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et de la Jeunesse
l’Homme
détenus
l’AboIition de la Torture
JO Journal Officiel
MJ Ministère de la justice
Libertés Publiques
Démocratique Africain
D’Ivoire
UA Union Africaine
UE Union Européenne
Et la Culture
UNODC Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime,
INTRODUCTION 1
1
Monde clos et coupé du monde, la prison est, de toutes les Institutions, celle que l ’on
peut caractériser le plus exactement possible par l’expression « État dans l’État »L Cette
assertion du professeur Gérard Soulier fait ressortir plus exactement la définition et les
caractéristiques de la prison. Selon cet éminent professeur, la prison est un « État » à l’image
de tout État moderne. Il utilise cette métaphore pour corroborer que la prison possède les
éléments constitutifs d’un État moderne, à savoir un pouvoir politique, un territoire et une
population.
Cette analogie s’avère opportune, car à l’instar de l’État, la prison a une population
bien déterminée voire sélectionnée, un espace (territoire) bien défini et un pouvoir de gestion
spécifique. La population, en l’espèce, est constituée par l’ensemble des individus qui ont
transgressé les lois établies dans la société, à savoir les délinquants.
Le territoire est relatif au lieu où ces délinquants purgent leur peine. Il est, donc,
constitué des différents bâtiments spécialement conçus pour les détenir. Ces bâtiments
constituent en quelque sorte leur lieu de résidence pour un séjour relativement long ou bref
selon le degré de gravité de la faute de chacun des délinquants. Ces réfractaires aux lois
établies, vivent dans ces bâtiments, repliés sur eux-mêmes, sans contact avec l’extérieur, une
sorte d’autarcie spécifique voire imposée du fait de leur dangerosité. Ils y mènent leur séjour
sous l’autorité et la surveillance d’un pouvoir particulier : l’Administration pénitentiaire.
Ce pouvoir, à la différence d’un État normal, n’est pas élu. Il est nommé et recruté dans
certains cas. Il est chargé de veiller au bon fonctionnement de cet « Etat » en faisant respecter
les règles qui y sont établies. Il convient aussi de relever que cette population particulière est
protégée et surveillée par une armée spécifique, à savoir les gardes pénitentiaires.
Eu égard à ces analyses, nous pouvons affirmer que la prison est une société, un État
de type particulier mis en place pour contenir les déviants de la société. De ce fait, il existe
deux mondes dans un État, le monde des individus qui font l’effort de respecter les normes
établies et le monde de ceux qui transgressent ces lois.
’ Gérard SOULIER, Les Institutions judiciaires et répressives, extrait de traité de science politique (2) publié
sous la direction de Madeleine GRAWITZ et Jean LECA, les régimes politiques contemporains, PUF, 1985.
fæédition, 108, boulevard Saint-Germain, Paris, P. 547.
2 Citation extraite « de » une autre vie de Anthony DACHEVILLE, paru le 01/07/2003, éditions le manuscrit.
2
de la société, en l’espèce, sont les délinquants, qui ont choisi délibérément ou
involontairement de se soustraire aux normes qui régulent la société, cela dans le but
d’assouvir leurs propres désirs. En conséquence, la prison retient les « tares de la société »,
les individus qui sont nuisibles à la sécurité, à la tranquillité d’un pays. Pour renchérir, un
autre écrivain français Jean- Pierre GUENO affirme que: « nous n’enfermons rien d’autre en
prison, qu’une partie de nous-mêmes, comme d’autres abandonnent sur le bord de la route
leurs souvenirs encombrants ou leur.s chiens en disgrâce...^ ». La prison est, de ce fait, une
peine servant à réprimer les déviances de la société. Elle est une sorte de « réservoir » servant
à garder, recevoir, contenir les « déchets de la société ».
Les délinquants sont donc sanctionnés parce qu’ils ont violé les lois qui régulent la
société au gré de leurs intérêts. Dans cette logique, le juriste italien Cesare Beccaria (1738-
1794) affirme : « Chaque homme n’est attaché que pour ses intérêts aux différentes
combinaisons politiques de ce globe; et chacun voudrait, s ’il était possible, n ’être pas lié lui-
même par les conventions qui obligent les autres hommes >/. Les hommes ont, donc, établi
les lois pour canaliser les différents intérêts individuels dans la société. Ils ont mis en place
ces barrières que constituent les lois pour juguler tout intérêt malveillant, nuisible à la
société. Las de ne vivre qu’au milieu des craintes, et de trouver partout des ennemis, fatigués
d’une liberté que l’incertitude de la conserver rendait inutile, ils en sacrifièrent une partie pour
jouir du reste avec plus de sûreté.
Qu’est-ce que la sûreté ? Selon Maurice CUSSON, « la sûreté tient à la rareté des
attentats contre la vie et les biens des gens ; c 'est sa dimension objective. Il en découle un
sentiment de tranquillité et de confiance, c’est sa dimension subjective. À travers cette
définition, nous pouvons affirmer que la sûreté exige la protection des biens et des personnes.
La protection de ces deux entités entraîne inéluctablement la paix sociale. Il faut, donc, pour
la préservation de la tranquillité et de la sécurité de la société, des moyens efficaces pour
comprimer les intérêts malveillants au sein de la société. Ces moyens sont les peines établies
dans la société par le pouvoir politique.
’ Citation extraite « de » les paroles des détenus de Jean Pierre GUÉNO, paru en octobre 2000, éditions les
arènes EDS.
'* Cesare BECCARIA, Des délits et des peines, éditions du boucher, paris 2002, P. 11.
5 Idem, P. 12.
Maurice CUSSON, Pourquoi punir ?, collection criminologie et droits de l’homme, Dalloz, Paris, 1987, P.
117.
3
Au nom de la sécurité et de la protection des biens et des personnes, des individus sont
punis et mis à part dans un endroit clos et surveillé. L’emprisonnement de ces personnes est
certainement la résultante de leur désobéissance aux lois instituées. Les peines, les sanctions
sont, par voie de conséquence, les garants de l’application et de la vitalité de la loi.
Le droit de punir est, de ce fait, inhérent à toute société. Il est dévolu à TÉtat car dans
toute société civilisée, dans un Etat de droit, « nul ne peut se faire justice à soi-même ». Il est
l’une des fonctions régaliennes de TEtat et Tun des attributs de sa souveraineté. Si tel n’était
pas le cas. Ton se retrouverait à l’époque primitive dans la dynamique de la loi du talion, de la
vengeance ou de la justice privée. Ainsi, on parle de justice privée, lorsqu’une personne
décide de se faire justice par elle-même, en passant outre la justice. Ce type d’acte est une
remise en cause de TÉtat de droit.
Pour éviter de tels faits qui s’assimilent à l’anarchie voire la rétrogradation sociale,
TÉtat a confié le droit de punir à des Institutions spécifiques telles que la police, la justice, le
système pénitentiaire. Ces Institutions renferment en leur sein le droit de punir dévolu à toute
la société. Ces Institutions répressives démontrent donc le caractère coercitif de TEtat. Aussi
pour renchérir, Mireille DELMAS-MARTY affirme : « le droit de punir ne peut être guidé
par la raison que s’il est l’expression de la loi et d’une loi égale pour tous. » ; il est donc
l’émanation de toute la société entière soumise aux mêmes lois.
Tous les États de la terre continuent de punir leurs criminels et aucun gouvernement
ne semble prêt à abroger son code pénal ou à fermer ses prisons. La peine reste solidement
implantée au cœur même des institutions démocratiques. Bon an, mal an, il se distribue une
quantité relativement stable de punitions, et les doctrines n'y peuvent rien changer. De plus,
on ne perçoit nulle part un ralentissement du rythme avec lequel on punit. Le droit pénal est
en plein essor dans les pays occidentaux^.
’ Anna DUVAL, La peine, quelle finalité ? Mémoire de master 2 droit pénal et sciences pénales, Université
Paris 11 Panthéon-Assas, 2009-2010, P. 5.
’ Mireille DELMAS-MARTY, Le flou du droit, Puf, Paris 1986, P. 95.
’ Maurice CUSSON, op. cit. P. 13.
4
Le droit pénal est la branche du droit qui a pour objet de réprimer, par l’imposition des
sanctions, les conduites contraires à l’ordre ou au bien-être de la société.’^ C’est un droit
répressif en ce sens qu’il interdit des actes et rend obligatoire des devoirs afin de sanctionner
des attitudes qui portent atteinte à l’ordre public. Par sa nature même, le droit pénal est à la
fois le reflet et le moule de la société. Il est également l’outil dont se sert l’Etat pour façonner
et maintenir l’ordre social et l’ultime garantie des citoyens contre les atteintes à leur personne
et à leurs biens". À cet égard, chaque pays a son code pénal conformément auquel les
Il faut, relever que le droit de punir voire le droit pénal n’est pas spécifique à notre
époque, il a de tout temps existé depuis l’antiquité. Ainsi, comme l’affirme le juriste italien
Cesare Beccaria (1738-1794) : « Consultons donc le cœur humain, nous y trouverons les
principes fondamentaux du droit de punir ». Le droit de punir, voire le droit de sanctionner
une personne qui a transgressé une loi, une règle préétablie est inscrit dans le cœur et l’esprit
de tout être humain. Il est, par conséquent, inhérent à toute société humaine. Le droit pénal,
en tant qu’il vise à prévenir et sanctionner les états dangereux, est nécessairement inspiré par
l’histoire qui lui offre des exemples de comportements potentiellement néfastes pour la
société.’^
Ainsi, depuis l’antiquité, des lois et des codes pénaux ont été élaborés pour réprimer les
infractions à l’ordre social. Le premier que l’on pourrait qualifier de code même si il n’en
reflète pas, est celui des dix commandements. En réalité, c’est un ensemble de préceptes
divins transmis selon les saintes écritures par Dieu au prophète Moise libellé de la façon
suivante : « Je suis VÉternel, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de
servitude. Tu n 'auras pas d'outres dieux devant ma face. Tu ne te feras point d'image taillée,
ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les deux, qui sont en bas
sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant
’® Jacques FORTIN et Louise VIAU, Traité de droit pénal général, les éditions Thémis Inc. 1982, P. 1.
“ Idem, op.cit,P.3.
Cesare BECCARIA, op.cit. P. 11.
” Marion LE LORRAIN, L'histoire et le droit pénal, mémoire de Master de droit pénal et sciences pénales,
2010, université panthéon- Assas Paris II, P. 6.
5
elles, et tu ne les serviras point; car moi, VÉternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis
l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui
me haïssent, et qui fais miséricorde jusqu'en mille générations à ceux qui m'aiment et qui
gardent mes commandements. Tu ne prendras point le nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain;
car TÉternel ne laissera point impuni celui qui prendra son nom en vain. Souviens-toi du jour
du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le
septième jour est le jour du repos de TÉternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni
ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes
portes. Car en six jours TÉternel a fait les deux, la terre et la mer, et tout ce qui y est
contenu, et il s'est reposé le septième jour: c'est pourquoi TÉternel a béni le jour du repos et
Ta sanctifié. Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que
TÉternel, ton Dieu, te donne. Tu ne tueras point. Tu ne commettras point d'adultère. Tu ne
La « Loi du Talion », « œil pour œil, dent pour dent » , quant à elle, va faire apparaître
l’idée de proportion, de limitation de la réponse pénale. On punit alors selon la valeur de
l'acte commis. Après la loi du talion, nous voyons apparaître la loi des XII Tables romaines
qui prévoit aussi un système juridique avec des règles mais religieuses dans la majeure partie.
Enfin, il y a les lois médiévales qui vont s’appliquer durant tout l’Ancien Régime,
jusqu’à la Révolution française. Toutes ces lois ou codes tournent autour d’une idée centrale :
la peine est à la fois une punition, mais elle a aussi une fonction dissuasive.
Il faut également noter que pour mémoire, c’est le code pénal de 1791, le premier code
pénal français, qui insère pour la première fois officiellement l’emprisonnement dans l’échelle
des peines. Il place l'enfermement au centre du dispositif judiciaire, généralise la peine
Exode 20V 2-17, tiré de la Bible louis segond, société biblique française, Paris 1978, P. 76-77.
6
privative de liberté mais conserve la peine de mort et les travaux forcés ; la prison est un lieu
de punition et d'amendement du condamné par le travail et l'éducation.’^
Jusque-là, la prison n’était pas une peine, du moins dans le droit laïc. Selon une
tradition qui remontait au droit romain, la prison est un lieu de détention préventive, où ne
sont enfermés que des individus en attente d’être jugés. Elle est donc uniquement conçue
pour empêcher la fuite du prévenu, mettre celui-ci à la disposition du juge pour les
inten'ogatoires, et pour prévenir les manœuvres destinées à faire disparaître les preuves. C’est
donc la conception de la prison préventive. Les prisons vont ainsi évoluer au fil du temps
pour devenir un châtiment. Et le XIX*^ siècle va s’attacher à reformer la prison pour en faire le
meilleur système de protection sociale .
bailleurs de fonds à venir investir dans un pays. Elles sont donc des préalables pour l’essor
des entreprises publiques et privées, le développement du monde des affaires et la prospérité
économique, voire l’émergence du pays.
Dans ce contexte, la Côte d’ivoire, notre pays, s’est inscrite dans cette logique par
l’institution d’un système pénitentiaire à l’effet de faire régner un climat de sécurité au sein
de la population. Le système pénitentiaire englobant l’ensemble des établissements
pénitentiaires et des structures adaptées pour la réinsertion des délinquants. C’est dans cette
optique que nous analysons le thème suivant : la prison à l'épreuve du temps en Côte
d’ivoire depuis 1893. Quelle est la signification de ce sujet? Qu’est-ce que nous voulons
exactement étudier à travers ce sujet ? Pour répondre à de telles interrogations, il nous faut
disséquer les différentes notions que recouvre ce sujet.
7
La prison signifie étymologiquement au XlL siècle, prisun, prisum « prise, capture » ;
latin populaire, prensio, onis ; latin classique, prehensio, onis, de prehendere « prendre » . Sa
famille étymologique est donc le verbe prendre. La prison est un lieu de détention, un
établissement clos, aménagé pour recevoir des délinquants condamnés à une peine privative
de liberté ou des prévenus en instance de jugement’^.
La prison est un terme générique qui, dans le langage courant, désigne les
établissements dans lesquels sont subies les mesures privatives de liberté^^. Elle est un lieu
d’emprisonnement ; par extension, elle désigne la peine d’incarcération. Vue sous cet angle,
la prison est une peine établie par la société pour mettre hors d’état de nuire les individus
dangereux qui troublent ou sont susceptibles de troubler l’ordre public instauré.
La prison n’est donc pas un lieu ordinaire, un endroit agréable, puisque c’est un lieu de
punition consécutive à une infraction commise. Les prisonniers, dans ce cas, ne bénéficient
pas d’un traitement de faveur comme les autres hommes libres de la société. Ils ne sont pas
libres de leurs mouvements, d’assouvir leurs désirs, leurs besoins comme ils l’entendent.
C’est une sorte d’enfer sur terre où les délinquants subissent leur peine. C’est ainsi que
l’écrivain marocain d’expression française Ben Jelloun TAHAR, affirme : « La prison est un
lieu où on simule la vie. C'est une absence. Elle a la couleur de l'absence, la couleur d'une
longue journée sans lumière. C'est un drap, un linceul étroit, déserté par la vie »
Dans cette logique, les personnes détenues en prison sont privées d’un droit
essentiel : la liberté d’aller et de venir. En plus, elles sont soumises à des contraintes telles que
les menus travaux carcéraux, cela sous le contrôle et la surveillance accrue des gardes
pénitentiaires. C’est dans ce contexte que Yasmina KHADRA affirme : « En prison, c'est
comme au cirque : d'un côté il y a les fauves en cage, de l'autre les dompteurs armés de
cravache. Les lignes de démarcation sont claires ; celui qui les ignore ne doit s'en prendre
8
qu'à lui-même}^ »Dans le même ordre d’idées, Jules VERNE affirme : « un prisonnier est
plus possédé de l'idée de s'enfuir que son gardien n 'est possédé de l'idée de le garder^"^ ».
En somme, la prison pennet de punir une personne reconnue coupable d’une faute d’une
certaine gravité, de protéger la société des personnes dangereuses, de décourager les gens de
commettre des actes interdits par la loi, d’obliger le détenu de faire pénitence en le forçant à
poursuivre des études ou à une activité destinée à le réinsérer où le réhabiliter. Elle permet
également de neutraliser les opposants politiques (dans les régimes dictatoriaux);d'empêcher
des prévenus de prendre la fuite ou de compromettre leur futur procès, on parle alors de
détention provisoire. Par ailleurs, il faut noter que les fonctions de la prison varient selon les
époques et les sociétés.
Quant au mot épreuve, il est dérivé du verbe « éprouver ». C’est donc l’action
d’éprouver quelque chose ou quelqu’un ; c’est une souffrance, malheur, danger qui éprouve le
courage, la résistance.^^ Le terme « épreuve » signifie également le fait de tester, c’est ce qui
permet de juger la valeur d’une idée, d’une qualité intellectuelle ou morale, d’une œuvre,
d’une personne, etc.^^ C’est un test destiné à juger de la valeur ou de la résistance de
quelqu'un ou de quelque chose.
Citation extraite « de » les anges meurent de nos blessures de Yasmina KHADRA, Julliard, 2013.
2'* Citation extraite « de » les farceurs de blocus de Jules VERNE, éditions Hetzel, 1884, P.263.
^^Fidèle TRA BI ZAÉ, mémoire de Master 2, Droit public, option Histoire du Droit et des Institutions, thème : le
système pénitentiaire ivoirien de 1893 à nos jours, présenté le 08 décembre 2013, Université Alassane Ouattara
de Bouaké, 2012-2013, P. 2.
Josette REY-DEBOVE et Alain REY (dir), le nouveau Petit Robert, nouvelle édition millésime 2007, P. 911.
Ibidem.
9
Interrogation, un exercice, une composition faisant partie d'un examen, d'un concours (Les
épreuves théoriques et les épreuves pratiques du permis de conduire.). Elle renferme aussi
l’idée d’une Compétition sportive (une épreuve contre la montre). Aussi, c’est une Difficulté
qui éprouve le courage de quelqu'un, qui provoque chez lui de la souffrance (Il a dû surmonter
beaucoup d'épreuves).
En Photographie, c’est une Image obtenue sur support opaque par tirage d'après un
phototype. En Thermique, c’est un Essai consistant à soumettre la chaudière à une pression
d'eau déterminée, à froid. En Travaux publics, c’est un Essai d'un ouvrage avant sa mise en
service. Comme expressions relatives au mot épreuve, nous avons :
résister à tout. « Mettre à rude épreuve »: imposer quelque chose de difficile à supporter.
« Mettre à l’épreuve » : éprouver les qualités, la valeur de quelqu’un, de quelque chose.
Quant à la lexie « temps », elle est dérivée du terme latin tempus qui désigne le milieu
indéfini où paraissent se dérouler irréversiblement les existences dans leur changement, les
évènements et les phénomènes dans leur succession. C’est donc une notion fondamentale
conçue comme un milieu infini dans lequel se succèdent les évènements.
« Temps » désigne la succession des jours ; des heures, des moments, considérée par
rapport aux différentes occupations des personnes et n’est synonyme de « durée » que pour
désigner soit la succession ininterrompue des moments considérée absolument, soit l’espace
écoulé entre le commencement et la fin d’une chose ou d’un être. Il signifie donc une durée
nécessaire, une époque délimitée par rapport à un fait, une personne, une institution. Il peut
concerner également une époque historique, une période.
De ce qui précède, il faut le reformuler tout en faisant ressortir le sens exact. 11 nous faut
donc délimiter notre sujet à travers les différentes définitions analysées pour une
compréhension plus aisée.
Henri BÉNAC, dictionnaire des synonymes, librairie Hachette, Paris 1956, P.930.
10
La prison, dans notre cas d’étude, ne concerne pas ce qui enferme moralement, en
parlant de l’étroite prison des préjugés d’une personne. Elle n’est pas non plus un endroit où
une personne est enfermée ou à l’impression de l’être, par exemple pour le prince le château
était une prison.
Elle n’est pas un bâtiment sinistre qui évoque un lieu de détention en comparant par
exemple une maison délabrée à une prison. Elle n’est pas également ce que l’on ne peut pas
réaliser, dans ce contexte l’écrivain français Louis-Ferdinand CELINE (1894-1961)
29
affirme : « presque tous les désirs du pauvre sont punis de prison ».
La prison, dans notre cas d’espèce, renvoie à un lieu de détention, une structure
aménagée pour recevoir des individus qui ont transgressé la loi. Ces individus s’y trouvent à
la suite d’une décision de justice, à l’issue d’un procès équitable en principe. Aussi faudrait -
il noter que la prison renvoie également au terme « établissement pénitentiaire », c’est-à-dire
un établissement où l’on purge sa peine d’emprisonnement.
La Côte d’ivoire est située en Afrique de l’Ouest, elle s’étend sur une superficie de 322
462 Km^. Elle est limitée au Sud par l’Océan Atlantique, à l’Est par le Ghana, au Nord par le
Citation extraite « de » voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand CÉLINE, paru le 15 janvier 1952,
édition Gallimard.
11
Burkina Faso et le Mali, et à l’Ouest par la Guinée et le Libéria. Sa capitale politique est
Yamoussoukro et Abidjan, la capitale économique. La population ivoirienne est estimée en
2011 à 22,6 millions d’habitants dont 26% d’immigrés provenant principalement des pays de
la sous-région. Le pays compte une soixantaine d’ethnies réparties en cinq grands groupes à
savoir : les Voltaïques, les Mandés du Nord, les Mandés du Sud, les Akans et les Krou. En
outre, le pays a fait de la laïcité un principe Constitutionnel pour une meilleure cohabitation
entre les différentes confessions religieuses, dont les principales sont l’Animisme, le
Christianisme et l’Islam.
Devenu colonie française le 10 mars 1893, le pays acquiert son indépendance le 7 août
1960, sous la houlette de Félix Houphouët-Boigny, premier président de la République.
Membre de l’Union africaine (UA) et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique
de rOuest (CEDEAO), la Côte d’ivoire a pour langue officielle le français et pour monnaie,
le franc CFA (1 euro = 655.957 FCFA). L’économie, essentiellement axée sur la production
de café et de cacao, connaît au cours des deux premières décennies un essor exceptionnel,
faisant de la Côte d’ivoire un pays phare dans la sous-région ouest-africaine.
Après cette présentation, il nous paraît opportun de justifier le choix de l’année 1893.
Le choix du 10 mars 1893 comme repère temporel se justifie par son importance dans
l’histoire de la Côte d’ivoire. Cette date marque, en effet, l’annexion du pays en tant que
colonie française. A partir de cette date, elle était essentiellement sous le joug du colonisateur
12
français qui exerçait, à cet effet, une autorité exclusive sur le territoire et sur la population
autochtone.
Ainsi, la question principale de notre étude est ainsi libellée : Quelle est la place de la
prison dans la politique coloniale et contemporaine en Côte d’ivoire ? A partir de cette
question essentielle, une série de questions sous-jacentes se dégagent : Quelle est la situation
de la Prison de nos jours en Côte d’ivoire, après plus d’un siècle d’existence ? Quel est
l’impact de la prison sur l’environnement socio-économique en Côte d’ivoire ? Y a-t-il eu une
évolution au niveau de la mission assignée à la prison depuis l’ère coloniale jusqu’à nos
jours ? Pour répondre à ces différentes interrogations, il nous a paru utile d’aller à l’aune de
1893 à savoir l’époque coloniale pour analyser le contexte idéologique de son institution.
Dans cette logique, il importe d’analyser le contexte historique de la colonisation afin de
comprendre les mobiles de la création de la prison dans la colonie de Côte d’ivoire.
Henri LÉGRÉ OKOU, Histoire des Institutions et du Droit colonial, édition lumière de DEASSA
(collection « le succès est au bout de l’effort »), Abidjan 2014, P. 2.
Henri LÉGRÉ OKOU, Histoire des Institutions et du Droit colonial, op.cit.P.l.
13
place de la solde, les militaires garde-frontière se nourriront du produit de la terre et
• • TQ
nourriront l’Etat romain.
suit le verbe colore en latin (cultiver s’entend) qui servira de conceptualisant pour rendre
35
compte de tout ce qui a trait aux rapports entre les colonies et Rome.
Trois liens ressortent, donc, de la colonie : la prégnance juridique de Rome sur les
colonies, les rapports économiques entre la métropole et les colonies, le statut des colons à la
fois soldats en activités et cultivateurs ; ainsi qu’elle soit colonie de peuplement ou
d’exploitation, elle ne déroge pas à cette triple dépendance.
Une différence est généralement faite entre les colonies dites de peuplement et celles
d’exploitation. Dans les premières, des colons originaires du pays colonisateur sont supposés
s’installer en nombre suffisamment important pour former des communautés organisées. Il
s’agit, dans ce cas, de déverser une partie de la population de la métropole au sein de la
colonie.
Cependant, Il faut relever qu’il n’a pas existé en pratique aucune colonie de peuplement.
Les colons européens ont toujours vécu aux côtés des peuples colonisés dans des situations de
discrimination plus ou moins poussée. Quant aux colonies d’exploitation (exploitation des
ressources naturelles, minières du pays colonisé), elles ont été les plus pratiquées et les plus
répandues.
La colonie est un établissement fondé dans un pays moins développé, par une nation
appartenant à un groupe dominant ; ce pays, sous la dépendance du pays occupant, qui en tire
profi?^. Elle est également un territoire occupé et administré par une nation étrangère, et dont
il dépend sur les plans politique, économique, culturel, etc. C’est un lieu où vivent les colons
(originaires du pays colonisateur).La colonie est donc un territoire étranger totalement placé
sous le contrôle d’une puissance étrangère. Elle est administrée par un gouverneur
directement nommé par la puissance coloniale.
Ibidem.
Ibidem.
Ibidem.
’^Henri LÉGRÉ OKOU, Histoire des Institutions et du Droit colonial, op.cit.P. 1 P.2.
5^ Dictionnaire le robert zn/c/'o,op.cit, P. 1290.
5® Le petit Larousse 2010 (version numérique).
14
Par définition, le mot « colonie » signifie une réunion d'hommes partis d'un pays
pour en habiter et exploiter un autre. Et la colonisation est le fait de transformer des
pays en colonies dans le but de les exploiter socialement, politiquement et
économiquement.^^Dans ce contexte, coloniser, c’est peupler de colons, faire (d’un pays) une
colonie'***. Dans le langage familier, il signifie envahir, occuper un lieu. Dans ce cas,
À partir du XVIlE siècle, le terme subit une évolution notable et caractérise celui qui
fonde ou peuple une colonie, reflétant ainsi les nouvelles relations existant entre les pays
d’Europe occidentale, d’une part, et les continents américain, asiatique et africain, d’autre
part. Cette nouvelle donne s’est également traduite par l’apparition du terme de colonisation
qui, à partir du XVIlE siècle, désigne l’action de coloniser.'*^
Abdou LABO BOUCHE, les exactions d’administration coloniale dans le roman africain, case studies
journal, vol.2-issue 4-2013, ISSN (2305-509x) 4 mai 2013, pl sur www.casestudiesjoumal.com.
Abdou LABO BOUCHE, op.cit.P.l.
Paul LEROY-BEAULIEU, de la colonisation chez les peuples modernes, (f édition Félix ALCAN et
Guillaumin, 1908, Paris, P. 141.
Microsoft encarta, op.cit.
Ibidem.
Source internet : Wikipédia consulté le 21 juillet 2014.
15
ce peuple. . C’est dans ce contexte qu’à partir du XV® et du XVI® siècle, les Européens se
lancèrent à la conquête des autres continents du monde (Amériques, comptoirs en Asie et
Afrique) pour établir sur ces nouveaux territoires les jalons de leur suprématie économique et
politique. On peut donc affirmer, selon Georges BALANDIER, que « l'un des évènements les
plus marquants de l'histoire récente de l'humanité est l'expansion à travers le globe, de la
plupart des peuples Européens
Par ailleurs, il faut noter que parmi les continents à conquérir, l’Afrique
particulièrement était méconnue par les Européens. Pour renchérir, Gustave VALLAT
affirme :« 7/ y a un demi-siècle, l’intérieur de VAfrique était complètement inconnu. On
remarquait sur les cartes les plus exactes, de l'océan Atlantique à la mer rouge, de vastes
espaces laissés en blanc pour figurer les déserts du Sahara et du Soudan qu 'on tenait pour de
pures solitudes."^'Ainsi, à l'exception de l'Australie, l'Afrique est assurément de toutes les
parties du monde celle qui est restée le plus longtemps inconnue » . Les Européens, avec en
première posture les Français, vont se lancer à la découverte de l’intérieur de l’Afrique dans la
seconde moitié du XIX^ siècle.
Dans ce contexte, au XIX® siècle, les Européens qui avaient exploré les côtes
Africaines, voulurent mieux connaître l’intérieur du continent. Plusieurs mobiles ont sous-
tendu cette démarche, ils avaient plusieurs sources de motivation : la curiosité scientifique ;
la volonté de faire cesser la traite des Noirs ; celle de répandre la religion chrétienne et
surtout le désir de découvrir puis exploiter les richesses de l’Afrique afin de faire asseoir leur
hégémonie sur le plan mondial. Dans de nombreux cas ; les explorateurs suivirent le cours des
fleuves pour pénétrer à l’intérieur du continent, bien que ces fleuves fussent peu navigables.
11 faut aussi ajouter que le point de départ des ambitions européennes se situe au
Congo. Le roi des Belges, Léopold II, qui s'intéresse aux questions coloniales et gère une
importante fortune personnelle, crée en 1876 la fondation d'une Association Internationale
Africaine à but essentiellement géographique : explorer le continent. Il trouve dans l'Anglais
'’’^Norbert DODILLE, introduction aia discours coloniaux, presses de l’université Paris-Sorbonne, 2011, P. 33.
Georges BALANDIER, la situation coloniale : approche théorique, in « cahiers internationaux de
sociologie » vol. 11, 1951, pp 44-79, Paris ; les presses universitaires de France, P.44.
''^Gustave VALLAT, A la conquête du continent Noir, missions militaires et civiles de 1892 à 1900
inclusivement, d’après des documents officiels Paris, 1901, J. LEFORT, Imprimeur, Editeur ; A. Taffm-
LEFORT, successeur, Lille, plO.
^*Idem, P. 12.
16
Stanley"^^ l'organisateur de l'exploration du bassin du Congo. Celui-ci se heurte aux ambitions
Françaises et Portugaises sur ce bassin. L'enjeu devient Européen; les intérêts de Léopold II se
heurtent à ceux d'autres pays colonisateurs.
L'acte, qui n'autorise aucun partage, le déclenche dans les faits. Dès lors, dans une
course de vitesse, la France entreprend de constituer un vaste empire, de la Méditerranée à
l'Afrique occidentale. L’Angleterre veut dominer l'Afrique orientale du Cap au Caire. La
Belgique, l'Allemagne et l'Italie, moins bien lotie, se partagent le reste de l'Afrique. Des
heurts nombreux opposent les grandes puissances, mais de multiples traités bilatéraux
permettent de fixer les frontières des territoires conquis.
Deux problématiques ont été donc à l’origine de l’établissement des règles du jeu de la
colonisation des « derniers espaces vierges ». Il s’agissait de la question du contrôle du fleuve
Congo et de celle du droit de conquête d’une structure privée^’. Pendant leur réunion à Berlin
1884-1885 les Européens réglèrent leurs accords et établirent les règles de la colonisation de
l’Afrique Noire : la conquête du continent Africain allait commencer.
■D’Henry Morton STANLEY (1841-1904), de son vrai nom John ROWLANDS, journaliste et explorateur anglo-
américain, il est l’un des principaux acteurs de l’exploration et de la colonisation en Afrique. En 1879, au service
de Léopold II, roi des belges, il retourna au Congo pour une autre expédition qui dura cinq ans. Au cours de cette
période il fit construire une route du bas Congo au Stanley pool (aujourd’hui Malabo pool) et posa les jalons de
la fondation d’un Etat indépendant du Congo.
5°Source internet.www.google.ci (cliotexte), 1997-2014) consulté le 04 août 2014.
^^Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, nouvelle édition,
ABC, Abidjan juin 2012, P.15.
17
missionnaire et une vision de l’étranger, par lesquels l’intérêt porté au continent Africain s’est
trouvé lié soit à un opportunisme pratique, résolument inhumain ou tempéré de curiosité, soit
à une volonté de traduire( la pensée des populations rencontrées) superficielle ou profonde .
11 y avait donc plusieurs arguments qui ont favorisé cette conquête. Les mobiles et arguments
53
évoqués par les promoteurs de l’aventure coloniale furent partout analogues.
C’est finalement le facteur politique qui domine, surtout à partir des années 1880. Les
Etats cherchent à s’étendre pour répondre à leur soif de puissance , de prestige, de sécurité
(nécessité de bases navales) et d’avantages diplomatiques vis-à-vis des autres Etats. Dans ce
contexte, les partisans de la colonisation en Europe apportent un soutien de plus en plus
systématique à l’entreprise coloniale, et la justifient par de multiples arguments. L’importance
des empires coloniaux apparaît désormais comme un des critères de la puissance des pays
occidentaux.
Aussi, la rivalité des pays européens conduit à ne laisser aucun territoire inoccupé par
carinte qu’il ne passe sous la domination d’un pays colonisateur concurrent. La nécessité de
prendre place dans le commerce mondial impose également de posséder des bases navales et
commerciales en divers points du globe.
En outre, pour la France, l’empire colonial est envisagé en tant que vivier humain, dans
la mesure où, face à l’Allemagne, elle souffre d’un déficit démographique dont elle redoute
les conséquences en cas de conflit. À travers la conquête coloniale, les grands Etats cherchent,
de ce fait, à affirmer leur force et la vitalité de leur race. Dans un tel contexte, partout en
Europe, il y aura des discours de justification de la colonisation. C’est ainsi qu’en France,
18
Jules FERRY 5^(1832-1893), homme politique français prononça le discours suivant à la
Ainsi, dans les années 1880, l’argumentaire de Jules FERRY(le principal promoteur
de l’expansion coloniale) et des républicains favorables à l’expansion coloniale se fonde avant
tout sur des considérations diplomatiques, stratégiques et économiques. L’idée du
rayonnement de la France relève moins d’une justification morale - l’alibi de la mission
civilisatrice de la France - que du désir de concurrencer la Grande Bretagne et d’affirmer une
présence active du pays dans le concert des nations en Europe et au-delà^^.
D’Homme politique français, considéré comme un des pères fondateurs de l’identité républicaine en France. 11 fut
de 1883 à 1885, ministre des colonies et était convaincu que son pays a une mission civilisatrice outre-mer.
^^Source : Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
^’Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
19
En Angleterre, le britannique Rudyard Kipling^^ (prix Nobel de littérature 1907), encense
le processus colonial à travers Le Fardeau de l'homme blanc (célèbre poème de 1899) et écrit
par ailleurs : « L'Angleterre, nation choisie par Dieu pour apporter aux peuples de couleur
les bienfaits de la civilisation blanche Il y avait en Europe toute une panoplie
d’arguments pour se lancer dans cette course de conquête de nouvelles terres.
Les français, à l’instar des autres européens, vont se lancer dans le processus colonial
avec tout un arsenal de justifications et de motivations. Cependant, il faut relever que
l’Afrique a été l’un des derniers continents découverts dans ses profondeurs. Il leur fallait
pénétrer le continent africain et explorer les forêts où vivaient des populations regroupées et
organisées en chefferies, en royaume. Ils vont donc peaufiner toute une stratégie à l’effet de
conquérir ces nouveaux espaces et exercer une domination voire une emprise totale sur les
populations locales africaines. Dans ce contexte, ils vont utiliser deux méthodes voire deux
stratégies principales dès l’entame du processus de colonisation des peuples Africains
notamment la méthode pacifique et la méthode violente ou forte.
Ainsi, au cours de leurs voyages, Binger, Clozel et leurs compagnons laissaient leur
pouvoir aux chefs de tribu en place. Ils signaient avec eux des traités, plantaient le drapeau
français et installaient des postes militaires pour y loger au passage et faire du commerce .
Sur le littoral de la Côte occidentale de l’Afrique, du 9 février 1842 date de la signature du
premier traité avec le roi Peter de Grand-Bassam jusqu’au 11 avril 1894 date probable du
^’^Rudyard KIPLING (1865-1936), écrivain britannique, auteur de romans, de poèmes et de nouvelles qui ont
essentiellement pour toile de fond l’Inde et la Birmanie à l’époque de la domination britannique. En 1907, il est
le premier britannique à recevoir le prix Nobel de littérature.
Source internet : www.google.ci consulté le 10 novembre 2014.
“ Pierre KIPRÉ, Côte d’ivoire, la formation d'un peuple, l’Afrique « dans tous ses états » collection dirigée par
Elikia M’BOKOLO, Sides-lma 2005, P. 109.
“idem, P. 80.
20
dernier traité passé avec les différentes tribus M’BATO, la France aura signé pas moins de
• ’ 64
quarante traites .
Ainsi, il y a le traité conclu avec AMON N’douffou (1®’’ janvier 1844), le traité avec
AKA Simadou, nouveau roi d’assinie (14 janvier 1886), le traité conclu avec le roi de Bettié
(13 mai 1887), le traité conclu avec le roi de l’indénié (25juin 1887), le traité avec le pays de
yakassé (21 juillet 1887), le traité conclu avec le pays Abron et de Bondoukou (13 novembre
1888), le traité conclu avec le roi de Kong (10 janvier 1889)^^...
Bouêt-Willaumez signa des traités avec des chefs traditionnels de la Côte et établit le
protectorat de la France sur la Côte d’ivoire. Au milieu du XIX® siècle, le capitaine Louis
FAIDHERBE signa des traités « d’amitié » avec les peuples lagunaires et fit construire un fort
à Dabou. Treich-LAPLENE, quant à lui remonta le fleuve Comoé, atteignit Bondoukou, puis
Kong. Il signa des traités de protectorat avec de nombreux chefs coutumiers.
Ces différents traités permirent aux colons de pratiquer le commerce avec les
populations indigènes dans le but de faire acheminer vers la France les produits dont son
industrie avait besoin. Bien que les traités, les conventions entre les chefs indigènes et les
colons constituassent dans la majorité des cas la méthode dite pacifique, il faut inscrire à juste
titre dans cette méthode la religion chrétienne (l’évangile).
L’évangélisation est une prescription laissée par JESUS-CHRIST à ses disciples. Tout
chrétien, disciple du Seigneur JESUS-CHRIST devra se conformer à cette prescription.
L’évangélisation est un devoir voire une obligation pour tout chrétien. Ce devoir ressort
nettement à travers les saintes écritures (la bible) dans le livre de Marc 16 V 15 à 16 : « Puis il
leur dit : Allez dans le monde entier et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui
croira sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné. » De même, il est écrit dans
le livre de Mathieu 28 VI9 à 20 : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-
les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et enseignez-leur à garder tout ce que je vous
ai prescrit... »
Dans cette optique, il était donc impérieux pour les missionnaires français de parcourir
toute l’Afrique afin d’annoncer l’évangile aux africains. C’est dans cette optique que les
premiers français à s’installer en Côte d’ivoire furent des missionnaires. Le premier contact
^Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit. P.36.
Henri LÉGRÉ OKOU, Histoire des Institutions et du Droit colonial, op.cit. P. 127.
21
avec la France date de 1637, lorsque des missionnaires débarquèrent à Assinie, près de la
Côte-de-l’Or, actuel Ghana^^.
Par ailleurs, il est opportun de noter que les résultats de cette politique pacifique ne sont
pas satisfaisants voire concluants ; car jusqu’en 1908 la France ne contrôle qu’une partie du
territoire et certaines régions, surtout l’intérieur du pays, sont restées hostiles à cette politique
d’où la nécessité d’une nouvelle politique à savoir la méthode violente ou forte.
De ce qui précède, pourquoi il nous faut travailler sur la prison à l’épreuve du temps
en Côte d’ivoire depuis 1893 ? Quels sont les mobiles qui nous ont motivé à travailler sur un
tel sujet ?
L’écrivain russe Fedor DOSTOÏEVSKI^’^ dans son ouvrage l’épreuve du camp, l’exil
Publié dans le Temps, revue fondée avec son frère Mikhaïl en 1861, Souvenirs de la maison
des morts (1861-1862) décrit les effroyables conditions de vie faites aux détenus.
22
Dans ce récit autobiographique, Dostoïevski brosse des portraits de bagnards avec qui il
a vécu, capables des pires méfaits comme de générosité et de spiritualité. La figure du Christ
lui apparaît alors comme seule capable de transcender l’expérience de la souffrance et d’offrir
à l’homme une chance de rédemption. Il dit aussi dans ses lettres à son frère sa découverte au
bagne du « peuple russe ». Cette expérience le marque psychologiquement, mais aussi
physiquement, puisque c’est très probablement à cette époque qu’apparaissent ses premières
crises d’épilepsie. Son expérience traumatisante en prison l’a amené à affirmer que: « on peut
juger du degré de civilisation d’une société en entrant dans ces prisons».
Pour renchérir, le célébrissime prisonnier sud-africain qui a passé 27 ans en prison et ex
président de l’Afrique du sud affirme dans « the long walk to freedom » (le long chemin vers
la liberté, autobiographie, Paris, L’École des Loisirs, 1996) affirmait « on ne devrait pas
juger une nation sur la façon dont elle traite ses citoyens les plus riches, mais sur son attitude
vis-à-vis de ses citoyens les plus pauvres- et l’Afrique du sud traitait ses citoyens africains
emprisonnés comme des animaux ».
À travers ces citations, nous remarquons que la prison est un lieu par excellence qui
permet de savoir si un Etat, respecte ou non les droits de l’homme. Elle permet, à cet effet, de
déceler le degré humanitaire d’un État. Elle est un critère essentiel de qualification d’un État
de droit ou pas.
^’pédor DOSTOÏEVSKI (1821-1881), écrivain russe, représentant le plus illustre, avec Tolstoï, de l’âge d’or de
la littérature russe.
Nations Unies, les droits de l’homine et les prisons, manuel de formation aux droits de l’homme à l’intention
du personnel pénitentiaire, New York et Genève, 2004, P.l.
ONUCl, Actes de la journée de réflexion sur la détention préventive, en collaboration avec le Ministère de la
justice et des droits de l’homme et la section Etat de droit de l’ONUCl, 28 avril 2009, Unity/ peace Hall,
sebroko, P. 5.
23
Dans cette logique, les droits de l'homme sont inhérents à toute personne emprisonnée ou
non, du fait de sa qualité d’être humain et sont fondés sur le respect de la dignité et de la
valeur de chacun. Il ne s’agit ni de libéralités, ni de privilèges accordés au gré d’un dirigeant
ou d’un gouvernement. Aucun pouvoir arbitraire ne saurait par ailleurs les retirer. Toutes les
personnes emprisonnées ou non doivent donc bénéficier de la protection de leurs droits
contenus dans les différentes conventions, chartes et déclarations des droits de l’homme.
24
délinquance. Cependant, pour certains individus, l’incarcération devrait avoir pour finalité
d’amender et de réinsérer le délinquant dans la société
de nombreux organismes ont été créés pour veiller au respect des droits des détenus.
Ainsi, En son article 9, la DUDH précise que « Nul ne peut être arbitrairement arrêté,
détenu ou exilé », de même que l’alinéa l®*" de l’article 11 rappelle que « Toute personne
accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa
défense lui auront été assurées ».
Quant à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, adoptée le 27 juin
1981 à Nairobi, Kenya, lors de la 18® Conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine
(OUA) et entrée en vigueur le 21 octobre 1986, après ratification de la Charte par 25 Etats,
elle rappelle en son article 3 que « Toutes les personnes Bénéficient d'une totale égalité
devant la loi » et que« Toutes les personnes ont droit à une égale protection de la loi ». Dans
le même ordre d’idées l’article 6 de la charte proclame que« Nul ne peut être privé de sa
liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi; en
particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement ».
Andrew COYLE, gérer les prisons dans le souci du respect des droits de Thomme, manuel destiné au
personnel pénitentiaire, publié par International centre for prison studies, school of law king’s college, London
(Royaume Uni), 2002, P. 13.
Claire FINANCE, prison et cour européenne des droits de Thomme, mémoire Master 2 droit pénal et sciences
pénales, université panthéon-Assas, 2010, P. 6.
25
Au regard de ces différents articles, le thème sur la prison dénote d’un pragmatisme
indéniable. À travers cette étude, nous allons faire ressortir la place de la prison depuis
l’époque coloniale jusqu’aujourd’hui en Côte d’ivoire tout en exposant les maux qui la
minent voire ses dysfonctionnements. Cela permettrait aux autorités compétentes de notre
pays et même des organisations internationales de prendre les mesures idoines afin
d’améliorer les conditions de détention et de régler les différents dysfonctionnements de notre
système pénitentiaire.
nécessité d’établir un lien avec l’histoire coloniale afin de mieux comprendre l’esprit des
institutions actuelles .
mineur de fond. Il va chercher les données au fond du sol et les ramène à la surface pour
qu ’un autre spécialiste-économiste, climatologue, sociologue, les exploite » . Il importe, de
ce fait, à l’historien du droit et des institutions de faire des recherches sur le droit et sur les
instituions du passé afin que cela serve à tout le monde, que chacun, selon son domaine
d’activité ou d’étude, en tire profit. C’est donc par l’histoire que s’expliquent les
Joseph John NAMBO, « quelques héritages de la justice coloniale en Afrique noire » in revue Droit et société
n‘’51-52/ 2002, P.332.
^^Sébastien LATH YEDOH, systèmes politiques contemporains : systèmes politiques étrangers, systèmes
politique ivoirien, les éditions ABC, mai 2013, p9.
LE ROY LADURIE Emmanuel (1929- ), historien français, spécialiste de l’histoire rurale du Moyen Âge et
des Temps modernes.
Source internet : www.google.ci.
26
• • • 72 • • • •
institutions. L’historien du droit se mue..., en véritable prophète de la connaissance
juridique.
À travers l’étude des prisons coloniales, nous ferons ressortir la place de la prison dans
la colonie de Côte d’ivoire, les visées qui lui ont été assignées par le colonisateur, et, partant,
son mode de fonctionnement. Ainsi, cela permettra de savoir en quoi la prison a été un
instrument de la politique coloniale. Aussi pour comprendre les maux dont souffrent notre
système pénitentiaire afin d’y apporter des solutions efficaces, il est opportun d’aller à
l’origine voire l’époque de leur institution.
La création des prisons coloniales avait pourtant été rendue légale dès un sénatus-
consulte du 22 juillet 1867 ; un décret du 12 août 1891 du ministère des colonies étendra à
toutes les colonies françaises les dispositions du texte de 1867 . De ce fait, la prison est une
institution coloniale. Il nous importe de l’analyser afin de faire ressortir en filigrane son
impact sur le fonctionnement des prisons à notre époque.
Comment sera menée cette étude ? La méthode fonctionnaliste lui servira de moule.
La méthode d’approche ou le cheminement de l’esprit, c’est-à-dire l’ensemble des procédures
permettant d’obtenir, à propos d’un objet quelconque, une théorie à un niveau de vérification
aussi élevé que possible et permettant d’expliquer l’interdépendance des éléments constitutifs
de cet objet, autrement dit, le processus qui conduit à la découverte scientifique, est
fondamentale, car, elle détermine le résultat de toute étude scientifique.
Henri LÉGRÉ OKOU, Histoire comparative des Institutions de 1’Antiquité, fæ édition, ABC-édition, mai
2004, P. 3.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, histoire comparative des institutions méditerranéennes et négro africaines, les
éditions ABC, mai 2013, P. 22.
Marion LE LORRAIN, rHistoire et le Droit Pénal, Mémoire Master de droit pénal et sciences pénales, 2009-
2010, Université Panthéon-Assas Paris II, P.6.
” Jean Pierre ALLINE,yâr/om’ historiographiques pour une histoire des prisons en Afrique francophone (revue
électronique d’histoire du droit) Clio@themis, P. 6.
Ibidem.
^^Séraphin NÉNÉ BI BOTI, histoire comparative des institutions méditerranéennes et négro africaines,
op.cit.P.24.
27
L’analyse fonctionnaliste est recommandée lorsqu’il s’agit d’étudier une institution-
organisme. Elle consiste à étudier une institution, une réalité, par rapport à la fonction qui lui
a été assignée. Pour quelle finalité ? Ce qu’elle fait maintenant y est-elle conforme ? Est
elle utile? Est-elle efficace ? Ces questions sur le phénomène sont posées et traitées tant dans
sa conception au départ et après que dans ses résultats à situer aussi bien dans le système
juridique que dans le système social .
Ainsi, le professeur LEGRE OKOU Henri, dans son ouvrage Histoire des Institutions
politiques de première année affirme que: « les Institutions subissent partiellement ou
globalement des transformations dans leurs fondements et leurs finalités. Elles changent en
même temps que les fondements de la société. Elles ne sont donc pas éternelles encore moins
le produit d’une création fantaisiste des hommes, mais reproduisent des objectifs poursuivis
par la société
Dans cette perspective, il faut noter d’emblée que le colonisateur va placer la prison au
centre de sa stratégie coloniale pour dompter et instaurer un ordre public colonial
incontestable. Patrick Papa DRAME écrit, à cet effet que : «Au fur et à mesure de son
implantation en Afrique, la France à Finstar des autres puissances coloniales érige un
système d'organisation politique et défensive conforme à sa stratégie d’ensemble et à sa
volonté d'y faire valoir ses droits de souveraineté ».^^Les Français vont donc doter l’espace
La prison, faisant partie de ces instituions, va devenir par conséquent une peine centrale
dans la politique socio-économique coloniale. Il y aura de ce fait une généralisation de
l’enfermement sur toute l’étendue du territoire à l’effet d’exercer une domination totale sur
l’espace colonial et sur les populations autochtones pendant les différentes phases de la
colonisation : la conquête coloniale que précède l’exploration, l’installation ou l’occupation
coloniale qui est antérieure à l’exploitation et la période de la transformation caractérisée par
l’affaiblissement des puissances coloniales consécutif aux conséquences désastreuses de la
deuxième guerre mondiale et à l’éveil des mouvements d’indépendance dans les colonies.
Dans ce contexte, la prison a été un instrument impérialiste au service de la puissance
colonisatrice (première partie) soit de 1893 à 1960.
28
Dès lors, la puissance coloniale avait des visées précises selon Charles MOUREY et
Louis BRUNEL : « pacifier le pays et y imposer partout la suprématie française ; ensuite,
mettre en valeur notre conquête en faire une colonie dans le sens le plus complet du mot,
c ’est-ù-dire une terre capable, par ses productions naturelles judicieusement exploitées,
d'assurer à nos nationaux immigrants l'aisance et, dans certains, la richesse ».
La Côte d’ivoire devenue indépendante le 07 août 1960 a conservé cet héritage colonial en
reformant par un nouveau texte, le décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des
établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté. Il y aura de ce fait un véritable aggiomamento de la prison pour abonder dans le même
sens que Gilles CHANTRAINE qui affirme que : « la répression pénale évolue au gré des
changements politiques et idéologiques » .
^’Charles MOUREY et Louis BRUNEL, l’année coloniale, librairie Charles Tallandier éditeur, Paris, 1899, P.l.
Gilles CHANTRAINE, la sociologie carcérale : approches et débats théoriques en France in « déviance et
société, 2000, vol 24, n° 3 sur www.persee.fr, P.299.
29
PREMIÈRE PARTIE :
LA PRISON, UN INSTRUMENT
IMPÉRIALISTE AU SERVICE DE LA
PUISSANCE COLONISATRICE
30
La France souhaiterait devenir à nouveau cet empire qui avait dominé l’Europe
OQ
après la chute de Napoléon en 1815. Ainsi, pour redorer son blason sur la scène
internationale, la France, à l’instar des autres puissances impérialistes européennes, va se
lancer dans la conquête de nouveaux territoires, surtout africains.
La colonisation sera pour les français une bouffée d’oxygène qui va leur permettre de
s’élargir, de s’étendre, afin de devenir une puissance respectable et redoutable sur le plan
international. Elle sera donc un motif de soi-disant « grandeur » pour la France. C’est ce que
l’historien et écrivain français, partisan de la colonisation, Paul LEROY-BEAULIEU (1842-
1912), écrira en 1870 : « « À coté de ces géants que sera la France ? Un souvenir s'éteignant
de jour en jour. Notre pays a un moyen d'échapper à cette irrémédiable déchéance. C'est de
coloniser. La colonisation est pour la France une question de vie ou de mort. . Un peuple qui
colonise est un peuple qui jette les assises de sa grandeur dans l'avenir et de sa suprématie
future,
Les français étaient donc dans une logique, celle de pénétrer par tous les moyens les
territoires africains et imposer leur idéologie, leur civilisation aux peuples conquis. L’usage
de la force, de la guerre sera là où la diplomatie a échoué pour conquérir les terres, cela sans
tenir compte des droits élémentaires de l’homme.
Les ivoiriens, à l’instar des autres peuples africains, ont été confrontés à la barbarie
française. C’est dans ce contexte que FRANTZ Fanon affirme : « le colonialisme n 'est pas
une machine à penser, n 'est pas un corps doué de raison. Il est la violence à l'état de nature
et ne peut s'incliner devant une plus grande violence.^» Dans cette logique, les ivoiriens,
dans leurs composantes, vont opposer une résistance singulière à la conquête coloniale.
Devant cette détermination farouche de ces résistants autochtones, le colonisateur aura
recours à la prison pour les maîtriser afin de juguler toute opposition à leur pénétration et leur
installation sur le territoire conquis.
^^apoléon 1er, né Louis Napoléon Bonaparte (1769-1821), général et homme d’État français. Premier consul
( 1800-1804) puis empereur des Français ( 1804-1815).
www.google.fr consulté le 22 novembre 2014.
^'Frantz FANON, les damnés de la Ze/Te(1961), édition la découverte poche, Paris 2002, P.61.
31
La conquête du territoire ivoirien et la maîtrise de la population autochtone étaient
donc indispensables pour la puissance colonisatrice, car cela lui permettrait d’exploiter
aisément les ressources naturelles et minières afin de rendre son économie compétitive sur le
plan international. Ainsi, selon le professeur Séraphin NÉNÉ BI « le prestige de la France
est donc en jeu ».Par voie de conséquence, elle va assigner à la prison des missions socio-
économiques (titre I).
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit. P.31.
32
TITRE PREMIER :
33
Les explorateurs sont les « premiers », ceux qui découvrent les futures terres
coloniales^^. Ils ne peuvent être assimilés aux militaires qui vont les conquérir, aux colons qui
vont les défricher, aux fonctionnaires qui vont les administrer, aux commerçants qui vont
tenter de s’y enrichir ou aux savants qui vont les étudier^"*.
Ils concluent des traités ou des alliances, plus ou moins durables mais incontournables
pour pouvoir poursuivre leur avancée.L’exploration est, la phase qui déclenche la conquête
coloniale proprement dite, puis l’occupation. Il ne peut donc avoir de conquête et
d’occupation sans exploration préalable.
Ils avaient des talents de diplomate, et avaient des aptitudes pour faire le commerce.
On trouvait parmi eux des militaires, des médecins, des ingénieurs, des géographes, des
religieux, etc.
Ces explorateurs ont pénétré les contrées ivoiriennes et ont fourni des renseignements
précieux à la métropole. La Côte d’ivoire représentait pour eux un « eldorado » voire un
pays qui regorge des potentialités naturelles et minières indéniables. Eu égard à cet intérêt
majeur, la puissance colonisatrice va combattre avec acharnement les différentes résistances à
la conquête tout en ayant recours à la prison pour pacifier la colonie (chapitre I) afin de
l’occuper sereinement et exploiter ses potentialités économiques. Dans ce processus, le
pouvoir colonial, dans sa stratégie d’exploitation de l’espace colonial, emploiera également la
prison comme un moyen de développement économique (chapitre II).
34
CHAPITRE I :
La Côte d’ivoire n’est pas à proprement parler une colonie de conquête ; elle est plutôt
le résultat d’une œuvre de pénétration continue, lente et sûre à travers des contrées restées
longtemps inconnues.^^Le colonisateur s’est approprié le territoire ivoirien sans avoir au
du fil à retordre au colonisateur. Au nord, Samory Touré s’est opposé également de façon
farouche à l’occupation française...
Face à ces différentes résistances, Les troupes coloniales mieux équipées vont
riposter par des exécutions sommaires, la destruction et l’incendie des villages, et par
l’emprisonnement. L’emprisonnement des résistants sera très récurrent pendant ces guerres de
’^Edmond MICHELET et Jean Clément, la Côte d’ivoire : organisation administrative, financière, judiciaire ;
régime minier, domanial, forestier, foncier, Augustin Challamel éditeur, Paris, 1906, P.9.
’’ Gabriel ANGOULVANT, la pacification de la Côte d’ivoire 1908-1915, méthodes et résultats, Emile larose,
libraire-éditeur, 1916, P. 10.
” Il fut un guerrier, stratège et homme politique Bété (1835-1912).
’’ François-Joseph CLOZEL, dix ans à la Côte d’ivoire, Augustin Challamel éditeur, Paris, 1906, P. 78.
35
conquête pour pacifier la colonie. Pour renchérir, le professeur NÉNÉ BI BOTI Séraphin
affirme : « la prison est là pour pacifier le pays et discipliner les colonisés^». Dans cette
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique occidentale française, op.cit.P.198.
36
SECTION I :
les dangers de leur attitude : incessamment, je devrai lancer contre eux des tirailleurs ; la
victoire des blancs est certaine, leur dis-je, et vous subirez les conséquences de la lutte
(villages cassés, guerriers tués, récoltes perdues, bétail disparu) ; pourquoi ne pas dès
maintenant, faire soumission. Et certain de pouvoir parler sans crainte, le chef répond :
pourquoi veux-tu que nous fassions camarades, nous ne nous sommes jamais battus ; battons-
nous d'abord et si tu es le plus fort on fera camarades''^^ ». A S in fia, un porte canne a été
envoyé pour dire au capitaine Poussât : « tu n'es pas un grand guerrier, tu ne nous fais pas
peur, tu n 'as même pas tué une femme
37
chefs de guerre (paragraphe 1). 11 faut relever à juste titre que l’internement recouvre
l’emprisonnement, la déportation ou l’assignation à résidence. La méthode de la déportation
des chefs de guerre sera de facto très récurrente pendant les guerres de conquête.
Les indigènes combattaient les envahisseurs avec des armes matérielles (fusils,
flèches, arcs...) et mystiques. Les féticheurs jouaient un rôle très important dans cette
résistance à la pénétration française par la préparation mystique des troupes indigènes. Le
colonisateur va s’atteler à les capturer et à les emprisonner afin de vaincre facilement les
guerriers résistants (paragraphe 11). En somme, pour neutraliser les troupes indigènes et
pacifier la colonie, le colonisateur a eu recours au mécanisme de la déportation (déportation)
pour enfermer les chefs de guerre et les féticheurs qui sont les meneurs physiques et spirituels
des résistants.
La déportation est une peine afflictive et infamante qui consiste à être transporté hors
du territoire national dans un lieu déterminé par l’État’^^. Elle a pour synonyme le
Elle peut être à vie ou pour un temps déterminé. C’est l’internement politique dans un
camp de concentration situé loin de la résidence de la victimeLa déportation signifie
également l’envoi et l’internement ou élimination physique dans un camp de concentration ou
d’extermination’^^. C’est une peine criminelle qui assignait un condamné à résidence dans un
pays lointain.”’^
38
travaux forcés à temps La déportation a été définitivement supprimée du droit français lors
de la présidence de De Gaulle, par une ordonnance du 4 juin 1960.
