article précise le contenu du message.

Question de savoir pour apprécier le caractère dangereux du jeu si l’appréciation doit être conduite
par rapport à un public quelconque ou un public mineur-> alors que le texte vise que le mineur n’est
qu’un destinataire potentiel du message!
Le juge devra relever le caractère violent, pornographique, contraire à la dignité ou au terrorisme.

->Dernière condition: concernant la diffusion du message.


Le message n’est répréhensible que s’il est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. Le texte
n’exige pas que le mineur ait réellement perçu ce message, il suffit que le message ait pu être
perçu par un mineur.
Publicité n’a pas besoin d’être effective, il n’est pas nécéssaire qu’une personne ait perçu le mes-
sage pour que le délit soit constitué.

Elément moral

l’intention-> volonté du résultat.


La jurisprudence se contente d’une imprudence quand elle pose que l’infraction est établie quand
les mesures prises pour éviter la diffusion du message auprès du mineur sont jugées insuffisantes:
ch.crim. 23.02.2000 bulletin 85 (note 6 ss. art 227-25 Code).

L’absence de précaution prise permet de rapporter la preuve de l’intention.


Cette analyse est confortée par l’alinéa 3 ajouté qui précise que « les infractions prévues au présent
article sont constituées y compris si l’accès d’un mineur au message résulte d’une simple déclara-
tion de celui-ci indiquant qu’il est âgé d’au moins 18 ans ».
Il suffit que le mineur fasse une fausse déclaration pour percevoir le message, ce qui démontre que
les précautions prises pour l’empêcher d’y avoir accès ne sont pas suffisantes.

2. Les sanctions

3 ans et 75 000€ + suivi socio-judiciaire et 227-29


227-28-1: personnes morales.
131-38.

C. Les messages contraire à la décence

57
Contravention: R624-2 CP: fait de diffuser sur la voie publique ou dans des lieux publics des
messages contraires à la décence.
Vise aussi le fait sans demande préalable du destinataire, d’envoyer ou de distribuer à domicile de
tels messages.

a. Eléments matériels
Actes doivent porter sur des messages considérés comme contraires à la décence. Le juge devra ap-
précier si les messages qui lui sont soumis sont ou non contraires à la décence. Interprétation rela-
tive qu’il devra conduire. La jurisprudence précise que la notion de décence devait s’apprécier au
regard des moeurs actuelles (met en avant le caractère évolutif de la notion).
Le texte vise les messages au pluriel ce qui laisse penser qu’il faut plusieurs messages pour pou-
voir entrer en voie de condamnation.
Pose des difficultés de détermination du domaine de l’infraction: si un seul message a été diffusé,
que ce passe-t-il? Et que ce passe-t-il si un même message a été diffusé plusieurs fois? On pourrait
considérer que ce n’est pas constitutif.

Les messages doivent avoir une certaine publicité par 2 moyens: voie publique ou dans un lieu pu-
blic + fait de distribuer les messages à domicile.

b. Elément moral

En matière de contravention, la faute contraventionnelle suffit donc dès que l’élément matériel
est constaté.
La peine prévue est l’amende de 4 e classe donc 750 € et la peine de confiscation de la chose qui a
servi ou était destinée à commettre l’infraction et la confiscation de la chose qui en est le produit.

D. Outrage sexiste

-> introduit par la loi du 03/08/2018: débats très vifs à l’issue de la loi.
C’est une contravention intégrée dans la partie législative du CP.
Art 621-1 qui dispose que « constitue un outrage sexiste le fait hors les cas prévus dans 222-13,
222-32, 222-33 et 222-33-2-2, d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connota-
tion sexuelle et sexiste qui porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humi-
liant, ou crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

La définition soulève des questions en raison de la proximité avec l’infraction d’harcèlement sexuel.
L’outrage sexiste n’exige pas une répétition des faits et s’apparente à une tentative de harcèle-
ment sexuel, raison pour laquelle on lui a rapproché de ne pas être utile.
Les travaux parlementaires faisaient référence à la répression des insultes sexistes ou des comporte-
ments de frottage dans les transports en commun.
Mais l’insulte sexiste tombe sous la qualification d’injure et le frottage sous la qualification d’agres-
sion sexuelle.

Problème: comme c’est une contravention, cela revient à contreventionnaliser des comportements
que le législateur semble pourtant à coeur de les punir puisqu’il les légifère.

Les difficultés de preuve sont importantes donc ces incriminations risquent de rester lettre morte.

E. Racolage

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-> incrimination avec difficultés d’interprétations nombreuses donc on s’interroge sur l’utilité de
l’incrimination.
Jusqu’au décret du 27/09.2004, l’article R625-8 faisait du racolage d’autrui en vue de l’inciter à des
relations sexuelles une contravention punie d’une amende de 5e classe et de peines complémen-
taires. Pour que l’infraction soit constituée, il fallait qu’ai été procédé publiquement au racolage
d’autrui. Mais le texte ne précisait pas en quoi consistait l’acte de racolage.

La jurisprudence avait précisé que l’acte de racolage impliquait un comportement actif qui soit de
nature à inciter autrui à des relations sexuelles. Arrêt ch.crim 25.06.1996 bulletin 726 considère
que dès lors que la tenue vestimentaire de la prévenue apparait normale compte tenu de la date des
faits et qu’aucune parole de sa part de nature à inciter autrui à des relations sexuelles n’a été rete-
nue, elle devait être retenue des fins de la poursuite car le seul fait de déambuler et de s’adresser à
des automobilistes ou piétons qui s’arrêtent spontanément à sa hauteur sans s’arrêter ne peut être
considéré comme du racolage actif.

Ensuite, la loi du 18.03.2003 a modifié le racolage et inséré l’article 225-10-1: le racolage peut être
constitué maintenant par une attitude passive. Mais le problème de preuve reste entier, comment
prouver que la personne se livre au racolage si elle est passive sur la chaussée?
Le délit pose aussi une nouvelle condition à la sanction du racolage car le racolage n’était constitué
que s’il y avait eu incitation d’avoir une relation sexuelle en échange d’une rémunération.

Les difficultés de définitions étaient importantes et le délit de racolage avait été inséré dans une sec-
tion intitulée « du proxénétisme et des infractions qui en résultent » mais il avait été créé suite à la
rébellion de certains habitants où il y avait invasion de prostituées (donc réponse au phénomène).

La loi du 18/03/2003 qui avait crée le délit de racolage n’avait pas supprimé la contravention de ra-
colage de R625-8 du CP donc on se retrouvait avec deux textes non conciliables car les comporte-
ments de la contravention entraient dans le domaine d’application du délit. Seule façon de maintenir
les deux: considérer que 225-10-1 était réservé aux relations avec rémunération et R625-8 aux rela-
tions sexuelles sans rémunération.

Le décret du 27.09.2004 met fin à la double incrimination du racolage en supprimant l’article R625-
8 CP.
La loi n° 2016-444 du 13/04/2016 abroge le délit de racolage.

12.11.21
Suite du débat sur la légalisation du cannabis

-Dans les pays où le cannabis a été légalisé, il n’y a pas eu de hausse de la consommation.

-Le cannabis a été classé par une convention internationale de l’ONU dans un tableau catégorie 1 et
4 aux côtés de l’héroïne notamment. La France a d’ailleurs ratifié cette convention.
Le cannabis n’est pas non plus classé dans le tableau des médicaments. Le groupe ne comprend pas
comment il peut être envisageable de légaliser une substance qui n’est pas reconnue comme un mé-
dicament.

-Mise en avant des vertus du cannabis sur la santé: substance thérapeutique, pris aussi pour détendre
les personnes atteintes de cancers ou d’autres pathologies.
Forme: gélules, huiles essentielles, pastilles etc-> tout repose sur un cadre scientifique et stricte. Fa-
voriser l’innovation donc la composition et le mode d’administration seront conservés.

59
Conclusion Mme Cutajar:
Quel doit être l’impératif du législateur pour déterminer la question du cannabis? S’interroger sur ce
qu’est le droit et la finalité du droit? Quelle est la valeur protégée?
En répondant à cette question on sait si on doit ou non légiférer.
Le droit pénal permet de faire ressortir les valeurs fondamentales d’une société.
En légalisant, est-ce que la finalité est obsolète et on doit la substituer par une autre finalité?

-> balance entre la santé publique et la liberté.


Rôle du législateur: arriver à réaliser une synergie entre ce qui est utile et juste-> idée de balance.
À l’issue du travail de répartition, on peut considérer que la solution à retenir est celle qui permet la
rencontre entre l’utile et le juste. En procédant ainsi, on ne peut pas se tromper parce que dans tous
les arguments soulevés, on pourra les classer dans l’une ou l’autre des catégories pour arriver à faire
la part des choses.
La synergie est le meilleur moyen d’arriver une société apaisée et le droit pénal sert à ça.

Galop: CP
Examen: Commentaire d’arrêt ou dissertation

16.11.2021
Thème 7: Les atteintes à la dignité de la personne
Chapitre 5: atteintes à la dignité
I. Les discriminations

Notion introduite pour la 1 e fois par une loi du 1/07/1972 qui introduit les discriminations raciales
ou religieuses.
Aujourd'hui le CP sanctionne plus largement les différences de traitement entre les individus et les
sanctions quand c’est le fait des particuliers : 225-1 et suivants ou le fait de PDAP ou chargés de
mission de service public: 432-7.

Toutes les différences de traitement ne tombent pas sous le coup de la loi pénale qui est d’interpréta-
tion stricte.

225-1: « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le
fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur appa-
rence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou
connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur
perte d'autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur
orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs acti-
vités syndicales, de leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de leur apparte-
nance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race
ou une religion déterminée. » -> liste exhaustive.

Discriminer est soit éliminer, soit favoriser les catégories de personnes au profit ou détriment
d’autres individus.
Deux textes sanctionnent deux sortes de comportements différents en fonction de la qualité des au-
teurs qui commettent la discrimination.

A. Les comportements discriminatoires


1. Les discriminations commises par les particuliers

60
225-2 liste une série de comportements qui permettent de sanctionner les discriminations telles que
définies par 225-1.

225-2: « refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ; subordonner la fourniture d'un bien ou d'un
service à une condition discriminatoire; entraver l'exercice normal d'une activité économique quel-
conque ; (…) »
Refuser de vendre un bien immobilier en raison de l’origine des acquéreurs est une discrimination,
tout comme le fait de refuser de louer un appartement à une personne au motif qu’elle est atteinte du
sida: ch. crim. 25/11/1997 n° 96-85670 Bulletin 399.

