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Termes choisis
Anne-Marie La Rosa
DOI : 10.4000/books.iheid.3981
Éditeur : Graduate Institute Publications
Année d'édition : 1998
Date de mise en ligne : 14 décembre 2015
Collection : International
ISBN électronique : 9782940549306
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782130494249
Nombre de pages : xii-120
Référence électronique
LA ROSA, Anne-Marie. Dictionnaire de droit international pénal : Termes choisis. Nouvelle édition [en
ligne]. Genève : Graduate Institute Publications, 1998 (généré le 19 avril 2019). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/iheid/3981>. ISBN : 9782940549306. DOI : 10.4000/books.iheid.3981.
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Le droit international pénal est destiné à attirer de plus en plus l'attention du public averti du
fait même des travaux des Tribunaux pénaux internationaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et
pour le Rwanda et de la mise en place prochaine d'une cour criminelle internationale à caractère
permanent. Cet ouvrage expose les principes du droit international pénal qui s'avèrent
particulièrement pertinents à cet égard en traitant par de courts articles des thèmes choisis de
cette discipline en mettant toutefois l'accent sur la répression pénale internationale. Cet ouvrage
servira de référence et guide pour tous ceux qui s'intéressent aux juridictions pénales
internationales ainsi qu'à tous les praticiens de droit national appelés à traiter des notions de
droit international pénal. Il offre un outil de travail aux gouvernements, experts, universitaires,
représentants d'organisations gouvernementales ou non gouvernementales oeuvrant à la mise
en place d'une instance pénale internationale. En outre, ce recueil contribue à une meilleure
compréhension des enjeux et s'avère un atout pour une négociation éclairée des composantes
essentielles d'une cour criminelle internationale qui contribuera réellement à la répression des
violations graves du droit international humanitaire.
Préface de Antonio Cassese (Président du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie).
ANNE-MARIE LA ROSA
Avocate, titulaire d'un doctorat délivré par l'Institut de hautes études internationales de
Genève, l'auteur a écrit de nombreux articles approfondissant des sujets divers du droit
international pénal. Elle est actuellement conseillère juridique, chargée de liaison au
Comité International de la Croix Rouge (CICR) sur les questions ayant trait à la justice
pénale internationale.
2
SOMMAIRE
Préface
Antonio Cassese
Remerciements de l'auteur
Compétence réelle
Compétence universelle
Compétence par représentation
Crime de guerre
Criminel de guerre
Double incrimination
Extradition
Réextradition
Spécialité de l’extradition
Traité d’extradition
Génocide
Imprescriptible
Infractions graves
Locus delicti
Nuremberg (Droit de -)
Principe I - Principe de la responsabilité pénale individuelle
Principe II - Principe de la primauté de lʼincrimination internationale par rapport au droit
interne
Principe III - Principe du rejet de lʼexception fondée sur la position officielle de lʼaccusé
Principe IV - Principe du rejet de la justification fondée sur lʼordre reçu dʼun supérieur
Principe V - Principe du droit à un procès équitable
Principe VI - Principe dʼincrimination internationale des violations du recours à la force, des lois
et coutumes de la guerre et des droits élémentaires de la personne
Principe VII - Principe de lʼincrimination de la participation à un crime de droit international
Nuremberg (Tribunal de -)
Ordre supérieur
Piraterie
Position dʼautorité
Terrorisme international
Tokyo (Tribunal de -)
Torture
Transfèrement ou transfert
De personnes détenues
De personnes condamnées
NOTE DE L’ÉDITEUR
Cet ouvrage a été publié pour la première fois en 1998, dans la collection Publications de
l'Institut de hautes études internationales, Genève, aux Presses universitaires de France, Paris
(ISBN 2-13-049424-2).
5
I. Général
1 1. Cour criminelle internationale
2 2. Droit international pénal
3 3. Droit pénal international
4 4. Juridiction pénale internationale (comprenant Tribunaux pénaux internationaux ad
hoc)
5 5. Nuremberg (Tribunal de -)
6 6. Responsabilité pénale internationale (individuelle)
7 7. Tokyo (Tribunal de -)
8 8. Tribunal militaire international
9 9. Tribunal pénal international
Préface
Antonio Cassese
1 Personne ne contestera que le droit international pénal est destiné à attirer de plus en
plus l’attention du public averti du fait même des travaux des Tribunaux pénaux
internationaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda et de la mise en place
prochaine d’une cour criminelle internationale à caractère permanent.
2 L’ouvrage d’Anne-Marie La Rosa expose les principes du droit international pénal qui
s’avèrent particulièrement pertinents à cet égard. A l’origine, les courts articles qui
portent sur des thèmes choisis ont été rédigés dans le contexte de la préparation du
Dictionnaire de droit international public, projet dirigé par le Professeur Jean Salmon de
l’Université libre de Bruxelles. Seuls des extraits des définitions qui ont été conçues de
manière à fournir toute l’information et les références pertinentes sur les sujets traités
seront inclus dans le Dictionnaire du fait de sa vocation lexicographique. J’ai dès lors
fortement encouragé Anne-Marie La Rosa à publier, de façon autonome, le résultat de ses
recherches détaillées d’autant qu’elles sont susceptibles de contribuer à la mise en œuvre
effective d’une répression internationale des violations graves du droit international
humanitaire.
3 Les entrées choisies par Anne-Marie La Rosa font l’objet d’articles indépendants qui,
lorsque appropriées, suggèrent synonymes, sous-entrées ou renvois pertinents. Bien que
répertoriées suivant un ordre alphabétique, elles développent trois aspects de la
problématique de la répression pénale internationale. En premier lieu, certaines
définitions visent à présenter les grandes caractéristiques du droit international pénal.
Par la suite, les incriminations internationales et notions afférentes sont traitées par le
biais de quelques thèmes choisis. Enfin, les autres entrées exposent des règles et principes
inhérents à la mise en oeuvre d’une répression pénale internationale et propres au
monde de la coopération et de l’entraide étatiques en cette matière.
4 Nul n’est besoin d’insister sur l’actualité et la pertinence d’un ouvrage qui clarifie des
termes usités du droit international pénal relatifs à une cour criminelle internationale.
Les concepts juridiques auxquels se réfère cette discipline du droit international doivent
être définis de façon précise en tenant compte des caractéristiques uniques de
l’environnement international. Bien qu’un renvoi analogique aux mécanismes de droit
8
NOTES
1. Procureur c. Blaskic, cas N° IT-95-14-AR 108 bis, Arrêt relatif à la requête de la République de
Croatie aux fins d’examen de la décision de la Chambre de première instance II rendue le 18
juillet 1997, pg. au rg. du gr. 64/ 1908bis-l0/1908bis (29 oct. 1997) à la p. 36/1908bis.
2. Ibidem
9
AUTEUR
ANTONIO CASSESE
Président de Chambre et ancien Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
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Remerciements de l'auteur
1 Obligation imposée à l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’auteur présumé d’un crime
de l’extrader (aut dedere) ou de le juger (aut judicare). Elle constitue une partie essentielle
du système de compétence et de coopération étatiques en matière pénale. Cette
obligation a pour but notamment d’éviter l’impunité et de faire en sorte que les individus
qui sont responsables de crimes particulièrement graves soient traduits en justice et, qu’à
cette fin, existe une juridiction pénale pour les poursuivre et les punir.
“Un Etat ne permet pas ordinairement qu’un autre Etat envoie sur ses terres des
gens armés pour prendre des criminels de guerre qu’il veut punir. Il faut donc que
l’Etat, sur les terres duquel se trouve le coupable, atteint et convaincu fasse deux
choses : ou qu’il punisse lui-même le coupable, à la réquisition de l’autre Etat, ou
qu’il le remette entre ses mains pour le punir comme il le jugera à propos”,
(Grotius, Le droit de la guerre et de la paix, 1625, L. II, ch. XX, LX, 3).
2 Cette obligation a été nuancée tant en ce qui concerne l’extradition (aut dedere) que pour
ce qui est de l’obligation sinon de punir (aut punire), du moins de juger (aut judicare) ou de
poursuivre (aut prosequi). Dans certains cas, l’obligation de poursuite à défaut d’extrader,
qui est soumise au droit de l’Etat requis, peut être paralysée par le principe de
l’opportunité des poursuites. Pour ce qui est des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, la C.D.I. a prévu, dans le code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité adopté en 1996, l’obligation d’extrader ou de poursuivre (art. 9). Elle a précisé
que “[l]’Etat de détention serait dans l’obligation de poursuivre l’auteur présumé d’un
crime sur son territoire lorsqu’il y aurait suffisamment de preuves pour ce faire au regard
de son droit interne, à moins qu’il ne décide de faire droit à une demande d’extradition
qu’il aurait reçue d’un autre Etat. La liberté d’appréciation reconnue dans certains
systèmes juridiques quant à l’opportunité des poursuites, grâce à laquelle l’auteur
présumé d’un crime peut se voir accorder l’immunité en échange d’un témoignage ou
d’un concours prêté aux poursuites exercées contre un autre individu dont le
comportement criminel est considéré comme plus grave, est exclue pour les crimes visés
par le présent Code” (rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa quarante-huitième session
(6 mai-26 juillet 1996), AG, 51e session, Doc. off. Supp. N° 10 (A/51/10), p. 70).
C’est du reste le raisonnement suivi par le Tribunal pénal international pour l’ex-
Yougoslavie qui a rejeté une requête présentée par le Procureur pour le retrait d’un
acte d’accusation fondé sur des raisons humanitaires compte tenu de l’état de santé
de l’accusé. Le Tribunal a considéré que le retrait de l’acte d’accusation, une fois ce
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dernier confirmé par un Juge qui s’est assuré qu’il existe des éléments de preuve
suffisants pour soutenir que l’accusé a effectivement commis les crimes allégués,
n’est possible que si ces éléments de preuve s’avèrent inexistants ou si de nouveaux
éléments de preuve à décharge ont depuis lors été découverts. (Le Procureur c/
Djukic, cas № IT-96-20-T, Décision portant maintien de l’acte d’accusation et mise en
liberté provisoire, pp. au registre du greffe 220-216 (24 avril 1996)). L’on peut
soutenir raisonnablement que dans les autres cas l’acte d’accusation demeure et le
Procureur du Tribunal se voit obligé de poursuivre.
3 Cette obligation alternative d’extrader ou de poursuivre est généralement de nature
conventionnelle.
“2. [...I]l n’existe pas en droit international général d’obligation de poursuite à
défaut d’extradition. Si une telle formule a pu être préconisée par une partie de la
doctrine depuis Covarruvias et Grotius, elle n’a jamais fait partie du droit
international positif. Dans ces conditions, tout Etat est libre de solliciter une
extradition et tout Etat est libre de la refuser. En cas de refus, il n’est pas obligé
d’engager des poursuites.
3. Une dizaine de conventions internationales conclues depuis 1970 sous l’égide des
Nations Unies ou des institutions spécialisées ont cependant modifié la situation
entre Etats parties à ces conventions.” (Déclaration commune de quatre juges jointe
à l’ordonnance de la C.I.J. du 14 avril 1992 à laquelle ils souscrivent dans l’Affaire sur
les questions d’interprétation et d’application de la convention de Montréal de 1971 résultant
de l’incident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne/Royaume-Uni), mesures
conservatoires, Ordonnance du 14 avril 1992, Rec, 1992, p. 24). Toutefois, pour ce qui
est des crimes contre l’humanité, il est raisonnable de soutenir que l’obligation
relève du droit coutumier.
4 L’énonciation de l’obligation varie d’un instrument conventionnel à un autre. On la
trouve dans la plupart des conventions multilatérales portant incriminations
internationales. Elle est parfois formulée suivant un mode général et vague. Toutefois, les
textes précisent souvent les paramètres de l’obligation en vertu desquels, à défaut
d’extrader l’auteur présumé du fait visé par la convention, l’Etat sur le territoire duquel il
est présumé se trouver doit soumettre l’affaire aux autorités compétentes pour l’exercice
de l’action pénale.
Sur la portée de l’obligation édictée par les Conventions de Genève de 1949 aux
termes de laquelle les Hautes Parties contractantes doivent rechercher les
personnes prévenues d’avoir commis ou ordonné de commettre une infraction
grave, les déférer à leurs propres tribunaux ou les remettre à une autre Partie,
consulter la décision d’un Juge d’instruction au tribunal de grande instance de Paris
en date du 6 mai 1994. Ce magistrat s’est déclaré compétent pour connaître des
crimes perpétrés contre des ressortissants bosniaques dans des camps de détention
serbes au cours du conflit en ex-Yougoslavie concluant que les tribunaux français
sont investis du pouvoir de rechercher les auteurs présumés de ces infractions. Il a
considéré que “si les articles [des Conventions de Genève] édictent deux
obligations, celles de rechercher et déférer aux tribunaux nationaux les prévenus,
elles sont bien distinctes l’une de l’autre mais toutefois indissociables, et la seconde
établit clairement [...] la compétence des tribunaux français.” Il a précisé en outre
que “la mise en mouvement de l’action publique, selon les dispositions de l’article 1
du Code de procédure pénale, appartient conjointement à la Partie Civile et au
Ministère Public. En application de cette faculté, les Parties Civiles peuvent non
seulement saisir le juge répressif d’une demande de réparation du préjudice causé
par l’infraction mais aussi de toutes mesures concernant l’identification et la
recherche des auteurs de cette infraction.” Le 24 novembre 1994, la 4 e chambre
d’accusation de la cour d’appel de Paris a réformé cette décision en raison
notamment du fait que les Conventions de Genève ne présentent pas un caractère
auto-exécutoire (dossier 94/020701, inédit).
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1 A. Aptitude de l’Etat à incriminer et juger des faits commis à l’extérieur de ses frontières.
La compétence personnelle est fondée, non sur un titre territorial, mais sur un lien
d’allégeance de l’auteur de l’infraction (compétence personnelle active) ou de la victime
(compétence personnelle passive) à l’égard de l’Etat qui exerce la compétence
personnelle.
Compétence personnelle active. “La loi pénale française est applicable à tout crime
commis par un Français hors du territoire de la République” (art. 113-6, code pénal
français).
Compétence personnelle passive : “10. Pourra être poursuivi en Belgique l’étranger qui
aura commis hors du territoire du royaume : [...] 5° Un crime contre un
ressortissant belge ...” (art. 10 § 5, code d’instruction criminelle belge).
2 Le lien d’allégeance est généralement la nationalité mais les Etats peuvent étendre la
compétence personnelle par la loi ou par traités et fonder cette dernière sur le domicile
ou la résidence de son auteur. C’est du reste en fonction de ce système que les Etats
peuvent atteindre, pour des faits commis à l’étranger, les apatrides, réfugiés ou étrangers
installés sur leur territoire.
3 La compétence personnelle est un titre subsidiaire par rapport au titre territorial, les
ressortissants nationaux dans un Etat étranger étant soumis à la souveraineté territoriale,
plénière et exclusive de cet Etat. La compétence personnelle de l’Etat lui permet
d“’atteindre” ses ressortissants nationaux à l’extérieur de son territoire tout en
respectant la souveraineté territoriale de ses pairs. Le droit de l’Etat de légiférer à propos
de faits commis à l’étranger a du reste été reconnu par la C.P.J.I. dans l’affaire du Lotus :
“Or, la limitation primordiale qu’impose le droit international à l’Etat est celle
d’exclure - sauf l’existence d’une règle permissive contraire - tout exercice de sa
puissance sur le territoire d’un autre Etat. Dans ce sens, la juridiction est
certainement territoriale ; elle ne pourrait être exercée hors du territoire, sinon en
vertu d’une règle permissive découlant du droit international coutumier ou d’une
convention.
Mais il ne s’ensuit pas que le droit international défend à un Etat d’exercer, dans
son propre territoire, sa juridiction dans toute affaire où il s’agit de faits qui se sont
passés à l’étranger et où il ne peut s’appuyer sur une règle permissive du droit
international. Pareille thèse ne saurait être soutenue que si le droit international
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défendait, d’une manière générale, aux Etats d’atteindre par leurs lois et de
soumettre à la juridiction de leurs tribunaux des personnes, des biens et des actes,
hors du territoire, et si, par dérogation à cette règle prohibitive, il permettait aux
Etats de ce faire dans des cas spécialement déterminés. Or, tel n’est certainement
pas l’état actuel du droit international. Loin de défendre d’une manière générale
aux Etats d’étendre leurs lois et leur juridiction à des personnes, des biens et des
actes hors du territoire, il leur laisse, à cet égard, une large liberté, qui n’est limitée
que dans quelques cas par des règles prohibitives ; pour les autres cas, chaque Etat
reste libre d’adopter les principes qu’il juge les meilleurs et les plus convenables.”
(C.P.J.I., Affaire du Lotus (France/Turquie), Arrêt du 7 septembre 1927, Série A, N° 10,
pp. 18-19).
4 L’exercice de la compétence personnelle n’est dès lors pas subordonné à une autorisation
du droit international autre que l’absence de règle prohibitive spécifique. Même s’il existe
peu de règles limitant le pouvoir des Etats à cet égard, il convient de relever le principe
de non-intervention et l’obligation de respecter la souveraineté des autres Etats.
