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L'exposé des faits conduit à envisager les faits relatifs à l'accident survenu à l'occasion de la kermesse (I) et celui survenu
sur la route (II)
I – L'accident survenu à l'occasion de la kermesse
Au titre de cette partie, il conviendra d'envisager la situation pénale de l'adjoint au maire (I) et celle de la commune de
Saint-Witz (II).
A – La situation pénale de l'adjoint au maire
1) Les blessures occasionnées à Mila (3 pts)
Au regard de la nature accidentelle des faits, il convient d'envisager la responsabilité pénale de l'adjoint au maire sur le
terrain des blessures involontaires. Il convient plus précisément de mentionner l'article 222-19 du CP qui incrimine les
blessures involontaires ayant entraîné une ITT de plus de trois mois. La constitution de cette infraction nécessite la
réunion d'un élément matériel et d'un élément moral.
Au titre de l'élément matériel, trois composantes doivent être vérifiées : un comportement, un résultat et un lien de
causalité entre les deux.
• Le résultat : les blessures involontaires constituent des infractions matérielles. La survenance d'un résultat est
donc nécessaire, ce dernier devant consister en une atteinte à l'intégrité physique et/ou physique de la victime.
En l'espèce, l'énoncé précise que Mila est grièvement blessée et s'est vue délivrer une ITT de 14 semaines.
Cette composante est donc caractérisée.
• Le lien de causalité : il convient en premier lieu de s'interroger sur la certitude du lien de causalité avant de
déterminer son intensité (savoir s'il est direct ou indirect).
(i) Sur la certitude du lien de causalité : la Chambre criminelle rappelle que le préalable indispensable est de savoir si le
lien de causalité est certain (Crim., 5 octobre 2004 ; Crim., 12 septembre 2018), c'est-à-dire que le comportement de
l'agent doit avoir été au moins l'une des conditions sine qua non du dommage. En l'espèce, il est possible de considérer
que la décision prise par l'adjoint au maire a nécessairement joué un rôle dans la survenance de l'accident et donc du
dommage subi par Mila. En effet, en écoutant les recommandations liées à l’installation du château gonflable, le
dommage ne se serait sans nul doute pas produit. Le lien de causalité est donc certain.
(ii) Sur l'intensité du lien de causalité : le lien de causalité est direct « chaque fois que l’imprudence ou la négligence
reprochée est soit la cause unique, exclusive, soit la cause immédiate ou déterminante de l’atteinte à l’intégrité de la
personne ». (D. Commaret, « La loi du 10 juillet 2000 et sa mise en œuvre par la chambre criminelle de la Cour de
cassation », in GP, 12-13 avril 2002, p. 4.). Il est en revanche indirect, chaque fois qu’il est reproché à la personne
poursuivie, dans l’exercice d’une activité placée sous sa responsabilité, par un défaut d’organisation, de surveillance ou
de contrôle d'avoir non pas causé directement le dommage, mais d'avoir créé ou contribué à créer la situation qui a
permis la réalisation du dommage ou de ne pas avoir pris les mesures permettant de l'éviter (article 121-3 al.4 du CP).
En l'espèce, il est possible de considérer que l'adjoint au maire n'a pas directement causé le dommage mais qu'il a plutôt,
de par sa décision, créé ou contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage de sorte que la causalité
est indirecte.
Au titre de l'élément moral, il convient de préciser que les blessures involontaires constituent une infraction non
Objectif Barreau – Droit pénal – Sujet 2 1
intentionnelle. À ce titre, une faute pénale non intentionnelle doit être caractérisée.
Le mécanisme instauré par la loi du 10 juillet 2000 (dite « loi Fauchon ») impose d'opérer une distinction entre deux
situations :
– si le lien de causalité est direct, la caractérisation d'une faute d'imprudence ordinaire (faute simple) suffira à
engager la responsabilité pénale de l'agent (1) ;
– si le lien de causalité est indirect, la caractérisation d'une faute qualifiée (faute délibérée ou caractérisée) sera
nécessaire pour engager la responsabilité pénale de l'agent (2).