Quand une compagnie aérienne refuse de former son personnel de bord à l’assistance spécifique des
voyageurs handicapés, elle ne peut par la suite invoquer un motif de sécurité, pour justifier le refus
d’embarquer des PMR voyageant sans accompagnateur. Ce comportement constitue une discrimina-
tion ch.crim 15/12/2015 bulletin 286 (note 4 ss. art 225-1 Code).

Les discriminations peuvent se manifester dans le cadre du travail.


225-2 réprime également 3 formes de comportements: refuser d’embaucher ou accepter une per-
sonne en stage; la sanctionner ou licencier pour des raisons discriminatoires; subordonner une offre
d’emploi/demande de stage/période de formation en entreprise à une condition discriminatoire.
Est caractérisé le délit quand une personne chargée du recrutement d’aides ménagères met en
oeuvre les exigences de sa direction « évitez le personnel de couleur » ch.crim.14.11.1989 bulletin
416 (note 17 ss. art 225-3 Code).

Constitue une discrimination à « ne pas recruter des animatrices typées » ch.crim. 23/06/2009 bul-
letin 126.

2. Discrimination commise par DPAP


Article 432-7.
-> comportements un peu différents de 225-1: ici l’auteur doit « refuser le bénéfice d'un droit accor-
dé par la loi ; ou entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque » comme le fait,
pour une commune de conditionner l’attribution d’une prime de naissance à la nationalité des pa-
rents ch.crim. 17.12.2002 bulletin 227 (note 6 ss. art 432-7 Code).

Commet une discrimination fondée sur la religion, le maire qui au cours d’une séance de conseil
municipal refuse à une élue la possibilité de prendre la parole au motif que celle-ci porte une croix
autour du cou 01/09/2010 bulletin 127 (note 2 ss. art 432-7 Code).

Toute différence de traitement ne tombe pas sous le coup de la loi pénale.

B. Les différences autorisées

225-3 2° et 5°: cas où des différences de traitement entre personnes peuvent être faites sans que
ce comportement constitue un délit.
Il est possible pour un employeur ou l’Etat de procéder à des discriminations à l’embauche quand le
refus de l’embauche ou le licenciement découle de l’inaptitude médicalement constatée d’un candi-
dat ou du salarié ou si le refus d’embauche est fondé sur la nationalité mais motivé par l’application
de disposition statutaires relatives à la fonction publique comme l’armée, la police, la justice, les
douanes, les impôts .

Autorisé également en matière d’embauche sur le sexe, l’âge ou l’apparence physique quand un tel
motif constitue une exigence professionnelle essentielles déterminantes comme un rôle de comédien
ou de mannequin.

61
C. La répression

Quand le délit de discrimination est commis par un particulier ou une personne morale de droit pri-
vé, la peine est de 3 ans et 45 000€ (225-2).

Répression aggravée quand le refus discriminatoire de fourniture de biens et services est commis
dans un lieu accueillant du public ou aux fins d’en interdire l’accès (boite, bar, restau) alors 5 ans et
75 000€. Et peines complémentaires de 225-19.

Quand la discrimination est commise par une DPAP ou chargée de mission de service public à l’oc-
casion de l’exercice de ses fonctions, la peine est de 5 ans et 75 000€ (art 432-7) et peines complé-
mentaires de 432-17.

II. La traite des êtres humaines

Introduction par la loi du 18/03/2003 relative à la sécurité intérieure qui a crée une section I Bis
dans le CP aux articles 225-4-1 et suivants.

A. Les éléments constitutifs

« La traite des êtres humaines et le fait de recruter une personne, de la transporter, transférer, de
l’héberger, accueillir à des fins d’exploitation dans l’une des quatre circonstances alternatives sui-
vantes:
- emploi de menace, contrainte, violence ou de manœuvres dolosives à l’encontre de la victime ou
de ses proches par un ascendant, par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l'autorité
que lui confèrent ses fonctions
- soit par abus d'une situation de vulnérabilité
- Soit en échange ou par l'octroi d'une rémunération ou de tout autre avantage ou d'une promesse
de rémunération ou d’avantage.

L’exploitation est le fait de mettre la victime à sa disposition ou la disposition d’un tiers même si ce
tiers n’est pas identifié afin de permettre la commission contre la victime des infractions de proxé-
nétisme, d’agressions/atteintes sexuelles, de réduction en esclavage, de soumission à du travail ou à
des services forcés, de réduction en servitude, de prélèvement de l’un de ses organes, d’exploitation
de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de
contraindre la victime à commettre tout crime ou délit. »

Ch.crim. 16.12.2015 bulletin 575 (note 1 ss. art 225-4-2 Code): le prévenu avait obtenu la remise
d’une mineure âgée de 13 ans par son père pour 120 000€ pour la marier à son fils et l’utiliser dans
ses équipes de voleuses. Condamnée par le TC puis relaxé par la CA au motif que « pour immoral
qu’il soit, le comportement du prévenu n’entre pas dans les prévision de l’incrimination prévue par
225-4-1 du CP, lesquels sont d’éradiquer le commerce des êtres humains afin de combattre des com-
portements d’esclavagisme particulièrement destructeurs pour la dignité humaine et inscrit dans un
contexte de déséquilibre économique mondial; que si l’aspect mercantile d’un mariage arrangé
même correspondant à une pratique cultuelle choquante, il convient d’éviter de banaliser cette incri-
mination spécifique laquelle dépasse le cas d’espèce ».
La chambre criminelle casse cette décision, selon elle « mais attendu qu’en prononçant ainsi alors
que la CA a constaté que l’achat de la mineure avait pour finalité de la contraindre à commettre des
vols, la CA n’a pas justifié sa décision ».

62
La CA ne pouvait pas considérer dans le même temps que l’achat était fait pour qu’elle vole et re-
laxer en même temps le prévenu.

B. La répression

225-4-1: 7 ans et 150 000€

Causes d’aggravation
225-4-2: en cas de pluralité de victimes; si les victimes proviennent de l’extérieur du territoire de la
République; quand a été utilisé un réseau de communication électronique; quand l’infraction est
commise avec violence ou quand l’infraction a placé la victime dans une situation matérielle psy-
chologique grave-> 10 ans d’emprisonnement et 1,5 Mio d’€.

225-4-2 II: 15 ans de réclusion et 1,5 Mio d’€ si pluralité de circonstances aggravantes.

225-4-3: 20 ans et 3 Mio si infraction commise en bande organisée.


225-4-4: perpétuité et 4,5 Mio s’il a été fait usage de torture ou d’actes de barbarie.

III. L’exploitation de la mendicité

Introduite par la loi du 18/03/2003.


225-12-5 et suivants dans la section II Ter

A. Les éléments constitutifs

2 formes de l’exploitation: 225-12-5: « fait par quiconque de quelque manière que ce soit :
« 1° D'organiser la mendicité d'autrui en vue d'en tirer profit ;
2° De tirer profit de la mendicité d'autrui, d'en partager les bénéfices ou de recevoir des subsides
d'une personne se livrant habituellement à la mendicité ;
3° D'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la livrer à la mendicité, ou
d'exercer sur elle une pression pour qu'elle mendie ou continue de le faire ;
4° D'embaucher, d'entraîner ou de détourner à des fins d'enrichissement personnel une personne en
vue de la livrer à l'exercice d'un service moyennant un don sur la voie publique. »

Répression de la non justification de ressources pour cette infraction: « fait de ne pouvoir justi-
fier de ressources correspondant à son train de vie tout en exerçant une influence de fait permanente
ou non sur une ou plusieurs personnes se livrant à la mendicité ou en étant en relation habituelle
avec cette ou ces dernières » -> délit spécifique.
Ce délit est assimilé à l’exploitation de la mendicité. On cherche à appréhender les réseaux crimi-
nels aux moyens de ces incriminations.

B. Repression

3 ans et 45 000€.

Causes d’aggravation
-225-12-6: 5 ans et 75 000 € si victime mineure; personne vulnérable; quand il y pluralité d’auteur;
quand l’infection est commise par un ascendant ou personne ayant autorité.

-225-12-7: 10 ans et 1,5 Mio d’€ si commis en bande organisée.

63
IV. les conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité

Le travail forcé et la réduction en servitude

Création dans le code pénal de 1994.


Articles 225-13 et 225-14.

Création pour lutter contre la traite des êtres humains mais ne correspondait pas au regard des enga-
gements internationaux de la France qui a par ailleurs été condamné par la CEDH pour violation de
l’article 4 de la ConvEDH donc le législateur est intervenu par une loi du 05/08/2013 qui ajoute
deux textes: 225-14-1 et 225-14-2.

A. Les victimes protégées

225-13 et 225-14 visent à sanctionner ceux qui exploitent et profitent de personnes particulière-
ment vulnérables, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’au-
teur.

225-15-1 crée une présomption de vulnérabilité pour les mineurs et les personnes qui ont été vic-
times de travail forcé/conditions de travail/hébergement indignes à l’arrivée sur le territoire natio-
nal.

B. Les comportements prohibés

4 types de comportements sont réprimés:

- 225-13: fait d’obtenir d’une personne vulnérable la fourniture de services non rétribués ou en
échange d’une rétribution manifestement sans rapport avec l’importance du travail accompli: 5
ans et 75 000 €

- 225-14: fait de soumettre une personne vulnérable à des conditions de travail ou d’héberge-
ment incompatibles avec la dignité humaine: 5 ans et 150 000 €

- 225-14-1: le travail forcé est le fait par la violence ou menace de contraindre une personne à ef-
fectuer un travail sans rétribution ou en échange d’une rétribution manifestement sans rapport
avec l’importance du travail accompli. Aucune exigence quant à la qualité de la victime donc
l’incrimination s’applique sans restriction, pas besoin de vulnérabilité: 7 ans et 200 000 €.

- 225-14-2: la réduction en servitude est le fait de faire subir de manière habituelle un travail
forcé à une personne vulnérable: 10 ans et 300 000 €.

La sanction peut être aggravée en fonction des circonstances, elle peut aller jusqu’à la qualification
criminelle: 225-15.

13/01/2009 bulletin n°09 (note 9 ss art 225-14 Code): la Cour de cassation casse une décision de
CA en lui reprochant de ne pas avoir tiré le conséquence légales de ses propres constatations. La
chambre criminelle décide au visa de 225-14 CP et de l’article 4 de la ConvEDH: « attendu
qu’après avoir relevé que Marc X dont Afiba Z avait conservé le passeport avait été chargé par
celle-ci d’exécuter en permanence sans bénéficier de congés des taches domestiques rétribuées par

64
quelque argent de poche ou envoi de subsides en Côte d’Ivoire, l’arrêt retient pour relâcher que la
fille disposait des mêmes conditions de logements que la famille et qu’elle était appréciée de la pré-
venue ».
La CA retient l’absence d’atteinte à la dignité humaine. Mais la ch crim dit que tout travail forcé est
incompatible avec la dignité humaine donc la cassation est encourue.