Le système de la compétence personnelle passive a été retenue par nombre d’Etats
au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale en vue de poursuivre les auteurs
présumés de crimes de guerre commis à l’étranger contre leurs ressortissants :
ordonnance française du 28 août 1944 (France, Journal officiel de la République
française, 30 août 1944, p. 780) ; loi danoise concernant le châtiment des crimes de
guerre en date du 12 juillet 1946 (Lovtidende fØr Kongeriget Danmark fØr Aaret 1946,
Copenhague, J.H. Schultz, 1947, № 395, pp. 1376 et ss) ; décret provisoire norvégien
du 4 mai 1945 (Registre til Norsk Lovdtidend, Oslo, Grondahl & Sons Boktrykkeri, 1952,
pp. 445 et ss) ; loi norvégienne du 13 décembre 1946 (ibid., pp. 679 et ss).
5 Dans le projet de code de 1954 des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, la
C.D.I. n’a retenu que l’attribution de la compétence du tribunal de la nationalité de
l’auteur de l’infraction, en excluant celle du tribunal de la nationalité de la victime ou du
tribunal de l’Etat victime. Le projet, finalement adopté par la C.D.I. en 1996, combine pour
les crimes qui y sont prévus, à l’exception de l’agression, la compétence concurrente des
tribunaux de tous les Etats parties, fondée sur la compétence universelle, et celle d’une
cour criminelle internationale (rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa quarante-
huitième session (6 mai-26 juillet 1996), AG, 51e session, Doc. off. Supp. N° 10 (A/51/10),
art. 8, pp. 60-69). En ce qui concerne l’agression, seuls la cour criminelle internationale ou
les tribunaux de l’Etat dont le dirigeant a participé à l’acte d’agression peuvent juger un
individu pour un tel crime.
6 B. Par extension de sens, aptitude de l’Etat à incriminer et juger des faits commis à
l’extérieur de son territoire sur des biens ou au sein de collectivités relevant de sa
juridiction. Il s’agit pour l’essentiel d’une compétence édictée et exercée à raison de faits
commis à l’extérieur du territoire de l’Etat soit sur et par les navires et aéronefs battant
son pavillon (loi du pavillon), soit, par les membres de ses forces armées (loi du drapeau).
7 Voir : Compétence réelle, Compétence universelle, Locus delicti.
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Compétence réelle
1 Aptitude de l’Etat à incriminer et juger des faits commis à l’étranger au préjudice de cet
Etat quelle que soit la nationalité de leur auteur.
2 La compétence réelle n’est pas fondée sur un titre territorial. Elle se justifie par la nature
des faits incriminés qui portent atteinte aux intérêts supérieurs de l’Etat. La compétence
réelle ne vise que certaines infractions spécifiquement prévues dans la législation pénale
nationale telles que les crimes et délits attentatoires à la sûreté de l’Etat ou la contrefaçon
du sceau de l’Etat, de monnaies, d’effets ou de billets de banque commises hors du
territoire de l’Etat victime.
“[S]i haut que l’on remonte dans l’histoire du droit pénal international, on constate
une réaction pénale de l’Etat contre les infractions qui menacent sa sûreté
intérieure ou extérieure, même si ces infractions ont été perpétrées et consommées
en dehors de son territoire, même si elles ont pour auteur un étranger” (Donnedieu
de Vabres, Les Principes modernes du droit pénal international, Paris, Recueil Sirey,
1928, p. 86). En 1927, la première Conférence internationale pour l’unification du
droit pénal a reconnu la compétence de l’Etat victime à connaître d’un crime ou
d’un délit contre la sûreté de cet Etat, de falsification de sceaux, poinçons, cachets
ou timbres de l’Etat (résolution sur le droit pénal international, adoptée à Varsovie
du 1e r au 5 novembre 1927 in Actes de la Conférence, Paris, Recueil Sirey, 1929, p. 132).
3 La compétence réelle présente de l’intérêt pour des infractions que la loi pénale ne
pourrait atteindre autrement, c’est-à-dire pour des infractions commises à l’étranger par
des étrangers.
4 Syn. Compétence de protection.
5 Voir : Compétence personnelle, Compétence universelle, Locus delicti.
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Compétence universelle
1 Ubi te invenero, ibi te judicabo. Système donnant vocation aux tribunaux de tout Etat sur le
territoire duquel se trouve l’auteur de l’infraction pour connaître de cette dernière et ce,
quel que soit le lieu de perpétration de l’infraction et la nationalité de l’auteur ou de la
victime. L’objectif de cette compétence est d’assurer une répression sans faille pour
certaines infractions particulièrement graves.
2 A cet égard, Vattel écrit : “[...] si la justice de chaque Etat doit en général se borner à punir
les crimes commis dans son territoire, il faut excepter de la règle ces scélérats, qui, par la
qualité et la fréquence habituelle de leurs crimes, violent toute sûreté publique et se
déclarent les ennemis du genre humain. Les empoisonneurs, les assassins, les incendiaires
de profession peuvent être exterminés partout où on les saisit, car ils attaquent et
outragent toutes les nations, foulant aux pieds les fondements de leur sûreté commune.”
(Le droit des gens ou les principes de la loi naturelle, 1758, L. I, chap. XIX, §233).
3 La compétence universelle présente trois caractéristiques : “poursuite par un Etat
quelconque ; compétence de la loi du judex deprehensionis ; alternative : aut dedere aut
punire.” (Lombois, C, Droit pénal international, Paris, Dalloz, 1979, p. 77). Seules des
infractions très graves justifient une compétence aussi exceptionnelle. Dès 1927, la C.P.J.I.
a reconnu ce caractère à la piraterie :
“[...D]ans le cas de ce qui est connu sous le nom de piraterie du droit des gens, il a
été concédé une compétence universelle, en vertu de laquelle toute personne
inculpée d’avoir commis ce délit peut être jugée et punie par tout pays sous la
juridiction duquel elle vient à se trouver. [..]
Bien qu’il y ait des législations qui en prévoient la répression, elle est une infraction
au droit des gens ; et étant donné que le théâtre des opérations du pirate est la
haute mer, où le droit ou le devoir d’assurer l’ordre public n’appartient à aucun
pays, il est traité comme un individu hors la loi, comme l’ennemi du genre humain
hostis humani generis - que tout pays, dans l’intérêt de tous, peut saisir et punir.”
(C.P.J.I., Affaire du Lotus (France/ Turquie), arrêt du 7 septembre 1927, Série A, N° 10,
p. 70, opinion individuelle du Juge Moore).
4 La mise en œuvre de ce système de répression universelle est souvent difficile, surtout
lorsque les Etats impliqués (celui où a été commis l’infraction, où a trouvé refuge l’auteur
présumé ainsi que celui de la nationalité de l’auteur ou de la victime) sont éloignés. Ce
système exprime néanmoins la solidarité des Etats dans la lutte contre la délinquance
internationale. Il doit “permettre de trouver dans tous les cas un juge et de réaliser ainsi
21
[...]” (Rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa quarante-huitième session (6 mai-26 juillet
1996), AG, 51e session, Doc. off. Supp. N° 10 (A/51/10),pp. 60-69).
7 Ce n’est qu’en 1994 qu’un Etat s’est prévalu pour la première fois de sa compétence aux
termes des dispositions des Conventions de Genève de 1949 sur les infractions graves. Le
25 novembre 1994, la haute cour danoise a condamné à huit ans de prison et à l’expulsion
Refik Saric, réfugié au Danemark, pour des crimes commis contre des détenus dans un
camp de détention croate, au cours du conflit en ex-Yougoslavie. La décision a été
confirmée par la cour suprême danoise le 15 août 1995. En France, un juge d’instruction
s’est déclaré également compétent, le 6 mai 1994, pour connaître d’infractions graves au
regard des Conventions de Genève perpétrées contre des ressortissants bosniaques dans
des camps de détention serbes en ex-Yougoslavie. La décision du magistrat a été
néanmoins réformée le 24 novembre 1994 par la 4e chambre d’accusation de la cour
d’appel de Paris en raison notamment du fait que les Conventions de Genève ne
présentent pas un caractère auto-exécutoire (dossier 94/02071, inédit).
1 Les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité sont les crimes internationaux les
plus graves qui engagent la responsabilité individuelle, sans préjudice de toute
responsabilité étatique. D’après la C.D.I., leur gravité extrême constitue un élément
essentiel : “il s’agit des crimes qui touchent au fondement même de la société humaine. La
gravité peut se déduire soit du caractère de l’acte incriminé (cruauté, monstruosité,
barbarie, etc.) soit de l’étendue de ses effets (massivité, lorsque des victimes sont des
peuples, des populations ou des ethnies) soit du mobile de l’auteur (par exemple,
génocide), soit de plusieurs de ces éléments. Quel que soit le facteur qui permet de
déterminer la gravité de l’acte, c’est cette gravité qui constitue l’élément essentiel du
crime contre la paix et la sécurité de l’humanité, crime caractérisé par son degré
d’horreur et de barbarie, et qui sape les fondements de la société humaine” (Annuaire
C.D.I. 1987, vol. II, 2e partie, p. 13 et Annuaire C.D.I. 1987, vol. II, 1e partie, p. 2).
2 L’origine de l’expression “crime contre la paix et la sécurité de l’humanité” se trouve
dans le rapport que le Juge américain Francis Biddle a adressé le 9 novembre 1946 au
président Truman et dans lequel il a indiqué que le moment semblait venu de réaffirmer
“les principes de Nuremberg dans le cadre d’une codification générale des crimes contre
la paix et la sécurité de l’humanité” (Etats-Unis d’Amérique, The Department of State
Bulletin, Washington (D.C.), vol. XV, N° 386, 24 novembre 1946, pp. 956-957). La délégation
américaine présenta une proposition en ce sens à l’Assemblée générale le 15 novembre
1946 (voir à cet effet, Annuaire C.D.I. 1950, vol. II, p. 257) qui a adopté le 11 décembre 1946
la résolution 95 (I) aux termes de laquelle elle a invité la C.D.I. “à considérer comme une
question d’importance capitale les projets visant à formuler, dans le cadre d’une
codification générale des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité ou dans le
cadre d’un projet de Code de droit criminel international, les principes reconnus dans le
statut de la Cour de Nuremberg et dans l’arrêt de cette Cour.” Le 21 novembre 1947,
l’Assemblée générale a chargé expressément la C.D.I. de “a) formuler les principes de
droit international reconnus par le statut du Tribunal de Nuremberg et dans le jugement
de ce tribunal ; b) de préparer un projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité, en indiquant clairement la place qu’il convenait d’accorder aux principes
mentionnés au point a)” (Doc. off. AG NU A/Rés. 177 (II)). A sa deuxième session en 1950,
24
la C.D.I. a adopté une formulation des principes de droit international reconnus par le
Tribunal de Nuremberg et dans le jugement de ce tribunal (Annuaire C.D.I. 1950, vol. II, pp.
374-378). A sa sixième session, la C.D.I. a présenté à l’Assemblée générale un projet de
code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (Annuaire C.D.I. 1954, vol. II, pp.
149-152). Considérant que le projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité posait des problèmes étroitement liés à ceux que soulevait l’agression, dont un
comité spécial avait été chargé de rédiger la définition, l’Assemblée générale, en 1954, a
décidé de différer l’examen du projet de code (Doc. off. AG NU A/Rés. 897 (IX) du 4
décembre 1954). Bien que l’Assemblée générale ait adopté la définition de l’agression en
décembre 1974 (Doc. off. AG NU A/Rés. 3314 (XXIX) du 14 décembre 1974), ce n’est qu’en
1981 qu’elle a invité la C.D.I. à reprendre ses travaux en vue de l’élaboration du projet de
code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (Doc. off. AG NU A/Rés./36/106
du 10 décembre 1981). Le rapporteur spécial désigné a présenté depuis lors treize
rapports. En 1996, la C.D.I. a adopté le texte définitif d’un ensemble de 20 articles
constituant le projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité
(rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa quarante-huitième session (6 mai-26 juillet
1996), AG, 51e session, Doc. off. Supp. N° 10 (A/51/10), pp. 30 à 143). Aux termes du projet
de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité de 1996, sont incriminés à
ce titre, l’agression (art. 16), le génocide (art. 17), les crimes contre l’humanité (art. 18),
les crimes contre le personnel des Nations Unies et le personnel associé (art. 19) et les
crimes de guerre (art. 20). Le projet de code de 1996 ne contient pas de définition générale
des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. Pour sa part, le projet de code de
1991 comprenait une liste de douze catégories de crimes contre la paix et la sécurité de
l’humanité : agression (art. 15), menace d’agression (art. 16), intervention dans les
activités intérieures ou extérieures d’un Etat (art. 17), domination coloniale et autres
formes de domination étrangère (art. 18), génocide (art. 19), apartheid (art. 20), violations
systématiques ou massives des droits de l’homme (art. 21), crimes de guerre d’une
exceptionnelle gravité (art. 22), recrutement, utilisation, financement et instruction de
mercenaires (art. 23), terrorisme international (art. 24), trafic illicite de stupéfiants (art.
25), dommages délibérés et graves à l’environnement (art. 26) (Annuaire C.D.I. 1991, vol. II,
2e partie, pp. 100-102). La C.D.I. a précisé néanmoins en 1996 que cette réduction des
crimes nommément désignés est justifiée par le désir d’en arriver à un consensus. Il est
entendu en outre que “l’inclusion de certains crimes dans le code ne modifie pas le statut
d’autres crimes en droit international et que l’adoption du code ne préjuge en aucune
manière du développement future du droit de ce domaine important.” (rapport de la
C.D.I. sur les travaux de sa quarante-huitième session (6 mai-26 juillet 1996), ibid. p. 29,
par. 46).
3 Il convient de préciser que les expressions “paix et sécurité internationales” et “paix et
sécurité de l’humanité” se réfèrent à des notions différentes. La première est synonyme
de non-belligérance et s’applique à des rapports pacifiques entre les Etats, chacun évitant
un comportement de nature à porter atteinte à la paix et à la sécurité internationales. La
seconde embrasse un domaine plus vaste qui couvre non seulement les actes commis par
un Etat contre un autre Etat mais aussi les actes commis contre les peuples, les
populations, les groupes nationaux, ethniques, raciaux ou religieux (génocide).
25
Digest and Reports of Public International Law Cases à la p. 542. En 1915, à la suite du massacre
de la population arménienne en Lurquie, les gouvernements français, anglais et russe ont
déclaré conjointement que ces actes sont des “crimes contre l’humanité et la civilisation
pour lesquels tous les membres du gouvernement turc ainsi que leurs agents impliqués
dans le massacre seront tenus responsables (crimes against humanity and civilization for
which all members of the Lurkish Government will be held responsible together with its
agents implicated in the massacres)” (déclaration conjointe en date du 28 mai 1915,
traduction non officielle, discutée in Schwelb, E., “Crimes against humanity”, (1946)
B.Y.B.I.L. p. 181). Le Lraité de Sèvres signé le 10 août 1920, contient une disposition (art.
230) aux termes de laquelle les puissances alliées ont manifesté leur intention de traduire
en justice les responsables de ces massacres (De Martens, Nouveau Recueil Général de Traités
et autres actes relatifs aux rapports de droit international, 3e série, vol. XII, p. 664). Ce traité n’a
jamais été ratifié et a été remplacé en 1923 par le Traité de Lausanne qui prévoit au
contraire une déclaration générale d’amnistie pour ce qui est des crimes commis entre
1914 et 1922 (R.T.S.D.N., vol. 28, N° 11). Une répression nationale s’est néanmoins
organisée, les tribunaux militaires turcs condamnant des hauts dirigeants militaires pour
les crimes commis contre leurs propres ressortissants au cours de la guerre. Au
lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, ce qui est nouveau, outre la confirmation de
l’intérêt de la communauté internationale à réprimer de tels crimes, c’est le fait que des
tribunaux soient effectivement investis de la compétence déjuger les individus
responsables.
4 Le crime contre l’humanité est défini dans d’autres instruments internationaux : loi N° 10
du Conseil de contrôle allié en date du 20 décembre 1945 adoptée “en vue de créer en
Allemagne une base juridique uniforme pour les poursuites judiciaires” intentées par les
juridictions alliées dans leurs zones d’occupation “contre les criminels de guerre autres
que ceux qui seront jugés par un Tribunal militaire international” (in Journal officiel du
Conseil de contrôle en Allemagne, art. II § 1 (c)) ; Charte du Tribunal militaire international
pour l’Extrême Orient approuvée le 19 janvier 1946 par le Commandant suprême des
Forces alliées en Extrême-Orient (in Glaser, S., Droit international pénal conventionnel, vol. I,
Bruxelles, Bruylant, 1970, p. 225, art. 5 (c)) ; statut du Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (Doc. off. CS NU S/25704 (3 mai 1993), art. 5) ; statut du Tribunal pénal
international pour le Rwanda (Doc. off. CS NU S/Rés./955 (8 novembre 1994), art. 3) ; et
dans les codes pénaux et criminels de certains Etats, par exemple : code criminel
canadien, art. 7 §§ 3.71-3.77 ; code pénal français, art. 211-212-3 ; code pénal ivoirien, art.
138 ; code pénal finlandais, chapitre 13 ; loi israélienne sur le châtiment des nazis et leurs
collaborateurs, art. 1 ; code pénal portugais, art. 189 ; code pénal slovène, art. 374 ; code
pénal de la République fédérale socialiste de l’ех-Yougoslavie, art. 141-156. Enfin, le
projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, adopté par la C.D.I.
en 1996, prévoit cette incrimination, calquée sur celle du statut du Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie (rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa quarante-
huitième session (6 mai-26 juillet 1996), AG, 51e session, Doc. off. Supp. N° 10 (A/51/10),
art. 18, pp. 114-125). Tous ces textes ne sont pas identiques. Ils se distinguent notamment
par le contexte de l’infraction, son caractère, ses éléments constitutifs, la qualité et les
mobiles de son auteur, voire la qualité de la victime. Il n’y a pas dès lors de définition
uniforme. Il résulte toutefois des textes qui précèdent que les crimes contre l’humanité
doivent répondre aux critères suivants.
