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UNIVERSITÉ ALASSANE OUATTARA

U.F.R : Sciences Juridique Administrative

et de Gestion

DÉPARTEMENT : Histoire du droit et des institutions


a
LA PRISON À L’ÉPREUVE DU TEMPS ''
EN CÔTE D’IVOIRE DEPUIS 1893
7

THÈSE UNIQUE POUR LE DOCTORAT EN DROIT

Présentée et soutenue publiquement le Mardi 12 Septembre 2017


Par TRA BI ZAÉ Fidèle

Sous la direction de : Monsieur. NENE BI Boti Séraphin, Agrégé des


Facultés de Droit, Professeur titulaire. Université Alassane Ouattara, Côte
d’ivoire.

JURY :

Président :Monsieur Samba TRAORÉ, Agrégé des Facultés de Droit,


Professeur titulaire de classe exceptionnelle. Université Gaston Berger de
Saint-Louis, Sénégal ;

Membres :

Monsieur NÉNÉ BI Boti Séraphin, Agrégé des Facultés de Droit, Professeur


titulaire. Université Alassane Ouattara, Côte d’ivoire (Directeur de thèse);
Monsieur Koffî AGBÉNOTO, Maître de Conférences Agrégé, Université de
Kara, Togo (Rapporteur);
Monsieur Amadou Abdoulaye DIOP, Maître de Conférences Agrégé, Chef du
Département d’Histoire des Institutions, Université Cheick Anta Diop, Dakar,
Sénégal (Rapporteur) ;
Monsieur BALLÉ Aboa Jules, Magistrat Hors Hiérarchie, Avocat Général au
parquet près la Cour Suprême de Côte d’ivoire.
UNIVERSITÉ ALASSANE OUATTARA

U.F.R : Sciences Juridique Administrative

et de Gestion

DÉPARTEMENT : Histoire du droit et des institutions

LA PRISON À L’ÉPREUVE DU TEMPS


EN CÔTE D’IVOIRE DEPUIS 1893
y

THÈSE UNIQUE POUR LE DOCTORAT EN DROIT

Présentée et soutenue publiquement le Mardi 12 Septembre 2017


Par TRA BI ZAÉ Fidèle
Sous la direction de : Monsieur. NÉNÉ BI Boti Séraphin, Agrégé des
Facultés de Droit, Professeur titulaire, Université Alassane Ouattara, Côte
d’ivoire.
JURY:

Président :Monsieur Samba TRAORÉ, Agrégé des Facultés de Droit,


Professeur titulaire de classe exceptionnelle. Université Gaston Berger de
Saint-Louis, Sénégal ;
Membres :

Monsieur NÉNÉ BI Boti Séraphin, Agrégé des Facultés de Droit, Professeur


titulaire, Université Alassane Ouattara, Côte d’ivoire (Directeur de thèse);
Monsieur Koffi AGBÉNOTO, Maître de Conférences Agrégé, Université de
Kara, Togo (Rapporteur);
Monsieur Amadou Abdoulaye DIOP, Maître de Conférences Agrégé, Chef du
Département d’Histoire des Institutions, Université Cheick Anta Diop, Dakar,
Sénégal (Rapporteur) ;
Monsieur BALLE Aboa Jules, Magistrat Hors Hiérarchie, Avocat Général au
parquet près la Cour Suprême de Côte d’ivoire.
L’université Alassane OUATTARA de Bouaké
n’entend donner aucune approbation ni improbation
aux opinions émises dans la présente thèse. Celles-
ci doivent être considérées comme propres à leur auteur.
DÉDICACE
-Au Dieu créateur du ciel et de la terre
-À mes parents
REMERCIEMENTS

Nous devons une reconnaissance profonde et sincère à notre


directeur de thèse, le Professeur NÉNÉ BI Boti Séraphin qui a eu
confiance en nous et qui a su par sa disponibilité permanente, son écoute
et ses orientations, nous stimuler à produire cette thèse. Nous lui disons
infiniment Merci pour sa générosité et tous les sacrifices qu’il a consentis
pour nous. Puisse l’Eternel Dieu le bénir dans tous les aspects de sa vie
et que sa faveur surabonde sur sa vie.

Nos remerciements vont à l’endroit de la vice- présidente, le


professeur N’DRI THÉOUA, du doyen de l’UFR de droit de l’université
Alassane OUATTARA, le professeur SILUÉ NANGA, et des enseignants
dont les noms suivent : Le professeur Aline AKA LAMARCHE, le docteur
DOSSO Karim, le docteur YOLI BI MANH , le docteur DIOMANDÉ
SIDIKI, le docteur MEL AGNÉRO Privât, le docteur KRAGBÉ Gilles, le
docteur TÉDJÉ Clément, le docteur GALÉ Jean Pierre et le Commandant
KRA MAIZAN pour leur soutien indéfectible et leurs conseils avisés à notre
égard.

Nous voulons également manifester notre gratitude à l’égard du


professeur TOH BI TIÉ Emmanuel, Maître de Conférences, pour les
corrections apportées à cet ouvrage.

Notre sincère gratitude est enfin exprimée à l’évangéliste


Maman ACHI (BENIE DE DIEU) pour son soutien spirituel, financier et à
tous les membres de ma famille qui de près ou de loin nous ont soutenus.
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ACAT Action des Chrétiens pour l’AboIition de la Torture

AEF Afrique Équatoriale Française

AEEP Agent d’encadrement des Établissements Pénitentiaires

AlF Agence Intergouvemementale de la Francophonie

AIMJF Association Internationale des Magistrats de la Famille

et de la Jeunesse

AlP Agence Ivoirienne de Presse

AOF Afrique Occidentale Française

BICE Bureau International Catholique pour l’Enfance

BIT Bureau International du Travail

CADHP Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples

CEP Contrôleurs des Établissements Pénitentiaires

CFAO Compagnie Française d’Afrique Occidentale

Cil Comité International des Infirmières

CICR Comité International de la Croix Rouge

CNCDH Commission Nationale Consultative des Droits de

l’Homme

DAFP Direction des Affaires Financières et du Patrimoine

DAP Direction des Affaires Pénitentiaires

DUDH Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

ENAM École Nationale de Magistrature


ERM Ensemble des Règles Minima pour le traitement des

détenus

FED Fonds Européen de Développement

FIACAT Fédération Internationale de l’Action des Chrétiens pour

l’AboIition de la Torture

FPI Front Populaire Ivoirien

FRCI Forces Républicaines de Côte d’ivoire

IDE Institut des Droits de l’Enfant

INFJ Institut National de la Formation Judiciaire

JO Journal Officiel

JOCI Journal Officiel de Côte d’ivoire

JPCE Justice de Paix à Compétence Étendue

LGDJ Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

MACA Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan

MAC Maison d’Arrêt et de Correction

MDRM Mouvement Démocratique de la Révolution Malgache

MJ Ministère de la justice

MJDHLP Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des

Libertés Publiques

MSF Médecins Sans Frontières

NEA Nouvelles Éditions Africaines

OIP Observatoire International des Prisons

ONG Organisation Non Gouvernementale


ONUCI Organisation des Nations Unies pour la Côte d’ivoire

ONU Organisation des Nations Unies

Op.cit. Ouvrage cité

PCF Parti Communiste Français

PDCI-RDA Parti Démocratique de Côte d’Ivoire-Rassemblement

Démocratique Africain

PMI Poste Médical Indigène

PRSF Prisonniers Sans Frontières

PUF Presses Universitaires de France

RDR Rassemblement Des Républicains

RSS Réforme du Secteur de la Sécurité

SAREMCI Société Anonyme de Recherches Minières en Côte

D’Ivoire

SCOA Société Commerciale de l’Ouest Africain,

SDN Société Des Nations

SERSOE Service Socio-Éducatif

SIDA Syndrome Immunodéficitaire Acquis

SOPCI Soutien aux Prisonniers de Côte d’Ivoire

TIG Travaux d’intérêt Général

UA Union Africaine

UCSA Unités de Consultations et de Soins Ambulatoires

UE Union Européenne

UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science

Et la Culture
UNODC Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime,

URSS Union des Républiques Socialistes Soviétiques

VIH Virus de l’immunodéficience Acquise


SOMMAIRE

INTRODUCTION 1

PREMIÈRE PARTIE : LA PRISON, UN INSTRUMENT IMPÉRIALISTE AU


SERVICE DE LA PUISSANCE COLONISATRICE........................................ 30

TITRE I : LES MISSIONS D’OPPRESSION SOCIO-ÉCONOMIQUE DE LA PRISON


COLONIALE..................................................................................................................... 33

CHAPITRE I : La prison, moyen de pacification de la colonie pendant les guerres de


conquête coloniale............................................................................................................ 35

CHAPITRE II : La prison coloniale, moyen de développement économique pendant la phase


de l’exploitation 77
30879399743702
TITRE II : LA DOMININATION COLONIALE INDUITE PAR LA POLITIQUE DE
DÉCENTRALISATION CARCÉRALE...................................................................... 110

CHAPITRE I : L’instauration de l’ordre public colonial par le biais d’une organisation


décentralisée des institutions répressives...................................................................... 112

CHAPITRE II : Le recours récurrent à la prison, une exigence pour le maintien de l’ordre


public colonial.................................................................................................................. 145

DEUXIÈME PARTIE ; LA PRISON, UN OUTIL D’UTILITÉ SOCIALE DANS LA


POLITIQUE CONTEMPORAINE DE LA CÔTE
D’IVOIRE 177

TITRE I : L’EXÉCUTION APPARENTE DES MISSIONS D’UTILITÉ SOCIALE PAR LA


MISE EN PLACE D’UN SYSTÈME PÉNITENTIAIRE IVOIRIEN........................ 180

CHAPITRE I : La centralisation du système pénitentiaire, une conséquence de la politique


sécuritaire de l’Etat ivoirien ............................................................................................. 183

CHAPITRE II : L’établissement pénitentiaire, dispositif sécuritaire essentiel du système


pénitentiaire...........................................................................................................................217

TITRE 11 : LES ENTRAVES A LA RÉALISATION INTÉGRALE DES MISSIONS


D’UTIILITÉ SOCIALE AU DÉTRIMENT DE L’INSTAURATION D’UN CADRE
ÉTHIQUE CARCÉRAL.................................................................................................. 246

CHAPITRE I : La resocialisation théorique des prisonniers par l’instauration d’un cadre


éthique carcéral................................................................................................................ 248

CHAPITRE II : Les entraves à la mission de resocialisation de la prison, des conséquences de


l’inexécution totale des missions d’utilité sociale.........................................................276

CONCLUSION GÉNÉRALE 321


INTRODUCTION

1
Monde clos et coupé du monde, la prison est, de toutes les Institutions, celle que l ’on
peut caractériser le plus exactement possible par l’expression « État dans l’État »L Cette

assertion du professeur Gérard Soulier fait ressortir plus exactement la définition et les
caractéristiques de la prison. Selon cet éminent professeur, la prison est un « État » à l’image
de tout État moderne. Il utilise cette métaphore pour corroborer que la prison possède les
éléments constitutifs d’un État moderne, à savoir un pouvoir politique, un territoire et une

population.

Cette analogie s’avère opportune, car à l’instar de l’État, la prison a une population

bien déterminée voire sélectionnée, un espace (territoire) bien défini et un pouvoir de gestion
spécifique. La population, en l’espèce, est constituée par l’ensemble des individus qui ont
transgressé les lois établies dans la société, à savoir les délinquants.

Le territoire est relatif au lieu où ces délinquants purgent leur peine. Il est, donc,
constitué des différents bâtiments spécialement conçus pour les détenir. Ces bâtiments
constituent en quelque sorte leur lieu de résidence pour un séjour relativement long ou bref
selon le degré de gravité de la faute de chacun des délinquants. Ces réfractaires aux lois
établies, vivent dans ces bâtiments, repliés sur eux-mêmes, sans contact avec l’extérieur, une
sorte d’autarcie spécifique voire imposée du fait de leur dangerosité. Ils y mènent leur séjour
sous l’autorité et la surveillance d’un pouvoir particulier : l’Administration pénitentiaire.

Ce pouvoir, à la différence d’un État normal, n’est pas élu. Il est nommé et recruté dans
certains cas. Il est chargé de veiller au bon fonctionnement de cet « Etat » en faisant respecter
les règles qui y sont établies. Il convient aussi de relever que cette population particulière est
protégée et surveillée par une armée spécifique, à savoir les gardes pénitentiaires.

Eu égard à ces analyses, nous pouvons affirmer que la prison est une société, un État
de type particulier mis en place pour contenir les déviants de la société. De ce fait, il existe
deux mondes dans un État, le monde des individus qui font l’effort de respecter les normes
établies et le monde de ceux qui transgressent ces lois.

C’est dans ce contexte que l’écrivain et romancier français Anthony DACHEVILLE


Z r r r r
affirme : « la prison n 'est qu’un espace muré qui cache les échecs de la société ». Les échecs

’ Gérard SOULIER, Les Institutions judiciaires et répressives, extrait de traité de science politique (2) publié
sous la direction de Madeleine GRAWITZ et Jean LECA, les régimes politiques contemporains, PUF, 1985.
fæédition, 108, boulevard Saint-Germain, Paris, P. 547.
2 Citation extraite « de » une autre vie de Anthony DACHEVILLE, paru le 01/07/2003, éditions le manuscrit.

2
de la société, en l’espèce, sont les délinquants, qui ont choisi délibérément ou
involontairement de se soustraire aux normes qui régulent la société, cela dans le but
d’assouvir leurs propres désirs. En conséquence, la prison retient les « tares de la société »,
les individus qui sont nuisibles à la sécurité, à la tranquillité d’un pays. Pour renchérir, un
autre écrivain français Jean- Pierre GUENO affirme que: « nous n’enfermons rien d’autre en
prison, qu’une partie de nous-mêmes, comme d’autres abandonnent sur le bord de la route
leurs souvenirs encombrants ou leur.s chiens en disgrâce...^ ». La prison est, de ce fait, une

peine servant à réprimer les déviances de la société. Elle est une sorte de « réservoir » servant
à garder, recevoir, contenir les « déchets de la société ».

Les délinquants sont donc sanctionnés parce qu’ils ont violé les lois qui régulent la
société au gré de leurs intérêts. Dans cette logique, le juriste italien Cesare Beccaria (1738-
1794) affirme : « Chaque homme n’est attaché que pour ses intérêts aux différentes
combinaisons politiques de ce globe; et chacun voudrait, s ’il était possible, n ’être pas lié lui-
même par les conventions qui obligent les autres hommes >/. Les hommes ont, donc, établi

les lois pour canaliser les différents intérêts individuels dans la société. Ils ont mis en place
ces barrières que constituent les lois pour juguler tout intérêt malveillant, nuisible à la
société. Las de ne vivre qu’au milieu des craintes, et de trouver partout des ennemis, fatigués
d’une liberté que l’incertitude de la conserver rendait inutile, ils en sacrifièrent une partie pour
jouir du reste avec plus de sûreté.

Qu’est-ce que la sûreté ? Selon Maurice CUSSON, « la sûreté tient à la rareté des
attentats contre la vie et les biens des gens ; c 'est sa dimension objective. Il en découle un
sentiment de tranquillité et de confiance, c’est sa dimension subjective. À travers cette

définition, nous pouvons affirmer que la sûreté exige la protection des biens et des personnes.
La protection de ces deux entités entraîne inéluctablement la paix sociale. Il faut, donc, pour
la préservation de la tranquillité et de la sécurité de la société, des moyens efficaces pour
comprimer les intérêts malveillants au sein de la société. Ces moyens sont les peines établies
dans la société par le pouvoir politique.

’ Citation extraite « de » les paroles des détenus de Jean Pierre GUÉNO, paru en octobre 2000, éditions les
arènes EDS.
'* Cesare BECCARIA, Des délits et des peines, éditions du boucher, paris 2002, P. 11.
5 Idem, P. 12.
Maurice CUSSON, Pourquoi punir ?, collection criminologie et droits de l’homme, Dalloz, Paris, 1987, P.
117.

3
Au nom de la sécurité et de la protection des biens et des personnes, des individus sont
punis et mis à part dans un endroit clos et surveillé. L’emprisonnement de ces personnes est
certainement la résultante de leur désobéissance aux lois instituées. Les peines, les sanctions
sont, par voie de conséquence, les garants de l’application et de la vitalité de la loi.

C’est parce que la nécessité de punir, de réprimer certains comportements socialement


nuisibles s’est imposée, concomitamment à la naissance de sociétés organisées que les
questions de « pourquoi punir ? », « comment punir ? », « qui est punissable ? » se sont
T

posées, que la théorie du droit pénal est née .

Le droit de punir est, de ce fait, inhérent à toute société. Il est dévolu à TÉtat car dans

toute société civilisée, dans un Etat de droit, « nul ne peut se faire justice à soi-même ». Il est
l’une des fonctions régaliennes de TEtat et Tun des attributs de sa souveraineté. Si tel n’était
pas le cas. Ton se retrouverait à l’époque primitive dans la dynamique de la loi du talion, de la
vengeance ou de la justice privée. Ainsi, on parle de justice privée, lorsqu’une personne
décide de se faire justice par elle-même, en passant outre la justice. Ce type d’acte est une
remise en cause de TÉtat de droit.

Pour éviter de tels faits qui s’assimilent à l’anarchie voire la rétrogradation sociale,
TÉtat a confié le droit de punir à des Institutions spécifiques telles que la police, la justice, le

système pénitentiaire. Ces Institutions renferment en leur sein le droit de punir dévolu à toute
la société. Ces Institutions répressives démontrent donc le caractère coercitif de TEtat. Aussi
pour renchérir, Mireille DELMAS-MARTY affirme : « le droit de punir ne peut être guidé
par la raison que s’il est l’expression de la loi et d’une loi égale pour tous. » ; il est donc
l’émanation de toute la société entière soumise aux mêmes lois.

Tous les États de la terre continuent de punir leurs criminels et aucun gouvernement
ne semble prêt à abroger son code pénal ou à fermer ses prisons. La peine reste solidement
implantée au cœur même des institutions démocratiques. Bon an, mal an, il se distribue une
quantité relativement stable de punitions, et les doctrines n'y peuvent rien changer. De plus,
on ne perçoit nulle part un ralentissement du rythme avec lequel on punit. Le droit pénal est
en plein essor dans les pays occidentaux^.

’ Anna DUVAL, La peine, quelle finalité ? Mémoire de master 2 droit pénal et sciences pénales, Université
Paris 11 Panthéon-Assas, 2009-2010, P. 5.
’ Mireille DELMAS-MARTY, Le flou du droit, Puf, Paris 1986, P. 95.
’ Maurice CUSSON, op. cit. P. 13.

4
Le droit pénal est la branche du droit qui a pour objet de réprimer, par l’imposition des
sanctions, les conduites contraires à l’ordre ou au bien-être de la société.’^ C’est un droit

répressif en ce sens qu’il interdit des actes et rend obligatoire des devoirs afin de sanctionner
des attitudes qui portent atteinte à l’ordre public. Par sa nature même, le droit pénal est à la
fois le reflet et le moule de la société. Il est également l’outil dont se sert l’Etat pour façonner
et maintenir l’ordre social et l’ultime garantie des citoyens contre les atteintes à leur personne
et à leurs biens". À cet égard, chaque pays a son code pénal conformément auquel les

infracteurs sont punis.

Ce code pénal fixe, de ce fait, les limites de sa souveraineté relativement au droit de


punir. Le code pénal est, dans ce cas, la matérialisation de l’adage juridique latin, nulla poena
sine lege (il n’y a pas de peine sans loi). Il est en conséquence un recueil de textes juridiques
renfermant les différentes infractions passibles de diverses peines d’emprisonnement.

Il faut, relever que le droit de punir voire le droit pénal n’est pas spécifique à notre
époque, il a de tout temps existé depuis l’antiquité. Ainsi, comme l’affirme le juriste italien
Cesare Beccaria (1738-1794) : « Consultons donc le cœur humain, nous y trouverons les
principes fondamentaux du droit de punir ». Le droit de punir, voire le droit de sanctionner
une personne qui a transgressé une loi, une règle préétablie est inscrit dans le cœur et l’esprit
de tout être humain. Il est, par conséquent, inhérent à toute société humaine. Le droit pénal,
en tant qu’il vise à prévenir et sanctionner les états dangereux, est nécessairement inspiré par
l’histoire qui lui offre des exemples de comportements potentiellement néfastes pour la
société.’^

Ainsi, depuis l’antiquité, des lois et des codes pénaux ont été élaborés pour réprimer les
infractions à l’ordre social. Le premier que l’on pourrait qualifier de code même si il n’en
reflète pas, est celui des dix commandements. En réalité, c’est un ensemble de préceptes
divins transmis selon les saintes écritures par Dieu au prophète Moise libellé de la façon
suivante : « Je suis VÉternel, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de
servitude. Tu n 'auras pas d'outres dieux devant ma face. Tu ne te feras point d'image taillée,
ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les deux, qui sont en bas
sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant

’® Jacques FORTIN et Louise VIAU, Traité de droit pénal général, les éditions Thémis Inc. 1982, P. 1.
“ Idem, op.cit,P.3.
Cesare BECCARIA, op.cit. P. 11.
” Marion LE LORRAIN, L'histoire et le droit pénal, mémoire de Master de droit pénal et sciences pénales,
2010, université panthéon- Assas Paris II, P. 6.

5
elles, et tu ne les serviras point; car moi, VÉternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui punis

l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui
me haïssent, et qui fais miséricorde jusqu'en mille générations à ceux qui m'aiment et qui
gardent mes commandements. Tu ne prendras point le nom de l'Éternel, ton Dieu, en vain;
car TÉternel ne laissera point impuni celui qui prendra son nom en vain. Souviens-toi du jour

du repos, pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le
septième jour est le jour du repos de TÉternel, ton Dieu: tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni

ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes
portes. Car en six jours TÉternel a fait les deux, la terre et la mer, et tout ce qui y est
contenu, et il s'est reposé le septième jour: c'est pourquoi TÉternel a béni le jour du repos et
Ta sanctifié. Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que
TÉternel, ton Dieu, te donne. Tu ne tueras point. Tu ne commettras point d'adultère. Tu ne

déroberas point. Tu ne porteras point de faux témoignage contre ton prochain. Tu ne


convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton
prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui
appartienne à ton prochain. ».

Outre les dix commandements, il y a le code d'Hammourabi (1780 avant J-C,


Babylone). Le Roi Hammourabi utilise son pouvoir pour punir des personnes qui ont commis
des actes criminels. Ce sont des peines miroirs, très spectaculaires. Mais elles ne touchent pas
toute la famille seulement l’auteur du crime.

La « Loi du Talion », « œil pour œil, dent pour dent » , quant à elle, va faire apparaître
l’idée de proportion, de limitation de la réponse pénale. On punit alors selon la valeur de
l'acte commis. Après la loi du talion, nous voyons apparaître la loi des XII Tables romaines
qui prévoit aussi un système juridique avec des règles mais religieuses dans la majeure partie.

Enfin, il y a les lois médiévales qui vont s’appliquer durant tout l’Ancien Régime,
jusqu’à la Révolution française. Toutes ces lois ou codes tournent autour d’une idée centrale :
la peine est à la fois une punition, mais elle a aussi une fonction dissuasive.

Il faut également noter que pour mémoire, c’est le code pénal de 1791, le premier code
pénal français, qui insère pour la première fois officiellement l’emprisonnement dans l’échelle
des peines. Il place l'enfermement au centre du dispositif judiciaire, généralise la peine

Exode 20V 2-17, tiré de la Bible louis segond, société biblique française, Paris 1978, P. 76-77.

6
privative de liberté mais conserve la peine de mort et les travaux forcés ; la prison est un lieu
de punition et d'amendement du condamné par le travail et l'éducation.’^

Jusque-là, la prison n’était pas une peine, du moins dans le droit laïc. Selon une
tradition qui remontait au droit romain, la prison est un lieu de détention préventive, où ne
sont enfermés que des individus en attente d’être jugés. Elle est donc uniquement conçue
pour empêcher la fuite du prévenu, mettre celui-ci à la disposition du juge pour les
inten'ogatoires, et pour prévenir les manœuvres destinées à faire disparaître les preuves. C’est
donc la conception de la prison préventive. Les prisons vont ainsi évoluer au fil du temps
pour devenir un châtiment. Et le XIX*^ siècle va s’attacher à reformer la prison pour en faire le
meilleur système de protection sociale .

Hormis la prison préventive (détention provisoire), on aura la prison répressive


(sanction) et la prison amélioratrice (amendement et réinsertion du délinquant). Chaque pays
civilisé dispose, de ce fait, de prisons dans le but de protéger la société contre des individus
considérés comme dangereux pour l’ordre public, la tranquillité publique.

La sécurité et la tranquillité publiques sont des gages indéniables du fonctionnement


régulier d’un État de droit. Ce sont des facteurs pouvant attirer les investisseurs et les

bailleurs de fonds à venir investir dans un pays. Elles sont donc des préalables pour l’essor
des entreprises publiques et privées, le développement du monde des affaires et la prospérité
économique, voire l’émergence du pays.

Dans ce contexte, la Côte d’ivoire, notre pays, s’est inscrite dans cette logique par
l’institution d’un système pénitentiaire à l’effet de faire régner un climat de sécurité au sein
de la population. Le système pénitentiaire englobant l’ensemble des établissements
pénitentiaires et des structures adaptées pour la réinsertion des délinquants. C’est dans cette
optique que nous analysons le thème suivant : la prison à l'épreuve du temps en Côte
d’ivoire depuis 1893. Quelle est la signification de ce sujet? Qu’est-ce que nous voulons
exactement étudier à travers ce sujet ? Pour répondre à de telles interrogations, il nous faut
disséquer les différentes notions que recouvre ce sujet.

Source Internet : www.google.fr (histoire des prisons) consulté le 20 juillet 2014.


Maryvonne LORCY, l’évolution des conceptions de la peine privative de liberté, CRDF n°3, 2004, P. 11.
^^Mireille DELMAS-MARTY, op.cit. P. 146.

7
La prison signifie étymologiquement au XlL siècle, prisun, prisum « prise, capture » ;
latin populaire, prensio, onis ; latin classique, prehensio, onis, de prehendere « prendre » . Sa
famille étymologique est donc le verbe prendre. La prison est un lieu de détention, un
établissement clos, aménagé pour recevoir des délinquants condamnés à une peine privative
de liberté ou des prévenus en instance de jugement’^.

La prison est un terme générique qui, dans le langage courant, désigne les
établissements dans lesquels sont subies les mesures privatives de liberté^^. Elle est un lieu

d’emprisonnement ; par extension, elle désigne la peine d’incarcération. Vue sous cet angle,
la prison est une peine établie par la société pour mettre hors d’état de nuire les individus
dangereux qui troublent ou sont susceptibles de troubler l’ordre public instauré.

La prison est un établissement de détention des personnes condamnées par la justice


pénale ou en attente d’être jugées ; c’est également une peine qui condamne une personne à
21
être privée de liberté et à être enfermée dans un lieu de détention.

La prison n’est donc pas un lieu ordinaire, un endroit agréable, puisque c’est un lieu de
punition consécutive à une infraction commise. Les prisonniers, dans ce cas, ne bénéficient
pas d’un traitement de faveur comme les autres hommes libres de la société. Ils ne sont pas
libres de leurs mouvements, d’assouvir leurs désirs, leurs besoins comme ils l’entendent.
C’est une sorte d’enfer sur terre où les délinquants subissent leur peine. C’est ainsi que
l’écrivain marocain d’expression française Ben Jelloun TAHAR, affirme : « La prison est un
lieu où on simule la vie. C'est une absence. Elle a la couleur de l'absence, la couleur d'une
longue journée sans lumière. C'est un drap, un linceul étroit, déserté par la vie »

Dans cette logique, les personnes détenues en prison sont privées d’un droit
essentiel : la liberté d’aller et de venir. En plus, elles sont soumises à des contraintes telles que
les menus travaux carcéraux, cela sous le contrôle et la surveillance accrue des gardes
pénitentiaires. C’est dans ce contexte que Yasmina KHADRA affirme : « En prison, c'est
comme au cirque : d'un côté il y a les fauves en cage, de l'autre les dompteurs armés de
cravache. Les lignes de démarcation sont claires ; celui qui les ignore ne doit s'en prendre

” Le Petit Robert de la langue française 2014(version numérique).


'^Ibidem.
2°Serges GUINCHARD et Thierry DEBARD, Lexique des termes juridiques, 19® édition, Dalloz, Paris, 2011, P.
680.
Dictionnaire électronique, Microsoft encarta 2009.
22 Citation extraite de la nuit sacrée de Ben TAHAR JELLOUN, paru le 1/9/1987, éditions seuil, collection cadre
rouge.

8
qu'à lui-même}^ »Dans le même ordre d’idées, Jules VERNE affirme : « un prisonnier est
plus possédé de l'idée de s'enfuir que son gardien n 'est possédé de l'idée de le garder^"^ ».

En somme, la prison pennet de punir une personne reconnue coupable d’une faute d’une
certaine gravité, de protéger la société des personnes dangereuses, de décourager les gens de
commettre des actes interdits par la loi, d’obliger le détenu de faire pénitence en le forçant à
poursuivre des études ou à une activité destinée à le réinsérer où le réhabiliter. Elle permet
également de neutraliser les opposants politiques (dans les régimes dictatoriaux);d'empêcher
des prévenus de prendre la fuite ou de compromettre leur futur procès, on parle alors de
détention provisoire. Par ailleurs, il faut noter que les fonctions de la prison varient selon les
époques et les sociétés.

On attribue principalement des principes à la prison, qui sont : la correction qui


nécessite l’amendement et la resocialisation du délinquant ; la classification qui implique la
répartition des détenus dans des établissements pénitentiaires selon différents critères (âge,
sexe, gravité de l'acte, etc.) ; la modulation qui passe par différentes étapes (privation de
liberté, assignation à résidence suivie de libération conditionnelle avant la liberté) ; le travail,
comme obligation et comme droit (tout condamné a le droit de travailler plus que l'obligation
de travailler), le travail pénitentiaire pourrait contribuer à la réinsertion professionnelle des
détenus ; l’éducation ; le contrôle qui nécessite un personnel spécialisé. Après l’approche
définitionnelle de la prison, qu’en est-il de la notion d’épreuve?

Quant au mot épreuve, il est dérivé du verbe « éprouver ». C’est donc l’action
d’éprouver quelque chose ou quelqu’un ; c’est une souffrance, malheur, danger qui éprouve le
courage, la résistance.^^ Le terme « épreuve » signifie également le fait de tester, c’est ce qui
permet de juger la valeur d’une idée, d’une qualité intellectuelle ou morale, d’une œuvre,
d’une personne, etc.^^ C’est un test destiné à juger de la valeur ou de la résistance de
quelqu'un ou de quelque chose.

« L’épreuve », désigne l’essai par lequel on éprouve la résistance, la qualité de quelque


chose ; test, critère (Soumettre une voiture à l'épreuve d'un rallye dans le désert.). C’est une

Citation extraite « de » les anges meurent de nos blessures de Yasmina KHADRA, Julliard, 2013.
2'* Citation extraite « de » les farceurs de blocus de Jules VERNE, éditions Hetzel, 1884, P.263.
^^Fidèle TRA BI ZAÉ, mémoire de Master 2, Droit public, option Histoire du Droit et des Institutions, thème : le
système pénitentiaire ivoirien de 1893 à nos jours, présenté le 08 décembre 2013, Université Alassane Ouattara
de Bouaké, 2012-2013, P. 2.
Josette REY-DEBOVE et Alain REY (dir), le nouveau Petit Robert, nouvelle édition millésime 2007, P. 911.
Ibidem.

9
Interrogation, un exercice, une composition faisant partie d'un examen, d'un concours (Les
épreuves théoriques et les épreuves pratiques du permis de conduire.). Elle renferme aussi
l’idée d’une Compétition sportive (une épreuve contre la montre). Aussi, c’est une Difficulté
qui éprouve le courage de quelqu'un, qui provoque chez lui de la souffrance (Il a dû surmonter
beaucoup d'épreuves).

Dans le domaine de l’imprimerie, l’épreuve désigne une Feuille de contrôle sur


laquelle on indique les corrections à effectuer. En Mathématiques, c’est T Expérience dont les
différentes issues sont aléatoires et auxquelles on peut attacher des probabilités connues ou
estimées.

En Photographie, c’est une Image obtenue sur support opaque par tirage d'après un
phototype. En Thermique, c’est un Essai consistant à soumettre la chaudière à une pression
d'eau déterminée, à froid. En Travaux publics, c’est un Essai d'un ouvrage avant sa mise en
service. Comme expressions relatives au mot épreuve, nous avons :

« À l'épreuve de » signifie : en état de résister à. « À toute épreuve »: capable de

résister à tout. « Mettre à rude épreuve »: imposer quelque chose de difficile à supporter.
« Mettre à l’épreuve » : éprouver les qualités, la valeur de quelqu’un, de quelque chose.

Quant à la lexie « temps », elle est dérivée du terme latin tempus qui désigne le milieu
indéfini où paraissent se dérouler irréversiblement les existences dans leur changement, les
évènements et les phénomènes dans leur succession. C’est donc une notion fondamentale
conçue comme un milieu infini dans lequel se succèdent les évènements.

« Temps » désigne la succession des jours ; des heures, des moments, considérée par
rapport aux différentes occupations des personnes et n’est synonyme de « durée » que pour
désigner soit la succession ininterrompue des moments considérée absolument, soit l’espace
écoulé entre le commencement et la fin d’une chose ou d’un être. Il signifie donc une durée
nécessaire, une époque délimitée par rapport à un fait, une personne, une institution. Il peut
concerner également une époque historique, une période.

De ce qui précède, il faut le reformuler tout en faisant ressortir le sens exact. 11 nous faut
donc délimiter notre sujet à travers les différentes définitions analysées pour une
compréhension plus aisée.

Henri BÉNAC, dictionnaire des synonymes, librairie Hachette, Paris 1956, P.930.

10
La prison, dans notre cas d’étude, ne concerne pas ce qui enferme moralement, en
parlant de l’étroite prison des préjugés d’une personne. Elle n’est pas non plus un endroit où
une personne est enfermée ou à l’impression de l’être, par exemple pour le prince le château
était une prison.

Elle n’est pas un bâtiment sinistre qui évoque un lieu de détention en comparant par
exemple une maison délabrée à une prison. Elle n’est pas également ce que l’on ne peut pas
réaliser, dans ce contexte l’écrivain français Louis-Ferdinand CELINE (1894-1961)
29
affirme : « presque tous les désirs du pauvre sont punis de prison ».

La prison, dans notre cas d’espèce, renvoie à un lieu de détention, une structure
aménagée pour recevoir des individus qui ont transgressé la loi. Ces individus s’y trouvent à
la suite d’une décision de justice, à l’issue d’un procès équitable en principe. Aussi faudrait -
il noter que la prison renvoie également au terme « établissement pénitentiaire », c’est-à-dire
un établissement où l’on purge sa peine d’emprisonnement.

Quant à l’expression « À l’épreuve de », ne signifie pas souffrance, adversité, malheur.


Elle ne renferme pas, non plus, l’épreuve d’un examen, compétition sportive... Elle implique
plutôt, le fait de tester la valeur, la qualité ou la résistance de quelque chose. Ainsi, « à
l’épreuve de », c’est ce qui est en état de résister, de tenir à...et pour être plus précis, elle
renvoie aux termes « au fil du temps ». Il se dégage donc nettement l’idée d’évolution, de
progression en rapport avec le temps.

La notion « temps », désigne le milieu indéfini où paraissent se dérouler


irréversiblement les existences dans leur changement, les évènements et les phénomènes dans
leur succession. C’est donc une notion fondamentale conçue comme un milieu infini dans
lequel se succèdent les évènements. Il signifie donc une durée nécessaire, une époque
délimitée par rapport à un fait, une personne, une institution. Il peut concerner également une
époque historique, une succession d’années, une période, au risque de nous répéter. Il s’agit
donc d’analyser la place de la prison au fil des années en Côte d’ivoire. Outre ces analyses, il
nous paraît utile de faire une brève présentation de la Côte d’ivoire, objet de notre étude.

La Côte d’ivoire est située en Afrique de l’Ouest, elle s’étend sur une superficie de 322
462 Km^. Elle est limitée au Sud par l’Océan Atlantique, à l’Est par le Ghana, au Nord par le

Citation extraite « de » voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand CÉLINE, paru le 15 janvier 1952,
édition Gallimard.

11
Burkina Faso et le Mali, et à l’Ouest par la Guinée et le Libéria. Sa capitale politique est
Yamoussoukro et Abidjan, la capitale économique. La population ivoirienne est estimée en
2011 à 22,6 millions d’habitants dont 26% d’immigrés provenant principalement des pays de
la sous-région. Le pays compte une soixantaine d’ethnies réparties en cinq grands groupes à
savoir : les Voltaïques, les Mandés du Nord, les Mandés du Sud, les Akans et les Krou. En
outre, le pays a fait de la laïcité un principe Constitutionnel pour une meilleure cohabitation
entre les différentes confessions religieuses, dont les principales sont l’Animisme, le
Christianisme et l’Islam.

Devenu colonie française le 10 mars 1893, le pays acquiert son indépendance le 7 août
1960, sous la houlette de Félix Houphouët-Boigny, premier président de la République.
Membre de l’Union africaine (UA) et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique
de rOuest (CEDEAO), la Côte d’ivoire a pour langue officielle le français et pour monnaie,
le franc CFA (1 euro = 655.957 FCFA). L’économie, essentiellement axée sur la production
de café et de cacao, connaît au cours des deux premières décennies un essor exceptionnel,
faisant de la Côte d’ivoire un pays phare dans la sous-région ouest-africaine.

Le 07 décembre 1993, le président Félix Houphouët-Boigny décède. Henri Konan BEDIE


succéda constitutionnellement à Félix Houphouët-Boigny, en décembre 1993. Elu, au cours
de l’élection présidentielle de 1995, Il fut renversé le 24 décembre 1999 par un coup d’Etat
conduit par le Général Robert GUEI, propulsé à la présidence du Comité National du Salut
Public. L’élection présidentielle d’octobre 2000 opposa le Général GUEI au leader du Front
Populaire Ivoirien (FPI), de Laurent GBAGBO et fut remporté par ce dernier. Le 19
septembre 2002, il y a le déclenchement d’une crise politico-militaire qui a perduré malgré
les médiations internationales jusqu’à l’organisation des élections de 2010.Ces élections ont
entraîné une grave crise post- électorale. Malgré ce fait, les résultats de ces élections ont été
reconnus internationalement et ont proclamé Alassane OUATTARA vainqueur. Ce dernier a
été réélu en 2015 au cours d’élections apaisées pour présider la destinée de la Côte d’ivoire
jusqu’en 2020.

Après cette présentation, il nous paraît opportun de justifier le choix de l’année 1893.

Le choix du 10 mars 1893 comme repère temporel se justifie par son importance dans
l’histoire de la Côte d’ivoire. Cette date marque, en effet, l’annexion du pays en tant que
colonie française. A partir de cette date, elle était essentiellement sous le joug du colonisateur

Source internet : www.google.fr

12
français qui exerçait, à cet effet, une autorité exclusive sur le territoire et sur la population
autochtone.

Ainsi, la question principale de notre étude est ainsi libellée : Quelle est la place de la
prison dans la politique coloniale et contemporaine en Côte d’ivoire ? A partir de cette
question essentielle, une série de questions sous-jacentes se dégagent : Quelle est la situation
de la Prison de nos jours en Côte d’ivoire, après plus d’un siècle d’existence ? Quel est
l’impact de la prison sur l’environnement socio-économique en Côte d’ivoire ? Y a-t-il eu une
évolution au niveau de la mission assignée à la prison depuis l’ère coloniale jusqu’à nos
jours ? Pour répondre à ces différentes interrogations, il nous a paru utile d’aller à l’aune de
1893 à savoir l’époque coloniale pour analyser le contexte idéologique de son institution.
Dans cette logique, il importe d’analyser le contexte historique de la colonisation afin de
comprendre les mobiles de la création de la prison dans la colonie de Côte d’ivoire.

De ce qui précède, il importe d’analyser le processus colonial. Le mot colonial n’apparaît


dans la langue française qu’au XIV® siècle, les dérivatifs forgés à partir de la racine colonus,
colonia ne furent en usage que plus tard tels : colonial (1776), coloniser (1790), colonisateurs
(1835), colonisation (1769), colonisable (1838), décoloniser (1955), décolonisation (1836).^’

Le mot « colonie » dérive donc du latin colonia, de colonus (colon), groupes de


personnes parties d’un pays pour s’établir dans un autre (colonies romaines, grecques établies
dans l’antiquité autour de la méditerranée). La lexicographie relative au phénomène colonial
s’est peu à peu diversifiée, prenant ainsi acte de ses évolutions. Les premiers termes usités
dans la langue française, et ce dès le XIV® siècle, sont ceux de colon et de colonie. Hérités du
latin, ils témoignent d’une pratique antérieure, remontant à l’époque antique.

Bien que désignant des pratiques socio-politiques antérieures à l’avènement de l’empire


romain, il n’en exprime pas moins sa politique tardive de substitution de la solde des
militaires, compte tenu de la trésorerie, par leur installation sur les terres conquises, les terres
frontalières de l’empire.^^

En effet, fondée comme frontière de l’État romain, la colonie se transforme


progressivement en source d’approvisionnement en céréales, bref en vivres de Rome : à la

Henri LÉGRÉ OKOU, Histoire des Institutions et du Droit colonial, édition lumière de DEASSA
(collection « le succès est au bout de l’effort »), Abidjan 2014, P. 2.
Henri LÉGRÉ OKOU, Histoire des Institutions et du Droit colonial, op.cit.P.l.

13
place de la solde, les militaires garde-frontière se nourriront du produit de la terre et
• • TQ
nourriront l’Etat romain.

Ainsi, la colonie se saisit comme étant, l’expression de dépendance économique qui


s’établit entre les soldats installés sur les terres frontalières pour les cultiver et Rome^"*. De là,

suit le verbe colore en latin (cultiver s’entend) qui servira de conceptualisant pour rendre
35
compte de tout ce qui a trait aux rapports entre les colonies et Rome.

Trois liens ressortent, donc, de la colonie : la prégnance juridique de Rome sur les
colonies, les rapports économiques entre la métropole et les colonies, le statut des colons à la
fois soldats en activités et cultivateurs ; ainsi qu’elle soit colonie de peuplement ou
d’exploitation, elle ne déroge pas à cette triple dépendance.

Une différence est généralement faite entre les colonies dites de peuplement et celles
d’exploitation. Dans les premières, des colons originaires du pays colonisateur sont supposés
s’installer en nombre suffisamment important pour former des communautés organisées. Il
s’agit, dans ce cas, de déverser une partie de la population de la métropole au sein de la
colonie.

Cependant, Il faut relever qu’il n’a pas existé en pratique aucune colonie de peuplement.
Les colons européens ont toujours vécu aux côtés des peuples colonisés dans des situations de
discrimination plus ou moins poussée. Quant aux colonies d’exploitation (exploitation des
ressources naturelles, minières du pays colonisé), elles ont été les plus pratiquées et les plus
répandues.

La colonie est un établissement fondé dans un pays moins développé, par une nation
appartenant à un groupe dominant ; ce pays, sous la dépendance du pays occupant, qui en tire
profi?^. Elle est également un territoire occupé et administré par une nation étrangère, et dont
il dépend sur les plans politique, économique, culturel, etc. C’est un lieu où vivent les colons
(originaires du pays colonisateur).La colonie est donc un territoire étranger totalement placé
sous le contrôle d’une puissance étrangère. Elle est administrée par un gouverneur
directement nommé par la puissance coloniale.

Ibidem.
Ibidem.
Ibidem.
’^Henri LÉGRÉ OKOU, Histoire des Institutions et du Droit colonial, op.cit.P. 1 P.2.
5^ Dictionnaire le robert zn/c/'o,op.cit, P. 1290.
5® Le petit Larousse 2010 (version numérique).

14
Par définition, le mot « colonie » signifie une réunion d'hommes partis d'un pays
pour en habiter et exploiter un autre. Et la colonisation est le fait de transformer des
pays en colonies dans le but de les exploiter socialement, politiquement et
économiquement.^^Dans ce contexte, coloniser, c’est peupler de colons, faire (d’un pays) une
colonie'***. Dans le langage familier, il signifie envahir, occuper un lieu. Dans ce cas,

coloniser, c’est montrer sa puissance et sa grandeur...

Ainsi, Paul LEROY-BEAULIEU, définit la colonisation antérieure au XIX*^ siècle en


disant ceci : « coloniser ...c’est s’approprier des terres lointaines par la culture, c’est s’y
établir sans esprit de retour dans la patrie primitive, c ’est fonder une société civilisée dans un
pays soit vacant, soit d’une population insuffisante .

L’évolution du vocabulaire rend compte de l’évolution des relations coloniales. Au


XIV’’’ siècle, le terme « colon » désigne la personne qui cultive une terre dont elle n’est pas
propriétaire, en contrepartie du paiement d’un loyer en nature'^^.

À partir du XVIlE siècle, le terme subit une évolution notable et caractérise celui qui
fonde ou peuple une colonie, reflétant ainsi les nouvelles relations existant entre les pays
d’Europe occidentale, d’une part, et les continents américain, asiatique et africain, d’autre
part. Cette nouvelle donne s’est également traduite par l’apparition du terme de colonisation
qui, à partir du XVIlE siècle, désigne l’action de coloniser.'*^

En ce qui concerne la colonisation, elle est un processus d’expansion et de domination


politique et économique (à différencier du colonialisme qui est une doctrine ou une idéologie)
pratiquée par certains États sur des peuples alors obligés d’accepter des liens plus ou moins
étroits de dépendance'*'*.

Dans cette perspective, LEROY Beaulieu, théoricien volontaire de la colonisation, dira


ceci «la colonisation est la force d’expansion d’un peuple: c’est son pouvoir de
reproduction, c ’est sa croissance et sa multiplication dans l ’espace ; c ’est la sujétion de
l’univers ou d’une grande partie de l’univers à la langue, aux usages, aux idées et aux lois de

Abdou LABO BOUCHE, les exactions d’administration coloniale dans le roman africain, case studies
journal, vol.2-issue 4-2013, ISSN (2305-509x) 4 mai 2013, pl sur www.casestudiesjoumal.com.
Abdou LABO BOUCHE, op.cit.P.l.
Paul LEROY-BEAULIEU, de la colonisation chez les peuples modernes, (f édition Félix ALCAN et
Guillaumin, 1908, Paris, P. 141.
Microsoft encarta, op.cit.
Ibidem.
Source internet : Wikipédia consulté le 21 juillet 2014.

15
ce peuple. . C’est dans ce contexte qu’à partir du XV® et du XVI® siècle, les Européens se
lancèrent à la conquête des autres continents du monde (Amériques, comptoirs en Asie et
Afrique) pour établir sur ces nouveaux territoires les jalons de leur suprématie économique et
politique. On peut donc affirmer, selon Georges BALANDIER, que « l'un des évènements les
plus marquants de l'histoire récente de l'humanité est l'expansion à travers le globe, de la
plupart des peuples Européens

Par ailleurs, il faut noter que parmi les continents à conquérir, l’Afrique
particulièrement était méconnue par les Européens. Pour renchérir, Gustave VALLAT
affirme :« 7/ y a un demi-siècle, l’intérieur de VAfrique était complètement inconnu. On
remarquait sur les cartes les plus exactes, de l'océan Atlantique à la mer rouge, de vastes
espaces laissés en blanc pour figurer les déserts du Sahara et du Soudan qu 'on tenait pour de
pures solitudes."^'Ainsi, à l'exception de l'Australie, l'Afrique est assurément de toutes les

parties du monde celle qui est restée le plus longtemps inconnue » . Les Européens, avec en
première posture les Français, vont se lancer à la découverte de l’intérieur de l’Afrique dans la
seconde moitié du XIX^ siècle.

Dans ce contexte, au XIX® siècle, les Européens qui avaient exploré les côtes
Africaines, voulurent mieux connaître l’intérieur du continent. Plusieurs mobiles ont sous-
tendu cette démarche, ils avaient plusieurs sources de motivation : la curiosité scientifique ;
la volonté de faire cesser la traite des Noirs ; celle de répandre la religion chrétienne et
surtout le désir de découvrir puis exploiter les richesses de l’Afrique afin de faire asseoir leur
hégémonie sur le plan mondial. Dans de nombreux cas ; les explorateurs suivirent le cours des
fleuves pour pénétrer à l’intérieur du continent, bien que ces fleuves fussent peu navigables.

11 faut aussi ajouter que le point de départ des ambitions européennes se situe au
Congo. Le roi des Belges, Léopold II, qui s'intéresse aux questions coloniales et gère une
importante fortune personnelle, crée en 1876 la fondation d'une Association Internationale
Africaine à but essentiellement géographique : explorer le continent. Il trouve dans l'Anglais

'’’^Norbert DODILLE, introduction aia discours coloniaux, presses de l’université Paris-Sorbonne, 2011, P. 33.
Georges BALANDIER, la situation coloniale : approche théorique, in « cahiers internationaux de
sociologie » vol. 11, 1951, pp 44-79, Paris ; les presses universitaires de France, P.44.
''^Gustave VALLAT, A la conquête du continent Noir, missions militaires et civiles de 1892 à 1900
inclusivement, d’après des documents officiels Paris, 1901, J. LEFORT, Imprimeur, Editeur ; A. Taffm-
LEFORT, successeur, Lille, plO.
^*Idem, P. 12.

16
Stanley"^^ l'organisateur de l'exploration du bassin du Congo. Celui-ci se heurte aux ambitions

Françaises et Portugaises sur ce bassin. L'enjeu devient Européen; les intérêts de Léopold II se
heurtent à ceux d'autres pays colonisateurs.

Pour régler ce conflit, en 1884, le chancelier Allemand Bismarck propose une


conférence à Berlin, afin de régler les problèmes du commerce dans le bassin du Congo.
Jusque-là intéressé par les seuls problèmes Européens, Bismarck se rallie à l'idée de protéger
les marchands Allemands en Afrique^®.

La conférence de Berlin (novembre 1884-février 1885), à laquelle participent les


principaux États Européens, rédige un "acte final". Celui-ci, après avoir défini le bassin du

Congo, établit l'obligation de respecter le libre-échange pour toute puissance colonisatrice,


même en cas de guerre; il définit les conditions à remplir pour l'occupation effective des côtes
et elles seules : implantation du "pavillon", autorité suffisante et notification diplomatique.

L'acte, qui n'autorise aucun partage, le déclenche dans les faits. Dès lors, dans une
course de vitesse, la France entreprend de constituer un vaste empire, de la Méditerranée à
l'Afrique occidentale. L’Angleterre veut dominer l'Afrique orientale du Cap au Caire. La
Belgique, l'Allemagne et l'Italie, moins bien lotie, se partagent le reste de l'Afrique. Des
heurts nombreux opposent les grandes puissances, mais de multiples traités bilatéraux
permettent de fixer les frontières des territoires conquis.

Deux problématiques ont été donc à l’origine de l’établissement des règles du jeu de la
colonisation des « derniers espaces vierges ». Il s’agissait de la question du contrôle du fleuve
Congo et de celle du droit de conquête d’une structure privée^’. Pendant leur réunion à Berlin

1884-1885 les Européens réglèrent leurs accords et établirent les règles de la colonisation de
l’Afrique Noire : la conquête du continent Africain allait commencer.

De cette course à la conquête voire de l’expansion coloniale découlaientt des


motivations essentielles. Tout d’abord, l’ouverture ultra-marine de l’Europe sur l’Afrique ;
c’est une histoire complexe où s’affirment des motivations mercantiles, un postulat

■D’Henry Morton STANLEY (1841-1904), de son vrai nom John ROWLANDS, journaliste et explorateur anglo-
américain, il est l’un des principaux acteurs de l’exploration et de la colonisation en Afrique. En 1879, au service
de Léopold II, roi des belges, il retourna au Congo pour une autre expédition qui dura cinq ans. Au cours de cette
période il fit construire une route du bas Congo au Stanley pool (aujourd’hui Malabo pool) et posa les jalons de
la fondation d’un Etat indépendant du Congo.
5°Source internet.www.google.ci (cliotexte), 1997-2014) consulté le 04 août 2014.
^^Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, nouvelle édition,
ABC, Abidjan juin 2012, P.15.

17
missionnaire et une vision de l’étranger, par lesquels l’intérêt porté au continent Africain s’est
trouvé lié soit à un opportunisme pratique, résolument inhumain ou tempéré de curiosité, soit
à une volonté de traduire( la pensée des populations rencontrées) superficielle ou profonde .
11 y avait donc plusieurs arguments qui ont favorisé cette conquête. Les mobiles et arguments
53
évoqués par les promoteurs de l’aventure coloniale furent partout analogues.

11 y avait également des motivations stratégiques. L’entreprise coloniale fut, en fait,


conçue comme indispensable en vue de l’acquisition de points d’appui maritimes nécessaires
aux grandes puissances, pour agir partout dans le monde.^'^Enfm, des arguments politiques et

idéologiques sont également évoqués ; le désir de conquête répond au besoin d’accroître le


prestige des États^^.

C’est finalement le facteur politique qui domine, surtout à partir des années 1880. Les
Etats cherchent à s’étendre pour répondre à leur soif de puissance , de prestige, de sécurité
(nécessité de bases navales) et d’avantages diplomatiques vis-à-vis des autres Etats. Dans ce
contexte, les partisans de la colonisation en Europe apportent un soutien de plus en plus
systématique à l’entreprise coloniale, et la justifient par de multiples arguments. L’importance
des empires coloniaux apparaît désormais comme un des critères de la puissance des pays
occidentaux.

Aussi, la rivalité des pays européens conduit à ne laisser aucun territoire inoccupé par
carinte qu’il ne passe sous la domination d’un pays colonisateur concurrent. La nécessité de
prendre place dans le commerce mondial impose également de posséder des bases navales et
commerciales en divers points du globe.

En outre, pour la France, l’empire colonial est envisagé en tant que vivier humain, dans
la mesure où, face à l’Allemagne, elle souffre d’un déficit démographique dont elle redoute
les conséquences en cas de conflit. À travers la conquête coloniale, les grands Etats cherchent,
de ce fait, à affirmer leur force et la vitalité de leur race. Dans un tel contexte, partout en
Europe, il y aura des discours de justification de la colonisation. C’est ainsi qu’en France,

^^Maurice IIORIJS, « anthropologie linguistique de l’Afrique noire », Paris, 1971, P. 15.


^Patrick Papa DRAMÉ, l’impérialisme colonial français en Afrique : enjeux et impacts de la défense de l’AOF
(1918-1940), l’Harmattan, 2007, P.9.
5'* Ibidem.
” Idem, P.9-10.
^‘’Territoire et population sont des facteurs traditionnels de puissance.

18
Jules FERRY 5^(1832-1893), homme politique français prononça le discours suivant à la

chambre des députés lors de la séance du 28 juillet 1885:

« La première forme de colonisation, c ’est celle qui offre un asile et du travail au


surcroît de population des pays pauvres ou de ceux qui renferment une population
exubérante. Mais il y a une autre forme de colonisation, c ’est celle qui s ’adapte aux peuples
qui ont, ou bien un excédent de capitaux, ou bien un excédent de produits. Et c ’est là la forme
moderne (...). Les colonies sont pour les pays riches un placement de capitaux des plus
avantageux (...). Mais, Messieurs, il y a un autre côté plus important de cette question, et qui
domine de beaucoup celui auquel je viens de toucher. La question coloniale, c ’est pour les
pays voués par la nature même de leur industrie à une grande exportation, la question même
des débouchés. Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d’expansion
coloniale - celle qui nous a fait aller, sous l’Empire, à Saigon, en Cochinchine (c’est-à-dire
le sud de l’actuel Vietnam),celle qui nous conduit en Tunisie, celle qui nous a amenés à
Madagascar - je dis que cette politique d’expansion coloniale s’est inspirée d’une vérité sur
laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention, à savoir qu’une marine comme la
nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d’abris solides, de défenses, de centres
de ravitaillement (...). Les nations, au temps où nous sommes, ne sont grandes que par
l’activité qu’elles développent ; ce n’est pas par le rayonnement pacifique des institutions. (...)
Il faut que notre pays se mette à même de faire ce que font tous les autres et, puisque la
politique d’expansion coloniale est le mobile général qui emporte à l’heure qu’il est toutes les
puissances européennes, il faut en prendre son parti. »

Ainsi, dans les années 1880, l’argumentaire de Jules FERRY(le principal promoteur
de l’expansion coloniale) et des républicains favorables à l’expansion coloniale se fonde avant
tout sur des considérations diplomatiques, stratégiques et économiques. L’idée du
rayonnement de la France relève moins d’une justification morale - l’alibi de la mission
civilisatrice de la France - que du désir de concurrencer la Grande Bretagne et d’affirmer une
présence active du pays dans le concert des nations en Europe et au-delà^^.

D’Homme politique français, considéré comme un des pères fondateurs de l’identité républicaine en France. 11 fut
de 1883 à 1885, ministre des colonies et était convaincu que son pays a une mission civilisatrice outre-mer.
^^Source : Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
^’Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

19
En Angleterre, le britannique Rudyard Kipling^^ (prix Nobel de littérature 1907), encense

le processus colonial à travers Le Fardeau de l'homme blanc (célèbre poème de 1899) et écrit
par ailleurs : « L'Angleterre, nation choisie par Dieu pour apporter aux peuples de couleur
les bienfaits de la civilisation blanche Il y avait en Europe toute une panoplie
d’arguments pour se lancer dans cette course de conquête de nouvelles terres.

Les français, à l’instar des autres européens, vont se lancer dans le processus colonial
avec tout un arsenal de justifications et de motivations. Cependant, il faut relever que
l’Afrique a été l’un des derniers continents découverts dans ses profondeurs. Il leur fallait
pénétrer le continent africain et explorer les forêts où vivaient des populations regroupées et
organisées en chefferies, en royaume. Ils vont donc peaufiner toute une stratégie à l’effet de
conquérir ces nouveaux espaces et exercer une domination voire une emprise totale sur les
populations locales africaines. Dans ce contexte, ils vont utiliser deux méthodes voire deux
stratégies principales dès l’entame du processus de colonisation des peuples Africains
notamment la méthode pacifique et la méthode violente ou forte.

La méthode pacifique consistait pour le colonisateur à signer des traités, des


conventions avec les populations locales afin de s’installer sur leurs terres et les exploiter. En
Côte d’ivoire. Cette première méthode fut conduite par le gouverneur BfNGER. Il s’agissait
concrètement d’exploiter le littoral, de se rapprocher des chefs coutumiers en vue de signer
avec eux des traités, installer le drapeau français, les postes militaires pour la défense de
l’autorité Française et aussi de faire le commerce avec les populations locales. Il s’agit
d’amener les populations à accepter la présence française par la persuasion...

Ainsi, au cours de leurs voyages, Binger, Clozel et leurs compagnons laissaient leur
pouvoir aux chefs de tribu en place. Ils signaient avec eux des traités, plantaient le drapeau
français et installaient des postes militaires pour y loger au passage et faire du commerce .
Sur le littoral de la Côte occidentale de l’Afrique, du 9 février 1842 date de la signature du
premier traité avec le roi Peter de Grand-Bassam jusqu’au 11 avril 1894 date probable du

^’^Rudyard KIPLING (1865-1936), écrivain britannique, auteur de romans, de poèmes et de nouvelles qui ont
essentiellement pour toile de fond l’Inde et la Birmanie à l’époque de la domination britannique. En 1907, il est
le premier britannique à recevoir le prix Nobel de littérature.
Source internet : www.google.ci consulté le 10 novembre 2014.
“ Pierre KIPRÉ, Côte d’ivoire, la formation d'un peuple, l’Afrique « dans tous ses états » collection dirigée par
Elikia M’BOKOLO, Sides-lma 2005, P. 109.
“idem, P. 80.

20
dernier traité passé avec les différentes tribus M’BATO, la France aura signé pas moins de
• ’ 64
quarante traites .

Ainsi, il y a le traité conclu avec AMON N’douffou (1®’’ janvier 1844), le traité avec
AKA Simadou, nouveau roi d’assinie (14 janvier 1886), le traité conclu avec le roi de Bettié
(13 mai 1887), le traité conclu avec le roi de l’indénié (25juin 1887), le traité avec le pays de
yakassé (21 juillet 1887), le traité conclu avec le pays Abron et de Bondoukou (13 novembre
1888), le traité conclu avec le roi de Kong (10 janvier 1889)^^...

Bouêt-Willaumez signa des traités avec des chefs traditionnels de la Côte et établit le
protectorat de la France sur la Côte d’ivoire. Au milieu du XIX® siècle, le capitaine Louis
FAIDHERBE signa des traités « d’amitié » avec les peuples lagunaires et fit construire un fort
à Dabou. Treich-LAPLENE, quant à lui remonta le fleuve Comoé, atteignit Bondoukou, puis
Kong. Il signa des traités de protectorat avec de nombreux chefs coutumiers.

Ces différents traités permirent aux colons de pratiquer le commerce avec les
populations indigènes dans le but de faire acheminer vers la France les produits dont son
industrie avait besoin. Bien que les traités, les conventions entre les chefs indigènes et les
colons constituassent dans la majorité des cas la méthode dite pacifique, il faut inscrire à juste
titre dans cette méthode la religion chrétienne (l’évangile).

L’évangélisation est une prescription laissée par JESUS-CHRIST à ses disciples. Tout
chrétien, disciple du Seigneur JESUS-CHRIST devra se conformer à cette prescription.
L’évangélisation est un devoir voire une obligation pour tout chrétien. Ce devoir ressort
nettement à travers les saintes écritures (la bible) dans le livre de Marc 16 V 15 à 16 : « Puis il
leur dit : Allez dans le monde entier et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui
croira sera sauvé, mais celui qui ne croira pas sera condamné. » De même, il est écrit dans
le livre de Mathieu 28 VI9 à 20 : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-
les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et enseignez-leur à garder tout ce que je vous
ai prescrit... »

Dans cette optique, il était donc impérieux pour les missionnaires français de parcourir
toute l’Afrique afin d’annoncer l’évangile aux africains. C’est dans cette optique que les
premiers français à s’installer en Côte d’ivoire furent des missionnaires. Le premier contact

^Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit. P.36.
Henri LÉGRÉ OKOU, Histoire des Institutions et du Droit colonial, op.cit. P. 127.

21
avec la France date de 1637, lorsque des missionnaires débarquèrent à Assinie, près de la
Côte-de-l’Or, actuel Ghana^^.

Il faut relever également que le christianisme prône la tolérance, la paix, la vie de


partage, l’entraide, l’amour du prochain, le pardon... ; il enseigne également les béatitudes
selon le livre de Mathieu 5 V 1 à 12. Il avait donc pour objectif d’attendrir, assouplir les cœurs
des populations locales à la pénétration française. En conséquence, les missionnaires ont
certainement brisé subtilement certaines résistances à la conquête coloniale afin d’imposer
l’idéologie coloniale.

Par ailleurs, il est opportun de noter que les résultats de cette politique pacifique ne sont
pas satisfaisants voire concluants ; car jusqu’en 1908 la France ne contrôle qu’une partie du
territoire et certaines régions, surtout l’intérieur du pays, sont restées hostiles à cette politique
d’où la nécessité d’une nouvelle politique à savoir la méthode violente ou forte.

Face à l’improductivité voire l’échec de la méthode pacifique, le colonisateur va


utiliser la méthode forte. Celle-ci consistait en des expéditions militaires contre les
populations qui refusaient de se soumettre ou se soulevaient après le passage des colons, des
expéditions punitives, l’emprisonnement des indigènes hostiles à la présence française, des
destructions des villages, des campements rebelles, désarmement des indigènes, arrestation et
déportation des instigateurs des insurrections. Ces opérations militaires eurent lieu çà et là
sous le commandement de Clozel, mais elles furent organisées méthodiquement par le
gouverneur GABRIEL Angoulvant à partir de 1908. Avec l’aide de renforts militaires, il
sillonne le pays à pied pour soumettre les villages ou les campements rebelles ; il n’hésite pas
à les détruire. À la lumière de ce qui précède, la prison, objet de notre étude figure en bonne et
due forme parmi les outils de la manière forte.

De ce qui précède, pourquoi il nous faut travailler sur la prison à l’épreuve du temps
en Côte d’ivoire depuis 1893 ? Quels sont les mobiles qui nous ont motivé à travailler sur un
tel sujet ?

L’écrivain russe Fedor DOSTOÏEVSKI^’^ dans son ouvrage l’épreuve du camp, l’exil
Publié dans le Temps, revue fondée avec son frère Mikhaïl en 1861, Souvenirs de la maison
des morts (1861-1862) décrit les effroyables conditions de vie faites aux détenus.

^^Source : internet, www.google.ci (wikipédia) consulté le 20 novembre 2014.

22
Dans ce récit autobiographique, Dostoïevski brosse des portraits de bagnards avec qui il
a vécu, capables des pires méfaits comme de générosité et de spiritualité. La figure du Christ
lui apparaît alors comme seule capable de transcender l’expérience de la souffrance et d’offrir
à l’homme une chance de rédemption. Il dit aussi dans ses lettres à son frère sa découverte au
bagne du « peuple russe ». Cette expérience le marque psychologiquement, mais aussi
physiquement, puisque c’est très probablement à cette époque qu’apparaissent ses premières
crises d’épilepsie. Son expérience traumatisante en prison l’a amené à affirmer que: « on peut
juger du degré de civilisation d’une société en entrant dans ces prisons».

Pour renchérir, le célébrissime prisonnier sud-africain qui a passé 27 ans en prison et ex­
président de l’Afrique du sud affirme dans « the long walk to freedom » (le long chemin vers
la liberté, autobiographie, Paris, L’École des Loisirs, 1996) affirmait « on ne devrait pas

juger une nation sur la façon dont elle traite ses citoyens les plus riches, mais sur son attitude
vis-à-vis de ses citoyens les plus pauvres- et l’Afrique du sud traitait ses citoyens africains
emprisonnés comme des animaux ».

À travers ces citations, nous remarquons que la prison est un lieu par excellence qui
permet de savoir si un Etat, respecte ou non les droits de l’homme. Elle permet, à cet effet, de
déceler le degré humanitaire d’un État. Elle est un critère essentiel de qualification d’un État

de droit ou pas.

Par voie de conséquence, un système pénitentiaire ouvert et transparent, où les


détenus sont incarcérés dans de bonnes conditions de sécurité, de sûreté et d’humanité et qui
est fondé sur les principes des droits de l’homme fondamentaux, de l’égalité devant la loi et
de la dignité de la personne, est essentiel pour assurer l’instauration de l’état de droit . Un
État de droit ne peut être reconnu que si les conditions d’indépendance de la justice, de
respect de la hiérarchie des nonnes et d’égalité des sujets devant le droit sont réunies^^. Ainsi,
un État de droit est donc soucieux du respect et de l’application des principes de droit de
l’homme.

^’pédor DOSTOÏEVSKI (1821-1881), écrivain russe, représentant le plus illustre, avec Tolstoï, de l’âge d’or de
la littérature russe.
Nations Unies, les droits de l’homine et les prisons, manuel de formation aux droits de l’homme à l’intention
du personnel pénitentiaire, New York et Genève, 2004, P.l.
ONUCl, Actes de la journée de réflexion sur la détention préventive, en collaboration avec le Ministère de la
justice et des droits de l’homme et la section Etat de droit de l’ONUCl, 28 avril 2009, Unity/ peace Hall,
sebroko, P. 5.

23
Dans cette logique, les droits de l'homme sont inhérents à toute personne emprisonnée ou
non, du fait de sa qualité d’être humain et sont fondés sur le respect de la dignité et de la
valeur de chacun. Il ne s’agit ni de libéralités, ni de privilèges accordés au gré d’un dirigeant
ou d’un gouvernement. Aucun pouvoir arbitraire ne saurait par ailleurs les retirer. Toutes les
personnes emprisonnées ou non doivent donc bénéficier de la protection de leurs droits
contenus dans les différentes conventions, chartes et déclarations des droits de l’homme.

Dans cette perspective, La DUDH (déclaration universelle des droits de l’homme)


adoptée le 10 décembre 1948 par T Assemblée générale de l’ONU est la boussole par
excellence de la promotion des droits de l’homme. Tous les Etats membres de cette
organisation ont le devoir de promouvoir et de garantir les droits de l’homme tant des
personnes incarcérées que libres. Toutes ces raisons ont sous-tendu notre intérêt à traiter la
prison à l’épreuve du temps en Côte d’ivoire depuis 1893.

Le thème de la prison a fait l’objet de plusieurs écrits, de réflexions, d’études et de


débats. Ainsi, le 28 mai 1961 L’avocat britannique Peter Benenson publie, dans le journal The
Observer, un article intitulé « Les prisonniers oubliés », qui marque le lancement de T Appel
de 1961 pour une amnistie. C’est l’emprisonnement de deux étudiants portugais, arrêtés pour
avoir porté un toast à la liberté, qui a amené Peter Benenson à rédiger ce texte. L’article est
reproduit dans des journaux du monde entier. Cette situation a entraîné la création d’Amnesty
71
Internationale .

En conséquence, au fil du temps, la finalité de l’incarcération a suscité d’intenses


polémiques qui continuent à nos jours. Certaines personnes pensent que la prison devrait
avoir pour seule mission de réprimer les délinquants ; d’autres admettent qu’elle gagnerait à
jouer un rôle de dissuasion, d’intimidation aussi bien à l’égard des prisonniers pour les
empêcher de commettre de nouveaux délits à leur libération, que d’éventuels candidats à la

Nations Unies, les droits de l’homme et les prisons, op.cit. P.4.


’’ Amnesty International, organisation humanitaire indépendante et privée œuvre en faveur de la libération de
tous les prisonniers détenus pour des raisons politiques ou religieuses. Ce mouvement fut fondé en 1961 par un
avocat britannique, Peter Benenson, et conserve son secrétariat général à Londres. Amnesty International
fonctionne sur la base du volontariat, constituant un réseau de groupements locaux et de membres à travers le
monde.
Les objectifs généraux de l'organisation sont de faire respecter la Déclaration universelle des droits de l'homme ;
de travailler à la libération des prisonniers détenus abusivement, soumis à des restrictions ou à toute autre sorte
de contrainte physique en raison de leurs convictions, de leur origine ethnique, de leur sexe, couleur ou langue ;
de s'opposer à l'emprisonnement sans procès et de sauvegarder le droit à un procès équitable et enfin de s'opposer
à la peine de mort et à la torture, que les personnes concernées aient ou non prôné la violence.

24
délinquance. Cependant, pour certains individus, l’incarcération devrait avoir pour finalité
d’amender et de réinsérer le délinquant dans la société

Le thème relatif à la prison est donc l’objet de nombreuses controverses relatives


aux conditions de détention des prisonniers. Lorsque l’on pense aux prisons, leur aspect
physique est mis en évidence : les murs, les clôtures, un bâtiment aux portes verrouillées, avec
des barreaux aux fenêtres. En réalité, l’aspect le plus important d’une prison est sa dimension
humaine, car la préoccupation principale des prisons, ce sont les êtres humains.’^ À cet effet,

de nombreux organismes ont été créés pour veiller au respect des droits des détenus.

Le traitement des prisonniers et leur condition de détention sont devenus une


préoccupation pour les organisations des droits de l’homme, la société civile, l’observatoire
international des prisons (OIP), l’organisation des Nations Unies. Ces structures militent en
faveur de l’humanisation des conditions de détention. Cet engagement de ces organismes pour
la promotion et le respect des droits de l’homme en prison fait ressortir la dimension pratique
de notre sujet. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, de nombreux organismes ont été
*70

créés pour veiller au respect des droits des détenus .

Ainsi, En son article 9, la DUDH précise que « Nul ne peut être arbitrairement arrêté,
détenu ou exilé », de même que l’alinéa l®*" de l’article 11 rappelle que « Toute personne
accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa
défense lui auront été assurées ».

Quant à la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, adoptée le 27 juin
1981 à Nairobi, Kenya, lors de la 18® Conférence de l'Organisation de l'Unité Africaine
(OUA) et entrée en vigueur le 21 octobre 1986, après ratification de la Charte par 25 Etats,
elle rappelle en son article 3 que « Toutes les personnes Bénéficient d'une totale égalité
devant la loi » et que« Toutes les personnes ont droit à une égale protection de la loi ». Dans
le même ordre d’idées l’article 6 de la charte proclame que« Nul ne peut être privé de sa
liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi; en
particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement ».

Andrew COYLE, gérer les prisons dans le souci du respect des droits de Thomme, manuel destiné au
personnel pénitentiaire, publié par International centre for prison studies, school of law king’s college, London
(Royaume Uni), 2002, P. 13.
Claire FINANCE, prison et cour européenne des droits de Thomme, mémoire Master 2 droit pénal et sciences
pénales, université panthéon-Assas, 2010, P. 6.

25
Au regard de ces différents articles, le thème sur la prison dénote d’un pragmatisme
indéniable. À travers cette étude, nous allons faire ressortir la place de la prison depuis

l’époque coloniale jusqu’aujourd’hui en Côte d’ivoire tout en exposant les maux qui la
minent voire ses dysfonctionnements. Cela permettrait aux autorités compétentes de notre
pays et même des organisations internationales de prendre les mesures idoines afin
d’améliorer les conditions de détention et de régler les différents dysfonctionnements de notre
système pénitentiaire.

De cette logique, nous apporterions notre modeste contribution à l’humanisation des


conditions de détention des prisonniers, au fonctionnement régulier des prisons ivoiriennes
conformément aux principes de gestion internationale dans le domaine carcérale et à
l’efficacité de la prison dans la politique socio-économique en Côte d’ivoire.

Cependant, pourquoi avons-nous décidé d’analyser la prison depuis l’époque


coloniale ? Pourquoi ne nous sommes-nous pas limité aux prisons actuelles ? Pour répondre à
ces interrogations, Joseph John NAMBO affirme : « Dans toutes les sociétés humaines, les
institutions ne peuvent être parfaitement compréhensibles que si on les ramène aux logiques
qui les produisent et les sous-tendent dans le temps et dans l’espace^^. »I1 s’impose donc la

nécessité d’établir un lien avec l’histoire coloniale afin de mieux comprendre l’esprit des
institutions actuelles .

Pour renchérir, Emmanuel LE-RO Y-LADURIE^^ affirme : « l’historien est comme un

mineur de fond. Il va chercher les données au fond du sol et les ramène à la surface pour
qu ’un autre spécialiste-économiste, climatologue, sociologue, les exploite » . Il importe, de
ce fait, à l’historien du droit et des institutions de faire des recherches sur le droit et sur les
instituions du passé afin que cela serve à tout le monde, que chacun, selon son domaine
d’activité ou d’étude, en tire profit. C’est donc par l’histoire que s’expliquent les

Joseph John NAMBO, « quelques héritages de la justice coloniale en Afrique noire » in revue Droit et société
n‘’51-52/ 2002, P.332.
^^Sébastien LATH YEDOH, systèmes politiques contemporains : systèmes politiques étrangers, systèmes
politique ivoirien, les éditions ABC, mai 2013, p9.
LE ROY LADURIE Emmanuel (1929- ), historien français, spécialiste de l’histoire rurale du Moyen Âge et
des Temps modernes.
Source internet : www.google.ci.

26
• • • 72 • • • •
institutions. L’historien du droit se mue..., en véritable prophète de la connaissance
juridique.

L’élaboration du droit ne se conçoit, en effet, qu’en considération du passé : la norme


juridique est toujours créée à partir de constats empiriques témoignant d’une anomalie qu’il
convient de corriger. Plus particulièrement, le droit pénal, en tant qu’il vise à prévenir et
sanctionner les états dangereux, est nécessairement inspiré par l’histoire qui lui offre des
OA

exemples de comportements potentiellement néfastes pour la société .

À travers l’étude des prisons coloniales, nous ferons ressortir la place de la prison dans

la colonie de Côte d’ivoire, les visées qui lui ont été assignées par le colonisateur, et, partant,
son mode de fonctionnement. Ainsi, cela permettra de savoir en quoi la prison a été un
instrument de la politique coloniale. Aussi pour comprendre les maux dont souffrent notre
système pénitentiaire afin d’y apporter des solutions efficaces, il est opportun d’aller à
l’origine voire l’époque de leur institution.

La création des prisons coloniales avait pourtant été rendue légale dès un sénatus-
consulte du 22 juillet 1867 ; un décret du 12 août 1891 du ministère des colonies étendra à
toutes les colonies françaises les dispositions du texte de 1867 . De ce fait, la prison est une
institution coloniale. Il nous importe de l’analyser afin de faire ressortir en filigrane son
impact sur le fonctionnement des prisons à notre époque.

Comment sera menée cette étude ? La méthode fonctionnaliste lui servira de moule.
La méthode d’approche ou le cheminement de l’esprit, c’est-à-dire l’ensemble des procédures
permettant d’obtenir, à propos d’un objet quelconque, une théorie à un niveau de vérification
aussi élevé que possible et permettant d’expliquer l’interdépendance des éléments constitutifs
de cet objet, autrement dit, le processus qui conduit à la découverte scientifique, est
fondamentale, car, elle détermine le résultat de toute étude scientifique.

Henri LÉGRÉ OKOU, Histoire comparative des Institutions de 1’Antiquité, fæ édition, ABC-édition, mai
2004, P. 3.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, histoire comparative des institutions méditerranéennes et négro africaines, les
éditions ABC, mai 2013, P. 22.
Marion LE LORRAIN, rHistoire et le Droit Pénal, Mémoire Master de droit pénal et sciences pénales, 2009-
2010, Université Panthéon-Assas Paris II, P.6.
” Jean Pierre ALLINE,yâr/om’ historiographiques pour une histoire des prisons en Afrique francophone (revue
électronique d’histoire du droit) Clio@themis, P. 6.
Ibidem.
^^Séraphin NÉNÉ BI BOTI, histoire comparative des institutions méditerranéennes et négro africaines,
op.cit.P.24.

27
L’analyse fonctionnaliste est recommandée lorsqu’il s’agit d’étudier une institution-
organisme. Elle consiste à étudier une institution, une réalité, par rapport à la fonction qui lui
a été assignée. Pour quelle finalité ? Ce qu’elle fait maintenant y est-elle conforme ? Est­
elle utile? Est-elle efficace ? Ces questions sur le phénomène sont posées et traitées tant dans
sa conception au départ et après que dans ses résultats à situer aussi bien dans le système
juridique que dans le système social .

Ainsi, le professeur LEGRE OKOU Henri, dans son ouvrage Histoire des Institutions
politiques de première année affirme que: « les Institutions subissent partiellement ou
globalement des transformations dans leurs fondements et leurs finalités. Elles changent en
même temps que les fondements de la société. Elles ne sont donc pas éternelles encore moins
le produit d’une création fantaisiste des hommes, mais reproduisent des objectifs poursuivis
par la société

Dans cette perspective, il faut noter d’emblée que le colonisateur va placer la prison au
centre de sa stratégie coloniale pour dompter et instaurer un ordre public colonial
incontestable. Patrick Papa DRAME écrit, à cet effet que : «Au fur et à mesure de son
implantation en Afrique, la France à Finstar des autres puissances coloniales érige un
système d'organisation politique et défensive conforme à sa stratégie d’ensemble et à sa
volonté d'y faire valoir ses droits de souveraineté ».^^Les Français vont donc doter l’espace

colonial ivoirien d’institutions destinées à connaître, comprendre et surtout quadriller les


indigènes qui persistaient à leur échapper.

La prison, faisant partie de ces instituions, va devenir par conséquent une peine centrale
dans la politique socio-économique coloniale. Il y aura de ce fait une généralisation de
l’enfermement sur toute l’étendue du territoire à l’effet d’exercer une domination totale sur
l’espace colonial et sur les populations autochtones pendant les différentes phases de la
colonisation : la conquête coloniale que précède l’exploration, l’installation ou l’occupation
coloniale qui est antérieure à l’exploitation et la période de la transformation caractérisée par
l’affaiblissement des puissances coloniales consécutif aux conséquences désastreuses de la
deuxième guerre mondiale et à l’éveil des mouvements d’indépendance dans les colonies.
Dans ce contexte, la prison a été un instrument impérialiste au service de la puissance
colonisatrice (première partie) soit de 1893 à 1960.

Noël GBAGIJIDI, cours de méthodologie (mémoire et thèse), P.l 1.


Henri LÉGRÉ OKOU, op.cit., PI.
Patrick Papa DRAMÉ, op.cit. P. 37.

28
Dès lors, la puissance coloniale avait des visées précises selon Charles MOUREY et
Louis BRUNEL : « pacifier le pays et y imposer partout la suprématie française ; ensuite,
mettre en valeur notre conquête en faire une colonie dans le sens le plus complet du mot,
c ’est-ù-dire une terre capable, par ses productions naturelles judicieusement exploitées,
d'assurer à nos nationaux immigrants l'aisance et, dans certains, la richesse ».

La Côte d’ivoire devenue indépendante le 07 août 1960 a conservé cet héritage colonial en
reformant par un nouveau texte, le décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des
établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté. Il y aura de ce fait un véritable aggiomamento de la prison pour abonder dans le même
sens que Gilles CHANTRAINE qui affirme que : « la répression pénale évolue au gré des
changements politiques et idéologiques » .

Dans cette perspective, les nouvelles autorités ivoiriennes vont restructurer et


moderniser cet héritage par la création d’un nouveau système pénitentiaire, cela par le biais du
décret précité, répondant ainsi aux exigences et aux réalités nouvelles qui s’imposent à elles à
savoir la défense sociale, la sécurité des biens et des personnes pour l’émergence socio-
économique du pays. Dans cette logique, la prison est un outil d’utilité sociale (deuxième
partie), car elle aura en principe pour finalité de sanctionner, d’amender et de réinsérer
socialement le délinquant dans l’optique d’un développement harmonieux de la Côte d’ivoire.

^’Charles MOUREY et Louis BRUNEL, l’année coloniale, librairie Charles Tallandier éditeur, Paris, 1899, P.l.
Gilles CHANTRAINE, la sociologie carcérale : approches et débats théoriques en France in « déviance et
société, 2000, vol 24, n° 3 sur www.persee.fr, P.299.

29
PREMIÈRE PARTIE :

LA PRISON, UN INSTRUMENT
IMPÉRIALISTE AU SERVICE DE LA
PUISSANCE COLONISATRICE

30
La France souhaiterait devenir à nouveau cet empire qui avait dominé l’Europe
OQ

après la chute de Napoléon en 1815. Ainsi, pour redorer son blason sur la scène
internationale, la France, à l’instar des autres puissances impérialistes européennes, va se
lancer dans la conquête de nouveaux territoires, surtout africains.

La colonisation sera pour les français une bouffée d’oxygène qui va leur permettre de
s’élargir, de s’étendre, afin de devenir une puissance respectable et redoutable sur le plan
international. Elle sera donc un motif de soi-disant « grandeur » pour la France. C’est ce que
l’historien et écrivain français, partisan de la colonisation, Paul LEROY-BEAULIEU (1842-
1912), écrira en 1870 : « « À coté de ces géants que sera la France ? Un souvenir s'éteignant

de jour en jour. Notre pays a un moyen d'échapper à cette irrémédiable déchéance. C'est de
coloniser. La colonisation est pour la France une question de vie ou de mort. . Un peuple qui
colonise est un peuple qui jette les assises de sa grandeur dans l'avenir et de sa suprématie
future,

Ainsi, la colonisation a été un enjeu national en France, il y aura la mobilisation de certains


hommes politiques, des écrivains et même des journalistes qui vont s’atteler à faire le
prosélytisme de la colonisation pour amener tout le peuple français à s’y investir.

Les français étaient donc dans une logique, celle de pénétrer par tous les moyens les
territoires africains et imposer leur idéologie, leur civilisation aux peuples conquis. L’usage
de la force, de la guerre sera là où la diplomatie a échoué pour conquérir les terres, cela sans
tenir compte des droits élémentaires de l’homme.

Les ivoiriens, à l’instar des autres peuples africains, ont été confrontés à la barbarie
française. C’est dans ce contexte que FRANTZ Fanon affirme : « le colonialisme n 'est pas
une machine à penser, n 'est pas un corps doué de raison. Il est la violence à l'état de nature
et ne peut s'incliner devant une plus grande violence.^» Dans cette logique, les ivoiriens,
dans leurs composantes, vont opposer une résistance singulière à la conquête coloniale.
Devant cette détermination farouche de ces résistants autochtones, le colonisateur aura
recours à la prison pour les maîtriser afin de juguler toute opposition à leur pénétration et leur
installation sur le territoire conquis.

^^apoléon 1er, né Louis Napoléon Bonaparte (1769-1821), général et homme d’État français. Premier consul
( 1800-1804) puis empereur des Français ( 1804-1815).
www.google.fr consulté le 22 novembre 2014.
^'Frantz FANON, les damnés de la Ze/Te(1961), édition la découverte poche, Paris 2002, P.61.

31
La conquête du territoire ivoirien et la maîtrise de la population autochtone étaient
donc indispensables pour la puissance colonisatrice, car cela lui permettrait d’exploiter
aisément les ressources naturelles et minières afin de rendre son économie compétitive sur le
plan international. Ainsi, selon le professeur Séraphin NÉNÉ BI « le prestige de la France

est donc en jeu ».Par voie de conséquence, elle va assigner à la prison des missions socio-
économiques (titre I).

Dans l’optique d’exécuter ces missions, le pouvoir colonial institua le système de


décentralisation carcérale. Cette politique de gestion des prisons visait surtout à instaurer et
maintenir un ordre public colonial incontestable, gage de la stabilité de la politique socio-
économique coloniale (titre II).

Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit. P.31.

32
TITRE PREMIER :

LES MISSIONS D’OPPRESSION


SOCIO-ÉCONOMIQUE DE LA
PRISON COLONIALE

33
Les explorateurs sont les « premiers », ceux qui découvrent les futures terres
coloniales^^. Ils ne peuvent être assimilés aux militaires qui vont les conquérir, aux colons qui

vont les défricher, aux fonctionnaires qui vont les administrer, aux commerçants qui vont
tenter de s’y enrichir ou aux savants qui vont les étudier^"*.

Ils concluent des traités ou des alliances, plus ou moins durables mais incontournables
pour pouvoir poursuivre leur avancée.L’exploration est, la phase qui déclenche la conquête
coloniale proprement dite, puis l’occupation. Il ne peut donc avoir de conquête et
d’occupation sans exploration préalable.

Ils avaient des talents de diplomate, et avaient des aptitudes pour faire le commerce.
On trouvait parmi eux des militaires, des médecins, des ingénieurs, des géographes, des
religieux, etc.

Ces explorateurs ont pénétré les contrées ivoiriennes et ont fourni des renseignements
précieux à la métropole. La Côte d’ivoire représentait pour eux un « eldorado » voire un
pays qui regorge des potentialités naturelles et minières indéniables. Eu égard à cet intérêt
majeur, la puissance colonisatrice va combattre avec acharnement les différentes résistances à
la conquête tout en ayant recours à la prison pour pacifier la colonie (chapitre I) afin de
l’occuper sereinement et exploiter ses potentialités économiques. Dans ce processus, le
pouvoir colonial, dans sa stratégie d’exploitation de l’espace colonial, emploiera également la
prison comme un moyen de développement économique (chapitre II).

Norbert DODILLE, op.cit., P.37.


Ibidem.
’^lbidem.

34
CHAPITRE I :

LA PRISON, MOYEN DE PACIFICATION DE LA COLONIE


PENDANT LES GUERRES DE CONQUÊTE COLONIALE

La Côte d’ivoire n’est pas à proprement parler une colonie de conquête ; elle est plutôt
le résultat d’une œuvre de pénétration continue, lente et sûre à travers des contrées restées
longtemps inconnues.^^Le colonisateur s’est approprié le territoire ivoirien sans avoir au

préalable acquis une autorité effective sur le pays.

Théoriquement, le pays était la propriété de la France, mais dans la pratique, celle-ci


n’avait pas d’emprise réelle et effective sur la population et sur l’espace ivoirien. Ainsi, selon
le gouverneur Gabriel ANGOULVANT : « les premières tentatives d'établissement de
rautorité française à l'intérieur du pays... provoquèrent immédiatement des résistances
violentes et opiniâtres des peuplades indépendantes, primitives et guerrières. »

La pénétration française à l’intérieur du pays a, de ce fait suscité, des résistances


nombreuses et variées. Chaque groupe ethnique ou tribu s’est organisé tactiquement en vue
d’empêcher la pénétration française.

En pays Bété, principalement sous la conduite de Zokou Gbeuli s’est organisée la


résistance contre la pénétration française. Plus hostiles à la démonstration de force que
favorables à la pénétration pacifique, les Gouro opposèrent une vive résistance. Cela entraîna
la mort du capitaine Caveng en 1907, tué dans cette région. La situation du Baoulé en général
est depuis près de 10 ans un objet de préoccupation pour les gouverneurs qui se sont succédé
en Côte d’Ivoire.^^Les Baoulés ont été téméraires et persévérants dans la résistance, donnant

du fil à retordre au colonisateur. Au nord, Samory Touré s’est opposé également de façon
farouche à l’occupation française...

Face à ces différentes résistances, Les troupes coloniales mieux équipées vont
riposter par des exécutions sommaires, la destruction et l’incendie des villages, et par
l’emprisonnement. L’emprisonnement des résistants sera très récurrent pendant ces guerres de

’^Edmond MICHELET et Jean Clément, la Côte d’ivoire : organisation administrative, financière, judiciaire ;
régime minier, domanial, forestier, foncier, Augustin Challamel éditeur, Paris, 1906, P.9.
’’ Gabriel ANGOULVANT, la pacification de la Côte d’ivoire 1908-1915, méthodes et résultats, Emile larose,
libraire-éditeur, 1916, P. 10.
” Il fut un guerrier, stratège et homme politique Bété (1835-1912).
’’ François-Joseph CLOZEL, dix ans à la Côte d’ivoire, Augustin Challamel éditeur, Paris, 1906, P. 78.

35
conquête pour pacifier la colonie. Pour renchérir, le professeur NÉNÉ BI BOTI Séraphin
affirme : « la prison est là pour pacifier le pays et discipliner les colonisés^». Dans cette

logique, le colonisateur va procéder à l’internement des meneurs de la résistance à la


pénétration française (section I). Par ricochet, la prison va servir de lieu de discipline de ces
résistants indigènes afin de les soumettre à l’autorité coloniale (section II).

Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique occidentale française, op.cit.P.198.

36
SECTION I :

L’INTERNEMENT DES INSTIGATEURS DE LA RESISTANCE


COLONIALE

D’emblée, il faut relever que l’usage de la force voire de la guerre a été


efficacement mis en œuvre par l’administrateur Gabriel ANGOULVANT quand il a été
nommé gouverneur de la colonie de Côte d’ivoire. Dans son ouvrage la pacification de la
Côte d'ivoire : 1908-1915 ; méthodes et résultats, il fait l’apologie de cette politique : « //
suffit de se souvenir que les pages les plus glorieuses de l ’armée coloniale tiennent dans cette
histoire pour accepter comme une vérité essentielle l’affirmation qu'un peuple noir n'accepte
pas définitivement notre autorité et ses conséquences avant d'avoir pris conscience de notre
force Celle-ci, seule, impose le respect à des individus qui l’ont prise de tout temps pour
• 102
base unique de leur droit ; bien plus, elle entraîne leur sympathie.

Selon le gouverneur Angoulvant, les indigènes ne conçoivent pas de pénétration


sans l’emploi des armes voire de la violence. Il étaye cette affirmation par des évènements
pratiques qu’il a vécus. « Enfin 1908, je me rends à Bouaké, et sur ma parole qu'il ne leur
serait fait aucun mal, les chefs kodés^^^, alors dissidents, viennent au palabre. Je leur expose

les dangers de leur attitude : incessamment, je devrai lancer contre eux des tirailleurs ; la
victoire des blancs est certaine, leur dis-je, et vous subirez les conséquences de la lutte
(villages cassés, guerriers tués, récoltes perdues, bétail disparu) ; pourquoi ne pas dès
maintenant, faire soumission. Et certain de pouvoir parler sans crainte, le chef répond :
pourquoi veux-tu que nous fassions camarades, nous ne nous sommes jamais battus ; battons-
nous d'abord et si tu es le plus fort on fera camarades''^^ ». A S in fia, un porte canne a été

envoyé pour dire au capitaine Poussât : « tu n'es pas un grand guerrier, tu ne nous fais pas
peur, tu n 'as même pas tué une femme

De tout ce qui précède, on pourrait admettre que l’indigène ne comprenait que le


langage de la force, de la violence. Dans cette atmosphère de guerre, le colonisateur aura
recours à la prison pour désorganiser les mouvements de résistance par l’internement des

Gabriel ANGOULVANT, op.cit. P.33.


’^^Ibidem.
’°^Les Gôdès en terme beaucoup plus exact, peuple baoulé vivant dans la région de Béoumi en Côte d’ivoire.
‘"^Gabriel ANGOULVANT, op.cit. P.33-34.
'®’ldem, P.34.

37
chefs de guerre (paragraphe 1). 11 faut relever à juste titre que l’internement recouvre
l’emprisonnement, la déportation ou l’assignation à résidence. La méthode de la déportation
des chefs de guerre sera de facto très récurrente pendant les guerres de conquête.

Les indigènes combattaient les envahisseurs avec des armes matérielles (fusils,
flèches, arcs...) et mystiques. Les féticheurs jouaient un rôle très important dans cette
résistance à la pénétration française par la préparation mystique des troupes indigènes. Le
colonisateur va s’atteler à les capturer et à les emprisonner afin de vaincre facilement les
guerriers résistants (paragraphe 11). En somme, pour neutraliser les troupes indigènes et
pacifier la colonie, le colonisateur a eu recours au mécanisme de la déportation (déportation)
pour enfermer les chefs de guerre et les féticheurs qui sont les meneurs physiques et spirituels
des résistants.

§ I :La déportation des chefs de guerre indigènes, un procédé de


restauration de la paix dans la colonie

La déportation est une peine afflictive et infamante qui consiste à être transporté hors
du territoire national dans un lieu déterminé par l’État’^^. Elle a pour synonyme le

bannissement, l’exil, l’emprisonnement...

Elle peut être à vie ou pour un temps déterminé. C’est l’internement politique dans un
camp de concentration situé loin de la résidence de la victimeLa déportation signifie
également l’envoi et l’internement ou élimination physique dans un camp de concentration ou
d’extermination’^^. C’est une peine criminelle qui assignait un condamné à résidence dans un
pays lointain.”’^

La peine de déportation est prévue en 1810 par la promulgation du nouveau Code


pénal à l'article 7, et elle sera appliquée aux révolutionnaires de 1848. Troisième peine
« afflictive et infamante », souvent utilisée pour châtier les « délits politiques », la déportation
arrivait en effet après la peine de mort et les travaux forcés à perpétuité, mais avant les

Source internet : www.google.ci (ortho Lang) consulté le 23 décembre 2014.


Ibidem.
Dictionnaire encarta (version numérique), op.cit.
Ibidem.

38
travaux forcés à temps La déportation a été définitivement supprimée du droit français lors
de la présidence de De Gaulle, par une ordonnance du 4 juin 1960.

Cette peine a été appliquée par le colonisateur pendant les guerres de conquête
coloniale. Elle a été confondue à l’internement pendant l’époque coloniale selon le
gouverneur Gabriel ANGOULVANT : « le mot internement est, en premier lieu, un terme
inexact ; c 'est plutôt une « déportation » qu 'on prononce. Sans doute, en droit, l’AOFforme à
ce point de vue, une « seule » colonie, mais, en fait, on transporte l'indigène coupable d'une
des colonies du groupe dans une autre très différente, souvent par le climat. Puis,
« l'internement se conçoit lorsqu'il s'agit de débarrasser momentanément la colonie d'un
grand chef ou d'un féticheur célèbre qui emploie son influence à saper la nôtre ou dont la
112
présence retarde, contrarie notre installation, menace notre occupation. »

La déportation mise en œuvre par le colonisateur signifie l’emprisonnement d’un


indigène hors de sa colonie d’origine ou de sa circonscription territoriale. Dans ce cas, il sera
transporté pour être emprisonné dans une des colonies de la métropole ou au sein de la
colonie, mais dans une circonscription différente.