Cette peine a été appliquée par le colonisateur pendant les guerres de conquête
coloniale. Elle a été confondue à l’internement pendant l’époque coloniale selon le
gouverneur Gabriel ANGOULVANT : « le mot internement est, en premier lieu, un terme
inexact ; c 'est plutôt une « déportation » qu 'on prononce. Sans doute, en droit, l’AOFforme à
ce point de vue, une « seule » colonie, mais, en fait, on transporte l'indigène coupable d'une
des colonies du groupe dans une autre très différente, souvent par le climat. Puis,
« l'internement se conçoit lorsqu'il s'agit de débarrasser momentanément la colonie d'un
grand chef ou d'un féticheur célèbre qui emploie son influence à saper la nôtre ou dont la
112
présence retarde, contrarie notre installation, menace notre occupation. »
essentiellement nuisible est fourni par les chefs rebelles et insoumis, autour desquels il faut
faire le vide, par des coups répétés et incessants jusqu 'à leur disparition ou leur suppression
complète ».
La méthode de la déportation des chefs de guerre était donc une stratégie efficace pour
les isoler (A) afin de les faire disparaître complètement de leur colonie d’origine (B). Cette
méthode conduisait inéluctablement à la capitulation des résistances.
39
A-L’ isolement des chefs de guerre dans une autre circonscription
ou dans une colonie différente
Aux colonies enfin, les prisons ne sont pas nées des débats d’un cercle de savants
et de réformateurs, ni n’ont eu prise directe sur les attentes, conscientes ou non d’une société
centrée sur elle-même, mais ont été l’ouvrage direct, brutal et autoritaire d’Etats et
d’administration conquérante .""^Dans ce contexte, l’historien Jean-Noël LOUCOU affirme :
Dès lors, la prison sera un outil utilisé de façon récurrente par la puissance
colonisatrice pendant les guerres de conquête coloniale, notamment par la technique de la
déportation, de l’internement des résistants voire des chefs de guerre indigènes. Ainsi, Selon
l’article 17 al.l du livre 1®’’, chapitre 1®*' du code pénal applicable à l’AOF : « La peine de la
déportation consistera à être transporté et à demeurer à perpétuité dans un lieu déterminé
par la loi, hors du territoire continental du royaume (de la république) article
corrobore aussi le fait que le coupable pourra être également déporté au sein de la colonie
mais dans une circonscription autre que celle dans laquelle il a une influence notable ou là où
il a été arrêté.
Les insoumis, en l’espèce sont les opposants, les résistants farouches à la pénétration
française. Il était donc impérieux pour le colonisateur de les neutraliser totalement pour
assurer la quiétude au sein de la colonie. Cette tâche était rude eu égard à la pugnacité et à la
témérité des résistants à la conquête coloniale. Cet état de fait a été corroboré par ce
"‘^Florence BERNAULT (dir), enfermemenl, prison et châtiments en Afrique du 19^ siècle à nos Jours, Paris
Karthala, P. 16.
Jean-Noël LOUCOU, Côte d’ivoire : les résistances à la conquête coloniale, les éditions du CERAP, Abidjan
2007, P.77.
*’^Gaston-Jean BOUVENET et Paul MUTIN, recueil annoté des textes de droit pénal (code pénal-lois-décrets-
arrêtés généraux) applicables en Afrique Occidentale Française, éditions de l’union européenne, 1955, Paris
Vf, P. 12.
40
témoignage colonial : « L ’indigène, aimant la guerre comme un sport, ravi de l ’occasion que
lui fournissait chacune de nos reconnaissances de se livrer, en dehors des querelles de tribu,
à cet exercice recherché, l’indigène disons-nous était disposé à nous combattre et puisait,
dans les avantages relatifs qu ’il remportait sur nos faibles détachements, non seulement un
courage nouveau mais une raison de s’enorgueillir vis-à-vis de ses troupes. » L’indigène
était considéré, à cet égard, comme un guerrier, un assoiffé des guerres, un individu qui se
plaisait à tuer et à s’en vanter.
41
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COTE D’IVOIRE
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à la lettre précitée ÿtslatlf aux peines à infliger aux rebelles y:>3i
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en remplaçant sur cet état la lettre A(ab8ant) par la lettre B qui
A.
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42
Cet isolement par la déportation ou l’internement permettait aux troupes coloniales de
juguler facilement les différentes résistances.
En pays Bété, il y avait comme chef de guerre Zoku’o Gbëli. Il était un stratège
redoutable, il apporte deux innovations à la technique guerrière. La première accorde moins
d’importance à la hardiesse et à la témérité, déterminantes par le passé. Gbéli proclame plutôt
la primauté de la tactique : « kalekanyo na Zuzo bhênô pa bha » ce qui signifie « le guerrier
doit se camoufler avant de tirer ». Privilégiant l’imagination, il excelle dans les feintes, les
pièges. Il prépare ses combats par la propagande, les renseignements, l’intimidation.”^
La répression française fut rigoureuse. Les colonnes Betseller et Metz, fortes de plus
de mille tirailleurs, réprimèrent sauvagement les Bété sans distinction. Les villages Sabwa et
Galebwa furent rasés ; tous les principaux guerriers de Daloa furent tués. Angoulvant,
gouverneur de la colonie, voulut réduire toute opposition à la présence française. Il ordonna
aux chefs de poste d’incarcérer ou de déporter tous les résistants. Le capitaine Chambert,
commandant le cercle de Daloa, décida d’arrêter Zoku’oGbëli le 4 Octobre 1911. Déporté à
Zuénoula où il mourut le 15 avril 1912. Sa déportation a entraîné son isolement puis sa
mort. L’isolement de Zoku’oGbëli hors de sa région a favorisé l’affaiblissement et la
désorganisation de ses troupes, ce qui a permis aux troupes coloniales de les vaincre
facilement.
À l’instar du peuple Bété, tous les peuples de la Côte d’ivoire se sont opposés
farouchement à la pénétration française sous la conduite des différents chefs de guerre voire
des meneurs influents. Ces derniers capturés, ont été emprisonnés par le pouvoir colonial.
L’emprisonnement de ces chefs avait pour finalité de les neutraliser en les isolant dans une
Simon-Pierre M’BRA ÉKANZA (dir), co-auteurs : Henriette DIABATÉ, SEMI BI ZAN, Georges
NYAMKEY KODJO, Julien ZIJNON GNOGBO, Ibrahim BABA KAKÉ, les grandes figures ivoiriennes dans
Mémorial de la Côte d’ivoire, deuxième édition, 1987 Edition Ami Abidjan, P. 66.
‘2° Ibidem.
43
autre colonie ou dans une circonscription de leur colonie d’origine. À titre d’illustration, nous
_•______________________ ___
{ ! I
Noms I 1 1
dcB ! Conditions J •ilotifa ! Observations
! Indlgènee I _____ ! I
! J I I
n DIE KOÜADIO ! Chef de Tokronou ! Meneur Influent 5 ane
1 ! !
J-’ DALI YOBOUE ! Chef de Force9ou I Meneur Influent 1 5 ans
l. ! 1 î
ASSAN KOÜADIO ! Chef de Kongo- > Reeponeable du pillage du 1
! kouaseikro ! village dloula do Kotokosal ! 5 ans
l ! Ion 1910. î'
! I I 1
U KEUELE KAN !Chef de N’Eenou I D’abord peu disposé à la !
! ! guerre,H ensuite opposé une !
I ♦ Igrande résistance. ! 5 ans
! ! ! !
! 1 I I
LABOA ! 1 Frère de Konan Pré qu’il al
! Ipoussé à la révolte. Très î 5 ane
1 I
! dangereux. !
! I I !
M KOUAMI NATI ; w
i I Neveu de Konan Sré.A pous-l
!
! îi I sé! son oncle à la révolte.
l
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5 ans *
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3° POUR UNE PEINE DÎINTERKüîENr AU CHEF-LIEU
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! EU CrRCLE DE 1 à 3 ANS
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I t I I
*; GR(J KO’J/J‘;OU i Chef de Orokoua- ; A beaucoup d’influence I 2 ane
! î koukro I !
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iî BOÜ GROÜ ! Clief de Yeboué î Seul chef du groupenont !
1 I
ISopa, ayant nontré de la nau-!
I i ! valse volonté pour la reddl-!
! I Itlon dee armes;non village !
I J la opposé une résistance opl-!
l ! I ni être. ! 2 ans
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1 ! ! I
; KONAN BLE IC* chef d’Atoseé I Dangereux 1 2 ans
I ! I I
I î t !
Le Lieutenant-Colonel Commandant
Signé X LEVASSEUR,
// if-C
------'
44
Comme nous le remarquons à travers ce tableau, le pouvoir colonial, pour affaiblir et
vaincre les résistances, arrêtait puis emprisonnait les meneurs influents ou dangereux à
l’effet de restaurer la paix au sein de la colonie. Quelques-uns des chefs rebelles furent tués
dans les combats ; les autres furent arrêtés et internés dans une des colonies du groupe de
l’AOF, les plus coupables, à Port-Etienne (Mauritanie), dont le climat différait sensiblement
de celui de la zone sylvestre de la Côte d’ivoire, et les autres au Dahomey, où régnent les
mêmes conditions climatiques. C'était une stratégie pour l'administration coloniale
d'éloigner, d’isoler les meneurs de la résistance pour affaiblir ainsi les velléités de résistance.
En pays Ebrié : Le chef de village d’Adjamé, Yapi Akpapa (...) est arrêté en
septembre 1901 pour insoumission et incitation à la révolte et déporté au Gabon où il mourra.
Chez les Abouré : Le roi de Bonoua Ahui Nogbou, le chef du village d’Adiowo, Okyoumou
Kacou et Kadjo Amangoua sont arrêtés et condamnés à la déportation au Gabon. Les deux
premiers reviendront de leur exil en 1910, tandis que le dernier y décédera.
Cette méthode entraînait, comme nous l’avons déjà évoqué, un éloignement voire un
isolement des chefs, d’où la désorganisation des troupes indigènes. Cette situation conduit
inéluctablement à la disparition complète des chefs de guerre au sein de la colonie et la
cessation de leur influence sur les autres indigènes.
45
la « pacification » des autres colonies.Avant 1900, on ne parle pas encore d’armée
coloniale, mais de Troupes de marine. Leur création remonte à la première phase de
conquêtes, sous Louis XIV, pour sécuriser les navires, puis les ports et comptoirs
coloniaux.
À l’origine, ces troupes étaient composées uniquement des métropolitains, plus tard
elles vont être renforcées par des indigènes recrutés sur le territoire colonial ou dans d’autres
colonies du colonisateur. Ces troupes seront finalement constituées en majeure partie des
indigènes et encadrées par des officiers français. Une des caractéristiques majeures des
troupes coloniales est futilisation, pour la conquête et pour la mise au pas des colonies,
de nombreuses troupes supplétives, constituées des colonisés eux-mêmes. Ces troupes
avaient une obligation de résultat : celle d’annihiler toutes les formes de résistance à la
conquête coloniale. Par ailleurs, ces troupes ont été confrontées à des résistances farouches
voire téméraires de la part de la population indigène. Toutes les tribus, les communautés
indigènes ont combattu avec ténacité la progression des troupes coloniales sur leur territoire.
Ainsi, Les résistances furent nombreuses dans toute la Côte d’ivoire : celle des
Abbey de la région d’Agboville entre 1910 et 1915 ; celle des chefs traditionnels guidés par le
roi Kassi DIHIE, dans l’indénié ; celle du roi de l’Assikasso ; celle des Baoulé, celle des Bété
de la région de Daloa dirigés par Zokou oGbeuli ; celle des Bété et des Guéré de l’ouest
forestier...Les groupes révoltés attaquaient les postes administratifs et les possessions
françaises, organisaient la guérilla ou pratiquaient la tactique de la terre brûlée.
’^^Raphael GRANVAUD, de l’année coloniale à l’armée néocoloniale (1830-1990), octobre 2009 (article 74),
survie, P.3.
*2'** Ibidem.
'^■"’Scraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit., P.41.
'^'’Raphael GRANVAUD, op.cit, P. 6.
46
Ainsi, de toute évidence, il est établi qu’une armée ou une troupe sans chef est
vouée à la défaite et à la capitulation. Le chef est un modèle, c’est celui qui motive, qui
galvanise les troupes, les oriente et planifie les plans d’attaque. En définitive, les chefs de
guerre indigènes incarnaient la résistance à la conquête coloniale. Éliminer les meneurs par la
méthode de la déportation entraînait ipso facto une désorganisation voire une reddition
inéluctable des troupes. Cette méthode est productive et efficace, c’est pourquoi le
colonisateur l’a utilisée de façon récurrente contre les principaux chefs de guerre en Côte
d’ivoire et partant dans les autres colonies de l’Afrique Occidentale Française.
1894) qui s’opposa farouchement à l’occupation de son pays, le Dahomey. Il est capturé en
janvier 1894 et déporté à la Martinique aux Antilles puis à Blida en Algérie avec ses 3
femmes, son fils et ses 2 filles. Il mourut en 1906
*2^. C’est la fin de l’histoire de la résistance
47
hommes qui révélera son secret aux colons. Finalement capturé en 1910, Nanan Akafou était
en train d’être déporté au Gabon lorsqu’il demanda à se soulager dans la brousse. Il prit des
1 98
feuilles toxiques qu’il consomma pour se donner la mort.
Il a donc préféré se donner la mort pour préserver sa dignité. Aussi a-t-il procédé de
cette manière afin d’éviter de subir les affres de la déportation voire les humiliations
consécutives à son emprisonnement. Le suicide de Nanan Akafou corrobore que la peine de
déportation était redoutée par les résistants à la conquête coloniale.
Par ailleurs, certains chefs de tribus menant les résistances à la conquête coloniale ont
été capturés et emprisonnés. Ainsi, à l’ouest, les Blapo et les Tiépo font de la résistance après
même que « des postes militaires étaient installés à Sassandra, Grand-Béréby et Tabou en
1893. Cette prise de possession française suscite la résistance des Krou, en particulier celle
des Blapo et des Tépo organisés en fédération de villages. Les Blapo s’insurgent les premiers
sous la direction du chef Paio qui est arrêté en décembre 1896. Les Tépo engagent les
hostilités en 1899. La résistance est coordonnée par le chef Siahié et touche les principaux
villages comme Grabo, Blidouba, Ouaddey et Olodio. Elle tient tête à trois colonnes
répressives qui se succèdent de mars à avril 1899. Le chef Siahié est destitué et toute la région
Tépo est occupée militairement.
Chez les Agni, les principaux chefs qui s’étaient opposés aux Français et qui ne
s’étaient pas suicidés comme Aka Tehoua et Ebrin Boto, sont arrêtés et déportés au
toi
Sénégal . Il en sera de même des Akyés, les chefs et les notables Akyé qui ont résisté, sont
condamnés respectivement à dix ans et cinq ans- d’exil dans le cercle du Bas-Cavally. De
cette même manière, la capture et la déportation des meneurs des différentes résistances en
Côte d’ivoire comme ailleurs fait cesser leur influence dans leur région, d’où la reddition des
troupes et par conséquent la fin des résistances. Cet état de fait est corroboré par la lettre du
128
' Le Jour Plus, du 5 mai 2015, article : Nanan Akafou, le plus redoutable résistant africain, P.5.
129,
Source internet : lynxtogo.info consulté le 19 juillet 2014.
130
' Ibidem.
131
Source internet : lynxtogo.info consulté le 19 juillet 2014.
132
■ Ibidem.
48
baoulé-sud au gouverneur de la colonie de Côte d’ivoire;
commandant du cercle du
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Dans cette logique, la lutte des résistants africains à la pénétration française s’est
toujours terminée par le massacre, l’exil et surtout par la déportation des meneurs des
résistants indigènes. C’était une méthode bien efficace car elle permettait la disparition
50
complète des meneurs influents de la colonie afin de faire cesser leur influence sur les autres
indigènes. Cette méthode désorganisait les troupes indigènes et favorisait leur capitulation
voire leur défaite. Il faut relever que cette méthode était aussi appliquée à l’encontre des
féticheurs qui étaient considérés comme des meneurs redoutables par le colonisateur, car ils
utilisaient des pouvoirs mystiques.
Les féticheurs sont des initiés, c’est-à-dire des personnes dotées de pouvoirs
surnaturels, mystiques et occultes. Ils ont la capacité occulte de rentrer en contact avec les
« esprits » pour faire agir les fétiches dans le but de produire des évènements mystérieux dans
le bon ou le mauvais sens. Le féticheur peut ainsi utiliser ses pouvoirs surnaturels pour faire
du mal ou le bien.
À cet égard, les féticheurs étaient des meneurs redoutables car ils attaquaient aussi
bien physiquement que mystiquement les troupes coloniales. Toutes les tribus ivoiriennes qui
résistaient ont dû recourir aux armes mystiques pour combattre. Les populations à
organisation sociale de type acéphale comme les Lobi, les Sahoué ou les Dogon ont d’une
manière générale mieux résistée à l’emprise coloniale’^^.En d’autres termes, devant
l’impuissance des arcs et des flèches, face aux fusils, mitrailleuses et canons, les Lobi font
recours à des « armes spirituelles Ainsi, la guerre coloniale avait de toute évidence une
dimension mystique.
Dans ce contexte, les troupes coloniales vont s’atteler à arrêter et interner les féticheurs
ou, au pire des cas, ils seront exécutés, cela dans le but de mettre fin aux attaques mystiques
(A) et de fragiliser la ferveur combative des résistants indigènes (B).
51
A-Le procédé d’annihilation des attaques mystiques pendant les
guerres de conquête coloniale
Le fétiche lui-même est généralement une figure modelée ou taillée dans l'argile, la
pierre, le bois, le verre ou une autre matière ; il imite un animal déifié ou tout autre objet. Il
est fréquemment constitué de fourrure, de plumes, de poils, d'un os ou d'une dent de l'animal
tutélaire (protecteur). Il désigne ce qu’on appelle couramment une amulette, un grigri, un
talisman.
Il s'agit parfois de l'animal lui-même, et parfois d'un arbre, d'une rivière, d'un rocher
ou d'un lieu associés au protecteur dans l'esprit du fidèle. On peut donc valablement
soutenir que le fétichisme (terme utilisé pour désigner la vénération d’objets cultuels) est
intrinsèquement lié à l’animisme. L’animisme est une croyance en l’existence d’âmes ou
d’esprits, principes supérieurs et immatériels qui résideraient dans les lieux, les personnes, les
animaux ou les objets, existant chez de nombreux peuples.
137 • •
Le terme animisme vient du latin anima, « souffle » ou « âme » . Le fétichisme
comme l’animisme est une religion pratiquée en Afrique avant la période coloniale et cela
jusqu’à nos jours. Certes, les Noirs africains croient tous en la vertu des fétiches, c'est-à-dire
en la vertu d'objets fabriqués par l'homme et réputés, en raison du caractère spécial des rites
qui ont présidé à leur fabrication ou à leur consécration, doués de pouvoirs magiques ; mais
cette croyance, commune, à des degrés divers, à toute l'humanité, ne traduit pas le caractère
spécifique de leur religion, pas plus que la croyance à la vertu amulettes confectionnées par le
marabout n'est l'islamisme ni que la croyance à la vertu des médailles bénites n'est le
christianisme.’^^
52
Ainsi, on pourrait affirmer que l’Afrique précoloniale et coloniale était le berceau du
fétichisme, de l’animisme. Dans ce contexte, les féticheurs vont jouer un rôle prépondérant
dans la lutte contre la conquête coloniale pour compenser la mauvaise formation militaire des
troupes indigènes et la faiblesse de leur armement.
Aussi, convient-il de rappeler que pendant les guerres de conquête coloniale, les
troupes françaises étaient composées en majorité des tirailleurs sénégalais et ils étaient bien
armés et encadrés par des officiers français. En face des troupes coloniales, se dressent un
armement sommaire (flèches et lances, pièges d’animaux, fusils à silex), les populations
insurgées . Cet état de fait est corroboré par la statistique suivante :
Pour renchérir, le professeur Pierre KIPRÉ affirme : « la résistance armée est organisée
sur la base de la mobilisation de tous les hommes valides, sous la conduite de chefs de guerre
qui, malgré des qualités de stratèges reconnues dans leur communauté, ne sont pas de
professionnels de guerre. Il n’y a pas d'armée permanente, mais une troupe de partisans,
parfois au niveau d’un village ou plus souvent à l’échelle de toute tribu et de ses alliés, sans
unité de commandement comme dans le cas des guerres de Samori
Malgré ces défaillances sur le plan militaire, les indigènes vont opposer une
résistance farouche à la pénétration française. Ils ne se laisseront pas si rapidement dépouiller
de leur dignité et de leur bien. La principale idéologie profane mise en avant est le principe de
53
« souveraineté Ainsi, la véritable motivation de la résistance des indigènes était la
défense de leur souveraineté. Ils vont donc recourir par tous les moyens physiques ou
immatériels pour empêcher la progression française sur leur territoire.
Comme nous l’avons déjà évoqué, pendant les guerres de conquête coloniale, les
indigènes étaient dotés d’armes rudimentaires et ils faisaient face à un armement sophistiqué
des troupes coloniales, leur défaite était donc prévisible. Pour compenser leur armement
obsolète, ils ont dû recourir à des armes spirituelles voire mystiques pour lutter farouchement
contre la progression des troupes coloniales.
Dans cette logique, des sorciers, des féticheurs étaient à la tête des résistances à la
pénétration française. Chaque tribu qui s’opposait au colonisateur avait un féticheur pour
doter les résistants de pouvoirs mystiques afin de combattre farouchement l’ennemi.
Ils ont semé à cet effet la terreur et la pagaille au sein des troupes coloniales grâce aux
effets foudroyants de leurs attaques mystiques. Ils ont été d’un atout indéniable pour freiner la
progression des troupes françaises.
L’usage des armes de guerre et des armes mystiques par les indigènes avec la
stratégie de la guérilla ont entraîné de nombreuses pertes dans le camp des troupes
coloniales. Les révoltes qui jalonnent la période 1896-1908 au cours desquelles périrent
plusieurs civils et militaires : assassinat de l’Administrateur Poule dans le Zaranou en 1896 ;
mort du lieutenant Dussuze tué en 1902 après l’attaque de Salékro dans le Baoulé ; mort du
sergent Hitto en 1906 tué dans la région de Danané et du commis Lecoeur à Daloa la même
année ; celle du capitaine Caveng tué le 12 juin 1907 entre Bouaflé et Séguéla ; du lieutenant
54
Pluttin tué près de Daloa en octobre 1907 ainsi que Courgas tué en mai 1909 près
d’Adzopé.'"^^
Les troupes coloniales ont subi durant les guerres de conquête les affres des attaques
mystiques. Ainsi, les féticheurs pouvaient faire apparaître soudainement des abeilles, des
guêpes pour les lancer aux trousses de l’ennemi, des monstres ténébreux pour le mettre en
déroute.
L’attaque des villages fortifiés était une entreprise extrêmement périlleuse, non
seulement pour des questions d’ordre tactique mais pour des raisons moins tangibles, prenant
la forme de pouvoirs occultes, qui insufflaient une véritable terreur aux assaillants.’'*'*
Les assaillants en l’occurrence les troupes coloniales redoutaient les attaques occultes
de la part des féticheurs. Ces attaques étaient soudaines, imprévisibles et périlleuses. Pour y
mettre fin, la puissance colonisatrice a eu recours à l’emprisonnement pour neutraliser les
féticheurs. L’internement de ceux-ci était donc une solution efficace pour annihiler les
attaques mystiques. Les féticheurs arrêtés pendant les guerres de conquête subissaient la
peine de l’internement.
sous tribu Bessérénous a été proposé pour une peine de prison très grave.La capture et
l’internement de ces derniers était donc une stratégie fort efficace, car elle permettait de
mettre fin aux offensives mystiques des indigènes.
Dans cette logique, les troupes coloniales pouvaient sans coup férir mater les
résistances, grâce aux armes performantes qu’elles possédaient. Les troupes indigènes vont
inéluctablement se disloquer parce que privées de leur guide mystique qui les galvanisaient
spirituellement et par ricochet physiquement. Outre l’annihilation des attaques mystiques,
l’internement voire l’emprisonnement des féticheurs entraînait ipso facto la fragilisation de la
ferveur combative des résistants indigènes.
’^’^René-Pierre ANOlJMA, Aux origines de la nation ivoirienne : 1893-1960, vol.l conquêtes coloniales et
aménagements territoriaux 1893-1920, études africaines, le harmattan, 2005, Paris, P. 100.
'''‘^Patrick ROYER, la guerre coloniale du Bani-Volta, 1915-1916 (Burkina Faso, Mali}, P.42.
Source : archives nationales de Côte d’ivoire.
55
B-Le procédé de la fragilisation de la ferveur combative des
résistants indigènes
La spiritualité a été, de tout temps, une source d’engouement dans toutes les sociétés.
Chaque société, chaque peuple a toujours fondé sa croyance en une divinité. La spiritualité
englobe, de ce fait, plusieurs religions. Ainsi, nous avons l’hindouisme, le bouddhisme, le
confucianisme, le shintoïsme (religions orientales), le vaudou, le fétichisme, le culte des
ancêtres, l’animisme, le christianisme...
Ainsi, si l’on veut maîtriser les mystères de l'Afrique, il s’impose d'appréhender son
domaine religieux car il imprègne profondément la mentalité et le quotidien des africains.
À cet égard, il importe d’affirmer qu’en Côte d’ivoire, avant et pendant la colonisation, les
indigènes ont toujours pratiqué le fétichisme, le culte des ancêtres, l’animisme.
L’animisme prête une âme à tout ce qui nous entoure (êtres vivants, objets,
phénomènes naturels) et le fétichisme est le culte des objets auxquels on attribue un
pouvoir magique'4^. Grâce à l'esprit qu'il contient, l'objet a une force magique et agit
comme un charme pour protéger, rendre invisible, détourner les balles ou les coups ou,
• « • 147
au contraire, pour envoûter, nuire ou tuer .
Dans ce contexte, les féticheurs, les gardiens de la tradition étaient des personnes
redoutables car ils sont dotés de pouvoirs surnaturels, magiques voire occultes. Ils inspiraient
donc la crainte et la considération, puisqu’ ils étaient une source indispensable de ferveur et
de protection mystique sous la forme de charmes et d’amulettes. Ainsi, ils protégeaient les
combattants anticoloniaux des balles de l’adversaire, les rendaient invisibles au besoin...
Pendant les résistances à la conquête coloniale, ils employaient leur influence et leur
pouvoir occulte pour galvaniser les résistants. Un exemple palpable a été vécu par un
capitaine Quiquandon de la troupe coloniale au Mali, précisément dans le village de Kinian.
Ce dernier, à la tête d’une colonne de militaire, a organisé une attaque contre ce village. Celle-
ci s’interrompit brusquement quand Kourouma, le faama (chef) de Kinian, apparut dans une
brèche de la muraille entourant le village afin d’encourager ses soldats .
Stéphane BIGO, un certain regard sur le cheval et sur le monde, l'homme de l'Afrique Noire, 19 février
2005, P.ll.
Idem, P. 12.
Patrick ROYER, op.cit. P.42.
56
Aussi, « préparaient-ils mystiquement » les résistants indigènes à travers la
confection des amulettes, des talismans. Ils organisaient également des cérémonies occultes
pendant lesquelles les esprits entraient dans les corps des guerriers pour les doter de forces
surnaturelles et les rendre davantage courageux, déterminés à combattre la progression des
troupes coloniales. Cela se passait très souvent par le phénomène des transes, des possessions
et de serments mystiques.
Ainsi, Chez les Baoulés et Agnis, il y avait une catégorie de féticheurs que l’on
appelle les kômians (des femmes en général). Ceux-ci manifestaient leurs pouvoirs occultes
en tombant en transe. Que signifie le mot Kômian ? Un premier registre renvoie au concept
anyimunzuo, « malchance » ou « malheur » ; l’expression wôyemunzuo, littéralement signifie :
« il enlève la malchance », désigne l’activité divinatoire du Kômian ; elle comporte l’idée
d’écarter le malheur de la personne qui vient consulter'En bref, le Kômian procure la
Au nord, les dignitaires musulmans que l’on appelle très souvent les marabouts
représentaient une source indéniable de protection occulte des résistants sous la forme de
charmes et amulettes. Ces différentes protections mystiques aguerrissaient les résistants sur
les champs de combat et leur procuraient une foi inébranlable et une détermination sans
pareille pour lutter contre la pénétration française.
Au niveau des serment mystiques, un exemple nous est fourni en AOF précisément au
Burkina Faso par Patrick ROYER en ces termes : « A la fin de la saison des pluies de l'année
1915, les représentants d’une ligue d’une douzaine de villages de la boucle de la Volta
(Burkina-Faso) se rassemblèrent autour de l'autel du culte de la terre du village de Bona, où
ils prêtèrent serment de prendre les armes contre le pouvoir colonial et de ne les déposer
qu 'après son départ définitif. Ainsi débuta l’une des dernières et des plus meurtrières guerres
coloniales de l’Afrique de F Ouest. Après avoir mis en déroute les premières expéditions
punitives, les combattants anticoloniaux repoussèrent, en décembre 1915, une colonne
militaire qui comprenait des bataillons provenant de différentes colonies de l’Afrique
occidentale française (AOF) renforcée par une unité d’artillerie
Véronique DUCHESME, corps et oracle, la transe divinatoire du Kômian (Côte d'ivoire), in familiarité avec
les Dieux : transe et possession (Afrique Noire, Madagascar, la réunion), collection Anthropologie, presses
universitaires Biaise Pascal, Clermont-Ferrand (France), 2001, P. 309.
Patrick ROYER, op.cit, P.35.
57
Ainsi, à l’instar de cet exemple édifiant, les combattants anticoloniaux en Côte
d’ivoire ont eu de la ténacité à résister grâce aux serments mystiques. Dans ce contexte, les
féticheurs contrariaient efficacement l’installation du colonisateur sur le territoire ivoirien par
le procédé des serments occultes.
Pour renchérir, Florence BERNAULT affirme: «De 1890 à 1930, les fonctionnaires
français définirent par contraste le fétichisme comme le soubassement culturaliste et obscur
de l’autorité des hommes qui résistaient à l’avancée coloniale, et comme la marque de leur
tyrannie Les féticheurs auraient une grande influence sur les populations (1913) ; d’où
l’importance d’éloigner de telles personnalités dont le pouvoir « occulte » ne pouvait cesser
de s’exercer même après défaite formelle, et dont les rapports officiels soulignent la nature
barbare et « cruellement révoltante », surgie de la pratique de sacrifices humains et de
meurtres rituels. Dans la langue politique et administrative coloniale, le fétichisme fut donc
conçu comme la marque de l’illégitimité de l’autre à commander/obéir. Dans ce contexte,
les féticheurs étaient considérés par le colonisateur comme des redoutables opposants à
l’implantation de l’ordre colonial et ils étaient une source de galvanisation des combattants
anticoloniaux, d’où la nécessité de les neutraliser par le biais de la prison afin de fragiliser
l’ardeur offensive des résistants indigènes.
C’est donc à juste titre que le pouvoir colonial a appliqué l’internement à ces meneurs
redoutables que sont les féticheurs appelés aussi « sorciers guérisseurs » en vue de les
neutraliser et les faire disparaître de l’espace colonial. Par ce fait, le pouvoir colonial
fragilisait la ferveur combative voire la détermination physique des résistants indigènes,
puisqu’il n’y a plus de guide mystique pour les affermir spirituellement et les galvaniser
physiquement. C’est ainsi que Terence RANGER affirme que : « Les tenants du
colonialisme mirent l ’accent sur le caractère irrationnel et désespéré de la résistance armée,
prétendant qu’elle était souvent le résultat de la superstition et que les populations, par
ailleurs satisfaites d’accepter la domination coloniale, avaient été travaillées par les sorciers
, . 153
guérisseurs ».
En définitive, bien que « travaillés mystiquement » par les fétieheurs, les combattants
indigènes n’ont pas pu vaincre les troupes coloniales. Nous pensons que cela est dû
*5’ Florence BERNAULT, de la modernité comme impuissance. Fétichisme et crise du politique en Afrique
équatoriale et ailleurs, in Cahiers d’études africaines 2009/3 (n° 195), éditions de l’EHESS, (pp 747-774),
P.768.
‘52 Ibidem.
'55 Terence O. RANGER, op.cit. P.70.
58
principalement à la capture et à l’internement des féticheurs, principaux générateurs de la
ténacité et de la ferveur mystique des combattants anticoloniaux. Notons que cette capture
était faite suite à des trahisons de la part de certains fidèles des féticheurs. Ainsi, selon Patrick
ROYER : « Les barrières d'ordre mystique brisées par la trahison étaient une explication
populaire pour la chute de centres militaires importants^».
À la lumière de ce qui précède, il faut retenir que les meneurs des résistances à la
pénétration française sur le territoire ivoirien, en l’occurrence les chefs de guerre et les
féticheurs étaient pendant les guerres de conquête arrêtés et emprisonnés. Cette manière de
procéder était une stratégie bien peaufinée du colonisateur à l’effet de juguler plus facilement
les différentes formes de résistances coloniales et de soumettre les combattants farouches
(chefs de guerre et féticheurs) à l’autorité coloniale. A cet égard, la prison apparaît comme un
lieu de discipline des résistants à la conquête coloniale.
59
SECTION II :
Comme nous l’avons déjà évoqué, la prison a été importée sur le territoire ivoirien
pendant la colonisation pour servir d’instrument de répression, de domination. Elle a été
fréquemment employée par le pouvoir colonial pendant la conquête pour réprimer les
combattants anticoloniaux. À cet égard, la peine d’emprisonnement a été utilisée de façon
récurrente pendant cette époque. En effet, la prison « colonise l’espace pénal ivoirien à
partir de la conquête coloniale.
La prison est introduite par les nouvelles autorités dans les comptoirs puis, au moment
de la conquête, hors de l’influence des théories pénales des XVIlF et XIX^ siècles.’^^Le
maillage carcéral suit les mouvements de conquêtes. La prison est alors utilisée pour
l’enfermement des prisonniers de guerre et des chefs rebelles, mais aussi pour s’assurer du
contrôle social sur les nouveaux territoires . La sanction de la peine privative de liberté a été
donc utilisée à l’encontre des indigènes téméraires qui s’opposent à la pénétration coloniale
notamment les meneurs des résistances.
Les meneurs des résistances en l’occurrence les chefs de guerre, les féticheurs,
considérés comme des opposants redoutables et farouches seront emprisonnés au fil de la
conquête. C’était donc une stratégie mise en œuvre par la puissance colonisatrice pour briser
et vaincre les mouvements de résistance à la conquête. Au fur et à mesure de la conquête
territoriale intérieure, le pouvoir colonial érige des postes militaires pour assurer sa présence ;
une geôle construite dans l’urgence est le plus souvent associée à cette nouvelle
implantation’.
Dans les villes coloniales, les fonctions répressives se trouvent fortement liées à la
nouvelle domination, et parmi les symboles du pouvoir figurent toujours la caserne et la
’^^Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, « crime et châtiment » aux colonies : poursuivre, juger et sanctionner au
Dahomey de 1894 à 1945, thèse de Doctorat de l’Université de Toulouse, présentée et soutenue le jeudi 07
novembre 2013, P. 184.
’^Idem, P. 185.
'5’ldem, P. 187.
'^^Babacar B A, l’enfermement pénal au Sénégal : 1790-1960. Histoire de la punition pénitentiaire coloniale.
Thèse de Doctorat d’Histoire, Université Cheikh AntaDiop, Dakar , présentée et soutenue en 2005, P. 18.
60
prison coupléesÀ cet égard, la prison a été un lieu pour discipliner les opposants à la
conquête coloniale afin de les assujettir à l’ordre colonial (§1). Ce procédé a été un moyen
pour le colonisateur d’affirmer sa suprématie dans l’espace colonial (B).
’^’Odile Georg, « urbanisme colonial et prisons en Afrique : quelques éléments de réflexion à propos de Conakry
et de Freetown de 1903 à I960 »in Florence BERNAULT (dir) « enfermement, prison et châtiments en Afrique
du 19^ siècle à nos jours, Paris, Karthala, 1999, P. 163-164.
""^Audrey KIEFER, Michel FOUCAULT : le G.I.P., l’histoire et l’action, (vrinemetpr édition et date), P. 21.
Auriane DAMEZ, mémoire de master 2 droit pénal et sciences pénales, thème : criminalité et prison,
université paris II panthéon-Assas, 2009-2010,P.9.
61
A- La modification du comportement d’hostilité à l’égard du
pouvoir colonial
Notons que les indigènes étaient considérés comme des peuples « sauvages et primitifs ».
Pour renchérir, Frantz FANON affirme : « Le langage du colon, quand il parle du colonisé,
est un langage zoologique. On fait allusion aux mouvements de reptation du Jaune, aux
émanations de la ville indigène, aux hordes, à la puanteur, aux pullulements, aux
grouillements, aux gesticulations. Le colon, quand il veut bien décrire et trouver le mot juste,
se réfère constamment au bestiaire ».*^2
Ainsi, le colonisateur a dénié la nature humaine aux indigènes. Il les traitaient comme
des animaux féroces qu’il se devait de dompter voire domestiquer. Il les considéraient comme
62
des bêtes féroces qui devraient être éduquées à l’image des animaux de cirque. Cet état de fait
a justifié une violence inouïe pendant les guerres de conquête car la finalité principale du
pouvoir colonial était de soumettre par tous les moyens les résistants à l’ordre colonial.
Raphaël GRANVAUD nous en donne une illustration : « On continue de pratiquer les
décapitations ou la confection de chapelets d'oreilles pour attester que l’on n’a pas gaspillé
en vain ses munitions^Le massacre et la terreur n’ont jamais cessé d’être utilisés pour
réprimer l'insubordination des colonisés, mais ils ne constituent pas les seuls instruments de
domination.
La prison à cette époque avait donc pour finalité de modifier ces caractères dits
primitifs et sauvages. Elle avait à cet égard une mission disciplinaire consistant à soumettre
les combattants anticoloniaux à l’ordre colonial. La discipline des résistants indigènes était
donc l’une des priorités du colonisateur.
Par ailleurs, notons que les farouches rebelles à l’occupation coloniale étaient
principalement les meneurs des résistances notamment les chefs de guerre et les féticheurs.
Dans l’optique de les neutraliser, le pouvoir colonial a appliqué à leur encontre l’internement
voire la déportation. Cette méthode permettait au pouvoir colonial d’éloigner ces meneurs de
l’espace colonial afin d’affaiblir et de vaincre leurs troupes. L’enfermement colonial
permettait aux autorités coloniales de soumettre ces meneurs. Par voie de conséquence, les
résistants indigènes n’avaient pas d’autre choix que de s’assujettir à la souveraineté coloniale.
63
d’amélioration du comportement du rebelle indigène à l’égard du pouvoir colonial. Beaucoup,
leur peine subie, intégralement ou partiellement, sont revenus dans leurs pays d’origine et de
l’interrogatoire qu’ils ont subi, résulte l’impression que cet exil avait modifié leurs sentiments
primitifs.
Les conditions de vie dans les prisons sont très dures, voire inhumaines pour les
indigènes. La privation d’air, de soleil, de lumière, d’espace, le confinement entre quatre murs
étroits, la promenade sous des grillages, la promiscuité avec des compagnons non désirés dans
des conditions humiliantes, Ce sont là des preuves physiques qui agressent le corps, le
détériorent lentement’^^.
Les prisons de la colonie ont souvent été décrites par les autorités
pénitentiaires elles-mêmes, comme des endroits « malpropres et mal aérés », un espace
170
exigu et insalubre où l'hygiène des locaux et des corps se dégrade aisément .
En résumé, les prisons coloniales étaient caractérisées par les faits suivants : des
bâtiments inadaptés et surpeuplés créant des conditions de logement déplorables, des
problèmes d’eau et d’assainissement, ration alimentaire insuffisante, inexistence quasi-totale
des soins de santé. Tous ces faits créent des chocs psychologiques chez les détenus et
affectent considérablement leur personnalité...
64
contraints de s’amadouer et se soumettre aux autorités coloniales, de peur d’y retourner et de
subir les mêmes affres. La prison coloniale modifie ainsi profondément les caractères
belliqueux voire primitifs des résistants. Ils n’auront d’autre désir voire volonté que de se
soumettre à l’ordre public colonial.
La colonisation implique au contraire l’imposition d’un ordre nouveau par une minorité
étrangère à une majorité autochtone. Il est donc du devoir des autorités coloniales d’amener
la population colonisée à se soumettre à cet ordre. Pour y parvenir, le pouvoir colonial va faire
recours à la prison. Bien avant. Il importe de relever que dans l’Afrique précoloniale, et
surtout en Côte d’ivoire, il y avait des modes de sanction totalement différents de la prison.
Les ivoiriens avaient de ce fait des peines spécifiques pour instaurer un ordre social paisible.
Dans ce contexte, Bernard HOLAS affirme que : « L'homicide par imprudence était
sanctionné par une indemnité à la famille de la victime, se montrant généralement à quatre
vaches et à un bannissement de quatre années ; le meurtre était sanctionné par une indemnité
à la famille du défunt (prix du sang) et par un bannissement du « pays dernière
sanction correspondait en quelque sorte à la mort sociale du condamné, elle constituait en fait,
selon la coutume l’un des châtiments suprêmes de la communauté.
Un coupable expulsé du sein de son tougba était jadis assimilé aux dires des anciens
qui ont effectivement de pareils cas, à une personne inexistante, que l’on ne voyait pas, et qui,
de ce fait, ne pouvait prendre part à aucune activité de la vie quotidienne, ni manger, ni parler
à ses proches. La censure sociale était sur ce point d’une rigueur totale, afin d’éviter que
même les membres les plus intimes du milieu familial du proscrit ne puissent, d’une manière
ou d’une autre, adoucir éventuellement son sort.'^"*
Dans le même ordre d’idées, à l’occasion d’un congrès organisé par la société suisse
de droit pénal en 2006, le juriste KOFFI A. Afandé, juge au tribunal pénal international pour
*’* Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, « crime et châtiment » aux colonies : poursuivre, juger et sanctionner au
Dahomey de 1894 à 1945, op.cit.P.63.
Bernard HOLAS, Traditions Krou, éditions Fernand Nathan, 10 avril 1980, poitiers/luguge, P. 102.
Idem, P. 103.
'^''Bernard HOLAS, Traditions Krou, op.cit. P. 102.
65
le rwanda a exposé les problèmes de la justice africaine concernant la conception
traditionnelle de la sanction et celle héritée du colonialisme.
Il évoque que dans l’abstrait négro-africain, les mesures décidées suite à des actes
relèvent d’une philosophie de l’ordre cosmogonique social, selon laquelle les sociétés sont
nées du chaos et que le désordre, ou, si l’on préfère, la diversité permet de s’adapter aux
contraintes sociales.
Dans son exposé, il affirme que : « dans la conception précoloniale, la sanction est
mystico religieuse si elle est consécutive à une marginalité touchant une valeur « sacrée»
telle que la vie humaine, animales, végétale et minérale car les objets inanimés sont aussi
1 76
censés avoir une âme » .
En matière pénale, chez nombreux peuples ivoiriens, l’ancien droit coutumier reposait
sur l’ordalie. Si elle était couramment utilisée par ces peuples, il n’en demeure pas moins que
les éléments matériels constitutifs de cette technique pénale se distinguaient d’un peuple à un
autre. A la différence de la société baoulé qui recourt à « Veau du cadavre » dans la recherche
des preuves, les Bété emploieront le ghopô, feuilles toxiques broyées dans une eau pure
« recueillie très tôt le matin », qu’absorbera le prévenu.
Chez les kroumens, il y avait l’épreuve par le bois rouge, autrement dit l’épreuve par le
poison. En effet, ce bois rouge contenait un venin mortel, il est pilé, mis dans l’eau, il devient
mousseux et on le donne au coupable pour qu’il le boive. Le conseil des anciens composant le
tribunal villageois désigne un représentant, homme de confiance, qui se rend alors dans la
forêt, à l’endroit où pousse l’arbre fournisseur d’écorce. Arrivé près du tronc de
l’erythrophleum choisi (arbre au bois rouge), le délégué prononce d’abord les salutations
d’usage à l’adresse de l’entité justicière qui l’habite et lui explique les raisons qui l’amènent à
lui demander son concours’^^. Tout cela se fait très souvent en présence de l’inculpé.
66
justes voire divines. Elles s’imposaient à cet égard à toute la communauté. Ainsi, on avait le
lynchage, la mise aux fers, la lapidation, l’isolement ou la mise en quarantaine, le
bannissement, la peine de mort au pire des cas.
Par ailleurs, le colonisateur va jeter l’anathème contre ces formes de sanction qui sont
incompatibles aux mœurs de la civilisation européenne. Il va les rejeter et instituer une
nouvelle forme de sanction qu’est l’emprisonnement. Il considérait les peines traditionnelles
trop brutales et fétichistes. Il va les remplacer en instituant des peines plus sévères d’exclusion
sociales (déportation, l’emprisonnement) méconnues des peuples autochtones qui ont toujours
exécuté leurs peines en milieu ouvert.
C’est une nouvelle institution pénale sur l’espace colonial qui traumatise les
autochtones. Si bien que les populations Akan (Baoulé et Agni) et Gouro appellent la prison
respectivement : bisoa (bi=exécrât, merde ; soa=maison, hutte) et bookon (exécrât, merde ;
kon=maison, case, habitat) ; c’est-à-dire lieu de défécation. De même, elle était qualifiée
par les Dahoméens de « boîte » selon Bénédicte BRUNET LARUCHE à cause des conditions
de détention inhumaines. Elle suscitait, de fait, peur et rejet ; aucun indigène ne voulait s’y
aventurer.
Le détenu est enfermé dans un monde clos, totalement restrictif, il est en marge de la
société, 11 n’en fait plus partie . Alors que le noir, de façon générale, habitué à vivre en
communauté, ne supporte pas ce genre de situation. Le pouvoir colonial va profiter de cette
psychose que crée la prison dans l’esprit des indigènes pour faire d’elle un instrument de
soumission à l’ordre colonial. Elle sera donc utilisée principalement contre les résistants à
l’occupation du territoire ivoirien par la puissance colonisatrice.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les institutions coloniales de l’Afrique occidentale française, op.cit. P. 195.
'""ibidem.
'"'séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique occidentale française, op.cit. P.216.
'"^Idem, P. 223.
67
rendirent coupables divers groupements des cercles du N’ZI Comoé, des lagunes et du
Baoulé, qui nous connaissaient bien, avaient pu apprécier les bienfaits de notre occupation,
s ’étaient déjà soumis à notre autorité ».
L’enfermement des résistants à la conquête coloniale a été une stratégie des autorités
coloniales pour soumettre ceux-ci. Un certain nombre furent l’objet de mesures de clémence,
motivées soit par leur bonne conduite soit par l’attitude devenue irréprochable des
groupements auxquels ils appartenaient .
La prison coloniale a dénaturé ainsi les caractères primitifs des résistants. Selon le
gouverneur Gabriel ANGOULVANT, les résistants, une fois sortis de prison, tous protestaient
de vivre désormais en bons termes avec eux. Dès lors, la prison modifie profondément la
personnalité, l’identité des indigènes qui refusaient de se soumettre à l’autorité coloniale. Un
exemple édifiant, bien qu’il soit une fiction, nous est fourni dans l’ouvrage la carte d’identité
de Jean-Marie ADIAFFI.
Dans La Carte d’identité, le prince de Bettié subit autant dans sa chair que dans son
esprit, la négation de son identité par le commandant Kakatika. Pour avoir remis en cause le
discours arrogant du premier responsable du cercle colonial de Bettié, Mélédouman est
torturé atrocement. Il est ensuite détenu pendant une semaine à la « la cellule de vérité »dans
des conditions terribles.
68
décrit comme « un cadavre ambulant ». À ce traumatisme physique s’ajoute un désarroi
Ainsi à l’image de Mélédouman, la majorité des résistants en prison ont subi les
mêmes souffrances dans les prisons coloniales. Excepté ceux qui sont morts, la majorité
d’entre eux sortiront de ces prisons contraints de se soumettre et de se conformer à l’ordre
colonial. Cela consacre par les faits une reconnaissance de la souveraineté française et une
suprématie indéniable de la puissance colonisatrice.
Une société se juge aussi à la façon dont elle réagit à l’égard de ceux qui la
défient. Toute société est donc à l’image de son système répressif. Ainsi dans les sociétés
primitives, le mode de répression était basé sur la vengeance privée, la loi du talion, la
lapidation, le bannissement, la peine de mort, le lynchage public, etc.
De nos jours, avec l’évolution du degré de civilisation, la sanction pénale a pour finalité
l’amendement et la resocialisation du délinquant. Par contre, pendant la colonisation voire
dans les sociétés coloniales, l’objectif de la sanction pénale est l’affirmation de la suprématie
de la puissance colonisatrice sur l’espace colonial et sur la population colonisée.
L’installation des prisons dans les colonies ne s’appuie pas, en effet, sur un souci de
surveillance absolue, encore moins d’amendement du délinquant, mais sur la volonté de
69
dominer les nouveaux territoires et d’employer leurs populations.’^^La prison coloniale a donc
La soumission des résistants par le biais de la prison a été un facteur qui a permis au
pouvoir colonial d’établir son autorité exclusive au sein de la colonie (A). Ainsi, le pouvoir
colonial a pu librement exercer ses prérogatives pour la construction de l’empire colonial (B).
Dans ce contexte, le général GALLIÉNI affirme: « L'action politique tire sa plus grande
force de la connaissance du pays et de ses habitants : c 'est à ce but que doivent tendre les
premiers efforts de tout commandement territorial. C ’est l'étude des races qui occupent une
région qui détermine l’organisation politique à lui donner, les moyens à employer pour sa
Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, « crime et châtiment » aux colonies : poursuivre, juger et sanctionner au
Dahomey de 1894 à 1945, op.cit. P. 186.
'’^Florence BERNAULT, op.cit. P37.
70
pacification. Un officier qui a réussi à dresser une carte ethnographique suffisamment exacte
du territoire qu'il commande est bien près d’en avoir la pacification complète, suivie bientôt
de l'organisation qui lui conviendra le mieux. »
Ainsi, dirigée par un gouverneur, la colonie de Côte d’ivoire fut subdivisée en diverses
circonscriptions : les cercles, les subdivisions, les cantons et les villages. Le 12 juin 1903, la
Côte d’ivoire est divisée en 10 cercle :kong, Bondoukou, Indénié, Assinie, Bassam, les
lagunes, baoulé, lahou, Sassandra, Cavally.’^®
Par ailleurs, il faut relever que pour le peuple colonisé, la valeur la plus essentielle,
parce que la plus concrète, c’est d’abord la terre : la terre qui doit assurer le pain et, bien sûr,
la dignité.’^’Elle renferme pour les communautés traditionnelles indigènes, le domaine du
sacré c’est-à-dire un lien avec les ancêtres et le domaine des vivants. Pour renchérir, NENE
BI BOTI Séraphin affirme : « Cette dualité est telle que, pour ces communautés, quiconque
perd la terre, perd la double existence ».’^^ À cet égard, ces communautés vont user de tous
71
de quadriller l’espace colonial et de dompter les indigènes qui s’opposent à la politique
coloniale.
Ainsi, la privation de liberté comme mode de répression à l’encontre des tribus hostiles
était un moyen de l’implantation de l’autorité coloniale. La prison permettait, dans cette
logique, de débarrasser la colonie de tous les réfractaires à l’ordre colonial par le mécanisme
de la déportation. Elle avait donc pour mission d’établir l’autorité du colonisateur au sein de
l’espace colonial. Il faut également noter que l’enfermement des résistants à la conquête
coloniale avait une influence négative sur leur personnalité après avoir purgé leur peine. Cet
état de fait est consécutif aux conditions de détention pénibles et aux contraintes de
l’emprisonnement colonial. La prison coloniale avait donc pour finalité de modifier les
comportements hostiles au pouvoir colonial.
1 Q'I
La population détenue est en situation d’assujettissement total et permanent. Ainsi, la
politique répressive du colonisateur pendant la conquête coloniale par le biais de
l’incarcération avait pour objectif de soumettre les résistants au pouvoir colonial.
influent considérablement sur le comportement des prisonniers de façon générale. Il peut donc
y avoir un amendement de comportement ou une accentuation de la tendance à la
délinquance.
72
Comme nous l’avons évoqué, pendant la colonisation, la prison, dans de telles
conditions, avait pour finalité d’influer sur le comportement des indigènes en les contraignant
à reconnaître et à accepter la souveraineté du pouvoir colonial . Dans ce contexte, Florence
BERNAULT affirme : « Les colonies ne furent jamais soumises à un grand renfermement.
Elles ne furent jamais dotées de la panoplie complète des architectures et des Institutions du
carcéral »’^^.Ces architectures carcérales étaient, pour la plupart, des bâtiments inadaptés à
La prison, dans la stratégie coloniale, n’est donc pas axée sur l’amendement et la
resocialisation de l’indigène, elle avait pour rôle de participer à l’établissement de l’autorité
coloniale. L’instauration de cette autorité permettait beaucoup plus facilement au pouvoir
colonial d’exercer librement ses visées coloniales.
73
cas encore, ne ruiner que pour mieux bâtir. Toujours, nous devons ménager le pays et ses
habitants, puisque celui-là est destiné à recevoir nos entreprises de colonisation futures, et
que ceux-ci seront nos principaux agents et collaborateurs pour mener à bien ces entreprises.
Chaque fois que les incidents de guerre obligent l'un de nos officiers coloniaux à agir conte
un village ou un centre habité, il ne doit pas perdre de vue que son premier soin, la
soumission des habitants obtenue, sera de reconstruire le village, d'y créer immédiatement un
marché et d'y établir une école. Il doit donc éviter avec le plus grand soin toute destruction
inutile » (in journal officiel de Madagascar, 2 mai 1898)’^^. Selon le général GALLIÉNI, deux
actions sous-tendent toute conquête coloniale comme nous l’avons déjà évoqué, il s’agit en
l’occurrence de l’action politique et l’action de force.
L’action de force est donc caractérisée principalement par l’implication active des
troupes coloniales : C’est la période des guerres coloniales. Les guerres coloniales consistent
en une violence militaire menée à une échelle et avec d’autres règles que lors des guerres
entre européens ; une violence dirigée contre les populations civiles, et non simplement contre
les forces armées adverses.
Il faut relever, de toute évidenee, que c’est pendant les guerres de conquête coloniale
que la prison a fait son incursion dans l’espace colonial. Ainsi, les premières prisons étaient
essentiellement des postes militaires. Elles avaient pour finalité d’enfermer et de neutraliser
les résistants farouches à la conquête coloniale. Ces résistants étaient des entraves majeures à
la liberté d’action du pouvoir colonial. II était donc opportun pour le colonisateur de juguler
les différents mouvements de résistance en ayant recours à l’incarcération.
74
L’action politique, quant à elle, a consisté en l’organisation administrative, territoriale,
financière, judiciaire de la colonie. Elle se résumait également à mettre en œuvre les jalons de
l’idéologie coloniale de la métropole. Il fallait instaurer une certaine accalmie dans la colonie
et mettre en place les jalons de la politique coloniale. Dans cette logique, la puissance
colonisatrice a laissé la gestion de la majorité de ces colonies à des militaires.
Raphaël GRANVAUD abonde dans le même sens en affirmant que : « Les territoires
conquis et occupés sont d’abord gouvernés et administrés par des officiers militaires hauts
gradés, ayant sous leurs ordres une hiérarchie de commandants de subdivisions et de
cercles^^^ ». Les militaires sont à la tête de la colonie pendant la phase de la conquête
Les régions administrées constituent alors des points d’appui successifs pour parvenir à
la conquête militaire de la totalité du territoire. L’occupation du terrain doit s’appuyer sur la
mise en place d’infrastructures organisant le commerce, la vie des populations et permettant
leur contrôle^^^.
“°°Idem, P. 15.
2°‘RaphaeI GRANVAUD, op.cit. P. 16.
^“^Ibidem.
75
La phase militaire et la phase politique ont eu donc lieu simultanément. Le pouvoir
colonial s’était établi par la force des baïonnettes et c’était par elle qu’il se maintenait. Dans
ce contexte, l’action politique évoquée par le général Galliéni englobe l’aspect économique.
76
CHAPITREIl:
favoriser l’expansion coloniale dans le but d’accroître les richesses de la France. Il avait
compris surtout que la supériorité économique était le seul moyen d’arriver à cette
prééminence tant recherchée et que supériorité économique est synonyme de suprématie .
La politique coloniale doit surtout être commerciale ; au début, il est quelque fois
nécessaire de conquérir, il faut coloniser le plus vite possible, c’est-à-dire faire du
commerce^^^. Dans cette optique, la constitution d’un vaste empire colonial s’imposait à la
France pour accroître ses richesses et redorer son blason sur la scène internationale.
Pour y parvenir, la France a octroyé à la prison des missions économiques qui vont se
manifester par la mise en valeur de la colonie (section I), puis par l’enrichissement de la
puissance colonisatrice (section II).
2°'’ E. BENOIT DE REY, Recherches sur la politique coloniale de Colbert, A. Pedone, Editeur, Paris, 1902,
P. 39.
Colbert, Jean-Baptiste (1619-1683), homme politique français, responsable des Finances sous le règne de
Louis XIV, promoteur du mercantilisme.
E. BENOIT DE REY, op.cit. P. 40.
2°’ldem, P.41.
77
SECTION I :
78
§1 : La contribution des prisons à l’autofinancement de la colonie
Parmi ces ressources, l’impôt occupait une place privilégiée, car il était une source de
financement rentable de la colonie. La perception de l’impôt était de ce fait imposée à tous
les indigènes sans exception. Tout réfractaire au paiement de l’impôt était passible d’une
peine d’emprisonnement(A) et d’une peine d’amende. Ainsi, le paiement des amendes
consécutives à l’emprisonnement était également une source de renflouement des caisses de la
colonie (B).
79
L’impôt, de façon générale, est un prélèvement opéré au profit de la puissance
publique sur les particuliers en fonction de leurs facultés contributives (les revenus et les
biens). Les méthodes de perception de l’impôt diffèrent depuis les époques révolues jusqu’à
nos jours. Des sociétés antiques aux sociétés modernes, divers prélèvements obligatoires sont
91 1
opérés sur les personnes à raison, soit de leurs activités, soit de leurs biens.
Ainsi, au Moyen Âge, les impôts étaient payés en heures de travail ou en nature (travaux
de voirie, approvisionnements en grain ou autres produits agricoles). Aussi longtemps que les
services offerts par la puissance publique ont consisté en une garantie contre les agressions
extérieures et dans la construction d’infrastructures pour faciliter les communications,
l’imposition en nature a permis de satisfaire la plupart des besoins de l’Etat, qui pouvait se
procurer de la main-d’œuvre en demandant à chaque seigneur de fournir un nombre de
travailleurs ou de soldats correspondant à son rang ou à son état et de prélever une partie des
récoltes des propriétaires.
De nos jours, bien que les impôts soient perçus sous forme monétaire, les principes
fondamentaux demeurent : l’Etat détermine l’assiette de l’impôt (telle que le montant du
revenu, la valeur de la propriété mobilière ou immobilière) à laquelle il applique un barème
ou taux, et procède au recouvrement de l’impôt (égal à l’assiette multipliée par le barème
applicable) auprès de celui qui paie l’impôt, le contribuable. Les impôts financent donc le
budget de l’Etat par l’intermédiaire des impôts indirects tels que la taxe sur la valeur ajoutée
(TVA), et des impôts directs tels que l’impôt sur le revenu.
Dans ce contexte, les impôts peuvent servir à développer une économie équilibrée en
stimulant ou en réduisant certaines formes d’activités économiques, ou bien à favoriser la
justice sociale en assurant la répartition de la richesse nationale en finançant, par exemple.
2*’ Félix SOHUILY ACKA, Droit Fiscal, les éditions ABC, collection « comment réussir » 4® édition 2008, P.
4.
Microsoft encarta, op.cit.
80
certains régimes de solidarité ou en supportant la charge financière que représentent les
minima sociaux.