V. Le proxénétisme

Articles 225-5 et suivants.

A. Les formes du proxénétisme

3 types de comportements:

- 1°« D'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d’autrui » (le fait pour une prostituée de
prendre avec elle une autre prostituée dans sa voiture est constitutif de l’infraction: 12.10.1994
numéro 93-85340)-> aucun profit n’est exigé pour que le proxénétisme soit caractérisé.

- 2°« tirer profit de la prostitution d'autrui, d'en partager les produits ou de recevoir des subsides
d'une personne se livrant habituellement à la prostitution » -> ici on a plutôt la forme concrète de
proxénétisme justement (vivre grâce aux revenus de la prostituée par ex)

- 3°« embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d'exercer


sur elle une pression pour qu'elle se prostitue ou continue à le faire » -> appréhension de tous les
comportements qui visent à inciter autrui à se prostituer, aucune condition relative à un profit
n’est requise mais toute pression quelqu’en soit la forme (contrainte physique ou morale) carac-
térise l’infraction.

B. Les délits assimilés

225-6 incrimine les délits assimilés au proxénétisme.

Constitue le délit le fait de:


- « faire office d’intermédiaire;

- de faciliter à un proxénète la justification de ressources fictives ;

- fait de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une
personne qui se livre habituellement à la prostitution ou tout en étant en relations habituelles avec
une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution ;

- fait d'entraver l'action de prévention, de contrôle, d'assistance ou de rééducation entreprise par les
organismes qualifiés à l'égard de personnes en danger de prostitution ou se livrant à la prostitu-
tion. »

C. La repression

7 ans et 150 000€


65
Circonstances aggravantes à l’article 225-7: 10 ans et 1,5 Mio.

Le délit de proxénétisme devient un crime dans les cas énumérés des articles 225-7-1 (proxénétisme
sur mineur), 225-8 (commis en bande organisée) et 225-9 (lorsqu’il est fait usage de torture ou
d’actes de barbarie).
Peines complémentaires 225-20 et 225-21.

225-10 sanctionne le fait de « 1° détenir, gérer, exploiter, diriger, faire fonctionner, financer ou
contribuer à financer un établissement de prostitution ;
2° Détenant, gérant, exploitant, dirigeant, faisant fonctionner, finançant ou contribuant à financer un
établissement quelconque ouvert au public ou utilisé par le public, d'accepter ou de tolérer habituel-
lement qu'une ou plusieurs personnes se livrent à la prostitution à l'intérieur de l'établissement ou de
ses annexes ou y recherchent des clients en vue de la prostitution ;
3° De vendre ou de tenir à la disposition d'une ou de plusieurs personnes des locaux ou emplace-
ments non utilisés par le public, en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution ;
4° De vendre, de louer ou de tenir à la disposition, de quelque manière que ce soit, d'une ou plu-
sieurs personnes, des véhicules de toute nature en sachant qu'elles s'y livreront à la prostitution. »
-> 10 ans et 750 000€.

Texte hypocrite car on ne sanctionne pas la prostitution.


Celui qui loue un simple logement à une prostitué peut être considéré comme proxénète ce qui
oblige les prostitués à exercer dans des conditions contraires à la dignité.

VI. Le recours à la prostitution

Avant la loi du 13/04/2016, le client ne tombait sous aucune infraction, seule les prostitués étaient
poursuivis pour racolage.
La loi a opéré un changement puisqu’elle a abrogé l’infraction de racolage et a introduit un nouveau
livre VI dans la partie législative du CP en incriminant le recours à la prostitution. C’est une contra-
vention réprimée à l’article 611-1 CP.

Elément matériel

Le recours à la prostitution se définit comme le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des rela-
tions de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution y compris de façon occa-
sionnelle en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de la fourniture d’un
avantage en nature ou de la promesse de cet avantage.
Constitue désormais une infraction pénale peu importe que le comportent soit actif (que le client
sollicite) ou passif (que le client accepte).

Contravention de 5 e classe et peines complémentaires de 611-1 al.2.

Peut devenir un délit quand l’infraction est commise en récidive: art 225-12-1 al. 1: 3750 €.

225-12-1 al.2: 5 ans et 75 000€ si la personne qui se prostitue est un mineur; une personne vulné -
rable, handicapée ou enceinte.

225-12-2 al. 2: 10 ans d’emprisonnement et 150 000€ si commis sur un mineur de 15 ans.

Peines complémentaires de 225-20.

Le recours à la prostitution consiste à pénaliser le client.

66
Quand il y a proxénétisme on peut aller jusqu’à la peine de réclusion à perpétuité.

VII. Le bizutage

Longtemps une pratique courante en dehors du champ du droit pénal.


Loi du 17/06/1998 qui introduit 225-16-1 et suivants pour sanctionner le bizutage spécifiquement.

225-16-1 s’applique seulement en dehors « des cas de violences, de menaces ou d'atteintes


sexuelles » car le délit de bizutage est beaucoup moins sanctionné que les faits énumérés.

Selon 225-16-1: le bizutage est le fait « pour une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, à
subir ou à commettre des actes humiliants ou dégradants ou à consommer de l'alcool de manière ex-
cessive, lors de manifestations ou de réunions liées aux milieux scolaire, sportif et socio-éducatif »
—> champ circonscrit à un cadre.

Le bizutage consiste en des provocations, incitations ou en une contrainte qui conduit à des
pratiques dégradantes, humiliantes.

6 mois d'emprisonnement et 7 500 €.

225-16-2: aggravation portée à 1 an et 15 000€ si commis sur personne vulnérable.


225-16-3: responsabilité pénale des personnes morales

VIII. Les atteintes au respect dû au mort


A. Atteintes à l’intégrité du cadavre

Art 225-17.
Le cadavre est protégé, dès la mort. Ainsi, un mort non inhumé est protégé par l’article 225-17.
C’est le cas d’un démembrement de corps: ch.crim. 10/02/2016 n°15-87.211, ou d’un prélèvement
d’organes par des médecins, malgré le refus préalable de la famille.

B. Profanation et violation de sépulture


Elément matériel

Il faut une violation de tombeaux, sépultures, d’urnes ou de monuments édifiés à la mémoire du


défunt.
Le fait de salir la tombe ou de détruire les fleurs déposées sur la tombe (ch.crim. 08/02/1977 Bulle-
tin n°52) est constitutif de l’infraction.

Accompagner cette violation d’un atteinte à l’intégrité du cadavre en lui-même aggrave l’infraction.
Un prévenu avait soulevé la dalle de la sépulture d’une jeune fille. Il avait déshabillé la fille pour la
photographier par la suite son sexe: TGI Arras 27/10/1998 D.1999 p.511.
Ainsi, le fait d’avoir soulevé la dalle est une violation du tombaux, le fait d’avoir photographié la
victime est l’aggravation du délit constituée par une atteinte à l’intégrité du cadavre en lui-même.

Element moral

L’infraction est intentionnelle.


Une erreur de manipulation des os de différents corps par un agent funéraire ne serait ainsi pas
constitutive de l’infraction car il y a absence d’intention coupable: ch.crim. 03/04/1997 n°76-
91.772.

67
Répression

1 an et 15 000€ si atteinte à l’intégrité du cadavre ou violation de sépulture.


2 ans et 30 000€ si combinaison des deux infractions.

19.11.21
Cours avec professeur Becheraoui

Thème 1: Crimes contre l’humanité


Introduction

On pense immédiatement à la cruauté, l’atrocité de certains actes horribles qui portent atteinte au
droit humanitaire, à l’humanité.

Progressive apparition des crimes contre l’humanité en droit international.

Lors des crimes commis contre les arméniens en 1915, les catégories juridiques manquaient. Com-
ment qualifier ces massacres? On ne savait pas comment désigner ces situations graves notamment
la célèbre clause invoquant les lois -> préambules de la convention de La Haye du 18/10/1945 et le
déclaration de mai 1915 des gouvernements de France, de GB, et de Russie dénonçant les mas-
sacres des arméniens comme crime conte l’humanité et la civilisation. Mais ce n’était qu’une décla-
ration et pas une incrimination d’une loi répressive.
À cette époque, il n’y avait pas de juridiction internationale et pas de texte international qui incri-
mine un crime contre l’humanité.
Cela traduit le désaveux international.

En Turquie, quelques coupables avaient été désignés, quelques procès d’extrémistes ont eu lieu
entre 1915 et 1920 devant le tribunal militaire turque. Mais amnistie générale prononcée par le traité
de Lausanne le 14/07/1923.

Après ces crimes horribles, on a découvert d’autres crimes odieux, le crime nazi.
Ces crimes commis contre les juifs sans rapport avec la mêlée de la guerre et présentant un carac-
tère atroce contre l’humanité. La communauté internationale a appelé à la répression.
Il y a eu de nombreuses interventions faisant entendre que des crimes spécifiques étaient commis
est qu’ils seraient punis comme tels.
Déclaration de St James du 13/01/1942 et déclaration des alliés relative à l’extermination des juifs
allemands communiquée à Washington et Londres en même temps. Selon cette déclaration, les Etats
et alliés s’engagent à réprimer de façon effective les responsables de la politique d’extermination
des juifs.
Ce mouvement international était à l’origine de la naissance du droit international pénal.

La France a reconnu le génocide Arménien par la loi du 29/01/2001 qui contient un article unique
selon lequel « la France reconnait publiquement les génocides arméniens de 1915 ».

Ce mouvement répressif international a abouti à la création de deux tribunaux militaires internatio-


naux: le tribunal militaire international de Nürnberg et le tribunal militaire international de Tokyo.
Ce mouvement répressif a aussi fait surgir une nouvelle incrimination: le crime contre l’humanité.

Eléments constitutifs du crime contre l’humanité en droit international et en droit interne:


68
I. La notion des crimes contre l’humanité en droit international

En 1945 après la 2GM, le crime contre l’humanité n’était pas codifié en France.
Cette humanité est la commune mesure de tous les crimes contre l’humanité. Cette nature inhu-
maine, ce sens de l’humanité à laquelle le crime contre l’humanité porte par définition atteinte:
plusieurs définitions du crime contre l’humanité donc les systèmes répressifs sont différents au ni-
veau international car il y a plusieurs instruments judiciaires sur le plan international compétents
pour poursuivre des personnes présumées coupables de tels crimes.

Plusieurs codifications du crime dans plusieurs textes.


Ces crimes ont été codifiés après la 2GM au niveau international.
D’abord dans le statut des tribunaux militaires internationaux de Nürnberg et Tokyo.
Ce sont des tribunaux militaires, crées pour juger les criminels de guerre, en l’espèce les nazis.
Ils ont également été codifiés dans les conventions de Genève de 1945 et dans leurs protocoles addi-
tionnels de 1977 sous le nom d’infraction grave à ces conventions.