Selon les instructions du 22 mai 1898 du général GALLIÉNI, « / 'élément

essentiellement nuisible est fourni par les chefs rebelles et insoumis, autour desquels il faut
faire le vide, par des coups répétés et incessants jusqu 'à leur disparition ou leur suppression
complète ».

La méthode de la déportation des chefs de guerre était donc une stratégie efficace pour
les isoler (A) afin de les faire disparaître complètement de leur colonie d’origine (B). Cette
méthode conduisait inéluctablement à la capitulation des résistances.

Source internet : www.google.ci (wikipédia) consulté le 23 décembre 2014.


Gabriel ANGOULVANT, op.cit, p 238.
"^Ibidem.
Source internet : www.google.ci (wikipédia) consulté le 23 décembre 2014

39
A-L’ isolement des chefs de guerre dans une autre circonscription
ou dans une colonie différente

Aux colonies enfin, les prisons ne sont pas nées des débats d’un cercle de savants
et de réformateurs, ni n’ont eu prise directe sur les attentes, conscientes ou non d’une société
centrée sur elle-même, mais ont été l’ouvrage direct, brutal et autoritaire d’Etats et
d’administration conquérante .""^Dans ce contexte, l’historien Jean-Noël LOUCOU affirme :

« l ’initiative appartient au colonisateur qui élabore un plan de conquête méthodique visant à


réduire l’un après l’autre les principaux foyers de résistance.

Dès lors, la prison sera un outil utilisé de façon récurrente par la puissance
colonisatrice pendant les guerres de conquête coloniale, notamment par la technique de la
déportation, de l’internement des résistants voire des chefs de guerre indigènes. Ainsi, Selon
l’article 17 al.l du livre 1®’’, chapitre 1®*' du code pénal applicable à l’AOF : « La peine de la
déportation consistera à être transporté et à demeurer à perpétuité dans un lieu déterminé
par la loi, hors du territoire continental du royaume (de la république) article
corrobore aussi le fait que le coupable pourra être également déporté au sein de la colonie
mais dans une circonscription autre que celle dans laquelle il a une influence notable ou là où
il a été arrêté.

Eu égard à l’efficacité de cette peine, le colonisateur va l’utiliser pour neutraliser les


réfractaires au processus de colonisation. C’est dans cette logique, que le général LYAUTET,
dans son ouvrage la pacification du sud de Madagascar à la page 113 affirme: « il n’y a
qu’une manière de finir les questions d’insoumis, c’est de les finir complètement. Toute demi-
mesure, toute solution bâtarde, tout compromis, aboutissent fatalement, un jour ou l’autre, à
un recommencement. »

Les insoumis, en l’espèce sont les opposants, les résistants farouches à la pénétration
française. Il était donc impérieux pour le colonisateur de les neutraliser totalement pour
assurer la quiétude au sein de la colonie. Cette tâche était rude eu égard à la pugnacité et à la
témérité des résistants à la conquête coloniale. Cet état de fait a été corroboré par ce

"‘^Florence BERNAULT (dir), enfermemenl, prison et châtiments en Afrique du 19^ siècle à nos Jours, Paris
Karthala, P. 16.
Jean-Noël LOUCOU, Côte d’ivoire : les résistances à la conquête coloniale, les éditions du CERAP, Abidjan
2007, P.77.
*’^Gaston-Jean BOUVENET et Paul MUTIN, recueil annoté des textes de droit pénal (code pénal-lois-décrets-
arrêtés généraux) applicables en Afrique Occidentale Française, éditions de l’union européenne, 1955, Paris
Vf, P. 12.

40
témoignage colonial : « L ’indigène, aimant la guerre comme un sport, ravi de l ’occasion que
lui fournissait chacune de nos reconnaissances de se livrer, en dehors des querelles de tribu,
à cet exercice recherché, l’indigène disons-nous était disposé à nous combattre et puisait,
dans les avantages relatifs qu ’il remportait sur nos faibles détachements, non seulement un
courage nouveau mais une raison de s’enorgueillir vis-à-vis de ses troupes. » L’indigène
était considéré, à cet égard, comme un guerrier, un assoiffé des guerres, un individu qui se
plaisait à tuer et à s’en vanter.

Pour le colonisateur « La méthode de combat des indigènes se ressent aussi de


leur tournure d’esprit en même temps que de la nature du terrain. Dissimulé dans l’immense
forêt vierge qu’il parcourt avec aisance d’une biche abrité par des taillis qui exigent, pour
être pénétrés par nos soldats, un laborieux travail, le combattant noir se met à l ’affût de nos
118
hommes comme il ferait d’un gibier.

En réalité, les guerriers indigènes pratiquaient la technique du guet-apens sous la


conduite des chefs de guerre. Ces derniers étaient de véritables stratèges qui dirigeaient les
troupes indigènes. Ils planifiaient des plans de guerre en vue de combattre les troupes
coloniales. Ainsi, la puissance colonisatrice, pour endiguer les résistants indigènes, aura
recours à la technique de la déportation pour neutraliser les chefs de guerre.

Dans ce registre, tout au long de la conquête coloniale, la puissance colonisatrice a


mis en exergue cette technique pour isoler les chefs de guerre afin de saper le moral de leurs
troupes. L’isolement des chefs se manifestait par leur emprisonnement hors de la colonie ou
dans une autre circonscription au sein de la colonie dans laquelle ils ont été arrêtés. En guise
d’illustration, nous présentons la lettre adressée par le capitaine POUSSAT, commandant du
cercle du Baoulé-Sud au gouverneur de la colonie de Côte d’ivoire présentant une liste de
meneurs influents à déporter hors du cercle:

‘'^Comité de l’Afrique française, la pénétration de la Côte d’lvoire,{Q\\X3\\. du bulletin du comité de l’Afrique


française), publication du comité de l’Afrique française, Paris, 1909, P.7 .
Ibidem.

41
r -4

COl.OXlF ____ 191J .


b» UA

COTE D’IVOIRE
r
f
i /**

I
!

à Konsleur le Oouver«eur de la Côte d’ivoire .

(Bingorvllle)

Comme suite à ma lettro Itt du 6 MOvembna

damier, J ’ al l'honneur de vous rendre compte qu’il a ôté procédé à

l'arrestation des Kodés,meneurs de la révolte,dont les noms suiventî


KOüAîïOU DIO,de Paabassou,proposé pour une peine 5 ans onprison'^ hors di
*
* Cercle;’
KÔüAiîI BLÎjde Konsou, -id®-
-IdO- - 3 ans - id®-

KOUAIIOÜ KOUACni, 4d- - id- id -

I pour uns peina de deux ans d*Internenent.à Bouaké

Il y a donc lieu do modifier l’état de propositions join

I
à la lettre précitée ÿtslatlf aux peines à infliger aux rebelles y:>3i
t
en remplaçant sur cet état la lettre A(ab8ant) par la lettre B qui

sicnifie : interné à Béourai.


$

A.
r
i

Z' ”1
»

î
»

42
Cet isolement par la déportation ou l’internement permettait aux troupes coloniales de
juguler facilement les différentes résistances.

En pays Bété, il y avait comme chef de guerre Zoku’o Gbëli. Il était un stratège
redoutable, il apporte deux innovations à la technique guerrière. La première accorde moins
d’importance à la hardiesse et à la témérité, déterminantes par le passé. Gbéli proclame plutôt
la primauté de la tactique : « kalekanyo na Zuzo bhênô pa bha » ce qui signifie « le guerrier
doit se camoufler avant de tirer ». Privilégiant l’imagination, il excelle dans les feintes, les
pièges. Il prépare ses combats par la propagande, les renseignements, l’intimidation.”^

Le second apport est apparemment simple. Il réussit à pallier la lenteur du chargement


du fusil à pierre en disposant en permanence de deux fusils. Son fidèle compagnon
Gbuagbli’ê kukunyo, pièce maîtresse de sa stratégie, ne le quitte jamais. C’est lui qui
chargeait les fusils, lui permettant ainsi de réussir l’exploit de tirer deux coups successifs. Ses
ambitions étaient accrues au fil de ses victoires. Il s’opposa violemment à la pénétration et à
l’installation des français dans la région de Daloa en employant à rassembler tous les villages
de la région Bété pour s’opposer aux Français.

La répression française fut rigoureuse. Les colonnes Betseller et Metz, fortes de plus
de mille tirailleurs, réprimèrent sauvagement les Bété sans distinction. Les villages Sabwa et
Galebwa furent rasés ; tous les principaux guerriers de Daloa furent tués. Angoulvant,
gouverneur de la colonie, voulut réduire toute opposition à la présence française. Il ordonna
aux chefs de poste d’incarcérer ou de déporter tous les résistants. Le capitaine Chambert,
commandant le cercle de Daloa, décida d’arrêter Zoku’oGbëli le 4 Octobre 1911. Déporté à
Zuénoula où il mourut le 15 avril 1912. Sa déportation a entraîné son isolement puis sa
mort. L’isolement de Zoku’oGbëli hors de sa région a favorisé l’affaiblissement et la
désorganisation de ses troupes, ce qui a permis aux troupes coloniales de les vaincre
facilement.

À l’instar du peuple Bété, tous les peuples de la Côte d’ivoire se sont opposés

farouchement à la pénétration française sous la conduite des différents chefs de guerre voire
des meneurs influents. Ces derniers capturés, ont été emprisonnés par le pouvoir colonial.
L’emprisonnement de ces chefs avait pour finalité de les neutraliser en les isolant dans une

Simon-Pierre M’BRA ÉKANZA (dir), co-auteurs : Henriette DIABATÉ, SEMI BI ZAN, Georges
NYAMKEY KODJO, Julien ZIJNON GNOGBO, Ibrahim BABA KAKÉ, les grandes figures ivoiriennes dans
Mémorial de la Côte d’ivoire, deuxième édition, 1987 Edition Ami Abidjan, P. 66.
‘2° Ibidem.

43
autre colonie ou dans une circonscription de leur colonie d’origine. À titre d’illustration, nous

proposons le tableau ci-dessus :

_•______________________ ___
{ ! I
Noms I 1 1
dcB ! Conditions J •ilotifa ! Observations
! Indlgènee I _____ ! I

! J I I
n DIE KOÜADIO ! Chef de Tokronou ! Meneur Influent 5 ane
1 ! !
J-’ DALI YOBOUE ! Chef de Force9ou I Meneur Influent 1 5 ans
l. ! 1 î
ASSAN KOÜADIO ! Chef de Kongo- > Reeponeable du pillage du 1
! kouaseikro ! village dloula do Kotokosal ! 5 ans
l ! Ion 1910. î'
! I I 1
U KEUELE KAN !Chef de N’Eenou I D’abord peu disposé à la !
! ! guerre,H ensuite opposé une !
I ♦ Igrande résistance. ! 5 ans
! ! ! !
! 1 I I
LABOA ! 1 Frère de Konan Pré qu’il al
! Ipoussé à la révolte. Très î 5 ane
1 I
! dangereux. !
! I I !
M KOUAMI NATI ; w
i I Neveu de Konan Sré.A pous-l
!
! îi I sé! son oncle à la révolte.
l
I
!
5 ans *

l
I
3° POUR UNE PEINE DÎINTERKüîENr AU CHEF-LIEU
;
! EU CrRCLE DE 1 à 3 ANS
!
I t I I
*; GR(J KO’J/J‘;OU i Chef de Orokoua- ; A beaucoup d’influence I 2 ane
! î koukro I !
! I I I
iî BOÜ GROÜ ! Clief de Yeboué î Seul chef du groupenont !
1 I
ISopa, ayant nontré de la nau-!
I i ! valse volonté pour la reddl-!
! I Itlon dee armes;non village !
I J la opposé une résistance opl-!
l ! I ni être. ! 2 ans
î ! ! î
1 ! ! I
; KONAN BLE IC* chef d’Atoseé I Dangereux 1 2 ans
I ! I I
I î t !

Abidjan, le 2 Septembre 1911

Le Lieutenant-Colonel Commandant

Militaire de la Cote d’ivolre.


I

Signé X LEVASSEUR,
// if-C

------'

44
Comme nous le remarquons à travers ce tableau, le pouvoir colonial, pour affaiblir et
vaincre les résistances, arrêtait puis emprisonnait les meneurs influents ou dangereux à
l’effet de restaurer la paix au sein de la colonie. Quelques-uns des chefs rebelles furent tués
dans les combats ; les autres furent arrêtés et internés dans une des colonies du groupe de
l’AOF, les plus coupables, à Port-Etienne (Mauritanie), dont le climat différait sensiblement
de celui de la zone sylvestre de la Côte d’ivoire, et les autres au Dahomey, où régnent les
mêmes conditions climatiques. C'était une stratégie pour l'administration coloniale
d'éloigner, d’isoler les meneurs de la résistance pour affaiblir ainsi les velléités de résistance.

En pays Ebrié : Le chef de village d’Adjamé, Yapi Akpapa (...) est arrêté en
septembre 1901 pour insoumission et incitation à la révolte et déporté au Gabon où il mourra.
Chez les Abouré : Le roi de Bonoua Ahui Nogbou, le chef du village d’Adiowo, Okyoumou
Kacou et Kadjo Amangoua sont arrêtés et condamnés à la déportation au Gabon. Les deux
premiers reviendront de leur exil en 1910, tandis que le dernier y décédera.

Cette méthode entraînait, comme nous l’avons déjà évoqué, un éloignement voire un
isolement des chefs, d’où la désorganisation des troupes indigènes. Cette situation conduit
inéluctablement à la disparition complète des chefs de guerre au sein de la colonie et la
cessation de leur influence sur les autres indigènes.

B- La disparition complète des chefs de guerre de la colonie


d’origine

Pendant la période coloniale, l’armée française est composée de trois


ensembles aux fonctions en principe distinctes : l’armée métropolitaine, l’armée d’Afrique du
Nord (dite simplement « armée d’Afrique ») et l'armée coloniale (dite aussi « la
Coloniale »).

L’armée métropolitaine, composée de conscrits encadrés par du personnel de carrière,


est en charge de la défense du territoire national. L’armée d’Afrique est liée à la conquête et à
l’occupation de l’Algérie, puis de la Tunisie et du Maroc ; et la Coloniale à la conquête ou à

*2* Gabriel ANGOULVANT, op.cit. P.233.


Ibidem.

45
la « pacification » des autres colonies.Avant 1900, on ne parle pas encore d’armée
coloniale, mais de Troupes de marine. Leur création remonte à la première phase de
conquêtes, sous Louis XIV, pour sécuriser les navires, puis les ports et comptoirs
coloniaux.

Les troupes coloniales étaient un ensemble d’unités militaires françaises stationnées


dans les colonies et mises sur pied, à l’origine, pour assurer la défense des ports et des
19c
possessions outre-mer autres que l’Afrique du nord.

À l’origine, ces troupes étaient composées uniquement des métropolitains, plus tard

elles vont être renforcées par des indigènes recrutés sur le territoire colonial ou dans d’autres
colonies du colonisateur. Ces troupes seront finalement constituées en majeure partie des
indigènes et encadrées par des officiers français. Une des caractéristiques majeures des
troupes coloniales est futilisation, pour la conquête et pour la mise au pas des colonies,
de nombreuses troupes supplétives, constituées des colonisés eux-mêmes. Ces troupes
avaient une obligation de résultat : celle d’annihiler toutes les formes de résistance à la
conquête coloniale. Par ailleurs, ces troupes ont été confrontées à des résistances farouches
voire téméraires de la part de la population indigène. Toutes les tribus, les communautés
indigènes ont combattu avec ténacité la progression des troupes coloniales sur leur territoire.

Ainsi, Les résistances furent nombreuses dans toute la Côte d’ivoire : celle des
Abbey de la région d’Agboville entre 1910 et 1915 ; celle des chefs traditionnels guidés par le
roi Kassi DIHIE, dans l’indénié ; celle du roi de l’Assikasso ; celle des Baoulé, celle des Bété
de la région de Daloa dirigés par Zokou oGbeuli ; celle des Bété et des Guéré de l’ouest
forestier...Les groupes révoltés attaquaient les postes administratifs et les possessions
françaises, organisaient la guérilla ou pratiquaient la tactique de la terre brûlée.

Toutes sortes de stratégies guerrières étaient mises en œuvre pour contrer la


pénétration française. Les chefs guerriers étaient de ce fait de véritables stratèges, ils jouaient
donc un rôle déterminant dans la lutte contre l’occupation française. Il était donc primordial
pour le colonisateur de les neutraliser et les faire disparaître de la colonie par la méthode de la
déportation.

’^^Raphael GRANVAUD, de l’année coloniale à l’armée néocoloniale (1830-1990), octobre 2009 (article 74),
survie, P.3.
*2'** Ibidem.
'^■"’Scraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit., P.41.
'^'’Raphael GRANVAUD, op.cit, P. 6.

46
Ainsi, de toute évidence, il est établi qu’une armée ou une troupe sans chef est
vouée à la défaite et à la capitulation. Le chef est un modèle, c’est celui qui motive, qui
galvanise les troupes, les oriente et planifie les plans d’attaque. En définitive, les chefs de
guerre indigènes incarnaient la résistance à la conquête coloniale. Éliminer les meneurs par la

méthode de la déportation entraînait ipso facto une désorganisation voire une reddition
inéluctable des troupes. Cette méthode est productive et efficace, c’est pourquoi le
colonisateur l’a utilisée de façon récurrente contre les principaux chefs de guerre en Côte
d’ivoire et partant dans les autres colonies de l’Afrique Occidentale Française.

De nombreux exemples dans l’histoire de la colonisation en AOF corroborent cet état


de fait. Ainsi, à titre illustratif nous avons le chef de guerre d’origine mandingue, Samory
Touré (1830-1900) dans la Guinée forestière qui s’est farouchement opposé aux troupes
françaises. Il a été arrêté le 29 septembre 1898 par le colonel Gouraud. Traîné au Sénégal, il
fut déporté au Gabon où il mourut en 19OO.Sa déportation a entraîné irrémédiablement sa
disparition de l’espace colonial et, par ricochet la cessation de son influence voire son
autorité sur ses troupes. Cet état de fait a entraîné inéluctablement la capitulation de son
armée. La déportation n’a pas été appliquée seulement dans la colonie de Côte d’ivoire. La
puissance colonisatrice l’a mise en œuvre à l’encontre des chefs des résistances de ses
différentes colonies.

Nous pouvons citer l’exemple de BÉHANZIN (1844-1906) roi du Dahomey (1889-

1894) qui s’opposa farouchement à l’occupation de son pays, le Dahomey. Il est capturé en
janvier 1894 et déporté à la Martinique aux Antilles puis à Blida en Algérie avec ses 3
femmes, son fils et ses 2 filles. Il mourut en 1906
*2^. C’est la fin de l’histoire de la résistance

coloniale au Dahomey. La déportation des chefs de guerre conduisait la plupart du temps à


leur disparition voire leur mort. Cette situation mettait ainsi fin à la résistance.

En outre, dans la colonie de Côte d’ivoire, la déportation de certains chefs de guerre a


favorisé leur élimination complète. Certains chefs en revanche pour éviter cette peine,
préféraient se suicider. Il en est ainsi du chef Nanan Akafou. Originaire de la tribu n’Gban
qui avait une tactique de guerre spécifique : Celle de capturer uniquement les commandants
des troupes lancées à l’assaut des communautés noires qu’ils décapitaient par la suite pour
adorer ses tambours. Doté de pouvoirs surnaturels très puissants, l’homme disparaît toujours
lorsqu’il est mis entre quatre murs. Malheureusement, le guerrier sera trahi par l’un de ses

*2’ Source internet : lynxtogo.info consulté le 19 juillet 2014.

47
hommes qui révélera son secret aux colons. Finalement capturé en 1910, Nanan Akafou était
en train d’être déporté au Gabon lorsqu’il demanda à se soulager dans la brousse. Il prit des
1 98
feuilles toxiques qu’il consomma pour se donner la mort.

Il a donc préféré se donner la mort pour préserver sa dignité. Aussi a-t-il procédé de
cette manière afin d’éviter de subir les affres de la déportation voire les humiliations
consécutives à son emprisonnement. Le suicide de Nanan Akafou corrobore que la peine de
déportation était redoutée par les résistants à la conquête coloniale.

Par ailleurs, certains chefs de tribus menant les résistances à la conquête coloniale ont
été capturés et emprisonnés. Ainsi, à l’ouest, les Blapo et les Tiépo font de la résistance après
même que « des postes militaires étaient installés à Sassandra, Grand-Béréby et Tabou en
1893. Cette prise de possession française suscite la résistance des Krou, en particulier celle
des Blapo et des Tépo organisés en fédération de villages. Les Blapo s’insurgent les premiers
sous la direction du chef Paio qui est arrêté en décembre 1896. Les Tépo engagent les
hostilités en 1899. La résistance est coordonnée par le chef Siahié et touche les principaux
villages comme Grabo, Blidouba, Ouaddey et Olodio. Elle tient tête à trois colonnes
répressives qui se succèdent de mars à avril 1899. Le chef Siahié est destitué et toute la région
Tépo est occupée militairement.

Chez les Agni, les principaux chefs qui s’étaient opposés aux Français et qui ne
s’étaient pas suicidés comme Aka Tehoua et Ebrin Boto, sont arrêtés et déportés au
toi

Sénégal . Il en sera de même des Akyés, les chefs et les notables Akyé qui ont résisté, sont
condamnés respectivement à dix ans et cinq ans- d’exil dans le cercle du Bas-Cavally. De
cette même manière, la capture et la déportation des meneurs des différentes résistances en
Côte d’ivoire comme ailleurs fait cesser leur influence dans leur région, d’où la reddition des
troupes et par conséquent la fin des résistances. Cet état de fait est corroboré par la lettre du

128
' Le Jour Plus, du 5 mai 2015, article : Nanan Akafou, le plus redoutable résistant africain, P.5.
129,
Source internet : lynxtogo.info consulté le 19 juillet 2014.
130
' Ibidem.
131
Source internet : lynxtogo.info consulté le 19 juillet 2014.
132
■ Ibidem.

48
baoulé-sud au gouverneur de la colonie de Côte d’ivoire;
commandant du cercle du

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Dans cette logique, la lutte des résistants africains à la pénétration française s’est
toujours terminée par le massacre, l’exil et surtout par la déportation des meneurs des
résistants indigènes. C’était une méthode bien efficace car elle permettait la disparition

50
complète des meneurs influents de la colonie afin de faire cesser leur influence sur les autres
indigènes. Cette méthode désorganisait les troupes indigènes et favorisait leur capitulation
voire leur défaite. Il faut relever que cette méthode était aussi appliquée à l’encontre des
féticheurs qui étaient considérés comme des meneurs redoutables par le colonisateur, car ils
utilisaient des pouvoirs mystiques.

su :L’internement des féticheurs, moyen de lutte contre les


attaques mystiques

Les féticheurs sont des initiés, c’est-à-dire des personnes dotées de pouvoirs
surnaturels, mystiques et occultes. Ils ont la capacité occulte de rentrer en contact avec les
« esprits » pour faire agir les fétiches dans le but de produire des évènements mystérieux dans
le bon ou le mauvais sens. Le féticheur peut ainsi utiliser ses pouvoirs surnaturels pour faire
du mal ou le bien.

À cet égard, les féticheurs étaient des meneurs redoutables car ils attaquaient aussi
bien physiquement que mystiquement les troupes coloniales. Toutes les tribus ivoiriennes qui
résistaient ont dû recourir aux armes mystiques pour combattre. Les populations à
organisation sociale de type acéphale comme les Lobi, les Sahoué ou les Dogon ont d’une
manière générale mieux résistée à l’emprise coloniale’^^.En d’autres termes, devant

l’impuissance des arcs et des flèches, face aux fusils, mitrailleuses et canons, les Lobi font
recours à des « armes spirituelles Ainsi, la guerre coloniale avait de toute évidence une
dimension mystique.

Dans ce contexte, les troupes coloniales vont s’atteler à arrêter et interner les féticheurs
ou, au pire des cas, ils seront exécutés, cela dans le but de mettre fin aux attaques mystiques
(A) et de fragiliser la ferveur combative des résistants indigènes (B).

Patrick Papa DRAME, op.cit. P. 193.


'"Idem, P. 141.

51
A-Le procédé d’annihilation des attaques mystiques pendant les
guerres de conquête coloniale

En anthropologie, le fétichisme s'applique à une forme de croyance et de


pratique religieuse dans laquelle des facultés surnaturelles sont attribuées à des objets
matériels et inanimés, désignés sous le nom de « fétiches ». La pratique fait appel à la magie,
souvent associée à de nombreuses cérémonies et des rituels mineurs .

Le fétiche lui-même est généralement une figure modelée ou taillée dans l'argile, la
pierre, le bois, le verre ou une autre matière ; il imite un animal déifié ou tout autre objet. Il
est fréquemment constitué de fourrure, de plumes, de poils, d'un os ou d'une dent de l'animal
tutélaire (protecteur). Il désigne ce qu’on appelle couramment une amulette, un grigri, un
talisman.

Il s'agit parfois de l'animal lui-même, et parfois d'un arbre, d'une rivière, d'un rocher
ou d'un lieu associés au protecteur dans l'esprit du fidèle. On peut donc valablement
soutenir que le fétichisme (terme utilisé pour désigner la vénération d’objets cultuels) est
intrinsèquement lié à l’animisme. L’animisme est une croyance en l’existence d’âmes ou
d’esprits, principes supérieurs et immatériels qui résideraient dans les lieux, les personnes, les
animaux ou les objets, existant chez de nombreux peuples.

137 • •
Le terme animisme vient du latin anima, « souffle » ou « âme » . Le fétichisme
comme l’animisme est une religion pratiquée en Afrique avant la période coloniale et cela
jusqu’à nos jours. Certes, les Noirs africains croient tous en la vertu des fétiches, c'est-à-dire
en la vertu d'objets fabriqués par l'homme et réputés, en raison du caractère spécial des rites
qui ont présidé à leur fabrication ou à leur consécration, doués de pouvoirs magiques ; mais
cette croyance, commune, à des degrés divers, à toute l'humanité, ne traduit pas le caractère
spécifique de leur religion, pas plus que la croyance à la vertu amulettes confectionnées par le
marabout n'est l'islamisme ni que la croyance à la vertu des médailles bénites n'est le
christianisme.’^^

'^^Microsoft encarta, op.cit.


'^''Ibidem.
'd’ibidem.
Maurice DELAFOSSE, les civilisations négro-africaines, collection : la culture moderne. Les civilisations
disparues, Paris, librairie stock, 1925, P. 12-13.

52
Ainsi, on pourrait affirmer que l’Afrique précoloniale et coloniale était le berceau du
fétichisme, de l’animisme. Dans ce contexte, les féticheurs vont jouer un rôle prépondérant
dans la lutte contre la conquête coloniale pour compenser la mauvaise formation militaire des
troupes indigènes et la faiblesse de leur armement.

Aussi, convient-il de rappeler que pendant les guerres de conquête coloniale, les
troupes françaises étaient composées en majorité des tirailleurs sénégalais et ils étaient bien
armés et encadrés par des officiers français. En face des troupes coloniales, se dressent un
armement sommaire (flèches et lances, pièges d’animaux, fusils à silex), les populations
insurgées . Cet état de fait est corroboré par la statistique suivante :

Assinie ,486 fusils

Bas-Cavally 286 fusils

Bondoukou 3.530 fusils

Indénié 1.291 fusils

Kong 2.085 fusils

Korhogo 1.224 fusils

Touba 1.768 fusils

Soit un total de 9.670 armes à feu non


perfectionnés selon le rapport du Gouverneur Angoulvant.

Pour renchérir, le professeur Pierre KIPRÉ affirme : « la résistance armée est organisée
sur la base de la mobilisation de tous les hommes valides, sous la conduite de chefs de guerre
qui, malgré des qualités de stratèges reconnues dans leur communauté, ne sont pas de
professionnels de guerre. Il n’y a pas d'armée permanente, mais une troupe de partisans,
parfois au niveau d’un village ou plus souvent à l’échelle de toute tribu et de ses alliés, sans
unité de commandement comme dans le cas des guerres de Samori

Malgré ces défaillances sur le plan militaire, les indigènes vont opposer une
résistance farouche à la pénétration française. Ils ne se laisseront pas si rapidement dépouiller
de leur dignité et de leur bien. La principale idéologie profane mise en avant est le principe de

Pierre KIPRE, op.cit. P. 112.


Pierre KIPRÉ, op.cit. P. 112.

53
« souveraineté Ainsi, la véritable motivation de la résistance des indigènes était la
défense de leur souveraineté. Ils vont donc recourir par tous les moyens physiques ou
immatériels pour empêcher la progression française sur leur territoire.

Comme nous l’avons déjà évoqué, pendant les guerres de conquête coloniale, les
indigènes étaient dotés d’armes rudimentaires et ils faisaient face à un armement sophistiqué
des troupes coloniales, leur défaite était donc prévisible. Pour compenser leur armement
obsolète, ils ont dû recourir à des armes spirituelles voire mystiques pour lutter farouchement
contre la progression des troupes coloniales.

Dans cette logique, des sorciers, des féticheurs étaient à la tête des résistances à la
pénétration française. Chaque tribu qui s’opposait au colonisateur avait un féticheur pour
doter les résistants de pouvoirs mystiques afin de combattre farouchement l’ennemi.

Au fur et à mesure que la pénétration eoloniale progressait, la répression de la résistance


Baoulé se faisait de plus en plus ponctuelle, se concentrant sur les meneurs identifiés parmi
les chefs politiques, les chefs guerriers et surtout les chefs religieux, les féticheurs’"*^.

Ils ont semé à cet effet la terreur et la pagaille au sein des troupes coloniales grâce aux
effets foudroyants de leurs attaques mystiques. Ils ont été d’un atout indéniable pour freiner la
progression des troupes françaises.

L’usage des armes de guerre et des armes mystiques par les indigènes avec la
stratégie de la guérilla ont entraîné de nombreuses pertes dans le camp des troupes
coloniales. Les révoltes qui jalonnent la période 1896-1908 au cours desquelles périrent
plusieurs civils et militaires : assassinat de l’Administrateur Poule dans le Zaranou en 1896 ;
mort du lieutenant Dussuze tué en 1902 après l’attaque de Salékro dans le Baoulé ; mort du
sergent Hitto en 1906 tué dans la région de Danané et du commis Lecoeur à Daloa la même
année ; celle du capitaine Caveng tué le 12 juin 1907 entre Bouaflé et Séguéla ; du lieutenant

’'”Terence O. RANGER, initiatives et résistances africaines face au partage et à la conquête, in Histoire


générale de l’Afrique (l’Afrique sous domination coloniale : 1800-1935), , publié par l’UNESCO 1987, 2000,
2010, Paris, P.76.
'“’^Fabio VITI, « entre l’Etat et l’anarchie : un siècle d’historiographie et d’anthropologie politiques du
Baoulé », journal des africanistes (en ligne) 2005, mis en ligne le 28 septembre 2006, consulté le 12juin 2014,
afficanistes.revues.org.

54
Pluttin tué près de Daloa en octobre 1907 ainsi que Courgas tué en mai 1909 près
d’Adzopé.'"^^

Les troupes coloniales ont subi durant les guerres de conquête les affres des attaques
mystiques. Ainsi, les féticheurs pouvaient faire apparaître soudainement des abeilles, des
guêpes pour les lancer aux trousses de l’ennemi, des monstres ténébreux pour le mettre en
déroute.

L’attaque des villages fortifiés était une entreprise extrêmement périlleuse, non
seulement pour des questions d’ordre tactique mais pour des raisons moins tangibles, prenant
la forme de pouvoirs occultes, qui insufflaient une véritable terreur aux assaillants.’'*'*

Les assaillants en l’occurrence les troupes coloniales redoutaient les attaques occultes
de la part des féticheurs. Ces attaques étaient soudaines, imprévisibles et périlleuses. Pour y
mettre fin, la puissance colonisatrice a eu recours à l’emprisonnement pour neutraliser les
féticheurs. L’internement de ceux-ci était donc une solution efficace pour annihiler les
attaques mystiques. Les féticheurs arrêtés pendant les guerres de conquête subissaient la
peine de l’internement.

À titre d’exemple, le féticheur KOBOU de la tribu des yaourés, du village Kokokro, de la

sous tribu Bessérénous a été proposé pour une peine de prison très grave.La capture et
l’internement de ces derniers était donc une stratégie fort efficace, car elle permettait de
mettre fin aux offensives mystiques des indigènes.

Dans cette logique, les troupes coloniales pouvaient sans coup férir mater les
résistances, grâce aux armes performantes qu’elles possédaient. Les troupes indigènes vont
inéluctablement se disloquer parce que privées de leur guide mystique qui les galvanisaient
spirituellement et par ricochet physiquement. Outre l’annihilation des attaques mystiques,
l’internement voire l’emprisonnement des féticheurs entraînait ipso facto la fragilisation de la
ferveur combative des résistants indigènes.

’^’^René-Pierre ANOlJMA, Aux origines de la nation ivoirienne : 1893-1960, vol.l conquêtes coloniales et
aménagements territoriaux 1893-1920, études africaines, le harmattan, 2005, Paris, P. 100.
'''‘^Patrick ROYER, la guerre coloniale du Bani-Volta, 1915-1916 (Burkina Faso, Mali}, P.42.
Source : archives nationales de Côte d’ivoire.

55
B-Le procédé de la fragilisation de la ferveur combative des
résistants indigènes

La spiritualité a été, de tout temps, une source d’engouement dans toutes les sociétés.
Chaque société, chaque peuple a toujours fondé sa croyance en une divinité. La spiritualité
englobe, de ce fait, plusieurs religions. Ainsi, nous avons l’hindouisme, le bouddhisme, le
confucianisme, le shintoïsme (religions orientales), le vaudou, le fétichisme, le culte des
ancêtres, l’animisme, le christianisme...

Ainsi, si l’on veut maîtriser les mystères de l'Afrique, il s’impose d'appréhender son
domaine religieux car il imprègne profondément la mentalité et le quotidien des africains.
À cet égard, il importe d’affirmer qu’en Côte d’ivoire, avant et pendant la colonisation, les
indigènes ont toujours pratiqué le fétichisme, le culte des ancêtres, l’animisme.

L’animisme prête une âme à tout ce qui nous entoure (êtres vivants, objets,
phénomènes naturels) et le fétichisme est le culte des objets auxquels on attribue un
pouvoir magique'4^. Grâce à l'esprit qu'il contient, l'objet a une force magique et agit

comme un charme pour protéger, rendre invisible, détourner les balles ou les coups ou,
• « • 147
au contraire, pour envoûter, nuire ou tuer .

Dans ce contexte, les féticheurs, les gardiens de la tradition étaient des personnes
redoutables car ils sont dotés de pouvoirs surnaturels, magiques voire occultes. Ils inspiraient
donc la crainte et la considération, puisqu’ ils étaient une source indispensable de ferveur et
de protection mystique sous la forme de charmes et d’amulettes. Ainsi, ils protégeaient les
combattants anticoloniaux des balles de l’adversaire, les rendaient invisibles au besoin...

Pendant les résistances à la conquête coloniale, ils employaient leur influence et leur
pouvoir occulte pour galvaniser les résistants. Un exemple palpable a été vécu par un
capitaine Quiquandon de la troupe coloniale au Mali, précisément dans le village de Kinian.
Ce dernier, à la tête d’une colonne de militaire, a organisé une attaque contre ce village. Celle-
ci s’interrompit brusquement quand Kourouma, le faama (chef) de Kinian, apparut dans une
brèche de la muraille entourant le village afin d’encourager ses soldats .

Stéphane BIGO, un certain regard sur le cheval et sur le monde, l'homme de l'Afrique Noire, 19 février
2005, P.ll.
Idem, P. 12.
Patrick ROYER, op.cit. P.42.

56
Aussi, « préparaient-ils mystiquement » les résistants indigènes à travers la
confection des amulettes, des talismans. Ils organisaient également des cérémonies occultes
pendant lesquelles les esprits entraient dans les corps des guerriers pour les doter de forces
surnaturelles et les rendre davantage courageux, déterminés à combattre la progression des
troupes coloniales. Cela se passait très souvent par le phénomène des transes, des possessions
et de serments mystiques.

Ainsi, Chez les Baoulés et Agnis, il y avait une catégorie de féticheurs que l’on
appelle les kômians (des femmes en général). Ceux-ci manifestaient leurs pouvoirs occultes
en tombant en transe. Que signifie le mot Kômian ? Un premier registre renvoie au concept
anyimunzuo, « malchance » ou « malheur » ; l’expression wôyemunzuo, littéralement signifie :
« il enlève la malchance », désigne l’activité divinatoire du Kômian ; elle comporte l’idée
d’écarter le malheur de la personne qui vient consulter'En bref, le Kômian procure la

chance, le bonheur, la guérison...Pendant les guerres de conquête coloniale, ils procuraient


certainement la chance aux résistants et jetaient des sorts sur les troupes coloniales.

Au nord, les dignitaires musulmans que l’on appelle très souvent les marabouts
représentaient une source indéniable de protection occulte des résistants sous la forme de
charmes et amulettes. Ces différentes protections mystiques aguerrissaient les résistants sur
les champs de combat et leur procuraient une foi inébranlable et une détermination sans
pareille pour lutter contre la pénétration française.

Au niveau des serment mystiques, un exemple nous est fourni en AOF précisément au
Burkina Faso par Patrick ROYER en ces termes : « A la fin de la saison des pluies de l'année
1915, les représentants d’une ligue d’une douzaine de villages de la boucle de la Volta
(Burkina-Faso) se rassemblèrent autour de l'autel du culte de la terre du village de Bona, où
ils prêtèrent serment de prendre les armes contre le pouvoir colonial et de ne les déposer
qu 'après son départ définitif. Ainsi débuta l’une des dernières et des plus meurtrières guerres
coloniales de l’Afrique de F Ouest. Après avoir mis en déroute les premières expéditions
punitives, les combattants anticoloniaux repoussèrent, en décembre 1915, une colonne
militaire qui comprenait des bataillons provenant de différentes colonies de l’Afrique
occidentale française (AOF) renforcée par une unité d’artillerie

Véronique DUCHESME, corps et oracle, la transe divinatoire du Kômian (Côte d'ivoire), in familiarité avec
les Dieux : transe et possession (Afrique Noire, Madagascar, la réunion), collection Anthropologie, presses
universitaires Biaise Pascal, Clermont-Ferrand (France), 2001, P. 309.
Patrick ROYER, op.cit, P.35.

57
Ainsi, à l’instar de cet exemple édifiant, les combattants anticoloniaux en Côte
d’ivoire ont eu de la ténacité à résister grâce aux serments mystiques. Dans ce contexte, les
féticheurs contrariaient efficacement l’installation du colonisateur sur le territoire ivoirien par
le procédé des serments occultes.

Pour renchérir, Florence BERNAULT affirme: «De 1890 à 1930, les fonctionnaires
français définirent par contraste le fétichisme comme le soubassement culturaliste et obscur
de l’autorité des hommes qui résistaient à l’avancée coloniale, et comme la marque de leur
tyrannie Les féticheurs auraient une grande influence sur les populations (1913) ; d’où
l’importance d’éloigner de telles personnalités dont le pouvoir « occulte » ne pouvait cesser
de s’exercer même après défaite formelle, et dont les rapports officiels soulignent la nature
barbare et « cruellement révoltante », surgie de la pratique de sacrifices humains et de
meurtres rituels. Dans la langue politique et administrative coloniale, le fétichisme fut donc
conçu comme la marque de l’illégitimité de l’autre à commander/obéir. Dans ce contexte,
les féticheurs étaient considérés par le colonisateur comme des redoutables opposants à
l’implantation de l’ordre colonial et ils étaient une source de galvanisation des combattants
anticoloniaux, d’où la nécessité de les neutraliser par le biais de la prison afin de fragiliser
l’ardeur offensive des résistants indigènes.

C’est donc à juste titre que le pouvoir colonial a appliqué l’internement à ces meneurs
redoutables que sont les féticheurs appelés aussi « sorciers guérisseurs » en vue de les
neutraliser et les faire disparaître de l’espace colonial. Par ce fait, le pouvoir colonial
fragilisait la ferveur combative voire la détermination physique des résistants indigènes,
puisqu’il n’y a plus de guide mystique pour les affermir spirituellement et les galvaniser
physiquement. C’est ainsi que Terence RANGER affirme que : « Les tenants du
colonialisme mirent l ’accent sur le caractère irrationnel et désespéré de la résistance armée,
prétendant qu’elle était souvent le résultat de la superstition et que les populations, par
ailleurs satisfaites d’accepter la domination coloniale, avaient été travaillées par les sorciers
, . 153
guérisseurs ».

En définitive, bien que « travaillés mystiquement » par les fétieheurs, les combattants
indigènes n’ont pas pu vaincre les troupes coloniales. Nous pensons que cela est dû

*5’ Florence BERNAULT, de la modernité comme impuissance. Fétichisme et crise du politique en Afrique
équatoriale et ailleurs, in Cahiers d’études africaines 2009/3 (n° 195), éditions de l’EHESS, (pp 747-774),
P.768.
‘52 Ibidem.
'55 Terence O. RANGER, op.cit. P.70.

58
principalement à la capture et à l’internement des féticheurs, principaux générateurs de la
ténacité et de la ferveur mystique des combattants anticoloniaux. Notons que cette capture
était faite suite à des trahisons de la part de certains fidèles des féticheurs. Ainsi, selon Patrick
ROYER : « Les barrières d'ordre mystique brisées par la trahison étaient une explication
populaire pour la chute de centres militaires importants^».

À la lumière de ce qui précède, il faut retenir que les meneurs des résistances à la

pénétration française sur le territoire ivoirien, en l’occurrence les chefs de guerre et les
féticheurs étaient pendant les guerres de conquête arrêtés et emprisonnés. Cette manière de
procéder était une stratégie bien peaufinée du colonisateur à l’effet de juguler plus facilement
les différentes formes de résistances coloniales et de soumettre les combattants farouches
(chefs de guerre et féticheurs) à l’autorité coloniale. A cet égard, la prison apparaît comme un
lieu de discipline des résistants à la conquête coloniale.

Patrick ROYER, op.cit, P.42-43.

59
SECTION II :

LA PRISON COLONIALE, LIEU DE DISCIPLINE DES


RÉSISTANTS FAROUCHES

Comme nous l’avons déjà évoqué, la prison a été importée sur le territoire ivoirien
pendant la colonisation pour servir d’instrument de répression, de domination. Elle a été
fréquemment employée par le pouvoir colonial pendant la conquête pour réprimer les
combattants anticoloniaux. À cet égard, la peine d’emprisonnement a été utilisée de façon

récurrente pendant cette époque. En effet, la prison « colonise l’espace pénal ivoirien à
partir de la conquête coloniale.

La prison est introduite par les nouvelles autorités dans les comptoirs puis, au moment
de la conquête, hors de l’influence des théories pénales des XVIlF et XIX^ siècles.’^^Le

maillage carcéral suit les mouvements de conquêtes. La prison est alors utilisée pour
l’enfermement des prisonniers de guerre et des chefs rebelles, mais aussi pour s’assurer du
contrôle social sur les nouveaux territoires . La sanction de la peine privative de liberté a été
donc utilisée à l’encontre des indigènes téméraires qui s’opposent à la pénétration coloniale
notamment les meneurs des résistances.

Les meneurs des résistances en l’occurrence les chefs de guerre, les féticheurs,
considérés comme des opposants redoutables et farouches seront emprisonnés au fil de la
conquête. C’était donc une stratégie mise en œuvre par la puissance colonisatrice pour briser
et vaincre les mouvements de résistance à la conquête. Au fur et à mesure de la conquête
territoriale intérieure, le pouvoir colonial érige des postes militaires pour assurer sa présence ;
une geôle construite dans l’urgence est le plus souvent associée à cette nouvelle
implantation’.

Dans les villes coloniales, les fonctions répressives se trouvent fortement liées à la
nouvelle domination, et parmi les symboles du pouvoir figurent toujours la caserne et la

’^^Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, « crime et châtiment » aux colonies : poursuivre, juger et sanctionner au
Dahomey de 1894 à 1945, thèse de Doctorat de l’Université de Toulouse, présentée et soutenue le jeudi 07
novembre 2013, P. 184.
’^Idem, P. 185.
'5’ldem, P. 187.
'^^Babacar B A, l’enfermement pénal au Sénégal : 1790-1960. Histoire de la punition pénitentiaire coloniale.
Thèse de Doctorat d’Histoire, Université Cheikh AntaDiop, Dakar , présentée et soutenue en 2005, P. 18.

60
prison coupléesÀ cet égard, la prison a été un lieu pour discipliner les opposants à la

conquête coloniale afin de les assujettir à l’ordre colonial (§1). Ce procédé a été un moyen
pour le colonisateur d’affirmer sa suprématie dans l’espace colonial (B).

§1 : L’assujettissement des résistants au pouvoir colonial


consécutif aux conditions de détention

De nos jours, la peine de prison a pour finalité la défense sociale, la protection de la


société. La peine privative de liberté a pour but essentiel de sanctionner le délinquant, de
l’amender et de le reclasser dans la société. L’objectif de la peine est donc fixé : elle ne doit
plus simplement punir, elle doit amender. La peine n’est plus seulement expiatoire,
éliminatrice et intimidante, elle doit permettre d’assurer le relèvement du délinquantAinsi,
le but de la peine est de punir, de corriger et de réinsérer le détenu’^’ .

Cette vision de la prison aujourd’hui n’est pas la même pendant la colonisation. Le


colonisateur, dans sa logique de domination, a assigné à la prison une finalité disciplinaire.
Les prisons coloniales ont été ainsi des lieux de discipline par excellence à l’ordre colonial.
Dans cette logique, le pouvoir colonial a inculqué aux résistants farouches emprisonnés une
certaine discipline afin de modifier leurs comportements qu’il jugeait primitif et barbare (A).
La prison a donc eu un effet novateur sur les caractères des prisonniers de guerre indigènes.
Ces résistants, eu égard aux conditions de détention, de traitement en prison, sortiront avec
une attitude beaucoup plus docile à l’égard du pouvoir colonial. Ils sortiront de ces prisons
avec la contrainte de se soumettre au pouvoir colonial (B), de peur d’y retourner et de subir
ses affres.

’^’Odile Georg, « urbanisme colonial et prisons en Afrique : quelques éléments de réflexion à propos de Conakry
et de Freetown de 1903 à I960 »in Florence BERNAULT (dir) « enfermement, prison et châtiments en Afrique
du 19^ siècle à nos jours, Paris, Karthala, 1999, P. 163-164.
""^Audrey KIEFER, Michel FOUCAULT : le G.I.P., l’histoire et l’action, (vrinemetpr édition et date), P. 21.
Auriane DAMEZ, mémoire de master 2 droit pénal et sciences pénales, thème : criminalité et prison,
université paris II panthéon-Assas, 2009-2010,P.9.

61
A- La modification du comportement d’hostilité à l’égard du
pouvoir colonial

Le droit pénal a assigné à la prison trois fonctions principales notamment la sanction,


l’amendement et la réinsertion sociale du délinquant. Toutes ces fonctions sont établies à
l’effet de protéger la société. Ainsi, la sanction consiste à la juste répression des conduites
attentatoires à l’ordre public et au bien-être de la société. Elle se résume également à protéger
les personnes vivant en société de ce qui pourrait leur être nuisible et intimider voire
décourager tous les candidats potentiels à la délinquance. La sanction est donc l’élément
fondamental du droit pénal dans la société car une règle sociale dépourvue de sanction est
sujet à des transgressions permanentes.

En sus, dans le souci de protection de la société, l’amendement consiste à rendre


meilleur, plus docile et plus responsable le délinquant qui subit sa peine privative de liberté. A
cet effet, la prison doit tendre à modifier les caractères criminogènes du délinquant afin de le
rendre utile dans la société. Cette utilité se traduit par la réinsertion sociale du délinquant.
Cette réinsertion sociale se traduit par l’apprentissage d’un métier au détenu pendant la durée
de sa peine privative de liberté, de telle sorte qu’à sa sortie de prison, il pourra être
responsable et se prendre en charge.

Ainsi, l’amendement et la réinsertion sociale du délinquant permettent d’éviter les


situations de récidive. Cependant, il faut relever que la situation était toute autre pendant la
colonisation. Le colonisateur, dans sa logique de domination, a plutôt assigné à la prison une
mission coercitive tendant à discipliner les résistants à la conquête coloniale.

Notons que les indigènes étaient considérés comme des peuples « sauvages et primitifs ».
Pour renchérir, Frantz FANON affirme : « Le langage du colon, quand il parle du colonisé,
est un langage zoologique. On fait allusion aux mouvements de reptation du Jaune, aux
émanations de la ville indigène, aux hordes, à la puanteur, aux pullulements, aux
grouillements, aux gesticulations. Le colon, quand il veut bien décrire et trouver le mot juste,
se réfère constamment au bestiaire ».*^2

Ainsi, le colonisateur a dénié la nature humaine aux indigènes. Il les traitaient comme
des animaux féroces qu’il se devait de dompter voire domestiquer. Il les considéraient comme

Frantz FANON, op.cit. P. 45.

62
des bêtes féroces qui devraient être éduquées à l’image des animaux de cirque. Cet état de fait
a justifié une violence inouïe pendant les guerres de conquête car la finalité principale du
pouvoir colonial était de soumettre par tous les moyens les résistants à l’ordre colonial.
Raphaël GRANVAUD nous en donne une illustration : « On continue de pratiquer les
décapitations ou la confection de chapelets d'oreilles pour attester que l’on n’a pas gaspillé
en vain ses munitions^Le massacre et la terreur n’ont jamais cessé d’être utilisés pour

réprimer l'insubordination des colonisés, mais ils ne constituent pas les seuls instruments de
domination.

La prison à cette époque avait donc pour finalité de modifier ces caractères dits
primitifs et sauvages. Elle avait à cet égard une mission disciplinaire consistant à soumettre
les combattants anticoloniaux à l’ordre colonial. La discipline des résistants indigènes était
donc l’une des priorités du colonisateur.

Michel Foucault commence une analyse précise de la « discipline » et illustre ces


méthodes de contrôle par l'organisation militaire, spécialiste des corps dociles, des postures
mécaniques et de l'aménagement des individus dans l'espace. La discipline nous vient bien
des casernes. La société disciplinaire comme nouvelle économie du pouvoir se forme donc
par toute une série de processus historiques pour un meilleur « dressement » des
individus.A cet égard, la prison avait pour fonction de «dresser» voire d’éduquer les
indigènes. Elle avait donc pour finalité de discipliner les résistants à l’ordre colonial pour
faire d’eux des individus utiles et dociles pour la société coloniale.

Par ailleurs, notons que les farouches rebelles à l’occupation coloniale étaient
principalement les meneurs des résistances notamment les chefs de guerre et les féticheurs.
Dans l’optique de les neutraliser, le pouvoir colonial a appliqué à leur encontre l’internement
voire la déportation. Cette méthode permettait au pouvoir colonial d’éloigner ces meneurs de
l’espace colonial afin d’affaiblir et de vaincre leurs troupes. L’enfermement colonial
permettait aux autorités coloniales de soumettre ces meneurs. Par voie de conséquence, les
résistants indigènes n’avaient pas d’autre choix que de s’assujettir à la souveraineté coloniale.

Danse ce contexte, l’ordre colonial utilise l’enfermement non seulement comme


• • 166
procédé autoritaire mais comme technique transformative et eugénique . Il a été un lieu

'“Raphaël GRANVAUD, op.cit. P. 12.


Idem, P. 15.
Audrey KIEFER, op.cit. P. 98.
Florence BERNAULT, op.cit. P.57.

63
d’amélioration du comportement du rebelle indigène à l’égard du pouvoir colonial. Beaucoup,
leur peine subie, intégralement ou partiellement, sont revenus dans leurs pays d’origine et de
l’interrogatoire qu’ils ont subi, résulte l’impression que cet exil avait modifié leurs sentiments
primitifs.

Ce changement de comportement des résistants consécutif à leur peine privative de


liberté est engendré principalement par les mauvaises conditions de détention et la
maltraitance que subissaient les résistants à la conquête coloniale. Ainsi, selon Bénédicte
BRUNET LARUCHE « le constat est unanime sur la situation catastrophique des prisons en
A OF. Les détenus sont entassés dans des bâtiments inadaptés, sans système d ’assainissement
168
et leur régime alimentaire est insuffisant tant quantitativement que qualitativement ».

Les conditions de vie dans les prisons sont très dures, voire inhumaines pour les
indigènes. La privation d’air, de soleil, de lumière, d’espace, le confinement entre quatre murs
étroits, la promenade sous des grillages, la promiscuité avec des compagnons non désirés dans
des conditions humiliantes, Ce sont là des preuves physiques qui agressent le corps, le
détériorent lentement’^^.

Les prisons de la colonie ont souvent été décrites par les autorités
pénitentiaires elles-mêmes, comme des endroits « malpropres et mal aérés », un espace
170
exigu et insalubre où l'hygiène des locaux et des corps se dégrade aisément .

En résumé, les prisons coloniales étaient caractérisées par les faits suivants : des
bâtiments inadaptés et surpeuplés créant des conditions de logement déplorables, des
problèmes d’eau et d’assainissement, ration alimentaire insuffisante, inexistence quasi-totale
des soins de santé. Tous ces faits créent des chocs psychologiques chez les détenus et
affectent considérablement leur personnalité...

De même, l’état de délabrement des lieux de détention, insalubres et mal aérés, un


régime alimentaire inadéquat et insuffisant, le manque d’hygiène, la maltraitance de la part
des gardiens de prison ; tous ces faits constituaient des facteurs qui influent sur le
comportement des résistants indigènes dès leur sortie de prison. En conséquence. Ils seront

Gabriel ANGOULVANT, op.cit. P.237-238.


Bénédicte BRUNET LARUCHE, op.cit. P.596.
’^’Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale française, op.cit. P.217.
’^^Ibrahima THIOUB, Sénégal :la santé des détenus dans les prisons coloniales , in revue française d’histoire
d’outre-mer, tome 86, n° 324-325, 2® semestre 1999. Pour une histoire du contrôle social dans les mondes
coloniaux : justice, prisons, et enfermements de l’espace pp 65-77, P.70.

64
contraints de s’amadouer et se soumettre aux autorités coloniales, de peur d’y retourner et de
subir les mêmes affres. La prison coloniale modifie ainsi profondément les caractères
belliqueux voire primitifs des résistants. Ils n’auront d’autre désir voire volonté que de se
soumettre à l’ordre public colonial.

B- La contrainte de se soumettre au pouvoir colonial

La colonisation implique au contraire l’imposition d’un ordre nouveau par une minorité
étrangère à une majorité autochtone. Il est donc du devoir des autorités coloniales d’amener
la population colonisée à se soumettre à cet ordre. Pour y parvenir, le pouvoir colonial va faire
recours à la prison. Bien avant. Il importe de relever que dans l’Afrique précoloniale, et
surtout en Côte d’ivoire, il y avait des modes de sanction totalement différents de la prison.
Les ivoiriens avaient de ce fait des peines spécifiques pour instaurer un ordre social paisible.

Dans ce contexte, Bernard HOLAS affirme que : « L'homicide par imprudence était
sanctionné par une indemnité à la famille de la victime, se montrant généralement à quatre
vaches et à un bannissement de quatre années ; le meurtre était sanctionné par une indemnité
à la famille du défunt (prix du sang) et par un bannissement du « pays dernière
sanction correspondait en quelque sorte à la mort sociale du condamné, elle constituait en fait,
selon la coutume l’un des châtiments suprêmes de la communauté.

Un coupable expulsé du sein de son tougba était jadis assimilé aux dires des anciens
qui ont effectivement de pareils cas, à une personne inexistante, que l’on ne voyait pas, et qui,
de ce fait, ne pouvait prendre part à aucune activité de la vie quotidienne, ni manger, ni parler
à ses proches. La censure sociale était sur ce point d’une rigueur totale, afin d’éviter que
même les membres les plus intimes du milieu familial du proscrit ne puissent, d’une manière
ou d’une autre, adoucir éventuellement son sort.'^"*

Dans le même ordre d’idées, à l’occasion d’un congrès organisé par la société suisse
de droit pénal en 2006, le juriste KOFFI A. Afandé, juge au tribunal pénal international pour

*’* Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, « crime et châtiment » aux colonies : poursuivre, juger et sanctionner au
Dahomey de 1894 à 1945, op.cit.P.63.
Bernard HOLAS, Traditions Krou, éditions Fernand Nathan, 10 avril 1980, poitiers/luguge, P. 102.
Idem, P. 103.
'^''Bernard HOLAS, Traditions Krou, op.cit. P. 102.

65
le rwanda a exposé les problèmes de la justice africaine concernant la conception
traditionnelle de la sanction et celle héritée du colonialisme.

Il évoque que dans l’abstrait négro-africain, les mesures décidées suite à des actes
relèvent d’une philosophie de l’ordre cosmogonique social, selon laquelle les sociétés sont
nées du chaos et que le désordre, ou, si l’on préfère, la diversité permet de s’adapter aux
contraintes sociales.

Dans son exposé, il affirme que : « dans la conception précoloniale, la sanction est
mystico religieuse si elle est consécutive à une marginalité touchant une valeur « sacrée»
telle que la vie humaine, animales, végétale et minérale car les objets inanimés sont aussi
1 76
censés avoir une âme » .

En matière pénale, chez nombreux peuples ivoiriens, l’ancien droit coutumier reposait
sur l’ordalie. Si elle était couramment utilisée par ces peuples, il n’en demeure pas moins que
les éléments matériels constitutifs de cette technique pénale se distinguaient d’un peuple à un
autre. A la différence de la société baoulé qui recourt à « Veau du cadavre » dans la recherche
des preuves, les Bété emploieront le ghopô, feuilles toxiques broyées dans une eau pure
« recueillie très tôt le matin », qu’absorbera le prévenu.

Chez les kroumens, il y avait l’épreuve par le bois rouge, autrement dit l’épreuve par le
poison. En effet, ce bois rouge contenait un venin mortel, il est pilé, mis dans l’eau, il devient
mousseux et on le donne au coupable pour qu’il le boive. Le conseil des anciens composant le
tribunal villageois désigne un représentant, homme de confiance, qui se rend alors dans la
forêt, à l’endroit où pousse l’arbre fournisseur d’écorce. Arrivé près du tronc de
l’erythrophleum choisi (arbre au bois rouge), le délégué prononce d’abord les salutations
d’usage à l’adresse de l’entité justicière qui l’habite et lui explique les raisons qui l’amènent à
lui demander son concours’^^. Tout cela se fait très souvent en présence de l’inculpé.

Les sanctions s’appuient, de ce fait sur la coutume, la tradition du peuple considérée


voire sur la magie. Elles émanent donc des ancêtres, des dieux. Sous ces angles, ces sanctions
précoloniales ne pouvaient être remises en cause par la population. On les considérait comme

'^^Source :bulletin@infosprisons sur www.infosprisons.ch, plateforme d’échanges sur la prison et la sanction


pénale.
Ibidem.
Henri LÉGRÉ OKOU, les conventions indigènes et la législation coloniale (1893-1946), essai
d’anthropologie juridique, éditions NETER, 1994, Abidjan, P. 11.
'^^Bemard HOLAS, op.cit, P. 105.

66
justes voire divines. Elles s’imposaient à cet égard à toute la communauté. Ainsi, on avait le
lynchage, la mise aux fers, la lapidation, l’isolement ou la mise en quarantaine, le
bannissement, la peine de mort au pire des cas.

En pays Gouro et en pays Guéré, l’individu reconnu coupable...pouvait subir le supplice


physique ou le lynchage public ou encore la réduction en captivité ou la vente aux
I7Q 120
négriers. Tout cela s’opère sous le sceau de la légalité traditionnelle.

Par ailleurs, le colonisateur va jeter l’anathème contre ces formes de sanction qui sont
incompatibles aux mœurs de la civilisation européenne. Il va les rejeter et instituer une
nouvelle forme de sanction qu’est l’emprisonnement. Il considérait les peines traditionnelles
trop brutales et fétichistes. Il va les remplacer en instituant des peines plus sévères d’exclusion
sociales (déportation, l’emprisonnement) méconnues des peuples autochtones qui ont toujours
exécuté leurs peines en milieu ouvert.

C’est une nouvelle institution pénale sur l’espace colonial qui traumatise les
autochtones. Si bien que les populations Akan (Baoulé et Agni) et Gouro appellent la prison
respectivement : bisoa (bi=exécrât, merde ; soa=maison, hutte) et bookon (exécrât, merde ;
kon=maison, case, habitat) ; c’est-à-dire lieu de défécation. De même, elle était qualifiée
par les Dahoméens de « boîte » selon Bénédicte BRUNET LARUCHE à cause des conditions
de détention inhumaines. Elle suscitait, de fait, peur et rejet ; aucun indigène ne voulait s’y
aventurer.

Le détenu est enfermé dans un monde clos, totalement restrictif, il est en marge de la
société, 11 n’en fait plus partie . Alors que le noir, de façon générale, habitué à vivre en
communauté, ne supporte pas ce genre de situation. Le pouvoir colonial va profiter de cette
psychose que crée la prison dans l’esprit des indigènes pour faire d’elle un instrument de
soumission à l’ordre colonial. Elle sera donc utilisée principalement contre les résistants à
l’occupation du territoire ivoirien par la puissance colonisatrice.

Ainsi, le gouverneur Gabriel ANGOULAVANT, dans son ouvrage la pacification de


la Côte d’ivoire : 1908-1915, méthodes et résultats ; affirme à la page 238 que
« / ’internement n ’a été appliqué en général qu 'aux chefs et instigateurs des rébellions dont se

Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les institutions coloniales de l’Afrique occidentale française, op.cit. P. 195.
'""ibidem.
'"'séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique occidentale française, op.cit. P.216.
'"^Idem, P. 223.

67
rendirent coupables divers groupements des cercles du N’ZI Comoé, des lagunes et du
Baoulé, qui nous connaissaient bien, avaient pu apprécier les bienfaits de notre occupation,
s ’étaient déjà soumis à notre autorité ».

L’enfermement des résistants à la conquête coloniale a été une stratégie des autorités
coloniales pour soumettre ceux-ci. Un certain nombre furent l’objet de mesures de clémence,
motivées soit par leur bonne conduite soit par l’attitude devenue irréprochable des
groupements auxquels ils appartenaient .

La prison coloniale a dénaturé ainsi les caractères primitifs des résistants. Selon le
gouverneur Gabriel ANGOULVANT, les résistants, une fois sortis de prison, tous protestaient
de vivre désormais en bons termes avec eux. Dès lors, la prison modifie profondément la
personnalité, l’identité des indigènes qui refusaient de se soumettre à l’autorité coloniale. Un
exemple édifiant, bien qu’il soit une fiction, nous est fourni dans l’ouvrage la carte d’identité
de Jean-Marie ADIAFFI.

Dans La Carte d’identité, le prince de Bettié subit autant dans sa chair que dans son
esprit, la négation de son identité par le commandant Kakatika. Pour avoir remis en cause le
discours arrogant du premier responsable du cercle colonial de Bettié, Mélédouman est
torturé atrocement. Il est ensuite détenu pendant une semaine à la « la cellule de vérité »dans
des conditions terribles.

Une des caractéristiques de la cellule de vérité est sa puanteur : « pour empester,


elle empestait. Avec la suffocante chaleur y montait une odeur irrespirable ». La cellule
de vérité est aussi caractérisée par son insalubrité : c’est le « paradis des asticots, des
grosses mouches prolifiques aux ailes luisantes, qui faisaient un tapage d’enfer ». Ce lieu
repoussant pullule de vers, poux, puces, cafards, blattes, mouches et de moustiques. Dans ce
« cagibi », le prisonnier Mélédouman était obligé de faire sur place « selles et urine
dans un vieux seau criblé de trous ». Cela justifiait le nom donné par les colonisés à
la prison coloniale : « maison de caca, Ebissoa ».

La dernière caractéristique de la cellule de vérité est son étroitesse. Décrite


comme un véritable réduit, la cellule « était tellement minuscule et basse que le
prisonnier ne pouvait ni s’asseoir, ni rester debout, ni se coucher. Il était ainsi plié ».
Aveugle et physiquement méconnaissable à la fin de son séjour carcéral, Mélédouman est

‘^^Gabriel ANGOULVANT, op.cit. P.237.

68
décrit comme « un cadavre ambulant ». À ce traumatisme physique s’ajoute un désarroi

identitaire. Le prince de Bettié, en perte de sérénité, vacille quant à la définition de son


identité

Ainsi à l’image de Mélédouman, la majorité des résistants en prison ont subi les
mêmes souffrances dans les prisons coloniales. Excepté ceux qui sont morts, la majorité
d’entre eux sortiront de ces prisons contraints de se soumettre et de se conformer à l’ordre
colonial. Cela consacre par les faits une reconnaissance de la souveraineté française et une
suprématie indéniable de la puissance colonisatrice.

§ II : L’affirmation de la suprématie du colonisateur sur l’espace


colonial

Une société se juge aussi à la façon dont elle réagit à l’égard de ceux qui la
défient. Toute société est donc à l’image de son système répressif. Ainsi dans les sociétés
primitives, le mode de répression était basé sur la vengeance privée, la loi du talion, la
lapidation, le bannissement, la peine de mort, le lynchage public, etc.

De nos jours, avec l’évolution du degré de civilisation, la sanction pénale a pour finalité
l’amendement et la resocialisation du délinquant. Par contre, pendant la colonisation voire
dans les sociétés coloniales, l’objectif de la sanction pénale est l’affirmation de la suprématie
de la puissance colonisatrice sur l’espace colonial et sur la population colonisée.

L’installation des prisons dans les colonies ne s’appuie pas, en effet, sur un souci de
surveillance absolue, encore moins d’amendement du délinquant, mais sur la volonté de

'^''Constant Y AO ZÉBIÉ, la dialectique de la chaotisation / renaissance dans la fonction romanesque de Jean-


Marie ADIAFFI in Isis dans la vallée du texte, sous la direction de Parfait DIANDUE BI KOUAKOU et
Virginie KONAN DRI, Nodus Sciendi, P.8.
’^^Gérard SOULIER,op.cit. P.548.

69
dominer les nouveaux territoires et d’employer leurs populations.’^^La prison coloniale a donc

pour finalité d’instaurer la suprématie de la puissance colonisatrice au sein de la colonie.

Ainsi, la domination coloniale a toujours reposé sur un système coercitif bien


organisé. Pendant la phase de conquête, le pouvoir colonial aura recours à la prison pour
enfermer et neutraliser les résistants farouches à la conquête coloniale. Les instigateurs de
rébellion voire les meneurs de la résistance ont été emprisonnés ; cela dans le but de briser les
différents mouvements de résistance à l’occupation française. En imposant la loi d’un système
répressif extérieur à la société qui le subissait, la prison a alimenté la transformation des
sociétés colonisées et a consolidé le bouleversement profond instauré par la conquête . En
effet, par l’emprisonnement, le pouvoir colonial « fabriquait » des indigènes dociles, prompts
à se soumettre à l’ordre et au pouvoir colonial.

La soumission des résistants par le biais de la prison a été un facteur qui a permis au
pouvoir colonial d’établir son autorité exclusive au sein de la colonie (A). Ainsi, le pouvoir
colonial a pu librement exercer ses prérogatives pour la construction de l’empire colonial (B).

A-L’établissement de l’autorité coloniale dans la colonie

La puissance colonisatrice a eu recours à deux actions pour s’accaparer le territoire


ivoirien, puis pour juguler les différentes formes de résistances coloniales. Il s’agit notamment
de l’action politique et de l’action militaire. Cette dernière action, plus violente et meurtrière,
a servi à combattre les résistants à la conquête coloniale alors que l’action politique, plus
stratégique, a permis la connaissance, la maîtrise et l’organisation du territoire colonial. Elle
implique également la connaissance des différents tribus, leurs coutumes, leur mode de vie
afin de pouvoir mieux les assujettir.

Dans ce contexte, le général GALLIÉNI affirme: « L'action politique tire sa plus grande
force de la connaissance du pays et de ses habitants : c 'est à ce but que doivent tendre les
premiers efforts de tout commandement territorial. C ’est l'étude des races qui occupent une
région qui détermine l’organisation politique à lui donner, les moyens à employer pour sa

Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, « crime et châtiment » aux colonies : poursuivre, juger et sanctionner au
Dahomey de 1894 à 1945, op.cit. P. 186.
'’^Florence BERNAULT, op.cit. P37.

70
pacification. Un officier qui a réussi à dresser une carte ethnographique suffisamment exacte
du territoire qu'il commande est bien près d’en avoir la pacification complète, suivie bientôt
de l'organisation qui lui conviendra le mieux. »

L’organisation administrative de la colonie permet donc aux autorités coloniales


d’avoir une maîtrise de l’espace colonial. Cette maîtrise leur permet d’exercer une autorité
absolue sur la population indigène et d’instaurer une tranquillité dans la colonie. De 1908 à la
fin 1912, les réorganisations ont été exclusivement dictées par les nécessités de pacification.
A partir de 1913 apparaissent, pour devenir prépondérante lors de la dernière organisation, les
considérations économiques.’^^

Ainsi, dirigée par un gouverneur, la colonie de Côte d’ivoire fut subdivisée en diverses
circonscriptions : les cercles, les subdivisions, les cantons et les villages. Le 12 juin 1903, la
Côte d’ivoire est divisée en 10 cercle :kong, Bondoukou, Indénié, Assinie, Bassam, les
lagunes, baoulé, lahou, Sassandra, Cavally.’^®

Par ailleurs, il faut relever que pour le peuple colonisé, la valeur la plus essentielle,
parce que la plus concrète, c’est d’abord la terre : la terre qui doit assurer le pain et, bien sûr,
la dignité.’^’Elle renferme pour les communautés traditionnelles indigènes, le domaine du

sacré c’est-à-dire un lien avec les ancêtres et le domaine des vivants. Pour renchérir, NENE
BI BOTI Séraphin affirme : « Cette dualité est telle que, pour ces communautés, quiconque
perd la terre, perd la double existence ».’^^ À cet égard, ces communautés vont user de tous

les moyens matériels comme immatériels pour s’opposer farouchement à la spoliation et à


l’occupation de leurs terres par le colonisateur.

La puissance colonisatrice a donc eu en face d’elle des populations surexcitées


prêtes à défendre au prix de leur sang leur souveraineté ancestrale. Dès lors, pendant les
guerres de conquête coloniale, la puissance colonisatrice va implanter un système coercitif
redoutable, notamment un système pénitentiaire pour neutraliser les résistants farouches à
l’établissement de son autorité au sein de la colonie. Ce système va permettre au colonisateur

’^^Général GALLIÉNI, rapport d'ensemble sur la pacification, l’organisation et la colonisation de Madagascar


(octobre 1896 à mars 1899), Henri Charles-LAVAUZELLE éditeur militaire, Paris 1900, P.30-31.
‘^’Gabriel ANGOULVANT, op.cit. P. 103.
"'’^Edmond MICHELET et Jean Clément, op.cit. P.33.
Frantz FANON, op.cit. P. 48.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, la terre et les Institutions traditionnelles Africaines : le cas des Gouro de Côte
d’ivoire, thèse de doctorat soutenue au cours de l’année académique 2003-2004, P.7.

71
de quadriller l’espace colonial et de dompter les indigènes qui s’opposent à la politique
coloniale.

La prison a donc eu pour finalité d’établir l’autorité du pouvoir colonial sur le


territoire ivoirien et sur les tribus autochtones. L’emprisonnement des indigènes hostiles à la
conquête coloniale permettait tout naturellement à la puissance colonisatrice d’implanter plus
aisément son autorité et sa souveraineté sur l’espace colonial, car elle avait pour ambition d’y
établir une autorité exclusive et incontestable.

Ainsi, la privation de liberté comme mode de répression à l’encontre des tribus hostiles
était un moyen de l’implantation de l’autorité coloniale. La prison permettait, dans cette
logique, de débarrasser la colonie de tous les réfractaires à l’ordre colonial par le mécanisme
de la déportation. Elle avait donc pour mission d’établir l’autorité du colonisateur au sein de
l’espace colonial. Il faut également noter que l’enfermement des résistants à la conquête
coloniale avait une influence négative sur leur personnalité après avoir purgé leur peine. Cet
état de fait est consécutif aux conditions de détention pénibles et aux contraintes de
l’emprisonnement colonial. La prison coloniale avait donc pour finalité de modifier les
comportements hostiles au pouvoir colonial.

1 Q'I
La population détenue est en situation d’assujettissement total et permanent. Ainsi, la
politique répressive du colonisateur pendant la conquête coloniale par le biais de
l’incarcération avait pour objectif de soumettre les résistants au pouvoir colonial.

Pour renchérir, Gérard SOULIER affirme : « La privation de liberté ne concerne pas


seulement la liberté d’aller et venir, elle est dépossession à peu près totale de toutes les
libertés fondamentales : privation de la liberté de mouvement, de la liberté d’expression, de
la liberté de correspondance, privation de toute autonomie, de toute intimité, même dans les
fonctions d’hygiène, appauvrissement gestuel et sensoriel, privation des relations familiales et
affectives, des relations sexuelles, privation, en un mot, de toute interaction sociale
normaleJ^^^Le détenu est en quelque sorte le négatif du citoyen libre. >>*^^00 telles conditions

influent considérablement sur le comportement des prisonniers de façon générale. Il peut donc
y avoir un amendement de comportement ou une accentuation de la tendance à la
délinquance.

Gérard SOULIER, op.cit., P.547.


'^'‘ibidem.
’^^lbidem.

72
Comme nous l’avons évoqué, pendant la colonisation, la prison, dans de telles
conditions, avait pour finalité d’influer sur le comportement des indigènes en les contraignant
à reconnaître et à accepter la souveraineté du pouvoir colonial . Dans ce contexte, Florence
BERNAULT affirme : « Les colonies ne furent jamais soumises à un grand renfermement.
Elles ne furent jamais dotées de la panoplie complète des architectures et des Institutions du
carcéral »’^^.Ces architectures carcérales étaient, pour la plupart, des bâtiments inadaptés à

l’enfermement afin de juguler et neutraliser, dès le début de la colonisation, toute résistance à


l’implantation de l’autorité coloniale.

Au contraire, l’émergence des prisons et des lieux de confinement liés à l’autorité


européenne s’organisa sur l’aménagement des limites du carcéral : limites réformatrices
suscitées par le maintien de la distance entre colon et africains ; paramètre indispensable à la
reproduction de l’ordre dominant. Limites matérielles commandées non seulement par le
manque de moyens, mais par une stratégie consciente qui vise plus à contraindre avec
économie qu’à contrôler totalement, et certainement encore moins à amender et améliorer

La prison, dans la stratégie coloniale, n’est donc pas axée sur l’amendement et la
resocialisation de l’indigène, elle avait pour rôle de participer à l’établissement de l’autorité
coloniale. L’instauration de cette autorité permettait beaucoup plus facilement au pouvoir
colonial d’exercer librement ses visées coloniales.

B- La liberté d’action du pouvoir colonial au sein de la colonie

Le général GALLIENI, gouverneur militaire de la colonie de Madagascar disait ceci à


propos de la pacification de cette colonie : « Le meilleur moyen pour arriver à la pacification
dans notre nouvelle et immense colonie de Madagascar, avec les ressources restreintes dont
nous disposons, est d'employer l'action combinée de la force et de la politique. Il faut nous
rappeler que, dans les luttes coloniales que nous impose trop souvent, malheureusement,
l'insoumission des populations, nous ne devons détruire qu'à la dernière extrémité, et, dans ce

Florence BERNAULT, op. cit.P.37.


”’lbidem.

73
cas encore, ne ruiner que pour mieux bâtir. Toujours, nous devons ménager le pays et ses
habitants, puisque celui-là est destiné à recevoir nos entreprises de colonisation futures, et
que ceux-ci seront nos principaux agents et collaborateurs pour mener à bien ces entreprises.
Chaque fois que les incidents de guerre obligent l'un de nos officiers coloniaux à agir conte
un village ou un centre habité, il ne doit pas perdre de vue que son premier soin, la
soumission des habitants obtenue, sera de reconstruire le village, d'y créer immédiatement un
marché et d'y établir une école. Il doit donc éviter avec le plus grand soin toute destruction
inutile » (in journal officiel de Madagascar, 2 mai 1898)’^^. Selon le général GALLIÉNI, deux

actions sous-tendent toute conquête coloniale comme nous l’avons déjà évoqué, il s’agit en
l’occurrence de l’action politique et l’action de force.

Il faut donc la combinaison de la politique et de la force pour faire une conquête


coloniale efficiente. La force, dans le contexte colonial, est l’utilisation de la violence pour
conquérir de nouvelles terres. Cette violence implique l’utilisation de moyens militaires dont
dispose la puissance colonisatrice pour aller à l’assaut de nouveaux territoires.

L’action de force est donc caractérisée principalement par l’implication active des
troupes coloniales : C’est la période des guerres coloniales. Les guerres coloniales consistent
en une violence militaire menée à une échelle et avec d’autres règles que lors des guerres
entre européens ; une violence dirigée contre les populations civiles, et non simplement contre
les forces armées adverses.

Il faut relever, de toute évidenee, que c’est pendant les guerres de conquête coloniale
que la prison a fait son incursion dans l’espace colonial. Ainsi, les premières prisons étaient
essentiellement des postes militaires. Elles avaient pour finalité d’enfermer et de neutraliser
les résistants farouches à la conquête coloniale. Ces résistants étaient des entraves majeures à
la liberté d’action du pouvoir colonial. II était donc opportun pour le colonisateur de juguler
les différents mouvements de résistance en ayant recours à l’incarcération.

Dans ce contexte, l’action militaire a consisté autant en l’utilisation des armes de


guerres qu’en l’emploi récun'ent de l’enfermement comme technique de neutralisation des
résistants. Elle a permis une liberté d’exercice de l’autorité du pouvoir colonial au sein de la
colonie. On pourrait, dès lors, affirmer que l’action de force a préludé à l’action politique.

’^^Source internet, www.cliotexte.com consulté en juillet 2014.


Raphaël GRANVAUD, op.cit. P. 10.

74
L’action politique, quant à elle, a consisté en l’organisation administrative, territoriale,
financière, judiciaire de la colonie. Elle se résumait également à mettre en œuvre les jalons de
l’idéologie coloniale de la métropole. Il fallait instaurer une certaine accalmie dans la colonie
et mettre en place les jalons de la politique coloniale. Dans cette logique, la puissance
colonisatrice a laissé la gestion de la majorité de ces colonies à des militaires.

Raphaël GRANVAUD abonde dans le même sens en affirmant que : « Les territoires
conquis et occupés sont d’abord gouvernés et administrés par des officiers militaires hauts
gradés, ayant sous leurs ordres une hiérarchie de commandants de subdivisions et de
cercles^^^ ». Les militaires sont à la tête de la colonie pendant la phase de la conquête

coloniale pour faciliter l’exercice de l’autorité coloniale et de la politique indigène par


l’utilisation de la contrainte. Cette stratégie avait pour finalité la neutralisation de toutes les
formes de résistances à la conquête coloniale.

Dans cette logique, le pouvoir colonial a mis en œuvre la théorie de la « tâche


d’huile »pour combiner l’action militaire et l’action politique pendant la conquête coloniale.
Il s’agit de n’avancer qu’après avoir immédiatement organisé les territoires conquis, en
s’appuyant sur des notables choisis.^®*

Les régions administrées constituent alors des points d’appui successifs pour parvenir à
la conquête militaire de la totalité du territoire. L’occupation du terrain doit s’appuyer sur la
mise en place d’infrastructures organisant le commerce, la vie des populations et permettant
leur contrôle^^^.

Ainsi, la Côte d’ivoire fut divisée en diverses circonscriptions : cercles, subdivisions,


cantons, villages. En 1893, Grand-Bassam fut choisi pour devenir le chef-lieu de la colonie. Il
y eut, de ce fait, la construction des bâtiments administratifs, des écoles, des hôpitaux, des
infrastructures économiques...Pendant que se faisait la conquête coloniale, le pouvoir colonial
mettait en place les fondements économiques et sociaux de la colonie.

“°°Idem, P. 15.
2°‘RaphaeI GRANVAUD, op.cit. P. 16.
^“^Ibidem.

75
La phase militaire et la phase politique ont eu donc lieu simultanément. Le pouvoir
colonial s’était établi par la force des baïonnettes et c’était par elle qu’il se maintenait. Dans
ce contexte, l’action politique évoquée par le général Galliéni englobe l’aspect économique.

De toute évidence, bien qu’ayant servi d’instrument de domination politique au cours de la


conquête coloniale, la prison a été un moyen de développement économique pendant la phase
de l’exploitation coloniale.

“'^^Raymond F. B ITTS, la domination européenne : méthodes et institution in Histoire générale de l’Afrique


(l’Afrique sous domination coloniale : 1800-1935), publié par l’UNESCO 1987, 2000, 2010, Paris, P. 355.

76
CHAPITREIl:

LA PRISON, MOYEN DE DÉVELOPPEMENT


ÉCONOMIQUE PENDANT LA PHASE DE L’EXPLOITATION
COLONIALE

«Avoir une suprématie mondiale, et non uniquement européenne telle a été la


politique de Colbert^®^, l’un des promoteurs de la colonisation au XVIL siècle. Pour lui, il faut

favoriser l’expansion coloniale dans le but d’accroître les richesses de la France. Il avait
compris surtout que la supériorité économique était le seul moyen d’arriver à cette
prééminence tant recherchée et que supériorité économique est synonyme de suprématie .

La politique coloniale doit surtout être commerciale ; au début, il est quelque fois
nécessaire de conquérir, il faut coloniser le plus vite possible, c’est-à-dire faire du
commerce^^^. Dans cette optique, la constitution d’un vaste empire colonial s’imposait à la

France pour accroître ses richesses et redorer son blason sur la scène internationale.

Pour y parvenir, la France a octroyé à la prison des missions économiques qui vont se
manifester par la mise en valeur de la colonie (section I), puis par l’enrichissement de la
puissance colonisatrice (section II).

2°'’ E. BENOIT DE REY, Recherches sur la politique coloniale de Colbert, A. Pedone, Editeur, Paris, 1902,
P. 39.
Colbert, Jean-Baptiste (1619-1683), homme politique français, responsable des Finances sous le règne de
Louis XIV, promoteur du mercantilisme.
E. BENOIT DE REY, op.cit. P. 40.
2°’ldem, P.41.

77
SECTION I :

L’INCARCÉRATION COLONIALE, UNE STRATÉGIE POUR LA


MISE EN VALEUR DE LA COLONIE DE CÔTE D’IVOIRE

Selon le Général GALLIÉNI cité par le Gouverneur ANGOULVANT dans son

ouvrage la pacification de la Côte d’ivoire 1908-1915, méthodes et résultats : « la méthode la


plus féconde c’est celle de l’action progressive, celle de la tache d’huile. On ne gagne du
terrain en avant qu ’après avoir complètement organisé celui qui est en arrière . » Ainsi, en
même temps que se faisait la conquête armée pour la prise de la possession territoriale de la
colonie, le pouvoir colonial procédait à la conquête morale. Il faut entendre par conquête
morale la création de marchés, l’ouverture des écoles, des dispensaires, la construction des
routes, l’implantation de nouvelles cultures, le développement des plantations traditionnelles,
l’assainissement des villes et des villages, en un mot la mise en valeur de la colonie.

Dès lors, la sécurité rétablie, la question de l’exploitation et de la mise en valeur de la


colonie passait au premier plan. Pour abonder dans le même sens, René Pierre ANOUMA
affirme : « les intentions de la colonisation sont patentes et clairement exprimées : exploiter
les colonies en les ouvrant au commerce européen, en faire des débouchés pour rindustrie
européenne naissante, mais aussi et surtout des réservoirs de matières premières qu’on
croyait abondantes voire inépuisables. La mise en œuvre de telles intentions appelait la
définition et l’application d’une politique rationnelle de mise en valeur devant déboucher sur
la mise en place d’une infrastructure faisant appel, elle-même, à des moyens financiers
209
importants. »

Pour l’obtention de ces moyens financiers, la puissance colonisatrice a mis en


application une stratégie économique bien efficace. En vertu de cette stratégie, la colonie de
Côte d’ivoire devait couvrir les dépenses relatives à sa mise en valeur par ses ressources
propres. Pour y parvenir, le pouvoir colonial aura recours à la prison comme un outil de
gestion économique de la colonie. Dans cette logique, les prisons vont nettement participer à
l’autofinancement de la colonie (§1). En outre, les prisonniers vont constituer une main
d’œuvre indispensable à la construction des infrastructures socio-économique (§11).

2°^ Gabriel ANGOULVANT, op.cit. pl53.


René Pierre ANOUMA, aux origines de la nation ivoirienne : conquêtes coloniales et aménagements
territoriaux 1893-1920, volume I, collection Etudes Africaines, l’Harmattan 2005, P.l 1.

78
§1 : La contribution des prisons à l’autofinancement de la colonie

Eu égard aux dépenses énormes occasionnées par l’expansion coloniale, le parlement


français a voté la loi des finances du 13 avril 1900. Cette loi exigeait que les colonies s’auto
suffisent sur le plan économique afin d’amoindrir les charges de la puissance colonisatrice.
La colonie de Côte d’ivoire, à l’instar des autres colonies françaises, devait trouver les
ressources propres à son développement. Ainsi, selon Paul LEROY-BEAULIEU : « La
première condition pour faire prospérer une colonie, c’est de se rendre bien compte de
l’étendue et des limites de ses ressources.

Dans cette logique, le pouvoir colonial aura pour obligation de maîtriser


géographiquement la colonie afin de trouver des mécanismes forts ingénieux pour renflouer
les recettes coloniales. Dès lors, les autorités coloniales vont mettre en place toutes sortes de
mesures financières notamment les patentes, les impôts, la douane (recettes douanières), les
comptoirs, les banques, le système des amendes...

Parmi ces ressources, l’impôt occupait une place privilégiée, car il était une source de
financement rentable de la colonie. La perception de l’impôt était de ce fait imposée à tous
les indigènes sans exception. Tout réfractaire au paiement de l’impôt était passible d’une
peine d’emprisonnement(A) et d’une peine d’amende. Ainsi, le paiement des amendes
consécutives à l’emprisonnement était également une source de renflouement des caisses de la
colonie (B).

A-Le paiement obligatoire de l’impôt sous peine de


l’emprisonnement

En vertu de la loi de finance du 13 avril 1900, chaque colonie française bénéficiait


d’une certaine autonomie sur le plan financier. Les autorités coloniales devaient au sein de la
colonie rechercher et trouver des ressources financières voire des mécanismes économiques
pour la mise en valeur de l’espace colonial. Ainsi, à l’instar de toutes les colonies françaises,
les autorités coloniales pour optimiser les ressources de la colonie de Côte d’ivoire vont
instituer l’impôt.

2'” Paul LEROY-BEAULIEU, op.cit. P. 401.

79
L’impôt, de façon générale, est un prélèvement opéré au profit de la puissance
publique sur les particuliers en fonction de leurs facultés contributives (les revenus et les
biens). Les méthodes de perception de l’impôt diffèrent depuis les époques révolues jusqu’à
nos jours. Des sociétés antiques aux sociétés modernes, divers prélèvements obligatoires sont
91 1
opérés sur les personnes à raison, soit de leurs activités, soit de leurs biens.

Ainsi, au Moyen Âge, les impôts étaient payés en heures de travail ou en nature (travaux

de voirie, approvisionnements en grain ou autres produits agricoles). Aussi longtemps que les
services offerts par la puissance publique ont consisté en une garantie contre les agressions
extérieures et dans la construction d’infrastructures pour faciliter les communications,
l’imposition en nature a permis de satisfaire la plupart des besoins de l’Etat, qui pouvait se
procurer de la main-d’œuvre en demandant à chaque seigneur de fournir un nombre de
travailleurs ou de soldats correspondant à son rang ou à son état et de prélever une partie des
récoltes des propriétaires.

De nos jours, bien que les impôts soient perçus sous forme monétaire, les principes
fondamentaux demeurent : l’Etat détermine l’assiette de l’impôt (telle que le montant du
revenu, la valeur de la propriété mobilière ou immobilière) à laquelle il applique un barème
ou taux, et procède au recouvrement de l’impôt (égal à l’assiette multipliée par le barème
applicable) auprès de celui qui paie l’impôt, le contribuable. Les impôts financent donc le
budget de l’Etat par l’intermédiaire des impôts indirects tels que la taxe sur la valeur ajoutée
(TVA), et des impôts directs tels que l’impôt sur le revenu.

Les impôts contribuent notamment aux dépenses d’éducation, de défense, de justice et


d’infrastructures routières, sans être affectés à un financement particulier ; ce qui les distingue
théoriquement des taxes et redevances. En outre, le système d’imposition n’est pas seulement
pour l’Etat un moyen de se procurer des revenus ; il constitue également l’instrument de base
de la politique budgétaire.

Dans ce contexte, les impôts peuvent servir à développer une économie équilibrée en
stimulant ou en réduisant certaines formes d’activités économiques, ou bien à favoriser la
justice sociale en assurant la répartition de la richesse nationale en finançant, par exemple.

2*’ Félix SOHUILY ACKA, Droit Fiscal, les éditions ABC, collection « comment réussir » 4® édition 2008, P.
4.
Microsoft encarta, op.cit.

80
certains régimes de solidarité ou en supportant la charge financière que représentent les
minima sociaux.

Par ailleurs, pendant la colonisation, le pouvoir colonial, pour financer le budget


colonial, a institué un système fiscal fort rigide. Ce système se justifiait par le fait que les
autorités coloniales avaient besoin de ressources financières suffisantes pour la mise en valeur
de la colonie et pour l’instauration d’un ordre public incontestable.

Dans cette perspective, elles ont élaboré plusieurs types d’impôts. On avait d’emblée
l’impôt de capitation. À ce titre, il faut noter que c’est l’arrêté du 4 mai 1901 qui a établi cet

impôt sur les indigènes de la Côte d’ivoire. Il est une contribution .due par chaque habitant
indigène, homme, femme et enfant âgé de plus de 10 ans et primitivement fixé à 2,50 francs
par an. L’article 4 de cet arrêté prévoyait que « l’or, l’ivoire, le caoutchouc ou tout autre
produit du cru de la colonie ayant un écoulement facile dans le commerce, pourront être
toutefois acceptés ; leur valeur sera fixée par une mercuriale... ») .

Ensuite, il y avait l’impôt physique (une sorte de travail forcé qui consistait en des
prestations, corvées, réquisitions obligatoires) et en fin de compte, les impôts réels constitués
des taxes sur les biens et services. Ainsi, l’Administration coloniale taxera le commerce,
lèvera des droits de douane sur les produits manufacturés d’importation : alcools, tissus,
armes à feu et outils...

Pour le recouvrement de ces différents types d’impôts, le pouvoir colonial a


été confronté à la réticence et à la résistance des indigènes. En guise d’illustration, Claude
MEILLASSOUX affirme : « En 1911, après cinq ans d’occupation, le pays n’est toujours
pas soumis. Les Gouro refusent de payer l’impôt, de fournir des porteurs ou d’exécuter les
corvées. l’instar du peuple Gouro, les autres peuples ivoiriens ont opposé un refus quant
au paiement de l’impôt. L’acceptation de l’impôt qui est une marque de soumission au
pouvoir colonial sera dès le départ hypothétique. L’impôt est une marque de souveraineté de
l’Etat colonial, leur perception ne doit souffrir d’aucune entrave, considérée comme preuve

Claude MEILLASSOUX, Anthropologie économique des Gouro de Côte d’ivoire, de l’économie de


subsistance à l’agriculture commerciale, éditions de l’école des Hautes études en sciences sociales (EHESS),
Paris, 1999, pp.291-317, P.300.

81
d’insoumission^*'^. L’Administration coloniale aura donc recours à la contrainte pour

recouvrer efficacement les impôts.

Ainsi, l’autonomie financière de la colonie de Côte d’ivoire commandait aux autorités


coloniales à recourir à la coercition, à la sanction pour le recouvrement des impôts. Dans cette
optique, René Pierre ANOUMA affirme : « il faut attendre la parution des textes officiels
mais aussi le renforcement des forces de répression d'abord au début du siècle puis surtout à
partir de 1908 pour entreprendre la soumission des populations à la nouvelle
imposition

Les États métropolitains et leurs prolongements en Afrique étaient dans l’obligation

de continuer à manier la contrainte pour assurer l’exploitation économique, parce que


l’économie coloniale devait être constamment imposée, face à l’opposition africaine^’^. Ainsi,

L’armée coloniale avec ses moyens d’oppression barbares va contraindre la population


indigène à se soumettre à l’impôt. Parmi ces moyens de contrainte, figure en bonne et due
forme la prison. L’incarcération a été donc un moyen de répression à l’encontre de tous les
réfractaires à l’impôt colonial.

Ces réfractaires au paiement de l’impôt étaient sanctiomiés par des peines


privatives de liberté. Pour renchérir, le Professeur SEMI BI ZAN affirme : « les
condamnations sanctionnaient généralement les négligences dans l'exécution des prestations
ou des fuites en forêt pour éviter soit le paiement de l'impôt, soit l'obligation de se faire
917
inscrire sur les recensements nominatifs ».

Dans ce contexte, la prison va constituer un moyen d’intimidation, de contrainte pour


briser les velléités du refus de paiement de l’impôt. Les contrevenants à l’impôt étaient donc
constamment emprisonnés et employés de force à des travaux d’utilité publique.
L’emprisonnement sera donc un moyen pour briser l’hostilité des populations indigènes face
au recouvrement de l’impôt. Ce recouvrement se déroulait tant dans les circonscriptions
urbaines que dans les circonscriptions rurales.

2’'’ Pierre KIPRÉ, la Côte d’ivoire coloniale dans Mémoire de la Côte d’ivoire, tome II, 1987 Edition Ami
Abidjan, P. 52.
René Pierre ANOUMA, aux origines de la nation ivoirienne : conquêtes coloniales et aménagements
territoriaux 1893-1920, op.cit. P. 73.
2'^ Walter RODNEY, l’économie coloniale, in Histoire générale de l’Afrique (l’Afrique sous domination
coloniale : 1800-1935), publié par l’UNESCO 1987, 2000, 2010, Paris, P. 355.
2'2 SEMI BI ZAN, la politique coloniale des travaux publics en Côte d’ivoire (1900-1940), Thèse de 3® cycle en
Histoire, université de Paris Diderot (Paris 7), 1973, P. 137.

82
Dans les circonscriptions rurales, les chefs de village et de canton étaient chargés de
percevoir l’impôt auprès de leurs administrés. Ceux-ci, en cas de non-paiement de l’impôt par
leurs villages, étaient arrêtés, emprisonnés ou retenus comme otages jusqu’à ce que les
absents ou les retardataires vinssent soit se constituer prisonniers, soit se libérer de leur
contribution. En revanche, dans les circonscriptions urbaines, les autorités coloniales ou
leurs représentants s’attelaient à percevoir l’impôt auprès des citadins.

En définitive, nous pouvons noter que la prison a été un moyen efficace utilisé par le
pouvoir colonial pour contraindre les populations indigènes à se soumettre au paiement de
l’impôt. L’enfermement était à cet effet un moyen d’intimidation fort efficace pour
contraindre les indigènes à payer l’impôt afin de renflouer les caisses de la colonie de Côte d’
Ivoire. La prison coloniale a certes servi à briser les velléités d’opposition au paiement de
l’impôt, mais il faut noter aussi qu’elle a permis également de financer le budget colonial par
le mécanisme des amendes.