27
5 1. Le contexte. Le crime contre l’humanité figurant dans les statuts des Tribunaux
militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo n’était retenu comme infraction
relevant de la juridiction de ces tribunaux que dans la mesure où il avait été “commis à la
suite de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime”.
Le Tribunal de Nuremberg a appliqué cette disposition de manière stricte en concluant
qu’il n’avait pas compétence pour les crimes contre l’humanité pour lesquels il n’avait pas
été prouvé de manière satisfaisante qu’ils avaient été commis en relation avec un crime
de guerre ou un crime contre la paix. Le Tribunal de Nuremberg a précisé à cet égard
qu“’[e]n ce qui concerne les crimes contre l’Humanité, il est hors de doute que, dès avant
la guerre, les adversaires politiques du nazisme furent l’objet d’internement ou
d’assassinats dans les camps de concentration ; le régime de ces camps était odieux. La
terreur y régnait souvent, elle était organisée et systématique. Une politique de
vexations, de répression, de meurtres à l’égard des civils présumés hostiles au
Gouvernement fut poursuivie sans scrupules - la persécution des Juifs sévissait déjà. [...]
Mais, pour constituer des crimes contre l’Humanité, il faut que les actes de cette nature,
perpétrés avant la guerre, soient l’exécution d’un complot ou d’un plan concerté, en vue
de déclencher et de conduire une guerre d’agression. Il faut, tout au moins, qu’ils soient
en rapport avec celui-ci. Or le Tribunal estime que la preuve de cette relation n’a pas été
faite - si révoltants et atroces que fussent parfois les actes dont il s’agit. Il ne peut donc
déclarer d’une manière générale que ces faits, imputés au nazisme, et antérieurs au 1 er
septembre 1939, constituent, au sens du Statut, des crimes contre l’Humanité. [...] En
revanche, depuis le déclenchement des hostilités, on a vu se commettre, sur une vaste
échelle, des actes présentant le double caractère de crimes de guerre et de crimes contre
l’Humanité. D’autres actes, également postérieurs au début de la guerre et visés par l’Acte
d’accusation, ne sont pas, à proprement parler, des crimes de guerre. Mais le fait qu’ils
furent perpétrés à la suite d’une guerre d’agression ou en rapport avec celle-ci permet de
voir en eux des crimes contre l’Humanité” (Procès des grands criminels de guerre devant le
Tribunal militaire international, Nuremberg, 14 novembre 1945 -1er octobre 1946, tome I,
Jugement (ci-après T.M.I.), pp. 267-268).
6 Les tribunaux institués par les alliés dans les zones d’occupation, au lendemain de la
Deuxième Guerre mondiale, ont fait également preuve de prudence, limitant souvent leur
juridiction pour ce qui est des crimes contre l’humanité aux actes commis en relation
avec d’autres crimes relevant de leur compétence (affaire Flick, VI T.W.C., pp. 1212-1213 ;
affaire von Weizsäcker, XIV T.W.C, p. 553). Le tribunal américain dans l’affaire Ohlendorf,
adopta néanmoins une position contraire (IV T.W.C., p. 499).
7 Le lien entre les crimes contre l’humanité et les crimes contre la paix, les crimes de
guerre ou un conflit armé a été abandonné dans la pratique ultérieure des Etats. La
Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a confirmé que
“[l]e caractère obsolète de la condition d’un lien ressort à l’évidence des conventions
internationales relatives au génocide et à l’apartheid, qui interdisent toutes les deux des
types particuliers de crimes contre l’humanité abstraction faite de la relation avec un
conflit armé” et a ajouté que “[1]’absence de lien entre les crimes contre l’humanité et un
conflit armé international est maintenant une règle établie du droit international
coutumier.” (Le Procureur c/ Duško Tadić, cas N° IT-94-1-AR72, Arrêt relatif à l’appel de la
Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, pp. au
registre du greffe 88/6491bis-1/6491bis (5 août 1996), par. 140-141). La C.D.I. partage la
28
Mais les formes particulières du fait illicite sont moins déterminantes pour la
définition que les considérations d’échelle ou de ligne d’actions délibérées ou le fait
qu’elles ont pour cible la totalité ou une partie de la population civile.
12 6. L’auteur. La plupart des textes ne précisent pas si l’auteur doit agir à titre d’agent de jure
ou de facto d’un Etat. Toutefois, la perpétration d’un crime contre l’humanité exige que les
individus se servent d’un appareil d’Etat ou de moyens que leur offrent des groupements
financiers importants : consulter notamment l’affaire Altstötter (III T.W.C., p. 973). Le code
des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité retient comme élément constitutif
de l’infraction le fait que le crime ait été commis à l’instigation ou sous la direction d’un
gouvernement, d’une organisation ou d’un groupe (rapport de la C.D.I. sur les travaux de
sa quarante-huitième session (6 mai-26 juillet 1996), ibid. art. 18 et son commentaire, pp.
114-117).
13 7. Le mobile. La plupart des textes rangent au nombre des crimes contre l’humanité les
persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux mais ne précisent pas si les
autres faits constituant la substance du crime contre l’humanité doivent également avoir
été commis dans un but politique, racial ou religieux. Selon le rapporteur spécial de la
C.D.I., le mobile racial, national, religieux ou politique est inhérent à tous crimes contre
l’humanité (voir : notamment quatrième rapport du rapporteur spécial sur le projet de
code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, in Annuaire C.D.I. 1986, vol. II, 1e
partie, p. 58. Au même effet : Le Procureur cf Duško Tadić, cas N° IT-94-1-T, Jugement, pp. au
registre du greffe 355/17687bis-1/17687bis (16 juin 1997), par. 618-660). Le projet de code
de 1996 des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité ne retient toutefois ce
critère que pour les actes de persécution proprement dits (rapport de la C.D.I. sur les
travaux de sa quarante-huitième session (6 mai-26 juillet 1996), ibid. art. 18 e) et f) et son
commentaire, pp. 114 à 125).
14 Voir : Génocide.
31
Crime de guerre
1 A. Expression couvrant traditionnellement les violations des règles applicables dans les
conflits armés internationaux (jus in bello) susceptibles d’engager la responsabilité pénale
individuelle de leur auteur.
“Ensemble des agissements qui méconnaissent délibérément les lois et coutumes de
la guerre” (Merle et Vitu, Traité de droit criminel, t. I : Problèmes généraux de la science
criminelle. Droit pénal général, Paris, Cujas, 6e édition, 1988, N° 344). Dans un tel cas, la
notion de “crimes de guerre” n’est pas prise dans un sens technique mais plutôt
dans un sens général d’infraction sans que des conséquences juridiques n’y soient
nécessairement attachées.
2 Les origines de cette incrimination remontent au Manuel d’instructions destiné aux
armées américaines en campagne et proclamé par le Président Lincoln en tant qu’Ordre
général N° 100 (Code Lieber) du 24 avril 1863 selon lequel la loi martiale était applicable en
territoire occupé, liait l’occupé aussi bien que l’occupant et réprimait les violations du
droit de la guerre ainsi que les crimes de droit commun (reproduit en français in
Bluntschli, J.C., Le Droit international codifié, 5e édition, Paris, 1895, appendice, pp. 485-518).
3 D’autres instruments ont été élaborés en vue de réprimer les violations des règles des
conflits armés. Les efforts internationaux en vue de codifier le droit de la guerre se sont
intensifiés surtout à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Antérieurement, seules des
règles coutumières régissaient le droit de la guerre.
En 1880, l’Institut de droit international a publié le Manuel sur les lois de la guerre
sur terre (Manuel d’Oxford) et en 1913 le Manuel sur les lois de la guerre maritime
dans les rapports entre belligérants (reproduits respectivement in Annuaire de
l’Institut de droit international, vol. 5 (1881-1882), pp. 156-174 et Annuaire de
l’Institut de droit international, vol. 26 (1913), pp. 610-640).
Les instruments élaborés aux Conférences internationales de la Paix de La Haye de
1899 et de 1907 visaient aussi à réglementer le droit de la guerre mais n’édictaient
aucune peine en cas de violation. L’Etat dont les combattants se livraient à des actes
odieux dans la conduite de la guerre voyait sa seule responsabilité internationale
engagée. Voir notamment l’article 3 de la convention (IV) de La Haye concernant les
lois et coutumes de la guerre sur terre du 18 octobre 1907 aux termes duquel “[l]a
partie belligérante qui violerait les dispositions dudit Règlement sera tenue à
indemnité, s’il y a lieu. Elle sera tenue responsable de tous actes commis par les
personnes faisant partie de sa force armée.” (reproduit en français in Conférence
internationale de la Paix 1907, pp. 626-637).
32
1949, vol. 1, Berne, Département politique fédéral, pp. 205-224, 225-242, 243-296, 297-335),
la conv. de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé
(reproduite in Acte final de la Conférence intergouvernementale sur la protection des biens
culturels en cas de conflit armé, La Haye, UNESCO, 1954, pp. 8-66), le protocole I de 1977
(reproduit in Actes de la Conférence Diplomatique sur la réaffirmation et le développement du
Droit international humanitaire applicable dans les conflits armés, Genève (1974-1977), Berne,
Département politique fédéral, 1978, vol. 1, PP. 115-185), le statut du Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie (Doc. off. CS NU S/25704 (3 mai 1993)) et la conv. de
1980 sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui
peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme
frappant sans discrimination (Doc. off. ONU A/CONF.95/15 et Corr. 3, annexe I,
appendices A, B, C et D) telle que révisée en 1995 par l’adoption d’un quatrième protocole
interdisant l’emploi des armes à laser aveuglantes (Doc. off. ONU CCW/ COMF.I/7 du 13
octobre 1995) et par la modification du protocole II le 3 mai 1996 (Doc. off. ONU CCW/
CONF.I/14). Les faits visés par ces instruments comprennent des violations de règles
protégeant les personnes qui ne participent pas ou ne participent plus aux hostilités
(droit de Genève) ainsi que de celles régissant la conduite des hostilités (droit de La Haye).
Ces violations incluent les “infractions graves” aux conv. de Genève de 1949 et au
protocole I de 1977 (voir : Infractions graves) ainsi que les faits suivants : les atteintes aux
biens culturels interdites par la conv. de La Haye de 1954 (art. 28), les violations visées par
l’article 3 du statut du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, à savoir
l’emploi d’armes toxiques ou d’autres armes conçues pour causer des souffrances inutiles,
la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne justifient pas
les exigences militaires, l’attaque ou le bombardement par quelque moyen que ce soit, de
villes, villages, habitations ou bâtiments non défendus, la saisie, la destruction ou
l’endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion, à la bienfaisance et à
l’enseignement, aux arts et aux sciences, à des monuments historiques, à des œuvres d’art
et à des œuvres de caractère scientifique ainsi que le pillage de biens publics ou privés. En
outre, la liste des infractions qui figurent à l’article 3 du statut du Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie est de caractère illustratif et non limitatif (Le
Procureur c/ Martić, cas N° IT-95-13-I, Examen de l’acte d’accusation dans le cadre de
l’article 61 du Règlement de procédure et de preuve, pp. au registre du greffe
168-155A/162A (8 mars 1996), par. 5). Enfin, sont également comprises les violations du
protocole II de 1996 précité sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi des mines dans
la mesure où des civils ont été intentionnellement blessés ou tués (art. 14 §§ 1-2).
10 Le caractère conventionnel de ces incriminations n’exclut pas l’existence de crimes de
guerre dont l’existence est coutumière.
11 Le jugement de Nuremberg a constaté à cet égard, qu’“indépendamment des traités, les
lois de la guerre se dégagent d’us et coutumes progressivement et universellement
reconnus, de la doctrine des juristes, de la jurisprudence des tribunaux militaires. Ce
droit n’est pas immuable, il s’adapte sans cesse aux besoins d’un monde changeant.
Souvent les traités ne font qu’exprimer et préciser les principes d’un droit déjà en
vigueur” (Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international,
Nuremberg, 14 novembre 1945 - 1er octobre 1946, tome I, Jugement, p. 233).
12 Pour sa part, la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie a
jugé que les dispositions de certaines conventions de jus in bello, incriminant des faits
nommément spécifiés, font désormais partie du droit coutumier, à savoir, notamment,
34
celles des Règles de La Haye sur les conflits internationaux, des conventions de Genève,
en général, et de leur article 3 commun, en particulier (Le Procureur c/ Duško Tadić, cas N°
IT-94-1-AR72, Arrêt relatif à l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle
d’incompétence, 2 octobre 1995, pp. au registre du greffe 88/649bis-1/6491bis (5 août
1996), par. 89).
13 B. La pratique suggère que la notion de crime de guerre s’entend désormais de toutes
violations graves des règles du droit international humanitaire susceptibles d’engager la
responsabilité pénale de leur auteur. Ceci résulte de l’article 4 du statut du Tribunal pénal
international pour le Rwanda qui incrimine expressément les violations de l’article 3
commun aux conventions de Genève et du protocole II de 1977 (reproduit in Actes de la
Conférence Diplomatique sur la réaffirmation et le développement du Droit international
humanitaire applicable dans les conflits armés, Genève (1974-1977), Berne, Département
politique fédéral, 1978, vol. 1, pp. 187-200), de la jurisprudence du Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie (cf. Le Procureur c/ Duško Tadić, ibid. aux par. 86-137),
de l’article 1 § 2 du protocole II de 1996 précité sur l’interdiction ou la limitation de
l’emploi de certaines armes classiques ainsi que du projet de code des crimes contre la
paix et la sécurité de l’humanité, adopté en 1996, par la C.D.I. (rapport de la C.D.I. sur les
travaux de sa quarante-huitième session (6 mai-26 juillet 1996), AG, 51e session, Doc. off.
Supp. N° 10 (A/51/10), p. 141).
14 Syn. Violation des lois et coutumes de la guerre.
15 Voir : Infractions graves, Juridiction pénale internationale, Responsabilité pénale internationale
(individuelle).
35
Criminel de guerre
1 Se dit d’une personne qui a commis un crime de guerre et dont la responsabilité pénale
individuelle se voit dès lors engagée.
“Les criminels de guerre sont les individus, quelle que soit leur situation militaire
politique - qui, pour la préparation directe dans les domaines militaire, politique,
économique ou industriel de la poursuite d’une guerre, ont, dans l’exercice de leurs
fonctions, commis des actes contraires a) aux lois et aux coutumes de la guerre
licite ou b) aux principes de droit pénal généralement reconnus par les Etats
civilisés ; ou qui ont incité ou poussé à commettre, ou ordonné ou conseillé de
commettre ou conspiré en vue de commettre des actes de cette nature ; ou encore,
qui, sachant que de tels actes allaient être commis et ayant légalement le devoir et
le pouvoir de les empêcher, ne l’ont pas fait” (Glueck, S., “Justice for war criminals”,
American Mercury, mars 1945).
2 Lors de la Conférence de Moscou d’octobre 1943, les Alliés ont publié une déclaration
commune dans laquelle ils ont affirmé leur détermination à punir les criminels de guerre
après la victoire. Une distinction a alors été établie entre les grands criminels de guerre et
les autres, ces derniers relevant de la compétence des tribunaux des Etats sur le territoire
desquels leurs crimes avaient été commis. Aux termes de l’accord de Londres du 8 août
1945, les grands criminels de guerre, à savoir les dirigeants dont les actes n’étaient pas
susceptibles d’être géographiquement localisés, ont été pour leur part déférés devant un
tribunal militaire international (R.T.N.U., vol. 82, pp. 281-301).
3 En 1973, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution aux termes de
laquelle elle a insisté sur la nécessité de prendre, sur le plan international, des mesures en
vue d’assurer la poursuite et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre.
Elle a déclaré en outre que les “individus contre lesquels il existe des preuves établissant
qu’ils ont commis des crimes de guerre [...] doivent être traduits en justice, et, s’ils sont
reconnus coupables, châtiés, en règle générale, dans les pays où ils ont commis ces
crimes” (Principes de la coopération internationale en ce qui concerne le dépistage,
l’arrestation, l’extradition et le châtiment des individus coupables de crimes de guerre et
de crimes contre l’humanité, Doc. off. AG NU A/Rés. 3074 (XXVIII) du 3 décembre 1973, §
5).
4 D’un point de vue technique cette expression devrait se voir substituée par celle de
“personnes responsables de violations graves du droit international humanitaire”, afin de
36
couvrir également les crimes contre l’humanité qui ne sont pas stricto sensu des crimes de
guerre.
5 B. Par extension, vise également les auteurs de crimes contre la paix et crimes contre
l’humanité. A cet égard, consulter : Doc. off. AG NU A/Rés. 3 (I) du 13 février 1946.
Aujourd’hui, on parle plutôt d“’individus coupables de crimes de guerre et de crimes
contre l’humanité” ou de “personnes responsables de violations graves du droit
international humanitaire”. Consulter : Doc. off. AG NU A/Rés. 3074 (XXVIII) du 3
décembre 1973, Doc. off. CS NU S/Rés./1072 (30 août 1996), préambule, 6e alinéa et Doc.
off. AG NU A/Rés./49/136 du 23 décembre 1994, par. 11.
6 Voir : Crime de guerre, Crime contre l’humanité, Responsabilité pénale internationale
(individuelle).