Egalement en 1993 et 1994 dans les statuts des tribunaux pénaux internationaux pour l’ex Yougo-
slavie et le Rwanda.

Ces crimes sont également codifiés dans le Statut de Rome: statut de la CPI siégeant à la Haye.
Ce Statut de la CPI a été adopté en juillet 1998 et est entré en vigueur le 01/07/2002.
Ce Statut donne la liste la plus complète des crimes punissables par un organe judiciaire internatio-
nal. Le Statut de Rome a joué un rôle essentiel dans l’harmonisation des décisions de ces crimes au
niveau national et international. 123 Etats ont déjà ratifié le statut de Rome dont la France.

Apparu en droit international au 19e siècle, le mot humanité avait simplement pour vocation de pro-
noncer une condamnation morale sur le fondement:
- 1ère approche s’attache à la protection de l’individu donc de la victime. On trouve dans le
crime contre l’humanité un crime qui consiste dans la négation de l’humanité de la victime, de
sa dignité d’être humain. Il s’agit d’une cruauté envers l’existence. Cette analyse faisant du
crime contre l’humanité un mécanisme de protection de l’individu est d’ailleurs celle qui est
adoptée par les tentatives récentes d’extension de la notion de crime contre l’humanité aux viola-
tions massives de droits de l’homme.

- L’approche s’approche du sens collectif du terme d’humanité: on considère que la prohibition du


crime contre l’humanité a vocation de protéger la collectivité, la société. Le crime contre l’huma-
nité porte atteinte à l’intérêt collectif, mondial. Ce crime porte atteinte à l’intérêt individuel mais
pas seulement: à l’humanité toute entière de par sa cruauté.

- Les TPI: approche selon laquelle la spécificité de la notion du crime contre l’humanité réside
dans le préjudice unique qu’elle recouvre= négation de l’appartenance ultime à l’humanité.
Mots du procureur général R. Jackson au procès devant le tribunal de Nürnberg: « en vérité, la
vraie plaignante à cette barre est la civilisation ».

À travers toutes les définitions internationales ou nationales, l’incrimination de l’acte cherche à pro-
téger l’humanité.
Avant la création d’une nouvelle incrimination, englobant notamment la persécution des juifs alle-
mands, ces actes étaient partiellement pré-couverts par la notion de crime de guerre, ce qui n’est pas
la même chose.
La formule crime contre l’humanité ne semble dater que des touts derniers travaux de la conférence
de Londres du 26 juin au 02/08/1945 où une proposition du procureur général Jackson a été faite.
69
« La catégorie des atrocités et persécutions commise pour des motifs ethniques, raciaux, nationaux,
politiques, religieux prend dans le projet du 31/07/1945 enfin le nom des crimes contre l’humani-
té ». Il s’agit de tout acte inhumain commis contre une population civile (assassinat, viol, réduction
en esclavage) pour des raisons politiques etc.

—>Cette définition est néanmoins incomplète.


La 1e définition des crimes contre l’humanité a été donnée par le Statut du tribunal de Nürnberg.
L’article 6c du Statut prévoit: « les crimes contre l’humanité c'est à dire assassinat, l’extermination,
la réduction en esclavage, la déportation et tout acte inhumain commis contre toute population ci-
vile avant ou pendant la guerre (2e) ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou
religieux quand ces actes ou persécutions qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne
du pays où ils ont été commis ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence
du tribunal ».
Cette définition est assez limitée: elle n’inclut pas tous les actes inhumains, tous les actes pouvants
constituer un crime contre l’humanité et cette définition ne détermine pas les circonstances et condi-
tions selon lesquelles un acte peut être qualifié de crime conte l’humanité. Raison pour laquelle la
définition a été précisée par le jugement rendu à Nürnberg et modifiée par la loi n° 10 du conseil de
contrôle et par les juridictions d’occupation en Allemagne.

Cette définition ne vaut plus aujourd’hui, parce que le tribunal de Nürnberg n’existe pas et parce
qu’il y a eu création de nouvelles juridictions en droit international avec leurs propres définitions
des crimes contre l’humanité.
L’humanité que le droit international a voulu réprimer en 1945 est peut être différente que celle que
le droit international protège actuellement.
Certains instruments limitent la notion de crime contre l’humanité et d’autres se veulent progres-
sistes en étanchant le champ de ces crimes.

Concernant les autres définitions, données par les Statuts des TPI au nombre de deux: le TPI pour
l’ex Yougoslavie et le TPI pour le Rwanda.
Deux tribunaux ad hoc-> tribunal compétent que pour juger un certain nombre de crimes bien déter-
minés et commis à telle date et tel endroit= période et zone géographique déterminées.

Il s’agit ici de deux tribunaux civils et non militaires.


Adoption d’une définition nouvelle des crimes de guerre: génocide et crime contre l’humanité.
Leurs statuts font référence à la définition des infraction graves prévues par les conventions de Ge-
nève de 1945.
Définition importante vers l’élargissement vers la répression des crimes contre l’humanité, géno-
cides, crimes de guerre, des crimes internationaux qui portent atteinte au droit humanitaire.

1 e définition donnée par le statut du TPI de l’ex Yougoslavie: prévue à l’article 5 du Statut: « le tri-
bunal international est habilité a juger les personnes présumées responsables des crimes suivants
quand ils ont été commis au cours d’un conflit armé, du caractère international ou interne et dirigés
contre une population civile quelqu’elle soit: assassinat, extermination réduction en esclavage, ex-
pulsion, l’emprisonnement, la torture, le viol, persécution pour des raisons politiques, raciales, et re-
ligieuses ».

Définition assez limitée parce qu’elle exige que les crimes soient commis au cours d’un conflit ar-
mé or il se peut qu’un crime contre l’humanité soit commis en dehors de tout conflit.
De plus, cette définition ne prévoit les motifs ethniques, raciaux et religieux que par rapport aux
persécutions, pour les autres crimes, la définition ne dit pas que l’assassinat par ex doit être commis
pour ces raisons là.

70
Définition donnée par le tribunal de Rwanda: article 3: « ce tribunal est habilité à juger les per-
sonnes responsables des crimes suivants lorsqu’ils ont été commis dans le cadre d’une attaque
généralisée et systématique dirigée contre une population civile quelqu’elle soit en raison de
son appartenance nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse».
Généralisée c'est à dire massive et fréquente et pas une attaque fortuite.
Systématique c'est à dire organisée donc sur ordre.

Quels sont ces crimes? Liste dans la définition: assassinat, extermination, réduction en esclavage,
expulsion, emprisonnement, torture, viol (presque les mêmes crimes qu’en ex Yougoslavie), persé-
cution pour des raisons politiques, raciales et religieuses.

On n’exige pas que le crime ici soit commis dans le cadre d’un conflit armé, le crime peut
avoir eu lieu même si commis hors du cadre de conflit armé.
Le crime doit être commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique.
Attaque d’une gravité considérable et dirigée non pas seulement contre une seule victime mais
contre une multiplicité de victimes.
Actes organisés et prémédités car commis sur ordre de l’Etat ou d’une organisation, d’un système
politique.

La définition exige que tous les crimes contre l’humanité soient commis pour des motifs politiques,
nationaux, religieux ou ethniques. Le cumul n’est pas nécessaire.

Elément commun entre les deux définitions: dans les deux cas, le crime doit être commis contre une
population civile quelqu’elle soit.
La définition du Rwanda est plus précise car elle délimite le champ du crime contre l’humanité et
détermine ses éléments constitutifs en exigeant que ces crimes soient commis dans le cadre d’une
attaque généralisée et systématique contre une population civile en raison de son appartenance poli-
tique, ethnique et religieuse.

L’autorité de ces deux tribunaux est limitée: ils ne sont pas compétents pour juger tous les respon-
sables. Compétents que pour certaines crimes commis dans un lieu et un temps car il s’agit de TPI
ad hoc.

La définition la plus complète est donnée par la CPI: le statut a été adopté le 17/07/1998: juridiction
pénale internationale permanente.
Les autres tribunaux internationaux ne sont pas des juridictions permanentes.
Le statut est entré en vigueur le 01/07/2002. Cette juridiction internationale est changée sous cer-
taines conditions de juger les auteurs de génocide des crimes contre l’humanité, des crimes de
guerre et des agressions (pas de simples blessures corporelles mais agression commis par un Etat).

Compétence quand les Etats concernés n’ont pas voulu/pu engager des poursuites pénales à l’en-
contre des personnes présumées coupables. Juridiction complémentaire qui n’intervient que quand
les Etats ne jugent pas alors qu’ils ont compétence sauf exception.
La Cour peut être compétente pour juger telle affaire criminelle comportant un ou plusieurs crimes
contre l’humanité quand en vertu de l’article 13 du Statut, le conseil de sécurité, des NU décide de
déférer une situation pénale à la CPI en considérant que cette situation menace la paix et la sécurité
internationale (chapitre 7 de la Charte des NU même quand ça concernant un Etat n’ayant pas rati-
fié: Darfour, Libye).

L’article 7 du Statut de la CPI donne la définition des crimes contre l’humanité sur lesquels la
cour a compétence, s’applique aussi en dehors de cadre de conflit-> définition complète et clarifiée

71
par le document intitulé « Eléments du crime adopté par assemblée des Etats partie au statut de
Rome ».

Fondement de cette définition: fonde sa compétence pénale sur les infractions graves aux conven-
tions de Genève de 1945 et sur sa propre définition des crimes de guerre.
« Aux fins du statut, on entend par crime contre l’humanité d’une attaque généralisée ou systéma-
tique dirigée contre une population civile et en connaissance de l’attaque. Meurtre, extermination, la
déportation ou le transfert forcé de population, l’emprisonnement ou autre forme de privation grave
de liberté physique en violation des disposions fondamentales du droit international, torture, viol,
l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée et les autres
formes de violence sexuelle de gravité comparable, la persécution de tout groupe/collectivité identi-
fiable inspirée par des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, religieux, sexiste ou sur
d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international. Les dispari-
tions forcées, d’autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes
souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé mentale »
La même définition donne une notion de l’attaque: comportement consistant en la commission mul-
tiple d’acte visés dans la liste du §1 contre toute la population civile en application ou dans la pour-
suite de la politique d’un Etat/organisation ayant pour but une telle attaque.

Selon la jurisprudence de la CPI et des TPI, l’attaque doit être dirigée contre une population civile
mais ça ne signifie pas l’ensemble de la population mais déjà juste une partie de la population ci-
vile. Mais une seule victime ne suffit pas: il faut le caractère massif de l’attaque.