B : Le paiement des amendes, peine complémentaire à


l’emprisonnement

De manière générale, l’amende est une pénalité pécuniaire consistant dans l’obligation
de verser au trésor public une somme d’argent déterminée par la loi (le plus souvent fixée par
le juge entre un maximum et un minimum légal)^’^.

Dans le domaine pénal, elle est une peine pécuniaire prononcée par les juridictions
répressives, qui est encourue, à titre principal, en matière contraventionnelle et qui peut l’être,
en matière criminelle, à titre complémentaire et, en matière correctionnelle, comme peine
principale, soit seule soit avec l’emprisonnement.^^^Elle est donc une pénalité pécuniaire pour
une infraction à la loi et versée au profit de l’Etat.

En conséquence, l’amende est de façon générale une peine complémentaire à


l’emprisonnement. 11 faut rappeler que pendant le processus colonial, les affaires concernant
les indigènes étaient débattues au premier échelon dans les communautés villageoises afin de

René Pierre ANOUMA, aux origines de la nation ivoirienne : conquêtes coloniales et aménagements
territoriaux 1893-1920, op.cit. P. 84.
Gérard CORNU, vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Quadrige /PUF, Paris 1987, P.53.
Ibidem.

83
trouver une solution à l’africaine. En cas d’échec, les affaires étaient portées en deuxième et
dernier échelon à la connaissance des autorités coloniales et elles entraient ipso facto dans le
circuit judiciaire officiel (tribunaux coloniaux).

Dès lors, les affaires qui revenaient aux administrateurs coloniaux pouvaient se
résoudre par une simple admonestation du contrevenant ou par une amende transactionnelle,
au montant imposé ou négocié selon le degré de la faute du coupable. A cet égard, les
administrateurs comme les juges coloniaux étaient aussi habilités à infliger de véritables
peines d'amende ou de prison, assorties d’une mise au travail, ainsi qu’à recourir à des
châtiments corporels. Ces amendes avaient donc essentiellement un but économique :
renflouer les caisses financières de la colonie.

Au demeurant, en vertu de la politique de l’autonomie financière des colonies françaises,


les autorités coloniales dans la colonie de Côte d’ivoire vont imposer de façon récurrente les
peines d’amende afin d’alimenter considérablement les ressources du budget local et accélérer
le développement de ladite colonie.

Dans cette logique, elles ont institué plusieurs types d’amendes à savoir les amendes de
guerre, les amendes consécutives à l’emprisonnement pour crimes et délits, les amendes de
police (les contraventions). Les amendes de guerre ont été infligées aux différents peuples qui
ont lutté farouchement contre les troupes coloniales, en témoigne le tableau suivant :

84
Heleué des amendes de guerre.

Ouïe - Triliu MontMUt de l^umundc

31 juin 1910 Akouës (Baoitlê-Sud). 41.850


31 juin lutO Oarou (L.n{;uncsj. 73.000
31 juin iniO Oabou » 66.766
31 juin <O1O Abbejrs 79.700
13 octobre 1910 Abbeys n 18.760
31 juin 1910 Attiëa 18.200
13 oclobrc 1910 Allies 3» iO.OOO
13 octobre 1910 N'Gbuns (Uaotilû-Snd J. 08 OOO
13 oclobrc 1910 SaldFoués (N’Zi-Couioé). 39 500
35 ju.nvica* 191 1 Pays Oucllë I» 4.7.330 yi.

33 fâvriev 1911 A bbeys iLaguncs). 14.300


33 l'ûvrief 1911 Alliés 8 700
11 juin 1911 t Juclltîs (N*Zi Conioé). 13.300
30 septembre 1911 A{;bas >> 91.600
35 janvier 1913 Kon^o Sannn (Baoulé-Nord) . 3.000
35 janvier 1913 Toumodi-Baoulé » 3.000
35 janvier 1913 £>înnn roués-K pris 9 20 OOO
35 janvier 1913 Ynourés <naoulé-Sudj. 43.5.70
35 janvier 1913 Ayaous (Baoulé-Mord j. 13.500
35 janvier 1913 IÇodés > 21.500

Total 733.276
Buould-Sucl ... 180.400
Lagunes .... 397.336
M’Zi- Cotnoé . . . . ■. . 189.550
Uaoiilë-Mort! . . . . nO.KOO
733.376

Ainsi, comme le révèle ce tableau, les amendes de guerre ont rapporté la somme de
733.276 FCFA, une faramineuse somme d’argent à cette époque.

Source : la pacification de la Côte d’ivoire 1908-1915, méthodes et résultats, Emile larose,


libraire-éditeur, 1916, de Gabriel ANGOULVANT, P.244

Quant aux amendes considérées comme des peines de police, elles ont été
minutieusement organisées par le code pénal de l’AOF, en témoigne ainsi l’article premier de
loi n° 54-293 du 17 mars 1958, adoptant dans les territoires d’outre-mer, au Cameroun et au
Togo les lois des 24 mai 1946, 25 septembre 1948 et 14 avril 1952 (art.7O) modifiant le taux
des amendes pénales : « dans les territoires d’outre-mer, à l’exception des établissements
français dans l’Inde, au Togo et au Cameroun, les textes en vigueur fixant ou visant des
amendes pénales sont, sous réserve des dispositions des articles 2 et suivant de la présente loi,
modifiés comme suit :

Journal officiel de l’AOF, 1954, P.670.

85
l°)Si l’amende est de 10 francs ou 12 à 60 francs, son taux sera de 100 à 600 francs ;

2°) Si l’amende est de 75 à 120 francs, son taux sera de 700 francs à 1200 francs ;

3°) Si l’amende est de 130 à 180 francs, son taux sera de 1300 à 1800 francs ;

4°)Si l’amende est de 200 à 1000 ou 1200 francs, son taux sera de 2000 à 12000 francs ;

5°) Si l’amende, inférieure ou égale à 1200 francs, ne rentre pas dans l’une des catégories ci-
dessus, le taux en sera multiplié par 10 ;

6°) Si l’amende est supérieure à 1200 francs, le taux en sera multiplié par 20^22

Nous pouvons également affirmer que l’institution du code de l’indigénat, a permis aux
autorités coloniales de renflouer le budget local. En effet, ce code bien qu’institué pour
instaurer et maintenir l’ordre colonial, a également servi à financer le budget colonial avec
l’application des amendes aux contrevenants de ce code. Outre cet état de fait, les autorités
coloniales, pour rendre plus efficace le paiement des amendes, ont appliqué la contrainte par
corps. Dans ce contexte, l’article 467 dispose : « la contrainte par corps lieu pour le
paiement de l'amende. Néanmoins, le condamné ne pourra être, pour cet objet, détenu plus de
223
quinze jours ».

Les amendes ont été donc des peines pécuniaires qui ont considérablement financé le
budget de la colonie eu égard à sa recrudescence comme sanction pénale. La prison est de ce
qui précède un moyen économique aux mains des autorités coloniales. Aussi, auront-elles
recours aux prisonniers pour la construction des infrastructures socio-économiques.

§11- La participation des prisonniers à la construction des


infrastructures socio-économiques

Le travail forcé pendant la colonisation était un instrument de mise en valeur des


colonies françaises. Cependant, avec la suppression du travail forcé par la loi Félix Houphouët
BOIGNY de 1946 (loi n° 46-645 du 11 avril 1946), le colonisateur s’est vu confronté à une
pénurie de main d’œuvre. Mais le pouvoir colonial, fondé sur la violence politique et

222 Gaston BOUVENET et Paul HUTIN, op.cit. P.97.


222ldem, P.89.

86
économique continuera à créer les conditions favorables à l’exploitation de la main d’œuvre à
bon marché.^^"*

Dès lors, la main d’œuvre pénale, bien qu’utilisée concomitamment avec la main
d’œuvre « civile » (travail forcé) avant la suppression du travail forcé, sera utilisée de manière
abusive par le pouvoir colonial. La coercition devient alors le biais de « l’intégration formelle
du travail dans le capital » de la mobilisation de la main d’œuvre en vue de l’exploitation des
ressources dans les colonies.^^^

La main d’œuvre pénale sera considérée à cet égard comme le fondement de


l’économie coloniale. Dans ce contexte, la prison sera pendant la colonisation un outil
indispensable et efficace pour la mise en valeur de la colonie de Côte d’ivoire. Elle va
constituer un énorme réservoir de main d’œuvre pour la mise en place des édifices
administratifs publics (A) et la construction des infrastructures routières (B).

A-La mise en place des édifices administratifs publics

Mettre en valeur la colonie consistait à aménager voire moderniser le territoire


ivoirien par la construction des routes, des chemins de fer, et notamment la mise en place des
infrastructures sociales... afin d’assurer un cadre de vie sain et agréable aux populations et
aussi un développement économique de la colonie. Cette mise en valeur va donc se
concrétiser par le mécanisme des travaux publics voire des travaux d’intérêt général.

Dans cette perspective, c’est l’arrêté local du 24 mai 1897 qui organisa dès le départ le
service des travaux publics de la Côte d’ivoire. Mais, cet arrêté a été abrogé par l’arrêté du
gouverneur général du 6 août 1906 réorganisant le même service. Il fallait donc à tout prix
exécuter ces travaux publics à moindre coût.

Cet arrêté a, de ce fait, posé les jalons pour la mise en valeur de la colonie de Côte
d’ivoire. Il ouvrait la voie pour « la valorisation » du territoire colonial. Pour mettre en
pratique cet arrêté, les autorités coloniales devaient avoir recours à une main d’œuvre
disponible et quasi gratuite. Cependant, il y avait une pénurie de main d’œuvre à cause de la
résistance et du refus des indigènes.

Babacar FALL, le travail forcé en AOF (1900-1945), collection (hommes et sociétés) Karthala, 1993, P.9.
225 Idem, P. 13.

87
La problématique de la main d’œuvre indigène a donc été l’une des préoccupations
des autorités coloniales pendant la phase de l’exploitation voire de la mise en valeur de la
colonie. Pour résoudre cette problématique, le pouvoir colonial a eu recours à la main
d’œuvre pénale.

Ainsi, selon Régina N’GONO BOUNOUNGOU : « Le travail forcé va élire domicile


dans des lieux privatifs de liberté de telle sorte que ce travail devient intimement lié au
système pénal. Aux colonies, la main-d’œuvre manque, mais les travaux malsains et
pénibles à exécuter ne manquent jamais. Cependant, comme il faut que ces travaux se
fassent, mieux vaut les infliger à des coupables à titre de châtiment que d’y employer
les habitants honnêtes. emploi des prisonniers aux travaux d’intérêt général et par
ricochet aux travaux malsains et pénibles était justifié par le fait qu’ils ont transgressé l’ordre
public colonial.

En conséquence, la prison bien qu’étant un outil de contrainte, de domination va


s’imposer pendant la phase de la mise en valeur comme un moyen d’employer gratuitement et
abusivement les prisonniers pour la « valorisation » de la colonie de Côte d’ivoire.

La prison doit donc fournir un nombre pléthorique d’employés afin de satisfaire les
besoins de main d’œuvre pour les travaux d’utilité publique à savoir les équipements et les
infrastructures sociales.

Dans cette optique, Philippe AUVERGNON et Caroline GUILLEMAIN, affirment :


« Au début du XILf siècle, le travail pénal a une fonction expiatoire. Il est obligatoire et la
pénibilité de la tâche doit être proportionnelle à la faute commise ». La prison devient ainsi
un "réservoir" de cette main-d’œuvre gratuite afin d’exécuter tous les travaux malsains et
pénibles. Dépouillés de tout sens noble et utile, et de surcroît qualifiés de corvée, ces
travaux ne pouvaient et ne peuvent produire qu’un effet négatif, dégradant et
désocialisant. Peu importe, évidemment, pourvu que l’objectif économique soit atteint. La
prison appendice du poste colonial rend bien compte de la double mission de l’administration

22^ Régine N’GONO BOUNOUNGOU, la réforme du système pénitentiaire camerounais : entre héritage
colonial et traditions culturelles, thèse soutenue le 26 juin 2012, Université de Grenoble, P. 176.
Arthur. GIRAULT, in Congrès international de la sociologie coloniale, tenu à paris du 6 au 11 août 1900,
tome II, rapports et procès-verbaux des séances, Paris, Arthur ROUSSEAU, 1901, p.75 ; voir aussi le
même auteur : principes de colonisation et de législation coloniale, 2*^’"'^ partie : les colonisations françaises
depuis 1815,Tome 1, 4®"'® édition, édition, Paris, Recueil Sirey, 1922, P.516.
22^Philippe AUVERGNON et Caroline GUILLEMAIN, le travail pénitentiaire en question (une approche
juridique et comparative), mars 2005, P.5.
22’ Régine N’GONO BONOUNGOU, op.cit, P. 177.

88
coloniale, faire respecter des frontières à des peuples souvent nomades, garantir en second
lieu la rentabilité d’espaces nouvellement mis en valeur, au besoin par le travail forcé .

Dans ce contexte. L’article 1®’’ de l’arrêté du 22 janvier 1927 stipule: « le travail est
obligatoire dans les prisons de l’Afrique Occidentale Française pour tous condamnés de droit
commun, pour les condamnés de conseils de guerre qui purgent leur peine dans les prisons
administratives et pour les indigènes punis disciplinairement^.. »

A priori, cette obligation de travail dans les prisons n’est pas illégale puisque la
majorité voire la totalité des codes pénaux contemporains stipulent de façon unanime
l’obligation de travail des détenus : « les condamnés sont astreints au travail. Le travail ne
doit pas être comme un complément de la peine, mais comme moyen permettant au condamné
de préparer sa réintégration dans la société ».

La réforme pénitentiaire de 1945, issue des réflexions de l’école de la défense sociale


assigne une fonction réhabilitatrice au travail, tout en maintenant le principe de son caractère
obligatoire ; aussi l’on s’efforce avant tout d’apprendre un métier aux détenus qui n’ont
aucune formation et d’employer les autres en fonction de leur capacité professionnelle .

Cependant, il faut noter qu’au temps colonial, la distinction entre travail pénal et corvée
obligatoire était mince. En plus, le travail était imposé aux détenus non dans leur intérêt en
vue d’une réinsertion adéquate dans la société, mais il était fait dans l’intérêt exclusif de la
colonie voire du colonisateur. La métropole avait besoin de main d’œuvre abondante pour la
mise en valeur de la colonie. Outre le fait qu’elle réquisitionnait de force la main d’œuvre
dans les villages, dans les campagnes, le travail obligatoire dans les prisons lui fournissait une
main d’œuvre suffisante.

Cette situation entrainait un enferment massif des prisonniers composés, dans la majorité
des cas, par les délinquants indigènes. Notons également qu’il y avait des délinquants
européens qui étaient incarcérés dans les prisons de la colonie, mais ils étaient mieux traités
que les détenus indigènes tant au niveau de l’alimentation que des conditions de détention. Le
pouvoir colonial était donc dans la logique de sanctionner, de punir en vue de rétablir et
maintenir l’ordre, mais aussi d’assurer sa couverture en main d’œuvre, élément capital pour la

2’°Jean-Pierre ALLINNE, op.cit.P.20.


Séraphin NÉNÉ BI BOTI, op.cit.P.200-201.
Art.68 du décret 69-189 du 14 mai 1969, portant règlementation des établissements pénitentiaires et fixant les
modalités d’exécution des peines privatives de liberté.
2”Philippe AUVERGNON et Caroline GUILLEMAIN, op.cit.P.5.

89
réalisation des visées de l’autorité coloniale. Cette main d’œuvre pénale indigène, bien
qu’étant obligatoire, était aussi à bon marché.

Ainsi, dans les prisons coloniales françaises de l’Afrique occidentale française, le


travail était imposé aux détenus, nul ne pouvait s’y soustraire. Ces prisonniers ont participé à
la mise en place des infrastructures sociales notamment les édifices administratifs publics.

Dans ce contexte, des écoles sont construites et ouvertes comme celle du lycée garçon
de Bingerville construit en 1903. Elles forment des auxiliaires du système colonial destinés à
l’Administration et aux entreprises Européennes. La scolarisation est très peu développée.

Des postes médicaux indigènes (P.M.I.) et des hôpitaux (à Abidjan, Hôpital annexe
pour les africains. Hôpital central pour les Européens) sont construits^^"^. Il s’agit de mettre en

place un système de protection sanitaire des populations qui permet surtout de fournir des
soins aux travailleurs et de diffuser l’hygiène dans les villages.

L’enfermement est donc étroitement lié à la mise en valeur, à la modernisation de la


colonie. Il y aura des mutations, des transformations majeures sur le territoire ivoirien. Les
grands travaux de cette période apportent pourtant de nouveaux progrès dans notre pays.

Les travaux vont consister dans la majeure des cas, à la construction des édifices
publics coloniaux (la résidence du gouverneur à Bingerville, le palais de justice de Grand-
Bassam, la mairie et l’hôpital de Grand- Bassam...).

Pour la construction de ces infrastructures administratives et sociales, le pouvoir


colonial a été très rigoureux dans la répression coloniale en vue d’accroître la main d’œuvre
pénale sur les chantiers. Le code de l’indigénat a été également une source d’accroissement de
cette main d’œuvre pénale. La main d’œuvre pénale n’est utilisée que pour augmenter la main
d’œuvre nécessaire pour la construction des infrastructures sociales. Aussi fut-elle employée
pour la construction des infrastructures routières.

Source internet iwww.google.fr .Consulté en juin 2015.

90
B-La construction des infrastructures routières, facteur de
développement économique

Le XVIII® siècle encore appelé « le siècle des lumières » marque une étape décisive
dans l’évolution des peuples occidentaux grâce à l’éveil des consciences. Cette époque verra
l’inauguration d’une nouvelle ère, celle de la révolution industrielle marquée par une floraison
d’industries en Europe et aux USA. Le hic de la nouvelle situation est que, si l’occident
notamment l’Europe occidentale dispose désormais d’une multitude d’industries, cette partie
du globe ne dispose curieusement pas de matières premières pour leur alimentation. Quel
paradoxe ! SARRAUT A. le traduit clairement dans son ouvrage Grandeur et servitudes
coloniales publié par l’édition harmattan, collection autrement mêmes, 1931 (200 P) en ces
termes : « la nature a distribué inégalement, à travers la planète, l'abondance et les dépôts de
ces matières premières ; tandis qu 'elle a localisé dans cette extrémité continentale qui est
l'Europe, le génie inventif des races blanches, la science d'utilisation des richesses
naturelles, elle a concentré les plus vastes réservoirs de ces matières dans les Afriques, les
Asies tropicales, les océanies équatoriales vers lesquelles le besoin de vivre et de créer
jettera l'élan des pays civilisés. L'humanité totale doit pouvoir jouir de la richesse totale
répandue sur la planète. Cette richesse est le trésor commun de l'humanité ». Partant de ce
constat, on ne peut plus clair, la colonisation va répondre à une nécessité vitale ; celle de
pourvoyeuse de matières premières indispensables au bon fonctionnement des industries
métropolitaines.

Notons également qu’avec la révolution industrielle se toume-t-on de plus en plus vers le


commerce à outrance pour évacuer la production de masse. En dehors des marchés
traditionnels européens et américains inondés, il faut trouver à tout prix d’autres marchés à
même d’absorber une bonne partie des produits manufacturés. Il faut recourir à bon droit aux
débouchés des colonies.

En la matière, la recette proposée par l’avocat et homme politique français Jules


FERRY apparaît pertinente à tous égards : « Messieurs, au temps où nous sommes et dans la
crise que traversent toutes les industries européennes, la fondation d'une colonie, c'est la
création d'un débouché. » Aussi, importe-t-il selon lui qu’il soit établi un lien économique
fort entre la mère patrie et ses colonies.

91
Dans ce contexte, après la possession politique et territoriale de la colonie de Côte
d’ivoire, le colonisateur va s’atteler à créer les conditions de l’écoulement des matières
premières de la colonie vers la métropole.

IL va mettre toute sa technologie, son savoir-faire, son ingéniosité pour créer les
infrastructures routières, facteurs de développement économique, puisque la colonie était
confrontée à un problème majeur qui est celui de la rareté voire l’inexistence des voies de
communication.

La construction de ces routes allait donner du prestige à l’Administration coloniale


dans son élan civilisateur, prouver sa suprématie sur les indigènes et rapprocher davantage les
différents points de la colonie qu’il occupait. Des routes précaires, la colonie s’est
orientée vers les grandes voies d’évacuation avec une nouvelle génération de route.
Leur construction s’est accélérée au fil des années. Elles reliaient les principaux centres
urbains de la périphérie d’Abidjan à la capitale à savoir : Grand-Bassam-Abidjan, Bingerville-
Abidjan, Dabou-Abidjan et quelques villes de l’intérieur de la colonie comme Daloa, Gagnoa,
Bouaké et Abengourou. Cela dit, à partir de 1930, l’amélioration des routes et leur mise en
état de viabilité constante ont été au centre des préoccupations du colonisateur. Ces
préoccupations avaient abouti à la construction de nouvelles liaisons routières comme
Dimbokro-Bouaké, Abidjan-Agboville (1933). L’Administration coloniale les avait
développées dans le Sud, le quart Sud, le Sud-Est, et le Centre-Est de la colonie. Et pour
cause, sa présence était plus forte et très palpable qu’ailleurs sur le territoire.

Les voies de communication notamment les routes, les ponts, les chemins de fer sont des
facteurs de développement. Ainsi, l’on a coutume d’affirmer que la route précède le
développement. Cette maxime est opportune car la route est un moyen indispensable pour
l’écoulement des matières premières et des vivres. Aussi, faudrait-il relever qu’elle permet
aux individus de se déplacer pour participer à la croissance économique du pays. Les voies de
communication sont à, cet effet, des piliers de la croissance économique d’un pays.

Pour renchérir, le Professeur SEMI BI ZAN affirme : « pour beaucoup de partisans de


l ’outillage économique de l'Afrique nouvellement conquise, l'Afrique occidentale regorge de

Alain BROU KONAN, les routes et le développement de la Côte d’ivoire (l960-1980},m revue électronique
d’histoire de Bouaké n" 4, décembre 2015, P. 108.

92
richesses qui, du fait de la rareté de ses voies d'accès et de communication ainsi que
l'insuffisance de ses moyens de transports, naissent, croissent et meurent sur place

Pour éviter de tels faits, les autorités coloniales étaient donc dans l’obligation de créer
un trafic routier, indispensable au développement économique de la colonie. Comme admis de
façon générale, les infrastructures routières sont des outillages économiques incontournables
pour la prospérité économique de toute société.

La finalité de ces outillages économiques était de drainer les richesses de la colonie, de


pénétrer économiquement, commercialement, et culturellement la colonie, de faire circuler
des biens, des produits coloniaux. La prison coloniale ne sera pas en reste de l’implantation de
ces infrastructures économiques (les routes, le chemin de fer, les ponts, les ports...).

Les infrastructures routières sont des facteurs importants de l’exploitation économique.


Elles permettent ainsi de pénétrer facilement toutes les contrées ivoiriennes en vue d’accroître
le commerce. Ainsi, selon le gouverneur CLOZEL : « l'un des faits les plus considérables
dans l'histoire du développement de la colonie, c’est à la fin de l'année 1903, l’ouverture des
travaux du chemin de fer et du port ». Le développement du réseau de communications vise
à relier les postes français entre eux, à faciliter l’écoulement des produits locaux vers les
wharfs : un chemin de fer Sud-Nord part de la lagune d’Abidjan en 1904, atteint Agboville en
1907, Bouaké en 1912 et Bobo-Dioulasso en 1933 (793 km de rails). La réalisation de ces
travaux est effectuée grâce au recrutement obligatoire de la population (travaux forcés) mais
aussi à la main d’œuvre pénale.

Dans cette optique, Albert BILLIARD affirme : « Le travail des condamnés peut et
doit avoir, dans les colonies, une portée économique considérable, s’il est
exclusivement affecté à des œuvres d’utilité publique ; et, par cette expression,
j'entends non seulement l'ouverture des voies de communication, le creusement et
l'amélioration des cours d'eau et des ports, mais encore le défrichement préalable des
terres offertes par l'Etat à la colonisation.

Ainsi par exemple à la prison de Grand-Bassam en 1930 sur 204 prisonniers (dont
quatre européens et assimilés), à l’exception de 21 d’entre eux qui travaillaient en permanence

SEMI BI ZAN, op.cit. P.44.


François-Joseph CLOZEL, dix ans à la Côte d’ivoire, Augustin Challamel Editeur, Paris, P.325.
Albert BILLIARD, «Etude sur la condition politique et juridique à assigner aux indigènes des
Colonies y>, in Congrès international de sociologie coloniale, tenu à Paris du 6 au 11 août 1900, Paris
ARTHUR ROUSSEAU, 1901, Tome II, P.52.

93
à l’entretien du jardin administratif de Yakassé, tous les autres, sous la surveillance des gardes
de cercle, travaillaient à la propriété et à l’assainissement de la ville ainsi qu’à l’entretien de
la route de Grand-Bassam, Aboisso et « réintégrant chaque soir la prison ». Entre 1920 et
1933, de nouvelles routes sont ouvertes. A partir de 1933, on assiste à une amélioration du
réseau surtout en zone forestière Sud-Est et Est).

Les prisons vont à cet effet constituer des piliers indispensables au pouvoir colonial afin
d’obtenir de la main-d’œuvre disponible à tout instant et abondante pour moderniser le
territoire ivoirien. La population carcérale d’alors composée en majorité des indigènes a
constitué une main-d’œuvre à l’effet de mettre en valeur la colonie de Côte d’ivoire.

Le travail des prisonniers a été d’un apport appréciable et indéniable pour la création et
la réfection des infrastructures routières, socle du développement économique voire de la mise
en valeur de la colonie. C’est pourquoi la prison a été un outil particulièrement disponible et
présent dans tous les espaces sous contrôle colonial notamment au niveau des cercles, des
subdivisions, des cantons et même des villages pour employer abusivement la main d’œuvre
pénale pour l’implantation du trafic routier, indispensable pour le développement économique
de la colonie.

En définitive, l’apport de la main-d’œuvre pénale a été un moyen déterminant dans la


mise en valeur du territoire ivoirien pendant l’époque coloniale. La Côte d’ivoire se
développe mais profite peu aux ivoiriens car la métropole n’a pas conquis le territoire ivoirien
à l’effet uniquement de le mettre en valeur, mais aussi de tirer profit de ses ressources
naturelles, minières. La prison coloniale va servir les intérêts de la puissance colonisatrice en
vue de l’accroissement de son économie sur le plan international.

2” Idem, P. 136-137.

94
SECTIQNII :

L’ENFERMEMENT, UNE TECNIQUE D’ENRICHISSEMENT DE


LA PUISSANCE COLONISATRICE

À l’origine de la colonisation moderne, les métropoles avaient principalement en vue

leur intérêt propre auquel elles subordonnaient l’intérêt de leurs dépendances ; il y avait une
sorte d’exploitation de la colonie par la contrée mère, analogue à l’exploitation de l’enfant par
le père dans les sociétés qui ne sont pas encore très avancées dans la voie de la civilisation, de
la justice et de la liberté.^"*®

Ainsi, la finalité de la colonisation est principalement l’enrichissement voire la


prospérité économique de la nation colonisatrice. Pour y parvenir, la stratégie économique
utilisée est de mettre de prime abord en valeur économiquement la société conquise en créant
les conditions de sa prospérité. Ensuite, la métropole s’enrichit en exploitant les fruits de la
mise en valeur du territoire conquis. L’enrichissement de la puissance métropolitaine a été
donc le moteur du processus colonial.

Dans cette logique, la France ne veut pas que ses colonies lui coûtent de l’argent mais
qu’elles lui en rapportent. Elle aura donc recours à la prison afin de servir ses intérêts au sein
de la colonie (§1) et pour la compétitivité de son économie (§11).

SI ; La main d’œuvre pénale au service des intérêts coloniaux

Au milieu des cadres biogéographiques dans lesquels les sociétés traditionnelles avaient
élaboré leurs genres de vie, la colonisation fit donc surgir ses propres régions, selon une
vision manichéenne de l’espace AOF : les colonies côtières, zones de production agricole à
grande échelle d’une part ; les réservoirs de main-d’œuvre situés dans les terres intérieures
d’autre part. La fonction des premières, véritables postes avancés de l’économie
métropolitaine, fut de fournir les produits agricoles nécessaires aux industries françaises.

Paul LEROY-BEAULIEU, op.cit. P. 15.

95
Quant aux secondes, elles avaient pour vocation de fournir la main d’œuvre et le complément
des ressources alimentaires dont les régions côtières avaient besoin.^"*’

La stratégie économique du pouvoir colonial est donc bien mise en place. Il s’agit de
trouver des régions riches en ressources naturelles qu’il faut exploiter avec une main d’œuvre
quasi gratuite au profit des entreprises coloniales. Dans un tel contexte, les autorités
coloniales ont eu recours au mécanisme de la cession de main d’œuvre pénale à l’égard de ces
entreprises (A) qu’à l’égard des particuliers (B)

A-La cession de la main d’œuvre pénale aux entreprises coloniales

La cession est l’action de céder un droit ou un bien à titre onéreux ou à titre gratuit. Elle
est donc synonyme de transmission, de donation, de transfert, de vente. Dans cette optique,
on parle très souvent de cession de créance, de dettes, de bail, ou même de cession de contrat
et de cession de main d’œuvre pénale. Notons d’emblée que la cession de main d’œuvre
pénale peut s’analyser en un contrat de prestation de service. Le contrat de prestation de
service est un contrat conclu entre deux personnes, un client d'une part et d'autre part un
prestataire. Il peut être conclu par une société ou par un individuel contractant pour son usage
personnel, celui de son conjoint ou de ses ascendants ou descendants.

Deux approches sont possibles pour appréhender la définition de ce contrat, l'une est
négative, l'autre est positive. D'un point de vue négatif, ce contrat ne constitue ni un contrat de
vente ni une cession de biens. D'un point de vue positif, c'est un contrat par lequel un
prestataire va non pas vendre un bien mais va mettre à la disposition de son cocontractant, son
client, son savoir-faire dans un domaine spécifique, déterminé. Il s'agit en quelque sorte d'une
« vente de service » ou de travail.

Ainsi, l'objet du contrat va être un service, une force de travail que le prestataire va
proposer à son client. Les services proposés sont d'une grande multitude ; il peut s'agir d'un
service intellectuel comme celui informatique (construire un site Internet, un logiciel, un
conseil, assistance, soins....), d'un service matériel (de nettoyage, à la personne, entretien d'un

2'*’ Chikouma CISSÉ, migration et mise en valeur de la basse Côte d’ivoire (1920-1960), Harmattan 2013,
(collection études africaines) Paris, P.21.

96
immeuble, rénovation, construction...).Dès lors que l'entreprise cliente, appelée également
maître d'ouvrage selon les cas, va conclure un contrat portant sur une prestation de service.

Ainsi à l’instar de ce contrat, dans la cession de main d’œuvre pénale pendant la


colonisation, le prestataire est le pouvoir colonial et les clients sont les entreprises ou sociétés
coloniales. Cette cession de main d’œuvre pénale était de ce fait indispensable pour la mise en
valeur des territoires coloniaux, mais aussi un atout nécessaire pour la croissance et la
prospérité des entreprises coloniales. Cependant, le nœud gordien est qu’il y avait une pénurie
de main d’œuvre à cause de l’étendue des travaux au sein de la colonie. Cette pénurie s’est
également accentuée par la suppression du travail forcé par la loi Félix Houphouët BOIGNY
du 11 avril 1946.

L’abolition du travail forcé constitue cependant une rupture quant aux choix des
employeurs, puisque les plantations européennes ne sont plus systématiquement
privilégiées.En revanche, les recrutements administratifs au profit des entreprises privées,
essentiellement les sociétés forestières et les plantations européennes, ne bénéficient guère
d’un soutien officiel de l’administration. Celle-ci soumet pareil recrutement à de nombreuses
conditions, notamment sanitairos.^"^^

Le pouvoir colonial va néanmoins recourir aux prisonniers pour résoudre la pénurie


de main d’œuvre, cela par le mécanisme de la cession. C’est dans cette logique qu’Ibrahim
THIOlJB affirme : « L ’enfermement carcéral visa dans un premier temps à éradiquer la
résistance politique à l’ordre colonial animée par les élites autochtones déchues du pouvoir
et dans un second temps à satisfaire au moindre coût, les demandes de main d’œuvre de
l ’administration coloniale et des entreprises privées yy^'^^.

La prison en tant qu’un instrument pénal va donc se muer en un moyen d’acquérir de


la main d’œuvre disponible et quasiment gratuite au bénéfice des intérêts coloniaux. En
conséquence, la prison coloniale est d’abord un énorme réservoir de main-d’œuvre où l’on
enferme dans des conditions de fortune le plus souvent pour une courte durée saisonnière au
moment des travaux des champs en juillet-aoû?'^^. Les objectifs étaient de briser la force

Vincent BONNECAS, les étrangers et la terre en Côte d’ivoire à l’époque coloniale, document de l’unité de
recherche 095, n°2 IRD REFO, Montpellier cedex France, août 2001, P. 18.
Idem, P. 15.
2'*'* Ibrahima THIOUB, « Sénégal : La prison à l’époque coloniale, significations, évitement et évasions. » in
Florence Bernault, enfermement, prison et châtiment en Afrique. Du Ifsiècle à nos jours, Paris, Karthala, 1999,
pp(285-303) P.287.
“‘*5jean- Pierre ALLINNE, op.cit. P. 15.

97
d’inertie des populations, entrave majeure à la réalisation des vues de l’autorité coloniale et de
fournir des travailleurs gratuits à l’administration et aux entreprises privées par l’emploi
systématique de la main-d’œuvre pénale^"^^.

La cession de main d’œuvre pénale se traduisait comme une prestation de travail à


titre onéreux au profit des entreprises coloniales. La main d’œuvre pénale renflouait à cet
égard les caisses de la colonie.

La main-d’œuvre pénale comblait ainsi la pénurie de main d’œuvre à laquelle était


confronté le pouvoir colonial et elle était un moyen d’enrichissement de celui-ci par le
mécanisme de la cession à titre onéreux. La cession de la main d’œuvre pénale a fait l’objet
de règlementations au niveau des tarifs.

Ainsi en témoigne la disposition de l’article 1®’’ de l’arrêté Numéro 171 de 1934 fixant le
taux de cession de la main d’œuvre pénale au Togo :

« Est fixé comme suit pour 1934 le taux de cession de la main-d'œuvre pénale, non spécialisée
: Cercle de Lomé - Anécho - Atakpamé............................. 2,50 par homme et par jour.

Cercle de Klouto 2,00 par homme, et par


jour.

Cercle de Sokodé - Mango 0,75 par homme et par


jour. »247

Comme pour le Togo, les autorités coloniales vont également fixer les tarifs des cessions
de main d’œuvre pénale dans la colonie de Côte d’ivoire. Pour renchérir, Bénédicte BRUNET
LA RUCHE affirme que : « les réglementations fixent des tarifs de cessions plus élevées
pour les particuliers et les entreprises que pour le secteur public. L'objectif est, en effet, de
limiter le recours par les entreprises aux prisonniers les plus qualifiés, afin de conserver la
main d'œuvre productive au service de la colonie De ce qui précède, les tarifs des
prisonniers les moins qualifiés étaient dérisoires. Notons que le décret 47-1894 relatif à
l’emploi de la main d’œuvre pénale hors des établissements pénitentiaires en AOF (J.O. 1947,
P. 1070) a organisé nettement le recours à la main d’œuvre pénale dans les colonies françaises.

^'“'ibrahima THIOUB, op.cit. P.285.


Journal officiel du territoire du Togo placé sous mandat de la France, 16 avril 1934, P.270.
Bénédicte BRUNET LA RUCHE, op.cit.P.320.

98
Eu égard à ce qui précède et comme le disait Jules FERRY, dans son discours lors du
débat sur la politique coloniale (chambre des députés, séance du 28 juin 1885, « la politique
coloniale est fille de la politique industrielle ». La colonisation doit permettre donc la
compétitivité des entreprises coloniales. La main d’ouvre pénale participait ainsi à la
prospérité de ces entreprises coloniales.

Ainsi, entre 1905 et 1930, des entreprises commerciales françaises se développent sur
l’espace colonial. Les principales sont la S.CO.A (société commerciale de l’ouest Africain),
la C.F.A.O (compagnie française d’Afrique occidentale)., Peyrissac. Elles visent
essentiellement la collecte des produits locaux et l’écoulement des produits importés. Ces
maisons fonctionnent selon une structure pyramidale : siège en Europe, succursales dans la
colonie, factoreries (magasins) et plusieurs traitants disséminés dans tout le pays. Le
commerce entre Africains, orienté vers le Nord (Kola), se maintient et même se développe. La
cession de main d’œuvre pénale a été donc bénéfique pour les entreprises coloniales car elle a
permis leur essor voire leur développement.

L’extension se fit à la fois par l’implantation accrue des sociétés anciennement installées
et par la création de nouvelles entreprises.^"^^ À partir de 1920, aux côtés de ces entreprises,

s’installèrent un grand nombre de sociétés de plus modeste envergure dont le rayon d’action
se limitait à la seule Côte d’Ivoire.^^^ Aussi faudrait-il noter que la cession de la main d’œuvre

pénale se faisait également à l’égard des particuliers voire les colons.

B : La cession de la main d’œuvre pénale aux particuliers

Les raisons démographiques viennent également en appoint. L’économiste français


libéral Paul Leroy-Beaulieu, auteur en 1874 de l'important ouvrage De la colonisation chez
les peuples modernes, écrit en 1889 : « Il n’est ni naturel, ni juste, que les civilisés
occidentaux s'entassent indéfiniment et étouffent dans des espaces restreints, qu 'ils s ’y
accumulent les merveilles des sciences, des arts et de la civilisation, et qu’ils laissent la

Patrick BRAIBANT, l’Administration coloniale et le profit commercial en Côte d’ivoire pendant la crise de
1929, revue française d’histoire d’outre-mer, pp555-574, volume 63, 1976, P.557.
Idem, P.558 .

99
moitié peut-être du monde à de petits groupes d'hommes ignorants, impuissants, vrais
251
enfants débiles, clairsemés ».

Il s’avère ainsi opportun pour les Européens de déverser le surplus de leur population
dans les colonies afin d’apporter aux autres peuples dits « primitifs » leur savoir-vivre et leur
savoir-faire dans certains domaines de la vie sociale. Aussi, cela permettrait d’empêcher la
révolution sociale en Europe. Ces colons ont eu recours à la main d’œuvre pénale pour leur
menu besoin au sein de la colonie.

Dès lors, la main d’œuvre pénale sera un outil de gestion économique de la colonie de
Côte d’ivoire. Elle a joué un rôle considérable dans le développement de l’espace colonial par
la construction des infrastructures routières et des équipements administratifs. Elle a participé
également à l’essor des entreprises coloniales comme nous l’avons déjà montré dans notre
analyse précédente.

La contribution économique des prisons justifie le recours excessif à la main d’œuvre


pénale. Au XIX^ siècle, l’emploi de la main d’œuvre des condamnés aux travaux forcés dans
les colonies, faisait l’objet de multiples décrets, suite à des modifications successives. Les
raisons de ces nombreuses modifications n’étaient guère pour l’amélioration des conditions de
travail des condamnés, mais pour le profit que la main d’œuvre pénale devait procurer.^^^

L’utilité de la main d’œuvre pénale est indéniable. On ne se souciait guère de leur


amendement et de leur réinsertion dans la société. Le pouvoir colonial se préoccupait de tirer
profit de leur force de travail. Les prisonniers, en purgeant leur peine, étaient au service du
pouvoir colonial pour pallier le déficit de main d’œuvre au sein de la colonie.

La prison, à cet égard, était considérée comme une réserve de main œuvre disponible
pour l’usage de la colonie. Elle servait tant la colonie que les colons. Dans ce contexte, les
particuliers français qui manifestaient le besoin, pouvaient solliciter cette main d’oeuvre pour
tous types de travaux domestiques.

Ainsi, à l’instar des entreprises coloniales, le pouvoir colonial pratiquait la cession de


main d’œuvre pénale au profit des particuliers notamment les colons et les européens. Les
administrateurs, les gardiens de prison et plus largement les colons européens font également

Source : www.google.fr consulté le en août 2015.


252 Régine N’GONO BOLJNOUNGOU, la réforme du système pénitentiaire camerounais : entre héritage
colonial et traditions culturelles, thèse soutenue le 26 juin 2012, Université de Grenoble, P. 178.

100
appel aux prisonniers pour leur usage personnel, afin d’aider à la cuisine, au jardinage ou au
nettoyage de leurs maisons. Ils faisaient office de cuisiniers, de jardiniers, de blanchisseur,
de domestiques. Ils faisaient des corvées de bois, d’eau et mêmes d’entretiens des maisons des
colons.

Ils faisaient la lessive, la vaisselle des particuliers. Les prisonniers étaient aptes à tout
faire. Ils pouvaient faire n’importe quel travail de maison. Ils travaillaient aussi dans les
plantations des colons. Ils étaient employés pour les travaux sales et pénibles. Ils ont participé
à la richesse des colons par leur participation à l’implantation des cultures d’exportation
comme le café, le cacao, le coton...Dans ce contexte, la demande de main d’œuvre pénale
était si nombreuse que la prison est généralement construite à proximité des bâtiments
administratifs et des résidences des colons.

Cette utilisation de la main d’œuvre pénale au profit des colons n’est pas spécifique à
la colonie de Côte d’ivoire, c’est une pratique qui a existé dans toutes les colonies françaises.
Ainsi en témoigne un colon : « mon hoy. Il s ’appelait Birama. Je l'avais pris à la prison de
Bamako, non par esprit humanitaire, aucune manifestation de ma part, mais en Afrique, la
prison est le bureau de placement, les administrateurs et les blancs favorisés vont chercher
leur domestique

La prison était considérée à cette époque comme un bureau de placement où l’on


pouvait recruter dès que nécessaire notamment pour les besoins personnels. La prison était
donc un lieu certain d’approvisionnement de main d’œuvre. Conçue pour contenir les
déviants à l’ordre colonial, la prison, va se muer au gré des intérêts en un lieu de mobilisation
de la main d’œuvre disponible et à bon marché.

Ainsi, ce qui garantit le travail des condamnés, c’est surtout qu’on peut, en tout état de
cause, compter sur ce travail. On est parfaitement sûr qu’il est disponible et bien conservé. Le
travail des condamnés était d’un atout fort appréciable pour la colonie et pour les colons. La
cession de la main d’œuvre pénale a été un mécanisme d’exploitation de la force de travail
des prisonniers au profit de toute la colonie et de renflouement de ses caisses financières.

Laurent FOUCHARD, « la prison entre conservatisme et transgression : le quotidien carcéral en Haute-Volta,


1920-1960 » in Florence BERNAULT (dir), Enfermement, prison et châtiments en Afrique du siècle
à nos jours, Paris, Karthala, 1999, P.276.
Albert LONDRES, Terre d’ébène, Paris, éd. Le serpent à plumes, 1998 (1“® éd. 1929 Albin
Michel), P.201.

101
Pour corroborer cet état de fait, l’article 3 et l’ailicle 4 de l’arrêté numéro 170
réglementant la cession de main d’œuvre pénale dans le territoire du Togo disposent
respectivement à cet effet: « Toute cession de main-d'œuvre pénale donne lieu au versement
par le cessionnaire d'un salaire journalier dont le taux est déterminé chaque année par
arrêté du Commissaire de la République pour chaque cercle ou subdivision, le
cessionnaire ayant en outre à payer 3 frs, par garde et par jour ». « Le directeur de la
prison tient enregistrement des cessions de main-d'œuvre pénale, il remet au bureau des
finances, au plus tard, en fin de chaque mois, un état de cession établi par journée pour
chaque cessionnaire ». Il faut relever que la prison a participé considérablement aussi à la
productivité de l’économie métropolitaine par l’extraction des gisements miniers, naturels de
la colonie.

§11. L’apport de la prison dans l’exploitation des ressources


nécessaires à l’économie métropolitaine

La colonisation dans le monde moderne est un fait complexe, qui ne rentre dans le
cadre d’aucune définition doctrinale^^^. Ce qui fait sa complexité, c’est l’idée de vouloir

apporter la civilisation aux populations des territoires conquis tout en exploitant leurs
ressources naturelles. Le mobile qui sous-tend la colonisation est fondamentalement l’intérêt
économique de la puissance colonisatrice.

La force économique d’un pays est l’élément catalyseur de sa puissance, de sa


grandeur dans le monde entier. Ainsi un pays qui se lance dans le processus colonial prépare
les jalons de son hégémonie économique et, partant, de sa suprématie certaine. Les colonies
sont donc des réservoirs de matières premières pour la métropole car elle peut
s’approvisionner dès que nécessaire.

Pour l’exploitation de ces ressources, le pouvoir colonial a eu recours à la prison. Elle a


été un moyen de contrainte pour inciter les indigènes à cultiver les produits d’exportation. En
outre, les prisonniers, par leur force de travail, ont participé à l’entretien de ces cultures

255 Journal officiel du territoire du Togo placé sous mandat de la France, 16 avril 1934, P.270.
25® Ibidem.
252 Sophie DIJLUCQ, écrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale (ATA*’ s), Karthala, Paris, 2009, P. 134.

102
d’exportation profitables pour l’économie métropolitaine (A) tout en extrayant les ressources
minières pour l’enrichissement de la métropole (B).

A : Le rôle déterminant de la prison dans l’implantation et


l’entretien des cultures d’exportation

Le « boom » industriel s’accompagne de la nécessité de débouchés et la recherche de


matières premières que seule une expansion économique et financière pourrait assurer aux
Etats colonisateurs. Du point de vue économique, les colonies sont également présentées
comme des zones riches en ressources, où l’on peut puiser dès que nécessaire. Les
conceptions économistes développées par les mercantilistes ont eu pour corollaire de placer
les colonies dans une relation de dépendance étroite vis-à-vis de leur métropole. Les raisons
d’ordre économique viennent donc prioritairement sous-tendre le processus colonial.

Selon Paul LEROY-BEAULIEU « un peuple qui colonise le plus est le premier


peuple, s’il ne l’est pas aujourd’hui, il le sera demain La colonisation est à cet égard un
facteur de prestige, de grandeur, de puissance pour les puissances colonisatrices. Les colonies
sont donc vitales pour la métropole ; ce qui a conduit inéluctablement les autorités coloniales
françaises à signer un pacte colonial avec ses colonies.

Le pacte colonial, selon l’Encyclopédie Universelle Larousse, est un répondant « de


la conception mercantiliste de la colonisation qui visait à l'enrichissement de la métropole. Il
stipulait : l'interdiction totale ou partielle du marché colonial aux produits étrangers ;
l’obligation d'exporter les produits coloniaux exclusivement ou principalement vers la
métropole ; l'interdiction, pour la colonie, de produire des objets manufacturés, son rôle
économique se bornant à celui de productrice de matières premières et de débouché
commercial ; le traitement de faveur accordé par la métropole aux produits coloniaux,
accompagné d'une aide politique, militaire et souvent économique, fournie par la
métropole

Chaque puissance va alors, pour augmenter sa richesse intérieure, importer le moins


possible à ses voisins tout en développant ses exportations. Ceci explique l’existence des

Patrick Papa DRAME, op.cit. P.9.


Paul LEROY-BEAULIEU, op.cit. P. 643.
Mamadou KOULIBALY, les servitudes du pacte colonial, 2® édition, CEDA/NEl, Abidjan 2005, P. 13.

103
colonies qui sont conçues pour ne commercer qu’avec la métropole. Elles sont créées pour ne
pas faire de concurrence avec celle-ci. Car, elles n’existent que par la métropole et pour la
métropole.^^’

Dès lors, en vertu de ce pacte, la colonie de Côte devait produire des matières
premières voire des cultures d’exportation au bénéfice de la France. Elle devait, de ce fait,
enrichir la métropole. Les populations indigènes étaient contraintes de produire des denrées
d’exportation au détriment des cultures vivrières. Notons que l’indigène ne cultivait que ce
qui est nécessaire à sa subsistance. Il ne développait que de petites exploitations.

Outre cet état de fait, Vincent BONNECASE relève une un autre écueil en affirmant
que « la volonté de mise en valeur du territoire ivoirien, particulièrement en ce qui concerne
la diffusion de l’arboriculture, se heurte à un véritable problème de main d’œuvre, la zone
forestière souffrant d’un sous- peuplement aux yeux du colonisateur^^^ ».

L’arboriculture, c’est la culture des arbres, plus précisément des fruitiers ou


ornementaux. Il s’agit généralement de la culture des fruits comestibles tels que les olives, les
pommes, les oranges...Comme on le constate, le pouvoir colonial va inciter les indigènes à
cultiver des produits d’exportation pour le développement de son économie et pour son
autosuffisance alimentaire.

Des mesures tentent d’inciter les populations à développer la production des denrées
agricoles désirées par la métropole.^^^Ces mesures étaient généralement des moyens de

contrainte. Parmi ces mesures, la prison occupait une place centrale. La prison sera un moyen
d’intimidation pour contraindre les populations à implanter les cultures d’exportation. Les
cultures de rente coloniales comprenaient le coton, le sucre, le sisal, le caoutchouc, le café. Il
s’agissait des produits de l’agriculture coloniale ; leur signification était soit stratégique soit
tout simplement économique.^^'*

On peut également ajouter à ces produits le cacao, le palmier à huile, l’hévéa, le


bois...Ces cultures étaient implantées par les indigènes sous la contrainte de sanction,
principalement la prison et l’amende. Hormis le rôle contraignant que la prison a joué dans

Séraphin NÉNÉ BI BOTI, la terre et les Institutions traditionnelles Africaines : le cas des Gouro de Côte
d'ivoire, thèse unique pour l’obtention du doctorat en droit public et en science politique, soutenue au cours de
l’année universitaire 2003-2004 à l’Université de Cocody d’Abidjan, P.336.
2“ Vincent BONNECASE, op.cit,?. 13.
Claude CARRIER, l’exploitation coloniale des forêts de Côte d’ivoire, une spoliation institutionnalisée,
l’Harmattan, collection études africaines, Paris, janvier 2007, P. 57.
Mahmood MAMDANI, citoyen et sujet, collection histoire des suds, KARTHALA éditions 2004, P.58.

104
l’implantation des cultures coloniales (cultures d’exportation), elle a permis par le biais de sa
main d’œuvre d’entretenir ces cultures.

La main d’œuvre pénale a été associée à la main d’œuvre civile pour l’entretien des
cultures d’exportation en vue de leur productivité. Le travail pénal a été donc une source de
développement de ces cultures. La prison coloniale était à cet égard un réservoir de main-
d’œuvre disponible et utile pour l’essor des cultures d’exportation. Ces cultures de rente
produites dans les colonies et exportés vers la métropole ont favorisé la croissance de
l’économie métropolitaine.

Ainsi, on pourrait logiquement affirmer que l’agriculture d’exportation est un


démarreur de la croissance économique, car son développement fournit des opportunités aux
industries agroalimentaires, de la nourriture à la population, et des marchés ruraux pour
les industries urbaines.

Ainsi pourrait-on conclure en affirmant que l’agriculture d’exportation imposée par le


colonisateur a favorisé la croissance et la stabilité de l’économie métropolitaine. La révolution
agricole dans le domaine des cultures de rente dans les colonies avec la participation active de
la main d’œuvre carcérale a pleinement favorisé l’essor des entreprises métropolitaines et,
partant, du bien-être de la population française.

Les prisonniers ont donc contribué largement par l’implantation et par l’entretien des
cultures d’exportation à la redynamisation de l’économie métropolitaine sur l’échiquier
international. La prison a de ce fait joué un rôle déterminant dans l’essor des cultures de rente,
mais aussi dans l’extraction des ressources minières.

105
B : Le rôle indispensable de la prison pour l’extraction des
ressources minières

Les motivations des personnalités françaises relativement au processus colonial « furent


surtout liées à des nécessités de prestige et de stratégie » . Nous pouvons retenir que c’est
essentiellement pour des mobiles de prestige et de prospérité que les Français se sont lancés
dans la course à la conquête des nouveaux territoires afin d’exploiter leurs ressources
naturelles (minières et énergétiques). Ces territoires, par leurs ressources, devraient accroître
l’économie métropolitaine.

Ainsi, Paul LEROY-BEAULIEU affirme : « Les seules colonies qui puissent donner un
revenu à la métropole, sont celles qui ont des avantages naturels bien caractérisés pour la
production de certaines denrées d’exportation ou d’objets précieux pour lesquels la demande
est très grande ». Par voie de conséquence, outre les cultures d’exportation qui
participaient à la croissance de l’économie métropolitaine, les ressources minières de la
colonie étaient des gages essentiels de la croissance de cette économie.

La course pour l’exploitation et le contrôle des sources de matières premières,


notamment les minéraux, étaient les principales motivations de l’invasion, puis de la partition
coloniale de l’Afrique durant le dernier quart du XIXe siècle. Entre 1870 et la crise de 1929,
les modes de production et de consommation des produits miniers dans les régions où ces
activités étaient ancrées et intégrées à l’économie locale ont été radicalement modifiés et
remplacés par des modes de type colonial dans lesquels la plupart des économies africaines
étaient dominées par des enclaves minières appartenant à des étrangers.

Outre l’expropriation forcée des terres des populations autochtones, les méthodes
utilisées pour contraindre les hommes à travailler dans les mines (souvent au fond), ainsi que
le traitement que leur infligeaient les compagnies minières constituent les aspects les plus
sombres de l’histoire de l’industrie extractive en Afrique. C’était particulièrement le cas dans
les colonies de peuplement où cette activité était devenue le symbole de la ségrégation raciale
dont l’apartheid sud-africain était la forme abjecte. Les Africains étaient assujettis à une
capitation locale qui était arbitrairement ignorée lorsque la main-d’œuvre était abondante ou

Christian ROCHE, l’Afrique noire et la France auXDC siècle : conquêtes et résistances. Editions
KARTHALA, Paris, 2011, P.l 1.
Paul LEROY-BEAULIEU, op.cit. P.567-568.
Commission économique pour l’Afrique et l’Union Africaine, les ressources minérales et le développement
de l'Afrique, IC publications / African Business, novembre 2011, P. 12.

106
augmentée lorsque cette dernière venait à manquer, simplement pour forcer les hommes à
quitter leur village afin de chercher un emploi dans les mines où les conditions de travail
étaient désastreuses. Ainsi, dans le souci de combler la main d’œuvre pour l’extraction des
mines, le pouvoir colonial a eu recours à la main d’œuvre pénale.

Les ressources minières sont des éléments indispensables du développement des


économies industrialisées. Elles étaient prisées par les puissances colonisatrices. Elles sont
donc une source d’enrichissement de la métropole. L’Afrique, depuis le temps colonial
jusqu’à nos jours, possède d’importantes ressources minières qui représentent un tiers des
réserves mondiales, tous minerais confondus.

Pendant la colonisation, ces ressources minières seront exploitées dans la colonie de


Côte d’ivoire par la puissance colonisatrice. Dans ce contexte, les autorités coloniales, pour
accroître la main d’œuvre sur les chantiers d’exploitation de ces ressources, feront appel à la
main d’œuvre pénale qualifiée. La main d’œuvre pénale utilisée à des fins de travaux a aussi
été classée par le B.LT dans la rubrique des formes de travail forcé. Malgré cet état de fait,
le pouvoir colonial s’est appuyé sur elle pour exploiter les ressources de la colonie de Côte
d’ivoire.

L’extraction de ces ressources est un travail pénible, sale, exigeant, pour cela, le
courage, la force physique. Comme ressources énergétiques et minières dans la colonie, on
pouvait extraire de l’or, le diamant, le fer, le nickel, le bauxite, l’uranium, le cobalt, l’étain, le
tungstène, le fer, le manganèse, le pétrole, le gaz, ...

L’extraction de ces ressources a permis la création de certaines entreprises coloniales.


Ainsi, l’exploitation du diamant a commencé en 1948 à Tortiya avec la société Saremci
(Société anonyme de recherches minières en Côte d’ivoire) qui gérait une réserve de 830 000
carats sur 188 ha^^®.

L’exploitation et l’extraction de ces ressources ont été possibles grâce au concours de


la main d’œuvre pénale qui était surtout sollicitée pour les travaux difficiles et complexes au
sein de la colonie. Ces ressources extraites, étaient acheminées vers la métropole pour être
transformées et vendues dans la métropole et dans le monde entier.

Commission économique pour l’Afrique et l’Union Africaine, op.cit. P. 13.


Azowa Gilles KRAGBÉ, l’évolution du droit syndical dans la colonie de Côte d’ivoire, in Actualités
juridiques (Revue ivoirienne d’informations juridiques et judiciaires) n° 80/2014, P.256.
Source internet : news.abidjan.net consulté le 15 janvier 2015.

107
La commercialisation de ces ressources minières a été un tremplin pour la
croissance et la solidité de l’économie métropolitaine. C’est dans ce contexte que Paul
LEROY-BEAULIEU affirme : « en se privant d’une part de son capital pour fonder des
colonies, la métropole ne fait donc que le placer à haut intérêt. Appliqué à un sol nouveau et
fertile, il produit irifiniment plus qu’il n ’eût pu le faire dans la mère patrie et les bénéfices qui
résultent de cet accroissement de productivité profitent à tous : bien loin d’être un capital très
utilement employé et qui se multiplie avec une rapidité sans exemple dans le vieux
“211
monde ».

La colonie de Côte d’ivoire a été un investissement rentable pour la métropole, du fait


de la richesse de son sous-sol en ressources minières. En définitive, nous retenons que la
main d’œuvre pénale pendant la colonisation a été un instrument indispensable aux travaux
d’exploitation des ressources minières et par ricochet à la compétitivité de l’économie
métropolitaine sur le plan mondial.

Paul LEROY-BEAULIEU, op.cit, P.565.

108
CONCLUSION DU TITRE I

Dès l’entame de la colonisation, les autorités coloniales ont importé un nouveau type de
sanction méconnue de la population indigène ivoirienne : la prison. Selon le professeur
Séraphin NÉNÉ BI : « Vinstitution pénitentiaire procède-t-elle de l’idée que la prison n’est
pas qu ’un simple moyen de la politique, mais un élément constitutif de sa structure, qu ’elle
participe de la définition de ses fins et qu’elle participe de la définition de ses fins et qu’elle
n ’est pas dénuée de sens ». Dès lors, dans sa stratégie de domination et de répression, le
pouvoir colonial va assigner à cette nouvelle institution des missions d’oppression socio-
économique. Dans cette logique, elle sera un outil de lutte contre les résistances à la conquête
coloniale.

Ainsi, pour vaincre les résistants, le pouvoir colonial, par la stratégie de la déportation
et de l’internement, va neutraliser les meneurs de cette résistance notamment les chefs de
guerre et les féticheurs. Cette technique de l’enfermement a permis également de soumettre et
d’assujettir les résistants au pouvoir colonial. La prison a de ce fait permis au pouvoir colonial
d’exercer une souveraineté absolue sans entrave au sein de la colonie. Cette politique devait
permettre la mise en valeur de l’espace colonial, puis, par ricochet, l’enrichissement de la
métropole. A cet égard, la prison comme un moyen de contrainte a incité les indigènes à payer
les impôts pour l’autofinancement de la colonie.

Aussi par le système des amendes et de la main d’œuvre pénale, la prison a permis la
valorisation du territoire colonial en l’occurrence la construction des voies routières, des
infrastructures sociales... La mise en valeur de la Côte d’ivoire a été une réalité grâce à
l’apport de la main d’œuvre pénale. Elle a également joué un rôle fondamental dans
l’enrichissement de la métropole par l’implantation, l’entretien des cultures d’exportations.

La main d’œuvre pénale a été déterminante dans l’extraction des ressources minérales
pour la croissance et la solidité de l’économie métropolitaine. La prison coloniale a joué de ce
fait un rôle capital pendant la conquête coloniale et l’exploitation coloniale. Aussi va-t-elle
servir à instaurer et à maintenir concomitamment l’ordre public colonial.

Séraphin NÉNÉ BI, les institutions coloniales de l’Afrique occidentale française, op.cit. P. 198.

109
TITRE DEUXIÈME :

LA DOMINATION COLONIALE
INDUITE PAR LA POLITIQUE DE
DÉCENTRALISATION CARCÉRALE

110
La décentralisation est le procédé technique qui consiste à conférer des pouvoirs de
décision à des organes locaux, autonomes, distincts de ceux de l’Etat. C’est donc cette
politique de décentralisation que le colonisateur a mise en place dans la gestion des prisons.

Le premier devoir du conquérant est de maintenir sa domination et d’en assurer la durée :


tout ce qui peut avoir pour effet de la consolider et de la garantir est bon, tout ce qui peut
l’affaiblir et la compromettre est mauvaise^^^.

Dans cette optique, les autorités coloniales vont user de tous les moyens pour implanter
leur suprématie sur l’espace colonial. Cette suprématie va se traduire par la sécurisation de cet
espace afin d’instaurer et maintenir l’ordre public colonial.

L’ordre public colonial est donc la traduction de la domination coloniale au sein de la


colonie. Le pouvoir colonial va matérialiser cette domination par la mise en place d’une
politique de décentralisation des prisons. Etant donné que la domination coloniale vise à
implanter un ordre nouveau (ordre public colonial), cet ordre nouveau a été instauré par le
biais d’une organisation décentralisée des institutions répressives (chapitre I). Il a été par la
suite maintenu par un recours récurrent à la prison eu égard au système de décentralisation qui
a été appliqué (chapitre II).

2’^Jules H ARM AND, « domination et colonisation » Paris, Flammarion, 1910, p 170, in de l’indigénat d’Olivier
le COUR GRANDMAISON, P. 16.

111
CHAPTIREI:

L’INSTAURATION DE L’ORDRE PUBLIC COLONIAL PAR


LE BIAIS D’UNE ORGANISATION DÉCENTRALISÉE DES
INSTITUTIONS RÉPRESSIVES

Le pouvoir colonial avait besoin de « paix », d’un certain « bon ordre » pour arriver à
ses fins, pour réaliser ses visées coloniales, d’où l’institution voire l’instauration d’un ordre
public colonial. Qu’est-ce que l’on entend par la notion d’ordre public et par ricochet l’ordre
public colonial ?

L’ordre public est une notion juridique polysémique, difficile à définir car il revêt
plusieurs aspects. Il s’agit d’un ensemble de règles obligatoires qui touchent à l’organisation
de la nation, à l’économie, à la morale, à la santé, à la sécurité, à la paix publique, aux droits
et aux libertés essentielles de chaque individu^^"*.L’ordre public est l’état social caractérisé par

la paix, la sécurité publique et la sûreté.

Au sens grammatical de ces mots, l’ordre public colonial est synonyme d’ordre social.
L’ordre public veut donc dire l’arrangement des personnes dans la société^^^. Il s’agit de la
disposition des choses nécessaires à l’organisation de la nation, de l’État, de la cité.^^^ Mais

encore y a-t-il lieu de noter que l’expression « intérêt social » trouve son exacte équivalence
dans l’expression « intérêt public » et traduit exactement la notion d’ordre public.^^^L’ordre
public a donc pour synonyme l’intérêt public, l’intérêt social.

En droit administratif, l’ordre public est l’état social idéal caractérisé par « le bon ordre,
la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique ». C’est donc une vaste conception
d’ensemble de la vie en commun sur le plan politique et administratif. Son contenu varie
évidemment du tout au tout selon les régimes. L’ordre public a une portée et un contenu
pouvant varier non seulement d’une époque à une autre.

2’'’ Serge BRAUDO, dictionnaire de droit privé, 1996.


André DURIEUX, la notion de l’ordre public en droit privé colonial belge mémoire-collection in
8°tomeXXXI, fasc.l, institut royal colonial belge, section des sciences morales et politiques, présenté le 18
mail953 P.8.
2’^ Ibidem.
2” Ibidem.

112
On peut donc affirmer que l’ordre public colonial est relatif à l’organisation de la colonie
dans le but d’assurer la quiétude et la tranquillité publique coloniale.

L’ordre public sera donc instauré pour préserver les intérêts de la puissance
colonisatrice au sein de la colonie. Dans cette perspective, le pouvoir colonial va poser les
jalons pour l’instauration de l’ordre public colonial à travers une organisation décentralisée
des institutions répressives coloniales que sont le service de la prison (section I) et le service
judiciaire (section II).

SECTION I ;

L’ORGANISATION DU SERVICE DE LA PRISON COLONIALE

L’ordre public colonial, dans ses prescriptions normatives et ses institutions, se


présente comme l’affirmation de la suprématie de la société coloniale sur les sociétés
colonisées et les autochtones ; comme l’interdiction de porter atteinte à l’organisation de
l’Etat colonial et des services publics, tendant ainsi à la sauvegarde des principes supérieurs
de la civilisation occidentale, de la civilisation française . Dès lors, « l’ordre public colonial
tend à sauvegarder les intérêts essentiels de l’État colonial

Dans ce contexte, la mise en place de l’ordre public colonial vise principalement à


servir les intérêts publics, sociaux et économiques de la puissance colonisatrice. Aussi, il
englobe l’encadrement politique, social et la discipline des populations indigènes. Il leur faut
nécessairement conserver sur les peuples conquis un droit supérieur de souveraineté, avec les
moyens d’action indispensables pour que ce droit ne deviemie jamais illusoire. Au nombre
de ces moyens d’actions, figure en bonne place la prison. En conséquence, le pouvoir colonial
va procéder à l’organisation du service de la prison dans la colonie de Côte d’ivoire dans le
but d’exercer un contrôle absolu sur la population indigène.

Ainsi, le premier arrêté qui a organisé le service des prisons, date du 6 mai 1896. Cet
arrêté a été modifié partiellement en 1900 et 1901. Ce service est régi plus tard par un arrêté

2’^ André DURIEUX,op.cit. P. 127-128.


Idem, P. 128.
Albert BILLIARD, « étude sur la condition politique et juridique à assigner aioc indigènes des colonies » , in
congrès international de la sociologie coloniale août 1900, T.2, mémoire soumis au congrès, Paris, Arthur
ROUSSEAU, 1901, P. 14.

113
du 26 janvier 1903. En réalité, il n’existait qu’une seule véritable prison, celle de Grand-
Bassam (maison d'arrêt et de justice).

Dans les autres circonscriptions administratives, les postes militaires, des salles des
bâtiments administratifs, des cachots de fortune ont servi de lieux d’emprisonnement. Il y
avait donc en raison de la politique de décentralisation du système pénitentiaire colonial, un
rapprochement des prisons de façon générale auprès de la population colonisée (§1), puis une
gestion planifiée des prisonniers (§ II).

SI : Le rapprochement des lieux d’enfermement de la population


colonisée

C’est l’arrêté local n^ 347 A du 27 mai en 1916 qui va réorganiser le service de la

prison de Grand-Bassam et des prisons de la colonie. Cependant, c’est par l’intermédiaire de


l’arrêté local n^ 134 A.P.B en 1951 que seront organisées définitivement les prisons de la

colonie. La prison n’est jusque vers 1900 qu’un instrument de la conquête. Elle devient
progressivement un outil de gestion coloniale. De nouvelles orientations sont prises
localement au tournant des années 1910 pour organiser véritablement le système carcéral
construit jusqu’alors spontanément.

Ainsi, la politique de décentralisation des prisons est l’une des orientations prise par le
pouvoir colonial pour imposer sa suprématie sur l’espace colonial. Ce fut la force qui
fonda les premiers empires ; le conquérant devenu le maître du territoire envahi,
imposait aux vaincus sa volonté pour loi unique. Dans sa main, le sceptre était un
glaive et le droit de punir une conséquence de sa domination absolue . Les
administrateurs coloniaux vont ainsi marquer leur pouvoir et leur domination par le recours à
la peine d’emprisonnement en utilisant des techniques archaïques.^^'^Ils vont donc recourir à la

politique de décentralisation voire de rapprochement des prisons pour exercer une contrainte
permanente sur les indigènes. Cette politique carcérale tend, de ce fait, à l’instauration et à la
préservation de l’ordre public colonial.

2” Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, op.cit. P. 189.


Idem, P. 191.
Jules LOISELEUR, les crimes et les peines dans l'antiquité et dans les temps Historique, modernes- études
Paris-Hachette et Cie, 1863, P.8.
Régine N’GONO BOUNOUNGOU, op.cit. P. 170.

114
On mesure ainsi les enjeux de la décentralisation des prisons coloniales. Il s’agit de
rapprocher la sanction pénale auprès des indigènes, et d’accroître la domination française sur
l’espace colonial. Cette politique de rapprochement des prisons aura pour corollaire la
multiplication des lieux d’enfermement (A) qui entraine inéluctablement la proximité de la
sanction pénale (B).

A-La multiplication des lieux d’enfermement, moyen de contrôle


de l’espace colonial

Le processus colonial implique nécessairement l’enfermement des hommes et des


territoires. La volonté du colonisateur est d’exercer une emprise totale sur le territoire
nouvellement conquis. Dans cette logique, il va employer des moyens de répression adéquats
parmi lesquels la prison a joué un rôle prépondérant.

Ainsi, selon Bénédicte BRUNET-LARUCHE «Véventail des peines envisagé reste


centré sur 1 ’emprisonnement. En effet, la prison colonise l ’espace pénal africain à partir de
l’installation européenne, modifiant ainsi profondément les contours du système répressif
antérieur. A une large panoplie de peines se substitue une sanction majeure,
l incarcération. » Le colonisateur a un impératif majeur dès son installation dans la colonie
de Côte de Ivoire : Il lui faut absolument maîtriser et contrôler l’espace colonial. Pour y
parvenir, il va procéder à la multiplication des lieux d’enfermement.

Il y avait, de ce fait, une multiplication de lieux d’enfermement dans les cercles, les
subdivisions, les cantons, les villages dans un souci de contrôle de la population. Ainsi, à
l’image de cette carte administrative de 1915 ci-dessous, il y avait des prisons au niveau de
chaque cercle.

2^5 Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, op.cit. P. 184.

115
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NB : Carte administrative de la colonie de Côte d’ivoire en 1915 (extrait de l’ouvrage la


pacification de la Côte d’ivoire : 1908-1915, méthodes et résultats de Gabriel
ANGOULVANT).

L’emprisonnement devient non seulement la sanction pénale privilégiée, mais aussi,


un instrument de contrôle social. Ces lieux d’enfermement avaient pour but de neutraliser
tous les contrevenants à l’ordre public colonial et de protéger les populations soumises. Il
importait, en premier lieu, d’assurer aux populations soumises une protection effective par un
placement judicieux des postes créés dans les cercles, et qui, conformément au principe
adopté, étaient constamment poussés vers les frontières des zones rebelles, de manière à
garder le contact avec les insurgés et à protéger en arrière les villages paisibles.^^^Comme

nous l’avons déjà indiqué, les postes militaires et de police servaient de lieux
d’emprisonnement ; ils étaient plus rapprochés des régions insoumises ; dans les grands
centres urbains comme les circonscriptions villageoises.

“"‘’Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, op.cit. P.23.


"Général GALLIÉNl, op.cit. P.49.

116
Pour renchérir, le professeur NÉNÉ BI BOTI Séraphin affirme: «jusqu’en 1926,

rAdministration coloniale fut contrainte d’appliquer une politique carcérale très


décentralisée ; les lieux d’incarcération formant un maillage territorial étendu et serré » .
La prison envahit donc l’espace colonial en vue de le quadriller. Elle fleurit dans toutes les
circonscriptions administratives coloniales. Il y avait des lieux d’incarcération dans tous les
coins et recoins de la colonie : l’emprisonnement était donc omniprésent dans le territoire
colonial, nul déviant ne pouvait s’y soustraire. On pouvait donc trouver des lieux
d’enfermement dans tous les villages, les cantons, les subdivisions territoriales et les cercles.

Dans les cercles sous administration civile, les fonctionnaires font construire des
cachots de fortune dès les premiers temps de leur installation, aménagés parfois dans une salle
des locaux administratifs. Dans les cercles sous contrôle militaire, les garnisons fournissent
l’équipement carcéral, dirigé en priorité contre les opposants politiques à la conquête
française.^^®

Dans ce contexte, selon Odile GEORG, « la fonction militaire et la fonction répressive


civile étaient directement liées au départ. » Il poursuit pour affirmer que « dans les villes
coloniales, les fonctions répressives se trouvent fortement liées à la nouvelle domination et
parmi les symboles du pouvoir figurent toujours la caserne et la prison, généralement
couplées

Cette situation s’explique par le fait que la prison et la caserne étaient indissociables
dès l’entame de la colonisation, car au cours de la conquête, le pouvoir colonial a érigé des
postes militaires pour marquer son installation et sa présence. Ainsi, selon Bénédicte
BRUNET LARUCHE, « en Afrique de l’ouest, les premières prisons apparaissent à la fin du
XVIf et au début du XX siècle dans les comptoirs et postes militaires côtiers.

Comme déjà évoqué, hormis la prison de Grand-Bassam qui présentait l’allure d’une
véritable prison, les autres lieux d’enfermement à l’intérieur de la colonie étaient des cachots
de fortune (des bâtiments temporaires construits à la hâte avec des matériaux fragiles, en
dehors de toute stratégie de développement urbain), des locaux des postes militaires. On

2^^ Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les institutions coloniales, op.cit. P.203.


Florence BERNAULT (dir), op.cit. P.25.
2’° Idem, P.26.
2” Odile GEORG, « urbanisme colonial et prisons en Afrique : quelques éléments de réflexion à propos de
Conakry) et de Freetown de 1903 à I960 » in Florence BERNAULT, P. 163.
2’2 Idem, P. 163-164.
2’2 Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, op.cit. P. 187.

117
comprend dès lors la massification de l’enfermement en Côte d’ivoire et dans toute l’Afrique
subsaharienne.^^'*

Tous les postes militaires étaient en effet pourvus d’une prison. Cette massification est
due aussi à la mission de la colonisation ; elle a été également favorisée par le système
politique colonial articulé autour de la mise en place d’un contrôle de plus en plus serré des
hommes et des espaces conquis.

Il y a eu ainsi un rapprochement de la sanction pénale qui est analysé comme un


moyen de rapprochement de la sanction pénale. Cependant, Il faut relever qu’à partir de 1945
avec le développement des infrastructures et l’évolution du territoire colonial, le pouvoir
colonial va appliquer une certaine politique de centralisation du système pénitentiaire
colonial.

B : La proximité de la sanction pénale, moyen de maîtrise de la


population indigène

Le gouverneur Gabriel ANGOULAVANT, l’un des artisans farouches de la pacification


de la colonie de Côte d’ivoire, adepte et instigateur de la manière forte, va participer
largement à l’instauration de cette pacification voire de la tranquillité absolue au sein de ladite
colonie. Il s’est inspiré de la politique de pacification du général GALLIÉNI dans la colonie
de Madagascar. La conduite de la pacification mise en œuvre par GALLIÉNI repose sur
quelques principes simples :

-centralisation de la conception de l’action civile et militaire à son seul niveau doublée d’une
large décentralisation complète de l’exécution ;

-Combinaison permanente de l’action politico-administrative et du commandement par la


concentration de tous les pouvoirs dans la main du seul chef militaire.

2’** Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les institutions coloniales, op.cit. P. 196.


2’5 Idem, P. 196-197.

118
-Respect et maintien des structures sociales existantes par une connaissance profonde du
teiTitoire, des mœurs.

A travers ces principes, nous constatons que l’action militaire et l’action politique sont
indissociables. Lyautey et Gallieni sont convaincus de l’inanité de la seule action militaire.
Indissociable de l’action politique, l’action militaire n’a pas de signification par elle-même.^^^

La prison, un instrument de répression est donc un moyen de l’action militaire dans le


processus de domination afin d’instaurer l’ordre public colonial.

Selon Bénédicte BRUNET LARUCHE : « Le maillage carcéral suit les mouvements de


conquêtes. La prison est alors utilisée pour l’enfermement des prisonniers de guerre et des
chefs rebelles, mais aussi pour s'assurer du contrôle social sur les nouveaux territoires,

Ainsi, au fur et à mesure du processus colonial, les missions de la prison se


diversifient en fonction des impératifs du pouvoir colonial. Au début de la conquête, elle a
servi à neutraliser les opposants à la pénétration coloniale, mais pendant la période de
l’installation, elle a eu pour mission principale de discipliner la population indigène.

Le colonisateur a toujours considéré les indigènes comme des « sauvages » voire


« des bêtes sauvages » qu’il se donne pour devoir d’apprivoiser afin de le rendre plus rentable
pour ses intérêts.

La société colonisée diffère de la société coloniale par la race et par la civilisation ; en ces
domaines, l’altérité paraît absolue, celle que manifeste le langage en opposant le « primitif »
et le « civilisé », le « païen » et le « chrétien », les civilisations techniques et les civilisations
arriérées^^^. Pour renchérir, Frantz FANON affirme : « le langage du colon, quand il parle du
colonisé, est un langage zoologique »^^^.

Le colon, quand il veut bien décrire et trouver le mot juste, se réfère constamment au
bestiaire. L’évolutionnisme légitimait l’œuvre coloniale, comme instrument d’accélération

^^^Lieutenant-colonel Franc, Gallieni à Madagascar et Lyautey au Maroc, deux œuvres de


« pacification »complémentaires, cahier de recherche doctrinale, sous la direction du lieutenant-colonel Porte,
Paris, P. 16.
^Idem, P. 10.
2’^ Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, op.cit. P. 187.
^’^Georges BALANDIER, la situation coloniale : approche théorique ; source : cahiers internationaux de
sociologie, nouvelle série, vol.l 10, Georges BALANDIER lecture et relecture (janv-juin 2001) pp 9-29, P.22.
Frantz FANON, Les Damnés de la Terre (1961), éd. La Découverte poche, 2002, P. 45.
Ibidem.

119
de l’histoire : soumettre ces peuples, c’était les civiliser.^®^ Dans l’esprit du colonisateur, il a

en face de lui un peuple dangereux, belliqueux, qui pourrait compromettre ses intérêts s’il
n’est pas maîtrisé. Il faut donc exercer un contrôle permanent sur la société coloniale, de peur
qu’elle ne devienne ingouvernable. Ce qui justifie le rapprochement de la sanction pénale
auprès de chaque circonscription administrative dans le but de maîtriser la société coloniale.
Dans le même ordre d’idées, le professeur NÉNÉ BI BOTI Séraphin affirme : « la

conjugaison de la nature et la finalité de l’Etat colonial explique l’ordre colonial qui se


caractérise par la restriction des libertés là où doit prévaloir l'autorité coloniale » .

En conséquence, pour une colonisation effective et efficiente, il faut absolument


avoir la maîtrise de l’espace colonial et de la population colonisée. Dans cette optique, les
autorités coloniales françaises en Côte d’Ivoire ont appliqué une politique de proximité de la
sanction pénale pour exercer une emprise totale sur la population colonisée. Très tôt, les
prisons, ou ce qui en tint lieu, prolifèrent, enfermant la société colonisée dans un maillage
carcéral relativement dense.^^'^ On pouvait donc trouver des lieux d’emprisonnement dans

toutes les circonscriptions administratives coloniales (villages, cantons, subdivisions, cercles).

Les autorités coloniales furent dans l’obligation d’appliquer une politique de


décentralisation des prisons pour atteindre leurs objectifs de surveillance des populations et
de contrôler certains individus dont les comportements contrevenaient à l’ordre public. Tout
se passe comme si la prison était devenue un instrument de maîtrise sociale là où les
structures ordinaires sont en échec. Elle reste dans une optique de maîtrise des indésirables,
pauvres et rebelles de la société coloniale. Aussi son organisation vise-t-elle un contrôle du
prisonnier par une surveillance visible de tous les instants .

Certains chefs de canton et de village emprisonnent ainsi, chez eux ou à proximité,


les personnes qu’ils ont arrêtées en vertu de leur pouvoir de police judiciaire, avant de les
conduire au poste. Ils incarcèrent parfois des individus pour faire pression sur les familles
pour se faire obéir ou pour des motifs personnels.^^^

Dans certaines agglomérations importantes, comme par exemple Conakry ou Grand-


Bas sam, la prison est transférée au tournant du XX^ siècle à l’extérieur du centre européen

^^^Norbert ROULAND, anthropologie juridique, Paris, les presses universitaires de France , (collection : Droit
fondamental. Droit politique et théorique) 1®" édition, 1988, P.28.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Instituions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op. cit. P. 127.
Ibrahima THIOUB, Sénégal : la prison à l’époque coloniale. Significations, évitement et évasions,V.22>5.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales, op.cit. P.l 17.
Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, op.cit. P. 199-200.

120
afin d’éloigner cette institution « nocive » et consommatrice d’espace, en application du
principe de ségrégation spatiale de l’urbanisme colonial. En revanche, dans les petites villes,
la prison reste généralement à proximité de la résidence de l’administrateur...^^^

Cette situation s’explique par le fait que les administrateurs de subdivision ou de


cercle avaient de larges prérogatives en matière de répression. Ils avaient donc le droit de
punir tout contrevenant à l’ordre public colonial. La proximité de la prison à côté de leur
résidence leur permettait d’exercer un contrôle afin d’avoir une maîtrise sur la population
colonisée. La politique de rapprochement de la sanction pénale permettait autant d’exercer
une certaine oppression sur les indigènes qu’elle permettait à tout administrateur d’organiser
la répression dans sa circonscription administrative et partant la gestion des prisonniers.

su : La planification dans la gestion des prisonniers

Lorsque la France s'installe dans la colonie de Côte d'ivoire, son premier soin est
d'établir un ordre nouveau. Elle se trouve dans la nécessité, dès le début de l'occupation, de
réprimer les crimes et délits. Or, la tâche d'établir un ordre et de le maintenir est un attribut de
la souveraineté.

Par ailleurs, les études consacrées à la mise en œuvre de la politique carcérale ont en
même temps interrogé les réactions africaines face à ce nouvel instrument pénal. De l'époque
coloniale à nos jours, le refus de la prison reste constant dans les réactions des Africains. Ce
refus s'est exprimé sous des formes variées et diverses suivant les époques et les fonctions
conférées à la prison par les pouvoirs publics.

Dans les débuts de la mise en place de l'institution carcérale, la privation de liberté a


fréquemment provoqué le suicide des victimes. Passé ces premiers moments, les
populations ont eu recours à l'évasion et aux solutions ésotériques pour échapper à
L’incarcération^^^.

Pour juguler de telles situations, une planification efficiente de la prison s’impose et


cela passe nécessairement par une surveillance beaucoup plus rigoureuse des prisonniers par
un personnel pénitentiaire (A) puis par l’institution d’une commission de surveillance (B).

^"^Bénédicte BRUNET-LA RUCHE, op.cit.P.188.


Florence BERNAULT, Pierre BOILLEY, Ibrahima THIOUB, pour une histoire du contrôle social dans les
mondes coloniaux '.justice, prison et enfermement dans l’espace, RFHOM, 1.86(1999) n" 324-325, P. 14.

121
A : La surveillance des prisonniers par un personnel pénitentiaire

La prison doit assurer la sécurité publique en enfermant les délinquants et en


évitant les évasions. L’aménagement des prisons est conçu de manière à faciliter la
ségrégation des prisonniers, leur isolement, la surveillance de leurs faits et gestes. Au
18’^ siècle, le rôle des officiers de prison consistait à ouvrir et fermer les portes. Au 19^siècle,
les postes de travail se spécialisent. Le personnel correctionnel doit surveiller, encadrer et
réformer le prisonnier. Il a pleine autorité pour ce faire.^^^

Jusque dans les années 1950, le gardien de prison assurait la surveillance des détenus
et appliquait le règlement. Par la suite, son rôle s’est transformé. On demande maintenant à
l’agent correctionnel, comme on appelle désormais le gardien, d’aider les détenus dans leur
Q1 n
démarche de réinsertion sociale.

La prison dans son dispositif sécuritaire, est d'abord la transcription matérielle et


légale de la « lutte » ou de la « guerre » contre les ennemis de l'ordre public de l'intérieur,
c'est-à-dire contre les délinquants. La prison, en effet, par de multiples aspects, est un
véritable dispositif guerrier. L'objectif premier, implicite aussi bien qu'explicite de tout
gestionnaire d'une prison, est d'assurer la sécurité de la société extérieure, en prévenant les
évasions et aussi en assurant le maintien de l'ordre à l'intérieur, notamment en prévenant les
émeutes ou autres formes d'explosions de désordres. Neutraliser les délinquants, les maintenir
au quotidien désarmés, est la tâche essentielle des personnels de surveillance et de leur
'î 1 1
hiérarchie. .

Ce personnel de surveillance était constitué largement par un régisseur et des gardiens de


prison (les agents de police, gardes de cercle affectés à la surveillance des condamnés).

Le régisseur est une personne qui a la charge, la responsabilité de gérer et


administrer une prison. Il est chargé en outre, de la comptabilité de la prison en ce qui
concerne les vivres, l'habillement et l'emploi des détenus aux travaux ». Il reçoit à ce sujet ses
ordres du Secrétaire Général de la colonie.

Source internet : www.google.ci consulté le 25 décembre 2015.


Ibidem.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales, op.cit. P. 118.

122
11 fera au moins une ronde par nuit pour s'assurer de la tranquillité des
312
prisonniers. II est chargé, à cet effet, de la garde et de la surveillance des prisonniers. Il est
aidé dans cette tâche par les gardiens de prisons qui sont sous son autorité. Ceux-ci lui doivent
obéissance et lui font rapport de leur mission de surveillance.

Il tient les registres d’écrou de la prison. L’écrou est un acte d’enregistrement officiel
de l’incarcération d’une personne sur les registres de la prison, incluant la date et les causes de
l’emprisonnement. Il est chargé en outre d’assurer l’ordre, la sécurité et la discipline dans la
prison.

Il dispose d’un pouvoir de discipline en ce qu’il peut « prononcer provisoirement


contre les détenus dont la conduite laissera à désirer, la mise aux fers... » et d’un pouvoir de
surveillance générale puisqu’il « s’assurera chaque soir que les détenus n’ont point sur eux
des objets prohibés, tels que les couteaux, outils, allumettes, cordes, enfin, tout ce qui pourrait
favoriser leur évasion ». Dans ce contexte, il est en premier lieu responsable en cas de
dysfonctionnement de la prison ou en cas d’évasion des prisonniers.

En ce qui concerne ses obligations, le régisseur ne pourra, sous peine d'être


poursuivi et puni comme coupable de détention arbitraire, recevoir ni retenir aucune personne
qu'en vertu soit d'un mandat de dépôt soit d'un mandat d'arrêt décerné selon les formes
prescrites par la loi. Le régisseur est placé sous la surveillance du chef de bureau chargé de
*3 1 '2

l'administration générale et de la prison.

Au niveau de chaque localité, il est désigné un régisseur pour administrer la prison.


Ainsi, un administrateur de cercle peut nommer un régisseur pour gérer la prison du cercle. Le
commissaire de la ville est le plus souvent régisseur de prison. Il doit à ce titre assurer le
gardiennage, la surveillance, l’organisation du travail et l’entretien des prisonniers.^’"’

Jusqu’en 1951, c’est le commissaire de Grand-Bassam qui jouait le rôle de régisseur de


la prison de Grand-Bassam. (art. 1er arrêté de 1896 et art.2 arrêté de 1916). De façon pratique,
chaque autorité coloniale désignait un régisseur dans sa localité.

Les gardiens ou surveillants de prison sont des agents chargés de sécuriser les prisons,
de surveiller les détenus, d’éviter les évasions et de maintenir le bon ordre et la sécurité à

Ibidem.
Ibidem.
Bénédicte BRUNET LARUCHE, op.cit. P. 100.

123
l’intérieur des prisons. Ils veillent à la bonne exécution du travail pénal. Le travail pénal était
souvent une cause des évasions des détenus et les autorités coloniales n’hésitaient pas à
accuser les gardiens de complicité de ces évasions.

Selon l’article 606 du code d’instruction criminelle, les gardiens sont nommés par
l’autorité administrative, cela signifie par conséquent que les gardiens étaient recrutés sur
place c'est-à-dire dans chaque localité. Les surveillants furent recrutés sur place parmi les
autochtones « assimilés », mais l’encadrement fut fourni par l’année française^’^.

Chaque autorité coloniale procédait dans sa circonscription au recrutement et à


l’encadrement de surveillants. Dans la plupart des cercles, le service des prisons est assuré par
les gardes de cercle affectés à ces fonctions sous l’autorité de l’administrateur.^’^

Les gardes et gardiens font l’objet d’un recrutement dans les mêmes conditions que les
policiers et gardes de cercle ; ce qui privilégie les anciens militaires et gardes civils.^

Ces gardiens n’avaient pas de qualification en tant que tel, bien qu’ils fussent encadrés
par les français. Ils n’avaient pas l’aptitude professionnelle requise pour la surveillance des
détenus. La majorité des gardiens sont des soldats locaux. Étant en nombre insuffisant, ils

étaient soutenus par les forces de l’ordre, les compagnies de tirailleurs. La tâche des
surveillants était difficile eu égard à l’architecture poreuse des prisons surtout à l’intérieur du
pays et à leur surcharge.

Dans les prisons importantes, il existe un gardien chef chargé, sous l'autorité du
régisseur de la prison, d'assurer la garde des détenus, le maintien du bon ordre et de la
discipline, l'exécution du service de propreté dans toutes les parties de l'établissement et de
diriger tous les détails du service de la prison.

« Les agents de surveillance, quel que soit leur grade, sont responsables des évasions
imputables à leur négligence sans préjudice des poursuites dont ils pourraient être passibles
par application des articles 237 et suivants du code pénal » (arrêté de 1951)^’^.

En outre, « nul gardien pourra, à peine d’être poursuivi et puni comme coupable de
détention arbitraire, recevoir ni retenir aucune personne qu’en vertu soit d’un mandat de

^'5.1ean-Pierre ALLINNE, op.cit. P. 16.


Bénédicte BRUNET LA RUCHE, op.cit. P. 197.
’'^Idem, P.197-198.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, Les institutions coloniales, op.cit. P. 124.
d’idem, P.209.

124
dépôt, soit d'un mandat d'arrêt décerné selon les formes prescrites par la loi, soit d'une
ordonnance de renvoi devant une cour d'assises, d'un décret d’accusation, ou d’un arrêt ou
jugement de condamnation à une peine afflictive ou à un emprisonnement, et sans que la
transcription en ait été faite sur son registre » (art.609 du code d’instruction criminelle).

En vertu de ce texte, il n’y avait donc pas en principe d’emprisonnement sans un titre de
détention. Il importe donc d’affirmer selon ces textes que le travail des surveillants était
contrôlé et réglementé. Ils ne pouvaient que bien se comporter dans l’exercice de leur activité
au risque d’être punis. Ainsi, l’institution d’une commission de surveillance était nécessaire
pour une gestion beaucoup plus rigoureuse des prisons.

B : L’institution d’une commission de surveillance, organe de


contrôle des prisons

La puissance colonisatrice va s’atteler à organiser le système pénitentiaire au sein de


l’AOF. Il faut attendre la parution en 1936 du Code colonial d’instruction criminelle (art. 603
à 618) pour que l’on distingue administrativement quatre catégories de prisons qui sont:
les maisons d’arrêt (destinées aux prévenus), les maisons de justice ( retiennent les pris de
corps), les maisons de correction (pour les condamnés à des peines d’emprisonnement) , les
maisons de force pour les individus condamnés à la réclusion pour plus de cinq ans.
L’emprisonnement de simple police (art. 465 Code pénal applicable aux colonies) de trois à
quinze jours d’emprisonnement ne prévoyait aucune modalité ni aucun lieu particulier.

Tous ces établissements étaient placés sous la responsabilité du Gouverneur de la


colonie, qui déléguait sa compétence aux administrateurs judiciaires. Au niveau des
colonies, chaque gouverneur aura la latitude d’organiser son système pénitentiaire, cela en
conformité avec les textes en vigueur. En 1951, les établissements pénitentiaires de la Côte
d'ivoire sont divisés en quatre catégories :

- les maisons d'arrêt et de justice dans chaque centre où fonctionne un tribunal de première
instance ou une justice de paix à compétence étendue ;

- les prisons des cercles ;

Jean Pierre A LL 1N E,/<7/0/75 historiographiques pour une histoire des prisons en Afrique francophone (revue
électronique d’histoire du droit) Clio@themis,P.15.

125
- les prisons des subdivisions

- éventuellement au chef-lieu, une prison centrale de correction destinée à recevoir les


condamnés à longues peines, les récidivistes incorrigibles, les individus considérés comme
dangereux et les condamnés à la réclusion et aux travaux forcés .

Dans le cadre d’une gestion humaniste et efficiente des prisons, il a été institué dans la
colonie de Côte d’ivoire des visites et des contrôles .Les visites et contrôles par les autorités
des établissements pénitentiaires ont été expressément prévus par les textes. On constate que
les autorités chargées d'effectuer les visites et les contrôles sont nombreuses. Ce sont
précisément :

-Le juge d'instruction ;

-Le procureur général qui a la surveillance des prisons et tient la main à ce que personne n'y
soit détenu illégalement (art. 605 in fine du code d'instruction criminelle) ;

- Le Gouverneur ;

-La commission de surveillance qui se réunit « la première semaine de chaque mois, sur la
convocation de son Président. Après avoir passé l'inspection de la prison, et recueilli les
réclamations qui peuvent lui être soumises, elle dresse un procès-verbal dans lequel elle
consigne toutes les observations et qui est ensuite transmis à M. le Secrétaire général. » (Art.
3 arrêté du 22 janvier 1903 instituant une commission de surveillance près la prison de Grand
Bassatn. JOCI 31 janvier 1903).’“

Cette commission est composée du procureur de la république, près le tribunal de


Bingerville, président ; d’un médecin désigné par le chef du service de santé ; du délégué des
travaux publics à Bassam. Elle se réunit chaque mois, avec la mission de veiller au bien-être
physique et moral des détenus, à l’hygiène et à la salubrité des locaux, à la discipline
intérieure, au régime des prisonniers, à l’organisation du travail...

Elle doit aussi signaler les condamnés qui, par leur travail et leur conduite, paraissent
mériter une réduction de peine, ou leur mise en liberté sous condition. La commission de

32' Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales, op.cit. P. 122.


^22 Idem, P. 125.
323 Edmond MICHELET et Jean CLÉMENT, op. cit. P. 157.
32^ Idem, P. 157-158.
325 Idem, P. 158.

126
surveillance pénitentiaire a pour mission de contrôler les conditions de traitement des
personnes détenues par rapport aux prescriptions valables en la matière. En d’autres termes, il
s’agit d’un contrôle extérieur indépendant de l’administration pénitentiaire.

Les membres des commissions de surveillance à l’époque coloniale étaient a priori des
observateurs privilégiés du monde pénitentiaire. L’exercice de leurs tâches contribue à un
meilleur fonctionnement des prisons. Il ne s’agit pas seulement d’identifier et de répertorier
les événements et incidents importants qui se produisent dans l’établissement pour lequel ils
sont mandatés et qui peuvent démontrer un mauvais fonctionnement de ce dernier. Les
membres des commissions doivent en principe s’efforcer toujours d’essayer d’y apporter une
solution. Ils sont en principe chargés de la surveillance intérieure de l'établissement
pénitentiaire en ce qui concerne la salubrité, la sécurité, le régime alimentaire et l'organisation
des soins, le travail, la discipline et l'observation des règlements.

Aussi faudrait-il relever que la mission de ces autorités est assez limitée dans le
temps. En effet, suivant l'art.ôl 1 Code d'instruction criminelle, « le juge d'instruction est tenu
de visiter au moins une fois par mois, les personnes retenues dans la maison d'arrêt de
l'arrondissement. Une fois au moins dans le cours de la session de la Cour d'assises, le
président de cette Cour est tenu de visiter les personnes retenues dans la maison de justice. Le
Gouverneur est tenu de visiter, au moins une fois par an, toutes les maisons de justice et
prisons, et tous les prisonniers de la colonie

Malgré ces contrôles et les visites, l’on relève avec acuité que les prisonniers sont
détenus dans des conditions déplorables. Le manque d’hygiène sanitaire récurrent dans les
prisons est l’une des causes de la maltraitance des prisonniers. Cette situation conduit
inéluctablement à déplorer les conditions de détention des détenus et des condamnés. Ces
prisonniers pour se retrouver en prison dans de telles conditions seront bien avant jugés et
condamnés à des peines d’emprisonnement, d’où l’analyse du service judiciaire coloniale.