Dans cette perspective, elles ont élaboré plusieurs types d’impôts. On avait d’emblée
l’impôt de capitation. À ce titre, il faut noter que c’est l’arrêté du 4 mai 1901 qui a établi cet
impôt sur les indigènes de la Côte d’ivoire. Il est une contribution .due par chaque habitant
indigène, homme, femme et enfant âgé de plus de 10 ans et primitivement fixé à 2,50 francs
par an. L’article 4 de cet arrêté prévoyait que « l’or, l’ivoire, le caoutchouc ou tout autre
produit du cru de la colonie ayant un écoulement facile dans le commerce, pourront être
toutefois acceptés ; leur valeur sera fixée par une mercuriale... ») .
Ensuite, il y avait l’impôt physique (une sorte de travail forcé qui consistait en des
prestations, corvées, réquisitions obligatoires) et en fin de compte, les impôts réels constitués
des taxes sur les biens et services. Ainsi, l’Administration coloniale taxera le commerce,
lèvera des droits de douane sur les produits manufacturés d’importation : alcools, tissus,
armes à feu et outils...
81
d’insoumission^*'^. L’Administration coloniale aura donc recours à la contrainte pour
2’'’ Pierre KIPRÉ, la Côte d’ivoire coloniale dans Mémoire de la Côte d’ivoire, tome II, 1987 Edition Ami
Abidjan, P. 52.
René Pierre ANOUMA, aux origines de la nation ivoirienne : conquêtes coloniales et aménagements
territoriaux 1893-1920, op.cit. P. 73.
2'^ Walter RODNEY, l’économie coloniale, in Histoire générale de l’Afrique (l’Afrique sous domination
coloniale : 1800-1935), publié par l’UNESCO 1987, 2000, 2010, Paris, P. 355.
2'2 SEMI BI ZAN, la politique coloniale des travaux publics en Côte d’ivoire (1900-1940), Thèse de 3® cycle en
Histoire, université de Paris Diderot (Paris 7), 1973, P. 137.
82
Dans les circonscriptions rurales, les chefs de village et de canton étaient chargés de
percevoir l’impôt auprès de leurs administrés. Ceux-ci, en cas de non-paiement de l’impôt par
leurs villages, étaient arrêtés, emprisonnés ou retenus comme otages jusqu’à ce que les
absents ou les retardataires vinssent soit se constituer prisonniers, soit se libérer de leur
contribution. En revanche, dans les circonscriptions urbaines, les autorités coloniales ou
leurs représentants s’attelaient à percevoir l’impôt auprès des citadins.
En définitive, nous pouvons noter que la prison a été un moyen efficace utilisé par le
pouvoir colonial pour contraindre les populations indigènes à se soumettre au paiement de
l’impôt. L’enfermement était à cet effet un moyen d’intimidation fort efficace pour
contraindre les indigènes à payer l’impôt afin de renflouer les caisses de la colonie de Côte d’
Ivoire. La prison coloniale a certes servi à briser les velléités d’opposition au paiement de
l’impôt, mais il faut noter aussi qu’elle a permis également de financer le budget colonial par
le mécanisme des amendes.
De manière générale, l’amende est une pénalité pécuniaire consistant dans l’obligation
de verser au trésor public une somme d’argent déterminée par la loi (le plus souvent fixée par
le juge entre un maximum et un minimum légal)^’^.
Dans le domaine pénal, elle est une peine pécuniaire prononcée par les juridictions
répressives, qui est encourue, à titre principal, en matière contraventionnelle et qui peut l’être,
en matière criminelle, à titre complémentaire et, en matière correctionnelle, comme peine
principale, soit seule soit avec l’emprisonnement.^^^Elle est donc une pénalité pécuniaire pour
une infraction à la loi et versée au profit de l’Etat.
René Pierre ANOUMA, aux origines de la nation ivoirienne : conquêtes coloniales et aménagements
territoriaux 1893-1920, op.cit. P. 84.
Gérard CORNU, vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Quadrige /PUF, Paris 1987, P.53.
Ibidem.
83
trouver une solution à l’africaine. En cas d’échec, les affaires étaient portées en deuxième et
dernier échelon à la connaissance des autorités coloniales et elles entraient ipso facto dans le
circuit judiciaire officiel (tribunaux coloniaux).
Dès lors, les affaires qui revenaient aux administrateurs coloniaux pouvaient se
résoudre par une simple admonestation du contrevenant ou par une amende transactionnelle,
au montant imposé ou négocié selon le degré de la faute du coupable. A cet égard, les
administrateurs comme les juges coloniaux étaient aussi habilités à infliger de véritables
peines d'amende ou de prison, assorties d’une mise au travail, ainsi qu’à recourir à des
châtiments corporels. Ces amendes avaient donc essentiellement un but économique :
renflouer les caisses financières de la colonie.
Dans cette logique, elles ont institué plusieurs types d’amendes à savoir les amendes de
guerre, les amendes consécutives à l’emprisonnement pour crimes et délits, les amendes de
police (les contraventions). Les amendes de guerre ont été infligées aux différents peuples qui
ont lutté farouchement contre les troupes coloniales, en témoigne le tableau suivant :
84
Heleué des amendes de guerre.
Total 733.276
Buould-Sucl ... 180.400
Lagunes .... 397.336
M’Zi- Cotnoé . . . . ■. . 189.550
Uaoiilë-Mort! . . . . nO.KOO
733.376
Ainsi, comme le révèle ce tableau, les amendes de guerre ont rapporté la somme de
733.276 FCFA, une faramineuse somme d’argent à cette époque.
Quant aux amendes considérées comme des peines de police, elles ont été
minutieusement organisées par le code pénal de l’AOF, en témoigne ainsi l’article premier de
loi n° 54-293 du 17 mars 1958, adoptant dans les territoires d’outre-mer, au Cameroun et au
Togo les lois des 24 mai 1946, 25 septembre 1948 et 14 avril 1952 (art.7O) modifiant le taux
des amendes pénales : « dans les territoires d’outre-mer, à l’exception des établissements
français dans l’Inde, au Togo et au Cameroun, les textes en vigueur fixant ou visant des
amendes pénales sont, sous réserve des dispositions des articles 2 et suivant de la présente loi,
modifiés comme suit :
85
l°)Si l’amende est de 10 francs ou 12 à 60 francs, son taux sera de 100 à 600 francs ;
2°) Si l’amende est de 75 à 120 francs, son taux sera de 700 francs à 1200 francs ;
3°) Si l’amende est de 130 à 180 francs, son taux sera de 1300 à 1800 francs ;
4°)Si l’amende est de 200 à 1000 ou 1200 francs, son taux sera de 2000 à 12000 francs ;
5°) Si l’amende, inférieure ou égale à 1200 francs, ne rentre pas dans l’une des catégories ci-
dessus, le taux en sera multiplié par 10 ;
6°) Si l’amende est supérieure à 1200 francs, le taux en sera multiplié par 20^22
Nous pouvons également affirmer que l’institution du code de l’indigénat, a permis aux
autorités coloniales de renflouer le budget local. En effet, ce code bien qu’institué pour
instaurer et maintenir l’ordre colonial, a également servi à financer le budget colonial avec
l’application des amendes aux contrevenants de ce code. Outre cet état de fait, les autorités
coloniales, pour rendre plus efficace le paiement des amendes, ont appliqué la contrainte par
corps. Dans ce contexte, l’article 467 dispose : « la contrainte par corps lieu pour le
paiement de l'amende. Néanmoins, le condamné ne pourra être, pour cet objet, détenu plus de
223
quinze jours ».
Les amendes ont été donc des peines pécuniaires qui ont considérablement financé le
budget de la colonie eu égard à sa recrudescence comme sanction pénale. La prison est de ce
qui précède un moyen économique aux mains des autorités coloniales. Aussi, auront-elles
recours aux prisonniers pour la construction des infrastructures socio-économiques.
86
économique continuera à créer les conditions favorables à l’exploitation de la main d’œuvre à
bon marché.^^"*
Dès lors, la main d’œuvre pénale, bien qu’utilisée concomitamment avec la main
d’œuvre « civile » (travail forcé) avant la suppression du travail forcé, sera utilisée de manière
abusive par le pouvoir colonial. La coercition devient alors le biais de « l’intégration formelle
du travail dans le capital » de la mobilisation de la main d’œuvre en vue de l’exploitation des
ressources dans les colonies.^^^
Dans cette perspective, c’est l’arrêté local du 24 mai 1897 qui organisa dès le départ le
service des travaux publics de la Côte d’ivoire. Mais, cet arrêté a été abrogé par l’arrêté du
gouverneur général du 6 août 1906 réorganisant le même service. Il fallait donc à tout prix
exécuter ces travaux publics à moindre coût.
Cet arrêté a, de ce fait, posé les jalons pour la mise en valeur de la colonie de Côte
d’ivoire. Il ouvrait la voie pour « la valorisation » du territoire colonial. Pour mettre en
pratique cet arrêté, les autorités coloniales devaient avoir recours à une main d’œuvre
disponible et quasi gratuite. Cependant, il y avait une pénurie de main d’œuvre à cause de la
résistance et du refus des indigènes.
Babacar FALL, le travail forcé en AOF (1900-1945), collection (hommes et sociétés) Karthala, 1993, P.9.
225 Idem, P. 13.
87
La problématique de la main d’œuvre indigène a donc été l’une des préoccupations
des autorités coloniales pendant la phase de l’exploitation voire de la mise en valeur de la
colonie. Pour résoudre cette problématique, le pouvoir colonial a eu recours à la main
d’œuvre pénale.
La prison doit donc fournir un nombre pléthorique d’employés afin de satisfaire les
besoins de main d’œuvre pour les travaux d’utilité publique à savoir les équipements et les
infrastructures sociales.
22^ Régine N’GONO BOUNOUNGOU, la réforme du système pénitentiaire camerounais : entre héritage
colonial et traditions culturelles, thèse soutenue le 26 juin 2012, Université de Grenoble, P. 176.
Arthur. GIRAULT, in Congrès international de la sociologie coloniale, tenu à paris du 6 au 11 août 1900,
tome II, rapports et procès-verbaux des séances, Paris, Arthur ROUSSEAU, 1901, p.75 ; voir aussi le
même auteur : principes de colonisation et de législation coloniale, 2*^’"'^ partie : les colonisations françaises
depuis 1815,Tome 1, 4®"'® édition, édition, Paris, Recueil Sirey, 1922, P.516.
22^Philippe AUVERGNON et Caroline GUILLEMAIN, le travail pénitentiaire en question (une approche
juridique et comparative), mars 2005, P.5.
22’ Régine N’GONO BONOUNGOU, op.cit, P. 177.
88
coloniale, faire respecter des frontières à des peuples souvent nomades, garantir en second
lieu la rentabilité d’espaces nouvellement mis en valeur, au besoin par le travail forcé .
Dans ce contexte. L’article 1®’’ de l’arrêté du 22 janvier 1927 stipule: « le travail est
obligatoire dans les prisons de l’Afrique Occidentale Française pour tous condamnés de droit
commun, pour les condamnés de conseils de guerre qui purgent leur peine dans les prisons
administratives et pour les indigènes punis disciplinairement^.. »
A priori, cette obligation de travail dans les prisons n’est pas illégale puisque la
majorité voire la totalité des codes pénaux contemporains stipulent de façon unanime
l’obligation de travail des détenus : « les condamnés sont astreints au travail. Le travail ne
doit pas être comme un complément de la peine, mais comme moyen permettant au condamné
de préparer sa réintégration dans la société ».
Cependant, il faut noter qu’au temps colonial, la distinction entre travail pénal et corvée
obligatoire était mince. En plus, le travail était imposé aux détenus non dans leur intérêt en
vue d’une réinsertion adéquate dans la société, mais il était fait dans l’intérêt exclusif de la
colonie voire du colonisateur. La métropole avait besoin de main d’œuvre abondante pour la
mise en valeur de la colonie. Outre le fait qu’elle réquisitionnait de force la main d’œuvre
dans les villages, dans les campagnes, le travail obligatoire dans les prisons lui fournissait une
main d’œuvre suffisante.
Cette situation entrainait un enferment massif des prisonniers composés, dans la majorité
des cas, par les délinquants indigènes. Notons également qu’il y avait des délinquants
européens qui étaient incarcérés dans les prisons de la colonie, mais ils étaient mieux traités
que les détenus indigènes tant au niveau de l’alimentation que des conditions de détention. Le
pouvoir colonial était donc dans la logique de sanctionner, de punir en vue de rétablir et
maintenir l’ordre, mais aussi d’assurer sa couverture en main d’œuvre, élément capital pour la
89
réalisation des visées de l’autorité coloniale. Cette main d’œuvre pénale indigène, bien
qu’étant obligatoire, était aussi à bon marché.
Dans ce contexte, des écoles sont construites et ouvertes comme celle du lycée garçon
de Bingerville construit en 1903. Elles forment des auxiliaires du système colonial destinés à
l’Administration et aux entreprises Européennes. La scolarisation est très peu développée.
Des postes médicaux indigènes (P.M.I.) et des hôpitaux (à Abidjan, Hôpital annexe
pour les africains. Hôpital central pour les Européens) sont construits^^"^. Il s’agit de mettre en
place un système de protection sanitaire des populations qui permet surtout de fournir des
soins aux travailleurs et de diffuser l’hygiène dans les villages.
Les travaux vont consister dans la majeure des cas, à la construction des édifices
publics coloniaux (la résidence du gouverneur à Bingerville, le palais de justice de Grand-
Bassam, la mairie et l’hôpital de Grand- Bassam...).
90
B-La construction des infrastructures routières, facteur de
développement économique
Le XVIII® siècle encore appelé « le siècle des lumières » marque une étape décisive
dans l’évolution des peuples occidentaux grâce à l’éveil des consciences. Cette époque verra
l’inauguration d’une nouvelle ère, celle de la révolution industrielle marquée par une floraison
d’industries en Europe et aux USA. Le hic de la nouvelle situation est que, si l’occident
notamment l’Europe occidentale dispose désormais d’une multitude d’industries, cette partie
du globe ne dispose curieusement pas de matières premières pour leur alimentation. Quel
paradoxe ! SARRAUT A. le traduit clairement dans son ouvrage Grandeur et servitudes
coloniales publié par l’édition harmattan, collection autrement mêmes, 1931 (200 P) en ces
termes : « la nature a distribué inégalement, à travers la planète, l'abondance et les dépôts de
ces matières premières ; tandis qu 'elle a localisé dans cette extrémité continentale qui est
l'Europe, le génie inventif des races blanches, la science d'utilisation des richesses
naturelles, elle a concentré les plus vastes réservoirs de ces matières dans les Afriques, les
Asies tropicales, les océanies équatoriales vers lesquelles le besoin de vivre et de créer
jettera l'élan des pays civilisés. L'humanité totale doit pouvoir jouir de la richesse totale
répandue sur la planète. Cette richesse est le trésor commun de l'humanité ». Partant de ce
constat, on ne peut plus clair, la colonisation va répondre à une nécessité vitale ; celle de
pourvoyeuse de matières premières indispensables au bon fonctionnement des industries
métropolitaines.
91
Dans ce contexte, après la possession politique et territoriale de la colonie de Côte
d’ivoire, le colonisateur va s’atteler à créer les conditions de l’écoulement des matières
premières de la colonie vers la métropole.
IL va mettre toute sa technologie, son savoir-faire, son ingéniosité pour créer les
infrastructures routières, facteurs de développement économique, puisque la colonie était
confrontée à un problème majeur qui est celui de la rareté voire l’inexistence des voies de
communication.
Les voies de communication notamment les routes, les ponts, les chemins de fer sont des
facteurs de développement. Ainsi, l’on a coutume d’affirmer que la route précède le
développement. Cette maxime est opportune car la route est un moyen indispensable pour
l’écoulement des matières premières et des vivres. Aussi, faudrait-il relever qu’elle permet
aux individus de se déplacer pour participer à la croissance économique du pays. Les voies de
communication sont à, cet effet, des piliers de la croissance économique d’un pays.
Alain BROU KONAN, les routes et le développement de la Côte d’ivoire (l960-1980},m revue électronique
d’histoire de Bouaké n" 4, décembre 2015, P. 108.
92
richesses qui, du fait de la rareté de ses voies d'accès et de communication ainsi que
l'insuffisance de ses moyens de transports, naissent, croissent et meurent sur place
Pour éviter de tels faits, les autorités coloniales étaient donc dans l’obligation de créer
un trafic routier, indispensable au développement économique de la colonie. Comme admis de
façon générale, les infrastructures routières sont des outillages économiques incontournables
pour la prospérité économique de toute société.
Dans cette optique, Albert BILLIARD affirme : « Le travail des condamnés peut et
doit avoir, dans les colonies, une portée économique considérable, s’il est
exclusivement affecté à des œuvres d’utilité publique ; et, par cette expression,
j'entends non seulement l'ouverture des voies de communication, le creusement et
l'amélioration des cours d'eau et des ports, mais encore le défrichement préalable des
terres offertes par l'Etat à la colonisation.
Ainsi par exemple à la prison de Grand-Bassam en 1930 sur 204 prisonniers (dont
quatre européens et assimilés), à l’exception de 21 d’entre eux qui travaillaient en permanence
93
à l’entretien du jardin administratif de Yakassé, tous les autres, sous la surveillance des gardes
de cercle, travaillaient à la propriété et à l’assainissement de la ville ainsi qu’à l’entretien de
la route de Grand-Bassam, Aboisso et « réintégrant chaque soir la prison ». Entre 1920 et
1933, de nouvelles routes sont ouvertes. A partir de 1933, on assiste à une amélioration du
réseau surtout en zone forestière Sud-Est et Est).
Les prisons vont à cet effet constituer des piliers indispensables au pouvoir colonial afin
d’obtenir de la main-d’œuvre disponible à tout instant et abondante pour moderniser le
territoire ivoirien. La population carcérale d’alors composée en majorité des indigènes a
constitué une main-d’œuvre à l’effet de mettre en valeur la colonie de Côte d’ivoire.
Le travail des prisonniers a été d’un apport appréciable et indéniable pour la création et
la réfection des infrastructures routières, socle du développement économique voire de la mise
en valeur de la colonie. C’est pourquoi la prison a été un outil particulièrement disponible et
présent dans tous les espaces sous contrôle colonial notamment au niveau des cercles, des
subdivisions, des cantons et même des villages pour employer abusivement la main d’œuvre
pénale pour l’implantation du trafic routier, indispensable pour le développement économique
de la colonie.
2” Idem, P. 136-137.
94
SECTIQNII :
leur intérêt propre auquel elles subordonnaient l’intérêt de leurs dépendances ; il y avait une
sorte d’exploitation de la colonie par la contrée mère, analogue à l’exploitation de l’enfant par
le père dans les sociétés qui ne sont pas encore très avancées dans la voie de la civilisation, de
la justice et de la liberté.^"*®
Dans cette logique, la France ne veut pas que ses colonies lui coûtent de l’argent mais
qu’elles lui en rapportent. Elle aura donc recours à la prison afin de servir ses intérêts au sein
de la colonie (§1) et pour la compétitivité de son économie (§11).
Au milieu des cadres biogéographiques dans lesquels les sociétés traditionnelles avaient
élaboré leurs genres de vie, la colonisation fit donc surgir ses propres régions, selon une
vision manichéenne de l’espace AOF : les colonies côtières, zones de production agricole à
grande échelle d’une part ; les réservoirs de main-d’œuvre situés dans les terres intérieures
d’autre part. La fonction des premières, véritables postes avancés de l’économie
métropolitaine, fut de fournir les produits agricoles nécessaires aux industries françaises.
95
Quant aux secondes, elles avaient pour vocation de fournir la main d’œuvre et le complément
des ressources alimentaires dont les régions côtières avaient besoin.^"*’
La stratégie économique du pouvoir colonial est donc bien mise en place. Il s’agit de
trouver des régions riches en ressources naturelles qu’il faut exploiter avec une main d’œuvre
quasi gratuite au profit des entreprises coloniales. Dans un tel contexte, les autorités
coloniales ont eu recours au mécanisme de la cession de main d’œuvre pénale à l’égard de ces
entreprises (A) qu’à l’égard des particuliers (B)
La cession est l’action de céder un droit ou un bien à titre onéreux ou à titre gratuit. Elle
est donc synonyme de transmission, de donation, de transfert, de vente. Dans cette optique,
on parle très souvent de cession de créance, de dettes, de bail, ou même de cession de contrat
et de cession de main d’œuvre pénale. Notons d’emblée que la cession de main d’œuvre
pénale peut s’analyser en un contrat de prestation de service. Le contrat de prestation de
service est un contrat conclu entre deux personnes, un client d'une part et d'autre part un
prestataire. Il peut être conclu par une société ou par un individuel contractant pour son usage
personnel, celui de son conjoint ou de ses ascendants ou descendants.
Deux approches sont possibles pour appréhender la définition de ce contrat, l'une est
négative, l'autre est positive. D'un point de vue négatif, ce contrat ne constitue ni un contrat de
vente ni une cession de biens. D'un point de vue positif, c'est un contrat par lequel un
prestataire va non pas vendre un bien mais va mettre à la disposition de son cocontractant, son
client, son savoir-faire dans un domaine spécifique, déterminé. Il s'agit en quelque sorte d'une
« vente de service » ou de travail.
Ainsi, l'objet du contrat va être un service, une force de travail que le prestataire va
proposer à son client. Les services proposés sont d'une grande multitude ; il peut s'agir d'un
service intellectuel comme celui informatique (construire un site Internet, un logiciel, un
conseil, assistance, soins....), d'un service matériel (de nettoyage, à la personne, entretien d'un
2'*’ Chikouma CISSÉ, migration et mise en valeur de la basse Côte d’ivoire (1920-1960), Harmattan 2013,
(collection études africaines) Paris, P.21.
96
immeuble, rénovation, construction...).Dès lors que l'entreprise cliente, appelée également
maître d'ouvrage selon les cas, va conclure un contrat portant sur une prestation de service.
L’abolition du travail forcé constitue cependant une rupture quant aux choix des
employeurs, puisque les plantations européennes ne sont plus systématiquement
privilégiées.En revanche, les recrutements administratifs au profit des entreprises privées,
essentiellement les sociétés forestières et les plantations européennes, ne bénéficient guère
d’un soutien officiel de l’administration. Celle-ci soumet pareil recrutement à de nombreuses
conditions, notamment sanitairos.^"^^
Vincent BONNECAS, les étrangers et la terre en Côte d’ivoire à l’époque coloniale, document de l’unité de
recherche 095, n°2 IRD REFO, Montpellier cedex France, août 2001, P. 18.
Idem, P. 15.
2'*'* Ibrahima THIOUB, « Sénégal : La prison à l’époque coloniale, significations, évitement et évasions. » in
Florence Bernault, enfermement, prison et châtiment en Afrique. Du Ifsiècle à nos jours, Paris, Karthala, 1999,
pp(285-303) P.287.
“‘*5jean- Pierre ALLINNE, op.cit. P. 15.
97
d’inertie des populations, entrave majeure à la réalisation des vues de l’autorité coloniale et de
fournir des travailleurs gratuits à l’administration et aux entreprises privées par l’emploi
systématique de la main-d’œuvre pénale^"^^.
Ainsi en témoigne la disposition de l’article 1®’’ de l’arrêté Numéro 171 de 1934 fixant le
taux de cession de la main d’œuvre pénale au Togo :
« Est fixé comme suit pour 1934 le taux de cession de la main-d'œuvre pénale, non spécialisée
: Cercle de Lomé - Anécho - Atakpamé............................. 2,50 par homme et par jour.
Comme pour le Togo, les autorités coloniales vont également fixer les tarifs des cessions
de main d’œuvre pénale dans la colonie de Côte d’ivoire. Pour renchérir, Bénédicte BRUNET
LA RUCHE affirme que : « les réglementations fixent des tarifs de cessions plus élevées
pour les particuliers et les entreprises que pour le secteur public. L'objectif est, en effet, de
limiter le recours par les entreprises aux prisonniers les plus qualifiés, afin de conserver la
main d'œuvre productive au service de la colonie De ce qui précède, les tarifs des
prisonniers les moins qualifiés étaient dérisoires. Notons que le décret 47-1894 relatif à
l’emploi de la main d’œuvre pénale hors des établissements pénitentiaires en AOF (J.O. 1947,
P. 1070) a organisé nettement le recours à la main d’œuvre pénale dans les colonies françaises.
98
Eu égard à ce qui précède et comme le disait Jules FERRY, dans son discours lors du
débat sur la politique coloniale (chambre des députés, séance du 28 juin 1885, « la politique
coloniale est fille de la politique industrielle ». La colonisation doit permettre donc la
compétitivité des entreprises coloniales. La main d’ouvre pénale participait ainsi à la
prospérité de ces entreprises coloniales.
Ainsi, entre 1905 et 1930, des entreprises commerciales françaises se développent sur
l’espace colonial. Les principales sont la S.CO.A (société commerciale de l’ouest Africain),
la C.F.A.O (compagnie française d’Afrique occidentale)., Peyrissac. Elles visent
essentiellement la collecte des produits locaux et l’écoulement des produits importés. Ces
maisons fonctionnent selon une structure pyramidale : siège en Europe, succursales dans la
colonie, factoreries (magasins) et plusieurs traitants disséminés dans tout le pays. Le
commerce entre Africains, orienté vers le Nord (Kola), se maintient et même se développe. La
cession de main d’œuvre pénale a été donc bénéfique pour les entreprises coloniales car elle a
permis leur essor voire leur développement.
L’extension se fit à la fois par l’implantation accrue des sociétés anciennement installées
et par la création de nouvelles entreprises.^"^^ À partir de 1920, aux côtés de ces entreprises,
s’installèrent un grand nombre de sociétés de plus modeste envergure dont le rayon d’action
se limitait à la seule Côte d’Ivoire.^^^ Aussi faudrait-il noter que la cession de la main d’œuvre
Patrick BRAIBANT, l’Administration coloniale et le profit commercial en Côte d’ivoire pendant la crise de
1929, revue française d’histoire d’outre-mer, pp555-574, volume 63, 1976, P.557.
Idem, P.558 .
99
moitié peut-être du monde à de petits groupes d'hommes ignorants, impuissants, vrais
251
enfants débiles, clairsemés ».
Il s’avère ainsi opportun pour les Européens de déverser le surplus de leur population
dans les colonies afin d’apporter aux autres peuples dits « primitifs » leur savoir-vivre et leur
savoir-faire dans certains domaines de la vie sociale. Aussi, cela permettrait d’empêcher la
révolution sociale en Europe. Ces colons ont eu recours à la main d’œuvre pénale pour leur
menu besoin au sein de la colonie.
Dès lors, la main d’œuvre pénale sera un outil de gestion économique de la colonie de
Côte d’ivoire. Elle a joué un rôle considérable dans le développement de l’espace colonial par
la construction des infrastructures routières et des équipements administratifs. Elle a participé
également à l’essor des entreprises coloniales comme nous l’avons déjà montré dans notre
analyse précédente.
La prison, à cet égard, était considérée comme une réserve de main œuvre disponible
pour l’usage de la colonie. Elle servait tant la colonie que les colons. Dans ce contexte, les
particuliers français qui manifestaient le besoin, pouvaient solliciter cette main d’oeuvre pour
tous types de travaux domestiques.
100
appel aux prisonniers pour leur usage personnel, afin d’aider à la cuisine, au jardinage ou au
nettoyage de leurs maisons. Ils faisaient office de cuisiniers, de jardiniers, de blanchisseur,
de domestiques. Ils faisaient des corvées de bois, d’eau et mêmes d’entretiens des maisons des
colons.
Ils faisaient la lessive, la vaisselle des particuliers. Les prisonniers étaient aptes à tout
faire. Ils pouvaient faire n’importe quel travail de maison. Ils travaillaient aussi dans les
plantations des colons. Ils étaient employés pour les travaux sales et pénibles. Ils ont participé
à la richesse des colons par leur participation à l’implantation des cultures d’exportation
comme le café, le cacao, le coton...Dans ce contexte, la demande de main d’œuvre pénale
était si nombreuse que la prison est généralement construite à proximité des bâtiments
administratifs et des résidences des colons.
Cette utilisation de la main d’œuvre pénale au profit des colons n’est pas spécifique à
la colonie de Côte d’ivoire, c’est une pratique qui a existé dans toutes les colonies françaises.
Ainsi en témoigne un colon : « mon hoy. Il s ’appelait Birama. Je l'avais pris à la prison de
Bamako, non par esprit humanitaire, aucune manifestation de ma part, mais en Afrique, la
prison est le bureau de placement, les administrateurs et les blancs favorisés vont chercher
leur domestique
Ainsi, ce qui garantit le travail des condamnés, c’est surtout qu’on peut, en tout état de
cause, compter sur ce travail. On est parfaitement sûr qu’il est disponible et bien conservé. Le
travail des condamnés était d’un atout fort appréciable pour la colonie et pour les colons. La
cession de la main d’œuvre pénale a été un mécanisme d’exploitation de la force de travail
des prisonniers au profit de toute la colonie et de renflouement de ses caisses financières.
101
Pour corroborer cet état de fait, l’article 3 et l’ailicle 4 de l’arrêté numéro 170
réglementant la cession de main d’œuvre pénale dans le territoire du Togo disposent
respectivement à cet effet: « Toute cession de main-d'œuvre pénale donne lieu au versement
par le cessionnaire d'un salaire journalier dont le taux est déterminé chaque année par
arrêté du Commissaire de la République pour chaque cercle ou subdivision, le
cessionnaire ayant en outre à payer 3 frs, par garde et par jour ». « Le directeur de la
prison tient enregistrement des cessions de main-d'œuvre pénale, il remet au bureau des
finances, au plus tard, en fin de chaque mois, un état de cession établi par journée pour
chaque cessionnaire ». Il faut relever que la prison a participé considérablement aussi à la
productivité de l’économie métropolitaine par l’extraction des gisements miniers, naturels de
la colonie.
La colonisation dans le monde moderne est un fait complexe, qui ne rentre dans le
cadre d’aucune définition doctrinale^^^. Ce qui fait sa complexité, c’est l’idée de vouloir
apporter la civilisation aux populations des territoires conquis tout en exploitant leurs
ressources naturelles. Le mobile qui sous-tend la colonisation est fondamentalement l’intérêt
économique de la puissance colonisatrice.
255 Journal officiel du territoire du Togo placé sous mandat de la France, 16 avril 1934, P.270.
25® Ibidem.
252 Sophie DIJLUCQ, écrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale (ATA*’ s), Karthala, Paris, 2009, P. 134.
102
d’exportation profitables pour l’économie métropolitaine (A) tout en extrayant les ressources
minières pour l’enrichissement de la métropole (B).
103
colonies qui sont conçues pour ne commercer qu’avec la métropole. Elles sont créées pour ne
pas faire de concurrence avec celle-ci. Car, elles n’existent que par la métropole et pour la
métropole.^^’
Dès lors, en vertu de ce pacte, la colonie de Côte devait produire des matières
premières voire des cultures d’exportation au bénéfice de la France. Elle devait, de ce fait,
enrichir la métropole. Les populations indigènes étaient contraintes de produire des denrées
d’exportation au détriment des cultures vivrières. Notons que l’indigène ne cultivait que ce
qui est nécessaire à sa subsistance. Il ne développait que de petites exploitations.
Outre cet état de fait, Vincent BONNECASE relève une un autre écueil en affirmant
que « la volonté de mise en valeur du territoire ivoirien, particulièrement en ce qui concerne
la diffusion de l’arboriculture, se heurte à un véritable problème de main d’œuvre, la zone
forestière souffrant d’un sous- peuplement aux yeux du colonisateur^^^ ».
Des mesures tentent d’inciter les populations à développer la production des denrées
agricoles désirées par la métropole.^^^Ces mesures étaient généralement des moyens de
contrainte. Parmi ces mesures, la prison occupait une place centrale. La prison sera un moyen
d’intimidation pour contraindre les populations à implanter les cultures d’exportation. Les
cultures de rente coloniales comprenaient le coton, le sucre, le sisal, le caoutchouc, le café. Il
s’agissait des produits de l’agriculture coloniale ; leur signification était soit stratégique soit
tout simplement économique.^^'*
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, la terre et les Institutions traditionnelles Africaines : le cas des Gouro de Côte
d'ivoire, thèse unique pour l’obtention du doctorat en droit public et en science politique, soutenue au cours de
l’année universitaire 2003-2004 à l’Université de Cocody d’Abidjan, P.336.
2“ Vincent BONNECASE, op.cit,?. 13.
Claude CARRIER, l’exploitation coloniale des forêts de Côte d’ivoire, une spoliation institutionnalisée,
l’Harmattan, collection études africaines, Paris, janvier 2007, P. 57.
Mahmood MAMDANI, citoyen et sujet, collection histoire des suds, KARTHALA éditions 2004, P.58.
104
l’implantation des cultures coloniales (cultures d’exportation), elle a permis par le biais de sa
main d’œuvre d’entretenir ces cultures.
La main d’œuvre pénale a été associée à la main d’œuvre civile pour l’entretien des
cultures d’exportation en vue de leur productivité. Le travail pénal a été donc une source de
développement de ces cultures. La prison coloniale était à cet égard un réservoir de main-
d’œuvre disponible et utile pour l’essor des cultures d’exportation. Ces cultures de rente
produites dans les colonies et exportés vers la métropole ont favorisé la croissance de
l’économie métropolitaine.
Les prisonniers ont donc contribué largement par l’implantation et par l’entretien des
cultures d’exportation à la redynamisation de l’économie métropolitaine sur l’échiquier
international. La prison a de ce fait joué un rôle déterminant dans l’essor des cultures de rente,
mais aussi dans l’extraction des ressources minières.
105
B : Le rôle indispensable de la prison pour l’extraction des
ressources minières
Ainsi, Paul LEROY-BEAULIEU affirme : « Les seules colonies qui puissent donner un
revenu à la métropole, sont celles qui ont des avantages naturels bien caractérisés pour la
production de certaines denrées d’exportation ou d’objets précieux pour lesquels la demande
est très grande ». Par voie de conséquence, outre les cultures d’exportation qui
participaient à la croissance de l’économie métropolitaine, les ressources minières de la
colonie étaient des gages essentiels de la croissance de cette économie.
Outre l’expropriation forcée des terres des populations autochtones, les méthodes
utilisées pour contraindre les hommes à travailler dans les mines (souvent au fond), ainsi que
le traitement que leur infligeaient les compagnies minières constituent les aspects les plus
sombres de l’histoire de l’industrie extractive en Afrique. C’était particulièrement le cas dans
les colonies de peuplement où cette activité était devenue le symbole de la ségrégation raciale
dont l’apartheid sud-africain était la forme abjecte. Les Africains étaient assujettis à une
capitation locale qui était arbitrairement ignorée lorsque la main-d’œuvre était abondante ou
Christian ROCHE, l’Afrique noire et la France auXDC siècle : conquêtes et résistances. Editions
KARTHALA, Paris, 2011, P.l 1.
Paul LEROY-BEAULIEU, op.cit. P.567-568.
Commission économique pour l’Afrique et l’Union Africaine, les ressources minérales et le développement
de l'Afrique, IC publications / African Business, novembre 2011, P. 12.
106
augmentée lorsque cette dernière venait à manquer, simplement pour forcer les hommes à
quitter leur village afin de chercher un emploi dans les mines où les conditions de travail
étaient désastreuses. Ainsi, dans le souci de combler la main d’œuvre pour l’extraction des
mines, le pouvoir colonial a eu recours à la main d’œuvre pénale.
L’extraction de ces ressources est un travail pénible, sale, exigeant, pour cela, le
courage, la force physique. Comme ressources énergétiques et minières dans la colonie, on
pouvait extraire de l’or, le diamant, le fer, le nickel, le bauxite, l’uranium, le cobalt, l’étain, le
tungstène, le fer, le manganèse, le pétrole, le gaz, ...
107
La commercialisation de ces ressources minières a été un tremplin pour la
croissance et la solidité de l’économie métropolitaine. C’est dans ce contexte que Paul
LEROY-BEAULIEU affirme : « en se privant d’une part de son capital pour fonder des
colonies, la métropole ne fait donc que le placer à haut intérêt. Appliqué à un sol nouveau et
fertile, il produit irifiniment plus qu’il n ’eût pu le faire dans la mère patrie et les bénéfices qui
résultent de cet accroissement de productivité profitent à tous : bien loin d’être un capital très
utilement employé et qui se multiplie avec une rapidité sans exemple dans le vieux
“211
monde ».
108
CONCLUSION DU TITRE I
Dès l’entame de la colonisation, les autorités coloniales ont importé un nouveau type de
sanction méconnue de la population indigène ivoirienne : la prison. Selon le professeur
Séraphin NÉNÉ BI : « Vinstitution pénitentiaire procède-t-elle de l’idée que la prison n’est
pas qu ’un simple moyen de la politique, mais un élément constitutif de sa structure, qu ’elle
participe de la définition de ses fins et qu’elle participe de la définition de ses fins et qu’elle
n ’est pas dénuée de sens ». Dès lors, dans sa stratégie de domination et de répression, le
pouvoir colonial va assigner à cette nouvelle institution des missions d’oppression socio-
économique. Dans cette logique, elle sera un outil de lutte contre les résistances à la conquête
coloniale.
Ainsi, pour vaincre les résistants, le pouvoir colonial, par la stratégie de la déportation
et de l’internement, va neutraliser les meneurs de cette résistance notamment les chefs de
guerre et les féticheurs. Cette technique de l’enfermement a permis également de soumettre et
d’assujettir les résistants au pouvoir colonial. La prison a de ce fait permis au pouvoir colonial
d’exercer une souveraineté absolue sans entrave au sein de la colonie. Cette politique devait
permettre la mise en valeur de l’espace colonial, puis, par ricochet, l’enrichissement de la
métropole. A cet égard, la prison comme un moyen de contrainte a incité les indigènes à payer
les impôts pour l’autofinancement de la colonie.
Aussi par le système des amendes et de la main d’œuvre pénale, la prison a permis la
valorisation du territoire colonial en l’occurrence la construction des voies routières, des
infrastructures sociales... La mise en valeur de la Côte d’ivoire a été une réalité grâce à
l’apport de la main d’œuvre pénale. Elle a également joué un rôle fondamental dans
l’enrichissement de la métropole par l’implantation, l’entretien des cultures d’exportations.
La main d’œuvre pénale a été déterminante dans l’extraction des ressources minérales
pour la croissance et la solidité de l’économie métropolitaine. La prison coloniale a joué de ce
fait un rôle capital pendant la conquête coloniale et l’exploitation coloniale. Aussi va-t-elle
servir à instaurer et à maintenir concomitamment l’ordre public colonial.
Séraphin NÉNÉ BI, les institutions coloniales de l’Afrique occidentale française, op.cit. P. 198.
109
TITRE DEUXIÈME :
LA DOMINATION COLONIALE
INDUITE PAR LA POLITIQUE DE
DÉCENTRALISATION CARCÉRALE
110
La décentralisation est le procédé technique qui consiste à conférer des pouvoirs de
décision à des organes locaux, autonomes, distincts de ceux de l’Etat. C’est donc cette
politique de décentralisation que le colonisateur a mise en place dans la gestion des prisons.
Dans cette optique, les autorités coloniales vont user de tous les moyens pour implanter
leur suprématie sur l’espace colonial. Cette suprématie va se traduire par la sécurisation de cet
espace afin d’instaurer et maintenir l’ordre public colonial.
2’^Jules H ARM AND, « domination et colonisation » Paris, Flammarion, 1910, p 170, in de l’indigénat d’Olivier
le COUR GRANDMAISON, P. 16.
111
CHAPTIREI:
Le pouvoir colonial avait besoin de « paix », d’un certain « bon ordre » pour arriver à
ses fins, pour réaliser ses visées coloniales, d’où l’institution voire l’instauration d’un ordre
public colonial. Qu’est-ce que l’on entend par la notion d’ordre public et par ricochet l’ordre
public colonial ?
L’ordre public est une notion juridique polysémique, difficile à définir car il revêt
plusieurs aspects. Il s’agit d’un ensemble de règles obligatoires qui touchent à l’organisation
de la nation, à l’économie, à la morale, à la santé, à la sécurité, à la paix publique, aux droits
et aux libertés essentielles de chaque individu^^"*.L’ordre public est l’état social caractérisé par
Au sens grammatical de ces mots, l’ordre public colonial est synonyme d’ordre social.
L’ordre public veut donc dire l’arrangement des personnes dans la société^^^. Il s’agit de la
disposition des choses nécessaires à l’organisation de la nation, de l’État, de la cité.^^^ Mais
encore y a-t-il lieu de noter que l’expression « intérêt social » trouve son exacte équivalence
dans l’expression « intérêt public » et traduit exactement la notion d’ordre public.^^^L’ordre
public a donc pour synonyme l’intérêt public, l’intérêt social.
En droit administratif, l’ordre public est l’état social idéal caractérisé par « le bon ordre,
la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique ». C’est donc une vaste conception
d’ensemble de la vie en commun sur le plan politique et administratif. Son contenu varie
évidemment du tout au tout selon les régimes. L’ordre public a une portée et un contenu
pouvant varier non seulement d’une époque à une autre.
112
On peut donc affirmer que l’ordre public colonial est relatif à l’organisation de la colonie
dans le but d’assurer la quiétude et la tranquillité publique coloniale.
L’ordre public sera donc instauré pour préserver les intérêts de la puissance
colonisatrice au sein de la colonie. Dans cette perspective, le pouvoir colonial va poser les
jalons pour l’instauration de l’ordre public colonial à travers une organisation décentralisée
des institutions répressives coloniales que sont le service de la prison (section I) et le service
judiciaire (section II).
SECTION I ;
Ainsi, le premier arrêté qui a organisé le service des prisons, date du 6 mai 1896. Cet
arrêté a été modifié partiellement en 1900 et 1901. Ce service est régi plus tard par un arrêté
113
du 26 janvier 1903. En réalité, il n’existait qu’une seule véritable prison, celle de Grand-
Bassam (maison d'arrêt et de justice).
Dans les autres circonscriptions administratives, les postes militaires, des salles des
bâtiments administratifs, des cachots de fortune ont servi de lieux d’emprisonnement. Il y
avait donc en raison de la politique de décentralisation du système pénitentiaire colonial, un
rapprochement des prisons de façon générale auprès de la population colonisée (§1), puis une
gestion planifiée des prisonniers (§ II).
colonie. La prison n’est jusque vers 1900 qu’un instrument de la conquête. Elle devient
progressivement un outil de gestion coloniale. De nouvelles orientations sont prises
localement au tournant des années 1910 pour organiser véritablement le système carcéral
construit jusqu’alors spontanément.
Ainsi, la politique de décentralisation des prisons est l’une des orientations prise par le
pouvoir colonial pour imposer sa suprématie sur l’espace colonial. Ce fut la force qui
fonda les premiers empires ; le conquérant devenu le maître du territoire envahi,
imposait aux vaincus sa volonté pour loi unique. Dans sa main, le sceptre était un
glaive et le droit de punir une conséquence de sa domination absolue . Les
administrateurs coloniaux vont ainsi marquer leur pouvoir et leur domination par le recours à
la peine d’emprisonnement en utilisant des techniques archaïques.^^'^Ils vont donc recourir à la
politique de décentralisation voire de rapprochement des prisons pour exercer une contrainte
permanente sur les indigènes. Cette politique carcérale tend, de ce fait, à l’instauration et à la
préservation de l’ordre public colonial.
114
On mesure ainsi les enjeux de la décentralisation des prisons coloniales. Il s’agit de
rapprocher la sanction pénale auprès des indigènes, et d’accroître la domination française sur
l’espace colonial. Cette politique de rapprochement des prisons aura pour corollaire la
multiplication des lieux d’enfermement (A) qui entraine inéluctablement la proximité de la
sanction pénale (B).
Il y avait, de ce fait, une multiplication de lieux d’enfermement dans les cercles, les
subdivisions, les cantons, les villages dans un souci de contrôle de la population. Ainsi, à
l’image de cette carte administrative de 1915 ci-dessous, il y avait des prisons au niveau de
chaque cercle.
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nous l’avons déjà indiqué, les postes militaires et de police servaient de lieux
d’emprisonnement ; ils étaient plus rapprochés des régions insoumises ; dans les grands
centres urbains comme les circonscriptions villageoises.
116
Pour renchérir, le professeur NÉNÉ BI BOTI Séraphin affirme: «jusqu’en 1926,
Dans les cercles sous administration civile, les fonctionnaires font construire des
cachots de fortune dès les premiers temps de leur installation, aménagés parfois dans une salle
des locaux administratifs. Dans les cercles sous contrôle militaire, les garnisons fournissent
l’équipement carcéral, dirigé en priorité contre les opposants politiques à la conquête
française.^^®
Cette situation s’explique par le fait que la prison et la caserne étaient indissociables
dès l’entame de la colonisation, car au cours de la conquête, le pouvoir colonial a érigé des
postes militaires pour marquer son installation et sa présence. Ainsi, selon Bénédicte
BRUNET LARUCHE, « en Afrique de l’ouest, les premières prisons apparaissent à la fin du
XVIf et au début du XX siècle dans les comptoirs et postes militaires côtiers.
Comme déjà évoqué, hormis la prison de Grand-Bassam qui présentait l’allure d’une
véritable prison, les autres lieux d’enfermement à l’intérieur de la colonie étaient des cachots
de fortune (des bâtiments temporaires construits à la hâte avec des matériaux fragiles, en
dehors de toute stratégie de développement urbain), des locaux des postes militaires. On
117
comprend dès lors la massification de l’enfermement en Côte d’ivoire et dans toute l’Afrique
subsaharienne.^^'*
Tous les postes militaires étaient en effet pourvus d’une prison. Cette massification est
due aussi à la mission de la colonisation ; elle a été également favorisée par le système
politique colonial articulé autour de la mise en place d’un contrôle de plus en plus serré des
hommes et des espaces conquis.
-centralisation de la conception de l’action civile et militaire à son seul niveau doublée d’une
large décentralisation complète de l’exécution ;
118
-Respect et maintien des structures sociales existantes par une connaissance profonde du
teiTitoire, des mœurs.
A travers ces principes, nous constatons que l’action militaire et l’action politique sont
indissociables. Lyautey et Gallieni sont convaincus de l’inanité de la seule action militaire.
Indissociable de l’action politique, l’action militaire n’a pas de signification par elle-même.^^^
La société colonisée diffère de la société coloniale par la race et par la civilisation ; en ces
domaines, l’altérité paraît absolue, celle que manifeste le langage en opposant le « primitif »
et le « civilisé », le « païen » et le « chrétien », les civilisations techniques et les civilisations
arriérées^^^. Pour renchérir, Frantz FANON affirme : « le langage du colon, quand il parle du
colonisé, est un langage zoologique »^^^.
Le colon, quand il veut bien décrire et trouver le mot juste, se réfère constamment au
bestiaire. L’évolutionnisme légitimait l’œuvre coloniale, comme instrument d’accélération
119
de l’histoire : soumettre ces peuples, c’était les civiliser.^®^ Dans l’esprit du colonisateur, il a
en face de lui un peuple dangereux, belliqueux, qui pourrait compromettre ses intérêts s’il
n’est pas maîtrisé. Il faut donc exercer un contrôle permanent sur la société coloniale, de peur
qu’elle ne devienne ingouvernable. Ce qui justifie le rapprochement de la sanction pénale
auprès de chaque circonscription administrative dans le but de maîtriser la société coloniale.
Dans le même ordre d’idées, le professeur NÉNÉ BI BOTI Séraphin affirme : « la
^^^Norbert ROULAND, anthropologie juridique, Paris, les presses universitaires de France , (collection : Droit
fondamental. Droit politique et théorique) 1®" édition, 1988, P.28.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Instituions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op. cit. P. 127.
Ibrahima THIOUB, Sénégal : la prison à l’époque coloniale. Significations, évitement et évasions,V.22>5.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales, op.cit. P.l 17.
Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, op.cit. P. 199-200.
120
afin d’éloigner cette institution « nocive » et consommatrice d’espace, en application du
principe de ségrégation spatiale de l’urbanisme colonial. En revanche, dans les petites villes,
la prison reste généralement à proximité de la résidence de l’administrateur...^^^
Lorsque la France s'installe dans la colonie de Côte d'ivoire, son premier soin est
d'établir un ordre nouveau. Elle se trouve dans la nécessité, dès le début de l'occupation, de
réprimer les crimes et délits. Or, la tâche d'établir un ordre et de le maintenir est un attribut de
la souveraineté.
Par ailleurs, les études consacrées à la mise en œuvre de la politique carcérale ont en
même temps interrogé les réactions africaines face à ce nouvel instrument pénal. De l'époque
coloniale à nos jours, le refus de la prison reste constant dans les réactions des Africains. Ce
refus s'est exprimé sous des formes variées et diverses suivant les époques et les fonctions
conférées à la prison par les pouvoirs publics.
121
A : La surveillance des prisonniers par un personnel pénitentiaire
Jusque dans les années 1950, le gardien de prison assurait la surveillance des détenus
et appliquait le règlement. Par la suite, son rôle s’est transformé. On demande maintenant à
l’agent correctionnel, comme on appelle désormais le gardien, d’aider les détenus dans leur
Q1 n
démarche de réinsertion sociale.
122
11 fera au moins une ronde par nuit pour s'assurer de la tranquillité des
312
prisonniers. II est chargé, à cet effet, de la garde et de la surveillance des prisonniers. Il est
aidé dans cette tâche par les gardiens de prisons qui sont sous son autorité. Ceux-ci lui doivent
obéissance et lui font rapport de leur mission de surveillance.
Il tient les registres d’écrou de la prison. L’écrou est un acte d’enregistrement officiel
de l’incarcération d’une personne sur les registres de la prison, incluant la date et les causes de
l’emprisonnement. Il est chargé en outre d’assurer l’ordre, la sécurité et la discipline dans la
prison.
Les gardiens ou surveillants de prison sont des agents chargés de sécuriser les prisons,
de surveiller les détenus, d’éviter les évasions et de maintenir le bon ordre et la sécurité à
Ibidem.
Ibidem.
Bénédicte BRUNET LARUCHE, op.cit. P. 100.
123
l’intérieur des prisons. Ils veillent à la bonne exécution du travail pénal. Le travail pénal était
souvent une cause des évasions des détenus et les autorités coloniales n’hésitaient pas à
accuser les gardiens de complicité de ces évasions.
Selon l’article 606 du code d’instruction criminelle, les gardiens sont nommés par
l’autorité administrative, cela signifie par conséquent que les gardiens étaient recrutés sur
place c'est-à-dire dans chaque localité. Les surveillants furent recrutés sur place parmi les
autochtones « assimilés », mais l’encadrement fut fourni par l’année française^’^.
Les gardes et gardiens font l’objet d’un recrutement dans les mêmes conditions que les
policiers et gardes de cercle ; ce qui privilégie les anciens militaires et gardes civils.^
Ces gardiens n’avaient pas de qualification en tant que tel, bien qu’ils fussent encadrés
par les français. Ils n’avaient pas l’aptitude professionnelle requise pour la surveillance des
détenus. La majorité des gardiens sont des soldats locaux. Étant en nombre insuffisant, ils
étaient soutenus par les forces de l’ordre, les compagnies de tirailleurs. La tâche des
surveillants était difficile eu égard à l’architecture poreuse des prisons surtout à l’intérieur du
pays et à leur surcharge.
Dans les prisons importantes, il existe un gardien chef chargé, sous l'autorité du
régisseur de la prison, d'assurer la garde des détenus, le maintien du bon ordre et de la
discipline, l'exécution du service de propreté dans toutes les parties de l'établissement et de
diriger tous les détails du service de la prison.
« Les agents de surveillance, quel que soit leur grade, sont responsables des évasions
imputables à leur négligence sans préjudice des poursuites dont ils pourraient être passibles
par application des articles 237 et suivants du code pénal » (arrêté de 1951)^’^.
En outre, « nul gardien pourra, à peine d’être poursuivi et puni comme coupable de
détention arbitraire, recevoir ni retenir aucune personne qu’en vertu soit d’un mandat de
124
dépôt, soit d'un mandat d'arrêt décerné selon les formes prescrites par la loi, soit d'une
ordonnance de renvoi devant une cour d'assises, d'un décret d’accusation, ou d’un arrêt ou
jugement de condamnation à une peine afflictive ou à un emprisonnement, et sans que la
transcription en ait été faite sur son registre » (art.609 du code d’instruction criminelle).
En vertu de ce texte, il n’y avait donc pas en principe d’emprisonnement sans un titre de
détention. Il importe donc d’affirmer selon ces textes que le travail des surveillants était
contrôlé et réglementé. Ils ne pouvaient que bien se comporter dans l’exercice de leur activité
au risque d’être punis. Ainsi, l’institution d’une commission de surveillance était nécessaire
pour une gestion beaucoup plus rigoureuse des prisons.
- les maisons d'arrêt et de justice dans chaque centre où fonctionne un tribunal de première
instance ou une justice de paix à compétence étendue ;
Jean Pierre A LL 1N E,/<7/0/75 historiographiques pour une histoire des prisons en Afrique francophone (revue
électronique d’histoire du droit) Clio@themis,P.15.
125
- les prisons des subdivisions
Dans le cadre d’une gestion humaniste et efficiente des prisons, il a été institué dans la
colonie de Côte d’ivoire des visites et des contrôles .Les visites et contrôles par les autorités
des établissements pénitentiaires ont été expressément prévus par les textes. On constate que
les autorités chargées d'effectuer les visites et les contrôles sont nombreuses. Ce sont
précisément :
-Le procureur général qui a la surveillance des prisons et tient la main à ce que personne n'y
soit détenu illégalement (art. 605 in fine du code d'instruction criminelle) ;
- Le Gouverneur ;
-La commission de surveillance qui se réunit « la première semaine de chaque mois, sur la
convocation de son Président. Après avoir passé l'inspection de la prison, et recueilli les
réclamations qui peuvent lui être soumises, elle dresse un procès-verbal dans lequel elle
consigne toutes les observations et qui est ensuite transmis à M. le Secrétaire général. » (Art.
3 arrêté du 22 janvier 1903 instituant une commission de surveillance près la prison de Grand
Bassatn. JOCI 31 janvier 1903).’“
Elle doit aussi signaler les condamnés qui, par leur travail et leur conduite, paraissent
mériter une réduction de peine, ou leur mise en liberté sous condition. La commission de
126
surveillance pénitentiaire a pour mission de contrôler les conditions de traitement des
personnes détenues par rapport aux prescriptions valables en la matière. En d’autres termes, il
s’agit d’un contrôle extérieur indépendant de l’administration pénitentiaire.
Les membres des commissions de surveillance à l’époque coloniale étaient a priori des
observateurs privilégiés du monde pénitentiaire. L’exercice de leurs tâches contribue à un
meilleur fonctionnement des prisons. Il ne s’agit pas seulement d’identifier et de répertorier
les événements et incidents importants qui se produisent dans l’établissement pour lequel ils
sont mandatés et qui peuvent démontrer un mauvais fonctionnement de ce dernier. Les
membres des commissions doivent en principe s’efforcer toujours d’essayer d’y apporter une
solution. Ils sont en principe chargés de la surveillance intérieure de l'établissement
pénitentiaire en ce qui concerne la salubrité, la sécurité, le régime alimentaire et l'organisation
des soins, le travail, la discipline et l'observation des règlements.
Aussi faudrait-il relever que la mission de ces autorités est assez limitée dans le
temps. En effet, suivant l'art.ôl 1 Code d'instruction criminelle, « le juge d'instruction est tenu
de visiter au moins une fois par mois, les personnes retenues dans la maison d'arrêt de
l'arrondissement. Une fois au moins dans le cours de la session de la Cour d'assises, le
président de cette Cour est tenu de visiter les personnes retenues dans la maison de justice. Le
Gouverneur est tenu de visiter, au moins une fois par an, toutes les maisons de justice et
prisons, et tous les prisonniers de la colonie
Malgré ces contrôles et les visites, l’on relève avec acuité que les prisonniers sont
détenus dans des conditions déplorables. Le manque d’hygiène sanitaire récurrent dans les
prisons est l’une des causes de la maltraitance des prisonniers. Cette situation conduit
inéluctablement à déplorer les conditions de détention des détenus et des condamnés. Ces
prisonniers pour se retrouver en prison dans de telles conditions seront bien avant jugés et
condamnés à des peines d’emprisonnement, d’où l’analyse du service judiciaire coloniale.
127
SECTION II :
Notons d’emblée, que les français à l’instar des autres européens, avaient une
avancée notable sur les autres peuples au niveau social. Cela se percevait sur le plan
technologique, scientifique et juridique.
Sur le plan technologique, il eut des innovations, des découvertes techniques en Europe.
Les Européens ont inventé la télégraphie sans fil (TSF) à laquelle les noms
d’HERTZ^^^Heinrich Rudolph (1857-1894) et Édouard BRANLY^^^ restent associés. Les
Européens sont également à la base de la création du moteur à explosion, du moteur diesel, les
premiers modèles d’automobiles et de l’aviation...
Robert Koch (1843-1910) qui ont fait des découvertes vitales pour le traitement de
plusieurs maladies. Grâce à ces découvertes, plusieurs maladies infectieuses ont trouvé des
remèdes. Ces remèdes continuent de nos jours de soigner de nombreux malades, et permettent
de réduire le taux de mortalité dans le monde.
^2’Physicien allemand (1886, découverte des ondes électromagnétiques), utilisant un circuit électrique dans
lequel il créé de violentes oscillations réussit à produire des ondes électromagnétiques. Il montre que ces ondes
ont des propriétés similaires à celles de la lumière. Il pose ainsi les bases des télécommunications modernes.
^^^Physicien français (1844-1940), inventeur des premiers radioconducteurs.
^^^Biologiste et chimiste français, connu en particulier pour ses travaux sur le vaccin contre la rage. Il jeta les
bases de la microbiologie, mit en évidence le rôle des germes dans la propagation des maladies infectieuses,
inventa la pasteurisation et mit au point des vaccins contre plusieurs maladies.
^■^^Médecin et bactériologiste français, collaborateur de Louis PASTEUR et pionnier de l’étude et du traitement
des maladies infectieuses.
Médecin allemand et lauréat du prix Nobel, qui fonda la bactériologie médicale moderne, isola plusieurs
bactéries pathogènes, dont celle de la tuberculose et découvrit les vecteurs animaux de plusieurs autres maladies
importantes.
^^^Mathématicien et physicien français dont on a dit qu’il était le dernier savant universel susceptible de
connaître la totalité des mathématiques de son temps.
128
noms célèbres tels qu’Albert EINSTEIN ^^^(1879-1955), Pierre (1867-1934) et Marie CURIE
Sur le plan économique, les Européens ont bénéficié d’une remarquable stabilité
financière à partir de 1871, possédant près de 60% de l’or monnayé dans le monde, ils
faisaient de ce fait, figure de banquiers du monde. Cette domination financière était
accompagnée d’une prospérité commerciale favorisée par les innovations dans le domaine du
transport et de la communication.
Au niveau juridique, les français bénéficiaient d’une avancée notable dans le domaine des
lois (code de procédure civile de 1806, le code de commerce de 1807, le code d'instruction
criminelle de 1808 et du Code pénal del810) et de l’organisation de la justice. En ce qui
concerne ce dernier domaine, le colonisateur va donc faire bénéficier à la colonie sa culture
juridique et judiciaire. Dans cet élan, il va s’atteler à l’organisation de la justice au sein de la
colonie.
Ainsi le service judiciaire colonial a été organisé par la mise en place d’une dyarchie
judiciaire : la justice indigène (paragraphe I) et la justice de droit français (paragraphe II)
pour le prononcé des peines d’emprisonnement.
^^^Physicien américain d’origine allemande, surtout connu comme le créateur des théories de la relativité
restreinte et générale.
^^'’Physiciens français connus pour leurs travaux sur la radioactivité.
Dominique SARR, la cour d’appel de l’A.O.F, thèse pour l’obtention du grade de docteur d’Etat en droit,
présentée et soutenue publiquement le 1®' octobre 1980 à 16h 30 devant la faculté de droit et des sciences
économiques de Montpellier, P.9.