37
Double incrimination
1 A. “La science qui détermine la compétence des juridictions pénales de l’Etat vis-à-vis des
juridictions étrangères, l’application de ses lois criminelles - lois de fond et lois de forme -
par rapport aux lieux et aux personnes qu’elles régissent, l’autorité, sur son territoire, des
jugements répressifs” (Donnedieu de Vabres, Introduction à l’étude du droit pénal
international, Paris, Sirey, 1922, p. 6).
2 Cette définition doit être abandonnée au profit d’une autre qui se réfère également aux
règles d’origine internationale.
3 B. Ensemble des règles gouvernant l’incrimination et la répression des infractions qui soit
présentent un élément d’extranéité soit sont d’origine internationale. L’élément
d’extranéité signifie que le problème pénal national est en contact avec un ordre
juridique étranger qui résulte généralement de la nationalité étrangère de l’auteur ou du
caractère extraterritorial de l’infraction. L’origine internationale de l’incrimination ou de
la répression se réfère à leurs sources conventionnelle ou coutumière internationales. On
oppose parfois le droit pénal international (les règles précitées d’origine interne) et le
droit international pénal (les règles précitées d’origine internationale).
4 Les Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo, créés pour juger et
punir les grands criminels de la Seconde Guerre mondiale, ont servi d’éléments
catalyseurs pour le développement du droit pénal international puisque des individus
présumés responsables de violations de normes internationales ont été, pour la première
fois, effectivement jugés et punis par des instances internationales : “[c]e n’est qu’après la
seconde guerre mondiale que le droit pénal est devenu une réalité. En effet, c’est alors
que pour la première fois un accord international proprement dit, établissant la
responsabilité pénale individuelle pour la violation des préceptes du droit international,
fut mis sur pied, que cet accord a ensuite trouvé une réalisation effective, et que ses
principes, comme nous l’avons déjà mentionné, ont été reconnus par un organe
supranational - l’Assemblée générale - comme faisant partie du droit international
positif” (Glaser, S., Droit international pénal conventionnel, Bruxelles, Bruylant, 1970, p. 20).
5 Pour sa part, la répression internationale, organisée par le Conseil de sécurité par
l’établissement en 1993 et 1994 de deux tribunaux pénaux internationaux ad hoc pour
l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, vise autant la répression de normes dont la communauté
internationale réclame la sanction (droit international pénal) que l’organisation de la
39
coopération des Etats entre eux ainsi qu’avec ces instances judiciaires internationales
(droit pénal international).
6 La notion de droit pénal englobe non seulement le droit pénal proprement dit, c’est-à-dire
le droit substantif qui décrit les infractions, identifie les personnes responsables et fixe
les peines encourues, mais aussi la procédure pénale, ou droit pénal procédural, qui
détermine entre autres la compétence des tribunaux répressifs, régit le procès, attribue
des effets aux jugements et fixe les règles relatives à l’assistance et à la coopération
internationales en matière de répression pénale.
7 Le vocable pénal doit également être entendu dans un sens large.
8 Dans son interprétation de la référence à la matière pénale au regard de l’article 6 de la
convention européenne des droits de l’homme, la Cour européenne a précisé que “[s]i les
Etats contractants pouvaient à leur guise qualifier une infraction de disciplinaire plutôt
que de pénale [...] le jeu des clauses fondamentales des articles 6 et 7 se trouverait
subordonné à leur volonté souveraine. Une latitude aussi étendue risquerait de conduire
à des résultats incompatibles avec le but et l’objet de la Convention. La Cour a donc
compétence pour s’assurer, sur le terrain de l’article 6 [...], que le disciplinaire n’empiète
pas indûment sur le pénal” (Arrêt Engel et autres c/ Pays-Bas, 8 juin 1976, A N° 22, § 81).
9 Voir : Nuremberg (droit de -), Responsabilité pénale internationale (individuelle).
40
Extradition
1 Mécanisme juridique par lequel un Etat (Etat requis) livre une personne qui se trouve sur
son territoire à un autre Etat (Etat requérant) qui la réclame aux fins de poursuite ou
d’exécution d’une peine.
2 “L’extradition est l’acte par lequel un Etat livre à un autre Etat intéressé à la répression
d’un fait punissable un individu ou présumé coupable de ce fait pour qu’il soit jugé et
puni s’il y a lieu, ou déjà condamné, afin qu’il subisse l’application de la peine encourue”
(Méringnhac, Traité de D.I.P., II, p. 732-733).
3 A défaut d’obligation conventionnelle - voire coutumière - liant l’Etat requis et l’Etat
requérant, la décision d’octroyer ou non l’extradition relève du pouvoir souverain de
l’Etat requis.
“1. Avant toute intervention dans cette affaire du Conseil de sécurité, la situation
juridique était, à notre sentiment claire. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni étaient
en droit de demander à la Libye l’extradition des deux ressortissants libyens
accusés par les autorités américaines et britanniques d’avoir contribué à la
destruction de l’avion disparu lors de l’incident de Lockerbie. Ils pouvaient mener à
cette fin toute action conforme au droit international. La Libye était de son côté en
droit de refuser une telle extradition et de rappeler à cet effet que son droit interne,
comme d’ailleurs celui de nombreux pays, prohibe l’extradition des nationaux.
2. Au regard du droit international général, l’extradition est en effet une décision
souveraine de l’Etat requis qui n’est jamais tenu d’y procéder” (déclaration
commune de quatre juges jointe à l’ordonnance de la C.I.J. du 14 avril 1992 à
laquelle ils souscrivent : C.I.J., Affaire sur les questions d’interprétation et d’application
de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie
(Jamahiriya arabe libyenne/Royaume-Uni), mesures conservatoires, Ordonnance du
14 avril 1992, Rec, 1992, p. 24).
4 Les règles qui gouvernent les Etats impliqués dans une procédure d’extradition varient en
fonction de différents éléments qui résultent notamment de la combinaison de leurs
législations nationales, des dispositions de traités bilatéraux qu’ils auraient conclus à cet
égard, et éventuellement, de conventions multilatérales générales auxquelles ils seraient
parties.
Par sa résolution 45/116 du 14 décembre 1990, l’Assemblée générale des Nations
Unies a adopté un “traité type d’extradition” dont les Etats sont invités à s’inspirer.
Aux termes du traité type des Nations Unies, les parties s’engagent à se livrer
réciproquement, sur leur demande, les personnes recherchées aux fins de
41
procédure dans l’Etat requérant pour une infraction donnant lieu à l’extradition ou
aux fins d’infliger ou de faire exécuter une peine relative à une telle infraction (art.
1). Les infractions donnant lieu à l’extradition sont les infractions punies par la
législation de chacune des parties, d’une peine d’emprisonnement ou d’une forme
de privation de liberté d’au moins un an ou d’une peine plus sévère (art. 2, principe
de la double incrimination). Le traité type prévoit que l’extradition ne sera pas
accordée notamment si l’infraction pour laquelle l’extradition est demandée est
considérée par l’Etat requis comme une infraction de caractère politique c’est-à-
dire qui atteint l’Etat dans un droit touchant à son organisation ; si l’Etat requis a de
sérieux motifs de croire que la demande d’extradition a été présentée en vue de
poursuivre ou de punir une personne en raison de sa race, de sa religion, de sa
nationalité, de son origine ethnique, de ses opinions politiques, de son sexe ou de
son statut (clause d’asile humanitaire) ; si l’infraction est une infraction au regard
de la loi militaire et non an regard de la loi pénale ordinaire ; si un jugement
définitif a été prononcé dans l’Etat requis à raison de l’infraction pour laquelle
l’extradition est demandée (non bis in idem) ; si l’individu dont l’extradition est
demandée ne peut plus, en vertu de la législation de l’une ou l’autre des parties,
être poursuivi ou puni, en raison du temps qui s’est écoulé (prescription) ; si
l’individu dont l’extradition est demandée a été ou serait soumis dans l’Etat requis à
des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ou s’il
n’a pas bénéficié ou ne bénéficierait pas des garanties minimales prévues, au cours
des procédures pénales, par l’article 14 du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques ; enfin, si le jugement de l’Etat requérant a été rendu en
l’absence de l’intéressé et si celui-ci n’a pas été prévenu suffisamment tôt du
jugement et n’a pas eu la possibilité de prendre des dispositions pour assurer sa
défense, et n’a pas pu ou ne pourra pas faire juger à nouveau l’affaire en sa présence
(art. 3). Le traité type ajoute, comme motifs facultatifs de refus, les cas, entre
autres, où l’individu dont l’extradition est demandée est un ressortissant de l’Etat
requis ; des poursuites sont en cours dans l’Etat requis ou les autorités de cet Etat
ont décidé de ne pas engager de poursuites à raison de l’infraction dont
l’extradition est demandée ; l’infraction visée est punie de mort aux termes de la
législation de l’Etat requérant (art. 4). La demande d’extradition doit être faite par
écrit (art. 5). Dès que l’extradition a été accordée, les parties doivent prendre sans
tarder des dispositions pour la remise de l’individu réclamé (art. 11). Il convient de
noter que le traité type reprend la règle de la spécialité en ce qu’un individu
extradé ne pourra pas, sur le territoire de l’Etat requérant, faire l’objet de
poursuites, être condamné, être détenu, être extradé vers un Etat tiers
(réextradition) ni être soumis à d’autres mesures limitant sa liberté personnelle en
raison d’une infraction commise avant sa remise (art. 14).
5 L’arrestation de la personne faisant l’objet d’une demande d’extradition doit être réalisée
selon les voies légales.
“Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa
liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : [...] f) s’il s’agit de
l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne [...] contre laquelle une
procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours” (conv. européenne des droits
de l’homme, art. 5 § 1). Au même effet : Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, art. 9 § 1. Cf. également à la jurisprudence de la Cour européenne,
notamment à l’arrêt Bozano dans lequel la Cour européenne a jugé que constitue une
mesure d’extradition déguisée et non une détention nécessaire dans le cadre
normal d’une procédure d’expulsion, le fait pour le gouvernement français
d’appréhender et de faire transporter un individu en Suisse d’où il a été par la suite
extradé vers l’Italie qui l’avait initialement jugé par contumace. La France ne
pouvait l’extrader directement en raison d’un avis défavorable de la Cour d’appel de
Limoges (18 décembre 1986, A N° 111, notamment à la p. 26, § 60) ; et l’arrêt
Kolompar aux termes duquel la Cour a considéré que l’article 5 § 1 f) n’a pas été violé
42
même si la détention aux fins d’extradition s’est étendue sur plus de deux ans et
huit mois lorsque ce délai est en partie dû au comportement de l’accusé qui ne peut
dès lors “valablement se plaindre d’une situation qu’il avait dans une large mesure
provoquée” (24 septembre 1992, A N° 235-C, pp. 49-52, §§ 15-26, p. 55, § 36, et pp.
55-57, §§ 40-43).
6 Il est aujourd’hui admis que l’extradition ne doit pas être accordée à un Etat où la
personne extradée risque de faire l’objet de violations graves des dispositions des
instruments protecteurs des droits de la personne liant l’Etat requis.
La convention de 1984 des Nations Unies contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants dispose en son article 3 § 1 qu’aucun
Etat “n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre Etat où il
y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture” (Doc. off.
AG NU A/Rés./39/46 (10 décembre 1984)). Aux termes de la recommandation N°
(80), adoptée le 27 juin 1980, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a
recommandé aux gouvernements des Etats membres “1. de ne pas accorder
l’extradition lorsque la demande d’extradition émane d’un Etat non partie à la
Convention européenne des droits de l’homme et qu’il y a des raisons sérieuses de
croire que la demande a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir l’intéressé
pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques,
ou la situation de cette personne serait aggravée pour l’une ou l’autre de ces
raisons” (Ann. Conv. eur. dr. h., 1980, vol. 23, p. 79). Bien que la convention
européenne des droits de l’homme ne contienne pas de disposition expresse à cet
égard, les organes de contrôle ont reconnu qu’une décision d’expulsion,
d’extradition ou de refoulement peut se révéler contraire à l’article 3. Cf.
Jurisprudence de la Commission européenne selon laquelle l’extradition d’une
personne peut soulever un problème au regard de l’article 3 de la convention
lorsqu’il y a de sérieuses raisons de croire que cette personne sera soumise dans
l’Etat requérant à un traitement contraire à cet article (décision du 3 mai 1983 dans
l’affaire Altun c/ République fédérale d’Allemagne, requête N° 10308/83, DR, vol. 36, pp.
209-235 ; décision du 12 mars 1984 dans l’affaire Kirkwood c/Royaume-Uni, requête N°
10479/83, DR, vol. 37, pp. 156-191 ; Affaire Soering c/ Royaume-Uni, requête N°
14038/88, rapport de la Commission du 19 janvier 1989 et arrêt de la Cour en date
du 7 juillet 1989, A N° 161).
7 Enfin, il convient de relever que les demandes de transfert vers les juridictions pénales
internationales ne doivent pas être assimilées à des demandes d’extradition. Ces
juridictions pénales internationales sont l’expression de la communauté internationale
toute entière et la justice rendue par elle n’est pas considérée comme émanant d’une
juridiction étrangère. En outre, au regard de leur statut respectif, les demandes de
transfert émanant des tribunaux pénaux internationaux de l’ex-Yougoslavie (art. 29) et
du Rwanda (art. 28) priment toute demande d’extradition en raison de l’effet combiné des
articles 25 et 103 de la Charte des Nations Unies (Voir : Transfert).
“Le transfert des accusés au Tribunal est une question qui ne relève pas des
relations juridiques entre les Etats, mais de l’attitude générale de coopération que
chaque Etat doit accepter à l’égard d’un tribunal pénal international” (note du
Secrétaire général, rapport du Tribunal international chargé de poursuivre les
personnes présumées responsables de violations graves du droit international
humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991, Doc. off. AG
NU A/49/342 et Doc. Off. CS NU S/1994/1007). “J’ai, de façon répétée, demandé
instamment à tous les Etats, et plus particulièrement à ceux de l’ex-Yougoslavie, de
mettre en place toutes les mesures nécessaires pour permettre au Tribunal de
s’acquitter de sa mission. [...] [La République fédérale de Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) et la Républika Srpska] ont, jusqu’à présent refusé d’arrêter tout
accusé sur leur territoire, en arguant que l’arrestation et le transfert de leurs
43
Réextradition
8 Acte par lequel un Etat livre à un autre Etat un individu qui n’est sur son territoire que
par l’effet d’une extradition consentie par un Etat tiers. Il y a ré extradition lorsqu’un
“Etat, à qui un individu a été livré par un autre Etat en vue de poursuites pénales ou de
l’exécution d’une condamnation pénale dans le premier Etat livre cet individu à un Etat
tiers en vue de poursuites pénales ou de l’exécution d’une condamnation pénale dans ce
dernier Etat. Extradition d’un extradé” (Basdevant, J., Dictionnaire de la terminologie du droit
international, Paris, Sirey, 1960, p. 519). La réextradition peut être prévue dans l’acte
d’extradition même. Le premier Etat requis a en fait accordé des extraditions successives.
L’Etat qui livre l’individu à l’Etat tiers n’a pas à apprécier la demande. Le rapprochement
est à faire avec l’extradition en transit. Par ailleurs, l’extradition demandée après que la
première remise ait eu lieu doit être examinée comme une nouvelle demande à la seule
exception qu’elle doit être limitée, à défaut d’accord avec le premier Etat requis, à
l’infraction qui a justifié la première extradition (principe de la spécialité).
Spécialité de l’extradition
9 Principe selon lequel l’extradé ne peut être poursuivi ou puni pour une infraction autre
que celle ayant justifié l’extradition. Le principe de la spécialité de l’extradition implique
44
une totale adéquation entre le fait objet de l’extradition et le fait pour lequel l’extradé
sera jugé et purgera sa peine. Le principe de la spécialité serait de nature coutumière et
ferait dès lors partie de toute convention portant sur l’extradition.
“Art. 14 § 1 L’individu qui aura été livré ne sera ni poursuivi, ni jugé, ni détenu en
vue de l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté, ni soumis à toute autre
restriction de sa liberté individuelle, pour un fait quelconque antérieur à la remise,
autre que celui ayant motivé l’extradition [...]” (conv. européenne d’extradition de
1957 précitée). L’article 55 § 1 du projet de statut de la cour criminelle
internationale dispose qu’une personne transférée à la cour “ne peut être
poursuivie ni condamnée pour un crime autre que celui qui a motivé son transfert à
la Cour” (rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa quarante-sixième session (2
mai-22 juillet 1994), ibid. p. 148).
Traité d’extradition
10 Traité qui a l’extradition pour objet. Les traités d’extradition sont les “traités en vertu
desquels deux Etats s’engagent à se livrer réciproquement, dans certains cas spécifiés, les
individus qui se sont soustraits par la fuite à l’atteinte des lois répressives du pays qu’ils
habitaient” (Pradier-Fodéré, Traité de droit international public européen et américain, Paris,
Pedone, 1885-1906, N° 1047). Certains Etats subordonnent l’extradition à l’existence d’un
tel traité.
11 Syn. Convention d’extradition.
12 Voir : Aut dedere, aut judicare, Compétence universelle, Double incrimination, Transfert.
45
Génocide
Imprescriptible
Infractions graves
1 A. Expression technique utilisée dans les Conventions de Genève du 12 août 1949 et dans
leur Protocole additionnel de 1977 relatif à la protection des victimes des conflits armés
internationaux (Protocole I de 1977) pour désigner les violations particulièrement graves
de leurs dispositions et pour lesquelles les Hautes Parties contractantes sont tenues de
poursuivre les personnes responsables aux termes d’un régime de répression universelle.