Edmond MICHELET et Jean CLÉMENT, op. cit. P. 158.

127
SECTION II :

LA CRÉATION D’UNE DUALITÉ DU SERVICE JUDICIAIRE


COLONIAL, UNE NÉCESSITE POUR L’APPLICATION DES
PEINESD’EMPRISONNEMENT

Notons d’emblée, que les français à l’instar des autres européens, avaient une
avancée notable sur les autres peuples au niveau social. Cela se percevait sur le plan
technologique, scientifique et juridique.

Sur le plan technologique, il eut des innovations, des découvertes techniques en Europe.
Les Européens ont inventé la télégraphie sans fil (TSF) à laquelle les noms
d’HERTZ^^^Heinrich Rudolph (1857-1894) et Édouard BRANLY^^^ restent associés. Les

Européens sont également à la base de la création du moteur à explosion, du moteur diesel, les
premiers modèles d’automobiles et de l’aviation...

Au niveau scientifique, on peut leur attribuer le progrès de la médecine avec les


français Louis PASTEUR “’(1822-1895) et Emile ROUX ^“(1853-1933) de l’allemand

Robert Koch (1843-1910) qui ont fait des découvertes vitales pour le traitement de
plusieurs maladies. Grâce à ces découvertes, plusieurs maladies infectieuses ont trouvé des
remèdes. Ces remèdes continuent de nos jours de soigner de nombreux malades, et permettent
de réduire le taux de mortalité dans le monde.

Dans le domaine des mathématiques, nous avons Henri POfNCARÉ ^^^(1854-


1912) qui était un savant et illustre mathématicien. Dans la physique chimie, on peut citer des

^2’Physicien allemand (1886, découverte des ondes électromagnétiques), utilisant un circuit électrique dans
lequel il créé de violentes oscillations réussit à produire des ondes électromagnétiques. Il montre que ces ondes
ont des propriétés similaires à celles de la lumière. Il pose ainsi les bases des télécommunications modernes.
^^^Physicien français (1844-1940), inventeur des premiers radioconducteurs.
^^^Biologiste et chimiste français, connu en particulier pour ses travaux sur le vaccin contre la rage. Il jeta les
bases de la microbiologie, mit en évidence le rôle des germes dans la propagation des maladies infectieuses,
inventa la pasteurisation et mit au point des vaccins contre plusieurs maladies.
^■^^Médecin et bactériologiste français, collaborateur de Louis PASTEUR et pionnier de l’étude et du traitement
des maladies infectieuses.
Médecin allemand et lauréat du prix Nobel, qui fonda la bactériologie médicale moderne, isola plusieurs
bactéries pathogènes, dont celle de la tuberculose et découvrit les vecteurs animaux de plusieurs autres maladies
importantes.
^^^Mathématicien et physicien français dont on a dit qu’il était le dernier savant universel susceptible de
connaître la totalité des mathématiques de son temps.

128
noms célèbres tels qu’Albert EINSTEIN ^^^(1879-1955), Pierre (1867-1934) et Marie CURIE

1859-1906) dont les théories font preuve jusqu’à nos jours...

Sur le plan économique, les Européens ont bénéficié d’une remarquable stabilité
financière à partir de 1871, possédant près de 60% de l’or monnayé dans le monde, ils
faisaient de ce fait, figure de banquiers du monde. Cette domination financière était
accompagnée d’une prospérité commerciale favorisée par les innovations dans le domaine du
transport et de la communication.

Au niveau juridique, les français bénéficiaient d’une avancée notable dans le domaine des
lois (code de procédure civile de 1806, le code de commerce de 1807, le code d'instruction
criminelle de 1808 et du Code pénal del810) et de l’organisation de la justice. En ce qui
concerne ce dernier domaine, le colonisateur va donc faire bénéficier à la colonie sa culture
juridique et judiciaire. Dans cet élan, il va s’atteler à l’organisation de la justice au sein de la
colonie.

Cependant, il va se poser le problème de l’organisation de la coexistence de deux


systèmes juridiques hétérogènes, celui de la puissance colonisatrice et celui des indigènes. Il
peut laisser subsister l’organisation judiciaire traditionnelle, ou enfin, organiser une dualité de
juridiction, les unes pour les nationaux et les étrangers, les autres pour les autochtones.

Ainsi le service judiciaire colonial a été organisé par la mise en place d’une dyarchie
judiciaire : la justice indigène (paragraphe I) et la justice de droit français (paragraphe II)
pour le prononcé des peines d’emprisonnement.

^^^Physicien américain d’origine allemande, surtout connu comme le créateur des théories de la relativité
restreinte et générale.
^^'’Physiciens français connus pour leurs travaux sur la radioactivité.
Dominique SARR, la cour d’appel de l’A.O.F, thèse pour l’obtention du grade de docteur d’Etat en droit,
présentée et soutenue publiquement le 1®' octobre 1980 à 16h 30 devant la faculté de droit et des sciences
économiques de Montpellier, P.9.

129
: L’institution d’une justice indigène, une justice d’exception
pour la mise en œuvre des sentences pénales

Le système juridique colonial se présente donc comme un système composite et


hiérarchisé dans lequel existent d'une part le droit civilisé du colonisateur et d'autre par la
fraction des droits préexistants à son arrivée, qu'ils soient originellement africains ou le fruit
d'une colonisation antérieure dans la mesure où elle est conforme aux principes sous-tendant
l'ordre juridique principal.^^^

Les droits préexistants en l’espèce sont les droits traditionnels et coutumiers qui seront
dilués conformément aux mœurs de la puissance colonisatrice. Cette dualité juridictionnelle a
été consacrée par le décret du 3 décembre 1931. Conformément à la hiérarchie juridictionnelle
dans l’espace colonial, la justice dite indigène est une juridiction d’exception car elle était
subordonnée à la justice de droit français. Elle ne devrait pas aller à l’encontre des principes
de la civilisation métropolitaine. La justice de droit local est toujours demeurée dans un état
de subordination à l’égard de sa rivale française.

Ainsi, la justice indigène qui apparaissait comme une sorte de concession provisoire
faite aux africains, allait dans un lent processus d’intégration s’articuler en se subordonnant à
l’ordre juridictionnel de droit commun, avant de se laisser assimiler^^^.

La justice dite d’exception se borne donc dans l’application du droit local qui avait
pour source une variété de coutumes non codifiées et qui se transmettaient oralement. Dans ce
contexte, les Institutions judiciaires de la justice indigène, à savoir les tribunaux indigènes se
retrouvaient tant dans les circonscriptions rurales (A) que dans les circonscriptions urbaines
(B), cela dans le but d’appliquer des peines aux indigènes.

Jacques VANDERLINDEN, la magistrature coloniale au carrefour de deux mondes, in magistrat au temps


des colonies, l’espace juridique, 1988, P.20.
Dominique SARR, op.cit. P. 13.
Idem, P. 14.

130
A-L’ implantation des tribunaux indigènes dans les
circonscriptions rurales

Le pouvoir judiciaire est un des trois pouvoirs constituant l'État. 11 a pour rôle de

contrôler l'application de la loi et sanctionner son non-respect. Ce pouvoir est confié


aux juges et aux magistrats et parfois, dans une moindre mesure, à des jurés, qui se fondent
sur les textes de lois qui sont rédigés par le pouvoir législatif pour prendre des décisions.
L'expression « pouvoir judiciaire » peut revêtir deux sens différents : le premier désigne le
pouvoir judiciaire au sens organique et le second au sens fonctionnel. Dans le premier cas,
« pouvoir judiciaire » désigne les cours et tribunaux et dans le deuxième la faculté de pouvoir
trancher les litiges.^^^

Partant de ce qui précède, le système judiciaire est le mécanisme qui soutient la règle de
droit. Les tribunaux ont pour mission de régler les différends et d’appliquer les lois d'une
manière équitable et rationnelle. Ils constituent une tribune impartiale où les juges peuvent
appliquer les règles de droit sans tenir compte des avis du pouvoir politique ou du poids de
l'opinion publique. Les décisions judiciaires sont fondées sur la règle de droit applicable et sur
les faits mis en preuve.

De principe, les tribunaux ne doivent pas être soupçonneux ou empreints de partialité


ou de favoritisme. C'est pourquoi la justice est souvent représentée par une personne aux yeux
bandés qui tient en équilibre les plateaux d'une balance, sans prêter la moindre attention aux
éléments qui pourraient la détourner de la poursuite d'un résultat qui est juste et équitable. Est-
ce la même réalité à l’époque coloniale ?

Le pouvoir colonial a porté un intérêt stratégique à la justice dans l’espace colonial. Il a


compris très tôt, comme le feront d’ailleurs plus tard ses successeurs des États africains
indépendants, que la maîtrise des territoires coloniaux, comme celle des hommes qui y
habitent, passe nécessairement par une bonne maîtrise de l’appareil judiciaire. Comment en
effet contrôler les hommes dans ces espaces lointains si on ne dispose pas des instruments
juridiques coercitifs appropriés

Source internet : www.google.ci (Wikipédia) consulté le 26 décembre 2015.


Joseph John-NAMBO, quelques héritages de la justice coloniale en Afrique noire, in Droit et société 51/52-
2002 (p 325-344), P.327.

131
La justice participe, ici de la domination^"^*, de l’oppression sur la population colonisée.

Ainsi, au nom de la civilisation qui sert de fondement premier à l’occupation juridique et


politique, l’Etat colonial français va dorénavant être le « producteur » officiel de la norme
juridique à travers la maîtrise de l’espace et le contrôle des hommes.^'^^Dans cette logique, il

va implanter dans les circonscriptions rurales des tribunaux indigènes.

Nous entendons par circonscriptions rurales principalement les villages et les cantons.
Avant tout, il convient de rappeler la définition de « l’indigène ». Ainsi, selon le décret du 16
août 1912 : « Sont indigènes et justiciables des tribunaux indigènes, les individus originaires
des possessions étrangères comprises entre ces territoires qui n’ont pas dans leurs pays
d’origines, le statut de nationaux européens ».

Ces autochtones étaient considérés comme gouvernés par des coutumes locales qui
constituaient leur « statut civil ou personnel particulier ». Ils devaient en conséquence porter
les litiges les opposant, y compris les litiges commerciaux, devant les juridictions dites de
droit local.

Pour renchérir, Bénédicte BRUNET LARUCHE affirme que l’indigène peut être défini
« comme l ’africain qui ne dispose pas du statut de national français ou d'un autre pays
Européen, en d'autres termes qui ne dispose pas de la citoyenneté française

Les indigènes répondaient de leurs actes délictueux en matière civile devant les
tribunaux de droit local. La création des tribunaux indigènes remonte au début du
siècle. C’est par le décret du 10 novembre 1903 que le législateur colonial institue les
tribunaux indigènes. C’est dire que de par ce texte « la justice est rendue sur toute l’étendue
du territoire de l’AOF, aux indigènes par les tribunaux indigènes » (article L'^j.Par la suite,
plusieurs textes sont venus apporter des retouches à l’organisation de la justice indigène
notamment les décrets du 03 décembre 1931 promulgué le 20 janvier 1932 et du 26 juillet
1944.

À travers cette organisation judiciaire, le pouvoir colonial renforce son emprise sur les
populations des nouveaux territoires, avec la mise en place d’une politique répressive distincte

Dominique SARR,,op.cit. P.7.


Joseph John-NAMBO, op.cit. P.327.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit. P.I81.
Bénédicte BRUNET LARUCHE, op.cit. P. 132.
Ibidem.

132
entre autochtones et populations françaises.^'*^Le principe de la justice indigène était de rendre

la justice selon les coutumes.

Cependant, il faut relever que les coutumes variaient d’une localité à l’autre et qu’elles
donnaient lieu à des interprétations très différentes selon les tribunaux et les périodes. Par
ailleurs, la justice dans le cadre traditionnel africain était liée à l’organisation et à la mentalité
des sociétés. C’était essentiellement une justice de chefs qui privilégiait la conciliation.^'*^

D’une manière générale, en Afrique noire, la justice traditionnelle, avant la


colonisation, était l’apanage des autorités dotées du pouvoir de commandement. Les chefs de
village qui rendaient la justice étaient assistés des anciens et, à un niveau plus élevé, les chefs
étaient entourés de notables ou d’un conseil formé par les chefs de famille. Les tribunaux
indigènes dans les circonscriptions rurales étaient composés des tribunaux du village et des
tribunaux de cantons.

Les tribunaux du village étaient composés des notables du village et présidé par le chef
du village. Ils étaient investis d’une compétence de conciliation en matière civile,
commerciale et d’une compétence répressive en matière de simple police.

Les tribunaux de canton quant à eux avaient pour finalité d’alléger la charge des
tribunaux de subdivision. Ils étaient présidés par le chef de canton qui est assisté par les
notables. Ces tribunaux connaissent en premier ressort de toutes les affaires civiles,
commerciales et correctionnelles.

Il faut relever que la criminalité poursuivie devant les tribunaux se présente comme des
infractions de faible ampleur telles les larcins, des litiges de couples ou même familiaux.
L’Administration entend rendre une justice « adaptée »au milieu indigène respectant les
coutumes et les autorités traditionnelles, pour afficher sa légitimité. Elle y associe donc des
chefs locaux ; mais ceux-ci sont de moins en moins « traditionnels » et sont plus sûrement
choisis en fonction de leur capacité à s’intégrer à l’ordre public colonial.

Comme nous le constatons, les tribunaux indigènes au niveau des circonscriptions rurales
sont composés uniquement des indigènes. Par ailleurs, au niveau des circonscriptions
urbaines, ils sont présidés par des français.

Azowa Gilles KRAGBÉ, op.cit. P.346.


Joseph John-NAMBO, op.cit. P. 328.
Ibidem.
Bénédicte BRUNET LARUCHE, op.cit. P.661.

133
B- L’implantation des tribunaux indigènes dans les
circonscriptions urbaines

En effet, sur la base de la nature des intérêts en présence, le législateur colonial


organisait, en marge de la justice française chargée d’administrer le droit aux ressortissants de
la nation colonisatrice ou à ceux qui leur étaient assimilés, un ordre juridictionnel spécial,
dont la tâche était d’appliquer les coutumes.^^^

En 1906, le ministre français des colonies, Georges LEYGUES, avait déclaré :« le


principe fondamental de notre politique coloniale doit être le respect scrupuleux des
croyances, des mœurs et des traditions des peuples soumis ou protégés >?5’. Ces propos du

ministre français n’ont pas suivi une exacte application dans les colonies françaises, puisque
les traditions, les coutumes indigènes ont été adaptées aux valeurs françaises. Cela contribue
donc à les dénaturer.

Les coutumes locales doivent donc plier devant les mœurs de la puissance colonisatrice.
Le droit autochtone est incorporé dans le droit du colonisateur dans tous les domaines où
n’existent pas de contradictions trop flagrantes ; cette intégration peut aboutir à une
dénaturation du droit traditionnel dans la mesure où dans certains cas ; les autorités coloniales
ont fait appliquer le droit autochtone par des juridictions qu’elles établissaient.^^^

Dans ce contexte, il y aura un droit local ou coutumier transformé, reformé


conformément à la civilisation européenne. Ainsi, selon Etienne LEROY : « le droit
coutumier est une production normative distincte de la coutume africaine : il s'inscrit dans un
« entre-deux », celui que la situation coloniale autorise, entre loi et coutume, non comme un
espace de liberté, mais comme un facteur de domination

Le droit coutumier ou local sera donc l’apanage de la justice indigène. Cette justice sera
rendue par un réseau de tribunaux hiérarchisés qui couvre l'ensemble du territoire de la
colonie. Ainsi, de la plus petite circonscription administrative qu’est le village jusqu’à la plus
vaste c’est-à-dire le cercle, la justice de droit coutumier sera rendue à l’ensemble des
indigènes.

Dominique SARR, op.cit. P. 13.


35' Raymond F. BETTS, op.cit. P.343.
Norbert ROULAND, op.cit. P. 298.
Étienne Le ROY, Les Africains et l’institution de la Justice. Entre mimétismes et métissages, Paris, Dalloz,
2004, P. 114.

134
Au niveau des circonscriptions urbaines composées essentiellement des subdivisions et
des cercles, le pouvoir colonial va organiser la justice indigène par l’institution des tribunaux
de subdivisions et de cercles. Ces tribunaux avaient une compétence générale en premier
ressort pour tout ce qui concernait la famille et l’état des personnes. En matière d’obligation et
de successions, ils n’étaient compétents que si l’intérêt de l’affaire était inférieur à 50.000
francs.^

Les tribunaux de subdivision encore appelés tribunaux de premier degré étaient présidés
par des administrateurs (chefs de subdivision, adjoints aux commandants de cercle ou
fonctionnaires désignés par le Gouverneur). Ces tribunaux comportaient en outre deux
O<<

assesseurs de statut personnel coutumier.

Situé au chef-lieu de chaque cercle, le tribunal de cercle ou tribunal de 2è degré est


présidé par le chef de cercle (ou adjoint au commandant de cercle ou fonctionnaire désigné
par le Gouverneur). Ce tribunal comportait en outre deux assesseurs de statut personnel
coutumier choisi parmi les notables et nommés par le Gouverneur.

Le tribunal de cercle était compétent en matière civile, commerciale et correctionnelle


et en appel de tous les jugements rendus par les tribunaux de cantons et de subdivisions de son
ressort. Aussi le tribunal de cercle encore appelé tribunal de 2è degré avait une double
compétence : compétence en premier ressort et compétence en appel.

En premier ressort, il connaissait toutes les affaires dont l’intérêt appréciable en


argent, était supérieur à 50 000 francs CFA, en dernier ressort, les affaires dont l’intérêt
appréciable en argent était inférieur à 15 000 francs CFA.

Il faut relever qu’hormis ces deux types de tribunaux, le pouvoir colonial a institué un
tribunal supérieur de droit local qui avait pour compétence de statuer sur les appels formés
contre les décisions rendues en premier ressort par les tribunaux de cercles. Ce tribunal
siégeait au chef-lieu de chaque territoire. Il est composé d’un magistrat (on remarquera que
c’est à ce seul stade qu’apparaît un magistrat dans l’ordre des juridictions de droit coutumier)

Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit.P. 182-183.
Idem, P. 183.
Ibidem.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit.P. 183.

135
président du tribunal ou le juge de paix à compétence étendue du chef-lieu du territoire, de
deux administrateurs et de deux notables de statut personnel coutumier.

11 faut également noter l’institution de la chambre d’homologation de la cour d’appel de


l’AOF, à Dakar qui statuaient sur l’homologation des tribunaux de cercles prononçant des
peines supérieures à cinq ans d’emprisonnement. Cette institution placée au sommet de la
hiérarchie judiciaire indigène devait résoudre tous les conflits pouvant naître de l’application
de la coutume en matière criminelle et délictuelle.

Selon le décret de 1903, la chambre pouvait être saisie dans trois cas, à savoir le recours
en homologation, le recours en annulation et la demande en réhabilitation. Concernant le
recours en homologation, la chambre était saisie obligatoirement pour toute condamnation
d’un tribunal de cercle supérieure à cinq ans.

Ce recours avait pour but d’assurer l’exactitude et l’unité d’interprétation de la


coutume et d’éviter toute incompétence et abus de pouvoir.^^^Elle se prononçait sur le recours

en annulation lorsqu’un tribunal indigène excédait sa compétence pour une affaire relevant
des tribunaux français.

Dans ce cadre, elle pouvait être saisie par le procureur général contre tout jugement
définitif des tribunaux de provinces ou de cercle dans l’intérêt supérieur de la loi. Elle
pouvait annuler une décision et la renvoyer devant le tribunal qui l’avait jugée. En cas de
désaccord persistant, c’est la chambre qui statuait en dernier ressort. Enfin, la demande en
réhabilitation peut être demandée auprès de la chambre d’homologation par tout condamné à
Z 1

l’expiration d’un délai de 5 ans à partir de l’exécution de la peine.

Ce que l’on observe surtout ici, c’est non seulement la survivance du lien entre pouvoir
politique et justice, mais encore la subordination de celle-ci au pouvoir colonial.

En effet, « malgré l’étendue de leurs ressorts et le nombre de leurs justiciables


potentiels, ces juridictions indigènes étaient étroitement subordonnées au système judiciaire
français, et plus encore à l’administration coloniale.^^^ Les tribunaux étaient non seulement

35'ldem, P. 184.
Azowa Gilles KRAGBÉ, op.cit. P.351.
Ibidem.
Ibidem.
Joseph John-NAMBO, op.cit. P.331.

136
présidés par des administrateurs coloniaux, mais les assesseurs étaient choisis sur des listes de
notables établies par les gouverneurs des différents territoires

Ces assesseurs ne pouvaient être choisis que sur proposition des chefs traditionnels qui,
eux-mêmes, étaient déjà inféodés au pouvoir colonial. Et lorsqu’on connaît la politique
générale menée à l’égard des chefferies traditionnelles, on ne peut que douter de la réelle
indépendance de ces assesseurs vis-à-vis de ce pouvoir^^"^.

De tout ce qui précède, un constat s’impose : les tribunaux indigènes dans les
circonscriptions rurales sont présidés et composés généralement des indigènes tandis que
ceux des circonscriptions urbaines sont présidés par des français (des administrateurs). Cet
état de fait donne une certaine prévalence de la justice de droit français dans la colonie.

: L’institution d’une justice de droit français, une justice de


droit commun pour la mise en place d’une politique répressive de
référence

En monopolisant l’appareil judiciaire, le pouvoir colonial ne faisait que consacrer la


contradiction totale entre deux univers aux logiques diamétralement opposées. L’univers
traditionnel est un univers où l’avenir est créé par la société elle-même. L’univers colonial,
moderne, est un univers où c’est l’Etat qui crée par la loi et les codes. La préoccupation de
l’institution judiciaire dans l’univers traditionnel, c’est d’éviter les déchirures sociales, tandis
que celle de la justice inspirée de la France, c’est d’écraser ceux qui vont contre l’intérêt
général, même si ça provoque des déchirures puisque c’est l’État qui assure l’avenir^^^.

Dans l’univers traditionnel, quand survient un problème, il est d’abord débattu au sein
des instances parentales (village, lignage, clan et éventuellement tribu) et, finalement, on
prend la solution qu’on estime la meilleure pour la cohésion et l’avenir du groupe, c’est la
coutume. Dans le système moderne, l’État a déjà pris des décisions, ce sont les codes, et c’est

en fonction de la décision passée qu’on va régler les problèmes du présent. On a un problème

.lacques POUMARÈDE, ^'exploitation colonial et droits traditionnels ”in pouvoirs publics et développement
en Afrique, Toulouse, ed. de l’université des sciences sociales, 1992, P. 141-147.
Robert CORNEVIN, "l’évolution des chefferies dans l'Afrique noire d’expression française” recueil penant,
1961,P.385.
Joseph John-NAMBO, op.ci. P.330.

137
d’accident, on le règle en fonction du code civil qui ne l’avait pas prévu, on ne part pas du
concret.

Dans le contexte colonial, on est dans un système tout à fait abstrait qui rattache le
présent au passé, tandis que dans le cadre traditionnel, le présent engendre l’avenir^^^. À

travers cette distinction et conformément à la hiérarchie des peuples dans l’espace colonial,
l’on constate la prééminence de la justice de droit français sur celle des indigènes.

La justice de droit français est dite donc de droit commun car c’est l’organisation
judiciaire principale bien qu’elle ne contrôle qu’une fraction infime des justiciables. Ainsi,
deux sortes de juridiction composent cette justice, il s’agit des juridictions pénales (A) et des
juridictions civiles et commerciales (B).

A-Les juridictions pénales

De façon générale, les juridictions pénales jugent les personnes physiques ou morales
soupçonnées d'avoir commis une infraction (contravention, délit ou crime). Selon la gravité de
l'infraction, la juridiction ne sera pas la même. Ainsi, de nos jours comme juridictions pénales,
nous avons, le tribunal de police, le tribunal correctionnel, la cour d’assise.

Le tribunal de police juge les contraventions les plus graves ou complexes commises
par des personnes majeures. Le tribunal correctionnel juge les délits commis par des
personnes majeures passibles d'emprisonnement jusqu'à 10 ans et d'autres peines (amendes,
peines complémentaires, travail d'intérêt général). La cour d'assise juge les crimes (infractions
les plus graves) passibles de la réclusion jusqu'à la perpétuité (en première instance et en
appel). C'est une juridiction où la participation des citoyens à la prise de décision est
importante. C’est également une juridiction non permanente statuant en matière pénale et
n’intervenant que pour les infractions de nature criminelle.

Par ailleurs, il faut relever que pendant la colonisation, les juridictions pénales étaient
l’apanage du colonisateur. Pour corroborer ce fait, Edmond MICHELET et Jean CLÉMENT
affirment : « Au point de vue indigène les décrets s'étaient bornés à maintenir les juridictions

Joseph John-NAMBO, op.cit. P.330.

138
indigènes existantes pour le jugement des affaires civiles, correctionnelles et de simple police,
les affaires criminelles proprement dites étant réservées à la juridiction française.»

Aussi, faut-il relever que la législation coloniale en matière pénale repose sur le code
d’instruction criminelle de 1808 et le code pénal de 1810. Le code d’instruction criminelle
réglemente le procès pénal, il organise les juridictions habilitées à exercer la répression. Le
code pénal de 1810 était la source de la légalité des peines dans les colonies.

La législation métropolitaine se transfère dans la colonie à travers le code noir de 1685


et des décrets coloniaux. Le code noir traduit la politique répressive qui, au demeurant, visait
essentiellement à renforcer l’autorité des colons. Quant aux décrets, retenons ceux du 6 mars
1877 rendant exécutoire l’application du code pénal dans les colonies ; des 11 mai 1892, 26
juillet 1894 ; 16 décembre 1896 attribuant les pouvoirs répressifs aux administrateurs et chefs
de poste. La législation métropolitaine se voit conserver, malgré le principe de la spécialité
de la législation coloniale, le caractère de source d’inspiration.^^^

En matière pénale, c’est sous le prétexte d’adoucir les coutumes locales, que le juge fait
pénétrer l’esprit des Institutions et des mœurs françaises. Cela dit, le droit pénal colonial
s’analyse comme la reproduction du droit pénal métropolitain avec des aménagements
spécifiques aux réalités dans les colonies. Le droit pénal colonial s’applique en matière de :

-simple police en vertu de l’article 20 du décret du 22 septembre 1887 qui dispose «en
matière de simple police, l’administrateur se saisit, directement des affaires. Il statue sur les
contraventions et juge sans l’assistance de greffier ni ministère public ».

- police judiciaire suivant les prescriptions de l’article 8 du code d’instruction criminelle de


1808 : « elle recherche les crimes, les délits et les contraventions, en rassemble les preuves et
en livre les auteurs aux tribunaux chargés de les punir ».

-arrestation du prévenu et de détention pendant la durée de l’instruction.

-infraction flagrante et non flagrante. Ici, il faut retenir cependant que les sources
d’information d’une infraction se présentaient dans deux cas : la clameur et la rumeur

Édmond MICHELET et Jean CLÉMENT, op.cit. P. 136.


Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit. P.123-124.
Dominique SARR, op.cit. P. 14.
Ibidem.

139
publiques (ordonnance du 14 février 1838) et les dénonciations et plaintes (articles 66 et 67 de
l’ordonnance du 14 février 1838).

-audition des témoins (article 7 du décret 22 septembre 1838)

- expertise judiciaire. Ce qui permet à l’administrateur d’apprécier la nature et les


circonstances du crime ou du délit.^^’

De tout ce qui précède, nous constatons que la procédure pénale était applicable dans
les colonies. La procédure pénale est donc indispensable à l’application du droit pénal. Le
procès est en effet le lien nécessaire, l’inévitable trait d’union entre l’infraction et la
• 372
sanction.

En sus, notons que les procès coloniaux se déroulaient au sein des Institutions pénales,
autrement dit les juridictions pénales ; ces juridictions pénales qui ont acquis plus
d’importance depuis que le décret du 30 avril 1946 supprimait toute compétence pénale à la
justice indigène. On peut citer entre autres :

- La cour d’appel ; elle siège à Dakar et étend sa compétence sur toute l’AOF et le
Togo. La cour d’appel avait deux chambres détachées : une à Bamako et l’autre à Cotonou.
En 1952, il fut créé une autre cour d’appel, celle d’Abidjan.

- La Cour d’assise créée par le décret du 22 juillet 1939 qui existe dans chaque territoire
sauf en Mauritanie dont le ressort est rattaché à celui de Dakar.

La cour d’assises est une juridiction criminelle. Elle est présidée par un haut magistrat et
comporte un jury non professionnel.

- Les justices de paix investies d’attributions correctionnelles limitées (1946-1951).

- Les justices de paix à compétence étendue : créées en 1928, elles ont été réorganisées par
un décret de 1954. Elles jugent en matière de simple police et en matière correctionnelle tous
les délits commis. Le tribunal de première instance : le ressort est fixé par arrêté du
gouverneur général. Il juge en matière de simple police avec la même compétence que les
justices de paix à compétence étendue, ainsi qu’en matière correctionnelle.

Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales de l’Afrique Occidentale Française, op.cit. P. 124.
Jean PRADEL, manuel de procédure pénale, 13‘^ édition revue et augmentée à jour au l®' juillet 2006,
éditions CUJAS, Paris, P. 14.
Séraphin NÉNÉ BI BOTI, les Institutions coloniales en Afrique Occidentale Française, op.cit. P. 188-189.

140
En matière répressive, de simple police, elles rendent les décisions en premier et
dernier ressort : les contraventions dont la peine est une amende ou la prison pour 2 mois au
maximum ; en matière correctionnelle, en premier ressort : les délits dont la peine est
supérieure à 2 mois de prison. Ainsi, à côté de ces juridictions pénales, existaient des
juridictions civiles et commerciales qu’il convient d’analyser.

B-Les juridictions civiles et commerciales

Les juridictions civiles examinent les conflits entre particuliers, entre autres une
demande en divorce, un désaccord sur les limites d’une propriété, sur l’exécution d’un
contrat, le versement d’une pension alimentaire, la vente d’un fonds de commerce, la rupture
d’un contrat de travail, le loyer d’un fermage... tandis que les juridictions commerciales
jugent tous les conflits entre commerçants, marchands, négociants, banquiers dans l’exercice
de leur commerce (vente d’un fonds de commerce, redressement et liquidation judiciaires) ou
relatifs aux actes de commerce (opérations de banque, de change, de courtage).

Au titre des juridictions civiles et commerciales, on peut noter les juridictions de première
instance (1er jugement). Ces juridictions de première instance sont les tribunaux qui
examinent les affaires pour la première fois. Outre ces juridictions, il y a la cour d’appel.

La cour d’appel, juridiction du second degré, permet à l’une des parties au procès qui
n’est pas satisfaite d’un jugement rendu, de pouvoir, à l’exception de certaines affaires et sous
certaines conditions, obtenir que le litige soit jugé une nouvelle fois. La chambre civile,
sociale ou commerciale de la cour d’appel réexaminera l’affaire. En sus, il y a au sommet la
cour de cassation qui a pour mission le contrôle de l’application de la loi.

La chambre civile, sociale ou commerciale de la Cour de cassation vérifie si les lois


ont été correctement appliquées par les tribunaux et les cours d’appel, mais elle ne rejuge
jamais l’affaire elle-même (elle ne rejuge pas le fond). Cependant, il faut relever que pendant
la colonisation, les tribunaux indigènes dans les affaires civiles et commerciales étaient sous
la dépendance des tribunaux français.

Jean CHABAS pour renchérir affirme : « La reconnaissance officielle du pluralisme


judiciaire en écho au pluralisme juridique se faisait sur une base inégalitaire quand on sait
que les tribunaux indigènes ne constituaient qu’une justice d’exception par rapport à la

141
justice de droit commun exercée par les tribunaux français statuant selon les codes et la
législation coloniale français.»

Cette justice de droit commun avait donc une prééminence absolue sur la justice
indigène. En ce qui concerne les juridictions civiles et commerciales, elles comprennent les
justices de paix à compétence étendue, les tribunaux de première instance et la cour d’appel
selon le décret du 10 Novembre 1903.

Par ailleurs, il n'existait qu'une seule Cour d'appel pour tous les territoires composant
l'AOF. Elle était composée d’un président, un vice-président, 7 conseillers. La Cour est
assistée de greffier et commis-greffiers. Le ministère public est représenté par le procureur
général, assisté d'un substitut.

La cour d’appel de l’A.O.F est créée par le décret du 10 Novembre 1903, article 3 et
siège officiellement à Dakar. Toutefois, avant l’aménagement des locaux prévus pour la
recevoir, elle siégera pour quelques années à Saint-Louis. En effet, ce n’est qu’à la suite de la
décision du gouverneur général de l’A.O.F, du 23 Juin 1906, que la cour d’appel de l’A.O.F
est définitivement transférée à Dakar. Elle succède ainsi à la cour d’appel du Sénégal, qui
siégeait à Saint-Louis et dont la création remontait à l’ordonnance du 27 Mars 1844.^^^

Le ressort de la cour d’appel de l’A.O.F s’étend sur tous les territoires des colonies du
Sénégal, de la Guinée Française, de la Côte d’ivoire, de Dahomey, du Soudan Français, de la
Haute-Volta, de la Mauritanie et du Niger. De plus, le tribunal de première instance de Lomé,
au Togo, reste rattaché à la cour d’appel selon l’article 3 du décret du 16 Novembre 1924^^^.

Elle est compétente entre autres pour connaître du recours en appel des jugements rendus
en premier ressort par la juridiction de premier degré, la justice de paix à compétence étendue
(J.P.C.E.)Elle est compétente également pour connaître du recours en annulation pour excès
de pouvoir ou violation de la loi, les décisions rendues en dernier ressort en toute matière par
la J.P.C.E. Aussi, elle est compétente pour analyser le recours en cassation des arrêts rendus
en toute matière par le conseil d’appel (Décret du 16/12/1896).

La cour d’Appel est compétente pour connaître du recours en appel des jugements des
J.P.C.E et ceux des tribunaux de première instance rendus en premier ressort. Elle analyse le

374
Jean CHABAS, « la justice indigène en Afrique Occidentale française » annales africaines, 1954, P. 101.
375
Source internet : www.histoiredroitcolonies.fr consulté en janvier 2015.
376
Ibidem.
377
Ibidem.

142
recours en annulation pour excès de pouvoir, violation de la loi ou incompétence des
jugements rendus en dernier ressort par les J.P.C.E et les tribunaux de première instance.
(Décret du 6/8/1901).

Quant aux J.P.C.E, elles rendent des décisions en premier et dernier ressort en toutes
matières :

- En matière civile, en premier et dernier ressort : toutes les actions personnelles et mobilières
jusqu’à la valeur de 1500F, pour les demandes immobilières jusqu’à 100F en revenu. En
premier ressort : toutes les autres affaires attribuées au juge de paix en métropole.

- En matière commerciale : toutes les affaires relevant des tribunaux de commerce de la


métropole.^^^

Les tribunaux de première instance ont des compétences étendues. Ainsi, ils connaissent :

- En matière civile et commerciale, en premier et dernier ressort ; toute action jusqu’à la


valeur de 1500F en principal ou 100F de revenu. En premier ressort; les actions dont la
valeur excède 1500F en valeur ou 100F en revenu.

Exceptionnellement en matière civile et commerciale, ils sont compétents pour toutes les
affaires dans lesquelles sont intéressées des personnes demeurant dans le ressort ; la loi
française étant appliquée sauf pour indigènes (droit des personnes). (Décret du 10/11/1903)

Ainsi, la justice française connaît des litiges qui naissent entre les Français,
Européens, assimilés ou entre eux et les indigènes. En conséquence, les juridictions de droit
commun ou de droit français se caractérisent à la fois par la présence d’un magistrat au moins
à tous les échelons et par l’importance donnée au système du juge unique. Si le droit et la
justice ont participé à une stratégie coloniale, les magistrats en sont un élément essentiel
puisqu’ils ont eu la charge d’appliquer, dans les territoires conquis le droit français.

Ayant la lourde tâche de « modeler les multitudes primitives », ils sont recrutés et
formés par l’État. Et un statut particulier leur est attribué. La spécificité de la formation et la
particularité du statut laissent à penser qu’il y a, de la part de l’État colonisateur, une volonté

Source internet : www.histoiredroitcolonies.fr consulté en janvier 2015.


Martine FABRE, le magistrat d’outre-mer, l’aventure de la justice, extrait de l’ouvrage : le Juge et l’outre­
mer : les roches bleues de l’empire colonial (p71 -93), P.71.

143
de confier à ces magistrats une mission, d’en faire les porteurs de notre civilisation dans
OOA
les coins les plus reculés.

On rencontre deux catégories de magistrats : ceux qui ont suivi une formation et
que l’on appelle « magistrats professionnels ou de carrière » et ceux qui font office de
magistrats en raison de leurs attributions tels que les chefs de circonscriptions et les
administrateurs des colonies et ceux enfin, qui remplissent ces fonctions occasionnellement,
soit en tant qu’assesseurs ou jurés, soit en tant que remplaçants d’un magistrat absent . Les
magistrats coloniaux étaient recrutés de trois manières :

-L’examen professionnel institué par les décrets des 20 mai 1876, 13 février 1908 et 24 août
1928.

-L’école coloniale qui a vu le 07 avril 1905 la création en son sein de la section magistrature.

-Le recrutement direct latéral

En fin de compte, il faut relever que tout cet arsenal judiciaire institué par le pouvoir
colonial avait pour but essentiel d’instaurer et surtout de maintenir l’ordre public. Cet appareil
judiciaire a été donc au service de la prison pour la préservation de l’ordre public colonial si
indispensable pour le pouvoir colonial.

Martine FABRE, le magistrat d’outre-mer, l’aventure de la justice, extrait de l’ouvrage : le juge et l’outre­
mer : les roches bleues de l’empire colonial P.72.
Idem , P.73.

144
CHAPITREJI:

LE RECOURS RÉCURRENT À LA PRISON, UNE EXIGENCE


POUR LE MAINTIEN DE L’ORDRE PUBLIC COLONIAL

Si l’instauration de l’ordre public est un devoir impérieux pour le pouvoir colonial,


son maintien s’avère vital pour la réussite du processus colonial. Le maintien de l’ordre
occupe donc une position spécifique dans le système colonial. Le maintien de l’ordre a la
particularité d’être à la fois central dans la justification de l’empire et tout à fait secondaire
7 OO
dans les théorisations sur la domination coloniale.

Pour les administrateurs et les officiers européens sur le terrain, ce fut à la fois un objet
de préoccupation quotidienne et une activité qui, d’une certaine façon, ne posait pas question
tant elle était précédée par un ensemble de certitudes.

Les dispositifs de maintien de l’ordre quotidien (le régime de l’indigénat, la prison, le


camp de travail, la garde indigène, le contrôle urbain, la criminalité, etc.) faisaient l’objet de
discussions disparates, de définitions contradictoires, de prises de positions dont il est difficile
de percevoir, a posteriori, l’unité.

Ainsi, l’étude du maintien de l’ordre ne peut faire l’économie de l’étude de la


rhétorique coloniale qui témoigne de l’idéologie implicite donnant sa cohérence à l’ensemble.
Les sources parlent de « pacification »,d’« expéditions punitives », de « tournées de police »,
de « rebellions »,d’« insoumis », d’« agitateurs », de sujets « douteux » ou « antifrançais »,d’«
ordre public », de « sécurité », etc.^^'^Eu égard à toute cette terminologie propres au maintien

de l’ordre public colonial, on peut affirmer qu’il était le pivot du fonctionnement régulier de
la société coloniale.

Dans ce contexte, le pouvoir colonial a mis en place, comme dispositif de ce maintien,


le code de l’indigénat précité (section I). Outre ce code, le pouvoir colonial a eu recours à un
autre dispositif qu’est la prison pour le contrôle de la population urbaine pendant la phase de
la transformation coloniale (section II)

Emmanuel BLANCHARD et Joël GLASSMAN, le maintien de l’ordre dans l’empire français : une
historiographie émergente, 2012, P. 11.
Ibidem.
Idem, P. 12.

145
SECTION I :

L’INSTITUTION DU RÉGIME DE L’INDIGÉNAT. DISPOSITIF


RÉPRESSIF DE DÉFENSE DE L’ORDRE PUBLIC COLONIAL

Le Code de l’indigénat distinguait deux catégories de citoyens: les citoyens français (de
souche métropolitaine) et les sujets français, c’est-à-dire les Africains noirs, les Malgaches,
les Algériens, les Antillais, les Mélanésiens, etc., ainsi que les travailleurs immigrés. Les
sujets français soumis au Code de l’indigénat étaient privés de la majeure partie de leur liberté
et de leurs droits politiques; ils ne conservaient au plan civil que leur statut personnel,
d'origine religieuse ou coutumière.^^^

Ce code était constitué de toutes sortes d’interdictions établies par le pouvoir colonial
dont la transgression entraînait des peines d’emprisonnement. Il permettait donc une
répression rapide et sans autre forme de procès de tout indigène rebelle à l’ordre colonial. Il
sera adopté par le décret de 1887 en AOF et AEF. L’idée d’organiser la soumission et de
donner au colonisateur les moyens de se faire respecter est présente^^*’. C’est donc un mode de

répression permanent pour le renforcement de l’autorité coloniale (§1). En conséquence, il


permet la soumission de l’indigène à l’ordre colonial par l’application des sanctions
exorbitantes (§11).

Emmanuel BLANCHARD et Joël GLASSMAN,op.cit.P.12.


Martine FABRE, l’indigénat : des petites polices discriminatoires et dérogatoires, in justicia illiterata :
aequitate uti ? Les dents du dragon (p273-310), P.277.

146
§1 : Le régime de Findigénat, un mode de répression permanent
pour le renforcement de Fautorité coloniale

Le code de l’indigénat avait pour mission essentielle de discipliner les colonisés au


sein de l’espace colonial. Ce faisant, il renfermait un ensemble de faits interdits dont la
violation entraînait des sanctions outre mesures qui jetaient l’opprobre sur les infracteurs. Il
régulait, de ce fait, les rapports du colonisateur avec les indigènes. Ces derniers devaient obéir
obséquieusement aux ordres du pouvoir colonial et de tout européen.

Ainsi, étaient punis entre autres tout « refus ou omission de se présenter devant le
commandant de cercle ou le chef de poste, sur convocation écrite ou verbale transmise par un
de ses agents, tout acte irrespectueux ou propos offensant vis-à-vis d’un représentant ou d’un
agent de l’autorité, discours ou propos tenus en public dans le but d’affaiblir le respect dû à
l’autorité française ou à ses fonctionnaires.. »

Comme nous le constatons en filigrane, ce code servait aussi à réprimer toute atteinte
au prestige et à l’autorité du pouvoir colonial ou à ses représentants. Le code de l’indigénat ou
code de discipline coloniale était donc un arsenal répressif redoutable entre les mains du
pouvoir colonial, car il octroyait à tout européen le droit de punir tout indigène dans la colonie
(A). Ces punitions étaient administrées en dehors de tout procès équitable (B).

A-L’ octroi du droit de punir à tout européen

Comme évoqué, le maintien de l’ordre dans la colonie est une préoccupation


essentielle pour le pouvoir colonial. Pour ne pas saper son autorité et pour la consolidation du
régime colonial, il va mettre en place une institution indispensable pour la défense de l’ordre
public colonial : le code de l’indigénat.

C’est un recueil de mesures discrétionnaires destiné à faire régner le «bon ordre colonial»,
celui-ci étant basé sur l'institutionnalisation de l'inégalité et de la justice^^^. Ce code fut sans

Sources : archives nationales du Sénégal, M 216, arrêté du 14 septembre 1907 applicable dans toutes les
colonies de la fédération d’AOF, inédit.
Source internet : www.google.fr consulté en janvier 2015.

147
cesse «amélioré» de façon à adapter les intérêts des colons aux «réalités du pays». En vertu de
• • • ^20
ce code les indigènes avaient des devoirs mais aucun droit.

Le code de l’indigénat occupait une place centrale dans le système de répression du


pouvoir colonial. 11 constituait un dispositif de répression permanent fondé sur la préservation
de l’autorité coloniale. Il se justifiait par l’impérieuse obligation d’établir et de renforcer
l’autorité, le prestige colonial dans la colonie.

Le code de l’indigénat, selon Isabelle MERLE dans son article intitulé « Un code pour
les indigènes. Le redécouvrir fait scandale : la justice n’était pas la même pour les indigènes
», est « un ensemble de textes législatifs et réglementaires dont la fonction fut
d’organiser dons les colonies françaises, le contrôle et la répression des populations
dites indigènes »^^^. Le motif conducteur de ce code était axé sur la répression tous azimut des

indigènes afin de préserver et stabiliser l’ordre public colonial. Dans cette logique, il visait à
renforcer les intérêts du colonisateur et, partant, le respect de tout européen dans la colonie. Il
servait, de ce fait, à imposer le prestige des autorités coloniales et de tous les européens.

Il comportait un ensemble de réglementations disparates autorisant les


administrateurs des colonies à appliquer aux populations autochtones des sanctions
disciplinaires(emprisonnement de courte durée, amendes...) autrement dit, un commandant de
cercle pouvait infliger, sans autre forme de procès des « sanctions disciplinaires »à tout
indigène qu’il désirait punir pour telle ou telle infraction relevant de l’indigénat. Les sanctions
qu’il renferme sont de façon générale des sanctions disciplinaires et non pénales. Il faut, à
toutes fins utiles, faire la distinction entre ces deux types de sanctions.

Les sanctions sont pénales lorsqu’elles sont consécutives à la transgression d’un code
pénal. Ainsi, les sanctions pénales ne se distinguent des autres sanctions, par exemple civiles
ou disciplinaires, que par le fait qu'elles sont prévues dans le Code pénal et prononcées par
une juridiction pénale. Ces types de sanctions sont donc précédés avant tout d’un procès
équitable.

Marcel AMONDJI, Félix Houphouët et la Côte-d’Ivoire, l’envers d’une légende, éditions Karthala, Paris,
P.47.
Isabelle MERLE, « Un code pour les indigènes. Le redécouvrir fait scandale : la justice n ’était pas la même
pour les indigènes », L’Histoire n°302, octobre 2005, P.44.

148
En revanche les sanctions disciplinaires concernent généralement toute mesure prise
par un employeur à l’encontre de son employé fautif. Cette mesure peut être un avertissement,
un blâme, une mise à pied, une rétrogradation...

En l’espèce, les mesures disciplinaires consistent, dans la majeure partie des cas, en
l’emprisonnement de courte durée, des amendes, des séquestres, la bastonnade. Elles font
suite à la violation d’un ensemble de règles spécifiques établies par le colonisateur. Il n’y a
pas de procès en l’espèce. La discipline imposée par le pouvoir colonial à travers ce code,
offrait donc le pouvoir à tout administrateur ou européen de punir disciplinairement tout
indigène fautif. Le code de l’indigénat donnait à tout Européen un prestige énorme, celui de
punir tout indigène réfractaire à l’ordre public.

Ainsi, pour paraphraser l’adage « qui aime bien châtie bien », dans le contexte
colonial et avec le code de l’indigénat, on pourrait aisément affirmer « qui préserve ses
intérêts châtie bien. » Tout européen était en quelque sorte investi en vertu du code de
l’indigénat de châtier les indigènes qui transgressaient ce code.

Dans ce contexte, Bénédicte BRUNET LARUCHE affirme : « Les européens se


trouvent dans les faits investis de pouvoirs de police et de justice sur leurs personnels
indigènes, pouvoirs qui cohabitent, et qui s’intégrent même au système de sanctions
officiellement institué. » Ils avaient donc le droit de se faire justice eux-mêmes à l’égard des
indigènes. Ce code instituait de fait des justices privées dans l’intérêt des Européens. Cet
octroi du droit de punir va à l’encontre du principe selon lequel « nul ne peut se faire justice à
soi-même ». Il y avait, de ce fait, une sorte de discrimination à l’encontre de la population
autochtone. Celle-ci était constamment assujettie car le code de l’indigénat constituait une
épée de Damoclès sur les têtes.

En vertu de ce code, les administrateurs coloniaux étaient habilités à infliger de


véritables peines d’amende ou de prison. Ils pouvaient également recourir à des châtiments
corporels (enchaînement, entrave de menottes, coup de fouet) en cas d’insoumission et de
désobéissance au code de l’indigénat. Cet état de fait est en contradiction avec le principe de
la séparation de pouvoir.

Dans cette optique, Régine N’GONO BOUNOUGOU écrit dans sa thèse intitulée la
réforme du système pénitentiaire camerounais : entre héritage colonial et traditions

Bénédicte BRUNET LARUCHE, op.cit. P. 184.

149
culturelles que : « Le pouvoir de juger s'inscrit juridiquement dans le domaine
d'intervention du juge judiciaire par opposition au pouvoir administratif exercé par
l'autorité administrative. »

Cependant, dans l’optique d’assujettir les indigènes et d’imposer sa domination dans


tous les domaines, le pouvoir colonial a fait abstraction du principe de la séparation des
pouvoirs en octroyant le droit de punir à tout administrateur colonial et partant à tout
européen. Ainsi, une « caractéristique fondamentale du système juridictionnel des colonies
était la confusion du pouvoir administratif et du pouvoir de juger. C'est peu de dire
que le principe traditionnel du droit français de la séparation des autorités
administratives et judiciaires subissait des atténuations. »Les français faisaient fi de
l’application du principe de la séparation des pouvoirs dans les colonies. Pour eux « // n 'est
pas désirable d'établir, pour rendre la justice aux indigènes en matière pénale, une
autorité judiciaire distincte de l'autorité administrative

Toutes les conditions étaient donc réunies pour opprimer à fond le peuple colonisé. Ce
peuple n’avait pas de droit mais des devoirs voire des obligations envers le pouvoir colonial et
des européens. Les bastonnades, toutes sortes de brimades et l’administration de fouet en
prison sont ainsi considérées comme un mode d’assujettissement du colonisé au colonisateur.
C’est un moyen d’humiliation qui pemiet de briser toute tentative de désobéissance, d’affront
à tout Européen. Il est indéniable que par ces faits, tout Européen était craint et respecté. Ce
code renforçait la prééminence de la race blanche sur la race noire. En conséquence, il
s’établissait une injustice, une discrimination criarde dans la colonie.

Par de tels faits, la puissance colonisatrice, promotrice des droits de l’homme s’est
démarquée de ses principes en instaurant un climat de terreur permanent sur le territoire
colonial. Ce climat de terreur était également renforcé par la pratique récurrente de punitions
extrajudiciaires.

Régine N’GONO BOUNOUGOU, op.cit. P. 122.


Pierre-François GONI DEC, «droit d’outre-mer », Paris, Montchrestien, 1959, P. 169.
Arthur. GIRAULT, « Condition des indigènes au point de vue de la législation civile et criminelle et de la
distribution de la justice », in Congrès international de sociologie coloniale, T.I, rapports et procès-verbaux
des séances, Paris, Arthur Rousseau, 1901, P.71.

150
B-L’ exécution de punitions extrajudiciaires

Dans toute société civilisée voire dans tout Etat de droit, il existe trois pouvoirs qui sont
le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Chaque pouvoir a des
attributions spécifiques pour la gestion harmonieuse, transparente et équitable de la société.
Le pouvoir législatif est chargé d’élaborer, puis de voter les lois. Le pouvoir exécutif est
chargé de l’application des lois, en outre il conçoit et dirige la politique de la nation.

Quant au pouvoir judiciaire, il est chargé de rendre la justice. C’est


un pouvoir chargé, au sein d'une société donnée, de définir le droit et de trancher les litiges
qui s'élèvent entre sujets de droit. À travers les tribunaux de l’ordre judiciaire, les magistrats

rendent la justice au nom de toute la nation.

Cependant, à l’époque coloniale, il existait une situation d’exception avec l’institution du


code de l’indigénat. Ce code favorisait des punitions extrajudiciaires. Il était la manifestation
d’une justice officieuse qui se pratiquait en tout temps ; cela sans recourir aux juges. Ainsi, est
extrajudiciaire tout ce qui se fait en dehors du tribunal. Ce sont des sanctions administrées
sans l'autorisation d'un tribunal ou une autorité judiciaire.

Cette situation est justifiée par William B. COHEN dans son ouvrage empereurs sans
sceptre, histoire des administrateurs de la France d'outre-mer et de l'école coloniale, en ces
termes : « On devra maintenir encore longtemps la sanction disciplinaire qui nous
permettra de punir d'une manière rapide et spectaculaire des actes incompatibles avec
l'ordre public et d'autres qui ne justifient pas le recours à un tribunal»

De ce qui précède, on pourrait affirmer que extrajudiciaire est assimilable à infra


judiciaire si l’on s’en tient à la définition de ce terme : Règlement des écarts aux normes des
rapports interindividuels ou communautaires par vengeance, arrangement ou toute autre
solution ne faisant pas appel aux tribunaux .

Ainsi défini, l’infrajudiciaire a existé dans les sociétés antiques. Il fut de ce fait un outil
efficace de l’ordre public et privé. De cette analyse, on peut affirmer que le code de
l’indigénat, à travers l’application des punitions extrajudiciaires, est le reflet de

William B. COHEN, empereurs sans sceptre, histoire des administrateurs de la France d’outre-mer et de
l’école coloniale, Paris, Berger-Levrault, 1973, P. 174.
B.GARNOT (dir), l’infrajudiciaire du moyen âge à l’époque contemporaine, actes du colloque de Dijon, 5-6
octobre 1995, Dijon, éditions universitaires de Dijon, série centre d’études historiques-5, 1996, P. 109.

151
l’infrajudiciaire. Les sanctions découlant du code de l’indigénat ne sont donc pas considérées
comme des condamnations pénales mais comme des punitions.

Dans ce contexte, tout Administrateur, tout Européen, en vertu du code de l’indigénat


avait le pouvoir de se faire justice à soi-même en administrant des punitions à l’indigène en
dehors de tout procès judiciaire. Ce qui inspire Victor LEVINE à affirmer que « n 'importe
quel administrateur colonial pouvait infliger des peines sommaires, extrajudiciaires, pour une
liste d’offenses vaguement définies et différenciées

Ces punitions extrajudiciaires étaient justifiées par le pouvoir colonial comme un


moyen de discipliner les indigènes. Le code de l’indigénat constituait, de ce fait, un ensemble
de règles disciplinaires auxquels les indigènes devaient se soumettre sous peine de punitions
extrajudiciaires.

Ces punitions sont la manifestation de la souveraineté du colonisateur à l’égard du


peuple colonisé. Chaque colon, à cet égard, était investi d’un pouvoir disciplinaire à l’égard
de la population colonisée. Elles sont aussi appliquées à l’effet de maintenir à tout prix l’ordre
public colonial.

Bien évidemment, la sauvegarde du prestige du colonisateur français primait sur les


garanties que devait offrir toute procédure judiciaire, par le respect des droits des
parties au procès. Cet intérêt fondamental de la conquête commande une justice expéditive.
11 faut absolument simplifier les formalités procédurales afin d’atteindre le but
Z 398
escompte .

Ainsi, en analysant les différents articles de ce code, on voit qu’il s’agit essentiellement
de réprimer les atteintes à l’ordre colonial et d’insubordination au pouvoir colonial : refus
de payer l’impôt, de répondre à une convocation, dissimulation de la matière imposable,
connivence dans cette dissimulation, déclaration volontairement inexacte du nombre des
habitants soumis à l’impôt, entraves au recensement ou à la perception ; départ sans
autorisation d’une circonscription administrative, dans le but de se soustraire au paiement de
l’impôt ou à l’exécution d’une décision de justice ; refus de fournir les renseignements
demandés par les représentants ou agents de l’autorité dans l’exercice de leurs fonctions ;
refus ou négligence de faire les travaux ou de prêter les secours réclamés par réquisition écrite

Victor T. LEVINE, le Cameroun du mandat à l’indépendance, Paris, présence Africaine, 1984, P. 135.
Régine N’GONO BONOUGOU, op.cit.P. 128.

152
ou verbale dans tous les cas intéressant l’ordre, la sécurité et l’utilité publique, ainsi que dans
les cas d’incendie, naufrage et autres sinistres ;toutes sortes d’entraves à un service public ;
refus ou omission volontaire de se présenter devant le commandant de cercle ou le chef de
poste, sur convocation écrite ou verbale, transmise par un de ses agents ; tout acte
irrespectueux ou propos offensant vis-à-vis d’un représentant ou d’un agent de
l’autorité.

Ce code incrimine également tout discours ou propos tenus en public dans le but
d’affaiblir le respect dû à l’autorité française ou à ses fonctionnaires, tous Chants proférés
dans les mêmes conditions. Propos séditieux, incitation au désordre ; Immixtion de la
part d’indigènes, non désignés à cet effet, dans le règlement des affaires publiques ;
pratiques de charlatanisme susceptibles de nuire ou d’effrayer ou ayant pour but d’obtenir des
dons en espèces ou en nature et ne revêtant pas un caractère criminel ; détérioration ou
destruction de travaux, matériel, bâtiments de l’administration ou de tous ouvrages et
objets affectés à l’utilité publique....

Au regard de ces articles, les sanctions extrajudiciaires s’appliquaient de façon


permanente vu les aux restrictions auxquelles la population colonisée étaient étrangère. La
transgression de ces règles était donc récurrente de la part des indigènes et qui tombaient sous
le coup de sanctions en dehors de tout procès légal si bien que les prisons étaient bondées par
les contrevenants au code de l’indigénat. Ces sanctions bien qu’extrajudiciaires étaient
exorbitants.

153
§11 : Le régime de l’indigénat, un mode de sanctions exorbitantes

Selon Albert BILLARD « la première condition que doit remplir tout régime politique
applicable aux indigènes, c’est donc de constituer et d’assurer en droit et en fait la solide
hégémonie des métropoles ».^^^De cette assertion, on peut affirmer que la finalité principale

du pouvoir colonial est d’assurer et de maintenir aussi longtemps que possible une domination
incontestable dans la colonie et sur les colonisés.

La domination du colonisateur va donc se matérialiser à travers l’instauration d’une


répression particulière, notamment par le biais du code de l’indigénat. La fonction principale
de ce code est de sanctionner, réprimer avec des peines exorbitantes pour maintenir la
domination du pouvoir colonial et assurer la sécurité des colons. Le code de l’indigénat
comportait dans cette logique des sanctions exorbitantes qui étaient dans la majeure partie des
cas l’internement et le séquestre (A), puis l’amende collective (B).

A : L’internement administratif et le séquestre


Il faut réprimer impitoyablement les délits commis par les natifs à l’égard des colons
pour sauvegarder le prestige de l’Européen.Tel était la finalité du code de l’indigénat. Ce
code était une source de répression efficace entre les mains du pouvoir colonial. Il instituait
comme nous l’avons déjà évoqué une justice officieuse et rapide. C’est dans ce contexte
qu’Elikia M’ BOKOLO affirme : « pour permettre à la justice d’être rapide, le règlement des
délits dans les territoires français se faisaient en dehors de toute cour, sans aucun jugement,
par simple décision de l’Administration

Cette justice qui découlait du code de l’indigénat appliquait des peines spécifiques :
l’internement administratif et le séquestre. Devant les faits ou manœuvres susceptibles de

Albert BILLARD, « l’étude sur la condition politique et juridique à assigner aux indigènes des colonies » in
congrès international, de la sociologie coloniale, août 1900, T.2, mémoires soumis au congrès, Paris, Arthur
Rousseau, 1901, P. 14.
Arthur GIRAULT, principes de colonisation et de législation coloniale, partie, T.l, Paris, recueil sirey,
1922, P.510.
Elikia M’BOKOLO, Afrique Noire, Histoire et civilisation du XlX's à nos jours, 2*^ éd. Paris, Hatier-AUF,
2004, P. 360.

154
troubler l’ordre public, mais non prévus par la loi pénale, le gouverneur est habilité à imposer
l’internement ou pénalités collectives.'^^^

Ainsi, l’internement est une procédure par laquelle un individu se trouve soumis à un
régime de privation de liberté. L'internement administratif se distingue de la garde à vue ou de
la détention provisoire par le fait que la décision est prise en dehors de toute instance
judiciaire et par un représentant du pouvoir exécutif. Il fait partie des restrictions
exceptionnelles atteignant le plus gravement la liberté individuelle et doit être considéré
comme une mesure préventive de police"*®^

La peine d’internement a des traits caractéristiques particuliers : Elle sanctionne tous les
faits incriminés par loi coloniale ou non, aussi bien les actes portant atteinte à la sécurité
publique qu’à la domination du colonisateur. Elle bénéficie d'une procédure plus que
sommaire. Elle n’a point de durée préfixe : on sait quand elle commence, mais on ne sait pas
quand elle prend fin. L’internement est une peine spéciale aux indigènes qui se présente sous
la forme d’une mesure administrative prise par le gouverneur général.était à cet égard
une peine purement administrative ; cela en dehors de toute condamnation judiciaire.

Tout administrateur colonial pouvait donc prendre une mesure d’internement à l’égard
de tout indigène qui commettait des infractions prévues par le code de l’indigénat, cela sans
procès contradictoire. Ces infractions prévues par ce code concernent des règles d'hygiènes
(enterrement des animaux, refus de vaccination, etc.) ou d'urbanisme (constructions illégales,
squat, etc.), mais surtout des manifestations de résistance à l'ordre colonial, politiques (refus
d'aider les autorités, non-respect des administrateurs, révolte, etc.) ou économiques (appel à la
grève, refus de travail, refus de l'impôt, etc.).

Selon Henri CARTIER, l’internement était une « mesure purement arhitraire"^^^ ». Il le

justifie en affirmant que « les faits qui donnaient lieu à l’internement n ’étaient indiqués nulle
part, et la peine était aussi indéterminée que le délit

Arthur GIRAULT renchérit pour dire que « aucun texte ne donne au gouverneur
général le droit de prononcer V internement des indigènes. On peut citer sans doute des

‘*”2 Louis N’GONGO, Histoire des Institutions et des faits sociaux du Cameroun, tome I, Nancy, Berger-levrault,
1987, P. 146.
www.universalis.fr consulté le 30 décembre 2015.
Henri CARTIER, comment la France « civilise » ses colonies, Paris, les nuits rouges, 2006, P. 126-127.
Ibidem.
Ibidem.

155
arrêtés du gouverneur général qui organise la peine, une dépêche ministérielle qui en
reconnaît l’existence ; mais au point de vue légal, cela est évidemment insuffisant

Ainsi, l’internement qui consistait pour l’essentiel en l’emprisonnement et n’avait pas à


proprement parler de base légale eu égard à la thèse d’Arthur GIRAULT. Il était donc une
peine purement disciplinaire. L’internement était complété très souvent avec le séquestre des
biens du contrevenant.

Le mot "séquestre" désigne à la fois une personne et une institution juridique. Le


"séquestre" est la personne auquel un Tribunal confie le soin d'assurer la garde et
l'administration d'un bien. La "mise sous séquestre" est la mesure conservatoire à caractère
provisoire permettant de mettre " sous-main du justice" une somme d'argent, un bien meuble
ou un bien immeuble pour le rendre momentanément indisponible jusqu'à ce que, ou bien
intervienne une transaction entre les parties, ou bien jusqu'à ce que soit rendue une décision
de justice"^^^.

Aussi le séquestre est-il considéré comme une voie d'exécution indispensable pour
percevoir les amendes collectives et pour atteindre les vrais coupables en intéressant toutes les
tribus à la répression. De plus, il produit une grande et nécessaire impression sur l'esprit des
indigènes en leur montrant par des actes visibles que le gouvernement a la volonté et la
puissance de sévir , ce pour quoi le gouvernement et la Commission ont été d'avis de
l'introduire « dans la loi

Les faits de nature à justifier un arrêté de séquestre sont déterminés par l'ordonnance du
31 octobre 1845 et par la loi forestière du 21 février 1903. Ils se ramènent à trois chefs :

1. actes d'hostilité, soit contre les Français, soit contre les tribus soumises à la France ;
assistance prêtée directement ou indirectement à l'ennemi, ou intelligences entretenues
avec lui

2. abandon, pour passer à l'ennemi, des propriétés ou des territoires que les individus ou
les tribus occupaient ; l'absence sans permission fait présumer, au bout de trois mois,
cet abandon et le passage à l'ennemi

Arthur GIRAULT, principes de colonisation et de législation coloniale, tome II, Paris, librairie de la société
du recueil général des lois et des arrêts, 1904, P.516.
Source : www.dictionnaire-iuridique.com consulté le 30 décembre 2015.
Source : www.webafriq.net consulté le 30 décembre 2015.

156
3. incendie de forêts, dénotant par leur simultanéité ou leur nature un concours préalable
de la part des indigènes, et susceptibles d'être assimilés à des faits insurrectionnels.»"””

Les trois dispositions étudiées prouvent que le corps et les propriétés des «
indigènes » peuvent être saisis selon des procédés sommaires qui dérogent à tous les
principes affirmés depuis 1789. Elles témoignent du statut pour le moins singulier de leur
personne et, par extension, de leurs biens qui ne sont protégés par aucun droit inaliénable
et sacré puisque tous sont en permanence exposés à la puissance souveraine et presque
illimitée de l'Etat colonial et de son acteur principal : le gouverneur général. Pour des
motifs d'ordre public, ce dernier peut disposer somme toute librement du colonisé et de
ses terres, soit en faisant du premier un véritable hors-la-loi dans le cas de l'internement,
soit en le privant, par le séquestre, de la jouissance des secondes"”’.

Il faut relever que le séquestre des biens était une peine qui affectait le
patrimoine de l’indigène. Il était également un moyen d’enrichissement des colons. Le code
de l’indigénat, par l’application de l’internement suivi du séquestre des biens de l’indigène
était un code redoutable et efficace car il privait le contrevenant de sa liberté et de ses biens.
Hormis ces peines consécutives à la violation du code de l’indigénat, il y avait également
l’amende collective.

B : L’amende collective consécutive à la responsabilité pénale


collective
De nos jours, le droit pénal se distingue du droit civil en ce que le dernier admet une
trilogie de responsabilité civile à savoir la responsabilité personnelle, la responsabilité du fait
d’autrui, et la responsabilité du fait des choses ; le droit pénal reste très attaché au principe de
la responsabilité pénale du fait personnel. C’est le principe de la personnalisation de la peine.

La peine aujourd’hui est systématiquement adaptée à la personne de son auteur.


Ainsi, nul n’est punissable que pour son fait personnel. La sanction est infligée à chaque
délinquant en fonction de son acte et de sa personnalité. Ce principe était méconnu par les
autorités coloniales. Ainsi, dans la mise en œuvre du code de l’indigénat, le colonisateur a mis
en application la responsabilité pénale du fait collectif qui engendre inéluctablement l’amende

Source : www.webafriq.net consulté le 30 décembre 2015.


Ibidem.

157
collective. La notion même d'amende collective est contraire aux principes les moins
discutables de notre droit pénal, notamment le principe de la personnalité des peines. Les
montants exigés varient d'une à huit fois le total des impôts payés, et lorsque les « indigènes »
ne peuvent payer les sommes fixées par les services du gouvernorat, ils sont tenus d'effectuer
des prestations en nature.

Dans l’arsenal répressif en vigueur dans les colonies françaises, les indigènes peuvent
être collectivement tenus pour responsables et être astreints à une amende en l’absence de
toute culpabilité.‘*’^Par le seul fait d’appartenir à la même tribu que le supposé coupable, les
innocents peuvent être sanctionnés pour les faits auxquels ils sont absolument étrangers."*’"*

Aux yeux des colonisateurs...l’indigène est, par définition sinon par essence, présumé
coupable ; il doit donc payer pour les fautes de ses semblables quand bien il parviendrait à
apporter la preuve qu’il ne pouvait commettre les actes qui lui sont reprochés .Une fois
encore, ces dispositions témoignent de la disparition dans le droit colonial des concepts
d’individu et d’homme, au profit d’une sorte de masse indistincte composée de colonisés
désindividualisés et pour cela absolument interchangeables sur lesquels pèsent des mesures
d’exception permanente. Mesures qui les visent non comme des personnes, qu’il faudrait
identifier pour s’assurer de leur implication dans les délits commis, mais en tant qu’ils sont
membres d’une communauté « raciale » sur laquelle ils sont constamment rabattus afin de les
rendre solidaires les uns des autres, c’est-à-dire aux yeux des législateurs français, toujours
coupables. L’ensemble est soutenu par un nouveau concept juridique, inédit à notre
connaissance : celui d’une culpabilité sans faute ni responsabilité."*

Dans ce contexte, un indigène pouvait être puni et payer une amende pour une
infraction qu’il n’a pas commise. Il va donc subir les sanctions d’une infraction (amende,
emprisonnement) ou d’un fait qu’il n’a pas commis, même eu connaissance. C’était une
pratique arbitraire voire une injustice criarde, bafouant les droits élémentaires de l’homme.
La responsabilité pénale du fait collectif était de ce fait un corollaire du paiement de l’amende
collective.

‘**2 Source : www.webafriq.net consulté le 30 décembre 2015.


'^'^Régine NGONO BONOUNGOU, la réforme du système pénitentiaire camerounais : entre héritage colonial
et traditions culturelles, thèse de doctorat soutenue le 26 juin 2012 à l’université de Grenoble, P. 134.
'”'’lbidem.
'^’^Olivier le COUR GRANDMAISON, « l’exception et la règle : sur le droit colonial français », Diogène,
2005/4 n° 212, p.62-63 : 10.3917/ dio.212.0042.

158
Ces amendes ont été imposées par application des articles 3 et 4 du décret du 21
novembre 1904. Dans les spécifiés à l’article précédent (insurrection, troubles politiques
graves, manœuvres susceptibles de compromettre la tranquillité publique), il pourra être
imposé aux villages, sur les territoires desquels les faits se sont passés, et aux collectivités
dont les membres y auront participé, une contribution spéciale destinée à assurer à
l’administration les moyens de réprimer les désordres et d’en prévenir les retours.

Le paiement des amendes collectives étaient très souvent imposés aux indigènes
regroupés dans un village coupables de rébellion ou d’insoumission aux règles établies par le
code de l’indigénat. Ainsi en AOF où les « collectivités indigènes » sont « pécuniairement
responsables » des feux de brousse et des « incendies de forêts classées commis dans leur
voisinage, à moins qu'elles ne puissent établir la preuve que le délit a été commis par
quelqu'un d'étranger à la collectivité ». Nouveau triomphe de la présomption de culpabilité.
Dans de nombreuses colonies françaises, il se confirme que des principes majeurs, considérés
comme indissociables du respect des droits fondamentaux de la personne, sont violés de façon
substantielle et durable"*’^.

L’amende collective ne pouvait donc pas être appliquée sans l’imputation d’une
responsabilité collective. L’amende collective était une source de financement du budget de la
colonie vu à sa fréquence.

Comme nous l’observons, le code de l’indigénat était un moyen de répression permanent


en vue de renforcer l’autorité coloniale et de défendre l’ordre public colonial. Pour y arriver,
le pouvoir colonial appliquait des sanctions exorbitantes telles que l’internement, le séquestre
et l’amende collective. Cependant, pendant la phase de la transformation coloniale, La prison
a eu pour finalité spécifique de préserver l’ordre public colonial.

'*‘^Art.3 du décret du 21 novembre 1904.


Source : www.webafriq.net consulté le 30 décembre 2015.

159
SECTION II :

LA PRISON. DISPOSITIF DE PRÉSERVATION DE L’ORDRE


COLONIAL PENDANT LA PHASE DE LA TRANSFORMATION
COLONIALE

La prison a été un instrument indispensable entre les mains du colonisateur dès l’entame
de la colonisation. Elle a participé à la maîtrise des résistants à la conquête coloniale. En
outre, elle a permis l’exploitation de la colonie par le bais de la main d’œuvre pénale.

Pendant la phase de la transformation coloniale, c’est-à-dire l’époque de l’éveil


nationaliste du peuple colonisé, elle a eu pour finalité de préserver l’ordre public colonial.
Pendant cette phase, le pouvoir colonial a donc préservé son autorité et sa souveraineté sur
l’espace colonial.

Cette préservation de l’ordre public colonial va se manifester également par le contrôle


des marges urbaines par l’incrimination de certains comportements spécifiques (§1), puis par
le bris des mouvements d’éveil nationaliste, cela par la détention de ces leaders (§11).

: Le contrôle des marges urbaines par Pincrimination de


certains comportements spécifiques

Pendant la phase de la transformation coloniale, les villes de la colonie de Côte d’ivoire


focalisent l’attention du pouvoir colonial. Elles sont devenues les lieux de rassemblement des
indigènes. Avec la modernisation des villes à cette époque. Ceux-ci ont quitté les villages, les
cantons pour s’y installer afin de trouver un mieux-être. La ville était considérée comme un
eldorado dans l’esprit des indigènes où l’on pouvait avoir un travail bien rémunéré. Cette
situation entraînait ipso facto l’exode rural.

Face à ce phénomène, les autorités coloniales ont donc pris des mesures afin d’imposer
une certaine discipline urbaine. Ces mesures sont principalement la réglementation des
espaces publics et des comportements qui s’inscrit dans la mission civilisatrice du
colonisateur. 11 faut donc éduquer les indigènes en leur inculquant les principes hygiéniques et
des règles urbaines qui existent dans la métropole.

160
Le pouvoir colonial avait pour objectif de faire des indigènes de véritables citadins en
incriminant certains comportements nuisibles au fonctionnement régulier des villes. Le
contrôle des marges urbaines par les autorités coloniales va se manifester par la répression de
la mendicité (A) et par la condamnation du vagabondage (B).

A-La répression de la mendicité

La mendicité est le fait de mendier, c'est-à-dire de demander l'aumône, don charitable fait
à un pauvre. Le terme décrit soit l'action soit la condition de celui qui y fait appel et ses
formes sont variées .Ainsi on peut apercevoir des mendiants errant dans les rues, devant les
mosquées, assis devant des bâtiments administratifs, devant les églises...

La mendicité est la forme la plus sensible et la plus grossière de l'indigence


solliciteuse. Elle s'adresse indifféremment à tous et à chacun; elle erre de porte en porte, de
lieu en lieu; elle s'établit sur la voie publique, sur le seuil des temples; elle cherche les
endroits les plus fréquentés; elle ne se borne pas à exprimer ses besoins, elle en étale les
tristes symptômes; elle cherche à émouvoir par ses dehors autant que par son langage; elle se
rend hideuse pour devenir éloquente; elle se dégrade pour triompher. Le mendiant quitte sa
demeure, son pays même; il cherche des visages inconnus, des personnes qui ne l'ont jamais
vu et qui ne le reverront jamais; il s'abreuve d'humiliations comme à plaisir: l'indigence alors
ne reçoit plus des bienfaits, elle perçoit des tributs; elle ne doit rien à la charité, elle doit tout à
la fatigue ou à la crainte'^^^.

Contrairement à une confusion fréquente, le mendiant n'est pas nécessairement un


sans domicile fixe (SDF) et tous les SDF ne sont pas des mendiants tant il y a dans le quart
monde une diversité de situations et de pratiques sociales marginales.

Il semblerait que, à travers l’Histoire, la plupart des civilisations et des sociétés aient été
confrontées à la question de la mendicité. Ainsi, des droits très anciens attestent de règles
spécifiques qui régissent la mendicité et son traitement juridique. La question posée aux
sociétés par la présence de mendiants en leur sein a été historiquement appréhendée de trois

Source : www.affires-publiques.org consulté le 6 janvier 2016.


Source : http://www.piranesia.net/francaispeints/toine4/02pauvres/05inendiants.html [archive] consulté le 6
janvier 2016.
'*2° Source : www.affires-publiques.org consulté le 6 janvier 2016.

161
manières : par la tolérance, par la répression et par l’aide sociale.'^^’ La privation de liberté

pour mendicité apparaît et va considérablement se développer au cours des 16^, 17® et 18®
siècles. Par ailleurs, parallèlement à la réponse pénale, l’Europe moderne prétend faire de
l’enfermement un outil de politique sociale : les mendiants sont aussi enfermés pour des
• • • 422
questions sanitaires.

En 1810, Napoléon Bonaparte fait adopter un Code pénal qui contient des dispositions
visant à réprimer la mendicité dite « qualifiée » : vont faire l’objet d’une répression pénale les
mendiants qui auraient usé de menaces ou seraient entrés sans permission dans les propriétés,
ceux qui, en mendiant, auraient feint des plaies ou des infirmités ou encore ceux qui auraient
mendié « en réunion » (c’est-à-dire en groupe)'^^^. Dès lors qu’est-ce que l’on entend par la

mendicité « non qualifiée » ?

La mendicité « non qualifiée », c’est-à-dire la mendicité qui s’effectue en dehors de


ces circonstances constitutives d’infractions, a fait l’objet de la loi du 27 novembre 1891 pour
la répression du vagabondage et de la mendicité. L’objectif est alors de lutter contre la
mendicité par des mesures de type « administratif », mais qui se distinguaient difficilement de
mesures pénales, étant donné que les mendiants étaient enfermés dans des « dépôts de
mendicité », des « maisons de refuge » ou des « écoles de bienfaisance ».

Ainsi, cette loi prévoyait que tout individu trouvé en état de vagabondage ou en train de
mendier pouvait être arrêté, le « vagabond » étant mis « à la disposition du gouvernement
pour être enfermé dans un dépôt de mendicité, pendant deux ans au moins et sept ans au plus
». L’enfermement pouvait donc durer jusqu’à 7 ans et les individus enfermés étaient astreints
à des travaux forcés.'^^'^

À la lumière de ce qui précède, Le colonisateur a donc transposé toutes ces mesures


pénales et administratives métropolitaines prises à l’encontre des mendiants dans ses colonies.
Dans ce contexte, le colonisateur dans son devoir de civilisation, va discipliner les villes
coloniales en imposant une certaine règle de conduite au peuple colonisé en vue d’une
« maîtrise » de la population urbaine. La mission était donc bien définie : il faut absolument
imposer les règles citadines de la métropole à la population colonisée.

'*2' Lambert MANUEL et Jacques FIERENS, de l’inutilité de la répression de la mendicité : aspects historiques
et juridiques, pauverité, le trimestriel du forum bruxellois de lutte contre la pauvreté, numéro 5, septembre 2014,
P.4.
'*22 Idem, P.5.
Idem, P.5-6.
'*2'’ Idem,P.6.

162
Dans cette logique, les autorités coloniales vont incriminer certains comportements
abjects dans les circonscriptions administratives de la colonie de Côte d’ivoire. Il faut
réprimer toute attitude qui pourrait compromettre l’ordre public colonial notamment
l’hygiène publique. L’objectif était absolument de préserver l’ordre public urbain. À ce égard,

il faut relever que l’hygiène publique implique la salubrité publique notamment la


surveillance, le nettoyage des villes, la qualité des aliments exposés à la vente mais aussi de
débarrasser les villes coloniales de toutes formes de mendicité.

Pour y parvenir, le pouvoir colonial va instituer une police urbaine pour le contrôle et la
répression des marges urbaines. Il était donc mis en application des solutions de type carcéral
contre les vagabonds, les mendiants, les alcooliques... considérés comme agents
déstabilisateurs de l’ordre public urbain.

Le pouvoir colonial va incriminer la mendicité en la qualifiant de délit et la punir d’une


peine d’emprisonnement. C’est ce qui ressort des articles suivants du code pénal de l’AOF :

Art. 274 « toute personne qui aura été trouvée mendiant dans un lieu pour lequel il
existera un établissement organisé afin d’obvier à la mendicité, sera punie de trois à six mois
d’emprisonnement, et sera, après l’expiration de sa peine, conduite au dépôt de
mendicité

Art.275 : «dans les lieux oit il n’existe point encore de tels établissements, les mendiants
d’habitude valides seront punis d’un mois à trois mois d’emprisonnement. S’ils ont été arrêtés
hors du canton de leur résidence, ils seront punis d’un emprisonnement de six mois à deux
ans »426

Art. 276 : « tous mendiants, même invalides, qui auront usé de menaces, ou seront entrés,
sans permission du propriétaire ou des personnes de sa maison, soit dans une habitation, soit
dans un enclos ou dépendant, ou qui feindront des plaies ou infirmités ou qui mendieront en
réunion à moins que ce ne soient le mari et la femme, le père ou la mère et leurs jeunes
enfants, l’aveugle et son conducteur, seront punis d’un emprisonnement de six mois à deux
ans » 427

Gaston-Jean BOUVENET et Paul HUTIN, op.cit.,P.55.


Ibidem.
Ibidem.

163
À travers ces articles, on observe que la peine minimum infligée aux mendiants est de

deux mois et la peine maximum est fixée à deux ans. Il faut relever également que pour une
question de salubrité urbaine, le pouvoir colonial avait aménagé un lieu spécifique dénommé
« dépôt de mendicité » qui devait retenir tous les mendiants qui pullulaient dans la ville. Il
était donc interdit à ceux-ci de se promener dans la ville. En outre, ceux qui se promenaient
de cour en cour pour mendier en compagnie de leurs conducteurs ou non étaient punis
sévèrement (six mois à deux ans de prison).

Le recours à la prison sera donc très récurrent dans la colonie pour sécuriser l’ordre
public urbain, cela dans un souci de stabilité du régime colonial et quiétude urbaine. Dans ce
contexte, les polices urbaines jouaient un rôle indispensable car elles étaient le principal
instrument de gestion des populations et devaient avant tout veiller à préserver l’entre soi,
l’hygiène et la tranquillité de la ville européenne'^^^.

Du contrôle de l’hygiène publique à la répression de la mendicité en passant par la


répression du vagabondage, les orientations données à la police urbaine étaient bien définies.
Ainsi, tout comme la mendicité, le vagabondage était qualifié de délit.

B- La condamnation du vagabondage

Le vagabondage est le fait de vagabonder, d'aller çà et là, à l'aventure. II a comme


synonyme dans ce cas, « errance », « vadrouille ». C’est également le fait de voyager
beaucoup, d'effectuer de nombreux déplacements. C’est aussi le fait de mener une vie
errante. Il caractérise l’état d’une personne qui n’a ni foyer ni revenu fixes et erre à l’aventure
où ses pas la portent. C’est donc le fait de se déplacer sans but précis. Dans ce contexte, le
vagabond a la même signification que le vanupied et le vadrouilleur. Sur le plan juridique,
c’est un délit concernant toute personne n'ayant ni domicile, ni moyen de subsistance et
n'exerçant habituellement aucun métier, ni profession.

Au Moyen âge, le vagabondage fut d’abord poursuivi sans être défini. Des mots
comme «caymands », « maraud », « oiseux », « ruffians », désignaient les errants, sans
distinctions claires. Il faut attendre le début du XVIème siècle pour qu’une ordonnance de
François 1®’’ en 1534 apporte un premier élément de caractérisation en parlant de « tous

'‘“^Emmanuel BLANCHARD et Joël GLASSMAN, op.cit. P. 33.

164
vagabonds, oisifs, gens sans aveu et autres qui n’ont aucun bien pour les entretenir et qui ne
travaillent ne labourent pour gagner leur vie ». Le terme « sans aveu » aura été des plus
couramment utilisés pour les désigner. On le retrouve dès les premiers textes au milieu du
XlVème siècle. Il désigne les personnes qui ne sont pas « vouées » à un suzerain et qui
n’appartiennent pas à une communauté instituée. Au-delà des termes, les trois variables
historiquement associées à la catégorie de vagabond sont l’indigence, l’oisiveté et la
mobilité'*^^.

Après des siècles d’ordonnances royales et de condamnations, la codification


révolutionnaire et impériale systématise les pratiques. Mendicité et vagabondage sont inscrits
dans le Code pénal. L’article 270 fixe une définition : « Les vagabonds ou gens sans aveu sont
ceux qui n’ont ni domicile certain, ni moyens de subsistance, et qui n’exercent habituellement
ni métier, ni profession

Comme nous le constatons, le vagabondage était réprimé dans la métropole, il était


qualifié d’infraction notamment de délit. Dans cette optique, pendant le processus colonial, le
colonisateur, en vue d’éveiller à la civilisation le peuple colonisé qu’il a toujours considéré
comme une peuplade primitive et sauvage, va réprimer énergiquement des comportements
attentatoires à la paix et à la tranquillité coloniale notamment la mendicité et le vagabondage.

Ainsi, à l’instar de la métropole, le colonisateur va transplanter les méthodes et les


mesures de la répression du vagabondage dans la colonie de Côte d’ivoire. Dans cette
logique, le vagabondage était incriminé sur le plan pénal. Cela est corroboré par l’article 269
du code pénal de l’AOF qui dispose en ces termes : « le vagabondage est un délit ». C’était à
cet effet un comportement attentatoire à l’ordre public urbain colonial. Pour les autorités
coloniales, il faut criminaliser les marges urbaines tels les vagabonds, les nomades voire
même les étrangers susceptibles de troubler l’ordre urbain colonial. Dans cette logique la
définition donnée par Jean FREMIGACCI apparaît appropriée au contexte colonial :
« vagabond, Vhabilant d’une case isolée, suivant le code de l’indigénat de 1904. Vagabond,
l ’individu qui franchit la frontière de son district sans être allé au chef-lieu solliciter le
passeport réglementaire. '*^’»

'*2’ Julien DAMON, La prise en charge des vagabonds, des mendiants et des clochards : une histoire en
mouvement », Revue de droit sanitaire et social, vol. 43, n° 6, 2007, pp. 933-951,P.936.
Ibidem.
Jean FREMIGACCI, Etat, économie et société coloniale à Madagascar (fin XIX-1940), éditions karthala,
2014, Paris, P.22.

165
Ainsi, la mobilité des populations dites {{ flottantes » est assimilée au vagabondage ;
le vagabondage avait donc une tendance criminogène selon les autorités coloniales.
L’article 270 du code pénal applicable en AOF dans les dispositions préliminaires, définit les
vagabonds en ces termes : « les vagabonds ou gens sans aveu sont ceux qui n 'ont ni domicile
certain, ni moyens de subsistance, et qui n 'exercent habituellement ni métier ni profession. ».
L’absence de ressources, de travail et de domicile fixe sont les éléments constitutifs du délit
de vagabondage selon le décret de 1923^^^.

À cet égard, les causes du vagabondage pendant cette époque sont dues

certainement à la croissance du salariat précaire et au chômage dans les années 1930.Aussi,


pourrait-on ajouter l’exode rural à cause de l’attraction des villes coloniales. Cet état de fait a
participé à l’évolution du taux de vagabondage dans les villes. La principale cause de cette
évolution est attribuée à la crise économique qui touche l’AOF dès 1930, « qui a provoqué le
licenciement par les entreprises commerciales d’un nombreux personnel indigène venu grossir
les rangs des oisifs indésirables des grands centres"^^^

Selon l’article 271 du même code, « les vagabonds ou gens sans aveu qui auront été
légalement déclarés tels seront, pour ce seul fait, punis de trois à six mois
d'emprisonnement... »

Les autorités s’efforcent donc de limiter les flux migratoires mais aussi de
« criminaliser les marges urbaines» susceptibles de déstabiliser l’ordre public urbain'^^'*. Il se

forge un discours sécuritaire et une réglementation boulimique tendant à légaliser la politique


de gestion autoritaire de ces marges urbaines contrôlées avec un dispositif de répression
centré sur l’enfermement carcéral"^^^.

Ainsi, la prison devient un outil de contrôle autoritaire des vagabonds. Le colonisateur


par le biais de la police coloniale va imposer une certaine discipline urbaine à savoir la
réglementation des comportements et l’encadrement des corps. Cet encadrement des corps,
une priorité des autorités coloniales pendant la phase de la transformation va se traduire
également par la lutte contre les mouvements d’éveil nationaliste.

Décret du 29 mars 1923 dispose en son art.l « les indigènes qui ne justifient pas de moyens réguliers et
avouables d’existence et qui n’ont pas de domicile certain ou de résidence habituelle ou variable suivant les
nécessités de leur profession » et art.2 « seront punis de 15 jours à 6 mois de prison ».
Bénédicte BRUNET LA RUCHE, « discipliner les villes coloniales » : la police et l’ordre urbain au
Dahomey pendant l'entre deux guerres, mis en ligne sur net le 13 janvier 2012, P.32.
'’^^Bénédicte BRUNET LA RUCHE, op.cit. P.29.
^’^lbrahima THIOUB, op.cit.P.289.

166
§ Il : La tentative de bris des mouvements d’éveil nationaliste par
la détention des leaders
La “nation” a toujours été conçue comme une entité géographique et économique,
mais aussi comme un vaste assemblage humain, qui se caractérise par la conscience de
son unité nationale, culturelle et la volonté de vivre en commun, c'est-à-dire, le peuple.
Le concept de “nationalité” implique en général le sentiment d'un individu ou d'un
peuple d'appartenir à une nation. Cependant, le terme “nationalisme” peut encore désigner les
revendications d'un peuple opprimé, dominé ou assujetti aspirant à rindépendance."^^^

Autrement dit, le nationalisme sous-entend la volonté d'une collectivité ayant pris


conscience de son individualité historique de créer un Etat-nation juridiquement
autonome et de développer son propre Etat souverain. Il peut enfin se confondre avec ce
qu'on appelle communément le patriotisme. Le nationalisme peut avoir une connotation
culturelle (religieuse), politique, linguistique (la langue sur laquelle se fonde l'unité
nationale)"^^^.

De ce qui précède, le nationalisme est donc né de l’ardente volonté de s’autodéterminer


et partant d’acquérir l’indépendance. Dans cette perspective, les mouvements d’éveil
nationalistes dans la colonie pendant la phase de la transformation vont remettre en cause le
processus colonial ; cet état de fait sera une source d’instabilité de l’ordre colonial mis en
place. Les autorités coloniales tenteront pour leur part, de briser ces mouvements par la
détention des leaders afin d’entraîner leur affaiblissement (A) et même soumettre leurs leaders
à l’idéologie coloniale (B).

A-L’ affaiblissement des mouvements de contestation du pouvoir


colonial
Pendant la phase de la transformation coloniale, il y a eu des facteurs qui ont favorisé
l’émergence des mouvements d’éveil nationalistes dans les colonies françaises. Il y a
d’emblée les bienfaits de l’école introduite par le colonisateur. Conçue au préalable dans le
cadre de la mission civilisatrice (instructions, inculquer le bien-fondé de la colonisation.

Élie MAMBOLJ, l’origine et expansion du nationalisme en Afrique occidentale anglophone dans Imagined
communities de Benedict Anderson, sur www.revue-sociologique.org, P.2 consulté le 8 janvier 2016.
Ibidem.

167
développer chez les indigènes l’attachement à la France) et dans le cadre de l’action politique
coloniale (formation des auxiliaires locaux), l’école va faire naître des élites ivoiriennes,
mieux instruites qui vont remettre en cause le processus colonial.

Il faut noter également l’avènement des réformes politiques intervenues après la


deuxième guerre mondiale notamment la suppression du code de l’indigénat en février 1946,
la loi Lamine GUEYE du 25 avril 1946 accordant la citoyenneté française à tous les colonisés
d’Afrique noire, l’abolition du travail forcé le 11 avril 1946 ...

Ces réformes prises d’une façon générale par le gouvernement métropolitain


s’appliquèrent à l’ensemble des colonies françaises et n’introduisirent pas de distinction en
fonction des conditions ou des évènements propres à chaque territoire"^^^.

Aussi faudrait-il relever que si le XIXème siècle et la première moitié du XXème siècle
ont été dominés par le colonialisme avec son corollaire d’exploitations, de brimades et de
frustrations, la fin de la seconde Guerre Mondiale verra la domination coloniale européenne
de plus en plus contestée par les peuples colonisés. Ces contestations et résistances ne sont
que l’expression de la montée des sentiments nationalistes dont le résultat le plus évident est
la naissance des mouvements nationalistes et leurs participations aux différentes luttes
émancipatrices.

Tous ces facteurs vont faire naître des mouvements d’éveil nationalistes dans la colonie
de Côte d’ivoire. Ces réformes, ou autrement dit ces facteurs ont entraîné une remise en cause
de l’ordre colonial. C’est dans cette logique certaine que Robert BOURGI affirme : « face à la
mauvaise volonté évidente de la métropole d’élaborer et d’appliquer une nouvelle stratégie
coloniale, cohérente et obéissant aux lois d’évolution des idées généreuses d’émancipation,
les premiers mouvements politiques africains, imparfaitement structurés, vont, par la décision
de certains leaders politiques radicaliser leurs revendications, céder la place à des
organisations de masse pourvues d’un véritable programme politique : à Madagascar, le
mouvement démocratique de la révolution Malgache (MDRM) et en Afrique de l’ouest, le

Jacques LOMBARD, Autorités traditionnelles et pouvoirs Européens en Afrique Noire, le déclin d’une
aristocratie sous le régime colonial, cahiers de la fondation nationale des sciences politiques, publié avec le
concours du Centre national de la recherche scientifique 1967, presses de la fondation nationale des sciences
politiques, paris, P.201.

168
Rassemblement Démocratique Africain (RDA) qui servent l’expression de la masse et la
masse elle-même .

Dans ce contexte, Simon Pierre ÉKANZA affirme que : « Les ivoiriens sont parmi les

premiers à conduire la lutte politique en Afrique noire, par la création d’un parti de masse
d’orientation anticolonialiste Cette lutte se fonde, en effet sur une prise de conscience du
peuple, sur une volonté clairement exprimée de rejeter l’ordre colonial que lui impose une
société étrangère, sur un projet de nouvelle société plus juste et plus égalitaire.'*'*’

Le parti en question est bel et bien le PDCI-RDA (parti démocratique de Côte


d’ivoire- Rassemblement démocratique Africain). Il était dirigé par feu Félix HOUPHOUËT-
BOIGNY, qui deviendra plus tard le premier président de la république de Côte d’ivoire
indépendante. LE PDCI-RDA, moteur du nationalisme ivoirien a été créé le 9 avril 1946. Il a
été autorisé par un arrêté du gouverneur Latrille en date du 30 du même mois. Les grandes
figures de ce parti sont Félix Houphouët BOIGNY, Philippe Grégoire YACÉ, Jean Baptiste
MOCKEY, Auguste Denise, KOFFI Gadeau, René SÉRY KORÉ, KONAN KANGA , Albert

PARAISO... Cet état d’éveil nationaliste va susciter chez les autorités coloniales une crainte
certaine.

Dès lors, les « évolués » d’alors sont jugés dangereux par le pouvoir colonial à cause
de leurs idées révolutionnaires susceptibles de remettre en cause l’ordre colonial, en sus ceux-
ci croient avoir les aptitudes intellectuelles et sociales pour gouverner, d’où les idées
d’indépendance. Pour affaiblir ces mouvements qui sont menés principalement par ce parti, le
pouvoir colonial va opter pour la répression énergique de toute contestation de l’ordre
colonial. Il y aura une surveillance accrue de la presse, des mouvements politiques et
l’emprisonnement des meneurs de ces mouvements.

Dans cette optique le professeur Samba DIARRA affirme : « Dès sa création, le RDA
est l’objet de tentatives d’étouffement de la part de l’administration coloniale sur ordre du
gouvernement français, à cause de l’option anticolonialiste du mouvement, que soutient le
parti communiste français (PCF). Brimades, vexations, humiliations, licenciements.

Albert BOURGI, le général de Gaulle et l’Afrique Noire 1940-1969, librairie générale de droit et de
jurisprudence, Paris, Nouvelles Editions Africaines (Abidjan-Dakar), 1980, Tome XXXIII, bibliothèque
Africaine et Malgache (Droit, sociologie politique et économie sous la direction de P.F GONIDEC et A.
BOURGI) P.20.
Simon-Pierre M’BRA ÉKANZA (dir), co-auteurs, Henriette DIABATÉ, SEMI BI ZAN, Georges
NYAMKEY, KODJO, Julien ZUNON GNOGBO , Ibrahim BABA KAKÉ, Mémorial de la Côte d'ivoire, les
grandes figures ivoiriennes, deuxième édition, 1987, éditions Ami Abidjan.
Ibidem.

