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Qui sont les auteurs de crimes 

?
19 octobre 2018

Adolphe Quételet, en 1831, fait la première étude statistique sur la criminalité. Toutes les
statistiques montrent la même chose : surreprésentation masculine et des jeunes dans la
criminalité. Sur le premier graphique « auteur », on voit qu’avec l’âge, la criminalité baisse. Pour
toutes les classes d’âges, les femmes sont sous-représentées. Mais que cela soit chez les hommes
ou les femmes, ce sont toujours les jeunes qui sont surreprésentés. On peut presque appeler cela
un fait social, car cela se vérifie toujours et partout. Ce résultat mixte deux variables, le sexe et
l’âge. On va essayer d’expliquer ces deux résultats, à travers 4 hypothèses.

I. Lien entre criminalité et sexe

1. La démographie : s’il y a davantage d’hommes dans la société cela est logique qu’il y ait
plus d’hommes dans les statistiques de criminalité. Or, ce n’est pas le cas. On peut donc
d’emblée réfuter cet argument.

2. Traitement de faveur. Est-ce qu’il y a un traitement de faveur dans le système judicaire


pour les femmes ?
Il est connu aujourd’hui qu’à criminalité équivalente qu’une personne noire a beaucoup plus de
risque d’avoir une peine plus lourde. C’est la preuve que dans le système de justice il y a des
traitements de faveur. En Europe, on considère que l’héroïne et la cocaïne amène à la même peine.
Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis. Il est prévu que de vendre de l’héroïne est plus grave que de
vendre de la cocaïne. Sachant que la cocaïne est plutôt la drogue des riches, et l’héroïne celle des
pauvres. Cela entraîne donc une discrimination entre les riches et les pauvres. On voit donc que
c’est de par la loi que l’on va traiter plus sévèrement des couches sociales défavorisées.

On peut faire un sondage de victimisation. Les H sont largement représentés. L’idée du traitement
de faveur est quand même présente. Le chiffre des femmes soupçonnées baisse pour celui des
femmes poursuivis en justice, baisse encore pour le chiffre des femmes condamnées à une peine
privative.
Plus on avance dans le système judiciaire, plus les femmes sont sous représentées. Est-ce qu’on les
traite plus favorablement que les femmes ? Non, les femmes ne sont pas traitées mieux que les
Hommes. Cette baisse s’explique par le fait qu’elles commettent moins d’infractions, et en plus ces
infractions sont moins graves que celles commises par les hommes. Selon les études majoritaires, il
n’y aurait pas de traitement de faveur des femmes par rapport aux hommes par le système de
justice.

On peut se demander s’il y aurait des infractions commises plus souvent par les femmes que par les
hommes ? A une époque, le vol à l’étalage était typiquement une infraction de femmes. Cela n’est
plus vrai aujourd’hui. Néanmoins, en Suisse, il y a une infraction que les femmes commettent plus
souvent que les hommes, l’enlèvement de mineurs. Cela peut expliquer que la justice suisse a
attribué très facilement la garde de l’enfant à la maman. Mais, alors lorsque cette dernière est
attribuée au père, cela était très mal compris. Les femmes commettent moins d’infractions que les
hommes sauf pour l’enlèvement de mineurs.

3. Hypothèses sociologiques

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 1ère hypothèse sociologique : théorie de l’émancipation : elle suggère que c’est le rôle
social qui engendre une différence dans le taux de criminalité, le rôle sociologique
n’étant pas le même entre hommes et femmes. Les attentes des femmes ne sont pas
les mêmes que celles des hommes. On demande à l’homme de travailler pour
subvenir aux besoins de la famille, et aux femmes de s’occuper du foyer. On peut se
demander s’il y avait égalité totale entre hommes et femmes, si la criminalité serait
la même. Même si cela peut paraître rétrograde, cela reste la vision sociologique
classique. On appelle cela la théorie de l’émancipation. Donc cela voudrait dire que
plus la femme est émancipée, plus elle commettra de crimes. On peut tenter de la
vérifier, car il y a des différences d’émancipation à travers le temps. Par exemple,
pendant la WW2, les femmes étaient seules et devaient donc prendre le rôle de
l’homme. Proportion des femmes commettant des crimes pendant la période de la
WW2 : 10% avant ; 20% pendant ; et 15% après. Pourquoi est-ce qu’elles en
commettent davantage pendant ? Pendant la guerre, les hommes étaient au front, et
les femmes assuraient donc leur rôle. Jusqu’en 1980, on présentait ce diagramme en
disant que l’émancipation a un effet sur la criminalité des femmes, mais à la fin des
années 80, on se rend compte que ce n’est pas vrai. Si on a 10 femmes et 90
hommes qui commettent des infractions, la proportion est de 10%. Comment arrive-
t-on à 20% ? On pourrait mettre 20 femmes et 90 hommes ; la proportion passe à
18%. On a une manière d’interpréter le graphique : 2X plus de femmes= doublement
de la criminalité. Mais on peut aussi passer de 10 à 20 % autrement : on garde 10
femmes, mais on ne prend plus que 40 hommes (car les hommes ne sont plus là) ;
cela fait passer à 20% de femmes. Le nombre absolu de femmes reste le même.
Pendant la guerre, les soldats ne sont pas soumis au CP, mais au CP militaire. Il n’y a
donc pas d’augmentation de la criminalité féminine, mais une diminution des
hommes soumis au CP, qui est la source du graphique !
Ainsi, si on prenait des nombres absolus au lieu de prendre des proportions, on
n’aurait pas de grandes différences avant, pendant, et après la guerre. Donc la
théorie de l’émancipation tombe à l’eau.

