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Procédés texte 16

I- Le Destin et la Bouvillon échangent lors d'un dialogue burlesque (premier paragraphe)

Dans le dialogue de cette première partie, Scarron utilise une forme assez théâtralisée. La
Bouvillon (dont l'onomastique renvoie à l'obésité, au caractère animal et masculin) fait mine d'avoir
de la pudeur alors que Destin, lui, fait mine d'avoir du respect pour les convenances pour échapper à
la femme.
- « voyez un peu cette étourdie » le présentatif « voyez » donne un aspect théâtral à l'action, la
Bouvillon fait semblant avec une hypocrisie ridicule d'être dans une situation accidentelle.
- Les personnages vont à chaque fois faire l'un l'action contraire de l'autre, ce qui crée un effet assez
commun de la comédie. L'anaphore « je ne dis pas cela » de la Bouvillon se retrouve d'ailleurs chez
Molière dans le Misanthrope. Le roman comique est un roman qui met en scène des comédiens,
donc on peut voir une sorte de mise en abyme dans ce début.
- La Bouvillon utilise un euphémisme l.2 à 4 dans une structure logique « vous savez bien que […]
ce que l'on voudra » pour faire comme si leur rencontre sexuelle n'était pas désirée et qu'elle allait
être supposée par les autres, alors que c'est elle qui bloque la porte. Cet effet de fausse pudeur va
caractériser d'abord le personnage. Destin essaie de s'en préserver en rappelant les convenances
avec fausseté lui aussi, mais pour se protéger : la périphrase « des personnes qui vous ressemblent »
ou l'antithèse « un pauvre comédien et une femme de votre condition ». Il y a un double sens « le
peu de proportion » d'une « femme de condition » peut vouloir dire qu'elle est importante mais aussi
qu'elle est corpulente. Ce dialogue de roman est vif et retourne les attendus d'une scène de séduction
par le héros masculin, qui est ici en position de faiblesse.
- l'absurdité culmine à la fin de la partie où la Bouvillon utilise encore un raisonnement absurde, qui
se voit grâce aux outils « car » qui pose la conséquence, « peut-être » qui pose une hypothèse et la
structure « il vaut mieux que » qui va poser une décision. L'anaphore de « fermer » qui est dérivé en
adjectif montre l'obsession de la femme pour cette porte à bloquer.

II- Le Destin doit « combattre » la femme dans une parodie de scène d'action assez fripponne
(deuxième paragraphe)

On a affaire dans cette deuxième partie à une parodie de combat où le héros masculin va se
ridiculiser, le ton est burlesque.
- Le personnage de la Bouvillon apparaît de manière très dégoûtante « gros visage fort enflammé »,
« petits yeux fort étincelants », comme une sorte d'ogresse que le désir rend complètement
incontrôlable. L'appétit sexuel qu'elle a pour le héros est qualifié par la voix ironique du narrateur
de « bataille », et Scarron laisse un sous-entendu graveleux avec complaisance « lui donna bien à
penser de quelle façon il se tirerait à son honneur ». Le mot « honneur » ramène une noblesse
décalée dans la situation vulgaire, tout le principe du texte est là.
- la périphrase « la grosse sensuelle » vient encore une fois appuyer sur le physique de la Bouvillon
qui va être traitée comme une sorte de monstre dans le passage. La litote « qui n'y prenait pas grand
plaisir » montre encore le fait que le narrateur s'implique dans le texte pour narrer une situation
décalée. La donnée chiffrée hyperbolique « dix livres de tétons » est complétée ensuite par la
précision « c’est-à-dire la troisième partie de son sein, le reste étant distribué à poids égal sous ses
deux aisselles ». Cela donne un côté presque scientifique à la description qui déshumanise le
personnage et renforce le comique.
- l.17 à 20, le narrateur continue de moquer les personnages à la lutte l'un avec l'autre en insistant à
plusieurs reprises sur leur même rougeur, mais pour des raisons antithétiques. La voix du narrateur
continue ses interventions « elles rougissent aussi les dévergondées », « je vous laisse à penser de
quoi », ce qui renforce beaucoup le côté coquin. Scarron se met en position de conteur pour nous
faire voir la scène. L'idée est toujours de moquer à la fois son personnage et celle qui veut l'agresser,
une grosse bourgeoise de province moquée pour cette raison.
- l.20 à 23. On arrive au moment concret de ce qui constitue, dans cette parodie, le combat à
proprement parler, lorsque la Bouvillon demande au Destin de prétendument chercher un insecte
dans son corsage. Le mot « harnais » a un double-sens, il rapproche la Bouvillon d'une bête de trait.
On insistera finalement à la fin du texte sur son « dos suant », détail physique particulièrement
repoussant. Scarron se moque de son héros grâce à la périphrase « le pauvre garçon » et en
spécifiant qu'il tremble, ce qui n'est pas du tout le comportement d'un héros en train de lutter.
Comme avec la porte ou la petite bête, la Bouvillon utilise des excuses absurdes et hors de propos
pour attoucher le personnage puisqu'il est insensé ici qu'elle cherche à savoir s'il est chatouilleux.
Scarron montre grâce à cette scène la forme d'hypocrisie, de comédie sociale que l'on est censé
montrer lorsqu'on désire un rapprochement physique.
- « il fallait combattre ou se rendre ». L'antithèse déclenche le dernier morceau du texte, où la
tentative de Destin d'accomplir une action va se solder en un gag très burlesque. Il tente l.27 un
mouvement qualifié par Scarron grâce à l'adverbe « adroitement », qui devrait normalement tourner
en une cabriole élégante pour se sauver de la situation pénible. Mais il trébuche contre un objet que
le narrateur n'identifie pas, ce qui crée une forme de surprise et de réalisme, comme si la scène était
complètement hasardeuse et imprévisible et finit par s'assommer dans un banc, comble du ridicule
pour le jeune héros masculin.

Cette scène sert donc à Scarron à parodier les romans d'aventures, à la fois en se moquant des
exploits attendus du jeune héros et en traitant le thème de la séduction et de la sexualité de manière
à la fois voilée et complaisante, grivoise.

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