169
emprisonnements sont mis en œuvre pour briser les sections territoriales du RDA, ou amener
les dirigeants de celles-ci à renier le mouvement. En Côte d’ivoire, pays du président du RDA
et siège de la section territoriale la plus dynamique du mouvement, c’est l’arme de la
répression que l ’administration coloniale choisit.

Les faits marquants de cette répression se situent dans les années 1949 et 1950.
L’arrestation de trente militants ivoiriens, trente parmi lesquels huit membres du comité
directeur sont arrêtés. Ce sont MM Bernard DADIÉ, Mathieu ÉKRA, Lama Camara, Jean-
Baptiste MOCKEY, Albert PARAISO, Philippe VIEYRA, Jacob William, SÉRY KORÉ
.Leur Procès s’ouvre en mars 1950 à Grand-Bassam, qui est alors le siège de la seule chambre
correctionnelle de Côte d’ivoire. Un verdict particulièrement sévère est rendu : seize
condamnations de six mois à cinq ans de prison et cinq condamnations à des peines
d ’ empri sonnement de trois à huit mois.'^'^^Ces sanctions sévères avaient pour finalité
d’affaiblir les mouvements d’éveil nationaliste afin de soumettre les leaders à l’ordre colonial.

B-La soumission des leaders de l’éveil national à l’ordre colonial

Selon Albert ADU BOAHEN, « La colonisation, de façon générale comporte des


périodes précises qu’il convient d’analyser. La première irait de 1880 à 1919 (avec deux
subdivisions : 1880-1900 et 1900-1919, correspondant respectivement à la conquête et à
l ’occupation) ; c ’est ce que nous appellerons la période de la défense, de la souveraineté et
de l’indépendance africaines par le recours à la stratégie de l’affrontement, de l’alliance ou
de la soumission temporaire. La deuxième irait de 1919 à 1935 ; c’est la période de
l’adaptation, la stratégie employée étant celle de la protestation ou de la résistance. La
troisième, commençant en 1935 est la période des mouvements d’indépendance, la stratégie
étant l action concrète. ».

A la lumière de cette assertion, la deuxième période et la troisième période pourraient


s’associer pour donner lieu à la phase de la transformation coloniale du fait que ces deux
périodes sont caractérisées par des mouvements de protestation au pouvoir colonial visant à

Samba DIARRA, les faux complots d’Houphouët-Boigny, fracture dans le destin d’une nation (1959-1970},
éditions KARTHALA, Paris, 1997, P.29-30.
Jean-Noël LOUCOU (dir) avec la collaboration de Simon-Pierre EKANZA et SEMI BI ZAN, Mémoire de la
Côte d’ivoire, du nationalisme à la nation, tome 3, P.29-30.
‘^‘'‘^Albert Adu BOAHEN, l’Afrique face au défi colonial, in Histoire général de l’Afrique (J ’Afrique sous
domination coloniale : 1800-1935) publié par l’UNESCO 1987, 2000, 2010, Paris, P.37.

170
l’indépendance des pays colonisés. Dans ce contexte, on pourrait affirmer que la fin de la
seconde guerre mondiale accélère l’évolution, et conduit à de nouveaux changements qui sont
à l’origine d’une vie politique moderne et du développement du nationalisme dans les
colonies françaises. Ces changements ont pour origine la chute des puissances coloniales, la
position anticolonialiste des super-grands et de l’opinion internationale tout entière.

Concernant la chute des puissances coloniales, il faut noter que


les puissances coloniales comme la France, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la Belgique
connaissaient d’énormes difficultés causées par la guerre. Leurs prestiges sont profondément
altérés à cause de leurs défaites, et surtout à cause de la pauvreté et de la misère que les
hommes blancs ont vécues tout au long de la guerre et que les soldats africains ont pu
observer.
En ce qui concerne, la position anticolonialiste des super-grands.
Les États-Unis et l’URSS ont tous adopté une position anticolonialiste au lendemain de la

guerre. Pour l’URSS, les principes marxistes condamnent le colonialisme qu’ils assimilent à
une forme de domination capitaliste et la décolonisation à une forme de lutte des classes. De
plus, aider les peuples à accéder à l’indépendance, pourrait agrandir le bloc communiste.

Pour les États-Unis, la conception idéologique de la démocratie et des libertés qu’ils

ont toujours exprimée notamment lors de la création des organisations internationales comme
la Société Des Nations ( SDN) et l’Organisation des Nations Unies (ONU) est contraire aux
principes coloniaux. De plus, les États-Unis sont opposés au colonialisme pour avoir eux-
mêmes été colonies et pour en avoir connu les méfaits et les souffrances.

Quant à l’opinion internationale, on pourrait relever celle des églises qui, sur les bases
de l’unité et l’unicité du genre humain, l’égalité de toutes les races, vont tirer à boulet rouge
sur la colonisation en dénonçant les injustices et les inégalités causées par celle-ci. Tous ces
mobiles vont entraîner l’affaiblissement du colonisateur et une remise en cause voire une
contestation avérée de l’ordre colonial par les nationalistes indigènes. Ce nationalisme est
dirigé par des leaders appelés les « évolués », mieux instruits et qui sont aptes à gouverner la
nouvelle Côte d’ivoire indépendante.

Ces évolués réunis pour la plupart au sein du parti de masse : le PDCI-RDA, seront le
porte-flambeau de la lutte contre l’ordre colonial. Ils vont donc organiser des mouvements
anticoloniaux. Ainsi, selon le Professeur Pierre KIPRÉ « aux manifestations ouvertement
anticoloniales qu 'organise le PDCI-RDA au cours de cette période, l'écho des évènements de

171
Madagascar ne constituant pas un frein pour ce parti, répond la réaction brutale de
l’administration quand celle-ci n’agit pas préventivement; surtout depuis l’arrivée du
gouverneur Péchoux, nommé en novembre 1948 pour rétablir l’ordre en Côte d’ivoire à tout
445
prix » .

L’assassinat du sénateur Ernest Biaka Boda par des éléments des troupes coloniales à
Bouaflé (en janvier 1950) marque le point d’orgue d’une période de violence politique
permanente dans la colonie.'*'*^

De ce qui précède, on peut valablement affirmer que les autorités coloniales étaient
résolues à annihiler toute propagande anticoloniale dans la colonie et partant à soumettre ces
leaders (évolués), au pire des cas à les éliminer physiquement.

Il faut donc mater ici toute velléité de révolte populaire avant que l’Afrique noire
française ne soit gagnée par la « contagion nationaliste ». C’est cette position qui explique
l’arrestation de tous les principaux dirigeants du PDCI-RDA, à la faveur des incidents
d’Abidjan-Treichville, le 6 février 1949; seul le député Félix. HOUPHOUËT-BOIGNY
échappé a cette mesure.

Les autorités coloniales étaient déterminées à museler totalement l’anticolonialisme


radical au sein de la colonie. L’emprisonnement des « évolués » qui contestent l’ordre
colonial était récurrent dans des conditions lamentables, une certaine manière pour le pouvoir
colonial de les soumettre à cet ordre colonial. Cela dit, les conditions de détention des leaders
de l’éveil nationaliste étaient inacceptables.

Dans ce contexte, l’ouvrage de Bernard DADIÉ, carnet de prison, en est une parfaite
illustration. Ce livre est né en prison, c’est-à-dire dans une enceinte hérissée de tessons de
bouteilles, dans la chaleur torride, des jours et des nuits dans la pestilence quotidienne, parmi
des hommes loqueteux et affamés."*"^^

La soumission, mieux la tentative de soumission des évolués (leaders de l’éveil


nationaliste) a été un fiasco pour le pouvoir colonial eu égard à la détermination de ceux-ci et
partant de toute la population ivoirienne à vouloir prendre en mains sa propre destinée voire

Pierre KIPRÉ, Côte d’ivoire, la formation d'un peuple, op.cit.P.142.


Ibidem.
Ibidem.
Bernard DADIÉ, carnet de prison, Abidjan, CEDA, 1981,P. 13.

172
son indépendance. Grâce à ce sursaut nationaliste, la Côte d’ivoire a acquis son indépendance
le 7 août 1960, ouvrant l’ère de la première république ivoirienne.

173
CONCLUSION DU TITRE II

Dès les premières années de la conquête coloniale, la prison a joué un rôle central
dans le contrôle de la population. On assiste alors à un enfermement des hommes et des
territoires dans la mesure où il faut concentrer un maximum de personnes dans un endroit bien
défini pour mieux les contrôler. On passe alors des politiques du bannissement, de l’exil ou de
la lapidation, au système pénitentiaire balbutiant certes mais différents.'^'^^

Dans ce contexte, les autorités coloniales, pour mieux assujettir la population


ivoirienne, vont appliquer une politique de décentralisation pénitentiaire. La décentralisation
des prisons participe largement au processus de domination du colonisateur. Il veut quadriller
par ce fait l’espace coloniale et les colonisés. Le système de décentralisation, mécanisme de
répression va participer efficacement à l’instauration de l’ordre public colonial.

Ainsi, le pouvoir colonial va rapprocher les institutions judiciaires et pénitentiaires auprès


des indigènes. Il y aura ainsi un rapprochement de la sanction pénale. Cette politique de
rapprochement de la sanction pénale aura aussi pour finalité de maintenir l’ordre colonial
notamment par un recours récurrent à la prison. Dans cette logique, le pouvoir colonial va
instituer le code de l’indigénat comme dispositif de défense de cet ordre colonial. Ce code
entraînera des punitions extrajudiciaires et des sanctions exorbitantes.

Par ailleurs, pendant la phase de la transformation coloniale, les autorités coloniales


seront amenées à préserver l’ordre colonial qui était constamment remis en cause par les
mouvements d’éveil nationalistes. Cette préservation va se faire principalement par la
répression de ces mouvements et l’emprisonnement avec des peines draconiennes des leaders
desdits mouvements.

Malgré cette répression énergique, les mouvements d’éveil nationaliste vont se


radicaliser et favoriseront ainsi l’indépendance de la Côte d’ivoire le 7 août 1960. Le premier
président de la première république ivoirienne sera feu Félix HOUPHOUET BOIGNY. La
Côte d’ivoire libérée du joug colonial, à sa tête le président Félix HOUPHOUET BOIGNY

Arnold N’GIJIMBI, le monde carcéral dans la littérature Africaine : lecture de Toiles d’araignées
d’Ihrahima LY, prisonnier de Tombalbaye d’Antoine BAHGIJI et parole de vivant d’Auguste MOGSSIROIJ
MOUYAMA, le mort vivant d’Henri D.JOMBO, thèse en vue de l’obtention du grade es lettres. Université Paris
XII, Val de marne (littérature générale et comparée), option : littérature francophone présentée le 14 mars
2008 ,P.8-9.

174
va prendre sa destinée en main et donner de nouvelles orientations aux prisons ivoiriennes
héritées de l’époque coloniale.

Cela dit, il faut relever que l’organisation des prisons pendant l’époque coloniale s’est
véritablement achevée en 1951 par l’arrêté local n° 134 A.P.B. Aussi, il faut noter que cette
organisation s’est faite de façon progressive car le pouvoir colonial avait besoin de dompter la
population autochtone pour instaurer, préserver l’ordre colonial et exploiter les ressources
naturelles de la colonie. On est donc passé des structures de fortune (case, baraque...) servant
de prisons à des constructions consistantes.

Cet arrêté restera en vigueur jusqu’après l’accession à l’indépendance de la Côte


d’ivoire le 7 août 1960. Notre pays indépendant, n’étant plus sous l’emprise du colonisateur
français a conservé ledit arrêté jusqu’en 1969, date à laquelle elle va se doter d’un nouveau
système pénitentiaire par le biais du décret n%9-189 du 14 mai 1969 portant réglementation
des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté.

Il était donc opportun pour les nouvelles autorités ivoiriennes d’adopter un nouveau
texte pour régir le système pénitentiaire pour rompre avec l’idéologie coloniale ayant
impulsée l’institution du système pénitentiaire pendant la colonisation. Les nouvelles autorités
ne sont plus dans une logique de domination, mais de défense et de protection de la société.

La sécurité des biens et des personnes était, dès lors, une préoccupation majeure pour
les nouvelles autorités ivoiriennes. Pour bâtir la nouvelle Côte d’ivoire indépendante, il fallait
assigner aux prisons une mission d’utilité sociale, de défense sociale pour enrayer l’insécurité
afin de faire régner un climat de paix publique et de tranquillité pour le développement des
activités économiques , partant la prospérité du pays. Les Prisons auront en principe pour rôle
de sanctionner le délinquant tout en mettant en œuvre toute une politique pour sa réinsertion
sociale. Dans cette logique, elle sera en un outil d’utilité sociale dans la politique sécuritaire
ivoirienne.

175
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE

Apporter la civilisation aux autres peuples africains a été l’une des motivations de la
conquête coloniale par les puissances européennes. La notion de civilisation devient centrale
dans la culture européenne, dans l’identité du continent le plus petit mais le plus conquérant et
dans son image de l’autre. On peut trouver là une variante laïque de l’universalisme chrétien.
Pour les autorités religieuses l’expansion reste la possibilité d’évangéliser d’autres régions du
monde.'*^^

Sous la bannière de la civilisation et d’autres mobiles plus incitatifs, la France s’est


lancée à la conquête des terres nouvelles, notamment celle de la Côte d’ivoire. La terre,
source et réservoir de vie, est le lien commun des générations passées, présentes et
futures.'^^’Conscients de cela, les peuples ivoiriens vont s’opposer à la pénétration française en

vue de défendre leurs terres. Dès lors, dans l’objectif de dompter et juguler les différentes
résistances à la conquête des terres ivoiriennes, le colonisateur aura recours à la prison.

Ainsi, par le biais de l’internement et de la déportation (mécanismes de


l’emprisonnement) le pouvoir colonial va briser toute résistance voire toute velléité
d’opposition à l’ordre colonial afin d’exploiter à fond les ressources naturelles du pays. Dans
cette logique, le colonisateur va assigner à la prison des missions d’oppression socio-
économique. La prison va donc apparaître comme un outil de lutte contre les résistances à la
conquête coloniale, puis un moyen de développement économique de la colonie par sa mise
en valeur. Elle sera aussi utile pour l’enrichissement de la puissance colonisatrice. Pour y
parvenir, le pouvoir colonial va opter pour une politique de décentralisation des prisons afin
d’imposer sa domination dans toutes les contrées ivoiriennes.

Comme, nous le remarquons, la prison n’a pas eu pour mission de sanctionner le


délinquant en vue de son amendement et de sa réinsertion sociale, mais elle a été au service
du colonisateur pour juguler les résistances par l’enfermement des chefs de guerre redoutables
et servir les intérêts économiques du pouvoir colonial et de la métropole.

^*5° Claude LIAIJZU, Hisloire de Tanticolonialisme en France du XVF siècle à nos jours, librairie Arthème
Fayard/Pluriel, 2010, P.77.
‘*5’ Séraphin NÉNÉ BI BOTI, la terre et les Institutions traditionnelles Africaines : le cas des Gouro de Côte
d'ivoire, op.cit. P. 121.

176
DEUXIÈME PARTIE :
LA PRISON, UN OUTIL D’UTILITÉ
SOCIALE DANS LA POLITIQUE
CONTEMPORAINE DE LA CÔTE
D’IVOIRE

177
Depuis son accession à l’indépendance le 07 août 1960, la Côte d’ivoire a entrepris la
construction de son propre édifice juridique, en se dotant d’un ensemble de textes qui, tout en
s’adaptant au contexte, s’efforce de tenir compte des réalités nouvelles et de la nécessité de
promouvoir la nation au rang des sociétés les plus modemes.'^^^

Les nouvelles autorités investies vont se lancer dans une œuvre de modernisation de
l’Administration, des structures, des infrastructures afin de faire face aux nouvelles exigences,
aux réalités nouvelles qui s’imposent à elles. Dans cette optique, elles vont procéder à une
refonte de l’appareil judiciaire et ses démembrements hérités de l’époque coloniale, cela dans
le but de mettre en place une organisation judiciaire moderne et adaptée aux besoins du pays.

Cette réorganisation englobe le recrutement, la formation des magistrats et des


auxiliaires de justice, mais aussi les structures judiciaires et pénitentiaires. Elle passe
également par un toilettage des textes de lois coloniales et l’adoption de nouveaux textes de
loi ; la loi n°60-366 du 14 novembre 1960 portant code de procédure pénale en témoigne. Les
juridictions ainsi que l’Administration pénitentiaire connaissent alors plusieurs évolutions à
partir de 1960.

Dans la même logique, les prisons héritées de l’époque coloniale ne vont pas rester en
marge de cette évolution ; elles seront affranchies de l’idéologie coloniale par l’adoption d’un
nouveau texte, celui du décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des
établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté, tel que modifié par le décret n” 2002-523 du 11 décembre 2002. Ce décret adopté 9 ans
après l’indépendance de la Côte d’ivoire, marque un véritable aggiomamento du système
pénitentiaire ivoirien. Dans cette logique, la prison ne sera plus un instrument de domination
socio-économique, mais un outil destiné exclusivement à assurer la sécurité des biens et des
personnes pour l’émergence harmonieuse, voire le développement socio-économique de la
Côte d’ivoire. Dès lors, la prison occupera une place d’utilité sociale voire de défense sociale
en ayant pour mission de sanctionner, d’amender et de resocialiser les délinquants

C’est donc ce nouveau texte qui est en vigueur actuellement et qui sera notre
boussole dans cette partie de notre travail. Aussi faudrait-il affirmer selon Maurice CUSSON
que : « Tous les Etats de la terre continuent de punir leurs criminels et aucun gouvernement

“^^^Mamadou FADIGA et Roger ARTHUR, commentaire du code ivoirien de procédure civile, commerciale et
administrative, in PENANT, revue de droit des pays d’Afrique (Ediafric), Paris cedex 1977, P.86.

178
ne semble prêt à abroger son code pénal ou à fermer ses prisons Ainsi, la prison apparaît
comme un instrument de sécurité indéniable. À cet égard, il y aura la mise en place d’un

système pénitentiaire à l’effet d’exécuter les missions d’utilité sociale dévolues à la prison.
Cependant, les autorités pénitentiaires s’attarderaient sur le volet sécuritaire de la prison au
point de négliger l’aspect social pourtant fondamental d’où l’exécution apparente des
missions classiques par la prison (titre I). Dans ce contexte, il convient de faire ressortir les
entraves à la réalisation complète de ces missions d’utilité sociale au détriment de
l’instauration d’un cadre éthique carcéral (titre II).

"‘^^Maurice CUSSON, « pourquoi punir », collection criminologie et droit de l’homme, Dalloz, Paris, 1987, P. 13.

179
TITRE PREMIER :

L’EXÉCUTION APPARENTE DES


MISSIONS D’UTILITÉ SOCIALE PAR
LA MISE EN PLACE D’UN SYSTÈME
PÉNITENTIAIRE IVOIRIEN

180
Le droit pénal classique, expression par excellence de la souveraineté étatique, s’est
construit sur la base d’un espace et d’une temporalité qui se voulaient homogènes. Cet espace
est celui du tenitoire national, comme l’implique le principe de territorialité du droit pénal qui
veut que la loi nationale s’applique à toutes les infractions commises à l’intérieur des
frontières du pays, mais qu’elle se désintéresse des infractions commises à l’étranger.'^^'^Le
droit pénal est le symbole le plus éclatant de la souveraineté nationale."^^^

À cet égard, la nouvelle Côte d’ivoire affranchie du joug colonial va élaborer ses

propres textes juridiques en matière pénale, qui répondent mieux aux aspirations sécuritaires
sociales nouvelles. Les nouvelles autorités vont mettre en place un nouveau système
pénitentiaire qui répond mieux aux aspirations des normes internationales dans ce domaine.
Ainsi, il y a l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus (Nations Unies 1955),
les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté (Nations Unies
1990) et d’autres instruments pertinents.

La protection de la société ivoirienne s’analyse concrètement par la sanction,


l’amendement et la resocialisation des délinquants. Cela dit, le système pénitentiaire est un
ensemble de structures de détention des personnes condamnées par la justice pénale ou en
attente d’être jugées.

Il concerne aussi l’organisation des prisons et des principes gouvernant la répartition


des détenus dans les différents établissements. C’est aussi un ensemble de mesures et de
structures qui entourent, au début comme à la fin, l’exécution d’une peine. Cela se
matérialise donc du prononcé de la peine, en passant par l’exécution de la peine en question
pour aboutir au processus de réintégration du détenu. Le délinquant devient, dans ce contexte,
un sujet d’amendement et le système pénitentiaire, un instrument de recherche de cet
amendement.

Selon les Nations Unies, dans l’annexe du guide de l’appui aux systèmes pénitentiaires de
janvier 2006, le système pénitentiaire a pour fonction la gestion des prévenus ainsi que des
condamnés à des peines privatives de liberté sur ordre légitime d’un tribunal compétent. Par
conséquent, comme politique carcérale, l’État a opté pour la centralisation du système

'*5^ Michel van de KERCHOVE, éclatement et recomposition du droit pénal dans la place du droit pénal dans la
société contemporaine, revue de science criminelle et droit pénal comparé, Dalloz, Paris cedex, 2000, P. 13.
Mireille DELMAS-MARTY, avant-propos : les contradictions du droit pénal dans la place du droit pénal
dans la société contemporaine, revue de science criminelle et droit pénal comparé, Dalloz, Paris cedex, 2000,
P.3.

181
pénitentiaire (chapitre I), tout en faisant des établissements pénitentiaires (prisons) des
dispositifs sécuritaires essentiels de ce système (chapitre II).

182
CHAPITRE I :

LA CENTRALISATION DU SYSTÈME PENITENTIAIRE,


UNE CONSÉQUENCE DE LA POLITIQUE SÉCURITAIRE DE
L’ÉTAT IVOIRIEN

En droit pénal, effectivement, le territoire fixe les limites de la souveraineté des États,
de leur droit de punir, élément essentiel de cette souveraineté''^^. Il revient à chaque pays

souverain d’organiser et d’instituer les mécanismes et le mode de gestion de ce droit de punir.

Ainsi, comme l’a déclaré Monsieur Dmitry Titov, sous-secrétaire général à l’état de
droit et aux institutions chargées de la sécurité de l’ONU, dans le cadre des actualités
pénitentiaires de juillet 2011 : «presque chaque pays, à quelque niveau de développement
qu’il se situe, dispose d’un système pénitentiaire qui fait partie de son système de justice
pénale ». Il revient donc à chaque Etat d’adopter une politique de gestion de ce système.

Dans cette logique, notre pays la Côte d’ivoire a conservé la centralisation du système
pénitentiaire adopté par le colonisateur vers les années de décadence de la colonisation.
Notons qu’elle lui a assigné une nouvelle mission différente de celle du colonisateur, tout en
la réglementant aux normes internationales en matière de gestion pénitentiaire.

Cette politique de centralisation se perçoit à travers la mise en place d’une direction des
affaires pénitentiaires qui est dorénavant l’organe central de gestion de la politique
pénitentiaire de l’État ivoirien à savoir celle de la défense sociale (section I). Par ailleurs, il

faut relever qu’eu égard à la délicatesse et à l’ampleur de ses missions, cette direction
rencontre des défaillances qui sont comblées plus ou moins par des structures externes
(section II).

Mireille DELMAS-MARTY, op.cit.P. 105.

183
SECTION I :

LTNSTITUTION D’UN ORGANE CENTRAL DE GESTION DU


SYSTÈME PÉNITENTIAIRE : LA DIRECTION DES AFFAIRES
PÉNITENTIAIRES

Auparavant connu sous la dénomination de la Direction de l’Administration


pénitentiaire (DAP), l’organe central de gestion du système pénitentiaire ivoirien a été
renommée la Direction des Affaires Pénitentiaires par le décret n® 2014-542 du 1®’’ Octobre
2014 portant organisation du Ministère de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés
Publiques. Selon l’article 6 dudit décret, la Direction des Affaires Pénitentiaires fait partie des
dix directions centrales du Ministère de la justice. Elle est dirigée par un Directeur nommé par
décret pris en conseil des Ministres. Il a rang de Directeur d’Administration Centrale.

La Direction des Affaires pénitentiaires est donc placée sous la tutelle du ministère
de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques. Cet état de fait est la
manifestation d’une réelle volonté de l’État ivoirien de marquer un lien étroit qui doit exister

entre cette institution et les autorités judiciaires.

Ainsi, le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions, des sentences
pénales et au maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion sociale des personnes
confiées par l’autorité judiciaire. L’incarcération peut être perçue comme l’ultime étape du
processus de justice pénale, lequel commence par le délit commis, pour se poursuivre avec
l’instruction, l’arrestation du suspect et sa détention, le procès et enfin la condamnation."^^^

La Direction des Affaires Pénitentiaires est, par conséquent, un organe indispensable au


niveau du ministère de la justice pour l’application et la mise en œuvre de la politique
pénitentiaire ivoirienne. Dans cette logique, elle comprend des structures (§1) permettant de
réaliser les missions qui lui sont assignées pour la bonne exécution de la politique
pénitentiaire du gouvernement (§11).

Nations Unies, mesures carcérales et mesures non privatives de liberté, le système pénitentiaire (compilation
d’outils d’évaluation de la justice pénale) 2008, P.l.

184
SI-Les structures de la Direction des Affaires Pénitentiaires

Le service public pénitentiaire est assuré par l’Administration pénitentiaire sous


l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice, avec le concours des autres services de
l’Etat, des collectivités territoriales, des associations et d’autres personnes publiques ou
privées. Les fonctions de direction, de surveillance et de greffe des établissements
pénitentiaires sont assurées par l’administration pénitentiaire."^^^

L’emprisonnement faisant partie du processus de la justice ; le service public


pénitentiaire doit être dirigé par des civils. L’Administration pénitentiaire voire la Direction
des Affaires Pénitentiaires est, de ce fait, distinct de la police, de la gendarmerie et de
l’organisation militaire.

Ainsi, la règle 46 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus
prévoit que : « 1’Administration pénitentiaire doit choisir avec soin le personnel de tout grade
car c ’est de son intégrité, de son humanité, de son aptitude personnelle et de ses capacités
professionnelles que dépend une bonne gestion des établissements pénitentiaires ».

Au risque de nous répéter, la Direction des Affaires pénitentiaires est dirigée par un
Directeur central nommé par décret du Président de la république sur proposition du Garde
des Sceaux, Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques. C’est lui
qui met en œuvre la politique pénitentiaire telle que conçue par le gouvernement. La
Direction des Affaires pénitentiaires est dirigée par des civils qui sont à la tête des différentes
sous-directions (A) et des délégations régionales (B) qui la composent.

Article 3 al.l de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 dans Droit Pénitentiaire, recueil de
textes, mise à jour le 31/12/2011, édition 2012, P.5.

185
A-Les différentes sous-directions de la Direction des Affaires
Pénitentiaires

Avant l’avènement du décret n° 2014-542 du 1®’’ Octobre 2014 portant organisation


du Ministère de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques, il existait trois
sous-directions qui étaient : la sous-direction de la politique carcérale, la sous-direction de la
réinsertion sociale et la sous-direction des affaires sociales et sanitaires. Avec le décret
précité, la Direction des Affaires Pénitentiaires comprend de nos jours trois (03) Sous-
directions : la Sous-Direction de l’Administration Pénitentiaire, la Sous-Direction de la
Sécurité Pénitentiaire et la Sous-Direction de la Réinsertion et des Affaires Sociales. Ces
Sous-Directions sont dirigées par des Sous-Directeurs nommés par arrêté. Ils ont rang de
Sous-Directeur d’Administration centrale. Aussi, il importe d’analyser les attributions de ces
nouvelles Sous-Directions.

La Sous-Direction de l’Administration pénitentiaire est placée sous l’autorité d’un


Sous-Directeur qui est chargé de la gestion des personnels pénitentiaires et de la politique
carcérale définie par le Directeur des Affaires pénitentiaires. Elle comprend deux bureaux : le
bureau de la gestion des personnels pénitentiaires et le bureau chargé de la politique carcérale.
Placé sous l’autorité d’un responsable, le bureau en charge de la gestion des personnels
pénitentiaires est chargé :

-de la gestion des personnels pénitentiaires et assimilés ;

-de la gestion prévisionnelle des effectifs ;

-de la gestion qualitative et individualisées de carrières des personnels pénitentiaires ;

-du suivi de la situation administrative des personnels notamment la mise à disposition, la


disponibilité, le détachement, les congés, l’avancement, la promotion et l’affectation ;

-de la discipline des personnels pénitentiaires et assimilés ;

-de l’archivage des actes de gestion des personnels pénitentiaires et assimilés ;

-de la préparation et du suivi des éléments d’évaluation (concours, tests)

■*5’ Art.5 de l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques portant
organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires.

186
Quant au bureau en charge de la politique carcérale, il est chargé de :

-l’élaboration des textes statutaires, réglementaires et indemnitaires des personnels


pénitentiaires ;

-l’élaboration des schémas d’organisation du travail des services de l’Administration


Pénitentiaire ;

-l’amélioration des conditions de travail et la gestion budgétaire des personnels


pénitentiaires ;

-du suivi de la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires et de la maintenance des


installations ;

-la définition de la gestion prévisionnelle des emplois.'^^^

Quant à la Sous-Direction chargée de la sécurité pénitentiaire, elle est placée sous


l’autorité d’un sous-Directeur qui est chargée de la gestion sécuritaire et du renseignement
pénitentiaire. Elle comprend le bureau de gestion des détenus et le bureau de la sécurité et du
renseignement. Selon l’article 8 de l’arrêté précité, placé sous l’autorité d’un responsable, le
bureau de gestion des détentions est chargé :

-du conseil, de l’orientation et de l’évaluation des actions des services extérieurs ;

-de l’orientation, du suivi par les services déconcentrés et les juges de l’application des
peines, des décisions privatives ou restrictives de liberté ;

-de l’affectation et du transfert des détenus ;

-du suivi de l’exécution des décisions d’extradition ;

-du suivi des stages.

Selon l’article 9 du même arrêté, placé sous l’autorité d’un responsable, le bureau de la
sécurité et du renseignement pénitentiaire est chargé ;

-de la détermination de la politique en matière de sécurité et d’équipement pénitentiaire ;

Article 6 de l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires.

187
-de la coordination des actions de prévention des risques d’évasion mises en place par les
délégations régionales ;

-de la coordination des actions sécuritaires avec les services centraux de la police, de la
gendarmerie et des FRCI ;

-du suivi des enquêtes administratives et judiciaires relatives aux violations des règles de
sécurité pénitentiaire.

En ce qui concerne la Sous-Direction chargée de la Réinsertion et des Affaires


Sociales, elle est placée sous l’autorité d’un Sous-Directeur qui est chargé de la politique
sociale des personnels et du service socio-éducatif en milieu carcéral (SERSOE), de la santé
en milieu carcéral, du travail de la formation, de l’emploi et de l’alternative à la détention."'^*

Cette Sous-Direction comprend trois bureaux. Il y a d’abord le bureau chargé des services
socio-éducatif et de la politique sociale.

Ce bureau est placé sous l’autorité d’un Responsable qui se charge de la gestion sociale
des personnels pénitentiaires et des personnes détenues, de l’élaboration et du suivi des
conventions et protocoles avec les secteurs associatifs ; du suivi des dossiers judiciaires et
administratifs des détenus ; des activités socio-éducatives en milieu carcéral ; du suivi des
activités économiques des détentions.

Ensuite, il y a le bureau de la santé en milieu carcéral. Il est dirigé par un Responsable


qui est chargé de la détermination et du suivi des politiques sanitaires en milieu carcéral ; du
suivi des activités sanitaires entre les services déconcentrés et les services publics
hospitaliers ; de la mise en œuvre des politiques de lutte contre la toxicomanie, le VIH-SIDA,
la tuberculose et les grandes pandémies, de la mise en œuvre et du suivi des politiques
maternelles, infantiles et d’hygiène en milieu carcéral ;de la gestion des personnels médical et
paramédical et du suivi de l’éducation pour la santé en milieu carcéral.

Enfin, il y a le bureau du travail de la formation, de l’emploi, des alternatives à la


détention et de la réinsertion. Dirigé par un Responsable, il est chargé de la détermination des
politiques de formation et d’accès à l’emploi de détenus ; de la mise en place des politiques de
lutte contre l’illettrisme en relation avec le Ministère en charge de l’enseignement ; de la
gestion des dispositifs et des politiques de formation professionnelle et de réinsertion dans des

Article 10 de l’arrêté n" 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires.

188
emplois en liaison avec le Ministère en charge de l’Emploi ; de la mise en œuvre et du suivi
des modalités du travail en milieu pénitentiaire ; du suivi et de la coordination des actions de
prospection commerciale, de promotion du travail et de réinsertion sociale.

Comme nous le constatons, les différentes Sous-Direction de la Direction des Affaires


Pénitentiaires comprennent chacune des bureaux qui sont dirigés par des Responsables. Ces
responsables travaillent sous l’autorité de leurs Sous-Directeurs respectifs avec des
attributions spécifiques. Nous pensons que cela répond à un souci de désengorgement ou de
décentralisation des Affaires voire des activités de la Direction des Affaires Pénitentiaires
pour un fonctionnement régulier du système pénitentiaire. Il a été à cet effet institué des
Délégations Régionales qui exercent leurs attributions sur l’étendue du territoire ivoirien.

B-Les délégations régionales de la Direction des Affaires


Pénitentiaires

Les Délégations Régionales sont une innovation au sein de la Direction des Affaires
Pénitentiaires instituée par l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme
et des Libertés Publiques portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires. Ce
sont des services de ladite Direction qui exercent leur fonction sur l’ensemble du territoire de
la République de Côte d’ivoire. La Délégation Régionale, placée sous l’autorité d’un Délégué
Régional est chargée d’assister le Directeur des Affaires Pénitentiaires dans la gestion des
prisons de son ressort territorial. Le Délégué Régional est donc chargé :

-du suivi, du contrôle et de la coordination des activités des établissements pénitentiaires


implantés dans son ressort territorial ;

-de la gestion de l’équipement, de l’habillement, des activités économiques, des


infrastructures, de la réinsertion et de la santé pénitentiaire."^^^

Il exerce à l’échelon régional les missions du Directeur des Affaires Pénitentiaires. Il


est placé sous l’autorité et le contrôle de ce dernier. La Délégation Régionale est donc une
technique de décentralisation de la gestion du système pénitentiaire ivoirien. C’est une
innovation du Ministère de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques. Elle

Article 12 de l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
portant organisation de la Direction des AfFaires Pénitentiaires.

189
permet une prise en compte directe des besoins des établissements pénitentiaires et une
gestion beaucoup plus rapprochée des missions de la Direction des Affaires Pénitentiaires
auprès des différents établissements pénitentiaires repartis sur le territoire national.

La Délégation Régionale est composée de deux bureaux : le bureau des Affaires


Générales, du suivi de l’application des peines privatives ou restrictives de liberté, du suivi de
la santé pénitentiaire et de la réinsertion sociale des détenus, puis le bureau de la production
économique, des équipements, de l’habillement et des infrastructures. Les articles 17 et 18 de
l’arrêté de 2014 définissent les attributions de ces bureaux. 11 importe d’analyser ces
attributions. Selon l’article 17 dudit arrêté, le bureau des Affaires Générales et du suivi de
l’application des peines est placé sous l’autorité d’un chef de bureau. Celui-ci est chargé :

-du contrôle des activités générales et des effectifs des établissements pénitentiaires ;

-du suivi et du contrôle de l’application des peines privatives ou restrictives de liberté ;

-des transfèrements ;

-des activités socio-éducatives ;

-du suivi des soins aux détenus et aux personnels pénitentiaires en milieu carcéral ;

-de la gestion du personnel médical et paramédical, de la coordination de leurs activités et de


la confection des statistiques et fichiers des malades.'*^^

Selon l’article suivant(18), Le bureau de la production économique, des


équipements de l’habillement et des infrastructures est dirigé par un chef de bureau. Ce
dernier est chargé :

-des statistiques et des libérations conditionnelles ;

-du suivi de l’exécution du budget des établissements pénitentiaires ;

-des modalités d’utilisation de la main d’œuvre pénale et de la rentabilisation des prisons ;

-de l’achat centralisé des aliments des établissements pénitentiaires ;

-de l’identification, du suivi des opérations d’acquisition, d’immatriculation et de la


surveillance des terrains pénitentiaires.'*^'*

Article 17 de l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires.

190
Ainsi, comme nous l’avons déjà relevé, les Délégations Régionales sont le prolongement
au niveau régional des missions de la Direction des Affaires Pénitentiaires. Aussi, il importe
d’analyser les missions proprement dites de la dite Direction.

N.B : Notons que l’inspection générale des services judiciaires et Pénitentiaires n’est
pas un service de la direction des affaires pénitentiaires. Il faut relever qu’elle est rattachée
directement au cabinet du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés
Publiques. L’inspecteur général a rang de procureur général. Ainsi, selon l’article 4 du décret
2014-542 du l®*" octobre 2014 portant organisation du Ministère de la Justice, des Droits de
l’Homme et des Libertés Publiques, elle est chargée :

- de s’assurer du fonctionnement normal des juridictions et des divers services judiciaires et


pénitentiaires et de l’activité de tous les personnels des professions dont l’organisation, les
attributions et la discipline relèvent du Ministère de la Justice ;

-de contrôler l’application des directives ministérielles ;

-de constater les insuffisances dans l’activité des juridictions, services et professions et
proposer les mesures nécessaires en vue d’y remédier pour parvenir à une bonne
administration de la justice ;

-de veiller au maintien des améliorations obtenues ;

-d’instruire les dossiers en vue de la saisine des organes disciplinaires et faire des propositions
de sanctions.

Elle est donc chargée d’une mission générale et permanente d’inspection et de


contrôle de l’ensemble des services judiciaires et pénitentiaires ainsi que des établissements et
structures sous tutelle du Ministère de la Justice, des Droits de l’Homme et des Libertés
Publiques. Toute personne victime ou témoin de dysfonctionnements d’un service ou de
mauvais comportement d’un acteur de la Justice peut saisir l’inspection Générale des Services
Judiciaires et Pénitentiaires en adressant un courrier :

-soit au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice ;

Article 18 de l’arrêté n° 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires.

191
-soit à l’inspecteur Général des Services Judiciaires et Pénitentiaires^^^

Elle est dirigée par un Inspecteur général choisi parmi les magistrats hors hiérarchie
du groupe A, ayant le même rang que le Procureur général près la Cour Suprême. Il est
secondé par des Inspecteurs généraux adjoints et des inspecteurs des services judiciaires et
pénitentiaires. L’inspecteur Général, les Inspecteurs Généraux adjoints et les Inspecteurs sont
nommés par décret pris en conseil des Ministres, sur proposition du Garde des Sceaux,
Ministre de la Justice.

Notons que la Direction des Affaires Pénitentiaires gère tous les établissements
pénitentiaires (33) sur tout le territoire national, répartis en maison d’arrêt, maison d’arrêt et
de correction et en camp pénal.

§11 : Les missions de la Direction des Affaires Pénitentiaires

Selon la règle 58 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des


détenus : « Le but et la justification des peines et mesures privatives de liberté sont en
définitive de protéger la société contre le crime. Un tel but ne sera atteint que si la
période de privation de liberté est mise à profit pour obtenir, dans toute la mesure
possible, que le délinquant, une fois libéré, soit non seulement désireux, mais aussi
capable de vivre en respectant la loi et de subvenir à ses besoins Cette règle étant
une règle internationale en matière carcérale, les autorités ivoiriennes s’y sont référées en
attribuant des missions essentielles de la Direction des Affaires Pénitentiaires qui sont
essentiellement d’ordre sécuritaire (A) et d’ordre social (B).

A-La mission sécuritaire

Les fonctions des prisons varient selon les époques et les sociétés. La plupart du temps,
il s'agit :

• de punir une personne reconnue coupable d'une faute d'une certaine gravité;

Bulletin d’informations de la RSS (réforme du secteur de la sécurité)- N^OOb-Mars 2015, P.5.


Règle 58 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

192
de protéger la société des personnes dangereuses ;

de décourager les gens de commettre des actes interdits par la loi ;

d’obliger le détenu à faire pénitence, en le forçant à poursuivre des études ou une


activité destinées à le réinsérer ou le réhabiliter ;

de neutraliser les opposants politiques (dans les régimes dictatoriaux);

d'empêcher des prévenus de prendre la fuite ou de compromettre leur futur procès, on


parle alors de détention provisoire"*^^.

À travers ces fonctions, on perçoit plus nettement la dimension sécuritaire de la prison. La

prison est donc axée principalement sur la sécurité de la société et partant sur la protection des
biens et des personnes. Elle retient tous les réfractaires à l’ordre social établi.

Pour renchérir, Jean-Claude VIMONT met en exergue le volet sécuritaire de la prison


dans son ouvrage la prison à l’ombre des hauts murs, Paris, Gallimard 2004 en retraçant
l’histoire du système carcéral français depuis 1791 tout en apportant des propositions pour
réformer le régime pénitentiaire actuel. Il dévoile à travers cet ouvrage les enjeux du débat
contemporain sur le devenir de la prison et le sens de la peine. Ainsi, la peine de nos jours a
pour finalité principale d”instaurer la sécurité au sein de la société. La peine permet donc de
réprimer les inconduites dans la société, qui sont sources d’insécurité.

La sécurité est le socle de la prospérité de toute société, car en l’absence de sécurité,


le développement et la prospérité deviennent illusoires. Ainsi, selon Maurice CUSSON « Le
pouvoir qui se révèle incapable de garantir la sécurité de ses commettants ne saura
conserver bien longtemps leur allégeance.

En conséquence, la mission régalienne de l’État, c’est d’assurer la sécurité des biens et


des personnes vivant sur son territoire. Cette mission est confiée à des Institutions telles que
les forces de police, de gendarmerie et surtout la prison. Dans une société démocratique, la
prison est avant tout au service de l’autorité judiciaire et agit au nom de la
communauté."^^^

Source : www.google.ci (Wikipédia) consulté le 23 décembre 2014.


Maurice CUSSON, op.cit. P.l 18.
Félix AHOUANSOU, formation du personnel de l’Administration Pénitentiaire, sur les méthodes de gestion
des établissements pénitentiaires ; manuel du participant, août 2006, P.5.

193
La Direction des Affaires Pénitentiaires qui gère les prisons a pour tâche principale de
détenir sur ordre de la justice les hommes et les femmes qui transgressent les lois établies. Les
prisons jouent un rôle essentiel dans la société. Elles sont cruciales pour la sécurité humaine et
la sûreté publique.'*^^

Ainsi, certains auteurs ont révélé les fonctions assignées à la prison. Nous pouvons
citer LAMEYRE, Xavier / SALAS, Denis. Prisons, permanence d'un débat [Dossier].
Problèmes politiques et sociaux. Paris : La documentation française, juillet 2004, n° 902, p.5-
119. Cet ouvrage donne les informations importantes sur l’origine, l’évolution, la nature et la
réalité de la fonction que la société assigne à sa prison. On a également JOURNET, Nicolas.
Peut-on réformer les prisons ? Sciences humaines, février 2001, n° 113, p. 16-20. La réforme
des prisons est à l'ordre du jour : elle porte non seulement sur les conditions de vie des
détenus, mais aussi sur la finalité et l'usage de l'incarcération dans l'arsenal judiciaire français.
Cela dit, la peine privative de liberté est établie pour la sécurité de la société.

Dès lors, elle a un but d’expiation, de dissuasion, de neutralisation et de réadaptation. Il


faut relever que la finalité d’expiation, de dissuasion et de neutralisation participent
nettement à l’établissement de la sécurité. La réadaptation a plutôt une finalité sociale que
nous analyserons dans la suite de notre analyse. L’expiation correspond à la douleur subie par
le condamné en prison et censée compenser et effacer le trouble qu’il a causé voire la douleur
que ses actes ont provoquée.

La dissuasion est fondée sur la capacité de raisonnement des individus qui, au vu des
sanctions appliquées, feraient en sorte de s’abstenir de transgresser la loi. La neutralisation
permet d’empêcher le coupable de commettre de nouvelles infractions. Ainsi, neutraliser un
délinquant, c’est le priver de liberté en le mettant en prison, cela dans le but de protéger la
société. Les délinquants sont donc privés de liberté dans le but de protéger la société.

La privation de liberté est en soi une punition qui pourtant viole l’article 3 de la
déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : « tout individu a droit à la vie, à la
liberté et à la sûreté de sa personne ». Cette punition s’avère nécessaire pour la protection de

UNODC (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), manuel à l’intention des Directeurs de
prison, outils de formation de base et programme d’étude à l’intention des Directeurs de prison, fondés sur les
normes et règles internationales /série de manuel sur la Justice pénale, publication des Nations Unies, New
York, février 2011, P.3.

194
la société. Ainsi, l’incarcération paraît-elle fondée sur un indice de dangerosité,
indépendamment de celui de culpabilité.^^’

La Direction des Affaires pénitentiaires a donc une mission fondamentale, celle


d’assurer la sécurité des ivoiriens et de tous ceux qui vivent sur le territoire de la Côte d’ivoire
en mettant hors d’état de nuire les délinquants par l’enfermement. Dans sa contribution à
l’objectif général de sécurité publique, la Direction des Affaires Pénitentiaires à une double
mission : la garde des personnes placées sous mains de justice et la préparation de leur
insertion. La réinsertion des détenus constitue le volet social de la mission de ladite Direction.

B- La mission sociale

COMBESSIE, Philippe dans son ouvrage Sociologie de la prison. Paris : La


Découverte, 2004. (Repères, n°18) analyse les fonctions sociales de la prison, l'inflation
carcérale politique pénitentiaire en fonction de chaque type de société et la perspective de
l’abolition de la prison.

Quant à FOUCAULT, Michel. Surveiller et punir : naissance de la prison. Paris :


Gallimard, il se pose des questions fondamentales auxquelles il donne des réponses : D’où
viennent cette étrange pratique et le curieux projet d'enfermer pour redresser, que portent avec
eux les Codes pénaux de l'époque moderne ? Un vieil héritage des cachots du Moyen Age ?
Plutôt une technologie nouvelle : la mise au point, du XVIe aux XIXe siècles, de tout un
ensemble de procédures pour quadriller, contrôler, mesurer, dresser les individus, les rendre à
la fois « dociles et utiles ». (...) Pour lui, la prison est à replacer dans la formation de cette
société de surveillance. La pénalité moderne n'ose plus dire qu'elle punit des crimes ; elle
prétend réadapter des délinquants.

Concernant CHAOUAT, Bernard (Dir.), DESTOT, Michel (Préface.). Reconstruire sa


vie après la prison : quel avenir après la sanction ? Paris : Éditions de l'Atelier, 2011. Son
ouvrage présente une vision globale du système carcéral français, l'histoire de ce système
depuis le XIXe siècle, le parcours du condamné depuis la prononciation de peine jusqu'à la
réinsertion sociale, la sociologie des prisons...

*’’Mireille DELMAS-MARTY, op.cit. p 227.

195
À travers ces ouvrages, l’on voit nettement la mission sociale de la prison

contemporaine : la réadaptation de l’ex- contrevenant. Elle est en quelque sorte une mission
secondaire, eu égard à la primauté indéniable accordée à la mission dite de sécurité pratiquée
depuis belle lurette compte tenu des considérations historiques et sociologiques. La
réadaptation de l’ex-détenu se manifeste par son intégration harmonieuse dans la société
notamment par l’apprentissage d’un métier pendant sa durée de détention. En réalité, le travail
pénitentiaire est un élément capital de réinsertion du délinquant.

Pour renchérir Fabrice GUILBAUD affirme :« Il s'agit ici d'une dimension


instrumentale du rapport fonctionnel au travail dans sa fonction directement
économique. Elle s'avère importante dans la mesure où elle déborde la situation
économique individuelle des détenus. En effet, travailler, c'est aussi retrouver une autonomie
financière et sortir de la dépendance financière de l'extérieur. L'incarcération a des
répercussions familiales importantes, financières entre autres. Elle implique donc une
rééducation, un amendement et une réinsertion sociale de ce dernier. La réadaptation du
délinquant est le fondement de la finalité de défense sociale assignée à la prison
contemporaine L'exigence de la société, quant au besoin de fournir du travail aux
détenus, n'a cessé de croître. Cela est à relier au fait que le travail est perçu dans la société
comme base de l'insertion, comme une valeur sociale en soi.^^^

Nous pouvons même affirmer que l’idée maîtresse de la mission sociale de la prison
de nos jours est la resocialisation de l’ex-détenu. La resocialisation passerait alors par la phase
d’oubli de toutes cicatrices causées par le quotidien de la prison.'*^'’ Certains États ont pris le

parti de considérer la mission de resocialisation comme primordiale. Pour la loi allemande,


l’exécution de la peine privative de liberté doit permettre à l’individu incarcéré d’acquérir la
capacité de mener dans le futur une vie socialement responsable, exempte d’actes délictueux.

La Cour constitutionnelle fédérale a précisé cette notion de réinsertion (ou de


resocialisation) en considérant que le détenu doit acquérir la capacité et la volonté de mener
une vie responsable, de s’affirmer dans une société libre à l’avenir sans commettre de délit, de
profiter de ses chances et de tenir compte de ses risques. Elle affirme clairement que la
sécurité publique ne saurait être un objectif de l’exécution de la peine, tout au plus doit-elle

Fabrice GUILBAUD, le travail pénitentiaire. Une étude de sociologie du travail, « mission de recherche
Droit et Justice », Février 2006,P.202.
Idem, P.21.
Arnold N’GUIMBI, op.cit. P. 18.

196
être prise en compte dans la mise en œuvre du traitement pénitentiaire"^^^ .Cette mission

sociale (resocialisation, réadaptation) est donc assurée en Côte d’ivoire par la Direction des
Affaires Pénitentiaires. Celle-ci, pour mener à bien cette mission, a une Sous-Direction
spéciale chargée de la réinsertion et des Affaires Sociales.

À travers les attributions de cette Sous-Direction, on remarque que la mission sociale

de la Direction des Affaires Pénitentiaires se résume en trois points essentiels à savoir


l’éducation, la santé et la formation à un emploi du détenu. Concernant le volet éducatif, le
détenu doit recevoir un enseignement adéquat, c‘est donc un droit pour lui. Cette prise en
charge éducative relève de la compétence des Ministères de l’éducation nationale et de la
Justice.

De même, le détenu à droit à la santé. Dans l’ouvrage de MIGLIORINO (Roch-Etienne),


Infirmier en milieu carcéral : accompagner, soigner, réinsérer. Issy-les-Moulineaux :
Elsevier Masson, 2009, VIII+87p, ann. Réf. Ip. Soigner des personnes qui ont commis des
actes répréhensibles et qui dès lors, ont été mises au ban de la société, demande de la part du
soignant un réel engagement, sans aucune discrimination et dans le respect des règles
déontologiques. Mais, cet ouvrage apporte également un éclairage concret sur la prise en
charge infirmière des détenus au sein des Unités de consultations et de soins ambulatoires
(UCSA). Ces unités ont pour objectif d'assurer aux détenues et détenus une qualité et une
continuité des soins équivalentes à celles offertes à l'ensemble de la population.

Par voie de conséquence, des infirmiers et des médecins sont détachés dans les
établissements pénitentiaires pour apporter des soins adéquats aux détenus. Pendant la période
de détention, les délinquants ont droit à une formation professionnelle qui leur permettent à
leur sortie de prison, de mener une activité pour subvenir à leurs besoins. Cela dit,
« L’administration pénitentiaire doit s’efforcer constamment d’éveiller et de maintenir dans
l’esprit du personnel et de l’opinion publique la conviction que cette mission est un service
social d’une grande importance ; à cet effet, tous les moyens appropriés pour éclairer le public
devraient être utilisés

Pour la phase pratique de de cette réinsertion sociale, l’Observatoire International


des Prisons a élaboré un guide répondant à des questions pratiques regroupées en diverses

‘*^5 Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH), Etude sur les droits de l’homme en
prison, propositions (Adoptée par l’assemblée plénière du 11 mars 2004), P. 12.
Règle 46 (2) de l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

197
thématiques dans son ouvrage. Guide du sortant de prison , la Découverte, coll. Guides, 2006.
L’éducation, la formation et le suivi psychologique se sont donc imposés au système
carcéral comme étant des points incontournables à une bonne réinsertion sociale."^^^

Cependant, il faut relever que cette mission sociale dans la réalité est difficile à mettre en
œuvre. Cela se perçoit dans l’ouvrage de PROULX Marie-Hélène, la réinsertion des ex­
détenus. Prisonnier de son passé (dossier), magazine jobboom, mars 2012.

Selon l’auteur, un québécois adulte sur sept (7) a un casier judiciaire, un fardeau
pesant à traîner pendant la quête de travail, car les employeurs vérifient les antécédents des
candidats à l’emploi. Cette situation est très souvent un obstacle à la réinsertion des ex­
détenus. Cela dit, la Direction des Affaires Pénitentiaires a certes une mission de défense
sociale (sécuritaire et sociale), mais elle confronté à des difficultés qui contraignent très
souvent ces missions.

SECTION II :

LES DÉFAILLANCES DE LA DIRECTION DES AFFAIRES


PÉNITENTIAIRES, UNE RÉSULTANTE DE L’APPORT DES
STRUCTURES EXTERNES

Conformément aux lois (code pénal, code de procédure pénale), décrets et


conventions internationales, la Direction de l’Administration pénitentiaire doit : garder les
personnes incarcérées sur décisions de justice des autorités judiciaires compétentes, pour
préserver la sécurité et l’ordre public ; assurer cette mission dans des conditions qui
sauvegardent la dignité et les droits de l’homme ; assurer dans la mesure du possible
l’amendement des détenus et préparer leur réinsertion sociale dans la société, sans
récidive. Dans la même logique, l’article 5 du code pénal dispose que « la peine a pour but
la répression de l’infraction et doit tendre à l’amendement de son auteur ».

Agence Canadienne de développement International (ACDI), réforme carcérale et droits des personnes
incarcérées, publié par le centre international des droits de la personne et du développement démocratique
(Droits et Démocratie), juin 2009, P. 6- 7.
François GUÉI, rapport des activités en 2004 et 2005 et perspectives, Abidjan 15 février 2006, P. 1.

198
Ainsi, la Direction des Affaires Pénitentiaires, organe central de gestion du système
pénitentiaire remplit des missions nobles (sécuritaires et sociales) pour le bien être de la
population ivoirienne. Par ailleurs, pour l’accomplissement de ces missions, elle est
confrontée à des difficultés, notamment l’inefficacité de ses moyens d’action (§1). Ces limites
de la Direction des Affaires Pénitentiaires sont compensées par l’apport considérable des
structures ou organismes externes (§11).

SI : Les moyens d’actions inefficaces consécutives à la complexité


des missions

La Direction des Affaires Pénitentiaires, par le biais de ses établissements


pénitentiaires, accueille des individus légitimement privés de liberté suite à un procès pénal.
Elle a la responsabilité de les garder en sécurité, puis, dans la plupart des cas, de les réinsérer
dans la société. Ce rôle implique l’exécution de tâches particulièrement exigeantes et
pénibles au nom de la société. Cette Direction par le truchement des agents d’encadrements
pénitentiaires voire des gardiens de prison se trouve à l’avant-garde de la protection des droits
des détenus dans la prison, doit les mettre en pratique, les font valoir et veillent à leur
observation.

L’accomplissement de telles missions requiert de la part de ladite Direction des


moyens d’actions consistantes et suffisantes. Cependant, il faut relever que la Direction des
Affaires Pénitentiaires a des moyens d’actions limités notamment des moyens financiers et
humains insuffisants (A) et l’inadéquation des moyens matériels (B) pour la mise en œuvre de
la politique pénitentiaire de la Côte d’ivoire.

A-Les moyens financiers et humains insuffisants

BADINTER, Robert"^^^, dans son ouvrage La prison républicaine. 1871-1914. Paris :

Fayard, 1992. A analysé plusieurs questions notamment : Pourquoi la République (française)


s'est-elle refusée à prélever les ressources nécessaires pour changer la prison, en finir avec la

Badinter, Robert (1928- ), avocat et homme politique français, ministre de la Justice (1981-1986) dont
l’action est à l’origine de l’abolition de la peine de mort en France, puis président du Conseil constitutionnel
(1986-1995).

199
misère, la promiscuité, la corruption de la vie carcérale, toujours dénoncées et toujours
reconduites ? Pourquoi accuser les tares d'un système pénitentiaire indigne des valeurs de la
République -et de son intérêt bien compris, puisqu'il nourrissait la récidive - et cependant se
garder d'y remédier ?

Il dénonce à travers cet ouvrage les maux qui minent les prisons françaises. On y
retrouve l’insuffisance des moyens financiers pour une gestion efficiente des prisons. Ainsi
de manière générale dans tous les pays, l’insuffisance des moyens financiers est la cause de la
malnutrition voire de la maltraitance des prisonniers. Il faut donc des moyens financiers
conséquents pour satisfaire des besoins vitaux des prisonniers à savoir l’alimentation et la
santé. Cependant, depuis belle lurette l’organe central de gestion du système pénitentiaire ne
dispose pas de moyens financiers adéquats pour couvrir les besoins des établissements
pénitentiaires et partant des prisonniers.

Aussi, selon le rapport de l’ONUCI sur la situation des établissements pénitentiaires de


Côte d’ivoire en 2005, 2006 et 2007, l’Administration pénitentiaire ne gère pas elle-même son
budget. La gestion des finances et du budget du ministère de la justice a été centralisée à la
Direction des affaires financières et du patrimoine (DAFP) dont le directeur est l’ordonnateur
des dépenses. La Direction de l’Administration pénitentiaire (DAP) n’a donc pas d’autonomie
de gestion et ses dotations budgétaires se caractérisent par leur insuffisance notoire, eu égard à
l’ampleur de ses missions.

Les moyens financiers provenant du budget sont destinés au fonctionnement de la


Direction de l’Administration pénitentiaire (DAP) en tant qu’entité administrative. Il en est de
même pour les établissements pénitentiaires dont les crédits sont directement gérés par les
régisseurs. Quant aux crédits d’investissement (infrastructures, équipements et logistiques)
destinés à la Direction de l’Administration pénitentiaire (DAP), ils sont directement
administrés par le Directeur des affaires financières et du patrimoine.

Ainsi, en 2005, le total des crédits alloués à la DAP pour son fonctionnement et les
investissements était de 1.050.350.000 f CFA.'^^^En 2006, le total était de 1.206.979.500 f

CFA selon le rapport de l’ONUCI sur les établissements pénitentiaires en 2006. Il faut relever
que ces moyens financiers sont insuffisants par rapport aux charges de la direction de
l’Administration pénitentiaire. L’insuffisance des moyens financiers est corroborée par le
Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, lors d’une communication

ONUCI, rapport sur la situation des établissements pénitentiaires de Côte d’ivoire, septembre 2007, P. 15.

200
en conseil des Ministres en 2009 en ces termes : « Malgré une légère augmentation des
crédits alloués aux établissements pénitentiaires, la situation demeure préoccupante. La
notification des budgets des Maisons d’Arrêt et de Correction pour l’année 2008 avait laissé
entrevoir des perspectives heureuses pour l’Administration Pénitentiaire... Cette
revalorisation permettait sur le plan national de passer d’un taux rationnaire journalier de
237F en 2007 à 314F par jour et par détenu en 2008. Cependant cette situation positive va
connaître des écueils importants au cours de l’année, pendant l’exécution du budget. C’est
d’abord un prélèvement de 10% qui a été opéré sur les crédit.s destinés à l’alimentation dès la
notification. Il a ensuite fallu faire face à l’augmentation du prix des denrées alimentaires
suite à la flambée du cours du pétrole. Cette crise a fortement réduit le pouvoir d’achat des
établissements pénitentiaires et par voie de conséquence la quantité d’aliments disponibles
dans nos prisons. Cette situation est devenue intenable depuis les mesures relatives à la
réduction du train de vie de l'Etat. En effet, la plupart des établissements pénitentiaires ont vu
leur crédit destiné à l’alimentation des détenus, amputé de 5 à 7 millions de francs...La
difficulté, c’est qu’en plus de l’insuffisance du budget alimentation des prisons, les
fournisseurs ne sont pas payés depuis 2ans pour certains... Au total, il faut retenir que les
crédits d’alimentation alloués aux établissements pénitentiaires sont insuffisants. Nous
sommes toujours loin des prescriptions de l’arrêté de 15 avril 1952 sur la base duquel la
ration alimentaire devrait être aujourd’hui de 800 francs pour le régime ordinaire et 1160
francs pour le régime amélioré c’est-à-dire celui des cadres et assimilés. L’image d’un Etat
dépendant pour beaucoup du respect ou non des droits de l’homme, qui se mesurent
principalement à l’aune du traitement des individus dans les lieux de détention, une
augmentation sensible des crédits alloués aux établissements pénitentiaires est sollicitée^^'»

En ce qui concerne les moyens humains, dans les années antérieures la DAP était
confrontée à une insuffisance criarde en termes de personnel humain. Selon le rapport des
activités en 2004 et 2005 et perspectives de l’ancien Directeur de l’Administration
Pénitentiaire François GUÉI, l’Administration pénitentiaire compte 884 agents dont 67

régisseurs, 5 femmes, 131 surveillants-chefs, 500 surveillants et 186 stagiaires ; cela donne un
ratio d’un agent pour dix détenus pour l’ensemble des personnels et un surveillant pour 14
détenus . « L’Administration Pénitentiaire compte à ce jour (2009) 1077 agents dont 77

Mamadou KONÉ (Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme à cette époque).
Communication en Conseil des Ministres sur la situation des maisons d’arrêt et de correction, fait à Abidjan le
03 mars 2009, P.3-5.
‘’^^François GUÉl, op.cit. 3.

201
régisseurs, 144 surveillants-chefs et 860 surveillants pour une population carcérale estimée à
13000 détenus. Ce qui donne un ratio d’un surveillant pour 13 détenus, la norme
internationale reconnue étant d’un surveillant pour 4 détenus ...Le constat de l’insuffisance
du personnel pénitentiaire s’impose et le recrutement effectif de 300 surveillants par an dès
cette année 2009 et ce pendant 3ans permettrait de combler un tant soit peu ce déficit qui va
s’accroître très certainement avec l’ouverture prochaine des onze maisons d’arrêt et de
correction situées dans les zones Centre, Nord, Ouest ».

Par ailleurs, il faut relever qu’actuellement des efforts sont faits par le gouvernement
ivoirien pour combler ce déficit en personnel de la DAP. On compte en 2015, 3073 agents
tous corps confondus (agents d’encadrements des établissements pénitentiaires, les
contrôleurs des établissements pénitentiaires et les attachés des établissements pénitentiaires).

En outre, la DAP ne gérait pas directement son personnel, celui-ci était administré
par la Direction des Services Judiciaires et des ressources humaines du MJDHLP. De nos
jours avec l’arrêté n° 2014 portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires,
ladite direction par le biais de la Sous-Direction de l’Administration Pénitentiaire est chargée
de la gestion des personnels pénitentiaires. Cela dit, les défaillances de la DAP ne se limitent
pas seulement aux moyens humains et financiers, il faut inclure aussi l’inadaptation des
moyens matériels.

B-L’ inadaptation des moyens matériels

La politique pénitentiaire de la Côte d’ivoire est mise en œuvre par la Direction


des Affaires Pénitentiaires. Selon l’article 10 du décret 2014-542 du 1®*^ octobre 2014 portant
organisation du MJDHLP (Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés
Publiques), elle est chargée :

-de veiller à la gestion et d’exercer le contrôle des établissements pénitentiaires ;

-de veiller à la sécurité pénitentiaire ;

-d’assurer le contrôle et le suivi de l’exécution des décisions privatives de liberté ;

Mamadou KONÉ (Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme), op.cit. P.2.

202
-d’organiser le service social et le travail en milieu carcéral ;

-d’appliquer le régime progressif et des procédures de libérations conditionnelles ;

-de proposer des réformes en matière d’administration pénitentiaire ;

-de veiller à la formation et à la réinsertion sociale des détenus.

Comme nous le constatons à travers ses missions, la DAP située au 14^ étage de la
tour administrative D d’Abidjan joue un rôle indispensable d’utilité sociale. Elle a besoin en
conséquence de moyens matériels subséquents pour atteindre les objectifs à lui assignés par le
MJDHLP. Cependant, la réalité est tout autre dans la pratique. La DAP souffre d’un manque
criard de moyens matériels pour l’accomplissement de ses missions sécuritaires et sociales. Le
défaut de maîtrise des moyens matériels par cette direction, combiné de l’absence d’un plan
d’équipement élaboré en liaison avec les professionnels du milieu, a également induit des
déficiences graves observées dans les bureaux et les postes de garde.

Il en est de même dans les dortoirs et les infirmeries des établissements pénitentiaires
selon le rapport de l’ONUCI précité. « La plupart des établissements pénitentiaires sont dans
un état de délabrement avancé. A l'exception de la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan,
ils n’étaient à l’origine, pas destinés à servir pour l’emprisonnement. U s’agit soit
d’anciennes écoles (Tiassalé) soit de salle de cinéma (Lakota) ou encore de magasins de
stockage de produits agricoles (Oumé, Bongouanou), leur caractéristique principale
commune est la vétusté. Ces bâtiments inadaptés sont mal aérés, mal éclairés et ne présentent
aucune garantie de sécurité. Certaines, comme la maison d’arrêt et de correction de Tabou,
ont encore des murs en banco (terre battue)

De ce constat, il ressort que la vétusté des prisons est justifiée par le fait que la
majorité de ces édifices pénitentiaires ont été hérités de l’époque coloniale, en outre
l’insuffisance des crédits d’investissement alloués ne permettent pas des réhabilitations
concrètes. Cet état de fait est l’une des causes des mauvaises conditions de détention des
prisonniers.

Ainsi, selon LE CAISNE, Léonore, dans son ouvrage Prison : une ethnologue en
centrale. Paris : O. Jacob, 2000 ; si la prison échoue, cela ne tient pas seulement à la vétusté
des locaux, aux lacunes de la formation, à la promiscuité ou à la violence physique. Le

Mamadou KONE (Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme), op.cit. P.5.

203
problème essentiel est qu'elle empêche les individus de se reconstruire. En conséquence, la
vétusté des prisons est l’une des défaillances de la DAP dans l’accomplissement des missions
de sécurité publique et sociale qui lui sont dévolues.

Au niveau des équipements de sécurité, beaucoup reste à faire, à en croire les


rapports de l’ONUCI, de monsieur François GUÉI, Directeur de l’Administration
pénitentiaire en 2006. « Certains établissements n ’ayant pas été équipés en armes depuis
longtemps, et celles dont ils disposent étant en mauvais état, la MACA a dû les servir sur sa
dotation exceptionnelle mais sans munitions. Une situation préoccupante doit être soulignée :
en matière d’acquisition d'armes et munitions indispensables pour le service (formation
initiale, service quotidien, entraînement et formation continue) il n'y a jamais eu de crédits
régulièrement inscrits au budget...»

Au niveau du matériel roulant, selon le rapport des activités en 2004 et 2005 fait à
Abidjan 15 février 2006 par le Directeur de l’Administration pénitentiaire en son temps.
Monsieur François GUEI, «des 33 établissements pénitentiaires seuls 5 disposent d’un
véhicule. Cela nuit au bon fonctionnement des divers services des établissements, les agents
étant amenés à effectuer à pied l’escorte des détenus vers les palais de justice, les champs
pénaux et les hôpitaux, transportant bien souvent les malades et les corps à inhumer dans des
conditions inacceptables. »

En 2009, selon le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice en ce temps, malgré les
efforts déployés par l’Etat pour les dotations en moyens et matériels de travail, les
établissements pénitentiaires sont gravement sous-équipés. « Les uniformes des agents ne sont
pas renouvelés régulièrement depuis trois (3) ans. La dotation budgétaire de cette année
(2009) s’élève à vingt millions (20 000000) de francs et ne pourra permettre d’acquérir plus
de 300 tenues pour plus de 900 agents y compris les stagiaires. Il faudra en réalité un
montant de 100 000 000 F par an pour couvrir ce besoin.

Toujours selon le Ministre, l’armement et les équipements de sécurité sont insuffisants


et inadaptés. « Le parc automobile de l 'Administration pénitentiaire est à l'image des autres
secteurs. Seule la maison d'arrêt et de correction d’Abidjan dispose d'un fourgon cellulaire
en piteux état et donc constamment en panne ...Equiper les maisons d’arrêt et de correction

François GUÉI, op.cit. p 8.


Mamadou KONÉ (Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme), op.cit. P.5.

204
de véhicules bâchés donnerait à ce département du Ministère de la Justice et des Droits de
l'Homme une efficacité certaine.

De tout ce qui précède, on peut valablement affirmer que les moyens humains,
financiers et matériels dont dispose la Direction des Affaires pénitentiaires ne lui permettent
pas d’accomplir convenablement les missions qui lui ont été assignées. Cette situation justifie
l’intervention de nombreux partenaires dans le domaine pénitentiaire pour venir en appui à
ladite direction.

§II zL’apport des structures externes, une compensation aux


limites de la Direction des Affaires Pénitentiaires

La vie à l’écart du monde, dans un milieu fermé, tend à déshumaniser les


individus en leur enlevant individualité et responsabilité. La détention constitue donc un
changement fondamental pour tout individu, même s’il y est préparé."*^^ La détention est une

expérience éprouvante et parfois même dangereuse. Elle s’accompagne de privations sur les
plans physique, affectif et intellectuel qui sont difficiles à supporter même pour les adultes
mieux armés pour y faire face. On peut donc imaginer les effets dévastateurs et durables
qu’elle peut avoir sur les enfants"*^^. Cela dénote, que la tâche confiée à la Direction des

Affaires Pénitentiaires est difficile, complexe et exige des ressources financières importantes
voire additionnelles.

Dans ce contexte, Elle est aidée dans sa tâche par des organisations internationales
(ONUCI, UE...), les visiteurs de prisons, les ministres des différents cultes religieux de même
que les ONG et autres associations ou personnes charitables qui offrent leurs services
(financiers, matériels, morales, spirituels...) aux détenus et aux personnels en terme
d’assistance ou de formation. Ainsi, la DAP bénéficie de l’apport spirituel des organismes
confessionnels (A) et de l’appui matériel, financier des organismes internationaux et
humanitaires(B).

Idem, P.6.
Alain AESCHLIMANN, la protection des détenus : l’action du CICR derrière les barreaux dans la revue
internationale de la croix rouge, volume 87, sélection française 2005, P. 34.
CICR, les enfants et la détention, décembre 2014, P.l.

205
A-L’apport spirituel des organismes confessionnels

Le statut des représentants religieux à l’intérieur des systèmes pénitentiaires peut varier
d’un pays à l’autre. Dans certaines juridictions, ils ne sont pas nécessairement admis à
l’intérieur des prisons. Dans d’autres, le représentant religieux ou l’aumônier vient au second
rang hiérarchique à l’intérieur de la prison, immédiatement après le directeur. Les instruments
internationaux stipulent clairement que tous les détenus ont le droit de consulter un
représentant religieux autorisé.'^^®

Ainsi, l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme prévoit que


: « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit
implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester
sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par
l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. » L’article 18 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques stipule également le droit à la liberté de
religion. Il prévoit en particulier au paragraphe 2 que : « Nul ne subira de contrainte pouvant
porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son
choix. »

La possibilité de pratiquer sa propre religion, en privé ou en public est parfois


restreinte, du fait même de l’emprisonnement. Pour cette raison, l’Ensemble de Règles
minima pour le traitement des détenus mentionne spécifiquement l’obligation pour les
autorités pénitentiaires d’autoriser les détenus à observer leur religion et à consulter un
ministre de ce culte.

Ainsi ; 1 ) « Si l ’établissement contient un nombre suffisant de détenus appartenant à la


même religion, un représentant qualifié de cette religion doit être nommé ou agréé. Lorsque
le nombre de détenus le justifie et que les circonstances le permettent, l'arrangement devrait
être prévu à plein temps. »

2) « Le représentant qualifié, nommé et agréé selon le paragraphe î, doit être autorisé à


organiser périodiquement des services religieux et à faire, chaque fois qu'il est indiqué, des
visites pastorales en particulier aux détenus de sa religion. »

Nations Unies, les droits de l’homme et les prisons, manuel de formation aux droits de l’homme à l’intention
du personnel pénitentiaire, op.cit. P. 124.

206
3) «Le droit d’entrer en contact avec un représentant qualifié d’une religion ne doit jamais
être refusé à aucun détenu. Par contre, si un détenu s’oppose à la visite d’un représentant
d’une religion, il faut pleinement respecter son attitude.

La règle 42 dispose « Chaque détenu doit être autorisé, dans la mesure du possible,
à satisfaire aux exigences de sa vie religieuse, en participant aux services organisés dans
rétablissement et en ayant en sa possession des livres d’édification et d’instruction religieuse
de sa confession. »

Il ressort clairement de ces différentes dispositions juridiques internationales que le droit


à la liberté de croyance religieuse et à l’accomplissement des rites de cette religion est un
droit universel qui concerne tous les détenus ainsi que les personnes libres. Le règlement des
prisons doit inclure le droit de représentants religieux qualifiés de rendre régulièrement visite
aux prisons afin d’y rencontrer les détenus.

Dans la même logique, le Décret n® 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation


des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté dispose en son article 163 : «Les Ministres des différents cultes, agréés par le
Ministre de la Justice, peuvent visiter les détenus et s'entretenir avec eux aussi souvent qu'ils
l'estiment utile au parloir réservé par ailleurs aux avocats. » Et article 164 «Ils peuvent
célébrer à raison d'une fois par semaine un office religieux. ».

Il ressort nettement de ces articles que les confessions religieuses, pour visiter les
prisons et y célébrer des cultes ou messes, doivent avoir une autorisation du MJDHLP par le
biais de la Direction des Affaires Pénitentiaires. Avec cette autorisation légale, elles sont
rattachés de façon permanente aux établissements pénitentiaires au même titre que les
médecins, les infirmiers et les assistants sociaux, en témoigne l’article 115 du décret précité :
« Sont assimilés aux personnes attachées d'une façon permanente à l'Etablissement : Les
médecins et infirmiers désignés par le service de Santé pour visiter les prisons, les assistants
sociaux des services spécialisés dans l'assistance aux détenus, les Ministres des cultes
assurant le service des offices religieux de l'Etablissement, les visiteurs de prisons ».

Les ministres du culte doivent pouvoir visiter les détenus désireux de les consulter. En
principe, les ministres du culte ne doivent pas faire partie du personnel de la prison, mais
doivent être issus de la communauté locale .Les détenus doivent avoir la possibilité

Article 41 de l’ensemble de Règles minima pour le traitement des détenus.

207
d’observer les prescriptions de leur religion Cette exigence peut comporter des arrangements
particuliers en matière d’habillement, de régime alimentaire, ou d’horaires spéciaux de repas,
ou encore pour les prières ou la toilette. Les détenus soumis à une forme quelconque
d’isolement ou de punition doivent conserver la possibilité de consulter leurs représentants
religieux.

Les Ministres des cultes, toutes dénominations confondues (Les Eglises Catholiques,
les Eglises évangéliques, la religion musulmane...) apportent un soutien moral
impressionnant et spirituel aux détenus. Par leurs différentes visites, ils manifestent leur
amour et leur aide spirituel aux détenus ; car il est écrit dans la Bible : « qui opprime les
pauvres outrage Dieu leur créateur. Seul l’honore celui qui leur porte secours >/^^et

« mépriser un autre homme est un péché, mais heureux celui qui est bon avec les pauvres
Les pauvres en l’espèce sont des personnes vulnérables, opprimées, qui vivent dans des
conditions difficiles voire les personnes privées de liberté. On pourrait donc affirmer au
regard de ces prescriptions bibliques que visiter les prisonniers est un sacerdoce divin.

On doit fournir des installations à tous les détenus qui souhaitent accomplir leurs rites
religieux. Ceci peut inclure le droit de prier en privé à des heures spécifiques du jour ou de la
nuit, le droit de réaliser différentes pratiques d’hygiène ou de porter des vêtements
spécifiques.'^^'^

Dans cette optique, Philippe MAILLARD dans son ouvrage L’Evangile aux voyous
Desclée de Brouwer, 1985, témoigne de ses rencontres avec les détenus et les habitants de son
quartier quand il était aumônier de prison à Loos et a vécu dans un quartier populaire lillois.
Dans l’ouvrage, L ’islam dans les prisons de Farhad KHOSROKHAVAR Balland, coll. Voix
et regards, 2004L’auteur, sociologue, fait une incursion dans le monde carcéral en se penchant
sur l’islam, religion la plus représentée en prison aujourd’hui.

Aussi, LE BOURGEOIS, Isabelle dans son ouvrage Derrière les barreaia, des
hommes. Femme et aumônier à Fleury-Mérogis - 2002 , parle de l’espérance à proposer aux
hommes qui vivent derrière les barreaux. L’auteur, Religieuse auxiliatrice a offert son écoute
et sa foi aux détenus. Cela dit, la privation de liberté ne doit pas inclure la privation du droit
d’accomplir les rites de sa religion. Les autorités pénitentiaires doivent faire en sorte que:

Proverbes 14V31 de la Bible français courant.


**” Ibidem.
Andrew COYLE, op.cit. P 47.

208
• Les détenus aient la possibilité de prier, de lire des textes religieux et de respecter les

autres exigences de leur religion telles que les vêtements ou les ablutions, aussi souvent que
leur religion l’exige.

• Les détenus de la même religion doivent toujours avoir la possibilité de se rassembler en

groupe pour les services religieux les jours saints.

• Les détenus doivent toujours avoir la possibilité de recevoir la visite de représentants

qualifiés de leur religion pour des prières privées et des services en groupe. De même les
personnes privées de liberté « pourront pratiquer leur religion et recevoir à leur demande, si
cela est approprié, une assistance spirituelle de personnes exerçant des fonctions religieuses,
telles que les aumôniers

Il est tout aussi important de faire en sorte que les détenus qui n’appartiennent à aucun
groupe religieux ou qui ne souhaitent pas pratiquer une religion ne soient pas obligés à le
faire. Les détenus ne doivent pas bénéficier de privilèges supplémentaires ou être autorisés à
vivre dans de meilleures conditions en raison de leur affiliation ou pratique religieuse.

En fin de compte, nous retenons que les différentes confessions religieuses, par leurs
visites récurrentes aux prisonniers en vue de leur apporter soutien moral et spirituel, apportent
une aide incommensurable à la Direction des Affaires Pénitentiaires dans ses missions de
sécurité publique et sociale. Aussi, il ne faudrait pas oublier l’appui financier et matériel des
organismes internationaux et humanitaires dans l’humanisation des conditions de détention
des prisonniers.

'”5 Article 5, al. 1 d du protocole additionnel du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés
non internationaux (protocole II).

209
B-L’ appui matériel des organismes internationaux et
humanitaires

« Le Directeur des Affaires Pénitentiaires assure sous l’autorité du garde des sceaux, la
direction et le contrôle de l’Administration Pénitentiaire. A cet titre il est chargé de:

-Définir, superviser et coordonner les orientations et les activités des sous-directions, des
Délégations Régionales et des Établissements pénitentiaires ;

-Gérer les questions budgétaires liées aux personnels pénitentiaires et assimilés ;

-Préparer les textes législatifs et réglementaires relevant des Affaires pénitentiaires ;

-Gérer et suivre les aetivités éeonomiques des établissements pénitentiaires ;

-Il lui est rattaché un bureau chargé de l’informatisation, du budget et des statistiques."*^^

Ces attributions apparemment simples nous donnent l’impression que la tâche confiée à la
Direction des Affaires Pénitentiaires semblerait aisée. Mais en réalité, force est de
reconnaître que cette tâche est vaste, difficile, complexe et exige des ressources matérielles,
financières importantes voire additionnelles. Dans cette logique, la DAP reçoit l’appui
considérable des organisations internationales (ONUCI, UE...), et humanitaires (CICR,
PRSF,...) qui apportent un soutien logistique, financier dans le cadre de l’humanisation des
conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.

En ce qui concerne les ONG à vocation humanitaire, il faut signaler les activités du
comité international de la croix rouge (CICR), des médecins sans frontières (MSF) et de
prisonniers sans frontières (PRSF) qui agissent dans le domaine de la santé, l’hygiène,
l’alimentation, l’assistance judiciaire et le rapprochement familial.

Médecins sans frontières (MSF) est une organisation non gouvernementale internationale à
but humanitaire d'origine française mais dont le Bureau international siège à Genève (Suisse).
Fondée en 1971, elle offre une assistance médicale d'urgence dans des cas comme les conflits
armés, les catastrophes naturelles, les épidémies et les famines. Elle offre aussi des actions à
plus long terme lors de conflits prolongés ou d'instabilité chronique, dans le cadre de l'aide
aux réfugiés ou à la suite de catastrophes.

Article 2 de l’Arrêté n° 2014 portant organisation de la direction des Affaires Pénitentiaires.

210
Œuvrant dans la neutralité et en toute impartialité, les MSF revendiquent, au nom de
l’éthique médicale universelle et du droit à l’assistance humanitaire, la liberté pleine et entière
de l'exercice de leur fonction. Ils s’engagent à respecter les principes déontologiques de leur
profession et à maintenir une totale indépendance à l'égard du pouvoir, ainsi que de toute
force politique, économique ou religieuse. Volontaires, ils mesurent les risques et les périls
des missions qu’ils accomplissent et ne réclameront, pour eux ou leurs ayants droit, aucune
compensation autre que celles que l’association sera en mesure de leur fournir.

MSF intervient également en milieu pénitentiaire pour apporter des soins aux détenus.
Dans cette logique, depuis 1997, médecins sans frontières étaient en partenariat avec le
ministère de la justice et celui de la santé pour appuyer les efforts de l’Etat au niveau de la
santé des détenus selon le rapport de l’ONUCI en 2006. Durant les périodes 2004 et 2005,
MSF intervenant uniquement à la MAC A, a poursuivi sa participation aux soins de santé des
détenus au centre médical de l’établissement selon le rapport de monsieur François GUÉI
(Directeur de l’Administration pénitentiaire en 2006).

Selon ce même rapport, MSF a pris en charge à l’extérieur tous les frais (chirurgie,
hospitalisation et soins) de nombreux détenus indigents transférés dans les hôpitaux et
cliniques, il a poursuivi son programme d’apport de supplément d’alimentation pour les
malades et les isolés. Il a mis fin à ses activités depuis le 31 décembre 2005. « Cette ONG
nous laisse des résultats véritablement spectaculaires, obtenus grâce à un financement de
plus de 1 300 000 000 F sur ses ressources propres, et surtout grâce à un grand dévouement
et un profond respect de la dignité, de la santé et de la vie de la personne humaine dont ses
membres ont fait preuve tout le long de leurs activités à la MACA.

Le Comité International de la Croix Rouge(CICR) est une organisation impartiale,


neutre et indépendante. Il a pour mission exclusivement humanitaire de protéger la vie et la
dignité des victimes de conflits armés et d’autres situations de violence, et de leur porter
assistance. Le CICR s’efforce également de prévenir la souffrance par la promotion et le
renforcement du droit et des principes humanitaires universels.'^^^Dans ce contexte, il a

commencé à visiter les personnes privées de liberté lors des conflits depuis 1915. Son but était

Source internet : www.google.fr (Wikipédia) consulté le 7/5/2015.


'^’^François GUÉI, op.cit. P. 13.
CICR, le CICR sa mission et son action, Genève, Suisse, mars 2009, P.4.

211
d’encourager les parties à apporter les améliorations nécessaires aux conditions de détention
des prisonniers et de pouvoir renseigner les gouvernements et les familles sur leur sort.^’^^

Au fil des années, le CICR a progressivement étendu le champ de son action aux
détenus de droit commun. Ainsi, il a un rôle de visiteur, de conseil et de plaidoyer et il mène
des activités pour l’amélioration des conditions de détention surtout au niveau de
l’alimentation. Selon Madame Eloïse LEFEBRE, coordinatrice adjointe protection au CICR,
le CICR a commencé à visiter les prisons fin 1990. Elle affirme que dans le cadre de
l’amélioration des conditions de détention, le CICR dispose de quatre départements. On a le
département hygiène, habitat, eau, qui œuvre pour que les prisons soient dans un état
hygiénique acceptable, ne manquent pas d’eau...

Le département santé veille à ce que tous les détenus malades accèdent aux soins sans
discrimination. Le département de la chaîne alimentaire veille à ce que les détenus soient
nourris convenablement. Le département protection détention veille pour un fonctionnement
régulier de la prison.

Le mode d’action privilégié du CICR est la persuasion, c’est-à-dire que par un dialogue
bilatéral et confidentiel, il vise à convaincre un acteur de faire quelque chose qui relève de sa
responsabilité ou de sa compétence. Lorsqu’il estime nécessaire d’aider les autorités qui n’ont
pas les moyens d’intervenir, le CICR entreprend des actions de soutien pour qu’elles puissent
assumer leurs responsabilités^^’. Des délégués du Comité International de la Croix Rouge, ont

à cet effet, visité plusieurs établissements pénitentiaires et ont distribué des produits
d’entretien, de l’outillage, des semences et des produits phytosanitaires. Il a réhabilité des
infrastructures et réalisé des ouvrages destinés à l’alimentation en eau potable et à
l’évacuation des eaux usées de certains établissements pénitentiaires.

Prisonniers Sans Frontières est une Association humaniste et pragmatique. Elle est
présente en Afrique francophone depuis 1995. Elle regroupe des hommes et des femmes qui
désirent :

- des actions durables ;

- la confidentialité des interventions ;

500 privés de liberté, Genève, Suisse, février 2014, P.2.


Entretien avec Eloïse LEFEBVRE réalisé le 10/04/2015 à 1 Ih au siège de la délégation régionale du CICR à
Abidjan (deux plateaux). Rue J47, lot n” 2261.

212
- une coopération indispensable.

L’objectif de PRSF est de faire respecter les droits de l’homme en prison. Ses
interventions se traduisent par une présence et une écoute auprès de tous les détenus ; des
réponses à leurs préoccupations essentielles ; la réhabilitation des infrastructures existantes et
la création d’équipements indispensables mais souvent inexistants (infirmeries, cuisines,
ateliers...) ; l’animation de groupes des détenus par l’organisation d’activités sportives ou
socio-culturelles.

L’ONG prisonniers sans frontières(PRSF) présente dans 22 établissements pénitentiaires


de la Côte d’ivoire, veut, à travers ses projets, réhabiliter des cellules, améliorer les quartiers
des femmes et des enfants. Elle soutient des activités de production agricole, d’élevage et
d’amélioration des conditions de détention avec l’appui de la coopération française et de
l’Union Européenne.

Ainsi, selon Bernard Aurenche et Francis Turlotte (Responsables PRSF en Côte


d’ivoire et du projet Saliakro) : « Le projet « Saliakro » financé par l’Union européenne sur
trois années, se termine le 30 juin 2015. Il comprend des travaux d'amélioration des quartiers
des femmes et des mineurs dans 9 prisons maintenant achevés et en service, mais aussi 15
jardins subventionnés maintenant en production et suivis par les équipes- terrain. La maison
de correction de Dimbokro, ferme pénitentiaire agropastorale, fonctionne : nous avons
intensifié les élevages de porcs et de poulets traditionnels pour augmenter les recettes et
pérenniser ainsi l’avenir de la ferme qui emploie et forme des détenus en fin de peine avant
leur retour à la vie civile.

Ils poursuivent pour dire : « Au cours de notre mission effectuée en février 2015, nous
avons rencontré les membres des équipes-terrain qui visitent les 22 prisons dans lesquelles
PRSF est présente ; il s'agit d'animer et de motiver ces équipes, mais aussi de leur donner
toutes informations utiles pour qu 'ils puissent remplir leurs actions de bénévolat envers les
détenus, axées sur les thèmes de la justice, de l'hygiène et santé et de la lutte contre l'oisiveté
en prison. Nous avons mis l'accent sur l'organisation d’un concours pour assurer la
pérennité des jardins maraîchers ; ce concours mobilise tous les acteurs qui cultivent ces

Source internet : www.prsforg consulté le 07/05/2015.


5“ PRSF, la lettre du PRSF, n° 45/avril 2015, Paris, P.2.

213
jardins : surveillants, régisseurs, détenus et les membres de PRSF, et permettra ainsi de créer
une saine émulation. Résultat de ce concours fin 2015 yy^^'^.

PRSF intervient en Côte d’ivoire dans les prisons suivantes : Abengourou, Abidjan,
Aboisso, Adzopé, Bassam, Bondoukou, Bouaflé, Bouaké, Dabou, Daloa, Dimbokro, Divo,
Gagnoa, Korhogo, Man, Sassandra, Soubré, Tiassale, Toumodi.

La formation est au cœur de l’action de PRSF afin d’accompagner les visiteurs de prison
dans leurs missions. Ces séminaires sont organisés pour les membres des équipes-terrain et
ouverts au personnel pénitentiaire et au personnel travaillant en détention.
► 2000-20001 : « Rencontre et formation des équipes-terrain et du personnel de
l’Administrationpénitentiaire » avec le soutien financier de l’ambassade de France.
► 2002 : « La dynamique des comités de gestion » avec le soutien financier de l’ambassade de
France.
► 2004 : « Préparer la réinsertion à partir de la prison » avec le soutien financier de
l’ambassade de France.
► 2005-2006 : « La prévention et la lutte contre la détention préventive abusive » dans le
cadre d’un projet financé par l’Union européenne.
► 2010 : « Pourquoi PRSF ? Apports de PRSF dans la vie en prison » avec le soutien
logistique de l’Opération des Nations Unies en Côte d’ivoire (ONUCI).

Dans le cadre du programme P3-7, cofinancé par le Ministère français des Affaires
étrangères et européennes, de 2009 à 2011, des stages ont été consacrés à:
► l’alimentation et la gestion des cultures maraîchères améliorées (Dimbokro).
► L’hygiène santé et la prévention des risques sanitaires en milieu carcéral (Sassandra).
► L’accès au Droit et la compréhension du parcours pénal du prévenu incarcéré (Abidjan).

Lors de leurs interventions régulières, les visiteurs PRSF réalisent différentes actions
qui contribuent à l’humanisation des conditions carcérales telles
que: alphabétisation ,animations sportives ou ludiques ,artisanat, maintien des relations avec
les familles, aide ponctuelle aux libérés, préparation de repas, hygiène santé, accès au
droit, sensibilisation des détenus et des autorités etc.

De manière ponctuelle, avec le soutien de financements extérieurs, des réalisations de plus


grandes ampleurs ont été mises en œuvre :

PRSF, la lettre du PRSF, n” 45/avril 2015, Paris, P.2.

214
► 2004-2006 : création d’un logiciel spécifique pour informatiser les greffes de 22 prisons,
dans le cadre d’un projet financé par l’Union européenne. Ce système permet de veiller au
respect des règles de procédure et d’identifier clairement et instantanément tous ceux et toutes
celles dont la détention préventive est arrivée à terme. Dans le cadre de ce projet, un guide du
détenu a été réalisé en lien avec l’Administration pénitentiaire.
► 2006-2008 : amélioration des conditions de santé et d’hygiène dans 8 prisons sur
financement du Fonds Européen de Développement (FED) ayant pour objectif de réduire le
surpeuplement, améliorer la salubrité, créer des espaces couverts (apatams) ou encore
développer les jardins maraîchers et des élevages. Par ailleurs, cette aide a permis de
réhabiliter les 800 m^ des ateliers de la prison d’Abidjan.
► 2008 : construction d’une école pour la formation du personnel pénitentiaire, avec le
soutien financier de l’ambassade d’Allemagne.
► 2008 : création d’un prototype de récupération de biogaz pour la cuisson en cuisine, avec le
soutien financier de l’ambassade d’Allemagne.
► Réalisation chaque année de micro-projets avec l’ONUCI.
► Construction d’un centre de réinsertion à Yopougon.

Dans le cadre du programme P3-7 (2009 - 2011) :


► Création d’un jardin traditionnel amélioré avec la construction d’une clôture. Fourniture en
semences, outillage et équipement d’arrosage (Dimbokro).
► Fourniture en petit matériel et définition d’un protocole d’hygiène mis en œuvre par le
comité d’hygiène avec la participation des détenus, sous le contrôle d’un médecin-référent
local (Sassandra).
► Accompagnement de l’équipe-terrain par un avocat référent inscrit au Barreau pour
l’examen et le traitement de situations problématiques de détention préventive (Abidjan).^^^

Il faut aussi relever le programme d’appui à la réforme et à la modernisation du


système judiciaire et pénitentiaire, entièrement financé par l’Union Européenne à hauteur de
12 milliards de FCFA. Ce programme a été lancé en juillet 201 Idans le cadre des capacités
des acteurs de la justice, du renforcement du fonctionnement des juridictions, de la facilitation
à l’accès à la justice et de l’amélioration des conditions de détention des établissements
pénitentiaires.

Source internet : www.prsforg consulté le 07/05/2015.

215
Notons également le rôle de l’ONUCI dans le financement de certains programmes
pénitentiaires et de sécurisation des établissements. Elle œuvre pour l’humanisation des
conditions de détentions des prisonniers dans les différents établissements pénitentiaires par
des visites et les recommandations qui en découlent.

Les établissements pénitentiaires de la Côte d’ivoire font l’objet de visites, de


contrôles, d’inspections ; ils suscitent donc une préoccupation pour les autorités, la société
civile et même certains organismes internationaux. Cependant, ils sont organisés
minutieusement en vue d’une gestion efficace des détenus.

216
CHAPITRE II :

L’ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE, DISPOSITIF


SÉCURIATIRE ESSENTIEL DU SYSTÈME PÉNITENTIAIRE

Le système pénitentiaire ivoirien est régi par le décret n® 69-189 du 14 mai 1969
portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution
des peines privatives de liberté, modifié par le décret n° 2002-525 du 11 décembre 2002. Il
constitue à ce jour le texte principal sur lequel la Direction des Affaires pénitentiaires
s’appuie pour gérer le système pénitentiaire. Il est intervenu pour mettre fin aux effets de
l’arrêté n° 134 APB du 20 avril 1951 qui, malgré l’accession de la Côte d’ivoire à
l’indépendance, continuait de réglementer les établissements pénitentiaires.

Cet arrêté n’était plus en harmonie ni avec les institutions administratives et judiciaires
nouvelles, ni avec les dispositions de la loi n® 60-366 du 14 novembre 1960 portant code de
procédure pénale. Après une quarantaine d’années d’existence et malgré une certaine
évolution dans le traitement des individus condamnés à des peines privatives de liberté, le
décret de 1969^®^ demeure de nos jours le seul texte du droit interne ivoirien qui régit tant les

établissements pénitentiaires que les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.
Ce texte réglemente aussi bien minutieusement l’établissement pénitentiaire (section I) que
son fonctionnement (section II).

SECTION I :

LA RÉGLEMENTATION MINITIEUSE DES ÉTABLISSEMENTS


PÉNITENTIAIRES

Selon le Professeur Jean-Marie CARBASSE « l’organisation des prisons a suscité tout


au long du XIJC’ siècle des débats passionnés. De très nombreux ouvrages ont été publiés,
dessinant les premiers traits d'une «science» pénitentiaire. Au départ, l’inspiration est
purement charitable ; c ’est celle, en France, du catholicisme social qui retrouve la vieille

Ce décret existe plus de 40 ans de nos jours, il devrait être actualisé pour mieux tenir compte de certaines
exigences pénitentiaires contemporaines.

217
tradition chrétienne de la peine médicinale. L'enfermement doit déboucher sur l'amendement
du condamné. Mais comment y parvenir si les prisons, mélangeant toutes les catégories de
délinquants en une effrayante promiscuité, ne sont que des foyers de corruption et de
propagation de vice.