Néanmoins, l’émancipation des femmes des années 70 entraîne des infractions que
les femmes ne faisaient pas avant. En effet, le droit des femmes de conduire leur fait
augmenter les infractions de la route, le fait de fumer augmente aussi le risque de
prendre des stupéfiants etc. La proportion de femmes augmente parallèlement à
l’émancipation de la femme de la société.

Sauf qu’après les années 90’ la courbe chute à nouveau, et cela n’est pas expliqué.
Alors la théorie de l’émancipation tombe dans la désuétude.

 2ème hypothèse sociologique : théorie de l’éducation différenciée entre les 2 sexes :


cela va avoir des effets sur les gens. On sait que les femmes ont tendance à
intérioriser le problème, et les hommes à extérioriser le problème. L’intériorisation
des femmes poussent à des problèmes psychologiques alors que l’extériorisation des
hommes les poussent plus à se retrouver dans des institutions carcérales.

4. Hypothèse biologique : y-a-t-il une différence biologique qui fait que les hommes
commettent plus de crime que les femmes ?

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Biologiquement, les femmes et les hommes sont différents, mais est-ce que cela influence le taux
de criminalité ?
Etude médicale : on fait un lien entre le taux de testostérone et l’agressivité. Biologiquement, les
hommes ont plus de testostérone que les femmes. A partir de là, si on lie la testostérone à
l’agressivité, c’est peut-être allé un peu vite. Parmi les médecins, il y a certains ne sont pas
forcément d’accords : est-ce qu’on peut réellement faire un lien entre l’agressivité et le crime ?
Non, car toutes les infractions ne sont pas agressives. Ex : fraudes fiscales, vol etc. Ainsi, on ne peut
pas tout expliquer par la testostérone.

En définitive, il n’y a pas de réponse concernant la différence d’infractions entre les hommes et les
femmes. La seule chose pas réfutée est la différence d’éducation, mais encore une fois cela
n’explique pas forcément les infractions. L’émancipation est toujours vue comme ce que les
femmes atteignent le niveau des H, mais au niveau de la criminalité cela devrait être l’émancipation
de l’homme. Les hypothèses ne sont pas forcément vérifiées jusqu’au bout, et donc la question
reste ouverte, mais le constat est là, 85% des infractions sont commises par les hommes.

II. Lien entre criminalité et âge : Quételet a fait un graphique en 1931. Ce dernier
s’applique bien en Suisse.

1. Démographie : est-ce que la démographique joue un rôle ? Est-ce qu’il y a plus de


vieux que de jeunes ? On est dans une société vieillissante. Donc cette théorie n’est
pas pertinente.
2. Traitement de faveur : Est-ce qu’il y a un traitement de faveur dans notre système
de justice ? Assez logiquement la manière d’agir de la police va influencer les
statistiques. Ainsi, on a plus tendance à envoyer des policiers devant une
discothèque que devant un tea-room. Les jeunes sont donc plus dans la criminalité
que les vieux. C’est ce que l’on appelle l’auto-production statistique. Il y a donc
clairement un traitement de faveur, mais cela explique seulement une petite partie
de la courbe.
3. Hypothèse biologique : il va de soi de dire que les jeunes et les vieux sont différents ;
entre 20 ans et 80 ans, on n’a pas les mêmes capacités, pour courir par exemple
dans le cadre d’un vol à l’étalage. On pourrait donc créer une corrélation entre l’âge
et la criminalité. Cependant, se poser la question entre 20 et 80 ans n’est pas la
bonne solution. En effet, la courbe ne baisse qu’entre 20 et 30 ans : et entre ces deux
âges, il n’y a pas de grandes différences. La différence biologique est donc
irrelevante.
4. Hypothèse sociologique : une des hypothèses que l’on retrouve le plus souvent est
l’hypothèse de la position sociale déstructurée (dissonance cognitive). C’est la
différence entre ce que l’individu pense de lui-même et l’image que lui renvoient les
autres : à 20 ans, on pense être adulte, mais les adultes pensent qu’on est encore
des enfants. C’est cette différence de perception qui fait que certains voudront
prouver qu’ils sont adultes, parfois de manière criminelle. Il y a une sorte de malaise,
qui pousse parfois à cette affirmation qui est parfois illégale. Il y a une sorte de
stigmatisation des jeunes, qui les poussent à devenir ce que l’on pense d’eux.
C’est cette déstructuration sociale qui, à un moment donné, se structure, par
exemple quand on quitte le domicile des parents, se marie, etc. C’est ce qui arrive