En l'espèce, la causalité étant indirecte, il conviendra donc de rechercher une faute qualifiée.
• La faute délibérée désigne la violation manifestement délibérée (dol éventuel :volonté tendue vers une prise
de risque) d'une obligation particulière (précise et circonstanciée) de prudence ou de sécurité prévue par la loi
ou le règlement. En l'espèce, force est de constater que l'énoncé ne fait nullement allusion à une quelconque
obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement qui aurait été méconnue
par l'agent. L'analyse doit donc se déporter sur le terrain de la faute caractérisée.
• La faute caractérisée est celle qui expose autrui à un risque d'une particulière gravité que son auteur ne pouvait
ignorer (article 121-3 al.3). La caractérisation d'une telle faute suppose la réunion de trois conditions
cumulatives :
– la faute doit être suffisamment grave (1) ;
– elle doit avoir exposé autrui à un risque d'une particulière gravité (2) ;
– l'auteur ne pouvait ignorer le risque encouru par la victime (3). La jurisprudence exige une appréciation in
concreto de la faute, au regard des compétences, des pouvoirs et des moyens de l’intéressé (Crim., 18 juin
2002, Bull. crim. N° 138). Il ressort de la jurisprudence que la connaissance du risque peut résulter de la
répétition de plusieurs accidents survenus ayant la même origine, et donc le renouvellement tient à l'inaction
du prévenu qui aurait pu prendre les mesures nécessaires (Crim., 22 janvier 2008) ou encore se déduire des
avertissements ou signalements adressés aux personnes concernées (Crim., 2 décembre 2003).
La Chambre criminelle considère que les juges du fond ont pu valablement déduire l’existence d’une faute caractérisée
d'un adjoint aux affaires culturelles, engageant sa responsabilité personnelle et celle de la commune pour avoir exposé
les enfants utilisateurs d'un toboggan à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer au regard des
préconisations des moniteurs ainsi que de la configuration des lieux (Crim., 28 juin 2016).
En l'espèce, l'enquête a permis d'établir que la cause de l’accident résultait de trois facteurs (l’absence d’arrimage de la
structure gonflable au sol, son emplacement – sur un sol en pente et à proximité d’un fossé – et l’insuffisance du
personnel de surveillance). L’adjoint au maire en charge des affaires culturelles s’était rendu sur le site pour assister aux
opérations d’installation de la structure, et avait estimé qu'elle n’avait pas besoin d’être fixée au sol et avait choisi lui-
même l’emplacement malgré les conseils prodigués par les personnes qui avaient fourni l’attraction. Ainsi, la décision
prise par l'adjoint au maire constitue une faute grave qui a exposé autrui à un risque d'une particulière gravité (Mila a
finalement été grièvement blessée). Quant à la connaissance du risque, celle-ci peut se déduire des conseils prodigués
par les personnes ayant fourni la structure gonflable puisqu'elles avaient, semble-t-il, mis en garde l'adjoint au maire
concernant les modalités relatives à l'installation de celle-ci, notamment la configuration des lieux.
Répression : l'adjoint au maire encourt 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende conformément à l'article
222-19, al.1 du CP.
Le raisonnement juridique développé en amont s'agissant des blessures subies par Mila doit également s'appliquer ici.
Cependant, une ITT de 2 mois a été délivrée à Kahina de sorte qu'il est nécessaire de viser l'article R625-2 du CP
(hypothèse dans laquelle l'ITT est inférieure à trois mois). L'article R625-2 prévoit une contravention de la 5e classe.
D'après l'article 131-13 du code pénal, les contraventions de la 5e classe sont punies d'une amende de 1 500 euros.
L'adjoint au maire encourt donc cette peine.
L'adjoint au maire indique que les deux victimes sont fautives car elles ont sauté au même endroit à l'intérieur du
château gonflable alors que cela était proscrit. À la supposer établie, la faute commise par les jeunes filles est-elle de
nature à permettre à l'adjoint au maire de se dégager de sa responsabilité pénale ?