À la lumière de cette affirmation, nous pouvons dire qu’une organisation rationnelle et

efficiente de l’établissement pénitentiaire est un gage de l’amendement et de la réinsertion


harmonieuse du délinquant. C’est certainement dans cette logique que le décret de 1969, tel
que modifié par le décret de n° 2002-525 du 11 décembre 2002 prévoit différents types
d’établissements (§1) et les différentes modalités d’admission dans les établissements
pénitentiaires (§11).

SI : Les différents types d’établissements pénitentiaires

L’article 677 du la loi n° 60-366 du 14 novembre 1960 portant code de procédure


pénale dispose : « Les condamnés aux travaux forcés et les condamnés à la réclusion
purgent leur peine dans un Camp Pénal. Il en est de même des condamnés à
l'emprisonnement auxquels il reste à subir une peine supérieure à un an, ou plusieurs peines
dont le total est supérieur à un an, après le moment où leur condamnation, ou la dernière de
leurs condamnations, est devenue définitive.

Les autres condamnés à l’emprisonnement correctionnel sont détenus dans une maison de
correction.

Les condamnés à l'emprisonnement de simple police sont incarcérés dans un quartier


distinct de la maison d'arrêt.

Un même Établissement peut servir à la fois de maison d'arrêt et de maison de correction.

Des annexes aux maisons d'arrêt servant de maison de correction peuvent être créées par
arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.

Les condamnés à la relégation sont internés dans un quartier spécial du Camp Pénal. »

Jean-Marie CARBASSE, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 2^"^^ édition refondue, collection
droit fondamental, PUF, 2000, Paris, P. 446.

218
À la lumière de cet article, il ressort nettement qu’il existe trois types d’établissements

pénitentiaires. Nous avons les maisons d’arrêt (A), les maisons de correction et le camp pénal
(B).

A-Les maisons d’arrêt

Les prisons sont là pour veiller à ce que les délinquants ne constituent pas une
menace ou un danger pour autrui, mais elles doivent également tenter de remettre les
contrevenants sur le droit chemin, de sorte qu’ils puissent un jour réintégrer la société et y
mener une vie productive sans commettre de nouvelles infractions . La prison a pour
finalité de détenir les déviants de la société. Elle a donc pour but de neutraliser ces déviants en
les mettant hors d’état de nuire par la teclinique de l’enfermement.

En conséquence, l’article 3 du décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation


des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté prévoit trois types d’établissement pénitentiaires qui sont : les maisons d’arrêt, les
maisons de correction et les camps pénaux. Les maisons d’arrêt sont destinées selon l’article 4
du décret précité à recevoir les prévenus.

Ces maisons d’arrêt remplissent la finalité originelle voire première de la prison ; elle
ne servait dans la Rome antique qu’à garder les criminels en attente d’être jugés. Les
prisonniers en attente d’être jugés sont nommés par le terme « prévenus». L’article 2 alinéa 2
du décret n° 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires
et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté définit clairement la notion
de prévenu. Ainsi, il dispose : « Sont désignés par le mol prévenus, tous les détenus n'ayant
pas fait l'objet d'une condamnation définitive, aussi bien les inculpés, les prévenus et les
accusés que les condamnés ayant formé appel, opposition ou pourvoi ».

Comme nous le constatons à travers cet article, les maisons d’arrêt sont habilitées à
recevoir également les accusés. Aussi faudrait-il ajouter que les maisons d’arrêt également
appelées maisons de dépôt sont destinées à recevoir les contraignables et les condamnés à
l’emprisonnement de simple police si l’on se réfère à l’article 16 de ce décret qui dispose que

5°^ UNODC (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), op.cit. P.2-3.

219
'.«les individus incarcérés en exécution d'une contrainte par corps et les condamnés à
remprisonnement de simple police sont soumis au même régime que les prévenus ».

En résumé, les maisons d’arrêt sont destinées en règle générale à recevoir les prévenus,
les contraignables (personnes condamnées à une peine pécuniaire et qui n’ont pas pu payer
l’amende ou les dommages et intérêts), les accusés...Ce sont généralement des personnes en
situation de détention préventive en exécution d’un titre ou d’un ordre d’arrêt ou de dépôt.

Les maisons d’arrêt, par opposition aux établissements pour peines, sont des
établissements principalement destinés à recevoir des prévenus incarcérés (détention
provisoire, flagrant délit) et, secondairement, les condamnés à des peines d’emprisonnement
de courte durée.^^^Il n’existe en droit ivoirien que deux maisons d’arrêt, ainsi qu’il résulte de

l’arrêté ministériel n“ 406/MJ du 21 mai 1963 portant classement des établissements


pénitentiaires. Il s’agit des maisons d’arrêt d’Abidjan et de Bouaké.

Par ailleurs, il faut relever que l’ailicle 4 du décret de 1969 et l’alinéa 4 de l’article
677 du code de procédure pénale précisent qu’au siège des juridictions, un même
établissement peut servir à la fois de maison d’arrêt et de maison de correction.

Dans ce contexte, notons que dans les maisons d’arrêt, pour des raisons liées au
surpeuplement, les prévenus ne sont pas séparés des condamnés. Ils sont soumis aux mêmes
modes de gestion que les condamnés. Un autre aspect, non moins important, lié au délai de la
détention préventive mérite d’être soulevé. Les délais de la détention préventive tels que
prescrits par les articles 138, 139, 140 du code de procédure pénale ne sont pas très souvent
respectés. Ainsi, il a été dénombré dans de nombreux établissements des prévenus en
détention injustifiée. Cela peut contribuer à des violations des droits de l’homme ; mais aussi
créer des tensions au sein de la population carcérale qui peuvent déboucher à des révoltes, des
mutineries et évasions.

L’article 3 précité a donc prévu, dans ce contexte, qu’un arrêté du Garde des Sceaux
fixera la liste des établissements et les classera dans une catégorie. Aussi, l’arrêté n° 406
MJ/DAP du 21 mai 1969 portant classement des établissements pénitentiaires, a prévu que
des établissements pénitentiaires servent à la fois de maisons d’arrêt et de correction. Il s’agit
des Maisons d’arrêt et de correction (MAC) d’Agboville, Adzopé, Aboisso, Abengourou,
Bondoukou, Bouaflé, Boundiali, Bongouanou, Dimbokro, Dabou, Divo ,Daloa, Danané,

5“’ Gérard CORNU, op.cit. p568.

220
Gagnoa, Katiola, Korhogo, M ’bahiakro, Man, Odienné, Oumé, Séguéla, Sassandra, Soubré,
Tabou, Tiassalé, Touba,Toumodi.

11 faut relever dans la pratique que tous les établissements pénitentiaires de la Côte
d’ivoire, hormis le camp pénal, remplissent à la fois les fonctions de maison d’arrêt et de
correction. Comme nous le remarquons, outre les maisons d’an'êt, le code de procédure
pénale et le décret n® 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements
pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté, prévoient
également les maisons de correction et le camp pénal.

B-Les maisons de correction et le camp pénal

L’usage de la prison s’est généralisé dans les cours d’Église à partir du XIII® siècle.
Pour les juges d’Église, la prison, dans ses différentes variantes-« mur large », « mur strict »,

« mur très strict »- devait mettre le condamné en situation de méditer sur ses fautes, d’en
éprouver le repentir, de s’ouvrir ainsi la grâce divine ; « le pain de tristesse et l’eau
d’angoisse » qui constituaient l’ordinaire du prisonnier, devaient l’aider à se purifier de ses
fautes, par une ascèse à la fois physique et spirituel.^’”

Ainsi, si l’ancien droit canonique visait à punir le déviant de la société voire le


coupable en lui imposant une pénitence, c’est-à-dire lui faire payer le prix de sa faute, il est
indéniable qu’il visait à le corriger, à le remettre sur le droit chemin voire à l’amender.
L’amendement du délinquant était donc la mission fondamentale assignée à la prison au
moyen-âge par le droit pénal ecclésiastique. C’est dans cette optique qu’au fil du temps a été
institué les maisons de correction en France. L’ancêtre de la maison de correction fut instauré
en 1820-1830 et prévoyait d’incarcérer de jeunes délinquants dans les prisons. Une maison de
correction était une institution destinée à réinsérer des mineurs posant des problèmes de
discipline et de petite délinquance^”.

La mission assignée à ces maisons d’arrêt était de redonner aux jeunes délinquants
une attitude correcte, conforme aux règles, à la bienséance et à la morale. Ces Maisons de
correction avaient donc pour objectifs de corriger une faute voire un comportement blâmable.
Elles étaient destinées donc à corriger les jeunes délinquants de leurs fautes et à les réinsérer

5'° Jean-Marie CARBASSE, op.cit. P.270-271.


5" Source internet :www.google.fr (wikipédia) consulté le 14 /05 /2105.

221
dans la société. De nos jours les maisons de correction des mineurs sont dénommées les
centres d’observation ou centre rééducation voire des centre éducatifs fermés.

Par ailleurs, il existe actuellement des maisons de correction ayant les mêmes
fonctions que celles que nous venons d’analyser dans presque tous les continents. Il ne s’agit
plus des mineurs uniquement mais des adultes de tout genre. En Côte d’ivoire, le décret n° 69-
189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les
modalités d’exécution des peines privatives de liberté, prévoit en son article 3, aussi bien les
maisons d’arrêt que les maisons de correction et les camps pénaux.

Selon l’article 4 du même décret, les maisons de correction et les camps pénaux sont
destinés à recevoir les condamnés notamment ceux qui ont fait l’objet d’un procès équitable
au cours duquel ils ont été passibles d’une peine privative de liberté. Ainsi, les condamnés
sont des personnes ayant fait l’objet d’une condamnation devenue définitive.

En somme. Les maisons de correction et les camps pénaux reçoivent les personnes
condamnées à des peines d’emprisonnement. Les maisons de correction sont destinées donc à
recevoir les condamnés à des peines délictuelles inférieures à un an. Il s’agit notamment des
individus dont le caractère d’extrême dangerosité n’est pas démontré. L’arrêté n° 406
MJ/DAP du 21 mai 1969 portant classement des établissements pénitentiaires a prévu deux
maisons de correction, celles de Grand-Bassam et de Bonoua.

En pratique, comme nous l’avons déjà sus-évoqué, ces maisons de correction servent en
même temps de maison d’arrêt. Cette situation n’est pas contraire à la loi, puisque selon
l’article 4 du décret de 1969, un même établissement peut servir à la fois de maison d’arrêt et
de maison de correction. Aussi, il faut relever qu’en réalité, les maisons de correction
reçoivent les personnes condamnées à des peines délictuelles et criminelles de plus d’un an.

512
Le camp pénal est généralement réservé aux détenus condamnés à des peines
criminelles et des peines conectionnelles supérieures à un an. Il existe un seul établissement
pénitentiaire qui sert de camp pénal en Côte d’ivoire, c’est celui de Bouaké.

De façon générale, aux termes des articles 673 et 677 du code de procédure pénale, la
détention préventive est subie dans une Maison d’arrêt tandis que les peines privatives de

5*2 Ce camp saccagé et détruit pendant la crise électorale de 2010 a été réhabilité et présente un aspect beaucoup
rayonnant de l’extérieur.

222
liberté s’exécutent dans le camp pénal et les Maisons de correction. Par ailleurs, il convient de
relever qu’aucun délinquant ne peut être emprisonné sans un titre de détention.

§11 : Les modalités d’admission et de sortie dans les établissements


pénitentiaires

La prison demeure un monde inconnu, c’est un monde dans le monde où tout ce qui
s’y passe demeure un mystère pour ceux qui n’y ont pas encore séjourné. Dans l’optique de
révéler ce « monde mystérieux » au grand public, VACHERET Marion, LEMIRE Guy. Dans
leur ouvrage Anatomie de la prison contemporaine. Montréal : Presses de l’Université de
Montréal, 2007. 192 p. (Collection Paramètres), synthétisent l’essentiel des connaissances sur
le monde carcéral, le vécu quotidien des détenus, le rôle des surveillants, les relations entre
membres du personnel pénitentiaire et les prisonniers.

Dans cet ouvrage, les auteurs réfléchissent également sur la prison elle-même dans un
contexte de reconnaissance des droits des détenus et de bureaucratisation. Par ailleurs, eu
égard à la complexité et au caractère punitif de ce monde, nul ne peut y entrer sans un titre de
détention légal. Cela constitue, de ce fait, une exigence légale d’admission dans un
établissement pénitentiaire (A). Aussi, la loi organise les formalités de sortie des prisonniers
qui ont exécuté totalement ou partiellement leur peine privative de liberté (B)

A-Les exigences légales d’admission

Le respect des droits de l’homme en prison s’impose dès le début de l’incarcération du


détenu et cela jusqu’à sa libération. La dignité humaine d’un prisonnier doit être reconnue dès
le premier jour de son incarcération. Selon l’une des premières exigences de la procédure
d’admission en prison, il incombe aux autorités pénitentiaires de veiller à ce qu’il existe un
document confirmant le fait que la personne considérée a été privée de liberté par une autorité
judiciaire compétente .

Dans cette logique, pour éviter toute détention arbitraire, l’article 5 du décret n° 69-189
du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les

Nations Unies, les droits de l’homme et les prisons, op.cit. P. 48-49.

223
modalités d’exécution des peines privatives de liberté dispose : « Nul ne peut être incarcéré
dans un Etablissement pénitentiaire s'il n'a fait l'objet :

- D'un mandat de dépôt, d'arrêt ou d'amener ;

-D'un réquisitoire d'incarcération délivré après jugement de condamnation à


l'emprisonnement ;

- D'un réquisitoire d'incarcération délivré en vue de l'exercice de la contrainte par corps ;

- D'une ordonnance de prise de corps ;

- D'un ordre d'arrestation provisoire délivré contre un individu recherché par des Autorités
Judiciaires étrangères ;

- D'un ordre d'incarcération délivré contre un prévenu ayant formé un pourvoi en cassation et
désirant se mettre en état en application de l'article 577 du Code de Procédure pénale.

Nul ne peut être maintenu en détention s'il a fait l'objet d'un ordre de mise en liberté
établi par le magistrat compétent, s'il a exécuté sa peine, ou si sa détention préventive n'a pas
été prorogée dans les conditions fixées par la loi. ». Dans le même contexte: « nul agent de
radministration pénitentiaire ne peut, à peine d’être poursuivi et puni comme coupable de
détention arbitraire, recevoir ni retenir aucune personne qu’en vertu d’un arrêt ou jugement
de condamnation, d’une ordonnance de prise de corps, d’un mandat de dépôt ou d’arrêt, d’un
mandat d’amener lorsque ce mandat doit être suivi d’incarcération provisoire, ou d’un ordre
d’arrestation établi conformément à la loi, et sans que l'inscription sur le registre d'écrou
prévu à l'article précédent ail été faite.

Le mandat de dépôt c’est l’ordre donné par le juge d’instruction au surveillant- chef
d’une maison d’arrêt de recevoir et de détenir un inculpé. Ce mandat permet également de
rechercher ou de transférer l’inculpé lorsqu’il lui a été précédemment notifié. En cas de
flagrant délit, le procureur de la république peut décerner aussi un mandat de dépôt.

Le mandat d’arrêt est décerné par le juge d’instruction contre un individu en fuite. C’est
l’ordre donné par le juge d’instruction à la force publique de rechercher l’individu, de l’arrêter
et de le conduire à la maison d’arrêt indiquée sur le mandat, où il sera reçu et détenu. Le
tribunal coiTectionnel peut également décerner un mandat d’arrêt.

5*'* Article 685 du code de procédure pénale ivoirien

224
Le mandat d’amener, c’est l’ordre donné par le juge d’instruction à la force publique
de conduire immédiatement un inculpé devant lui. Le juge doit immédiatement interroger cet
individu, mais si cet interrogatoire ne peut être fait dans l’immédiat, l’inculpé est conduit à la
maison d’arrêt pour 48h et plus.

Hormis ces titres, il y a également d’autres titres de détention qu’il nous convient
d’analyser. Nous avons d’abord le réquisitoire de contrainte par corps ; ce titre de détention
est délivré par le parquet contre un individu qui ne s’est pas acquitté des condamnations
pécuniaires prononcées contre lui. Ensuite, il y a l’ordonnance de prise de corps qui est
décernée par la chambre d’accusation contre un individu accusé de crime et qui se trouve en
liberté.

Enfin, nous avons le réquisitoire d’incarcération qui est délivré par le parquet après un
jugement de condamnation à l’emprisonnement ferme définitif. On peut également ajouter
l’ordre d’arrestation provisoire délivré contre un individu recherché par des autorités
judiciaires étrangères, l’ordre d’incarcération délivré contre un prévenu ayant formé un
pourvoi en cassation et désirant se mettre en état en application de l’article 577^’5 du code de

procédure pénale. Aussi, il faut relever que dans le prolongement des titres de détention,
l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Règle 7 exige un registre
d’écrou: « (1) Dans tout endroit où des personnes sont détenues, il faut tenir à jour un registre
relié et coté indiquant pour chaque détenu:

(a) Son identité;

(b) Les motifs de sa détention et l’autorité compétente qui l’a décidée;

(c) Le jour et l’heure de l’admission et de la sortie;

(2) Aucune personne ne peut être admise dans un établissement sans un titre de détention
valable, dont les détails auront été consignés auparavant dans le registre. ».

5'5 Article 577(loi n° 62-231 du 29/06/1962) : « Sont déclarés déchus de leur pourvoi les condamnés à une peine
emportant privation de liberté pour une durée de plus de six mois, qui ne sont pas en état ou qui n'ont pas obtenu,
de la juridiction qui a prononcé, dispense, avec ou sans caution, de se mettre en état. L'acte de leur écrou ou
l'arrêt leur accordant la dispense est produit devant la Cour Suprême, au plus tard au moment où l'affaire y
est appelée. Pour que son recours soit recevable, il suffit au demandeur de justifier qu'il s'est constitué dans une
maison d'arrêt soit du lieu où siège la Cour Suprême, soit du lieu où a été prononcée la condamnation ;
le surveillant-chef de cette maison l'y reçoit sur l'ordre du Procureur Général près la Cour d'Appel ».

225
Selon l’article 10 de la Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les
disparitions forcées, le registre d’écrou « doit être tenu à jour dans tout lieu de détention. En
outre, tout Etat doit prendre des mesures pour tenir des registres centralisés de ce type ».

Le détenu, dès son admission, doit bénéficier d’un examen médical conformément à
l’ensemble de règles minima pour le traitement : « Le médecin doit examiner chaque
détenu aussitôt que possible après son admission et aussi souvent que cela est
nécessaire ultérieurement, particulièrement en vue de déceler Vexistence possible d'une
maladie physique ou mentale, et de prendre toutes les mesures nécessaires; d'assurer la
séparation des détenus suspects d'être atteints de maladies infectieuses ou contagieuses; de
relever les déficiences physiques ou mentales qui pourraient être un obstacle au reclassement
et de déterminer la capacité physique de travail de chaque détenu ^^^». Le détenu, après avoir

purgé sa peine, retrouve sa en liberté. Il convient d’analyser les formalités légales de cette
sortie de prison

B-Les formalités légales de sortie

La Prison, en tant qu’instrument de défense sociale voire d’utilité sociale, doit pouvoir
sanctionner le délinquant pour la faute qu’il a commise. Elle doit, en outre, être en mesure de
l’amender et surtout de réinsérer dans la société après avoir exécuté sa peine. La réinsertion
dans la société du délinquant est un critère qui permet de savoir si la prison à vraiment rempli
sa mission de défense sociale, car elle doit être en mesure d’éviter toute récidive de la part de
celui-ci.

C’est sans doute dans cette logique que CHAOUAT Bernard (Dir.), DESTOT Michel
(Préface.) ont écrit l’ouvrage Reconstruire sa vie après la prison : quel avenir après la
sanction ? Paris : Editions de l'Atelier, 2011. 309 p. Cet ouvrage collectif s’interroge sur
l’avenir du délinquant après sa libération de la prison. Il relate le parcours du prisonnier
depuis la prononciation de peine jusqu'à la réinsertion sociale, la sociologie des prisons, les
politiques publiques judiciaires.

La préparation à la remise en liberté inclut souvent la possibilité pour les détenus de


quitter la prison durant la journée, avant la date de leur libération. On peut utiliser ces sorties

Règle 24 de l’ensemble de règles minima pour le traitement.

226
pour leur donner la possibilité de suivre un stage de formation ou pour acquérir de nouvelles
aptitudes professionnelles, parfois dans un lieu de travail où ils pourront continuer à travailler
après leur libération. Il est souvent nécessaire de préparer les détenus avec sensibilité,
notamment ceux qui ont servi une peine longue et qui rentrent chez eux. Cette préparation
peut s’avérer essentielle, non seulement pour le détenu mais aussi pour d’autres membres de
sa famille qui ne sont plus habitués à la présence parmi eux du membre de la famille qui se
trouvait en prison. Un moyen d’y parvenir est d’autoriser le détenu à rentrer régulièrement
chez lui pendant quelques jours à la fois lorsqu’il arrive à la fin de sa peine.

Aussi, le Principe 10 des Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus


énonce : « Avec la participation et l’aide de la collectivité et des institutions sociales et en
tenant dûment compte des intérêts des victimes, il faut instaurer un climat favorable à la
réinsertion de l’ancien détenu dans la société dans les meilleures conditions possibles ». Outre
l’exécution complète de la peine, d’autres sont prévues par le décret de 1969 et certaines
conventions internationales pour anticiper la libération du détenu en vue de faciliter sa
réinsertion.

La libération anticipée peut prendre diverses formes. Elle va de l’assouplissement du


régime d’incarcération qui permet au détenu un certain accès, limité toutefois, à la
communauté par une libération conditionnelle jusqu’à une libération conditionnelle anticipée.
Toutes ces mesures vont dans le sens de l’objectif plus général de réduire le recours à
l’emprisonnement et de faciliter au bout du compte le retour des détenus dans la société et
leur bonne réinsertion.^’^

Nous pouvons citer comme mesures permettant une réinsertion plus commode du
détenu la permission de sortir et le placement à l’extérieur. La permission de sortir est une
brève période d’autorisation de sortir de la prison en cours de peine pour des cas de maladie
grave ou décès d'un ascendant, d'un descendant ou du conjoint ; mariage du détenu ; visite à
un employeur éventuel ; présentation aux épreuves d'un examen ou d'un concours ; sortie les
dimanches et jours fériés ou chômés des condamnés déjà admis au régime de la semi-liberté
selon l’article 26 du décret de 1969.

Quant au placement à l'extérieur, il consiste dans l'emploi de condamnés à des travaux


surveillés effectués hors de l'enceinte de la prison. La décision de placement est prise par le

5’’ Andrew COYLE, op.cit. P.94.


UNODC (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), op.cit. P.l 17.

111
régisseur (article 24 du décret précité). Il y a également la libération pour travail ou
éducation (les prisonniers sont autorisés à sortir provisoirement de prison pour travail ou
études, tout en conservant le statut de “détenu”).

La libération conditionnelle visée par les articles 689 à 693 du code de procédure
pénale est une mesure dont peuvent bénéficier les condamnés ayant donné des preuves
suffisantes de bonne conduite et présentant des gages sérieux de réadaptation sociale. Elle
suppose de ce fait une libération par anticipation. La semi-liberté prévue par l’article 683 du
code de procédure pénale, est une mesure comportant le placement au dehors du condamné,
sans surveillance continue et dans les conditions de travail des salariés libres, avec toutefois
l’obligation de réintégrer la prison chaque soir et d’y passer les jours fériés

La Remise de peine est une mesure permettant au détenu d’être libéré sans
conditions avant d’avoir fini de purger sa peine, ce qui revient à une libération non
conditionnelle; parfois la remise de peine est accordée pour bonne conduite en prison;
il peut se faire que des conditions soient liées à la libération. La Grâce, signifie
d’ordinaire la libération après retour sur le jugement ou abandon de la condamnation,
et revient à une libération non conditionnelle.

À la lumière de ce qui précède, il faut noter que La grande majorité des détenus sont,

à terme, libérés. Ainsi, une libération conditionnelle facilite leur intégration dans la
communauté et offre à la société une meilleure protection parce qu’elle rend moins probable
que les anciens délinquants reprennent leur activité criminelle.

Les bons programmes de libération conditionnelle sont habituellement précédés par


des programmes de pré -liberté pour préparer le détenu à revenir dans la société, sous
tutelle professionnelle (avec ou sans l’aide de bénévoles et habituellement en
collaboration avec la police), et avec diverses formes de soutien visant à faciliter la
réintégration sociale.^Pour permettre aux détenus d’avoir une bonne santé afin de faciliter

leur réinsertion, il est exigé un examen et un traitement médical approprié dans un délai aussi
bref que possible après leur incarcération. Cela dit, comment se présente le fonctionnement
des établissements pénitentiaires ?

UNODC (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), op.cit. P. 117-118.

228
SECTION n :

LE FONCTIONNEMENT DE L’ÉTABLISSEMENT
PÉNITENTIAIRE

Le service public pénitentiaire participe à l’exécution des sentences pénales et au


maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion sociale des personnes confiées par
l’autorité judiciaire. Dans sa contribution à l’objectif général de sécurité publique, la
Direction de l’Administration pénitentiaire à une double mission : la garde des personnes
placées sous mains de justice et la préparation de leur insertion.

Pour atteindre ces objectifs, la DAP s’appuie sur son personnel notamment le personnel
pénitentiaire qui joue un rôle indispensable dans la surveillance et la gestion des prisonniers
(§1). Ce personnel participe au fonctionnement régulier des établissements pénitentiaires en
menant des activités dans le cadre de l’organisation et la gestion du monde carcéral (§11).

SI : Le personnel pénitentiaire

Le personnel pénitentiaire a pour mission de :

-Sécuriser les établissements pénitentiaires ;

- Surveiller les détenus, d’éviter les évasions et de maintenir le bon ordre et la sécurité à
l’intérieur des établissements pénitentiaires ;

- Assurer les activités éducatives, la formation professionnelle et l’organisation du travail des


détenus ;

-Gérer les établissements pénitentiaires ; c’est-à-dire de prendre en charge la tenue des


registres et tout ce qui concerne l’alimentation, l’hygiène et l’entretien des détenus ;

-Préparer à l’insertion ou à la réinsertion sociale.

Eu égards à ces missions, le personnel pénitentiaire est composé selon l’innovation


apportée par le décret du 8 novembre 2007 de l’emploi d’agents encadrement des

52° Nous avons regroupé toutes les activités du personnel pénitentiaire (agents d’encadrement, contrôleurs, et le
personnel spécialisé).

229
établissements pénitentiaires (AEEP), l’emploi de contrôleurs des établissements
pénitentiaires (CEP), l’emploi d’attaché des services pénitentiaires, et l’emploi
d’administrateur des services pénitentiaires. Ils font partis des emplois à caractère juridique et
administratif. Ils sont donc régis par le statut général de la fonction publique (article l®*" de la
loi n° 92-570 du 11 septembre 1992). À ceux-là, il faut ajouter une autre catégorie de

personnel intervenant dans des domaines techniques.

Ainsi, nous avons comme personnel pénitentiaire, le régisseur (A), les agents
d’encadrement et les contrôleurs des établissements pénitentiaires (B) et un personnel
spécialisé dans des domaines techniques (C).

A-Le régisseur

Chaque établissement pénitentiaire est dirigé par un régisseur qui en est le responsable
voire le chef. Il est nommé parmi les attachés des services pénitentiaires. Il est placé sous
l’autorité et le contrôle du procureur de la république ou du juge de section de la juridiction à
laquelle il est rattaché. Il relève de l’autorité administrative directe du Directeur de
l’Administration Pénitentiaire dont il reçoit les instructions et à qui il rend compte
périodiquement :

(1) « Le directeur d’un établissement doit être suffisamment qualifié pour sa tâche par son
caractère, ses capacités administratives, une formation appropriée et son expérience dans ce
domaine. »

(2) « Il doit consacrer tout son temps à sa fonction officielle; celle-ci ne peut être accessoire. »

(3) « Il doit habiter l’établissement ou à proximité immédiate de celui-ci. »

(4) « Lorsque deux ou plusieurs établissements sont sous l’autorité d’un seul directeur, celui-
ci doit les visiter chacun à de fréquents intervalles. Chacun de ces établissements doit avoir à
sa tête un fonctionnaire résident responsable Ainsi, le régisseur doit être nommé à plein
temps et gérer en bon père de famille voire avec conscience et professionnalisme
l’établissement pénitentiaire.

Règle 50 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

230
La fonction de régisseur exige par conséquent un certain humanisme et consécration de
la part de ceux qui l’exercent. Dans cette logique que deux anciens directeurs de prison DE
CONINCK, Gérard et LEMIRE, Guy dans leur ouvrage, Être directeur de prison : regards

croisés entre la Belgique et le Canada - 2011, relate Sous forme de dialogue, la dimension
humaine de cette fonction, et, par leur expérience acquise de cette fonction font des
propositions pour ramener l’humain et le bon sens dans cet espace de vie qu’est la prison.
Dans le même ordre d’idées, MAUREL, Olivier, écrit Le taulier : corifessions d'un directeur
de prison. Paris : Fayard, 2010. 244 p.

À travers le récit de situations extrêmes qu'il a vécues, il fait part de son métier de

directeur de prison, et décrit les actions menées en vue de tenir à l'écart de la société des
personnes condamnées, ainsi que les actions propres à favoriser leur réinsertion. Ainsi, le
régisseur voire le directeur d’une prison assure la bonne marche du service pénitentiaire en
veillant à la régularité des activités menées dans son établissement. Il doit veiller à la sécurité
et à l’hygiène des locaux, ainsi il doit assurer une stricte application des instructions relatives
au maintien de l’ordre dans la prison qu’il dirige. Dans ce cas, il est disciplinairement
responsable des incidents ou des évasions imputables à sa négligence ou l’inobservation des
règlements.

Il ordonne et exécute les dépenses nécessaires au bon fonctionnement de


l’établissement. Une partie des charges que doivent assumer les directeurs de prison seront
allégées par les alliances qu’ils pourront nouer avec d’autres responsables, à l’intérieur et en
dehors de l’institution. Ils doivent devenir experts dans l’établissement de bonnes
relations avec d’autres organismes gouvernementaux, en particulier dans le système de justice
pénale, ainsi qu’avec les organisations non gouvernementales qui peuvent appuyer les
programmes carcéraux et la communauté. Leur succès dépendra en partie de leur capacité de
collaborer avec d’autres agences gouvernementales et avec la société civile, et d’accéder aux
ressources nécessaires provenant des agences gouvernementales, des organismes
internationaux et des groupes de la communauté pour soutenir les réformes qu’ils
S22
proposent.

En cas d’évasion, il avise immédiatement les services de police et de gendarmerie, le


chef de la circonscription administrative et le magistrat compétent. 11 doit adresser un compte
rendu au ministre de la justice et au chef du parquet en faisant ressortir, notamment si la

522 UNODC (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), op.cit. P.20.

231
responsabilité du personnel de surveillance lui paraît engagée. 11 a une compétence
disciplinaire à la fois sur ses collaborateurs et les détenus. A ce titre, en vertu de l’article 22
du décret du 14 mai 1969, le régisseur décide du passage d’un détenu d’une division à une
autre.

Selon l’article 42 du même décret, il veille à ce qu’aucune arme, aucun instrument


dangereux, notamment les rasoirs, les couteaux ne soient laissés à la disposition des détenus
ni même à leur portée. Il visite également les dortoirs, les ateliers, les réfectoires quand ils ne
sont pas utilisés ou occupés par les détenus. Le régisseur peut infliger des punitions ou
sanctions à l’encontre des détenus (réprimande, la privation pour une période ne dépassant pas
deux mois, de tabac, vivres ou de colis venant de l’extérieur ; l’interdiction pour une période
ne dépassant pas deux mois de correspondance ou de recevoir des visites...).

En cas de décès d’un détenu, il doit en faire la déclaration à l’officier d’état civil, aviser
la famille du décédé et rendre compte au garde des sceaux et au magistrat compétent. Il tient
sous son autorité le registre d’écrou. Il a également sous son autorité les surveillants et le
personnel spécialisé.

B-Les agents d’encadrement et les contrôleurs des établissements


pénitentiaires

Le personnel de surveillance comprenait communément les surveillants-chefs et les


surveillants. Avec le décret du 8 novembre 2007, les surveillants-chefs sont rangés dans la
catégorie des contrôleurs des établissements pénitentiaires et les surveillants, dans la catégorie
d’agents d’encadrement des établissements pénitentiaires. Les contrôleurs sont les chefs
hiérarchiques des agents d’encadrement.

Les contrôleurs des établissements pénitentiaires catégorie B, grade B3 assurent les


fonctions d’application consistant à traduire en mesure particulière les principes généraux
arrêtés. Ils supervisent le travail des agents d’encadrement, participent à la gestion
administrative de l’établissement. Ils organisent de jour comme de nuit les brigades de
surveillance et de garde de détenus en collaboration avec les agents d’encadrement.

52’Stéphane KOÜADIO GBOKO, cours de déontologie et éthique pénitentiaire (AEEP), 2012, P.7.

232
Les agents d’encadrement des établissements pénitentiaires, catégorie C, grade C3,
assurent la garde des détenus, maintiennent l’ordre et la discipline, veillent à la bonne
exécution du travail et concourent au fonctionnement administratif des établissements
pénitentiaires sous la supervision de leurs supérieurs hiérarchiques. Ils doivent exécuter leurs
missions dans le respect des instructions, des lois et règlements de la république, des droits
humains ainsi que du code de déontologie des personnels pénitentiaires.

Les contrôleurs et les agents d’encadrement doivent sécuriser les établissements


pénitentiaires et gérer les détenus tout en se conformant aux principes essentiels des droits de
l’homme. C’est dans cette logique, que LAMBERT, Christophe, ancien surveillant des
prisons, dans son ouvrage Derrière les barreaux - 1999 témoigne de la nécessité de l’écoute,
d’accorder une certaine considération aux détenus. Sans rejeter le principe de la privation de
liberté, il plaide pour que la peine s’en tienne à cette seule privation. Les prisonniers doivent
être traités avec humanité.

Ainsi « Dans l’accomplissement de leur devoir, les responsables de l’application des


lois doivent respecter et protéger la dignité humaine et défendre et protéger les droits
fondamentaux de toute personne. » De même « Les responsables de l’application des lois
peuvent recourir à la force seulement lorsque cela est strictement nécessaire et dans la
mesure exigée par l’accomplissement de leurs fonctions. À ce titre, ils ne doivent utiliser

la force envers les détenus, qu’en cas de légitime défense, de tentative d’évasion ou de
résistance.

En dernière analyse, le personnel peut assurer le contrôle des détenus par des moyens
coercitifs, toutefois, cette méthode ne doit pas constituer la règle^^^. Dans cette logique, le
principe 4 des principes de base pour le recours à la force et l’utilisation des armes à feu
stipule :« Les responsables de l'application des lois, dans l’accomplissement de leurs
fonctions, auront recours autant que possible à des moyens non violents avant défaire usage
de la force ou d’armes à feu. Ils ne peuvent faire usage de la force ou d’armes à feu que si les
autres moyens restent sans effet ou ne permettent pas d'escompter le résultat désiré ».

Aussi, « Les responsables de l’application des lois ne doivent pas faire usage d’armes
à feu contre des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre

52“’ Stéphane KOÜADIO GBOKO, cours de déontologie et éthique pénitentiaire (AEEP), 2012, P.7.
525 Article 2 du code de conduite pour les responsables de l’application des lois.
52^ Article 3 du code de conduite pour les responsables de l’application des lois.
522 Nations unies, le5 droits de l’homme et les prisons, op.cit. P.95.

233
une menace imminente de mort ou de blessure grave, ou pour prévenir une infraction
particulièrement grave mettant sérieusement en danger des vies humaines, ou pour procéder à
l’arrestation d’une personne présentant un tel risque et résistant à leur autorité, ou l’empêcher
de s’échapper, et seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes pour
atteindre ces objectifs. Quoi qu’il en soit, ils ne recourront intentionnellement à l’usage
meurtrier d’armes à feu que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies
humaines »

Dans le même ordre d’idées «.Aucun responsable de l’application des lois ne peut
infliger, susciter ou tolérer un acte de torture ou quelque autre peine ou traitement cruel,
inhumain ou dégradant, ni ne peut invoquer un ordre de ses supérieurs ou des circonstances
exceptionnelles telles qu ’un état de guerre ou une menace de guerre, une menace contre la
sécurité nationale, l’instabilité politique intérieure ou tout autre état d’exception pour
justifier la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Les contrôleurs et les agents d’encadrement doivent gérer les établissements


pénitentiaires ; c'est-à-dire prendre en charge la tenue du registre d’écrou et des autres
registres ainsi que des dossiers individuels de chaque détenu et des comptes rendus divers. Par
ailleurs, ils participent aux activités ordonnées par le juge de l’application des peines.

Dans l’exercice de leurs fonctions, il leur est formellement interdit de se livrer à des
actes de violence sur les détenus, d’user à leur égard des dénominations injurieuses, d’un
langage grossier ou familier, de manger, boire ou s’entretenir familièrement avec les détenus
ou avec les membres de leur famille, leur amis et visiteurs, de fumer à l’intérieur de la prison
ou d’y paraître en état d’ébriété, de faciliter toute transmission de correspondance, de
recevoir des détenus, de leur parent ou amis des dons...

Cela dit, pour palier le nombre insuffisant des agents d’encadrement et de


contrôleurs insuffisant, le gouvernement s’est employé à y remédier par le recrutement massif
d’ex combattants de la crise de 2002. Hormis ceux-ci, il y a un personnel spécialisé dans des
domaines techniques qui travaille dans les établissements pénitentiaires.

Principe 4 des principes de base pour le recours à la force et l’utilisation des armes à feu.
52’ Article 5 du code de conduite pour les responsables de l’application des lois.

234
c - Le personnel spécialisé dans des domaines techniques

Le paragraphe 1 de l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme


garantit à tous, notamment aux détenus : « Le droit à un niveau de vie suffisant pour .... sa
santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment ..., les soins médicaux ainsi que pour les
services sociaux nécessaires » ; en outre, le paragraphe 1 de l’article 12 du Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels reconnaît le droit à la santé de toute
personne, notamment des détenus. Le principe 9 des Principes fondamentaux relatifs au
traitement des détenus prévoit que « Les détenus ont accès aux services de santé existant dans
le pays, sans discrimination aucune du fait de leur statut juridique ».

C’est sous l’impulsion de ces normes internationales certainement que le décret n” 69-
189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les
modalités d’exécution des peines privatives de liberté a prévu un personnel spécialisé dans
des domaines techniques auprès des établissements pénitentiaires. Ainsi, il existe selon
l’importance de la prison, un personnel technique, spécialisé qui assure la formation
professionnelle des détenus notamment en mécanique, menuiserie, couture, activités
potagères dans le but de la réinsertion sociale des détenus.

Il assure également les activités éducatives. Il y a également un personnel socio-éducatif


composé de travailleurs sociaux chargés de la réinsertion des détenus et un personnel soignant
à temps plein ou à temps partiel (infirmiers, sages-femmes, médecins, travailleurs sociaux,
psychiatres, psychologues) dont le déficit préoccupe l’Administration centrale. Leur rôle est
capital car le but de la peine est de punir, de corriger et de réinsérer le détenu.^^^

En conséquence, l’article 115 du décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation


des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté dispose que : « sont assimilés aux personnes attachées d’une façon permanente à
l'Etablissement : les médecins et infirmiers désignés par le service de santé pour visiter les
prisons, les assistants sociaux des services spécialisés dans l’assistance aux détenus, les
ministres des cultes assurant le service des offices religieux de l’Etablissement, les visiteurs
de prisons. »

5^°Auriane DAMEZ, mémoire de master 2 droit pénal et sciences pénales, thème : criminalité et prison,
université paris II panthéon-Assas, 2009-2010, P. 3.

235
Dans le domaine de la santé, toutes les prisons doivent être dotées des équipements de
santé et du personnel médical appropriés pour répondre à un ensemble de besoins en matière
de santé, notamment de soins dentaires et psychiatriques. Les détenus malades qui ne peuvent
être soignés en prison, par exemple, ceux souffrant de maladie mentale, doivent être transférés
dans un hôpital pénitentiaire spécialisé.

Ainsi, « Les médecins et infirmiers sont attachés à temps complet ou à temps partiel
aux principaux Etablissements. Dans les autres Etablissements les détenus sont conduits à la
consultation du médecin désigné à cet effet » et « Chaque Etablissement doit être pourvu
d'une infirmerie permettant de dispenser des soins courants et ceux de première urgence.
Dans les Etablissements les plus importants, l'infirmerie doit comporter plusieurs lits ^^^».

Aussi faudrait-t-il affirmer que le personnel soignant détaché auprès d’un


établissement pénitentiaire doit apporter à tous les détenus sans discrimination aucune les
soins de santé appropriés. En ce qui concerne les activités socio-culturelles et éducatives. Le
droit des détenus à ces activités est également inscrit dans le principe 6 des Principes
fondamentaux relatifs au traitement des détenus : « Tous les détenus ont le droit de participer
à des activités culturelles et de bénéficier d’un enseignement visant au plein épanouissement
de la personnalité humaine »

Pour le cas des mineurs spécialement, la règle 26 alinéa 2 de l’ensemble des règles
minima des nations unies concernant l’administration de la justice pour mineurs ( règles de
Beijing) stipule que : « Les jeunes placés en institution recevront l’aide, la protection et toute
l’assistance sur le plan social, éducatif, professionnel, psychologique, médical et physique
qui peuvent leur être nécessaires eu égard à leur âge, à leur sexe et à leur personnalité et dans
l’intérêt de leur développement harmonieux. » Ainsi, il leur est affecté un personnel
spécialisé. L’article 36 du décret de 1969 dispose que : « leur surveillance est assurée par des
éducateurs spécialisés qui dirigent leur activité et observent leur comportement pour en faire
rapport au juge des enfants ».

Il faut ajouter parmi le personnel spécialisé, les assistants sociaux qui jouent un rôle
indéniable dans l’écoute et le suivi moral et social des détenus. « Les assistants sociaux et
assistantes sociales tiennent au moins une fois par semaine une permanence dans chaque

Article 152 du décret n° 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et
fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.
Article 153 du décret n” 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et
fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.

236
Établissement. Les détenus qui désirent s'entretenir avec eux doivent s'inscrire à l'avance

auprès du chef d'Etablissement Il faut relever que la prison n’est pas conçue
exclusivement pour exclure les détenus de la société. Ceux- ci font partie de la société bien
qu’ayant transgressé la loi. Ainsi, des assistants sociaux doivent collaborer avec chaque
établissement pénitentiaire et avoir pour mission de maintenir, améliorer les relations du
détenu avec sa famille et avec les organismes sociaux qui peuvent lui être utiles.

De façon générale, le personnel pénitentiaire est la pièce maîtresse de la Direction des


Affaires Pénitentiaires dans la mission de défense sociale qui lui est assignée. Ce personnel
contribue largement au maintien de la sécurité publique et la réinsertion des ex-prisonniers. Il
est donc amené à mener des activités au sein de l’établissement pénitentiaire pour une bonne
gestion des détenus dont il a la charge.

§11 : Les activités du personnel pénitentiaire

Le personnel pénitentiaire est un maillon essentiel du système pénitentiaire ivoirien, car


c’est à lui que revient la garde des déviants de la société et l’amendement, la réinsertion de
ceux-ci. Il joue, par conséquent, un rôle sécuritaire et social. Dans l’accomplissement de sa
mission, il est soumis à des obligations. Ainsi, chaque agent pénitentiaire doit assurer
correctement son service et doit obéissance à ses supérieurs hiérarchiques sauf si l’ordre est
manifestement contraire à la loi. Il est soumis à l’obligation de discrétion professionnelle
c’est-à-dire qu’il doit garder confidentiel des faits et certaines informations dont il a eu
connaissance à l’occasion de son travail.

Il est également soumis à l’obligation d’impartialité et de neutralité, il doit de ce fait


traiter tous les détenus sur un pied d’égalité sans tenir compte de leurs liens familiaux ; des
opinions politiques ou religieuses ou même des affinités personnelles. En outre, toujours dans
le cadre de leur service, le personnel pénitentiaire a pour obligation de mener certaines
activités au sein de la prison notamment la tenue de l’écrou (A), la tenue des dossiers
individuels des détenus et les comptes rendus divers (B). Il est tenu aussi à l’instauration du
règlement intérieur de la prison et à en assurer son respect (C).

Article 165 du décret n” 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et
fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.

237
A-La tenue de l’écrou

Le personnel pénitentiaire doit constamment se conformer aux principes directeurs de


la profession pénitentiaire car c’est de son humanité, de son intégrité, de son aptitude
professionnelle et de ses capacités professionnelles que dépend la bonne gestion des
établissements pénitentiaires. Cette bonne gestion se traduit par la tenue de certains registres
notamment le registre de l’écrou. L’écrou est un acte authentique constatant officiellement
l’entrée et la sortie d’un prisonnier dans une prison et établissant ainsi à tout instant la
position pénitentiaire de ce détenu^^"*.

Le registre de l’écrou est donc un acte d’enregistrement officiel du détenu incluant la


date et les causes de l’emprisonnement. Il est ainsi prescrit par l’article 684 du code de
procédure pénale qui dispose : « Tout établissement pénitentiaire est pourvu d'un registre
d'écrou signé et paraphé à toutes les pages par le Procureur de la République ou le juge de
Section. Dès réception d'un arrêt ou d'un jugement de condamnation, d'une ordonnance de
prise de corps, d'un mandat de dépôt ou d'arrêt, d'un mandat d'amener lorsque ce mandat
doit être suivi d'incarcération provisoire, ou d'un ordre d'arrestation établi conformément à
la loi, le chef d'établissement est tenu d'inscrire sur le registre l'acte qui lui est remis. En cas
d'exécution volontaire de la peine, le chef de l'établissement recopie sur le registre d'écrou
l'extrait de l'arrêt ou du jugement de condamnation qui lui a été transmis par le Procureur
Général, par le Procureur de la République ou le juge de Section. En toute hypothèse, avis de
l'écrou est donné par le chef de l'établissement, selon le cas, au Procureur Général, au
Procureur de la République ou au juge de Section. Le registre d'écrou mentionne également
en regard de l'acte de remise la date de la sortie du détenu, ainsi que, s'il y a lieu, la décision
ou le texte de la loi motivant la libération ».

À la lumière de cet article, le registre de l’écrou est un document légal et indispensable

au bon fonctionnement de la prison. Ce registre permet d’avoir toutes les informations sur
l’incarcération du détenu notamment sa date d’entrée, les chefs d’inculpation prononcés
contre lui, sa date de sortie. « Seront dûment consignés :

a) Les motifs de l'arrestation;

b) L'heure de l'arrestation, l'heure à laquelle la personne arrêtée a été conduite dans un lieu
de détention et celle de sa première comparution devant une autorité judiciaire ou autre;

Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12*' édition, 1999, P.217.

238
c) L’identité des responsables de l’application des lois concernés;

<3C

d) Des indications précises quant au lieu de détention.

Il permet de répertorier les détenus en fixant leur identité, le jour et la date de leur
entrée en prison, le type et la nature de la détention. L’article 90 du décret n°69-189 portant
réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines
privatives de liberté énumère les indications contenues dans le registre d’écrou. Il dispose à
cet effet : « Les registres d’écrou mentionnent :

- Les noms, prénoms, surnoms du détenu, le lieu et la date de sa naissance, les noms et
prénoms de ses père et mère, sa profession, son dernier domicile ;

- La date à laquelle il a été écroué ;

- La nature de l’inculpation dont il fait l’objet ;

- La date du titre de détention, la qualité et le nom du magistrat qui l’a décerné ainsi que la
référence de toute ordonnance relative à la détention ;

- La date et la nature de la condamnation et l’indication du Tribunal qui l’a prononcée ;

- La date de libération du détenu ;

- Le numéro et la date du procès-verbal de notification de l’arrêté d’interdiction de séjour ;

- Mention de la division à laquelle appartient le condamné ainsi que de toute mesure


progressive dont il pourrait bénéficier ».

Le registre d’écrou est de ce fait un fichier détaillé sur le détenu. Il est tenu sous
l’autorité du régisseur et il est présenté pour des contrôles de visa aux autorités judiciaires
lors de leurs visites dans l’établissement pénitentiaire. Selon l’article 89 du décret de 1969, un
même registre d’écrou sert aux prévenus et aux condamnés tandis que les contraignables et les
détenus de passage font l’objet d’inscription sur des registres distincts. Le registre d’écrou
permet au personnel pénitentiaire d’agir ouvertement, dans la légalité car il est fondamental
que les citoyens aient foi en l’honnêteté et en l’intégrité du personnel chargé de l’exécution
des peines privatives de liberté.

Principe 12 al.l de l’ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme
quelconque de détention ou d’emprisonnement.

239
L’écrou, bien qu’étant un document indispensable à la gestion efficiente des détenus,
n’est pas le seul registre ; il existe également d’autres registres concernant les dossiers
individuels des détenus. A cela, il faudrait ajouter divers comptes rendus du personnel
pénitentiaire quant à la gestion de l’établissement pénitentiaire.

B-La tenue des dossiers individuels et les comptes rendus divers

La tâche confiée au personnel pénitentiaire n’est pas seulement sur le volet sécuritaire
et social. Il exerce également une activité administrative pour une gestion efficace de
l’établissement pénitentiaire. À ce titre, outre le registre d’écrou^^^ dont la tenue est

indispensable, le personnel pénitentiaire gère 17 autres registres qui sont notamment :

-le Registre d'arrivée et de départ de la correspondance ;

- le Registre alphabétique des détenus ;

- le Registre du contrôle numérique et nominatif des entrants et des sortants ;

- le Registre des sommes et des objets déposés par les détenus au Greffe ;

- le Registre des mandats et des recommandés ;

-le Registre des pécules destiné à faire apparaître pour chaque détenu le solde de son compte ;

- le Registre des punitions et récompenses ;

-Registre des visites médicales ;

- le Registre des décès ;

- le Registre des libérations conditionnelles ;

- le Registre des évasions ;

- le Registre des transfèrements ;

-le Registre des circulaires et des notes de service ;

Écrou est dérivé du verbe écrouer qui signifie emprisonner. Le registre d’écrou demeure donc le document
officiel indispensable qui permet d’avoir toutes les informations sur le détenu.

240
-le Registre des dépenses et des crédits délégués ;

-le Registre inventaire du matériel non consommable ;

- le Registre de la situation des magasins en matériel consommable ;

-Registre des vivres.

Ces registres sont prescrits et prévus par l’article 92 du décret n%9-189 portant
réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines
privatives de liberté. Comme nous le remarquons, ces registres participent considérablement à
la bonne administration de l’établissement pénitentiaire. Ils permettent de suivre de façon
minutieuse l’entrée, le séjour en prison et éventuellement la libération du détenu de la prison.

Parmi ces registres, il y a certains qui constituent des dossiers individuels des détenus
comme par exemple le registre des transfèrements, des évasions, des libérations
conditionnelles, des décès, des visites médicales, des punitions et des récompenses, des
sommes déposés et objets déposés par les détenus au greffe, le registre du contrôle numérique
et nominatif des entrants et sortants. Ainsi, il est établi au greffe de la prison un dossier
individuel pour chaque détenu. Ce dossier le suit dans toutes les étapes de sa vie carcérale et
dans les autres prisons où il peut être transféré. « Le dossier individuel comporte notamment :

- La fiche signalétique comprenant le relevé de ses empreintes digitales, son signalement et


dans la mesure du possible deux photographies ;

- L'extrait ou les extraits de jugement ou d'arrêt de condamnation ;

- La fiche médicale du détenu ;

- La copie des décisions infligeant des punitions ou octroyant des récompenses ;

- La notice individuelle »

En conséquence, il faut relever que le dossier individuel contient un certain nombre de


renseignements sur le détenu notamment son état civil, sa profession, sa situation
matrimoniale, son degré d'instruction, sa moralité et ses antécédents. Ces informations sur le
détenu sont complétées par les faits qui ont motivé sa condamnation et éventuellement des
éléments de nature à aggraver ou à atténuer sa culpabilité.

Article 94 du décret n°69-189 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités
d’exécution des peines privatives de liberté.

241
Relativement aux comptes rendus divers, le régisseur est tenu de rendre compte
périodiquement, ou en cas d’incidents même mineur, au Procureur de la république et au
Directeur de la Direction des Affaires Pénitentiaires. Lorsqu’il y a décès d'un détenu, le
régisseur doit en faire la déclaration à l'officier d'état civil, informer sa famille et rendre
compte au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, et au magistrat compétent.

En cas d’évasion, il doit saisir les autorités de la police et dresser un rapport


circonstancié sur les faits qu’il adresse au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, et au chef
de Parquet, faisant ressortir, notamment, si la responsabilité du personnel de surveillance lui
paraît engagée. Le directeur de l’établissement pénitentiaire doit en outre établir voire rédiger
le règlement intérieur et en assurer son respect.

C-L’instauration et le respect du règlement intérieur

L’ancien Président d’Afrique du Sud, Nelson Mandela, dans son discours prononcé
lors du lancement officiel du projet de formation et des droits de l’homme du Département of
Correctional Services d’Afrique du Sud (Kroonstad, le 25 juin 1998) , a relevé l’importance
de la sécurité et de la justice dans la gestion des prisons :« Il est essentiel d'avoir des prisons
sécurisées pour que notre système judiciaire soit une arme efficace contre la criminalité....La
pleine contribution que nos prisons peuvent apporter à la réduction permanente du taux de
criminalité du pays vient également de leur manière de traiter les prisonniers. Il est
impossible de surestimer l’importance du professionnalisme et du respect des droits de
l'homme

Il importe donc que les lois et règlements relatifs aux prisons et au traitement des
détenus soient bien conçus et conformes aux prescriptions relatives aux droits de l’homme, ce
qui est important pour la bonne gestion des prisons. C’est certainement dans cette optique que
le décret de 1969 relatif à la réglementation des établissements pénitentiaires a prévu
l’établissement d’un règlement intérieur au sein de ceux-ci dans le cadre de leur gestion
harmonieuse.

Extrait du discours de l’ancien et feu Président d’Afrique du Sud, Nelson Mandela ; prononcé lors du
lancement officiel du projet de formation et des droits de l’homme du Département of Correctional Services
d’Afrique du Sud (Kroonstad, le 25 juin 1998).

242
11 faut noter également que le directeur de l’établissement pénitentiaire est chargé
d’établir un règlement intérieur qui fixe les mesures d’ordre et de police de même que les
détails sur les différentes activités tant du personnel pénitentiaire que des détenus. Ce
règlement intérieur fixe, par conséquent, l’emploi du temps des détenus (l’heure d’ouverture
des portes, de réception des repas, de promenade, de fermeture...), les modalités de visites et
l’horaire des parloirs. Il doit être affiché au sein de la prison ainsi qu’à l’extérieur pour être
porté à la connaissance des détenus et des visiteurs. Il faut relever qu’il doit être soumis à
l’approbation et au visa du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, des Droits de l’Homme
et des Libertés Publiques.

Le règlement intérieur est donc un ensemble de principes et de normes régissant le


fonctionnement de l’établissement pénitentiaire. Il sert de ce fait à instaurer la discipline,
l’ordre et la sécurité au sein de la prison. En conséquence, le personnel pénitentiaire est tenu
de respecter ce règlement intérieur et d’en assurer son respect. Aussi, doit-il adopter des
attitudes favorisant le respect par les détenus du règlement intérieur. Il doit s’abstenir de tout
acte, propos ou écrit qui serait de nature à porter atteinte à la sécurité et au bon ordre des
établissements pénitentiaires. Il lui est interdit de faciliter ou de tolérer toute transmission de
correspondance, tous moyens de communication irrégulière des détenus entre eux ou avec
l’extérieur de même que toutes les attributions d’objet quelconque hors des conditions et des
cas strictement prévus par le règlement intérieur.

COA

Le personnel pénitentiaire doit, en outre, adopter une attitude et accomplir sa


tâche de telle manière que son exemple influence positivement les détenus afin que ceux-ci
leur accorde leur respect. En conséquence, il ne doit pas :

- se livrer à des actes de violence sur les détenus ;

-user à leur égard des dénominations injurieuses, des langages grossiers ou familiers ;

- fumer ou boire de l’alcool à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire et d’y paraître en état


d’ébriété ;

-occuper sans autorisation les détenus pour leur service particulier ;

-recevoir des détenus ou des personnes agissant pour eux un don ou un avantage quelconque ;

Notons que ce personnel pénitentiaire est en contact permanent avec les détenus. Il doit donc être exempt de
toute corruption et tout comportement malveillant à l’égard des détenus.

243
-acheter ou vendre quoi que ce soit pour le compte des détenus ;

-agir de façon directe ou indirecte auprès des détenus pour influer sur leurs moyens de défense
et sur le choix de leur défenseur.

Le règlement intérieur^'^®, au risque de nous répéter, permet donc d’assurer le bon

ordre et la sécurité de l’établissement pénitentiaire. Par ailleurs, la notion extensible d’ordre


interne des établissements pénitentiaires, tout comme celle de sécurité, sont souvent mises en
avant pour justifier le recours à des mesures de contrainte. Celles-ci ne doivent pas être une
occasion pour le personnel pénitentiaire d’enfreindre voire de limiter les droits des personnes
détenues de sorte à les déshumaniser.

Le règlement intérieur est le gage de l’instauration de la discipline au sein de la prison. Son respect s’avère à
cet effet indispensable tant par le personnel pénitentiaire que par les détenus pour un fonctionnement harmonieux
d’une prison.

244
CONC LI SION DI TITRI I

Malgré l’accession à l’indépendance de la Côte d’ivoire le 7 août 1960, l’arrêté


colonial n‘’134 APB du 20 avril 1951 continuait de réglementer les prisons. Cependant, cet
arrêté n’était plus en harmonie avec les nouvelles institutions judiciaires et pénales. Ainsi,
dans l’objectif de mettre en harmonie ces institutions avec le contexte nouveau qui prévaut,
les autorités ivoiriennes ont adopté 9 ans après l’indépendance, le décret n° 69-189 du 14 mai
1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités
d’exécution des peines privatives de liberté.

C’est ce texte, après une quarantaine années d’existence qui régit le système
pénitentiaire ivoirien actuel. Avec ce décret, les autorités ivoiriennes ont assigné une mission
de défense sociale à la prison. Cette mission se résume en la sanction, l’amendement et la
réinsertion sociale du délinquant. Ce texte a donc opéré une rupture totale avec la mission qui
était assignée à la prison pendant l’époque coloniale.

Dans l’optique de mener à bien cette mission, il a été institué de nos jours la Direction
des Affaires pénitentiaires qui a une mission sécuritaire et sociale consécutive à la mission
générale de défense sociale assignée à la prison. Dans l’accomplissement de ses missions, la
DAP est confronté à des défaillances notamment l’efficacité et l’insuffisance de ces moyens
d’action (financiers, humains et matériels). Cependant, pour palier à ces défaillances de
nombreuses organismes externes (les confessions religieuses, les organismes internationaux et
humanitaires) lui viennent en appui sur le plan matériel, spirituel et financier. Malgré cet
apport extérieur, la DAP n’arrive pas à assumer de façon conséquente dans la pratique les
missions sociales notamment l’amendement et la réinsertion sociale des détenus.

Aussi, faudrait-il noter que la DAP gère tous les établissements pénitentiaires sur toute
l’étendue du territoire national. Ces établissements sont répartis en Maisons d’arrêt, Maisons
de correction et en Camp pénal. Il faut relever également que nul ne peut entrer dans ces
établissements sans un titre de détention légal. Ces différents établissements pénitentiaires
fonctionnement normalement grâce aux activités accomplies de façon permanente par un
personnel pénitentiaire. Ce personnel est composé d’un régisseur qui fait office du directeur
de l’établissement pénitentiaire, des surveillants (AEEP et CEP) et un personnel spécialisé
(infirmiers, assistants sociaux, psychologues...). Notons que ce personnel spécialisé travaille
surtout pour l’amendement et la resocialisation des prisonniers.

245
TITRE DEUXIÈME:

LES ENTRAVES À LA
RÉALISATION INTÉGRALE DES
MISSIONS D’UTILITÉ SOCIALE AU
DÉTRIMENT DE L’INSTAURATION
D’UN CADRE ÉTHIQUE CARCÉRAL

246
De tout temps, l’être humain a voulu être libre de ses mouvements (aller et
venir) et de ses actions (vie professionnelle et familiale). La liberté constitue donc, pour
chaque personne, un droit fondamental proclamé par les différentes déclarations et chartes des
droits de l’homme. La privation de cette liberté par les juridictions pénales et judiciaires
constitue cependant une sanction difficile et insupportable pour les déviants de la société.
Bien que la privation de liberté soit une sanction pour le délinquant ; elle doit surtout, et c’est
sa fonction essentielle réussir à amender et resocialiser ce dernier après sa libération.

La resocialisation voire le reclassement social du détenu après sa sortie de prison


constitue de ce fait la mission prioritaire et fondamentale de la prison. Un détenu reclassé est
donc une personne qui réussit dans la vie sociale après sa sortie de prison. Pour y parvenir, la
gestion des prisons doit se faire dans un cadre éthique. L’éthique a pour synonyme la
morale^"*’. L’éthique est donc un ensemble de règles, de principes de la conduite humaine à

respecter. Gérer une prison, c’est gérer des personnes qui s’y trouvent enfermées.

La gestion éthique de la prison signifie tout naturellement, gérer la prison en respectant


les droits de l’homme voire du détenu. La resocialisation des prisonniers dans le cadre de la
gestion éthique de la prison passe nécessairement par l’instauration d’un cadre éthique
carcéral (chapitre I). Bien que théoriquement la gestion de la prison impose le respect de ce
cadre éthique, il faut reconnaître que dans la pratique il est difficile à mettre en œuvre eu
égard à certaines entraves d’ordre politiques et carcérales (chapitre II).

Hemri BENAC, op.cit. P.346.

247
CHAPITRE I :

LA RESOCIALISATION THÉORIQUE DES PRISONNIERS


PAR L’INSTAURATION D’UN CADRE ÉTHIQUE
CARCÉRAL

À l’époque antique, dans les sociétés primitives, les personnes reconnues coupables

des violations des règles établies étaient bannies de la société ou même condamnées à
mourir par des méthodes cruelles telles que : le bûcher, l’écartèlement, la pendaison,
etc. Avec le développement des sciences humaines et des mœurs, ces sanctions ont été
progressivement remplacées par la prison.

La prison telle qu’on la perçoit aujourd’hui, est une institution indispensable, créée en
vue de protéger la société contre les contrevenants aux règles de droit fixées par cette société.
Ainsi de nos jours, elle est devenue une institution disciplinaire où le prisonnier subit une
surveillance permanente et où tout est mis en œuvre en vue de lui permettre de se réinsérer
sans difficulté dans la société.

Aujourd’hui, avec les nombreuses réformes dont elle a été l’objet, la prison a une
mission sécuritaire et sociale notamment celle de punir sans déshumaniser. En ce sens, les
établissements pénitentiaires et les conditions de détention sont l’objet d’instruments
juridiques internationaux, régionaux et nationaux en matière carcérale qui font de la
réinsertion de l’ex-détenu dans la société, un objectif primordial à atteindre. Dans cette
logique, les établissements pénitentiaires ont une double fonction qui consiste à retenir et à
garder en vertu d’un titre de détention légal les déviants de la société et à réhabiliter ceux-ci.
Pour y parvenir, les instruments juridiques internationaux, régionaux et nationaux en matière
carcérale ont prévu différents régimes et principes dans la détention des prisonniers (section
I). Aussi faudrait-il affirmer que ces différents instruments juridiques ont prévu la
reconnaissance de certains droits spécifiques aux détenus (section II).

248
SECTION I :

LES DIFFÉRENTS RÉGIMES ET PRINCIPES LÉGAUX DE


DÉTENTION

La gestion d’une prison implique nécessairement la gestion des êtres humains à


savoir les détenus. Ainsi, les prisonniers restent des êtres humains, quelle que soit la gravité
du crime ou du délit pour lequel ils ont été condamnés. Le régisseur, principal gestionnaire de
l’établissement pénitentiaire et le personnel pénitentiaire ne doivent pas perdre de vue
l’humanité des détenus dont ils ont la charge de garder. Le personnel pénitentiaire ne doit
donc pas traiter les détenus comme des êtres humains inférieurs par le simple fait qu’ils ont
transgressé la loi.

Dans cette logique. L’article 10 alinéa 1 du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques dispose que: "'‘Toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et
avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine T Aussi, « Tous les détenus
sont traités avec le respect dû à la dignité et à la valeur inhérentes à l'être humain.
conséquence, la maltraitance des détenus est illégale et va à l’encontre des principes des droits
de l’homme. Il importe donc aux administrateurs pénitentiaires et au personnel pénitentiaire
de gérer les détenus dans un cadre éthique en matière de gestion de la population carcérale. Ce
cadre éthique implique le respect des régimes de détention spécifique à chaque catégorie de
détenu (§1) et l’application des principes légaux de détention (§11).

SI : Le régime de détention spécifique à chaque catégorie de


détenu

Dans l’esprit du régime de détention spécifique à chaque catégorie de détenu, les règles 67 à
69 de rEnsemble de règles minima pour le traitement des détenus prescrivent :

Règle 67. « Les buts de la classification doivent être:

a) D’écarter les détenus qui, en raison de leur passé criminel ou de leurs mauvaises
dispositions, exerceraient une irifluence fâcheuse sur leurs codétenus;

Principe 1 des principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus.

249
b) De répartir les détenus en groupes afin de faciliter leur traitement en vue de leur
réadaptation sociale. »

Règle 68 « // faut disposer, dans toute la mesure possible, d’établissements séparés ou

de quartiers distincts d’un établissement pour le traitement des différents groupes de


détenus. »

Aussi : « Dès que possible après l’admission et après une étude de la personnalité de
chaque détenu condamné à une peine ou mesure d’une certaine durée, un programme de
traitement doit être préparé pour lui, à la lumière des données dont on dispose sur ses
besoins individuels, ses capacités et son état d’esprit

Il ressort nettement de ces articles la nécessité de séparer les détenus en fonction de la


gravité de leur faute et en tenant compte de leur état d’esprit voire psychologique. Dans ce
contexte, il existe trois types de régime de détention à savoir le régime de détention des
prévenus et des condamnés à l’emprisonnement de simple police (A), le régime de détention
des condamnés pour crime et délits (B) et le régime de détention des mineurs (C).

A-Le régime de détention des prévenus et des condamnés à


l’emprisonnement de simple police

La prison regroupe différentes catégories de détenus qui viennent de divers milieux de


vie. Il y a ainsi des criminels, des bandits de grand chemin, des hommes politiques, des
mineurs, des femmes, des personnes en attente de jugement, des condamnés... Les personnes
en attente de jugement appelées prévenus ou encore « prisonnier en détention provisoire »
sont des détenus qui sont placées sous mandat de dépôt par le juge d’instruction, ou qui n’ont
pas encore fait l’objet d’une condamnation définitive. Elles doivent être maintenues en
détention dans l’établissement pénitentiaire qui se trouve au siège de la juridiction qui est
saisie de la procédure qui les concerne. C’est dans une maison d’arrêt qu’ils subissent en
principe leur détention préventive.

Elles bénéficient de la présomption d’innocence (toute personne accusée d’un acte


délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie au cours d’un

Règle 69 de l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

250
procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées^"^"^)

puisqu’elles ne sont pas encore condamnées.

Dans ce cas, « Toute personne détenue soupçonnée ou inculpée d’une infraction pénale
est présumée innocente et doit être traitée en conséquence jusqu’à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie au cours d’un procès public pour lequel elle aura reçu toutes les garanties
nécessaires à sa défense. Toute personne ainsi soupçonnée ou inculpée ne peut être arrêtée ou
détenue en attendant l’ouverture de l’instruction et du procès que pour les besoins de
l’administration de la justice, pour les motifs, sous les conditions et conformément aux
procédures prévues par la loi. Sont interdites les contraintes imposées à une telle personne qui
ne seraient pas strictement nécessaires soit aux fins de la détention, soit pour empêcher qu’il
ne soit fait obstacle au déroulement de l’instruction ou à l’administration de la justice, soit
pour assurer la sécurité et le maintien de l’ordre dans le lieu de détention

Dans cette optique, les hommes et les femmes en détention provisoire doivent
bénéficier d’un traitement différent à plusieurs égards par rapport aux détenus condamnés,
puisqu’ils n’ont pas été jugés coupables d’aucune infraction et sont au regard de la loi
présumés innocents de l’infraction dont ils ont été accusés. Ainsi, l’article 10 alinéa 2 (a) du
Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule : « Les prévenus sont, sauf
dans des circonstances exceptionnelles, séparés des condamnés et soumis à un régime
distinct, approprié à leurs conditions de personnes non condamnées. »

Il ressort clairement des instruments internationaux que les prévenus ne reçoivent pas
le même traitement que les condamnés à des peines d’emprisonnement. Le régime de
traitement des prévenus entraine de ce fait plusieurs exigences. De prime abord, ils doivent
nécessairement être séparés des condamnés. Cette séparation est consécutive au statut de
présomption d’innocence dont bénéficient les prévenus. Ils n’ont pas encore fait l’objet d’une
condamnation pénale ; ce qui justifie le fait qu’ils ne sont pas logés à la même enseigne que
les condamnés. Les prévenus, ont à cet effet, un certain nombre de privilèges voire de droits
par exemple se procurer de la nourriture de l’extérieur, porter leurs vêtements personnels, ne
pas être tenus de travailler...

5'*'* Art.11, parai de la déclaration universelle des droits de l’homme.


Principe 36, paragraphe 1 et 2 de l’ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises
à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement.

251
L’imminence de leur procès et les préparatifs appropriés dans cette perspective
constituent normalement une préoccupation majeure pour les prévenus. Dans ce cadre, ils
doivent bénéficier de toutes les facilités pour organiser leur défense devant les tribunaux et
voir éventuellement des avocats. Les prévenus ne sont pas obligés de porter l’uniforme
carcéral, ils conservent leurs vêtements personnels sauf si par mesure d’ordre ou de propreté,
le régisseur ou l’autorité judiciaire en décide autrement.

Ils ne sont pas astreints au travail pénal, mais ils peuvent demander qu’il leur en soit
donné ; dans ce cas, ils ont la faculté de réclamer le costume pénal si le travail est susceptible
de détériorer leurs vêtements personnels. Les permis de visites aux prévenus sont délivrés à
leurs visiteurs par le magistrat saisi de la procédure. Ils peuvent recevoir quotidiennement de
la nourriture en quantité ne dépassant pas la valeur d’une ration journalière, excepté les
boissons alcoolisées. La situation des prévenus est donc différente de ceux des condamnés
pour crimes et délits.

Quant aux contraignables et condamnés de simple police, le décret de 1969 dispose


que: « Les individus incarcérés en exécution d'une contrainte par corps et les condamnés à
l’emprisonnement de simple police, sont soumis au même régime que les prévenus. À la

lumière de cet article, les contraignables et les condamnés de simple police ont droit au même
traitement que les prévenus. Qu’en est-il du régime de détention des condamnés pour crimes
et délits ?

B-Le régime de détention des condamnés pour crimes et délits

Les condamnés pour crimes et délits sont des personnes qui purgent leur peine en vertu
d’une décision des juridictions pénales ou correctionnelles devenue définitive. Une décision
est définitive lorsqu’elle n’est plus susceptible de voies de recours ordinaire ou extraordinaire,
ou lorsque les voies de recours sont épuisées ou que les délais de recours sont expirés.

Les condamnés à l’emprisonnement pour un délit accomplissent leur peine dans une
maison de correction ou dans une maison d’arrêt et de correction. Si leur peine est supérieure
à un an, ils peuvent être transférés dans un camp pénal.

Article 16 du décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant
les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.

252
Les condamnés à une peine criminelle ou à l’internement de sûreté accomplissent leur
peine dans un camp pénal. Ces prisonniers condamnés pour des crimes sont généralement
extrêmement dangereux. Dans ce contexte, ils sont très souvent condamnés à des peines de
longue durée voire même à la prison à vie. Ce sont donc des délinquants ayant parfois commis
des crimes atroces, ils constitueraient de ce fait une menace véritable pour la sécurité publique
s’ils devaient s’échapper. Il incombe au personnel pénitentiaire de mettre tout en œuvre afin
que ces prisonniers ne s’évadent pas et ne soient pas non plus une menace pour les autres
prisonniers et des visiteurs éventuels.

La gestion de ces prisonniers s’avère délicate pour le personnel pénitentiaire. Celui-ci


a l’obligation de les traiter avec décence et humanité tout en préservant la sécurité des autres
prisonniers. Ainsi, pour une gestion efficiente de ces prisonniers : « Il faut réunir les
conditions qui permettent aux détenus de prendre un emploi utile et rémunéré, lequel
facilitera leur réintégration sur le marché du travail du pays et leur permettra de contribuer à
subvenir à leurs propres besoins financiers et à ceux de leur famille .

Dans ce sens, Philippe ZOUMMEROFF, dans son ouvrage La Prison ça n 'arrive


pas qu'aux autres, Albin Michel, 2006, constate que les conditions de détention dans les
prisons en France n’encouragent pas la réinsertion des détenus. Ces conditions entraînent la
récidive de ceux-ci. Il propose donc des solutions pour l’humanisation des détenus afin de
permettre plus aisément leur réinsertion sociale.

Ainsi les condamnés pour crimes et délits doivent bénéficier d’un régime de détention
qui favorisera leur réinsertion sociale. Dans cette optique, le décret de du 14 mai 1969 portant
réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines
privatives de liberté prévoient en ces articles 17 à 28 le régime de détention applicable aux
condamnés pour crimes et délits. Selon ces dispositions légales, les condamnés pour crime ou
délit en principe sont astreints au port de l’uniforme carcéral et au travail pénal. Tout
condamné est placé soit en division normale, soit en division d’amendement, soit en division
de discipline.

Est placé en division normale, tout condamné arrivant dans la prison. Peut être placé
en division de discipline, l’individu condamné pour des faits révélant sa personnalité
dangereuse, l’individu connu pour avoir été déjà condamné, l’individu qui s’est déjà évadé,
l’individu qui a fait preuve d’une mauvaise conduite au cours de sa détention. Peut être placé

5“*’ Principe 8 des principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus.

253
en division d’amendement, le condamné qui a purgé au moins le quart de sa peine et qui a fait
preuve de bonne conduite et d’une ardeur au travail (régime de confiance). C’est le juge de
l’application des peines ou le régisseur qui décide du passage d’une division à une autre.

Les détenus admis en division d’amendement peuvent bénéficier du placement à


l’extérieur, de la semi-liberté et de la libération conditionnelle. Le placement à l’extérieur
permet à un détenu d’accomplir les travaux surveillés à l’extérieur de la prison sous la garde
des agents pénitentiaires. La semi-liberté consiste dans le placement d’un détenu à l’extérieur
de l’établissement sans surveillance continue, mais avec l’obligation de réintégrer la prison
chaque soir et d’y passer les jours chômés et fériés.

La libération conditionnelle qui est le dernier terme du régime progressif^'^^ consiste à

accorder la liberté à un détenu qui a purgé plus de la moitié de sa peine et a donné par son
comportement des gages sérieux de réadaptation sociale. Des permissions de sortie peuvent
également être accordées au condamné de façon exceptionnelle dans les cas suivants : maladie
grave ou décès d’un ascendant, d’un descendant ou du conjoint, mariage de détenu, visite à un
éventuel employeur, présentation aux épreuves d’un examen ou d’un concours, sortie les
dimanches et jours fériés et chômés pour les condamnés déjà admis au régime de la semi-
liberté.

Les permissions de sortie sont accordées par ordonnance du juge de l’application des
peines et sur avis du chef de l’établissement si la sortie ne doit pas dépasser 24 heures. Elles
seront accordées par décision du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice sur avis toujours du
régisseur pour une durée plus longue. Le régime de détention des condamnés est différent de
celui des mineurs qui est beaucoup plus souple.

Notons que le régime progressif participe en grande partie au processus d’amendement et de réinsertion social
du détenu.

254
C-Le régime de détention des mineurs

La définition d’un mineur ou d’un enfant peut varier d’un pays à l’autre^"^^. Un enfant

s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans sauf si la majorité est atteinte plus tôt en
vertu de la législation qui lui est applicable^^^. Par mineur, on entend toute personne âgée de
moins de 18 ans^^’. En vertu de la règle 2.2 alinéa (a) de l’ensemble des règles minima des

Nations Unies concernant l’administration de la justice pour mineurs (règles de Beijing) « Un


mineur est un enfant ou un jeune qui, au regard du système juridique considéré, peut avoir à
répondre d'un délit selon des modalités différentes de celles qui sont appliquées dans le cas
d'un adulte ».

L’âge de la responsabilité pénale du mineur varie énormément d’un pays à un


autre. Les limites d’âge de la responsabilité pénale du mineur dépendent de chaque système
juridique et tient compte de certaines considérations culturelles, économiques, sociales, et
politiques des Etats. Ainsi, en Côte d’ivoire, le mineur sur le plan pénal est la personne qui
n’a pas 18 ans révolus au moment où elle commet l’infraction. La responsabilité d'un mineur
suppose trois capacités :

- une capacité cognitive : la faculté de savoir, de comprendre, de penser et de raisonnement ;

- une capacité morale : la faculté de différencier le bien du mal, d'évaluer son comportement
en fonction de cette perception et de se comporter conformément à cette analyse;

- une capacité conative : la faculté de contrôler ses impulsions et de résister à la tentation et à


la pression.

Même s’il est vrai que de nombreux adultes ont du mal à répondre à ces critères, il est
évident que l’acquisition de la connaissance et de l'expérience prend du temps et qu'il
convient de tolérer que les mineurs bénéficient notamment du temps nécessaire à cet effet.

En principe, la prison est utilisée pour priver de liberté voire pour sanctionner les
délinquants représentant une menace réelle pour la sécurité publique notamment les criminels

Nations unies, les droits de l'homme et les prisons, op.cit.. 179.


55° Art. 1 de la convention relative aux droits de l’enfant.
55’ Règle 11 des règles des nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté.
552 Christian MAES, quelques aspects de procédure : les âges d’intervention extrait du séminaire de formation
en justice des mineurs pour magistrats et autres acteurs en justice juvénile de l’Afrique francophone (séminaire
de Ouagadougou du 29 novembre au 3 décembre 2004), Michel LACHAT, working report, 1-2005, organisé par
l’Agence intergouvemementale de la francophonie (AIE) en collaboration avec l’institut des droits de l’enfant
(IDE) et l’association internationale des Magistrats de la Famille et de la jeunesse (AIMJF), P.99.

255
ou les délinquants ayant commis des délits graves. Les mineurs délinquants, du fait de leur
âge, ne constituent pas véritablement une menace réelle pour la paix publique.

Dans cette logique, la détention des mineurs ne devrait être qu’une situation de dernier
recours. Dans le même ordre d’idées, RONGE, Jean-Luc ; comme résumé de son ouvrage Le
choix de la prison comme réponse pénale. La revue d’action juridique et sociale, décembre
2005, n° 250, p. 26-37. Il analyse le fait que la détention des mineurs fait depuis longtemps
l'objet de textes internationaux qui tentent d'en limiter l'usage.

La privation de liberté du mineur doit non seulement être en conformité avec la loi,
elle doit être aussi une « mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que
possible » On devrait donc envisager en amont des mesures alternatives notamment une
surveillance étroite, une aide très attentive, le placement dans un établissement ou un foyer
éducatif. Ainsi, PUYUELO, Rémy (dir), TURREL, Denis,dans l’ouvrage Les centres
éducatifs renforcés : redonner du sens à l'action éducative auprès des mineurs délinquants.
Ramonville-Saint-Agne : Erès, 2007, (Empan), donne la finalité des centres éducatifs. Ces
centres créés en 1996, ont pour objectif d'offrir des séjours de rupture et une alternative
éducative à l'incarcération des mineurs. Les mineurs font l’objet de mesures de protection, de
surveillance, d’assistance et d’éducation. Cependant lorsque les circonstances l’exigent, une
condamnation pénale peut être prononcée dans certaines conditions .

Cette incarcération doit se faire dans des conditions qui n’affectent pas le
développement harmonieux du mineur. En conséquence « Les mineurs en détention
préventive doivent être séparés des adultes et détenus dans des établissements distincts ou
dans une partie distincte d’un établissement qui abrite aussi des adultes.Les mineurs
doivent être détenus dans des conditions tenant dûment compte de leur statut et de leurs
besoins particuliers en fonction de leur âge, de leur personnalité et de leur sexe, du type de
délit ainsi que de leur état physique et mental, et qui les protègent des influences néfastes et
des situations à risque.

Le principal critère pour le classement des mineurs privés de liberté dans les
différentes catégories doit être la nécessité de fournir aux intéressés le type de traitement le
mieux adapté à leurs besoins et de protéger leur intégrité physique, morale et mentale ainsi

J.P BRILL, précis de droit pénal général, CEDA-Abidjan, P.45.


55“* Règle 13.4 de l’ensemble des règles minima des nations unies concernant l’administration de la justice pour
mineurs (règles de Beijing).

256
que leur bien-être^^^. Les mineurs incarcérés doivent, de ce fait, être séparés des adultes car ils

constituent de toute évidence la catégorie de détenus la plus vulnérable. Cette vulnérabilité


tient compte du développement insuffisant de leur physique, de leur faculté mentale et
psychique. Ils doivent être, par conséquent, être protégés de la violence, des abus voire même
de l’influence criminogène des détenus adultes.

Dans ce contexte, l’article 37 de la convention des Nations Unies relative aux droits
de l’enfant ratifiée par la Côte d’ivoire établit que « tout enfant privé de liberté sera séparé des
adultes ».

Cette disposition est plus ferme que l’article 33 du décret de 1969 qui prévoit que la
séparation des mineurs et des adultes doit être réalisée aussi complètement que possible. Ce
qui équivaut à dire que les mineurs dans des cas peuvent se retrouver dans la même cellule
que les adultes. Ils sont soumis à l’emprisonnement collectif et bénéficient, en ce qui concerne
le couchage, la nourriture et l’habillement d’un régime spécial dont les modalités sont fixées
par arrêté du Ministre de la Justice.

Ils bénéficient d’un régime particulier qui fait une large place à l’éducation. Les enfants
placés en détention doivent être traités de manière à développer leur sens de valeurs et de la
dignité, à faciliter leur intégration dans la société, à respecter leur intérêt bien compris et à
tenir compte de leurs besoins.^^^Ils sont soumis à des activités scolaires ou de formation

professionnelle et leur temps de repos doit être consacré au sport et à des loisirs dirigés.

Ils doivent séjourner en plein air aussi longtemps que les conditions atmosphériques et
les nécessités du service le permettent, mais ils peuvent être punis de cellule disciplinaire.
Leur surveillance directe doit être assurée par des travailleurs sociaux (éducateurs spécialisés)
qui doivent observer leur comportement pour en faire un rapport au juge des enfants. Ils ont le
droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par les visites. Le régime de
détention des mineurs est donc un régime souple et tendant au développement moral
harmonieux du mineur. À côté du régime de détention, il existe des principes dans la

détention qu’il convient d’analyser.

555 Règle 28 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté.
55^ Nations unies, les droits de l’homme et les prisons, op.cit. P. 179.

257
§11 : Les principes légaux de détention

Le principe est une règle d’action ou de conduite basée sur des valeurs théoriques,
c’est également une règle de fonctionnement. Ainsi, dans tous les pays civilisés, la détention
des prisonniers est soumise à des principes légaux afin de leur accorder un traitement adéquat
et conforme à la dignité humaine partant des droits de l’homme. La réglementation de la vie
carcérale est un élément clé pour une gestion efficace des détenus.

La Côte d’ivoire s’inscrit dans cette logique en prévoyant dans le décret 69-189 du 14
mai 1969, portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités
d’exécution des peines privatives de liberté, trois grands principes gouvernent la détention. Il
s’agit du principe de l’emprisonnement collectif (A), du principe de la séparation des détenus
(B) et du principe de l’égal traitement des détenus (C).

A-Le principe de l’emprisonnement collectif

Selon LE CAISNE Léonore : « une prison n 'est pas un établissement autonome


posé sur le territoire civil au gré des hasards de sa construction. Elle accueille une
population mobile » . Dans cet univers carcéral « pénitentiaires et détenus se trouvent dans
une situation en miroir : les uns inclus et relégués, les autres exclus et incarcérés ». Ainsi,
les pénitentiaires voire les agents d’encadrement des établissements pénitentiaires au sein de
cet univers ont pour fonction essentielle de surveiller et traiter avec humanité les détenus afin
de favoriser leur réinsertion sociale dans les meilleures conditions possibles après leur
libération.

Dans cette logique, pour un traitement adéquat de ceux-ci, l’article 6 du décret du 14


mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités des
peines privatives de liberté qui pose le principe de l’emprisonnement collectif dans toutes les
prions ivoiriennes. Il dispose que : « / 'emprisonnement dans tous les établissements est
collectifsous réserve des dispositions particulières à l'égard :

r - Des condamnés à mort ;

Léonore LE CAISNE, prison : une ethnologie en centrale, éditions Odile Jacob octobre 2000, Paris, P.77.
55® Ibidem.

258
2°-Des individus punis de cellule disciplinaire ;

3^'-Des individus isolés sur ordre de l’autorité judiciaire et pour les nécessités d’une
procédure pénale ;

4^-Des individus isolés pour raisons médicales ».

À la lumière de cet article, nous pouvons affirmer que l’emprisonnement collectif est une

modalité de principe dans l’exécution des peines privatives de liberté. Cependant une certaine
catégorie de détenus notamment les condamnés à mort, les détenus punis de cellule
disciplinaire ou isolés sur ordre de l’autorité judiciaire et pour les nécessités d’une procédure
pénale et les détenus isolés pour les raisons médicales ne sont pas soumis à ce principe. Ils
sont donc incarcérés séparément en raison de leur dangerosité, pour des raisons médicales et
pour des nécessités d’enquête. Il est de mise que tous les détenus hormis ceux qui font l’objet
d’emprisonnement séparés, sont mis ensemble et forment une communauté de vie. Ils vivent
en groupe et accèdent aux mêmes espaces récréatifs. Il en est ainsi des mineurs, des femmes
et des adultes n’entrant dans pas dans la catégorie faisant exception au principe de
l’emprisonnement collectif.

Ce principe bien que prévu par le décret de 1969, présente néanmoins des
inconvénients sur certains détenus amendables. L’emprisonnement collectif pourrait influer
négativement sur la réinsertion sociale et l’amendement de certains détenus notamment les
primo délinquant. Les prisons sont l’endroit où les membres les plus défavorisés et les plus
vulnérables de la société se retrouvent en grand nombre, côtoyant un nombre infiniment plus
petits de délinquants dangereux et violents^^^ .

Ce principe pourrait favoriser la récidive des délinquants par le fait qu’il se produirait
une certaine contamination criminelle voire une certaine éducation criminelle plus accrue de
la part des criminels endurcis à l’égard des délinquants primaires. Cet état de fait qui
favoriserait la criminalité en prison et partant mettrait en cause la mission de réinsertion
sociale assignée à la prison. L’objectif principal du traitement des prisonniers étant leur
amendement et leur réinsertion sociale et non celui de former des délinquants récidivistes ; le
principe de l’emprisonnement collectif doit être appliqué avec beaucoup de rigueur tout en
incluant le principe de la séparation des détenus.

Nations unies, mesures carcérales et l mesures non privatives de liberté, op.cit. P.2.

259
B-Le principe de la séparation des détenus

Comme nous le savons, la prison est une institution à vocation sécuritaire et sociale.
Sa vocation sociale a pour fondement l’amendement et la réinsertion du délinquant dans la
société. Les autorités pénitentiaires ont donc pour mission d’annihiler le caractère
criminogène du délinquant et de faire de lui un citoyen respectueux des normes établies. Dans
ce sens, il faut mettre en œuvre des principes de détention qui favorisent la rééducation voire
l’amendement du délinquant notamment le principe de la séparation des détenus.

Dans ce cadre : « Les différentes catégories de détenus doivent être placées dans des
établissements ou quartiers d'établissements distincts, en tenant compte de leur sexe, de leur
âge, de leurs antécédents, des motifs de leur détention et des exigences de leur traitement.
C'est ainsi que :

a) Les hommes et les femmes doivent être détenus dans la mesure du possible dans des
établissements différents; dans un établissement recevant à la fois des hommes et des femmes,
l'ensemble des locaux destinés aux femmes doit être entièrement séparé;

b) Les détenus en prévention doivent être séparés des condamnés;

c) Les personnes emprisonnées pour dettes ou condamnées à une autre forme


d'emprisonnement civil doivent être séparées des détenus pour infraction pénale;

d) Les jeunes détenus doivent être séparés des adultes

Cette règle internationale recommande donc une séparation des détenus en fonction de
leur âge, leur sexe et de leur statut pénal (prévenu ou condamné). Il faut donc séparer les
hommes des femmes, cela sous-entend que les femmes doivent être détenues dans des
bâtiments distincts de ceux des hommes, les mineurs logés dans un quartier spécial et les
prévenus séparés des condamnés.

Ce principe permet donc d’éviter des contagions criminelles, des violences et des abus
sexuels ou moraux. Ces faits néfastes sont relevés par Daniel WELZER-LANG dans son
ouvrage Sexualités et violences en prison : ces abus qu’on dit sexuels...Aléas, Observatoire
International des Prisons, 1996.

5^” Règle 8 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

260
Aussi, Il note dans cet ouvrage la place de la sexualité en prison : relations consenties,
abus de pouvoirs, profils des abuseurs et des abusés, question du sida et de sa prévention.
Concernant les prévenus, ils doivent être placés dans des locaux séparés des détenus
condamnés car ils n’ont pas encore fait l’objet d’un procès équitable. Ils bénéficient de la
présomption d’innocence. De cette manière, on doit toujours les considérer innocents. A la
différence des détenus condamnés, ils ne sont pas retenus en prison comme sanction.

Les administrations pénitentiaires doivent s’assurer que ce statut de non-condamné se


reflète dans leur traitement et dans leur détention. Les conditions de détention des prévenus eu
égard à leur statut doivent être au moins aussi bonnes que celles des détenus condamnés. Le
règlement séparé pour les prévenus doit couvrir des aspects pratiques tels que les conditions
dans lesquelles ils peuvent porter leurs propres vêtements, l’accès à l’alimentation, à la
bibliothèque et à d’autres informations, ainsi que les dispositions en matière de visites. On ne
peut pas les obliger à travailler mais on doit leur donner la possibilité de le faire.

Ce principe est également prévu par le décret du 14 mai 1969 en ces termes : « les détenus
doivent être séparés, autant que le permet la disposition des locaux, suivant les catégories ci-
après énumérés :

1-les femmes des hommes ;

2- les mineurs de moins de 18ans des majeurs ;

3-
les prévenus des détenus, lorsque le même établissement sert de maison d’arrêt et de
maison de correction ;

4-
les détenus qui bénéficient du régime de l’article 142 (régime spécial) des détenus soumis
au régime ordinaire ;

5-
les contraignables et les condamnés à l’emprisonnement de simple police des autres
détenus ;

6-
les condamnés entre eux selon les divisions auxquelles ils appartiennent conformément aux
articles 18 et suivants

Pour la mise en œuvre de ce principe l’article 675 du code de procédure pénale


dispose nettement que : « chaque maison d’arrêt doit comprendre deux quartiers distincts

5®’ Article 7 du décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant
les modalités d’exécution des peines privatives de liberté.

261
suivant le genre de vie des détenus. Les modalités d’application de Valinéa précédent feront
l’objet d’un arrêté du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Chaque quartier est lui-même
divisé en sous-quartiers pour les hommes et pour les femmes, de telle sorte qu’il ne puisse y
avoir aucune communication entre eux ». Dans cette optique, le principe de la séparation des
détenus offre une meilleure garantie dans une gestion efficiente des établissements
pénitentiaires. Outre ce principe, il y a aussi le principe de l’égal traitement des détenus qu’il
convient d’analyser.

C-Le principe de la non-discrimination des détenus

La non-discrimination ou l’égal traitement des personnes dans le monde est un principe


légal forgé et promu par les organisations des droits de l’homme. Ce principe apparait
nettement dans le préambule de la déclaration des droits de l’homme du 10 décembre 1948 en
ces termes « considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de
la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la
liberté, de la justice et de la paix dans le monde ». Il se perçoit également à travers l’article 7
de ladite déclaration en ces termes « tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction
à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute
discrimination qui violerait la présente déclaration et contre toute provocation à une telle
provocation ».

À la lumière de ce qui précède, peut-on transposer ce principe légal dans les prisons ?
Autrement dit, les prisonniers peuvent-ils bénéficier de ce droit ? Une réponse affirmative
mérite d’être donnée à cette question. La seule peine subie par le détenu est la perte de liberté
et non celle des droits fondamentaux. Le détenu reste un sujet de droit : « la justice ne doit pas
s’arrêter aux portes des prisons » . Si l’on applique ce principe aux détenus, on leur
reconnaît comme les personnes libres des droits fondamentaux. La reconnaissance du droit de
la non-discrimination aux détenus mérite que l’on se pose un certain nombre de questions ?

Peut-on démocratiser une institution structurellement anti-démocratique ? Quelle est


l’efficace de l’introduction du droit dans un univers où les sujets sont privés de liberté ? Ces
questions lancinantes ne font qu’actualiser une ambivalence maintenant classique qui

Mireille DELMAS-MARTY (dir), vers les principes directeurs internationaux de droit pénal, criminalité
économique et atteintes à la dignité de la personne, (vol IV), Institutions internationales, Editions de la maison
des sciences de l’homme, Paris, 1996, P.219.

262
caractérise les critiques de la prison, structurent ses stratégies de lutte, cimentent ses
oppositions internes (réelles ou de principe) et aiguisent ses efforts réflexifs. Cette
ambivalence se loge d’abord au creux de la question du statut sociohistorique des
réformes carcérales : participent-elles à la réduction de T indignité consubstantielle à
l’enfermement forcé ou, sous couvert et par le biais même de cette transformation, participe-t-
elle avant tout à la consolidation de l’institution, à la recherche d’une stabilité
nouvelle obtenue grâce la neutralisation des critiques dont sont l’objet cette irréductible
indignité ? Ceci exposé, la prison a pour finalité de protéger Tordre social tout en
reconnaissant des droits aux détenus notamment celui de l’égal traitement voire de la non-
discrimination. Ce principe implique tout naturellement la non-discrimination dans la gestion
des détenus.

Ainsi, la discrimination doit être interdite sous toutes ses formes dans le traitement des
prisonniers. Ainsi, toute discrimination fondée sur la race, la couleur de peau, le sexe, la
langue, la religion ou la croyance religieuse, les opinions (notamment politiques), l’origine
nationale, ethnique ou sociale, la fortune, la naissance ou tout autre statut est interdite par tous
les instruments mondiaux des droits de Thomme^^^.

Les détenus doivent être traités sur un pied d’égalité, sur une base égalitaire. On ne doit
donc pas privilégier tel détenu en fonction de sa race, de sa position sociale qu’il occupait
dans la société au détriment d’un autre. Dans cette logique, l’article 8 du décret 69-189 du 14
mai 1969 sur la réglementation des établissements pénitentiaires dispose en
l’espèce : « Aucune discrimination ne doit être fondée sur des considérations tenant à la race,
à la langue, à la religion, à l'origine nationale ou aux opinions politiques ».