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justement entre 20 et 30 ans aujourd’hui. On a une position sociale structurée
lorsqu’on est accepté par la société, et on commet donc moins d’infractions.
On s’émancipe aujourd’hui plus tard qu’il y a 150 ans. Cependant, il y a 150 ans, le
pic était aussi entre 20 et 30 ans. La théorie est donc partiellement irrelevante. (Elle
n’est pas très exacte).

En définitive, on n’a pas de réponse. Celle qui tient plus la route est celle de la théorie du la position
sociale déstructurée, même si cette dernière reste floue sur certains aspects.

III. Lien entre criminalité et nationalité.

- On voit qu’en Suisse, on observe à peu près 25% d’étrangers. On observe que ces 25%
d’étrangers font partie d’environ 60% des condamnés. Si on en reste là, on arrive à la
conclusion qu’il y a une surreprésentation des étrangers dans la criminalité. Or, on doit
regarder si cela se passe uniquement en Suisse. Ce n’est pas le cas. En effet, il y a une
surreprésentation des étrangers dans la criminalité par rapport aux nationaux, et ce dans
tout le monde. On vient de voir que les hommes sont surreprésentés, et que les 30 ans et +
sont surreprésentés. Donc cette criminalité dépend de plein de variables. On est obligé de
faire des modèles multivariés. Le crime dépend d’abord du sexe, puis de l’âge, puis du
niveau socio-économique, puis du niveau de formation, puis de la nationalité. Ce n’est pas
une variable explicative de la criminalité, comme tous les autres. En effet, cette variable est
complètement englobée dans les 4 autres variables explicatives. Donc, cette variable de la
nationalité n’explique rien.
Pourquoi cette criminalité est surreprésentée par les étrangers ? Cela provient simplement
du constat que la migration, de manière générale, est principalement une affaire de jeunes
plus que de vieux et d’hommes plutôt que de femmes. Sachant par ailleurs que les jeunes
hommes représentent justement la partie de la population la plus criminogène, il est donc
logique que la population migrante soit plus impliquée dans la criminalité que ceux qui ne
bougent pas de leur lieu de vie initial.
- De plus, le fait que les étrangers soient plus représentés dans les prisons et donc dans les
statistiques pénitentiaires, s’explique en partie par le fait que les peines de substitution
(TDG, retrait de permis, amendes etc.) leur sont bien moins souvent appliquées qu’aux
nationaux.
- Exception : cas où la nationalité est en corrélation avec la criminalité : c’est le cas particulier
de migrants provenant d’un pays en guerre. En effet, l’Etat montre un mauvais exemple de
mode de survie aux citoyens, qui deviennent alors, eux aussi, plus violents et exportent
ensuite cette caractéristique dans le pays d’accueil. Ce phénomène est connu en
criminologie sous le nom de brutalisation.

Quel est le profil type de la victime ?

La criminalité est principalement une histoire d’intragroupe. Les victimes font généralement parties
du même groupe que le criminel. Ça devrait être les mêmes personnes dans le groupe des criminels
et des victimes. Le risque objectif de subir une infraction dépend tout d’abord du facteur de
l’exposition aux risques. L’exposition qu’on risque en tant que jeune homme est plus important que

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celle des femmes ou des personnes âgées, car les jeunes hommes ayant tendance à mener une vie
sociale plus active que les femmes et les vieux sont exposés plus souvent aux risques de
victimisation (ex : sortie le soir, ruelles glauques). En d’autres termes, il est logique que ceux qui
restent chez eux soient moins souvent victimes d’une agression en dehors de leur domicile.

 Entre temps, on s’est rendu compte que ce n’était pas là où cela se passait. Depuis que les
violences domestiques sont répertoriées dans les statistiques de la criminalité, on peut observer
que les rues sombres et désertes ne sont pas les endroits les plus risqués, mais que le fait de rester
chez soi avec des gens que l’on connaît et en qui on a confiance génère davantage de risques que le
fait de sortir le soir. Les violences intrafamiliales étant majoritairement commises à l’encontre des
femmes, plutôt de jeune âge, le profil type de la victime n’est donc plus tellement celui du jeune
homme qui sort, mais plutôt celui de la jeune femme qui reste à la maison.

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