Définition prévue par l’article 7 du Statut de Rome précise la notion même de l’extermination: im-
poser intentionnellement des conditions de vie telle que la privation d’accès à la nourriture et aux
médicaments calculée pour entrainer la destruction partielle de la population.

Par réduction en esclavage on entend le fait d’exercer sur une personne l’un ou l’ensemble des
pouvoirs au droit de propriété y compris dans le cadre de traite des personnes (femmes et enfants en
particulier à des fins d’exploitation sexuelle).

Par déportation ou transfert forcé de population on entend le fait de déplacer en expulsant ou en


employant d’autres moyens coercitifs des personne de la région originaire sans motifs du droit inter-
national.

Par torture on entend ériger intentionnellement une douleur ou des souffrances aiguës physiques ou
mentales à une personne se trouvant sous la garde/contrôle de l’accusé.

Par grossesse forcée on entend la détention illégale d’une femme mise enceinte de force dans l’in-
tention de modifier la composition ethnique d’une population ou de commettre d’autres graves vio-
lations du droit international.

Par persécution on entend le délit intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du


droit international pour des motifs liés à l’identité du groupe ou à la collectivité pour de raisons ra-
ciales, ethniques, politiques, religieuses ou nationales.

Définit en plus certaines notions ayant attrait aux éléments constitutifs du crime: notion d’attaque,
terme généralisé et systématique et la notion de population civile.
Si ces définitions multiples n’ont pas toujours les mêmes réponses, elles ont toutes les mêmes ques-
tions: quels sont les actes constitutifs des crimes contre l’humanité? Qui en sont les victimes? Quel
est le cadre de ces crimes? Qui en sont les responsables?

72
La réponse à ces questions définissent précisément les éléments constitutifs du crimes contre l’hu-
manité.

23.11.21

Les éléments constitutifs du crime contre l’humanité

Selon la jurisprudence internationale

Eléments matériels

Un crime contre l’humanité suppose 5 éléments constitutifs:


- l’acte inhumain par définition et par sa nature doit infliger des souffrances graves ou porter gra-
vement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé mentale ou physique de la victime
- Cet acte inhumain doit s’inscrire dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique
- L’auteur de l’acte doit agir en connaissance de cause, intentionnellement
- L’acte doit être dirigé contre une population civile
- Doit être commis pour un ou plusieurs motifs discriminatoires, motifs d’ordre national, politique,
ethnique, racial ou religieux. Voir décision du TPI du Rwanda affaire Kayesu du 18/12/2008
§2165 et Seromba. Et affaire Bikindi du 02/12/2008

Distinguer l’acte commis par l’auteur lui même et l’attaque généralisée/systématique.


Art 7 du statut de Rome: tous les crimes y sont énumérés.

Mais ce n’es pas une liste complète, il peut y en avoir d’autres, ce qui a été complété par la jurispru-
dence de la CPI et des TPI ad hoc.

Sont des actes inhumains (au sens de l’article 212-1 11°) les sévices, mutilations, passages à tabac,
humiliation, harcèlement (commis dans le cadre d’une attaque généralisée/systématique), blessures
par balle, bombardement, atmosphère de terreur, violences psychologiques, internement dans des
conditions inhumaines, séparation des hommes et femmes, utilisation de boucliers humains, tir em-
busqué, incendie de maison habitée.

L’acte inhumain doit s’inscrire dans le cadre d’une attaque généralisée.


Dans l’affaire Katanga jugée par la CPI du 06/07/2007 §32 35 la chambre pénale a estimé que l’élé-
ment contextuel de l’article 7 du Statut a savoir qu’un crime contre l’humanité implique une attaque
généralisée ou systématique constitue un élément indispensable à la définition.

Affaire Bemba du 08/06/2008 § 32 36


Signification de la jurisprudence internationale de l’attaque généralisée/systématique: les TPI ont
précisé que la signification du caractère généralisé ou systématique signifie que ces mots visent à
souligner que l’attaque en question n’est pas fortuite mais préméditée et organisée lancée en
politique discriminante d’un Etat/d’une organisation.

Il faut prouver à travers ce caractère général/systématique le dessein criminel.


En particulier, le caractère d’acte généralisé ou systématique démontre l’existence d’une politique,
qu’elle soit annoncée ou non formellement. Voir décision TPI pour l’ex Yougoslavie dans l’affaire
Tadic §653.

73
Il faut aussi prouver que les actes ont été commis sur ordre de ce système
politique/gouvernement/organisation.

La jurisprudence internationale a aussi donné une définition du caractère généralisé.


Selon celle-ci, il résulte des faits, que l’acte présente un caractère massif, fréquent, et que mené col-
lectivement, il revêt une gravité considérable et dirigée contre une multiplicité de victimes. Voir af-
faire Rutanganda du 06/12/1999 §69 et affaire Musema du 27/01/2000 (TPI pour le Rwanda) et en-
fin l’affaire Kayishema du 21/05/1999 § 123.
TPI ex Yougoslavie affaire Kordic et Cerkez du 26/02/2001 §179.

D’après cette jurisprudence, le seuil numérique n’est pas un évènement/élément décisif pour pou-
voir qualifier l’attaque comme une attaque généralisée.
Dans l’affaire Krajisnik du 07/03/2009 §309, la chambre d’appel du TPI pour l’ex Yougoslavie a
rappelé qu’à l’exception de l’extermination, il n’est pas nécessaire qu’un crime provoque de
nombreuses victimes ou une partie très importante de la population civile pour constituer un
crime contre l’humanité.
Un acte dirigé contre un nombre limité de victimes peut constituer un crime contre l’humanité à
condition qu’il fasse partie d’une attaque généralisée ou systématique.

Notion du caractère systématique:


Sur ordre d’une politique discriminatoire, d’une organisation ou d’un Etat. L’acte est soigneusement
organisé selon un modèle régulier, en exécution d’une politique concertée mettant en oeuvre des
moyens publics et privés considérables.
Il n’est pas exigé par le texte ou la jurisprudence que cette politique soit officiellement adoptée par
tel ou tel Etat mais il doit exister un plan ou des politiques préconçues: affaire Kaeçu du 02/09/1998
§ 580 du tribunal Rwanda et Rutanganda 06/12/1999 §69 et affaire Musema du 27/01/2000.

Elément moral

L’auteur doit agir en toute connaissance de cause= participation consciente et intentionnelle.


- volonté de commettre l’acte et connaissance (fait de savoir que cet acte est réprimé par la loi).
Les Statuts des TPI ad hoc crées antérieurement à la CPI ne donnent aucune définition claire et pré-
cise de l’élément intentionnel des crimes contre l’humanité.
Le statut du tribunal de Nürnberg, du Rwanda et de l’ex Yougoslavie ne donnent pas explicitement
de définition de l’élément moral du crime contre l’humanité.

La jurisprudence et ses deux derniers tribunaux a donné plusieurs précisions concernant l’élément
moral du crime contre l’humanité.
D’après ces précisions jurisprudentielles, l’élément intentionnel se compose à l’intention de com-
mettre une infraction sous-jacente (qui figure dans la liste des crimes contre l’humanité prévue à
l’article 7 de la CPI et 5 du statut du tribunal de l’ex Yougoslavie et article 3 du statut du TPI du
Rwanda) et la connaissance.

Il s’agit d’un acte généralisé ou systématique contre une population et cet acte risque de faire partie
de cette attaque.
Affaire Tadic.

La commission préparatoire de la CPI a conclu dans son rapport sur les éléments des crimes que
pour chacune des façons de commettre un crime est nécessaire à rapporter la preuve que l’auteur
74
savait que ce comportement faisait partie d’une attaque généralisée ou systématique dirigée
contre une population civile ou entendait en faire partie.

L’élément intentionnel du crime contre l’humanité porte sur 2 aspects de la définition du crime:
- l’état d’esprit requis pour chacune des infractions sous-jacente (individuellement com-
mises)
- état d’esprit relatif à une attaque contre une population civile (dans son ensemble)
—> il faut toujours les 2.

A. La connaissance d’une attaque généralisée/systématique contre une population civile

Le texte du statut de Rome stipule expressément que l’accusé doit connaitre une telle attaque à sa-
voir systématique etc. Il est implicite qu’il sache que son acte en faisait partie ou pouvait en faire
partie dans le cours normal des événements.

Question se pose par rapport à cet élément intentionnel et la façon dont l’acte a été commis. S’agit-
t-il d’une commission complète ou d’une simple participation/contribution ?
—>D’après la jurisprudence internationale, même dans le cas d’un acte de complicité, cet acte est
considéré comme un acte inhumain constituant un crime contre l’humanité, à condition toujours que
cet acte soit commis dans le cadre d’une attaque généralisée contre une population civile.

D’après la jurisprudence, l’élément moral d’un crime contre l’humanité implique une connais-
sance des faits ou des circonstances qui feraient entrer les actes dans la définition d’un crime
contre l’humanité.

Autre question qui se pose concernant l’élément moral: la jurisprudence dit qu’il faut que l’auteur
sache. Mais doit-il savoir en en détail ou non? -> une connaissance détaillée de l’attaque n’est
pas exigée! Il lui suffit de savoir qu’une population civile était visée.

Selon l’interprétation de la chambre d’appel du TPI pour l’ex Yougoslavie dans l’affaire Kunarak,
l’accusé n’a pas besoin de connaître la politique à la base de l’attaque ni de partager le but de
l’attaque (§103).

Le statut de Rome précise la notion d’acte lancé contre une population civile: les actes sont accom-
plis en application ou dans la poursuite de la politique d’un Etat/organisation ayant pour but une
telle politique (Art 7 Statut de Rome).

Il n’est pas nécessaire de prouver que l’auteur cherchait à atteindre l’ensemble de la popula-
tion pour pouvoir le condamner pour crime contre l’humanité.

Intention de commettre un acte sous-jacent (meurtre, déportation etc) ne porte pas sur toute la popu-
lation attaquée même quand il s’agit d’un acte qui ne porte atteinte qu’à l’intérêt d’une seule vic-
time car commis dans le cadre d’une attaque généralisée etc, la victime en faisait partie.

Faut-il prendre en compte le mobile/motif individuel?


—> d’après la jurisprudence internationale, le mobile n’est pas évident mais ne compte pas. Celui
de l’auteur est indifférent. Cela ne conclut pas à l’existence de l’élément intentionnel du crime
contre l’humanité. L’acte peut être commis pour des raisons purement personnelles en notant
que l’accusé connaissait la nature de l’attaque.

L’absence de mobile personnel n’est pas une condition du crime.

75
Affaire Kaeçu §539: il n’est même pas exigé un haut niveau de connaissance de l’attaque, il suffit
que l’accusé ait connu les conséquences possibles de son acte.

Il y a toujours une présomption de connaissance mais comment la prouver?