Tous les citoyens qui composent un Etat sont égaux en droits. L’Etat a donc le
devoir de préserver l’égalité des droits des individus, indépendamment de leurs différences ;
en raison toutefois des différences individuelles, certaines doivent faire l’objet d’une
protection particulière de façon à garantir un traitement identique^^^. La non-discrimination
dans la gestion des détenus est de ce fait un corollaire de l’application du droit commun aux
établissements pénitentiaires en vue d’assurer un meilleur équilibre entre les impératifs de
sécurité et la protection des droits de Thomme. On peut donc affirmer que le principe de la

Gilles CHANTRAINE et Dan KAMINSKI, « La politique des droits en prison », Champ pénal/Penal field
[En ligne]. Séminaire Innovations Pénales, mis en ligne le 27 septembre 2007, consulté le 12 juillet 2015, P. 1.
Nations unies, les droits de l’homme et les prisons, op.cit.P. 165.
Idem, P. 167.

263
non-discrimination dans la gestion des détenus est un fait catalyseur dans la reconnaissance
de certains droits spécifiques aux détenus.

SECTION II :

LA RECONNAISSANCE DES DROITS SPÉCIFIQUES AUX


PRISONNIERS. GAGE DE LA GESTION HUMANITAIRE DE LA
PRISON

Les droits de l'homme sont un ensemble des droits fondamentaux inhérents à la nature
humaine. Ces droits sont inhérents à toute personne du fait de sa qualité d’être humain et sont
fondés sur le respect de la dignité et de la valeur de chacun. Ils s’appliquent à tous les êtres
humains sans exception. En conséquence, il est impossible de les réfuter ou de les contester à
toutes personnes privées de liberté suite à un procès légal.

Les droits de l’homme fondamentaux s’appliquent tout autant à un prisonnier qu’à


n’importe quel autre membre de la société. La seule différence est que les détenus ne peuvent
pas jouir de leur droit à la liberté pendant une période de temps donnée. La personne
détenue doit par ailleurs être traitée comme n’importe quel autre être humain, dans le
plein respect de ses droits inaliénables. La sanction pénale ne signifie pas que l’ensemble des
droits du prisonnier sont suspendus. La peine de prison est une forme de punition qui prive
quelqu’un de sa liberté, mais non pas des droits de l’homme fondamentaux. ^^^En prison,

ces droits se résument essentiellement en deux sous-groupes notamment les droits relatifs à la
protection sanitaire des prisonniers (§1), puis ceux relatifs à la restauration du lien social (§11).

UNODC, manuel à l’intention des directeurs de prison, op.cit. P.26.

264
§I : Les droits relatifs à la protection sanitaire des prisonniers

La privation de liberté est une peine consécutive à la transgression de la loi établie


dans la société. Les personnes incarcérées étant des êtres humains tout comme les autres
personnes de la société continuent de bénéficier de la protection des droits fondamentaux à
l’exception de la liberté d’aller et de venir. Il est opportun de retenir qu’un détenu reste et
demeure un justiciable dans la mesure où il bénéficie des droits de la procédure notamment le
droit d’avoir un avocat, le droit au recours juridictionnel...

Le détenu est également un usager du service public (l’établissement pénitentiaire). Il


a donc le droit de se prévaloir d’une condition de vie approprié dans la prison (B). Il a
également le droit à la protection de son intégrité physique et morale dans cet univers carcéral
(A).

A-Le droit à l’intégrité physique et morale

Dans un État de droit, l’Etat dispose du monopole de la violence légitime. Cela dit,

en cas de trouble causé à l’ordre public ou de transgression à la loi, il doit user de sa


prérogative régalienne pour rétablir l’ordre afin de maintenir la paix sociale. Pour y arriver,
l’État préserve par le biais de ses institutions de sécurité notamment la police, les tribunaux,
les prisons l’ordre public et la paix sociale.

Les droits fondamentaux reconnus à chaque individu de manière universelle sont


consignés au sein des normes internationales que les États peuvent ratifier ou auxquelles ils
peuvent adhérer. L’État qui fait le choix d’adhérer ou de ratifier une convention internationale
s’engage à reconnaître et protéger les dispositions qu’elle contient, à l’exception de celles
faisant l’objet de réserves.

L’État de droit, respectueux de la loi doit donc protéger les droits fondamentaux de

tous les individus y compris ceux qui subissent des peines privatives de liberté. Le détenu,
hormis la liberté d’aller et de venir conserve tous les droits inliérents en sa qualité de citoyen
voire d’être humain. Il n’a donc pas perdu ses droits du fait de sa condamnation à une peine
privative de liberté. Dans cette logique, il bénéficie tout naturellement du droit à l’intégrité

BICE, recueil sur la minorité Côte d’ivoire, Deutschland, 2003 P. 13.

265
physique et morale. Ce droit implique l’interdiction des actes de torture, de brimades voire de
mauvais traitements à l’encontre du détenu.

L’interdiction des actes de torture et de mauvais traitement tire sa source dans le


concept de la dignité humaine. La notion de dignité, une de ces notions à contenu variable
dont la portée ne peut être déterminée avec précision ni sans ambiguïté. L’interdiction de la
torture serait une des expressions tangibles de cette « dignité inhérente à la personne »
reconnue par la charte des nations unies. Par conséquent, les prisonniers doivent être traités
en toute circonstance avec humanité, dans le respect de la dignité inhérente à la personne
humaine dès leur admission en prison et cela jusqu’à leur libération. Dans cette optique,
l’article 5 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme dispose que : « Nul ne sera
soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Dans le même ordre d’idées, le paragraphe 1 de l’article premier de la Convention


contre la torture et autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant définit la torture
comme : « tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales,
sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d’obtenir d’elle ou d’une
tierce personne des renseignements ou des aveux, de la punir d’un acte qu’elle ou une tierce
personne a commis ou est soupçonnée d’avoir commis, de l’intimider ou défaire pression sur
elle ou d’intimider ou de faire pression sur une tierce personne, ou pour tout autre motif
fondé sur une forme de discrimination quelle qu ’elle soit, lorsqu ’une telle douleur ou de telles
souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique ou toute autre personne
agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce
terme ne s’étend pas à la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions
légitimes, inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles ».

De façon prosaïque, la torture est toute forme de douleur ou de souffrance physique ou


mentale en dehors des souffrances inhérentes à la détention. Les “éléments constitutifs
essentiels” de la torture, telle que celle-ci est définie à l’article premier de la Convention
contre la torture, sont:

-Le fait d’infliger une douleur ou des souffrances physiques ou mentales graves;

- Par des autorités étatiques ou avec leur consentement ou leur acquiescement;

5**’ Mireille DELMAS-MARTY (dir), vers les principes directeurs internationaux de droit pénal, criminalité
économique et atteintes à la dignité de la personne, op.cit. P.l 11.

266
-Dans un but spécifique comme l’obtention de renseignements, une punition ou une
intimidation.

La Convention contre la torture définit les peines ou traitements cruels, inhumains ou


dégradants comme : « Les autres actes constitutifs de peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants qui ne sont pas des actes de torture, telle qu’elle est définie à l’article 1,
lorsque de tels actes sont commis par un agent de la force publique ou toute autre personne
agissant à titre officiel ou à son instigation ou avec son consentement... Aucun détenu ne
doit pas donc être frappé ou soumis à des punitions corporelles extrêmes. Il ne doit être
soumis même avec son consentement à des expérimentations médicales nuisibles à sa santé et
à son intégrité physique. Les agents d’encadrement des établissements pénitentiaires doivent
donc éviter des traitements cruels et dégradants à l’encontre des détenus sinon leur
responsabilité pourrait être engagée.

Les autorités pénitentiaires doivent mettre tout en œuvre pour le respect de l’intégrité
physique et morale des détenus. Elles doivent gérer les établissements pénitentiaires
conformément aux droits de l’homme, car une prison qui ne respecte pas ces droits est
qualifié de « prison de la honte » comme le titre de l’ouvrage de NIAUSSAT, Michel, Les
prisons de la honte - 1998. L’auteur a été pendant 20 ans, aumônier à la maison d’arrêt du
Mans. C’est un lieu où sont écrouées des personnes qui ne sont pas encore jugées, et dont la
culpabilité n’est pas avérée. Il s’agit d’un livre militant, qui accuse l’hypocrisie d’une société
se revendiquant gardienne des droits de l’homme.

Les prisons ne doivent donc pas être selon l’auteur des prisons où les droits de l’homme
sont bafoués. Les prisons doivent êtres des lieux où l’on respecte quotidiennement les droits
de l’homme. Ce qui implique logiquement que les prisonniers soient détenus dans conditions
appropriés voire saines.

Paragraphe 1 de l’article 16 de la convention contre la torture.

267
B- Le droit à des conditions de détention saines

Les normes et règles internationales relatives à l’emprisonnement, aux prisons, aux


détenus et aux fonctionnaires de l’Administration pénitentiaire sont basées sur un
ensemble de droits de l’homme universels et fondamentaux qui sont consacrés dans le droit
international. Ces droits sont applicables à tous les êtres humains, et l’une des responsabilités
de tout gouvernement est de les défendre. Cela signifie que toutes les administrations
et tous les organismes de l’Etat doivent, dans leurs fonctions, non seulement être
soucieux des droits de l’homme, mais ne doivent en violer aucun. Les Etats ont le devoir de
s’assurer que les droits de l’homme des personnes vivant à l’intérieur de leurs frontières
sont protégés, et que tout est fait pour garantir que cette protection existe bien, tant dans
le droit que dans la pratique.

Cette philosophie est également développée par la Cour Européenne des droits de
l’Homme dans sa jurisprudence : « L’article 3 de la Convention impose à l’État de s’assurer

que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la
dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à
une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance
inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé
<*71
et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate.

À la lumière de ce qui précède, les autorités carcérales ont pour mission de


maintenir le détenu en vie et d’assurer son bien-être physique et moral. Cet état de fait
implique le droit pour les prisonniers d’être détenus dans des conditions de vie appropriées
voire des conditions de détention saines. En conséquence, ils doivent bénéficier d’un
logement adéquat, d’une alimentation équilibrée et d’un habillement approprié et des soins de
santé.

En résumé. Toutes les personnes privées de liberté ont droit à des eonditions de vie
adéquates, notamment en termes d’alimentation, d’approvisionnement en eau potable, de
logement, d’habillement et de literie. Le logement des prisonniers doit être propre et doit
bénéficier d’un cubage d’air, de la lumière, d’une ventilation. L’Ensemble de règles minima
pour le traitement des détenus impose le respect des principes suivants : Règle 9. 1) « Les

UNODC, op.cit. P.25.


Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, les droits de l’homme dans les prisons, volume
1, Paris, 2007, P. 36.

268
cellules ou chambres destinées à l’isolement nocturne ne doivent être occupées que par un
seul détenu. »

Règle 10. « Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des
détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences de l’hygiène, compte tenu du climat,
notamment en ce qui concerne le cubage d’air, la surface minimum, l’éclairage, le chauffage
et la ventilation. »

Règle 11. « Dans tout local où les détenus doivent vivre ou travailler :

a) Les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que le détenu puisse lire et travailler à
la lumière naturelle; l’agencement de ces fenêtres doit permettre l’entrée d’air frais, et ceci
qu’il y ait ou non une ventilation artificielle;

b) La lumière artificielle doit être suffisante pour permettre au détenu de lire ou de travailler
sans altérer sa vue. ».

Ces conditions de détention prescrites par l’ensemble des règles minima pour le
traitement des détenus favorisent une santé adéquate des détenus. Il faut également relever
que ceux-ci pendant leur détention ont droit à des soins de santé appropriés.

Une bonne santé est importante pour tous. Elle influence le comportement des
personnes et leur capacité à fonctionner en tant que membres de la communauté. Une bonne
santé est particulièrement importante dans la communauté fermée d’une prison. La nature de
l’emprisonnement peut avoir un effet néfaste sur le bien-être physique et mental des détenus.
Les administrations pénitentiaires ont donc la responsabilité non seulement de fournir des
soins médicaux mais aussi d’établir des conditions qui favorisent le bien-être des détenus et
• ^79
du personnel pénitentiaire.

Il faut également noter par ricochet que le manque d’une alimentation, d’un
approvisionnement en eau potable, d’un habillement et d’un logement adéquat a souvent pour
effet d’infliger aux détenus un mauvais traitement qui peut s’apparenter à la torture dans les
cas les plus graves. Dans la pratique, force est de reconnaître que le droit des prisonniers à
des conditions de vie appropriées est difficile à mettre en œuvre eu égard au phénomène de la
surpopulation des prisons ivoiriennes et partant de toutes les prisons du monde.

Andrew COYLE, op.cit, P. 49.

269
C’est dans cette logique certainement que Michel NIAUSSAT dans son ouvrage Prison
ma colère : le scandale des maisons d’arrêt en France, Ouest-France, coll. Ecrits, 2004,
dresse un bilan de la situation actuelle des prisons et amène à réfléchir sur la question du
respect des droits de l’Homme. Par ailleurs, il est indispensable que les droits de l’homme
soient respectés dans les prisons afin de faciliter plus aisément la réinsertion des prisonniers
dans la société après leur libération, d’où le respect des droits relatifs à la restauration du lien
social de ceux-ci.

§IE Les droits relatifs à la restauration du lien social des détenus

Les droits relatifs à la restauration du lien social des détenus se perçoivent nettement
à travers les règles de l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus qui
précisent que : « Le traitement des individus condamnés à une peine ou mesure privative de
liberté doit avoir pour but, autant que la durée de la condamnation le permette, de créer en
eux la volonté et les aptitudes qui les mettent à même, après leur libération, de vivre en
respectant la loi et de subvenir à leurs besoins. Ce traitement doit être de nature à
encourager le respect d’eux-mêmes et à développer leur sens de la responsabilité. »

« A cet effet, il faut recourir notamment aux soins religieux dans les pays où cela est
possible, à l’instruction, à l’orientation et à la formation professionnelle, aux méthodes de
I ’assistance sociale individuelle, aux conseils relatifs à l'emploi, au développement physique
et à l ’éducation du caractère moral, en conformité des besoins individuels de chaque détenu.
II convient de tenir compte du passé social et criminel du condamné, de ses capacités et
aptitudes physiques et mentales, de ses dispositions personnelles, de la durée de la
condamnation et de ses perspectives de reclassement Il se dégage tout principalement à
travers ce qui précède le droit à une formation professionnelle des détenus (A) et par ricochet
le droit pour eux d’être en contact avec le monde extérieur (B).

Article 65 de l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.


5’“’ Article 66 de l’ensemble de règles minima pour le traitement des détenus.

270
A-Le droit à une formation professionnelle

La peine privative de liberté a trois finalités à savoir la sanction, l’amendement et la


réinsertion sociale du délinquant. Bien que la sanction soit une conséquence logique de la
faute commise par le délinquant, il faut relever que l’amendement et la réinsertion sociale
demeurent et constituent des visées fondamentales de la prison. En conséquence, pour
préparer efficacement le retour du détenu dans la vie civile, il lui est imposé pendant sa
période de détention une formation professionnelle voire l’exécution d’une activité
professionnelle. Cette idée se dégage nettement à travers l’article 68 du décret du 14 mai 1969
portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution
des peines privatives de liberté qui dispose : « Les condamnés sont astreints au travail. Le
travail ne doit pas être considéré comme un complément de la peine, mais comme un moyen
permettant au condamné de préparer sa réintégration dans la société ». Les activités de
travail sont donc prises en compte pour l’appréciation des gages de réinsertion et de bonne
conduite des détenus. Tous les détenus médicalement aptes qui purgent des peines privatives
de liberté sont tenus de travailler.

Dans la mesure du possible, ce travail doit leur conférer des qualifications


professionnelles de sorte qu’ils puissent gagner honnêtement leur vie après leur sortie de
prison. « La durée du travail ne doit pas excéder 8 heures par jour, sauf circonstances
exceptionnelles et sur réquisition de l'Autorité administrative. Le travail est suspendu les
dimanches et jours fériés sauf celui nécessaire au fonctionnement essentiel des
Etablissements

Il y a deux types d’activités que les détenus exercent en prison. Le premier type
d’activité est celui du service général pour le compte de l’établissement pénitentiaire ou de
l’administration pénitentiaire. Il s’agit entre autre des travaux de propreté ou d'entretien des
bâtiments, des travaux des services assurant le fonctionnement de l'Etablissement, et des
travaux au sein des ateliers techniques, sur les chantiers et jardins de l’Administration
pénitentiaire. Ces travaux pour la plupart ne sont pas rémunérés.

Le deuxième type d’activité est celui fait auprès des collectivités publiques, des diverses
Administrations, des entreprises industrielles ou commerciales privées... (c’est le contrat de
la concession). Ce type d’activité par contre est rémunéré. Les détenus doivent recevoir une

5^5 Article 71 du décret du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements et fixant les peines privatives
de liberté.

271
juste rémunération pour leur travail. Ils peuvent donc dépenser cette rémunération en prison,
envoyer une partie à leur famille ou même économiser une partie en vue de leur libération.

La prison a aussi ses pauvres, ceux qu'on nomme les "indigents". En prison comme
ailleurs, c’est le travail qui apporte une source de revenu aux détenus. Faire travailler le plus
de détenus, permettre au maximum d’entre eux d'obtenir un salaire, c'est aussi prévenir des
conséquences néfastes de la pauvreté sur le maintien de l'ordre. Les surveillants et
l'encadrement de la prison disent comme les détenus, que l'argent du travail permet
d'agrémenter le quotidien . Dans cette logique, le principe 8 des Principes fondamentaux
relatifs au traitement des détenus dispose : « Il faut réunir les conditions qui permettent aux
détenus de prendre un emploi utile et rémunéré, lequel facilitera leur réintégration sur le
marché du travail du pays et leur permettra de contribuer à subvenir à leurs propres besoins
financiers et à ceux de leur famille. »

Le travail pénitentiaire ne doit pas avoir un caractère afflictif. Tous les détenus
condamnés sont soumis à l’obligation du travail, compte tenu de leur aptitude physique et
mentale telle qu’elle sera déterminée par le médecin. Il faut fournir aux détenus un travail
productif suffisant pour les occuper pendant la durée normale d’une journée de travail. Ce
travail doit être, dans la mesure du possible, de nature à maintenir ou à augmenter leur
capacité de gagner honnêtement leur vie après la libération. Il faut donner une formation
professionnelle utile aux détenus qui sont à même d’en profiter et particulièrement aux jeunes.
Dans les limites compatibles avec une sélection professionnelle rationnelle et avec les
exigences de l’Administration et de la discipline pénitentiaire, les détenus doivent pouvoir
choisir le genre de travail qu’ils désirent accomplir.^^^

La formation professionnelle voire le travail pendant la détention permet d’équiper les


détenus pour la vie sociale après leur sortie de prison. Par ailleurs, dans la pratique, la
réinsertion socio professionnelle des détenus s’avère délicate selon DÉCISIER, Donat /
CONSEIL ÉCONOMIQUE ET SOCIAL (Paris, France). Command. Les conditions de la
réinsertion socioprofessionnelle des détenus en France. Paris : la documentation française,
2006. 242 p. (Avis et rapports du Conseil économique et social).

Selon l’auteur, la mission d'insertion des personnes détenues reste encore


insuffisamment prise en compte et les résultats sont peu probants. Les orientations tracées par

Fabrice GUILBAUD, op.cit, P. 182.


5^’ Article 71 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.

TJl
le Conseil économique et social portent tant sur l'amélioration des conditions générales de
détention pour favoriser l'accès des détenus à l'éducation, à la formation et au travail que sur
le renforcement des dispositifs de préparation à la sortie et de suivi post-carcéral.

Pour l'Etat, le travail pénitentiaire n'avait pas pour but explicite de faire du profit mais de
réduire les coûts liés à l'emprisonnement, en conséquence de quoi les produits du travail
pénitentiaire étaient vendus à des prix très bas. Le travail était une nécessité pour l'État parce

que, comme aujourd'hui, il était un moyen efficace de maintien de l'ordre dans les prisons,
mais aussi parce qu'il permettait à l'Administration d'alléger ses charges.

Le travail pénitentiaire, dans les traditions sociologiques énoncées, est peu évoqué,
et, quand il l'est, c'est comme un simple instrument de gestion de la détention, comme
peuvent l'être d'autres activités. La fonction étant de "réduire les tensions". "L'importance de
cette fonction dans l'ensemble des prisons est telle que bien des activités ou finalités de
celles-ci peuvent être considérées comme secondaires par rapport à la nécessité de
réduire les tensions, ou peuvent être détournées dans ce but de leur finalité première : les
activités destinées à former ou réinsérer les détenus sont aussi un moyen de les "occuper", et
ainsi de canaliser les tensions. Les détenus "occupés" sont distraits de leurs
préoccupations et déchargent leurs tensions en s'investissant dans celles-ci. [...]
L'occupation d'un maximum de détenus est un gage de calme dans les prisons." La relation de
service qui s'instaure entre détenus et surveillants peut exiger "une grande disponibilité de la
part des surveillants en raison de la dépendance des détenus^^^.

Notons également que le travail pénitentiaire ou la formation professionnelle est un droit


du détenu au même titre que le droit d’être en contact avec le monde extérieur pendant sa
détention.

Fabrice GUILBAUD, op.cit, P. 17.


5’’ Idem, P.55.

273
B-Le droit d’être en contact avec le monde extérieur

Les détenus en prison perdent tout naturellement le droit de se déplacer librement voire
la liberté d’aller et venir dans la société, mais ils conservent certains droits dont celui d’être en
contact avec le monde extérieur. Le monde extérieur, en l’espèce, constitue essentiellement la
famille, les amis, les proches du détenu, des ministres des cultes... Il s’agit d’un droit des
détenus mais également d’un droit des membres de la famille, des proches qui ne sont pas
emprisonnés. Ces derniers conservent le droit d’être en contact avec leur père ou mère, fils ou
fille, frère ou sœur, cousin, cousine emprisonné.

Ce droit est mis en exergue par le décret du 14 mai 1969 portant réglementation des
établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté notamment en ces termes : « Les détenus ont la faculté de recevoir des visites de leur
conjoint, de leurs ascendants, de leurs descendants, de leurs frères et sœurs germains et de
leur tuteur. Exceptionnellement, et pour des motifs laissés à l'appréciation des Autorités
visées à l'article suivant, les détenus peuvent être visités par d'autres personnes ».

L’article 119 du même décret émet l’exigence d’un permis de visite pour tous ceux qui
ont un lien de parenté avec un détenu quelconque ou même certains visiteurs qui n’ont aucun
lien de parenté avec les détenus. Ce permis de visite est délivré par le magistrat saisi du
dossier de la procédure, s'il s'agit d'un prévenu ou par le juge de l'application des peines, s'il
s'agit d'un condamné. Ces visites ont lieu principalement dans un parloir comportant un
grillage séparant les détenus et leurs visiteurs sous la surveillance d’un agent pénitentiaire.

Ces parloirs sont des moments d’échanges des détenus avec leurs parents ou des visiteurs
éventuels. Ces moments permettent aux détenus de partager leur vie en prison avec leurs
parents et que ceux-ci les imprègnent des affaires familiales et bien d’autres choses. Dans ce
contexte, Eric CORBEYRAN, dans son ouvrage Sous forme de courtes bandes dessinées
Paroles de parloirs édition Delcourt, coll. Encrages, 2003 relate les témoignages des proches
de détenus. Ces témoignages aident à appréhender le quotidien, les problèmes spécifiques des
familles de détenus et du quotidien carcéral détenus mêmes.

Les autorités pénitentiaires doivent tout mettre en œuvre pour assurer le contact des
détenus avec leurs familles, car « La famille est l’élément naturel et fondamental de la société

Article 118 du décret du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les
modalités d’exécution des peines privatives de liberté.

274
et a droit à la protection de la société et de l’État De toute évidence, le contact des

détenus avec leurs proches est un critère de traitement de ces détenus avec dignité et
humanité. Ainsi, si les détenus, pendant l’exécution de leur peine privative de liberté,
maintiennent des liens avec leur famille et la société, cela facilitera certainement leur
réintégration dans la communauté après leur libération.

Le droit de contact avec le monde extérieur permet aux détenus de gérer certains de
leurs affaires bien qu’étant en prison. Il permet aux familles des prisonniers d’apporter un
soutien moral, financier et voire même spirituel précieux à ceux-ci. La vulnérabilité des
mineurs incarcérés et des jeunes détenus exige également qu’il soit en contact régulier avec
leurs parents afin de préserver leur relation et que les parents puissent même hors de la prison
continuer le devoir d’éducation qui leur incombe à l’égard de leurs enfants incarcérés.

Ainsi, comment la continuité des liens familiaux est-elle assurée, dès lors que ceux-ci
sont ébranlés par une procédure ou une sanction pénale ? Cette question est analysée à travers
l’ouvrage de BOUREGBA, Alain (dir.). Les liens familiaux à l’épreuve du pénal. Ramonville
Saint-Agne : Erès, 2001. 140 p. sous différentes facettes : l’enfant face à son parent incarcéré
et le jeune mineur incarcéré face à sa famille. Cela dit, la continuité des liens familiaux des
détenus et partant la matérialisation de son droit de contact avec le monde extérieur ne peut
être assurée que par cinq moyens principaux notamment les lettres, les visites, les
permissions de sortie ou les libérations conditionnelles temporaires, les livres, les journaux et
les médias.

En somme, pour une meilleure facilitation du reclassement social du détenu après leur
sortie de prison, les autorités pénitentiaires doivent donc veiller au maintien et à
l’amélioration de leur lien avec leur famille, gage de la stabilité familiale et d’une bonne
réintégration dans la société. Par ailleurs, l’ensemble des droits de détenus que nous avons
passés en revue peuvent être compromis à cause de certaines entraves politiques et carcérales.

Article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.

275
CHAPITRE II :

LES ENTRAVES À LA MISSION DE RESOCIALISATION DE


LA PRISON, DES CONSÉQUENCES DE L’INEXÉCUTION
TOTALE DES MISSIONS D’UTILITÉ SOCIALE

Toute personne soumise à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement est


traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine .Les
prisonniers étant des êtres humains doivent être traités en conséquence avec bénignité et
estime afin de faciliter leur resocialisation. Ainsi, pourrait-on dire que la mission
fondamentale de la prison demeure la réinsertion sociale ou la resocialisation du prisonnier.
De meilleures conditions de détention favorisent aisément la resocialisation du détenu et évite
autant que possible le phénomène de la récidive, d’où la baisse de la délinquance ou de la
criminalité. Par ricochet, les conditions de détention des prisonniers doivent être décentes car
elles sont des indices déterminants du respect et de l’application des principes des droits de
l’homme par un pays. Un Etat de droit ne doit donc pas exclure les prisonniers car ce sont des
êtres humains qui ont besoin d’être traités avec dignité et respect. La Côte d’ivoire, à l’instar
de tous les autres Etats de droit a interdit dans sa norme suprême les traitements inhumains à
l’endroit de toutes les personnes vivant sur son territoire.

En conséquence, selon l’article 5 de la Constitution Ivoirienne : «£ 'esclavage, la Iraite


des êtres humains, le travail forcé, la torture physique ou morale, les traitements inhumains,
cruels, dégradants et humiliants, les violences physiques, les mutilations génitales féminines
ainsi que toutes les autres formes d’avilissement de l’être humain sont interdits.. Les
prisonniers et les détenus comme les autres personnes libres doivent être traités en toute
circonstance de façon humaine et digne pour une meilleure réinsertion sociale. Cependant, il
faut reconnaître que depuis l’indépendance de la Côte d’ivoire, des facteurs d’ordre politique
(section I)) et spécifique au fonctionnement de la prison (section II) auraient détourné la
prison de cette mission fondamentale qu’est la resocialisation du prisonniers.

Principe 1 de l’ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme
quelconque de détention ou d’emprisonnement.
5’’' Article 5 de la Constitution ivoirienne de 2016 (journal officiel de la république de Côte d’ivoire numéro 16
du 9 novembre 2016).

276
SECTION I :

LES ENTRAVES D’ORDRE POLITIQUE

Pendant la colonisation, le colonisateur a attribué à la prison des fonctions coercitives


tendant à instaurer et à maintenir l’ordre public colonial. Elle avait en outre des fonctions
économiques qui se traduisaient par l’exploitation des ressources naturelles de la colonie et sa
mise en valeur par la main d’œuvre pénale. L’indépendance de la Côte d’ivoire le 7 août 1960
marquera le début d’un réel aggiornamento de la prison.

Dès lors, elle aura une finalité d’utilité sociale voire de défense sociale (sanction-
amendement-réinsertion sociale du délinquant) en principe. Cependant, elle sera détournée de
cette fonction utilitaire pour répondre aux exigences politiques depuis l’indépendance jusqu’à
nos jours. Dans cette perspective, elle servira d’instrument de consolidation du pouvoir
politique (§1) et de sécurisation de l’hégémonie du parti au pouvoir (§11).

: La prison, instrument de consolidation du pouvoir politique

Avec l’indépendance de la Côte d’ivoire, les nouvelles autorités ivoiriennes vont


s’atteler à consolider leur pouvoir par la répression de la subversion. Selon Pélagie Chantal
BELLOMO ESSOMO « La répression de la subversion est la manifestation de
l’éradication de toute forme d’opposition. A travers elle, le pouvoir tente d’effacer toute
trace des forces nationalistes. A cet égard, le schème qui sous-tend la politique de répression
s’articule autour de la notion de restauration et/ou de rétablissement de l’ordre»^^^.

La répression se traduit d’une part, par la légalité portant sur la répression de la


subversion et d’autre part, par des mesures concrètes à savoir la mise en œuvre d’une
technologie de la violence^^^. Dans ce contexte, il y aura la répression de l’atteinte à la sûreté
de l’Etat (A) et des complots contre l’autorité de l’État (B).

Pélagie Chantal BELLOMO ESSOMO, l’ordre et la sécurité publique dans la construction de l’Etat au
Cameroun, thèse de doctorat en science politique soutenue le 6 février 2007 à l’université Montesquieu -
Bordeaux IX, P.355.
Idem, P.356.

277
A-La répression de l’atteinte à la sûreté de F État

Du latin securitas, la sûreté revêt plusieurs significations notamment celles de garantie ;


sécurité ; fiabilité, certitude. En l’espèce, nous ne retiendrons que l’idée de sécurité. Ainsi, la
sûreté de l’Etat implique la préservation de la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat.
Autrement dit, les atteintes à la sûreté de l’Etat sont des infractions ayants pour but de
compromettre l'existence de la nation ou d'en modifier la structure constitutionnelle, tendant
et tendent, en fin de compte, à bouleverser l'ordre politique.

En bref, elles déstabilisent les fondements de l'organisation étatique voire sociale.


Définies comme telles, les atteintes à la sûreté de l’Etat sont par voie de conséquence des
infractions qui compromettent la défense nationale, mettant ainsi en péril la paix intérieure.
Cela exposé, il faut relever que ces atteintes ont deux formes : les infractions de droit
commun et les infractions purement politiques.

Les infractions de droit commun sont celles qui troublent l’ordre social. Dès lors, les
infractions de droit commun quant aux atteintes à la sûreté de l'État sont généralement

contenues dans le code pénal et dans une moindre mesure dans certains textes législatifs.
Nonobstant que l'on y retrouve des infractions politiques. Ces infractions sont constituées des
atteintes à la sûreté intérieure et extérieure. Dans ce contexte, il y a la trahison et
l’espionnage (art. 141 à 144 du code pénal). Ces articles prévoient la peine de mort pour les
auteurs de ces infractions.

Par ailleurs, notons que la peine de mort a été abolie par la Constitution ivoirienne du
23 juillet 2000 et la nouvelle Constitution de 2016. Il y a également les atteintes à la défense
nationale (art. 145 à 157 du code pénal). Ainsi, « Quiconque rassemble, dans l'intention de les
livrer à une puissance étrangère, des renseignements, objets, documents ou procédés dont la
réunion et l'exploitation sont de nature à nuire à la défense nationale est puni de
l'emprisonnement à vie » . Quant aux infractions politiques, ce sont celles portant atteinte à
un intérêt politique de l’Etat. Les infractions politiques sont également celles qui portent
atteinte aux droits politiques des citoyens ou menace l'existence, l'organisation ou le
fonctionnement d'un État. L’objet doit être politique, c’est-à-dire porter atteinte à l’ordre
politique et institutionnel.

Art. 145 du code pénal ivoirien.

278
À part certaines atteintes que nous pouvons considérer comme politiques contenues

dans la loi (trahison, espionnage, intelligence avec une puissance étrangère, complots,
mouvements insurrectionnels, atteintes à la sécurité des forces armées et au secret de la
Défense nationale), elles n'ont en principe aucune base juridique. Son régime déroge du droit
commun de par sa qualification et sa sanction. La reconnaissance de cette variété particulière
d'infraction obéit à des justifications opposées selon la nature de l'État.
Dans un État autoritaire, l'infraction politique sert d'instrument au renforcement de la

répression. En édictant des délits d'opinion, le plus souvent aux contours mal définis, le
pouvoir vise au premier chef à effacer toute contestation et à éliminer les opposants ou
supposés tels. La répression de ces délits est confiée à des juridictions d'exception qui, dans
bien des cas, jouent le rôle de « machines à condamner ».

À l'inverse, dans un État démocratique, les infractions politiques sont plus

circonscrites. Leurs auteurs bénéficient d'un régime dérogatoire au droit commun au nom de
la tolérance vis-à-vis de la libre propagation des idées qui caractérise les régimes
démocratiques.
Loin de fournir une définition formelle de l'infraction politique, le Code pénal n'en
fait nullement mention. L'infraction politique se déduit donc du silence de la loi : c'est parce
que le législateur mentionne l'existence d'infractions de droit commun qu'il qualifie de la
sorte, que les infractions qui ne relèvent pas de cette catégorie sont, par défaut, qualifiées
d'infractions politiques. A la lumière de ces analyses, notons que dans l’optique de réprimer
les atteintes à la sûreté de l’État, l’assemblée nationale ivoirienne a voté le 11 janvier 1963
une loi portant création d’une cour de sûreté de l’État.

Il s’agit en effet d’une loi d’exception. La procédure prévue devant la cour de sûreté est la
procédure en vigueur en matière de droit commun, quoi que « l’enquête (soit) à caractère
politique ». Mais des modifications significatives à cette procédure de droit commun sont
introduites : nomination des juges par le président de la république ; allongement de la durée
de détention préventive à deux mois ; droit de perquisition de jour comme de nuit ;
appréciation de la nécessité de la poursuite et de la répression laissée au seul
exécutif ;exclusion des circonstances atténuantes, du sursis et de l’amnistie ;rétroactivité ; et
enfin, institution de peines accessoires portant sur la confiscation partielle ou totale des
biens.5^^

Samba DIARRA, op.cit, P. 109-110.

279
Présentant ensuite l’organisation de la cour de sûreté de l’État et son fonctionnement,

Vamé Doumouya fait savoir qu’elle comprendra un président, six juges titulaires et quatre
juges suppléants et que toutes ces personnalités seront nommées en fonction de leurs
compétences politiques, juridiques et administratives. Il précise que le président de la
république nommera le président de la cour, trois juges titulaires et deux juges suppléants sur
proposition du président de l’Assemblée Nationale.^^^Dès lors, tout dénote du caractère

purement politique de cette loi. Cette cour est de ce fait une juridiction d’exception qui a pour
but de juger les personnes accusées de porter atteinte à la sûreté de l’État. Elle concerne les
infractions politiques.

En étudiant le contexte de sa création, on se rend compte que c'est guidé par la


précipitation et l'appréhension que le législateur ivoirien en 1963 a créé cette cour pour se
munir d'un outil juridique de légitimation de la répression de l'opposition politique qui
s'annonce et partant de consolidation du pouvoir à cette époque. Rappelons que nous étions au
temps de parti unique (PDCI : Parti Démocratique de Côte d’ivoire) dont le président Félix
HOUPHOUËT-BOIGNY, était également le président de la Côte d’ivoire.

Cette loi avait donc pour finalité de préserver et de consolider le pouvoir politique à
cette époque. Elle avait été donc votée pour intimider et neutraliser toute forme d’opposition
au pouvoir du président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY . Dès lors. Pour les acteurs politiques,
la répression pénale des atteintes à la sûreté de l'Etat est donc une nécessité, car elle permet de
préserver leur pérennité dans la gestion des affaires étatiques. Notons que de nos jours, cette
cour a été remplacée progressivement par la cour d’assise.

Ainsi, les atteintes à la sûreté de l’État sont l’apanage de cette cour qui en principe juge
les infractions qualifiées de crimes. La répression de l’atteinte à la sûreté de l’État n’est pas le

seul moyen de préservation du pouvoir politique, il y a également celle du complot contre


l’autorité de l’État.

Frédéric GRAH MEL, Félix Houphouët-Boigny, l’épreuve du pouvoir (1960-1980), les éditions du CERAP,
Karthala, publié le 23/12/2010,P.85.

280
B-La répression de l’attentat ou complot contre l’autorité de
l’État

Le complot est un dessein ou un projet secret concerté entre plusieurs personnes, avec
l'intention de nuire à l'autorité d'un personnage public ou d'une institution, éventuellement
d'attenter à sa vie ou à sa sûreté. C’est donc un ensemble de menées secrètes destinées à nuire
à autrui. Il a donc comme synonyme la conspiration. Une conspiration est entre autre une
entente secrète entre plusieurs personnes, en vue de renverser un pouvoir établi, ou une
organisation en vue d'attenter à la vie d'une personne d'autorité. L’attentat par contre est une
action destinée à nuire (à attenter} aux biens ou à la vie d'autrui. On parle généralement
d'attentat dans un contexte politique voire terroriste. C’est donc une action violente et
criminelle, souvent meurtrière. A partir de ces différentes définitions, on pourrait donc
déduire que l’attentat ou complot contre l’autorité de l’Etat est une infraction tendant à nuire à
la vie du chef de l’Etat ou une action qui vise à déstabiliser les fondements constitutionnels de
l’Etat. Le code pénal en ses articles 158 et 159 réprime cette infraction : Art. 158 « Est puni
de la détention à vie, l'attentat dont le but est soit:

l°de détruire ou de changer le régime constitutionnel;

2°d'exciter les citoyens ou habitants à s'armer contre l'autorité de l'État ou s'armer les uns
contre les autres;

3°de porter atteinte à l'intégrité du territoire national

4°le massacre et la dévastation.

Art. 159. « Le complot ayant pour but les crimes précédent, s'il est suivi d'un acte commis ou
commencé pour en préparer l'exécution, est puni de la détention de cinq à vingt ans. Si le
complot n'est pas suivi d'un acte commis ou commencé pour en préparer l'exécution, la peine
est la détention de cinq à dix ans et une amende de 500 000 à 5000 000 de francs. Quiconque
fait une proposition non agréée de former un complot pour commettre l'un des crimes prévus
par l'article précédent, est puni de la détention d'un à cinq ans et d'une amende de 100 000 à 1
000 000 de francs. Le juge peut en outre, à titre complémentaire, priver le condamné de tout
ou partie des droits visés à l'article 66^^^ ». Bien que prévu par le code pénal, l’infraction de

Le juge peut priver le condamné du droit:

281
l’attentat ou complot contre la sûreté de l’État a été et demeure un moyen politique pour les

tenants du pouvoir en Côte d’ivoire pour consolider leur régime. Le premier président de
notre pays a été un modèle dans ce contexte. Pour consolider son pouvoir politique après les
années d'indépendances, HOUPHOUET avait sans nul doute développé sa politique générale
à partir de son éducation traditionnelle," et de sa conception personnelle de la notion de l’État.
L'État, pour lui, devrait être un pur instrument au service de la raison autocratique dans un
souci de l'intérêt général. Appréhender l'État de la sorte avait favorisé la mise en place d'un

système politique étatisé avec pour caractéristiques majeures le monopole de la force


publique, la régulation des comportements des concitoyens^^^...

Dans ce contexte, le professeur Samba Diarra dans son ouvrage intitulé les faux
complots d’HOUPHOUËT-BOIGNY relate les intrigues politiques du premier président de la
Côte d’ivoire indépendante. Dans cet ouvrage, voulant neutraliser tous ses opposants
politiques, il va imaginer voire créer de toute pièce toutes formes de complots pour consolider
son pouvoir. Ainsi, trois complots, ou prétendus tels, ont été mis en exergue dans ce livre. Il
s’agit du complot du chat noir, du complot des jeunes et du complot des anciens.

Le complot du chat noir :


Après le congrès de la jeunesse RDA section de la Côte d’ivoire, le Président
HOUPHOUËT-BOIGNY réunit du 19 au 21 mars 1959, un congrès de son parti, le PDCI-
RDA au cours duquel sa protégée Auguste Denise a été battue au poste de Secrétaire Général
par Jean-Baptiste MOCKEY, un héros de la lutte anticoloniale. Cette défaite de Dénise,
quoiqu’organisée dans l’ombre par HOUPHOUËT-BOIGNY lui-même est apprécié comme
un complot contre Houphouët qui s’en servira pour abattre Messieurs Jean-Baptiste
MOCKEY et Amadou KONÉ. C’est d’abord Mockey, qui est accusé, après son élection, de
complot contre HOUPHOUËT-BOIGNY et démis de toutes ses fonctions le 2 novembre
1959. Mais un complot peu ordinaire car les moyens que l’homme aurait mis en œuvre ne
sont que des moyens mystico-fétichistes, dont un chat enterré avec la photo d’HOUPHOUET-

l°d'être nommé aux fonctions de juré, d'assesseur, d'expert ainsi qu'aux emplois de l'administration et autres
fonctions publiques;
2°d'obtenir une autorisation de port d'arme;
3°d'exercer des charges tutélaires, de porter des décorations, d'ouvrir une école et de façon générale d'exercer
toutes fonctions se rapportant à l'enseignement, à l'éducation ou à la garde des enfants.
La privation peut porter sur l'ensemble ou sur partie desdits droits.
Aucune disposition de la présente section ne peut être interprétée comme modifiant les déchéances. Privations ou
interdictions de droits résultant de dispositions spéciales.
Félicien Navigué COULIBALY, Houphouët-Boigny, le pouvoir politique et les religions en Côte d’ivoire :
1960-1990 dans la revue Suisse d’histoire religieuse et culturelle, 2012, P.338

282
BOIGNY dans les boyaux. C’est « le complot du chat noir ». Ce complot selon le président
lui-même est de le « rendre impuissant, puis finalement lui ôter la vie ».

Le complot des jeunes :


En Janvier 1963, vint le tour d’Amadou KONÉ, secrétaire général de la jeunesse RDA-CI,

d’être accusé de complot avec l’ensemble des membres du bureau exécutif de son
mouvement. Ils sont accusés de complot contre la sûreté de l’État et condamnés à de lourdes

peines. La liste des mis en cause est étendue aux universitaires et autres intellectuels
fraîchement rentrés au pays après leurs études. C’est le complot des jeunes

Le complot des anciens :


La cour de sûreté de l’Etat qui a jugé les jeunes cadres est présidée par Jean-Baptiste
MOCKEY, le chef comploteur de 1959. Mais le 28 août 1963, soit quatre mois après le
jugement des jeunes cadres, il est arrêté et embastillé lui aussi, pour complot contre la sûreté
de l’Etat. Mais cette fois ci, il sera condamné à la peine de mort. Ses complices sont d’anciens
militants de la lutte anticoloniale auréolés du PDCI-RDA. C’est le complot des anciens.

Dans chacun de ces complots de 1963, instruction et procès se déroulent dans le domaine
privé du Président HOUPHOUËT-BOIGNY à Yamoussoukro, selon le même procédé, à
savoir : tortures, avocats commis d’office, huis clos, cour d’exception et lourdes peines. Au
total quatre-vingt-onze condamnations : dix-neuf à mort, neuf aux travaux forcés à perpétuité
et soixante-trois aux travaux forcés à temps. En réalité, tous ces complots étaient des pseudos
complots, imaginés par le président pour intimider et emprisonner tous les opposants à son
pouvoir. L’attentat ou complot contre l’autorité de l’État est un moyen juridique employé par
les tenants du pouvoir depuis l’indépendance jusqu’à nos jours pour embastiller les opposants
politiques afin de consolider leur pouvoir. Ainsi, « La candidate malheureuse aux élections
présidentielles d’octobre 2010 sera bientôt inculpée par KONÉ Mamadou, juge d’instruction
chargé du 3ème cabinet au tribunal de 1ère instance d’Abidjan-Plateau. Jacqueline OBLE a
été convoquée et entendue sur procès-verbal, lundi dernier, par le procureur de la République.
Elle est poursuivie pour atteinte à la sûreté de l’État, attentat ou complot contre l’autorité de
l’État, constitution de bande armée, direction ou participation à une bande armée,

participation - à un mouvement insurrectionnel , atteinte à l’ordre public, coalition de


fonctionnaires, rébellion, usurpation de fonction, tribalisme ou xénophobie »5^’. Il y a
également le cas du Professeur YAO-N’DRÉ. Le Pr YAO-N'DRÉ alias Pablo, ancien

5*” Source : Journal NORD-SUD, publication du 14 juillet 2011 sur www.abidjan.net.

283
président du conseil constitutionnel sera dans les jours à venir, convoqué par le procureur de
la République. Il est poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’État, attentat ou complot contre

l'autorité de l'Etat, constitution de bande armée, direction ou participation à une bande armée,
participation à un mouvement insurrectionnel , atteinte à l'ordre public, coalition de
fonctionnaires, rébellion, usurpation de fonction, tribalisme et xénophobie^^^.

À travers ces analyses, l’on s’aperçoit que la prison est utilisée comme un instrument de
consolidation du pouvoir politique pai' la répression de l’atteinte à la sûreté de l’État et celle
du complot contre l’autorité de l’État. Ces répressions visant à embastiller voir neutraliser

tous les opposants au régime politique au pouvoir. A cet égard, la prison sera un moyen de
sécurisation de l’hégémonie du pouvoir politique.

sn : La prison, moyen de sécurisation de Phégémonie du pouvoir


politique

Les régimes autoritaires ont connu en Afrique un développement substantiel même


si la nature et le degré d’autoritarisme varient d’un régime à l’autre : ainsi, le régime
autoritaire de Feu Félix HOUPHOUËT-BOIGNY n’est pas le même que celui instauré par
Feu GNASSINGBÉ Éyadema, qui diffère à son tour de celui de Feu SÉKOU TOURÉ en
Guinée, etc.^^^

Le choix de ces régimes autoritaires par les élites politico militaires des États africains
nouvellement indépendants est justifié par leur désir de promouvoir l’unité nationale et le
développement économique et social. Le pluralisme est dans cette optique considéré
comme inapte à promouvoir ces objectifs car caractérisé par la division, l’exacerbation des
inégalités et des conflits de classe contraires au projet de construction nationale. L’absence de
pluralisme se matérialise par l’instauration de partis uniques dans les États, censés fédérer
toutes les sensibilités pour la construction de l’État-nation. Cette perception du
développement et de l’édification de la nation, réductrice des libertés, œuvre des
dirigeants africains postcoloniaux, trouve une source de compréhension dans la théorie

Ibidem.
5’5 Jean François MÉDARD, « autoritarismes et démocraties en Afrique Noire », politique africaine, n° 43,
octobre 1991, P.92.

284
politique.Dans cette perspective, ces dirigeants recours à la prison pour neutraliser les
opposants politiques (A) à l’effet d’instaurer un règne ou un pouvoir sans contestation (B).

A-La neutralisation des opposants politiques

Fondée en 1893 comme colonie française, la Côte d’ivoire accède à la souveraineté


nationale et internationale le 07 août 1960, après une période d’autonomie avec la loi du 23
juin 1956 ou loi Cadre DEFERRE. De 1960 à ce jour, les activités sociales et politiques de
l’Etat indépendant de Côte d’ivoire ont été encadrées par trois grandes lois fondamentales :
les constitutions de 1960, de 2000 et de 2016. Celles-ci marquent l’avènement de trois
Républiques : la première de 1969 au 24 décembre 1999 incarnée par deux
présidents, HOUPHOUËT-BOIGNY et Henry KONAN BÉDIÉ. La deuxième République de

2000 à 2015 incarnée par les Présidents Laurent GBAGBO et Alassane OUATTARA. La
troisième qui a cours depuis 2016.

Rappelons que le passage de la première à la deuxième République s’est traduit par une
phase de transition du 24 décembre 1999 au 26 octobre 2000, dirigée par le Général Robert
GUÉI, président du Comité National de Salut Public (CNSP).

Notons que ces différents présidents ont utilisé des stratégies moins démocratiques
pour neutraliser toute forme d’opposition politique afin de stabiliser leur pouvoir. Au nombre
de ces stratégies, figure en bonne et due forme la prison que l’on pourrait qualifier de
politique.

La prison politique est un trait caractéristique des régimes dictatoriaux. Le pouvoir s’en
sert pour toutes les forces d’opposition. La prison sert aussi à convertir les adversaires
politiques par un travail de répression et de lavage psychologique.^^^

La prison dans certaines situations est considérée comme une sanction politique. A cet
égard l’on peut citer la fameuse prison d’Assabou construite en 1963 à l’est de Yamoussoukro
sur instruction Président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY. Il fit construire cette prison pour

5’“’ Kouléga Julien NICAISE, le Burkina Faso de 1991 à nos jours : entre stabilité politique et illusionnisme
démocratique, thèse pour le doctorat en science politique, présenté et soutenue publiquement le 1“ juillet
2013,université Bordeaux Segalen ,P. 15-16.
5’5 Source internet : www.presidence.ci consulté le 27 juillet 2016.
5’*^ Pélagie Chantal BELOMO ESSONO, op.cit, P.365.

285
corriger et redresser tous les opposants fictifs ou réels à son pouvoir. Ce qui vaut à cette
prison la qualification de prison d’Etat.

C’est une enceinte rectangulaire ceinte d’un haut mur de béton mesurant
approximativement 200 mètres de côté, comportant un mirador avec un projecteur
surplombant à chaque angle...L’intérieur de la prison est réparti en deux zones symétriques
de part et d’autre d’un axe vertical nord-sud, partant du greffe. La limite nord de l’axe est
occupée par une bâtisse rectangulaire de 60 sur 20 mètres, aménagée en deux rangées de cinq
cellules séparées par un couloir central. C’est l’aile des condamnés à mort.^^^ Il faut

également relever que Félix HOUPHOUËT-BOIGNY, premier président de la Côte d’ivoire


indépendante a régné en maître absolu sur le pays de 1960 à 1993; soit 33 ans de règne. Il
s’est servi de cette prison pour neutraliser tous les opposants politiques, mais aussi du camp
pénal de Bouaké, la prison civile de Dimbokro.

À l’instar du camp boiro, prison guinéenne où l’ancien président Ahmed SÉKOU

TOUR£, emprisonnait tous les frondeurs politiques, celle d’Assabou était également un lieu
de punition et de correction des opposants politiques.

On peut dire que la prison d’Assabou a fonctionné Comme une véritable université des
sciences sociales et politiques. Elle ne détenait principalement que les personnes jugés
hostiles au pouvoir sans partage du président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY. Ainsi, le
professeur Samba Diarra dans son ouvrage les faux complots d’ HOUPHOUËT-BOIGNY
écrit ceci ’. « Le 2 septembre 1963 au matin...vers 16-17 heures arrivent à la queue leu leu, en
tenue de ville, et chapeau melon pour certains, Jean-Baptiste MOCKEY, KACOU AOULOU,
Camille Gris, Jerôme ALLOH, Jean Konan BANNY et Tidiane DEM. Avec Michel
PlCHARD^^^à leur tête, ils gagnent le compartiment des condamnés à mort.^^^Y ont séjourné

également dans cette prison Germain COFFI GADEAU, Amadou THIAM, DJAUMANT
Etienne, DJESSO IJ Lougbo, SERY Koré...Bien que emprisonnés, ces prisonniers politiques
étaient suivis de près, puisque l ’on a installé des micros dans les locaux de la prison. Pour
terminer avec la vie à Assabou, il convient de souligner que les pensionnaires de la prison
sont totalement coupés du monde extérieur. Leurs parents et amis ndnt aucune nouvelle
d’eux...rien ne doit filtrer de la prison vers l’extérieur et vice-versa. Geôliers, infirmiers ne

5’’ Samba DIARRA, op.cit, P. 146.


5’8 Idem, P. 197.
5” 11 était l’un des régisseurs -coursier de la prison d’Assabou.
Samba DIARRA, op.cit, P. 148.

286
doivent sous aucun prétexte servir d’intermédiaires entre les prisonniers et leurs
connaissances de l’extérieur.

Trois ans après sa construction, la prison d’Assabou a été démoli « afin d’éviter un grand
malheur à toute la région du Centre. La faible pluviométrie de 1965-1966, l’assèchement du
lac aux caïmans et les attaques d’hommes par ces sauriens sont donnés comme de signes
prémonitoires ». Aussi faut-il relever que cette prison a atteint la mission politique
principale qui lui a été assignée à savoir : l’incontestabilité et la consolidation du pouvoir du
président Félix HOUPHOUËT-BOIGNY par la neutralisation des forces de l’opposition.

Par ailleurs, il faut relever que les présidents qui lui ont succédé depuis sa mort jusqu’à
nos jours ont au nom de la sûreté de l’État, du trouble à l’ordre public, complot contre

l’autorité de l’Etat, ont emprisonné les opposants politiques à leur pouvoir. Pour conserver le
pouvoir, le premier successeur du président HOUPHOUËT-BOIGNY, suivant un mécanisme
constitutionnel taillé sur mesure pour lui, le Président KONAN BÉDIÉ, initie le concept
discriminant de « l’ivoirité » par l’origine, et se lance dans une chasse aux sorcières (mandats
d’arrêt et incarcération des opposants).^^^

Dans ce contexte, les prisons ivoiriennes sont devenues des lieux de musellement de
l’opposition. Ainsi, la prison qui devait jouer un rôle d’utilité sociale par la sanction,
l’amendement et la resocialisation du délinquant, s’est muée en un instrument de
neutralisation des opposants politiques voire un réservoir des détenus d’opinion. Notons que
ces détenus sont emprisonnés dans des conditions exécrables, une manière de les avilir
moralement et psychologiquement.

En bref, la prison est l’arme d’anéantissement et d’humiliation des catégories définies


comme « ennemies ». De ce fait, elle constitue l’un des éléments de la violence
politique. L’arrestation et la détention servent à régler les différends et les
antagonismes entre les dominants et les dominés. Ils relèvent donc de la thérapie politique
dans un système où toute opposition représente une menace pour les dirigeants^^"*. Par voie de

conséquence, la prison aura une mission de sécurisation du pouvoir politique.

Idem, P. 196.
Samba DIARRA, op.cit, P.203.
Source : www.connectionivoirienne.net consulté le 27 janvier 2016.
Pélagie Chantal BELOMO ESSONO, op.cit, P.367.

287
B-L’ instauration d’un pouvoir sans contestation

La plupart des dirigeants africains après les indépendances ont conservé des traits du
processus colonial à savoir la domination, la répression des opposants politiques. Cet état de
fait se perçoit à travers l’instauration d’un pouvoir incontesté et sans partage.

Ainsi, on peut citer entre autres SÉKOU TOURÉ de la Guinée, Félix HOUPHOUËT-

BOIGNY de la Côte d’ivoire, Jean-Bedel BOKASSA du Centrafrique, HASSAN II du


Maroc, Mobutu SÉSÉ SEKO du Congo et Étienne GNASSINGBÉ ÉYADÉMA du Togo

pour ne citer que ceux-là. Ils ont eu recours à des arrestations arbitraires, des
emprisonnements massifs pour museler toutes formes d’opposition à leur pouvoir.

Le premier président de la Guinée par le bais du tristement célèbre camp boiro (camp
de détention) a instauré un pouvoir dictatorial. À la fin des années 1960, Mamadou GHALY

SOW, opposant, est arrêté, emprisonné, puis exilé. Au fil du temps, la paranoïa croissante de
Sékou Touré conduit à l'arrestation de nombreux opposants politiques présumés. Le Camp
Boiro reste le symbole de cette répression violente où, selon une estimation, 5 000 personnes
sont exécutées parfois après des tortures inhumaines dénoncées alors par Amnesty
International. A travers la police secrète et les exécutions dans les camps de détention, Sékou
1’ouré fait régner sur le pays un régime de terreur, contraignant des milliers de Guinéens à fuir
la répression. Des dizaines de milliers de dissidents guinéens cherchent à fuir le pays.^^^

Le président ivoirien quant à lui assura son hégémonie en Côte d’ivoire et partant dans
la sous-région ouest-africaine et même au-delà, réduisant au silence tous ses opposants
intérieurs.

Cadres du PDCI, dirigeants de partis naguère opposés au PDCI, leaders régionaux,


intellectuels anticonformistes se trouvent tous embastillés, exclus de la scène politique. Ils
sont comme oubliés. Ils n’existent même plus. Et la Côte d’ivoire, martyrisée, a fait
soumission totale à Houphouët-Boigny, qui règne en maître absolu.^^^

On peut noter d’autres exemples notamment ceux de Laurent GBAGBO et Francis


WODIÉ. Laurent GBAGBO, syndicaliste actif dans les années 1970 dont l'enseignement est
jugé « subversif », est emprisonné avec son épouse Simone EHIVET GBAGBO dans la

Sourcerwww.google.fr consulté le 27 janvier 2016.


Samba DIARRA, op.cit, P.203-204.

288
prison civile de Séguéla et à Bouaké de mars 1971 à janvier 1973 par HOUPHOUËT-
BOIGNY. Son fils fut également emprisonné.

Dans son malheur, la famille Gbagbo eut néanmoins plus de chance que KRABGÉ

GNAGBE, originaire de Gagnoa et leader du Parti nationaliste Africain (PANA), qui militait
pour la création d’un parti d’opposition conformément à l’article 7 de la Constitution
ivoirienne. Ce dernier fut tout simplement assassiné en 1970. Le président Félix
HOUPHOUËT-BOIGNY ne se contenta pas d’éliminer son potentiel rival, mais organisa un
véritable génocide dans le village du défunt qui entraîna la mort de plusieurs milliers de
personnes. L’élimination physique de ses opposants faisait partie des méthodes de
gouvernement du dictateur.

Quant à l’opposant Francis WANGAH Romain WODIÉ, membre fondateur de la LIDHO,

du SYNARES et ancien président de la section ivoirienne d'Amnesty International est harcelé


par le régime de Félix HOUPHOUËT-BOIGNY pour ses activités jugées « subversives », du
fait de son engagement syndicaliste. Un an plus tard il est emprisonné pour peu de temps. En
1973, toujours harcelé par le régime présidentiel, il s'exile en Algérie. Ce n'est qu'en 1990
lorsque le multipartisme est autorisé, que Francis WODIÉ en profite pour créer le PIT, parti
marginal de l'opposition. Élu député de Cocody la même année, il est le seul parlementaire de

son parti. A travers ces exemples d’incarcération, le président Félix HOUPHOUËT-


BOIGNY voulait tout simplement stabiliser et pérenniser son pouvoir politique.

Pour assurer seul la direction des affaires politiques de son pays et pour sécuriser son
hégémonie politique qui fait de lui, l’interlocuteur incontournable sur la scène politique
africaine en général et dans la sous-région ouest africaine en particulier, le Président Félix
FIOUPHOUET-BOIGNY imaginera des complots partout dont la répression ne souffrira
d’aucune faiblesse. L’auteur, lui-même victime de ses complots, dénonce ici cette politique
cruelle d’assassinats ciblés, d’éliminations systématiques, de tortures et d’emprisonnements
arbitraires dont les victimes sont ses compatriotes des régions du Sanwi, de Guébié et du
Nord. Il s’agissait pour lui de bannir les héros de la lutte anti coloniale et tuer dans l’œuf toute

Jérémie KROIJBO DAGNINI,£//cZa/wre5 et protestantisme en Afrique Noire depuis la décolonisation : le


résultat d’une politique françafricaine et d’une influence américaine certaine, Historia actual online 2008,
P.118.
Source : www.google.fr consulté le 27 janvier 2016.

289
idée de contestation afin d’instaurer un règne sans partage et pérenniser ainsi la domination de
son ethnie sur tout le pays.^^^

Après sa mort en 1993, ses différents sueeesseurs vont également chereher à sécuriser
leur pouvoir en ayant recours à la prison. Ainsi, de 1993 jusqu’à nos jours, la prison ne
désemplit pas de prisonniers politiques. La prison, destinée à corriger, à amender et à
resocialiser le délinquant va constituer une arme de sécurité de l’hégémonie politique. Elle
vise dans ce contexte à annihiler toutes forces d’opposition réelles. De nos jours, la majorité
des prisonniers politiques sont détenus à la MAC A et dans diverses prisons de l’intérieur
notamment au centre et au nord du pays : Dimbokro, Bouaké, Seguela, Boundiali, Man,
Bouna.

À travers ces analyses nous constatons, que la prison a été détournée de sa fonction
classique c’est-à-dire celle d’utilité sociale. Elle est devenue un instrument de préservation et
de consolidation du pouvoir politique par la détention des opposants gênants et fougueux.
Dans ce cas, elle s’est transformée en un moyen de sécurisation de l’hégémonie du régime
politique au pouvoir. Outre ces faits, il faut relever également que la surpopulation chronique
des établissements pénitentiaires et leur état sanitaire exécrable sont des entraves à une
meilleure resocialisation des prisonniers. Dès lors, ils sont des facteurs de détournement de la
prison de sa mission classique voire fondamentale. Ces facteurs Cet état de fait ne participe-t-
elle pas au dysfonctionnement de la prison ?

Ibidem.

290
SECTION II :

LES ENTRAVES D’ORDRE SPÉCIFIQUE AU


FONCTONNEMENT DE LA PRISON

Les thèmes de l’inflation carcérale et de la surpopulation des établissements


pénitentiaires font, depuis de nombreuses années, partie intégrante des débats sur la prison. Il
semble utile de rappeler que la première correspond à l’évolution de la population sous écrou,
ou de la population détenue, rapportée à l’évolution de la population totale. Elle implique une
période d’observation suffisamment longue pour ne pas être le reflet de simples évolutions
conjoncturelles. De son côté, la surpopulation des établissements pénitentiaires est le produit,
à un instant donné, du déséquilibre entre le nombre de personnes détenues et le nombre de
places opérationnelles du parc carcéral. De manière concrète, elle se traduit par un taux
moyen d’occupation des établissements pénitentiaires supérieur à 100

En somme, l’inflation carcérale ne conduit pas ipso facto à un surpeuplement des


établissements pénitentiaires. Celui-ci n’apparaît que lorsqu’il existe une inadéquation entre
l’évolution du nombre de personnes condamnées à des peines d’emprisonnement ferme et les
capacités d’hébergement du parc carcéral. Ainsi, elle se caractérise par le nombre élevé des
détenus ou le surnombre de ceux-ci par rapport aux capacités d’accueil des prisons. C’est un
phénomène que l’on observe dans la quasi-totalité des prisons du monde. La Côte d’ivoire,
notre pays n’est donc pas en marge de cette situation, cela existant depuis l’époque coloniale
jusqu’à nos jours (§1). À cet état de fait alarmant, retenons également que la quasi-totalité des

établissements pénitentiaires ivoiriens souffrent d’un d’état sanitaire exécrable qui entraine
des maladies et au pire des morts au sein de la population carcérale (§11).

Dominique RAIMBOURG et Sébastien IllJYGHE (Assemblée Nationale), rapport d’information sur les
moyens de lutte contre la surpopulation carcérale (N° 652) enregistré à la présidence de l’assemblée nationale le
23 janvier 2013, P.l 1.

291
$1: La surpopulation endémique de la prison, entrave à la mission
deresocialisation

La surpopulation carcérale décrit l’inadéquation matérielle entre le nombre de


détenus et le nombre de places dans une prison^”. Dire qu’il y a surpopulation carcérale, c’est
reconnaître que le nombre des détenus est supérieur à la capacité d’accueil d’une prison^’^.La

notion de capacité d’accueil est définie par la somme du nombre de cellules et dortoirs utilisés
pour héberger des détenus placés en détention normale, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes,
de mineurs ou d’adultes^’^.

La surpopulation est la règle dans toutes les prisons ivoiriennes. Elle est donc un
phénomène constant et récurent dans tous les établissements pénitentiaires ivoiriens. Il n’y
aurait donc pas à parler proprement d’inflation carcérale en Côte d’ivoire mais bien
des situations de surpopulation carcérale en rapport avec la capacité d’accueil réelle et
actuelle des établissements pénitentiaires.^’"’

La population carcérale s’élevait, le 31 juillet 2013, à 9 905 détenus sur l’ensemble du


territoire. On dénombrait 3 313 prévenus (33,44 %) et 6 591 condamnés (66,54 %).

Population carcérale en Côte d’ivoire au 31 juillet 2013

Hommes Femmes Mineurs Total


Prévenus 3006 129 178 3313
Condamnés 6471 117 3 6591
Total 9477 246 181 9904

De façon générale, les prisons de Côte d’ivoire sont surpeuplées. La capacité d’accueil des
33 prisons sur la base d’un espace de 5 m^par individus est estimée à 4 078 détenus. Sur cette
base, on note une surpopulation carcérale d’environ 243 % sur l’ensemble du territoire^’5.
Cette situation est une entrave à la mission de resocialisation car pour défaut d’espace, les

GASSIN (R), criminologie, Paris Dalloz, 6^ édition 2007, P.501.


Hervé Magloire MONEBOULOD MINKADA, système pénitentiaire et criminalité au Cameroun, thèse pour
le doctorat présentée et soutenue publiquement au cours de l’année académique 2010-2011, P. 140.
613
ONG N’GBOADO, rapport diagnostic des établissements pénitentiaires de Grand-Bassam, d’Abidjan et de
Dabou, avril 2012, P.8.
Idem, P. 12.
Fl AC AT et AC AT Côte d’ivoire, contribution au deuxième examen de la Côte d’ivoire, conseil des droits de
l’homme, deuxième cycle de l’examen périodique universel, 19® session, mai-juin 2014, P.4.

292
règles de séparation des détenus ne seront pas respectées et cela entraine inéluctablement une
contagion criminelle, d’où la récidive. Les causes de cette surpopulation sont diverses (A) ;
nous allons donc les analyser tout en étudiant les moyens d’y remédier (B).

A-Les causes de la surpopulation carcérale

Les causes de la surpopulation carcérale sont diverses, mais nous en analyserons deux
que nous considérons comme majeures ou principales. Il s’agit de celles relatives au
fonctionnement de la justice (1) et celles relatives aux infrastructures d’accueil (2).

Les causes relatives au fonctionnement de la justice


I-

La notion de justice implique l’autorité judiciaire chargée de faire appliquer la loi et de


trancher les litiges. Aussi englobe-t-elle l’idée de la juridiction détenant un pouvoir judiciaire.
Ainsi, la justice renvoie aux tribunaux judiciaires et administratifs, au personnel judiciaire
parmi lequel les magistrats jouent un rôle prépondérant dans le prononcé des décisions
judiciaires voire des peines d’emprisonnement. Il arrive généralement à bien des magistrats
appelés à dire le droit, de statuer sur des cas où l’imputabilité et la culpabilité du prévenu
ne souffrent d’aucun doute. Mais alors, en raison soit du caractère bénin des faits de la
cause, soit par le jeu des circonstances atténuantes, ils arrivent toujours, comme si leur
mentalité était apprivoisée par une routine du siège, à prononcer une peine
d’emprisonnement ferme, quelle que soit la courte durée de celle-ci.^’^

On leur reproche donc de prononcer abusivement des peines d’emprisonnement pour


des délits bénins sans chercher des peines alternatives ou sans rechercher en amont à les
déjudiciariser. Comme peine alternative, il y a le placement sous surveillance électronique
analysé par Christophe CARDET dans son ouvrage intitulé le placement sous surveillance
électronique, L’Harmattan, coll. La Justice au quotidien, 2004. Dans cet ouvrage, l’auteur
nous révèle que c’est la loi du 19 décembre 1997 en France qui a instauré le placement sous
surveillance électronique comme alternative à l’incarcération. Il analyse les lois régissant
cette pratique et l’aspect technique de cette peine.

S. EKANGA EVOUH, à la recherche d’une politique carcérale au Cameroun, mémoire de fin de formation à
l’ENAM, auditeur de justice, 1992, P.45.

293
Les juges sont donc portés à la sévérité. Ils n’ont recours uniquement qu’à la peine
privative de liberté pour juguler la délinquance voire la criminalité. La peine privative
apparaît à cet égard comme le seul moyen de lutte contre la criminalité. Cette sévérité découle
tout logiquement de la rigueur des lois. Celles-ci prévoient, en effet de plus en plus de peines
d’emprisonnement avec des durées de détention de plus en plus longues. Cet état de fait
conduit inéluctablement à la surpopulation des prisons. Cependant, les études réalisées dans
certains pays ont montré que l’augmentation de la population carcérale n’est pas imputable à
une augmentation avérée de la criminalité.*’’^ C’est la manière dont la justice pénale traite les

délinquants qui détermine l’importance de la population carcérale qui, elle influe beaucoup
sur la manière dont les prisons sont administrées.^’^

Nos prisons reposent sur une commune et double réalité. La première réalité est
éthique, c’est-à-dire l’indifférence de la société pour ceux qui ont transgressé les lois. La
seconde réalité est technique, c’est le dysfonctionnement entre la police et la gendarmerie qui
arrêtent, la justice qui ne peut au même rythme, juger ceux qui sont arrêtés et faire le tri entre
coupables et innocents. Tout ceci explique le fait que la prison soit toujours peuplée
essentiellement des personnes détenues à titre provisoire. Certains sont placés sous mandat de
dépôt depuis plusieurs années^’^. Ainsi, la détention préventive est l’une des causes majeures

du surpeuplement des prisons ivoiriennes.

Selon le communiqué de l’Agence Ivoiriemie de Presse (AIP) du 4 février 2014, les


détentions préventives dans les prisons ivoiriennes représentent 43,13% des effectifs
d’incarcérations estimés à quelque 9.000 détenus, principalement à cause du manque de
juges d’instructions qui impacte négativement les procédures d’instruction des dossiers. Ce
phénomène de la détention préventive est dû au nombre pléthorique des dossiers sur la table
des magistrats.

Outre cet état de fait, il faut évoquer aussi la lenteur de la justice dans le traitement des
dossiers des détenus. Il faut également ajouter la disparition de certains dossiers. Ainsi, de
nombreux prisonniers peuvent demeurer des mois, une année ou plus en détention préventive
avant d’être jugés.

Nations unies, mesures carcérales et mesures non privatives de liberté, op.cit. P.2.
^'^Ibidem.
Hervé Magloire MONEBOULOU MINKADA, op.cit, P. 132.

294
Cette situation va à l’encontre de l’une des dispositions du code de procédure pénale
(loi n^ 98-746 du 23/12/1998) « En matière correctionnelle, lorsque le maximum de la peine

prévue par la loi est inférieur à six mois d'emprisonnement, l'inculpé domicilié en Côte
d'ivoire ne peut être détenu plus de cinq jours après sa première comparution devant le juge
d'instruction s'il n'a pas été déjà condamné soit pour un crime, soit à un emprisonnement de
plus de trois mois sans sursis pour délit de droit commun. Dans tous les autres cas, en
matière correctionnelle et en matière criminelle, l'inculpé ne peut être détenu respectivement
plus de six mois et plus de dix- huit mois. Toutefois, les dispositions visées aux alinéas 1
et 2 ci-dessus ne s'appliquent pas aux crimes de sang, aux vols avec les circonstances
prévues aux articles 394, 395 et 396 du code pénal, trafics de stupéfiants, attentats aux
mœurs, évasions, détournements de deniers publics ainsi qu'aux atteintes contre les
biens commises avec les circonstances prévues à l'article 110 du Code pénal. Dans tous ces
cas, la détention préventive est prononcée pour une durée de quatre mois. Passé ce délai, si
la détention apparaît encore nécessaire, le juge d'instruction peut la prolonger par une
ordonnance spécialement motivée, rendue sur les réquisitions également motivées du
Procureur de la République. Chaque prolongation ne peut être prescrite pour une durée
de plus de quatre mois. Lorsque l’instruction est diligentée par un juge de section de
Tribunal, ce Magistrat statue sur la prolongation de la détention préventive sans
solliciter l'avis du Procureur de la République. Le juge d'instruction doit à Tissue de ces
délais, ordonner la mise en liberté provisoire de l'inculpé.^^^ »

En réalité. Cette disposition légale n’est pas respectée dans la pratique par le personnel
judiciaire et pénitentiaire. Le non-respect de cette disposition légale est la résultante du
dysfonctionnement de la justice ivoirienne et par ricochet du système pénitentiaire ivoirien eu
égard à la surpopulation chronique des prisons.

En somme, la lenteur des procédures judiciaires, la fréquence accrue de la détention


abusive et injustifiée, l’absence de tenue régulière des sessions de la cour d’assise, la lourdeur
des peines prononcées, le recours abusif de la prison sans recourir à des peines alternatives, la
sévérité des lois et le non-respect des dispositions relatives à l’application de la détention
préventive conduit inéluctablement au phénomène de la surpopulation carcérale. Outre ces
raisons, il faut relever aussi l’insuffisance et la vétusté des établissements pénitentiaires eu
égard au nombre pléthorique de prisonniers.

Article 138 du code de procédure pénale (loi n” 98-746 du 23/12/1998).

295
2-Les causes relatives aux infrastructures carcérales

La population carcérale ivoirienne est en constante évolution depuis l’époque


coloniale jusqu’à nos jours et rien n’est fait de façon pratique pour juguler ce phénomène. Si
cette surpopulation carcérale était justifiée pendant la période coloniale par le souci de
préserver l’ordre public colonial et constituer une main d’œuvre pénale pour la mise en valeur
de la colonie, puis l’extraction des ressources naturelles au profit de la métropole, la réalité est
toute autre après l’accession à l’indépendance de la Côte d’ivoire.

La Côte d’ivoire indépendante, les nouvelles autorités auront pour priorité d’assurer la
stabilité du pays en veillant à la sécurité des biens et des personnes en vue de favoriser
l’investissement et par ricochet le développement économique du pays. Dans cette logique, il
y aura un emprisonnement massif des délinquants et des criminels qui constituent des
menaces pour les opérateurs économiques.

Les autorités ivoiriennes depuis l’indépendance jusqu’à nos jours ont conservé les
prisons datant de l’époque coloniale sans en construire de nouvelles, hormis la MAC A,
construite en 1980.

Face à la poussée démographique et de la criminalité de nos jours, les prisons actuelles


demeurent insuffisantes et leur capacité d’accueil est restreinte. Elles ne répondent donc plus
aux exigences des normes internationales dans le domaine carcéral. Ainsi, cette situation
entraine inéluctablement le phénomène de la surpopulation carcérale.

Actuellement, l’une des causes du dysfonctionnement du système pénitentiaire est


observée à travers l’insuffisance des dispositifs carcéraux d’accueil par rapport au nombre
pléthorique des prisonniers, l’étroitesse des capacités et la vétusté des prisons existantes.
Selon le modèle de configuration d’une maison d’arrêt et de correction, l’espace nécessaire à
un détenu est de 4m en dortoirs collectifs et 6m en cellules individuelles.

Dans la pratique, ce modèle de configuration n’est pas respecté à cause du phénomène


de la surpopulation carcérale. A titre d’illustration, la MACA construite en 1980, était prévue
pour 1 500 personnes. Depuis, elle a battu tous les records, culminant à 5 400 détenus en
2011. Selon un rapport de SOS justice Côte d’ivoire, la population carcérale de la maison
d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) comptait 5318 détenus le 19 juillet 2010 et 5427

Source : www.ladepechedabidjan.info.

296
le 12 septembre de la même année pour 1500 places comme capacité d’accueil. Ainsi en
témoigne ce tableau :

BATIMENTS EFFECTIF CAPACITE D’ACCUEIL

A 1968 480

B 1800 480

C 1307 265

ASSIMILES 56 75

MINEURS 43 50

FEMMES 125 100

A la date du 30 mai 2007 l’effectif général de la population carcérale s’élevait à 9586


détenus . Il faut noter que l’étude comparative entre les données statistiques, relatives à
l’effectif général de la population carcérale (9274 détenus), contenues dans le rapport de
2006, et celles rappelées ci-dessus révèle une augmentation de la population carcérale de
3,3% soit 312 détenus de plus. Il faut relever qu’en cette année, la Côte d’ivoire était
divisée en deux du fait de la crise du 19 septembre 2002.

Cet effectif ne concerne que les établissements pénitentiaires de la zone


gouvernementale. La situation est toute autre en 2012 à cause de la crise post-électorale de
2010 qui a entraîné la destruction de la majorité des prisons ivoiriennes et l’évasion de la
quasi-totalité des prisonniers. Ces prisons réhabilitées et rénovés ont été ouvertes à nouveau
en 2011. Cet événement a conduit à une baisse de la population carcérale en 2012 selon le
tableau suivant :

Nations unies, rapport sur la situation des établissements pénitentiaires en Côte d’ivoire, op.cit.P.20.
Ibidem.

297
POPULATION CARCERALE EN COTE DTVOIRE AU 31 AOUT 2012“''

HOMMES FEMMES MINEURS TOTAL

PREVENUS 2084 80 108 2272

CONDAMNES 3863 82 01 3946

TOTAL 5947 162 109 6218

La capacité d’accueil des 33 prisons est estimée à 3369 sur la base d’un espace de 5m2

par individu, sur cette base on note une surpopulation carcérale de 185% sur l’ensemble du
territoire. La MACA, principale prison du pays, comptait au 31 janvier 2011,5286 détenus
et 2102 au30 avril 2012.“

A la date du 31 juillet 2013 la population carcérale a connu une hausse exponentielle.


Selon les statistiques carcérales fournies par la Direction de l’Administration pénitentiaire,
l’effectif total de la population carcérale est de 9905 détenus. Dans cet effectif, il y a comme
prévenus 3006 hommes soit 90,73%, 129 femmes soit 3,89%, 178 mineurs soit 5,37%. Le
nombre total de prévenus s’élève à 3313 soit 33,44%. Comme condamnés, il y a 6471
hommes soit 98,17%, 117 femmes soit 1,77%, 3 mineurs soit 0,004%. Le total des condamnés
est de 6591 soit 66,54%.

Ainsi, l’insuffisance des établissements pénitentiaires et leur étroitesse conduit à la


surpopulation carcérale qui est l’une des causes directe des évasions et des tentatives
d’évasion de nos jours. Ce n’est pas chose aisée de gérer des prisons surpeuplées accueillant
des personnes très différentes les unes des autres, certaines dangereuses, violentes ^^^.Cela
peut entraîner le phénomène de la récidive, c’est pourquoi la prison est parfois
qualifiée « d’école du crime » car elle fait cohabiter des condamnés emprisonnés pour des
motifs différents (vol, trafic de drogue, meurtre...), les détenus vulnérables peuvent donc
subir de mauvaises influences.

^^'’Rapport alternatif de la FIACAT et de l’ACAT Côte d’ivoire en réponse aux rapports initial et périodique
cumulés du gouvernement ivoirien sur la mise en œuvre de la charte africaine des droits de l’homme et des
peuples, septembre 2012, P. 12.
^“5 Ibidem.
Ibidem.
Nations unies, mesures carcérales et mesures non privatives de liberté, op.cit. P.2.

298
Dans de telles conditions de surpeuplement, il y a également un risque de violence, les
prisonniers les plus forts abusant des plus faibles. Comme nous le constatons les
inconvénients de la surpopulation carcérale sont dramatiques, il importe de ce fait d’y
remédier en proposant des solutions pratiques et durables.

B- Les solutions envisageables pour remédier au phénomène de la


surpopulation carcérale

Le système pénitentiaire de façon générale fonctionne de manière cyclique. De manière


descriptive : la société apprend à l’individu le permis et les interdits, le législateur définit les
infractions et les finalités de la sanction pénale, le juge pénal sanctionne l’infraction et
envoie dans l’institution pénitentiaire, l’institution pénitentiaire exécute la sanction
pénale, la société reçoit le condamné à la sortie de l’institution pénitentiaire. Le cercle
débute et s’achève avec la société.^^^Selon ce schéma descriptif, la finalité essentielle de la

privation de liberté résiderait dans la réinsertion sociale du délinquant.

Cette finalité est remise en cause à cause de la surpopulation carcérale qui entraine des
conditions de détention difficiles, une contagion criminelle entre les prisonniers, la récidive à
la sortie de prison. Il faut donc parer au plus pressé en proposant des solutions durables et
efficaces. Ainsi ces solutions se répartissent en deux grandes parties. Nous avons les solutions
relatives aux établissements pénitentiaires(l) et celles relatives au fonctionnement de la
justice (2).

Hervé Magloire MONEBOULOU MINKADA, op.cit. P.334.

299
1-Les solutions relatives aux établissements pénitentiaires

Globalement, la fonction de réadaptation de la prison, partout dans le monde, ne donne


pas tous les résultats attendus. En effet, dans beaucoup de pays, les détenus passent surtout
leur temps à apprendre comment commettre de nouvelles infractions. Souvent, à leur
libération, ils n’ont pas acquis de nouvelles compétences et retournent donc souvent à la
délinquance. C’est ainsi que s’installe un cycle de libération et d’incarcération, qui ne
réduit en rien la surpopulation carcérale ni ne rend la société plus sûre. Il faut donc des
solutions concrètes et durables pour juguler ce phénomène endémique qu’est la surpopulation
carcérale. D’emblée, il faut relever que la quasi majorité des établissements pénitentiaires de
la Côte d’ivoire datent de l’époque coloniale.

À cette époque, des bâtiments tels les postes militaires, administratifs, des magasins

servaient de lieux d’emprisonnement. Il s’agit pour la plupart d’infrastructures inadaptées qui


n’ont pas été conçues pour l’emprisonnement. L’établissement pénitentiaire le plus récent est
celui de la MACA, la prison d’Abidjan construite en 1980. Elle a été construite ;
conformément aux standards internationaux contenus dans l’ensemble des règles minima
relatives au traitement des détenus.

La Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) a une capacité théorique de 1500


places pour une capacité d’accueil fixée sur la base de 5m2 par détenu. Elle est divisée en 5
sections qui accueillent respectivement les condamnés et les prévenus hommes, les
femmes, les mineurs en garde provisoire, les malades contagieux et les assimilés. Elle
accueille plus de 51% de la population carcérale de la Côte d’ivoire est ainsi confronté à une
surpopulation permanente .

Les autorités ivoiriennes ont conservé ce parc pénitentiaire colonial qui ne répond pas
de nos jours aux prescriptions internationales en matière d’infrastructures carcérales. Ainsi, de
façon évidente toutes les prisons ont aujourd’hui largement dépassé leur capacité d’accueil. Il
y a donc urgence pour les autorités ivoiriennes à mettre en œuvre une politique de
reconstruction de nouvelles prisons répondant aux modèles internationaux.

En effet, la réduction du déficit structurel de places de prison, l’amélioration des


conditions de détention ainsi que l’application de l’ensemble des dispositions de la loi

UNODC, op.cit. P. 121.


Rapports d’activités 2014 de l’ONG SOPCI (soutien aux prisonniers de Côte d’ivoire).

300
pénitentiaire passent par la mise en service de nouveaux établissements. Il apparaît donc
indispensable pour l’Etat ivoirien d’agrandir le parc carcéral avec des capacités d’accueil plus
grandes pour décongestionner celles existantes. Pour pallier à cette situation, le conseil des
ministres a décidé en 2013 la construction de 10 nouveaux établissements pénitentiaires à
travers le pays, qui seront conformes aux standards internationaux.

Notre prière est que cette décision gouvernementale se matérialise dans les faits pour
lutter efficacement contre le surpeuplement carcéral dans notre pays. Il faut également mener
une politique de rénovation des prisons actuelles et si possible fermer les plus vétustes en
augmentant surtout leur capacité opérationnelle. Aussi, la prévention de la surpopulation
carcérale implique la construction de prisons au sein desquelles le nombre total de lits est
équivalent au nombre de places opérationnelles^^^. C’est ce qu’on appelle la politique du

numerus clausus, au risque de nous répéter vise à limiter le nombre de personnes incarcérées
à celui des places opérationnelles.

Cette politique de prévention voire de lutte contre la surpopulation carcérale a été


proposée en France par la commission des lois constitutionnelles de la législation et de
l’Administration générale de la république en conclusion des travaux d’une mission
d’information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale le 23 janvier 2013 à
l’assemblée nationale française.

Selon cette commission « Cette politique de prévention de la surpopulation


carcérale constituerait un premier pas vers le respect de l ’encellulemenl individuel pour les
prévenus comme pour les condamnés. Elle devrait favoriser de meilleures conditions de
détention, en remédiant à la grande promiscuité ainsi qu 'à la dégradation accélérée de l'état
des locaux. Ce faisant, elle se traduirait par la diminution du nombre de condamnations de
VÈtat prononcées sur le fondement de conditions de détention contraires à la dignité
humaine. »

En conséquence, le numerus clausus interdit l’emprisonnement d’un délinquant dans


un établissement pénitentiaire au-delà du nombre de places opérationnelles. À cet égard, elle

permet de lutter de façon drastique contre la surpopulation carcérale.

Dominique RAIMBOURG et Sébastien HUYGHE (Assemblée Nationale), op.cit. P.99.


Idem, P. 100.

301
À la lumière de ce qui précède, la politique du numerus clausus implique la

construction d’un nombre suffisant voire d’un grand nombre de prisons afin de faire face au
nombre pléthorique des délinquants et de criminels de nos jours. Elle nécessite par conséquent
des efforts financiers non négligeables de la part de l’État ivoirien dans la construction des

prisons, l’accroissement du personnel pénitentiaire notamment les agents d’encadrement, les


contrôleurs des établissements pénitentiaires...

L’application effective de cette politique permettrait ainsi de lutter efficacement


contre le phénomène de la surpopulation carcérale et garantir des conditions de détention
dignes et respectueuses des droits de l’homme. En somme, ces solutions que nous venons de
passer en revue seront inefficaces si l’on n’envisage pas des solutions dans le domaine de la
justice pour juguler le surpeuplement carcéral.

2- Les solutions relatives au fonctionnement de la justice

La Justice définie comme étant l’action par laquelle les autorités compétentes voire
judiciaires disent et font respecter la loi et les droits d’autrui. À travers cette notion, nous

remarquons la fonction assignée au juge dans le déroulement de la procédure judiciaire et


pénale. Le juge a pour principale mission de dire le droit.

Dans le volet pénal, il ne peut prononcer que les sanctions pénales prévues par
le législateur. On ne reviendra plus sur l’abondante littérature qui irrigue le principe de
la légalité des délits et des peines. Le plus important est que le juge ne peut naviguer que
dans le cours d’eau aménagé par le législateur. Or, l’action du juge est décisive dans
l’accomplissement des missions du système pénitentiaire^^^.

En effet, il lui revient au premier chef de prononcer des condamnations pénales voire
des peines privatives de liberté pour tout manquement aux lois. Ainsi, dans le souci d’éviter ou
de lutter la surpopulation chronique des prisons, les autorités judiciaires ou administratives
doivent recourir aux aménagements des peines, aux peines alternatives à la prison et faire
respecter la durée légale de la détention préventive.

D’emblée, en ce qui concerne les aménagements de peine les autorités judiciaires ou

Hervé Magloire MONEBOULOU MINKADA, op.cit. P.514.

302
administratives peuvent recourir à la libération conditionnelle. C’est une mesure dont peuvent
bénéficier les condamnés ayant donné des preuves suffisantes de bonne conduite et présentant
des gages sérieux de réadaptation sociale. Elle suppose donc une libération par anticipation.
Elle est prévue par les articles 689 à 693 du code de procédure pénale.

Ainsi, selon l’article 689 al.2 « La libération conditionnelle est réservée aux
condamnés ayant accompli trois mois de leur peine, si cette peine est inférieure à six
mois, et la moitié de la peine dans le cas contraire. Pour les condamnés en état de
récidive légale aux termes des articles 56, 57 ou 58 du Code Pénal, le temps d'épreuve est
porté à six mois si la peine est inférieure à neuf mois et aux deux tiers de la peine dans le cas
contraire. Pour les condamnés aux travaux forcés à perpétuité, le temps d'épreuve est
de quinze années. Pour les condamnés à une peine temporaire assortie de la relégation, il est
de quatre ans plus long que celui correspondant à la peine principale si cette peine est
correctionnelle, et de six ans plus long si cette peine est criminelle. A cet égard, c’est une
mesure qui permet de désengorger les établissements pénitentiaires. Elle est accordée par le
ministre de la justice sur avis du ministre de l’intérieur. Elle est exceptionnellement accordée
par le président de la république sans observation des délais d’épreuve.

Outre la libération conditionnelle, nous proposons le mécanisme du sursis pour lutter


contre la surpopulation carcérale des prisons ivoiriennes. Le sursis consiste, pour le juge qui a
statué sur l’infraction et prononcé la peine, à décider de surseoir à l’exécution de la peine
principale pendant un délai d’épreuve. Si à l’expiration de ce délai, le bénéficiaire n’a pas
commis une nouvelle infraction, la condamnation est effacée et la dispense de peine devient
définitive^^"^. Notons que ce délai d’épreuve est de Sans selon l’article 133 code pénal ivoirien.

11 est applicable selon cet article aux délinquants primaires c’est-à-dire ceux qui commettent
pour la première fois une infraction.

Le sursis est donc une mesure qui soustrait les délinquants primaires aux conséquences
néfastes de la privation de liberté et par ricochet de lutter contre la surpopulation carcérale.
Hormis les ces deux types d’aménagements de peine, à notre avis efficace pour juguler le
phénomène de la surpopulation carcérale, que nous venons d’analyser, nous proposons comme
solution à ce phénomène carcéral le recours aux peines non privatives de liberté que sont les
peines alternatives à la prison et les amendes.

J.P BRILL, précis de droit pénal, CEDA-ABIDJAN, 1985, P.76.

303
Dans cette optique, les juges ne devraient pas recourir systématiquement à la peine
privative de liberté pour tous types d’infractions. Ils doivent recourir à la médiation pénale
pour les infractions mineures voire de faible gravité comme les injures, les menaces, les
violences légères...

Cette médiation pénale a pour objectif de procéder à un règlement amiable, une


solution amiable des infractions bénignes donnant lieu à des dommages-intérêts ou des
excuses. Comme peines alternatives, il y a la suspension du permis de conduire, les travaux
d’intérêt général (TIG), l’interdiction d’émettre des chèques, l’interdiction de détenir une
arme, l’interdiction du territoire ivoirien pour les étrangers, l’interdiction de l’activité
professionnelle ayant permis de commettre l’infraction...

Quant à la détention préventive qui accroît inconsidérément le nombre des personnes


écrouées dans les prisons, devrait être jugulée. Elle consiste en l’incarcération dans une maison
d’arrêt d’un délinquant en attendant qu’il soit jugé. Il s’agit donc d’une mesure exceptionnelle
lorsqu’elle est ordonnée. Elle est réglementée par les articles 138 et 139 du code de procédure
pénale. A notre avis, le respect scrupuleux de sa durée légale éviterait autant que possible la
surpopulation carcérale. A cela, il faut ajouter l’accélération des procédures judiciaires afin de
favoriser le respect des textes sur la détention préventive, source essentielle de l’accroissement
de la population carcérale.

Comme moyen de lutter contre la surpopulation carcérale, on pourrait évoquer la


grâce qui consiste en une dispense totale ou partielle, définitive ou conditionnelle d’exécution
d’une peine privative de liberté. Elle est accordée à une catégorie de condamnés qui, pour la
plupart, ne présentent pas de dangerosité particulière pour la société et dont les infractions
commises, par exemple du fait de l'état de précarité ou de vulnérabilité de l'auteur, sont jugés
mineures. Cette mesure exceptionnelle prise par le président de la république chaque année
permet de diminuer significativement le nombre de détenus dans les prisons.

Rappelons que le 20 septembre 2013 lors d’un conseil des ministres extraordinaire,
le Président Ouattara a accordé une grâce collective à 3 000 détenus auteurs d’infractions de
droits commun, c’est-à-dire vol simple, escroquerie, abus de confiance etc. En sus, le 31
décembre 2016 lors de son discours de nouvel an, il a accordé la grâce présidentielle à 2980
détenus de droit commun. En définitive. Ces solutions que nous venons d’analyser gagneraient
à être appliquées par les autorités judiciaires et administratives de notre pays afin d’éviter

304
autant que possible les conséquences néfastes de la surpopulation carcérale notamment des
conditions de détention insupportables et inappropriées.

§ II : L’état sanitaire exécrable des établissements pénitentiaires.


un vecteur de maladie et de mortalité

Les délinquants et criminels qui purgent leur peine dans des établissements
pénitentiaires sont des êtres humains. La privation de liberté ne leur ôte pas la nature humaine.
Ils doivent, par conséquent, être traités avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente
à la personne humaine. Dans cette perspective, ils ont droit à des conditions de détention
adéquates et appropriées, notamment en tenues d’alimentation, d’approvisionnement en eau
potable, d’hygiène, d’hébergement...

Cependant, le constat est tout autre dans les établissements pénitentiaires ivoiriens.
Les détenus ne bénéficient pas d’un cadre de vie sain dans ces établissements. Ainsi dans la
quasi-totalité de nos prisons, les prisonniers vivent dans des conditions de détentions
déplorables. Cet état de fait est caractérisé par un état hygiénique lamentable (A) et un appui
sanitaire insuffisant (B).

A-L’ état hygiénique lamentable des établissements pénitentiaires

Les conditions de vie en prison sont l’un des facteurs déterminant pouvant jouer sur
le moral et le bien être des détenus. Cela équivaut à dire qu’un meilleur traitement des
prisonniers passe par des conditions de détention adéquates et acceptables. Des meilleures
conditions de détention impliquent un cadre de vie sain des détenus. Cependant, le
phénomène du surpeuplement carcéral dans les prisons ivoiriennes a des effets néfastes voire
dramatiques sur les conditions de vie des détenus. Il entraine inéluctablement une insuffisance
de l’espace vital dans les cellules.

Cette situation engendre donc des dérives hygiéniques consécutives à une promiscuité
carcérale (1). Il faut aussi relever que l’insuffisance et le délabrement des établissements

305
pénitentiaires sont des causes évidentes de l’état hygiénique lamentable dans lequel baignent
les détenus (2).

1-Les dérives hygiéniques consécutives à la promiscuité carcérale

L’article 146 du décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements
pénitentiaires et d’exécution des peines privatives de liberté dispose : « les cours et les
sanitaires doivent être balayés ou lavés quotidiennement et doivent être maintenus dans un
état de propreté constante. Aucun effet personnel appartenant à un détenu ne doit être laissé
dans les cours, en dehors des heures prescrites pour le séchage des effets lavés. »

Ce texte de loi prescrit que les détenus doivent veiller scrupuleusement à leur hygiène
corporelle en se lavant régulièrement et en présentant des cheveux courts. Le matériel de
couchage, les nattes et les couvertures doivent être lavés au moins une fois tous les quinze
jours. Chaque détenu doit conserver propre son emplacement de couchage et conserver en
ordre ses affaires personnelles.

Aussi, selon la règle 10 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des
détenus : « Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des
détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences de l'hygiène, compte tenu du climat,
notamment en ce qui concerne le cubage d'air, la surface minimum, l'éclairage, le chauffage
et la ventilation. »Toutes ces dispositions légales stimulent théoriquement les détenus à vivre
dans un environnement sain et hygiénique. Cependant, la réalité est toute autre dans les
prisons ivoiriennes, eu égard au phénomène du surpeuplement carcérale.

En effet, ce phénomène endémique favorise la promiscuité, une diminution de la


surface disponible pour chaque détenu. La promiscuité crée donc une absence d’un minimum
espace vital et, de ce fait, entraine un déficit d’oxygénation, de lumière et d’hygiène car les
cellules deviennent par conséquent exiguës pour le nombre pléthorique de détenus. Ainsi, le
surpeuplement des prisons rend difficile l’hébergement des détenus. La plupart des
établissements pénitentiaires disposent en moyenne de moins de 2m^ de cellule par
détenu. Cet état de fait rend les conditions d’hébergement difficiles et des conditions
hygiéniques malpropres. Cela se traduit par le fait que des cellules conçues au départ pour une

Nations unies, rapport sur la situation des établissements pénitentiaires de Côte d’ivoire, op.cit. P.21.