Sur ce point, la jurisprudence considère que la faute de la victime ayant contribué à la réalisation de son préjudice
exonère de responsabilité l’auteur de l’infraction, si elle est la cause unique et exclusive de l’infraction (Crim., 1er avril
2008, n°07-87.433). Or, tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il a été démontré en amont que l'adjoint au maire était
fautif. Il ne pourra donc pas se prévaloir d'un tel argument.
La présence d'autres personnes à proximité de la structure gonflable n'est pas à exclure ce qui implique qu'elles auraient
pu potentiellement être blessées. En conséquence, il est judicieux d'envisager le délit de risques causés à autrui. Prévue
par l'article 223-1 du code pénal, la constitution de cette infraction nécessite la réunion d'un élément préalable, d'un
élément matériel et d'un élément moral.
Au titre de l'élément préalable, le délit de risques causés à autrui suppose la violation d'une obligation particulière de
prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. Or, force est de constater que l'énoncé ne fait pas état de la
violation d'une telle obligation par l'adjoint au maire. Il conviendra donc, faute d'indication supplémentaire, d'écarter la
qualification de délit de risques causés à autrui.
Il en résulte que les infractions relevées en l’espèce à l'encontre de l'adjoint au maire sont toutes en concours.
Conformément à l'article 132-3 du code pénal, si elles sont jugées au cours d’une procédure unique, la juridiction pourra
prononcer une peine de chaque nature dans la limite du maximum légal le plus élevé.
En outre, il convient de préciser que « Par dérogation aux dispositions qui précèdent, les peines d'amende pour
contraventions se cumulent entre elles et avec celles encourues ou prononcées pour des crimes ou délits en concours »
(art. 132-7 du CP).
L'adjoint au maire encourt donc 2 ans d'emprisonnement et 31 500 euros d'amende (30 000 + 1 500).
Conformément à l'article 132-4 du code pénal, si elles sont jugées au cours de procédures séparées, chacune des
juridictions se prononcera dans la limite des peines encourues pour l’infraction qu’elle aura à juger. Mais, en tout état
de cause, les peines prononcées se cumuleront dans la limite du maximum légal le plus élevé, à savoir 2 ans
d'emprisonnement et 31 500 euros d'amende.
L'accident a eu lieu au cours d'une kermesse organisée par la commune de Saint-Witz. En conséquence, la responsabilité
pénale de la commune mérite d'être envisagée.
La responsabilité pénale des personnes morales est prévue par l'article 121-2 du code pénal. Il conviendra de distinguer
le domaine et les conditions de mise en œuvre de celle-ci.
• Sur le domaine
On peut noter qu'une commune dispose nécessairement de la personnalité juridique. Quant à l'infraction, sa
responsabilité pénale peut être recherchée sur le fondement des blessures involontaires.
Cependant, il est important de mentionner que s'agissant des collectivités territoriales et leurs groupements, une
restriction est posée par l'article 121-2 du code pénal. En effet, elles ne pourront être déclarées pénalement
responsables que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de
délégation de service public. La jurisprudence définit cette notion comme « toute activité ayant pour objet la gestion
d'un tel service public lorsque, au regard de la nature de celle-ci et en l'absence de dispositions légales ou réglementaires
contraires, elle peut être confiée, par la collectivité territoriale, à un délégataire public ou rémunéré, pour une part
substantielle, en fonction des résultats de l'exploitation » (Crim. 3 avril 2002). Il pourra ainsi s'agir de l'organisation d'une
kermesse (Crim., 28 juin 2016).
En l'espèce, l'infraction a été commise dans le cadre d'une activité susceptible de faire l'objet d'une convention de
délégation de service public, en l’occurrence l'organisation d'une kermesse.