129
: L’institution d’une justice indigène, une justice d’exception
pour la mise en œuvre des sentences pénales
Les droits préexistants en l’espèce sont les droits traditionnels et coutumiers qui seront
dilués conformément aux mœurs de la puissance colonisatrice. Cette dualité juridictionnelle a
été consacrée par le décret du 3 décembre 1931. Conformément à la hiérarchie juridictionnelle
dans l’espace colonial, la justice dite indigène est une juridiction d’exception car elle était
subordonnée à la justice de droit français. Elle ne devrait pas aller à l’encontre des principes
de la civilisation métropolitaine. La justice de droit local est toujours demeurée dans un état
de subordination à l’égard de sa rivale française.
Ainsi, la justice indigène qui apparaissait comme une sorte de concession provisoire
faite aux africains, allait dans un lent processus d’intégration s’articuler en se subordonnant à
l’ordre juridictionnel de droit commun, avant de se laisser assimiler^^^.
La justice dite d’exception se borne donc dans l’application du droit local qui avait
pour source une variété de coutumes non codifiées et qui se transmettaient oralement. Dans ce
contexte, les Institutions judiciaires de la justice indigène, à savoir les tribunaux indigènes se
retrouvaient tant dans les circonscriptions rurales (A) que dans les circonscriptions urbaines
(B), cela dans le but d’appliquer des peines aux indigènes.
130
A-L’ implantation des tribunaux indigènes dans les
circonscriptions rurales
Le pouvoir judiciaire est un des trois pouvoirs constituant l'État. 11 a pour rôle de
Partant de ce qui précède, le système judiciaire est le mécanisme qui soutient la règle de
droit. Les tribunaux ont pour mission de régler les différends et d’appliquer les lois d'une
manière équitable et rationnelle. Ils constituent une tribune impartiale où les juges peuvent
appliquer les règles de droit sans tenir compte des avis du pouvoir politique ou du poids de
l'opinion publique. Les décisions judiciaires sont fondées sur la règle de droit applicable et sur
les faits mis en preuve.
131
La justice participe, ici de la domination^"^*, de l’oppression sur la population colonisée.
Nous entendons par circonscriptions rurales principalement les villages et les cantons.
Avant tout, il convient de rappeler la définition de « l’indigène ». Ainsi, selon le décret du 16
août 1912 : « Sont indigènes et justiciables des tribunaux indigènes, les individus originaires
des possessions étrangères comprises entre ces territoires qui n’ont pas dans leurs pays
d’origines, le statut de nationaux européens ».
Ces autochtones étaient considérés comme gouvernés par des coutumes locales qui
constituaient leur « statut civil ou personnel particulier ». Ils devaient en conséquence porter
les litiges les opposant, y compris les litiges commerciaux, devant les juridictions dites de
droit local.
Pour renchérir, Bénédicte BRUNET LARUCHE affirme que l’indigène peut être défini
« comme l ’africain qui ne dispose pas du statut de national français ou d'un autre pays
Européen, en d'autres termes qui ne dispose pas de la citoyenneté française
Les indigènes répondaient de leurs actes délictueux en matière civile devant les
tribunaux de droit local. La création des tribunaux indigènes remonte au début du
siècle. C’est par le décret du 10 novembre 1903 que le législateur colonial institue les
tribunaux indigènes. C’est dire que de par ce texte « la justice est rendue sur toute l’étendue
du territoire de l’AOF, aux indigènes par les tribunaux indigènes » (article L'^j.Par la suite,
plusieurs textes sont venus apporter des retouches à l’organisation de la justice indigène
notamment les décrets du 03 décembre 1931 promulgué le 20 janvier 1932 et du 26 juillet
1944.
À travers cette organisation judiciaire, le pouvoir colonial renforce son emprise sur les
populations des nouveaux territoires, avec la mise en place d’une politique répressive distincte
132
entre autochtones et populations françaises.^'*^Le principe de la justice indigène était de rendre
Cependant, il faut relever que les coutumes variaient d’une localité à l’autre et qu’elles
donnaient lieu à des interprétations très différentes selon les tribunaux et les périodes. Par
ailleurs, la justice dans le cadre traditionnel africain était liée à l’organisation et à la mentalité
des sociétés. C’était essentiellement une justice de chefs qui privilégiait la conciliation.^'*^
Les tribunaux du village étaient composés des notables du village et présidé par le chef
du village. Ils étaient investis d’une compétence de conciliation en matière civile,
commerciale et d’une compétence répressive en matière de simple police.
Les tribunaux de canton quant à eux avaient pour finalité d’alléger la charge des
tribunaux de subdivision. Ils étaient présidés par le chef de canton qui est assisté par les
notables. Ces tribunaux connaissent en premier ressort de toutes les affaires civiles,
commerciales et correctionnelles.
Il faut relever que la criminalité poursuivie devant les tribunaux se présente comme des
infractions de faible ampleur telles les larcins, des litiges de couples ou même familiaux.
L’Administration entend rendre une justice « adaptée »au milieu indigène respectant les
coutumes et les autorités traditionnelles, pour afficher sa légitimité. Elle y associe donc des
chefs locaux ; mais ceux-ci sont de moins en moins « traditionnels » et sont plus sûrement
choisis en fonction de leur capacité à s’intégrer à l’ordre public colonial.
Comme nous le constatons, les tribunaux indigènes au niveau des circonscriptions rurales
sont composés uniquement des indigènes. Par ailleurs, au niveau des circonscriptions
urbaines, ils sont présidés par des français.
133
B- L’implantation des tribunaux indigènes dans les
circonscriptions urbaines
ministre français n’ont pas suivi une exacte application dans les colonies françaises, puisque
les traditions, les coutumes indigènes ont été adaptées aux valeurs françaises. Cela contribue
donc à les dénaturer.
Les coutumes locales doivent donc plier devant les mœurs de la puissance colonisatrice.
Le droit autochtone est incorporé dans le droit du colonisateur dans tous les domaines où
n’existent pas de contradictions trop flagrantes ; cette intégration peut aboutir à une
dénaturation du droit traditionnel dans la mesure où dans certains cas ; les autorités coloniales
ont fait appliquer le droit autochtone par des juridictions qu’elles établissaient.^^^
Le droit coutumier ou local sera donc l’apanage de la justice indigène. Cette justice sera
rendue par un réseau de tribunaux hiérarchisés qui couvre l'ensemble du territoire de la
colonie. Ainsi, de la plus petite circonscription administrative qu’est le village jusqu’à la plus
vaste c’est-à-dire le cercle, la justice de droit coutumier sera rendue à l’ensemble des
indigènes.
134
Au niveau des circonscriptions urbaines composées essentiellement des subdivisions et
des cercles, le pouvoir colonial va organiser la justice indigène par l’institution des tribunaux
de subdivisions et de cercles. Ces tribunaux avaient une compétence générale en premier
ressort pour tout ce qui concernait la famille et l’état des personnes. En matière d’obligation et
de successions, ils n’étaient compétents que si l’intérêt de l’affaire était inférieur à 50.000
francs.^
Les tribunaux de subdivision encore appelés tribunaux de premier degré étaient présidés
par des administrateurs (chefs de subdivision, adjoints aux commandants de cercle ou
fonctionnaires désignés par le Gouverneur). Ces tribunaux comportaient en outre deux
O<<
Il faut relever qu’hormis ces deux types de tribunaux, le pouvoir colonial a institué un
tribunal supérieur de droit local qui avait pour compétence de statuer sur les appels formés
contre les décisions rendues en premier ressort par les tribunaux de cercles. Ce tribunal
siégeait au chef-lieu de chaque territoire. Il est composé d’un magistrat (on remarquera que
c’est à ce seul stade qu’apparaît un magistrat dans l’ordre des juridictions de droit coutumier)
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit.P. 182-183.
Idem, P. 183.
Ibidem.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit.P. 183.
135
président du tribunal ou le juge de paix à compétence étendue du chef-lieu du territoire, de
deux administrateurs et de deux notables de statut personnel coutumier.
Selon le décret de 1903, la chambre pouvait être saisie dans trois cas, à savoir le recours
en homologation, le recours en annulation et la demande en réhabilitation. Concernant le
recours en homologation, la chambre était saisie obligatoirement pour toute condamnation
d’un tribunal de cercle supérieure à cinq ans.
en annulation lorsqu’un tribunal indigène excédait sa compétence pour une affaire relevant
des tribunaux français.
Dans ce cadre, elle pouvait être saisie par le procureur général contre tout jugement
définitif des tribunaux de provinces ou de cercle dans l’intérêt supérieur de la loi. Elle
pouvait annuler une décision et la renvoyer devant le tribunal qui l’avait jugée. En cas de
désaccord persistant, c’est la chambre qui statuait en dernier ressort. Enfin, la demande en
réhabilitation peut être demandée auprès de la chambre d’homologation par tout condamné à
Z 1
Ce que l’on observe surtout ici, c’est non seulement la survivance du lien entre pouvoir
politique et justice, mais encore la subordination de celle-ci au pouvoir colonial.
35'ldem, P. 184.
Azowa Gilles KRAGBÉ, op.cit. P.351.
Ibidem.
Ibidem.
Joseph John-NAMBO, op.cit. P.331.
136
présidés par des administrateurs coloniaux, mais les assesseurs étaient choisis sur des listes de
notables établies par les gouverneurs des différents territoires
Ces assesseurs ne pouvaient être choisis que sur proposition des chefs traditionnels qui,
eux-mêmes, étaient déjà inféodés au pouvoir colonial. Et lorsqu’on connaît la politique
générale menée à l’égard des chefferies traditionnelles, on ne peut que douter de la réelle
indépendance de ces assesseurs vis-à-vis de ce pouvoir^^"^.
De tout ce qui précède, un constat s’impose : les tribunaux indigènes dans les
circonscriptions rurales sont présidés et composés généralement des indigènes tandis que
ceux des circonscriptions urbaines sont présidés par des français (des administrateurs). Cet
état de fait donne une certaine prévalence de la justice de droit français dans la colonie.
Dans l’univers traditionnel, quand survient un problème, il est d’abord débattu au sein
des instances parentales (village, lignage, clan et éventuellement tribu) et, finalement, on
prend la solution qu’on estime la meilleure pour la cohésion et l’avenir du groupe, c’est la
coutume. Dans le système moderne, l’État a déjà pris des décisions, ce sont les codes, et c’est
.lacques POUMARÈDE, ^'exploitation colonial et droits traditionnels ”in pouvoirs publics et développement
en Afrique, Toulouse, ed. de l’université des sciences sociales, 1992, P. 141-147.
Robert CORNEVIN, "l’évolution des chefferies dans l'Afrique noire d’expression française” recueil penant,
1961,P.385.
Joseph John-NAMBO, op.ci. P.330.
137
d’accident, on le règle en fonction du code civil qui ne l’avait pas prévu, on ne part pas du
concret.
Dans le contexte colonial, on est dans un système tout à fait abstrait qui rattache le
présent au passé, tandis que dans le cadre traditionnel, le présent engendre l’avenir^^^. À
travers cette distinction et conformément à la hiérarchie des peuples dans l’espace colonial,
l’on constate la prééminence de la justice de droit français sur celle des indigènes.
La justice de droit français est dite donc de droit commun car c’est l’organisation
judiciaire principale bien qu’elle ne contrôle qu’une fraction infime des justiciables. Ainsi,
deux sortes de juridiction composent cette justice, il s’agit des juridictions pénales (A) et des
juridictions civiles et commerciales (B).
De façon générale, les juridictions pénales jugent les personnes physiques ou morales
soupçonnées d'avoir commis une infraction (contravention, délit ou crime). Selon la gravité de
l'infraction, la juridiction ne sera pas la même. Ainsi, de nos jours comme juridictions pénales,
nous avons, le tribunal de police, le tribunal correctionnel, la cour d’assise.
Le tribunal de police juge les contraventions les plus graves ou complexes commises
par des personnes majeures. Le tribunal correctionnel juge les délits commis par des
personnes majeures passibles d'emprisonnement jusqu'à 10 ans et d'autres peines (amendes,
peines complémentaires, travail d'intérêt général). La cour d'assise juge les crimes (infractions
les plus graves) passibles de la réclusion jusqu'à la perpétuité (en première instance et en
appel). C'est une juridiction où la participation des citoyens à la prise de décision est
importante. C’est également une juridiction non permanente statuant en matière pénale et
n’intervenant que pour les infractions de nature criminelle.
Par ailleurs, il faut relever que pendant la colonisation, les juridictions pénales étaient
l’apanage du colonisateur. Pour corroborer ce fait, Edmond MICHELET et Jean CLÉMENT
affirment : « Au point de vue indigène les décrets s'étaient bornés à maintenir les juridictions
138
indigènes existantes pour le jugement des affaires civiles, correctionnelles et de simple police,
les affaires criminelles proprement dites étant réservées à la juridiction française.»
Aussi, faut-il relever que la législation coloniale en matière pénale repose sur le code
d’instruction criminelle de 1808 et le code pénal de 1810. Le code d’instruction criminelle
réglemente le procès pénal, il organise les juridictions habilitées à exercer la répression. Le
code pénal de 1810 était la source de la légalité des peines dans les colonies.
En matière pénale, c’est sous le prétexte d’adoucir les coutumes locales, que le juge fait
pénétrer l’esprit des Institutions et des mœurs françaises. Cela dit, le droit pénal colonial
s’analyse comme la reproduction du droit pénal métropolitain avec des aménagements
spécifiques aux réalités dans les colonies. Le droit pénal colonial s’applique en matière de :
-simple police en vertu de l’article 20 du décret du 22 septembre 1887 qui dispose «en
matière de simple police, l’administrateur se saisit, directement des affaires. Il statue sur les
contraventions et juge sans l’assistance de greffier ni ministère public ».
-infraction flagrante et non flagrante. Ici, il faut retenir cependant que les sources
d’information d’une infraction se présentaient dans deux cas : la clameur et la rumeur
139
publiques (ordonnance du 14 février 1838) et les dénonciations et plaintes (articles 66 et 67 de
l’ordonnance du 14 février 1838).
De tout ce qui précède, nous constatons que la procédure pénale était applicable dans
les colonies. La procédure pénale est donc indispensable à l’application du droit pénal. Le
procès est en effet le lien nécessaire, l’inévitable trait d’union entre l’infraction et la
• 372
sanction.
En sus, notons que les procès coloniaux se déroulaient au sein des Institutions pénales,
autrement dit les juridictions pénales ; ces juridictions pénales qui ont acquis plus
d’importance depuis que le décret du 30 avril 1946 supprimait toute compétence pénale à la
justice indigène. On peut citer entre autres :
- La cour d’appel ; elle siège à Dakar et étend sa compétence sur toute l’AOF et le
Togo. La cour d’appel avait deux chambres détachées : une à Bamako et l’autre à Cotonou.
En 1952, il fut créé une autre cour d’appel, celle d’Abidjan.
- La Cour d’assise créée par le décret du 22 juillet 1939 qui existe dans chaque territoire
sauf en Mauritanie dont le ressort est rattaché à celui de Dakar.
La cour d’assises est une juridiction criminelle. Elle est présidée par un haut magistrat et
comporte un jury non professionnel.
- Les justices de paix à compétence étendue : créées en 1928, elles ont été réorganisées par
un décret de 1954. Elles jugent en matière de simple police et en matière correctionnelle tous
les délits commis. Le tribunal de première instance : le ressort est fixé par arrêté du
gouverneur général. Il juge en matière de simple police avec la même compétence que les
justices de paix à compétence étendue, ainsi qu’en matière correctionnelle.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit. P. 124.
Jean PRADEL, manuel de procédure pénale, 13‘^ édition revue et augmentée à jour au l®' juillet 2006,
éditions CUJAS, Paris, P. 14.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales en Afrique Occidentale Française, op.cit. P. 188-189.
140
En matière répressive, de simple police, elles rendent les décisions en premier et
dernier ressort : les contraventions dont la peine est une amende ou la prison pour 2 mois au
maximum ; en matière correctionnelle, en premier ressort : les délits dont la peine est
supérieure à 2 mois de prison. Ainsi, à côté de ces juridictions pénales, existaient des
juridictions civiles et commerciales qu’il convient d’analyser.
Les juridictions civiles examinent les conflits entre particuliers, entre autres une
demande en divorce, un désaccord sur les limites d’une propriété, sur l’exécution d’un
contrat, le versement d’une pension alimentaire, la vente d’un fonds de commerce, la rupture
d’un contrat de travail, le loyer d’un fermage... tandis que les juridictions commerciales
jugent tous les conflits entre commerçants, marchands, négociants, banquiers dans l’exercice
de leur commerce (vente d’un fonds de commerce, redressement et liquidation judiciaires) ou
relatifs aux actes de commerce (opérations de banque, de change, de courtage).
Au titre des juridictions civiles et commerciales, on peut noter les juridictions de première
instance (1er jugement). Ces juridictions de première instance sont les tribunaux qui
examinent les affaires pour la première fois. Outre ces juridictions, il y a la cour d’appel.
La cour d’appel, juridiction du second degré, permet à l’une des parties au procès qui
n’est pas satisfaite d’un jugement rendu, de pouvoir, à l’exception de certaines affaires et sous
certaines conditions, obtenir que le litige soit jugé une nouvelle fois. La chambre civile,
sociale ou commerciale de la cour d’appel réexaminera l’affaire. En sus, il y a au sommet la
cour de cassation qui a pour mission le contrôle de l’application de la loi.
141
justice de droit commun exercée par les tribunaux français statuant selon les codes et la
législation coloniale français.»
Cette justice de droit commun avait donc une prééminence absolue sur la justice
indigène. En ce qui concerne les juridictions civiles et commerciales, elles comprennent les
justices de paix à compétence étendue, les tribunaux de première instance et la cour d’appel
selon le décret du 10 Novembre 1903.
Par ailleurs, il n'existait qu'une seule Cour d'appel pour tous les territoires composant
l'AOF. Elle était composée d’un président, un vice-président, 7 conseillers. La Cour est
assistée de greffier et commis-greffiers. Le ministère public est représenté par le procureur
général, assisté d'un substitut.
La cour d’appel de l’A.O.F est créée par le décret du 10 Novembre 1903, article 3 et
siège officiellement à Dakar. Toutefois, avant l’aménagement des locaux prévus pour la
recevoir, elle siégera pour quelques années à Saint-Louis. En effet, ce n’est qu’à la suite de la
décision du gouverneur général de l’A.O.F, du 23 Juin 1906, que la cour d’appel de l’A.O.F
est définitivement transférée à Dakar. Elle succède ainsi à la cour d’appel du Sénégal, qui
siégeait à Saint-Louis et dont la création remontait à l’ordonnance du 27 Mars 1844.^^^
Le ressort de la cour d’appel de l’A.O.F s’étend sur tous les territoires des colonies du
Sénégal, de la Guinée Française, de la Côte d’ivoire, de Dahomey, du Soudan Français, de la
Haute-Volta, de la Mauritanie et du Niger. De plus, le tribunal de première instance de Lomé,
au Togo, reste rattaché à la cour d’appel selon l’article 3 du décret du 16 Novembre 1924^^^.
Elle est compétente entre autres pour connaître du recours en appel des jugements rendus
en premier ressort par la juridiction de premier degré, la justice de paix à compétence étendue
(J.P.C.E.)Elle est compétente également pour connaître du recours en annulation pour excès
de pouvoir ou violation de la loi, les décisions rendues en dernier ressort en toute matière par
la J.P.C.E. Aussi, elle est compétente pour analyser le recours en cassation des arrêts rendus
en toute matière par le conseil d’appel (Décret du 16/12/1896).
La cour d’Appel est compétente pour connaître du recours en appel des jugements des
J.P.C.E et ceux des tribunaux de première instance rendus en premier ressort. Elle analyse le
374
Jean CHABAS, « la justice indigène en Afrique Occidentale française » annales africaines, 1954, P. 101.
375
Source internet : www.histoiredroitcolonies.fr consulté en janvier 2015.
376
Ibidem.
377
Ibidem.
142
recours en annulation pour excès de pouvoir, violation de la loi ou incompétence des
jugements rendus en dernier ressort par les J.P.C.E et les tribunaux de première instance.
(Décret du 6/8/1901).
Quant aux J.P.C.E, elles rendent des décisions en premier et dernier ressort en toutes
matières :
- En matière civile, en premier et dernier ressort : toutes les actions personnelles et mobilières
jusqu’à la valeur de 1500F, pour les demandes immobilières jusqu’à 100F en revenu. En
premier ressort : toutes les autres affaires attribuées au juge de paix en métropole.
Les tribunaux de première instance ont des compétences étendues. Ainsi, ils connaissent :
Exceptionnellement en matière civile et commerciale, ils sont compétents pour toutes les
affaires dans lesquelles sont intéressées des personnes demeurant dans le ressort ; la loi
française étant appliquée sauf pour indigènes (droit des personnes). (Décret du 10/11/1903)
Ainsi, la justice française connaît des litiges qui naissent entre les Français,
Européens, assimilés ou entre eux et les indigènes. En conséquence, les juridictions de droit
commun ou de droit français se caractérisent à la fois par la présence d’un magistrat au moins
à tous les échelons et par l’importance donnée au système du juge unique. Si le droit et la
justice ont participé à une stratégie coloniale, les magistrats en sont un élément essentiel
puisqu’ils ont eu la charge d’appliquer, dans les territoires conquis le droit français.
Ayant la lourde tâche de « modeler les multitudes primitives », ils sont recrutés et
formés par l’État. Et un statut particulier leur est attribué. La spécificité de la formation et la
particularité du statut laissent à penser qu’il y a, de la part de l’État colonisateur, une volonté
143
de confier à ces magistrats une mission, d’en faire les porteurs de notre civilisation dans
OOA
les coins les plus reculés.
On rencontre deux catégories de magistrats : ceux qui ont suivi une formation et
que l’on appelle « magistrats professionnels ou de carrière » et ceux qui font office de
magistrats en raison de leurs attributions tels que les chefs de circonscriptions et les
administrateurs des colonies et ceux enfin, qui remplissent ces fonctions occasionnellement,
soit en tant qu’assesseurs ou jurés, soit en tant que remplaçants d’un magistrat absent . Les
magistrats coloniaux étaient recrutés de trois manières :
-L’examen professionnel institué par les décrets des 20 mai 1876, 13 février 1908 et 24 août
1928.
-L’école coloniale qui a vu le 07 avril 1905 la création en son sein de la section magistrature.
En fin de compte, il faut relever que tout cet arsenal judiciaire institué par le pouvoir
colonial avait pour but essentiel d’instaurer et surtout de maintenir l’ordre public. Cet appareil
judiciaire a été donc au service de la prison pour la préservation de l’ordre public colonial si
indispensable pour le pouvoir colonial.
Martine FABRE, le magistrat d’outre-mer, l’aventure de la justice, extrait de l’ouvrage : le juge et l’outre
mer : les roches bleues de l’empire colonial P.72.
Idem , P.73.
144
CHAPITREJI:
Pour les administrateurs et les officiers européens sur le terrain, ce fut à la fois un objet
de préoccupation quotidienne et une activité qui, d’une certaine façon, ne posait pas question
tant elle était précédée par un ensemble de certitudes.
de l’ordre public colonial, on peut affirmer qu’il était le pivot du fonctionnement régulier de
la société coloniale.
Emmanuel BLANCHARD et Joël GLASSMAN, le maintien de l’ordre dans l’empire français : une
historiographie émergente, 2012, P. 11.
Ibidem.
Idem, P. 12.
145
SECTION I :
Le Code de l’indigénat distinguait deux catégories de citoyens: les citoyens français (de
souche métropolitaine) et les sujets français, c’est-à-dire les Africains noirs, les Malgaches,
les Algériens, les Antillais, les Mélanésiens, etc., ainsi que les travailleurs immigrés. Les
sujets français soumis au Code de l’indigénat étaient privés de la majeure partie de leur liberté
et de leurs droits politiques; ils ne conservaient au plan civil que leur statut personnel,
d'origine religieuse ou coutumière.^^^
Ce code était constitué de toutes sortes d’interdictions établies par le pouvoir colonial
dont la transgression entraînait des peines d’emprisonnement. Il permettait donc une
répression rapide et sans autre forme de procès de tout indigène rebelle à l’ordre colonial. Il
sera adopté par le décret de 1887 en AOF et AEF. L’idée d’organiser la soumission et de
donner au colonisateur les moyens de se faire respecter est présente^^*’. C’est donc un mode de
146
§1 : Le régime de Findigénat, un mode de répression permanent
pour le renforcement de Fautorité coloniale
Ainsi, étaient punis entre autres tout « refus ou omission de se présenter devant le
commandant de cercle ou le chef de poste, sur convocation écrite ou verbale transmise par un
de ses agents, tout acte irrespectueux ou propos offensant vis-à-vis d’un représentant ou d’un
agent de l’autorité, discours ou propos tenus en public dans le but d’affaiblir le respect dû à
l’autorité française ou à ses fonctionnaires.. »
Comme nous le constatons en filigrane, ce code servait aussi à réprimer toute atteinte
au prestige et à l’autorité du pouvoir colonial ou à ses représentants. Le code de l’indigénat ou
code de discipline coloniale était donc un arsenal répressif redoutable entre les mains du
pouvoir colonial, car il octroyait à tout européen le droit de punir tout indigène dans la colonie
(A). Ces punitions étaient administrées en dehors de tout procès équitable (B).
C’est un recueil de mesures discrétionnaires destiné à faire régner le «bon ordre colonial»,
celui-ci étant basé sur l'institutionnalisation de l'inégalité et de la justice^^^. Ce code fut sans
Sources : archives nationales du Sénégal, M 216, arrêté du 14 septembre 1907 applicable dans toutes les
colonies de la fédération d’AOF, inédit.
Source internet : www.google.fr consulté en janvier 2015.
147
cesse «amélioré» de façon à adapter les intérêts des colons aux «réalités du pays». En vertu de
• • • ^20
ce code les indigènes avaient des devoirs mais aucun droit.
Le code de l’indigénat, selon Isabelle MERLE dans son article intitulé « Un code pour
les indigènes. Le redécouvrir fait scandale : la justice n’était pas la même pour les indigènes
», est « un ensemble de textes législatifs et réglementaires dont la fonction fut
d’organiser dons les colonies françaises, le contrôle et la répression des populations
dites indigènes »^^^. Le motif conducteur de ce code était axé sur la répression tous azimut des
indigènes afin de préserver et stabiliser l’ordre public colonial. Dans cette logique, il visait à
renforcer les intérêts du colonisateur et, partant, le respect de tout européen dans la colonie. Il
servait, de ce fait, à imposer le prestige des autorités coloniales et de tous les européens.
Les sanctions sont pénales lorsqu’elles sont consécutives à la transgression d’un code
pénal. Ainsi, les sanctions pénales ne se distinguent des autres sanctions, par exemple civiles
ou disciplinaires, que par le fait qu'elles sont prévues dans le Code pénal et prononcées par
une juridiction pénale. Ces types de sanctions sont donc précédés avant tout d’un procès
équitable.
Marcel AMONDJI, Félix Houphouët et la Côte-d’Ivoire, l’envers d’une légende, éditions Karthala, Paris,
P.47.
Isabelle MERLE, « Un code pour les indigènes. Le redécouvrir fait scandale : la justice n ’était pas la même
pour les indigènes », L’Histoire n°302, octobre 2005, P.44.
148
En revanche les sanctions disciplinaires concernent généralement toute mesure prise
par un employeur à l’encontre de son employé fautif. Cette mesure peut être un avertissement,
un blâme, une mise à pied, une rétrogradation...
En l’espèce, les mesures disciplinaires consistent, dans la majeure partie des cas, en
l’emprisonnement de courte durée, des amendes, des séquestres, la bastonnade. Elles font
suite à la violation d’un ensemble de règles spécifiques établies par le colonisateur. Il n’y a
pas de procès en l’espèce. La discipline imposée par le pouvoir colonial à travers ce code,
offrait donc le pouvoir à tout administrateur ou européen de punir disciplinairement tout
indigène fautif. Le code de l’indigénat donnait à tout Européen un prestige énorme, celui de
punir tout indigène réfractaire à l’ordre public.
Ainsi, pour paraphraser l’adage « qui aime bien châtie bien », dans le contexte
colonial et avec le code de l’indigénat, on pourrait aisément affirmer « qui préserve ses
intérêts châtie bien. » Tout européen était en quelque sorte investi en vertu du code de
l’indigénat de châtier les indigènes qui transgressaient ce code.
Dans cette optique, Régine N’GONO BOUNOUGOU écrit dans sa thèse intitulée la
réforme du système pénitentiaire camerounais : entre héritage colonial et traditions
149
culturelles que : « Le pouvoir de juger s'inscrit juridiquement dans le domaine
d'intervention du juge judiciaire par opposition au pouvoir administratif exercé par
l'autorité administrative. »
Toutes les conditions étaient donc réunies pour opprimer à fond le peuple colonisé. Ce
peuple n’avait pas de droit mais des devoirs voire des obligations envers le pouvoir colonial et
des européens. Les bastonnades, toutes sortes de brimades et l’administration de fouet en
prison sont ainsi considérées comme un mode d’assujettissement du colonisé au colonisateur.
C’est un moyen d’humiliation qui pemiet de briser toute tentative de désobéissance, d’affront
à tout Européen. Il est indéniable que par ces faits, tout Européen était craint et respecté. Ce
code renforçait la prééminence de la race blanche sur la race noire. En conséquence, il
s’établissait une injustice, une discrimination criarde dans la colonie.
Par de tels faits, la puissance colonisatrice, promotrice des droits de l’homme s’est
démarquée de ses principes en instaurant un climat de terreur permanent sur le territoire
colonial. Ce climat de terreur était également renforcé par la pratique récurrente de punitions
extrajudiciaires.
150
B-L’ exécution de punitions extrajudiciaires
Dans toute société civilisée voire dans tout Etat de droit, il existe trois pouvoirs qui sont
le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Chaque pouvoir a des
attributions spécifiques pour la gestion harmonieuse, transparente et équitable de la société.
Le pouvoir législatif est chargé d’élaborer, puis de voter les lois. Le pouvoir exécutif est
chargé de l’application des lois, en outre il conçoit et dirige la politique de la nation.
Cette situation est justifiée par William B. COHEN dans son ouvrage empereurs sans
sceptre, histoire des administrateurs de la France d'outre-mer et de l'école coloniale, en ces
termes : « On devra maintenir encore longtemps la sanction disciplinaire qui nous
permettra de punir d'une manière rapide et spectaculaire des actes incompatibles avec
l'ordre public et d'autres qui ne justifient pas le recours à un tribunal»
Ainsi défini, l’infrajudiciaire a existé dans les sociétés antiques. Il fut de ce fait un outil
efficace de l’ordre public et privé. De cette analyse, on peut affirmer que le code de
l’indigénat, à travers l’application des punitions extrajudiciaires, est le reflet de
William B. COHEN, empereurs sans sceptre, histoire des administrateurs de la France d’outre-mer et de
l’école coloniale, Paris, Berger-Levrault, 1973, P. 174.
B.GARNOT (dir), l’infrajudiciaire du moyen âge à l’époque contemporaine, actes du colloque de Dijon, 5-6
octobre 1995, Dijon, éditions universitaires de Dijon, série centre d’études historiques-5, 1996, P. 109.
151
l’infrajudiciaire. Les sanctions découlant du code de l’indigénat ne sont donc pas considérées
comme des condamnations pénales mais comme des punitions.
Ainsi, en analysant les différents articles de ce code, on voit qu’il s’agit essentiellement
de réprimer les atteintes à l’ordre colonial et d’insubordination au pouvoir colonial : refus
de payer l’impôt, de répondre à une convocation, dissimulation de la matière imposable,
connivence dans cette dissimulation, déclaration volontairement inexacte du nombre des
habitants soumis à l’impôt, entraves au recensement ou à la perception ; départ sans
autorisation d’une circonscription administrative, dans le but de se soustraire au paiement de
l’impôt ou à l’exécution d’une décision de justice ; refus de fournir les renseignements
demandés par les représentants ou agents de l’autorité dans l’exercice de leurs fonctions ;
refus ou négligence de faire les travaux ou de prêter les secours réclamés par réquisition écrite
Victor T. LEVINE, le Cameroun du mandat à l’indépendance, Paris, présence Africaine, 1984, P. 135.
Régine N’GONO BONOUGOU, op.cit.P. 128.
152
ou verbale dans tous les cas intéressant l’ordre, la sécurité et l’utilité publique, ainsi que dans
les cas d’incendie, naufrage et autres sinistres ;toutes sortes d’entraves à un service public ;
refus ou omission volontaire de se présenter devant le commandant de cercle ou le chef de
poste, sur convocation écrite ou verbale, transmise par un de ses agents ; tout acte
irrespectueux ou propos offensant vis-à-vis d’un représentant ou d’un agent de
l’autorité.
Ce code incrimine également tout discours ou propos tenus en public dans le but
d’affaiblir le respect dû à l’autorité française ou à ses fonctionnaires, tous Chants proférés
dans les mêmes conditions. Propos séditieux, incitation au désordre ; Immixtion de la
part d’indigènes, non désignés à cet effet, dans le règlement des affaires publiques ;
pratiques de charlatanisme susceptibles de nuire ou d’effrayer ou ayant pour but d’obtenir des
dons en espèces ou en nature et ne revêtant pas un caractère criminel ; détérioration ou
destruction de travaux, matériel, bâtiments de l’administration ou de tous ouvrages et
objets affectés à l’utilité publique....
153
§11 : Le régime de l’indigénat, un mode de sanctions exorbitantes
Selon Albert BILLARD « la première condition que doit remplir tout régime politique
applicable aux indigènes, c’est donc de constituer et d’assurer en droit et en fait la solide
hégémonie des métropoles ».^^^De cette assertion, on peut affirmer que la finalité principale
du pouvoir colonial est d’assurer et de maintenir aussi longtemps que possible une domination
incontestable dans la colonie et sur les colonisés.
Cette justice qui découlait du code de l’indigénat appliquait des peines spécifiques :
l’internement administratif et le séquestre. Devant les faits ou manœuvres susceptibles de
Albert BILLARD, « l’étude sur la condition politique et juridique à assigner aux indigènes des colonies » in
congrès international, de la sociologie coloniale, août 1900, T.2, mémoires soumis au congrès, Paris, Arthur
Rousseau, 1901, P. 14.
Arthur GIRAULT, principes de colonisation et de législation coloniale, partie, T.l, Paris, recueil sirey,
1922, P.510.
Elikia M’BOKOLO, Afrique Noire, Histoire et civilisation du XlX's à nos jours, 2*^ éd. Paris, Hatier-AUF,
2004, P. 360.
154
troubler l’ordre public, mais non prévus par la loi pénale, le gouverneur est habilité à imposer
l’internement ou pénalités collectives.'^^^
Ainsi, l’internement est une procédure par laquelle un individu se trouve soumis à un
régime de privation de liberté. L'internement administratif se distingue de la garde à vue ou de
la détention provisoire par le fait que la décision est prise en dehors de toute instance
judiciaire et par un représentant du pouvoir exécutif. Il fait partie des restrictions
exceptionnelles atteignant le plus gravement la liberté individuelle et doit être considéré
comme une mesure préventive de police"*®^
La peine d’internement a des traits caractéristiques particuliers : Elle sanctionne tous les
faits incriminés par loi coloniale ou non, aussi bien les actes portant atteinte à la sécurité
publique qu’à la domination du colonisateur. Elle bénéficie d'une procédure plus que
sommaire. Elle n’a point de durée préfixe : on sait quand elle commence, mais on ne sait pas
quand elle prend fin. L’internement est une peine spéciale aux indigènes qui se présente sous
la forme d’une mesure administrative prise par le gouverneur général.était à cet égard
une peine purement administrative ; cela en dehors de toute condamnation judiciaire.
Tout administrateur colonial pouvait donc prendre une mesure d’internement à l’égard
de tout indigène qui commettait des infractions prévues par le code de l’indigénat, cela sans
procès contradictoire. Ces infractions prévues par ce code concernent des règles d'hygiènes
(enterrement des animaux, refus de vaccination, etc.) ou d'urbanisme (constructions illégales,
squat, etc.), mais surtout des manifestations de résistance à l'ordre colonial, politiques (refus
d'aider les autorités, non-respect des administrateurs, révolte, etc.) ou économiques (appel à la
grève, refus de travail, refus de l'impôt, etc.).
justifie en affirmant que « les faits qui donnaient lieu à l’internement n ’étaient indiqués nulle
part, et la peine était aussi indéterminée que le délit
Arthur GIRAULT renchérit pour dire que « aucun texte ne donne au gouverneur
général le droit de prononcer V internement des indigènes. On peut citer sans doute des
‘*”2 Louis N’GONGO, Histoire des Institutions et des faits sociaux du Cameroun, tome I, Nancy, Berger-levrault,
1987, P. 146.
www.universalis.fr consulté le 30 décembre 2015.
Henri CARTIER, comment la France « civilise » ses colonies, Paris, les nuits rouges, 2006, P. 126-127.
Ibidem.
Ibidem.
155
arrêtés du gouverneur général qui organise la peine, une dépêche ministérielle qui en
reconnaît l’existence ; mais au point de vue légal, cela est évidemment insuffisant
Aussi le séquestre est-il considéré comme une voie d'exécution indispensable pour
percevoir les amendes collectives et pour atteindre les vrais coupables en intéressant toutes les
tribus à la répression. De plus, il produit une grande et nécessaire impression sur l'esprit des
indigènes en leur montrant par des actes visibles que le gouvernement a la volonté et la
puissance de sévir , ce pour quoi le gouvernement et la Commission ont été d'avis de
l'introduire « dans la loi
Les faits de nature à justifier un arrêté de séquestre sont déterminés par l'ordonnance du
31 octobre 1845 et par la loi forestière du 21 février 1903. Ils se ramènent à trois chefs :
1. actes d'hostilité, soit contre les Français, soit contre les tribus soumises à la France ;
assistance prêtée directement ou indirectement à l'ennemi, ou intelligences entretenues
avec lui
2. abandon, pour passer à l'ennemi, des propriétés ou des territoires que les individus ou
les tribus occupaient ; l'absence sans permission fait présumer, au bout de trois mois,
cet abandon et le passage à l'ennemi
Arthur GIRAULT, principes de colonisation et de législation coloniale, tome II, Paris, librairie de la société
du recueil général des lois et des arrêts, 1904, P.516.
Source : www.dictionnaire-iuridique.com consulté le 30 décembre 2015.
Source : www.webafriq.net consulté le 30 décembre 2015.
156
3. incendie de forêts, dénotant par leur simultanéité ou leur nature un concours préalable
de la part des indigènes, et susceptibles d'être assimilés à des faits insurrectionnels.»"””
Les trois dispositions étudiées prouvent que le corps et les propriétés des «
indigènes » peuvent être saisis selon des procédés sommaires qui dérogent à tous les
principes affirmés depuis 1789. Elles témoignent du statut pour le moins singulier de leur
personne et, par extension, de leurs biens qui ne sont protégés par aucun droit inaliénable
et sacré puisque tous sont en permanence exposés à la puissance souveraine et presque
illimitée de l'Etat colonial et de son acteur principal : le gouverneur général. Pour des
motifs d'ordre public, ce dernier peut disposer somme toute librement du colonisé et de
ses terres, soit en faisant du premier un véritable hors-la-loi dans le cas de l'internement,
soit en le privant, par le séquestre, de la jouissance des secondes"”’.
Il faut relever que le séquestre des biens était une peine qui affectait le
patrimoine de l’indigène. Il était également un moyen d’enrichissement des colons. Le code
de l’indigénat, par l’application de l’internement suivi du séquestre des biens de l’indigène
était un code redoutable et efficace car il privait le contrevenant de sa liberté et de ses biens.
Hormis ces peines consécutives à la violation du code de l’indigénat, il y avait également
l’amende collective.
157
collective. La notion même d'amende collective est contraire aux principes les moins
discutables de notre droit pénal, notamment le principe de la personnalité des peines. Les
montants exigés varient d'une à huit fois le total des impôts payés, et lorsque les « indigènes »
ne peuvent payer les sommes fixées par les services du gouvernorat, ils sont tenus d'effectuer
des prestations en nature.
Dans l’arsenal répressif en vigueur dans les colonies françaises, les indigènes peuvent
être collectivement tenus pour responsables et être astreints à une amende en l’absence de
toute culpabilité.‘*’^Par le seul fait d’appartenir à la même tribu que le supposé coupable, les
innocents peuvent être sanctionnés pour les faits auxquels ils sont absolument étrangers."*’"*
Aux yeux des colonisateurs...l’indigène est, par définition sinon par essence, présumé
coupable ; il doit donc payer pour les fautes de ses semblables quand bien il parviendrait à
apporter la preuve qu’il ne pouvait commettre les actes qui lui sont reprochés .Une fois
encore, ces dispositions témoignent de la disparition dans le droit colonial des concepts
d’individu et d’homme, au profit d’une sorte de masse indistincte composée de colonisés
désindividualisés et pour cela absolument interchangeables sur lesquels pèsent des mesures
d’exception permanente. Mesures qui les visent non comme des personnes, qu’il faudrait
identifier pour s’assurer de leur implication dans les délits commis, mais en tant qu’ils sont
membres d’une communauté « raciale » sur laquelle ils sont constamment rabattus afin de les
rendre solidaires les uns des autres, c’est-à-dire aux yeux des législateurs français, toujours
coupables. L’ensemble est soutenu par un nouveau concept juridique, inédit à notre
connaissance : celui d’une culpabilité sans faute ni responsabilité."*
Dans ce contexte, un indigène pouvait être puni et payer une amende pour une
infraction qu’il n’a pas commise. Il va donc subir les sanctions d’une infraction (amende,
emprisonnement) ou d’un fait qu’il n’a pas commis, même eu connaissance. C’était une
pratique arbitraire voire une injustice criarde, bafouant les droits élémentaires de l’homme.
La responsabilité pénale du fait collectif était de ce fait un corollaire du paiement de l’amende
collective.
158
Ces amendes ont été imposées par application des articles 3 et 4 du décret du 21
novembre 1904. Dans les spécifiés à l’article précédent (insurrection, troubles politiques
graves, manœuvres susceptibles de compromettre la tranquillité publique), il pourra être
imposé aux villages, sur les territoires desquels les faits se sont passés, et aux collectivités
dont les membres y auront participé, une contribution spéciale destinée à assurer à
l’administration les moyens de réprimer les désordres et d’en prévenir les retours.
Le paiement des amendes collectives étaient très souvent imposés aux indigènes
regroupés dans un village coupables de rébellion ou d’insoumission aux règles établies par le
code de l’indigénat. Ainsi en AOF où les « collectivités indigènes » sont « pécuniairement
responsables » des feux de brousse et des « incendies de forêts classées commis dans leur
voisinage, à moins qu'elles ne puissent établir la preuve que le délit a été commis par
quelqu'un d'étranger à la collectivité ». Nouveau triomphe de la présomption de culpabilité.
Dans de nombreuses colonies françaises, il se confirme que des principes majeurs, considérés
comme indissociables du respect des droits fondamentaux de la personne, sont violés de façon
substantielle et durable"*’^.
L’amende collective ne pouvait donc pas être appliquée sans l’imputation d’une
responsabilité collective. L’amende collective était une source de financement du budget de la
colonie vu à sa fréquence.
159
SECTION II :
La prison a été un instrument indispensable entre les mains du colonisateur dès l’entame
de la colonisation. Elle a participé à la maîtrise des résistants à la conquête coloniale. En
outre, elle a permis l’exploitation de la colonie par le bais de la main d’œuvre pénale.
Face à ce phénomène, les autorités coloniales ont donc pris des mesures afin d’imposer
une certaine discipline urbaine. Ces mesures sont principalement la réglementation des
espaces publics et des comportements qui s’inscrit dans la mission civilisatrice du
colonisateur. 11 faut donc éduquer les indigènes en leur inculquant les principes hygiéniques et
des règles urbaines qui existent dans la métropole.
160
Le pouvoir colonial avait pour objectif de faire des indigènes de véritables citadins en
incriminant certains comportements nuisibles au fonctionnement régulier des villes. Le
contrôle des marges urbaines par les autorités coloniales va se manifester par la répression de
la mendicité (A) et par la condamnation du vagabondage (B).
La mendicité est le fait de mendier, c'est-à-dire de demander l'aumône, don charitable fait
à un pauvre. Le terme décrit soit l'action soit la condition de celui qui y fait appel et ses
formes sont variées .Ainsi on peut apercevoir des mendiants errant dans les rues, devant les
mosquées, assis devant des bâtiments administratifs, devant les églises...
Il semblerait que, à travers l’Histoire, la plupart des civilisations et des sociétés aient été
confrontées à la question de la mendicité. Ainsi, des droits très anciens attestent de règles
spécifiques qui régissent la mendicité et son traitement juridique. La question posée aux
sociétés par la présence de mendiants en leur sein a été historiquement appréhendée de trois
161
manières : par la tolérance, par la répression et par l’aide sociale.'^^’ La privation de liberté
pour mendicité apparaît et va considérablement se développer au cours des 16^, 17® et 18®
siècles. Par ailleurs, parallèlement à la réponse pénale, l’Europe moderne prétend faire de
l’enfermement un outil de politique sociale : les mendiants sont aussi enfermés pour des
• • • 422
questions sanitaires.
En 1810, Napoléon Bonaparte fait adopter un Code pénal qui contient des dispositions
visant à réprimer la mendicité dite « qualifiée » : vont faire l’objet d’une répression pénale les
mendiants qui auraient usé de menaces ou seraient entrés sans permission dans les propriétés,
ceux qui, en mendiant, auraient feint des plaies ou des infirmités ou encore ceux qui auraient
mendié « en réunion » (c’est-à-dire en groupe)'^^^. Dès lors qu’est-ce que l’on entend par la
Ainsi, cette loi prévoyait que tout individu trouvé en état de vagabondage ou en train de
mendier pouvait être arrêté, le « vagabond » étant mis « à la disposition du gouvernement
pour être enfermé dans un dépôt de mendicité, pendant deux ans au moins et sept ans au plus
». L’enfermement pouvait donc durer jusqu’à 7 ans et les individus enfermés étaient astreints
à des travaux forcés.'^^'^
'*2' Lambert MANUEL et Jacques FIERENS, de l’inutilité de la répression de la mendicité : aspects historiques
et juridiques, pauverité, le trimestriel du forum bruxellois de lutte contre la pauvreté, numéro 5, septembre 2014,
P.4.
'*22 Idem, P.5.
Idem, P.5-6.
'*2'’ Idem,P.6.
162
Dans cette logique, les autorités coloniales vont incriminer certains comportements
abjects dans les circonscriptions administratives de la colonie de Côte d’ivoire. Il faut
réprimer toute attitude qui pourrait compromettre l’ordre public colonial notamment
l’hygiène publique. L’objectif était absolument de préserver l’ordre public urbain. À ce égard,
Pour y parvenir, le pouvoir colonial va instituer une police urbaine pour le contrôle et la
répression des marges urbaines. Il était donc mis en application des solutions de type carcéral
contre les vagabonds, les mendiants, les alcooliques... considérés comme agents
déstabilisateurs de l’ordre public urbain.
Art. 274 « toute personne qui aura été trouvée mendiant dans un lieu pour lequel il
existera un établissement organisé afin d’obvier à la mendicité, sera punie de trois à six mois
d’emprisonnement, et sera, après l’expiration de sa peine, conduite au dépôt de
mendicité
Art.275 : «dans les lieux oit il n’existe point encore de tels établissements, les mendiants
d’habitude valides seront punis d’un mois à trois mois d’emprisonnement. S’ils ont été arrêtés
hors du canton de leur résidence, ils seront punis d’un emprisonnement de six mois à deux
ans »426
Art. 276 : « tous mendiants, même invalides, qui auront usé de menaces, ou seront entrés,
sans permission du propriétaire ou des personnes de sa maison, soit dans une habitation, soit
dans un enclos ou dépendant, ou qui feindront des plaies ou infirmités ou qui mendieront en
réunion à moins que ce ne soient le mari et la femme, le père ou la mère et leurs jeunes
enfants, l’aveugle et son conducteur, seront punis d’un emprisonnement de six mois à deux
ans » 427
163
À travers ces articles, on observe que la peine minimum infligée aux mendiants est de
deux mois et la peine maximum est fixée à deux ans. Il faut relever également que pour une
question de salubrité urbaine, le pouvoir colonial avait aménagé un lieu spécifique dénommé
« dépôt de mendicité » qui devait retenir tous les mendiants qui pullulaient dans la ville. Il
était donc interdit à ceux-ci de se promener dans la ville. En outre, ceux qui se promenaient
de cour en cour pour mendier en compagnie de leurs conducteurs ou non étaient punis
sévèrement (six mois à deux ans de prison).
Le recours à la prison sera donc très récurrent dans la colonie pour sécuriser l’ordre
public urbain, cela dans un souci de stabilité du régime colonial et quiétude urbaine. Dans ce
contexte, les polices urbaines jouaient un rôle indispensable car elles étaient le principal
instrument de gestion des populations et devaient avant tout veiller à préserver l’entre soi,
l’hygiène et la tranquillité de la ville européenne'^^^.
B- La condamnation du vagabondage
Au Moyen âge, le vagabondage fut d’abord poursuivi sans être défini. Des mots
comme «caymands », « maraud », « oiseux », « ruffians », désignaient les errants, sans
distinctions claires. Il faut attendre le début du XVIème siècle pour qu’une ordonnance de
François 1®’’ en 1534 apporte un premier élément de caractérisation en parlant de « tous
164
vagabonds, oisifs, gens sans aveu et autres qui n’ont aucun bien pour les entretenir et qui ne
travaillent ne labourent pour gagner leur vie ». Le terme « sans aveu » aura été des plus
couramment utilisés pour les désigner. On le retrouve dès les premiers textes au milieu du
XlVème siècle. Il désigne les personnes qui ne sont pas « vouées » à un suzerain et qui
n’appartiennent pas à une communauté instituée. Au-delà des termes, les trois variables
historiquement associées à la catégorie de vagabond sont l’indigence, l’oisiveté et la
mobilité'*^^.
'*2’ Julien DAMON, La prise en charge des vagabonds, des mendiants et des clochards : une histoire en
mouvement », Revue de droit sanitaire et social, vol. 43, n° 6, 2007, pp. 933-951,P.936.
Ibidem.
Jean FREMIGACCI, Etat, économie et société coloniale à Madagascar (fin XIX-1940), éditions karthala,
2014, Paris, P.22.
165
Ainsi, la mobilité des populations dites {{ flottantes » est assimilée au vagabondage ;
le vagabondage avait donc une tendance criminogène selon les autorités coloniales.
L’article 270 du code pénal applicable en AOF dans les dispositions préliminaires, définit les
vagabonds en ces termes : « les vagabonds ou gens sans aveu sont ceux qui n 'ont ni domicile
certain, ni moyens de subsistance, et qui n 'exercent habituellement ni métier ni profession. ».
L’absence de ressources, de travail et de domicile fixe sont les éléments constitutifs du délit
de vagabondage selon le décret de 1923^^^.
À cet égard, les causes du vagabondage pendant cette époque sont dues
Selon l’article 271 du même code, « les vagabonds ou gens sans aveu qui auront été
légalement déclarés tels seront, pour ce seul fait, punis de trois à six mois
d'emprisonnement... »
Les autorités s’efforcent donc de limiter les flux migratoires mais aussi de
« criminaliser les marges urbaines» susceptibles de déstabiliser l’ordre public urbain'^^'*. Il se
Décret du 29 mars 1923 dispose en son art.l « les indigènes qui ne justifient pas de moyens réguliers et
avouables d’existence et qui n’ont pas de domicile certain ou de résidence habituelle ou variable suivant les
nécessités de leur profession » et art.2 « seront punis de 15 jours à 6 mois de prison ».
Bénédicte BRUNET LA RUCHE, « discipliner les villes coloniales » : la police et l’ordre urbain au
Dahomey pendant l'entre deux guerres, mis en ligne sur net le 13 janvier 2012, P.32.
'’^^Bénédicte BRUNET LA RUCHE, op.cit. P.29.
^’^lbrahima THIOUB, op.cit.P.289.
166
§ Il : La tentative de bris des mouvements d’éveil nationaliste par
la détention des leaders
La “nation” a toujours été conçue comme une entité géographique et économique,
mais aussi comme un vaste assemblage humain, qui se caractérise par la conscience de
son unité nationale, culturelle et la volonté de vivre en commun, c'est-à-dire, le peuple.
Le concept de “nationalité” implique en général le sentiment d'un individu ou d'un
peuple d'appartenir à une nation. Cependant, le terme “nationalisme” peut encore désigner les
revendications d'un peuple opprimé, dominé ou assujetti aspirant à rindépendance."^^^
Élie MAMBOLJ, l’origine et expansion du nationalisme en Afrique occidentale anglophone dans Imagined
communities de Benedict Anderson, sur www.revue-sociologique.org, P.2 consulté le 8 janvier 2016.
Ibidem.
167
développer chez les indigènes l’attachement à la France) et dans le cadre de l’action politique
coloniale (formation des auxiliaires locaux), l’école va faire naître des élites ivoiriennes,
mieux instruites qui vont remettre en cause le processus colonial.
Aussi faudrait-il relever que si le XIXème siècle et la première moitié du XXème siècle
ont été dominés par le colonialisme avec son corollaire d’exploitations, de brimades et de
frustrations, la fin de la seconde Guerre Mondiale verra la domination coloniale européenne
de plus en plus contestée par les peuples colonisés. Ces contestations et résistances ne sont
que l’expression de la montée des sentiments nationalistes dont le résultat le plus évident est
la naissance des mouvements nationalistes et leurs participations aux différentes luttes
émancipatrices.
Tous ces facteurs vont faire naître des mouvements d’éveil nationalistes dans la colonie
de Côte d’ivoire. Ces réformes, ou autrement dit ces facteurs ont entraîné une remise en cause
de l’ordre colonial. C’est dans cette logique certaine que Robert BOURGI affirme : « face à la
mauvaise volonté évidente de la métropole d’élaborer et d’appliquer une nouvelle stratégie
coloniale, cohérente et obéissant aux lois d’évolution des idées généreuses d’émancipation,
les premiers mouvements politiques africains, imparfaitement structurés, vont, par la décision
de certains leaders politiques radicaliser leurs revendications, céder la place à des
organisations de masse pourvues d’un véritable programme politique : à Madagascar, le
mouvement démocratique de la révolution Malgache (MDRM) et en Afrique de l’ouest, le
Jacques LOMBARD, Autorités traditionnelles et pouvoirs Européens en Afrique Noire, le déclin d’une
aristocratie sous le régime colonial, cahiers de la fondation nationale des sciences politiques, publié avec le
concours du Centre national de la recherche scientifique 1967, presses de la fondation nationale des sciences
politiques, paris, P.201.
168
Rassemblement Démocratique Africain (RDA) qui servent l’expression de la masse et la
masse elle-même .
Dans ce contexte, Simon Pierre ÉKANZA affirme que : « Les ivoiriens sont parmi les
premiers à conduire la lutte politique en Afrique noire, par la création d’un parti de masse
d’orientation anticolonialiste Cette lutte se fonde, en effet sur une prise de conscience du
peuple, sur une volonté clairement exprimée de rejeter l’ordre colonial que lui impose une
société étrangère, sur un projet de nouvelle société plus juste et plus égalitaire.'*'*’
PARAISO... Cet état d’éveil nationaliste va susciter chez les autorités coloniales une crainte
certaine.
Dès lors, les « évolués » d’alors sont jugés dangereux par le pouvoir colonial à cause
de leurs idées révolutionnaires susceptibles de remettre en cause l’ordre colonial, en sus ceux-
ci croient avoir les aptitudes intellectuelles et sociales pour gouverner, d’où les idées
d’indépendance. Pour affaiblir ces mouvements qui sont menés principalement par ce parti, le
pouvoir colonial va opter pour la répression énergique de toute contestation de l’ordre
colonial. Il y aura une surveillance accrue de la presse, des mouvements politiques et
l’emprisonnement des meneurs de ces mouvements.
Dans cette optique le professeur Samba DIARRA affirme : « Dès sa création, le RDA
est l’objet de tentatives d’étouffement de la part de l’administration coloniale sur ordre du
gouvernement français, à cause de l’option anticolonialiste du mouvement, que soutient le
parti communiste français (PCF). Brimades, vexations, humiliations, licenciements.
Albert BOURGI, le général de Gaulle et l’Afrique Noire 1940-1969, librairie générale de droit et de
jurisprudence, Paris, Nouvelles Editions Africaines (Abidjan-Dakar), 1980, Tome XXXIII, bibliothèque
Africaine et Malgache (Droit, sociologie politique et économie sous la direction de P.F GONIDEC et A.
BOURGI) P.20.
Simon-Pierre M’BRA ÉKANZA (dir), co-auteurs, Henriette DIABATÉ, SEMI BI ZAN, Georges
NYAMKEY, KODJO, Julien ZUNON GNOGBO , Ibrahim BABA KAKÉ, Mémorial de la Côte d'ivoire, les
grandes figures ivoiriennes, deuxième édition, 1987, éditions Ami Abidjan.
Ibidem.
169
emprisonnements sont mis en œuvre pour briser les sections territoriales du RDA, ou amener
les dirigeants de celles-ci à renier le mouvement. En Côte d’ivoire, pays du président du RDA
et siège de la section territoriale la plus dynamique du mouvement, c’est l’arme de la
répression que l ’administration coloniale choisit.
Les faits marquants de cette répression se situent dans les années 1949 et 1950.
L’arrestation de trente militants ivoiriens, trente parmi lesquels huit membres du comité
directeur sont arrêtés. Ce sont MM Bernard DADIÉ, Mathieu ÉKRA, Lama Camara, Jean-
Baptiste MOCKEY, Albert PARAISO, Philippe VIEYRA, Jacob William, SÉRY KORÉ
.Leur Procès s’ouvre en mars 1950 à Grand-Bassam, qui est alors le siège de la seule chambre
correctionnelle de Côte d’ivoire. Un verdict particulièrement sévère est rendu : seize
condamnations de six mois à cinq ans de prison et cinq condamnations à des peines
d ’ empri sonnement de trois à huit mois.'^'^^Ces sanctions sévères avaient pour finalité
d’affaiblir les mouvements d’éveil nationaliste afin de soumettre les leaders à l’ordre colonial.
Samba DIARRA, les faux complots d’Houphouët-Boigny, fracture dans le destin d’une nation (1959-1970},
éditions KARTHALA, Paris, 1997, P.29-30.
Jean-Noël LOUCOU (dir) avec la collaboration de Simon-Pierre EKANZA et SEMI BI ZAN, Mémoire de la
Côte d’ivoire, du nationalisme à la nation, tome 3, P.29-30.
‘^‘'‘^Albert Adu BOAHEN, l’Afrique face au défi colonial, in Histoire général de l’Afrique (J ’Afrique sous
domination coloniale : 1800-1935) publié par l’UNESCO 1987, 2000, 2010, Paris, P.37.
170
l’indépendance des pays colonisés. Dans ce contexte, on pourrait affirmer que la fin de la
seconde guerre mondiale accélère l’évolution, et conduit à de nouveaux changements qui sont
à l’origine d’une vie politique moderne et du développement du nationalisme dans les
colonies françaises. Ces changements ont pour origine la chute des puissances coloniales, la
position anticolonialiste des super-grands et de l’opinion internationale tout entière.
guerre. Pour l’URSS, les principes marxistes condamnent le colonialisme qu’ils assimilent à
une forme de domination capitaliste et la décolonisation à une forme de lutte des classes. De
plus, aider les peuples à accéder à l’indépendance, pourrait agrandir le bloc communiste.
ont toujours exprimée notamment lors de la création des organisations internationales comme
la Société Des Nations ( SDN) et l’Organisation des Nations Unies (ONU) est contraire aux
principes coloniaux. De plus, les États-Unis sont opposés au colonialisme pour avoir eux-
mêmes été colonies et pour en avoir connu les méfaits et les souffrances.