306
seule personne sont occupées par trois, quatre voire cinq détenus. Ils s’entassent donc dans de
petits dortoirs avec parfois des lits en nombre insuffisants ou sans literie adéquate.

En principe, selon le modèle de configuration d’une maison d’arrêt et de correction, les


bâtiments doivent comporter des cellules devant accueillir 1,3, 5 détenus au maximum.
L’espace nécessaire à un détenu est de 4m2 en dortoirs collectifs et ôm^ en cellules

individuelles.

Cela n’est pas appliqué dans la pratique puisque les détenus sont entassés dans des
cellules dont les baies d’aération sont conçues dans des dimensions inappropriées, n’offrant
pas une bonne ventilation de l’air frais et l’accès à la lumière. Si le surpeuplement n’est pas
maîtrisé, il atteindra un niveau inacceptable tel que dans certains établissements (Daloa, Divo,
Bouaflé) où il arrive que les détenus dorment à tour de rôle.^^^Dans les cas extrêmes, lorsqu’il
n’y a pas de lit pour tous, les détenus les plus faibles seront contraints de dormir sur le sol^^^.

l’occupation de la cellule à tour de rôle par des détenus pour dormir devient chose
banale. [...] Les détenus répartis dans 15 cellules de 32 m^ pour les plus grandes
disposent chacun d’une superficie au sol de moins de 0,19 m^. Ils sont obligés de n’occuper
la cellule qu’à tour de rôle et pour une durée maximum de 3 heures tous les 24 heures
pour dormir étant donné qu’il est difficile de tenir sur si peu de place^^^.

Les dortoirs sont disséminés dans des bâtiments. Les capacités d’accueil hygiéniques
sont largement dépassées. La dimension des fenêtres ne favorise pas une bonne aération
des cellules. Les conditions d’hygiène sont très mauvaises. Les toilettes sont très mal
entretenues et la plupart des dortoirs en sont dépourvus. La faible pression de l’eau empêche
l’approvisionnement normal des dortoirs.^^^

Dans ces conditions, il y a une réification des détenus, ce qui va à l’encontre des
principes des droits de l’homme et de nombreuses règles concernant le traitement des
prisonniers. Les locaux de détention et, en particulier ceux qui sont destinés au logement des
détenus pendant la nuit, doivent répondre aux exigences de l’hygiène, compte tenu du climat,
notamment en ce qui concerne le cubage d’air, la surface minimum, l’éclairage, le chauffage

Ibidem
Nations unies, les droits de l'homme et les prisons, op.cit. P.56
Pierre BOUOLJ, L'arrestation, le procès et la détention de A à Z, guide des droits du
Citoyen face à la police, la justice et la prison, Douala, Avenir, 2006, P.248.
ONG N’GBOADO, op.cit. P. 14.

307
et la ventilation.^’'*^De telles conditions d’hébergement précitées dues principalement à la

surpopulation, entraînent irrémédiablement des conditions sanitaires déplorables.

Dans ce contexte, la promiscuité va se manifester par des conditions hygiéniques


lamentables et, partant, des conditions de détentions déplorables. Elle entraine ainsi de
nombreux effets néfastes sur la santé et la vie hygiénique des détenus. Ils n’ont certes plus
d’intimité, mais ils risquent de se faire contaminer par certaines maladies contagieuses telles
le sida, la tuberculose. Dans le même ordre d’idées, Drauzio VARELLA, médecin dans
ouvrage Carandiru^"^’, éd. De l’aube 2005, a essayé de lutter contre l’épidémie du sida qui se

propageait dans la prison de Carandiru.

Dans cet ouvrage, il évoque les méthodes de travail pour lutter contre cette épidémie en
prison. En somme, l’état hygiénique des prisons ivoiriennes est mis en mal par la promiscuité
accrue des prisonniers. Cette situation conduit inéluctablement à une sur-occupation des
infrastructures hygiéniques qui risquent de subir un délabrement avancé.

2-L ^insuffisance et le délabrement des infrastructures hygiéniques

La règle 12 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus stipule
que « Les installations sanitaires doivent permettre au détenu de satisfaire aux besoins
naturels au moment voulu, d'une manière propre et décente. »

Dans le même ordre d’idées, La règle 13 prescrit également que « Les installations de
bain et de douche doivent être suffisantes pour que chaque détenu puisse être mis à même et
tenu de les utiliser, à une température adaptée au climat et aussi fréquemment que l'exige
l'hygiène générale selon la saison et la région géographique, mais au moins une fois par
semaine sous un climat tempéré. »

Ces règles internationales régissant le fonctionnement du système carcéral ne sont


vraiment pas appliquées dans les prisons ivoiriennes à cause de l’insuffisance et le
délabrement avances des infrastructures hygiéniques. Pour corroborer cet état de fait,
plusieurs rapports ont été faits dans ce sens.

Règle 10 de l’ensemble des règles minima pour le traitement des détenus.


Drauzio VARELLA a été médecin bénévole à la prison de carandiru au Brésil.

308
Dans cette optique, le rapport de l’ONUCI sur la situation des établissements
pénitentiaires en Côte d’ivoire en 2007 révèle que de nombreux établissements ne disposent
pas encore de toilettes fonctionnelles avec accès à l’eau courante, des toilettes mal
entretenues. Selon le rapport des activités en 2004 et 2005 du Directeur de l’Administration
pénitentiaire d’alors Monsieur François GUÉI ; il y a une insuffisance notoire des latrines

d’où l’utilisation, dans de nombreux établissements, de seaux ou de fûts coupés pour


l’évacuation des déchets humains, manque presque total de produits d’hygiène et d’entretien
dû à l’insignifiance des crédits alloués à cet effet.

L’ONG N’GBOADO, dans son rapport diagnostic des établissements pénitentiaires


de Grand-Bassam, d’Abidjan et de Dabou effectué avril 2012 révèle les faits suivants : « La
maison d’arrêt et de correction de Grand Bassam a été construite au début du siècle passé,
suivant le même modèle architectural qui prévalait à l'époque. Les dortoirs (au nombre de
14) sont excentrés, adossés au mur d’enceinte, créant ainsi un large espace au milieu, qui sert
de cour de promenade aux détenus. Les conditions générales sont très mauvaises. Les
conditions de détention sont dégradantes. Elles ne répondent à aucune norme relative au
Droit pénitentiaire interne et international. Un puits non couvert d’où provient une eau
malpropre utilisée par les détenus lorsqu’il y a des coupures d’eau. Compte tenu de
l’insuffisance de latrine ou l'inexistence dans certains dortoirs (de 20 pensionnaires), le
détenu est obligé de faire ses besoins dans des sachets. L'hygiène n ’est pas de mise dans les
cellules, manque de produits d’entretien. Compte tenu de la proximité de la prison aux
eaux environnantes, le terrain de la cour contient beaucoup de bactéries ce qui entrainent de
façon périodique les enflures, des épidémies de mycoses et presque souvent la gale et les
problèmes cutanés des détenus. »

À la MACA, le rapport révèle que « les conditions générales des infrastructures sont
mauvaises. La vétusté des infrastructures rend les conditions de détention difficiles voire
dégradantes yy^^^

Quant à la prison de Dabou, le rapport fait état de ce que : « Les dortoirs sont mal
équipés. Pas de matériel de couchage et de nettoyage des cellules. Une situation beaucoup
plus grave encore sur l'environnement et l'hygiène : " il n'y a pas de fosses septiques''.
L'évacuation des eaux usées et les excréments de toutes sortes coulent dans une rigole à ciel
ouvert tout autour de la prison ». De telles conditions hygiéniques ont des répercussions

^‘’^ONG N’GBOADO, op.cit. P. 14.

309
graves sur la santé des détenus. Il y a donc un risque réel des maladies telles que la
tuberculose, la fièvre typhoïde, le choléra...

Il y a de ce fait une menace de plus en plus grande pour la santé. En général, les
infrastructures sanitaires sont vétustes et souvent cassées. L’approvisionnement en eau
est difficile, les toilettes sont souvent bouchées à cause de la surpopulation pénale. Car en
toute logique, l’utilisation excessive des infrastructures hygiéniques va conduire
inéluctablement à la dégradation de celles-ci.

Aussi, comme l’écrit Hyppolite SANDO dans son ouvrage « le délabrement avancé
des murs et des toilettes, des infrastructures sanitaires, font de certaines prisons au
Cameroun de véritables passoires. »^'*^Nous pouvons affirmer qu’il en est de même dans les

prisons ivoiriennes. Le délabrement des infrastructures pénitentiaires est l’une des causes des
évasions spectaculaires dans les prisons.

En effet, les détenus s’évadent très souvent à travers des égouts mal entretenus et
désuètes ou des infrastructures hygiéniques en lambeaux à cause de leur dégradation avancée.
« La plupart des prisons restent vétustes, dégradées et fonctionnellement inadaptées,
L’absence de fonctionnalité de ces locaux entretient des conditions d’hébergement
extrêmement difficiles pour les détenus, et partant, contribue à l’augmentation de la
délinquance. Cet état des prisons ne permet pas des conditions sereines de vie et de
travail, ni un traitement pénitentiaire utile à la société. Il entretient le désordre et un
climat de violence à l’intérieur des prisons

En fin de compte, le constat est que la dégradation avancée des établissements


pénitentiaires rend les conditions de détentions pénibles et des conditions hygiéniques
lamentables, mettant ainsi en péril la santé des détenus.

SANDO, Hippolyte, Derrière les murs, l'enfer : l’univers carcéral en question, Douala, Catholic Relief
Services, 2005 ,P. 19.
Emilie DUBOURG, Aménager la fin de peine, Paris, L’Harmattan, 2007, P.23.

310
B-L’ appui sanitaire déficitaire

Comme tout homme libre de la société, le détenu a droit à la santé. La peine privative de
liberté qu’il subit en prison ne le prive de ce droit vital. Tous les prisonniers quel que soit leur
race, leur nationalité et leur affiliation politique ont donc droit à un meilleur état de santé. Ils
doivent par conséquent bénéficier des soins adéquats dans les infirmeries et les centres
hospitaliers. Une bonne santé est importante pour tous. Elle influence le comportement des
personnes et leur capacité à fonctionner en tant que membres de la communauté. Une bonne
santé est particulièrement importante dans la communauté fermée d’une prison. La nature de
l’emprisonnement peut avoir un effet néfaste sur le bien-être physique et mental des
détenus^'^^.

Les administrations pénitentiaires ont donc la responsabilité non seulement de


fournir des soins médicaux mais aussi d’établir des conditions qui favorisent le bien-être des
détenus et du personnel pénitentiaire. Lorsque les détenus quittent la prison, leur état de santé
ne doit pas d’être détérioré par rapport au moment où ils sont arrivés dans la prison. Ceci
concerne tous les aspects de la vie en prison, mais surtout les soins médicaux.^"^^

À la lumière de ce qui précède, il faut noter qu’en réalité dans les prisons ivoiriennes les

détenus ne bénéficient pas concrètement des soins de santé appropriés à cause de


l’insuffisance des infrastructures dans les prisons (1). Cet état de fait favorise l’apparition des
certaines maladies récurrentes (2) qui accroît le taux de mortalité carcéral.

1-Le déficit de soins et des infrastructures de santé

Le soin est définit au sens large par « une attention, une application envers quelqu ’un ou
quelque chose ». Le mot soin prend alors le sens de « moyens par lesquels on s ’efforce de
rendre la santé à un malade ». Tels que définis par le Conseil International des Infirmières
(CII), les soins infirmiers représentent les soins prodigués de manière autonome, ou en
collaboration, aux individus de tous âges, aux familles, aux groupes et aux communautés,
malades aux biens portants quel que soit son cadre. Les soins sont axés sur la promotion de la
santé, la prévention de la maladie, ainsi que les soins dispensés aux personnes malades,
handicapées et mourantes. Ils englobent ainsi la défense, la favorisation d’un environnement

Andrew COYLE, op.cit. P.49.


Ibidem.

311
sain, la recherche, la participation à l’élaboration de la politique de santé et à la gestion des
systèmes de santé et des patients, ainsi que l’éducation à la santé.^'^^

Le soin tel que défini manque de façon accru dans les établissements pénitentiaires
ivoiriens en raison du phénomène du surpeuplement carcéral et de l’insuffisance des
infrastructures de santé, selon Jacques-Oberlin MBOCK :« la surpopulation pénale apporte
des contraintes supplémentaires (...) en imposant aux détenus, de catégorie pénale et de
dangerosité diverses, une promiscuité pénible et génératrice d’influences malsaines.

Ces influences malsaines se traduisent surtout au niveau de la dégradation de l’hygiène


et par conséquent de la santé. A cet égard, la surpopulation carcérale favorise des problèmes
de santé et au-delà limite l’accès aux soins eu égard au nombre eu égard au nombre
pléthorique de patients et à l’insuffisance des soins administrés

Dans cette logique, il y aura évidemment un déficit du personnel soignant par rapport
au nombre élevé de patients. Elle conduit notamment à un allongement des délais de prise en
charge et à une accélération de l’usure du matériel. Dans les établissements les plus anciens,
les locaux se révèlent par ailleurs souvent insuffisants et inadaptés au regard de la demande de
soins des personnes détenues.^"^^

Cet état de fait entraine une précarité au niveau de la santé des détenus. Dans ce
contexte, selon SERGE (Julie), comme résumé de son ouvrage, La taule fait toujours un
tollé. INFIRMIERE MAGAZINE (L'), 2005/01, n° 201, 6-7, la situation sanitaire des
prisonniers reste désastreuse. Les prisonniers souffrent de nombreuses pathologies mentales.
Dans ce contexte, pour corroborer cette situation sanitaire alarmante, des visites ont été faites
par des ONG travaillant dans le milieu carcéral.

Selon l’ONG SOPCI (soutien aux prisonniers de Côte d’ivoire), par le canal de son
président national M.YOHOU ZAHUI Herman, observateur des droits de l’homme auprès de
l’Union Africaine, (UA) précisément auprès de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et

des Peuples (CADHP) «Ai/ cours de cette visite, SOPCI a dénombré plusieurs cas de

maladies et de meurtre dont les maladies contagieuses de la peau (ZONA) , cas de

Mélanie RICARD, Elodie ROBERT et Julien ROMERA, le soin en milieu carcéral, mémoire de fin de
formation à ITnstitut de formation de manipulateurs en électroradiologie médicale (CHU de Montpellier), 2004-
2005, P.28.
Jacques-Oberlin MBOCK, La prison camerounaise, (Etude critique delà réforme pénitentiaire de 1973
et son application), thèse de doctorat, 3^ cycle, inédite. Université de Yaoundé, 1989, P. 168.
Dominique RAIMBOURG et Sébastien HUYGHE (Assemblée Nationale), op.cit. P.30.

312
tuberculose, cas de palpitation de cœur, cas de virus du sida, cas de tension et d’asthme et 14
cas de meurtres, ce constat est alarmant , fort de cela, quelques établissements disposent
d’infirmeries mal équipées (manque de lit d’hospitalisation, des gangs, des tensiomètres, des
seringues, des pèses poids,...) et sans infirmiers officiant à temps plein, la couverture
médicale est insuffisante, manque de dépistage du virus du sida et ensuite pas de suivi pour
les infectés et des malades souffrant d’une quelconque maladie. En somme, des infirmeries
n 'existent que de manière nominale, sinon elles n ’ont rien pour soulager un détenu malade,
en cas d’urgence le malade est transféré à l’hôpital de la ville et là-bas le médecin demande
la présence d’un membre de sa famille, si ce n ’est pas possible, il ne sera pas traité, imaginez
la suite. Une insuffisance de médicaments dans les officines des prisons, le seul médicament
servit est le paracétamol et d’ailleurs ce produit est une denrée rare dans les prisons
ivoirienne depuis la crise postélectorale. Face à cette défaillance de l’administration
pénitentiaire, les prisonniers sont obligés de mettre à contribution leur famille pour l’achat
des médicaments nécessaires à leurs soins, parfois une cotisation est exigée entre les
prisonniers pour sauver la vie d’un autre prisonnier agonisant. Chose étonnante, les
infirmiers qui sont en service réclament souvent des valeurs pécuniaires qui s ’élèvent à 2000
francs CFA pour une simple consultation. ^■^^»

Quant aux visites effectuées par l’ONG NGBOADO, voilà ce qui en ressort : « Les
prisonniers gravement malades doivent, en principe, bénéficier d’un transfert vers la
formation médicale ou hospitalière la plus proche mais cela est différent sur le terrain.
L'état de certains détenus malades qui n ’ont reçu aucun soin, donne une idée de
l ’insuffisance de leur prise en charge. Certains des détenus présentent des affections
cutanées graves... Toutefois, le personnel médical désigné par les autorités locales de santé
n’est pas encouragé à travailler dans des conditions faciles. Les stocks de médicaments sont
tout à fait absents ou mal approvisionnés, obligeant les prisonniers et leur famille à payer
eux-mêmes leurs médicaments ».

À la lumière de ces différentes visites, un seul constat se dégage : Les détenus se meurent

par un manque de soins et d’infrastructures sanitaires conséquents. Les autorités doivent


palier à cette situation en construisant davantage des infrastructures de santés équipées de
médicaments suffisantes. Elles Doivent en outre renforcer l’administration des soins aux

Source : www.lepointsur.com, consulté le samedi 29 août 2015.

313
détenus malades. Mais, pour l’efficacité de ces mesures, il faudrait assurer aux détenus une
alimentation équilibrée, source de santé et de vitalité.

2-L ^existence de certaines maladies récurrentes consécutives à


rinefficacité des soins et à la malnutrition

Dans le domaine de la santé, le décret 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation


des établissements pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de
liberté dispose en son article 151, que « le Ministre de la Santé désigne sur la demande de
son collègue de la justice des médecins et infirmiers pour donner des soins de santé aux
détenus ».

Il prescrit également en son article 153 que « chaque établissement doit être pourvu
d’une infirmerie permettant de disposer des soins courants et ceux de première urgence ». Le
médecin pénitentiaire devra donc examiner tous les détenus entrants et établir leur état de
santé.

L’articlel54 du même décret dispose également « Chaque détenu doit avoir une fiiche
individuelle sur laquelle sont portées toutes les indications relatives à l’état de santé et au
traitement de l'intéressé. Cette fiche doit être jointe lors du transfèrement au dossier
individuel du détenu. » .

En outre, sur le plan alimentaire : « Tout détenu doit recevoir de l'administration aux
heures usuelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur
nutritive suffisant au maintien de sa santé et de ses forces. ^5'»

Selon la norme humaine, tout détenu doit recevoir de l’administration aux heures
usuelles une alimentation de bonne qualité, bien préparée et servie, ayant une valeur nutritive
suffisante au maintien de sa santé et de ses forces. La réalité du terrain dans les Maisons
d’Arrêt et de Correction est que l’alimentation qui remplit ces conditions n’est certainement
pas celle fournie par les soins de l’administration pénitentiaire. Les détenus reçoivent des

*5' Règle 20 de l’Ensemble de règles minima relatif au traitement des prisonniers.

314
aliments de mauvaise qualité, préparés dans de conditions d’hygiène déplorables et mal
servis, dont la valeur nutritive est nulle.

En réalité, il faut relever que concrètement ces dispositions nationales et


internationales ne sont pas appliquées de façon efficiente eu égard à la récurrence de certaines
maladies et la mauvaise qualité de l’alimentation dans les prisons. En effet, dans la plupart des
prisons ivoiriennes l’alimentation est insuffisante et non équilibrée. La malnutrition et la
dénutrition sont de principe dans ces prisons en témoignent les images suivantes :

■■««• •
■«■«ta
■ ta RM

Une vue de la nourriture consommée à la MACA (bouillie d’igname non épluchés, mil...)

Une vue de la nourriture dans la prison de Séguéla (mil)

Source : www.google..fr

Rapports d’activités 2012 de la SOPCI sur www.sopci.org.

315
Comme nous le constatons à travers ces images, il y a une alimentation de faible qualité
et de faible quantité par rapport au surnombre des détenus. Cet état de fait conduit à une
malnutrition qui est source de nombreuses maladies comme le béribéri.

En conséquence, en raison de la malnutrition et de la promiscuité les prisonniers sont


exposés à certaines maladies récurrentes telles que le béribéri, la tuberculose, les bronchites
pneumopathies, le paludisme, la dermatose, la diarrhée, le choléra et voire même le sida...

Par voie de conséquence, la vie en prison met la santé en danger. La dénutrition est la
première cause, immédiate, d’affaiblissement et prédispose à toutes sortes de maladies.
Viennent s’y ajouter le manque d’espace et l’absence d’hygiène, qui favorisent l’apparition de
maladies graves, telles que la tuberculose ou le choléra, qui sont souvent mortelles. Pour une
petite faute, donc, on risque sa vie.

Dans les prisons visitées par l’équipe N’GBOADO, un seul repas par jour à faible
valeur nutritive est servi. Cet unique repas quotidien est en général soit de l’igname, du maïs
et d’un semblant de riz gras ou de riz blanc avec une sauce peu épaisse (pour la maison d’arrêt
et de correction d’Abidjan). Ce seul repas quotidien accordé ne fournit pas le contenu
nutritionnel et l’apport calorique journalier nécessaire pour le maintien d’une bonne santé. Il
en résulte un déséquilibre alimentaire dont les conséquences majeures se traduisent par la
malnutrition qui entraîne de nombreux décès au sein de la population carcérale^^"^.

Scion le rapport de l’ONG NGBOADO sur la prison de la MACA : «Une expérience


faite avec le CICR sur les poids et la taille de tous les pensionnaires dans le mois d'Avril
2012. Cette expérience a révélé qu’il y avait 108 détenus atteints de la malnutrition
dont 5 dans un état sévère. Cela fait ressortir le problème de la nourriture bien préparé et
riche en protéine. A la question de savoir, pourquoi ces 108 détenus sont affectés par la
malnutrition car tous les détenus masculins ont la même ration ? Le docteur a répondu
ceci : il y a des détenus qui n’ont pas d’aide venant des parents, ils sont au régime de la
ration pénale, et les détenus qui servent la sauce, gardent le fond plus riche pour eux. Ce
sont eux même qui durcissent la situation

Face à cette malnutrition et l’inefficacité de soins, les détenus sont par voie de
conséquence exposés à des maladies mal soignées faute de soins suffisants. Cette situation

Source : www.google.ci (la conscience, vie carcérale : la vie en prison) consulté le 29 août 2015.
ONG NGBOADO, op.cit, P. 15.
Idem, P. 17.

316
risquerait d’accroître le taux de mortalité pénale chaque année. Dans ce contexte, la peine
privative de liberté se substituerait donc à la peine de mort, pourtant aboli par la législation
ivoirienne.

317
CONCLUSION DU TITRE II

La peine privative de liberté est clairement devenue la peine de référence pour les
crimes et les délits. La fonction qui lui est dévolue ne se limite plus à la simple fonction de
garde et de protection de la société, elle a désormais pour fonction essentielle de permettre la
réhabilitation du condamné avec pour objectif ultime le retour progressif à la liberté. Ces
grands principes de réinsertion et de rééducation sont toujours présents dans le droit
pénitentiaire actuel. Toutefois leur mise en œuvre, tant aujourd’hui que par le passé, pose
problème. Cela s’explique par l’ambivalence même de la peine privative de liberté qui oscille
toujours entre ses deux fonctions : réhabilitation d’un côté (impliquant des conditions de
détention permettant l’évolution de la personne détenue dans l’optique de son retour à la
liberté), et prévention sociale de l’autre (qui suppose au contraire que l’accent soit mis sur les
mesures de sécurité).^^^

En toute logique, la fonction réhabilitatrice de la peine privative de liberté est


primordiale en ce sens qu’elle permet d'éviter le phénomène de la récidive . Car un détenu
bien réinséré dans la société devient utile et non nuisible pour cette dernière.

Dans cette optique, une bonne politique de réhabilitation des détenus passe
nécessairement par la mise en œuvre concrète des régimes de détention et des principes
légaux de détention. A ceux-i, il faudrait la reconnaissance effective de certains spécifiques
aux détenus tels les droits Les droits relatifs à la protection sanitaire des prisonniers et les
droits relatifs à la restauration du lien social des détenus. Cependant, force est de constater
que que certains dysfonctionnments carcéraux viennent comprommettre cette fonction
réhabilitatrice notammant le phénomène de la surpopulation carcérale, des conditions
sanitaires déplorables et des facteurs d’ordre politique.

Claire FINANCE, prison et Cour Européenne des droits de l’homme, mémoire de Master de droit pénal et
sciences pénales, Université de Panthéon-Assas, 2010, P. 10.

318
CONCLUSION PARTIE II

Selon le code pénal ivoirien, la peine privative de liberté est une peine principale au
même titre que l’amende et la peine de mort. Notons que la peine de mort a été abolie par la
nouvelle constitution ivoirienne de 2016 en ces termes : « le droit à la vie est inviolable. Nul
n 'a le droit d'ôter la vie à autrui. La peine de mort est abolie

La peine privative de liberté s’exécute sous forme d’incarcération et a pour but de


protéger la société contre toute violation de la loi. A cet égard, elle est un outil de stabilité
social voire un moyen de défense de la société d’assurer l’ordre et la paix publique. Pour y
parvenir après l’indépendance de la Côte d’ivoire, les autorités ivoiriennes vont s’atteler à
organiser le système pénitentiaire. Cette organisation va se traduire par l’institution d’un
organe central de gestion dudit système notamment la Direction des affaires pénitentiaires
(DAP).

Cette direction rattachée au Ministère de la Justice et des Libertés Publiques s’est vu


confier une double mission à savoir assurer la sécurité des biens et des personnes et favoriser
la réinsertion des détenus pendant et après leur incarcération. Cependant, la Direction de
l’Administration Pénitentiaire n’arrive pas remplir pleinement ces missions eu égard à des
moyens humains, financiers et matériels déficitaires.

Dans l’optique de combler les carences de ladite direction, des organismes


confessionnels, humanitaires et internationaux apportent un appui fort impressionnant sur le
plan financier spirituel et matériels. La Direction des affaires Pénitentiaires a sous son autorité
et sa gestion tous les établissements pénitentiaires répartis en maisons d’arrêt, maisons de
correction et en camp pénal.

Dans ces différents établissements travaillent un personnel diversifié notamment les


régisseurs, les agents d’encadrement, les contrôleurs et un personnel spécialisé dans
l’amendement et la resocialisation des détenus. Concernant le volet resocialisation, le décret
n°69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et fixant les
modalités d’exécution des peines privatives de liberté a prescrit des régimes de détention et
des principes de détention pour assurer une meilleure gestion des détenus et favoriser leur
réinsertion sociale. En outre, la reconnaissance de certains droits particuliers aux détenus

Article 3 de la nouvelle Constitution ivoirienne de 2016.

319
participent également à leur intégration dans la société après avoir purgé leur peine. En dépit
de cette œuvre de resocialisation, des problèmes récurrents spécifiques aux établissements
pénitentiaires tels que la surpopulation carcérale et l’état lamentable des conditions de
détention entravent à la mission sociale assignée à l’Administration pénitentiaire, À cela, il

faudrait ajouter des pratiques politiques qui ont détourné la prison de sa mission de
resocialisation.

320
CONCLUSION GÉNÉRALE

321
En définitive, l’objet de notre étude a porté sur la prison à l’épreuve du temps en
Côte d’ivoire depuis 1893. La question centrale qui nous a guidé dans notre analyse était la
suivante : quelle est la place de la prison dans la politique coloniale et contemporaine en Côte
d’ivoire ? Nous nous sommes efforcé de répondre à cette question en partant aux origines de
l’institution de la prison en Côte d’ivoire, c’est-à-dire depuis l’époque coloniale.

Dans cette logique, nous avons pris comme point de départ de nos recherches l’année
1893 car c’est l’année au cours de laquelle la Côte d’ivoire est devenue colonie française,
plus précisément le 10 mars 1893. Il nous a paru utile de mener nos recherches depuis 1893
pour sonder les fondements originels de l’institution de la prison dans la colonie de Côte
d’ivoire afin de comprendre plus nettement son fonctionnement et les maux qui la minent de
nos jours.

Ainsi, selon le droit pénal, la prison est un lieu où les délinquants purgent leur peine
privative de liberté à l’issue d’un procès pénal équitable et juste. C’est également un
établissement destiné à retenir tous les réfractaires de la loi ou tous les déviants de la société.
A cet égard, le droit pénal lui a assigné de nos jours une triple fonction à savoir la sanction du
délinquant, son amendement et sa réinsertion dans la société après avoir purgé sa peine
privative de liberté.

En somme, voilà exposé la mission classique assignée à la prison par le droit pénal de
façon générale. C’est également ce que l’on nomme la mission d’utilité sociale. Cette mission
a-t-elle été remplie par la prison pendant l’époque coloniale dans la colonie de Côte d’ivoire ?

Certainement une réponse négative s’impose, car la finalité de la prison a évolué en


Côte d’ivoire en fonction de l’idéologie ou du système politique en vigueur à une époque
donnée. La prison a donc reproduit les objectifs poursuivis par le système politique en
vigueur. Pendant la période coloniale, la prison a été un instrument de stratégie coloniale
pour le colonisateur français. Dans ce contexte, elle a été un instrument impérialiste au service
de la puissance colonisatrice, autrement dit elle a eu une visée de domination politique et
économique. Dans cette perspective, le colonisateur lui a assigné des missions d’oppression
socio-économique en vue de faire asseoir dans la colonie sa suprématie politique et, par la
suite, exploiter les ressources naturelles du pays colonisé. Il a donc attribué à la prison des
fonctions coercitives et économiques uniquement. Les fonctions coercitives se traduisaient par
la pacification de la colonie qui s’est t matérialisé par la mise en place de l’ordre colonial. La
pacification nécessite la maîtrise des différentes résistances à la conquête coloniale en vue

322
d’assurer la sécurité et la discipline au sein de la colonie ; tout cela dans le but d’assujettir les
indigènes à la politique coloniale.

Dans ce contexte, dès l’entame du processus colonial, la prison a servi de moyen de lutte
contre les différentes résistances à la conquête coloniale dans la colonie de Côte d’ivoire.
Elle a eu donc pour finalité de retenir captifs les instigateurs de la résistance coloniale. Ces
instigateurs étaient essentiellement les chefs de guerre indigènes et les féticheurs.

De façon concrète, par la stratégie de l’internement et de la déportation de ceux-ci, le


colonisateur a pu vaincre les résistants ivoiriens à la conquête coloniale. Il faut relever que
cette technique a permis de désorganiser les guerriers (combattants) indigènes, de neutraliser
les attaques mystiques et afin de briser les ardeurs mystiques de ces derniers, d’où leur
capitulation. L’emprisonnement des résistants téméraires a permis une modification
(changement) des caractères hostiles à l’égard du pouvoir colonial et par ricochet une
soumission à ce pouvoir eu égard aux conditions atroces de détention.

Comme nous le remarquons, la peine privative de liberté a permis au colonisateur de


juguler les différentes résistances afin d’établir pleinement hégémonie au sein de la colonie de
Côte d’ivoire. Dans cette logique, le pouvoir colonial avait une totale liberté d’action pour
exploiter les ressources naturelles de la colonie. Durant cette phase d’exploitation de la
colonie, la prison ne sera pas mise dans l’oubliette, elle va au contraire jouer un rôle actif et
prépondérant dans la mise en valeur de la colonie et dans l’enrichissement de la métropole.

En toute logique, sur le plan économique, la prison était un réservoir de main d’œuvre à
bon marché et disponible pour la mise en valeur du territoire ivoirien et l’exploitation des
ressources naturelles au profit de la métropole. Pendant la mise en valeur de la colonie, la
main d’œuvre pénale a participé à la construction des infrastructures socio-économiques, en
sus avec le système des amendes comme peine complémentaire à la peine privative de liberté,
la prison a de ce fait joué un rôle dynamique dans l’autofinancement de la colonie.

Par ailleurs, il faut retenir que la main d’œuvre pénale a développé les entreprises
coloniales par le mécanisme de la cession et exploité les ressources naturelles utiles à
l’économie métropolitaine. Cela dit, dans le souci d’implanter un ordre politique incontestable
pour une exploitation efficiente des ressources naturelles de la colonie, les autorités coloniales
vont adopter de prime abord une politique de décentralisation des institutions répressives.
Cette politique implique une gestion de proximité des dites institutions à l’effet de mieux

323
rapprocher la répression coloniale. Pour ce faire, il y avait un emprisonnement massif des
indigènes voulant s’opposer à cette domination coloniale. Cette situation a entraîné une
suipopulation carcérale ; d’où des conditions de détention déplorables voire une réification
des prisonniers indigènes.

Le pouvoir colonial se contentait de réprimer sans respecter les droits de l’homme dans
les prisons. A cet égard, il y aura un pullulement des lieux d’enferment dans chaque
circonscription administrative de la colonie. Dans ce contexte, il n’y avait que des prisons de
fortune (des cases, des baraques, des postes militaires, des magasins, des entrepôts, des
bâtiments administratifs...).

Notons que l’organisation des prisons sur le territoire ivoirien pendant la colonisation
va véritablement s’achever par l’arrêté n° 134 APB du 20 avril 1951 qui prône un système de
centralisation du système pénitentiaire.

Au niveau de l’organisation de la justice, le pouvoir colonial a prévu une justice


indigène qui est une justice d’exception et une justice de droit français qui est une justice de
droit commun afin d’imposer sa culture judiciaire au peuple colonisé. Notons également que
pour le maintien et l’affermissement de l’ordre public colonial au sein de la colonie, le
pouvoir colonial a institué le régime de l’indigénat. Ce dispositif de défense de l’ordre public
colonial était un mode de répression permanent car il permettait à tout européen de réprimer
pénalement tout indigène réfractaire à l’ordre colonial établi.

En conséquence, la prison a été mise à rude contribution. Par ailleurs, il faut noter que
pendant la phase de la transformation, la peine privative de liberté a servi à réprimer certaines
attitudes contraires aux mœurs métropolitaines notamment la mendicité et le vagabondage
pour ne citer ceux-là.

Aussi faudrait-il noter que par la stratégie de l’emprisonnement des leaders des
mouvements d’éveil national qui avait cours à cette époque, le pouvoir colonial a tenté de
briser ces mouvements. Cependant, il n’y ait pas arrivé, car grâce à la témérité de ces leaders
la Côte d’ivoire a accédé à l’indépendance le 7 août 1960.

De toute évidence, comme nous le constatons à travers ces analyses, la prison n’a
pas eu pour finalité P amendement et la réinsertion sociale du détenu pendant l’époque
coloniale. Le colonisateur s’étant préoccupé à lui assigner des fonctions de domination
politico- économiques, abstraction faites de l’amendement et de la réinsertion des détenus.

324
La Côte d’ivoire indépendante, les nouvelles autorités ivoiriennes vont conserver
l’arrêté n° 134 APB du 20 avril 1951 de l’époque coloniale. Ce texte pris dans le contexte de
l’époque n’était plus en harmonie ni avec les institutions administratives et judiciaires
nouvelles, ni avec les dispositions de la loi n° 60-366 du 14 novembre 1960 portant code de
procédure pénale.

Il est donc apparu nécessaire de lui substituer de nouvelles dispositions faisant l’objet du
décret n° 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements pénitentiaires et
fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté. Ce décret marque la
naissance du texte de base régissant le système pénitentiaire ivoirien. On passe, de ce fait,
d’une politique de décentralisation à une politique de centralisation accru dans la gestion des
établissements pénitentiaires.

Les autorités politiques ivoiriennes vont assigner à la prison post-coloniale des


missions d’utilité sociale voire de stabilité sociale. A cet égard, la prison sera utilisée comme
un moyen de défense sociale axée beaucoup plus sur la protection de la société.
Conformément au droit pénal, la protection de la société va s’analyser en principe par la
sanction du délinquant, son amendement et sa réinsertion dans la société.

De ce fait, la peine privative de liberté aura une fonction expiatoire : la juste sanction
de la faute commise, et une fonction d’amendement, de réadaptation sociale. Cette idée est
exprimée plus nettement par l’article 2 alinéa 2 du code pénal ivoirien en ces termes : « La
peine a pour but la répression de l'infraction commise et doit tendre à l'amendement de son
auteur qu 'elle sanctionne soit dans sa personne, soit dans ses biens, soit dans ses droits ou
son honneur ».

De façon pragmatique, pour la mise en œuvre de ces fonctions assignées à la prison, les
autorités ivoiriennes ont institué un organe central de gestion de tous les établissements
pénitentiaires voire du système pénitentiaire ivoirien : la Direction des Affaires Pénitentiaires
(DAP). Cette Direction centrale a une double mission, l’une dite sécuritaire (assurer la
sécurité des biens et des personnes par l’emprisonnement des délinquants) et l’autre ayant une
envergure sociale (amendement et réinsertion sociale du délinquant).

Cependant, eu égard à la complexité du système pénitentiaire et par ricochet à


l’insuffisance des moyens financiers, matériels la DAP recevra l’apport fort indéniable des

Circulaire Ministère de la justice n°18/MJ/DAP du 3 juillet 1969.

325
structures ou organismes externes. En conséquence, elle sera aidée dans sa tâche tant sur le
plan logistique que matériel par des organisations non gouvernementales (Prisonniers Sans
Frontières, Bureau International Catholique de l’Enfance...), des organismes internationaux
(Comité International de la Croix Rouge, Union Européenne...) et des communautés
religieuses.

Cet appui fort appréciable a permis à la Direction des Affaires Pénitentiaires de


mobiliser des ressources additionnelles destinées en principe à l’amélioration et à
l’humanisation des conditions de détention des prisonniers en vue de faciliter leur réinsertion
sociale. Cette ouverture vers l’extérieur participe de la vision des autorités pénitentiaires qui
ont vite compris que les ressources publiques ne pouvaient pas, à elles seules, suffire pour une
meilleure prise en charge des détenus et que pour y faire face, il fallait mettre en place un
réseau de partenaires susceptibles de servir d’interface auprès des bailleurs de fonds ou de
financer sur fonds propres des projets visant à améliorer les conditions de détention,
d’alimentation et de santé des détenus^^^. L’intervention et la présence des partenaires

extérieurs ont aussi contribué à la prévention et la lutte contre les violations graves des droits
de l’homme"®.

Il faut aussi relever qu’au niveau de la gestion des lieux d’enfermement, le décret
de 1969 a prévu trois types d’établissements pénitentiaires en l’occurrence les maisons
d’arrêt, les maisons de correction et le camp pénal. Notons cependant qu’un même
établissement pénitentiaire peut servir à la fois de maison d’arrêt et de correction. Dans ces
différents établissements pénitentiaires travaillent à la fois un personnel ordinaire c’est-à-dire
le régisseur, les agents d’encadrement et les contrôleurs des établissements pénitentiaires et un
personnel spécialisé dans l’amendement et la resocialisation des détenus notamment les
assistants sociaux, les infirmiers, les maîtres d’éducation surveillée...

Au demeurant, dans la perspective d’humanisation et de réinsertion des prisonniers,


le décret de 1969 a préconisé des régimes de détention propres à chaque catégorie de détenu
et des principes légales de détention. En sus, l’octroi et la reconnaissance de certains droits
(droit à l’intégrité physique, morale, le droit à la santé et à hébergement adéquat, le droit à une
formation professionnelle, le droit d’être en contact avec le monde extérieur pendant

Nations unies, rapport sur la situation des établissements pénitentiaires, op.cit. P.83.
^^°Ibidem.

326
l’incarcération) favorisent normalement un amendement et une réinsertion sociale des détenus
dans la société.

Malheureusement, force est de constater que depuis l’indépendance de la Côte


d’ivoire, des facteurs d’ordre politique et spécifique au fonctionnement de la prison ont
détourné la prison de cette mission fondamentale qu’est la resocialisation du prisonnier. Sur le
plan politique, la prison va répondre aux exigences des gouvernants puisqu’elle va servir à
consolider le pouvoir politique par le biais de la répression de l’atteinte à la sûreté de l’État et
la répression de l’attentat ou complot contre l’autorité de l’État. En outre, elle sera utilisée

comme un moyen de sécurisation de l’hégémonie du pouvoir politique par la neutralisation


voire le musellement des opposants politiques et par ricochet l’instauration d’un pouvoir sans
partage et incontestable. Concernant les facteurs d’ordre spécifique au fonctionnement
carcéral, l’on dénote la récurrence notoire du phénomène de la surpopulation des prisonniers
et un état sanitaire exécrable des établissements pénitentiaires.

Tous ces maux entraînent ipso facto des conditions de détention précaires et
favorisent plus ou moins les évasions. Les conditions d’hygiène des établissements et des
détenus sont tributaires de la vétusté du parc immobilier, les surfaces disponibles sur­
occupées, l’accès à la lumière naturelle et à l’air frais, le dénuement dans lequel se trouve la
majorité des détenus constituent des préoccupations majeures.

De ce qui précède, nous pensons que le problème majeur voire principal du système
pénitentiaire ivoirien demeure la surpopulation carcérale, car c’est ce phénomène qui
engendre tous les dérives sanitaires que nous pouvons constater aujourd’hui dans la prison et
du coup des conditions de détention insupportable.

Ainsi, selon la déclaration des chefs d’état au 4e Sommet des États baltes sur les
risques des maladies transmissibles. Publiée à Saint-Pétersbourg le 10 juin 2002 « Les
prisons surpeuplées qui abritent des détenus malades, qui présentent une mauvaise
hygiène et des installations sanitaires inadaptées constituent un grand risque dans le domaine
des maladies transmissibles dans la région. La santé dans les prisons doit être une priorité ».

Aujourd’hui, il faut malheureusement constater que les conditions de détention


dans les prisons restent inacceptables. Les déficiences graves dans l’alimentation, l’hygiène,
les soins de santé continuent à transformer certaines prisons en de véritables mouroirs. Il

“'idem, P.82.

327
n’est toujours pas exagéré d’affirmer que, en certains endroits, être condamné par un
tribunal, parfois pour des faits bénins, à quelques mois ou années d’emprisonnement
équivaut en fait à une condamnation à mort, tant les risques de mourir de faim en
prison restent élevés . De ce fait, le droit de punir ne doit pas se transformer en un droit de
maltraitance des personnes privées de leur liberté.

Pour résoudre ces dysfonctionnements, il faut dépolitiser la prison, il faut la


construction de nouvelles prisons avec des capacités d’accueil beaucoup plus grandes pour
décongestionner celles existantes tout en réhabilitant les prisons actuelles. Il faut également
promouvoir la mise en œuvre des mesures d’individualisation de la peine pour réduire le
surpeuplement des prisons. Remettre sur pied dans les prisons des activités d’élevage, de
production agricole et maraîchère visant à augmenter l’autosuffisance alimentaire
notamment par la mise en place de projets à caractère durable (fermes
AAI
pénitentiaires) . En outre, il faudrait que le gouvernement dote l’Administration
pénitentiaire d’une autonomie de gestion de ses ressources budgétaires, et qu’il confère aux
régisseurs des établissements pénitentiaires la qualité d’administrateurs de crédits.

Aussi faudrait-il affecter un infirmier dans tous les établissements qui en manquent,
tout en augmentant les crédits pour les produits d’entretien et d’hygiène. Aussi voudrions-
nous proposer les recommandations de la deuxième conférence panafricaine sur la réforme
pénale et pénitentiaire en Afrique, ténue à Ouagadougou, Burkina Faso du 18 au 20 septembre
2002 pour lutter efficacement contre la surpopulation carcérale. Ainsi, les stratégies pour
éviter que les délinquants ne se retrouvent entraînés dans le système pénitentiaire doivent
inclure :

L’utilisation d’alternatives aux poursuites pénales comme la diversion pour les


petits délits, en portant une attention particulière aux mineurs, aux toxicomanes
ou aux déficients mentaux.
La reconnaissance d’une approche résolument réparatrice de la justice pénale
qui vise à rétablir l’harmonie au sein de la communauté, par opposition à une
approche punitive. Ceci implique un recours accru aux techniques de
médiation délinquant-victime, de médiation familiale, et à des démarches
impliquant l’ensemble des parties au conflit (victime, délinquant, communauté.

ONG N’GBOADO, op. cit. P.21.


Ibidem.

328
police, système judiciaire) en vue de s’accorder sur des sanctions qui prennent
en compte les besoins et les intérêts de tous.

Un recours aux modes traditionnels de règlement des conflits dans le respect


des garanties constitutionnelles et des normes internationales des droits de
l’homme.

• Une amélioration des mécanismes de communication et de coordination entre


le système judiciaire de l’État et le système de justice non étatique.

• Une décriminalisation de certaines infractions telles que l’oisiveté, le


vagabondage, la prostitution, le non remboursement de dettes, la désobéissance
aux parents^^"*.

Les stratégies pour réduire le nombre de prisonniers en attente de jugement


doivent inclure :

Une coopération accrue entre la police, les services pénitentiaires et les


tribunaux pour assurer un traitement rapide des dossiers en instance et
réduire la durée de la détention préventive...

Le recours à la détention provisoire seulement en dernier recours et pour


une période la plus courte possible...
Une bonne gestion des dossiers des détenus et un ré-examen régulier des
cas de détention provisoire.
Un recours accru aux paras juristes au cours du processus pénal afin de
fournir une assistance et des conseils juridiques de base au détenu^^^.

En somme, malgré les efforts de l’État et des ONG, beaucoup reste encore à faire pour
rendre le système pénitentiaire ivoirien performant et efficace. Les autorités gagneraient, à
notre avis, à observer les recommandations de la deuxième conférence panafricaine sur la
réforme pénale et pénitentiaire en Afrique, ténue à Ouagadougou, Burkina Faso du 18 au 20
septembre 2002 pour annihiler les dysfonctionnements qui minent notre système pénitentiaire.
A ces solutions, il faudrait également ajouter la dépolitisation de la prison en Côte d’ivoire et
partant en Afrique.

Déclaration et plan d’action de Ouagadougou pour accélérer la réforme pénale et pénitentiaire en Afrique,
P.3.
Idem, P.3-4.

329
Par ailleurs, un phénomène récurrent attire notre attention ; c’est celui des attaques, des
destructions des prisons pour favoriser les évasions des prisonniers pendant les moments de
crise. Quel intérêt y a-t-il à agir de la sorte ? Cette situation ne participe-t-elle pas au
dysfonctionnement de la prison de nos jours et par ricochet de notre système pénitentiaire ?

330
ANNEXES

ANNEXE 1 : Un spécimen de télégramme carcéral.

ANNEXE 2 : Un modèle de rapport carcéral du commandant de cercle du

Baoulé-sud au gouverneur de la colonie de Côte d’ivoire.

ANNEXE 3 : Etat des détenus politiques ivoiriens à l’époque coloniale.

ANNEXE 4 : Schématisation des détenus par infraction et de la population

carcérale de la MACA : 2006-2007.

ANNEXE 5 : Courbe de la population carcérale de 2013.

ANNEXE 6 : Un spécimen de l’autorisation de visite des prisons ivoiriennes.

ANNEXE 7 : Une vue aérienne de la MACA.

ANNEXE 8: L’ entrée principale de la MACA (service accueil et


renseignements).

ANNEXE 9 : La cellule des mineurs de la MACA avant la réfection.

ANNEXE 10 : Une vue intérieure de la MACA.

ANNEXE 11 : Une vue des résidences des agents d’encadrement des

établissements pénitentiaires.

ANNEXE 12 : L’entrée principale de la MAC de Toumodi.

ANNEXE 13 : Les toilettes de la prison de Toumodi.

331
ANNEXE 1 : UN SPECIMEN DE TÉLÉGRAMME CARCÉRAL

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NB : Un spécimen de télégramme faisant état du meurtre d’un détenu par un autre dans la
prison à l’époque coloniale. Cela dénote certainement de l’insécurité qui prévalait dans les
prisons coloniales. (Source : archives nationales de Côte d’ivoire)

332
ANNEXE 2 : UN MODELE DE RAPPORT CARCERAL DU
COMMANDANT DE CERCLE DU BAOULÉ-SUD AU GOUVERNEUR

DE LA COLONIE

GOUVERNKLæîlT .OSKSRAL rt E P U B L T c A T s
de
’Afrique Occidentale
Française
/■'Z-'/-/'», • ’O Kù’v’

CERCLE DU BAOULE-SUD.
Toumodi,le Novembre 1911
N- kir
Adj.lnlstratQur Corcmandan't le Corde

à aonslour le Gouverneur de la C6te d*Ivoire

PINCERVILUS

Comme suite à non télégramme K® 466,J’ai l’hon


neur de vous rendre compte qu’aprôs avoir pris l’avis

<» de M. le Chef du Poste de Yamoussoukro J'ostima qu’il


conviendrait. de tenir Kouadio ESDI et 2EG3E éloignés
leur pays encore* pendant 4 ans
La durée do leur internement^ en tenant compte
la prévention faite^ se rait donc do 5 an;.
Par ma lettre N® 423 J'ai rendu compte qu’il
n’y avait pas trace sur les registres d’écrou du csr-
de de l’incarcération do certains meneurs N’Gbans
parmi lesquel:^ figurent Kouadio ESDI et 2~OBE.

Ces doux derniers ont dû vralsembloinent 9tra di­


rlgés directement sur Dimbokro par K.le Commandant
MOREL à la fin des opérations de répression c’est-à-
dire dans les lors joure/ de juillet 1910.
Le râle joué par ces doux individus on 1910 a
été défini par lî. le Chef du Poste do Yainoussoukro
excitation à la révoltéjdostructlon des Itsnos télé
SraphlquosjernbuBcades; grosse Influence dans la rôglo

333
NB : Ce rapport fait état de l’application de la peine de déportation aux meneurs influents de
la résistance coloniale. Il s’agit selon les termes du gouverneur ANGOULVANT « de
débarrasser la colonie ou la circonscription momentanément d’un grand chef ou d’un
féticheur célèbre qui emploie son influence à saper la nôtre ou dont la présence retarde,
contrarie notre installation, menace notre occupation ». Cette méthode d’emprisonnement
permettait au colonisateur de juguler les différentes résistances à leur installation sur l’espace
colonial. (Source : archives nationales de Côte d’ivoire)

334
ANNEXE 3 : ÉTAT DES DÉTENUS POLITIQUES DE LA

CQLQNlEfSource : archives nationales de Côte d’ivoire).

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336
ANNEXE 4 : SCHÉMATISATION DES DÉTENUS PAR INFRACTION

ET DE LA POPULATION CARCÉRALE A LA MACA EN 2007

Représentation des détenus par infraction

□ Sériés 1
■ Sériés?

NB : On constate que la population carcérale de la MACA est formée en majeure partie des
délinquants de vol et de vol aggravé. Cet état de fait sous-entend que les infractions commises
quotidiennement dans la société sont pour la plupart les délits de soustraction frauduleuse de
la chose d’autrui. Les infractions les plus récurrentes sont, donc par ordre décroissant : le vol,
l’escroquerie, les délits portant sur la législation des stupéfiants, l’attentat à la pudeur,
l’assassinat et le meurtre, le faux et usage de faux en écriture publique ou bancaire et les délits
portant atteinte à la défense nationale.

Evolution de la population carcérale

NB : la courbe indique une situation de surpopulation en décembre 2006, cela a certainement


pour cause les multiples infractions commises pendant les fêtes de fin d’année. Cependant,

337
subitement on constate une baisse de la population carcérale à partir du mois de janvier
2007. De janvier 2007 à février 2007, on observe une constance de cette population. A partir
de mars jusqu’à mai 2007, il y a une évolution de cette population carcérale.

ANNEXE 5 : COURBE DE LA POPULATION CARCÉRALE DE 2013

NB : On observe une constance et une hausse de la population carcérale de juillet à


septembre. Cependant on constate une baisse dans le mois d’octobre dû certainement à la
mise en application de la décision de la grâce présidentielle prise par le président de la
république en 2013.Prés de 3000 prisonniers de droit commun ont été graciées en cette année.

338
ANNEXE 6 : UN SPECIMEN DE L’AUTORISATION DE VISITE DES

PRISONS

OBZSBD
MINISTERE DE LA JUSTICE, REPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE
DES DROITS DE L’HOMME Union - Discipline -Travail
ET DES LIBERTES PUBLIQUES

DIRECTION DES AFFAIRES


PENITENTIAIRES
B 3 WJiS2j,5
LE DIRECTEUR Abidjan le

./ MJDHLP/DAP

AUTORISATION SPECIALE

LE GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE,


DES DROITS DE L’HOMME ET DES LIBERTES PUBLIQUES,
autorise Monsieur TRA BI Zaé Fidèle, étudiant en Thèse d’Histoire du
Droit et des Institutions, à accéder aux maisons d’Arrêt et de Correction
d’Abidjan, de Grand-Bassam et le Camp Pénal de Bouaké, du 16 Mars
au 16 Juin 2015, en vue de préparer un travail de recherche sur le
sujet suivant : «La prison dans la stratégie coloniale : le cas des
prisons Ivoiriennes».

P/Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,


des Droits de l’Homme et des Libertés Publiques
et par délégation,,
Le Directeur des Affaires,Pé^ti'
? . c» >

OUATA Bab
Magistrat

339
ANNEXE 7 : UNE VUE AÉRIENNE DE LA MACA

Quartiers des
détenus de droit
commun
Quartier

Parbirs

NB : À travers cette vue, on constate qu’il y a deux quartiers principaux à la MACA : le

quartier des détenus de droit commun et celui des VIP (les directeurs et présidents directeurs
généraux des sociétés, certains détenus politiques et certains détenus ayant une bonne
situation financière). (Source internet :www.google.fr )

340
ANNEXE 8 : L’ENTRÉE DE LA MACA (SERVICE ACCUEIL ET

RENSEIGNEMENTS)

NB : Des agents pénitentiaires recevant chaque jour des visiteurs pour des renseignements et
informations. (Source internet : www.google.fr)

ANNEXES 9 : LA CELLULE DES MINEURS DE LA MACA AVANT LA


RÉFECTION

NB : Une cellule restreinte pour un nombre pléthore de mineurs incarcérés. (Source :


SOPCI=Soutien aux Prisonniers de Côte d’Ivoire)

341
ANNEXE 10: UNE VUE INTÉRIEURE DE LA MACA

NB : La MACA est la principale prison du pays qui a été construite en 1980. Sa capacité
d’accueil est de 1500 places. Cependant force est de constater qu’elle accueille plus de 10.000
prisonniers de nos jours. (Source internet : www.google.fr)

ANNEXE II: UNE VUE DES RÉSIDENCES DES AGENTS


D’ENCADREMENT DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

1* Tl

r- "W ■ ■-
c- --

NB : Les résidences des agents d’encadrement des établissements pénitentiaires sont juste
situées en face de la MACA pour une surveillance efficiente des détenus. (Source internet :
www.google.fr)

342
ANNEXE 12 : L’ENTRÉE PRINCIPALE DE LA MAC DE TOUMODI

@pris®néE)evk®umqdi

NB : Cette prison date de l’époque coloniale à l’instar des autres prisons de l’intérieur de la
Côte d’ivoire. La clôture de cette prison en désuétude s’est écroulée le mardi 29 mars 2016
sous une pluie diluvienne. (Source : SOPCI=Soutien aux Prisonniers de Côte d’ivoire).

ANNEXE 13 : LES TOILETTES DE LA PRISON DE TOUMODI

NB : Comme nous le constatons sur cette photo, la majorité des toilettes dans les prisons
ivoiriennes sont dans un état de délabrement total. Cette situation peut entraîner des maladies
telles que le choléra, les infections, les démangeaisons de peau... (Source : SOPCI=Soutien
aux Prisonniers de Côte d’ivoire).

343
BIBLIOGRAPHIE

I-OUVRAGES

A- OUVRAGES GÉNÉRAUX

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II-
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> AHOUANSOU (Félix), « formation du personnel de l’Administration Pénitentiaire,


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août 2006, 14 p.

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droits de l’homme en prison, propositions (Adoptée par l’assemblée plénière du 11
mars 2004), 66 p.
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d’ivoire, conseil des droits de l’homme, deuxième cycle de l’examen périodique
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> LAMEYRE (Xavier) et SALAS (Denis), « Prisons, permanence d’un débat [Dossier].
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902, p.5-119.

> MAES (Christian), « quelques aspects de procédure : les âges d’intervention » extrait
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justice juvénile de l’Afrique francophone (séminaire de Ouagadougou du 29 novembre
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l’Agence intergouvemementale de la francophonie (AIE) en collaboration avec
l’institut des droits de l’enfant (IDE) et l’association internationale des Magistrats de
la Famille et de la jeunesse (AIMJF), pp95-106.

> MANUEL (Lambert) et FIERENS (Jacques), « de l’inutilité de la répression de la


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bruxellois de lutte contre la pauvreté, numéro 5, septembre 2014, 24 p.

> Nations Unies, mesures carcérales et mesures non privatives de liberté, le système
pénitentiaire^ (compilation d’outils d’évaluation de la justice pénale) New York, 2008,
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> ONUCI, Actes de la journée de réflexion sur la détention préventive, en collaboration
avec le Ministère de la justice et des droits de l’homme et la section Etat de droit de
l’ONUCI, 28 avril 2009, Unity/ peace Hall, sebroko, 41 p.

> PROULX (Marie-Hélène), « la réinsertion des ex-détenus. Prisonnier de son passé »


(dossier), magazine jobboom, mars2012, disponible sur
www.iobboom.com/carrière/prisonnier-de-son-passe .

361
LEGISLATIONS
IV-

A-NATIONALES

> la loi n° 60-366 du 14 novembre 1960 portant code de procédure pénale.


> Décrets 69-189 du 14 mai 1969 portant réglementation des établissements
pénitentiaires et fixant les modalités d’exécution des peines privatives de liberté,
journal officiel de la république de Côte d’ivoire du 29 mai 1969.
> Circulaire du Ministère de la justice nol8/MJ/DAP du 3 juillet 1969.
> Code pénal ivoirien (loi n® 81-640 du 31 juillet 1981, instituant le code pénal, modifié
par la loi n° 95-522 du 6 juillet 1995.
> L’arrêté n® 2014 du Ministère de la Justice des Droits de l’Homme et des Libertés
Publiques portant organisation de la Direction des Affaires Pénitentiaires (article 5).
> Constitution de la République de Côte d’ivoire de novembre 2016 (loi n® 2016-886
du 8 novembre 2016 portant Constitution de la République de Côte d’ivoire, Journal
officiel n® 16 du 9 novembre 2016).

BJNTERNATIONALES

> Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948.


> protocole additionnel du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés non internationaux.
> Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus (ERM), adopté par l’ONU
en 1955.
> Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté en
janvier 1976.
> Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en mars 1976.
> code de conduite pour les responsables de l’application des lois, adopté en décembre
1979.
> Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981.
> Ensemble des règles minima des nations unies concernant l’administration de la
justice pour mineurs (règles de Beijing), adopté par l’ONU en novembre 1985.
> Ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une
forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, adopté par l’ONU en 1988.

362
> l’ensemble des principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une
forme quelconque de détention ou d’emprisonnement adopté en décembre 1988.
> principes de base pour le recours à la force et l’utilisation des armes à feu, adoptés par
le huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des
délinquants qui s'est tenu à La Havane (Cuba) du 27 août au 7 septembre 1990.
> Les principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus, adopté par l’ONU le 14
décembre 1990.
> Les règles des nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté, adopté
par l’ONU en décembre 1990.
> Règle 28 des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de
liberté, adopté en décembre 1990.
> La Déclaration sur la protection de toutes les personnes contre les disparitions
forcées, adoptée par l'Assemblée générale dans sa résolution 47/133 du 18 décembre
1992.
> la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 dans Droit Pénitentiaire,
recueil de textes, mise à jour le 31/12/2011, édition 2012, art.3 al.l (France).

V-
CONVENTIONS

> la Convention contre la torture et autre peine ou traitement cruel, inhumain ou


dégradant entrée en juin 1987.
> Convention relative aux droits des enfants adoptée le 20 novembre 1989, entrée en
vigueur le 02 septembre 1990.

VI LES RAPPORTS

> GUÉI(François), Rapport des activités en 2004 et 2005 et perspectives, fait le 15


février 2006 à Abidjan, 20 p.
> FIACAT et de l’ACAT Côte d’ivoire. Rapport alternatif en réponse aux rapports
initial et périodiques cumulés du gouvernement ivoirien sur la mise en œuvre de la
charte africaine des droits de l'homme et des peuples, Paris, septembre 2012, 19 p.

363
> KONÉ (Mamadou) (Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de

l’Homme), Communication en Conseil des Ministres sur la situation des maisons


d’arrêt et de correction, fait à Abidjan le 03 mars 2009, 7 p.
> Nations Unies (ONUCI), Rapport sur la situation des établissements pénitentiaires en
Côte d’ivoire juillet 2005-avril 2006, août 2006, 90 p.
> Nations Unies (ONUCI), Rapport sur la situation des établissements pénitentiaires en
Côte d’ivoire juin 2007, 109 p.
> ONG N’GBOADO, rapport diagnostic des établissements pénitentiaires de Grand-
Bassam, d’Abidjan et de Dabou, avril 2012, 22 p.
> RAIMBOURG (Dominique) et HUYGHE (Sébastien), (Assemblée Nationale),
rapport d’information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale (No
652) enregistré à la présidence de l’assemblée nationale le 23 janvier 2013, 199 p.
> SOPCI (soutien aux prisonniers de Côte d’ivoire). Rapports d’activités 2012 à 2014
sur ww'w.sopci.or^.

vu- SOURCE ARCHIVISTIQUE

> Archives nationales de Côte d’ivoire.

INDEX ALPHABETIQUE 239, 247, 255,256, 261, 262, 273, 278,


288, 320, 323, 325, 326, 327, 328

C
A
carcérale... 26, 94, 106, 115, 118, 122, 183,
amendement.... 7, 9, 12, 29, 63, 70, 73, 74, 188, 189, 194, 197, 199, 201,203, 222,
100, 178, 183, 198, 200,219, 220, 223, 243, 250, 251,259, 292, 293, 294, 295,

364
296, 297, 298, 299, 300, 301, 302, 303, 146, 148, 149, 150, 151, 152, 154, 156,
306, 307, 313, 317, 319, 321, 325, 328, 157, 159, 162, 163, 164, 167, 168, 170,
329, 332, 337, 338, 359, 362, 377 173, 176, 177, 178, 185, 278, 323, 324,
civilisation'10^, 23, 66, 70, 92, 95, 100, 103, 326, 368
114, 120, 132, 134, 136, 146, 156, 164, colonisation.. 13, 15, 17, 18, 19, 20, 28, 31,
167, 178 41,48, 57, 61, 62, 63, 66, 70, 72, 74, 75,
code pénal.......4, 5, 6, 29, 41, 86, 126, 141, 78, 79, 82, 87, 88, 91, 94, 95, 97, 99,
150, 165, 167, 168, 180, 200, 279, 282, 100, 103, 104, 108, 109, 110, 112, 118,
303, 320, 326, 360 119, 121, 132, 135, 141, 143, 156, 158,
colonial... 13, 18, 20, 21, 28, 29, 32, 35, 41, 162, 170, 172, 173, 177, 185, 278, 325,
45, 46, 47, 48, 58, 59, 61,62, 64, 66, 70, 346
71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 82, colons. 14, 15, 21, 22, 34, 48, 99, 101, 102,
83, 84, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 94, 95, 141, 150, 156, 159
96, 97, 98, 99, 100, 101, 103, 104, 105, condamnés8, 46, 49, 89, 93, 100, 102, 123,
107, 108, 110, 112, 113, 114, 115, 116, 127, 128, 129, 183, 219, 220, 221, 222,
117, 118, 119, 120, 121, 122, 127, 131, 224, 227, 229, 230, 241, 251, 252, 253,
132, 133, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 254, 255, 256, 260, 261,262, 263, 272,
140, 141, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 273, 274, 284, 287, 299, 300, 301, 302,
151, 152, 154, 156, 157, 159, 160, 161, 303, 375
162, 163, 165, 166, 167, 169, 170, 171, conquête. 16, 17, 18, 20, 22, 28, 31, 34, 36,
172, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 183, 37, 39, 40, 41,42, 45, 46, 47, 48, 49, 54,
247, 278, 289, 297, 301, 324, 325, 344, 55, 56, 57, 58, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66,
345, 346, 347, 348, 353, 354, 358, 359, 71,72, 73,75,76, 77, 79, 107, 110, 115,
368, 369, 370, 372 118, 120, 154, 162, 172, 176, 178,324,
colonie ....12, 13, 14, 15,27,28, 34, 36,37, 347, 348, 356
38, 39, 40, 41,42, 44, 46, 47, 48, 50, 53, correction... 9, 12, 127, 194, 203, 205, 206,
65, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 79, 80, 82, 215, 220, 221, 222, 223, 224, 225, 247,
83, 84, 85, 87, 88, 89, 90, 92, 93, 94, 95, 254, 263, 287, 297, 298, 301, 308, 310,
96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 104, 105, 317, 320, 327,362
107, 108, 109, 110, 112, 113, 114, 115,
D
défense sociale...29, 62, 89, 177, 180, 185,
198, 199, 228, 239, 247, 278, 326
délinquant 7, 9, 12, 25, 29, 62, 63, 70, 159,
177, 178, 183, 194, 196, 198, 220, 223,
116, 117, 118, 119, 122, 124, 127, 129, 225, 228, 247, 249, 261, 262, 273, 278,
131, 137, 139, 141, 149, 150, 152, 156, 288, 291, 300, 302, 303, 323, 326, 329
161, 162, 165, 166, 167, 169, 170, 174, déportation...22, 39, 40, 41, 42, 44, 46, 47,
177, 178, 278, 286, 297, 323, 324, 325, 48, 49, 51, 64, 66, 73, 110, 178, 324,
332, 352, 368, 369 368
colonisateur ..14, 18, 20, 22,27, 28, 32, 36, détention 7, 8, 9, 11, 12, 23, 25, 26, 62, 65,
37, 39, 40, 41,42, 47, 48, 52, 55, 59, 60, 66, 73, 124, 126, 129, 141, 157, 162,
62, 63, 64, 66, 72, 73, 75, 90, 92, 105, 169, 174, 183, 186, 190, 195, 199, 203,
106, 112, 116, 120, 131, 132, 136, 141, 205, 207, 211,212, 214, 215, 216, 217,

365
222, 224, 225, 226, 227, 240, 241, 247, emprisonnement... 4, 5, 6, 8, 12, 22, 24, 32,
250, 251, 252, 253, 254, 255, 256, 257, 37, 39, 40, 42, 49, 56, 61,66, 71,73, 80,
258, 259, 260, 262, 263, 268, 270, 271, 83, 84, 85, 115, 116, 117, 118, 121, 124,
273, 274, 277, 280, 282, 288, 289, 291, 126, 127, 129, 138, 140, 148, 150, 151,
293, 295, 296, 300, 302, 303, 306, 307, 158, 160, 165, 166, 168, 171, 172, 174,
308, 310, 319, 320, 324, 325, 327, 328, 176, 178, 187, 205, 208, 220, 221,222,
330, 349, 361, 363, 368, 372, 375, 376 224, 226, 227, 229, 240, 241, 252, 253,
détenus3, 9, 22, 23, 24, 25, 65, 89, 90, 123, 254, 259, 260, 261, 262, 263, 270, 271,
124, 125, 126, 128, 129, 183, 187, 189, 277, 279, 292, 294, 295, 296, 297, 301,
190, 192, 194, 196, 197, 199, 200, 201, 302, 312, 324, 325, 326, 329, 361, 369,
202, 203, 204, 205, 207, 208, 209, 210, 375
211, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 220, enfermement.. 7, 28, 41, 61, 62, 64, 66, 73,
221,224, 225, 227, 228, 229, 230, 231, 74, 75,90, 97, 110, 116, 117, 118, 120,
232, 233, 234, 235, 236, 237, 238, 239, 122, 164, 168, 176, 178, 197, 219, 221,
241,242,243, 244, 245, 247, 250, 251, 265, 327, 352, 354, 356, 357, 370
252, 253, 255, 256, 258, 259, 260, 261, établissements pénitentiaires ... 7, 9, 29, 89,
262, 263, 264, 265, 266, 269, 270, 271, 99, 127, 177, 180, 184, 187, 189, 191,
272, 273, 274, 275, 276, 277, 288, 291, 192, 194, 195, 199, 200, 201, 202, 203,
292, 293, 295, 298, 299, 300, 301, 303, 204, 205, 206, 209, 212, 214, 215, 217,
306, 307, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, 225,
314, 315, 317, 318, 319, 320, 326, 327, 231, 232, 234, 235, 236, 237, 238, 239,
328, 330, 332, 340, 342, 350, 352, 356, 240, 241, 243, 244, 245, 246, 247, 250,
360,361,375,376 255, 260, 264, 265, 269, 273, 275, 291,
déviances.......................................................3 292, 293, 297, 298, 299, 300, 301, 302,
domination.... 15, 18, 20, 28, 55, 60, 61, 62, 303, 306, 307, 308, 310, 311, 313, 315,
63,64,71,77, 83, 89, 110, 112, 115, 320, 326, 327, 328, 329, 332, 342, 352,
116, 118, 120, 131, 134, 137, 147, 152, 360, 362, 374, 377
156, 157, 170, 173, 176, 177, 178, 289, État2, 4, 5, 7, 13, 17, 23, 39, 55, 82, 84, 94,
290, 323, 325, 326, 344, 352, 356 112, 113, 114,121, 134, 145, 153, 159,
droit pénal.4, 5, 25, 27, 41, 62, 63, 66, 141, 168, 183, 185, 186, 195, 202, 206, 213,
142, 159, 160, 183, 185, 220, 223, 237, 265, 267, 277,278, 279, 280, 281, 282,
258, 264, 268, 304, 319, 323, 326, 349, 283, 284, 285,286, 288, 302, 303, 328,
350, 354, 357, 359 330, 332, 345, 357, 358, 363, 376
droits de l’homme...3, 23, 24, 25, 152, 160,
196, 198, 200, 203, 208, 215, 222, 225, G
235, 237, 244, 249, 251, 253, 256, 259, gardes pénitentiaires 2,8
264, 265, 266, 269, 270, 272, 277, 294,
299, 303, 308, 313, 319, 325, 327, 330, H
349, 354, 359, 360, 361, 362, 363, 376 humanisation.... 25, 26, 211, 212, 218, 255,
327
E
éducation 7, 9, 81, 190, 198, 199, 229, 258,
259, 261,272, 274, 276, 283, 313, 327

366
I p
incarcération.... 8, 24, 73, 75, 83, 116, 118, prévenus8, 9, 127, 183, 195, 221, 222, 241,
122, 124, 186, 196, 225, 226, 227, 229, 252, 253, 254, 262, 263, 293, 299, 301,
230, 240, 258, 288, 290, 295, 301, 303, 302, 375
320, 328 prison... 2, 3, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 22, 23, 24,
indigènes.20, 21, 22, 28,37, 38, 39, 40, 42, 25, 26, 27, 28, 29, 32, 34, 37, 39, 41, 56,
44, 46, 47, 48, 51, 52,54, 55, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 71, 73,
59, 60, 61, 62, 63, 64,65, 66, 67, 71, 72, 74, 75, 77, 78, 79, 83, 84, 85, 87, 89, 93,
73, 74, 80, 82, 83, 84, 88, 89, 90, 94, 94, 95, 97, 101, 102, 103, 105, 106, 110,
103, 105, 110, 114, 115, 116, 120, 122, 112, 114, 115, 116, 118, 119, 120, 121,
131, 132, 134, 135, 136, 137, 139, 140, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129,
141, 143, 144, 145, 149, 150, 151, 152, 143, 146, 147, 151, 152, 161, 162, 166,
154, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 168, 172, 175, 176, 178, 180, 195, 196,
162, 163, 168, 170, 174, 176, 324, 325, 197, 198, 199, 200, 201,205, 208, 209,
346.352.356.368.371 210, 214, 215, 216, 217, 221, 223, 225,
instigateurs........................... 22, 66, 71, 324 228, 229, 230, 232, 233, 236, 237, 238,
institution7, 11, 12, 13, 27, 66, 77, 86, 110, 239, 240, 241,243, 245, 247, 249, 250,
113, 121, 122, 123, 126, 137, 138, 139, 251, 252, 255, 256, 257, 260, 261, 262,
149, 153, 158, 177, 186, 223,233,238, 263, 265, 266, 267, 268, 269, 271, 273,
250, 262, 264, 281,282, 300, 320, 323, 274, 275, 276, 277, 278, 285, 286, 287,
352.370.371 288, 290, 291, 292, 293, 295, 296, 297,
299, 300, 301, 302, 303, 306, 308, 309,
J 310, 312, 313, 316, 317, 319, 321, 323,
justice ...4, 8, 12, 23, 26, 65, 66, 81, 91, 95, 324, 325, 326, 328, 329, 330, 331, 332,
115, 122, 127, 129, 131, 132, 133, 134, 333, 342, 343, 349, 350, 351, 352, 353,
135, 136, 137, 139, 140, 142, 144, 145, 354, 356, 358, 359, 363, 364, 369, 376,
146, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 156, 377
158, 180, 183, 185, 186, 187, 193, 195, prisonniers 8, 12, 24, 25, 26, 61, 62, 73, 79,
197, 200, 201, 205, 213, 215, 217, 220, 83, 87, 88, 89, 90, 94, 97, 98, 100, 101,
231, 233, 238, 244, 253, 257, 258, 264, 102, 103, 106, 115, 120, 122, 123, 124,
294, 295, 296, 298, 300, 303, 308, 315, 125, 128, 129, 201,205,210,211,212,
325, 326, 329, 330, 349, 352, 354, 355, 214, 215, 218,221, 225, 229, 231,235,
356,359,360,361,363, 371,377 239, 244, 247,249, 250, 251, 255, 259,
261, 264, 265,266, 268, 269, 270, 271,
O 272, 276, 277,287, 291, 296, 297, 298,
ordre public ,...5, 7, 8, 9, 28, 32, 63, 66, 82, 300, 301, 306, 308, 309, 312, 313, 314,
88, 110, 112, 113, 114, 115, 117, 120, 315, 317, 319, 325, 327, 328, 330, 331,
121, 122, 123, 136, 146, 147, 149, 150, 338, 342,362,369,370,376
151, 153, 154, 156, 159, 161, 162, 165, procès9, 12, 24, 25, 88, 128, 141, 142, 143,
166, 167, 168, 176, 200, 267, 278, 284, 148, 149, 150, 151, 152, 154, 155, 157,
288, 297, 325, 359 186, 195, 200,224, 241,253, 254, 263,
266, 284, 308, 323, 349
protectorat 21

367
punir.... 3, 4, 5, 6, 9, 62, 90, 115, 122, 141, 120, 121, 123, 133, 139, 147, 153, 158,
149, 150, 151, 152, 153, 180, 185, 194, 168, 171, 177, 180, 183, 194, 195, 196,
197, 223, 237, 250, 268, 329, 349, 350, 197, 198, 200, 218, 221,223, 224, 228,
371 229, 230, 233, 239, 249, 250, 259, 261,
262, 265, 266, 267, 269, 272, 273, 275,
R 276, 295, 300, 301, 303, 311, 312, 319,
réinsertion...7, 9, 12, 63, 90, 100, 123, 177, 320, 323, 326, 328, 337, 345, 354, 357
178, 186, 188, 190, 191, 192, 197, 198, stratégie.. 20, 28, 35, 37, 40, 44, 46, 55, 56,
199, 200, 204, 216, 217, 220, 228, 229, 60, 61, 66, 74, 76, 79, 95, 96, 107, 110,
230, 231,233, 237, 239, 247, 250, 255, 118, 145, 170, 172, 323,324, 325
260, 261,262, 273, 274, 277, 278, 297, sûreté............................................................... 3
300, 319, 320, 323, 325, 326, 327, 350, surveillance......2, 8, 70, 94, 121, 123, 124,
356, 376 125, 126, 128, 165, 171, 187, 192, 197,
résistants.32, 37, 39, 41, 42, 44, 49, 51, 52, 230, 231, 233, 234, 238, 244, 250, 256,
55, 56, 57, 58, 59, 60, 62, 63, 64, 65, 66, 258, 259, 275, 294, 342, 349, 370
71,72, 73,75, 110, 162, 324, 368 système pénitentiaire 4, 7, 9, 23, 26, 27, 29,
72, 88, 100, 115, 119, 127, 151, 160,
S 176, 177, 181, 183, 185, 186, 191,200,
sécurité.... 3, 4, 7, 18, 23, 29, 79, 113, 123, 201, 219, 239, 247, 293, 296, 297, 300,
124, 125, 129, 147, 155, 156, 157, 177, 303, 320, 325, 326, 327, 328, 329, 330,
180, 185, 186, 189, 190, 193, 195, 196, 331,358,359,363
197, 198, 200, 204, 205, 206, 211,231,
T
233, 236, 239, 244, 245, 246, 253,255,
257, 266, 267, 278, 279, 280, 291,297, travail pénitentiaire 9, 89, 274, 348
319, 320,324, 326,353,357
société...2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 15, 23, 25, 26,
U
27, 28, 41, 57, 62, 63, 64, 66, 70, 71, 89, utilité sociale.... 12, 29, 177, 180, 181,204,
90, 93,95,96, 99, 100, 108, 113, 114, 228, 278, 288, 291,323,326

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 1

PREMIÈRE PARTIE : LA PRISON, UN INSTRUMENT IMPÉRIALISTE

AU SERVICE DE LA PUISSANCE COLONISATRICE 30

368
TITRE I : LES MISSIONS D’OPPRESSION SOCIO-ÉCONOMIQUE DE LA
PRISON COLONIALE............................................................................................. 33

CHAPITRE I : LA PRISON, MOYEN DE PACIFICATION DE LA COLONIE

PENDANT LES GUERRES DE CONQUÊTE COLONIALE


35

SECTION I : L’INTERNEMENT DES INSTIGATEURS DE LA


RÉSISTANCE COLONIALE.............................................................. 37

§ I : La déportation des chefs de guerre indigènes, un procédé de restauration


de la paix dans la colonie......................................................................................... 38

A- L’isolement des chefs de guerre dans une autre circonscription ou dans une
colonie différente....................................................................................................... 40

B- La disparition complète des chefs de guerre de la colonie d’origine 45

§ II : L’internement des féticheurs, moyen de lutte contre les attaques


mystiques.................................................................................................................... 51

A- Le procédé d’annihilation des attaques mystiques pendant les guerres de


conquête................................................................................................................. 52

B- Le procédé de fragilisation de la ferveur combative des résistants


indigènes 56

SECTION II : LA PRISON COLONIALE, LIEU DE DISCIPLINE DES


RÉSISTANTS FAROUCHES............................................................................... 60

§ I : L’assujettissement au pouvoir colonial consécutif aux conditions de


détention..................................................................................................................... 61

A- La modification du comportement d’hostilité à l’égard du pouvoir


colonial......................................................................................................... 62

B- La contrainte de se soumettre au pouvoir colonial 65

369
§ Il : L’affirmation de la suprématie du colonisateur 69

A- L’établissement de l’autorité coloniale dans la colonie 70

B- La liberté d’action du pouvoir colonial au sein de la colonie 73

CHAPITRE II : LA PRISON COLONIALE, MOYEN DE DÉVELOPEPMENT

ÉCONOMIQUE PENDANT LA PHASE DE L ’EXPLOITATION


77

SECTION I : L’INCARCÉRATION COLONIALE, UNE STRATÉGIE POUR


LA MISE EN VALEUR DE LA COLONIE DE CÔTE D’IVOIRE.............. 78

§I : La contribution des prisons à l’autofinancement de la colonie 79

A-Le paiement obligatoire de l’impôt sous peine de


1 ’ emprisonnement........................................................ 79

B- Le paiement des amendes, peine complémentaire à


l’emprisonnement.............................................................. 83

§ II : La participation des prisonniers à la construction des infrastructures socio-


économiques...............................................................................................................86

A- La mise en place des édifices administratifs publics 87

B : La construction des infrastructures routières, facteur de développement


économique................................................................................................................. 91

SECTION II : L’ENFERMEMENT, UNE TECHNIQUE


D’ENRICHISSEMENT DE LA PUISSANCE COLONISATRICE 95

§I .La main d’œuvre pénale au service des intérêts coloniaux 95

A-La cession de la main d’œuvre pénale aux entreprises


coloniales.............................................................................. 96

B- La cession de la main d’œuvre aux particuliers 99

370
§11. L’apport de la prison dans l’exploitation des ressources nécessaires à
l’économie métropolitaine....................................................................................... 102

A- Le rôle déterminant de la prison dans l’implantation et l’entretien des


cultures
d’exportation 103

B- Le rôle indispensable de la prison pour l’extraction des ressources


minières.......................................................................................................... 106

CONCLUSION DU TITRE I 109

TITRE II : LA DOMINATION COLONIALE INDUITE PAR LA POLITIQUE


DE DÉCENTRALISATION CARCÉRALE...................................................... 110

CHAPITRE I : L INSTA URA TION DE L ’ ORDRE PUBLIC COLONIAL PAR

LE BIAIS D HNE ORGANISA TION DÉCENTRALISÉE DES INSTITUTIONS

RÉPRESSIVES
112

SECTION I : L’ORGANISATION DU SERVICE DE LA PRISON


COLONIALE 113

§ I : Le rapprochement des lieux d’enfermement de la population


colonisée................................................................................................ 114

A-La Multiplication des lieux d’enfermement, moyen de contrôle de l’espace


colonial...................................................................................................................... 115

B- La proximité de la sanction pénale, moyen de maîtrise de la population


indigène.................................................................................................................. 118

§ II : La planification dans la gestion des prisonniers 121

A- La surveillance des prisonniers par un personnel pénitentiaire 122

371
B-L’ institution d’une commission de surveillance, organe de contrôle des
prisons 125

SECTION II : LA CRÉATION D’UNE DUALITÉ DU SERVICE


JUDICIAIRE COLONIAL, UNE NÉCESSITÉ POUR L’APPLICATION DES

PEINES D’EMPRISONNEMENT....................................................................... 128

§ I : L’institution d’une justice indigène, une justice d’exception pour la mise en


œuvre des sentences pénales................................................................................... 130

A- L’implantation des tribunaux indigènes dans les circonscriptions


rurales......................................................................................................... 131

B- L’implantation des tribunaux indigènes dans les circonscriptions


urbaines..................................................................................................... 134

§ II : L’institution d’une justice de droit français, une justice de droit commun


pour la mise en place d’une politique répressive de
référence 137

A- Les juridictions pénales 138

B-Les juridictions civiles et commerciales 141

CHAPITRE II : LE RECOURS RECURRENT À LA PRISON, UNE EXIGENCE

POUR LE MAINTIEN DE L ^ORDRE PUBLIC

COLONIAL
145

SECTION I : L’INSTITUTION DU RÉGIME DE L’INDIGÉNAT,


DISPOSITIF RÉPRESSIF DE DÉFENSE DE L’ORDRE PUBLIC
COLONIAL 146

§ I : Le régime de l’indigénat, un mode de répression permanent pour le


renforcement de l’autorité
coloniale 147

372
A- L’octroi du droit de punir à tout européen 147

B- L’exécution de punitions
extrajudiciaires...................... 151

§ II : Le régime de l’indigénat, un mode de sanctions


exorbitant........................................................................ 154

A- L’internement et le séquestre 154

B- L’amende collective consécutive à la responsabilité pénale


collective....................................................................................... 157

SECTION II : LA PRISON, DISPOSITIF DE PRÉSERVATION DE L’ORDRE


COLONIAL PENDANT LA PHASE DE LA TRANSFORMATION
COLONIALE 160

§I : Le contrôle des marges urbaines par l’incrimination de certains


comportements spécifiques.................................................................... 160

A- La répression de la mendicité 161

B- La condamnation du vagabondage 164

§ II : La tentative de bris des mouvements d’éveil nationaliste par la détention


des leaders................................................................................................................. 167

A- L’Affaiblissement des mouvements de contestation du pouvoir


colonial..................................................................................................... 167

B- La Soumission des leaders de l’éveil national à l’ordre colonial 170

CONCLUSION DU TITRE II 174

CONCLUSION PREMIÈRE PARTIE 176

373
DEUXIEME PARTIE : LA PRISON, UN OUTIL D’UTILITÉ SOCIALE

DANS LA POLITIQUE CONTEMPORAINE DE LA CÔTE

D’IVOIRE

TITRE I : L’EXÉCUTION APPARENTE DES MISSIONS D’UTILITÉ


SOCIALE PAR LA MISE EN PLACE D’UN SYSTÈME PÉNITENTIAIRE
IVOIRIEN 180

CHAPITRE 1 : LA CENTRALISA TION DU SYSTÈME PÉNITENTIAIRE, UNE

CONSÉQUENCE DE LA POLITIQUE SÉCURITAIRE DE L ’ÉTA T

IVOIRIEN.
183

SECTION I : L’INSTITITUTION D’UN ORGANE CENTRAL DE GESTION


DU SYSTÈME PÉNITENTIAIRE : LA DIRECTION DES AFFAIRES
PÉNITENTIAIRES 184

§I : Les structures de la Direction des Affaires pénitentiaires 185

A- Les différentes sous-directions de la Direction des Affaires


Pénitentiaires 186

B- Les délégations régionales de la Direction des Affaires


Pénitentiaires........................................................................... 189

§II : Les missions de la Direction des Affaires Pénitentiaires 192

A- La mission sécuritaire 192

B -La mission sociale 195

SECTION II : LES DÉFAILLANCES DE LA DIRECTION DES AFFAIRES


PÉNITENTIAIRES, UNE RÉSULTANTE DE L’APPORT DES
STRUCTURES EXTERNES 198

374
§I : Les moyens d’actions inefficaces consécutives à la complexité des
missions................................................................................................................. 199

A-Les moyens financiers et humains insuffisants 199

B-L’ inadaptation des moyens matériels 202

§II : L’apport des structures ou organismes externes, une compensation aux


limites de la Direction des Affaires pénitentiaires.......................................... 205

A-L’apport spirituel des organismes confessionnels 206

B-L’appui matériel des organismes internationaux et humanitaires 210

CHAPITRE 11 : L ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE, DISPOSITIF

SÉCURIA TIRE ESSENTIEL DU SYSTÈME

PÉNITENTIAIRE......................................................................................................................................................................................
217

SECTION I : LA RÉGLEMENTATION MINITIEUSE DES


ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES................................. 217

§I : Les différents types d’établissement pénitentiaires 218

A-Les maisons d’arrêt 219

B-Les maisons de correction et le camp pénal 221

§II : Les modalités d’admission et de sortie dans les établissements


pénitentiaires............................................................................................ 223

A-Les exigences légales d’admission dans les établissements


pénitentiaires................................................................................. 223

B-Les formalités légales de sortie dans les établissements


pénitentiaires........................................................................... 226

375
SECTION II : LE FONCTIONNEMENT DE L’ÉTABLISSEMENT
PÉNITENTIAIRE...................................................................................... 229

§I : Le personnel pénitentiaire 229

A-Le régisseur 230

B-Les agents d’encadrement et les contrôleurs des établissements


pénitentiaires......................................................................................... 232

C-Le personnel spécialisé dans des domaines techniques 235

§II :Les activités du personnel pénitentiaire 237

A-La tenue de l’écrou 238

B-La tenue des dossiers individuels et les comptes rendus


divers........................................................................................ 240

C-L ‘instauration et le respect du règlement intérieur 242

CONCLUSION DU TITRE I 245

TITRE II : LES ENTRAVES À LA RÉALISATION INTÉGRALE DES


MISSONS D’UTILITÉ SOCIALE AU DÉTRIMENT DE L’INSTAURATION
D’UN CADRE ÉTHIQUE CARCÉRALE 246

CHAPITRE I : LA RESOCIALISA TION THÉORIQUE DES PRISONNIERS PAR

L LNSTA URA TION D'UN CADRE ÉTHIQUE CARCÉRAL.............................................. 248

SECTION I : LES DIFFÉRENTS RÉGIMES ET PRINCIPES LÉGAUX DE


DÉTENTION 249

§I-Les régimes de détention spécifique à chaque catégorie de


détenu............................................................................................. 249

376
A-Le régime de détention des prévenus et des condamnés à l’emprisonnement
de simple police..................................................................................................... 250

B-Le régime de détention des condamnés pour crime et délits 252

C-Le régime de détention des mineurs 255

§11- Les principes légaux de détention 257

A-Le principe de l’emprisonnement collectif. 258

B-Le principe de la séparation des détenus 260

C-Le principe de la non-discrimination des détenus 262

SECTION II : LA RECONNAISSANCE DES DROITS SPÉCIFIQUES AUX


PRISONNIERS, GAGE DE LA GESTION HUMANITAIRE DE LA PRISON
.................................................................................................................................... 264

§I : Les droits relatifs à la protection sanitaire des prisonniers 265

A-Le droit à l’intégrité physique et morale 265

B-Le droit à des conditions de détention saines 268

§II : Les droits relatifs à la restauration du lien social des détenus 270

A- Le droit à une formation professionnelle 271

B-Le droit d’être en contact avec le monde extérieur 274

CHAPITRE II : LES ENTRA VES Â LA MISSION DE RESOCIALISA TION DE

LA PRISON, DES CONSÉQUENCES DE L INEXÉCUTION TOTALE DES

MISSIONS D ^UTILITÉ SOCIALE................................................................................................................................................ 276

SECTION I : LES ENTRAVES D’ORDRE POLITIQUE 277

377

L
§I : La prison, instrument de consolidation du pouvoir
politique.............................................................................. 111

A- La répression de l’atteinte à la sûreté de l’État 278

B-La répression de l’attentat ou complot contre l’autorité de l’État 281

§II-La prison, moyen de sécurisation du de l’hégémonie du pouvoir


politique...................................................................................................... 284

A-La neutralisation des opposants politiques 285

B-L’instauration d’un pouvoir sans partage 288

SECTION n : LES ENTRAVES D’ORDRE SPÉCIFIQUE AU


FONCTONNEMENT DE LA PRISON.......................................... 291

§I : La surpopulation endémique de la prison, entrave à la mission de


resocialisation............................................................................................... 292

A- Les causes de la surpopulation carcérale 293

1—Les causes relatives au fonctionnement de la justice 293

2-Les causes relatives aux infrastructures carcérales 296

B- Les solutions envisageables pour remédier au phénomène de la


surpopulation carcérale......................................................................... 299

1-Les solutions relatives au fonctionnement de la justice 300

2-Les solutions relatives aux établissements pénitentiaires 302

§II : L’état sanitaire exécrable des établissements pénitentiaires, un vecteur de


maladies et de mortalité..........................................................................................305

A-L ’état hygiénique lamentable des établissements pénitentiaires 305

378
1-Les dérives hygiéniques consécutives à la promiscuité carcérale 306

2- L'insuffisance et le délabrement des infrastructures hygiéniques 308

B-L’ appui sanitaire déficitaire 311

l-Le déficit de soins et des infrastructures de santé 311

2-L 'existence de certaines maladies récurrentes consécutives à l'inefficacité des


soins et à la malnutrition........................................................................................ 314

CONCLUSION DU TITRE II 318

CONCLUSION PARTIE II 319

CONCLUSION GÉNÉRALE 321

ANNEXES, 331

BIBLIOGRAPHIE 344

INDEX ALPHABÉTIQUE 365

TABLE DES MATIÈRES 369

379
1

RÉSUMÉ

La prison, dispositif de sécurité sociale de nos jours, est une institution qui date de l’époque
coloniale. Elle a été l’un des piliers de l’implantation de la domination coloniale. À cet
égard, elle a rempli des missions coercitives et économiques. Le colonisateur l’a donc utilisé
pour instaurer un ordre public colonial tout en exploitant les ressources naturelles de la
colonie par le biais de la main d’œuvre pénale. La Côte d’ivoire indépendante, les nouvelles
autorités par un nouveau texte de loi carcérale (décret du 14 mai 1969), vont lui assigner une
mission d’utilité sociale notamment la sanction, l’amendement et la resocialisation du
délinquant. Pour y arriver, il y aura l’institution d’un organe central de gestion du système
pénitentiaire : la direction des affaires pénitentiaires. Eu égard à la complexité de sa tâche, la
DAP sera aidée dans sa tâche par des structures externes. Cependant, force est de constater
que la prison serait seulement limitée à l’aspect sécuritaire (sanction). L’aspect social
(amendement et resocialisation) ferait défaut à cause de certains facteurs politiques et
spécifiques au fonctionnement carcéral (surpopulation chronique, état sanitaire exécrable).

MOTS CLÉS

prison-colonisation-domination-indigène-Pénitentiaire-régisseur-sécurité-détention-
amendement-resocialisation.

SUMMARY

The prison, social security System today, is an institution which dates from colonial times. It
was one of the pillars of the establishment of colonial rule. In this regard, it filled coercive and
économie missions, leaving aside the amendment and resocialization of the offender. The
colonizer has therefore used to establish a colonial public order while exploiting the natural
resources of the colony through the hands of criminal work. Côte d'ivoire independent, the
new authorities with a new text of prison law (Decree of 14 May 1969), will assign a social
utility work including sanction, the reformation and social réhabilitation of the offender. To
get there, there will be the establishment of a central processing unit of the prison System: the
Prison Affairs. Given the complexity of its task, the Prison Affairs will be assisted in his task
by extemal structures. However, it is clear that prison would be only limited to the security
aspect (sanction). The social aspect (amendment and re-socialization) lacking because of
some policies and spécifie factors prison operation (chronic overcrowding, abysmal health
status).

KEY WORDS

Penitentiary-colonization-domination-indigenous-jail-manager-security-detention-
amendment-resocialisation.
RÉSUMÉ

La prison, dispositif de sécurité sociale de nos jours, est une institution qui date de l’époque
coloniale. Elle a été l’un des piliers de l’implantation de la domination coloniale. À cet
égard, elle a rempli des missions coercitives et économiques. Le colonisateur l’a donc utilisé
pour instaurer un ordre public colonial tout en exploitant les ressources naturelles de la
colonie par le biais de la main d’œuvre pénale. La Côte d’ivoire indépendante, les nouvelles
autorités par un nouveau texte de loi carcérale (décret du 14 mai 1969), vont lui assigner une
mission d’utilité sociale notamment la sanction, l’amendement et la resocialisation du
délinquant. Pour y arriver, il y aura l’institution d’un organe central de gestion du système
pénitentiaire : la direction des affaires pénitentiaires. Eu égard à la complexité de sa tâche, la
DAP sera aidée dans sa tâche par des structures externes. Cependant, force est de constater
que la prison serait seulement limitée à l’aspect sécuritaire (sanction). L’aspect social
(amendement et resocialisation) ferait défaut à cause de certains facteurs politiques et
spécifiques au fonctionnement carcéral (surpopulation chronique, état sanitaire exécrable).

MOTS CLÉS

prison-colonisation-domination-indigène-Pénitentiaire-régisseur-sécurité-détention-
amendement-resocialisation.

SUMMARY
A
The prison, social security System today, is an institution which dates from colonial times. It
was one of the pillars of the establishment of colonial rule. In this regard, it filled coercive and
économie missions, leaving aside the amendment and resocialization of the offender. The
colonizer has therefore used to establish a colonial public order while exploiting the natural
resources of the colony through the hands of criminal work. Côte d'ivoire independent, the
new authorities with a new text of prison law (Decree of 14 May 1969), will assign a social
utility work including sanction, the reformation and social réhabilitation of the offender. To
get there, there will be the establishment of a central processing unit of the prison System: the
Prison Affairs. Given the complexity of its task, the Prison Affairs will be assisted in his task
by external structures. However, it is clear that prison would be only limited to the security
aspect (sanction). The social aspect (amendment and re-socialization) lacking because of
some policies and spécifie factors prison operation (chronic overcrowding, abysmal health
ï
status).

KEY WORDS

Penitentiary-colonization-domination-indigenous-jail-manager-security-detention-
amendment-resocialisation.
I

4 \

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