La présomption peut être déduite des faits de circonstance et des fonctions accomplies par l’accusé+
son rôle joué/ses qualités + caractère public ou privé de la politique criminelle.
Par ex: la seule présence dans un camp de concentration allemand, quelque soit la fonction accom-
plie par l’accusé (gardien, officiel, employé) établit chez lui la connaissance du plan de persécution
à raison de l’état du camp et de la nature criminelle de son fonctionnement.
Il connaissait très bien le but du camp.

La présomption émane de la responsabilité politique ou militaire, des relations entre la hiérarchie


militaire et la hiérarchie politique, de l’ampleur et de la gravité des actes perpétrés et la nature des
crimes commis et de leur notoriété: arrêt Blaslic du 03/02/2000 §259 TPI pour l’ex Yougoslavie.

La jurisprudence retient qu’il n’est pas indispensable qu’une personne ne soit pas informée de tous
les détails ou de la politique génocidaire pour être impliqué dans la commission d’un crime contre
l’humanité.
Malgré sa connaissance du contexte, un individu ne possède pas l’élément psychologique du crime
contre l’humanité sans avoir aussi l’intention de commettre une infraction sous-jacente.
Si on prend le 1er aspect seul: l’auteur savait qu’il y a une attaque généralisée ou systématique, pré-
parée et qu’il avait l’intention d’y participer mais il n’a commis aucun acte, alors il ne pourra pas
être poursuivi-> liberté de penser.

Chaque infraction sous-jacente possède un élément intentionnel particulier-> rien à voir avec l’élé-
ment intentionnel relatif à l’attaque généralisée.
L’article 7 du statut de Rome prévoit que le crime contre l'humanité peut être commis contre plu-
sieurs actes spécifiques (déjà vus précédemment).
Chacun d’eux possède un élément intentionnel particulier en plus des éléments intentionnels géné-
raux du chapitre ici.

Le meurtre

La jurisprudence internationale définit le meurtre comme le décès de la victime causé par un acte ou
une omission de l’accusé avec l’intention de donner la mort ou de porter une atteinte grave à l’inté -
grité physique de la victime dont celui-ci devait raisonnablement savoir qu’elle était susceptible
d’entrainer la mort.
Cet acte est composé d’une action ou une omission, d’un intention criminelle de causer la mort
et un lien de causalité entre l’action et le résultat. Il faut prouver que l’auteur avait bien l’inten-
tion de donner la mort à la victime: affaire Telahib du TIP pour l’ex Yougoslavie du 19/11/1998, af-
faire Blacik du 03/03/2000 §153 et l’affaire Kordic et Serkez §234 236.

L’extermination

Différence avec le meurtre: dans le meurtre, l’acte de l’auteur cause la mort d’une seule victime en
principe. Quand il s’agit d’un acte d’extermination, il s’agit de la mort causée à grande échelle.
L’extermination requiert l’intention de tuer une population ou en tous cas une partie impor-
tante de cette population.
L’extermination est définie à l’article 7 du statut de Rome comme le fait notamment d’imposer in-
tentionnellement des conditions de vie telles que la privation d’accès aux médicaments et à la nour-
riture calculée pour entraîner la destruction d’une population ou d’une partie.

76
Etat d’esprit particulier relatif à l’imposition des conditions de vie et l’emploi du terme notamment
permet de conclure qu’elle n’est pas exhaustive. Il y a d’autres façons de commettre une extermina-
tion.

La réduction en esclavage

L’élément psychologique de ce crime réside dans l’exercice intentionnel du pouvoir de la posses-


sion des victimes. La chambre du TIP pour l’ex Yougoslavie associe à la condition imposée par la
chambre de 1 e instance dans l’affaire Kunarak (§116 et 122) selon laquelle la définition des vic-
times suppose que la personne ou les personnes en question ont été détenues pendant une période
prolongée ou afin de les utiliser pour des actes sexuels et que ces actes équivalaient à une réduction
en esclavage.

La persécution

Pour l’élément intentionnel: il faut toujours prouver un motif discriminatoire tel qu’un motif reli-
gieux, ethnique, racial, politique ou sexiste, culturel.
L’auteur doit avoir choisi la victime en raison de leur appartenance à un groupe, universellement re-
connu comme contraire au droit international.

Le même comportement (on distingue persécution et génocide) ne peut constituer un génocide


que s’il est commis avec l’intention spécifique de détruire un groupe. Or, la persécution n’a pas
pour but de détruire un groupe ou une population mais de persécuter des membres appartenants à
ces groupes.
Différence: le génocide a pour but de détruire le groupe, la persécution de lui porter atteinte.

Le mobile personnel de l’accusé n’est pas pertinent pour ces crimes.


Celui qui a refusé de nourrir les femmes dans un groupe à cause de leur appartenance au sexe fémi-
nin pourra être condamné pour un crime contre l’humanité à savoir la persécution.

4 e élément constitutif: Les crimes doivent viser une population civile.

La jurisprudence internationale désigne les caractères d’une population civile.


Caractère défini dans l’affaire Mrksic du 27/09/2007 § 429-440 du TIP pour l’ex Yougoslavie.
La population civile doit être la cible principale de l’attaque, le facteur pertinent pour déterminer si
l’attaque était dirigée contre cette population inclus les moyens et méthodes utilisés au cours de l’at-
taque, le statut des victimes, leurs membres, la nature discriminatoire de l’attaque, la nature des
crimes commis pendant celle-ci, la résistance à l’ordre opposé aux assaillants et dans quelle mesure
les forces attaquantes semblent avoir respecté ou essayé de respecter les précautions énoncées par le
droit de la guerre.

La population civile doit être essentiellement civile.


S’il y avait un militaire ou un responsable gouvernemental est-ce toujours une population civile?
Selon la jurisprudence, même si les civils doivent être les cibles principales de l’attaque pour qu’il y
ait crime contre l’humanité, la présence de non civils dans la population visée ne modifie pas le
caractère civil de la population ni la nature même du crime: TPI Rwanda affaire Seramba du
13/12/2006.

D’après cette même jurisprudence, une personne mise hors de combat est considérée comme un ci-
vil et peut être victime d’un acte considéré comme crime contre l’humanité.

77
Enfin, il n’est pas requis que les crimes contre l’humanité soient dirigés contre la population entière
pour être considéré comme tel, ça peut être lancé contre un nombre limité des personnes pour que le
crime soit caractérisé.

Les crimes contre l’humanité doivent être commis pour un ou plusieurs motifs discriminatoires dont
motif pour ordre national, politique, ethnique, racial ou religieux.

Selon l’article 7 du Statut de Rome, l’intention discriminatoire n’est exigée que pour la persécu-
tion.
Les crimes de l’article 7 ne renvoient pas tous à une discrimination mais la jurisprudence n’est pas
d’accord avec cette interprétation parce que même si l’intention discriminatoire n’est requise que
pour les crimes de persécution, l’article 7 parle d’une attaque généralisée ou systématique contre
une population civile en tant que tel.

Cette attaque généralisée ou systématique vise une population civile pour ce qu’elle est.
Cette discrimination relève de la politique d’un Etat et correspond nécessairement à une planifica-
tion systématique.

Les formes de la discrimination ont considérablement évolué depuis Nürnberg.


Avant, on ne parlait que de motifs raciaux, ethniques ou religieux.
Maintenant, ces motifs sont pluriels.

—>La persécution des talibans contre les femmes afghanes constitue un crime contre l’humanité.

B. L’intention de commettre

26.11.21
Les crime contre l’humanité en droit français

Introduction

Introduit en 1994 dans le CP français des crimes contre l’humanité.


Peut on juger pour crime contre l’humanité en France? Oui. Les juridictions françaises se sont ap-
puyées sur l’article 6c de la charte du tribunal de Nürnberg pour incriminer et punir ce crime.
Ce texte était fondamental car il a permis la répression des crimes avant même la rédaction de ces
crimes dans le CP.

Le premier français condamné pour crime contre l’humanité était Paul Touvier en 1994. Ancien
fonctionnaire français du régime de Vichy qui collaborait avec les Nazis et était le chef de la milice
lyonnaise. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Après 23 années de procédure judi-
ciaire, la justice française a reconnu Touvier coupable des crimes contre l’humanité et la cour d’as-
sise de Versailles le condamne à la perpétuité.
Son activité de cadre et les crimes dont il est responsable lui valent d’être condamné à mort. Avant
d’être condamné en 1994, il avait été condamné à mort en 1946 et 1947 pour travail avec l’ennemi
mais le 31/11/71 le président Pompidou l’avait gracié de ses peines.

Vu la multiplicité des victimes, il a été arrêté le 24/05/1989 et jugé en 1994 pour crime contre l’hu-
manité.
Par un arrêt du 06/02/1975, la Cour de cassation a analysé à propos de Touvier que les crimes contre
l’humanité sont des crimes de droit commun qui se commettent dans certaines circonstances et cer-
tains motifs précisés dans les textes qui les définit.

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La juridiction française depuis 1975 ne considère plus le crime contre l ’humanité comme un crime
de guerre. Et ce crime devient un crime autonome en droit français.
—> conséquence: accorde la compétence de juridiction de droit commun au juge de droit commun,
ce n’est plus la Cour de sûreté de l’Etat qui est compétente pour juger ces crimes. Cette cour a été
supprimée en 1981. Juridiction d’exception compétente pour juger les crimes qui portent atteinte à
la sûreté de l’Etat.

La jurisprudence française en s’appuyant sur la charte du TPI de Nürnberg va developper la notion


de crime contre l’humanité, la préciser dans le fait que ce crime est imprescriptible ou dans le fait
qu’il pouvait être commis à l’encontre d’une population civile et à l’encontre des résistants de la
2GM.
Le nouveau code pénal du 01/03/1994 consacre le crime contre l’humanité aux articles 211-1 et sui-
vants. Mais le CP incrimine ce crime/cette notion qui exprime en droit français une multiplicité
d’infractions et de crimes contre l’humanité. Les textes de ces articles ont été modifiés en 2010 par
la loi d’adoption de la législation française à la juridiction de la CPI au Statut de Rome.
L’article 211-1 vient classer les crimes contre l’humanité en deux catégories.
Premièrement les génocides et deuxièmement les autres crimes contre l’humanité. Le droit français
considère le génocide comme un crime contre l’humanité. Ce qui ne va pas dans le sens de la notion
adoptée par le CPI car les génocides en droit international constituent une infraction autonome et
pas un crime contre l’humanité.