“Chacune des quatre Conventions de Genève de 1949 renferme une disposition sur
les ’infractions graves’, précisant les infractions particulières aux Conventions pour
lesquelles les Hautes Parties contractantes sont tenues de poursuivre les personnes
responsables. En d’autres termes, les Conventions créent, pour ces actes
spécifiques, une compétence répressive obligatoire universelle parmi les Etats
contractants” (Le Procureur c/ Duško Tadi’c, cas N° IT-94-1-AR72, Arrêt relatif à
l’appel de la Défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, pp. au
registre du greffe 88/649Ibis-1/6491 bis (2 octobre 1995), par. 79).
2 Les quatre Conventions de Genève de 1949 (CGI, CGII, CGIII et CGIV) et le Protocole I de
1977 (PI) incriminent à titre d’infractions graves des faits perpétrés contre les personnes
protégées se trouvant au pouvoir de l’ennemi, à savoir :
• l’homicide intentionnel, la torture et les traitements inhumains, y compris les expériences
biologiques, le fait de causer intentionnellement de graves souffrances ou de porter des
atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé (art. 50 CGI, art. 51 CGII, art. 130 CGIII,
art. 147 CGIV) ainsi que le fait de soumettre une personne à une expérience médicale ou
scientifique, ou à un acte médical non conforme aux normes médicales généralement
reconnues et qui met en danger la santé physique ou mentale de cette personne (art. 11 § 4
PI) ;
• la destruction et l’appropriation de biens non justifiées par des nécessités militaires et
exécutées sur une grande échelle de façon illicite et arbitraire (art. 50 CGI, art. 51 CGII, art.
147 CGIV) ;
• le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les
forces armées de la Puissance ennemie ou le fait de les priver de leur droit d’être jugé
régulièrement et impartialement selon les prescriptions de ces instruments (art. 130 CGIII,
art. 147 CGIV et art. 85 § 4 PI) ;
• la déportation ou le transfert illégaux, la détention illégale ou la prise d’otage (art. 147
CGPV) ainsi que la déportation ou le transfert par la Puissance occupante de tout ou partie
de la population civile du territoire occupé en violation de l’article 49 CGIV (art. 85 §4 PI) ;
51
• tout retard injustifié dans le rapatriement de prisonniers de guerre ou civils (art. 85 § 4 PI) ;
l’apartheid ou les autres pratiques inhumaines fondées sur la discrimination raciale (art. 85
§ 4 PI).
3 En outre, le Protocole I de 1977 ajoute à cette liste d’infractions graves, des faits commis
contre des personnes exposées aux effets directs des hostilités, dans la mesure où ils ont
été commis intentionnellement et qu’ils ont entraîné la mort ou causé des atteintes
graves à l’intégrité physique ou à la santé :
• toute attaque contre des personnes civiles ou des personnes hors de combat ;
• une attaque indiscriminée ;
• une attaque contre des ouvrages ou des installations contenant des forces dangereuses,
c’est-à-dire des barrages, digues et centrales nucléaires, en sachant que cette attaque
causera aux civils ou à leurs biens des dommages qui seraient excessifs par rapport à
l’avantage militaire concret et direct attendu ;
• une attaque contre des localités non défendues et des zones démilitarisées ;
• l’utilisation perfide des signes de la Croix-Rouge, du Croissant Rouge ou d’autres signes
protecteurs reconnus par les Conventions de Genève ou le Protocole I de 1977 (art. 85 § 3 PI).
4 Enfin, la liste des infractions graves est complétée par :
• les attaques contre les monuments historiques, les œuvres d’art ou les lieux de culte qui
constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et auxquels une protection
spéciale a été accordée en vertu d’un arrangement particulier provoquant ainsi leur
destruction sans qu’il n’y ait de preuve que ces biens n’aient été utilisés à des fins militaires
ou qu’ils n’aient été situés à proximité d’objectifs militaires (art. 85 § 4 PI).
5 Les dispositions des Conventions de Genève de 1949 et du Protocole I de 1977 relatives aux
infractions graves font partie du droit international coutumier et lient dès lors toutes les
parties à un conflit armé international.
“La large codification du droit humanitaire et l’étendue de l’adhésion aux traités
qui en ont résulté, ainsi que le fait que les clauses de dénonciation contenues dans
les instruments de codification n’ont jamais été utilisées, ont permis à la
communauté internationale de disposer d’un corps de règles conventionnelles qui
étaient déjà devenues coutumières dans leur grande majorité et qui
correspondaient aux principes humanitaires les plus universellement reconnus. Ces
règles indiquent ce que sont les conduites et comportements normalement
attendus des Etats.” (C.I.J., Affaire sur la licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, Avis consultatif, Rec, 1996, par. 82).
6 Les infractions graves sont des crimes de guerre. La notion de crimes de guerre est
néanmoins plus large que celle d’infractions graves puisqu’elle vise aussi d’autres
infractions, notamment celles relatives à la conduite des hostilités et l’usage illicite
d’armes (droit de La Haye).
7 La C.D.I. qualifie les infractions graves aux Conventions de Genève et au Protocole I de
1977 de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité (rapport de la C.D.I. sur les
travaux de sa quarante-huitième session (6 mai-26 juillet 1996), AG, 51e session, Doc. off.
Supp. N° 10 (A/51/10), pp. 133-143).
8 B. Une pratique récente appliquerait le régime des infractions graves aux conflits armés
non internationaux. Bien qu’il puisse s’agir d’un indice de changement d’opinio juris relatif
à la portée du régime des infractions graves, il est difficile de conclure à l’existence d’une
norme coutumière effective à cet égard.
52
1 Instance pénale créée par des Etats agissant collectivement et ayant le pouvoir de juger
les présumés auteurs de crimes relevant de sa compétence.
2 La compétence de l’instance ainsi établie ratione materiae, ratione personae, ratione temporis
ou ratione, loci, est définie dans son statut constitutif. Cette instance tient son caractère
international du fait qu’elle résulte de la volonté de plusieurs Etats.
3 L’idée de créer une juridiction pénale internationale pour traduire en justice des
individus, y compris des dirigeants de premier plan, présumés responsables de graves
crimes internationaux, remonte à la fin de la Première Guerre mondiale.
4 D’aucuns font remonter les premières formes de répression internationale
institutionnalisée de violations du droit international au XVe siècle quand la France,
l’Autriche, les cantons suisses et les villes du Haut Rhin ont mis en accusation Pierre
d’Hagenbach, bailli de Haute Alsace et de Brisgau, pour avoir pillé et massacré les
habitants de Bresachi, une ville d’Autriche dont il avait été le gouverneur. Accusé d’avoir
commis des crimes de droit naturel et d’avoir foulé au pied les lois divines et humaines, il
a été condamné à mort. En 1815, Joseph de Maistre, écrivain et philosophe français,
écrivait au Comte de Front, pour ce qui est de Napoléon : “ [1]’idée, mise en avant surtout
en Angleterre, de le faire juger par des députés de tous les souverains d’Europe a quelque
chose de séduisant : ce serait le plus grand et le plus important des jugements qu’on eut
jamais vus dans le monde ; on pourrait y développer les plus beaux principes du droit des
gens [...], et, de quelque façon que la chose tournât, ce serait un grand monument dans
l’histoire” (Belg. Jud., janvier 1920, p. 32).
5 A l’issue de la Première Guerre, la “Commission sur la responsabilité des auteurs de la
guerre et sur l’application des peines” a proposé la création d’une “juridiction supérieure
composée de juges appartenant à plusieurs nations” (Rapport de la Commission reproduit
in (1920) 14 A.J.I.L. p. 116). Dans ce sens, le Traité de Versailles du 28 juin 1919 contient une
disposition, l’article 227, qui prévoit la création d’un tribunal composé de cinq juges,
désignés par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Italie et le Japon, pour juger
l’ancien Kaiser de l’Allemagne, Guillaume II, le mettant en accusation “pour offense
suprême contre la morale internationale et l’autorité sacrée des traités” (De Martens, G.
F., éd., Nouveau Recueil général de traités, 3e série, Leipzig, Weicher, 1923, t. XI, p. 477). Ce
tribunal n’a jamais vu le jour, les Pays-Bas refusant d’extrader l’accusé, qui avait trouvé
54
refuge sur leur territoire, en invoquant que l’infraction qui lui était reprochée ne figurait
pas dans la loi néerlandaise et qu’il s’agissait d’une infraction politique. En outre, les
articles 228 et 229 de ce traité disposent que les individus auteurs des actes incriminés
doivent, comme exécutants, être livrés par l’Allemagne aux Alliés libres de les traduire
devant leurs tribunaux militaires respectifs. Ces dispositions non plus n’ont pas été
appliquées, les Alliés ayant finalement renoncé à leur compétence au profit d’une cour
allemande de Leipzig. Sur 890 criminels réclamés par les Alliés, liste réduite ensuite à 46,
11 seulement ont été jugés et 6 condamnés à des peines dérisoires. Par exemple, dans
l’affaire Llandovery Castle, deux lieutenants ont été condamnés à quatre années de
réclusion après avoir été trouvés coupables d’avoir exécuté un ordre manifestement
illégal en torpillant un navire-hôpital anglais et en coulant les canots de sauvetage afin de
faire disparaître les témoins du crime, faisant 230 morts sur les 258 membres dʼéquipage
(I.L.R. 1923-1924, cas N° 235 ; se référer également à Battle, G. G., “The Trials before the
Leipzig Supreme Court of German Accused of War Crimes”, (1921) 8 Virginia Law Review
pp. 5-17).
6 En 1920, le “Comité consultatif de juristes” chargé de préparer le projet de la Cour
permanente de justice internationale, a proposé que la “Haute Cour de justice
internationale” à créer soit également “compétente pour juger des crimes qui constituent
une violation de lʼordre public international ou de la loi universelle des nations, évoquée
par lʼAssemblée ou par le Conseil des Nations Unies” (consulter à cet égard le texte de la
deuxième résolution adoptée par le Comité consultatif in Philimore, “An International
Criminal Court and the Resolutions of the Committee of the Jurists”, (1922-23) 3 B.Y.B.I.L.
p. 80). Cette proposition a été rejetée par l’Assemblée de la Société des Nations qui l’a
jugée prématurée (Philimore, ibid., p. 84).
Au cours de l’entre-deux-guerres, un comité d’experts désignés par le Conseil de la
Société des Nations a élaboré deux conventions, l’une portant sur la prévention et
la répression du terrorisme et l’autre sur la création d’une cour pénale
internationale en vue de juger les individus accusés d’une infraction prévue dans la
première convention. Signées le 16 novembre 1937, elles ne sont jamais entrées en
vigueur faute des ratifications nécessaires (Doc. off. SDN C. 546.M.383. 1937. V).
7 Ce n’est que durant la Deuxième Guerre mondiale que les Alliés ont repris lʼidée dʼun
tribunal “international”. Les tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de
Tokyo ont alors été créés : le statut du premier était annexé à lʼAccord de Londres du 8
août 1945 (R.T.N.U., vol. 82, p. 279) et le second était joint à la proclamation spéciale du
Commandant en chef suprême pour les puissances alliées, faite à Tokyo le 19 janvier 1946
(reproduit en français in GLASER, S., Droit international pénal conventionnel, vol. I, Bruxelles,
Bruylant, 1970, p. 225). Ces tribunaux ont terminé leurs travaux respectivement les 1
octobre 1946 et 12 novembre 1948.
8 Par la suite, lʼAssemblée générale des Nations Unies, en 1948, a invité la C.D.I. à examiner
sʼil était opportun et possible de créer un organe judiciaire pénal, notamment “une
chambre pénale de la Cour internationale de Justice” (Doc. off. AG NU A/Rés. 260 (III) B).
Toutefois, ni les travaux de la Commission, ni les dispositions de lʼArticle VI de la
convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, se référant
à une cour criminelle internationale, ne se sont jamais concrétisés. En 1954, lʼAssemblée
générale a décidé dʼajourner lʼexamen de cette question qui était étroitement liée au
projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de lʼhumanité et à la définition de
lʼagression (Doc. off. AG NU A/Rés. 898 (IX) du 14 décembre 1954).
55
Locus delicti
1 Lieu où lʼinfraction a été ou, en application des dispositions de la loi, est présumée avoir
été commise.
2 Principe de la territorialité de la loi pénale. Principe traditionnel et unanimement admis qui
donne compétence au juge du lieu du crime.
Lʼexercice par lʼEtat de ses compétences juridictionnelles sʼavère une des
expressions majeures de la souveraineté. Le principe de la territorialité est aussi
justifié par le fait que, en règle générale, le locus delicti commissi est le forum
conveniens, car les éléments de preuve se trouvent normalement sur le territoire de
lʼEtat où le crime a été commis. Sur la notion de forum conveniens en matière pénale,
consulter lʼarrêt de la cour suprême dʼIsraël dans lʼaffaire Eichmann, (1968) 36 J.L.R.
pp. 302-303.
3 Au niveau international, la tendance a été, pour ce qui est de la poursuite des criminels de
guerre de la Deuxième Guerre mondiale, de les juger au lieu de leur crime : “[...]
Lorsquʼun armistice sera accordé à un gouvernement formé en Allemagne, quel quʼil soit,
les officiers et soldats allemands et les membres du parti nazi qui ont été responsables, ou
qui ont donné leur consentement aux atrocités, massacres et exécutions dont il est
question, seront renvoyés dans les pays où ils auront perpétré leurs abominables forfaits,
pour y être jugés et châtiés conformément aux lois de ces pays libérés et des
gouvernements libres qui y seront formés [...]” (Déclaration de Moscou, 30 octobre 1943,
traduction française in De La Pradelle, La paix moderne, 1947, p. 445). Les grands criminels,
dont les crimes étaient sans localisation géographique précise relevaient, pour leur part,
du Tribunal militaire international de Nuremberg (Accord de Londres, 8 août 1945,
R.T.N.U., vol. 82, p. 279, préambule alinéa 3).
4 LʼEtat sur le territoire duquel une infraction a été commise exerce une compétence
prioritaire par rapport aux autres Etats qui pourraient se considérer compétents
(notamment lʼEtat de refuge du coupable ou lʼEtat de son arrestation).
5 Dans le cas dʼune infraction pluriterritoriale, celle-ci est supposée commise en tout lieu
où un élément constitutif de lʼinfraction a été réalisé.
6 Lʼarticle 1, dernier paragraphe, des textes modèles adoptés en 1927, par la première
Conférence internationale pour lʼunification du droit pénal prévoit que : “lʼinfraction est
considérée comme ayant été commise sur le territoire de lʼEtat quand un acte dʼexécution
58
a été tenté ou accompli sur ce territoire ou quand le résultat de lʼinfraction sʼest produit
sur ce territoire” (Actes de la Conférence, Paris, Sirey, 1929, p. 131).
7 Cʼest le principe du locus delicti qui a été retenu dans la convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide qui dispose, à son article VI, que “[l]es personnes
ayant commis le génocide [...] seront traduites devant les tribunaux compétents de lʼEtat
sur le territoire duquel lʼacte a été commis, ou devant la cour criminelle internationale
[...]” (R.T.N.U., vol. 78, p. 277). Pour sa part, la C.D.I., dans son projet de code des crimes
contre la paix et la sécurité de lʼhumanité, adopté en 1996, ignore le principe de la
territorialité préférant retenir pour les crimes qui y sont prévus, à lʼexception de
lʼagression, la compétence concurrente des tribunaux de tous les Etats parties, sur la base
de la compétence universelle, et celle dʼune cour criminelle internationale (rapport de la
C.D.I. sur les travaux de sa quarante-huitième session (6 mai-26 juillet 1996), AG, 51 e
session, Doc. off. Supp. N° 10 (A/51/10), art. 8, pp. 60-69). En ce qui concerne lʼagression,
seuls la cour criminelle internationale ou les tribunaux de lʼEtat dont le dirigeant a
participé à lʼacte dʼagression peuvent juger un individu pour un tel crime (compétence
personnelle active).
8 Voir : Compétence personnelle, Compétence réelle, Compétence universelle.
59
1 Principe selon lequel nul ne peut être jugé deux fois pour le même crime : “[n]ul ne peut
être poursuivi ou puni en raison dʼune infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou
condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure de chaque
pays” (Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 16 décembre 1966,
R.T.N.U., vol. 999, p. 171, art. 14 § 7).
2 Voir également le traité type sur le transfert des poursuites pénales adopté par
lʼAssemblée générale le 14 décembre 1990 et qui dispose en son article 10 quʼ“[u]ne fois
que lʼEtat requis a accepté dʼintenter des poursuites contre le suspect, lʼEtat requérant
suspend ses poursuites, sans préjudice des enquêtes qui se révéleraient nécessaires et de
lʼassistance judiciaire à fournir à lʼEtat requis, jusquʼà ce que lʼEtat requis fasse savoir à
lʼEtat requérant que lʼaffaire a été définitivement tranchée. A partir de cette date, lʼEtat
requérant classe définitivement les poursuites à lʼégard de lʼinfraction considérée” (Doc.
off. AG NU A/Rés./45/118, annexe).