Quant à l’opinion internationale, on pourrait relever celle des églises qui, sur les bases
de l’unité et l’unicité du genre humain, l’égalité de toutes les races, vont tirer à boulet rouge
sur la colonisation en dénonçant les injustices et les inégalités causées par celle-ci. Tous ces
mobiles vont entraîner l’affaiblissement du colonisateur et une remise en cause voire une
contestation avérée de l’ordre colonial par les nationalistes indigènes. Ce nationalisme est
dirigé par des leaders appelés les « évolués », mieux instruits et qui sont aptes à gouverner la
nouvelle Côte d’ivoire indépendante.
Ces évolués réunis pour la plupart au sein du parti de masse : le PDCI-RDA, seront le
porte-flambeau de la lutte contre l’ordre colonial. Ils vont donc organiser des mouvements
anticoloniaux. Ainsi, selon le Professeur Pierre KIPRÉ « aux manifestations ouvertement
anticoloniales qu 'organise le PDCI-RDA au cours de cette période, l'écho des évènements de
171
Madagascar ne constituant pas un frein pour ce parti, répond la réaction brutale de
l’administration quand celle-ci n’agit pas préventivement; surtout depuis l’arrivée du
gouverneur Péchoux, nommé en novembre 1948 pour rétablir l’ordre en Côte d’ivoire à tout
445
prix » .
L’assassinat du sénateur Ernest Biaka Boda par des éléments des troupes coloniales à
Bouaflé (en janvier 1950) marque le point d’orgue d’une période de violence politique
permanente dans la colonie.'*'*^
De ce qui précède, on peut valablement affirmer que les autorités coloniales étaient
résolues à annihiler toute propagande anticoloniale dans la colonie et partant à soumettre ces
leaders (évolués), au pire des cas à les éliminer physiquement.
Il faut donc mater ici toute velléité de révolte populaire avant que l’Afrique noire
française ne soit gagnée par la « contagion nationaliste ». C’est cette position qui explique
l’arrestation de tous les principaux dirigeants du PDCI-RDA, à la faveur des incidents
d’Abidjan-Treichville, le 6 février 1949; seul le député Félix. HOUPHOUËT-BOIGNY
échappé a cette mesure.
Dans ce contexte, l’ouvrage de Bernard DADIÉ, carnet de prison, en est une parfaite
illustration. Ce livre est né en prison, c’est-à-dire dans une enceinte hérissée de tessons de
bouteilles, dans la chaleur torride, des jours et des nuits dans la pestilence quotidienne, parmi
des hommes loqueteux et affamés."*"^^
172
son indépendance. Grâce à ce sursaut nationaliste, la Côte d’ivoire a acquis son indépendance
le 7 août 1960, ouvrant l’ère de la première république ivoirienne.
173
CONCLUSION DU TITRE II
Dès les premières années de la conquête coloniale, la prison a joué un rôle central
dans le contrôle de la population. On assiste alors à un enfermement des hommes et des
territoires dans la mesure où il faut concentrer un maximum de personnes dans un endroit bien
défini pour mieux les contrôler. On passe alors des politiques du bannissement, de l’exil ou de
la lapidation, au système pénitentiaire balbutiant certes mais différents.'^'^^
Arnold N’GIJIMBI, le monde carcéral dans la littérature Africaine : lecture de Toiles d’araignées
d’Ihrahima LY, prisonnier de Tombalbaye d’Antoine BAHGIJI et parole de vivant d’Auguste MOGSSIROIJ
MOUYAMA, le mort vivant d’Henri D.JOMBO, thèse en vue de l’obtention du grade es lettres. Université Paris
XII, Val de marne (littérature générale et comparée), option : littérature francophone présentée le 14 mars
2008 ,P.8-9.
174
va prendre sa destinée en main et donner de nouvelles orientations aux prisons ivoiriennes
héritées de l’époque coloniale.
Cela dit, il faut relever que l’organisation des prisons pendant l’époque coloniale s’est
véritablement achevée en 1951 par l’arrêté local n° 134 A.P.B. Aussi, il faut noter que cette
organisation s’est faite de façon progressive car le pouvoir colonial avait besoin de dompter la
population autochtone pour instaurer, préserver l’ordre colonial et exploiter les ressources
naturelles de la colonie. On est donc passé des structures de fortune (case, baraque...) servant
de prisons à des constructions consistantes.
Il était donc opportun pour les nouvelles autorités ivoiriennes d’adopter un nouveau
texte pour régir le système pénitentiaire pour rompre avec l’idéologie coloniale ayant
impulsée l’institution du système pénitentiaire pendant la colonisation. Les nouvelles autorités
ne sont plus dans une logique de domination, mais de défense et de protection de la société.
La sécurité des biens et des personnes était, dès lors, une préoccupation majeure pour
les nouvelles autorités ivoiriennes. Pour bâtir la nouvelle Côte d’ivoire indépendante, il fallait
assigner aux prisons une mission d’utilité sociale, de défense sociale pour enrayer l’insécurité
afin de faire régner un climat de paix publique et de tranquillité pour le développement des
activités économiques , partant la prospérité du pays. Les Prisons auront en principe pour rôle
de sanctionner le délinquant tout en mettant en œuvre toute une politique pour sa réinsertion
sociale. Dans cette logique, elle sera en un outil d’utilité sociale dans la politique sécuritaire
ivoirienne.
175
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
Apporter la civilisation aux autres peuples africains a été l’une des motivations de la
conquête coloniale par les puissances européennes. La notion de civilisation devient centrale
dans la culture européenne, dans l’identité du continent le plus petit mais le plus conquérant et
dans son image de l’autre. On peut trouver là une variante laïque de l’universalisme chrétien.
Pour les autorités religieuses l’expansion reste la possibilité d’évangéliser d’autres régions du
monde.'*^^
vue de défendre leurs terres. Dès lors, dans l’objectif de dompter et juguler les différentes
résistances à la conquête des terres ivoiriennes, le colonisateur aura recours à la prison.
^*5° Claude LIAIJZU, Hisloire de Tanticolonialisme en France du XVF siècle à nos jours, librairie Arthème
Fayard/Pluriel, 2010, P.77.
‘*5’ Séraphin NÉNÉ BI BOTI, la terre et les Institutions traditionnelles Africaines : le cas des Gouro de Côte
d'ivoire, op.cit. P. 121.
176
DEUXIÈME PARTIE :
LA PRISON, UN OUTIL D’UTILITÉ
SOCIALE DANS LA POLITIQUE
CONTEMPORAINE DE LA CÔTE
D’IVOIRE
177
Depuis son accession à l’indépendance le 07 août 1960, la Côte d’ivoire a entrepris la
construction de son propre édifice juridique, en se dotant d’un ensemble de textes qui, tout en
s’adaptant au contexte, s’efforce de tenir compte des réalités nouvelles et de la nécessité de
promouvoir la nation au rang des sociétés les plus modemes.'^^^
Les nouvelles autorités investies vont se lancer dans une œuvre de modernisation de
l’Administration, des structures, des infrastructures afin de faire face aux nouvelles exigences,
aux réalités nouvelles qui s’imposent à elles. Dans cette optique, elles vont procéder à une
refonte de l’appareil judiciaire et ses démembrements hérités de l’époque coloniale, cela dans
le but de mettre en place une organisation judiciaire moderne et adaptée aux besoins du pays.
Dans la même logique, les prisons héritées de l’époque coloniale ne vont pas rester en
marge de cette évolution ; elles seront affranchies de l’idéologie coloniale par l’adoption d’un
nouveau texte, celui du décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des
établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté, tel que modifié par le décret n” 2002-523 du 11 décembre 2002. Ce décret adopté 9 ans
après l’indépendance de la Côte d’ivoire, marque un véritable aggiomamento du système
pénitentiaire ivoirien. Dans cette logique, la prison ne sera plus un instrument de domination
socio-économique, mais un outil destiné exclusivement à assurer la sécurité des biens et des
personnes pour l’émergence harmonieuse, voire le développement socio-économique de la
Côte d’ivoire. Dès lors, la prison occupera une place d’utilité sociale voire de défense sociale
en ayant pour mission de sanctionner, d’amender et de resocialiser les délinquants
C’est donc ce nouveau texte qui est en vigueur actuellement et qui sera notre
boussole dans cette partie de notre travail. Aussi faudrait-il affirmer selon Maurice CUSSON
que : « Tous les Etats de la terre continuent de punir leurs criminels et aucun gouvernement
“^^^Mamadou FADIGA et Roger ARTHUR, commentaire du code ivoirien de procédure civile, commerciale et
administrative, in PENANT, revue de droit des pays d’Afrique (Ediafric), Paris cedex 1977, P.86.
178
ne semble prêt à abroger son code pénal ou à fermer ses prisons Ainsi, la prison apparaît
comme un instrument de sécurité indéniable. À cet égard, il y aura la mise en place d’un
système pénitentiaire à l’effet d’exécuter les missions d’utilité sociale dévolues à la prison.
Cependant, les autorités pénitentiaires s’attarderaient sur le volet sécuritaire de la prison au
point de négliger l’aspect social pourtant fondamental d’où l’exécution apparente des
missions classiques par la prison (titre I). Dans ce contexte, il convient de faire ressortir les
entraves à la réalisation complète de ces missions d’utilité sociale au détriment de
l’instauration d’un cadre éthique carcéral (titre II).
"‘^^Maurice CUSSON, « pourquoi punir », collection criminologie et droit de l’homme, Dalloz, Paris, 1987, P. 13.
179
TITRE PREMIER :
180
Le droit pénal classique, expression par excellence de la souveraineté étatique, s’est
construit sur la base d’un espace et d’une temporalité qui se voulaient homogènes. Cet espace
est celui du tenitoire national, comme l’implique le principe de territorialité du droit pénal qui
veut que la loi nationale s’applique à toutes les infractions commises à l’intérieur des
frontières du pays, mais qu’elle se désintéresse des infractions commises à l’étranger.'^^'^Le
droit pénal est le symbole le plus éclatant de la souveraineté nationale."^^^
À cet égard, la nouvelle Côte d’ivoire affranchie du joug colonial va élaborer ses
propres textes juridiques en matière pénale, qui répondent mieux aux aspirations sécuritaires
sociales nouvelles. Les nouvelles autorités vont mettre en place un nouveau système
pénitentiaire qui répond mieux aux aspirations des normes internationales dans ce domaine.
Ainsi, il y a l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Nations Unies 1955),
les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Nations Unies
1990) et d’autres instruments pertinents.
Selon les Nations Unies, dans l’annexe du guide de l’appui aux systèmes pénitentiaires de
janvier 2006, le système pénitentiaire a pour fonction la gestion des prévenus ainsi que des
condamnés à des peines privatives de liberté sur ordre légitime d’un tribunal compétent. Par
conséquent, comme politique carcérale, l’État a opté pour la centralisation du système
'*5^ Michel van de KERCHOVE, éclatement et recomposition du droit pénal dans la place du droit pénal dans la
société contemporaine, revue de science criminelle et droit pénal comparé, Dalloz, Paris cedex, 2000, P. 13.
Mireille DELMAS-MARTY, avant-propos : les contradictions du droit pénal dans la place du droit pénal
dans la société contemporaine, revue de science criminelle et droit pénal comparé, Dalloz, Paris cedex, 2000,
P.3.
181
pénitentiaire (chapitre I), tout en faisant des établissements pénitentiaires (prisons) des
dispositifs sécuritaires essentiels de ce système (chapitre II).
182
CHAPITRE I :
En droit pénal, effectivement, le territoire fixe les limites de la souveraineté des États,
de leur droit de punir, élément essentiel de cette souveraineté''^^. Il revient à chaque pays
Ainsi, comme l’a déclaré Monsieur Dmitry Titov, sous-secrétaire général à l’état de
droit et aux institutions chargées de la sécurité de l’ONU, dans le cadre des actualités
pénitentiaires de juillet 2011 : «presque chaque pays, à quelque niveau de développement
qu’il se situe, dispose d’un système pénitentiaire qui fait partie de son système de justice
pénale ». Il revient donc à chaque Etat d’adopter une politique de gestion de ce système.
Dans cette logique, notre pays la Côte d’ivoire a conservé la centralisation du système
pénitentiaire adopté par le colonisateur vers les années de décadence de la colonisation.
Notons qu’elle lui a assigné une nouvelle mission différente de celle du colonisateur, tout en
la réglementant aux normes internationales en matière de gestion pénitentiaire.
Cette politique de centralisation se perçoit à travers la mise en place d’une direction des
affaires pénitentiaires qui est dorénavant l’organe central de gestion de la politique
pénitentiaire de l’État ivoirien à savoir celle de la défense sociale (section I). Par ailleurs, il
faut relever qu’eu égard à la délicatesse et à l’ampleur de ses missions, cette direction
rencontre des défaillances qui sont comblées plus ou moins par des structures externes
(section II).
183
SECTION I :
La Direction des Affaires pénitentiaires est donc placée sous la tutelle du ministère
de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques. Cet état de fait est la
manifestation d’une réelle volonté de l’État ivoirien de marquer un lien étroit qui doit exister
Ainsi, le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions, des sentences
pénales et au maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion sociale des personnes
confiées par l’autorité judiciaire. L’incarcération peut être perçue comme l’ultime étape du
processus de justice pénale, lequel commence par le délit commis, pour se poursuivre avec
l’instruction, l’arrestation du suspect et sa détention, le procès et enfin la condamnation."^^^
Nations Unies, mesures carcérales et mesures non privatives de liberté, le système pénitentiaire (compilation
d’outils d’évaluation de la justice pénale) 2008, P.l.
184
SI-Les structures de la Direction des Affaires Pénitentiaires
Ainsi, la règle 46 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus
prévoit que : « 1’Administration pénitentiaire doit choisir avec soin le personnel de tout grade
car c ’est de son intégrité, de son humanité, de son aptitude personnelle et de ses capacités
professionnelles que dépend une bonne gestion des établissements pénitentiaires ».
Au risque de nous répéter, la Direction des Affaires pénitentiaires est dirigée par un
Directeur central nommé par décret du Président de la république sur proposition du Garde
des Sceaux, Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques. C’est lui
qui met en œuvre la politique pénitentiaire telle que conçue par le gouvernement. La
Direction des Affaires pénitentiaires est dirigée par des civils qui sont à la tête des différentes
sous-directions (A) et des délégations régionales (B) qui la composent.
Article 3 al.l de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 dans Droit Pénitentiaire, recueil de
textes, mise à jour le 31/12/2011, édition 2012, P.5.
185
A-Les différentes sous-directions de la Direction des Affaires
Pénitentiaires
■*5’ Art.5 de l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques portant
organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires.
186
Quant au bureau en charge de la politique carcérale, il est chargé de :
-de l’orientation, du suivi par les services déconcentrés et les juges de l’application des
peines, des décisions privatives ou restrictives de liberté ;
Selon l’article 9 du même arrêté, placé sous l’autorité d’un responsable, le bureau de la
sécurité et du renseignement pénitentiaire est chargé ;
Article 6 de l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires.
187
-de la coordination des actions de prévention des risques d’évasion mises en place par les
délégations régionales ;
-de la coordination des actions sécuritaires avec les services centraux de la police, de la
gendarmerie et des FRCI ;
-du suivi des enquêtes administratives et judiciaires relatives aux violations des règles de
sécurité pénitentiaire.
Cette Sous-Direction comprend trois bureaux. Il y a d’abord le bureau chargé des services
socio-éducatif et de la politique sociale.
Ce bureau est placé sous l’autorité d’un Responsable qui se charge de la gestion sociale
des personnels pénitentiaires et des personnes détenues, de l’élaboration et du suivi des
conventions et protocoles avec les secteurs associatifs ; du suivi des dossiers judiciaires et
administratifs des détenus ; des activités socio-éducatives en milieu carcéral ; du suivi des
activités économiques des détentions.
Article 10 de l’arrêté n" 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires.
188
emplois en liaison avec le Ministère en charge de l’Emploi ; de la mise en œuvre et du suivi
des modalités du travail en milieu pénitentiaire ; du suivi et de la coordination des actions de
prospection commerciale, de promotion du travail et de réinsertion sociale.
Les Délégations Régionales sont une innovation au sein de la Direction des Affaires
Pénitentiaires instituée par l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme
et des Libertés Publiques portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires. Ce
sont des services de ladite Direction qui exercent leur fonction sur l’ensemble du territoire de
la République de Côte d’ivoire. La Délégation Régionale, placée sous l’autorité d’un Délégué
Régional est chargée d’assister le Directeur des Affaires Pénitentiaires dans la gestion des
prisons de son ressort territorial. Le Délégué Régional est donc chargé :
Article 12 de l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
portant organisation de la Direction des AfFaires Pénitentiaires.
189
permet une prise en compte directe des besoins des établissements pénitentiaires et une
gestion beaucoup plus rapprochée des missions de la Direction des Affaires Pénitentiaires
auprès des différents établissements pénitentiaires repartis sur le territoire national.
-du contrôle des activités générales et des effectifs des établissements pénitentiaires ;
-des transfèrements ;
-du suivi des soins aux détenus et aux personnels pénitentiaires en milieu carcéral ;
Article 17 de l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires.
190
Ainsi, comme nous l’avons déjà relevé, les Délégations Régionales sont le prolongement
au niveau régional des missions de la Direction des Affaires Pénitentiaires. Aussi, il importe
d’analyser les missions proprement dites de la dite Direction.
N.B : Notons que l’inspection générale des services judiciaires et Pénitentiaires n’est
pas un service de la direction des affaires pénitentiaires. Il faut relever qu’elle est rattachée
directement au cabinet du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés
Publiques. L’inspecteur général a rang de procureur général. Ainsi, selon l’article 4 du décret
2014-542 du l®*" octobre 2014 portant organisation du Ministère de la Justice, des Droits de
l’Homme et des Libertés Publiques, elle est chargée :
-de constater les insuffisances dans l’activité des juridictions, services et professions et
proposer les mesures nécessaires en vue d’y remédier pour parvenir à une bonne
administration de la justice ;
-d’instruire les dossiers en vue de la saisine des organes disciplinaires et faire des propositions
de sanctions.
Article 18 de l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires.
191
-soit à l’inspecteur Général des Services Judiciaires et Pénitentiaires^^^
Elle est dirigée par un Inspecteur général choisi parmi les magistrats hors hiérarchie
du groupe A, ayant le même rang que le Procureur général près la Cour Suprême. Il est
secondé par des Inspecteurs généraux adjoints et des inspecteurs des services judiciaires et
pénitentiaires. L’inspecteur Général, les Inspecteurs Généraux adjoints et les Inspecteurs sont
nommés par décret pris en conseil des Ministres, sur proposition du Garde des Sceaux,
Ministre de la Justice.
Notons que la Direction des Affaires Pénitentiaires gère tous les établissements
pénitentiaires (33) sur tout le territoire national, répartis en maison d’arrêt, maison d’arrêt et
de correction et en camp pénal.
Les fonctions des prisons varient selon les époques et les sociétés. La plupart du temps,
il s'agit :
• de punir une personne reconnue coupable d'une faute d'une certaine gravité;
192
de protéger la société des personnes dangereuses ;
prison est donc axée principalement sur la sécurité de la société et partant sur la protection des
biens et des personnes. Elle retient tous les réfractaires à l’ordre social établi.
193
La Direction des Affaires Pénitentiaires qui gère les prisons a pour tâche principale de
détenir sur ordre de la justice les hommes et les femmes qui transgressent les lois établies. Les
prisons jouent un rôle essentiel dans la société. Elles sont cruciales pour la sécurité humaine et
la sûreté publique.'*^^
Ainsi, certains auteurs ont révélé les fonctions assignées à la prison. Nous pouvons
citer LAMEYRE, Xavier / SALAS, Denis. Prisons, permanence d'un débat [Dossier].
Problèmes politiques et sociaux. Paris : La documentation française, juillet 2004, n° 902, p.5-
119. Cet ouvrage donne les informations importantes sur l’origine, l’évolution, la nature et la
réalité de la fonction que la société assigne à sa prison. On a également JOURNET, Nicolas.
Peut-on réformer les prisons ? Sciences humaines, février 2001, n° 113, p. 16-20. La réforme
des prisons est à l'ordre du jour : elle porte non seulement sur les conditions de vie des
détenus, mais aussi sur la finalité et l'usage de l'incarcération dans l'arsenal judiciaire français.
Cela dit, la peine privative de liberté est établie pour la sécurité de la société.
La dissuasion est fondée sur la capacité de raisonnement des individus qui, au vu des
sanctions appliquées, feraient en sorte de s’abstenir de transgresser la loi. La neutralisation
permet d’empêcher le coupable de commettre de nouvelles infractions. Ainsi, neutraliser un
délinquant, c’est le priver de liberté en le mettant en prison, cela dans le but de protéger la
société. Les délinquants sont donc privés de liberté dans le but de protéger la société.
La privation de liberté est en soi une punition qui pourtant viole l’article 3 de la
déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : « tout individu a droit à la vie, à la
liberté et à la sûreté de sa personne ». Cette punition s’avère nécessaire pour la protection de
UNODC (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), manuel à l’intention des Directeurs de
prison, outils de formation de base et programme d’étude à l’intention des Directeurs de prison, fondés sur les
normes et règles internationales /série de manuel sur la Justice pénale, publication des Nations Unies, New
York, février 2011, P.3.
194
la société. Ainsi, l’incarcération paraît-elle fondée sur un indice de dangerosité,
indépendamment de celui de culpabilité.^^’
B- La mission sociale
195
À travers ces ouvrages, l’on voit nettement la mission sociale de la prison
contemporaine : la réadaptation de l’ex- contrevenant. Elle est en quelque sorte une mission
secondaire, eu égard à la primauté indéniable accordée à la mission dite de sécurité pratiquée
depuis belle lurette compte tenu des considérations historiques et sociologiques. La
réadaptation de l’ex-détenu se manifeste par son intégration harmonieuse dans la société
notamment par l’apprentissage d’un métier pendant sa durée de détention. En réalité, le travail
pénitentiaire est un élément capital de réinsertion du délinquant.
Nous pouvons même affirmer que l’idée maîtresse de la mission sociale de la prison
de nos jours est la resocialisation de l’ex-détenu. La resocialisation passerait alors par la phase
d’oubli de toutes cicatrices causées par le quotidien de la prison.'*^'’ Certains États ont pris le
Fabrice GUILBAUD, le travail pénitentiaire. Une étude de sociologie du travail, « mission de recherche
Droit et Justice », Février 2006,P.202.
Idem, P.21.
Arnold N’GUIMBI, op.cit. P. 18.
196
être prise en compte dans la mise en œuvre du traitement pénitentiaire"^^^ .Cette mission
sociale (resocialisation, réadaptation) est donc assurée en Côte d’ivoire par la Direction des
Affaires Pénitentiaires. Celle-ci, pour mener à bien cette mission, a une Sous-Direction
spéciale chargée de la réinsertion et des Affaires Sociales.
Par voie de conséquence, des infirmiers et des médecins sont détachés dans les
établissements pénitentiaires pour apporter des soins adéquats aux détenus. Pendant la période
de détention, les délinquants ont droit à une formation professionnelle qui leur permettent à
leur sortie de prison, de mener une activité pour subvenir à leurs besoins. Cela dit,
« L’administration pénitentiaire doit s’efforcer constamment d’éveiller et de maintenir dans
l’esprit du personnel et de l’opinion publique la conviction que cette mission est un service
social d’une grande importance ; à cet effet, tous les moyens appropriés pour éclairer le public
devraient être utilisés
‘*^5 Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), Etude sur les droits de l’homme en
prison, propositions (Adoptée par l’assemblée plénière du 11 mars 2004), P. 12.
Règle 46 (2) de l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.
197
thématiques dans son ouvrage. Guide du sortant de prison , la Découverte, coll. Guides, 2006.
L’éducation, la formation et le suivi psychologique se sont donc imposés au système
carcéral comme étant des points incontournables à une bonne réinsertion sociale."^^^
Cependant, il faut relever que cette mission sociale dans la réalité est difficile à mettre en
œuvre. Cela se perçoit dans l’ouvrage de PROULX Marie-Hélène, la réinsertion des ex
détenus. Prisonnier de son passé (dossier), magazine jobboom, mars 2012.
Selon l’auteur, un québécois adulte sur sept (7) a un casier judiciaire, un fardeau
pesant à traîner pendant la quête de travail, car les employeurs vérifient les antécédents des
candidats à l’emploi. Cette situation est très souvent un obstacle à la réinsertion des ex
détenus. Cela dit, la Direction des Affaires Pénitentiaires a certes une mission de défense
sociale (sécuritaire et sociale), mais elle confronté à des difficultés qui contraignent très
souvent ces missions.
SECTION II :
Agence Canadienne de développement International (ACDI), réforme carcérale et droits des personnes
incarcérées, publié par le centre international des droits de la personne et du développement démocratique
(Droits et Démocratie), juin 2009, P. 6- 7.
François GUÉI, rapport des activités en 2004 et 2005 et perspectives, Abidjan 15 février 2006, P. 1.
198
Ainsi, la Direction des Affaires Pénitentiaires, organe central de gestion du système
pénitentiaire remplit des missions nobles (sécuritaires et sociales) pour le bien être de la
population ivoirienne. Par ailleurs, pour l’accomplissement de ces missions, elle est
confrontée à des difficultés, notamment l’inefficacité de ses moyens d’action (§1). Ces limites
de la Direction des Affaires Pénitentiaires sont compensées par l’apport considérable des
structures ou organismes externes (§11).
Badinter, Robert (1928- ), avocat et homme politique français, ministre de la Justice (1981-1986) dont
l’action est à l’origine de l’abolition de la peine de mort en France, puis président du Conseil constitutionnel
(1986-1995).
199
misère, la promiscuité, la corruption de la vie carcérale, toujours dénoncées et toujours
reconduites ? Pourquoi accuser les tares d'un système pénitentiaire indigne des valeurs de la
République -et de son intérêt bien compris, puisqu'il nourrissait la récidive - et cependant se
garder d'y remédier ?
Il dénonce à travers cet ouvrage les maux qui minent les prisons françaises. On y
retrouve l’insuffisance des moyens financiers pour une gestion efficiente des prisons. Ainsi
de manière générale dans tous les pays, l’insuffisance des moyens financiers est la cause de la
malnutrition voire de la maltraitance des prisonniers. Il faut donc des moyens financiers
conséquents pour satisfaire des besoins vitaux des prisonniers à savoir l’alimentation et la
santé. Cependant, depuis belle lurette l’organe central de gestion du système pénitentiaire ne
dispose pas de moyens financiers adéquats pour couvrir les besoins des établissements
pénitentiaires et partant des prisonniers.
Ainsi, en 2005, le total des crédits alloués à la DAP pour son fonctionnement et les
investissements était de 1.050.350.000 f CFA.'^^^En 2006, le total était de 1.206.979.500 f
CFA selon le rapport de l’ONUCI sur les établissements pénitentiaires en 2006. Il faut relever
que ces moyens financiers sont insuffisants par rapport aux charges de la direction de
l’Administration pénitentiaire. L’insuffisance des moyens financiers est corroborée par le
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, lors d’une communication
ONUCI, rapport sur la situation des établissements pénitentiaires de Côte d’ivoire, septembre 2007, P. 15.
200
en conseil des Ministres en 2009 en ces termes : « Malgré une légère augmentation des
crédits alloués aux établissements pénitentiaires, la situation demeure préoccupante. La
notification des budgets des Maisons d’Arrêt et de Correction pour l’année 2008 avait laissé
entrevoir des perspectives heureuses pour l’Administration Pénitentiaire... Cette
revalorisation permettait sur le plan national de passer d’un taux rationnaire journalier de
237F en 2007 à 314F par jour et par détenu en 2008. Cependant cette situation positive va
connaître des écueils importants au cours de l’année, pendant l’exécution du budget. C’est
d’abord un prélèvement de 10% qui a été opéré sur les crédit.s destinés à l’alimentation dès la
notification. Il a ensuite fallu faire face à l’augmentation du prix des denrées alimentaires
suite à la flambée du cours du pétrole. Cette crise a fortement réduit le pouvoir d’achat des
établissements pénitentiaires et par voie de conséquence la quantité d’aliments disponibles
dans nos prisons. Cette situation est devenue intenable depuis les mesures relatives à la
réduction du train de vie de l'Etat. En effet, la plupart des établissements pénitentiaires ont vu
leur crédit destiné à l’alimentation des détenus, amputé de 5 à 7 millions de francs...La
difficulté, c’est qu’en plus de l’insuffisance du budget alimentation des prisons, les
fournisseurs ne sont pas payés depuis 2ans pour certains... Au total, il faut retenir que les
crédits d’alimentation alloués aux établissements pénitentiaires sont insuffisants. Nous
sommes toujours loin des prescriptions de l’arrêté de 15 avril 1952 sur la base duquel la
ration alimentaire devrait être aujourd’hui de 800 francs pour le régime ordinaire et 1160
francs pour le régime amélioré c’est-à-dire celui des cadres et assimilés. L’image d’un Etat
dépendant pour beaucoup du respect ou non des droits de l’homme, qui se mesurent
principalement à l’aune du traitement des individus dans les lieux de détention, une
augmentation sensible des crédits alloués aux établissements pénitentiaires est sollicitée^^'»
En ce qui concerne les moyens humains, dans les années antérieures la DAP était
confrontée à une insuffisance criarde en termes de personnel humain. Selon le rapport des
activités en 2004 et 2005 et perspectives de l’ancien Directeur de l’Administration
Pénitentiaire François GUÉI, l’Administration pénitentiaire compte 884 agents dont 67
régisseurs, 5 femmes, 131 surveillants-chefs, 500 surveillants et 186 stagiaires ; cela donne un
ratio d’un agent pour dix détenus pour l’ensemble des personnels et un surveillant pour 14
détenus . « L’Administration Pénitentiaire compte à ce jour (2009) 1077 agents dont 77
Mamadou KONÉ (Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme à cette époque).
Communication en Conseil des Ministres sur la situation des maisons d’arrêt et de correction, fait à Abidjan le
03 mars 2009, P.3-5.
‘’^^François GUÉl, op.cit. 3.
201
régisseurs, 144 surveillants-chefs et 860 surveillants pour une population carcérale estimée à
13000 détenus. Ce qui donne un ratio d’un surveillant pour 13 détenus, la norme
internationale reconnue étant d’un surveillant pour 4 détenus ...Le constat de l’insuffisance
du personnel pénitentiaire s’impose et le recrutement effectif de 300 surveillants par an dès
cette année 2009 et ce pendant 3ans permettrait de combler un tant soit peu ce déficit qui va
s’accroître très certainement avec l’ouverture prochaine des onze maisons d’arrêt et de
correction situées dans les zones Centre, Nord, Ouest ».
Par ailleurs, il faut relever qu’actuellement des efforts sont faits par le gouvernement
ivoirien pour combler ce déficit en personnel de la DAP. On compte en 2015, 3073 agents
tous corps confondus (agents d’encadrements des établissements pénitentiaires, les
contrôleurs des établissements pénitentiaires et les attachés des établissements pénitentiaires).
En outre, la DAP ne gérait pas directement son personnel, celui-ci était administré
par la Direction des Services Judiciaires et des ressources humaines du MJDHLP. De nos
jours avec l’arrêté n° 2014 portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires,
ladite direction par le biais de la Sous-Direction de l’Administration Pénitentiaire est chargée
de la gestion des personnels pénitentiaires. Cela dit, les défaillances de la DAP ne se limitent
pas seulement aux moyens humains et financiers, il faut inclure aussi l’inadaptation des
moyens matériels.
Mamadou KONÉ (Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme), op.cit. P.2.
202
-d’organiser le service social et le travail en milieu carcéral ;
Comme nous le constatons à travers ses missions, la DAP située au 14^ étage de la
tour administrative D d’Abidjan joue un rôle indispensable d’utilité sociale. Elle a besoin en
conséquence de moyens matériels subséquents pour atteindre les objectifs à lui assignés par le
MJDHLP. Cependant, la réalité est tout autre dans la pratique. La DAP souffre d’un manque
criard de moyens matériels pour l’accomplissement de ses missions sécuritaires et sociales. Le
défaut de maîtrise des moyens matériels par cette direction, combiné de l’absence d’un plan
d’équipement élaboré en liaison avec les professionnels du milieu, a également induit des
déficiences graves observées dans les bureaux et les postes de garde.
Il en est de même dans les dortoirs et les infirmeries des établissements pénitentiaires
selon le rapport de l’ONUCI précité. « La plupart des établissements pénitentiaires sont dans
un état de délabrement avancé. A l'exception de la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan,
ils n’étaient à l’origine, pas destinés à servir pour l’emprisonnement. U s’agit soit
d’anciennes écoles (Tiassalé) soit de salle de cinéma (Lakota) ou encore de magasins de
stockage de produits agricoles (Oumé, Bongouanou), leur caractéristique principale
commune est la vétusté. Ces bâtiments inadaptés sont mal aérés, mal éclairés et ne présentent
aucune garantie de sécurité. Certaines, comme la maison d’arrêt et de correction de Tabou,
ont encore des murs en banco (terre battue)
De ce constat, il ressort que la vétusté des prisons est justifiée par le fait que la
majorité de ces édifices pénitentiaires ont été hérités de l’époque coloniale, en outre
l’insuffisance des crédits d’investissement alloués ne permettent pas des réhabilitations
concrètes. Cet état de fait est l’une des causes des mauvaises conditions de détention des
prisonniers.
Ainsi, selon LE CAISNE, Léonore, dans son ouvrage Prison : une ethnologue en
centrale. Paris : O. Jacob, 2000 ; si la prison échoue, cela ne tient pas seulement à la vétusté
des locaux, aux lacunes de la formation, à la promiscuité ou à la violence physique. Le
Mamadou KONE (Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme), op.cit. P.5.
203
problème essentiel est qu'elle empêche les individus de se reconstruire. En conséquence, la
vétusté des prisons est l’une des défaillances de la DAP dans l’accomplissement des missions
de sécurité publique et sociale qui lui sont dévolues.
Au niveau du matériel roulant, selon le rapport des activités en 2004 et 2005 fait à
Abidjan 15 février 2006 par le Directeur de l’Administration pénitentiaire en son temps.
Monsieur François GUEI, «des 33 établissements pénitentiaires seuls 5 disposent d’un
véhicule. Cela nuit au bon fonctionnement des divers services des établissements, les agents
étant amenés à effectuer à pied l’escorte des détenus vers les palais de justice, les champs
pénaux et les hôpitaux, transportant bien souvent les malades et les corps à inhumer dans des
conditions inacceptables. »
En 2009, selon le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice en ce temps, malgré les
efforts déployés par l’Etat pour les dotations en moyens et matériels de travail, les
établissements pénitentiaires sont gravement sous-équipés. « Les uniformes des agents ne sont
pas renouvelés régulièrement depuis trois (3) ans. La dotation budgétaire de cette année
(2009) s’élève à vingt millions (20 000000) de francs et ne pourra permettre d’acquérir plus
de 300 tenues pour plus de 900 agents y compris les stagiaires. Il faudra en réalité un
montant de 100 000 000 F par an pour couvrir ce besoin.
204
de véhicules bâchés donnerait à ce département du Ministère de la Justice et des Droits de
l'Homme une efficacité certaine.
De tout ce qui précède, on peut valablement affirmer que les moyens humains,
financiers et matériels dont dispose la Direction des Affaires pénitentiaires ne lui permettent
pas d’accomplir convenablement les missions qui lui ont été assignées. Cette situation justifie
l’intervention de nombreux partenaires dans le domaine pénitentiaire pour venir en appui à
ladite direction.
expérience éprouvante et parfois même dangereuse. Elle s’accompagne de privations sur les
plans physique, affectif et intellectuel qui sont difficiles à supporter même pour les adultes
mieux armés pour y faire face. On peut donc imaginer les effets dévastateurs et durables
qu’elle peut avoir sur les enfants"*^^. Cela dénote, que la tâche confiée à la Direction des
Affaires Pénitentiaires est difficile, complexe et exige des ressources financières importantes
voire additionnelles.
Dans ce contexte, Elle est aidée dans sa tâche par des organisations internationales
(ONUCI, UE...), les visiteurs de prisons, les ministres des différents cultes religieux de même
que les ONG et autres associations ou personnes charitables qui offrent leurs services
(financiers, matériels, morales, spirituels...) aux détenus et aux personnels en terme
d’assistance ou de formation. Ainsi, la DAP bénéficie de l’apport spirituel des organismes
confessionnels (A) et de l’appui matériel, financier des organismes internationaux et
humanitaires(B).
Idem, P.6.
Alain AESCHLIMANN, la protection des détenus : l’action du CICR derrière les barreaux dans la revue
internationale de la croix rouge, volume 87, sélection française 2005, P. 34.
CICR, les enfants et la détention, décembre 2014, P.l.
205
A-L’apport spirituel des organismes confessionnels
Le statut des représentants religieux à l’intérieur des systèmes pénitentiaires peut varier
d’un pays à l’autre. Dans certaines juridictions, ils ne sont pas nécessairement admis à
l’intérieur des prisons. Dans d’autres, le représentant religieux ou l’aumônier vient au second
rang hiérarchique à l’intérieur de la prison, immédiatement après le directeur. Les instruments
internationaux stipulent clairement que tous les détenus ont le droit de consulter un
représentant religieux autorisé.'^^®
Nations Unies, les droits de l’homme et les prisons, manuel de formation aux droits de l’homme à l’intention
du personnel pénitentiaire, op.cit. P. 124.
206
3) «Le droit d’entrer en contact avec un représentant qualifié d’une religion ne doit jamais
être refusé à aucun détenu. Par contre, si un détenu s’oppose à la visite d’un représentant
d’une religion, il faut pleinement respecter son attitude.
La règle 42 dispose « Chaque détenu doit être autorisé, dans la mesure du possible,
à satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, en participant aux services organisés dans
rétablissement et en ayant en sa possession des livres d’édification et d’instruction religieuse
de sa confession. »
Il ressort nettement de ces articles que les confessions religieuses, pour visiter les
prisons et y célébrer des cultes ou messes, doivent avoir une autorisation du MJDHLP par le
biais de la Direction des Affaires Pénitentiaires. Avec cette autorisation légale, elles sont
rattachés de façon permanente aux établissements pénitentiaires au même titre que les
médecins, les infirmiers et les assistants sociaux, en témoigne l’article 115 du décret précité :
« Sont assimilés aux personnes attachées d'une façon permanente à l'Etablissement : Les
médecins et infirmiers désignés par le service de Santé pour visiter les prisons, les assistants
sociaux des services spécialisés dans l'assistance aux détenus, les Ministres des cultes
assurant le service des offices religieux de l'Etablissement, les visiteurs de prisons ».
Les ministres du culte doivent pouvoir visiter les détenus désireux de les consulter. En
principe, les ministres du culte ne doivent pas faire partie du personnel de la prison, mais
doivent être issus de la communauté locale .Les détenus doivent avoir la possibilité
207
d’observer les prescriptions de leur religion Cette exigence peut comporter des arrangements
particuliers en matière d’habillement, de régime alimentaire, ou d’horaires spéciaux de repas,
ou encore pour les prières ou la toilette. Les détenus soumis à une forme quelconque
d’isolement ou de punition doivent conserver la possibilité de consulter leurs représentants
religieux.
Les Ministres des cultes, toutes dénominations confondues (Les Eglises Catholiques,
les Eglises évangéliques, la religion musulmane...) apportent un soutien moral
impressionnant et spirituel aux détenus. Par leurs différentes visites, ils manifestent leur
amour et leur aide spirituel aux détenus ; car il est écrit dans la Bible : « qui opprime les
pauvres outrage Dieu leur créateur. Seul l’honore celui qui leur porte secours >/^^et
« mépriser un autre homme est un péché, mais heureux celui qui est bon avec les pauvres
Les pauvres en l’espèce sont des personnes vulnérables, opprimées, qui vivent dans des
conditions difficiles voire les personnes privées de liberté. On pourrait donc affirmer au
regard de ces prescriptions bibliques que visiter les prisonniers est un sacerdoce divin.
On doit fournir des installations à tous les détenus qui souhaitent accomplir leurs rites
religieux. Ceci peut inclure le droit de prier en privé à des heures spécifiques du jour ou de la
nuit, le droit de réaliser différentes pratiques d’hygiène ou de porter des vêtements
spécifiques.'^^'^
Dans cette optique, Philippe MAILLARD dans son ouvrage L’Evangile aux voyous
Desclée de Brouwer, 1985, témoigne de ses rencontres avec les détenus et les habitants de son
quartier quand il était aumônier de prison à Loos et a vécu dans un quartier populaire lillois.
Dans l’ouvrage, L ’islam dans les prisons de Farhad KHOSROKHAVAR Balland, coll. Voix
et regards, 2004L’auteur, sociologue, fait une incursion dans le monde carcéral en se penchant
sur l’islam, religion la plus représentée en prison aujourd’hui.
Aussi, LE BOURGEOIS, Isabelle dans son ouvrage Derrière les barreaia, des
hommes. Femme et aumônier à Fleury-Mérogis - 2002 , parle de l’espérance à proposer aux
hommes qui vivent derrière les barreaux. L’auteur, Religieuse auxiliatrice a offert son écoute
et sa foi aux détenus. Cela dit, la privation de liberté ne doit pas inclure la privation du droit
d’accomplir les rites de sa religion. Les autorités pénitentiaires doivent faire en sorte que:
208
• Les détenus aient la possibilité de prier, de lire des textes religieux et de respecter les
autres exigences de leur religion telles que les vêtements ou les ablutions, aussi souvent que
leur religion l’exige.
qualifiés de leur religion pour des prières privées et des services en groupe. De même les
personnes privées de liberté « pourront pratiquer leur religion et recevoir à leur demande, si
cela est approprié, une assistance spirituelle de personnes exerçant des fonctions religieuses,
telles que les aumôniers
Il est tout aussi important de faire en sorte que les détenus qui n’appartiennent à aucun
groupe religieux ou qui ne souhaitent pas pratiquer une religion ne soient pas obligés à le
faire. Les détenus ne doivent pas bénéficier de privilèges supplémentaires ou être autorisés à
vivre dans de meilleures conditions en raison de leur affiliation ou pratique religieuse.
En fin de compte, nous retenons que les différentes confessions religieuses, par leurs
visites récurrentes aux prisonniers en vue de leur apporter soutien moral et spirituel, apportent
une aide incommensurable à la Direction des Affaires Pénitentiaires dans ses missions de
sécurité publique et sociale. Aussi, il ne faudrait pas oublier l’appui financier et matériel des
organismes internationaux et humanitaires dans l’humanisation des conditions de détention
des prisonniers.
'”5 Article 5, al. 1 d du protocole additionnel du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés
non internationaux (protocole II).
209
B-L’ appui matériel des organismes internationaux et
humanitaires
« Le Directeur des Affaires Pénitentiaires assure sous l’autorité du garde des sceaux, la
direction et le contrôle de l’Administration Pénitentiaire. A cet titre il est chargé de:
-Définir, superviser et coordonner les orientations et les activités des sous-directions, des
Délégations Régionales et des Établissements pénitentiaires ;
-Il lui est rattaché un bureau chargé de l’informatisation, du budget et des statistiques."*^^
Ces attributions apparemment simples nous donnent l’impression que la tâche confiée à la
Direction des Affaires Pénitentiaires semblerait aisée. Mais en réalité, force est de
reconnaître que cette tâche est vaste, difficile, complexe et exige des ressources matérielles,
financières importantes voire additionnelles. Dans cette logique, la DAP reçoit l’appui
considérable des organisations internationales (ONUCI, UE...), et humanitaires (CICR,
PRSF,...) qui apportent un soutien logistique, financier dans le cadre de l’humanisation des
conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.
En ce qui concerne les ONG à vocation humanitaire, il faut signaler les activités du
comité international de la croix rouge (CICR), des médecins sans frontières (MSF) et de
prisonniers sans frontières (PRSF) qui agissent dans le domaine de la santé, l’hygiène,
l’alimentation, l’assistance judiciaire et le rapprochement familial.
Médecins sans frontières (MSF) est une organisation non gouvernementale internationale à
but humanitaire d'origine française mais dont le Bureau international siège à Genève (Suisse).
Fondée en 1971, elle offre une assistance médicale d'urgence dans des cas comme les conflits
armés, les catastrophes naturelles, les épidémies et les famines. Elle offre aussi des actions à
plus long terme lors de conflits prolongés ou d'instabilité chronique, dans le cadre de l'aide
aux réfugiés ou à la suite de catastrophes.
210
Œuvrant dans la neutralité et en toute impartialité, les MSF revendiquent, au nom de
l’éthique médicale universelle et du droit à l’assistance humanitaire, la liberté pleine et entière
de l'exercice de leur fonction. Ils s’engagent à respecter les principes déontologiques de leur
profession et à maintenir une totale indépendance à l'égard du pouvoir, ainsi que de toute
force politique, économique ou religieuse. Volontaires, ils mesurent les risques et les périls
des missions qu’ils accomplissent et ne réclameront, pour eux ou leurs ayants droit, aucune
compensation autre que celles que l’association sera en mesure de leur fournir.
MSF intervient également en milieu pénitentiaire pour apporter des soins aux détenus.
Dans cette logique, depuis 1997, médecins sans frontières étaient en partenariat avec le
ministère de la justice et celui de la santé pour appuyer les efforts de l’Etat au niveau de la
santé des détenus selon le rapport de l’ONUCI en 2006. Durant les périodes 2004 et 2005,
MSF intervenant uniquement à la MAC A, a poursuivi sa participation aux soins de santé des
détenus au centre médical de l’établissement selon le rapport de monsieur François GUÉI
(Directeur de l’Administration pénitentiaire en 2006).
Selon ce même rapport, MSF a pris en charge à l’extérieur tous les frais (chirurgie,
hospitalisation et soins) de nombreux détenus indigents transférés dans les hôpitaux et
cliniques, il a poursuivi son programme d’apport de supplément d’alimentation pour les
malades et les isolés. Il a mis fin à ses activités depuis le 31 décembre 2005. « Cette ONG
nous laisse des résultats véritablement spectaculaires, obtenus grâce à un financement de
plus de 1 300 000 000 F sur ses ressources propres, et surtout grâce à un grand dévouement
et un profond respect de la dignité, de la santé et de la vie de la personne humaine dont ses
membres ont fait preuve tout le long de leurs activités à la MACA.
commencé à visiter les personnes privées de liberté lors des conflits depuis 1915. Son but était
211
d’encourager les parties à apporter les améliorations nécessaires aux conditions de détention
des prisonniers et de pouvoir renseigner les gouvernements et les familles sur leur sort.^’^^
Au fil des années, le CICR a progressivement étendu le champ de son action aux
détenus de droit commun. Ainsi, il a un rôle de visiteur, de conseil et de plaidoyer et il mène
des activités pour l’amélioration des conditions de détention surtout au niveau de
l’alimentation. Selon Madame Eloïse LEFEBRE, coordinatrice adjointe protection au CICR,
le CICR a commencé à visiter les prisons fin 1990. Elle affirme que dans le cadre de
l’amélioration des conditions de détention, le CICR dispose de quatre départements. On a le
département hygiène, habitat, eau, qui œuvre pour que les prisons soient dans un état
hygiénique acceptable, ne manquent pas d’eau...
Le département santé veille à ce que tous les détenus malades accèdent aux soins sans
discrimination. Le département de la chaîne alimentaire veille à ce que les détenus soient
nourris convenablement. Le département protection détention veille pour un fonctionnement
régulier de la prison.
Le mode d’action privilégié du CICR est la persuasion, c’est-à-dire que par un dialogue
bilatéral et confidentiel, il vise à convaincre un acteur de faire quelque chose qui relève de sa
responsabilité ou de sa compétence. Lorsqu’il estime nécessaire d’aider les autorités qui n’ont
pas les moyens d’intervenir, le CICR entreprend des actions de soutien pour qu’elles puissent
assumer leurs responsabilités^^’. Des délégués du Comité International de la Croix Rouge, ont
à cet effet, visité plusieurs établissements pénitentiaires et ont distribué des produits
d’entretien, de l’outillage, des semences et des produits phytosanitaires. Il a réhabilité des
infrastructures et réalisé des ouvrages destinés à l’alimentation en eau potable et à
l’évacuation des eaux usées de certains établissements pénitentiaires.
Prisonniers Sans Frontières est une Association humaniste et pragmatique. Elle est
présente en Afrique francophone depuis 1995. Elle regroupe des hommes et des femmes qui
désirent :
212
- une coopération indispensable.
L’objectif de PRSF est de faire respecter les droits de l’homme en prison. Ses
interventions se traduisent par une présence et une écoute auprès de tous les détenus ; des
réponses à leurs préoccupations essentielles ; la réhabilitation des infrastructures existantes et
la création d’équipements indispensables mais souvent inexistants (infirmeries, cuisines,
ateliers...) ; l’animation de groupes des détenus par l’organisation d’activités sportives ou
socio-culturelles.
Ils poursuivent pour dire : « Au cours de notre mission effectuée en février 2015, nous
avons rencontré les membres des équipes-terrain qui visitent les 22 prisons dans lesquelles
PRSF est présente ; il s'agit d'animer et de motiver ces équipes, mais aussi de leur donner
toutes informations utiles pour qu 'ils puissent remplir leurs actions de bénévolat envers les
détenus, axées sur les thèmes de la justice, de l'hygiène et santé et de la lutte contre l'oisiveté
en prison. Nous avons mis l'accent sur l'organisation d’un concours pour assurer la
pérennité des jardins maraîchers ; ce concours mobilise tous les acteurs qui cultivent ces
213
jardins : surveillants, régisseurs, détenus et les membres de PRSF, et permettra ainsi de créer
une saine émulation. Résultat de ce concours fin 2015 yy^^'^.
PRSF intervient en Côte d’ivoire dans les prisons suivantes : Abengourou, Abidjan,
Aboisso, Adzopé, Bassam, Bondoukou, Bouaflé, Bouaké, Dabou, Daloa, Dimbokro, Divo,
Gagnoa, Korhogo, Man, Sassandra, Soubré, Tiassale, Toumodi.
La formation est au cœur de l’action de PRSF afin d’accompagner les visiteurs de prison
dans leurs missions. Ces séminaires sont organisés pour les membres des équipes-terrain et
ouverts au personnel pénitentiaire et au personnel travaillant en détention.
► 2000-20001 : « Rencontre et formation des équipes-terrain et du personnel de
l’Administrationpénitentiaire » avec le soutien financier de l’ambassade de France.
► 2002 : « La dynamique des comités de gestion » avec le soutien financier de l’ambassade de
France.
► 2004 : « Préparer la réinsertion à partir de la prison » avec le soutien financier de
l’ambassade de France.
► 2005-2006 : « La prévention et la lutte contre la détention préventive abusive » dans le
cadre d’un projet financé par l’Union européenne.
► 2010 : « Pourquoi PRSF ? Apports de PRSF dans la vie en prison » avec le soutien
logistique de l’Opération des Nations Unies en Côte d’ivoire (ONUCI).
Dans le cadre du programme P3-7, cofinancé par le Ministère français des Affaires
étrangères et européennes, de 2009 à 2011, des stages ont été consacrés à:
► l’alimentation et la gestion des cultures maraîchères améliorées (Dimbokro).
► L’hygiène santé et la prévention des risques sanitaires en milieu carcéral (Sassandra).
► L’accès au Droit et la compréhension du parcours pénal du prévenu incarcéré (Abidjan).
Lors de leurs interventions régulières, les visiteurs PRSF réalisent différentes actions
qui contribuent à l’humanisation des conditions carcérales telles
que: alphabétisation ,animations sportives ou ludiques ,artisanat, maintien des relations avec
les familles, aide ponctuelle aux libérés, préparation de repas, hygiène santé, accès au
droit, sensibilisation des détenus et des autorités etc.
214
► 2004-2006 : création d’un logiciel spécifique pour informatiser les greffes de 22 prisons,
dans le cadre d’un projet financé par l’Union européenne. Ce système permet de veiller au
respect des règles de procédure et d’identifier clairement et instantanément tous ceux et toutes
celles dont la détention préventive est arrivée à terme. Dans le cadre de ce projet, un guide du
détenu a été réalisé en lien avec l’Administration pénitentiaire.
► 2006-2008 : amélioration des conditions de santé et d’hygiène dans 8 prisons sur
financement du Fonds Européen de Développement (FED) ayant pour objectif de réduire le
surpeuplement, améliorer la salubrité, créer des espaces couverts (apatams) ou encore
développer les jardins maraîchers et des élevages. Par ailleurs, cette aide a permis de
réhabiliter les 800 m^ des ateliers de la prison d’Abidjan.
► 2008 : construction d’une école pour la formation du personnel pénitentiaire, avec le
soutien financier de l’ambassade d’Allemagne.
► 2008 : création d’un prototype de récupération de biogaz pour la cuisson en cuisine, avec le
soutien financier de l’ambassade d’Allemagne.
► Réalisation chaque année de micro-projets avec l’ONUCI.
► Construction d’un centre de réinsertion à Yopougon.
215
Notons également le rôle de l’ONUCI dans le financement de certains programmes
pénitentiaires et de sécurisation des établissements. Elle œuvre pour l’humanisation des
conditions de détentions des prisonniers dans les différents établissements pénitentiaires par
des visites et les recommandations qui en découlent.
216
CHAPITRE II :
Le système pénitentiaire ivoirien est régi par le décret n® 69-189 du 14 mai 1969
portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution
des peines privatives de liberté, modifié par le décret n° 2002-525 du 11 décembre 2002. Il
constitue à ce jour le texte principal sur lequel la Direction des Affaires pénitentiaires
s’appuie pour gérer le système pénitentiaire. Il est intervenu pour mettre fin aux effets de
l’arrêté n° 134 APB du 20 avril 1951 qui, malgré l’accession de la Côte d’ivoire à
l’indépendance, continuait de réglementer les établissements pénitentiaires.
Cet arrêté n’était plus en harmonie ni avec les institutions administratives et judiciaires
nouvelles, ni avec les dispositions de la loi n® 60-366 du 14 novembre 1960 portant code de
procédure pénale. Après une quarantaine d’années d’existence et malgré une certaine
évolution dans le traitement des individus condamnés à des peines privatives de liberté, le
décret de 1969^®^ demeure de nos jours le seul texte du droit interne ivoirien qui régit tant les
établissements pénitentiaires que les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.
Ce texte réglemente aussi bien minutieusement l’établissement pénitentiaire (section I) que
son fonctionnement (section II).
SECTION I :
Ce décret existe plus de 40 ans de nos jours, il devrait être actualisé pour mieux tenir compte de certaines
exigences pénitentiaires contemporaines.
217
tradition chrétienne de la peine médicinale. L'enfermement doit déboucher sur l'amendement
du condamné. Mais comment y parvenir si les prisons, mélangeant toutes les catégories de
délinquants en une effrayante promiscuité, ne sont que des foyers de corruption et de
propagation de vice.
Les autres condamnés à l’emprisonnement correctionnel sont détenus dans une maison de
correction.
Des annexes aux maisons d'arrêt servant de maison de correction peuvent être créées par
arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.
Les condamnés à la relégation sont internés dans un quartier spécial du Camp Pénal. »
Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2^"^^ édition refondue, collection
droit fondamental, PUF, 2000, Paris, P. 446.
218
À la lumière de cet article, il ressort nettement qu’il existe trois types d’établissements
pénitentiaires. Nous avons les maisons d’arrêt (A), les maisons de correction et le camp pénal
(B).
Les prisons sont là pour veiller à ce que les délinquants ne constituent pas une
menace ou un danger pour autrui, mais elles doivent également tenter de remettre les
contrevenants sur le droit chemin, de sorte qu’ils puissent un jour réintégrer la société et y
mener une vie productive sans commettre de nouvelles infractions . La prison a pour
finalité de détenir les déviants de la société. Elle a donc pour but de neutraliser ces déviants en
les mettant hors d’état de nuire par la teclinique de l’enfermement.
Ces maisons d’arrêt remplissent la finalité originelle voire première de la prison ; elle
ne servait dans la Rome antique qu’à garder les criminels en attente d’être jugés. Les
prisonniers en attente d’être jugés sont nommés par le terme « prévenus». L’article 2 alinéa 2
du décret n° 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires
et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté définit clairement la notion
de prévenu. Ainsi, il dispose : « Sont désignés par le mol prévenus, tous les détenus n'ayant
pas fait l'objet d'une condamnation définitive, aussi bien les inculpés, les prévenus et les
accusés que les condamnés ayant formé appel, opposition ou pourvoi ».
Comme nous le constatons à travers cet article, les maisons d’arrêt sont habilitées à
recevoir également les accusés. Aussi faudrait-il ajouter que les maisons d’arrêt également
appelées maisons de dépôt sont destinées à recevoir les contraignables et les condamnés à
l’emprisonnement de simple police si l’on se réfère à l’article 16 de ce décret qui dispose que
5°^ UNODC (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), op.cit. P.2-3.
219
'.«les individus incarcérés en exécution d'une contrainte par corps et les condamnés à
remprisonnement de simple police sont soumis au même régime que les prévenus ».
En résumé, les maisons d’arrêt sont destinées en règle générale à recevoir les prévenus,
les contraignables (personnes condamnées à une peine pécuniaire et qui n’ont pas pu payer
l’amende ou les dommages et intérêts), les accusés...Ce sont généralement des personnes en
situation de détention préventive en exécution d’un titre ou d’un ordre d’arrêt ou de dépôt.
Les maisons d’arrêt, par opposition aux établissements pour peines, sont des
établissements principalement destinés à recevoir des prévenus incarcérés (détention
provisoire, flagrant délit) et, secondairement, les condamnés à des peines d’emprisonnement
de courte durée.^^^Il n’existe en droit ivoirien que deux maisons d’arrêt, ainsi qu’il résulte de
Par ailleurs, il faut relever que l’ailicle 4 du décret de 1969 et l’alinéa 4 de l’article
677 du code de procédure pénale précisent qu’au siège des juridictions, un même
établissement peut servir à la fois de maison d’arrêt et de maison de correction.
Dans ce contexte, notons que dans les maisons d’arrêt, pour des raisons liées au
surpeuplement, les prévenus ne sont pas séparés des condamnés. Ils sont soumis aux mêmes
modes de gestion que les condamnés. Un autre aspect, non moins important, lié au délai de la
détention préventive mérite d’être soulevé. Les délais de la détention préventive tels que
prescrits par les articles 138, 139, 140 du code de procédure pénale ne sont pas très souvent
respectés. Ainsi, il a été dénombré dans de nombreux établissements des prévenus en
détention injustifiée. Cela peut contribuer à des violations des droits de l’homme ; mais aussi
créer des tensions au sein de la population carcérale qui peuvent déboucher à des révoltes, des
mutineries et évasions.
L’article 3 précité a donc prévu, dans ce contexte, qu’un arrêté du Garde des Sceaux
fixera la liste des établissements et les classera dans une catégorie. Aussi, l’arrêté n° 406
MJ/DAP du 21 mai 1969 portant classement des établissements pénitentiaires, a prévu que
des établissements pénitentiaires servent à la fois de maisons d’arrêt et de correction. Il s’agit
des Maisons d’arrêt et de correction (MAC) d’Agboville, Adzopé, Aboisso, Abengourou,
Bondoukou, Bouaflé, Boundiali, Bongouanou, Dimbokro, Dabou, Divo ,Daloa, Danané,
220
Gagnoa, Katiola, Korhogo, M ’bahiakro, Man, Odienné, Oumé, Séguéla, Sassandra, Soubré,
Tabou, Tiassalé, Touba,Toumodi.
11 faut relever dans la pratique que tous les établissements pénitentiaires de la Côte
d’ivoire, hormis le camp pénal, remplissent à la fois les fonctions de maison d’arrêt et de
correction. Comme nous le remarquons, outre les maisons d’an'êt, le code de procédure
pénale et le décret n® 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements
pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté, prévoient
également les maisons de correction et le camp pénal.