D'abord, une infraction doit avoir été commise par un organe ou un représentant devant être clairement identifié (Crim.,
16 avril 2019). L'organe désigne notamment les personnes physiques auxquelles la loi ou les statuts donnent des
pouvoirs d'administration, de direction et de gestion. En l'espèce, l'infraction a été commise par l'adjoint au maire qui
disposait d'une délégation du conseil municipal. A ce titre, il peut être considéré comme un représentant de la commune.
Ensuite, une infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale. L’expression « pour le compte »
peut signifier « dans l’intérêt de » mais ne se limite pas à cette conception. Plus généralement, « pour le compte »
signifie dans le cadre des activités ayant pour but de réaliser l’objet social, ce qui permet d’appréhender les infractions
non intentionnelles. En l'espèce, l'infraction a bien été commise pour le compte de la commune puisqu'elle en lien avec
son activité ou son fonctionnement.
En conséquence, elle pourra voir sa responsabilité pénale engagée du chef de blessures involontaires.
Par application des articles 131-38 et 131-39 du code pénal, en matière correctionnelle, la peine principale encourue est
l’amende dont le montant correspond « au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques ».
En l’espèce, la peine d'amende encourue par les personnes physiques pour l'infraction prévue par l'article 222-19 du CP
est de 30 000 euros d'amende. Son quintuple est de 150 000 euros (30 000 x 5). La peine d’amende encourue par les
personnes physiques pour l’infraction prévue par l'article R625-2 du CP est de 1 500 euros. Son quintuple est de 7 500
euros (1 500 x 5).
Le même raisonnement juridique doit s'appliquer s'agissant du cumul des qualifications pénales reprochées à la
personne morale (v. Crim., 15 décembre 2021).
En conséquence, la commune encourt, 157 500 euros d'amende (150 000 + 7 500) en application des règles régissant le
concours réel d'infractions.
D'après l'article R412-30 du code de la route, « Tout conducteur doit marquer l'arrêt absolu devant un feu de signalisation
rouge, fixe ou clignotant. […]
Le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l'amende prévue pour les
contraventions de la quatrième classe. »
L'article 131-13, 4° du code pénal précise que le montant de l'amende est de 750 euros au plus pour les contraventions
de la 4e classe.
Mickaël encourt donc 750 euros d'amende pour le manquement au code de la route.
Rem : il ne fallait pas caractériser tour à tour les éléments constitutifs du délit de fuite prévu par l'article prévu par
l'article 434-10 du CP. En effet, le fait d'avoir pris la fuite après l'accident est un comportement qui est sanctionné au
NOTE : s'il est vrai que la caractérisation de la contravention prévue par l'article R412-30 du code de la route permet
de retenir l'élément moral de l'infraction de blessures involontaires (v. développements antérieurs), force est de
constater que le législateur ne vise pas expressément le manquement au code de la route prévu par l'article R412-30
du CP au titre des éléments constitutifs des blessures involontaires de sorte qu'aucune difficulté ne se pose quant au
cumul de ces deux infractions.
Au titre de l'élément matériel, trois composantes doivent être caractérisées : un comportement, un résultat et un lien
de causalité entre les deux.
S'agissant du résultat, on notera que le décès d'une personne doit pouvoir être caractérisé. La jurisprudence a considéré
dans un arrêt d’assemblée plénière du 29 juin 2001 que « le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose
Objectif Barreau – Droit pénal – Sujet 2 7
une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du code pénal,
réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève de
textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus » (V. pour une confirmation : Crim. 25 juin 2002). Deux hypothèses doivent
être distinguées :
• Lorsque l'enfant n'est pas né vivant : la qualification d'homicide involontaire ne peut être retenue, peu importe
que l'enfant à naître ait été viable ou non.
• Lorsque l'enfant est né vivant : la qualification d'homicide involontaire peut être recherchée, peu importe que
la vie n'ait duré que quelques minutes. Le critère utilisé par les juges est donc celui de la vie à la naissance
(Crim, 2 décembre 2003).
En l'espèce, les faits indiquent que l'enfant n'est pas né vivant. En conséquence, la qualification d'homicide involontaire
ne peut pas être retenue à l'encontre de Mickaël.