3 Ce principe permet de résoudre les conflits positifs de compétence entre les juridictions
et constitue, en outre, une garantie en matière procédurale pour lʼindividu arrêté ou
détenu du chef dʼune infraction pénale en ce qu’il le protège de la conséquence injuste
quʼaurait le cumul de compétences répressives nationales sʼil devait conduire à un cumul
de procédures, de condamnations et de peines. Par ailleurs, cette garantie ne doit pas se
retourner contre la personne en lui interdisant de demander la réouverture du procès
pour des raisons de fait ou de droit.
4 Sans être universel, ce principe a été consacré par de nombreux pays.
“Dans les cas prévus aux articles 113-6 et 113-7 [crimes ou délits commis hors du
territoire de la France], aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne
justifiant quʼelle a été jugée définitivement à lʼétranger pour les mêmes faits et, en
cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite.” (art. 113-9, code pénal
français). Au même effet : art. 13 du code dʼinstruction criminelle belge.
5 En droit international, sa mise en vigueur pose le problème du respect, par un Etat, des
jugements répressifs définitifs prononcés par un autre Etat.
6 Malgré la généralité de lʼarticle 14 § 7 précité du Pacte, le Comité des droits de lʼhomme
des Nations Unies a constaté que cet article ne prohibe “les doubles incriminations pour
un même fait que dans les cas de personnes jugées dans un même Etat”
60
Nuremberg (Droit de -)
8 Le principe a été consacré dans le projet de code de 1996 des crimes contre la paix et la
sécurité de lʼhumanité qui dispose, en son art. 1 § 2, que "[l]es crimes contre la paix et la
sécurité de lʼhumanité sont des crimes au regard du droit international et sont
punissables comme tels, quʼils soient ou non punissables au regard du droit national."
et ss, 85 et ss, 135 et ss et 287 et ss, notamment art. 3 commun aux quatre conventions) ;
protocole additionnel I aux conventions de Genève (R.T.N.U., vol. 1125, p. 3, art. 75) ;
protocole additionnel II aux conventions de Genève (R.T.N.U., vol. 1125, p. 609, art. 6).
19 Les instances pénales internationales doivent respecter pleinement les normes
internationalement reconnues protégeant les droits de lʼaccusé à toutes les phases de
lʼinstance. Compte tenu de lʼeffort de codification déployé depuis la Deuxième Guerre
mondiale en vue de préciser la portée et le contenu de ces normes, rémunération des
droits protégés dans le statut du Tribunal de Nuremberg et repris dans le principe V
paraît incomplète. Il serait dès lors plus approprié de se référer aux normes
internationalement reconnues et notamment énumérées à lʼarticle 14 du pacte
international relatif aux droits civils et politiques. Cʼest du reste lʼapproche suivie par le
Tribunal pénal international pour lʼex-Yougoslavie (art. 21 du statut) ; le Tribunal pénal
international pour le Rwanda (art. 20 du statut) ; et la C.D.I. dans le projet de code des
crimes contre la paix et la sécurité de lʼhumanité adopté en 1996 (art. 11).
Nuremberg (Tribunal de -)
1 Tribunal militaire international établi par lʼAccord de Londres du 8 août 1945 pour juger
et punir les grands criminels de guerre des pays européens de lʼAxe dont les crimes
étaient sans localisation géographique précise, quʼils fussent accusés individuellement ou
à titre de membres dʼorganisations ou de groupes (R.T.N.U., vol. 82, p. 279, art. 1).
2 Lʼétablissement du Tribunal de Nuremberg a fait suite à de nombreuses déclarations
prononcées par les représentants des puissances alliées aux termes desquelles elles ont
manifesté leur ferme intention de traduire en justice les criminels de guerre. Se référer
notamment à la déclaration de Moscou en date du 30 octobre 1943 (traduction française
reproduite in A. De la Pradelle, La Paix moderne, 1947, p. 445). Le statut du Tribunal
militaire international figurait comme annexe à lʼAccord de Londres initialement conclu
entre les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et lʼURSS mais auquel dix-neuf Etats ont
par la suite adhéré, à savoir : la Grèce, le Danemark, la Yougoslavie, les Pays-Bas, la
Tchécoslovaquie, la Pologne, la Belgique, lʼEthiopie, lʼAustralie, le Honduras, la Norvège,
Panama, le Grand-Duché de Luxembourg, Haïti, la Nouvelle-Zélande, lʼInde, le Venezuela,
lʼUruguay et le Paraguay.
3 Organisation. Siégeant au palais de justice de la ville de Nuremberg en Allemagne, le
Tribunal était composé de quatre Juges, assistés chacun dʼun suppléant (art. 2 du statut),
ainsi que dʼun Ministère public cumulant les fonctions dʼinstruction et dʼaccusation en ce
quʼil devait notamment recueillir les preuves, dresser lʼacte dʼaccusation et exercer la
poursuite contre les grands criminels de guerre (art. 14).
4 Les Juges titulaires étaient désignés par les parties signataires de lʼAccord de Londres :
Biddle (Etats-Unis), Donnedieu de Vabres (France), Lawrence, agissant à titre de président
(Royaume-Uni) et Nikitchenko (URSS). Pour sa part, le Ministère public comptait
également un représentant de chaque Etat signataire : Robert H. Jackson (Etats-Unis),
François de Menthon (France), Hartley Shawcross (Royaume-Uni), R. Rudenko (URSS).
5 Le statut du Tribunal précise, dans son article 6, les actes devant être considérés comme
crimes relevant de la compétence du Tribunal, à savoir, crimes contre la paix (art. 6 (a)),
crimes de guerre (art. 6 (b)) et crimes contre lʼhumanité (art. 6 (c)).
6 Individus et organisations pouvaient être mis en accusation, bien que pour ces dernières,
la compétence du Tribunal se limitait à déclarer leur caractère criminel (art. 9). Tous
moyens de défense étaient recevables à lʼexception des causes dʼexonération fondées sur
68
la situation officielle comme chefs dʼEtat ou hauts fonctionnaires (art. 7) ou sur le fait que
lʼacte reproché était conforme à un ordre dʼun gouvernement ou dʼun supérieur (art. S).
Ce dernier argument pouvait néanmoins être considéré comme motif de diminution de la
peine, si le Tribunal décidait que la justice l’exigeât (art. 8, in fine). Des règles étaient en
outre prévues, aux termes du statut, pour assurer un procès équitable aux accusés (art.
16). Le Tribunal était compétent pour juger les accusés par contumace sʼils nʼavaient pu
être découverts ou si le Tribunal lʼestimait nécessaire pour toute autre raison dans
lʼintérêt de la justice (art. 12).
7 Le Tribunal pouvait prononcer contre les accusés convaincus de culpabilité la peine de
mort ou tout autre châtiment estimé juste. Sa décision devait être motivée et nʼétait pas
susceptible de révision (art. 26). Seul le Conseil de contrôle avait le droit, à tout moment,
de réduire ou de modifier dʼautres manières les décisions, sans toutefois pouvoir aggraver
la sévérité (art. 29).
8 Procédure et jugement. Lʼacte dʼaccusation, publié le 18 octobre 1945, répartissait les actes
incriminés en quatre chefs dʼaccusation : crime contre la paix, crimes de guerre, crimes
contre lʼhumanité et complot. Vingt-quatre personnes étaient mises en accusation (Procès
des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, Nuremberg, 14 novembre
1945 - 1er octobre 1946, Acte dʼaccusation, tome I, pp. 29-101).
9 Ley sʼest suicidé avant le procès. Bien que Krupp von Bohlen und Halbach ait été déclaré
inapte à subir son procès, les inculpations retenues contre lui dans lʼacte dʼaccusation ont
été maintenues en vue dʼun éventuel procès lorsque son état de santé le permettrait
(Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, Nuremberg, 14
novembre 1945 - 1er octobre 1946, Décision du Tribunal accordant lʼajournement des débats
concernant Gustav Krupp von Bohlen, p. 150). Pour sa part, Bormann, en fuite, a été jugé
par contumace. Vingt-et-un accusés ont dès lors comparu à Nuremberg : Goring, Hess,
von Ribbentrop, Keitel, Kaltenbrunner, Rosenberg, Frank, Frick, Streicher, Funk, Schacht,
Dônitz, Raeder, von Schirach, Sauckel, Jodl, von Papen, Seyss-Inquart, Speer, von
Neurath, Fritzshe.
10 Commencé le 20 novembre 1945, le procès a pris fin avec le prononcé de la décision le 1er
octobre 1946 (Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international,
Nuremberg, 14 novembre 1945 - 1er octobre 1946, Jugement, tome I (ci-après T.M.I.), pp.
181-396). Des vingt-deux personnes jugées, dont une par contumace, 12 furent
condamnées à la pendaison, trois à la réclusion à perpétuité, deux à vingt ans de prison,
une à quinze et une autre à dix. Le Tribunal prononça trois acquittements (T.M.I., pp.
395-396).
11 Condamnations à mort : Göring (se suicida dans sa cellule le 15 octobre 1946), von
Ribbentrop, Keitel, Kaltenbrunner, Rosenberg, Frank, Frick, Streicher, Sauckel, Jodl,
Seyss-Inquart et Bormann.
12 Emprisonnements à perpétuité et à temps : Hess (perpétuité), Funk (perpétuité), Raeder
(perpétuité), von Schirach (20 ans), Speer (20 ans), von Neurath (15 ans), Dönitz (10 ans).
13 Acquittements : Schacht, von Papen, Fritzshe.
14 Toutes les peines ont été exécutées.
15 Voir : Crime de guerre, Crime contre l’humanité, Juridiction pénale internationale, Nuremberg
(droit de -), Tokyo (Tribunal de -), Tribunaux militaires internationaux.
69
Ordre supérieur
1 Fait justificatif ou circonstance atténuante fondés sur lʼobéissance aux ordres dʼun
gouvernement ou dʼun supérieur.
2 Dans le contexte militaire, lʼobéissance aux ordres et à la loi est essentielle : “[u]ne
obéissance rapide et prompte aux ordres est indispensable pour atteindre complètement
cet objectif. Le service est un service militaire, et le commandement est de nature
militaire ; et dans ce cas, tout retard et tout obstacle à une exécution efficace et
immédiate tend nécessairement à mettre en péril lʼintérêt public. Pendant que les
officiers subalternes ou les soldats sʼarrêtent à considérer sʼils sont tenus dʼobéir ou à
peser scrupuleusement les faits en vertu desquels leur commandant en chef exerce son
droit dʼexiger leurs services, lʼennemi peut réussir une opération sans quʼil ait moyen de
résister” (Martin c/ Mott, cour suprême des Etats-Unis, (1827) 12 Wheaton 28. Opinion du
Juge Story. Traduction).
3 Bien que les subalternes doivent en principe obéir aux ordres de leurs supérieurs, le
statut du Tribunal militaire international de Nuremberg a écarté expressément la
justification fondée sur lʼordre supérieur : “[l]e fait que lʼaccusé a agi conformément aux
instructions de son gouvernement ou dʼun supérieur hiérarchique ne le dégagera pas de
sa responsabilité, mais pourra être considéré comme motif de diminution de la peine, si le
Tribunal décide que la justice lʼexige” (R.T.N.U. vol. 82, p. 279, art. 8). Au même effet :
statut du Tribunal militaire international pour lʼExtrême-Orient (reproduit en français in
Glaser, S., Droit international pénal conventionnel, vol. I, Bruxelles, Bruylant, 1970, pp.
225-230, art. 6).
4 Dans son jugement, le Tribunal de Nuremberg a confirmé le rejet de la justification
fondée sur lʼordre reçu dʼun supérieur hiérarchique : “[u]ne idée fondamentale du Statut
est que les obligations internationales qui sʼimposent aux individus priment leur devoir
dʼobéissance envers lʼEtat dont ils sont ressortissants. Celui qui a violé les lois de la
guerre ne peut, pour se justifier, alléguer le mandat quʼil a reçu de lʼEtat du moment que
lʼEtat en donnant ce mandat a outrepassé les pouvoirs que lui reconnaît le droit
international. On a allégué en faveur dʼun certain nombre dʼaccusés que leur conduite
était conforme aux prescriptions de Hitler. Ils ne pouvaient porter la responsabilité
dʼactes perpétrés dans lʼaccomplissement de ses ordres [...] Les dispositions de cet article
[article 8] sont conformes au Droit commun des Etats” (Procès des grands criminels de guerre
70
devant le Tribunal militaire international, Nuremberg, 14 novembre 1945 - 1er octobre 1946, tome
I, Jugement (ci-après “T.M.I.”), pp. 235-236). Toutefois, le Tribunal nʼa pas retenu lʼordre
supérieur comme motif de diminution de la peine pour aucun des hauts commandants
accusés.
5 Lʼordre supérieur a été fréquemment rejeté depuis la Seconde Guerre mondiale comme
moyen de dégager la responsabilité de lʼaccusé. Voir notamment : Loi N° 10 du Conseil de
contrôle allié en Allemagne pour le châtiment des personnes coupables de crimes contre
la paix, de crimes de guerre et de crimes contre lʼhumanité, en date du 20 décembre 1945
(Journal officiel du Conseil de contrôle en Allemagne, pp. 55 et ss, art. II 4) b)) ; ordonnance
française du 28 août 1944 relative aux crimes de guerre ennemis (France, Journal officiel de
la République française, 30 août 1944, p. 780) ; loi belge du 20 juin 1947 relative à la
compétence des juridictions militaires en matière de crimes de guerre (Moniteur belge, 26
et 27 juillet 1947, p. 6304, art. 3) ; Principe de Nuremberg IV (Annuaire C.D.I. 1950, vol. II, pp.
374-378) ; conv. des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants (Doc. off. AG NU A/Rés./39/46 en date du 10 décembre 1984, art.
2 § 3) ; statut du Tribunal pénal international pour lʼex-Yougoslavie (Doc. off. CS NU S/
25704 en date du 3 mai 1993, art. 7 § 4) ; statut du Tribunal pénal international pour le
Rwanda (Doc. off. CS NU S/Rés./955 du 8 novembre 1994, art. 6 § 3) ; projet de la C.D.I. de
1996 de code des crimes contre la paix et la sécurité de lʼhumanité (rapport de la C.D.I. sur
les travaux de sa quarante-huitième session (6 mai-26 juillet 1996), AG, 51 e session, Doc.
off. Supp. N° 10 (A/51/10), pp. 25-144, art. 5). Toutefois le principe du rejet de la
justification fondée sur lʼordre supérieur ne se retrouve ni dans les conventions de
Genève du 12 août 1949 ni dans leurs protocoles additionnels du 8 juin 1977.
6 Lʼordre supérieur a néanmoins été reconnu par ces textes et par les tribunaux qui les ont
interprétés comme circonstance atténuante susceptible de réduire la peine. Voir
notamment: RU c/ Eck (affaire Peleus), I Law Reports of Trials of War Criminals (L.R.T.W.C.) 21 ;
EU c/ Saivada, V L.R.T.W.C. 7-8 ; EU c/ Von Leeb (affaire du Haut Commandement), XI Trials of
War Criminals (T.W.C.) 563 ; EU c/ Ohlendorf (affaire Einsatzgruppen), 4 T.W.C. 1. Pour une
application récente : Le Procureur c/ Dražen Erdemović, cas N° IT-96-22-T, Jugement portant
condamnation, pp. au registre du greffe 472-415 (29 novembre 1996), par. 49 et 52. Encore
faut-il que lʼordre supérieur réduise effectivement le degré de culpabilité : “si lʼordre nʼa
eu aucune influence sur le comportement illégal, puisque lʼaccusé était déjà disposé à
lʼexécuter, il nʼy a pas alors de circonstance atténuante à ce titre” (Le Procureur c/ Dražen
Erdemović, ibid. par. 53).
7 Ordre supérieur et contrainte. Lʼordre supérieur nʼest pas une cause de justification si
lʼaccusé a disposé de la faculté de choisir : “[1]ʼordre reçu par un soldat de tuer ou de
torturer en violation du droit international de la guerre, nʼa jamais été regardé comme
justifiant ces actes de violence. Il ne peut sʼen prévaloir aux termes du Statut que pour
obtenir une réduction de peine. Le vrai critérium de la responsabilité pénale, celui quʼon
trouve sous une forme ou sous une autre, dans le droit criminel de la plupart des pays,
nʼest nullement en rapport avec fendre reçu. Il réside dans la liberté morale, dans la
faculté de choisir, chez lʼauteur de lʼacte reproché” (T.M.I., pp. 236-237). Cette possibilité
de choisir nʼexiste plus en cas de contrainte irrésistible : “[l]ʼabsence de choix moral a été
retenue à différentes reprises comme étant lʼune des composantes essentielles de la
contrainte analysée sous lʼangle du fait exonératoire. Le militaire peut être reconnu
comme étant privé de son choix choix moral devant lʼimminence dʼun péril physique. Ce
péril physique, entendu par cette jurisprudence comme un danger de mort ou de
71
blessures graves, doit également dans certains cas, répondre aux conditions suivantes : il
doit être ʻclear and presentʼ ou encore il doit être ʻimminent, real and inevitableʼ (Le
Procureur c/ Dražen Erdemović, ibid. par. 18, références omises). Toutefois, dans le cas de
crimes contre lʼhumanité ou de crimes de guerre qui ont entraîné le décès de personnes
innocentes, la Chambre dʼappel du Tribunal, dans une décision majoritaire prononcée
dans lʼaffaire Erdemović, a estimé que la contrainte nʼest pas une cause de justification (Le
Procureur c/ Dražen Erdemović, Judgement, cas N° IT-96-22-A, pp. au registre du greffe
441-424 (7 octobre 1997) ; Le Procureur c/ Dražen Erdemović, Joint and Separate Opinion of
Judge McDonald and Judge Vohra, cas N° IT-96-22-A, pp. au registre du greffe 423-348 (7
octobre 1997). Les Juges Cassese et Stephen ont joint des opinions dissidentes à cet égard :
Le Procureur c/ Dražen Erdemović, Seperate and Dissenting Opinion of Judge Cassese, cas N°
IT-96-22-A, pp. au registre du greffe 331-277 (7 octobre 1997) ; Le Procureur c/ Dražen
Erdemović, Seperate and Dissenting Opinion of Judge Stephen, cas N° IT-96-22-A, pp. au
registre du greffe 276-246 (7 octobre 1997)).