L’usage de la prison s’est généralisé dans les cours d’Église à partir du XIII® siècle.
Pour les juges d’Église, la prison, dans ses différentes variantes-« mur large », « mur strict »,
« mur très strict »- devait mettre le condamné en situation de méditer sur ses fautes, d’en
éprouver le repentir, de s’ouvrir ainsi la grâce divine ; « le pain de tristesse et l’eau
d’angoisse » qui constituaient l’ordinaire du prisonnier, devaient l’aider à se purifier de ses
fautes, par une ascèse à la fois physique et spirituel.^’”
La mission assignée à ces maisons d’arrêt était de redonner aux jeunes délinquants
une attitude correcte, conforme aux règles, à la bienséance et à la morale. Ces Maisons de
correction avaient donc pour objectifs de corriger une faute voire un comportement blâmable.
Elles étaient destinées donc à corriger les jeunes délinquants de leurs fautes et à les réinsérer
221
dans la société. De nos jours les maisons de correction des mineurs sont dénommées les
centres d’observation ou centre rééducation voire des centre éducatifs fermés.
Par ailleurs, il existe actuellement des maisons de correction ayant les mêmes
fonctions que celles que nous venons d’analyser dans presque tous les continents. Il ne s’agit
plus des mineurs uniquement mais des adultes de tout genre. En Côte d’ivoire, le décret n° 69-
189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les
modalités d’exécution des peines privatives de liberté, prévoit en son article 3, aussi bien les
maisons d’arrêt que les maisons de correction et les camps pénaux.
Selon l’article 4 du même décret, les maisons de correction et les camps pénaux sont
destinés à recevoir les condamnés notamment ceux qui ont fait l’objet d’un procès équitable
au cours duquel ils ont été passibles d’une peine privative de liberté. Ainsi, les condamnés
sont des personnes ayant fait l’objet d’une condamnation devenue définitive.
En somme. Les maisons de correction et les camps pénaux reçoivent les personnes
condamnées à des peines d’emprisonnement. Les maisons de correction sont destinées donc à
recevoir les condamnés à des peines délictuelles inférieures à un an. Il s’agit notamment des
individus dont le caractère d’extrême dangerosité n’est pas démontré. L’arrêté n° 406
MJ/DAP du 21 mai 1969 portant classement des établissements pénitentiaires a prévu deux
maisons de correction, celles de Grand-Bassam et de Bonoua.
En pratique, comme nous l’avons déjà sus-évoqué, ces maisons de correction servent en
même temps de maison d’arrêt. Cette situation n’est pas contraire à la loi, puisque selon
l’article 4 du décret de 1969, un même établissement peut servir à la fois de maison d’arrêt et
de maison de correction. Aussi, il faut relever qu’en réalité, les maisons de correction
reçoivent les personnes condamnées à des peines délictuelles et criminelles de plus d’un an.
512
Le camp pénal est généralement réservé aux détenus condamnés à des peines
criminelles et des peines conectionnelles supérieures à un an. Il existe un seul établissement
pénitentiaire qui sert de camp pénal en Côte d’ivoire, c’est celui de Bouaké.
De façon générale, aux termes des articles 673 et 677 du code de procédure pénale, la
détention préventive est subie dans une Maison d’arrêt tandis que les peines privatives de
5*2 Ce camp saccagé et détruit pendant la crise électorale de 2010 a été réhabilité et présente un aspect beaucoup
rayonnant de l’extérieur.
222
liberté s’exécutent dans le camp pénal et les Maisons de correction. Par ailleurs, il convient de
relever qu’aucun délinquant ne peut être emprisonné sans un titre de détention.
La prison demeure un monde inconnu, c’est un monde dans le monde où tout ce qui
s’y passe demeure un mystère pour ceux qui n’y ont pas encore séjourné. Dans l’optique de
révéler ce « monde mystérieux » au grand public, VACHERET Marion, LEMIRE Guy. Dans
leur ouvrage Anatomie de la prison contemporaine. Montréal : Presses de l’Université de
Montréal, 2007. 192 p. (Collection Paramètres), synthétisent l’essentiel des connaissances sur
le monde carcéral, le vécu quotidien des détenus, le rôle des surveillants, les relations entre
membres du personnel pénitentiaire et les prisonniers.
Dans cet ouvrage, les auteurs réfléchissent également sur la prison elle-même dans un
contexte de reconnaissance des droits des détenus et de bureaucratisation. Par ailleurs, eu
égard à la complexité et au caractère punitif de ce monde, nul ne peut y entrer sans un titre de
détention légal. Cela constitue, de ce fait, une exigence légale d’admission dans un
établissement pénitentiaire (A). Aussi, la loi organise les formalités de sortie des prisonniers
qui ont exécuté totalement ou partiellement leur peine privative de liberté (B)
Dans cette logique, pour éviter toute détention arbitraire, l’article 5 du décret n° 69-189
du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les
223
modalités d’exécution des peines privatives de liberté dispose : « Nul ne peut être incarcéré
dans un Etablissement pénitentiaire s'il n'a fait l'objet :
- D'un ordre d'arrestation provisoire délivré contre un individu recherché par des Autorités
Judiciaires étrangères ;
- D'un ordre d'incarcération délivré contre un prévenu ayant formé un pourvoi en cassation et
désirant se mettre en état en application de l'article 577 du Code de Procédure pénale.
Nul ne peut être maintenu en détention s'il a fait l'objet d'un ordre de mise en liberté
établi par le magistrat compétent, s'il a exécuté sa peine, ou si sa détention préventive n'a pas
été prorogée dans les conditions fixées par la loi. ». Dans le même contexte: « nul agent de
radministration pénitentiaire ne peut, à peine d’être poursuivi et puni comme coupable de
détention arbitraire, recevoir ni retenir aucune personne qu’en vertu d’un arrêt ou jugement
de condamnation, d’une ordonnance de prise de corps, d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, d’un
mandat d’amener lorsque ce mandat doit être suivi d’incarcération provisoire, ou d’un ordre
d’arrestation établi conformément à la loi, et sans que l'inscription sur le registre d'écrou
prévu à l'article précédent ail été faite.
Le mandat de dépôt c’est l’ordre donné par le juge d’instruction au surveillant- chef
d’une maison d’arrêt de recevoir et de détenir un inculpé. Ce mandat permet également de
rechercher ou de transférer l’inculpé lorsqu’il lui a été précédemment notifié. En cas de
flagrant délit, le procureur de la république peut décerner aussi un mandat de dépôt.
Le mandat d’arrêt est décerné par le juge d’instruction contre un individu en fuite. C’est
l’ordre donné par le juge d’instruction à la force publique de rechercher l’individu, de l’arrêter
et de le conduire à la maison d’arrêt indiquée sur le mandat, où il sera reçu et détenu. Le
tribunal coiTectionnel peut également décerner un mandat d’arrêt.
224
Le mandat d’amener, c’est l’ordre donné par le juge d’instruction à la force publique
de conduire immédiatement un inculpé devant lui. Le juge doit immédiatement interroger cet
individu, mais si cet interrogatoire ne peut être fait dans l’immédiat, l’inculpé est conduit à la
maison d’arrêt pour 48h et plus.
Hormis ces titres, il y a également d’autres titres de détention qu’il nous convient
d’analyser. Nous avons d’abord le réquisitoire de contrainte par corps ; ce titre de détention
est délivré par le parquet contre un individu qui ne s’est pas acquitté des condamnations
pécuniaires prononcées contre lui. Ensuite, il y a l’ordonnance de prise de corps qui est
décernée par la chambre d’accusation contre un individu accusé de crime et qui se trouve en
liberté.
Enfin, nous avons le réquisitoire d’incarcération qui est délivré par le parquet après un
jugement de condamnation à l’emprisonnement ferme définitif. On peut également ajouter
l’ordre d’arrestation provisoire délivré contre un individu recherché par des autorités
judiciaires étrangères, l’ordre d’incarcération délivré contre un prévenu ayant formé un
pourvoi en cassation et désirant se mettre en état en application de l’article 577^’5 du code de
procédure pénale. Aussi, il faut relever que dans le prolongement des titres de détention,
l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Règle 7 exige un registre
d’écrou: « (1) Dans tout endroit où des personnes sont détenues, il faut tenir à jour un registre
relié et coté indiquant pour chaque détenu:
(2) Aucune personne ne peut être admise dans un établissement sans un titre de détention
valable, dont les détails auront été consignés auparavant dans le registre. ».
5'5 Article 577(loi n° 62-231 du 29/06/1962) : « Sont déclarés déchus de leur pourvoi les condamnés à une peine
emportant privation de liberté pour une durée de plus de six mois, qui ne sont pas en état ou qui n'ont pas obtenu,
de la juridiction qui a prononcé, dispense, avec ou sans caution, de se mettre en état. L'acte de leur écrou ou
l'arrêt leur accordant la dispense est produit devant la Cour Suprême, au plus tard au moment où l'affaire y
est appelée. Pour que son recours soit recevable, il suffit au demandeur de justifier qu'il s'est constitué dans une
maison d'arrêt soit du lieu où siège la Cour Suprême, soit du lieu où a été prononcée la condamnation ;
le surveillant-chef de cette maison l'y reçoit sur l'ordre du Procureur Général près la Cour d'Appel ».
225
Selon l’article 10 de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les
disparitions forcées, le registre d’écrou « doit être tenu à jour dans tout lieu de détention. En
outre, tout Etat doit prendre des mesures pour tenir des registres centralisés de ce type ».
Le détenu, dès son admission, doit bénéficier d’un examen médical conformément à
l’ensemble de règles minima pour le traitement : « Le médecin doit examiner chaque
détenu aussitôt que possible après son admission et aussi souvent que cela est
nécessaire ultérieurement, particulièrement en vue de déceler Vexistence possible d'une
maladie physique ou mentale, et de prendre toutes les mesures nécessaires; d'assurer la
séparation des détenus suspects d'être atteints de maladies infectieuses ou contagieuses; de
relever les déficiences physiques ou mentales qui pourraient être un obstacle au reclassement
et de déterminer la capacité physique de travail de chaque détenu ^^^». Le détenu, après avoir
purgé sa peine, retrouve sa en liberté. Il convient d’analyser les formalités légales de cette
sortie de prison
La Prison, en tant qu’instrument de défense sociale voire d’utilité sociale, doit pouvoir
sanctionner le délinquant pour la faute qu’il a commise. Elle doit, en outre, être en mesure de
l’amender et surtout de réinsérer dans la société après avoir exécuté sa peine. La réinsertion
dans la société du délinquant est un critère qui permet de savoir si la prison à vraiment rempli
sa mission de défense sociale, car elle doit être en mesure d’éviter toute récidive de la part de
celui-ci.
C’est sans doute dans cette logique que CHAOUAT Bernard (Dir.), DESTOT Michel
(Préface.) ont écrit l’ouvrage Reconstruire sa vie après la prison : quel avenir après la
sanction ? Paris : Editions de l'Atelier, 2011. 309 p. Cet ouvrage collectif s’interroge sur
l’avenir du délinquant après sa libération de la prison. Il relate le parcours du prisonnier
depuis la prononciation de peine jusqu'à la réinsertion sociale, la sociologie des prisons, les
politiques publiques judiciaires.
226
pour leur donner la possibilité de suivre un stage de formation ou pour acquérir de nouvelles
aptitudes professionnelles, parfois dans un lieu de travail où ils pourront continuer à travailler
après leur libération. Il est souvent nécessaire de préparer les détenus avec sensibilité,
notamment ceux qui ont servi une peine longue et qui rentrent chez eux. Cette préparation
peut s’avérer essentielle, non seulement pour le détenu mais aussi pour d’autres membres de
sa famille qui ne sont plus habitués à la présence parmi eux du membre de la famille qui se
trouvait en prison. Un moyen d’y parvenir est d’autoriser le détenu à rentrer régulièrement
chez lui pendant quelques jours à la fois lorsqu’il arrive à la fin de sa peine.
Nous pouvons citer comme mesures permettant une réinsertion plus commode du
détenu la permission de sortir et le placement à l’extérieur. La permission de sortir est une
brève période d’autorisation de sortir de la prison en cours de peine pour des cas de maladie
grave ou décès d'un ascendant, d'un descendant ou du conjoint ; mariage du détenu ; visite à
un employeur éventuel ; présentation aux épreuves d'un examen ou d'un concours ; sortie les
dimanches et jours fériés ou chômés des condamnés déjà admis au régime de la semi-liberté
selon l’article 26 du décret de 1969.
111
régisseur (article 24 du décret précité). Il y a également la libération pour travail ou
éducation (les prisonniers sont autorisés à sortir provisoirement de prison pour travail ou
études, tout en conservant le statut de “détenu”).
La libération conditionnelle visée par les articles 689 à 693 du code de procédure
pénale est une mesure dont peuvent bénéficier les condamnés ayant donné des preuves
suffisantes de bonne conduite et présentant des gages sérieux de réadaptation sociale. Elle
suppose de ce fait une libération par anticipation. La semi-liberté prévue par l’article 683 du
code de procédure pénale, est une mesure comportant le placement au dehors du condamné,
sans surveillance continue et dans les conditions de travail des salariés libres, avec toutefois
l’obligation de réintégrer la prison chaque soir et d’y passer les jours fériés
La Remise de peine est une mesure permettant au détenu d’être libéré sans
conditions avant d’avoir fini de purger sa peine, ce qui revient à une libération non
conditionnelle; parfois la remise de peine est accordée pour bonne conduite en prison;
il peut se faire que des conditions soient liées à la libération. La Grâce, signifie
d’ordinaire la libération après retour sur le jugement ou abandon de la condamnation,
et revient à une libération non conditionnelle.
À la lumière de ce qui précède, il faut noter que La grande majorité des détenus sont,
à terme, libérés. Ainsi, une libération conditionnelle facilite leur intégration dans la
communauté et offre à la société une meilleure protection parce qu’elle rend moins probable
que les anciens délinquants reprennent leur activité criminelle.
leur réinsertion, il est exigé un examen et un traitement médical approprié dans un délai aussi
bref que possible après leur incarcération. Cela dit, comment se présente le fonctionnement
des établissements pénitentiaires ?
UNODC (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), op.cit. P. 117-118.
228
SECTION n :
LE FONCTIONNEMENT DE L’ÉTABLISSEMENT
PÉNITENTIAIRE
Pour atteindre ces objectifs, la DAP s’appuie sur son personnel notamment le personnel
pénitentiaire qui joue un rôle indispensable dans la surveillance et la gestion des prisonniers
(§1). Ce personnel participe au fonctionnement régulier des établissements pénitentiaires en
menant des activités dans le cadre de l’organisation et la gestion du monde carcéral (§11).
SI : Le personnel pénitentiaire
- Surveiller les détenus, d’éviter les évasions et de maintenir le bon ordre et la sécurité à
l’intérieur des établissements pénitentiaires ;
52° Nous avons regroupé toutes les activités du personnel pénitentiaire (agents d’encadrement, contrôleurs, et le
personnel spécialisé).
229
établissements pénitentiaires (AEEP), l’emploi de contrôleurs des établissements
pénitentiaires (CEP), l’emploi d’attaché des services pénitentiaires, et l’emploi
d’administrateur des services pénitentiaires. Ils font partis des emplois à caractère juridique et
administratif. Ils sont donc régis par le statut général de la fonction publique (article l®*" de la
loi n° 92-570 du 11 septembre 1992). À ceux-là, il faut ajouter une autre catégorie de
Ainsi, nous avons comme personnel pénitentiaire, le régisseur (A), les agents
d’encadrement et les contrôleurs des établissements pénitentiaires (B) et un personnel
spécialisé dans des domaines techniques (C).
A-Le régisseur
Chaque établissement pénitentiaire est dirigé par un régisseur qui en est le responsable
voire le chef. Il est nommé parmi les attachés des services pénitentiaires. Il est placé sous
l’autorité et le contrôle du procureur de la république ou du juge de section de la juridiction à
laquelle il est rattaché. Il relève de l’autorité administrative directe du Directeur de
l’Administration Pénitentiaire dont il reçoit les instructions et à qui il rend compte
périodiquement :
(1) « Le directeur d’un établissement doit être suffisamment qualifié pour sa tâche par son
caractère, ses capacités administratives, une formation appropriée et son expérience dans ce
domaine. »
(2) « Il doit consacrer tout son temps à sa fonction officielle; celle-ci ne peut être accessoire. »
(4) « Lorsque deux ou plusieurs établissements sont sous l’autorité d’un seul directeur, celui-
ci doit les visiter chacun à de fréquents intervalles. Chacun de ces établissements doit avoir à
sa tête un fonctionnaire résident responsable Ainsi, le régisseur doit être nommé à plein
temps et gérer en bon père de famille voire avec conscience et professionnalisme
l’établissement pénitentiaire.
230
La fonction de régisseur exige par conséquent un certain humanisme et consécration de
la part de ceux qui l’exercent. Dans cette logique que deux anciens directeurs de prison DE
CONINCK, Gérard et LEMIRE, Guy dans leur ouvrage, Être directeur de prison : regards
croisés entre la Belgique et le Canada - 2011, relate Sous forme de dialogue, la dimension
humaine de cette fonction, et, par leur expérience acquise de cette fonction font des
propositions pour ramener l’humain et le bon sens dans cet espace de vie qu’est la prison.
Dans le même ordre d’idées, MAUREL, Olivier, écrit Le taulier : corifessions d'un directeur
de prison. Paris : Fayard, 2010. 244 p.
À travers le récit de situations extrêmes qu'il a vécues, il fait part de son métier de
directeur de prison, et décrit les actions menées en vue de tenir à l'écart de la société des
personnes condamnées, ainsi que les actions propres à favoriser leur réinsertion. Ainsi, le
régisseur voire le directeur d’une prison assure la bonne marche du service pénitentiaire en
veillant à la régularité des activités menées dans son établissement. Il doit veiller à la sécurité
et à l’hygiène des locaux, ainsi il doit assurer une stricte application des instructions relatives
au maintien de l’ordre dans la prison qu’il dirige. Dans ce cas, il est disciplinairement
responsable des incidents ou des évasions imputables à sa négligence ou l’inobservation des
règlements.
522 UNODC (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), op.cit. P.20.
231
responsabilité du personnel de surveillance lui paraît engagée. 11 a une compétence
disciplinaire à la fois sur ses collaborateurs et les détenus. A ce titre, en vertu de l’article 22
du décret du 14 mai 1969, le régisseur décide du passage d’un détenu d’une division à une
autre.
En cas de décès d’un détenu, il doit en faire la déclaration à l’officier d’état civil, aviser
la famille du décédé et rendre compte au garde des sceaux et au magistrat compétent. Il tient
sous son autorité le registre d’écrou. Il a également sous son autorité les surveillants et le
personnel spécialisé.
52’Stéphane KOÜADIO GBOKO, cours de déontologie et éthique pénitentiaire (AEEP), 2012, P.7.
232
Les agents d’encadrement des établissements pénitentiaires, catégorie C, grade C3,
assurent la garde des détenus, maintiennent l’ordre et la discipline, veillent à la bonne
exécution du travail et concourent au fonctionnement administratif des établissements
pénitentiaires sous la supervision de leurs supérieurs hiérarchiques. Ils doivent exécuter leurs
missions dans le respect des instructions, des lois et règlements de la république, des droits
humains ainsi que du code de déontologie des personnels pénitentiaires.
la force envers les détenus, qu’en cas de légitime défense, de tentative d’évasion ou de
résistance.
En dernière analyse, le personnel peut assurer le contrôle des détenus par des moyens
coercitifs, toutefois, cette méthode ne doit pas constituer la règle^^^. Dans cette logique, le
principe 4 des principes de base pour le recours à la force et l’utilisation des armes à feu
stipule :« Les responsables de l'application des lois, dans l’accomplissement de leurs
fonctions, auront recours autant que possible à des moyens non violents avant défaire usage
de la force ou d’armes à feu. Ils ne peuvent faire usage de la force ou d’armes à feu que si les
autres moyens restent sans effet ou ne permettent pas d'escompter le résultat désiré ».
Aussi, « Les responsables de l’application des lois ne doivent pas faire usage d’armes
à feu contre des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre
52“’ Stéphane KOÜADIO GBOKO, cours de déontologie et éthique pénitentiaire (AEEP), 2012, P.7.
525 Article 2 du code de conduite pour les responsables de l’application des lois.
52^ Article 3 du code de conduite pour les responsables de l’application des lois.
522 Nations unies, le5 droits de l’homme et les prisons, op.cit. P.95.
233
une menace imminente de mort ou de blessure grave, ou pour prévenir une infraction
particulièrement grave mettant sérieusement en danger des vies humaines, ou pour procéder à
l’arrestation d’une personne présentant un tel risque et résistant à leur autorité, ou l’empêcher
de s’échapper, et seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes pour
atteindre ces objectifs. Quoi qu’il en soit, ils ne recourront intentionnellement à l’usage
meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies
humaines »
Dans le même ordre d’idées «.Aucun responsable de l’application des lois ne peut
infliger, susciter ou tolérer un acte de torture ou quelque autre peine ou traitement cruel,
inhumain ou dégradant, ni ne peut invoquer un ordre de ses supérieurs ou des circonstances
exceptionnelles telles qu ’un état de guerre ou une menace de guerre, une menace contre la
sécurité nationale, l’instabilité politique intérieure ou tout autre état d’exception pour
justifier la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Dans l’exercice de leurs fonctions, il leur est formellement interdit de se livrer à des
actes de violence sur les détenus, d’user à leur égard des dénominations injurieuses, d’un
langage grossier ou familier, de manger, boire ou s’entretenir familièrement avec les détenus
ou avec les membres de leur famille, leur amis et visiteurs, de fumer à l’intérieur de la prison
ou d’y paraître en état d’ébriété, de faciliter toute transmission de correspondance, de
recevoir des détenus, de leur parent ou amis des dons...
Principe 4 des principes de base pour le recours à la force et l’utilisation des armes à feu.
52’ Article 5 du code de conduite pour les responsables de l’application des lois.
234
c - Le personnel spécialisé dans des domaines techniques
C’est sous l’impulsion de ces normes internationales certainement que le décret n” 69-
189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les
modalités d’exécution des peines privatives de liberté a prévu un personnel spécialisé dans
des domaines techniques auprès des établissements pénitentiaires. Ainsi, il existe selon
l’importance de la prison, un personnel technique, spécialisé qui assure la formation
professionnelle des détenus notamment en mécanique, menuiserie, couture, activités
potagères dans le but de la réinsertion sociale des détenus.
5^°Auriane DAMEZ, mémoire de master 2 droit pénal et sciences pénales, thème : criminalité et prison,
université paris II panthéon-Assas, 2009-2010, P. 3.
235
Dans le domaine de la santé, toutes les prisons doivent être dotées des équipements de
santé et du personnel médical appropriés pour répondre à un ensemble de besoins en matière
de santé, notamment de soins dentaires et psychiatriques. Les détenus malades qui ne peuvent
être soignés en prison, par exemple, ceux souffrant de maladie mentale, doivent être transférés
dans un hôpital pénitentiaire spécialisé.
Ainsi, « Les médecins et infirmiers sont attachés à temps complet ou à temps partiel
aux principaux Etablissements. Dans les autres Etablissements les détenus sont conduits à la
consultation du médecin désigné à cet effet » et « Chaque Etablissement doit être pourvu
d'une infirmerie permettant de dispenser des soins courants et ceux de première urgence.
Dans les Etablissements les plus importants, l'infirmerie doit comporter plusieurs lits ^^^».
Pour le cas des mineurs spécialement, la règle 26 alinéa 2 de l’ensemble des règles
minima des nations unies concernant l’administration de la justice pour mineurs ( règles de
Beijing) stipule que : « Les jeunes placés en institution recevront l’aide, la protection et toute
l’assistance sur le plan social, éducatif, professionnel, psychologique, médical et physique
qui peuvent leur être nécessaires eu égard à leur âge, à leur sexe et à leur personnalité et dans
l’intérêt de leur développement harmonieux. » Ainsi, il leur est affecté un personnel
spécialisé. L’article 36 du décret de 1969 dispose que : « leur surveillance est assurée par des
éducateurs spécialisés qui dirigent leur activité et observent leur comportement pour en faire
rapport au juge des enfants ».
Il faut ajouter parmi le personnel spécialisé, les assistants sociaux qui jouent un rôle
indéniable dans l’écoute et le suivi moral et social des détenus. « Les assistants sociaux et
assistantes sociales tiennent au moins une fois par semaine une permanence dans chaque
Article 152 du décret n° 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et
fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.
Article 153 du décret n” 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et
fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.
236
Établissement. Les détenus qui désirent s'entretenir avec eux doivent s'inscrire à l'avance
auprès du chef d'Etablissement Il faut relever que la prison n’est pas conçue
exclusivement pour exclure les détenus de la société. Ceux- ci font partie de la société bien
qu’ayant transgressé la loi. Ainsi, des assistants sociaux doivent collaborer avec chaque
établissement pénitentiaire et avoir pour mission de maintenir, améliorer les relations du
détenu avec sa famille et avec les organismes sociaux qui peuvent lui être utiles.
Article 165 du décret n” 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et
fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.
237
A-La tenue de l’écrou
au bon fonctionnement de la prison. Ce registre permet d’avoir toutes les informations sur
l’incarcération du détenu notamment sa date d’entrée, les chefs d’inculpation prononcés
contre lui, sa date de sortie. « Seront dûment consignés :
b) L'heure de l'arrestation, l'heure à laquelle la personne arrêtée a été conduite dans un lieu
de détention et celle de sa première comparution devant une autorité judiciaire ou autre;
Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12*' édition, 1999, P.217.
238
c) L’identité des responsables de l’application des lois concernés;
<3C
Il permet de répertorier les détenus en fixant leur identité, le jour et la date de leur
entrée en prison, le type et la nature de la détention. L’article 90 du décret n°69-189 portant
réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines
privatives de liberté énumère les indications contenues dans le registre d’écrou. Il dispose à
cet effet : « Les registres d’écrou mentionnent :
- Les noms, prénoms, surnoms du détenu, le lieu et la date de sa naissance, les noms et
prénoms de ses père et mère, sa profession, son dernier domicile ;
- La date du titre de détention, la qualité et le nom du magistrat qui l’a décerné ainsi que la
référence de toute ordonnance relative à la détention ;
Le registre d’écrou est de ce fait un fichier détaillé sur le détenu. Il est tenu sous
l’autorité du régisseur et il est présenté pour des contrôles de visa aux autorités judiciaires
lors de leurs visites dans l’établissement pénitentiaire. Selon l’article 89 du décret de 1969, un
même registre d’écrou sert aux prévenus et aux condamnés tandis que les contraignables et les
détenus de passage font l’objet d’inscription sur des registres distincts. Le registre d’écrou
permet au personnel pénitentiaire d’agir ouvertement, dans la légalité car il est fondamental
que les citoyens aient foi en l’honnêteté et en l’intégrité du personnel chargé de l’exécution
des peines privatives de liberté.
Principe 12 al.l de l’ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme
quelconque de détention ou d’emprisonnement.
239
L’écrou, bien qu’étant un document indispensable à la gestion efficiente des détenus,
n’est pas le seul registre ; il existe également d’autres registres concernant les dossiers
individuels des détenus. A cela, il faudrait ajouter divers comptes rendus du personnel
pénitentiaire quant à la gestion de l’établissement pénitentiaire.
La tâche confiée au personnel pénitentiaire n’est pas seulement sur le volet sécuritaire
et social. Il exerce également une activité administrative pour une gestion efficace de
l’établissement pénitentiaire. À ce titre, outre le registre d’écrou^^^ dont la tenue est
- le Registre des sommes et des objets déposés par les détenus au Greffe ;
-le Registre des pécules destiné à faire apparaître pour chaque détenu le solde de son compte ;
Écrou est dérivé du verbe écrouer qui signifie emprisonner. Le registre d’écrou demeure donc le document
officiel indispensable qui permet d’avoir toutes les informations sur le détenu.
240
-le Registre des dépenses et des crédits délégués ;
Ces registres sont prescrits et prévus par l’article 92 du décret n%9-189 portant
réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines
privatives de liberté. Comme nous le remarquons, ces registres participent considérablement à
la bonne administration de l’établissement pénitentiaire. Ils permettent de suivre de façon
minutieuse l’entrée, le séjour en prison et éventuellement la libération du détenu de la prison.
Parmi ces registres, il y a certains qui constituent des dossiers individuels des détenus
comme par exemple le registre des transfèrements, des évasions, des libérations
conditionnelles, des décès, des visites médicales, des punitions et des récompenses, des
sommes déposés et objets déposés par les détenus au greffe, le registre du contrôle numérique
et nominatif des entrants et sortants. Ainsi, il est établi au greffe de la prison un dossier
individuel pour chaque détenu. Ce dossier le suit dans toutes les étapes de sa vie carcérale et
dans les autres prisons où il peut être transféré. « Le dossier individuel comporte notamment :
- La notice individuelle »
Article 94 du décret n°69-189 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités
d’exécution des peines privatives de liberté.
241
Relativement aux comptes rendus divers, le régisseur est tenu de rendre compte
périodiquement, ou en cas d’incidents même mineur, au Procureur de la république et au
Directeur de la Direction des Affaires Pénitentiaires. Lorsqu’il y a décès d'un détenu, le
régisseur doit en faire la déclaration à l'officier d'état civil, informer sa famille et rendre
compte au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, et au magistrat compétent.
L’ancien Président d’Afrique du Sud, Nelson Mandela, dans son discours prononcé
lors du lancement officiel du projet de formation et des droits de l’homme du Département of
Correctional Services d’Afrique du Sud (Kroonstad, le 25 juin 1998) , a relevé l’importance
de la sécurité et de la justice dans la gestion des prisons :« Il est essentiel d'avoir des prisons
sécurisées pour que notre système judiciaire soit une arme efficace contre la criminalité....La
pleine contribution que nos prisons peuvent apporter à la réduction permanente du taux de
criminalité du pays vient également de leur manière de traiter les prisonniers. Il est
impossible de surestimer l’importance du professionnalisme et du respect des droits de
l'homme
Il importe donc que les lois et règlements relatifs aux prisons et au traitement des
détenus soient bien conçus et conformes aux prescriptions relatives aux droits de l’homme, ce
qui est important pour la bonne gestion des prisons. C’est certainement dans cette optique que
le décret de 1969 relatif à la réglementation des établissements pénitentiaires a prévu
l’établissement d’un règlement intérieur au sein de ceux-ci dans le cadre de leur gestion
harmonieuse.
Extrait du discours de l’ancien et feu Président d’Afrique du Sud, Nelson Mandela ; prononcé lors du
lancement officiel du projet de formation et des droits de l’homme du Département of Correctional Services
d’Afrique du Sud (Kroonstad, le 25 juin 1998).
242
11 faut noter également que le directeur de l’établissement pénitentiaire est chargé
d’établir un règlement intérieur qui fixe les mesures d’ordre et de police de même que les
détails sur les différentes activités tant du personnel pénitentiaire que des détenus. Ce
règlement intérieur fixe, par conséquent, l’emploi du temps des détenus (l’heure d’ouverture
des portes, de réception des repas, de promenade, de fermeture...), les modalités de visites et
l’horaire des parloirs. Il doit être affiché au sein de la prison ainsi qu’à l’extérieur pour être
porté à la connaissance des détenus et des visiteurs. Il faut relever qu’il doit être soumis à
l’approbation et au visa du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme
et des Libertés Publiques.
COA
-user à leur égard des dénominations injurieuses, des langages grossiers ou familiers ;
-recevoir des détenus ou des personnes agissant pour eux un don ou un avantage quelconque ;
Notons que ce personnel pénitentiaire est en contact permanent avec les détenus. Il doit donc être exempt de
toute corruption et tout comportement malveillant à l’égard des détenus.
243
-acheter ou vendre quoi que ce soit pour le compte des détenus ;
-agir de façon directe ou indirecte auprès des détenus pour influer sur leurs moyens de défense
et sur le choix de leur défenseur.
Le règlement intérieur est le gage de l’instauration de la discipline au sein de la prison. Son respect s’avère à
cet effet indispensable tant par le personnel pénitentiaire que par les détenus pour un fonctionnement harmonieux
d’une prison.
244
CONC LI SION DI TITRI I
C’est ce texte, après une quarantaine années d’existence qui régit le système
pénitentiaire ivoirien actuel. Avec ce décret, les autorités ivoiriennes ont assigné une mission
de défense sociale à la prison. Cette mission se résume en la sanction, l’amendement et la
réinsertion sociale du délinquant. Ce texte a donc opéré une rupture totale avec la mission qui
était assignée à la prison pendant l’époque coloniale.
Dans l’optique de mener à bien cette mission, il a été institué de nos jours la Direction
des Affaires pénitentiaires qui a une mission sécuritaire et sociale consécutive à la mission
générale de défense sociale assignée à la prison. Dans l’accomplissement de ses missions, la
DAP est confronté à des défaillances notamment l’efficacité et l’insuffisance de ces moyens
d’action (financiers, humains et matériels). Cependant, pour palier à ces défaillances de
nombreuses organismes externes (les confessions religieuses, les organismes internationaux et
humanitaires) lui viennent en appui sur le plan matériel, spirituel et financier. Malgré cet
apport extérieur, la DAP n’arrive pas à assumer de façon conséquente dans la pratique les
missions sociales notamment l’amendement et la réinsertion sociale des détenus.
Aussi, faudrait-il noter que la DAP gère tous les établissements pénitentiaires sur toute
l’étendue du territoire national. Ces établissements sont répartis en Maisons d’arrêt, Maisons
de correction et en Camp pénal. Il faut relever également que nul ne peut entrer dans ces
établissements sans un titre de détention légal. Ces différents établissements pénitentiaires
fonctionnement normalement grâce aux activités accomplies de façon permanente par un
personnel pénitentiaire. Ce personnel est composé d’un régisseur qui fait office du directeur
de l’établissement pénitentiaire, des surveillants (AEEP et CEP) et un personnel spécialisé
(infirmiers, assistants sociaux, psychologues...). Notons que ce personnel spécialisé travaille
surtout pour l’amendement et la resocialisation des prisonniers.
245
TITRE DEUXIÈME:
LES ENTRAVES À LA
RÉALISATION INTÉGRALE DES
MISSIONS D’UTILITÉ SOCIALE AU
DÉTRIMENT DE L’INSTAURATION
D’UN CADRE ÉTHIQUE CARCÉRAL
246
De tout temps, l’être humain a voulu être libre de ses mouvements (aller et
venir) et de ses actions (vie professionnelle et familiale). La liberté constitue donc, pour
chaque personne, un droit fondamental proclamé par les différentes déclarations et chartes des
droits de l’homme. La privation de cette liberté par les juridictions pénales et judiciaires
constitue cependant une sanction difficile et insupportable pour les déviants de la société.
Bien que la privation de liberté soit une sanction pour le délinquant ; elle doit surtout, et c’est
sa fonction essentielle réussir à amender et resocialiser ce dernier après sa libération.
respecter. Gérer une prison, c’est gérer des personnes qui s’y trouvent enfermées.
247
CHAPITRE I :
À l’époque antique, dans les sociétés primitives, les personnes reconnues coupables
des violations des règles établies étaient bannies de la société ou même condamnées à
mourir par des méthodes cruelles telles que : le bûcher, l’écartèlement, la pendaison,
etc. Avec le développement des sciences humaines et des mœurs, ces sanctions ont été
progressivement remplacées par la prison.
La prison telle qu’on la perçoit aujourd’hui, est une institution indispensable, créée en
vue de protéger la société contre les contrevenants aux règles de droit fixées par cette société.
Ainsi de nos jours, elle est devenue une institution disciplinaire où le prisonnier subit une
surveillance permanente et où tout est mis en œuvre en vue de lui permettre de se réinsérer
sans difficulté dans la société.
Aujourd’hui, avec les nombreuses réformes dont elle a été l’objet, la prison a une
mission sécuritaire et sociale notamment celle de punir sans déshumaniser. En ce sens, les
établissements pénitentiaires et les conditions de détention sont l’objet d’instruments
juridiques internationaux, régionaux et nationaux en matière carcérale qui font de la
réinsertion de l’ex-détenu dans la société, un objectif primordial à atteindre. Dans cette
logique, les établissements pénitentiaires ont une double fonction qui consiste à retenir et à
garder en vertu d’un titre de détention légal les déviants de la société et à réhabiliter ceux-ci.
Pour y parvenir, les instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux en matière
carcérale ont prévu différents régimes et principes dans la détention des prisonniers (section
I). Aussi faudrait-il affirmer que ces différents instruments juridiques ont prévu la
reconnaissance de certains droits spécifiques aux détenus (section II).
248
SECTION I :
Dans cette logique. L’article 10 alinéa 1 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques dispose que: "'‘Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et
avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine T Aussi, « Tous les détenus
sont traités avec le respect dû à la dignité et à la valeur inhérentes à l'être humain.
conséquence, la maltraitance des détenus est illégale et va à l’encontre des principes des droits
de l’homme. Il importe donc aux administrateurs pénitentiaires et au personnel pénitentiaire
de gérer les détenus dans un cadre éthique en matière de gestion de la population carcérale. Ce
cadre éthique implique le respect des régimes de détention spécifique à chaque catégorie de
détenu (§1) et l’application des principes légaux de détention (§11).
Dans l’esprit du régime de détention spécifique à chaque catégorie de détenu, les règles 67 à
69 de rEnsemble de règles minima pour le traitement des détenus prescrivent :
a) D’écarter les détenus qui, en raison de leur passé criminel ou de leurs mauvaises
dispositions, exerceraient une irifluence fâcheuse sur leurs codétenus;
249
b) De répartir les détenus en groupes afin de faciliter leur traitement en vue de leur
réadaptation sociale. »
Aussi : « Dès que possible après l’admission et après une étude de la personnalité de
chaque détenu condamné à une peine ou mesure d’une certaine durée, un programme de
traitement doit être préparé pour lui, à la lumière des données dont on dispose sur ses
besoins individuels, ses capacités et son état d’esprit
250
procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées^"^"^)
Dans ce cas, « Toute personne détenue soupçonnée ou inculpée d’une infraction pénale
est présumée innocente et doit être traitée en conséquence jusqu’à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d’un procès public pour lequel elle aura reçu toutes les garanties
nécessaires à sa défense. Toute personne ainsi soupçonnée ou inculpée ne peut être arrêtée ou
détenue en attendant l’ouverture de l’instruction et du procès que pour les besoins de
l’administration de la justice, pour les motifs, sous les conditions et conformément aux
procédures prévues par la loi. Sont interdites les contraintes imposées à une telle personne qui
ne seraient pas strictement nécessaires soit aux fins de la détention, soit pour empêcher qu’il
ne soit fait obstacle au déroulement de l’instruction ou à l’administration de la justice, soit
pour assurer la sécurité et le maintien de l’ordre dans le lieu de détention
Dans cette optique, les hommes et les femmes en détention provisoire doivent
bénéficier d’un traitement différent à plusieurs égards par rapport aux détenus condamnés,
puisqu’ils n’ont pas été jugés coupables d’aucune infraction et sont au regard de la loi
présumés innocents de l’infraction dont ils ont été accusés. Ainsi, l’article 10 alinéa 2 (a) du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule : « Les prévenus sont, sauf
dans des circonstances exceptionnelles, séparés des condamnés et soumis à un régime
distinct, approprié à leurs conditions de personnes non condamnées. »
Il ressort clairement des instruments internationaux que les prévenus ne reçoivent pas
le même traitement que les condamnés à des peines d’emprisonnement. Le régime de
traitement des prévenus entraine de ce fait plusieurs exigences. De prime abord, ils doivent
nécessairement être séparés des condamnés. Cette séparation est consécutive au statut de
présomption d’innocence dont bénéficient les prévenus. Ils n’ont pas encore fait l’objet d’une
condamnation pénale ; ce qui justifie le fait qu’ils ne sont pas logés à la même enseigne que
les condamnés. Les prévenus, ont à cet effet, un certain nombre de privilèges voire de droits
par exemple se procurer de la nourriture de l’extérieur, porter leurs vêtements personnels, ne
pas être tenus de travailler...
251
L’imminence de leur procès et les préparatifs appropriés dans cette perspective
constituent normalement une préoccupation majeure pour les prévenus. Dans ce cadre, ils
doivent bénéficier de toutes les facilités pour organiser leur défense devant les tribunaux et
voir éventuellement des avocats. Les prévenus ne sont pas obligés de porter l’uniforme
carcéral, ils conservent leurs vêtements personnels sauf si par mesure d’ordre ou de propreté,
le régisseur ou l’autorité judiciaire en décide autrement.
Ils ne sont pas astreints au travail pénal, mais ils peuvent demander qu’il leur en soit
donné ; dans ce cas, ils ont la faculté de réclamer le costume pénal si le travail est susceptible
de détériorer leurs vêtements personnels. Les permis de visites aux prévenus sont délivrés à
leurs visiteurs par le magistrat saisi de la procédure. Ils peuvent recevoir quotidiennement de
la nourriture en quantité ne dépassant pas la valeur d’une ration journalière, excepté les
boissons alcoolisées. La situation des prévenus est donc différente de ceux des condamnés
pour crimes et délits.
lumière de cet article, les contraignables et les condamnés de simple police ont droit au même
traitement que les prévenus. Qu’en est-il du régime de détention des condamnés pour crimes
et délits ?
Les condamnés pour crimes et délits sont des personnes qui purgent leur peine en vertu
d’une décision des juridictions pénales ou correctionnelles devenue définitive. Une décision
est définitive lorsqu’elle n’est plus susceptible de voies de recours ordinaire ou extraordinaire,
ou lorsque les voies de recours sont épuisées ou que les délais de recours sont expirés.
Les condamnés à l’emprisonnement pour un délit accomplissent leur peine dans une
maison de correction ou dans une maison d’arrêt et de correction. Si leur peine est supérieure
à un an, ils peuvent être transférés dans un camp pénal.
Article 16 du décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant
les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.
252
Les condamnés à une peine criminelle ou à l’internement de sûreté accomplissent leur
peine dans un camp pénal. Ces prisonniers condamnés pour des crimes sont généralement
extrêmement dangereux. Dans ce contexte, ils sont très souvent condamnés à des peines de
longue durée voire même à la prison à vie. Ce sont donc des délinquants ayant parfois commis
des crimes atroces, ils constitueraient de ce fait une menace véritable pour la sécurité publique
s’ils devaient s’échapper. Il incombe au personnel pénitentiaire de mettre tout en œuvre afin
que ces prisonniers ne s’évadent pas et ne soient pas non plus une menace pour les autres
prisonniers et des visiteurs éventuels.
Ainsi les condamnés pour crimes et délits doivent bénéficier d’un régime de détention
qui favorisera leur réinsertion sociale. Dans cette optique, le décret de du 14 mai 1969 portant
réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines
privatives de liberté prévoient en ces articles 17 à 28 le régime de détention applicable aux
condamnés pour crimes et délits. Selon ces dispositions légales, les condamnés pour crime ou
délit en principe sont astreints au port de l’uniforme carcéral et au travail pénal. Tout
condamné est placé soit en division normale, soit en division d’amendement, soit en division
de discipline.
Est placé en division normale, tout condamné arrivant dans la prison. Peut être placé
en division de discipline, l’individu condamné pour des faits révélant sa personnalité
dangereuse, l’individu connu pour avoir été déjà condamné, l’individu qui s’est déjà évadé,
l’individu qui a fait preuve d’une mauvaise conduite au cours de sa détention. Peut être placé
253
en division d’amendement, le condamné qui a purgé au moins le quart de sa peine et qui a fait
preuve de bonne conduite et d’une ardeur au travail (régime de confiance). C’est le juge de
l’application des peines ou le régisseur qui décide du passage d’une division à une autre.
accorder la liberté à un détenu qui a purgé plus de la moitié de sa peine et a donné par son
comportement des gages sérieux de réadaptation sociale. Des permissions de sortie peuvent
également être accordées au condamné de façon exceptionnelle dans les cas suivants : maladie
grave ou décès d’un ascendant, d’un descendant ou du conjoint, mariage de détenu, visite à un
éventuel employeur, présentation aux épreuves d’un examen ou d’un concours, sortie les
dimanches et jours fériés et chômés pour les condamnés déjà admis au régime de la semi-
liberté.
Les permissions de sortie sont accordées par ordonnance du juge de l’application des
peines et sur avis du chef de l’établissement si la sortie ne doit pas dépasser 24 heures. Elles
seront accordées par décision du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice sur avis toujours du
régisseur pour une durée plus longue. Le régime de détention des condamnés est différent de
celui des mineurs qui est beaucoup plus souple.
Notons que le régime progressif participe en grande partie au processus d’amendement et de réinsertion social
du détenu.
254
C-Le régime de détention des mineurs
La définition d’un mineur ou d’un enfant peut varier d’un pays à l’autre^"^^. Un enfant
s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans sauf si la majorité est atteinte plus tôt en
vertu de la législation qui lui est applicable^^^. Par mineur, on entend toute personne âgée de
moins de 18 ans^^’. En vertu de la règle 2.2 alinéa (a) de l’ensemble des règles minima des
- une capacité morale : la faculté de différencier le bien du mal, d'évaluer son comportement
en fonction de cette perception et de se comporter conformément à cette analyse;
Même s’il est vrai que de nombreux adultes ont du mal à répondre à ces critères, il est
évident que l’acquisition de la connaissance et de l'expérience prend du temps et qu'il
convient de tolérer que les mineurs bénéficient notamment du temps nécessaire à cet effet.
En principe, la prison est utilisée pour priver de liberté voire pour sanctionner les
délinquants représentant une menace réelle pour la sécurité publique notamment les criminels
255
ou les délinquants ayant commis des délits graves. Les mineurs délinquants, du fait de leur
âge, ne constituent pas véritablement une menace réelle pour la paix publique.
Dans cette logique, la détention des mineurs ne devrait être qu’une situation de dernier
recours. Dans le même ordre d’idées, RONGE, Jean-Luc ; comme résumé de son ouvrage Le
choix de la prison comme réponse pénale. La revue d’action juridique et sociale, décembre
2005, n° 250, p. 26-37. Il analyse le fait que la détention des mineurs fait depuis longtemps
l'objet de textes internationaux qui tentent d'en limiter l'usage.
La privation de liberté du mineur doit non seulement être en conformité avec la loi,
elle doit être aussi une « mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que
possible » On devrait donc envisager en amont des mesures alternatives notamment une
surveillance étroite, une aide très attentive, le placement dans un établissement ou un foyer
éducatif. Ainsi, PUYUELO, Rémy (dir), TURREL, Denis,dans l’ouvrage Les centres
éducatifs renforcés : redonner du sens à l'action éducative auprès des mineurs délinquants.
Ramonville-Saint-Agne : Erès, 2007, (Empan), donne la finalité des centres éducatifs. Ces
centres créés en 1996, ont pour objectif d'offrir des séjours de rupture et une alternative
éducative à l'incarcération des mineurs. Les mineurs font l’objet de mesures de protection, de
surveillance, d’assistance et d’éducation. Cependant lorsque les circonstances l’exigent, une
condamnation pénale peut être prononcée dans certaines conditions .
Cette incarcération doit se faire dans des conditions qui n’affectent pas le
développement harmonieux du mineur. En conséquence « Les mineurs en détention
préventive doivent être séparés des adultes et détenus dans des établissements distincts ou
dans une partie distincte d’un établissement qui abrite aussi des adultes.Les mineurs
doivent être détenus dans des conditions tenant dûment compte de leur statut et de leurs
besoins particuliers en fonction de leur âge, de leur personnalité et de leur sexe, du type de
délit ainsi que de leur état physique et mental, et qui les protègent des influences néfastes et
des situations à risque.
Le principal critère pour le classement des mineurs privés de liberté dans les
différentes catégories doit être la nécessité de fournir aux intéressés le type de traitement le
mieux adapté à leurs besoins et de protéger leur intégrité physique, morale et mentale ainsi
256
que leur bien-être^^^. Les mineurs incarcérés doivent, de ce fait, être séparés des adultes car ils
Dans ce contexte, l’article 37 de la convention des Nations Unies relative aux droits
de l’enfant ratifiée par la Côte d’ivoire établit que « tout enfant privé de liberté sera séparé des
adultes ».
Cette disposition est plus ferme que l’article 33 du décret de 1969 qui prévoit que la
séparation des mineurs et des adultes doit être réalisée aussi complètement que possible. Ce
qui équivaut à dire que les mineurs dans des cas peuvent se retrouver dans la même cellule
que les adultes. Ils sont soumis à l’emprisonnement collectif et bénéficient, en ce qui concerne
le couchage, la nourriture et l’habillement d’un régime spécial dont les modalités sont fixées
par arrêté du Ministre de la Justice.
Ils bénéficient d’un régime particulier qui fait une large place à l’éducation. Les enfants
placés en détention doivent être traités de manière à développer leur sens de valeurs et de la
dignité, à faciliter leur intégration dans la société, à respecter leur intérêt bien compris et à
tenir compte de leurs besoins.^^^Ils sont soumis à des activités scolaires ou de formation
professionnelle et leur temps de repos doit être consacré au sport et à des loisirs dirigés.
Ils doivent séjourner en plein air aussi longtemps que les conditions atmosphériques et
les nécessités du service le permettent, mais ils peuvent être punis de cellule disciplinaire.
Leur surveillance directe doit être assurée par des travailleurs sociaux (éducateurs spécialisés)
qui doivent observer leur comportement pour en faire un rapport au juge des enfants. Ils ont le
droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par les visites. Le régime de
détention des mineurs est donc un régime souple et tendant au développement moral
harmonieux du mineur. À côté du régime de détention, il existe des principes dans la
555 Règle 28 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté.
55^ Nations unies, les droits de l’homme et les prisons, op.cit. P. 179.
257
§11 : Les principes légaux de détention
Le principe est une règle d’action ou de conduite basée sur des valeurs théoriques,
c’est également une règle de fonctionnement. Ainsi, dans tous les pays civilisés, la détention
des prisonniers est soumise à des principes légaux afin de leur accorder un traitement adéquat
et conforme à la dignité humaine partant des droits de l’homme. La réglementation de la vie
carcérale est un élément clé pour une gestion efficace des détenus.
La Côte d’ivoire s’inscrit dans cette logique en prévoyant dans le décret 69-189 du 14
mai 1969, portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités
d’exécution des peines privatives de liberté, trois grands principes gouvernent la détention. Il
s’agit du principe de l’emprisonnement collectif (A), du principe de la séparation des détenus
(B) et du principe de l’égal traitement des détenus (C).
Léonore LE CAISNE, prison : une ethnologie en centrale, éditions Odile Jacob octobre 2000, Paris, P.77.
55® Ibidem.
258
2°-Des individus punis de cellule disciplinaire ;
3^'-Des individus isolés sur ordre de l’autorité judiciaire et pour les nécessités d’une
procédure pénale ;
À la lumière de cet article, nous pouvons affirmer que l’emprisonnement collectif est une
modalité de principe dans l’exécution des peines privatives de liberté. Cependant une certaine
catégorie de détenus notamment les condamnés à mort, les détenus punis de cellule
disciplinaire ou isolés sur ordre de l’autorité judiciaire et pour les nécessités d’une procédure
pénale et les détenus isolés pour les raisons médicales ne sont pas soumis à ce principe. Ils
sont donc incarcérés séparément en raison de leur dangerosité, pour des raisons médicales et
pour des nécessités d’enquête. Il est de mise que tous les détenus hormis ceux qui font l’objet
d’emprisonnement séparés, sont mis ensemble et forment une communauté de vie. Ils vivent
en groupe et accèdent aux mêmes espaces récréatifs. Il en est ainsi des mineurs, des femmes
et des adultes n’entrant dans pas dans la catégorie faisant exception au principe de
l’emprisonnement collectif.
Ce principe bien que prévu par le décret de 1969, présente néanmoins des
inconvénients sur certains détenus amendables. L’emprisonnement collectif pourrait influer
négativement sur la réinsertion sociale et l’amendement de certains détenus notamment les
primo délinquant. Les prisons sont l’endroit où les membres les plus défavorisés et les plus
vulnérables de la société se retrouvent en grand nombre, côtoyant un nombre infiniment plus
petits de délinquants dangereux et violents^^^ .
Ce principe pourrait favoriser la récidive des délinquants par le fait qu’il se produirait
une certaine contamination criminelle voire une certaine éducation criminelle plus accrue de
la part des criminels endurcis à l’égard des délinquants primaires. Cet état de fait qui
favoriserait la criminalité en prison et partant mettrait en cause la mission de réinsertion
sociale assignée à la prison. L’objectif principal du traitement des prisonniers étant leur
amendement et leur réinsertion sociale et non celui de former des délinquants récidivistes ; le
principe de l’emprisonnement collectif doit être appliqué avec beaucoup de rigueur tout en
incluant le principe de la séparation des détenus.
Nations unies, mesures carcérales et l mesures non privatives de liberté, op.cit. P.2.
259
B-Le principe de la séparation des détenus
Comme nous le savons, la prison est une institution à vocation sécuritaire et sociale.
Sa vocation sociale a pour fondement l’amendement et la réinsertion du délinquant dans la
société. Les autorités pénitentiaires ont donc pour mission d’annihiler le caractère
criminogène du délinquant et de faire de lui un citoyen respectueux des normes établies. Dans
ce sens, il faut mettre en œuvre des principes de détention qui favorisent la rééducation voire
l’amendement du délinquant notamment le principe de la séparation des détenus.
Dans ce cadre : « Les différentes catégories de détenus doivent être placées dans des
établissements ou quartiers d'établissements distincts, en tenant compte de leur sexe, de leur
âge, de leurs antécédents, des motifs de leur détention et des exigences de leur traitement.
C'est ainsi que :
a) Les hommes et les femmes doivent être détenus dans la mesure du possible dans des
établissements différents; dans un établissement recevant à la fois des hommes et des femmes,
l'ensemble des locaux destinés aux femmes doit être entièrement séparé;
Cette règle internationale recommande donc une séparation des détenus en fonction de
leur âge, leur sexe et de leur statut pénal (prévenu ou condamné). Il faut donc séparer les
hommes des femmes, cela sous-entend que les femmes doivent être détenues dans des
bâtiments distincts de ceux des hommes, les mineurs logés dans un quartier spécial et les
prévenus séparés des condamnés.
Ce principe permet donc d’éviter des contagions criminelles, des violences et des abus
sexuels ou moraux. Ces faits néfastes sont relevés par Daniel WELZER-LANG dans son
ouvrage Sexualités et violences en prison : ces abus qu’on dit sexuels...Aléas, Observatoire
International des Prisons, 1996.
5^” Règle 8 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.
260
Aussi, Il note dans cet ouvrage la place de la sexualité en prison : relations consenties,
abus de pouvoirs, profils des abuseurs et des abusés, question du sida et de sa prévention.
Concernant les prévenus, ils doivent être placés dans des locaux séparés des détenus
condamnés car ils n’ont pas encore fait l’objet d’un procès équitable. Ils bénéficient de la
présomption d’innocence. De cette manière, on doit toujours les considérer innocents. A la
différence des détenus condamnés, ils ne sont pas retenus en prison comme sanction.
Ce principe est également prévu par le décret du 14 mai 1969 en ces termes : « les détenus
doivent être séparés, autant que le permet la disposition des locaux, suivant les catégories ci-
après énumérés :
3-
les prévenus des détenus, lorsque le même établissement sert de maison d’arrêt et de
maison de correction ;
4-
les détenus qui bénéficient du régime de l’article 142 (régime spécial) des détenus soumis
au régime ordinaire ;
5-
les contraignables et les condamnés à l’emprisonnement de simple police des autres
détenus ;
6-
les condamnés entre eux selon les divisions auxquelles ils appartiennent conformément aux
articles 18 et suivants
5®’ Article 7 du décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant
les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.
261
suivant le genre de vie des détenus. Les modalités d’application de Valinéa précédent feront
l’objet d’un arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Chaque quartier est lui-même
divisé en sous-quartiers pour les hommes et pour les femmes, de telle sorte qu’il ne puisse y
avoir aucune communication entre eux ». Dans cette optique, le principe de la séparation des
détenus offre une meilleure garantie dans une gestion efficiente des établissements
pénitentiaires. Outre ce principe, il y a aussi le principe de l’égal traitement des détenus qu’il
convient d’analyser.
À la lumière de ce qui précède, peut-on transposer ce principe légal dans les prisons ?
Autrement dit, les prisonniers peuvent-ils bénéficier de ce droit ? Une réponse affirmative
mérite d’être donnée à cette question. La seule peine subie par le détenu est la perte de liberté
et non celle des droits fondamentaux. Le détenu reste un sujet de droit : « la justice ne doit pas
s’arrêter aux portes des prisons » . Si l’on applique ce principe aux détenus, on leur
reconnaît comme les personnes libres des droits fondamentaux. La reconnaissance du droit de
la non-discrimination aux détenus mérite que l’on se pose un certain nombre de questions ?
Mireille DELMAS-MARTY (dir), vers les principes directeurs internationaux de droit pénal, criminalité
économique et atteintes à la dignité de la personne, (vol IV), Institutions internationales, Editions de la maison
des sciences de l’homme, Paris, 1996, P.219.
262
caractérise les critiques de la prison, structurent ses stratégies de lutte, cimentent ses
oppositions internes (réelles ou de principe) et aiguisent ses efforts réflexifs. Cette
ambivalence se loge d’abord au creux de la question du statut sociohistorique des
réformes carcérales : participent-elles à la réduction de T indignité consubstantielle à
l’enfermement forcé ou, sous couvert et par le biais même de cette transformation, participe-t-
elle avant tout à la consolidation de l’institution, à la recherche d’une stabilité
nouvelle obtenue grâce la neutralisation des critiques dont sont l’objet cette irréductible
indignité ? Ceci exposé, la prison a pour finalité de protéger Tordre social tout en
reconnaissant des droits aux détenus notamment celui de l’égal traitement voire de la non-
discrimination. Ce principe implique tout naturellement la non-discrimination dans la gestion
des détenus.
Ainsi, la discrimination doit être interdite sous toutes ses formes dans le traitement des
prisonniers. Ainsi, toute discrimination fondée sur la race, la couleur de peau, le sexe, la
langue, la religion ou la croyance religieuse, les opinions (notamment politiques), l’origine
nationale, ethnique ou sociale, la fortune, la naissance ou tout autre statut est interdite par tous
les instruments mondiaux des droits de Thomme^^^.
Les détenus doivent être traités sur un pied d’égalité, sur une base égalitaire. On ne doit
donc pas privilégier tel détenu en fonction de sa race, de sa position sociale qu’il occupait
dans la société au détriment d’un autre. Dans cette logique, l’article 8 du décret 69-189 du 14
mai 1969 sur la réglementation des établissements pénitentiaires dispose en
l’espèce : « Aucune discrimination ne doit être fondée sur des considérations tenant à la race,
à la langue, à la religion, à l'origine nationale ou aux opinions politiques ».
Tous les citoyens qui composent un Etat sont égaux en droits. L’Etat a donc le
devoir de préserver l’égalité des droits des individus, indépendamment de leurs différences ;
en raison toutefois des différences individuelles, certaines doivent faire l’objet d’une
protection particulière de façon à garantir un traitement identique^^^. La non-discrimination
dans la gestion des détenus est de ce fait un corollaire de l’application du droit commun aux
établissements pénitentiaires en vue d’assurer un meilleur équilibre entre les impératifs de
sécurité et la protection des droits de Thomme. On peut donc affirmer que le principe de la
Gilles CHANTRAINE et Dan KAMINSKI, « La politique des droits en prison », Champ pénal/Penal field
[En ligne]. Séminaire Innovations Pénales, mis en ligne le 27 septembre 2007, consulté le 12 juillet 2015, P. 1.
Nations unies, les droits de l’homme et les prisons, op.cit.P. 165.
Idem, P. 167.
263
non-discrimination dans la gestion des détenus est un fait catalyseur dans la reconnaissance
de certains droits spécifiques aux détenus.