I. Les génocides

2 sortes de crimes qualifiés de génocide:


- le génocide comme crime autonome indépendant: art 211-1
- la provocation au génocide qui est devenu également une infraction autonome: art 211-2
211-1 énonce que « constitue un génocide le fait, en exécution d'un plan concerté tendant à la des-
truction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déter-
miné à partir de tout autre critère arbitraire, de commettre ou de faire commettre, à l'encontre de
membres de ce groupe, l'un des actes suivants :
– atteinte volontaire à la vie ;
– atteinte grave à l'intégrité physique ou psychique ;
– soumission à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction totale ou partielle du
groupe ;
– mesures visant à entraver les naissances ;
– transfert forcé d’enfants.
Le génocide est puni de la réclusion criminelle à perpétuité. »

La provocation publique est directe, par tout moyen de commettre un génocide est punie de la per-
pétuité si cette provocation a suivi d’effet. Si la provocation n’a pas eu d’effet, la provocation est
punie de 7 ans d’emprisonnement et 100 000€ (art 211-2).

A. Les éléments constitutifs du génocide

Element légal: il faut un texte qui incrimine le génocide. C’est bien le cas de 211-1.
Il y a un élément matériel et un élément moral.

L’élément matériel

79
Selon la jurisprudence notamment, l’élément matériel consiste dans le plan concerté pour que l’élé-
ment matériel soit caractérisé. L’acte doit avoir été commis en exécution d’un plan concerté tendant
à la destruction d’un groupe national etc.

La ch.crim de la Cour de cassation entend par plan concerté avec l’affaire Klaus Barbie (chef de la
Gestapo dans la région lyonnaise arrêté et jugé en France): le plan concerté est un élément fonda-
mental, essentiel du crime de génocide.
Signifie que l’acte de l’auteur relève de l’exécution d’un plan ayant cette finalité à savoir la destruc-
tion totale ou partielle d’un groupe.
-> ce qui requiert d’établir ces plans ainsi que l’intégration de l’acte dans ce plan.
D’après la jurisprudence de la Cour de cassation, le plan concerté est un acte organisé, donc systé-
matique et généralisé.
Ce n’est pas un acte fortuit/isolé mais préparé, organisé et prémédité, en exécution d’une politique.
Le caractère concerté écarte toute spontanéité. Si par ex une manifestation dégénère et qu’un
groupe spécifique subit des exactions, on ne pourra pas retenir la qualification de génocide.

Par qui le plan concerté doit être effectué/préparé? 211-1 ne le précise pas. Ce n’est pas une infrac-
tion attitrée.
Dans ces conditions, l’exception du plan concerté n’est pas forcément effectuée par les autorités éta-
tiques. L’exécution peut relever du fait d’un groupe ou d’une organisation criminelle.
Selon la décision de la cour d’assises de Seine st Denis du 03/12/2016, le plan concerté peut s’en-
tendre comme le fait d’un groupe informel, éventuellement organisé mais distinct de toute autorité.

Comment prouver le plan concerté?


Difficile à prouver puisqu’on ne va pas publier le plan publiquement en amont.
—> peut être prouvé par tout moyen de preuve légale. D’après la jurisprudence, la preuve du plan
concerté peut être déduite des circonstances de faits des actes commis comme par ex la généralisa-
tion de massacres avec un mode opératoire identique.
Ce plan peut être un témoignage, des aveux, des présomptions.

Quels sont les différents actes pouvant constituer un génocide?


211-1 prévoit une liste détaillée d’actes constituant (voir texte).
La notion d’atteinte volontaire à la vie englobe les meurtres, assassinats et empoisonnements (en
droit international il n’y a que le intentionnal homicide: pas de différence entre meurtre et assassi-
nat).

Objet visé par l’incrimination: le groupe, particulier.


Ce groupe doit être visé de manière discriminée, du fait de sa nationalité, race ethnique, religion etc
ou tout autre critère arbitraire-> on laisse au juge l’opportunité de juger les faits en fonction des
circonstances.
Le plan concerté tend vers cette exclusion.

Une question évidente se pose: faut-il anéantir complètement le groupe visé pour qu’il y ait un
crime de génocide?
Selon la jurisprudence et le texte: non.
Part quantitative ou qualitative? Dépend des circonstances dans lesquelles le crime a été commis.

Un acte isolé commis sur un seul membre du groupe ne peut en aucun cas, de manière pragmatique
permettre d’englober cet acte sous la qualification de génocide car ils s’agit d’un acte isolé même si
commis pour un motif religieux etc.

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Cependant, 211-1 précise que tendant que cette finalité est faite alors même si cette destruction n’a
pas été effective, le génocide peut être retenu.

Elément moral

Consiste en un dol général: volonté de commettre l’acte et de provoquer le résultat qui lui est
attaché—> à établir.
Mais faut il également un dol spécial?

Dol général est constitué de deux éléments: volonté de commettre l’acte et d’atteindre le but es-
compté. De plus il faut la connaissance que cet acte est réprimé par la loi.

211-1 donne une lecture partagée dans l’exigence ou non d’un dol spécial. Cette question ne se pose
pas sur le plan international parce que selon la jurisprudence internationale des TPI, l’existence du
dol spécial ne fait aucun doute. Le dol spécial réside toujours dans l’intention de destruction du
groupe.

En droit français: exigence de la notion du plan concerté. Selon des juristes français, comme la pro-
fesseure V. Malabat, il faut déduire l’exigence d’un dol spécial à savoir la volonté pour l’auteur et
ses actes de parvenir au résultat caractéristique qu’est la destruction d’un groupe arbitrairement dé-
terminé.
Il faut donc toujours prouver l’existence d’un dol spécial. Cette intention particulière tendant à
la destruction totale ou partielle d’un groupe déterminé.

Selon d’autres auteurs, 211-1 ne prévoit pas d’intention de destruction parce qu’ils considèrent que
cette intention, ce dol spécial étant déplacé dans le plan concerté.
L’auteur doit avoir conscience d’agir dans le cadre de ce plan qui lui même est imprégné de cette lo-
gique de destruction.
Il faudrait démontrer le dol général (la volonté de commettre l’acte, la volonté de réaliser le résultat
de cet acte quand il s’agit d’un ordre et la connaissance d’agir dans le cadre d’un plan concerté).

B. La provocation au génocide

Article 211-2 CP.


La provocation au génocide a été introduite récemment en droit français, par la loi du 09/08/2010.

L’infraction sauvegarde une certaine spécificité française par rapport à la CPI.


C’est une infraction autonome et donc ni une circonstance aggravante ni un mode de partici-
pation criminel. Ce, contrairement au statut de la CPI.
Selon ce Statut, la provocation au génocide est un mode de participation criminelle (complicité ou
coaction).

Il faut établir une provocation, à savoir une incitation à commettre un acte.


Cette provocation doit être publique et directe= expression de l’atteinte à l’ordre public.
Cela exclut toute provocation exprimée dans des réunions privées.

Finalité: destruction totale ou partielle d’un groupe déterminé.

Élément moral

Réside dans le seul caractère volontaire de la provocation, c'est à dire la volonté de commettre
cet acte en toute connaissance de cause.

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La provocation au génocide pour être caractérisée, doit présenter un élément moral qui fait toute sa
spécificité.
S’identifie par un dol spécial et ne peut se concevoir que si son auteur a eu l’intention d’inciter à la
commission d’un des actes du génocide tendant à la destruction totale ou partielle d’un groupe dé-
terminé.

Cet élément moral distingue ce crime de génocide de crime contre l’humanité.


Il n’est pas exigé que l’auteur entendait la destruction totale ou partielle d’un groupe, il suffit que
l’acte soit commis à l’encontre d’une population civile dans le cadre d’un plan concerté.

Deux régimes répressifs selon la résultat:


S’explique par une nécessité de proportionnalité. La distinction n’est pas prévue sur le plan interna-
tional.

L’auteur encourt la perpétuité si la provocation a été suivie d’effet et si ça n’a pas suivi d’effet: 7
ans et 100 000€.

II. Les autres crimes contre l’humanité

212-1 du CP classe les autres crimes contre l’humanité en trois qualifications.


Crime contre l’humanité dirigé contre les populations civiles, crime contre l’humanité dirigé
contre les combattants et participation à un groupement préparant un crime contre l’humani-
té.

A. Les crimes contre l’humanité visant les populations civiles


212-1 est inspiré de l’article 6c de la charte du Tribunal militaire international de Nürnberg.

« Constitue également un crime contre l'humanité et est puni de la réclusion criminelle à perpétuité
l'un des actes ci-après commis en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de popula-
tion civile dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique : »

Cet article a subi une reforme par la loi portant adaptation du droit pénal français à la CPI en 2010.
Derrière cette réforme s’est joué un fort enjeu de souveraineté. L’article 17 du Statut de Rome
impose la compétence de la CPI si un Etat ne veut pas poursuivre ou ne peut pas poursuivre
les crimes relevants de sa juridiction.
Alors le législateur français, pour ne pas perdre sa compétence sur certaine affaires, a rapproché la
définition du crime contre l’humanité de celle prévue par le Statut de Rome.
Néanmoins, 212-1 conserve des spécificités propres au droit pénal français.

—Quels sont les éléments constitutifs?

Elément matériel

L’élément matériel consiste dans le plan concerté, qui se distingue de celui de génocide. Ce n’est
pas le même plan concerté. Il se distingue dans sa finalité en ce qu’il ne poursuit pas la destruction
d’un groupe visé. On ne voit pas dans cette définition les armes dans le but/tendant à détruire par-
tiellement ou totalement un groupe déterminé. La notion de plan concerté vient ici traduire le parti-
cularisme du crime contre l’humanité.

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Souvent ce crime est considéré comme administratif du fait de son échelle et de moyens d’élabora-
tion.
Le caractère concerté du plan exclut comme pour le génocide, toute dimension de spontanéité.
L’acte commis a été préparé/organisé/planifié dans le cadre d’un plan concerté, comme pour le
génocide. Ce plan peut être prouvé par tout moyen de preuve, qui peut être déduite des circons-
tances dans lesquelles le crime a été commis, de certains actes, par l’ampleur des massacres, l’effi-
cience de la logistique et de la mise en exécution des exactions par la mise en place de relais de pro-
pagande appelant à commettre de tels actes.

L’objet visé par l’incrimination est le groupe. Cet élément qui est l’objet de l’infraction de crime
contre l’humanité est un point de distinction également par rapport au génocide.
Contrairement au génocide, le législateur n’exige pas que le groupe soit visé pour des motifs ra-
ciaux, religieux ou ethniques. Le crime concerne toute la population civile.
Les victimes sont ici non discriminées. Pas de distinction entre les victimes mais le terme de popu-
lation civile exclut les combattants du cadre de l’infraction.

Critères non cumulatifs de l’attaque généralisée. Cela renvoie à une approche quantitative de l’at-
taque: nombre de victimes, étendue de la zone géographique, fréquence des actes incriminés. Il
s’agit d’apprécier l’échelle de l’attaque.