8 Voir : Nuremberg (droit de -), Position dʼautorité.
72
1 Fait spécifiquement incriminé par la convention des Nations Unies du 17 décembre 1979
contre la prise dʼotages en vertu de laquelle quiconque commet lʼinfraction de prise
dʼotages sʼil “sʼempare dʼune personne (ci-après dénommée ʻotageʼ) ou la détient ou
menace de la tuer, de la blesser ou de continuer à la détenir afin de contraindre une tierce
partie, à savoir un Etat, une organisation internationale intergouvernementale, une
personne physique ou morale ou un groupe de personnes, à accomplir un acte
quelconque ou à sʼen abstenir en tant que condition explicite ou implicite de la libération
de lʼotage” (R.T.N.U., vol. 1316, pp. 205 et ss, art. 1 ).
2 Lʼinfraction de prise dʼotage doit en outre comprendre un élément dʼextranéité.
“La présente Convention nʼest pas applicable lorsque lʼinfraction est commise sur le
territoire dʼun seul Etat, que lʼotage et lʼauteur présumé de lʼinfraction ont la
nationalité de cet Etat, et que lʼauteur présumé de lʼinfraction est découvert sur le
territoire de cet Etat.” (art. 13 de la convention contre la prise dʼotages précitée).
3 Le statut public ou privé de lʼotage ou de lʼauteur de lʼinfraction importe peu.
La prise dʼotage peut tomber sous le coup dʼautres instruments relatifs notamment
aux actes de terrorisme, piraterie, détournements dʼavion ou attentats contre des
représentants dʼEtats étrangers, fonctionnaires et agents dʼorganisations
internationales. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a condamné à diverses
reprises “les prises dʼotages et les enlèvements de toutes sortes" "en tant que
manifestations de terrorisme”, “délits” et “graves violations du droit humanitaire
international” (Doc. off. CS NU S/Rés./579 du 18 décembre 1985, Doc. off. CS NU S/
Rés./618 du 29 juillet 1988 et Doc. off. CS NU S/Rés./638 du 31 juillet 1989).
4 Enfin, dans le cadre de conflits armés internationaux la prise dʼotages civils fait lʼobjet
dʼune interdiction et dʼune incrimination spécifiques : art. 34 et art. 147 de la convention
(IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12
août 1949 (reproduite in Actes de la Conférence Diplomatique de Genève de 1949, vol. 1, Berne,
Département politique fédéral, pp. 205-224) ; art. 2 du statut du Tribunal pénal
international pour lʼex-Yougoslavie (Doc. off. CS NUS/25704 du 3 mai 1993). La prise
dʼotages est également interdite en tout temps et en tout lieu dans le cadre de conflits armés
non internationaux : art. 3 commun aux quatre conventions de Genève du 12 août 1949
(reproduites in Actes de la Conférence Diplomatique de Genève de 1949, vol. 1, Berne,
Département politique fédéral, pp. 205-224, 225-242, 243-296, 297-335) ; art. 4 § 2 c) du
protocole additionnel II de 1977 (reproduit in Actes de la Conférence Diplomatique sur la
73
Piraterie
1 A. Tout fait illicite de violence ou toute déprédation commis, par lʼéquipage ou des
passagers dʼun navire ou dʼun aéronef privé, agissant à des fins privées, contre un navire
ou un aéronef, des personnes ou des biens, en haute mer ou dans un lieu ne relevant de la
juridiction dʼaucun Etat.
2 Lʼinfraction est dʼorigine coutumière, le pirate étant considéré de tout temps comme
lʼennemi de tous, le hostis humani generis. Les règles applicables à la piraterie ont été
codifiées en même temps que lʼensemble du droit de la mer, dans la convention de
Genève sur la haute mer du 29 avril 1958 (R.T.N.U., vol. 516, p. 205) dont les dispositions
(art. 14 à 22) ont été reprises sans changement notable par la convention de Montego Bay
du 10 décembre 1982 (Doc. off. ONU A/CONF. 62/122 et Corr. 1 à 11 (1982), art. 100 à 107).
La piraterie stricto sensu ne se réfère pas cependant à tous les types de violence qui
peuvent être commis contre un navire et ses occupants en haute mer : cette lacune est en
grande partie comblée, au plan international, avec la conclusion de la convention de
Rome du 10 mars 1988 pour la répression dʼactes illicites contre la sécurité de la
navigation maritime et le protocole de Rome également du 10 mars 1988 pour la
répression dʼactes illicites contre la sécurité des plateformes fixes situées sur le plateau
continental (Organisation internationale maritime, Doc. off. SUA/CONF/15/rév. 1 et SUA/
CONF/16/rév. 2).
3 Bien que la détermination des éléments précis de lʼinfraction de piraterie fasse encore
lʼobjet dʼune certaine controverse au sein de la doctrine, ils pourraient être résumés de la
façon suivante :
4 1) Des actes de violence contre des personnes ou des actes de déprédation contre des
biens.
5 Voir notamment Pella, V, “La répression de la piraterie”, Recueil des cours de lʼAcadémie de
droit international, (1926), vol. V, tome 15, pp. 149-275.
6 2) Des actes illicites non autorisés par un Etat.
7 “Le propre de la piraterie, le caractère essentiel du pirate, cʼest de courir les mers pour
son compte, sans y être autorisé par le gouvernement dʼaucun Etat, dans le but de
commettre des actes de déprédation, dʼattaquer les navires de commerce de toutes les
nations indistinctement, de sʼen emparer de force, de les piller à main armée, de
commettre toutes autres sortes dʼattentats contre les personnes, de voler ou de détruire
75
pirates, négligerait de le faire, violerait un devoir que le droit international lui impose. Il
va cependant de soi quʼil faut laisser une certaine latitude quant au choix des mesures
quʼil devra prendre à cet effet dans chaque cas dʼespèce” (Annuaire C.D.I. 1956, ibid.).
21 B. Piraterie par analogie. Quelques traités reconnaissent le statut juridique de la piraterie à
des faits qui ne correspondent pas à cette notion. Ainsi, en vertu du Traité de Washington
du 6 février 1922, conclu entre les Etats-Unis, lʼAngleterre, la France, lʼItalie et le Japon et
relatif à lʼemploi de sous-marins et des gaz asphyxiants en temps de guerre (R.T.S.D.N., vol.
25, p. 202), tout individu au service de quelque Puissance que ce soit, agissant ou non sur
lʼordre dʼun supérieur hiérarchique, qui violerait lʼune ou lʼautre des règles de ce traité,
“sera susceptible dʼêtre jugé et puni comme sʼil avait commis un acte de piraterie” (art.
3). Enfin, lʼArrangement de Nyon du 14 septembre 1937 précité énonce dans son
préambule (alinéa 4) comme nécessaire de “convenir de mesures collectives particulières
contre les actes de piraterie accomplis par les sous-marins” (reproduit in R.T.S.D.N., vol.
181, N° 4184, pp. 136-140).
22 Syn. Brigandage maritime (pour les actes commis en mer).
23 Voir : Terrorisme.
78
Position dʼautorité
Responsabilité pénale
internationale (individuelle)
1 Règle du droit pénal international aux termes de laquelle tout auteur dʼun fait qui
constitue une infraction internationale est responsable de ce chef et est passible dʼun
châtiment qui est prononcé, selon le cas, par un tribunal interne ou une juridiction
pénale internationale.
2 Le principe de la responsabilité pénale internationale est né avec la première
incrimination internationale : la piraterie. Il sʼapplique surtout à des personnes physiques
même lorsquʼils sont des responsables de lʼEtat. Ainsi, en réponse aux arguments
invoqués par les accusés à Nuremberg selon lesquels seuls les Etats et non les individus
peuvent être rendus coupables de crimes internationaux, le Tribunal de Nuremberg a
confirmé lʼapplicabilité directe du droit international à des individus en cas de violations
de ce droit : “[o]n fait valoir que le Droit international ne vise que les actes des Etats
souverains et ne prévoit pas de sanctions à lʼégard des délinquants individuels [...] Le
Tribunal ne peut accepter [cette thèse]. Il est admis, depuis longtemps, que le Droit
international impose des devoirs et des responsabilités aux personnes physiques. [...] Ce
sont des hommes, et non des entités abstraites, qui commettent les crimes dont la
répression sʼimpose, comme sanction du Droit international” (Procès des grands criminels
de guerre devant le Tribunal militaire international, Nuremberg, 14 novembre 1945 - 1 er octobre
1946, tome I, Jugement (ci-après T.M.I.), pp. 234-235). Exceptionnellement, le principe de
la responsabilité pénale internationale peut trouver application dans le cas de personnes
morales. A cet égard, consulter le règlement N° 17/62 du 6 février 1962 (J.O.C.E., N° 13 du
21 février 1962) pris pour application des art. (85 et 86 du traité instituant la Communauté
européenne qui prévoit que des entreprises peuvent se voir imposer des amendes dans le
cas dʼatteintes portées à la liberté de la concurrence. Bien quʼaux termes du règlement,
les amendes sont réputées ne pas avoir de caractère pénal, dʼaucuns soutiennent quʼil
sʼagit de véritables sanctions pénales en raison de leur fonction dissuasive, répressive ci
non réparatrice.
3 Le principe de la responsabilité pénale internationale et du châtiment des individus pour
crimes de droit international a été réaffirmé dans les principes de Nuremberg I et II, tels
quʼadoptés par la C.D.I. en 1950 (Annuaire C.D.I. 1950, vol. II, pp. 374-379) ; le projet de code
de 1954 des crimes contre la paix et la sécurité de lʼhumanité, art. 1 (reproduit in Annuaire
81
C.D.I. 1985, vol. II, 2e partie, p. 8) ; le statut du Tribunal pénal international pour F ex-
Yougoslavie, art. 7 § 1 et art. 23 § 1 (Doc. off. CS NU S/25704 en date du 25 mai 1993) ; le
statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda, art. 6 § 1 et art. 22 § 1 (Doc. off. CS
NU S/Rés./955 en date du 8 novembre 1994) ; et dans le projet de code de 1996 des crimes
contre la paix et la sécurité de lʼhumanité, art. 4 (rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa
quarante-huitième session (6 mai-26 juillet 1996), AG, 51e session, Doc. off. Supp. N° 10
(A/51/10), pp. 25-144).
4 La responsabilité pénale internationale requiert que le droit international détermine
lʼincrimination et que celle-ci sʼapplique directement dans lʼordre juridique interne sous
réserve des dispositions concernant lʼapplication du droit international dans lʼordre
interne. Dʼaucuns soutiennent quʼil y a responsabilité pénale internationale dès que
lʼincrimination existe ; dʼautres estiment quʼil est nécessaire que lʼincrimination soit
assortie dʼune sanction pénale.
5 Au plan international, un individu peut voir sa responsabilité pénale engagée en raison de
différentes formes de participation au crime, en ce compris lʼomission, la complicité ou la
tentative.
6 Cf. statut du Tribunal pénal international pour lʼex-Yougoslavie (art. 7 § 1) ; statut du
Tribunal pénal international pour le Rwanda (art. 6 § 1) ; projet de code de 1996 des
crimes contre la paix et la sécurité de lʼhumanité (art. 2 § 3).
7 Enfin, les infractions internationales entraînant la responsabilité de leurs auteurs doivent
être distinguées des crimes internationaux visant les Etats : “[m]algré lʼanalogie des
termes, les incriminations relatives aux individus sont totalement distinctes des
comportements des Etats susceptibles dʼengager leur responsabilité et qualifiés pour
certains, de crimes internationaux (art. 19 du projet [dʼarticles] de la C.D.I. sur la
responsabilité internationale des Etats) : la responsabilité pénale nʼexiste pas dans ce cas”
(Quoc Dinh, Daillier, Pellet, Droit international public, 5e édition, Paris, L.G.D.J., 1994, par.
426, p. 621). Au cours des travaux de la C.D.I. sur le projet de code des crimes contre la
paix et la sécurité de lʼhumanité, il est apparu opportun de limiter le projet de code à la
responsabilité pénale des individus, sans préjudice dʼun examen ultérieur de lʼapplication
possible aux Etats de la notion de responsabilité pénale internationale (Annuaire C.D.I.
1984, vol. II, 2e partie, pp. 17 et 18). Lʼarticle 4 du projet de code de 1996 des crimes contre
la paix et la sécurité de lʼhumanité dispose que la responsabilité pénale des individus “est
sans préjudice de toute question de responsabilité des Etats en droit international”.
8 Voir : Droit pénal international, Nuremberg (droit de -).
82
Terrorisme international
qui, dans l’Affaire sur les questions dʼinterprétation et dʼapplication de la Convention de Montréal
de 1971 résultant de lʼincident aérien de Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c/ Royaume-
Uni), a affirmé que la convention de Montréal peut sʼappliquer aussi bien à des agents de
lʼEtat quʼà des personnes privées (mesures conservatoires, Ordonnance du 14 avril 1992,
Rec, 1992, p. 38, par. 10).
10 Le terrorisme nʼest incriminé au plan universel quʼà travers des résolutions de
lʼAssemblée générale des Nations Unies (voir ci-dessus). En revanche, certaines catégories
particulières dʼactes de terrorisme sont incriminées par des conventions internationales.
11 En ce qui concerne les détournements dʼavions et les attentats contre la population civile, conv. de
La Haye du 16 décembre 1970 pour la répression de la capture illicite dʼaéronefs (R.T.N.U.,
vol. 704, p. 219) et conv. de Montréal du 23 septembre 1971 pour la répression des actes
illicites de violence sur les aéroports servant à lʼaviation internationale (R.T.N.U., vol. 974,
p. 177) et son protocole en date du 24 février 1988 (Organisation internationale de
lʼaviation civile, doc. 9518). Pour ce qui est des attentats contre des représentants dʼEtats
étrangers, fonctionnaires et agents dʼorganisations internationales : conv. des Nations Unies du
14 décembre 1973 sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes
jouissant dʼune protection internationale (R.T.N.U., vol. 1035, p. 167), conv. de New York
du 9 décembre 1994 sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel
associé (Doc. off. AG NU A/Rés./49/59 du 9 décembre 1994) et projet de la C.D.I. de code
des crimes contre la paix et la sécurité de lʼhumanité (rapport de la C.D.I. sur les travaux
de sa quarante-huitième session (6 mai-26 juillet 1996), AG, 51e session, Doc. off. Sup. N°
10 (A/51/10), art. 19, p. 125). En ce qui concerne les prises dʼotages : conv. des Nations Unies
du 17 décembre 1979 contre la prise dʼotage (Doc. off. AG NU A/Rés./34/146). Pour ce qui
est des vols et utilisations de matières nucléaires à des fins hostiles : conv. de Vienne du 3 mars
1980 sur la protection physique des matières nucléaires (R.T.N.U., vol. 1456, p. 101). Enfin,
en ce qui concerne les attentats contre la sécurité de la navigation maritime. conv. et protocole
de Rome du 3 mars 1988 pour la répression dʼactes illicites contre la sécurité de la
navigation maritime et des plate-formes situées sur le plateau continental (Organisation
internationale maritime, Doc. off. SUA/ CONF/15/rev. 1 et SUA/CONF/16/rev. 2
reproduite in (1988) 2 R.G.D.I.P. p. 477 et p. 492).
12 Au niveau régional, la convention européenne pour la répression du terrorisme du 27
janvier 1977 énumère les actes de terrorisme qui, pour les besoins de lʼextradition, ne
sont pas considérés comme politiques : détournements dʼavion, attentats contre la
sécurité de lʼaviation civile, attentats contre les personnes ayant droit à une protection
internationale, y compris les diplomates, enlèvement, prise dʼotages, séquestration
arbitraire, infractions comportant lʼutilisation de bombes, grenades, fusées, armes à feu
automatiques, ou de lettres ou colis piégés dans la mesure où cette utilisation présente un
danger pour les personnes. La tentative de commettre une des infractions précitées et la
participation à ces infractions sont aussi incriminées (S.T.E. N° 90, (1977) R.G.D.I.P. p. 166).
LʼOrganisation des Etats américains a élaboré en 1971 une convention ayant pour objet la
prévention et la répression du terrorisme : conv. pour la prévention ou la répression des
actes de terrorisme qui prennent la forme de délits contre les personnes ainsi que de
lʼextorsion connexe à ces délits lorsque de tels actes ont des répercussions
internationales (OEA, Série des Traités, N° 37, Washington D.C., 1971).
13 B. Terrorisme dans le cadre de conflits armés. Sʼentend de tous actes ou menace de violence
qui violent parmi les prescriptions du droit humanitaire, celles interdisant lʼemploi de
moyens cruels et barbares, lʼattaque dʼobjectifs innocents ou lʼattaque dʼobjectifs sans
85
intérêt militaire et dont le but principal est de répandre la terreur parmi la population
civile.