SECTION II :
Les droits de l'homme sont un ensemble des droits fondamentaux inhérents à la nature
humaine. Ces droits sont inhérents à toute personne du fait de sa qualité d’être humain et sont
fondés sur le respect de la dignité et de la valeur de chacun. Ils s’appliquent à tous les êtres
humains sans exception. En conséquence, il est impossible de les réfuter ou de les contester à
toutes personnes privées de liberté suite à un procès légal.
ces droits se résument essentiellement en deux sous-groupes notamment les droits relatifs à la
protection sanitaire des prisonniers (§1), puis ceux relatifs à la restauration du lien social (§11).
264
§I : Les droits relatifs à la protection sanitaire des prisonniers
Dans un État de droit, l’Etat dispose du monopole de la violence légitime. Cela dit,
L’État de droit, respectueux de la loi doit donc protéger les droits fondamentaux de
tous les individus y compris ceux qui subissent des peines privatives de liberté. Le détenu,
hormis la liberté d’aller et de venir conserve tous les droits inliérents en sa qualité de citoyen
voire d’être humain. Il n’a donc pas perdu ses droits du fait de sa condamnation à une peine
privative de liberté. Dans cette logique, il bénéficie tout naturellement du droit à l’intégrité
265
physique et morale. Ce droit implique l’interdiction des actes de torture, de brimades voire de
mauvais traitements à l’encontre du détenu.
-Le fait d’infliger une douleur ou des souffrances physiques ou mentales graves;
5**’ Mireille DELMAS-MARTY (dir), vers les principes directeurs internationaux de droit pénal, criminalité
économique et atteintes à la dignité de la personne, op.cit. P.l 11.
266
-Dans un but spécifique comme l’obtention de renseignements, une punition ou une
intimidation.
Les autorités pénitentiaires doivent mettre tout en œuvre pour le respect de l’intégrité
physique et morale des détenus. Elles doivent gérer les établissements pénitentiaires
conformément aux droits de l’homme, car une prison qui ne respecte pas ces droits est
qualifié de « prison de la honte » comme le titre de l’ouvrage de NIAUSSAT, Michel, Les
prisons de la honte - 1998. L’auteur a été pendant 20 ans, aumônier à la maison d’arrêt du
Mans. C’est un lieu où sont écrouées des personnes qui ne sont pas encore jugées, et dont la
culpabilité n’est pas avérée. Il s’agit d’un livre militant, qui accuse l’hypocrisie d’une société
se revendiquant gardienne des droits de l’homme.
Les prisons ne doivent donc pas être selon l’auteur des prisons où les droits de l’homme
sont bafoués. Les prisons doivent êtres des lieux où l’on respecte quotidiennement les droits
de l’homme. Ce qui implique logiquement que les prisonniers soient détenus dans conditions
appropriés voire saines.
267
B- Le droit à des conditions de détention saines
Cette philosophie est également développée par la Cour Européenne des droits de
l’Homme dans sa jurisprudence : « L’article 3 de la Convention impose à l’État de s’assurer
que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la
dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à
une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance
inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé
<*71
et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate.
En résumé. Toutes les personnes privées de liberté ont droit à des eonditions de vie
adéquates, notamment en termes d’alimentation, d’approvisionnement en eau potable, de
logement, d’habillement et de literie. Le logement des prisonniers doit être propre et doit
bénéficier d’un cubage d’air, de la lumière, d’une ventilation. L’Ensemble de règles minima
pour le traitement des détenus impose le respect des principes suivants : Règle 9. 1) « Les
268
cellules ou chambres destinées à l’isolement nocturne ne doivent être occupées que par un
seul détenu. »
Règle 10. « Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des
détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences de l’hygiène, compte tenu du climat,
notamment en ce qui concerne le cubage d’air, la surface minimum, l’éclairage, le chauffage
et la ventilation. »
Règle 11. « Dans tout local où les détenus doivent vivre ou travailler :
a) Les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que le détenu puisse lire et travailler à
la lumière naturelle; l’agencement de ces fenêtres doit permettre l’entrée d’air frais, et ceci
qu’il y ait ou non une ventilation artificielle;
b) La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre au détenu de lire ou de travailler
sans altérer sa vue. ».
Ces conditions de détention prescrites par l’ensemble des règles minima pour le
traitement des détenus favorisent une santé adéquate des détenus. Il faut également relever
que ceux-ci pendant leur détention ont droit à des soins de santé appropriés.
Une bonne santé est importante pour tous. Elle influence le comportement des
personnes et leur capacité à fonctionner en tant que membres de la communauté. Une bonne
santé est particulièrement importante dans la communauté fermée d’une prison. La nature de
l’emprisonnement peut avoir un effet néfaste sur le bien-être physique et mental des détenus.
Les administrations pénitentiaires ont donc la responsabilité non seulement de fournir des
soins médicaux mais aussi d’établir des conditions qui favorisent le bien-être des détenus et
• ^79
du personnel pénitentiaire.
Il faut également noter par ricochet que le manque d’une alimentation, d’un
approvisionnement en eau potable, d’un habillement et d’un logement adéquat a souvent pour
effet d’infliger aux détenus un mauvais traitement qui peut s’apparenter à la torture dans les
cas les plus graves. Dans la pratique, force est de reconnaître que le droit des prisonniers à
des conditions de vie appropriées est difficile à mettre en œuvre eu égard au phénomène de la
surpopulation des prisons ivoiriennes et partant de toutes les prisons du monde.
269
C’est dans cette logique certainement que Michel NIAUSSAT dans son ouvrage Prison
ma colère : le scandale des maisons d’arrêt en France, Ouest-France, coll. Ecrits, 2004,
dresse un bilan de la situation actuelle des prisons et amène à réfléchir sur la question du
respect des droits de l’Homme. Par ailleurs, il est indispensable que les droits de l’homme
soient respectés dans les prisons afin de faciliter plus aisément la réinsertion des prisonniers
dans la société après leur libération, d’où le respect des droits relatifs à la restauration du lien
social de ceux-ci.
Les droits relatifs à la restauration du lien social des détenus se perçoivent nettement
à travers les règles de l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus qui
précisent que : « Le traitement des individus condamnés à une peine ou mesure privative de
liberté doit avoir pour but, autant que la durée de la condamnation le permette, de créer en
eux la volonté et les aptitudes qui les mettent à même, après leur libération, de vivre en
respectant la loi et de subvenir à leurs besoins. Ce traitement doit être de nature à
encourager le respect d’eux-mêmes et à développer leur sens de la responsabilité. »
« A cet effet, il faut recourir notamment aux soins religieux dans les pays où cela est
possible, à l’instruction, à l’orientation et à la formation professionnelle, aux méthodes de
I ’assistance sociale individuelle, aux conseils relatifs à l'emploi, au développement physique
et à l ’éducation du caractère moral, en conformité des besoins individuels de chaque détenu.
II convient de tenir compte du passé social et criminel du condamné, de ses capacités et
aptitudes physiques et mentales, de ses dispositions personnelles, de la durée de la
condamnation et de ses perspectives de reclassement Il se dégage tout principalement à
travers ce qui précède le droit à une formation professionnelle des détenus (A) et par ricochet
le droit pour eux d’être en contact avec le monde extérieur (B).
270
A-Le droit à une formation professionnelle
Il y a deux types d’activités que les détenus exercent en prison. Le premier type
d’activité est celui du service général pour le compte de l’établissement pénitentiaire ou de
l’administration pénitentiaire. Il s’agit entre autre des travaux de propreté ou d'entretien des
bâtiments, des travaux des services assurant le fonctionnement de l'Etablissement, et des
travaux au sein des ateliers techniques, sur les chantiers et jardins de l’Administration
pénitentiaire. Ces travaux pour la plupart ne sont pas rémunérés.
Le deuxième type d’activité est celui fait auprès des collectivités publiques, des diverses
Administrations, des entreprises industrielles ou commerciales privées... (c’est le contrat de
la concession). Ce type d’activité par contre est rémunéré. Les détenus doivent recevoir une
5^5 Article 71 du décret du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements et fixant les peines privatives
de liberté.
271
juste rémunération pour leur travail. Ils peuvent donc dépenser cette rémunération en prison,
envoyer une partie à leur famille ou même économiser une partie en vue de leur libération.
La prison a aussi ses pauvres, ceux qu'on nomme les "indigents". En prison comme
ailleurs, c’est le travail qui apporte une source de revenu aux détenus. Faire travailler le plus
de détenus, permettre au maximum d’entre eux d'obtenir un salaire, c'est aussi prévenir des
conséquences néfastes de la pauvreté sur le maintien de l'ordre. Les surveillants et
l'encadrement de la prison disent comme les détenus, que l'argent du travail permet
d'agrémenter le quotidien . Dans cette logique, le principe 8 des Principes fondamentaux
relatifs au traitement des détenus dispose : « Il faut réunir les conditions qui permettent aux
détenus de prendre un emploi utile et rémunéré, lequel facilitera leur réintégration sur le
marché du travail du pays et leur permettra de contribuer à subvenir à leurs propres besoins
financiers et à ceux de leur famille. »
Le travail pénitentiaire ne doit pas avoir un caractère afflictif. Tous les détenus
condamnés sont soumis à l’obligation du travail, compte tenu de leur aptitude physique et
mentale telle qu’elle sera déterminée par le médecin. Il faut fournir aux détenus un travail
productif suffisant pour les occuper pendant la durée normale d’une journée de travail. Ce
travail doit être, dans la mesure du possible, de nature à maintenir ou à augmenter leur
capacité de gagner honnêtement leur vie après la libération. Il faut donner une formation
professionnelle utile aux détenus qui sont à même d’en profiter et particulièrement aux jeunes.
Dans les limites compatibles avec une sélection professionnelle rationnelle et avec les
exigences de l’Administration et de la discipline pénitentiaire, les détenus doivent pouvoir
choisir le genre de travail qu’ils désirent accomplir.^^^
TJl
le Conseil économique et social portent tant sur l'amélioration des conditions générales de
détention pour favoriser l'accès des détenus à l'éducation, à la formation et au travail que sur
le renforcement des dispositifs de préparation à la sortie et de suivi post-carcéral.
Pour l'Etat, le travail pénitentiaire n'avait pas pour but explicite de faire du profit mais de
réduire les coûts liés à l'emprisonnement, en conséquence de quoi les produits du travail
pénitentiaire étaient vendus à des prix très bas. Le travail était une nécessité pour l'État parce
que, comme aujourd'hui, il était un moyen efficace de maintien de l'ordre dans les prisons,
mais aussi parce qu'il permettait à l'Administration d'alléger ses charges.
Le travail pénitentiaire, dans les traditions sociologiques énoncées, est peu évoqué,
et, quand il l'est, c'est comme un simple instrument de gestion de la détention, comme
peuvent l'être d'autres activités. La fonction étant de "réduire les tensions". "L'importance de
cette fonction dans l'ensemble des prisons est telle que bien des activités ou finalités de
celles-ci peuvent être considérées comme secondaires par rapport à la nécessité de
réduire les tensions, ou peuvent être détournées dans ce but de leur finalité première : les
activités destinées à former ou réinsérer les détenus sont aussi un moyen de les "occuper", et
ainsi de canaliser les tensions. Les détenus "occupés" sont distraits de leurs
préoccupations et déchargent leurs tensions en s'investissant dans celles-ci. [...]
L'occupation d'un maximum de détenus est un gage de calme dans les prisons." La relation de
service qui s'instaure entre détenus et surveillants peut exiger "une grande disponibilité de la
part des surveillants en raison de la dépendance des détenus^^^.
273
B-Le droit d’être en contact avec le monde extérieur
Les détenus en prison perdent tout naturellement le droit de se déplacer librement voire
la liberté d’aller et venir dans la société, mais ils conservent certains droits dont celui d’être en
contact avec le monde extérieur. Le monde extérieur, en l’espèce, constitue essentiellement la
famille, les amis, les proches du détenu, des ministres des cultes... Il s’agit d’un droit des
détenus mais également d’un droit des membres de la famille, des proches qui ne sont pas
emprisonnés. Ces derniers conservent le droit d’être en contact avec leur père ou mère, fils ou
fille, frère ou sœur, cousin, cousine emprisonné.
Ce droit est mis en exergue par le décret du 14 mai 1969 portant réglementation des
établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté notamment en ces termes : « Les détenus ont la faculté de recevoir des visites de leur
conjoint, de leurs ascendants, de leurs descendants, de leurs frères et sœurs germains et de
leur tuteur. Exceptionnellement, et pour des motifs laissés à l'appréciation des Autorités
visées à l'article suivant, les détenus peuvent être visités par d'autres personnes ».
L’article 119 du même décret émet l’exigence d’un permis de visite pour tous ceux qui
ont un lien de parenté avec un détenu quelconque ou même certains visiteurs qui n’ont aucun
lien de parenté avec les détenus. Ce permis de visite est délivré par le magistrat saisi du
dossier de la procédure, s'il s'agit d'un prévenu ou par le juge de l'application des peines, s'il
s'agit d'un condamné. Ces visites ont lieu principalement dans un parloir comportant un
grillage séparant les détenus et leurs visiteurs sous la surveillance d’un agent pénitentiaire.
Ces parloirs sont des moments d’échanges des détenus avec leurs parents ou des visiteurs
éventuels. Ces moments permettent aux détenus de partager leur vie en prison avec leurs
parents et que ceux-ci les imprègnent des affaires familiales et bien d’autres choses. Dans ce
contexte, Eric CORBEYRAN, dans son ouvrage Sous forme de courtes bandes dessinées
Paroles de parloirs édition Delcourt, coll. Encrages, 2003 relate les témoignages des proches
de détenus. Ces témoignages aident à appréhender le quotidien, les problèmes spécifiques des
familles de détenus et du quotidien carcéral détenus mêmes.
Les autorités pénitentiaires doivent tout mettre en œuvre pour assurer le contact des
détenus avec leurs familles, car « La famille est l’élément naturel et fondamental de la société
Article 118 du décret du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les
modalités d’exécution des peines privatives de liberté.
274
et a droit à la protection de la société et de l’État De toute évidence, le contact des
détenus avec leurs proches est un critère de traitement de ces détenus avec dignité et
humanité. Ainsi, si les détenus, pendant l’exécution de leur peine privative de liberté,
maintiennent des liens avec leur famille et la société, cela facilitera certainement leur
réintégration dans la communauté après leur libération.
Le droit de contact avec le monde extérieur permet aux détenus de gérer certains de
leurs affaires bien qu’étant en prison. Il permet aux familles des prisonniers d’apporter un
soutien moral, financier et voire même spirituel précieux à ceux-ci. La vulnérabilité des
mineurs incarcérés et des jeunes détenus exige également qu’il soit en contact régulier avec
leurs parents afin de préserver leur relation et que les parents puissent même hors de la prison
continuer le devoir d’éducation qui leur incombe à l’égard de leurs enfants incarcérés.
Ainsi, comment la continuité des liens familiaux est-elle assurée, dès lors que ceux-ci
sont ébranlés par une procédure ou une sanction pénale ? Cette question est analysée à travers
l’ouvrage de BOUREGBA, Alain (dir.). Les liens familiaux à l’épreuve du pénal. Ramonville
Saint-Agne : Erès, 2001. 140 p. sous différentes facettes : l’enfant face à son parent incarcéré
et le jeune mineur incarcéré face à sa famille. Cela dit, la continuité des liens familiaux des
détenus et partant la matérialisation de son droit de contact avec le monde extérieur ne peut
être assurée que par cinq moyens principaux notamment les lettres, les visites, les
permissions de sortie ou les libérations conditionnelles temporaires, les livres, les journaux et
les médias.
En somme, pour une meilleure facilitation du reclassement social du détenu après leur
sortie de prison, les autorités pénitentiaires doivent donc veiller au maintien et à
l’amélioration de leur lien avec leur famille, gage de la stabilité familiale et d’une bonne
réintégration dans la société. Par ailleurs, l’ensemble des droits de détenus que nous avons
passés en revue peuvent être compromis à cause de certaines entraves politiques et carcérales.
275
CHAPITRE II :
Principe 1 de l’ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme
quelconque de détention ou d’emprisonnement.
5’’' Article 5 de la Constitution ivoirienne de 2016 (journal officiel de la république de Côte d’ivoire numéro 16
du 9 novembre 2016).
276
SECTION I :
Dès lors, elle aura une finalité d’utilité sociale voire de défense sociale (sanction-
amendement-réinsertion sociale du délinquant) en principe. Cependant, elle sera détournée de
cette fonction utilitaire pour répondre aux exigences politiques depuis l’indépendance jusqu’à
nos jours. Dans cette perspective, elle servira d’instrument de consolidation du pouvoir
politique (§1) et de sécurisation de l’hégémonie du parti au pouvoir (§11).
Pélagie Chantal BELLOMO ESSOMO, l’ordre et la sécurité publique dans la construction de l’Etat au
Cameroun, thèse de doctorat en science politique soutenue le 6 février 2007 à l’université Montesquieu -
Bordeaux IX, P.355.
Idem, P.356.
277
A-La répression de l’atteinte à la sûreté de F État
Les infractions de droit commun sont celles qui troublent l’ordre social. Dès lors, les
infractions de droit commun quant aux atteintes à la sûreté de l'État sont généralement
contenues dans le code pénal et dans une moindre mesure dans certains textes législatifs.
Nonobstant que l'on y retrouve des infractions politiques. Ces infractions sont constituées des
atteintes à la sûreté intérieure et extérieure. Dans ce contexte, il y a la trahison et
l’espionnage (art. 141 à 144 du code pénal). Ces articles prévoient la peine de mort pour les
auteurs de ces infractions.
Par ailleurs, notons que la peine de mort a été abolie par la Constitution ivoirienne du
23 juillet 2000 et la nouvelle Constitution de 2016. Il y a également les atteintes à la défense
nationale (art. 145 à 157 du code pénal). Ainsi, « Quiconque rassemble, dans l'intention de les
livrer à une puissance étrangère, des renseignements, objets, documents ou procédés dont la
réunion et l'exploitation sont de nature à nuire à la défense nationale est puni de
l'emprisonnement à vie » . Quant aux infractions politiques, ce sont celles portant atteinte à
un intérêt politique de l’Etat. Les infractions politiques sont également celles qui portent
atteinte aux droits politiques des citoyens ou menace l'existence, l'organisation ou le
fonctionnement d'un État. L’objet doit être politique, c’est-à-dire porter atteinte à l’ordre
politique et institutionnel.
278
À part certaines atteintes que nous pouvons considérer comme politiques contenues
dans la loi (trahison, espionnage, intelligence avec une puissance étrangère, complots,
mouvements insurrectionnels, atteintes à la sécurité des forces armées et au secret de la
Défense nationale), elles n'ont en principe aucune base juridique. Son régime déroge du droit
commun de par sa qualification et sa sanction. La reconnaissance de cette variété particulière
d'infraction obéit à des justifications opposées selon la nature de l'État.
Dans un État autoritaire, l'infraction politique sert d'instrument au renforcement de la
répression. En édictant des délits d'opinion, le plus souvent aux contours mal définis, le
pouvoir vise au premier chef à effacer toute contestation et à éliminer les opposants ou
supposés tels. La répression de ces délits est confiée à des juridictions d'exception qui, dans
bien des cas, jouent le rôle de « machines à condamner ».
circonscrites. Leurs auteurs bénéficient d'un régime dérogatoire au droit commun au nom de
la tolérance vis-à-vis de la libre propagation des idées qui caractérise les régimes
démocratiques.
Loin de fournir une définition formelle de l'infraction politique, le Code pénal n'en
fait nullement mention. L'infraction politique se déduit donc du silence de la loi : c'est parce
que le législateur mentionne l'existence d'infractions de droit commun qu'il qualifie de la
sorte, que les infractions qui ne relèvent pas de cette catégorie sont, par défaut, qualifiées
d'infractions politiques. A la lumière de ces analyses, notons que dans l’optique de réprimer
les atteintes à la sûreté de l’État, l’assemblée nationale ivoirienne a voté le 11 janvier 1963
une loi portant création d’une cour de sûreté de l’État.
Il s’agit en effet d’une loi d’exception. La procédure prévue devant la cour de sûreté est la
procédure en vigueur en matière de droit commun, quoi que « l’enquête (soit) à caractère
politique ». Mais des modifications significatives à cette procédure de droit commun sont
introduites : nomination des juges par le président de la république ; allongement de la durée
de détention préventive à deux mois ; droit de perquisition de jour comme de nuit ;
appréciation de la nécessité de la poursuite et de la répression laissée au seul
exécutif ;exclusion des circonstances atténuantes, du sursis et de l’amnistie ;rétroactivité ; et
enfin, institution de peines accessoires portant sur la confiscation partielle ou totale des
biens.5^^
279
Présentant ensuite l’organisation de la cour de sûreté de l’État et son fonctionnement,
Vamé Doumouya fait savoir qu’elle comprendra un président, six juges titulaires et quatre
juges suppléants et que toutes ces personnalités seront nommées en fonction de leurs
compétences politiques, juridiques et administratives. Il précise que le président de la
république nommera le président de la cour, trois juges titulaires et deux juges suppléants sur
proposition du président de l’Assemblée Nationale.^^^Dès lors, tout dénote du caractère
purement politique de cette loi. Cette cour est de ce fait une juridiction d’exception qui a pour
but de juger les personnes accusées de porter atteinte à la sûreté de l’État. Elle concerne les
infractions politiques.
Cette loi avait donc pour finalité de préserver et de consolider le pouvoir politique à
cette époque. Elle avait été donc votée pour intimider et neutraliser toute forme d’opposition
au pouvoir du président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY . Dès lors. Pour les acteurs politiques,
la répression pénale des atteintes à la sûreté de l'Etat est donc une nécessité, car elle permet de
préserver leur pérennité dans la gestion des affaires étatiques. Notons que de nos jours, cette
cour a été remplacée progressivement par la cour d’assise.
Ainsi, les atteintes à la sûreté de l’État sont l’apanage de cette cour qui en principe juge
les infractions qualifiées de crimes. La répression de l’atteinte à la sûreté de l’État n’est pas le
Frédéric GRAH MEL, Félix Houphouët-Boigny, l’épreuve du pouvoir (1960-1980), les éditions du CERAP,
Karthala, publié le 23/12/2010,P.85.
280
B-La répression de l’attentat ou complot contre l’autorité de
l’État
Le complot est un dessein ou un projet secret concerté entre plusieurs personnes, avec
l'intention de nuire à l'autorité d'un personnage public ou d'une institution, éventuellement
d'attenter à sa vie ou à sa sûreté. C’est donc un ensemble de menées secrètes destinées à nuire
à autrui. Il a donc comme synonyme la conspiration. Une conspiration est entre autre une
entente secrète entre plusieurs personnes, en vue de renverser un pouvoir établi, ou une
organisation en vue d'attenter à la vie d'une personne d'autorité. L’attentat par contre est une
action destinée à nuire (à attenter} aux biens ou à la vie d'autrui. On parle généralement
d'attentat dans un contexte politique voire terroriste. C’est donc une action violente et
criminelle, souvent meurtrière. A partir de ces différentes définitions, on pourrait donc
déduire que l’attentat ou complot contre l’autorité de l’Etat est une infraction tendant à nuire à
la vie du chef de l’Etat ou une action qui vise à déstabiliser les fondements constitutionnels de
l’Etat. Le code pénal en ses articles 158 et 159 réprime cette infraction : Art. 158 « Est puni
de la détention à vie, l'attentat dont le but est soit:
2°d'exciter les citoyens ou habitants à s'armer contre l'autorité de l'État ou s'armer les uns
contre les autres;
Art. 159. « Le complot ayant pour but les crimes précédent, s'il est suivi d'un acte commis ou
commencé pour en préparer l'exécution, est puni de la détention de cinq à vingt ans. Si le
complot n'est pas suivi d'un acte commis ou commencé pour en préparer l'exécution, la peine
est la détention de cinq à dix ans et une amende de 500 000 à 5000 000 de francs. Quiconque
fait une proposition non agréée de former un complot pour commettre l'un des crimes prévus
par l'article précédent, est puni de la détention d'un à cinq ans et d'une amende de 100 000 à 1
000 000 de francs. Le juge peut en outre, à titre complémentaire, priver le condamné de tout
ou partie des droits visés à l'article 66^^^ ». Bien que prévu par le code pénal, l’infraction de
281
l’attentat ou complot contre la sûreté de l’État a été et demeure un moyen politique pour les
tenants du pouvoir en Côte d’ivoire pour consolider leur régime. Le premier président de
notre pays a été un modèle dans ce contexte. Pour consolider son pouvoir politique après les
années d'indépendances, HOUPHOUET avait sans nul doute développé sa politique générale
à partir de son éducation traditionnelle," et de sa conception personnelle de la notion de l’État.
L'État, pour lui, devrait être un pur instrument au service de la raison autocratique dans un
souci de l'intérêt général. Appréhender l'État de la sorte avait favorisé la mise en place d'un
Dans ce contexte, le professeur Samba Diarra dans son ouvrage intitulé les faux
complots d’HOUPHOUËT-BOIGNY relate les intrigues politiques du premier président de la
Côte d’ivoire indépendante. Dans cet ouvrage, voulant neutraliser tous ses opposants
politiques, il va imaginer voire créer de toute pièce toutes formes de complots pour consolider
son pouvoir. Ainsi, trois complots, ou prétendus tels, ont été mis en exergue dans ce livre. Il
s’agit du complot du chat noir, du complot des jeunes et du complot des anciens.
l°d'être nommé aux fonctions de juré, d'assesseur, d'expert ainsi qu'aux emplois de l'administration et autres
fonctions publiques;
2°d'obtenir une autorisation de port d'arme;
3°d'exercer des charges tutélaires, de porter des décorations, d'ouvrir une école et de façon générale d'exercer
toutes fonctions se rapportant à l'enseignement, à l'éducation ou à la garde des enfants.
La privation peut porter sur l'ensemble ou sur partie desdits droits.
Aucune disposition de la présente section ne peut être interprétée comme modifiant les déchéances. Privations ou
interdictions de droits résultant de dispositions spéciales.
Félicien Navigué COULIBALY, Houphouët-Boigny, le pouvoir politique et les religions en Côte d’ivoire :
1960-1990 dans la revue Suisse d’histoire religieuse et culturelle, 2012, P.338
282
BOIGNY dans les boyaux. C’est « le complot du chat noir ». Ce complot selon le président
lui-même est de le « rendre impuissant, puis finalement lui ôter la vie ».
d’être accusé de complot avec l’ensemble des membres du bureau exécutif de son
mouvement. Ils sont accusés de complot contre la sûreté de l’État et condamnés à de lourdes
peines. La liste des mis en cause est étendue aux universitaires et autres intellectuels
fraîchement rentrés au pays après leurs études. C’est le complot des jeunes
Dans chacun de ces complots de 1963, instruction et procès se déroulent dans le domaine
privé du Président HOUPHOUËT-BOIGNY à Yamoussoukro, selon le même procédé, à
savoir : tortures, avocats commis d’office, huis clos, cour d’exception et lourdes peines. Au
total quatre-vingt-onze condamnations : dix-neuf à mort, neuf aux travaux forcés à perpétuité
et soixante-trois aux travaux forcés à temps. En réalité, tous ces complots étaient des pseudos
complots, imaginés par le président pour intimider et emprisonner tous les opposants à son
pouvoir. L’attentat ou complot contre l’autorité de l’État est un moyen juridique employé par
les tenants du pouvoir depuis l’indépendance jusqu’à nos jours pour embastiller les opposants
politiques afin de consolider leur pouvoir. Ainsi, « La candidate malheureuse aux élections
présidentielles d’octobre 2010 sera bientôt inculpée par KONÉ Mamadou, juge d’instruction
chargé du 3ème cabinet au tribunal de 1ère instance d’Abidjan-Plateau. Jacqueline OBLE a
été convoquée et entendue sur procès-verbal, lundi dernier, par le procureur de la République.
Elle est poursuivie pour atteinte à la sûreté de l’État, attentat ou complot contre l’autorité de
l’État, constitution de bande armée, direction ou participation à une bande armée,
283
président du conseil constitutionnel sera dans les jours à venir, convoqué par le procureur de
la République. Il est poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’État, attentat ou complot contre
l'autorité de l'Etat, constitution de bande armée, direction ou participation à une bande armée,
participation à un mouvement insurrectionnel , atteinte à l'ordre public, coalition de
fonctionnaires, rébellion, usurpation de fonction, tribalisme et xénophobie^^^.
À travers ces analyses, l’on s’aperçoit que la prison est utilisée comme un instrument de
consolidation du pouvoir politique pai' la répression de l’atteinte à la sûreté de l’État et celle
du complot contre l’autorité de l’État. Ces répressions visant à embastiller voir neutraliser
tous les opposants au régime politique au pouvoir. A cet égard, la prison sera un moyen de
sécurisation de l’hégémonie du pouvoir politique.
Le choix de ces régimes autoritaires par les élites politico militaires des États africains
nouvellement indépendants est justifié par leur désir de promouvoir l’unité nationale et le
développement économique et social. Le pluralisme est dans cette optique considéré
comme inapte à promouvoir ces objectifs car caractérisé par la division, l’exacerbation des
inégalités et des conflits de classe contraires au projet de construction nationale. L’absence de
pluralisme se matérialise par l’instauration de partis uniques dans les États, censés fédérer
toutes les sensibilités pour la construction de l’État-nation. Cette perception du
développement et de l’édification de la nation, réductrice des libertés, œuvre des
dirigeants africains postcoloniaux, trouve une source de compréhension dans la théorie
Ibidem.
5’5 Jean François MÉDARD, « autoritarismes et démocraties en Afrique Noire », politique africaine, n° 43,
octobre 1991, P.92.
284
politique.Dans cette perspective, ces dirigeants recours à la prison pour neutraliser les
opposants politiques (A) à l’effet d’instaurer un règne ou un pouvoir sans contestation (B).
2000 à 2015 incarnée par les Présidents Laurent GBAGBO et Alassane OUATTARA. La
troisième qui a cours depuis 2016.
Rappelons que le passage de la première à la deuxième République s’est traduit par une
phase de transition du 24 décembre 1999 au 26 octobre 2000, dirigée par le Général Robert
GUÉI, président du Comité National de Salut Public (CNSP).
Notons que ces différents présidents ont utilisé des stratégies moins démocratiques
pour neutraliser toute forme d’opposition politique afin de stabiliser leur pouvoir. Au nombre
de ces stratégies, figure en bonne et due forme la prison que l’on pourrait qualifier de
politique.
La prison politique est un trait caractéristique des régimes dictatoriaux. Le pouvoir s’en
sert pour toutes les forces d’opposition. La prison sert aussi à convertir les adversaires
politiques par un travail de répression et de lavage psychologique.^^^
La prison dans certaines situations est considérée comme une sanction politique. A cet
égard l’on peut citer la fameuse prison d’Assabou construite en 1963 à l’est de Yamoussoukro
sur instruction Président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY. Il fit construire cette prison pour
5’“’ Kouléga Julien NICAISE, le Burkina Faso de 1991 à nos jours : entre stabilité politique et illusionnisme
démocratique, thèse pour le doctorat en science politique, présenté et soutenue publiquement le 1“ juillet
2013,université Bordeaux Segalen ,P. 15-16.
5’5 Source internet : www.presidence.ci consulté le 27 juillet 2016.
5’*^ Pélagie Chantal BELOMO ESSONO, op.cit, P.365.
285
corriger et redresser tous les opposants fictifs ou réels à son pouvoir. Ce qui vaut à cette
prison la qualification de prison d’Etat.
C’est une enceinte rectangulaire ceinte d’un haut mur de béton mesurant
approximativement 200 mètres de côté, comportant un mirador avec un projecteur
surplombant à chaque angle...L’intérieur de la prison est réparti en deux zones symétriques
de part et d’autre d’un axe vertical nord-sud, partant du greffe. La limite nord de l’axe est
occupée par une bâtisse rectangulaire de 60 sur 20 mètres, aménagée en deux rangées de cinq
cellules séparées par un couloir central. C’est l’aile des condamnés à mort.^^^ Il faut
TOUR£, emprisonnait tous les frondeurs politiques, celle d’Assabou était également un lieu
de punition et de correction des opposants politiques.
On peut dire que la prison d’Assabou a fonctionné Comme une véritable université des
sciences sociales et politiques. Elle ne détenait principalement que les personnes jugés
hostiles au pouvoir sans partage du président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY. Ainsi, le
professeur Samba Diarra dans son ouvrage les faux complots d’ HOUPHOUËT-BOIGNY
écrit ceci ’. « Le 2 septembre 1963 au matin...vers 16-17 heures arrivent à la queue leu leu, en
tenue de ville, et chapeau melon pour certains, Jean-Baptiste MOCKEY, KACOU AOULOU,
Camille Gris, Jerôme ALLOH, Jean Konan BANNY et Tidiane DEM. Avec Michel
PlCHARD^^^à leur tête, ils gagnent le compartiment des condamnés à mort.^^^Y ont séjourné
également dans cette prison Germain COFFI GADEAU, Amadou THIAM, DJAUMANT
Etienne, DJESSO IJ Lougbo, SERY Koré...Bien que emprisonnés, ces prisonniers politiques
étaient suivis de près, puisque l ’on a installé des micros dans les locaux de la prison. Pour
terminer avec la vie à Assabou, il convient de souligner que les pensionnaires de la prison
sont totalement coupés du monde extérieur. Leurs parents et amis ndnt aucune nouvelle
d’eux...rien ne doit filtrer de la prison vers l’extérieur et vice-versa. Geôliers, infirmiers ne
286
doivent sous aucun prétexte servir d’intermédiaires entre les prisonniers et leurs
connaissances de l’extérieur.
Trois ans après sa construction, la prison d’Assabou a été démoli « afin d’éviter un grand
malheur à toute la région du Centre. La faible pluviométrie de 1965-1966, l’assèchement du
lac aux caïmans et les attaques d’hommes par ces sauriens sont donnés comme de signes
prémonitoires ». Aussi faut-il relever que cette prison a atteint la mission politique
principale qui lui a été assignée à savoir : l’incontestabilité et la consolidation du pouvoir du
président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY par la neutralisation des forces de l’opposition.
Par ailleurs, il faut relever que les présidents qui lui ont succédé depuis sa mort jusqu’à
nos jours ont au nom de la sûreté de l’État, du trouble à l’ordre public, complot contre
l’autorité de l’Etat, ont emprisonné les opposants politiques à leur pouvoir. Pour conserver le
pouvoir, le premier successeur du président HOUPHOUËT-BOIGNY, suivant un mécanisme
constitutionnel taillé sur mesure pour lui, le Président KONAN BÉDIÉ, initie le concept
discriminant de « l’ivoirité » par l’origine, et se lance dans une chasse aux sorcières (mandats
d’arrêt et incarcération des opposants).^^^
Dans ce contexte, les prisons ivoiriennes sont devenues des lieux de musellement de
l’opposition. Ainsi, la prison qui devait jouer un rôle d’utilité sociale par la sanction,
l’amendement et la resocialisation du délinquant, s’est muée en un instrument de
neutralisation des opposants politiques voire un réservoir des détenus d’opinion. Notons que
ces détenus sont emprisonnés dans des conditions exécrables, une manière de les avilir
moralement et psychologiquement.
Idem, P. 196.
Samba DIARRA, op.cit, P.203.
Source : www.connectionivoirienne.net consulté le 27 janvier 2016.
Pélagie Chantal BELOMO ESSONO, op.cit, P.367.
287
B-L’ instauration d’un pouvoir sans contestation
La plupart des dirigeants africains après les indépendances ont conservé des traits du
processus colonial à savoir la domination, la répression des opposants politiques. Cet état de
fait se perçoit à travers l’instauration d’un pouvoir incontesté et sans partage.
Ainsi, on peut citer entre autres SÉKOU TOURÉ de la Guinée, Félix HOUPHOUËT-
pour ne citer que ceux-là. Ils ont eu recours à des arrestations arbitraires, des
emprisonnements massifs pour museler toutes formes d’opposition à leur pouvoir.
Le premier président de la Guinée par le bais du tristement célèbre camp boiro (camp
de détention) a instauré un pouvoir dictatorial. À la fin des années 1960, Mamadou GHALY
SOW, opposant, est arrêté, emprisonné, puis exilé. Au fil du temps, la paranoïa croissante de
Sékou Touré conduit à l'arrestation de nombreux opposants politiques présumés. Le Camp
Boiro reste le symbole de cette répression violente où, selon une estimation, 5 000 personnes
sont exécutées parfois après des tortures inhumaines dénoncées alors par Amnesty
International. A travers la police secrète et les exécutions dans les camps de détention, Sékou
1’ouré fait régner sur le pays un régime de terreur, contraignant des milliers de Guinéens à fuir
la répression. Des dizaines de milliers de dissidents guinéens cherchent à fuir le pays.^^^
Le président ivoirien quant à lui assura son hégémonie en Côte d’ivoire et partant dans
la sous-région ouest-africaine et même au-delà, réduisant au silence tous ses opposants
intérieurs.
288
prison civile de Séguéla et à Bouaké de mars 1971 à janvier 1973 par HOUPHOUËT-
BOIGNY. Son fils fut également emprisonné.
Dans son malheur, la famille Gbagbo eut néanmoins plus de chance que KRABGÉ
GNAGBE, originaire de Gagnoa et leader du Parti nationaliste Africain (PANA), qui militait
pour la création d’un parti d’opposition conformément à l’article 7 de la Constitution
ivoirienne. Ce dernier fut tout simplement assassiné en 1970. Le président Félix
HOUPHOUËT-BOIGNY ne se contenta pas d’éliminer son potentiel rival, mais organisa un
véritable génocide dans le village du défunt qui entraîna la mort de plusieurs milliers de
personnes. L’élimination physique de ses opposants faisait partie des méthodes de
gouvernement du dictateur.
Pour assurer seul la direction des affaires politiques de son pays et pour sécuriser son
hégémonie politique qui fait de lui, l’interlocuteur incontournable sur la scène politique
africaine en général et dans la sous-région ouest africaine en particulier, le Président Félix
FIOUPHOUET-BOIGNY imaginera des complots partout dont la répression ne souffrira
d’aucune faiblesse. L’auteur, lui-même victime de ses complots, dénonce ici cette politique
cruelle d’assassinats ciblés, d’éliminations systématiques, de tortures et d’emprisonnements
arbitraires dont les victimes sont ses compatriotes des régions du Sanwi, de Guébié et du
Nord. Il s’agissait pour lui de bannir les héros de la lutte anti coloniale et tuer dans l’œuf toute
289
idée de contestation afin d’instaurer un règne sans partage et pérenniser ainsi la domination de
son ethnie sur tout le pays.^^^
Après sa mort en 1993, ses différents sueeesseurs vont également chereher à sécuriser
leur pouvoir en ayant recours à la prison. Ainsi, de 1993 jusqu’à nos jours, la prison ne
désemplit pas de prisonniers politiques. La prison, destinée à corriger, à amender et à
resocialiser le délinquant va constituer une arme de sécurité de l’hégémonie politique. Elle
vise dans ce contexte à annihiler toutes forces d’opposition réelles. De nos jours, la majorité
des prisonniers politiques sont détenus à la MAC A et dans diverses prisons de l’intérieur
notamment au centre et au nord du pays : Dimbokro, Bouaké, Seguela, Boundiali, Man,
Bouna.
À travers ces analyses nous constatons, que la prison a été détournée de sa fonction
classique c’est-à-dire celle d’utilité sociale. Elle est devenue un instrument de préservation et
de consolidation du pouvoir politique par la détention des opposants gênants et fougueux.
Dans ce cas, elle s’est transformée en un moyen de sécurisation de l’hégémonie du régime
politique au pouvoir. Outre ces faits, il faut relever également que la surpopulation chronique
des établissements pénitentiaires et leur état sanitaire exécrable sont des entraves à une
meilleure resocialisation des prisonniers. Dès lors, ils sont des facteurs de détournement de la
prison de sa mission classique voire fondamentale. Ces facteurs Cet état de fait ne participe-t-
elle pas au dysfonctionnement de la prison ?
Ibidem.
290
SECTION II :
établissements pénitentiaires ivoiriens souffrent d’un d’état sanitaire exécrable qui entraine
des maladies et au pire des morts au sein de la population carcérale (§11).
Dominique RAIMBOURG et Sébastien IllJYGHE (Assemblée Nationale), rapport d’information sur les
moyens de lutte contre la surpopulation carcérale (N° 652) enregistré à la présidence de l’assemblée nationale le
23 janvier 2013, P.l 1.
291
$1: La surpopulation endémique de la prison, entrave à la mission
deresocialisation
notion de capacité d’accueil est définie par la somme du nombre de cellules et dortoirs utilisés
pour héberger des détenus placés en détention normale, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes,
de mineurs ou d’adultes^’^.
La surpopulation est la règle dans toutes les prisons ivoiriennes. Elle est donc un
phénomène constant et récurent dans tous les établissements pénitentiaires ivoiriens. Il n’y
aurait donc pas à parler proprement d’inflation carcérale en Côte d’ivoire mais bien
des situations de surpopulation carcérale en rapport avec la capacité d’accueil réelle et
actuelle des établissements pénitentiaires.^’"’
De façon générale, les prisons de Côte d’ivoire sont surpeuplées. La capacité d’accueil des
33 prisons sur la base d’un espace de 5 m^par individus est estimée à 4 078 détenus. Sur cette
base, on note une surpopulation carcérale d’environ 243 % sur l’ensemble du territoire^’5.
Cette situation est une entrave à la mission de resocialisation car pour défaut d’espace, les
292
règles de séparation des détenus ne seront pas respectées et cela entraine inéluctablement une
contagion criminelle, d’où la récidive. Les causes de cette surpopulation sont diverses (A) ;
nous allons donc les analyser tout en étudiant les moyens d’y remédier (B).
Les causes de la surpopulation carcérale sont diverses, mais nous en analyserons deux
que nous considérons comme majeures ou principales. Il s’agit de celles relatives au
fonctionnement de la justice (1) et celles relatives aux infrastructures d’accueil (2).
S. EKANGA EVOUH, à la recherche d’une politique carcérale au Cameroun, mémoire de fin de formation à
l’ENAM, auditeur de justice, 1992, P.45.
293
Les juges sont donc portés à la sévérité. Ils n’ont recours uniquement qu’à la peine
privative de liberté pour juguler la délinquance voire la criminalité. La peine privative
apparaît à cet égard comme le seul moyen de lutte contre la criminalité. Cette sévérité découle
tout logiquement de la rigueur des lois. Celles-ci prévoient, en effet de plus en plus de peines
d’emprisonnement avec des durées de détention de plus en plus longues. Cet état de fait
conduit inéluctablement à la surpopulation des prisons. Cependant, les études réalisées dans
certains pays ont montré que l’augmentation de la population carcérale n’est pas imputable à
une augmentation avérée de la criminalité.*’’^ C’est la manière dont la justice pénale traite les
délinquants qui détermine l’importance de la population carcérale qui, elle influe beaucoup
sur la manière dont les prisons sont administrées.^’^
Nos prisons reposent sur une commune et double réalité. La première réalité est
éthique, c’est-à-dire l’indifférence de la société pour ceux qui ont transgressé les lois. La
seconde réalité est technique, c’est le dysfonctionnement entre la police et la gendarmerie qui
arrêtent, la justice qui ne peut au même rythme, juger ceux qui sont arrêtés et faire le tri entre
coupables et innocents. Tout ceci explique le fait que la prison soit toujours peuplée
essentiellement des personnes détenues à titre provisoire. Certains sont placés sous mandat de
dépôt depuis plusieurs années^’^. Ainsi, la détention préventive est l’une des causes majeures
Outre cet état de fait, il faut évoquer aussi la lenteur de la justice dans le traitement des
dossiers des détenus. Il faut également ajouter la disparition de certains dossiers. Ainsi, de
nombreux prisonniers peuvent demeurer des mois, une année ou plus en détention préventive
avant d’être jugés.
Nations unies, mesures carcérales et mesures non privatives de liberté, op.cit. P.2.
^'^Ibidem.
Hervé Magloire MONEBOULOU MINKADA, op.cit, P. 132.
294
Cette situation va à l’encontre de l’une des dispositions du code de procédure pénale
(loi n^ 98-746 du 23/12/1998) « En matière correctionnelle, lorsque le maximum de la peine
prévue par la loi est inférieur à six mois d'emprisonnement, l'inculpé domicilié en Côte
d'ivoire ne peut être détenu plus de cinq jours après sa première comparution devant le juge
d'instruction s'il n'a pas été déjà condamné soit pour un crime, soit à un emprisonnement de
plus de trois mois sans sursis pour délit de droit commun. Dans tous les autres cas, en
matière correctionnelle et en matière criminelle, l'inculpé ne peut être détenu respectivement
plus de six mois et plus de dix- huit mois. Toutefois, les dispositions visées aux alinéas 1
et 2 ci-dessus ne s'appliquent pas aux crimes de sang, aux vols avec les circonstances
prévues aux articles 394, 395 et 396 du code pénal, trafics de stupéfiants, attentats aux
mœurs, évasions, détournements de deniers publics ainsi qu'aux atteintes contre les
biens commises avec les circonstances prévues à l'article 110 du Code pénal. Dans tous ces
cas, la détention préventive est prononcée pour une durée de quatre mois. Passé ce délai, si
la détention apparaît encore nécessaire, le juge d'instruction peut la prolonger par une
ordonnance spécialement motivée, rendue sur les réquisitions également motivées du
Procureur de la République. Chaque prolongation ne peut être prescrite pour une durée
de plus de quatre mois. Lorsque l’instruction est diligentée par un juge de section de
Tribunal, ce Magistrat statue sur la prolongation de la détention préventive sans
solliciter l'avis du Procureur de la République. Le juge d'instruction doit à Tissue de ces
délais, ordonner la mise en liberté provisoire de l'inculpé.^^^ »
En réalité. Cette disposition légale n’est pas respectée dans la pratique par le personnel
judiciaire et pénitentiaire. Le non-respect de cette disposition légale est la résultante du
dysfonctionnement de la justice ivoirienne et par ricochet du système pénitentiaire ivoirien eu
égard à la surpopulation chronique des prisons.
295
2-Les causes relatives aux infrastructures carcérales
La Côte d’ivoire indépendante, les nouvelles autorités auront pour priorité d’assurer la
stabilité du pays en veillant à la sécurité des biens et des personnes en vue de favoriser
l’investissement et par ricochet le développement économique du pays. Dans cette logique, il
y aura un emprisonnement massif des délinquants et des criminels qui constituent des
menaces pour les opérateurs économiques.
Les autorités ivoiriennes depuis l’indépendance jusqu’à nos jours ont conservé les
prisons datant de l’époque coloniale sans en construire de nouvelles, hormis la MAC A,
construite en 1980.
Source : www.ladepechedabidjan.info.
296
le 12 septembre de la même année pour 1500 places comme capacité d’accueil. Ainsi en
témoigne ce tableau :
A 1968 480
B 1800 480
C 1307 265
ASSIMILES 56 75
MINEURS 43 50
Nations unies, rapport sur la situation des établissements pénitentiaires en Côte d’ivoire, op.cit.P.20.
Ibidem.
297
POPULATION CARCERALE EN COTE DTVOIRE AU 31 AOUT 2012“''
La capacité d’accueil des 33 prisons est estimée à 3369 sur la base d’un espace de 5m2
par individu, sur cette base on note une surpopulation carcérale de 185% sur l’ensemble du
territoire. La MACA, principale prison du pays, comptait au 31 janvier 2011,5286 détenus
et 2102 au30 avril 2012.“
^^'’Rapport alternatif de la FIACAT et de l’ACAT Côte d’ivoire en réponse aux rapports initial et périodique
cumulés du gouvernement ivoirien sur la mise en œuvre de la charte africaine des droits de l’homme et des
peuples, septembre 2012, P. 12.
^“5 Ibidem.
Ibidem.
Nations unies, mesures carcérales et mesures non privatives de liberté, op.cit. P.2.
298
Dans de telles conditions de surpeuplement, il y a également un risque de violence, les
prisonniers les plus forts abusant des plus faibles. Comme nous le constatons les
inconvénients de la surpopulation carcérale sont dramatiques, il importe de ce fait d’y
remédier en proposant des solutions pratiques et durables.
Cette finalité est remise en cause à cause de la surpopulation carcérale qui entraine des
conditions de détention difficiles, une contagion criminelle entre les prisonniers, la récidive à
la sortie de prison. Il faut donc parer au plus pressé en proposant des solutions durables et
efficaces. Ainsi ces solutions se répartissent en deux grandes parties. Nous avons les solutions
relatives aux établissements pénitentiaires(l) et celles relatives au fonctionnement de la
justice (2).
299
1-Les solutions relatives aux établissements pénitentiaires
À cette époque, des bâtiments tels les postes militaires, administratifs, des magasins
Les autorités ivoiriennes ont conservé ce parc pénitentiaire colonial qui ne répond pas
de nos jours aux prescriptions internationales en matière d’infrastructures carcérales. Ainsi, de
façon évidente toutes les prisons ont aujourd’hui largement dépassé leur capacité d’accueil. Il
y a donc urgence pour les autorités ivoiriennes à mettre en œuvre une politique de
reconstruction de nouvelles prisons répondant aux modèles internationaux.
300
pénitentiaire passent par la mise en service de nouveaux établissements. Il apparaît donc
indispensable pour l’Etat ivoirien d’agrandir le parc carcéral avec des capacités d’accueil plus
grandes pour décongestionner celles existantes. Pour pallier à cette situation, le conseil des
ministres a décidé en 2013 la construction de 10 nouveaux établissements pénitentiaires à
travers le pays, qui seront conformes aux standards internationaux.
Notre prière est que cette décision gouvernementale se matérialise dans les faits pour
lutter efficacement contre le surpeuplement carcéral dans notre pays. Il faut également mener
une politique de rénovation des prisons actuelles et si possible fermer les plus vétustes en
augmentant surtout leur capacité opérationnelle. Aussi, la prévention de la surpopulation
carcérale implique la construction de prisons au sein desquelles le nombre total de lits est
équivalent au nombre de places opérationnelles^^^. C’est ce qu’on appelle la politique du
numerus clausus, au risque de nous répéter vise à limiter le nombre de personnes incarcérées
à celui des places opérationnelles.
301
À la lumière de ce qui précède, la politique du numerus clausus implique la
construction d’un nombre suffisant voire d’un grand nombre de prisons afin de faire face au
nombre pléthorique des délinquants et de criminels de nos jours. Elle nécessite par conséquent
des efforts financiers non négligeables de la part de l’État ivoirien dans la construction des
La Justice définie comme étant l’action par laquelle les autorités compétentes voire
judiciaires disent et font respecter la loi et les droits d’autrui. À travers cette notion, nous
Dans le volet pénal, il ne peut prononcer que les sanctions pénales prévues par
le législateur. On ne reviendra plus sur l’abondante littérature qui irrigue le principe de
la légalité des délits et des peines. Le plus important est que le juge ne peut naviguer que
dans le cours d’eau aménagé par le législateur. Or, l’action du juge est décisive dans
l’accomplissement des missions du système pénitentiaire^^^.
En effet, il lui revient au premier chef de prononcer des condamnations pénales voire
des peines privatives de liberté pour tout manquement aux lois. Ainsi, dans le souci d’éviter ou
de lutter la surpopulation chronique des prisons, les autorités judiciaires ou administratives
doivent recourir aux aménagements des peines, aux peines alternatives à la prison et faire
respecter la durée légale de la détention préventive.
302
administratives peuvent recourir à la libération conditionnelle. C’est une mesure dont peuvent
bénéficier les condamnés ayant donné des preuves suffisantes de bonne conduite et présentant
des gages sérieux de réadaptation sociale. Elle suppose donc une libération par anticipation.
Elle est prévue par les articles 689 à 693 du code de procédure pénale.
Ainsi, selon l’article 689 al.2 « La libération conditionnelle est réservée aux
condamnés ayant accompli trois mois de leur peine, si cette peine est inférieure à six
mois, et la moitié de la peine dans le cas contraire. Pour les condamnés en état de
récidive légale aux termes des articles 56, 57 ou 58 du Code Pénal, le temps d'épreuve est
porté à six mois si la peine est inférieure à neuf mois et aux deux tiers de la peine dans le cas
contraire. Pour les condamnés aux travaux forcés à perpétuité, le temps d'épreuve est
de quinze années. Pour les condamnés à une peine temporaire assortie de la relégation, il est
de quatre ans plus long que celui correspondant à la peine principale si cette peine est
correctionnelle, et de six ans plus long si cette peine est criminelle. A cet égard, c’est une
mesure qui permet de désengorger les établissements pénitentiaires. Elle est accordée par le
ministre de la justice sur avis du ministre de l’intérieur. Elle est exceptionnellement accordée
par le président de la république sans observation des délais d’épreuve.
11 est applicable selon cet article aux délinquants primaires c’est-à-dire ceux qui commettent
pour la première fois une infraction.
Le sursis est donc une mesure qui soustrait les délinquants primaires aux conséquences
néfastes de la privation de liberté et par ricochet de lutter contre la surpopulation carcérale.
Hormis les ces deux types d’aménagements de peine, à notre avis efficace pour juguler le
phénomène de la surpopulation carcérale, que nous venons d’analyser, nous proposons comme
solution à ce phénomène carcéral le recours aux peines non privatives de liberté que sont les
peines alternatives à la prison et les amendes.
303
Dans cette optique, les juges ne devraient pas recourir systématiquement à la peine
privative de liberté pour tous types d’infractions. Ils doivent recourir à la médiation pénale
pour les infractions mineures voire de faible gravité comme les injures, les menaces, les
violences légères...
Rappelons que le 20 septembre 2013 lors d’un conseil des ministres extraordinaire,
le Président Ouattara a accordé une grâce collective à 3 000 détenus auteurs d’infractions de
droits commun, c’est-à-dire vol simple, escroquerie, abus de confiance etc. En sus, le 31
décembre 2016 lors de son discours de nouvel an, il a accordé la grâce présidentielle à 2980
détenus de droit commun. En définitive. Ces solutions que nous venons d’analyser gagneraient
à être appliquées par les autorités judiciaires et administratives de notre pays afin d’éviter
304
autant que possible les conséquences néfastes de la surpopulation carcérale notamment des
conditions de détention insupportables et inappropriées.
Les délinquants et criminels qui purgent leur peine dans des établissements
pénitentiaires sont des êtres humains. La privation de liberté ne leur ôte pas la nature humaine.
Ils doivent, par conséquent, être traités avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente
à la personne humaine. Dans cette perspective, ils ont droit à des conditions de détention
adéquates et appropriées, notamment en tenues d’alimentation, d’approvisionnement en eau
potable, d’hygiène, d’hébergement...
Cependant, le constat est tout autre dans les établissements pénitentiaires ivoiriens.
Les détenus ne bénéficient pas d’un cadre de vie sain dans ces établissements. Ainsi dans la
quasi-totalité de nos prisons, les prisonniers vivent dans des conditions de détentions
déplorables. Cet état de fait est caractérisé par un état hygiénique lamentable (A) et un appui
sanitaire insuffisant (B).
Les conditions de vie en prison sont l’un des facteurs déterminant pouvant jouer sur
le moral et le bien être des détenus. Cela équivaut à dire qu’un meilleur traitement des
prisonniers passe par des conditions de détention adéquates et acceptables. Des meilleures
conditions de détention impliquent un cadre de vie sain des détenus. Cependant, le
phénomène du surpeuplement carcéral dans les prisons ivoiriennes a des effets néfastes voire
dramatiques sur les conditions de vie des détenus. Il entraine inéluctablement une insuffisance
de l’espace vital dans les cellules.
Cette situation engendre donc des dérives hygiéniques consécutives à une promiscuité
carcérale (1). Il faut aussi relever que l’insuffisance et le délabrement des établissements
305
pénitentiaires sont des causes évidentes de l’état hygiénique lamentable dans lequel baignent
les détenus (2).
L’article 146 du décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements
pénitentiaires et d’exécution des peines privatives de liberté dispose : « les cours et les
sanitaires doivent être balayés ou lavés quotidiennement et doivent être maintenus dans un
état de propreté constante. Aucun effet personnel appartenant à un détenu ne doit être laissé
dans les cours, en dehors des heures prescrites pour le séchage des effets lavés. »
Ce texte de loi prescrit que les détenus doivent veiller scrupuleusement à leur hygiène
corporelle en se lavant régulièrement et en présentant des cheveux courts. Le matériel de
couchage, les nattes et les couvertures doivent être lavés au moins une fois tous les quinze
jours. Chaque détenu doit conserver propre son emplacement de couchage et conserver en
ordre ses affaires personnelles.
Aussi, selon la règle 10 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des
détenus : « Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des
détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat,
notamment en ce qui concerne le cubage d'air, la surface minimum, l'éclairage, le chauffage
et la ventilation. »Toutes ces dispositions légales stimulent théoriquement les détenus à vivre
dans un environnement sain et hygiénique. Cependant, la réalité est toute autre dans les
prisons ivoiriennes, eu égard au phénomène du surpeuplement carcérale.
Nations unies, rapport sur la situation des établissements pénitentiaires de Côte d’ivoire, op.cit. P.21.
306
seule personne sont occupées par trois, quatre voire cinq détenus. Ils s’entassent donc dans de
petits dortoirs avec parfois des lits en nombre insuffisants ou sans literie adéquate.
individuelles.
Cela n’est pas appliqué dans la pratique puisque les détenus sont entassés dans des
cellules dont les baies d’aération sont conçues dans des dimensions inappropriées, n’offrant
pas une bonne ventilation de l’air frais et l’accès à la lumière. Si le surpeuplement n’est pas
maîtrisé, il atteindra un niveau inacceptable tel que dans certains établissements (Daloa, Divo,
Bouaflé) où il arrive que les détenus dorment à tour de rôle.^^^Dans les cas extrêmes, lorsqu’il
n’y a pas de lit pour tous, les détenus les plus faibles seront contraints de dormir sur le sol^^^.
l’occupation de la cellule à tour de rôle par des détenus pour dormir devient chose
banale. [...] Les détenus répartis dans 15 cellules de 32 m^ pour les plus grandes
disposent chacun d’une superficie au sol de moins de 0,19 m^. Ils sont obligés de n’occuper
la cellule qu’à tour de rôle et pour une durée maximum de 3 heures tous les 24 heures
pour dormir étant donné qu’il est difficile de tenir sur si peu de place^^^.
Les dortoirs sont disséminés dans des bâtiments. Les capacités d’accueil hygiéniques
sont largement dépassées. La dimension des fenêtres ne favorise pas une bonne aération
des cellules. Les conditions d’hygiène sont très mauvaises. Les toilettes sont très mal
entretenues et la plupart des dortoirs en sont dépourvus. La faible pression de l’eau empêche
l’approvisionnement normal des dortoirs.^^^
Dans ces conditions, il y a une réification des détenus, ce qui va à l’encontre des
principes des droits de l’homme et de nombreuses règles concernant le traitement des
prisonniers. Les locaux de détention et, en particulier ceux qui sont destinés au logement des
détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences de l’hygiène, compte tenu du climat,
notamment en ce qui concerne le cubage d’air, la surface minimum, l’éclairage, le chauffage
Ibidem
Nations unies, les droits de l'homme et les prisons, op.cit. P.56
Pierre BOUOLJ, L'arrestation, le procès et la détention de A à Z, guide des droits du
Citoyen face à la police, la justice et la prison, Douala, Avenir, 2006, P.248.
ONG N’GBOADO, op.cit. P. 14.
307
et la ventilation.^’'*^De telles conditions d’hébergement précitées dues principalement à la
Dans cet ouvrage, il évoque les méthodes de travail pour lutter contre cette épidémie en
prison. En somme, l’état hygiénique des prisons ivoiriennes est mis en mal par la promiscuité
accrue des prisonniers. Cette situation conduit inéluctablement à une sur-occupation des
infrastructures hygiéniques qui risquent de subir un délabrement avancé.