Le caractère systématique renvoie à une approche qualitative de l’attaque.

La matérialité de l’infraction s’exprime par l’accomplissement de l’un des actes visés à 212-1:
« 1° L'atteinte volontaire à la vie ;
2° L'extermination ;
3° La réduction en esclavage ;
4° La déportation ou le transfert forcé de population ;
5° L'emprisonnement ou toute autre forme de privation grave de liberté physique en violation des
dispositions fondamentales du droit international ;
6° La torture ;
7° Le viol, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de
violence sexuelle de gravité comparable ;
8° La persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d'ordre poli-
tique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste ou en fonction d'autres critères univer-
sellement reconnus comme inadmissibles en droit international ;
9° La disparition forcée ;
10° Les actes de ségrégation commis dans le cadre d'un régime institutionnalisé d'oppression systé-
matique et de domination d'un groupe racial sur tout autre groupe racial ou tous autres groupes ra-
ciaux et dans l'intention de maintenir ce régime ;
11° Les autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souf-
frances ou des atteintes graves à l'intégrité physique ou psychique ».

Au travers de cette multiplicité d’actes, le législateur français a réussi à établir une liste d’infrac-
tions portant atteinte à la liberté, dignité, à la vie et à l’intégrité physique.

30.11.21
Elément moral

Établir l’existence d’un dol général: agir en connaissance de la commission de son acte et volonté
d’atteindre le résultat de cet acte.

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Dol spécial? Avant la réforme du 09/08/2010 dite Loi d’adaptation de la législation française au sta-
tut de la CPI: l’article 212-1 imposait que l’acte soit inspiré par des motifs discriminatoires. Mais
condition supprimée depuis.
Dès lors, le crime contre l’humanité en lui-même ne nécessite plus la caractérisation d’un dol
spécial. Il suffit rétablir que l’acte a été commis volontairement dans le cadre d’une attaque généra-
lisée etc pour que le crime soit constitué.

Exception prévue à 212-1 point 10 qui concerne la ségrégation et prévoit un tel dol spécial en
l’exigence d’établir la volonté pour l’auteur de poursuivre un but spécifique qu’est le maintien d’un
régime institutionnalisé d’oppression systématique et de domination d’un groupe racial sur un autre
groupe racial.
En droit international, appelé crime d’apartheid prévu à l’article 7 du Statut de Rome selon lequel
on entend des actes inhumains analogues à ceux visés par l’alinéa 1 de l’art 7 du Statut.

Element intentionnel du crime contre l’humanité contre une population civile: pas non plus exigé
dans l’intention, l’adhésion idéologique au plan concerté. Il arrive que le délinquant accepte de
commettre tel ou tel acte mais sans adhérer au régime institutionnalisé ou au plan idéologique.
L’acte doit simplement être commis dans le cadre de ce plan concerté.

B. Pour le crimes contre l’humanité dirigés contre les combattants

Element matériel

Crime contre l’humanité contre des résistants donc le législateur a voulu lui réserver un texte/in-
crimination spéciale prévue à 212-2 CP « lorsqu'ils sont commis en temps de guerre en exécution
d'un plan concerté contre ceux qui combattent le système idéologique au nom duquel sont perpétrés
des crimes contre l'humanité, les actes visés à l'article 212-1 sont punis de la réclusion criminelle à
perpétuité »

Cet article est la reprise de la solution donnée par la Cour de cassation lors de l’affaire K. Barbie.
Cette interprétation de la Cour a permis la poursuite d’auteurs de crimes contre l’humanité commis
à l’encontre de résistants sous la qualification de crime contre l’humanité et non sous la qualifica-
tion de crime de guerre.

L’article 212-2 renvoie à l’article 212-1 par rapport à l’incrimination. Il en résulte que les éléments
constitutifs sont quasiment les mêmes. Mais il y a des différences.

Distinction entre les éléments du crime de 212-2 des combattants et le crime contre l’humanité de
212-1 contre les civils.
- 1 e distinction: qualité des victimes. D’une part les civils, d’autre part,
combattants/résistants/militaires.

- Circonstances de commission du crime: le crime contre la population peut être considéré


comme tel même si commis hors temps de guerre, sans conflit militaire/armé. Pour le crime
contre l’humanité commis contre des combattants, il faut que le crime soit commis en temps de
guerre. Le champ d’application de l’infraction diffère.

Element moral

Pour l’élément moral de 212-2: dol général-> volonté de commettre le crime en toute connaissance
de cause.

84
Il n’est pas nécéssaire d’établir un dol spécial. Le crime n’est pas forcément commis pour des mo-
tifs discriminatoires.

C. Participation à un groupement préparant un crime contre l’humanité

Art 212-3: « La participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la prépara-
tion, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de l'un des crimes définis par les articles 211-1,
212-1 et 212-2 est punie de la réclusion criminelle à perpétuité »
-> on constate que le législateur a repris exactement les mêmes formulations/qualifications/incrimi-
nations de 450-1 CP (association de malfaiteurs). Mais il fallait créer une incrimination spéciale.

Le législateur voulait être plus sévère pour les crimes contre l’humanité car pour les malfaiteurs,
c’est seulement 10 ans. Ici le législateur aggrave la sanction pénale en prévoyant une peine de ré-
clusion à perpétuité.
Les éléments constitutifs sont les mêmes que pour l’infraction d’association de malfaiteurs mais
l’objet de ce crime diffère. Ce n’est plus un délit mais un crime bien spécifique.

->ce régime répressif et les poursuites sont gouvernées par plusieurs règles fondamentales.

La 1e a trait à la compétence de juridiction: quelle juridiction est compétente pour poursuivre et ju-
ger les auteurs de crime contre l’humanité? La compétence en matière de crime contre l’humanité
est une compétence universelle. Compétence universelle applicable en France comme en droit inter-
national.
La France présente une compétence universelle en matière de crime contre l’humanité, des géno-
cides et des crimes de guerre. La compétence universelle est le fait que les juridictions françaises
peuvent être compétentes pour juger une affaire concernant un crime contre l’humanité ou un géno-
cide/crime de guerre qu’importe les lieux de commission ou la nationalité de l’auteur/complice/co-
auteur du crime. Qu’importent les victimes, intérêts atteints.

1 condition: que l’auteur etc soit arrêté sur le sol français. Compétence universelle prévue à l’art
689-11 CPP.

Prévu par la convention internationale contre la torture, des traitements inhumains et dégradants et
la convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid et la convention internationale
pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées de 2006.
Une cour d’assise française peut juger sans connaître de quelconque critère de rattachement en
terme de compétence. La poursuite de ces crimes ne peut être exercée qu’à la requête du procureur
de la République anti-terroriste. Si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la re-
mise de l’auteur ou son extradition.

Il y a toujours une primauté des tribunaux internationaux. Cette compétence universelle se


voyait exceptionnelle en raison du principe de primauté des tribunaux internationaux. Cela concerne
les tribunaux ad hoc comme pour l’ex Yougoslavie et le Rwanda. Également pour la CPI qui est
permanente.
Ce principe de primauté est prévu à l’art 9 du Statut du TPI pour le Rwanda et l’art 10 du statut du
TPI pour l’ex-Yougoslavie.
Ce principe fait en sorte que les faits déjà jugés par ces tribunaux internationaux ne peuvent
se présenter devant une juridiction française. Le contraire est néanmoins possible.

Cette règle n’a plus aucune valeur pour les tribunaux ad hoc car ils ont cessé leur activité donc règle
sans portée.

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Est-ce que cette règle de primauté s’applique pour la compétence de la juridiction internationale, de
la CPI?
Principe de complémentarité-> la CPI est notamment compétente pour juger quand le pays
concerné n’a pas pu/voulu engager une poursuite à l’encontre des responsables de ces crimes. Le
Statut de Rome prévoit un principe de complémentarité: elle ne prend pas en charge l’affaire si un
Etat a compétence-> art 17 Statut de Rome.

2 règles relatives aux acteurs de la répression en France


Qui sont les acteurs de la répression du crime contre l’humanité en France? Il existe plusieurs or-
ganes en la matière: l’office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, les génocides et
crimes de guerre crée en 2013: organisme d’enquête composé de gendarmes, policiers et d’experts
afin d’enquêter en France et à l’étranger.

Il existe aussi une section spécialisée de lutte contre le crime contre l’humanité et de génocide ratta-
ché au TJ de Paris et spécialisé dans ce contentieux. Cette section appartient au parquet national an-
ti-terroriste et est composé de plusieurs magistrats et assistants spécialistes.

3 e règle: imprescriptibilité des crimes contre l’humanité en droit français et en droit interna-
tional.

Pour le terrorisme, trafic de stupéfiants, meurtres, viols, tortures commis sur un mineur, le délai de
prescription de l’action publique est de 30 ans.

L’imprescriptibilité a été introduite par la loi du 29/12/1964. Cette loi dispose que les crimes
contre l’humanité tels que définis par la Résolution des NU du 13/02/1946 prenant acte de la défini-
tion des crimes contre l’humanité, telle qu’elle figure dans la charte du tribunal militaire internatio-
nal de Nürnberg sont imprescriptibles par leur nature.

La Cour de cassation n’a pas considéré cette loi nouvelle comme une loi plus sévère. La loi ne fai -
sait que constater une règle internationale préexistante, déduite en l’espèce de la déclaration de
Moscou du 30/10/1943 et de l’accord de Londres du 08/08/1945 auquel est annexé le Statut du tri-
bunal de Nürnberg.

Lors du procès Barbie, la Cour de cassation a estimé que les crimes contre l’humanité pouvaient
être poursuivis en France quelque soit la date et le lieu de leur commission.

En droit international: convention des NU sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et de
guerre. Convention adoptée et ouverte à signature par l’AG de l’ONU dans sa Résolution 2391 du
26/11/1968. Entrée en vigueur le 11/11/1970.

Imprescriptibilité pour: les crimes contre l’humanité, crimes de guerre du statut du tribunal de
Nürnberg, les infractions graves définies par la convention de Genève de 1949.
Selon l’article 4 de cette Convention, les Etats s’engagent à prendre conformément à leur procédure
Constitutionnelle toute mesure législative ou autre qui serait nécessaire pour assurer l’imprescripti-
bilité des crimes visés aux art 1 et 2 de la présente convention tant en ce qui concerne les poursuites
tant en ce qui concerne la peine.
S’il y a prescription: c’est à abolir.
La loi de 1964 a été votée pour être conforme au droit international.

Pour le statue Rome: art 29 estime que les crimes relevants de la CPI ne se prescrivent pas.
Pas de controverse à ce sujet: entrée en vigueur le 02/07/2002 et la cour a dit qu’elle n’était compé-
tente que pour juger des actes commis après l’entrée en vigueur.

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