14 La convention de Genève de 1949 relative à la protection des civils en temps de guerre
(convention IV), en son titre III portant sur le statut et le traitement des personnes
protégées, interdit “les peines collectives, de même que toute mesure dʼintimidation ou
de terrorisme” (art. 33). Les protocoles additionnels aux quatre conventions de Genève de
1949 ont de nouveau condamné le terrorisme en 1977. Lʼarticle 51 § 2 du protocole
additionnel I dispose que “[s]ont interdits les actes ou menaces de violence dont le but
principal est de répandre la terreur parmi la population civile”. Au même effet : art. 13 § 2
du protocole additionnel II. Lʼarticle 4 § 2 (d) du protocole additionnel II précise que “sont
et demeurent prohibés en tout temps et en tout lieu” à lʼégard des personnes qui ne
participent pas directement ou ne participent plus aux hostilités les actes de terrorisme.
Enfin, la C.D.I. a retenu les actes de terrorisme comme crimes de guerre constituant des
crimes contre la paix et la sécurité de lʼhumanité au regard du projet de code de 1996
(rapport de la C.D.I. sur les travaux de sa quarante-huitième session (6 mai-26 juillet
1996), ibid. art. 20 f( iv)).
86
Tokyo (Tribunal de -)
8 Vingt-huit personnes ont été mises en accusation, représentant les hauts responsables de
la politique agressive menée par le Japon. Elles ont toutes été accusées de crimes contre la
paix.
9 Des vingt-huit accusés, quatorze dʼentre eux étaient généraux, dont la moitié avaient
exercé les fonctions de ministres de la guerre. Trois amiraux, cinq diplomates de carrière,
trois administrateurs, un politicien, un propagandiste et un ultranationaliste complètent
la liste.
10 Le procès a débuté le 29 avril 1946 pour se terminer le 12 novembre 1948 par le prononcé
de la décision après un délibéré de plus de sept mois. Le Tribunal a affirmé les mêmes
principes que ceux adoptés par le Tribunal de Nuremberg. Il nʼa prononcé aucun
acquittement. Sept accusés ont été condamnés à la peine capitale, seize à la réclusion à
perpétuité et deux à la prison à temps. Les accusés ont fait appel devant le Commandant
Suprême qui a, le 24 novembre 1948, confirmé les sentences. Les condamnations à mort
ont été exécutées le 23 décembre 1948.
11 818 séances ont été tenues ; 418 témoins entendus et 779 dépositions recueillies. 48412
pages de procès-verbal ont été rédigées et 4336 pièces à conviction déposées. Le jugement
compte un total de 1218 pages. Consulter Pritchard, J., Zaile, S., éd., The Tokyo War Crimes
Trials: The Complete Transcripts of the Proceedings of the International Military Tribunal for the
Far East, 22 + 5 vol. , New York, Garland, 1981. Les Juges Bernard, Pal et Röling ont joint des
opinions dissidentes. En ce qui concerne celle de Röling, consulter Röling, B.V.A., Rüter,
C.F., éd., The Tokyo Judgement, vol. II, APA-Amsterdam University Press, 1977, p. 1041 et ss.
12 Voir : Crime de guerre, Crime contre l’humanité, Juridiction pénale internationale, Tribunal
militaire international, Nuremberg (Tribunal de -).
88
Torture
1 A. Infraction internationale désignant “tout acte par lequel une douleur ou des
souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une
personne aux fins notamment dʼobtenir dʼelle ou dʼune tierce personne des
renseignements ou des aveux, de la punir dʼun acte quʼelle ou une tierce personne a
commis ou est soupçonnée dʼavoir commis, de lʼintimider ou de faire pression sur elle ou
dʼintimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif fondé
sur une forme de discrimination quelle quʼelle soit, lorsquʼune telle douleur ou de telles
souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne
agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite”
(convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants, Doc. off. AG NU A/Rés./39/46 du 10 décembre 1984, entrée en
vigueur le 26 juin 1987, art. 1 § 1).
2 Sans être expressément définis, la torture ainsi que les peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants font lʼobjet dʼune interdiction absolue dans divers instruments
internationaux à caractère universel : déclaration universelle des droits de lʼhomme (Doc.
off. AG NU A/Rés. 217 A (III), 10 décembre 1948, art. 5) et pacte international relatif aux
droits civils et politiques (Doc. off. AG NU A/Rés. 2200 A (XXI), 16 décembre 1966, art. 7).
Vu lʼimportance de ces droits, tous les Etats ont un intérêt à ce quʼils soient protégés
(C.I.J., Affaire Barcelona Traction Light and Power Company, deuxième phase, Rec, 1970, p. 32).
3 Les éléments constitutifs de la torture comprennent :
4 1) Des souffrances physiques ou mentales aiguës à lʼexclusion de la douleur ou des
souffrances “résultant uniquement de sanctions légitimes, inhérentes à ces sanctions ou
occasionnées par elles” (convention contre la torture précitée, art. 1 in fine), “dans une
mesure compatible avec lʼEnsemble des règles minima pour le traitement des détenus”
(Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, Doc. off. AG NU A/Rés. 3452 (XXX), 9
décembre 1975, art. 1).
5 Les règles minima pour le traitement des détenus ont été adoptées par le premier Congrès
des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, tenu à
Genève en 1955 et approuvées par le Conseil économique et social dans ses résolutions
663 C (XXIV) du 31 juillet 1957 et 2076 (LXII) du 13 mai 1977. Elles énoncent les conditions
89
cet égard, les organes de contrôle ont reconnu quʼune décision dʼexpulsion, dʼextradition
ou de refoulement peut se révéler contraire à lʼarticle 3 (voir notamment Arrêt Soering,
ibid., §§ 85 et 88).
12 Enfin, la convention des Nations Unies contre la torture contient, outre les dispositions de
caractère répressif, différentes mesures et mécanismes concernant la prévention de la
torture et les moyens dʼen obtenir réparation (art. 10-15). Ces mécanismes incluent
notamment lʼétablissement dʼun organe institutionnel de contrôle (comité sur la torture).
13 En ce qui concerne lʼobligation de prévention, le Comité des droits de lʼhomme estime,
dans ses observations générales sur la disposition du Pacte international relatif aux droits
civils et politiques proscrivant la torture (article 7), que cet article appelle des mesures
positives et que les “Etats doivent assurer une protection effective grâce à des
mécanismes de contrôle” (CCPR/C/21 Add. 1 p. 4). Les décisions des organes de contrôle
américains et européens sont aux mêmes effets. Les obligations pesant sur les Etats
parties à ces différents instruments ne se limitent pas à lʼobligation de ne pas pratiquer la
torture et de ne pas infliger de traitements inhumains ou dégradants mais visent aussi
une sorte dʼobligation de comportement en vue de protéger toute personne relevant de
leur juridiction contre une situation irrémédiable de danger objectif de mauvais
traitement (arrêt de la Cour européenne Campbell et Cosans du 25 février 1982, A N° 48, §
26 et arrêt Soering, ibid. §§ 82, 86 et 91). Au même effet : arrêt de la Cour interaméricaine
Velasquez Rodriguez c/ Honduras du 29 juillet 1988 (1989 I.L.M., vol. européen, le contrôle
juridictionnel a été complété par un 28, p. 289, §§ 175 et 187). Au niveau mécanisme non
judiciaire à caractère préventif, instauré par la Convention européenne pour la
prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 26
novembre 1987 (Conseil de lʼEurope H (87) 4, pp. 2-9). Cette convention met notamment
en place un système de visites des lieux de détention des Etats parties, confié à un comité
spécial qui peut entendre tout détenu et adresser ses recommandations à lʼEtat. Ces
visites peuvent avoir lieu en toutes circonstances sans quʼil y ait eu nécessairement de
plainte. Consulter à cet égard, Cassese, A., Inhuman States - Imprisonment, Detention and
Torture in Europe Today, Cambridge, 1996.
14 B. Conflits armés. Interdite en toutes circonstances dans le cadre des conflits armés, tout
comme les traitements cruels, humiliants ou dégradants (article 3 commun aux
conventions de Genève de 1949), la torture est spécifiquement incriminée, dans le cadre
de conflits armés internationaux, au titre de crime de guerre : statut du Tribunal militaire
international de Nuremberg, art. 6) b) ; loi N° 10 du Conseil de contrôle allié en Allemagne
pour le châtiment des personnes coupables de crimes contre la paix, de crimes de guerre
et de crimes contre lʼhumanité, en date du 20 décembre 1945, art. II 4) b) ; projet de 1996
de la C.D.I. de code des crimes contre la paix et la sécurité de lʼhumanité, art. 20 (a) (ii).
Elle est aussi incriminée à titre dʼinfraction grave aux conventions de Genève de 1949 :
Convention I, art. 50 ; Convention II, art. 51 ; Convention III, art. 130 ; Convention IV, art.
147. Ces dispositions incriminent également les traitements inhumains.
15 En outre, la torture est interdite au regard du droit international général dans le cadre de
conflits armés non internationaux. Voir à cet égard, Le Procureur c/ Duško Tadiʼc, cas N°
IT-94-1-AR72, Arrêt relatif à lʼappel de la Défense concernant lʼexception préjudicielle
dʼincompétence, 2 octobre 1995, pp. au registre du greffe 88/6491bis-l/6491bis (5 août
1996), par. 129 et 134.
16 Voir : Crime de guerre, Extradition, Infractions graves.
91
Transfèrement ou transfert
De personnes détenues
1 A. Transfert temporaire dʼune personne par lʼEtat sur le territoire duquel elle est
détenue, à lʼEtat ou à la juridiction pénale internationale requérant sa comparution
personnelle à titre de témoin ou pour prêter son assistance à une enquête.
2 En 1990, lʼAssemblée générale a adopté le traité type dʼentraide judiciaire en matière
pénale (Doc. off. AG NU A/ Rés./45/117 du 14 décembre 1990). Aux termes de ce traité, le
détenu est prêté à lʼEtat requérant dans la mesure où le détenu et lʼEtat requis y
consentent et que la législation de ce dernier lʼy autorise (art. 13 § 1).
3 Le Règlement de procédure et de preuve du Tribunal pénal international pour lʼex-
Yougoslavie (Doc. off. TPIY IT/ 32/Rev. 11) prévoit que le transfert dʼune personne peut
intervenir dans le cas de suspect (art. 40 bis) ou dans le cas de témoin détenu (art. 90 bis).
La durée totale de la détention du suspect ne peut en aucun cas excéder 90 jours, délai à
lʼissue duquel, pour le cas où un acte dʼaccusation nʼa pas été confirmé et un mandat
dʼarrêt signé, le suspect est remis en liberté ou remis aux autorités sur le territoire
desquelles il était initialement détenu (art. 40 bis (C)). Le témoin détenu, pour sa part, est
transféré aux termes dʼune ordonnance émise par le Tribunal international sous
condition de son retour au terme du délai fixé par celui-ci (art. 90 bis (A)).
4 B. Transfert par un Etat vers le Tribunal pénal international pour lʼex-Yougoslavie et le
Tribunal pénal international pour le Rwanda dʼune personne soupçonnée ou accusée
dʼavoir commis une infraction visée par les statuts respectifs de ces tribunaux (statut du
Tribunal pénal international pour lʼex-Yougoslavie (Doc. off. CS NU S/25704 (3 mai 1993)),
art. 20 § 2 ; statut du Tribunal pénal international pour le Rwanda (Doc. off. CS NU S/
Rés./955 (8 novembre 1994)), art. 17 § 2).
5 Une demande de transfert ne doit pas être confondue avec une demande dʼextradition
puisquʼelle émane non dʼune juridiction étrangère mais plutôt dʼune instance
internationale. En outre, au regard de leur statut respectif, les demandes de transfert des
tribunaux pénaux internationaux pour lʼex-Yougoslavie (art. 29) et pour le Rwanda (art.
28) priment toute demande dʼextradition en raison de lʼeffet combiné des articles 25 et
103 de la Charte des Nations Unies.
92
De personnes condamnées
9 C. Transfert dʼun étranger condamné à une peine privative de liberté dans un Etat vers
un autre Etat (généralement son Etat dʼorigine) en vue dʼy purger sa peine.
10 Il sʼagit du transfèrement de lʼEtat de condamnation à lʼEtat dont le condamné possède la
nationalité. A cet égard, les Etats ont conclu un certain nombre de conventions
permettant à un étranger détenu dans un Etat partie à une de ces conventions de purger
sa peine dans son Etat dʼorigine si celui-ci est également partie à cette convention.
11 Le septième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants (Milan, 1985) a adopté lʼAccord type relatif au transfert des détenus
étrangers (Doc. off. ONU A/CONE 121/22/Rev. 1) dont lʼAssemblée générale a pris bonne
note en décembre 1985 (Doc. off. AG NU A/Rés./40/146 du 13 décembre 1985, par. 4).
Reconnaissant le problème que posent les détenus étrangers dans les prisons dʼun pays
dont ils ne sont pas ressortissants, lʼAccord type souligne que lʼobjectif de la réinsertion
sociale des délinquants peut être réalisé au mieux en permettant aux détenus étrangers
dʼaccomplir leurs peines dans le pays dont ils sont les ressortissants ou résidents
habituels. LʼAccord type vise dès lors à aider les Etats membres à prévoir des
arrangements bilatéraux et multilatéraux en vue de faciliter le retour des étrangers dans
leur pays dʼorigine pour y purger leur peine. Le transfert intervient avec le consentement
de lʼEtat de condamnation, de lʼEtat prêt à accueillir le détenu et du détenu. LʼEtat sur le
territoire duquel est transféré le détenu administre la peine (art. 14). La peine doit être
adaptée aux lois de ce dernier. Il doit, si nécessaire, substituer à la sanction imposée par
lʼEtat ayant prononcé la condamnation, la sanction prévue par sa loi pour un délit
correspondant.
93
4 Pour ce qui est du caractère international, dʼaucuns soutiennent quʼil fait défaut et que ces
tribunaux doivent être plus justement qualifiés de juridictions nationales, communes aux
Etats les ayant instituées. Au mieux, il pourrait sʼagir de juridictions interalliées. Au
soutien de leurs prétentions, ils observent que tous les Etats qui assument des obligations
relatives à ces tribunaux - notamment lʼAllemagne et le Japon - ne sont pas parties aux
instruments qui les créent. Ils affirment en outre que ces tribunaux sont des “organes
communs” aux Etats instituteurs, donc des organes agissant au nom et pour le compte de
ces Etats. Lʼactivité de ces tribunaux ne peut dès lors être légalement imputée à une
entité internationale séparée, mais plutôt aux Etats qui les ont initialement créés.
Dʼautres partagent lʼopinion que leur caractère international découle de leur compétence
à juger des infractions internationales. Ils soutiennent que les Alliés ont agi au nom de la
communauté internationale dans son ensemble, soulignant, au passage, que la
Déclaration de Moscou (2e alinéa) et lʼAccord de Londres (préambule, 2 e alinéa) se
réfèrent tous deux à “lʼintérêt de toutes les Nations Unies”.
5 Enfin, on doit mentionner que, conformément aux termes de la déclaration de Moscou et
de lʼAccord de Londres, les criminels de guerre qui ne relevaient pas de la compétence
des Tribunaux militaires internationaux de Nuremberg et de Tokyo devaient être jugés
par des juridictions nationales du lieu de leur infraction. En Allemagne, le Conseil de
contrôle allié a édicté, en date du 20 décembre 1945, la Loi N° 10 qui avait notamment
pour but de créer une “base juridique uniforme pour les poursuites judiciaires contre les
criminels de guerre et délinquants analogues autres que ceux qui seront jugés par un
Tribunal militaire international” (Journal officiel du Conseil de contrôle en Allemagne, pp. 50 et
ss). Il est néanmoins difficile de maintenir que cette loi était un texte international
puisquʼelle permettait plutôt lʼorganisation de la répression pénale au niveau national.
6 Des tribunaux ont été effectivement établis par les puissances alliées dans les zones
dʼoccupation. La Commission des Nations Unies sur les crimes de guerre a répertorié et
commenté un grand nombre de décisions qui ont été prononcées par ces instances
(United Nations War Crimes Commission, Law Reports of Trials of War Criminals, London,
1949, 15 volumes. Consulter également International Law Reports). Les décisions des
tribunaux américains ont été pour leur part reproduites in Trials of War Criminals Before the
Nuremberg Military Tribunal Under Control Council Law N° 10, Washington, 1949-1953).
7 Voir : Juridiction pénale internationale, Nuremberg (Tribunal de -), Tokyo (Tribunal de -).
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1 Expression désuète désignant les violations des règles applicables aux conflits armés
internationaux.
“L'expression ‘violations des lois ou coutumes de la guerre’ est une expression
technique traditionnelle employée dans le passé, quand les concepts de ‘guerre’ et
lois de la guerre prévalaient encore, avant d'être en grande partie remplacée par
deux notions plus larges: i) celle de ‘conflit armé’, introduite essentiellement par les
Conventions de Genève de 1949; et ii) la notion corrélative de 'droit international
des conflits armés', ou la notion plus récente et plus exhaustive de ‘droit
international humanitaire’, qui s'est dégagée du fait de l'influence des doctrines des
droits de l'homme sur le droit des conflits armés” (Le Procureur c/ Duško Tadi'c, cas N
° IT-94-1-AR72, Arrêt relatif à l'appel de la Défense concernant l'exception
préjudicielle d'incompétence, 2 octobre 1995, pp. au registre du greffe 88/649 bis
-1/6491 bis (5 août 1996), par. 89).
2 Voir: Crime de guerre.
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