La règle 12 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus stipule
que « Les installations sanitaires doivent permettre au détenu de satisfaire aux besoins
naturels au moment voulu, d'une manière propre et décente. »
Dans le même ordre d’idées, La règle 13 prescrit également que « Les installations de
bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse être mis à même et
tenu de les utiliser, à une température adaptée au climat et aussi fréquemment que l'exige
l'hygiène générale selon la saison et la région géographique, mais au moins une fois par
semaine sous un climat tempéré. »
308
Dans cette optique, le rapport de l’ONUCI sur la situation des établissements
pénitentiaires en Côte d’ivoire en 2007 révèle que de nombreux établissements ne disposent
pas encore de toilettes fonctionnelles avec accès à l’eau courante, des toilettes mal
entretenues. Selon le rapport des activités en 2004 et 2005 du Directeur de l’Administration
pénitentiaire d’alors Monsieur François GUÉI ; il y a une insuffisance notoire des latrines
À la MACA, le rapport révèle que « les conditions générales des infrastructures sont
mauvaises. La vétusté des infrastructures rend les conditions de détention difficiles voire
dégradantes yy^^^
Quant à la prison de Dabou, le rapport fait état de ce que : « Les dortoirs sont mal
équipés. Pas de matériel de couchage et de nettoyage des cellules. Une situation beaucoup
plus grave encore sur l'environnement et l'hygiène : " il n'y a pas de fosses septiques''.
L'évacuation des eaux usées et les excréments de toutes sortes coulent dans une rigole à ciel
ouvert tout autour de la prison ». De telles conditions hygiéniques ont des répercussions
309
graves sur la santé des détenus. Il y a donc un risque réel des maladies telles que la
tuberculose, la fièvre typhoïde, le choléra...
Il y a de ce fait une menace de plus en plus grande pour la santé. En général, les
infrastructures sanitaires sont vétustes et souvent cassées. L’approvisionnement en eau
est difficile, les toilettes sont souvent bouchées à cause de la surpopulation pénale. Car en
toute logique, l’utilisation excessive des infrastructures hygiéniques va conduire
inéluctablement à la dégradation de celles-ci.
Aussi, comme l’écrit Hyppolite SANDO dans son ouvrage « le délabrement avancé
des murs et des toilettes, des infrastructures sanitaires, font de certaines prisons au
Cameroun de véritables passoires. »^'*^Nous pouvons affirmer qu’il en est de même dans les
prisons ivoiriennes. Le délabrement des infrastructures pénitentiaires est l’une des causes des
évasions spectaculaires dans les prisons.
En effet, les détenus s’évadent très souvent à travers des égouts mal entretenus et
désuètes ou des infrastructures hygiéniques en lambeaux à cause de leur dégradation avancée.
« La plupart des prisons restent vétustes, dégradées et fonctionnellement inadaptées,
L’absence de fonctionnalité de ces locaux entretient des conditions d’hébergement
extrêmement difficiles pour les détenus, et partant, contribue à l’augmentation de la
délinquance. Cet état des prisons ne permet pas des conditions sereines de vie et de
travail, ni un traitement pénitentiaire utile à la société. Il entretient le désordre et un
climat de violence à l’intérieur des prisons
SANDO, Hippolyte, Derrière les murs, l'enfer : l’univers carcéral en question, Douala, Catholic Relief
Services, 2005 ,P. 19.
Emilie DUBOURG, Aménager la fin de peine, Paris, L’Harmattan, 2007, P.23.
310
B-L’ appui sanitaire déficitaire
Comme tout homme libre de la société, le détenu a droit à la santé. La peine privative de
liberté qu’il subit en prison ne le prive de ce droit vital. Tous les prisonniers quel que soit leur
race, leur nationalité et leur affiliation politique ont donc droit à un meilleur état de santé. Ils
doivent par conséquent bénéficier des soins adéquats dans les infirmeries et les centres
hospitaliers. Une bonne santé est importante pour tous. Elle influence le comportement des
personnes et leur capacité à fonctionner en tant que membres de la communauté. Une bonne
santé est particulièrement importante dans la communauté fermée d’une prison. La nature de
l’emprisonnement peut avoir un effet néfaste sur le bien-être physique et mental des
détenus^'^^.
À la lumière de ce qui précède, il faut noter qu’en réalité dans les prisons ivoiriennes les
Le soin est définit au sens large par « une attention, une application envers quelqu ’un ou
quelque chose ». Le mot soin prend alors le sens de « moyens par lesquels on s ’efforce de
rendre la santé à un malade ». Tels que définis par le Conseil International des Infirmières
(CII), les soins infirmiers représentent les soins prodigués de manière autonome, ou en
collaboration, aux individus de tous âges, aux familles, aux groupes et aux communautés,
malades aux biens portants quel que soit son cadre. Les soins sont axés sur la promotion de la
santé, la prévention de la maladie, ainsi que les soins dispensés aux personnes malades,
handicapées et mourantes. Ils englobent ainsi la défense, la favorisation d’un environnement
311
sain, la recherche, la participation à l’élaboration de la politique de santé et à la gestion des
systèmes de santé et des patients, ainsi que l’éducation à la santé.^'^^
Le soin tel que défini manque de façon accru dans les établissements pénitentiaires
ivoiriens en raison du phénomène du surpeuplement carcéral et de l’insuffisance des
infrastructures de santé, selon Jacques-Oberlin MBOCK :« la surpopulation pénale apporte
des contraintes supplémentaires (...) en imposant aux détenus, de catégorie pénale et de
dangerosité diverses, une promiscuité pénible et génératrice d’influences malsaines.
Dans cette logique, il y aura évidemment un déficit du personnel soignant par rapport
au nombre élevé de patients. Elle conduit notamment à un allongement des délais de prise en
charge et à une accélération de l’usure du matériel. Dans les établissements les plus anciens,
les locaux se révèlent par ailleurs souvent insuffisants et inadaptés au regard de la demande de
soins des personnes détenues.^"^^
Cet état de fait entraine une précarité au niveau de la santé des détenus. Dans ce
contexte, selon SERGE (Julie), comme résumé de son ouvrage, La taule fait toujours un
tollé. INFIRMIERE MAGAZINE (L'), 2005/01, n° 201, 6-7, la situation sanitaire des
prisonniers reste désastreuse. Les prisonniers souffrent de nombreuses pathologies mentales.
Dans ce contexte, pour corroborer cette situation sanitaire alarmante, des visites ont été faites
par des ONG travaillant dans le milieu carcéral.
Selon l’ONG SOPCI (soutien aux prisonniers de Côte d’ivoire), par le canal de son
président national M.YOHOU ZAHUI Herman, observateur des droits de l’homme auprès de
l’Union Africaine, (UA) précisément auprès de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et
des Peuples (CADHP) «Ai/ cours de cette visite, SOPCI a dénombré plusieurs cas de
Mélanie RICARD, Elodie ROBERT et Julien ROMERA, le soin en milieu carcéral, mémoire de fin de
formation à ITnstitut de formation de manipulateurs en électroradiologie médicale (CHU de Montpellier), 2004-
2005, P.28.
Jacques-Oberlin MBOCK, La prison camerounaise, (Etude critique delà réforme pénitentiaire de 1973
et son application), thèse de doctorat, 3^ cycle, inédite. Université de Yaoundé, 1989, P. 168.
Dominique RAIMBOURG et Sébastien HUYGHE (Assemblée Nationale), op.cit. P.30.
312
tuberculose, cas de palpitation de cœur, cas de virus du sida, cas de tension et d’asthme et 14
cas de meurtres, ce constat est alarmant , fort de cela, quelques établissements disposent
d’infirmeries mal équipées (manque de lit d’hospitalisation, des gangs, des tensiomètres, des
seringues, des pèses poids,...) et sans infirmiers officiant à temps plein, la couverture
médicale est insuffisante, manque de dépistage du virus du sida et ensuite pas de suivi pour
les infectés et des malades souffrant d’une quelconque maladie. En somme, des infirmeries
n 'existent que de manière nominale, sinon elles n ’ont rien pour soulager un détenu malade,
en cas d’urgence le malade est transféré à l’hôpital de la ville et là-bas le médecin demande
la présence d’un membre de sa famille, si ce n ’est pas possible, il ne sera pas traité, imaginez
la suite. Une insuffisance de médicaments dans les officines des prisons, le seul médicament
servit est le paracétamol et d’ailleurs ce produit est une denrée rare dans les prisons
ivoirienne depuis la crise postélectorale. Face à cette défaillance de l’administration
pénitentiaire, les prisonniers sont obligés de mettre à contribution leur famille pour l’achat
des médicaments nécessaires à leurs soins, parfois une cotisation est exigée entre les
prisonniers pour sauver la vie d’un autre prisonnier agonisant. Chose étonnante, les
infirmiers qui sont en service réclament souvent des valeurs pécuniaires qui s ’élèvent à 2000
francs CFA pour une simple consultation. ^■^^»
Quant aux visites effectuées par l’ONG NGBOADO, voilà ce qui en ressort : « Les
prisonniers gravement malades doivent, en principe, bénéficier d’un transfert vers la
formation médicale ou hospitalière la plus proche mais cela est différent sur le terrain.
L'état de certains détenus malades qui n ’ont reçu aucun soin, donne une idée de
l ’insuffisance de leur prise en charge. Certains des détenus présentent des affections
cutanées graves... Toutefois, le personnel médical désigné par les autorités locales de santé
n’est pas encouragé à travailler dans des conditions faciles. Les stocks de médicaments sont
tout à fait absents ou mal approvisionnés, obligeant les prisonniers et leur famille à payer
eux-mêmes leurs médicaments ».
À la lumière de ces différentes visites, un seul constat se dégage : Les détenus se meurent
313
détenus malades. Mais, pour l’efficacité de ces mesures, il faudrait assurer aux détenus une
alimentation équilibrée, source de santé et de vitalité.
Il prescrit également en son article 153 que « chaque établissement doit être pourvu
d’une infirmerie permettant de disposer des soins courants et ceux de première urgence ». Le
médecin pénitentiaire devra donc examiner tous les détenus entrants et établir leur état de
santé.
L’articlel54 du même décret dispose également « Chaque détenu doit avoir une fiiche
individuelle sur laquelle sont portées toutes les indications relatives à l’état de santé et au
traitement de l'intéressé. Cette fiche doit être jointe lors du transfèrement au dossier
individuel du détenu. » .
En outre, sur le plan alimentaire : « Tout détenu doit recevoir de l'administration aux
heures usuelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur
nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces. ^5'»
Selon la norme humaine, tout détenu doit recevoir de l’administration aux heures
usuelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive
suffisante au maintien de sa santé et de ses forces. La réalité du terrain dans les Maisons
d’Arrêt et de Correction est que l’alimentation qui remplit ces conditions n’est certainement
pas celle fournie par les soins de l’administration pénitentiaire. Les détenus reçoivent des
314
aliments de mauvaise qualité, préparés dans de conditions d’hygiène déplorables et mal
servis, dont la valeur nutritive est nulle.
■■««• •
■«■«ta
■ ta RM
Une vue de la nourriture consommée à la MACA (bouillie d’igname non épluchés, mil...)
Source : www.google..fr
315
Comme nous le constatons à travers ces images, il y a une alimentation de faible qualité
et de faible quantité par rapport au surnombre des détenus. Cet état de fait conduit à une
malnutrition qui est source de nombreuses maladies comme le béribéri.
Par voie de conséquence, la vie en prison met la santé en danger. La dénutrition est la
première cause, immédiate, d’affaiblissement et prédispose à toutes sortes de maladies.
Viennent s’y ajouter le manque d’espace et l’absence d’hygiène, qui favorisent l’apparition de
maladies graves, telles que la tuberculose ou le choléra, qui sont souvent mortelles. Pour une
petite faute, donc, on risque sa vie.
Dans les prisons visitées par l’équipe N’GBOADO, un seul repas par jour à faible
valeur nutritive est servi. Cet unique repas quotidien est en général soit de l’igname, du maïs
et d’un semblant de riz gras ou de riz blanc avec une sauce peu épaisse (pour la maison d’arrêt
et de correction d’Abidjan). Ce seul repas quotidien accordé ne fournit pas le contenu
nutritionnel et l’apport calorique journalier nécessaire pour le maintien d’une bonne santé. Il
en résulte un déséquilibre alimentaire dont les conséquences majeures se traduisent par la
malnutrition qui entraîne de nombreux décès au sein de la population carcérale^^"^.
Face à cette malnutrition et l’inefficacité de soins, les détenus sont par voie de
conséquence exposés à des maladies mal soignées faute de soins suffisants. Cette situation
Source : www.google.ci (la conscience, vie carcérale : la vie en prison) consulté le 29 août 2015.
ONG NGBOADO, op.cit, P. 15.
Idem, P. 17.
316
risquerait d’accroître le taux de mortalité pénale chaque année. Dans ce contexte, la peine
privative de liberté se substituerait donc à la peine de mort, pourtant aboli par la législation
ivoirienne.
317
CONCLUSION DU TITRE II
La peine privative de liberté est clairement devenue la peine de référence pour les
crimes et les délits. La fonction qui lui est dévolue ne se limite plus à la simple fonction de
garde et de protection de la société, elle a désormais pour fonction essentielle de permettre la
réhabilitation du condamné avec pour objectif ultime le retour progressif à la liberté. Ces
grands principes de réinsertion et de rééducation sont toujours présents dans le droit
pénitentiaire actuel. Toutefois leur mise en œuvre, tant aujourd’hui que par le passé, pose
problème. Cela s’explique par l’ambivalence même de la peine privative de liberté qui oscille
toujours entre ses deux fonctions : réhabilitation d’un côté (impliquant des conditions de
détention permettant l’évolution de la personne détenue dans l’optique de son retour à la
liberté), et prévention sociale de l’autre (qui suppose au contraire que l’accent soit mis sur les
mesures de sécurité).^^^
Dans cette optique, une bonne politique de réhabilitation des détenus passe
nécessairement par la mise en œuvre concrète des régimes de détention et des principes
légaux de détention. A ceux-i, il faudrait la reconnaissance effective de certains spécifiques
aux détenus tels les droits Les droits relatifs à la protection sanitaire des prisonniers et les
droits relatifs à la restauration du lien social des détenus. Cependant, force est de constater
que que certains dysfonctionnments carcéraux viennent comprommettre cette fonction
réhabilitatrice notammant le phénomène de la surpopulation carcérale, des conditions
sanitaires déplorables et des facteurs d’ordre politique.
Claire FINANCE, prison et Cour Européenne des droits de l’homme, mémoire de Master de droit pénal et
sciences pénales, Université de Panthéon-Assas, 2010, P. 10.
318
CONCLUSION PARTIE II
Selon le code pénal ivoirien, la peine privative de liberté est une peine principale au
même titre que l’amende et la peine de mort. Notons que la peine de mort a été abolie par la
nouvelle constitution ivoirienne de 2016 en ces termes : « le droit à la vie est inviolable. Nul
n 'a le droit d'ôter la vie à autrui. La peine de mort est abolie
319
participent également à leur intégration dans la société après avoir purgé leur peine. En dépit
de cette œuvre de resocialisation, des problèmes récurrents spécifiques aux établissements
pénitentiaires tels que la surpopulation carcérale et l’état lamentable des conditions de
détention entravent à la mission sociale assignée à l’Administration pénitentiaire, À cela, il
faudrait ajouter des pratiques politiques qui ont détourné la prison de sa mission de
resocialisation.
320
CONCLUSION GÉNÉRALE
321
En définitive, l’objet de notre étude a porté sur la prison à l’épreuve du temps en
Côte d’ivoire depuis 1893. La question centrale qui nous a guidé dans notre analyse était la
suivante : quelle est la place de la prison dans la politique coloniale et contemporaine en Côte
d’ivoire ? Nous nous sommes efforcé de répondre à cette question en partant aux origines de
l’institution de la prison en Côte d’ivoire, c’est-à-dire depuis l’époque coloniale.
Dans cette logique, nous avons pris comme point de départ de nos recherches l’année
1893 car c’est l’année au cours de laquelle la Côte d’ivoire est devenue colonie française,
plus précisément le 10 mars 1893. Il nous a paru utile de mener nos recherches depuis 1893
pour sonder les fondements originels de l’institution de la prison dans la colonie de Côte
d’ivoire afin de comprendre plus nettement son fonctionnement et les maux qui la minent de
nos jours.
Ainsi, selon le droit pénal, la prison est un lieu où les délinquants purgent leur peine
privative de liberté à l’issue d’un procès pénal équitable et juste. C’est également un
établissement destiné à retenir tous les réfractaires de la loi ou tous les déviants de la société.
A cet égard, le droit pénal lui a assigné de nos jours une triple fonction à savoir la sanction du
délinquant, son amendement et sa réinsertion dans la société après avoir purgé sa peine
privative de liberté.
En somme, voilà exposé la mission classique assignée à la prison par le droit pénal de
façon générale. C’est également ce que l’on nomme la mission d’utilité sociale. Cette mission
a-t-elle été remplie par la prison pendant l’époque coloniale dans la colonie de Côte d’ivoire ?
322
d’assurer la sécurité et la discipline au sein de la colonie ; tout cela dans le but d’assujettir les
indigènes à la politique coloniale.
Dans ce contexte, dès l’entame du processus colonial, la prison a servi de moyen de lutte
contre les différentes résistances à la conquête coloniale dans la colonie de Côte d’ivoire.
Elle a eu donc pour finalité de retenir captifs les instigateurs de la résistance coloniale. Ces
instigateurs étaient essentiellement les chefs de guerre indigènes et les féticheurs.
En toute logique, sur le plan économique, la prison était un réservoir de main d’œuvre à
bon marché et disponible pour la mise en valeur du territoire ivoirien et l’exploitation des
ressources naturelles au profit de la métropole. Pendant la mise en valeur de la colonie, la
main d’œuvre pénale a participé à la construction des infrastructures socio-économiques, en
sus avec le système des amendes comme peine complémentaire à la peine privative de liberté,
la prison a de ce fait joué un rôle dynamique dans l’autofinancement de la colonie.
Par ailleurs, il faut retenir que la main d’œuvre pénale a développé les entreprises
coloniales par le mécanisme de la cession et exploité les ressources naturelles utiles à
l’économie métropolitaine. Cela dit, dans le souci d’implanter un ordre politique incontestable
pour une exploitation efficiente des ressources naturelles de la colonie, les autorités coloniales
vont adopter de prime abord une politique de décentralisation des institutions répressives.
Cette politique implique une gestion de proximité des dites institutions à l’effet de mieux
323
rapprocher la répression coloniale. Pour ce faire, il y avait un emprisonnement massif des
indigènes voulant s’opposer à cette domination coloniale. Cette situation a entraîné une
suipopulation carcérale ; d’où des conditions de détention déplorables voire une réification
des prisonniers indigènes.
Le pouvoir colonial se contentait de réprimer sans respecter les droits de l’homme dans
les prisons. A cet égard, il y aura un pullulement des lieux d’enferment dans chaque
circonscription administrative de la colonie. Dans ce contexte, il n’y avait que des prisons de
fortune (des cases, des baraques, des postes militaires, des magasins, des entrepôts, des
bâtiments administratifs...).
Notons que l’organisation des prisons sur le territoire ivoirien pendant la colonisation
va véritablement s’achever par l’arrêté n° 134 APB du 20 avril 1951 qui prône un système de
centralisation du système pénitentiaire.
En conséquence, la prison a été mise à rude contribution. Par ailleurs, il faut noter que
pendant la phase de la transformation, la peine privative de liberté a servi à réprimer certaines
attitudes contraires aux mœurs métropolitaines notamment la mendicité et le vagabondage
pour ne citer ceux-là.
Aussi faudrait-il noter que par la stratégie de l’emprisonnement des leaders des
mouvements d’éveil national qui avait cours à cette époque, le pouvoir colonial a tenté de
briser ces mouvements. Cependant, il n’y ait pas arrivé, car grâce à la témérité de ces leaders
la Côte d’ivoire a accédé à l’indépendance le 7 août 1960.
De toute évidence, comme nous le constatons à travers ces analyses, la prison n’a
pas eu pour finalité P amendement et la réinsertion sociale du détenu pendant l’époque
coloniale. Le colonisateur s’étant préoccupé à lui assigner des fonctions de domination
politico- économiques, abstraction faites de l’amendement et de la réinsertion des détenus.
324
La Côte d’ivoire indépendante, les nouvelles autorités ivoiriennes vont conserver
l’arrêté n° 134 APB du 20 avril 1951 de l’époque coloniale. Ce texte pris dans le contexte de
l’époque n’était plus en harmonie ni avec les institutions administratives et judiciaires
nouvelles, ni avec les dispositions de la loi n° 60-366 du 14 novembre 1960 portant code de
procédure pénale.
Il est donc apparu nécessaire de lui substituer de nouvelles dispositions faisant l’objet du
décret n° 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et
fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté. Ce décret marque la
naissance du texte de base régissant le système pénitentiaire ivoirien. On passe, de ce fait,
d’une politique de décentralisation à une politique de centralisation accru dans la gestion des
établissements pénitentiaires.
De ce fait, la peine privative de liberté aura une fonction expiatoire : la juste sanction
de la faute commise, et une fonction d’amendement, de réadaptation sociale. Cette idée est
exprimée plus nettement par l’article 2 alinéa 2 du code pénal ivoirien en ces termes : « La
peine a pour but la répression de l'infraction commise et doit tendre à l'amendement de son
auteur qu 'elle sanctionne soit dans sa personne, soit dans ses biens, soit dans ses droits ou
son honneur ».
De façon pragmatique, pour la mise en œuvre de ces fonctions assignées à la prison, les
autorités ivoiriennes ont institué un organe central de gestion de tous les établissements
pénitentiaires voire du système pénitentiaire ivoirien : la Direction des Affaires Pénitentiaires
(DAP). Cette Direction centrale a une double mission, l’une dite sécuritaire (assurer la
sécurité des biens et des personnes par l’emprisonnement des délinquants) et l’autre ayant une
envergure sociale (amendement et réinsertion sociale du délinquant).
325
structures ou organismes externes. En conséquence, elle sera aidée dans sa tâche tant sur le
plan logistique que matériel par des organisations non gouvernementales (Prisonniers Sans
Frontières, Bureau International Catholique de l’Enfance...), des organismes internationaux
(Comité International de la Croix Rouge, Union Européenne...) et des communautés
religieuses.
extérieurs ont aussi contribué à la prévention et la lutte contre les violations graves des droits
de l’homme"®.
Il faut aussi relever qu’au niveau de la gestion des lieux d’enfermement, le décret
de 1969 a prévu trois types d’établissements pénitentiaires en l’occurrence les maisons
d’arrêt, les maisons de correction et le camp pénal. Notons cependant qu’un même
établissement pénitentiaire peut servir à la fois de maison d’arrêt et de correction. Dans ces
différents établissements pénitentiaires travaillent à la fois un personnel ordinaire c’est-à-dire
le régisseur, les agents d’encadrement et les contrôleurs des établissements pénitentiaires et un
personnel spécialisé dans l’amendement et la resocialisation des détenus notamment les
assistants sociaux, les infirmiers, les maîtres d’éducation surveillée...
Nations unies, rapport sur la situation des établissements pénitentiaires, op.cit. P.83.
^^°Ibidem.
326
l’incarcération) favorisent normalement un amendement et une réinsertion sociale des détenus
dans la société.
Tous ces maux entraînent ipso facto des conditions de détention précaires et
favorisent plus ou moins les évasions. Les conditions d’hygiène des établissements et des
détenus sont tributaires de la vétusté du parc immobilier, les surfaces disponibles sur
occupées, l’accès à la lumière naturelle et à l’air frais, le dénuement dans lequel se trouve la
majorité des détenus constituent des préoccupations majeures.
De ce qui précède, nous pensons que le problème majeur voire principal du système
pénitentiaire ivoirien demeure la surpopulation carcérale, car c’est ce phénomène qui
engendre tous les dérives sanitaires que nous pouvons constater aujourd’hui dans la prison et
du coup des conditions de détention insupportable.
Ainsi, selon la déclaration des chefs d’état au 4e Sommet des États baltes sur les
risques des maladies transmissibles. Publiée à Saint-Pétersbourg le 10 juin 2002 « Les
prisons surpeuplées qui abritent des détenus malades, qui présentent une mauvaise
hygiène et des installations sanitaires inadaptées constituent un grand risque dans le domaine
des maladies transmissibles dans la région. La santé dans les prisons doit être une priorité ».
“'idem, P.82.
327
n’est toujours pas exagéré d’affirmer que, en certains endroits, être condamné par un
tribunal, parfois pour des faits bénins, à quelques mois ou années d’emprisonnement
équivaut en fait à une condamnation à mort, tant les risques de mourir de faim en
prison restent élevés . De ce fait, le droit de punir ne doit pas se transformer en un droit de
maltraitance des personnes privées de leur liberté.
Aussi faudrait-il affecter un infirmier dans tous les établissements qui en manquent,
tout en augmentant les crédits pour les produits d’entretien et d’hygiène. Aussi voudrions-
nous proposer les recommandations de la deuxième conférence panafricaine sur la réforme
pénale et pénitentiaire en Afrique, ténue à Ouagadougou, Burkina Faso du 18 au 20 septembre
2002 pour lutter efficacement contre la surpopulation carcérale. Ainsi, les stratégies pour
éviter que les délinquants ne se retrouvent entraînés dans le système pénitentiaire doivent
inclure :
328
police, système judiciaire) en vue de s’accorder sur des sanctions qui prennent
en compte les besoins et les intérêts de tous.
En somme, malgré les efforts de l’État et des ONG, beaucoup reste encore à faire pour
rendre le système pénitentiaire ivoirien performant et efficace. Les autorités gagneraient, à
notre avis, à observer les recommandations de la deuxième conférence panafricaine sur la
réforme pénale et pénitentiaire en Afrique, ténue à Ouagadougou, Burkina Faso du 18 au 20
septembre 2002 pour annihiler les dysfonctionnements qui minent notre système pénitentiaire.
A ces solutions, il faudrait également ajouter la dépolitisation de la prison en Côte d’ivoire et
partant en Afrique.
Déclaration et plan d’action de Ouagadougou pour accélérer la réforme pénale et pénitentiaire en Afrique,
P.3.
Idem, P.3-4.
329
Par ailleurs, un phénomène récurrent attire notre attention ; c’est celui des attaques, des
destructions des prisons pour favoriser les évasions des prisonniers pendant les moments de
crise. Quel intérêt y a-t-il à agir de la sorte ? Cette situation ne participe-t-elle pas au
dysfonctionnement de la prison de nos jours et par ricochet de notre système pénitentiaire ?
330
ANNEXES
établissements pénitentiaires.
331
ANNEXE 1 : UN SPECIMEN DE TÉLÉGRAMME CARCÉRAL
ht 1»«T^
I INDICATION DE TRAXaXISSlOM *
V;
Si IndioaUotxg
Tint.
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NB : Un spécimen de télégramme faisant état du meurtre d’un détenu par un autre dans la
prison à l’époque coloniale. Cela dénote certainement de l’insécurité qui prévalait dans les
prisons coloniales. (Source : archives nationales de Côte d’ivoire)
332
ANNEXE 2 : UN MODELE DE RAPPORT CARCERAL DU
COMMANDANT DE CERCLE DU BAOULÉ-SUD AU GOUVERNEUR
DE LA COLONIE
GOUVERNKLæîlT .OSKSRAL rt E P U B L T c A T s
de
’Afrique Occidentale
Française
/■'Z-'/-/'», • ’O Kù’v’
CERCLE DU BAOULE-SUD.
Toumodi,le Novembre 1911
N- kir
Adj.lnlstratQur Corcmandan't le Corde
PINCERVILUS
333
NB : Ce rapport fait état de l’application de la peine de déportation aux meneurs influents de
la résistance coloniale. Il s’agit selon les termes du gouverneur ANGOULVANT « de
débarrasser la colonie ou la circonscription momentanément d’un grand chef ou d’un
féticheur célèbre qui emploie son influence à saper la nôtre ou dont la présence retarde,
contrarie notre installation, menace notre occupation ». Cette méthode d’emprisonnement
permettait au colonisateur de juguler les différentes résistances à leur installation sur l’espace
colonial. (Source : archives nationales de Côte d’ivoire)
334
ANNEXE 3 : ÉTAT DES DÉTENUS POLITIQUES DE LA
1
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336
ANNEXE 4 : SCHÉMATISATION DES DÉTENUS PAR INFRACTION
□ Sériés 1
■ Sériés?
NB : On constate que la population carcérale de la MACA est formée en majeure partie des
délinquants de vol et de vol aggravé. Cet état de fait sous-entend que les infractions commises
quotidiennement dans la société sont pour la plupart les délits de soustraction frauduleuse de
la chose d’autrui. Les infractions les plus récurrentes sont, donc par ordre décroissant : le vol,
l’escroquerie, les délits portant sur la législation des stupéfiants, l’attentat à la pudeur,
l’assassinat et le meurtre, le faux et usage de faux en écriture publique ou bancaire et les délits
portant atteinte à la défense nationale.
337
subitement on constate une baisse de la population carcérale à partir du mois de janvier
2007. De janvier 2007 à février 2007, on observe une constance de cette population. A partir
de mars jusqu’à mai 2007, il y a une évolution de cette population carcérale.
338
ANNEXE 6 : UN SPECIMEN DE L’AUTORISATION DE VISITE DES
PRISONS
OBZSBD
MINISTERE DE LA JUSTICE, REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE
DES DROITS DE L’HOMME Union - Discipline -Travail
ET DES LIBERTES PUBLIQUES
./ MJDHLP/DAP
AUTORISATION SPECIALE
OUATA Bab
Magistrat
339
ANNEXE 7 : UNE VUE AÉRIENNE DE LA MACA
Quartiers des
détenus de droit
commun
Quartier
Parbirs
quartier des détenus de droit commun et celui des VIP (les directeurs et présidents directeurs
généraux des sociétés, certains détenus politiques et certains détenus ayant une bonne
situation financière). (Source internet :www.google.fr )
340
ANNEXE 8 : L’ENTRÉE DE LA MACA (SERVICE ACCUEIL ET
RENSEIGNEMENTS)
NB : Des agents pénitentiaires recevant chaque jour des visiteurs pour des renseignements et
informations. (Source internet : www.google.fr)
341
ANNEXE 10: UNE VUE INTÉRIEURE DE LA MACA
NB : La MACA est la principale prison du pays qui a été construite en 1980. Sa capacité
d’accueil est de 1500 places. Cependant force est de constater qu’elle accueille plus de 10.000
prisonniers de nos jours. (Source internet : www.google.fr)
1* Tl
r- "W ■ ■-
c- --
NB : Les résidences des agents d’encadrement des établissements pénitentiaires sont juste
situées en face de la MACA pour une surveillance efficiente des détenus. (Source internet :
www.google.fr)
342
ANNEXE 12 : L’ENTRÉE PRINCIPALE DE LA MAC DE TOUMODI
@pris®néE)evk®umqdi
NB : Cette prison date de l’époque coloniale à l’instar des autres prisons de l’intérieur de la
Côte d’ivoire. La clôture de cette prison en désuétude s’est écroulée le mardi 29 mars 2016
sous une pluie diluvienne. (Source : SOPCI=Soutien aux Prisonniers de Côte d’ivoire).
NB : Comme nous le constatons sur cette photo, la majorité des toilettes dans les prisons
ivoiriennes sont dans un état de délabrement total. Cette situation peut entraîner des maladies
telles que le choléra, les infections, les démangeaisons de peau... (Source : SOPCI=Soutien
aux Prisonniers de Côte d’ivoire).
343
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construction de TEtat au Cameroun, thèse de doctorat en science politique
soutenue le 6 février 2007 à l’université Montesquieu -Bordeaux IX, 523p.
> KOULÉGA (Julien Nicaise), Le Burkina Faso de 1991 à nos jours : entre stabilité
politique et illusionnisme démocratique, thèse pour le doctorat en science politique,
présenté et soutenue publiquement le 1er juillet 2013, université Bordeaux Segalen,
437p.
354
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> SARR (Dominique), la cour d’appel de l’A.O.F, thèse pour l’obtention du grade
de docteur d’Etat en droit, présentée et soutenue publiquement le 1®’’ octobre 1980 à
16h 30 devant la faculté de droit et des sciences économiques de Montpellier,569 p.
> SEMI BI ZAN, la politique coloniale des travaux publics en Côte d’ivoire (1900-
1940), Thèse de 3® cycle en Histoire, université de Paris Diderot (Paris 7), 1973,
359 p.
B-LES MÉMOIRES
> DURIEUX (André), La notion de l ’ordre public en droit privé colonial belge,
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sciences morales et politiques, présenté le 18 mai 1953,52p.
> DUVAL(Anna), La peine : quelle finalité ? master 2 droit pénal et sciences pénales.
Université Paris II Panthéon- Assas, présenté en 2010, 99 p.
> FINANCE (Claire), Prison et cour européenne des droits de l'homme, mémoire
Master 2 droit pénal et sciences pénales, université panthéon-Assas, 2010, 211 p.
355
> TRA BI ZAÉ (Fidèle), mémoire de Master 2, Droit public, option Histoire du Droit et
des Institutions, thème : le système pénitentiaire ivoirien de 1893 à nos jours, présenté
le 08 décembre 2013, Université Alassane Ouattara de Bouaké, 2012-2013, 105 p.
III- ARTICLES
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> ALLINNE (Jean Pierre), « Jalons historiographiques pour une histoire des prisons en
Afrique francophone y)(revue électronique d’histoire du droit)
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> BALANDIER (Georges), « La situation coloniale : approche théorique, in « cahiers
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1951 PP 44-79.
> BERNAULT(Florence), BOILLEY(Pierre), THIOUB (Ibrahima), « Pour une histoire
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> BETTS (Raymond F.), « La domination européenne : méthodes et institution » in
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> BROU KONAN (Alain), « les routes et le développement de la Côte d’ivoire (1960-
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> DAMON (Julien), « La prise en charge des vagabonds, des mendiants et des clochards
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> FABRE (Martine), « L’indigénat : des petites polices discriminatoires et
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> FABRE (Martine), « Le magistrat d’outre-mer, l’aventure de la justice » extrait de
l’ouvrage : le juge et l’outre-mer : les roches bleues de l’empire colonial, pp71-93.
> FOUCHARD (Laurent), « la prison entre conservatisme et transgression : le quotidien
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> GEORG (Odile), « urbanisme colonial et prisons en Afrique : quelques éléments de
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BERNAULT (dir^ « enfermement, prison et châtiments en Afrique du 19^ siècle à nos
jours, Paris, Karthala, 1999, P. 163-164.
> GRANVAUD (Raphaël), « de l’armée coloniale à l’armée néocoloniale (1830-1990) »
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> KROUBO DAGNINI (Jérémie), « dictatures et protestantisme en Afrique Noire
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> RODNEY (Walter), « L’économie coloniale », in Histoire générale de l’Afrique
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revue française d’histoire d’outre-mer, tome 86, nO 324-325, 2e semestre 1999. Pour
une histoire du contrôle social dans les mondes coloniaux : justice, prisons, et
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> VAN DE KERCHOVE (Michel), « Eclatement et recomposition du droit pénal dans
la place du droit pénal dans la société contemporaine, » in revue de science criminelle
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> VANDERLINDEN (Jacques), « La magistrature coloniale au carrefour de deux
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> VITI (Fabio), (.< Entre l’Etat et l’anarchie : un siècle d’historiographie et
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> YAO ZEBIE (Constant), « la dialectique de la chaotisation / renaissance dans la
fonction romanesque de Jean-Marie ADIAFFl »in Isis dans la vallée du texte, sous la
direction de Parfait DIANDUÉ BI KOUAKOU et Virginie KONAN DRI, Nodus
Sciendi, 20 p.
B- AUTRES ARTICLES
> AESCHLIMANN (Alain) « la protection des détenus : l’action du CICR derrière les
barreaux » dans la revue internationale de la croix rouge, volume 87, sélection
française 2005,pp 33-76.
360
> Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), Etude sur les
droits de l’homme en prison, propositions (Adoptée par l’assemblée plénière du 11
mars 2004), 66 p.
> FADIKA(Mamadou) et Arthur (Roger), « Commentaires du code ivoirien de
procédure civile, commerciale et administrative », in Penant^ revue de droit des pays
d’Afrique,86e année no755, EDIAFRIC, Paris, cedex, 1977,pp85-l 02.
> LAMEYRE (Xavier) et SALAS (Denis), « Prisons, permanence d’un débat [Dossier].
Problèmes Politiques et sociaux. » Paris : La documentation française, juillet 2004, n°
902, p.5-119.
> MAES (Christian), « quelques aspects de procédure : les âges d’intervention » extrait
du séminaire de formation en justice des mineurs pour magistrats et autres acteurs en
justice juvénile de l’Afrique francophone (séminaire de Ouagadougou du 29 novembre
au 3 décembre 2004), Michel LACHAT, working report, 1-2005, organisé par
l’Agence intergouvemementale de la francophonie (AIE) en collaboration avec
l’institut des droits de l’enfant (IDE) et l’association internationale des Magistrats de
la Famille et de la jeunesse (AIMJF), pp95-106.
> Nations Unies, mesures carcérales et mesures non privatives de liberté, le système
pénitentiaire^ (compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale) New York, 2008,
64 p.
> ONUCI, Actes de la journée de réflexion sur la détention préventive, en collaboration
avec le Ministère de la justice et des droits de l’homme et la section Etat de droit de
l’ONUCI, 28 avril 2009, Unity/ peace Hall, sebroko, 41 p.
361
LEGISLATIONS
IV-
A-NATIONALES
BJNTERNATIONALES
362
> l’ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une
forme quelconque de détention ou d’emprisonnement adopté en décembre 1988.
> principes de base pour le recours à la force et l’utilisation des armes à feu, adoptés par
le huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants qui s'est tenu à La Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre 1990.
> Les principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus, adopté par l’ONU le 14
décembre 1990.
> Les règles des nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté, adopté
par l’ONU en décembre 1990.
> Règle 28 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de
liberté, adopté en décembre 1990.
> La Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions
forcées, adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 47/133 du 18 décembre
1992.
> la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 dans Droit Pénitentiaire,
recueil de textes, mise à jour le 31/12/2011, édition 2012, art.3 al.l (France).
V-
CONVENTIONS
VI LES RAPPORTS
363
> KONÉ (Mamadou) (Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de
C
A
carcérale... 26, 94, 106, 115, 118, 122, 183,
amendement.... 7, 9, 12, 29, 63, 70, 73, 74, 188, 189, 194, 197, 199, 201,203, 222,
100, 178, 183, 198, 200,219, 220, 223, 243, 250, 251,259, 292, 293, 294, 295,
364
296, 297, 298, 299, 300, 301, 302, 303, 146, 148, 149, 150, 151, 152, 154, 156,
306, 307, 313, 317, 319, 321, 325, 328, 157, 159, 162, 163, 164, 167, 168, 170,
329, 332, 337, 338, 359, 362, 377 173, 176, 177, 178, 185, 278, 323, 324,
civilisation'10^, 23, 66, 70, 92, 95, 100, 103, 326, 368
114, 120, 132, 134, 136, 146, 156, 164, colonisation.. 13, 15, 17, 18, 19, 20, 28, 31,
167, 178 41,48, 57, 61, 62, 63, 66, 70, 72, 74, 75,
code pénal.......4, 5, 6, 29, 41, 86, 126, 141, 78, 79, 82, 87, 88, 91, 94, 95, 97, 99,
150, 165, 167, 168, 180, 200, 279, 282, 100, 103, 104, 108, 109, 110, 112, 118,
303, 320, 326, 360 119, 121, 132, 135, 141, 143, 156, 158,
colonial... 13, 18, 20, 21, 28, 29, 32, 35, 41, 162, 170, 172, 173, 177, 185, 278, 325,
45, 46, 47, 48, 58, 59, 61,62, 64, 66, 70, 346
71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 82, colons. 14, 15, 21, 22, 34, 48, 99, 101, 102,
83, 84, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 94, 95, 141, 150, 156, 159
96, 97, 98, 99, 100, 101, 103, 104, 105, condamnés8, 46, 49, 89, 93, 100, 102, 123,
107, 108, 110, 112, 113, 114, 115, 116, 127, 128, 129, 183, 219, 220, 221, 222,
117, 118, 119, 120, 121, 122, 127, 131, 224, 227, 229, 230, 241, 251, 252, 253,
132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 254, 255, 256, 260, 261,262, 263, 272,
140, 141, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 273, 274, 284, 287, 299, 300, 301, 302,
151, 152, 154, 156, 157, 159, 160, 161, 303, 375
162, 163, 165, 166, 167, 169, 170, 171, conquête. 16, 17, 18, 20, 22, 28, 31, 34, 36,
172, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 183, 37, 39, 40, 41,42, 45, 46, 47, 48, 49, 54,
247, 278, 289, 297, 301, 324, 325, 344, 55, 56, 57, 58, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66,
345, 346, 347, 348, 353, 354, 358, 359, 71,72, 73,75,76, 77, 79, 107, 110, 115,
368, 369, 370, 372 118, 120, 154, 162, 172, 176, 178,324,
colonie ....12, 13, 14, 15,27,28, 34, 36,37, 347, 348, 356
38, 39, 40, 41,42, 44, 46, 47, 48, 50, 53, correction... 9, 12, 127, 194, 203, 205, 206,
65, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 79, 80, 82, 215, 220, 221, 222, 223, 224, 225, 247,
83, 84, 85, 87, 88, 89, 90, 92, 93, 94, 95, 254, 263, 287, 297, 298, 301, 308, 310,
96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 104, 105, 317, 320, 327,362
107, 108, 109, 110, 112, 113, 114, 115,
D
défense sociale...29, 62, 89, 177, 180, 185,
198, 199, 228, 239, 247, 278, 326
délinquant 7, 9, 12, 25, 29, 62, 63, 70, 159,
177, 178, 183, 194, 196, 198, 220, 223,
116, 117, 118, 119, 122, 124, 127, 129, 225, 228, 247, 249, 261, 262, 273, 278,
131, 137, 139, 141, 149, 150, 152, 156, 288, 291, 300, 302, 303, 323, 326, 329
161, 162, 165, 166, 167, 169, 170, 174, déportation...22, 39, 40, 41, 42, 44, 46, 47,
177, 178, 278, 286, 297, 323, 324, 325, 48, 49, 51, 64, 66, 73, 110, 178, 324,
332, 352, 368, 369 368
colonisateur ..14, 18, 20, 22,27, 28, 32, 36, détention 7, 8, 9, 11, 12, 23, 25, 26, 62, 65,
37, 39, 40, 41,42, 47, 48, 52, 55, 59, 60, 66, 73, 124, 126, 129, 141, 157, 162,
62, 63, 64, 66, 72, 73, 75, 90, 92, 105, 169, 174, 183, 186, 190, 195, 199, 203,
106, 112, 116, 120, 131, 132, 136, 141, 205, 207, 211,212, 214, 215, 216, 217,
365
222, 224, 225, 226, 227, 240, 241, 247, emprisonnement... 4, 5, 6, 8, 12, 22, 24, 32,
250, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 257, 37, 39, 40, 42, 49, 56, 61,66, 71,73, 80,
258, 259, 260, 262, 263, 268, 270, 271, 83, 84, 85, 115, 116, 117, 118, 121, 124,
273, 274, 277, 280, 282, 288, 289, 291, 126, 127, 129, 138, 140, 148, 150, 151,
293, 295, 296, 300, 302, 303, 306, 307, 158, 160, 165, 166, 168, 171, 172, 174,
308, 310, 319, 320, 324, 325, 327, 328, 176, 178, 187, 205, 208, 220, 221,222,
330, 349, 361, 363, 368, 372, 375, 376 224, 226, 227, 229, 240, 241, 252, 253,
détenus3, 9, 22, 23, 24, 25, 65, 89, 90, 123, 254, 259, 260, 261, 262, 263, 270, 271,
124, 125, 126, 128, 129, 183, 187, 189, 277, 279, 292, 294, 295, 296, 297, 301,
190, 192, 194, 196, 197, 199, 200, 201, 302, 312, 324, 325, 326, 329, 361, 369,
202, 203, 204, 205, 207, 208, 209, 210, 375
211, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 220, enfermement.. 7, 28, 41, 61, 62, 64, 66, 73,
221,224, 225, 227, 228, 229, 230, 231, 74, 75,90, 97, 110, 116, 117, 118, 120,
232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 122, 164, 168, 176, 178, 197, 219, 221,
241,242,243, 244, 245, 247, 250, 251, 265, 327, 352, 354, 356, 357, 370
252, 253, 255, 256, 258, 259, 260, 261, établissements pénitentiaires ... 7, 9, 29, 89,
262, 263, 264, 265, 266, 269, 270, 271, 99, 127, 177, 180, 184, 187, 189, 191,
272, 273, 274, 275, 276, 277, 288, 291, 192, 194, 195, 199, 200, 201, 202, 203,
292, 293, 295, 298, 299, 300, 301, 303, 204, 205, 206, 209, 212, 214, 215, 217,
306, 307, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225,
314, 315, 317, 318, 319, 320, 326, 327, 231, 232, 234, 235, 236, 237, 238, 239,
328, 330, 332, 340, 342, 350, 352, 356, 240, 241, 243, 244, 245, 246, 247, 250,
360,361,375,376 255, 260, 264, 265, 269, 273, 275, 291,
déviances.......................................................3 292, 293, 297, 298, 299, 300, 301, 302,
domination.... 15, 18, 20, 28, 55, 60, 61, 62, 303, 306, 307, 308, 310, 311, 313, 315,
63,64,71,77, 83, 89, 110, 112, 115, 320, 326, 327, 328, 329, 332, 342, 352,
116, 118, 120, 131, 134, 137, 147, 152, 360, 362, 374, 377
156, 157, 170, 173, 176, 177, 178, 289, État2, 4, 5, 7, 13, 17, 23, 39, 55, 82, 84, 94,
290, 323, 325, 326, 344, 352, 356 112, 113, 114,121, 134, 145, 153, 159,
droit pénal.4, 5, 25, 27, 41, 62, 63, 66, 141, 168, 183, 185, 186, 195, 202, 206, 213,
142, 159, 160, 183, 185, 220, 223, 237, 265, 267, 277,278, 279, 280, 281, 282,
258, 264, 268, 304, 319, 323, 326, 349, 283, 284, 285,286, 288, 302, 303, 328,
350, 354, 357, 359 330, 332, 345, 357, 358, 363, 376
droits de l’homme...3, 23, 24, 25, 152, 160,
196, 198, 200, 203, 208, 215, 222, 225, G
235, 237, 244, 249, 251, 253, 256, 259, gardes pénitentiaires 2,8
264, 265, 266, 269, 270, 272, 277, 294,
299, 303, 308, 313, 319, 325, 327, 330, H
349, 354, 359, 360, 361, 362, 363, 376 humanisation.... 25, 26, 211, 212, 218, 255,
327
E
éducation 7, 9, 81, 190, 198, 199, 229, 258,
259, 261,272, 274, 276, 283, 313, 327
366
I p
incarcération.... 8, 24, 73, 75, 83, 116, 118, prévenus8, 9, 127, 183, 195, 221, 222, 241,
122, 124, 186, 196, 225, 226, 227, 229, 252, 253, 254, 262, 263, 293, 299, 301,
230, 240, 258, 288, 290, 295, 301, 303, 302, 375
320, 328 prison... 2, 3, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 22, 23, 24,
indigènes.20, 21, 22, 28,37, 38, 39, 40, 42, 25, 26, 27, 28, 29, 32, 34, 37, 39, 41, 56,
44, 46, 47, 48, 51, 52,54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 71, 73,
59, 60, 61, 62, 63, 64,65, 66, 67, 71, 72, 74, 75, 77, 78, 79, 83, 84, 85, 87, 89, 93,
73, 74, 80, 82, 83, 84, 88, 89, 90, 94, 94, 95, 97, 101, 102, 103, 105, 106, 110,
103, 105, 110, 114, 115, 116, 120, 122, 112, 114, 115, 116, 118, 119, 120, 121,
131, 132, 134, 135, 136, 137, 139, 140, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129,
141, 143, 144, 145, 149, 150, 151, 152, 143, 146, 147, 151, 152, 161, 162, 166,
154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 168, 172, 175, 176, 178, 180, 195, 196,
162, 163, 168, 170, 174, 176, 324, 325, 197, 198, 199, 200, 201,205, 208, 209,
346.352.356.368.371 210, 214, 215, 216, 217, 221, 223, 225,
instigateurs........................... 22, 66, 71, 324 228, 229, 230, 232, 233, 236, 237, 238,
institution7, 11, 12, 13, 27, 66, 77, 86, 110, 239, 240, 241,243, 245, 247, 249, 250,
113, 121, 122, 123, 126, 137, 138, 139, 251, 252, 255, 256, 257, 260, 261, 262,
149, 153, 158, 177, 186, 223,233,238, 263, 265, 266, 267, 268, 269, 271, 273,
250, 262, 264, 281,282, 300, 320, 323, 274, 275, 276, 277, 278, 285, 286, 287,
352.370.371 288, 290, 291, 292, 293, 295, 296, 297,
299, 300, 301, 302, 303, 306, 308, 309,
J 310, 312, 313, 316, 317, 319, 321, 323,
justice ...4, 8, 12, 23, 26, 65, 66, 81, 91, 95, 324, 325, 326, 328, 329, 330, 331, 332,
115, 122, 127, 129, 131, 132, 133, 134, 333, 342, 343, 349, 350, 351, 352, 353,
135, 136, 137, 139, 140, 142, 144, 145, 354, 356, 358, 359, 363, 364, 369, 376,
146, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 156, 377
158, 180, 183, 185, 186, 187, 193, 195, prisonniers 8, 12, 24, 25, 26, 61, 62, 73, 79,
197, 200, 201, 205, 213, 215, 217, 220, 83, 87, 88, 89, 90, 94, 97, 98, 100, 101,
231, 233, 238, 244, 253, 257, 258, 264, 102, 103, 106, 115, 120, 122, 123, 124,
294, 295, 296, 298, 300, 303, 308, 315, 125, 128, 129, 201,205,210,211,212,
325, 326, 329, 330, 349, 352, 354, 355, 214, 215, 218,221, 225, 229, 231,235,
356,359,360,361,363, 371,377 239, 244, 247,249, 250, 251, 255, 259,
261, 264, 265,266, 268, 269, 270, 271,
O 272, 276, 277,287, 291, 296, 297, 298,
ordre public ,...5, 7, 8, 9, 28, 32, 63, 66, 82, 300, 301, 306, 308, 309, 312, 313, 314,
88, 110, 112, 113, 114, 115, 117, 120, 315, 317, 319, 325, 327, 328, 330, 331,
121, 122, 123, 136, 146, 147, 149, 150, 338, 342,362,369,370,376
151, 153, 154, 156, 159, 161, 162, 165, procès9, 12, 24, 25, 88, 128, 141, 142, 143,
166, 167, 168, 176, 200, 267, 278, 284, 148, 149, 150, 151, 152, 154, 155, 157,
288, 297, 325, 359 186, 195, 200,224, 241,253, 254, 263,
266, 284, 308, 323, 349
protectorat 21
367
punir.... 3, 4, 5, 6, 9, 62, 90, 115, 122, 141, 120, 121, 123, 133, 139, 147, 153, 158,
149, 150, 151, 152, 153, 180, 185, 194, 168, 171, 177, 180, 183, 194, 195, 196,
197, 223, 237, 250, 268, 329, 349, 350, 197, 198, 200, 218, 221,223, 224, 228,
371 229, 230, 233, 239, 249, 250, 259, 261,
262, 265, 266, 267, 269, 272, 273, 275,
R 276, 295, 300, 301, 303, 311, 312, 319,
réinsertion...7, 9, 12, 63, 90, 100, 123, 177, 320, 323, 326, 328, 337, 345, 354, 357
178, 186, 188, 190, 191, 192, 197, 198, stratégie.. 20, 28, 35, 37, 40, 44, 46, 55, 56,
199, 200, 204, 216, 217, 220, 228, 229, 60, 61, 66, 74, 76, 79, 95, 96, 107, 110,
230, 231,233, 237, 239, 247, 250, 255, 118, 145, 170, 172, 323,324, 325
260, 261,262, 273, 274, 277, 278, 297, sûreté............................................................... 3
300, 319, 320, 323, 325, 326, 327, 350, surveillance......2, 8, 70, 94, 121, 123, 124,
356, 376 125, 126, 128, 165, 171, 187, 192, 197,
résistants.32, 37, 39, 41, 42, 44, 49, 51, 52, 230, 231, 233, 234, 238, 244, 250, 256,
55, 56, 57, 58, 59, 60, 62, 63, 64, 65, 66, 258, 259, 275, 294, 342, 349, 370
71,72, 73,75, 110, 162, 324, 368 système pénitentiaire 4, 7, 9, 23, 26, 27, 29,
72, 88, 100, 115, 119, 127, 151, 160,
S 176, 177, 181, 183, 185, 186, 191,200,
sécurité.... 3, 4, 7, 18, 23, 29, 79, 113, 123, 201, 219, 239, 247, 293, 296, 297, 300,
124, 125, 129, 147, 155, 156, 157, 177, 303, 320, 325, 326, 327, 328, 329, 330,
180, 185, 186, 189, 190, 193, 195, 196, 331,358,359,363
197, 198, 200, 204, 205, 206, 211,231,
T
233, 236, 239, 244, 245, 246, 253,255,
257, 266, 267, 278, 279, 280, 291,297, travail pénitentiaire 9, 89, 274, 348
319, 320,324, 326,353,357
société...2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 15, 23, 25, 26,
U
27, 28, 41, 57, 62, 63, 64, 66, 70, 71, 89, utilité sociale.... 12, 29, 177, 180, 181,204,
90, 93,95,96, 99, 100, 108, 113, 114, 228, 278, 288, 291,323,326
INTRODUCTION 1
368
TITRE I : LES MISSIONS D’OPPRESSION SOCIO-ÉCONOMIQUE DE LA
PRISON COLONIALE............................................................................................. 33
A- L’isolement des chefs de guerre dans une autre circonscription ou dans une
colonie différente....................................................................................................... 40
369
§ Il : L’affirmation de la suprématie du colonisateur 69
370
§11. L’apport de la prison dans l’exploitation des ressources nécessaires à
l’économie métropolitaine....................................................................................... 102
RÉPRESSIVES
112
371
B-L’ institution d’une commission de surveillance, organe de contrôle des
prisons 125
COLONIAL
145
372
A- L’octroi du droit de punir à tout européen 147
B- L’exécution de punitions
extrajudiciaires...................... 151
373
DEUXIEME PARTIE : LA PRISON, UN OUTIL D’UTILITÉ SOCIALE
D’IVOIRE
IVOIRIEN.
183
374
§I : Les moyens d’actions inefficaces consécutives à la complexité des
missions................................................................................................................. 199
PÉNITENTIAIRE......................................................................................................................................................................................
217
375
SECTION II : LE FONCTIONNEMENT DE L’ÉTABLISSEMENT
PÉNITENTIAIRE...................................................................................... 229
376
A-Le régime de détention des prévenus et des condamnés à l’emprisonnement
de simple police..................................................................................................... 250
§II : Les droits relatifs à la restauration du lien social des détenus 270
377
L
§I : La prison, instrument de consolidation du pouvoir
politique.............................................................................. 111
378
1-Les dérives hygiéniques consécutives à la promiscuité carcérale 306
ANNEXES, 331
BIBLIOGRAPHIE 344
379
1
RÉSUMÉ
La prison, dispositif de sécurité sociale de nos jours, est une institution qui date de l’époque
coloniale. Elle a été l’un des piliers de l’implantation de la domination coloniale. À cet
égard, elle a rempli des missions coercitives et économiques. Le colonisateur l’a donc utilisé
pour instaurer un ordre public colonial tout en exploitant les ressources naturelles de la
colonie par le biais de la main d’œuvre pénale. La Côte d’ivoire indépendante, les nouvelles
autorités par un nouveau texte de loi carcérale (décret du 14 mai 1969), vont lui assigner une
mission d’utilité sociale notamment la sanction, l’amendement et la resocialisation du
délinquant. Pour y arriver, il y aura l’institution d’un organe central de gestion du système
pénitentiaire : la direction des affaires pénitentiaires. Eu égard à la complexité de sa tâche, la
DAP sera aidée dans sa tâche par des structures externes. Cependant, force est de constater
que la prison serait seulement limitée à l’aspect sécuritaire (sanction). L’aspect social
(amendement et resocialisation) ferait défaut à cause de certains facteurs politiques et
spécifiques au fonctionnement carcéral (surpopulation chronique, état sanitaire exécrable).
MOTS CLÉS
prison-colonisation-domination-indigène-Pénitentiaire-régisseur-sécurité-détention-
amendement-resocialisation.
SUMMARY
The prison, social security System today, is an institution which dates from colonial times. It
was one of the pillars of the establishment of colonial rule. In this regard, it filled coercive and
économie missions, leaving aside the amendment and resocialization of the offender. The
colonizer has therefore used to establish a colonial public order while exploiting the natural
resources of the colony through the hands of criminal work. Côte d'ivoire independent, the
new authorities with a new text of prison law (Decree of 14 May 1969), will assign a social
utility work including sanction, the reformation and social réhabilitation of the offender. To
get there, there will be the establishment of a central processing unit of the prison System: the
Prison Affairs. Given the complexity of its task, the Prison Affairs will be assisted in his task
by extemal structures. However, it is clear that prison would be only limited to the security
aspect (sanction). The social aspect (amendment and re-socialization) lacking because of
some policies and spécifie factors prison operation (chronic overcrowding, abysmal health
status).
KEY WORDS
Penitentiary-colonization-domination-indigenous-jail-manager-security-detention-
amendment-resocialisation.
RÉSUMÉ
La prison, dispositif de sécurité sociale de nos jours, est une institution qui date de l’époque
coloniale. Elle a été l’un des piliers de l’implantation de la domination coloniale. À cet
égard, elle a rempli des missions coercitives et économiques. Le colonisateur l’a donc utilisé
pour instaurer un ordre public colonial tout en exploitant les ressources naturelles de la
colonie par le biais de la main d’œuvre pénale. La Côte d’ivoire indépendante, les nouvelles
autorités par un nouveau texte de loi carcérale (décret du 14 mai 1969), vont lui assigner une
mission d’utilité sociale notamment la sanction, l’amendement et la resocialisation du
délinquant. Pour y arriver, il y aura l’institution d’un organe central de gestion du système
pénitentiaire : la direction des affaires pénitentiaires. Eu égard à la complexité de sa tâche, la
DAP sera aidée dans sa tâche par des structures externes. Cependant, force est de constater
que la prison serait seulement limitée à l’aspect sécuritaire (sanction). L’aspect social
(amendement et resocialisation) ferait défaut à cause de certains facteurs politiques et
spécifiques au fonctionnement carcéral (surpopulation chronique, état sanitaire exécrable).
MOTS CLÉS
prison-colonisation-domination-indigène-Pénitentiaire-régisseur-sécurité-détention-
amendement-resocialisation.
SUMMARY
A
The prison, social security System today, is an institution which dates from colonial times. It
was one of the pillars of the establishment of colonial rule. In this regard, it filled coercive and
économie missions, leaving aside the amendment and resocialization of the offender. The
colonizer has therefore used to establish a colonial public order while exploiting the natural
resources of the colony through the hands of criminal work. Côte d'ivoire independent, the
new authorities with a new text of prison law (Decree of 14 May 1969), will assign a social
utility work including sanction, the reformation and social réhabilitation of the offender. To
get there, there will be the establishment of a central processing unit of the prison System: the
Prison Affairs. Given the complexity of its task, the Prison Affairs will be assisted in his task
by external structures. However, it is clear that prison would be only limited to the security
aspect (sanction). The social aspect (amendment and re-socialization) lacking because of
some policies and spécifie factors prison operation (chronic overcrowding, abysmal health
ï
status).
KEY WORDS
Penitentiary-colonization-domination-indigenous-jail-manager-security-detention-
amendment-resocialisation.
I
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